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SOCIOLOGIE DU DROIT :
Pratiques judiciaires congolaises

Charles ODIKO LOKANGAKA


Professeur Associé
En collaboration :
Pierre LOPAKA LOKANGAKA

Assistant et Doctorant de l’UNIKIN ;


Blaise-Jovani KEDIANGOLO AYOKA

Assistant et Apprenant au 3ème cycle ;


William NGOYA PENEKASENDE

Assistant et Apprenant au 3ème cycle ;


Emmanuel-Jules OLONGO
2

SOCIOLOGIE DU DROIT :
Pratiques judiciaires congolaises

Charles ODIKO LOKANGAKA


Professeur Associé

En collaboration :
Pierre LOPAKA LOKANGAKA
Assistant et Doctorant ;
Blaise-Jovani KEDIANGOLO AYOKA
Assistant et Apprenant au Troisième cycle ;
William NGOYA PENEKASENDE
Assistant et Apprenant au Troisième cycle ;
Emmanuel-Jules OLONGO.
3

PROLOGUE

Une discipline se forge au fil du temps. Son histoire est bien plus complexe qu'une
simple évolution d'idées et de théories. Elle englobe des techniques et des méthodes de
recherche, des modalités de construction de son objet propre d'étude, des espaces
d'apprentissage, de transmission et de pratique, ainsi que des individus impliqués au
sein de réseaux de collaboration, d'échange et d'évaluation.

I. LE BIEN FONDÉ DE L’ENSEIGNEMENT À LA FACULTÉ DE DROIT


L'étude de la sociologie du droit à l'université s'avère être une démarche intellectuelle
enrichissante, permettant aux étudiants de comprendre les liens profonds entre le
système juridique et les dynamiques sociales qui façonnent notre société. En plongeant
dans les méandres des interactions entre le droit et la vie quotidienne, les étudiants sont
amenés à questionner les fondements de la justice, à analyser les inégalités et à
envisager des solutions novatrices pour une meilleure compréhension des enjeux
juridiques contemporains. La sociologie du droit offre ainsi aux étudiants un regard
critique et éclairé sur le rôle essentiel que joue le droit dans la régulation des rapports
sociaux, les incitant à développer une conscience citoyenne aiguisée et à s'engager
activement dans la construction d'une société plus juste et équitable.

L'enseignement de la sociologie du droit à l'université vise à former des citoyens et des


professionnels capables de comprendre, d'analyser et de critiquer les interactions entre
le droit et la société, et de contribuer à la construction d'un ordre juridique plus
démocratique, plus équitable et plus respectueux des droits fondamentaux de tous les
individus.

L'objectif de l'enseignement de la sociologie du droit à l'université est multiple et vise


à former les étudiants à comprendre et à analyser les interactions complexes entre le
droit et la société. Voici quelques objectifs principaux de cet enseignement :

1. Comprendre les fondements sociologiques du droit :


L'enseignement de la sociologie du droit permet aux étudiants de comprendre les
liens entre le droit, les normes sociales, les valeurs culturelles et les structures
institutionnelles au sein d'une société donnée. Il s'agit d'analyser comment le
droit est influencé par les dynamiques sociales, politiques, économiques et
culturelles, et comment il contribue à structurer les relations sociales et les
rapports de pouvoir.
4

2. Analyser les enjeux de justice et d'égalité : La sociologie du droit


permet d'analyser les mécanismes de production, d'application et d'interprétation
du droit, ainsi que les effets de celui-ci sur les individus, les groupes sociaux et
les institutions. En étudiant les inégalités, les discriminations, les conflits et les
luttes sociales, les étudiants sont amenés à réfléchir sur les enjeux de justice,
d'égalité et de droits fondamentaux au sein d'une société démocratique.
3. Comprendre les transformations du droit et de la société :
L'enseignement de la sociologie du droit permet d'analyser les évolutions du droit
et des normes juridiques en réponse aux changements sociaux, politiques,
économiques et technologiques. Les étudiants sont amenés à réfléchir sur défis
contemporains tels que la mondialisation, la numérisation, les migrations, les
crises environnementales, etc., et à analyser comment le droit s'adapte à ces
transformations.
4. Développer une approche critique du droit : En étudiant la
sociologie du droit, les étudiants sont encouragés à adopter une approche critique
vis-à-vis des normes juridiques, des institutions judiciaires et des pratiques
juridiques. Il s'agit de questionner les fondements du droit, les rapports de
pouvoir qui le sous-tendent, les biais et les limites de la justice, et de réfléchir à
des alternatives et des réformes possibles pour un système juridique plus juste et
plus équitable.

II. GENÈSE DU COURS


L’adage « Ubi societas, ibi jus », qui se traduit par « il n’y a pas de société sans droit »,
signifie que les groupes sociaux sécrètent nécessairement des normes juridiques. Le
point de départ : le droit est omniprésent dans la société
Depuis plusieurs décennies, plus aucun domaine de la vie n’est épargné de l’application
du droit. Cette science a étendu ses toiles sur tous les aspects de vie quotidienne et est
utilisée pour instaurer l’ordre. « Rien de ce qui est humain n’est a priori étranger au
droit. Il n’est point d’activité sociale qui ne ressortisse plus ou moins directement d’un
cadre juridique ». L’homme ne vit pas seul sur une île déserte : il est en relation avec
d’autres individus, il vit au sein d’une société. Aussi, des règles de jeu et un arbitre sont
par exemple nécessaires au bon déroulement d’un match de football. Il en est de même
pour la vie en société : il s’agit d’éviter ou de régler les conflits. La règle de droit limite
la liberté de chacun pour ne pas nuire aux autres. Mais le droit n’est pas seulement
5

contraignant, il permet aux individus de vivre dans un cadre sécurisé et permet d’éviter
« la loi du plus fort ».

L’organisation de toutes les sociétés repose principalement sur le droit. C’est en effet
grâce au droit que les générations passées et actuelles sont arrivées à définir le mode de
fonctionnement de chacune des entités qui constituent la société. En politique par
exemple, l’organisation des chefs de pouvoir ainsi que la définition des règles qui
doivent définir leur conduite sont basées sur le droit. Il en est de même pour les limites
que chaque responsable politico-administratif n’a pas l’autorisation de franchir. Dans
le même sens, Jean Carbonnier opine : « le droit n'existant que par la société, on peut
admettre que tous les phénomènes juridiques sont les phonèmes sociaux. Mais l'inverse
n'est pas vrai : tous les phénomènes sociaux ne sont pas des phénomènes juridiques. Il
existe un social non juridique »1. En effet, la meilleure approche, pour comprendre le
phénomène droit consiste à le replacer dans une perspective sociologique et
anthropologique, c'est-à-dire en replaçant l'homme dans la société. L'homme est un être
essentiellement social mais la société est productrice de frictions, de conflits,
d'affrontements et de contradictions qui nécessitent impérativement la mise en place
des mécanismes de contrôle et de régulation. J. Vanderlinden opine : « le droit avec le
contrôle social d'actes ressentis comme susceptibles de mettre en péril la vie du groupe
»2
La sociologie du droit a été explicitement évoqué sous intitulée « sociologie du Droit
pour la 1ère fois en 1913 par le juriste « UGEN RIEHRLICH » : celui-ci le justifie a
partir : « le centre de gravité du développement du droit à notre époque ne réside
ni dans la législation, ni dans la science juridique ou dans la jurisprudence mais
dans la société elle-même ». La sociologie du droit concerne l’étude des phénomènes
sociaux ayant un lien avec le droit ou l’étude des interrelations entre le Droit et la
société. Ce qui implique à la fois l’étude des manifestations du juridique et de ces
influences sur la société et l’étude des activités qui se développent dans la société et de
leurs influences sur le juridique.

De son raisonnement découle l’avènement des concepts : « droit vivant » ou "droit


vécu" qui fait référence à la manière dont le droit est perçu, interprété et appliqué dans
la réalité sociale, en dehors des textes juridiques formels. Mettant en lumière la

1
J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Paris, puf, 1978.p.13.
2
Idem, P.20.
6

dimension sociale et pratique du droit, en mettant l'accent sur la manière dont les
individus, les groupes et les institutions s'approprient et utilisent le droit dans leur vie
quotidienne d’une part ; et le « droit positif » ‘’ droit en vigueur ‘’ ou droit prévu qui
désigne l'ensemble des règles de droit effectivement en vigueur dans un système
juridique donné, telles qu'elles sont énoncées dans les lois, les codes, les conventions et
les décisions judiciaires. Le droit positif est contraignant et s'impose à tous les acteurs
juridiques, qu'ils soient citoyens, entreprises ou autorités publiques.

Le droit positif est censé refléter les normes et les valeurs de la société à un moment
donné, mais il peut parfois être en décalage avec les pratiques sociales réelles, les
attentes des citoyens ou les évolutions de la société. C'est là que le concept de droit
vivant intervient, en soulignant que le droit ne se limite pas aux textes juridiques
formels, mais qu'il est également façonné par les interactions sociales, les usages
locaux, les traditions et les normes non écrites.

Ainsi, l'étude du droit vivant permet de compléter et de nuancer l'analyse du droit positif
en prenant en compte les réalités sociales et les perceptions des acteurs concernés. Cette
approche sociologique du droit met en lumière les tensions, les contradictions et les
adaptations qui peuvent exister entre le droit tel qu'il est énoncé dans les textes et le
droit tel qu'il est vécu et pratiqué au quotidien.

En définitive, la prise en compte du droit vivant aux côtés du droit positif permet d'avoir
une vision plus complète et contextualisée du fonctionnement du système juridique, en
mettant en lumière la dimension sociale, culturelle et humaine du droit.

Cet enseignement est né dans les soucis de comprendre la société ; et cette


compréhension germe plusieurs interrogations :

III. LA SOCIOLOGIE, QU’EST-CE ?


La sociologie émerge d'un contexte de bouleversements majeurs 3 , marqué par la
transition vers une société nouvelle au croisement de trois révolutions majeures : la
révolution politique avec la Révolution française, la révolution économique avec la
révolution industrielle, et la révolution intellectuelle caractérisée par le triomphe du
rationalisme, de la science et du positivisme.

3
Xavier Molénat, la sociologie : histoires, idées, courants, éditions de sciences humaines, 2009, p.7.
7

La sociologie, en tant que fille de la modernité, est née de la volonté de comprendre la


société, les phénomènes sociaux et d'agir sur eux4. Au fil du temps, elle s'est développée
en réponse aux évolutions sociales, politiques et culturelles de son époque. En se
penchant sur les réalités sociales et en cherchant à les expliquer, la sociologie reflète
plus que toute autre discipline les valeurs, les préoccupations, les relations sociales, les
enjeux économiques et politiques de la société dans laquelle elle évolue.

Les sociétés humaines doivent se comprendre comme des organismes vivants, comme
des réalités collectives complexes et non comme de simples juxtapositions d’individus5.
Max Weber, dans sa définition de la sociologie, la présente comme une science visant
à interpréter l'activité sociale pour en expliquer les causes et les conséquences6. Cette
approche met en lumière la nécessité de comprendre les motivations, les croyances et
les comportements des individus au sein de leur contexte social.
Émile Durkheim, de son côté, établit le domaine de la sociologie en mettant en avant le
concept de fait social, caractérisé par son pouvoir de coercition externe sur les individus.
Ce pouvoir se manifeste par des sanctions spécifiques ou par la résistance opposée à
toute tentative individuelle de le contourner7.

De l’expression de Auguste Comte, la sociologie est une « science positive des faits
sociaux »8, parmi lesquels se trouvent des institutions, des « croyances et modes de
conduite institués par la collectivité», des représentations et des comportements
humains, si bien que la sociologie est encore la « science des institutions, de leur genèse
et de leur fonctionnement ».

4
Xavier Molénat, la sociologie : histoires, idées, courants, opcit, p.33.
5
A. ESPINAS, Des sociétés animales, 2e éd., Germer Baillère, 1878. Cité par P. ROSANVALLON, « La Démocratie :
esquisse d’une théorie générale – Cours au Collège de France», L’Éloge du savoir, France culture, 11 avr. 2013. « les
sociétés humaines doivent se comprendre comme des organismes vivants, comme des réalités collectives complexes
et non comme de simples juxtapositions d’individus ». inédit.

6
M. WEBER, Économie et société, t. I, Plon, 1971, p. 23. Pour sa part Max Weber, l’un des sociologues les plus
célèbres de l’histoire avait défini la sociologie en tant que « science qui se propose de comprendre par interprétation
l’activité sociale, et par là d’expliquer causalement son déroulement et ses effets ».

7
É. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 2e éd. 1937, Puf, coll. Bibliothèque de philosophie
contemporaine, 1973, p. 11. Durkheim ajoutait qu’ « est fait social toute manière de faire ou de penser, fixée ou
non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure ; ou bien encore qui est générale dans l’étendue
d’une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses manifestations individuelles » .
8
A. COMTE, Cours de philosophie positive, t. I, Bachelier, 1830. Cité par G. GURVITCH, Éléments de sociologie
juridique, Aubier, 1940, p. 10.
8

En effet, les sciences sociales ont pour objet l’étude du social humain et les interactions
entre les groupes et les individus ; la sociologie comme l’une des principales disciplines
des sciences sociales, a pour objectif de rechercher des explications et des
compréhensions sociales à des phénomènes observables. Les relations et les
interactions sociales produisent des Pratiques et actions sociales, c’est-à-dire une action
des individus tenant compte des comportements des autres.

IV. LE DROIT, QU’EST-CE ?


Une règle de droit n’est pas vraie ou fausse. Elle peut en revanche être bonne ou
mauvaise (selon qu’elle règle bien ou mal les actions visées), ou encore juste ou injuste
(selon qu’elle distribue ou non à chacun des parts équitables). Jus est ars boni et aequi :
le droit est l’art du bon et de l’équitable, énonce le Digeste, recueil de textes écrits par
les plus grands juristes des premiers siècles de notre ère et compilés sous Justinien
(vie siècle).
Le droit est un mot polysémique qui s'entend, parfois, en plusieurs sens, dans la mesure
où il s'écrit tantôt au singulier tantôt au pluriel.

Le droit est un moyen de régulation des relations sociales, constitué par l'ensemble de
normes dont l'application ou la violation entraîne des sanctions, récompenses ou
punitions organisées.

Le droit est également défini comme « l'ensemble des règles qui régissent la conduite
de l'Homme en société, les rapports sociaux », ou de façon plus complète « l'ensemble
des règles imposées aux membres d'une société pour que leurs rapports sociaux
échappent à l'arbitraire et à la violence des individus et soient conformes à l'éthique
dominante ».

Ces règles, appelées règles de droit sont impersonnelles, abstraites, obligatoires et


indiquent ce qui « doit être fait ». Ces règles juridiques peuvent trouver leur source dans
une source normative « supérieure », extérieure, transcendante, comme le droit naturel,
ou découler de normes intrinsèques, issues de la morale et de la raison. Dans ce second
cas, les règles sont issues d'usages constatés et acceptés (droit coutumier) ou sont
édictées et consacrées par l'autorité vue comme légitime (en général, l'État) chargée de
régir l'organisation et le déroulement des relations sociales (droit écrit).

D'après Ehrlich, les théories juridiques anciennes, qui considèrent le droit comme une
somme de statuts et de jugements, donnent une transcription insatisfaisante de la réalité
9

juridique d'une communauté. Il opère quant à lui une distinction entre les normes de la
décision et les normes sociales ou les normes du comportement. Ces dernières régissent
réellement la vie dans une société et peuvent être considérés dans la conscience
populaire, sinon par les juristes, comme des lois véritables.

V. À QUOI NOUS SERT LE DROIT ? Usages, fonctions, finalités

F. Ost met en lumière la diversité des usages, des fonctions et des finalités du droit dans
la société contemporaine, en soulignant son importance en tant que pilier fondamental
de l'organisation sociale et de la vie en communauté.

Le droit ne se limite pas à être un ensemble de règles et de normes juridiques, mais il


remplit également des fonctions essentielles qui contribuent à structurer les relations
sociales, à garantir l'ordre public, à protéger les droits individuels et collectifs, et à
promouvoir la justice et l'équité.

Tout d'abord, le droit est un outil de régulation sociale qui permet de définir les normes
de comportement acceptables au sein d'une société donnée. En établissant des règles
juridiques et des mécanismes de sanction en cas de non-respect, le droit contribue à
maintenir l'ordre et la stabilité sociale.

Ensuite, le droit joue un rôle crucial dans la protection des droits et des libertés des
individus. Il garantit l'accès à la justice, assure la défense des droits fondamentaux, et
offre des recours juridiques en cas d'injustice ou de violation des droits.

Par ailleurs, le droit est un instrument de résolution des conflits et de pacification des
relations sociales. En offrant des mécanismes de règlement des litiges et de médiation,
le droit permet de prévenir les tensions et les confrontations, et favorise la résolution
pacifique des différends.

Enfin, le droit vise également à promouvoir la justice sociale et l'égalité devant la loi.
Il lutte contre les discriminations, les injustices et les inégalités, et cherche à instaurer
un ordre juridique juste et équitable pour tous les membres de la société.

a. Le Droit comme régulateur de la vie sociale


Le droit agit comme un régulateur essentiel de la vie sociale en établissant des normes,
en protégeant les droits individuels, en régulant les interactions sociales et en
promouvant le bien commun. Il contribue à structurer les relations au sein de la société
et à assurer un fonctionnement harmonieux et équitable de celle-ci.
10

Maintien de l'ordre social : Le droit établit des normes et des règles de comportement
qui définissent ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas dans une société. En fixant des
limites claires, le droit contribue à maintenir l'ordre social et à prévenir les
comportements nuisibles ou destructeurs.

Protection des droits et des libertés : Le droit garantit la protection des droits
fondamentaux des individus, tels que le droit à la vie, à la liberté, à la propriété et à
l'égalité devant la loi. En établissant des mécanismes juridiques pour faire respecter ces
droits, le droit assure une certaine équité et justice sociale.

Régulation des relations interpersonnelles : Le droit régit les relations entre les
individus, les groupes et les institutions au sein de la société. Il établit des cadres
juridiques pour les contrats, les mariages, les transactions commerciales, les litiges et
d'autres interactions sociales, contribuant ainsi à prévenir les conflits et à favoriser la
coopération.

Promotion du bien commun : Le droit est souvent utilisé pour promouvoir le bien-être
général et l'intérêt public. Il peut être utilisé pour réglementer les activités économiques,
protéger l'environnement, garantir l'accès à la santé et à l'éducation, et promouvoir
d'autres objectifs sociaux importants.

b. Le Droit comme idée


Considérer le droit comme une idée implique de le percevoir comme un concept
abstrait, une construction intellectuelle qui incarne des valeurs, des principes et des
normes fondamentales. En tant qu'idée, le droit transcende sa dimension pratique pour
devenir un symbole de justice, d'équité et de régulation des relations sociales.

Symbole de justice et d'équité : Le droit est souvent associé à l'idée de justice et d'équité,
représentant un idéal de société où les droits de chacun sont respectés, où les injustices
sont réparées et où les conflits sont résolus de manière juste et équitable.

Expression des valeurs et des principes sociaux : Le droit reflète les valeurs et les
principes fondamentaux d'une société donnée, incarnant les croyances partagées sur ce
qui est juste, moral et acceptable. Il exprime les normes sociales et culturelles qui
guident les comportements et les interactions humaines.

Instrument de changement et de progrès : Le droit peut être perçu comme une idée
dynamique et évolutive, capable de promouvoir le changement social et le progrès en
adaptant les normes juridiques aux besoins et aux aspirations de la société. Il peut servir
11

de levier pour transformer les structures sociales et promouvoir l'inclusion, la diversité


et l'égalité.

Garant de la stabilité et de l'ordre social : Le droit incarne l'idée de stabilité et d'ordre


dans la société en fournissant un cadre juridique pour réguler les comportements,
résoudre les conflits et maintenir la cohésion sociale. Il représente un pilier essentiel de
la gouvernance et de la gestion des relations sociales.

Source d'inspiration et de réflexion : Le droit peut inspirer la réflexion intellectuelle et


philosophique sur des questions fondamentales telles que la nature de la justice, les
droits de l'homme, la responsabilité individuelle et la légitimité du pouvoir. Il suscite
des débats et des discussions sur les valeurs et les principes qui sous-tendent la vie en
société.

c. Le Droit comme une géométrie courbée par les soucis de l’équité


Cette idée souligne la transition du droit de sa conception initiale de « ligne droite », où
l'application uniforme des normes était privilégiée, vers une approche plus souple et
équilibrée, guidée par les préoccupations d'équité et de maintien de l'équilibre et de la
cohésion sociale. Cette évolution reflète la prise de conscience que la justice ne réside
pas uniquement dans l'application stricte des règles, mais aussi dans la capacité du
système juridique à s'adapter aux besoins et aux réalités de la société.

Au départ, le droit était souvent perçu comme une norme rigide et universelle, devant
s'appliquer de manière égale à tous les individus, sans distinction. Cependant, cette
approche uniforme a montré ses limites en ne prenant pas en compte les spécificités, les
inégalités et les injustices présentes dans la société. Ainsi, la nécessité d'introduire des
considérations d'équité et de maintien de l'équilibre social dans l'application du droit est
devenue de plus en plus évidente.

La courbure de la géométrie du droit par les soucis d'équité met en lumière la transition
vers une approche plus flexible et adaptative du droit, où l'objectif n'est plus seulement
d'appliquer les normes de manière uniforme, mais aussi de garantir un équilibre et une
cohésion sociale. En d'autres termes, l'application du droit ne se limite plus à une simple
ligne droite, mais prend en compte les nuances, les contextes et les impératifs de justice
sociale pour maintenir l'harmonie au sein de la société.

Ainsi, l'idéal d'une norme juridique ne réside plus uniquement dans son application
stricte, mais dans sa capacité à promouvoir l'équité, à préserver l'équilibre et à
12

favoriser la cohésion sociale. Cette approche plus holistique du droit permet de


répondre de manière plus efficace aux défis et aux enjeux de la société contemporaine,
en garantissant un traitement juste et équitable pour tous les individus, tout en
préservant l'harmonie et la solidarité au sein de la communauté.

En conclusion, la courbure de la géométrie du droit par les soucis d'équité illustre la


transition vers une approche plus équilibrée et inclusive du droit, où l'objectif principal
est de maintenir l'harmonie et la cohésion sociale en garantissant un traitement juste et
équitable pour tous les membres de la société.

d. Le droit comme expression idéologique


Le droit est ici perçu comme élément de la culture d'une société. On y trouve exprimées
certaines valeurs que partagent les membres de cette société, notamment les idéologies
prédominantes dans cette société. Non seulement le droit les exprime-t-il, mais il leur
donne vie, il les met en œuvre, il les applique dans des situations concrètes. Cette
commune vision du monde est la base principale, essentielle, de tout groupe social, de
quelque taille qu'il soit, depuis l'unité familiale jusqu'à la société globale. Comme le
droit exprime les valeurs et les idéologies, il agit donc comme ferment d'unité. L'esprit
du droit est le reflet de l'esprit national, du génie d'un peuple.

e. L'autonomie et la dépendance du droit

Le droit jouit d'une certaine autonomie, dans la mesure où son élaboration et son
interprétation reposent sur une rationalité, une logique, un raisonnement qui lui sont
propres. Mais cette autonomie est relative, car l'élaboration, l'interprétation et
l'application du droit s'inscrivent aussi dans des processus où s'exercent des stratégies
de pouvoir, des jeux d'intérêt, des pressions, inspirés par les attitudes, les idéologies,
les valeurs de tous ceux qui participent à ces processus à un titre ou à un autre. Ces
diverses influences se font sentir au moment de l'élaboration de lois, car le législateur
n'est pas seul à faire la loi. Au surplus, les études qui ont porté sur la mise en oeuvre
du droit, sur le droit en action, montrent abondamment que le droit qui est
effectivement appliqué peut diverger du droit formulé par le législateur, sous
l'influence de ces stratégies et jeux de pouvoir et d'intérêt.

f. Connaitre la société pour comprendre le droit


Le droit est intrinsèquement lié aux valeurs, aux normes et aux dynamiques sociales qui
prévalent dans une société donnée.
13

Origine et évolution du droit : Le droit émerge des besoins et des valeurs d'une société
à un moment donné. En étudiant l'histoire et l'évolution d'une société, on peut
comprendre les facteurs qui ont influencé l'élaboration des lois et des institutions
juridiques. Par exemple, les changements sociaux, politiques et économiques peuvent
conduire à l'adoption de nouvelles lois pour répondre aux défis émergents.

Normes et valeurs sociales : Le droit repose sur les normes et les valeurs partagées par
les membres d'une société. En analysant les normes sociales, les croyances et les
attitudes dominantes, on comprend pourquoi certaines lois sont promulguées et
appliquées, tandis que d'autres sont contestées ou ignorées.

Institutions et structures sociales : Le droit est intégré dans les institutions et les
structures sociales qui régissent la vie en société. En étudiant ces institutions (comme
les tribunaux, les organes législatifs, les administrations publiques), on comprend
comment le droit est appliqué, interprété et modifié pour répondre aux besoins de la
société.

g. Comprendre le droit pour connaître la société


Le droit agit comme un miroir reflétant les valeurs, les normes et les structures sociales
qui façonnent notre quotidien.

Régulation des comportements : Le droit joue un rôle essentiel dans la régulation des
comportements individuels et collectifs au sein de la société. En étudiant les lois et les
règlements en vigueur, on identifie les normes sociales et les attentes qui sous-tendent
ces règles juridiques. Par exemple, les lois sur la propriété, le contrat et la responsabilité
civile reflètent les valeurs de respect de la propriété, de l'autonomie contractuelle et de
la réparation des préjudices.

Distribution du pouvoir et des ressources : Le droit est un outil de distribution du


pouvoir et des ressources au sein de la société. Le droit influence la répartition des
richesses, des droits et des opportunités entre les différents groupes sociaux. Par
exemple, les lois sur l'égalité des chances et la non-discrimination visent à promouvoir
une société plus juste et inclusive.

Protection des droits et des libertés : Le droit garantit la protection des droits
fondamentaux et des libertés individuelles dans une société donnée.

Changement social et évolution juridique : Le droit évolue en réponse aux changements


sociaux, culturels et politiques qui affectent la société.
14

VI. LA SOCIOLOGIE DU DROIT, QU’EST-CE ?


En droit dogmatique, la question "Quid Juris" « qu’est-ce que le Droit ? Ou qu’en est-
il en Droit ?» se concentre sur la nature et le contenu du droit positif, c'est-à-dire les
règles juridiques en vigueur dans une société donnée.

En philosophie du droit, la question "Quid Jus" « qu’en est –il du Droit ?» se penche
sur la nature du droit en tant que concept abstrait et sur les fondements moraux, éthiques
et philosophiques qui le sous-tendent.

En sociologie du droit, la question fondamentale est "Quid Factis" « Qu’est-ce que le


fait ? Ou Qu’en est –il de fait » se focalise sur l'étude des faits sociaux et des réalités
concrètes qui influencent la création, l'application et l'évolution du droit.

Il n’existe pas de définition simple de la sociologie du droit car c’est un champ de


connaissances loin d’être homogène traversé par de nombreux débats et propositions.

Ces oppositions s’expliquent par la double paternité :

La paternité juridique : des juristes ont mobilisé les sciences sociales pour
interroger le système juridique. L’un des auteurs les plus connus étant Charbonnier.
L’acte de naissance officiel de la sociologie du droit est souvent attribué à Ehrlich
qui publicise le terme « sociologie du droit » dans un ouvrage de 1913.

La paternité sociologique : des sociologues ont fait du droit et des institutions de justice
mais aussi plus largement des normes sociales et du contrôle social, leurs outils
privilégiés. Les fondateurs sont Durkheim, Weber ou Tocqueville ont fait du
phénomène juridique une clé indispensable de compréhension de la vie sociale.
Les auteurs reconnaissent la nature éminemment sociale du droit qui ne peut être
compris et expliqué sans prendre en considération les logiques sociales, culturelles et
économiques dont il est le produit.

Émile Durkheim, considéré comme l'un des pionniers de la sociologie du droit, a


développé une approche sociologique du droit en mettant en avant le rôle fondamental
des normes sociales dans la régulation des comportements individuels et collectifs.
Pour Durkheim, le droit est le reflet des valeurs et des croyances de la société, et il
joue un rôle crucial dans le maintien de l'ordre social et la cohésion sociale. Ainsi, la
sociologie du droit selon Durkheim met l'accent sur l'analyse des fonctions sociales du
15

droit et sur son rôle dans la construction de la solidarité sociale.

Max Weber, un autre pionnier de la sociologie du droit, a proposé une approche plus
complexe en mettant en avant le lien entre le droit, le pouvoir et la légitimité. Pour
Weber, le droit est un instrument de domination légitime qui repose sur l'autorité et la
rationalité. Il a développé le concept de légitimité rationnelle-légale pour expliquer
comment le droit peut être utilisé pour légitimer l'exercice du pouvoir dans les sociétés
modernes. Ainsi, la sociologie du droit selon Weber met l'accent sur l'analyse des
relations entre le droit, l'État et la société, en soulignant les enjeux de légitimité et de
pouvoir qui sous-tendent le système juridique.

Niklas Luhmann, un sociologue allemand contemporain, a également apporté une


contribution majeure à la sociologie du droit en développant une théorie des systèmes
sociaux. Pour Luhmann, le droit est un système social autonome qui opère selon ses
propres règles et logiques, indépendamment des autres systèmes sociaux comme
l'économie ou la politique. Il a mis en avant le concept de différenciation fonctionnelle
pour expliquer comment le droit se spécialise dans la régulation des conflits et des
normes sociales. Ainsi, la sociologie du droit selon Luhmann met l'accent sur l'analyse
des interactions entre le système juridique et les autres systèmes sociaux, en soulignant
la complexité et l'autonomie du droit en tant que système social distinct.

De la conception de Jacques Commaille, La sociologie juridique concerne l’étude des


phénomènes sociaux pour lesquels existe un lien avec le juridique ou encore l’étude des
interrelations entre droit et société ce qui implique à la fois l’étude des manifestations
du juridique et de ses influences sur la société et celle des activités se développant au
sein de la société et de leurs influences sur le juridique.

Evelyne Serverin, La sociologie du droit consiste à étudier la manière dont le droit


conçu comme un ensemble de règles, principes ou décisions, entre en relation avec le
corps social, saisi comme agencement d’individus, de groupes et d’institutions situés
dans la sphère d’influence de ce droit.

Ainsi, La sociologie du droit est une discipline qui étudie les interactions entre le droit
et la société, en mettant l'accent sur l'analyse des fonctions sociales, du pouvoir, de la
légitimité et de la complexité du système juridique dans la régulation des
comportements individuels et collectifs.
16

Comprendre le Droit comme objet d'étude de la sociologie du droit : analyse des


dimensions :

Dimension de la genèse du droit : La sociologie du droit s'intéresse à la manière dont


le droit est élaboré et établi dans une société. Elle examine les processus de création des
lois, les sources du droit, les acteurs impliqués dans la production juridique et les
facteurs sociaux, politiques et économiques qui influent sur le développement du droit.

Dimension de la légitimité du droit : La sociologie du droit explore la question de la


légitimité du droit, c'est-à-dire la reconnaissance et l'acceptation du droit par les
membres de la société. Elle analyse comment le droit acquiert sa légitimité, comment
il est perçu par les individus et les groupes sociaux, et comment il contribue à maintenir
l'ordre social et la cohésion communautaire.

Dimension de l'application du droit : La sociologie du droit examine comment le droit


est mis en œuvre et appliqué dans la pratique. Elle étudie les institutions juridiques, les
professionnels du droit, les processus judiciaires et les mécanismes de résolution des
conflits pour comprendre comment le droit fonctionne dans la réalité sociale et
comment il influence les comportements et les relations sociales.

Dimension des effets du droit : La sociologie du droit analyse les effets du droit sur la
société et sur les individus. Elle étudie comment le droit façonne les normes sociales,
les comportements individuels, les relations de pouvoir et les inégalités sociales. Elle
examine également les conflits et les contestations qui émergent autour du droit et les
mouvements sociaux qui cherchent à réformer ou à contester le système juridique
existant.

La sociologie du droit, étude du droit comme ensemble de faits sociaux

Schématiquement, le débat oppose une sociologie sur le droit à une sociologie dans
le droit. Certains auteurs prennent le droit comme objet pour apporter un éclairage
sur le fonctionnement de la société. Durkheim est l’un des premiers à travailler sur
le droit. Avec ses collaborateurs, il souhaite constituer la sociologie en discipline
scientifique.
La sociologie du droit considère le droit comme un phénomène social complexe,
étudiant non seulement les règles juridiques en tant que telles, mais aussi leur impact
et leur interaction avec la société dans son ensemble. Elle examine comment le droit
est façonné par des facteurs sociaux, politiques, économiques et culturels, et
17

comment il influence à son tour les comportements individuels et collectifs. En tant


qu'ensemble de faits sociaux, le droit est étudié dans sa dimension normative, mais
aussi dans sa dimension pratique, en analysant comment il est appliqué, interprété et
contesté dans différents contextes sociaux. La sociologie du droit cherche à
comprendre les relations complexes entre le droit et la société, mettant en lumière les
dynamiques de pouvoir, les conflits et les transformations qui caractérisent ces
interactions.

Durkhein, il explique « que c’est dans les entrailles mêmes de la société que le droit
s’élabore, le législateur fait un travail qui s’est effectué sans lui, il faut donc apprendre
à l’étudiant comment le droit se forme sous la pression des besoins sociaux, comment
il se fixe peu à peu, comment il se transforme. »
18

CHAPITRE PRELIMINAIRE : PARCOURS LEXICAL : LES PRINCIPAUX


CONCEPTS OPERATIONNELS DU COURS
Dans ce chapitre, il sera question d’expliquer les concepts les plus usuels sans entrer en
profondeur comme le ferait l’auteur qui parle de sociologie générale.

SECTION PREMIERE : CONCEPTS D’ORDRE STRUCTUREL

§1. Structure sociale et Groupe social


a. Structure sociale
Une structure sociale fait référence à l'organisation des relations sociales au sein d'une
société donnée9. Cela inclut les différentes institutions, normes, hiérarchies, rôles et
statuts qui régissent les interactions entre les individus et les groupes au sein de cette
société. La structure sociale définit la manière dont la société est organisée10, comment
le pouvoir est réparti, quelles sont les attentes et les obligations des individus, et
comment les ressources sont distribuées.
Et les structures sociales peuvent être formelles, telles que les institutions politiques,
économiques et éducatives, ou informelles, comme les normes culturelles, les valeurs
partagées et les réseaux sociaux. Elles influencent les comportements individuels et
collectifs, façonnent les opportunités et les contraintes auxquelles les individus sont
confrontés, et contribuent à maintenir l'ordre social et la cohésion de la société.
Les structures sociales sont souvent étudiées par les sociologues pour comprendre
comment les inégalités sociales se perpétuent, comment les changements sociaux se
produisent, et comment les individus et les groupes s'adaptent aux transformations de
la société. En analysant les structures sociales, on peut mettre en lumière les dynamiques
de pouvoir, les mécanismes de domination, les formes de solidarité et les processus de
changement qui caractérisent une société à un moment donné.

9
R. LUCCHINI, C. RIDORE, Culture et société : une initiation à la sociologie générale, édition universitaire, Fribourg,
1979, p.43
10
Joseph Sumpf, Hugues Michel, Dictionnaire de la sociologie, Paris, Librairie Larousse; 1973, p.201
19

b. Groupe social
On peut définir le groupe comme un système organisé composé d’individus qui
partagent des normes, des besoins et surtout des buts communs et qui interagissent de
manière à influencer mutuellement leurs attitudes et leurs comportements.

Un groupement d’individus ne forme pas nécessairement un groupe. Pour qu’on puisse


utiliser le concept de groupe, il faut qu’il y ait un ensemble d’individus, que ces
individus aient une forme d’interaction sociale entre eux, que ces personnes aient un
but commun et qu’elles s’influencent. Un groupe n’existe pas d’amblé mais se forme à
partir des relations que les individus ont entre eux.

Les groupes sociaux peuvent être de différentes tailles, allant d'une petite équipe de
travail à une communauté locale en passant par une société entière. Les groupes sociaux
peuvent être formels, tels qu'une entreprise, une association ou une institution, ou
informels, comme un groupe d'amis, une famille élargie ou une communauté en ligne.
Ils peuvent être basés sur des critères divers tels que l'âge, le sexe, l'ethnie, la classe
sociale, la religion, les intérêts communs, etc.

Les groupes sociaux peuvent également être le lieu où se manifestent des phénomènes
tels que la solidarité, la coopération, la compétition, le conflit, la socialisation, la
conformité sociale, la différenciation sociale, etc. Ils sont donc un élément essentiel de
la structure sociale d'une société et de la vie sociale des individus. Comme le dit Guy
Rocher, ces associations peuvent devenir demain un groupe de pression auprès des
détenteurs de pouvoir11.

Ainsi donc, la structure sociale représente le cadre plus large et plus abstrait dans lequel
les groupes sociaux évoluent et interagissent, tandis que les groupes sociaux sont des
entités plus concrètes et spécifiques composées d'individus liés par des relations
sociales et des interactions directes.

11
Guy rocher, introduction à la sociologie générale, tome 2 : l’organisation sociale, les éditions de Seuil, 1968, p.120
20

§2. Coutumes, mœurs et rites


Il est nécessaire de préciser que les trois notions sont liées à des pratiques ou/et
comportements identifiés ou observés dans une société. Pour mieux cerner les trois
concepts, il faut d’abord situer leur niveau de différence. Les mœurs sont des normes
sociales informelles, les coutumes sont des pratiques culturelles transmises de
génération en génération, et les rites sont des cérémonies symboliques ayant une
signification particulière. Bien que ces concepts soient interconnectés et puissent se
chevaucher, ils jouent des rôles distincts dans la régulation sociale et culturelle au sein
d'une société.
a. Coutumes
La coutume, dans la pensée de MULUMBATI Ngasha, « la coutume est comprise
comme un ensemble de modèles de comportements transmis par la tradition et logés
dans le groupe par opposition aux activités personnelles de l’individu qui sont plus
contingentes. Elle est ainsi, un usage si ancien, et si généralement pratiqué qu’il devient
obligatoire 12 ». Le professeur Mboko le spécifie à ce sens « Comme un ensemble
d’usages qui, à force d’être répétés dans le temps, finissent par être considérés par les
membres d’une société comme étant juridiquement obligatoires. 13»
En sociologie du droit, la coutume est une pratique établie, acceptée et répétée dans une
communauté donnée. Elle représente un ensemble de règles non écrites qui sont
considérées normales et appropriées dans une société. Elle peut être selon le cas,
coutume contra-legem, « la locution latine ‘’contra legem, signifie contre la loi’’ » ;
ainsi elle désigne une coutume « contraire l’esprit du texte ou la loi ». Elle peut
également être une coutume praeter-legem « celle que fait involontairement le
législateur et qu’il devra combler par l’adoption d’une loi modificatrice» c’est-à-dire
la coutume praeter-legem « est établie dans le silence de la loi » ; par opposition à la
coutume secundum-legem « celle qui est en conformité avec la loi ». Est une coutume
qui se développe et s’applique en l’absence des solutions légales, remédiant à la lacune
et complétant ainsi la loi ». La coutume juridique est une pratique sociale répétée et
acceptée au sein d'une communauté donnée, qui est considérée comme contraignante et

12
MULUMBATI Ngasha, Manuel de sociologie générale, éd. Africa, Lubumbashi, 1980, « la coutume est comprise
comme un ensemble de modèles de comportements transmis par la tradition et logés dans le groupe par opposition
aux activités personnelles de l’individu qui sont plus contingentes. Elle est ainsi, un usage si ancien, et si généralement
pratiqué qu’il devient obligatoire ».
13
Jean-Marie Mboko Dj’andima, Abrégé de Droit Administratif, Médias Paul, 2022, p.91
21

obligatoire14 pour ses membres. Elle peut être utilisée pour régler des conflits, établir
des règles de comportement ou définir des droits et des obligations. Ainsi elle appliquée
par le juge pour autant qu’elle ne soit pas contraire à l’ordre public et aux bonnes
mœurs 15 . Au regard de cet argumentaire, les juristes se posent des questions si la
coutume doit être conforme à la loi ou à l’ordre public, ainsi qu’aux bonnes mœurs ?
est ce qu’une coutume conforme à la loi pouvait encore demeurer une source autonome
du droit ? Une coutume qui serait une copie certifiée conforme à la loi, c’est-à-dire
légalisée, ne peut plus garder son statut de coutume16.
La coutume joue un rôle essentiel dans la formation du droit coutumier, qui est un
système juridique basé sur les pratiques et les traditions d'une société plutôt que sur des
lois écrites. Dans de nombreuses sociétés traditionnelles, le droit coutumier est la
principale forme de régulation juridique, et il repose largement sur les coutumes et les
normes sociales en vigueur dans la communauté.
En sociologie du droit, l'étude de la coutume permet de comprendre comment les
normes juridiques émergent et évoluent au sein d'une société, en tenant compte des
pratiques et des croyances des individus qui la composent. La coutume peut également
être un moyen d'analyser les interactions entre le droit formel (légal) et le droit informel
(coutumier), ainsi que les tensions et les conflits qui peuvent en découler.
b. Les mœurs
Les mœurs, d’une manière générale sont des comportements, acquis ou innés, en
rapport avec les notions de bien et de mal d'un point de vue éthique. En sociologie du
droit, les mœurs sont des normes sociales, valeurs qui se rapportent aux comportements
partagés par un groupe social. qui sont largement acceptés et partagés au sein d'une
société donnée. Les mœurs sont des règles non écrites qui régissent les interactions
sociales, les relations interpersonnelles et les comportements individuels. Elles peuvent

14
Article 2, point 2, de la loi du 25 août 2015 fixant le statut des chefs coutumiers, JO, n° spécial, 31 août 2015, col.3
15
Article 123, alinéa 1er, de la Constitution du 1er Août 1964 ; article 57, alinéa 1er, de la Constitution du 24 juin 1967-
texte original ; article 68, alinéa 1er, de la Constitution du 24 juin 1967-texte de la révision du 15 août 1974; article
100, alinéa 1er, de la Constitution du 24 juin 1967-texte de la révision du 15 février 1978 ; article 102, alinéa 1er , de
la Constitution du 24 juin 1967-texte de la révision du 5 Juillet 1990 ; article 98, alinéa 1er , de l’Acte Constitutionnel
de la transition du 9 Avril 1994 ; article 149 de la Constitution de la transition du 4 avril 2003. Cité par Jean-Marie
Mboko Dj’andima, Abrégé de Droit Administratif, opcit. p. 91
16
E. Boshab, pouvoir et droits coutumiers à l’épreuve du temps, Louvain-la-Neuve, Bruylant-Academia, col.
« Bibliothèque de droit africain », 2007, n°407, p.258
22

influencer la manière dont les individus se comportent, interagissent et prennent des


décisions dans différents contextes sociaux.
Dans le domaine du droit, les mœurs jouent un rôle important car elles contribuent à
façonner les normes juridiques et les règles de comportement qui sont formalisées dans
les lois et les institutions juridiques. Les mœurs peuvent influencer la manière dont les
lois sont interprétées, appliquées et respectées par les membres d'une société. Elles
peuvent également être à l'origine de changements juridiques en reflétant l'évolution des
valeurs et des attitudes au sein de la société.
c. Les rites
Les rites font référence à des actions symboliques, des cérémonies ou des rituels qui ont
une signification culturelle ou religieuse particulière au sein d'une communauté. Les
rites peuvent être associés à des événements importants de la vie individuelle ou
collective, tels que les mariages, les funérailles, les initiations ou les célébrations
religieuses. Ils servent souvent à marquer des transitions, à renforcer les liens sociaux
ou à exprimer des croyances et des valeurs partagées.

SECTION DEUXIEME : CONCEPTS D’ORDRE SOCIETAL

§1. Ordre public et ordre social


a. L’ordre public
Pour les juristes, l’ordre public est une notion vague, complexe, changeante et quelque
peu mystérieuse 17 . L'ordre public est l'état social correspondant à la tranquillité, à
la sécurité et à la salubrité publiques18. Il se réfère à l'ensemble des règles, des normes
et des valeurs fondamentales qui sont considérées comme essentielles pour garantir la
paix, la sécurité et la stabilité de la société. Il englobe les principes juridiques et moraux
qui régissent la vie en communauté et qui sont protégés par l'État. L'ordre public vise à
préserver l'intérêt général et à assurer le bon fonctionnement de la société dans son
ensemble.

17
A. Plantey, Définition et principes de l’ordre public, Puf, 1995, p.27.
18
Louis Yuma Biaba, Manuel de Droit Administratif Général, édition CEDI, Kinshasa 2012, p. 7
23

b. L’ordre social
L'ordre social, quant à lui, renvoie à l'ensemble des relations, des interactions et des
structures sociales qui régissent la vie quotidienne des individus au sein d'une société.
Il englobe les normes sociales, les valeurs culturelles et les institutions qui façonnent
les comportements, les attitudes et les identités des membres d'une communauté.
L'ordre social est le reflet de l'organisation sociale et des dynamiques relationnelles qui
structurent la vie en société.
L'ordre public et l'ordre social convergent dans la mesure où ils visent tous deux à
maintenir la cohésion sociale, à prévenir les conflits et à favoriser le bien-être collectif.
En effet, l'existence d'un ordre public solide repose sur le respect des normes sociales
et des valeurs partagées au sein de la société. De même, l'ordre social est soutenu par
l'application des lois et des règlements qui garantissent le respect des droits et des
devoirs de chacun.
§2. Société et institution
a. La société
La société désigne l'ensemble des individus qui vivent en interaction les uns avec les
autres, partagent des normes, des valeurs et des pratiques culturelles communes, et sont
organisés de manière plus ou moins structurée. La société est le cadre dans lequel se
déploient les relations sociales, les identités collectives et les dynamiques de pouvoir.
b. Institution
De manière générique, une institution désigne tout ce qui est établi par la volonté
l’homme ou encore mieux une création humaine par opposition à une donnée naturelle19
dans le but de réguler une situation dans la société. Dans ce sens, le mariage est une
institution tandis que la procréation est une donnée naturelle. Toute création de
l’homme n’est pas une institution. Pour devenir institution la création humaine doit être
établie de manière durable, permanente20, en vertu de l’union des volontés individuelles
pour une entreprise commune. Cette union des volontés crée une organisation sociale

19
Léon Odimula Lofungoso, Le manuel d’introduction à la science politique, M-p, 2018, p.9
20
Jean-Louis Esambo Kangashe, Droit constitutionnel, Louvain-la-Neuve, Academia-L’Harmattan, 2013, p.43
24

durable, des organes sociaux et notamment une autorité dirigeant cette organisation
sociale21.
Dans la tradition de Durkheim, puis de Mauss reprise par les anthropologues, sont
comme institutions toutes les formes sociales constituées, précédant les individus et leur
résistant « les hommes passent, les institutions restent, c’est-à-dire une institution ne
doit pas être identifiée à son créateur ». Ainsi, comme le disait Durkheim, les
institutions sont l'objet même de la sociologie car elles cristallisent l'objectivité de la
société.
Elles sont des structures sociales, politiques, économiques ou culturelles qui encadrent
et régulent les comportements individuels et collectifs au sein de la société. Les
institutions peuvent prendre différentes formes, telles que l'État, les organisations
religieuses, les entreprises, les écoles, les médias, etc. Elles jouent un rôle crucial dans
la structuration et la gouvernance de la vie en communauté.
La société et les institutions convergent dans la mesure où elles sont interdépendantes
et se nourrissent mutuellement. En effet, les institutions sont le reflet des normes, des
valeurs et des besoins de la société dans laquelle elles s'inscrivent. Elles sont créées
pour répondre aux attentes et aux exigences des membres de la société, et contribuent à
façonner les comportements et les interactions sociales.
De même, la société exerce une influence sur les institutions en les légitimant, en les
critiquant ou en les transformant en fonction des évolutions sociales, politiques ou
culturelles. Les mouvements sociaux, les revendications citoyennes et les changements
de mentalités peuvent conduire à des réformes institutionnelles et à des ajustements des
normes et des pratiques en vigueur.

21
E. Boshab Mabudji Mabileng, Droit constitutionnel et institutions politiques, Notes de cours polycopiées, G1, Droit
Unikin, 2012-2013, p.8
25

SECTION TROISIEME : CONCEPTS D’ORDRE RELATIONNEL


§1. Fait social, norme sociale, valeur sociale et socialisation ; intégration et contrôle
social
a. Fait social et norme sociale
Objet de la sociologie pour Durkheim, les faits sociaux sont définis comme « des
manières d'agir, de penser et de sentir, extérieures à l'individu, et qui sont douées d'un
pouvoir de coercition en vertu duquel ils s'imposent à lui ». Le fait social a trois
principales caractéristiques : il est collectif, extérieur à l’individu, et contraignant pour
ce dernier. La sociologie a une ambition d’explication des faits sociaux. A ce sujet,
Durkheim souligne que « la cause déterminante d'un fait social doit être cherchée parmi
les faits sociaux antécédents, et non parmi les états de la conscience individuelle »
Une norme sociale est un principe ou modèle de conduite propre à un groupe social ou
à une société. Les normes sociales sont conformes à ce qui est communément admis et
légitimé par le système de valeurs propre à chaque société ou à chaque groupe social.
Les normes sociales sont intériorisées par les individus au cours de la socialisation et
régulent les comportements par des sanctions positives ou négatives, formelles ou
informelles, quand il y a transgression ou non-conformité»22.
b. Valeur sociale et socialisation
Une valeur sociale constitue un idéal pour les membres d’une société, elle guide les
bonnes manières de penser, d’être et d’agir23.
La socialisation, selon la définition classique de Guy Rocher, la socialisation désigne
le « processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa
vie les éléments socioculturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité
sous l’influence d’expériences et d’agents sociaux significatifs et par là s’adapte à
l’environnement social où elle doit vivre 24 ». Pour Muriel Darmon, la socialisation
renvoie à « l’ensemble des processus par lesquels l’individu est « formé », « modelé »,
« façonné », « fabriqué », « conditionné » par la société globale et locale dans laquelle
il vit, processus au cours duquel l’individu acquiert « apprend », « intériorise », «

22
P. ANSART, "Sociologie de la culture." in Dictionnaire de sociologie, Paris : Le Robert – Seuil, 1999, p.126.
23
B. BARBUSSE, et GLAYMANN, Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, 2004, p.129.
24
G. ROCHER, Introduction à la sociologie générale, Montréal: HMH, 1968. Cité par ALPE, LAMBERT, BEITONE,
Lexique de sociologie, Paris : Dalloz, 2007, p. 269.
26

incorpore », « intègre » des façons de faire, de penser et d’être qui sont situées
socialement25».
c. Intégration et contrôle social
Intégration est un technique qui concerne la façon dont un groupe social attire à lui
l’individu, se l’approprie en quelque sorte ; ce processus passe par des interactions
fréquentes entre les membres du groupe, par l’existence de passions uniformes dans le
groupe et, enfin, par la poursuite de buts communs26 ».
Le contrôle social est défini comme l’ensemble des dispositifs employés dans une
société pour assurer la cohésion sociale et assurer le respect des règles édictées. Le
contrôle social s’exerce à différents niveaux dans la société (de la mère qui surveille
son enfant aux vérifications d’identité pratiquées par les forces de police). Ces types de
contrôle social extrêmement variés renvoient ainsi à l’existence de normes diverses42».
§2. Individu, identité, déviance et culture
Identité : « Sur le plan sociologique, l’identité d’un individu ou d’un groupe est
constituée par l’ensemble des caractéristiques et des représentations qui font que cet
individu ou ce groupe se perçoit en tant qu’entité spécifique et qu’il est perçu comme
tel par les autres. L’identité est donc à la fois une identité « pour soi » et une identité «
pour autrui ». Au niveau individuel, l’identité correspond au sentiment subjectif de
l’unité personnelle27».
Individu : l’individu est l’être humain pris isolément. L’individu est une construction
historique qui résulte du processus d’individualisation. Dans les sociétés traditionnelles,
l’individu n’existe pas : seuls importent les groupes (famille, clan, tribu, caste, etc.).
L’individu est donc un produit de la modernité. Selon Danilo Martuccelli, « être un
individu, c’est être défini par le double sceau incompressible de la souveraineté sur soi
et de la séparation avec les autres28».
Déviance : La déviance désigne l’ensemble des comportements qui s’écartent de la
norme sociale et qui, à ce titre, font l’objet d’une sanction29».

25
M. DARMON, La socialisation, Colin, Paris,2006, p.6.
26
STEINER, La sociologie de Durkheim, Paris: La Découverte/Repères, 1994 p.44
27
ALPE, LAMBERT, BEITONE, A., DOLLO, et PARAYRE, Lexique de sociologie, opcit, p.147.
28
Idem, Pp. 153-154
29
P. RIUTORT, Premières leçons de sociologie, Paris: Presses universitaires de France, 1996, p.71.
27

Culture : La culture fait l’objet de deux grands types de définitions en sociologie. On


en trouve d’une part une définition extensive, issue de la tradition anthropologique. La
définition proposée par Tylor en 1871. Selon cet anthropologue, la culture est
l’ensemble de connaissances, les croyances, l’art, la morale, le droit, les coutumes et
les autres capacités ou habitudes acquises par l’homme en tant que membre de la
société30». La culture, dans ce sens, correspond à « tout ce qui est créé et transmis par
l’homme, tout ce qui n’est pas donné par la seule nature et par l’hérédité biologique31».
D’autre part, une définition plus restrictive et plus proche du sens courant réserve le
terme de culture au domaine des arts et des pratiques liées à la production et à la
consommation de « biens culturels » (musique, livres, spectacles, cinéma, etc.).
§3. Mobilité sociale, reproduction sociale, démocratie et pouvoir
Mobilité sociale : La mobilité sociale désigne les changements de position sociale pour
un individu par rapport à ses parents (mobilité intergénérationnelle) ou durant sa vie.
La mobilité est le plus souvent mesurée en fonction de la situation
socioprofessionnelle32».
Reproduction sociale : La reproduction sociale caractérise le fait que la hiérarchie
sociale se perpétue dans le temps et que les enfants occupent les mêmes positions
sociales que leurs parents. Plus cette reproduction est forte dans une société, moins
l’égalité des chances y est réelle33» L’exemple le plus courant est la classe politique
congolaise.
Démocratie : La démocratie est un régime politique dans lequel le pouvoir est exercé
par le peuple, directement ou par l'intermédiaire de représentants élus, et dans le respect
des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de l'égalité des citoyens. La
démocratie repose sur des principes de participation, de délibération, de pluralisme et
de contrôle du pouvoir.
Le pouvoir, En général, la définition que l’on donne du pouvoir est une définition
relationnelle. Selon Max Weber, le pouvoir est la probabilité pour un acteur d’imposer
aux autres sa volonté dans le cadre d’une relation sociale. De son côté, Robert Dahl

30
E. TYLOR, La civilisation primitive, Paris: Reinwald, 1876 p.1. Cité par CUCHE, La notion de culture dans les sciences
sociales, Paris: Editions La Découverte, 1996 p.16.
31
ALPE, Y., LAMBERT, J.-R., BEITONE, A., DOLLO, C., et PARAYRE, Lexique de sociologie, Paris: Dalloz, 2007p.204.
32
B. BARBUSSE, et GLAYMANN, Introduction à la sociologie, Vanves: Foucher, 2004, p.129.
33
Idem, p. 128
28

(« On the concept of power », Behavorial Pouvoir Science, 1957) amplifie cette


dimension interactionniste en affirmant que « A exerce un pouvoir sur B dans la mesure
où il peut obtenir que B fasse quelque chose que B n’aurait pas fait sans l’intervention
de A ».
Si la définition ci-dessus est claire, il faut cependant distinguer l’autorité du pouvoir,
deux concepts que le sens commun confond généralement. L’autorité est personnelle.
Elle relève de caractéristiques propres à chaque personne et consiste à obtenir de la part
d’autrui une adhésion volontaire sans contraintes physique, psychologique, morale ou
économique. Le pouvoir est matériel. Il s’appuie sue une structure, sur la place de
l’individu dans un appareil hiérarchique. quant à lui, désigne la capacité d'influencer,
de contrôler ou de diriger les comportements, les décisions et les ressources au sein
d'une société. Le pouvoir peut être exercé de manière formelle (par les institutions
politiques) ou informelle (par les groupes sociaux, les médias, les entreprises, etc.).
Comprendre les mécanismes du pouvoir permet d'analyser les rapports de force, les
inégalités et les luttes qui structurent les sociétés contemporaines.

CHAPITRE PREMIER : LE DÉCOR DE LA SOCIOLOGIE DU DROIT

SECTION PREMIERE : SOCIOLOGIE DU DROIT PAR RAPPORT AUX


AUTRES SCIENCES

On peut se demander s’il n’est pas temps de prendre conscience du fait que les sciences
humaines les plus gratuites seront probablement considérées dans une génération
comme celles qu’il aurait été le plus utile de développer. Lourde sera alors notre
responsabilité d’avoir compris trop tard que l’homme devait être étudié avant tout
comme un être humain et non pas, par priorité, comme un client34.

L'étude d'une discipline scientifique ne peut être pleinement appréhendée sans l'analyse
approfondie des relations qu'elle entretient avec d'autres disciplines, cet énoncé d’idée

34
Philippe Chanial , « La sociologie comme philosophie politique et réciproquement », Revue du MAUSS permanente,
mis en ligne le 20 juillet 2013, consulte le 04 Avril 2024. https://journaldumauss.net
29

fait corps dans l’argumentaire de CICERON lorsqu’il dit : « Tous les arts qui concernent
l’humanité ont un lien comme et sont comme liés entre eux par une sorte de parenté35».
Ces relations peuvent revêtir différentes formes telles que la complémentarité,
l'interdépendance, la fraternité ou la dissemblance.
La sociologie du droit, en tant que discipline, ne fait pas exception à cette exigence
scientifique. Ainsi, il convient d'explorer les liens étroits qu'elle entretient à la fois avec
ses disciplines sœurs, qui partagent la même filiation sociologique (§1), ainsi qu'avec
les disciplines voisines qui évoluent dans le même quartier scientifique, celui de la
société (§2).
Elle partage une parenté intellectuelle indéniable avec les autres branches de la
sociologie. En effet, ces disciplines partagent une même mère, qui est la sociologie en
tant que science sociale fondamentale. La sociologie du droit s'inscrit dans cette
tradition sociologique en adoptant une approche analytique pour comprendre les
phénomènes juridiques au sein de la société. Elle se nourrit des concepts, des méthodes
et des théories élaborées par la sociologie générale, en les adaptant spécifiquement à
l'étude des normes juridiques et de leur interaction avec les dynamiques sociales. Ainsi,
la sociologie du droit complète et enrichit la sociologie générale en offrant un regard
spécifique sur les questions de justice, de légitimité et de pouvoir qui caractérisent le
domaine juridique.
D'autre part, la sociologie du droit entretient des relations étroites avec les disciplines
voisines qui évoluent dans le même quartier scientifique, celui de la société. Ces
disciplines comprennent le droit lui-même, l’histoire du droit, la philosophie du droit,
l'anthropologie juridique, la science politique, l’économie entre autres. La sociologie du
droit partage un terrain commun avec ces disciplines, car elles étudient toutes les
interactions entre le droit et la société dans laquelle il s'inscrit. Par exemple, la science
politique examine le rôle du droit dans la formation et l'exercice du pouvoir politique,
tandis que l'économie analyse les implications économiques des régulations juridiques.
L'anthropologie se penche sur les pratiques juridiques au sein de différentes cultures, et

35
« Omnes artes, quae ad humanitatem pertinent, habent quoddam commune vinculum, et quasi cognatione
quadam inter se continentur » « Tous les arts qui concernent l’humanité ont un lien comme et sont comme liés entre
eux par une sorte de parenté ». Cicéron, Pro Archias, Œuvres complètes de Cicéron, éd. John Doe, Paris, librairie XYZ,
2000, p.123
30

la philosophie du droit questionne les fondements éthiques et moraux du système


juridique36. Ces disciplines voisines apportent des perspectives complémentaires à la
sociologie du droit, élargissant ainsi la compréhension des phénomènes juridiques en
les replaçant dans un contexte plus large.
La sociologie du droit ne peut être appréhendée de manière isolée, mais nécessite une
analyse approfondie de ses relations avec les disciplines sœurs et voisines. Ces relations
de complémentarité, d'interdépendance, de fraternité ou de dissemblance enrichissent
la discipline en lui apportant des perspectives variées et en favorisant une approche
multidimensionnelle des phénomènes juridiques. En examinant ces relations, nous
sommes en mesure de mieux comprendre la sociologie du droit et de saisir toute sa
complexité dans l'étude des normes juridiques et de leur interaction avec la société.
§1. Sociologie du droit et disciplines voisines
a. Sociologie du droit et le droit
Moult, sont les professeurs-chercheurs de différentes facultés de droit qui observent
avec un dédain, ou du moins avec beaucoup de distance, la sociologie du droit, jugeant,
comme Gény, que le juriste devrait s’écarter de la sociologie en raison de « l’état
d’indétermination, et presque d’amorphisme, auquel la condamnent la complexité
confuse de son objet et de sa méthode »37. Rien ne peut interdire à la sociologie de
s’intéresser au droit ; mais tout semble interdire aux juristes de s’intéresser à la
sociologie du droit. En réalité, pourtant, celle-ci peut certainement être très utile, si ce
n’est indispensable, aux praticiens du droit et, plus encore, aux jurislateurs.

La sociologie du droit est donc une discipline qui analyse les relations entre le droit et
la société. Elle s'intéresse aux dimensions sociales, politiques, économiques et
culturelles du droit, ainsi qu'à la manière dont il est créé, interprété et appliqué dans la
réalité sociale. La sociologie du droit cherche à comprendre comment les normes
juridiques évoluent, comment elles sont perçues et utilisées par les acteurs sociaux, et
comment elles influencent les comportements individuels et collectifs.

36
B. Melkevik, J. Boulad-Ayoub, philosophie du droit, volume 2, Presses de l’Université Laval, Montréal, 2014, p.4
37
F. GÉNY, Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif, 2e éd., LGDJ, 1919 cité par M.
GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, 11e éd., Dalloz, coll. Précis, 2001, p. 153.
31

Si de sa première perception, la sociologie du droit est une « science empirique » et le


droit à son tour une « science dogmatique38 », l’intérêt de la première concernant le
droit appliqué tout du moins, supérieur à celui de la seconde. La sociologie du droit est
formidablement pertinente et utile lorsqu’elle permet de souligner combien le respect
de la norme juridique est davantage le fait de croyances et d’une pression sociale que le
fait d’une validité théorique3940 ou lorsqu’elle oppose au « droit des livres » des juristes
dogmatiques le « droit de la pratique »41.

On en fait même une solution première face à la « crise du droit, des institutions et de
la justice»42. Peut-être que tout jurislateur devrait-il être au moins autant sociologue du
droit, attaché aux « usages sociaux du droit »43.

Le droit, quant à lui, est l'ensemble des règles juridiques qui régissent les relations entre
les individus et les institutions au sein d'une société. Il est généralement codifié dans
des lois, des règlements et des jurisprudences, et son application est assurée par des
tribunaux et des autorités judiciaires. Le droit établit un cadre normatif qui organise les
rapports sociaux, définit les droits et les obligations des individus, et prévoit des
mécanismes de résolution des conflits.

Les deux disciplines entretiennent un rapport de complémentarité d’une part, car, le


droit se concentre sur l'élaboration, l'interprétation et l'application des normes
juridiques. Il fournit un cadre normatif qui organise les rapports sociaux et assure la
résolution des conflits. La sociologie du droit, quant à elle, étudie comment ces normes
sont perçues, utilisées et appliquées dans la réalité sociale. Elle examine les relations
entre le Droit et d'autres facteurs sociaux tels que la culture, le pouvoir et les inégalités.
Ainsi, la sociologie du droit apporte une compréhension sociologique du Droit en
analysant les dimensions sociales, politiques et économiques de son fonctionnement.

38
Ph. RAYNAUD, « Weber Max », in O. CAYLA, J.-L. HALPÉRIN, dir., Dictionnaire des grandes œuvres juridiques,
Dalloz, 2008, p. 596.
39
V. DEMERS, Le contrôle des fumeurs, une étude d’effectivité du droit, Thémis (Montréal), p.12
40
Ch. KOURILSKY-AUGEVEN, Socialisation juridique et conscience du droit – Attitudes individuelles, modèles culturels
et changement social, LGDJ, 1997, p.32
41
F. CHAZEL, J. COMMAILLE, Dir., Normes juridiques et régulation sociale, LGDJ, 1991, p.44
42
F. CHAZEL, J. COMMAILLE, Op.cit., p.44
43
N. LUHMANN, « La restitution du douzième chameau : du sens d’une analyse sociologique du droit », 2001,
p. 15.
32

De plus, le Droit et la sociologie du droit sont interdépendants. Le Droit est influencé


par des facteurs sociaux tels que les valeurs culturelles, les changements politiques et
les mouvements sociaux. La sociologie du droit fournit des outils conceptuels et
méthodologiques pour étudier ces influences sociales sur le Droit. Elle permet de
comprendre comment les normes juridiques évoluent en réponse aux besoins et aux
attentes de la société. En retour, la sociologie du droit se nourrit des travaux juridiques
pour développer des théories et des analyses empiriques sur le Droit et ses effets
sociaux.
Cependant, malgré cette relation fraternelle et de complémentarité, il peut y avoir des
points de divergence entre le Droit et la sociologie du droit. Ces divergences peuvent
résider dans les perspectives théoriques et méthodologiques adoptées par chaque
domaine. Le Droit utilise une approche normative et formelle, en se basant sur des
règles et des procédures pour interpréter et appliquer les normes juridiques. La
sociologie du droit, quant à elle, adopte une approche empirique et qualitative, en
utilisant des méthodes de recherche telles que les enquêtes, les entretiens et
l'observation pour étudier les comportements sociaux liés au Droit.

De plus, les divergences peuvent également se manifester dans les objectifs poursuivis
par le Droit et la sociologie du droit. Le Droit vise principalement à établir des règles et
des normes pour régir les comportements et résoudre les conflits. Il cherche à garantir
la justice et l'équité dans la société. La sociologie du droit, quant à elle, cherche à
comprendre les processus sociaux qui sous-tendent la création, l'interprétation et
l'application du Droit, ainsi que les effets sociaux du Droit sur les individus et les
groupes. Elle s'intéresse également aux dimensions de pouvoir, d'inégalité et de
changement social liées au Droit.
b. Sociologie du droit et philosophie du droit
La sociologie du droit fournit des informations empiriques sur la manière dont le droit
fonctionne dans la société, tandis que la philosophie du droit offre une réflexion
conceptuelle approfondie sur les fondements et les valeurs du droit. Ensemble, ces deux
domaines contribuent à une compréhension plus complète du rôle du droit dans la
société et de son impact sur les individus et les institutions.

La sociologie du droit est une branche de la sociologie qui étudie les relations entre le
droit et la société. Elle examine comment le droit est créé, mis en œuvre et vécu dans
différents contextes sociaux. Les sociologues du droit s'intéressent aux facteurs sociaux,
33

économiques et politiques qui influencent la formation du droit, ainsi qu'à la manière


dont les normes juridiques sont interprétées et appliquées dans la société. Ils étudient
également les effets du droit sur les comportements individuels et collectifs, ainsi que
son rôle dans le maintien de l'ordre social et la résolution des conflits.

La philosophie du droit, quant à elle, est une discipline philosophique qui examine les
fondements conceptuels et normatifs du droit. Elle se concentre sur des questions telles
que la nature du droit, les principes éthiques qui le sous-tendent, la relation entre le droit
et la justice, et les limites du pouvoir juridique. Les philosophes du droit cherchent à
comprendre les concepts et les principes fondamentaux du droit en utilisant des outils
de raisonnement philosophique, tels que la logique, l'éthique et la métaphysique. Leur
objectif est d'analyser et de critiquer les théories juridiques existantes, ainsi que de
proposer de nouvelles perspectives sur le droit.

Du point de vue des méthodes, approches et objets, la dissemblance est manifeste car,
la philosophie du droit part des arguments déductifs pour dériver des principes et des
conclusions normatives. Elle accorde une attention particulière à la justification des
normes juridiques à travers des arguments éthiques et des principes moraux. La
sociologie du droit, en revanche, adopte une approche empirique et qualitative, en
utilisant des méthodes de recherche telles que les enquêtes, les entretiens et
l'observation pour étudier les comportements sociaux liés au droit.
En ce qui concerne les objectifs, la philosophie du droit peut viser à clarifier les concepts
et les principes normatifs du droit, à définir les critères de validité et de légitimité des
normes juridiques. Elle est préoccupée par la recherche d'une théorie normative du droit
qui soit cohérente et justifiée. La sociologie du droit, quant à elle, cherche à comprendre
les processus sociaux qui influencent la création, l'interprétation et l'application du droit,
ainsi que les effets sociaux du droit sur les individus et les groupes.
d. Sociologie du droit et science politique
Les deux disciplines reconnaissent l'importance des normes juridiques et de leur
interaction avec les systèmes politiques et sociaux. Elles partagent également des
concepts et des méthodes de recherche communs, tels que l'analyse des politiques
publiques, l'étude des mouvements sociaux et l'analyse des relations de pouvoir.

La science politique, se concentre sur l'étude du pouvoir politique et de la gouvernance.


Elle s'intéresse aux institutions politiques, aux processus de prise de décision et aux
34

relations de pouvoir dans la société ainsi que l’observation des mœurs politiques44. Les
politologues analysent les systèmes politiques, les idéologies politiques, les
mouvements politiques, sociaux et les comportements électoraux qui troublent un
pays45. Ils étudient également les interactions entre le droit et la politique, en examinant
comment le droit est utilisé pour exercer le pouvoir, réguler les relations sociales et
maintenir l'ordre politique. La science politique met l'accent sur les dimensions
politiques du droit et sur la manière dont les institutions politiques influencent la
création, l'interprétation et l'application du droit.

Les sociologues du droit analysent comment le droit est créé, mis en œuvre et vécu dans
différentes sociétés et cultures. La sociologie du droit met l'accent sur les dimensions
sociales du droit et sur la manière dont il façonne les dynamiques de pouvoir et les
relations sociales.

e. La sociologie du droit et psychologique sociale


La sociologie du droit et la psychologie sociale sont deux domaines d'étude
complémentaires qui se penchent sur la manière dont les individus interagissent avec le
système juridique et les normes sociales qui le sous-tendent. La sociologie du droit met
en lumière sur les mécanismes de contrôle social. Elle s'intéresse principalement à
l'impact des normes juridiques sur la société et vice versa, en examinant comment les
lois et les institutions juridiques façonnent les comportements individuels et collectifs.
Elle

De son côté, la psychologie sociale se concentre sur l'étude des interactions sociales et
des processus psychologiques qui influencent les comportements des individus au sein
d'un groupe. Elle analyse notamment les mécanismes de conformité, d'obéissance à
l'autorité, de stigmatisation et de préjugés qui peuvent jouer un rôle crucial dans la
manière dont les normes juridiques sont perçues et intériorisées par les individus. En
combinant les perspectives de la sociologie du droit et de la psychologie sociale, on
peut ainsi mieux comprendre comment les normes juridiques sont socialement
construites, comment elles influencent les attitudes et les comportements des individus,

44
Montesquieu, L’esprit des lois, 1749. Cité par Léon Odimula Lofungoso, Le manuel d’introduction à la science
politique, opcit, p. 2
45
Gaspard Ngondankoy Nkoy-ea-Loongya, Introduction à la science politique, G1 Droit, Unikin, 2011-2012, p.6
35

et comment ces derniers contribuent à façonner et à transformer le système juridique


dans lequel ils évoluent.

f. Sociologie du droit et histoire du droit


Les deux disciplines se divergent tout en se complétant. Cette relation présente à la fois
une jonction et une disjonction. Ils partagent un intérêt commun pour l'étude du
phénomène juridique, mais diffèrent dans leurs approches méthodologiques et leurs
objectifs. L'histoire du droit apporte une perspective temporelle et une connaissance des
racines du droit, tandis que la sociologie du droit offre une analyse sociologique des
pratiques juridiques dans la société contemporaine. Ces différences ne doivent pas être
perçues comme une séparation, mais plutôt comme des spécificités qui permettent une
compréhension plus complète et nuancée du droit.
L'histoire du droit vise à retracer l'évolution du droit dans le temps, à identifier les
continuités et les ruptures, et à éclairer les origines et les développements des concepts
juridiques. Elle cherche à comprendre comment le droit s'est transformé au fil des
siècles et comment il a influencé la société. Elle se base principalement sur l'examen
des sources juridiques primaires telles que les textes législatifs, les décisions de justice
et les traités juridiques anciens. Elle utilise des méthodes de recherche historiques telles
que l'analyse documentaire, la critique des sources et la contextualisation historique.
g. Sociologie du droit et anthropologie
L'anthropologie du droit se concentre sur l'étude du droit à travers une perspective
anthropologique, en mettant l'accent sur les aspects culturels et symboliques du droit.
Les anthropologues du droit s'intéressent à la manière dont les différentes cultures et
sociétés comprennent, interprètent et appliquent le droit. Ils étudient les normes
juridiques dans leur contexte culturel, en examinant les systèmes de croyances, les
valeurs et les pratiques sociales qui influencent la manière dont le droit est conçu et
utilisé. L'anthropologie du droit examine également les relations entre le droit formel et
les systèmes de justice informels, ainsi que les mécanismes de résolution des conflits
dans différentes sociétés.

Bien que la sociologie du droit et l'anthropologie du droit partagent des similitudes dans
leur intérêt pour l'interaction entre le droit et la société, elles se distinguent par leurs
approches méthodologiques et leurs perspectives théoriques. La sociologie du droit
adopte une approche plus quantitative, en utilisant souvent des méthodes de collecte de
données statistiques et des analyses systématiques. L'anthropologie du droit, en
36

revanche, privilégie souvent une approche qualitative, en utilisant des méthodes


d'observation participante, d'entretiens et d'analyse des discours.

§2. Les disciplines sœurs à la sociologie du droit


L'étude de la société humaine est un domaine vaste et complexe, où différentes branches
de la sociologie se sont développées pour expliquer les multiples facettes de notre réalité
sociale. Parmi ces branches, la sociologie politique, la sociologie économique, la
sociologie philosophique, la sociologie religieuse, la sociologie rurale, la sociologie
urbaine et la sociologie du droit se distinguent comme des disciples interconnectées,
complémentaires et sœurs, qui trouvent leurs fondements dans la sociologie générale
considérée comme une mère nourricière.
Il est essentiel de reconnaître l'importance de ces différentes branches de la sociologie
pour comprendre les interactions sociales, les normes et les structures qui régissent nos
sociétés. La sociologie générale est le fondement commun sur lequel ces disciplines
reposent, fournissant les concepts, les théories et les méthodes nécessaires à leur analyse
approfondie.
a. Sociologie Politique
Il se pose d’abord un problème sur la science nourricière de la sociologie politique,
comme Philipe Braud, la sociologie politique est une branche de la science politique46,
qui conquiert très lentement sa visibilité sociale à partir de la fin du XIXe siècle. Pierre

Favre en a soigneusement décrit les étapes. C'est d'abord une histoire faite de « conflits
pour l'appropriation de cette discipline dans le haut enseignement français »47, selon
Alain Touraine, La Sociologie est la science de l’action48 qui donne corps aux autres
branches telles que la sociologie du droit e la sociologie politique. A ce sens, La
sociologie politique est une branche qui examine les structures de pouvoir, les processus
de prise de décision politique et les dynamiques de mobilisation et de participation
citoyenne. Elle met l'accent sur l'étude des institutions politiques et des acteurs
politiques, ainsi que sur l'analyse des politiques publiques et des mouvements sociaux.

46
Philippe BRAUD, sociologie politique, 14ème édition, LGDJ, Paris 2022, p.19
47
Pierre FAVRE, Naissances de la science politique en France, 1870-1914, Paris, Fayard, 1989, p. 83
48
Alain TOURAINE, La Sociologie de l'action : pour une sociologie des mouvements sociaux, Ellipses, 2012, p.7
37

Dans ce contexte, la sociologie politique s'intéresse également aux dimensions


juridiques des phénomènes politiques, car le droit est souvent un outil utilisé par les
institutions politiques pour réguler les comportements et les interactions sociales.
Ainsi, la sociologie politique et la sociologie du droit se rejoignent dans leur intérêt
commun pour les interactions entre le droit, le pouvoir politique et la société. Elles
partagent une approche sociologique qui met en évidence les dimensions sociales,
culturelles et politiques des phénomènes juridiques. Par conséquent, la sociologie
politique peut fournir des perspectives analytiques précieuses pour comprendre les
enjeux politiques liés au droit, tandis que la sociologie du droit peut éclairer les aspects
sociaux et politiques du fonctionnement des systèmes juridiques.

b. Sociologie économique
La sociologie économique est inséparable de la sociologie générale dans la mesure où
« la réflexion sur les rapports entre l’économique et le social peut être caractérisée
comme la tâche centrale de la sociologie et des sciences sociales 49». Sous cet angle, on
peut identifier une « sociologie générale de l’économie » et une « sociologie
économique 50 ». La première correspond à une sociologie du capitalisme comme «
système économique et social 51» ou encore à ce que Weber appelait la « science de
l’économie sociale 52» La seconde, la sociologie économique, qui remonte également
aux fondateurs de la sociologie, vise à rendre compte « des principaux faits identifiés
par la science économique », mais en leur appliquant « une perspective radicalement
différente et un type assez inédit d’analyse institutionnelle ». Mais, comme le
sociologue suppose que « le monde social est présent dans chaque action économique
53
», il n’existe pas de frontière étanche entre « sociologie générale de l’économie » et
sociologie économique.

49
Swedberg Richard, Avant-propos d’Alain Caillé, Une histoire de la sociologie économique, Paris, Desclée de
Brouwer, 1994, p.6
50
Cusin, François et Daniel Benamouzig, Économie et sociologie, Paris, PUF, 2004, p.493
51
Trigilia, Carlo, Sociologie économique. État, marché et société dans le capitalisme moderne, Paris, Armand Colin,
(traduction de l’italien), 2002, p.253
52
Weber, Max, Essais sur la théorie de la science, Paris, Librairie Plon, 1965, p.539.
53
Bourdieu, Pierre, Les structures sociales de l’économie, Paris, Seuil, 200, p.293
38

La sociologie économique est dont une branche de la sociologie qui se concentre sur
l'étude des phénomènes économiques dans leur contexte social. Elle examine les
processus de production, de distribution et de consommation des biens et services, ainsi
que les mécanismes de coordination économique et les inégalités économiques. Elle
met l'accent sur l'étude des institutions économiques telles que les entreprises, les
marchés, les régulations et les politiques économiques54. Dans ce contexte, la sociologie
économique entretient un rapport étroit avec la sociologie du droit, car le droit joue un
rôle crucial dans la régulation des relations économiques et la structuration des
institutions économiques.
Ainsi, la sociologie économique et la sociologie du droit partagent un terrain commun
d'analyse. Elles s'intéressent toutes deux aux interactions entre le droit, l'économie et la
société. La sociologie économique contribue à la sociologie du droit en mettant en
évidence les dimensions sociales et institutionnelles des phénomènes économiques, et
en montrant comment le droit intervient dans la régulation de ces phénomènes. Elle
permet d'analyser les effets sociaux des régulations économiques, les dynamiques de
pouvoir au sein des institutions économiques et les conséquences des inégalités
économiques sur la société dans son ensemble.
De même, la sociologie du droit enrichit la sociologie économique en fournissant une
perspective juridique sur les relations économiques. Elle met en évidence les normes,
les règles et les processus juridiques qui structurent les activités économiques, et elle
explore les effets sociaux des régulations juridiques sur l'économie. La sociologie du
droit permet également d'analyser les conflits économiques et les modes de résolution
juridique de ces conflits.
c. Sociologie philosophique

La sociologie philosophique s'intéresse aux idées philosophiques qui façonnent la


pensée sociale et politique. Elle étudie comment les grandes théories philosophiques,
telles que le libéralisme, le marxisme ou le postmodernisme, influencent les conceptions
de la société, les normes sociales et les valeurs collectives. Dans ce contexte, la
sociologie philosophique examine également les débats éthiques et moraux qui
traversent la société, ainsi que les questions liées à la justice sociale, aux droits de

54
Benoît Lévesque, « La sociologie économique : genèse, actualité et évaluation », Revue Interventions économiques,
mis en ligne le 01 avril 2006, consulté le 08 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org
39

l'homme et à la nature de la réalité sociale. Bien que la sociologie philosophique se


concentre principalement sur les idées et les concepts, elle entretient une relation étroite
avec la sociologie du droit en raison de l'importance du droit dans la régulation et la
structuration de la société.
Ainsi, la sociologie philosophique et la sociologie du droit partagent un intérêt commun
pour la compréhension de la société et de ses fondements philosophiques. La sociologie
philosophique contribue à la sociologie du droit en mettant en évidence les idées et les
théories philosophiques qui façonnent les normes et les valeurs juridiques. Elle permet
d'analyser les conceptions de la justice, des droits de l'homme et de l'égalité qui
influencent la formulation et l'application du droit. De son côté, la sociologie du droit
enrichit la sociologie philosophique en fournissant une perspective concrète sur la
manière dont les idées philosophiques se traduisent dans les pratiques juridiques et dans
la structuration de la société.
d. Sociologie religieuse
La sociologie religieuse est une branche de la sociologie qui étudie les phénomènes
religieux dans leur dimension sociale. Elle cherche à comprendre les croyances, les
pratiques et les institutions religieuses, ainsi que leur rôle dans la société. La sociologie
religieuse et la sociologie du droit entretiennent des liens étroits, car elles partagent un
intérêt commun pour les interactions entre la religion, la société et le droit.

Elle procède à l’analyse les dimensions sociales de la religion, en démontrant comment


les croyances et les pratiques religieuses sont façonnées par les contextes sociaux et
comment elles influencent les comportements et les structures sociales. Elle étudie
également les institutions religieuses, les rituels, les communautés de croyants et les
dynamiques de changement religieux. Dans ce contexte, la sociologie religieuse
s'intéresse également aux relations entre la religion et le droit, car le droit peut jouer un
rôle important dans la régulation des pratiques religieuses et la protection des droits
religieux.
Elle converge avec la sociologie du droit dans leur analyse des relations entre la religion,
la société et le droit. La sociologie religieuse contribue à la sociologie du droit en
mettant en évidence les dimensions sociales et culturelles des phénomènes religieux, et
en montrant comment le droit encadre et régule ces phénomènes. Elle permet d'analyser
les interactions entre les normes religieuses et les normes juridiques, ainsi que les
40

dynamiques de pouvoir et de conflit entre les institutions religieuses et les institutions


juridiques.

e. Sociologie rurale et urbaine

Son origine part de la première moitié du 20e siècle sur les études du premier sociologue
rural Frédéric Le Play (1806-1882). Les travaux plus systématiques sur le monde rural
sont des Max Weber (1864-1920). A partir de ces travaux, les analyses ont commencé
à s’intéresser à l’étude des phénomènes sociaux dans le monde rural, surtout aux USA
et en Europe55.
Par l’observation et l’analyse des faits, la Sociologie rurale étudie des problèmes
concrets qui se produisent en milieu rural. Par exemple, les sociologues ruraux ont
étudié le genre de vie en milieu rural, la hiérarchie sociale, la population agricole, les
circuits d’écoulement de la production de la production agricole, les mentalités, les
croyances et les connaissances des paysans, les transformations dans les villages, les
résistances des paysans aux innovations induites par la modernité, les groupes sociaux
en milieu rural, etc.
D’une part, la sociologie rurale empirique et la sociologie rurale marxiste d’autre part.
La première sociologie s’est développée en Angleterre et en France. Le postulat de base
de cette sociologie est selon lequel l’agriculture est le lieu des luttes de classes sociales
; les familles paysannes ont développé une conscience d’être différentes des autres
groupes socio-professionnels56. Le capitalisme grâce à sa révolution agricole est à la
base de l’émergence des grandes entreprises agraires, du développement du salariat
agricole et de l’exode rural. Bref, le capitalisme, c’est- à-dire l’économie de marché a
envahi le secteur agricole. La seconde par contre, datée aux USA entre les deux guerres
mondiales (1914 – 1918 et 1940 – 1945) comme antipode de la sociologie rurale
marxiste. La sociologie rurale empirique s’est intéressée à l’étude des innovations et du
changement social observables dans les campagnes. Elle postule que le monde rural est

55
Bosco MUCHUKIWA RUKAKIZA, Cours de sociologie rurale et africaine, Institut supérieur de développement
rural/BUKAVU, 2018, p.7, Disponible et téléchargeable sur www.isdrbukavu.ac.cd , consulté le 01 Avril 2024.
56
Idem
41

en proie aux mutations mais a la capacité de s’adapter ou de résister aux changements


sociaux57.

La sociologie urbaine est une branche de la sociologie qui tend à comprendre les
rapports d'interaction et de transformation qui existent entre les formes d'organisation
de la société et les formes d'aménagement des villes58.

L'étude de la première de ces formes, celles qu'une société prend dans l'espace est
appelée morphologie sociale depuis Marcel Mauss, Maurice Halbwachs ou Jean
Brunhes59 . L'étude de la seconde, celle des formes de la ville avec son habitat, ses
monuments, ses décors, et en général tous ses aménagements, s'appelle morphologie
urbaine60.
La connaissance de la réalité des interactions entre une morphologie sociale et une
morphologie urbaine permet d'une part de favoriser la vie sociale dans les villes
existantes, d'autre part de mieux concevoir les nouveaux ensembles urbains ou
architecturaux (programmation). De telles recherches sont à la fois descriptives,
compréhensives et programmatiques61.

D'un autre côté, la sociologie urbaine étudie les structures sociales, les relations et les
dynamiques propres aux espaces urbains. Elle analyse les caractéristiques des villes, les
phénomènes de densité de population, les réseaux sociaux, les inégalités
socioéconomiques, les mouvements sociaux urbains et les formes d'organisation
communautaire dans les environnements urbains.
Ainsi, la sociologie rurale et urbaine s'intéresse aux spécificités des espaces ruraux et
urbains, tandis que la sociologie du droit examine la manière dont le droit régule et

57
Michel Robert, Sociologie rurale, Coll. Que sais – je ?, Paris, PUF, 1986, p.125.
58
Prolégomènes à une histoire des concepts de morphologie sociale et de morphologie urbaine, Jean-Pierre Frey,
Les Identités, échos de Montréal, éd. Nota Bene, Montréal, 2003, p.34
59
Michel Amiot, « Maurice Halbwachs, l'invention de la sociologie urbaine » dans Contre l'état, les sociologues.
Éléments pour une histoire de la sociologie urbaine en France, 1900-1980, EHESS, 1986, p. 13
60
Christian Baudelot, Marie Jaisson, Maurice Halbwachs, sociologue retrouvé, Collection Figures normaliennes,
Éditions Rue d'Ulm, 2007, p.168
61
Christian de Montlibert, Une histoire qui fait l'Histoire : la mort de Maurice Halbwachs à Buchenwald, revue des
sciences sociales, 2006, pp.114-121
42

gouverne ces environnements. La sociologie rurale et urbaine s'appuie sur la sociologie


du droit pour comprendre comment les normes juridiques, les politiques et les
réglementations influencent les structures sociales, les relations communautaires et les
dynamiques socio-économiques propres aux espaces ruraux et urbains. En retour, la
sociologie du droit tire profit de la sociologie rurale et urbaine en analysant les
particularités des contextes ruraux et urbains, qui peuvent nécessiter des approches
spécifiques en termes de régulation juridique.

SECTION DEUXIÈME : LES ECOLES OU LES GRANDS COURANTS DE


PENSÉES DE LA SOCIOLOGIE DU DROIT
§1. L’école du droit nature
Ce courant de pensée soutient que le droit est basé sur des principes moraux et éthiques
universels qui sont inhérents à la nature humaine. Selon cette perspective, le droit
devrait être juste et équitable, indépendamment des normes sociales et culturelles.

Le droit naturel ou jusnaturalisme est un mode de pensée juridique qui s’oppose au


droit positif, au positivisme. Dès lors ici, le droit n’est pas ce qui est posé par l’autorité
habilité à le faire 62 , mais le droit naturel se trouve être, selon SERGE BRAUDO «
L’ensemble des droits que chaque individu possède du fait de son appartenance à
l’humanité et non du fait de la société dans laquelle il vit. Le droit naturel, qui comprend
notamment, le droit à la vie, et à la santé, le droit à la liberté, comme le droit de
propriété ; il est inhérent à l’humanité, universel et inaltérable, alors même qu’il
n’existe aucun moyen concret de le faire respecter. » Donc « un droit qui découle de la
pratique des choses, et se puise dans la nature humaine 63».

Plus loin, cette école du droit naturel est vue comme une tradition philosophique et
juridique qui repose sur la conviction que certaines normes et principes de justice sont
universels, immuables et inhérents à la nature humaine. Contrairement au droit positif,
qui est établi par les autorités politiques étatiques64 et législatives, il considère le droit

62
Ponton, La définition du droit naturel d'Ulpien : sa reprise par Thomas d'Aquin et son actualisation comme critique
des droits de l'homme, article de la revue Laval théologique et philosophique, 1996.

63
M. VILLEY, Leçons d’histoire de la philosophie du droit, Paris, Dalloz, 1962, p.563.
64
N. BOBBIO, Giusnaturalismo e positivismo giuridico, « droit naturel et positivisme juridique » Milan, 1972, p. 105
43

« comme un ensemble de dispositions normatives délibérément établies ou, au moins,


sanctionnées par certains organes étatiques 65». Le droit naturel est considéré comme
découlant de valeurs et de principes supérieurs qui transcendent les lois humaines.

Cette école de pensée trouve ses origines dans l'Antiquité, avec des philosophes comme
Aristote et les stoïciens, qui ont développé l'idée selon laquelle il existe des normes
morales objectives et universelles qui guident le comportement humain. Au Moyen
Âge, Thomas d'Aquin a élaboré une théorie du droit naturel basée sur la raison et la
nature humaine, affirmant que certaines lois sont intrinsèquement justes en raison de
leur conformité à la raison divine.

Le droit naturel, dit Grotius, est formé de « principes de la droite raison, qui nous font
connaître qu'une action est moralement honnête ou déshonnête selon la convenance ou
la disconvenance nécessaire qu'elle a avec la nature raisonnable et sociable de
l'homme ». Cependant, sur ce point aussi, Grotius se sépare de ces derniers en ce qu'il
recherche la source des normes du droit naturel. La volonté de Dieu, en effet, n'est pour
lui qu'une manifestation indirecte dans la production normative, celle-ci émanant avant
tout de la nature humaine et de son caractère sociable. Le droit naturel est donc, comme
cette nature elle-même, immuable, commun à toutes les époques et à toutes les régions.
Il régit la conduite des individus et celle des États, ces derniers étant liés par des
obligations internes, dont la violation entraîne un droit de résistance à l'oppression en
faveur de ses sujets, et par des obligations internationales – celles du droit des gens.

Grotius pense que le droit naturel forme un système complet et cohérent fondé sur des
axiomes. Le premier de ces axiomes est le devoir de sociabilité de l’Homme qui doit
entrer en relation avec ses semblables.

De cela découlent trois principes :

1. Ne pas porter atteinte au bien d’autrui (respect du droit de propriété)


2. Respecter la parole donnée (respect des engagements contractuels)
3. Réparer le dommage commis par sa faute (responsabilité civile)

65
M. WALINE, Défense du positivisme juridique, in Arch., 1939, p. 84
44

Selon Blandine Barret-Kriegel « L’idée de loi naturelle implique l’existence d’une


règle de justice immuable, inscrite dans l’Univers à laquelle, indépendamment des lois
positives, antérieurement ou parallèlement aux conventions civiles, les hommes
doivent, dans leurs rapports réciproques, se conformer ».

Javier Hervada, jusnaturaliste contemporain, permet de mieux saisir la puissance de ce


droit naturel. Se plaçant dans la droite file de Grotius et Pufendorf, il affirme :

« La science du droit a comme finalité fondamentale que la société soit juste, d’une
justice réelle et concrète qui consiste à respecter et à donner à chaque homme son droit
».

Selon lui, le but du juriste est de révéler ce qui est juste, l’injuste est ce qu’il nomme la
lésion du droit, donc le droit est le juste.

Les principes fondamentaux de l'école du droit naturel reposent sur l'idée que la justice
et la moralité ne dépendent pas uniquement des conventions sociales ou des lois
établies, mais qu'elles sont ancrées dans la nature humaine et dans des valeurs
universelles telles que la dignité humaine, la liberté, l'égalité et la justice. Ainsi, le droit
naturel est souvent considéré comme un fondement éthique et moral du droit positif,
servant de référence pour évaluer la légitimité des lois et des institutions juridiques.

a. Les principes de l’école du droit naturel

1. La nature humaine comme source de normes juridiques

L'école du droit naturel considère que la nature humaine est dotée de caractéristiques et
de capacités intrinsèques qui servent de fondement aux normes juridiques et morales.
Les êtres humains possèdent des facultés rationnelles et morales qui les guident vers le
bien et la justice. Ainsi, le droit naturel repose sur l'idée que certaines valeurs et
principes sont inhérents à la nature humaine et qu'ils doivent être respectés et protégés
par le droit.

2. Les valeurs universelles et immuables du droit naturel

Les partisans de l'école du droit naturel soutiennent que certaines valeurs et principes
sont universels et immuables, c'est-à-dire qu'ils sont valables pour tous les individus et
dans toutes les sociétés, indépendamment des conventions sociales ou des lois établies.
45

Parmi ces valeurs universelles figurent la dignité humaine, la liberté, l'égalité, la justice
et le respect des droits fondamentaux. Ces valeurs sont considérées comme des normes
objectives et intemporelles qui doivent guider la création et l'application du droit.

3. La relation entre le droit naturel et le droit positif

Le droit naturel est souvent présenté comme un idéal normatif qui doit inspirer et guider
l'élaboration du droit positif, c'est-à-dire des lois et des institutions juridiques établies
par les autorités politiques et législatives. Selon les partisans de l'école du droit naturel,
le droit positif doit être en conformité avec les principes du droit naturel pour être
légitime et juste. Ainsi, le droit naturel joue un rôle critique dans l'évaluation et la
critique du droit positif, en mettant en lumière les éventuelles injustices ou violations
des principes moraux et éthiques fondamentaux.

b. Les théories de l’école du droit naturel

1. La théorie de la raison pratique

La théorie de la raison pratique est l'une des approches centrales de l'école du droit
naturel. Selon cette théorie, la raison humaine est capable de discerner des principes
moraux et juridiques universels à partir de la nature même de la raison. Les êtres
humains sont dotés de la capacité de raisonner et de comprendre ce qui est juste et bon,
et c'est cette faculté rationnelle qui leur permet d'identifier les normes éthiques et
juridiques fondamentales. Ainsi, la raison pratique est considérée comme un guide
essentiel pour déterminer les principes du droit naturel.

2. La théorie de la justice naturelle

La théorie de la justice naturelle repose sur l'idée que certaines normes de justice sont
intrinsèquement justes en raison de leur conformité à des principes universels et
immuables. Selon cette approche, la justice n'est pas simplement une question de
convention sociale ou de consensus, mais découle de valeurs et de principes objectifs
qui sont valables pour tous les individus et dans toutes les sociétés. Ainsi, la théorie de
la justice naturelle met l'accent sur l'existence de normes morales et juridiques
universelles qui doivent guider les décisions et les actions humaines.
46

c. Les critiques de l’école du droit naturel

Malgré ses contributions importantes à la réflexion éthique et juridique, l'école du droit


naturel a fait l'objet de critiques et de débats au fil du temps. Certains critiques ont remis
en question l'universalité et l'objectivité des normes du droit naturel, arguant que les
valeurs morales et juridiques peuvent varier en fonction des cultures et des contextes
historiques. D'autres ont souligné la difficulté de déterminer de manière objective les
principes du droit naturel et de les appliquer de manière concrète dans des situations
complexes et controversées.

1. Relativisme culturel et diversité des valeurs


Certains critiques de l'école du droit naturel ont mis en avant le relativisme culturel pour
contester l'universalité des normes morales et juridiques. Selon cette perspective, les
valeurs et les principes éthiques varient d'une culture à l'autre, ce qui remet en question
la prétention du droit naturel à établir des normes objectives et immuables pour tous les
individus et toutes les sociétés.

2. La séparation entre le droit et la morale


Une autre critique fréquente de l'école du droit naturel concerne la séparation entre le
droit et la morale. Certains penseurs ont souligné que le droit positif, en tant que système
juridique établi, peut être distinct de la morale et des valeurs éthiques, ce qui remet en
question la prétention du droit naturel à servir de fondement éthique au droit positif.

§2. École du positivisme juridique


Le positivisme juridique est une théorie juridique qui soutient que le droit doit être
étudié en tant que phénomène social distinct de la morale, de la politique ou de la
religion. Il s’agit enfin d’une conception qui tend à présenter le droit comme un
ensemble autonome de dispositions normatives, en ce sens que la validité de ces
dispositions est principalement déterminée par des critères internes au système de droit
positif66. A ce sujet, toutes les variantes du positivisme ont en commun de rejeter la
tentative de fonder cette validité sur un rapport de conformité avec des principes issus
d’un droit naturel et supérieur. Pour le reste, seule la tendance légaliste et étatiste du
positivisme accentue cette autonomie à un degré extrême. Kelsen établit la validité de

66
M. WALINE, Défense du positivisme juridique, opcit, p.83
47

chaque norme juridique à partir de l’hypothèse de la norme fondamentale 67 . Cette


caractéristique du positivisme conduit à représenter le droit comme un système
objectivé qui revêt soit la forme d’une pyramide dynamique de normes (Kelsen), soit
celle d’une articulation de règles primaires et de règles secondaires68.

Cette approche met l'accent sur l'analyse des règles de droit telles qu'elles sont établies
dans les systèmes juridiques, sans se préoccuper de leur conformité à des normes
morales ou éthiques supérieures. A cet égard, le positivisme implique qu’il n’y a pas de
relations sociales qui forment a priori le contenu des normes juridiques. Les normes
juridiques peuvent régir n’importe quel aspect du comportement humain et contenir à
ces sujettes toutes prescriptions jugées utile par leur créateur 69

Le positivisme juridique est donc développe en trois thèses :

La première thèse est que le “positivisme juridique” se caractérise par la séparation du


droit et de la morale, cette thèse s’analyse à plusieurs sens : dans un premier sens, la
connaissance du droit ne dépend d’aucune évaluation morale ; dans un deuxième sens,
le contenu du droit ne dépend pas de la morale, dans un troisième sens, le droit doit se
substituer à la morale. Chacun mérite d’être distingué. Dans un premier sens,
“positivisme juridique” désigne une approche du droit, une théorie de la connaissance
juridique ou encore une méthodologie selon laquelle la connaissance du droit
correspond à une activité axiologiquement neutre70.

Elle présuppose et est fondée sur la séparation des faits et des valeurs, en sorte que la
connaissance du droit n’exige aucune évaluation préalable, c’est-à-dire que le droit peut
être identifié sans évaluations. Savoir ce qu’est le droit consiste uniquement en la
description de faits et non en une sélection de faits au regard de certaines valeurs
susceptibles d’indiquer ce qui doit être et ce qui ne doit pas être considéré comme du
droit.

67
H. KELSEN, Théorie pure du droit. Trad. de la 2e éd. par Ch. EISENMANN, Paris, 1962, p. 258
68
H.L.A. HART, Le concept de droit. Trad. de M. van de KERCHOVE, Bruxelles, 1976, pp. 127
69
H. KELSEN, Théorie pure du droit. Trad. de la 2e éd. par Ch. EISENMANN, opcit« la seule caractéristique spécifique
du contenu des normes juridiques consiste en ce que ces normes attachent des actes de contrainte aux conduites
jugées indésirables par le créateur de ces normes. Pour le reste, le droit peut chercher à diriger toute activité
humaine.
70
N. BOBBIO, Giusnaturalismo e positivismo giuridico, « droit naturel et positivisme juridique », opcit, p. 58
48

En un second sens, le professeur Charles Odiko désigne le positivisme comme une


théorie juridique constituée de plusieurs thèses qui ont un “noyau historique commun”.
Il développe son raisonnement à ce sens que le positivisme donne une définition du
droit selon laquelle le droit se caractérise par la coercition, une théorie de la norme
juridique selon laquelle une norme est un impératif dont la validité ne dépend pas de sa
conformité avec la morale, une théorie des sources du droit selon laquelle la loi est
considérée comme la source première et l’emporte sur la coutume, une théorie de
l’ordre juridique selon laquelle le droit est un ensemble de normes complet et cohérent,
une théorie de l’interprétation enfin, selon laquelle l’interprétation est un acte de
connaissance, déclaratif du droit positif et non créateur du droit. D’un point de vue
historique, toutes ces thèses ont en commun de produire le concept juridique moderne
d’État en ce qu’elles tendent toutes à reconnaître au législateur le monopole de la
production normative.

Dans ce contexte, les positivistes juridiques affirment que le droit est créé par des actes
de volonté humaine71, tels que des lois promulguées par des autorités compétentes.
Ainsi, la légitimité du droit repose sur sa conformité aux règles de procédure établies
pour son élaboration et son application, plutôt que sur des considérations morales ou
philosophiques.

Le positivisme juridique se défend de toute impureté idéologique et métaphysique : il


parlerait seul du vrai droit et toute autre théorie serait condamnée à errer dans le rêve,
dans les choix idéologiques et métaphysiques. Selon le « dogme général du positivisme
», le juriste ne doit jamais « discerner le juste », il doit demeurer « neutre ; peu lui
importe que les textes qu’il étudie visent la domination de la race germanique sur le
monde, l’élimination des bourgeois, l’épanouissement des libertés, ailleurs la justice
72
»

L'école du positivisme juridique a eu un impact significatif sur la pensée juridique


moderne, en influençant la manière dont le droit est enseigné, interprété et appliqué
dans de nombreux systèmes juridiques à travers le monde.
a. Les principes fondamentaux du positivisme juridique

71
PERELMAN, La loi et le droit, in Qu’est-ce que l’homme ? , Hommage à A. De Waelhens, Bruxelles, 1982, p. 348.
72
M. Villey, philosophie du Droit, définitions et fins du droit, Dalloz, 2001, p. 137
49

1. Séparation du droit et de la morale


Le positivisme juridique insiste sur la nécessité de distinguer le droit en tant que système
de règles sociales contraignantes de la morale en tant que système de valeurs
personnelles. Selon les positivistes juridiques, le droit ne tire pas sa légitimité de sa
conformité à des normes morales préexistantes, mais de sa validité en tant que règles
établies et reconnues au sein d'une société donnée.

2. Primauté de la règle écrite


Pour les positivistes juridiques, la source principale du droit réside dans les textes
juridiques écrits, tels que les lois, les constitutions et les décisions judiciaires. Ces règles
écrites définissent les droits et les obligations des individus de manière claire et
prévisible, ce qui contribue à assurer la stabilité et la prévisibilité du système juridique.

3. Neutralité axiologique
Le positivisme juridique adopte une position de neutralité axiologique, c'est-à-dire qu'il
ne se prononce pas sur la valeur intrinsèque des règles de droit en tant que telles. Les
positivistes juridiques considèrent que le rôle du juriste est d'analyser et d'interpréter le
droit tel qu'il est, sans chercher à imposer des jugements de valeur subjectifs.

4. Validité et effectivité du droit


Selon les positivistes juridiques, la validité du droit dépend de sa conformité à des
critères formels, tels que les procédures d'adoption et les compétences des autorités
émettrices. En outre, le droit doit être effectivement appliqué et respecté par les
membres de la société pour être considéré comme légitime.

b. Les critiques sur le positivisme juridique

1. Critique de la conception étroite du droit


Il est critiqué pour sa vision étroite du droit, qui se concentre principalement sur les
normes émises par une autorité souveraine. Certains estiment que cette approche ignore
d'autres aspects importants du droit, tels que les principes de justice ou les droits
fondamentaux.

2. Critique de la conception autoritaire du droit


Beaucoup d’auteurs reprochent au positivisme juridique de légitimer des régimes
autoritaires en se concentrant sur la souveraineté de l'État et en minimisant les droits
50

individuels. Ils soutiennent que cette approche peut conduire à des abus de pouvoir et à
des injustices.

3. Critique de la rigidité du système juridique


Le positivisme juridique est parfois critiqué pour sa rigidité et son manque de flexibilité.
Certains estiment que le droit positif ne peut pas toujours répondre de manière adéquate
aux changements sociaux ou aux nouvelles situations, ce qui peut entraîner des
injustices ou des lacunes dans la protection des droits.

4. Critique de la séparation entre le droit et la morale


On reproche au positivisme juridique de trop insister sur la séparation stricte entre le
droit et la morale. Ils soutiennent que le droit ne peut pas être complètement détaché de
considérations morales, et que les lois injustes ne devraient pas nécessairement être
suivies.

c. Distinction entre l’école du positivisme juridique et l’école du droit naturel

Du point de vue de la définition, la définition du positivisme s'oppose à celle du droit


naturel. Le droit naturel est un droit constitué de règles morales " bonnes mœurs ". Le
droit naturel est un droit universel, évolutif et subjectif : chacun a sa propre conception
du droit naturel. La loi naturelle est celle qui est conforme à l'équité, à la légitimité, au
"juste". Le positivisme juridique est une théorie du droit qui affirme que la légitimité
des normes juridiques dépend uniquement de leur source formelle, comme une
constitution ou une loi, et non de leur contenu moral ou éthique. En d'autres termes,
selon le positivisme juridique, ce qui compte dans une norme juridique, c'est d'où elle
vient (sa source) et non si elle est moralement juste ou injuste.

Le positivisme juridique est un courant de pensée initié par un théoricien du Droit du


XIXème siècle : Hans Kelsen, dans théorie pure du droit (1962). Ce courant de pensée
privilégie une analyse logique et méthodique du Droit : le droit doit être appliqué tel
qu'il est sans se soucier des règles morales et de l'appréciation de la portée de cette
application. On parle également de "normativité juridique ".

A l'opposé, le jusnaturalisme privilégie le droit naturel au droit positif : le droit positif,


à savoir la règle de droit, doit être appréciée à l'aune du droit naturel, et l'évolution du
droit positif doit suivre celle du droit naturel. On parle également de " science du droit
" ou " sociologie du droit ".
51

Du point de vue de la vision, Le positivisme favorise une vision moniste en ce que seul
le droit positif doit être étudié par le juriste. En revanche, le jusnaturalisme favorise une
vision dualiste en ce qu'il reconnaît à la fois l'existence du droit naturel et du droit
positif, le premier devant exercer une influence sur le second.

§3. Le pluralisme juridique ou l’approche pluraliste


Le pluralisme juridique est devenu un thème majeur de l’étude sociologique et
anthropologique du droit73. Le pluralisme juridique est une approche qui reconnaît et
accepte l'existence de plusieurs ordres juridiques au sein d'une même société.
Contrairement au monisme juridique qui considère qu'il n'y a qu'un seul ordre juridique
valide, le pluralisme juridique reconnaît la coexistence de différentes traditions
juridiques, telles que le droit coutumier, le droit religieux, le droit international, etc. Ces
différents systèmes peuvent interagir et coexister, parfois se chevaucher, et offrir des
solutions juridiques variées pour réguler les relations sociales. Selon Marcel Mauss
« dans une société, il peut y avoir plusieurs systèmes juridiques interagissant les uns
avec les autres ».

Le pluralisme juridique trouve ses racines dans l'anthropologie juridique et la sociologie


du droit, qui ont mis en lumière la diversité des systèmes normatifs au sein des sociétés
traditionnelles et contemporaines. Dans un monde de plus en plus interconnecté et
diversifié, le pluralisme juridique offre un cadre conceptuel pour comprendre et gérer
la coexistence des normes juridiques divergentes. Il permet de reconnaître la légitimité
des différentes traditions juridiques et de promouvoir le respect des droits des minorités
et des groupes marginalisés.
L’idée d’Eugene Ehrlich vaut toute l’attention centrale lorsqu’il faut toucher à la
question du pluralisme juridique, car, il construit une théorie du « droit vivant » en
réaction à l’idéologie d’un droit exclusivement étatique. Il part du postulat que le droit
est essentiellement indépendant de l’État, et propose ce qu’il appelle une « conception
scientifique du droit », qui s’attache aux règles de comportement74. Ehrlich pense que
le droit est fondamentalement une question d’ordre social, chose que l’on trouve partout

73
Baudouin Dupret. La nature plurale du droit. Cahiers d’anthropologie du droit, 2003, p.1
74
Eugen Ehrlich, Fundamental Principles of the Sociology of Law, traduit par Walter L Moll, vol 5, Harvard Studies in
Jurisprudence, Cambridge (Mass), Harvard University Press, 1936, p.24. Cité par Baudouin Dupret, pluralisme
juridique, pluralité de droits et pratiques juridiques : théories, critiques et reformulation praxéologique, p. 595
52

et qui « ordonne et maintient toute association humaine » 75 . C’est à partir de ces


associations, à partir de ces instances de production de contrôle social, que le droit
émerge. Autrement dit, le droit est synonyme de normativité.

Dans chaque activité sociale, un ordre juridique est intrinsèquement lié, comme le
souligne Guy Rocher. Il explique ainsi d’un côté l'ordre juridique ecclésiastique, qui
englobe des normes régissant divers aspects tels que les conditions d'admission dans
l'église ou la secte, les critères d'exclusion, les pratiques cérémonielles et rituelles, les
autorités ecclésiastiques, les sanctions en cas de transgression, et bien plus encore. Ces
normes définissent l'organisation, le fonctionnement, les fidèles, le clergé, la hiérarchie
et autres aspects de l'église ou de la secte. Ce qui caractérise ces normes en tant qu'ordre
juridique, c'est la désignation des autorités compétentes pour établir les règles, les
interpréter et les faire respecter. De plus, ces règles reposent sur une légitimité souvent
issue d'une révélation divine à un médium privilégié, tel que Moïse, les Prophètes ou
les rédacteurs des Livres sacrés. L'Église catholique représente probablement
l'archétype occidental de cet ordre juridique ecclésiastique.
Par ailleurs, dans le domaine ludique de l'ordre juridique, c'est-à-dire le jeu, dès lors
qu'il implique la participation de deux personnes ou plus, il nécessite une
réglementation. Que ce soit une partie de cartes avec deux, trois, quatre joueurs ou plus,
ou des sports tels que le football, le basketball ect... Tous les jeux requièrent que les
participants connaissent les règles du jeu, les respectent; cela implique également que
ces règles aient été établies par une autorité, qu'un arbitre ou un juge soit habilité à les
interpréter si nécessaire et qu'une autorité puisse les faire respecter et appliquer des
sanctions.
Alors, tout ne devient-il pas juridique? Les deux exemples de Guy Rocher posent le
problème central de la notion d'ordre juridique : à savoir la pluralité des ordres
juridiques. Parler d'ordre juridique pour désigner le droit étatique n'étonne pas trop. Il
n'en va plus de même lorsqu'on utilise le même concept pour désigner des ordres
normatifs que le juriste ne reconnaît pas comme juridiques. N'y a-t-il pas abus de
langage à parler d'un ordre juridique dans le cas d'un club de joueurs de cartes ou d'un
gang criminel? N'est-ce pas faire outrage au juridique que d'en étendre ainsi l'acception?
Ne risque-t-on pas de banaliser le juridique en y faisant entrer ainsi une pluralité de
phénomènes sociaux? N'en arrive-t-on pas à ce que tout soit juridique finalement ?

75
Baudouin Dupret, pluralisme juridique, pluralité de droits et pratiques juridiques, opcit, p. 25.
53

LES PRINCIPES CLES DU PLURALISME JURIDIQUE

a. Autonomie des ordres juridiques


Un principe clé du pluralisme juridique est l'autonomie des ordres juridiques. Cela
signifie que chaque système juridique, qu'il soit étatique, coutumier, religieux ou autre,
possède sa propre logique interne et ses propres normes et valeurs. L'autonomie des
ordres juridiques implique le respect de la spécificité de chaque système juridique et la
non-ingérence des autres systèmes dans ses affaires internes. Ce principe vise à garantir
la cohérence et l'intégrité des normes juridiques au sein de chaque ordre juridique.

b. Reconnaissance des droits des minorités et des groupes marginalisés


Le pluralisme juridique met l'accent sur la reconnaissance et la protection des droits des
minorités et des groupes marginalisés. En reconnaissant la diversité des normes
juridiques et des traditions juridiques, le pluralisme juridique permet de prendre en
compte les besoins et les intérêts spécifiques des différentes communautés et groupes
sociaux. Cela implique de garantir l'accès à la justice pour tous, de lutter contre les
discriminations et les inégalités, et de promouvoir la diversité culturelle et juridique.

c. Dialogue interculturel et inter-juridique


Ce principe implique d'établissement des espaces de rencontre et d'échange entre les
différents acteurs juridiques, qu'ils appartiennent à des traditions juridiques différentes,
à des cultures différentes ou à des systèmes juridiques différents. Le dialogue inter-
juridique permet de favoriser la compréhension mutuelle, de résoudre les conflits
potentiels et de construire des ponts entre les différentes normes juridiques. Il contribue
à renforcer la cohésion sociale et à promouvoir la paix et la justice dans une société
pluraliste.
54

CHAPITRE TROISIÈME : LA NAISSENCE ET L’ELABORATION DE LA


NORME DU DROIT : DU FAIT SOCIAL À LA
RÈGLE DE DROIT
Dans le vaste panorama de l'élaboration de la norme juridique, une analyse en
profondeur révèle une alchimie complexe entre le fait social et la règle de droit. Au
cœur de cette transformation se trouve l'essence même de la société, tissée de normes
implicites et de comportements humains, qui évoluent et se transforment au fil du temps.
Le fait social, en tant que manifestation concrète des interactions humaines76, porte en
lui les germes de la régulation sociale, de l'ordre et de la justice.

C'est dans ce terreau fertile que s'enracine la genèse de la norme juridique, fruit d'un
processus organique et dynamique où les réalités sociales se cristallisent en règles
formelles et contraignantes. Sous le regard scrutateur du juriste et du sociologue, chaque
étape de cette métamorphose révèle des strates de significations et des enjeux profonds.
Les mécanismes de socialisation, les rapports de pouvoir, les conflits d'intérêts et les
aspirations collectives se mêlent et s'entremêlent pour façonner le visage changeant du
droit.

Du fait social émerge la règle de droit, transcendant les contingences de l'histoire et les
particularismes culturels pour incarner l'universalité de la justice et de l'équité77. Cette
évolution, marquée par des luttes, des compromis et des révolutions juridiques, reflète
la quête incessante de l'humanité pour établir un ordre juste et harmonieux. Dans ce
ballet incessant entre le social et le juridique, se dessine le portrait fascinant d'une
société en perpétuelle mutation, où les normes se façonnent et se réinventent pour
répondre aux défis de notre temps.

L'élaboration de la norme juridique, du fait social à la règle de droit, se révèle comme


un voyage initiatique au cœur de la condition humaine, où se mêlent les aspirations
individuelles et les impératifs collectifs, les traditions séculaires et les exigences de la
modernité. Dans cette quête incessante de sens et de justice, le juriste et le sociologue

76
É. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, 2e éd. (1937), PUF, coll. Bibliothèque de philosophie
contemporaine, 1973, p. 11. Durkheim ajoutait qu’ « est fait social toute manière de faire ou de penser, fixée ou
non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte extérieure ; ou bien encore qui est générale dans l’étendue
d’une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses manifestations individuelles » (ibid.,
p. 14).
77
Gérard BOISMENU, «L'État et l'ordre juridique», dans Gérard BOISMENU et Jean-Jacques GLEIZAL (dir.), Les
mécanismes de régulation sociale, Montréal et Lyon, Boréal et Presses universitaires de Lyon, 1988, chapitre I.
55

se font les témoins privilégiés d'une aventure intellectuelle et morale, où la complexité


du réel se confronte à la rigueur de la norme, dans un dialogue fécond et sans cesse
renouvelé.

SECTION PREMIÈRE : LA SOCIETE COMME RHIZOME DE LA REGLE DE


DROIT

D’où vient la règle de droit ? De la vie en société (ubi societas ibi jus) ? Il est difficile
de dire que Blaise-Jovani seul sur son île n’a pas besoin de droit. Une fois les hommes
réunis en société, qu’est-ce qui explique cette forme spécifique qu’est le droit, en sus
de la morale et des conventions sociales ? La question de l’origine de la règle de droit.

Dans le parcours des fondements sociologiques du fait social, il est impératif d’analyser
des mécanismes complexes qui sous-tendent la régulation sociale. En effet, l'héritage
de Durkheim nous enseigne que le fait social constitue l'essence même de la cohésion
et de l'harmonie au sein d'une société78. C'est dans cette perspective que se dessine la
trame subtile des interactions sociales, tissée de normes implicites et de valeurs
partagées, qui façonne le tissu social et structure les comportements individuels.

Les racines profondes du fait social plongent leurs ancrages dans les structures sociales,
où se mêlent traditions, coutumes et institutions. Ces éléments agissent comme autant
de piliers sur lesquels repose la construction de la normativité, guidant les individus
dans leurs actions et régulant les relations interpersonnelles. La socialisation, processus
incontournable de transmission des normes et des valeurs, joue un rôle crucial dans la
genèse du fait social en tant que phénomène collectif et structurant.

Par ailleurs, la dynamique du fait social se révèle être un moteur essentiel dans
l'évolution du droit. Les mutations des mœurs et des comportements sociaux engendrent
des bouleversements juridiques, témoignant de l'interconnexion étroite entre la société
et le système juridique. Les conflits sociaux, les revendications collectives et les
aspirations citoyennes contribuent à façonner le paysage normatif, mettant en lumière
les enjeux de la régulation juridique face aux défis de la modernité et de la diversité
culturelle.

78
É. DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, op.cit.
56

§1 : L'héritage de Durkheim : la notion de fait social comme socle de la régulation


sociale
L'héritage de Durkheim, éclairant les méandres de la sociologie, nous invite à plonger
dans la profondeur des fondements du fait social en tant que socle de la régulation
sociale. La première chose que Durkheim offre chronologiquement à son premier
chapitre des Règles de la méthode sociologique, c’est un ensemble d’exemples de faits
sociaux parmi lesquels figurent les « règles juridiques, morales, les dogmes religieux et
les systèmes financiers ».

La notion de fait social est centrale dans la conception de la sociologie d’Émile


Durkheim. Il définit, dans Les règles de la méthode sociologique, le fait social comme
« toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d'exercer sur l'individu une contrainte
extérieure; ou bien encore, qui est générale dans l'étendue d'une société donnée tout en
ayant une existence propre, indépendante de ses diverses manifestations au niveau
individuel ». Dans la conception de Durkheim, que l’on qualifie parfois de holiste, la
société est plus que la somme des individus, il la voit comme une réalité en soi, sui
generis. L’existence de faits sociaux correspond au fait que la société s’impose aux
individus. Ces derniers vivent dans un « cadre » social déterminé, qui les contraint en
même temps qu’il leur permet de vivre ensemble. Durkheim donne un certain nombre
d’exemples de faits sociaux : « tâche de frère, d'époux ou de citoyen », « les croyances
et les pratiques de la vie religieuse », mais aussi le langage, la monnaie, les pratiques
professionnelles.

Durkheim attribue plusieurs caractéristiques essentielles aux faits sociaux. Tout


d'abord, il souligne leur nature externe aux individus, leur origine étant ancrée dans la
société elle-même. Ces faits sociaux existent indépendamment des actions individuelles
et continuent d'exister même si un individu décide de les transgresser. Leur caractère
contraignant signifie qu'ils s'imposent aux individus79 et peuvent entraîner des sanctions
en cas de non-respect. De plus, ces faits sociaux sont réguliers et se reproduisent dans
le temps, contribuant ainsi à la stabilité sociale.

79
Durkheim E., Le Suicide, Étude de sociologie, Presses Universitaires de France, coll. Quadrige, 2ème édition,
Collection: Bibliothèque de philosophie contemporaine, 1967, p. 47
57

§2. Mutation du fait social à la règle de droit


Le fait social exerce une influence significative sur la création de normes juridiques,
car, les normes juridiques sont élaborées pour répondre aux besoins, aux valeurs et aux
attentes d'une société donnée. La naissance de la règle de droit part des certaines
observations

a. Identification des problèmes sociaux

Le fait social permet d'identifier les problèmes, les conflits et les besoins qui se
manifestent au sein d'une société. Par exemple, si une société connaît une augmentation
des actes de violence, cela peut conduire à l'élaboration de normes juridiques visant à
garantir la sécurité et la protection des individus. Le fait social de la prise de conscience
croissante des problèmes environnementaux a conduit à l'élaboration de normes
juridiques visant à protéger l'environnement. Ces normes ont fait objet des
réglementations sur la pollution de l'air et de l'eau, la gestion des déchets, la
conservation de la biodiversité et la promotion des énergies renouvelables. Ce besoin
de la protection de l’environnement est au départ un besoin social avant de devenir une
incrimination du législateur.

Les conflits sociaux et les revendications collectives se révèlent être des catalyseurs
puissants de la régulation juridique, mettant en lumière les tensions et les enjeux qui
traversent les sociétés contemporaines. Ces mouvements de contestation et de
mobilisation collective révèlent un besoin de construction de l'ordre social et juridique,
interrogeant les rapports de pouvoir, les inégalités structurelles et les aspirations à la
justice sociale.

Les conflits sociaux, qu'ils émergent des luttes ouvrières, des mouvements féministes,
des revendications environnementales ou des mobilisations citoyennes, expriment les
déséquilibres et les injustices qui marquent les sociétés contemporaines. En mettant en
lumière les failles du système, en dénonçant les discriminations et les oppressions, ces
conflits agissent comme des révélateurs des limites du droit et des institutions, appelant
à une régulation juridique plus juste et plus équitable.

Les revendications collectives, quant à elles, expriment les aspirations et les demandes
des groupes marginalisés, des minorités opprimées, des communautés exclues, mettant
en avant la nécessité de reconnaître et de protéger leurs droits fondamentaux. En
revendiquant l'égalité, la dignité, la liberté et la solidarité, ces mouvements sociaux
58

interpellent le droit, le contraignant à évoluer pour répondre aux exigences de justice et


de respect de la dignité humaine.

b. Consécration des valeurs collectives

Les normes juridiques sont souvent le reflet des valeurs collectives d'une société. Le
fait social permet de déterminer quelles valeurs sont considérées comme importantes et
nécessitant une protection juridique. Si dans une société l'égalité entre les citoyens est
une valeur fondamentale d'une société, cela peut se traduire par des normes juridiques
garantissant l'égalité des droits et des opportunités pour tous.

c. Régulation des comportements :

Le fait social identifie les comportements socialement acceptables et inacceptables.


Lorsqu'un comportement est considéré comme préjudiciable ou perturbateur pour la
société, des normes juridiques peuvent être établies pour réguler ce comportement.
L’illustration la plus considérable en RDC est la conduite en état d'ivresse qui est
généralement considérée comme dangereuse et préjudiciable. Ainsi considérée, ce
comportement doit conduire à l'élaboration de normes juridiques interdisant la conduite
sous l'influence de l'alcool.

Les interactions sociales constituent le creuset par excellence de la régulation des


comportements individuels et collectifs au sein de la société. En effet, chaque échange,
chaque relation interpersonnelle est le lieu d'une construction permanente de normes,
de valeurs et de règles qui façonnent les contours de la vie en communauté.

Le mariage : Le mariage est un exemple classique de norme juridique qui découle du


fait social. Le fait social du désir humain de former des unions conjugales et de fonder
une famille a conduit à l'élaboration de normes juridiques régissant le mariage. Ces
normes peuvent inclure des exigences d'âge, de consentement mutuel, de célébration
publique et de reconnaissance légale des droits et des devoirs des conjoints.

La protection des droits des travailleurs : Le fait social des inégalités et des abus dans
les relations de travail a conduit à l'élaboration de normes juridiques pour protéger les
droits des travailleurs. Ces normes inclurent des réglementations sur les heures de
travail, les salaires minimums, la sécurité au travail, les congés payés, la protection
contre le harcèlement, etc.
59

d. Changements sociaux et évolution des normes juridiques

Le fait social est dynamique et évolue avec le temps. Les changements sociaux, tels que
les avancées technologiques, les mouvements sociaux ou les évolutions des valeurs,
peuvent entraîner la création ou la modification de normes juridiques. Par exemple,
avant, le regard qu’avait le monde sur l’avortement et l’homosexualité a changé. Vous
avez des Etats comme les USA dont les Etats fédérés sous la domination des démocrates
sont favorables pour un droit à l’avortement ; par contre les États fédérés sous la
domination des conservateurs ou républicains ne sont pas favorables à l’avortement.
Plus loin, dans l’histoire de la colonisation, les noirs étaient des simples esclaves qui
n’avaient droit à rien à l’exception de servir le maitre, ainsi ils faisaient objet d’une
certaines discriminations. Partant de la révolte, l’humanité a trouvé utile d’interdire
l’esclavage et surtout la discrimination tant raciale que d’autres. Ainsi, La lutte contre
la discrimination comme fait social combat de la discrimination, et cherche la
promotion de l'égalité des chances. Cela a conduit à l'élaboration de normes juridiques
visant à prévenir et à sanctionner la discrimination. Par exemple, de nombreuses
juridictions ont adopté des lois interdisant la discrimination fondée sur la race, le genre,
la religion, l'orientation sexuelle, etc.

Le fait social est étroitement lié à la création de normes juridiques et il est le vecteur
par excellent. Il permet d'identifier les problèmes sociaux, de consacrer les valeurs
collectives, de réguler les comportements et de répondre aux changements sociaux. Les
normes juridiques sont ainsi façonnées par les réalités et les dynamiques sociales d'une
société donnée.

§3. Les conflits d'intérêts et les rapports de pouvoir dans la construction de la norme
juridique
Lorsqu'il s'agit de définir les règles qui régissent la société, il est inévitable que des
intérêts divergents entrent en jeu, souvent alimentés par des dynamiques de pouvoir
complexes. Ces conflits d'intérêts peuvent provenir de divers acteurs, tels que les
groupes de pression, les entreprises, les institutions politiques ou même les individus
influents.

Les intérêts particuliers peuvent parfois primer sur l'intérêt général, ce qui peut conduire
à des normes juridiques biaisées ou injustes. Les acteurs puissants peuvent exercer une
influence indue sur le processus législatif, en favorisant l'adoption de lois qui servent
leurs intérêts au détriment de l'intérêt commun. Ces rapports de pouvoir inégaux
60

peuvent compromettre la légitimité et l'équité des normes juridiques, en créant des


déséquilibres et des injustices dans la société.

De plus, les conflits d'intérêts et les rapports de pouvoir peuvent également se


manifester au sein des institutions chargées de créer et d'appliquer les normes
juridiques. Les décideurs politiques, les juges, les avocats et les lobbyistes peuvent être
soumis à des pressions et des influences extérieures qui peuvent compromettre leur
impartialité et leur objectivité. Ces conflits d'intérêts peuvent miner la confiance du
public dans le système juridique et affaiblir l'application juste et équitable des lois.

Les processus décisionnels doivent être transparents et compte de l'intérêt général. Il est
également crucial de renforcer les mécanismes de contrôle et de surveillance pour
prévenir les abus de pouvoir et garantir l'indépendance et l'impartialité des institutions
juridiques.

§4. Les facteurs politiques et économiques comme catalyseurs de la règle de droit

a. Les facteurs politiques : Pressions politiques

Les pressions politiques sont l'une des forces motrices dans la formation du droit. Elles
se réfèrent aux efforts déployés par différents acteurs politiques et groupes d'intérêt
pour influencer la création, l'adoption et la modification des lois.

Les élections politiques sont souvent des moments clés où les pressions politiques sont
exercées. Les candidats et les partis politiques peuvent proposer des programmes et des
politiques spécifiques dans le but de mobiliser les électeurs et de remporter les élections.
Les plateformes politiques et les promesses électorales influent la création du droit en
mettant l'accent sur des problématiques spécifiques et en proposant des réformes
législatives pour y répondre aux promesses.

Comment les pressions politiques peuvent-elles influencer la composition des organes


législatifs ? Les élections sont le moyen principal par lequel les pressions politiques
peuvent influencer la composition des organes législatifs. Les partis politiques et les
candidats cherchent à mobiliser les électeurs en proposant des programmes et des
politiques spécifiques. Les électeurs peuvent être influencés par ces propositions et
voter en faveur des candidats qui soutiennent leurs idées et leurs intérêts. Ainsi, les
pressions politiques exercées par les partis et les électeurs peuvent conduire à l'élection
de législateurs qui reflètent ces intérêts et perspectives.
61

Financement des campagnes, les pressions politiques peuvent également être exercées
par le biais du financement des campagnes électorales. Les candidats dépendent souvent
des contributions financières pour mener des campagnes efficaces. Les groupes d'intérêt
et les organisations politiques peuvent fournir un soutien financier aux candidats qui
partagent leurs positions et leurs objectifs. En retour, les candidats élus peuvent être
redevables envers ces donateurs et être plus enclins à soutenir les politiques et les
intérêts de ces groupes.

Les mouvements sociaux sont des formes d'organisation collective qui cherchent à
promouvoir des changements sociaux et politiques sur des questions spécifiques. Ils
peuvent exercer des pressions politiques en organisant des manifestations, des grèves,
des manifestations publiques ou en utilisant les médias sociaux pour sensibiliser
l'opinion publique et mettre la pression sur les décideurs politiques. Les mouvements
sociaux peuvent jouer un rôle important dans la formation du droit en attirant l'attention
sur des problématiques émergentes ou en remettant en question des lois existantes.

b. Les facteurs économiques

Le contexte économique est un facteur important qui exerce des pressions sur la
formation du droit. Il englobe les conditions économiques générales, telles que la
croissance économique, l'inflation, le chômage, les inégalités économiques, les crises
financières et d'autres aspects liés à l'économie d'un pays ou d'une région. Au siecle de
cette idée, deux façons principales dont le contexte économique influence la formation
du droit :

1. Politiques économiques et réglementaires : La situation économique incite le


gouvernement à mettre en place des politiques économiques et réglementaires
spécifiques. Par exemple, en période de croissance économique faible, le gouvernement
peut être enclin à adopter des mesures pour stimuler l'activité économique, telles que
des réductions d'impôts, des incitations fiscales ou des mesures de relance économique.
Ces politiques nécessitent la création ou la modification de lois existantes.

2. Groupes d'intérêt économique : Les acteurs économiques, tels que les entreprises, les
syndicats, les associations commerciales et les groupes de pression, exercent également
des pressions politiques en fonction du contexte économique. Les entreprises font
pression pour obtenir des avantages fiscaux, des réglementations favorables à leur
secteur d'activité ou des politiques commerciales qui protègent leurs intérêts. De même,
les syndicats peuvent exercer des pressions pour obtenir des droits du travail renforcés,
62

des salaires plus élevés ou des politiques de protection sociale étendues. Les groupes
d'intérêt économique influencent souvent la formation du droit en mobilisant leurs
ressources financières, leur expertise et leur influence politique pour promouvoir leurs
intérêts.

§4. Importance des structures sociales et enjeux de la socialisation

a. L'importance des structures sociales dans la genèse du fait social


Pour mieux comprendre comment une réalité est construite tout en s’affranchissant des
catégories de pensée instituées, les bonnes intentions ne suffisent pas. Il faut s’en donner
les moyens. L’un d’entre eux consiste à analyser les processus de construction de la
réalité. Seule la mise en perspective historique permet en effet de voir en quoi ce qu’on
appelle une « réalité sociale » comme une institution (l’asile psychiatrique, la loi, le
mariage, l’État, le marché...) ou un problème (la folie, la déviance, le divorce, les crises
politiques, la pauvreté...) « ne tombe pas du ciel », n’a pas toujours constitué une «
réalité » et n’a pris sa forme actuelle qu’au terme d’un long processus qui aurait pu
tourner autrement.
Pour employer un néologisme aujourd’hui courant dans des sciences sociales, il faut «
historiciser » ces structures. Comment une société a-t-elle été amenée à enfermer ses
malades mentaux ? Comment en est-on venu à considérer les usagers de drogues comme
des déviants ? Par quels processus le régime de la démocratie parlementaire s’est-il
imposé ? Comment une économie de marché a-t-elle pu voir le jour ?
L'importance des structures sociales dans la genèse du fait social est un élément
fondamental de la réflexion juridique et sociologique, car ces structures constituent le
cadre dans lequel les interactions humaines se déploient et les normes se construisent.
Pour le juriste et sociologue éclairé, les structures sociales agissent comme des matrices
qui façonnent les comportements individuels et collectifs, influençant ainsi la naissance
et l'évolution des faits sociaux.

Les structures sociales, qu'elles soient économiques, politiques, culturelles ou


juridiques, exercent une influence profonde sur la manière dont les individus
interagissent et se comportent au sein de la société. Elles déterminent les rôles, les
statuts, les normes et les valeurs qui régissent les rapports sociaux et conditionnent les
actions des individus. Ainsi, les structures sociales agissent comme des cadres de
63

référence qui orientent les choix et les décisions des acteurs sociaux, contribuant ainsi
à la genèse et à la reproduction des faits sociaux.

d. Les enjeux de la socialisation et de la construction des normes implicites


La socialisation est le plus souvent définie, à la suite de Durkheim, comme le processus
par lequel la société impose à l’enfant ses règles et ses normes 80 . A partir d’un
apprentissage, implicite ou explicite, il doit intérioriser les manières de faire et de
penser, les idéaux et les pratiques, les croyances et les rituels conformes à ses milieux
de vie et à ses groupes d’appartenance. Il doit intégrer ces données sociales et culturelles
à la structure de sa personnalité, à l’occasion d’expériences éducatives et grâce à la
médiation d’agents sociaux significatifs, les parents et surtout les maîtres. Le système
d’éducation (familial et scolaire) s’impose à lui avec une force généralement irrésistible
et sert non seulement à transmettre les exigences et les acquis sociaux, mais aussi à
perpétuer la société. L’appropriation des données socioculturelles passe par des «
représentations collectives » transmises sur le mode intergénérationnel et acceptées par
la majorité des membres de la société concernée.
La question des enjeux de la socialisation et de la construction de la norme implicite est
au cœur des préoccupations juridiques et sociologiques, car elle interroge les
mécanismes par lesquels les individus intègrent les normes et les valeurs de la société
dans laquelle ils évoluent. Pour le juriste et sociologue éclairé, la socialisation et la
construction de la norme implicite sont des processus complexes qui façonnent les
comportements individuels et collectifs, influençant ainsi la dynamique sociale et
juridique.
La socialisation, en tant que processus par lequel les individus apprennent et intègrent
les normes, les valeurs et les comportements socialement acceptés, joue un rôle crucial
dans la construction de la norme implicite. Elle se déploie à travers les interactions
quotidiennes, les institutions sociales et les pratiques culturelles qui façonnent les
identités et les comportements des individus. Ainsi, la socialisation contribue à la
reproduction des normes sociales et à la perpétuation des modèles de comportement qui
structurent la vie en société.

80
Pierre Tap, Socialisation et construction de l’identité personnelle, p.49, Mis en ligne sur Cairn.info le 31/08/2016,
consulté le 02 Avril 2024 sur https://doi.org/10.3917/puf.malew.1991.01.0049
64

Parallèlement, la construction de la norme implicite renvoie à la mise en place de


références communes, de codes tacites et de conventions non écrites qui régissent les
interactions sociales et orientent les comportements des individus. Ces normes
implicites, souvent invisibles et implicites, exercent une influence profonde sur les
pratiques sociales et juridiques, façonnant ainsi les représentations collectives et les
modes de régulation sociale.

Les mécanismes de socialisation juridique jouent un rôle essentiel dans la transmission


des normes juridiques et dans la formation des individus en tant que membres
responsables de la société. Ils contribuent à inculquer les valeurs, les règles et les
comportements conformes au droit. L'objectif de la socialisation juridique est de créer
une culture juridique partagée qui favorise le respect et l'application du droit.

L'un des principaux mécanismes de socialisation juridique est l'éducation juridique. Les
institutions éducatives, des écoles primaires aux universités, intègrent l'enseignement
du droit dans leurs programmes. L'éducation juridique vise à familiariser les individus
avec les principes fondamentaux du droit, les concepts juridiques clés et les procédures
judiciaires. Elle permet également d'acquérir des compétences juridiques telles que la
recherche juridique, l'analyse de cas et la rédaction juridique. L'éducation juridique
contribue à former des citoyens conscients de leurs droits et de leurs devoirs.

Un autre mécanisme de socialisation juridique est la famille. Les parents, en tant que
premiers éducateurs, jouent un rôle crucial dans l'inculcation des valeurs juridiques. Ils
transmettent aux enfants les normes, les attentes et les comportements conformes au
droit. Par exemple, ils peuvent expliquer l'importance de respecter les règles, de traiter
autrui avec équité et de prendre des décisions éthiques. Les discussions familiales sur
des questions juridiques, les exemples donnés par les parents et les sanctions éducatives
en cas de non-respect des règles contribuent à la socialisation juridique des enfants.
65

SECTION DEUXIÈME : L’ELABORATION DE LA REGLE DU DROIT

La production du droit est un processus complexe qui implique différents acteurs et


institutions et qui se déroule à travers divers processus législatifs et réglementaires. La
sociologie du droit s'intéresse à ces dynamiques pour comprendre comment les normes
juridiques sont créées et influencées.

L'un des aspects clés de la production du droit est l'étude des acteurs et institutions qui
interviennent dans ce processus. Les législateurs, tels que les parlementaires et les
gouvernements, jouent un rôle central dans l'élaboration des lois. La sociologie du droit
examine leurs motivations, leurs intérêts et les influences qui façonnent leurs décisions.
Elle s'intéresse également aux juristes et experts juridiques qui apportent leur expertise
et conseillent les législateurs dans le processus de rédaction des textes juridiques.

Comprendre leur rôle et leur influence permet de saisir comment les décisions
juridiques sont prises.

Par ailleurs, la société civile et les groupes d'intérêt peuvent également exercer une
influence significative sur la production du droit. Les organisations professionnelles,
les ONG et les mouvements sociaux font valoir leurs intérêts, font pression sur les
législateurs et participent aux débats législatifs. La sociologie du droit étudie leurs
stratégies, leurs tactiques et leur capacité à influencer le processus de production du
droit.

En ce qui concerne les processus législatifs et réglementaires, la sociologie du droit


s'intéresse aux débats parlementaires. Elle analyse les dynamiques qui se jouent au sein
des assemblées législatives, telles que les discours, les alliances politiques, les
négociations et les compromis. Comprendre ces dynamiques permet de saisir les
facteurs qui influencent l'adoption ou la modification des lois.
66

§1. Les acteurs de la production de la norme et leur rôle dans la formalisation du fait
social
Deux visions s'affrontent encore pour définir la loi, l'une matérielle et l'autre formelle.
Selon la perspective matérielle, la loi est une règle de conduite sociale visant à
engendrer des effets juridiques. Cette conception, indifférente à la nature, à la qualité,
à la procédure et à l'organe d'où émane la loi, accorde peu d'importance au contenu et
aux effets qui y sont attachés. En revanche, du point de vue formel, la loi est votée
conformément à la procédure établie, que ce soit dans la Constitution ou dans le
règlement intérieur, par une assemblée législative et promulguée par l'autorité
compétente.

Dans le domaine de la production législative, la loi peut revêtir un caractère ordinaire


ou exceptionnel ; la première étant élaborée par le parlement et la seconde intervenant
dans les relations entre le gouvernement et le parlement, et portant la dénomination
d'acte ayant force de loi.

1. Le parlement comme législateur ordinaire

Le Parlement en RDC est législateur ordinaire, qui en vertu de la théorie de la


souveraineté, reçoit mandat de représenter le souverain primaire par le biais du suffrage
universel direct. Il est chargé de légiférer sur les questions d'intérêt national, de
contrôler l'action du gouvernement, d'approuver le budget de l'État et de participer à la
vie politique du pays. Il joue un rôle clé dans le système politique congolais en tant
qu'institution représentative du peuple et garant de la démocratie.

Les parlementaires jouent un rôle crucial dans la formalisation du fait social en normes
juridiques contraignantes. Elles agissent comme des médiateurs entre les pratiques
sociales émergentes et les exigences de régulation et de pacification de la société. En
reconnaissant, codifiant et en prévoyant des sanctions sur les comportements sociaux,
ces institutions « Assemblée Nationale et Sénat » transforment les réalités informelles
en règles officielles, contribuant ainsi à l'ordre et à la stabilité sociale.

Leur influence et leur interaction façonnent les normes juridiques et déterminent les
contours de la législation. Au sein de la société, les parlementaires occupent une place
primordiale. Ils sont responsables de l'élaboration et de l'adoption des lois. Leur rôle
consiste à proposer, débattre et voter sur les projets de loi. Ils sont censés représenter
67

les intérêts de la société et prendre des décisions en accord avec les besoins et les valeurs
de celle-ci.

La sociologie du droit s'intéresse aux motivations et aux intérêts des législateurs. Elle
explore les facteurs politiques, économiques, sociaux et culturels qui influencent leurs
choix législatifs. Par exemple, les pressions exercées par des groupes de pression, les
préoccupations électorales, les idéologies politiques, les intérêts économiques et les
valeurs culturelles peuvent tous influencer les décisions prises par les législateurs.

Comprendre ces influences permet de saisir les logiques qui sous-tendent l'élaboration
des lois.

Le processus législatif commence généralement par l'identification d'un besoin de


réglementation ou la nécessité d'apporter des modifications à la législation existante.
Cela peut être motivé par des problèmes sociaux, des évolutions économiques, des
avancées technologiques ou des changements de politique publique. Les législateurs,
qui sont les représentants élus du peuple, sont chargés de répondre à ces besoins en
proposant et en adoptant de nouvelles lois.

a. La rédaction d’un projet de loi


La première étape du processus consiste en la rédaction d'un projet de loi. Les
législateurs, souvent assistés de juristes et d'experts, rédigent le texte qui précise les
dispositions légales proposées. Cette rédaction peut être basée sur des recommandations
d'organismes consultatifs, des études d'impact ou des consultations publiques. Il est
essentiel que le projet de loi soit clair, précis et conforme aux principes constitutionnels
et aux normes juridiques en vigueur.

b. Adoption du projet de loi


Une fois le projet de loi rédigé, il est généralement soumis à un processus de
délibération et d'adoption par l'organe législatif compétent (Assemblée Nationale ou
Sénat). Le projet de loi est généralement débattu, amendé et voté lors de différentes
étapes du processus législatif.

Les débats parlementaires revêtent une importance particulière dans le processus


législatif. Ils permettent aux législateurs de présenter leurs arguments, de défendre leurs
positions et de négocier des compromis. Les débats peuvent révéler des divergences
d'opinions, des conflits d'intérêts et des enjeux politiques sous-jacents. Ils sont
également l'occasion pour les législateurs d'entendre les opinions de la société civile,
68

des experts et d'autres parties prenantes. Les procès-verbaux des débats parlementaires
constituent une source précieuse d'interprétation ultérieure de la loi.

Par le biais de processus législatifs, ces institutions intègrent les normes sociales
préexistantes dans un cadre normatif formel, garantissant ainsi leur application
uniforme et leur respect par les membres de la société. Elles exercent un pouvoir
normatif en consacrant certaines pratiques sociales comme des standards acceptables et
en rejetant d'autres comme contraires à l'ordre public et aux valeurs fondamentales de
la communauté.

2. L’exécutif comme législateur d’exception


En République Démocratique du Congo, le pouvoir exécutif, représenté par le Président
de la République et le gouvernement, n'a pas le pouvoir de légiférer de manière
autonome. Conformément à la séparation des pouvoirs, le pouvoir législatif est distinct
du pouvoir exécutif et c'est au Parlement, composé de l'Assemblée Nationale et du
Sénat, qu'incombe la fonction législative.

Cependant, le pouvoir exécutif en RDC joue un rôle important dans le processus


législatif de plusieurs manières, soit en temps normal, le gouvernement initie des projets
de loi et les soumettre à l'Assemblée Nationale pour examen et adoption.

L’apparition des normes législatives exceptionnelles coïncide avec l’implication du


pouvoir exécutif et, notamment, du président de la République, dans la production
législative et qui, selon le pays et le régime, peut prendre des actes ayant force de loi81.
La Constitution du 18 février 2006 encadre l'intervention du président de la République
dans le domaine législatif en stipulant que « le gouvernement peut, pour mettre en
œuvre de manière urgente son programme d'action, solliciter l'autorisation de
l'Assemblée nationale ou du Sénat pour prendre, par le biais d'ordonnances-lois, des
mesures sur des sujets spécifiques et pour une durée limitée, qui relèvent normalement
du domaine de la loi 82».

Délibérées en Conseil des ministres, ces ordonnances-lois sont signées par le président
de la République et entrent en vigueur, dès leur publication au journal officiel ; elles
deviennent caduques, si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le

81
Jean-Louis Esambo Kangashe, Traité du Droit constitutionnel congolais, L’harmattan, 2018, p. 146
82
Idem
69

parlement au plus tard à la date limite fixée par la loi d’habilitation. À l’expiration de
ce délai, et si le parlement ne les ratifie pas, ces ordonnances-lois cessent, de plein droit,
de produire leurs effets. Ainsi comprises, ces ordonnances-lois ne peuvent être
modifiées que par des lois ; elles cessent, de plein droit, de produire leurs effets en cas
de rejet du projet de loi de ratification».

SECTION TROISIÈME : LES FONDEMENTS DE LA LEGITIMITE DE LA REGLE


DE DROIT

§1. Les processus de légitimation et d'application du droit issus du fait social


La légitimation du droit repose sur la reconnaissance et l'acceptation des normes
juridiques par les membres de la société, ce qui confère à ces normes une autorité et une
validité morale. Cette légitimité peut découler de divers facteurs, tels que la conformité
aux valeurs et aux croyances partagées par la communauté, la légalité des procédures
d'élaboration des normes, ou encore la capacité du système juridique à garantir l'équité
et la justice pour tous.

L'application du droit, quant à elle, consiste à mettre en œuvre les normes juridiques
dans la pratique sociale, en assurant le respect et l'application effective des règles
établies. Ce processus d'application du droit peut être influencé par de multiples
facteurs, tels que la volonté des autorités publiques de faire respecter la loi, la capacité
des institutions judiciaires à garantir l'effectivité des décisions juridiques, ou encore
l'adhésion des citoyens aux normes juridiques en vigueur.

Dans ce contexte, les processus de légitimation et d'application du droit issus du fait


social reflètent la dialectique entre la norme et la réalité, entre l'idéal juridique et la
pratique sociale. La légitimité du droit dépend de sa capacité à s'ancrer dans les normes
et les valeurs partagées par la société, tandis que son application effective repose sur la
capacité des institutions et des acteurs sociaux à faire respecter et à faire vivre ces
normes au quotidien.

Ainsi, les processus de légitimation et d'application du droit issus du fait social sont
indissociablement liés, formant un système complexe d'interactions entre les normes
juridiques et les réalités sociales, entre l'idéal normatif et la pratique concrète. Cette
dynamique met en lumière la nécessité de comprendre et d'analyser les mécanismes qui
70

sous-tendent la légitimité et l'effectivité du droit dans une société donnée, afin de


garantir son rôle de régulateur des relations sociales et de protecteur des droits
fondamentaux de chacun.

§2. Les tensions entre l'efficacité sociale et la légitimité juridique dans la transformation
du fait en droit
Ces tensions mettent en lumière les défis auxquels est confrontée toute société dans sa
quête d'équilibre entre l'efficacité des normes juridiques et leur légitimité aux yeux des
membres de la communauté.

L'efficacité sociale du droit renvoie à sa capacité à réguler les comportements et à


résoudre les conflits de manière efficace et efficiente. Cette dimension de l'efficacité
repose sur la capacité du droit à être appliqué de manière concrète et à produire des
effets mesurables sur la société. Cependant, cette efficacité peut parfois entrer en conflit
avec la légitimité juridique, c'est-à-dire la reconnaissance morale et sociale des normes
juridiques comme étant justes et équitables.

D'un côté, l'efficacité sociale du droit peut être compromise si les normes juridiques ne
sont pas en adéquation avec les réalités sociales, si leur application est incohérente ou
si les mécanismes de contrôle et de sanction ne sont pas efficaces. D'un autre côté, la
légitimité juridique du droit peut être remise en question si les normes juridiques ne
sont pas perçues comme étant justes, équitables ou conformes aux valeurs partagées par
la société.

Dans ce contexte, la transformation du fait en droit nécessite de trouver un équilibre


délicat entre l'efficacité sociale et la légitimité juridique, en veillant à ce que les normes
juridiques soient à la fois efficaces dans leur application et légitimes dans leur
fondement.

§3. La question de la légitimité démocratique dans l'élaboration des normes juridiques


Cette question met en lumière la nécessité pour les normes juridiques d'être en accord
avec les principes démocratiques fondamentaux, tels que la participation citoyenne, la
transparence et la responsabilité des décideurs.

Dans une société démocratique, la légitimité des normes juridiques repose en grande
partie sur le consentement des citoyens à ces normes, ainsi que sur le processus par
lequel ces normes sont élaborées et adoptées. La légitimité démocratique implique que
71

les citoyens aient la possibilité de participer à l'élaboration des lois qui les régissent,
soit directement, soit par le biais de représentants élus.

Lorsque les normes juridiques sont élaborées de manière démocratique, c'est-à-dire en


respectant les principes de la démocratie participative et de la représentativité, elles
bénéficient d'une plus grande légitimité aux yeux des citoyens. Les processus
démocratiques permettent de garantir que les normes juridiques reflètent les valeurs et
les intérêts de la société dans son ensemble, et non ceux d'une élite ou d'un groupe
restreint.

Cependant, la question de la légitimité démocratique dans l'élaboration des normes


juridiques peut être complexe, notamment dans un contexte où les intérêts et les
opinions au sein de la société sont divers et parfois divergents.

En fin de compte, la légitimité démocratique dans l'élaboration des normes juridiques


est un pilier essentiel de l'État de droit et de la démocratie. Elle garantit que les lois qui
régissent la société sont le fruit d'un processus juste et équitable, et qu'elles bénéficient
du soutien et de l'adhésion des citoyens. En veillant à ce que les normes juridiques soient
légitimes sur le plan démocratique, la société renforce sa cohésion sociale et sa
confiance dans le système juridique qui la régit.
72

CHAPITRE DEUXIÈME : L'APPLICATION DE LA RÉGLE DE DROIT OU LA


SITUATION DU DROIT

SECTION PREMIÈRE : APPLICATION DE LA REGLE DE DROIT

Le droit n'est pas statique, mais évolue dans le temps « application de la règle de droit
dans le temps » pour s'adapter aux transformations sociales (section I). De même, les
règles de droit varient d'une société à une autre « application dans l’espace », reflétant
les réalités culturelles, géographiques et politiques spécifiques (section II).

§1. L’application de la règle de droit dans l’espace et dans l’espace

a. L’application dans l’espace

La loi s’applique de manière uniforme sur tout le territoire congolais. Cependant avec
la circulation des personnes à travers le monde et le développement technologique et du
commerce international, des questions se posent : Est-ce que la loi congolaise est
applicable sur toutes les personnes se trouvant sur son territoire peu importe leur
nationalité ? Est-ce que la loi congolaise s’applique sur tous les citoyens congolais
même pour ceux qui se trouvent à l’étranger ? De ce fait, deux principes en découlent :

Le principe de territorialité des lois : On parle de compétence « territoriale » lorsque


c'est l’endroit de la violation d’une règle de droit qui est pris en considération : c’est
ainsi que la norme congolaise sera d’application, si l’infraction commise en République
démocratique du Congo, que ce soit par un congolais ou un étranger.
Ce principe veut que la norme d’un pays déterminé s’applique à toutes les actes commis
sur tout le territoire de ce pays quelle que soit la nationalité des membres du couple
pénal.

A l’inverse, la norme de ce pays ne peut pas s’appliquer aux infractions commises hors
de son territoire même par ses nationaux. La doctrine a soumis à l’analyse ce principe
et en est arrivé à la conclusion qu’il comporte des avantages et inconvénients.

Le principe de la personnalité des lois : Ce principe veut que la norme d’un pays
s’applique à tous ses nationaux même en dehors de son territoire et ne s’applique qu’à
ses nationaux à l’intérieur de son territoire. Dans le système de compétence «
personnelle », le rattachement se fait par la nationalité des personnes impliquées. La
loi peut alors atteindre des infractions commises à l'étranger par un congolais
73

(nationalité de l'auteur : personnalité « active ») voire par un étranger contre un


congolais (nationalité de la victime : personnalité « passive »).

Le principe de l’universalité : Enfin, il peut arriver qu'aucun des critères précédemment


étudiés n'entre en compte et qu'un État se déclare compétent du seul fait de la présence
et de l’arrestation des suspects sur son territoire. La compétence « universelle »
applicable à certaines infractions seulement (génocide, crime contre l’humanité, crime
de guerre, torture, piraterie, trafic de matières nucléaires...etc.) qui portent atteinte à des
valeurs considérées comme essentielles par un nombre grandissant d'État, constitue le
système cherchant à ce que les auteurs de tels crimes ne trouvent aucun État au monde
où ils puissent être à l’abri des poursuites

b. Application dans le temps

L'application temporelle de la norme du droit concerne la manière dont les règles


juridiques entrent en vigueur, opèrent rétroactivement (ou non) et sont limitées dans le
temps et disparaissent après un moment.

L'entrée en vigueur des lois : Les lois nouvellement adoptées doivent spécifier leur date
d'entrée en vigueur. Cela peut être immédiat, différé dans le temps ou lié à des
conditions spécifiques. L'entrée en vigueur marque le moment à partir duquel la norme
de droit acquiert une force obligatoire et peut être appliquée dans la société.

La rétroactivité des lois : La rétroactivité se réfère à la capacité d'une loi à s'appliquer à


des faits ou des événements antérieurs à son adoption. Les principes de rétroactivité
varient selon les systèmes juridiques et les contextes spécifiques. Dans certains cas, la
rétroactivité est admise, notamment lorsqu'elle est favorable aux droits des individus.
Cependant, la rétroactivité peut également être restreinte ou interdite pour protéger la
sécurité juridique et les attentes légitimes des personnes concernées.

§2. La promulgation et la publication de la loi

a. Promulgation de la loi

La promulgation d'une loi est un acte par lequel le chef de l'État reconnaît officiellement
une loi adoptée par le Parlement et lui donne force exécutoire. Cela signifie que la loi
est officiellement reconnue comme étant en vigueur et doit être respectée par tous.
74

La loi est promulguée par le Président de la République. L'ordonnance du chef de l'État


atteste de l'existence de la loi et ordonne aux autorités publiques d'observer et de faire
observer cette loi. Le Président de la République doit ainsi promulguer le texte voté
dans les quinze jours de sa transmission au Gouvernement.

C'est la promulgation par le Président de la République qui donne à la loi sa date


officielle.

La procédure de promulgation ne s'applique pas seulement aux lois, elle est aussi
nécessaire pour les textes émanant du pouvoir exécutif.

b. Publication de la loi

La loi doit être publiée et insérée dans le Journal officiel. Elle entre en vigueur le
lendemain de cette publication. Le Journal officiel de la République démocratique du
Congo est un organe attaché à l'institution président de la République.

La publication d'une loi, quant à elle, consiste à rendre la loi accessible au public en la
diffusant dans un journal officiel ou tout autre moyen de communication officiel. La
publication de la loi permet à tous les citoyens de prendre connaissance de son contenu,
de comprendre ses dispositions et de s'y conformer. C'est un élément essentiel de la
transparence et de la démocratie, car cela garantit que les lois sont accessibles à tous et
que chacun est informé de ses droits et obligations.

La promulgation d'une loi la rend exécutoire et officielle, tandis que sa publication la


rend opposable à tous, accessible au public et lui donne une portée plus large en termes
de connaissance et d'application.

§3. Modification, abrogation et annulation de la loi

a. La modification de la loi

Celle-ci est un processus par lequel les législateurs apportent des changements à une loi
existante. Ces modifications peuvent être mineures, telles que des ajustements de
formulation ou des corrections de fautes de frappe, ou plus substantielles, telles que
l'ajout, la suppression ou la modification de dispositions importantes de la loi. Les
raisons de modifier une loi peuvent être diverses, notamment pour la mettre à jour en
75

fonction de l'évolution des circonstances, pour corriger des lacunes ou des incohérences,
pour répondre à de nouveaux besoins ou pour améliorer son efficacité.

Le processus de modification de la loi varie d'un pays à l'autre, mais en général, il


implique l'adoption d'un projet de loi modifiant la loi existante, suivi de débats, de votes
et éventuellement de consultations publiques avant que la modification ne soit
officiellement adoptée. Une fois la modification de la loi promulguée, elle entre en
vigueur et a force de loi, remplaçant ou complétant les dispositions antérieures.

b. L'abrogation d'une loi

L'abrogation d'une loi se produit lorsque le législateur décide de supprimer une loi
existante. Cela peut se faire par le biais d'une nouvelle loi qui abroge explicitement
l'ancienne, ou par le fait que la loi devient obsolète ou inapplicable et est donc
tacitement abrogée. L'abrogation d'une loi signifie que cette loi n'est plus en vigueur et
n'a plus d'effet juridique. Pour mieux s'exprimer, on dit que l'annulation a un effet ex
tunc ; cela veut dire qu'elle opère pour le passé et a fortiori, pour l'avenir83.

c. L'annulation d'une loi

L'annulation d'une loi se produit lorsqu'une autorité judiciaire déclare qu'une loi est
invalide en raison de son inconstitutionnalité ou de son non-respect d'autres normes
juridiques. L'annulation d'une loi signifie que cette loi est réputée n'avoir jamais existé
et est donc considérée comme nulle et non avenue. Ici la loi est censée n'avoir pas existé
dans l’ordonnancement juridique.

L'abrogation d'une loi est le processus par lequel une loi existante est supprimée par le
législateur, tandis que l'annulation d'une loi est le processus par lequel une autorité
judiciaire déclare qu'une loi est invalide et n'a jamais eu d'effet juridique.

83
P. NGONDANKOY NKOY-EA-LOONGYA, Introduction générale au droit public, Partie II : droit public, Année
académique 2018-2019, p. 46.
76

§3. La désuétude et la caducité

a. La désuétude

La désuétude se produit lorsqu'une loi n'est plus appliquée ou respectée dans la pratique,
bien qu'elle n'ait pas été formellement abrogée. Cela peut se produire lorsque la loi
devient obsolète, inefficace ou inapplicable en raison de changements sociaux,
économiques ou politiques. En d'autres termes, la désuétude se réfère à une loi qui est
tombée en désuétude en raison de son non-respect généralisé ou de son manque
d'application. Ici la loi ou la règle n’est ni abrogée ni annulée, exemple ; article 10 du
code pénal congolais : « L'amende est de un Zaïre au moins... » Cette règle est tombée
en désuétude car la République démocratique du Congo n'applique plus le Zaïre comme
unité monétaire. Pour faire revivre la règle, la jurisprudence recourt à tout le moins à
l'analogie pour remplacer le Zaïre par le franc congolais en vigueur.

b. La caducité

La caducité se réfère au fait qu'une loi cesse d'avoir effet en raison de l'expiration d'un
délai prédéterminé ou de la réalisation d'une condition spécifique prévue par la loi elle-
même. En d'autres termes, une loi est considérée comme caduque lorsqu'elle est
automatiquement annulée ou n'a plus d'effet en raison de circonstances prédéterminées.

La désuétude se réfère à une loi qui n'est plus appliquée ou respectée dans la pratique,
tandis que la caducité se réfère à une loi qui cesse d'avoir effet en raison de l'expiration
d'un délai ou de la réalisation d'une condition spécifique prévue par la loi elle-même.

SECTION DEUXIÈME : L'IDÉE DE JUSTICE DANS L'IMAGINAIRE SOCIAL

Imaginons trois enfants et une flûte. William affirme que la flûte lui revient de droit
parce qu'elle est la seule qui sache en jouer : Jules, parce qu'il est pauvre au point de
n'avoir aucun jouet ; blaise-Jovani parce qu'il a passé des mois à la fabriquer. Comment
trancher entre ces trois revendications, toutes aussi légitimes? Aucune institution,
aucune procédure ne nous aidera à résoudre ce différend d'une manière qui serait
universellement acceptée comme juste par les jeunes. Face à ce constant, nous allons
s'écarter de la conception idéaliste de la justice dans la lignée de Hobbes, Rousseau ou
encore de John Rawls et s'inscrire dans une tradition des lumières, dans la conception
77

réelle, ce qui se fait, ce qui se dit et ce qui se passe portée par Smith, Condorcet,
Bentham, Wollstonecraft, Max et Mill : celle qui compare les différentes situations
sociales pour combattre les injustices réelles.

Il est nul doute que la définition de principes de justice fait l'objet de nombreux débats
notamment depuis la publication, en 1971, de l'ouvrage de John Rawls "théorie de la
justice." Depuis Aristote comme d'aucun l’ignore, on considère que la justice suppose
l'égalité : juste ce qui est égal. La justice sociale concerne l'application des normes de
justice à l'organisation de la société considérée dans son ensemble. Par exemple, on peut
s'interroger sur le caractère juste ou injuste de la répartition des revenus dans une société
donnée à un moment donné. Aristote distingue trois types de justice :

 la justice commutative qui repose sur l'égalité arithmétique. Par exemple, dans
l'échange marchand, il y a équivalence entre la valeur du bien et le prix payé
pour ce bien par l'acheteur.
 la justice distributive qui repose sur l'égalité proportionnelle. Par Exemple, à
la qualification égale, un individu qui travaille deux fois plus longtemps
qu'autre doit recevoir une rémunération double.
 la justice corrélative qui suppose une décision modifiant une situation jugée
injuste ou réparant un tort infligé par un individu à un autre. Par exemple, un
tribunal qui condamne un individu à payer des dommages et intérêts fait œuvre
de justice corrélative. Il en va de même des systèmes de redistribution des
revenus dans le cadre de l'État providence84.

Selon John Rawls dans sa théorie de justice, les principes de justice font l'objet d'une
controverse sans précédent. Pour ce dernier, la justice repose sur deux grands principes:

- un principe de liberté : « chaque personne doit avoir droit à la plus grande


liberté fondamentale compatible avec la même liberté pour tous » ;
- un principe de différence : « les inégalités sociales et économiques doivent
être aménagées de telle sorte qu'elles soient a) assurées, en dernière analyse,
pour le plus grand profil des plus défavorisés ; b) attachés à des emplois et à
des postes accessibles à tous dans des conditions d'égalité équitable des
chances ».

84
C. DOLLO et ALII, Lexique de sociologie, Dalloz, 6ème Ed., 2020 P.231.
78

John Rawls s'inscrit dans une perspective libérale (au sens du libéralisme politique)
dans la mesure où il donne la priorité au principe de liberté sur le principe de différence
et où il affirme la priorité du juste sur le bien. En effet, sa théorie de la justice est
procédurale : il n'entend pas définir le contenu de la << vie bonne >> mais seulement
des règles relatives à la vie en commun d'individus qui peuvent adhérer à l'assistance,
assurance, communautariens, idéal démocratique, égalitarisme strict, inégalité sociale,
libéralisme égalitaire, libertarisme, marxisme analytique, norme juridique, parité,
protection sociale, société démocratique, redistribution, risques sociaux.

§1. Le système de parrainage au sein de l'appareil judiciaire congolais

Une source d'insécurité juridique. Le but recherché par toute la justice est la paix
sociale. Si tel est le cas, cette sous-section n'a pas de raison d'être. Entre les principes et
l'applications, il y a souvent une marge. Mais celle-ci prend des proportions telles que
le principe semble ne plus exister, il y a un malaise social : Dès lors que la justice cesse
d'être égalitaire et qu'elle vise sciemment certaines catégories de personnes : elle devient
un instrument de nuisance.

D'entrée de jeu, signalons-le que le parrainage est le fait pour un acteur judiciaire (juge,
magistrat) de ne pas bien vouloir couper son cardon ombilical avec le pouvoir qui l'a
nommé ou avec celui qui l'a aidé à être là. Cela est à la base très souvent des arrêts et
jugements sur commande. La thématique " insécurité juridique " s'emploie lorsque à
tout le moins la justice brise le cœur de la société et ceux qui sont lésés crient l'insécurité
juridique, en lieu et place de la sécurité juridique. Cependant, la notion de parrainage
odieux bat en brèche le principe de la sécurité juridique. Les dettes morales, les devoirs
de redevabilité font à ce qu'un juge parrainé ne peut rendre une décision en respectant
la loi ou avec sa conviction aussi longtemps que son parrain existe et l'observe. Il s'en
trouve lié. Ce constant est amer, les acteurs politiques doivent cesser de faire la mouche
du cochon dans le fonctionnement de la justice. De toute évidence, on aura beau
proclamer les droits, mais si ceux-ci ne bénéficient d'aucune garantie de leur efficacité,
ils ne seront que simples pétitions de principes, vœux pieux sans incidence réelle sur la
conduite des affaires de la collectivité. Ceci ne constitue cependant pas une négation de
la force des principes moraux dans une communauté donnée. Le problème se situe
plutôt au niveau de l'obligation : les hommes n'étant ni des saints ni des loups, il importe
de mettre en place des mécanismes qui luttent contre l'application de la loi du plus fort.
79

Dans cet ordre d'idées, il n'y a pas meilleure garantie que des juridictions indépendantes
et des juges impartiaux empêchant les gouvernants d'écraser les gouvernés et rappelant
à ces derniers que les libertés politiques doivent s'intégrer dans un ensemble cohérent,
en s'imbriquant les unes dans les autres. En réalité, il n'y a qu'une seule liberté résumée
par le droit à la sûreté, toutes les autres n'étant que les émiettements de la première pour
les commodités de la vie85.

Imposant le modèle de la société à la communauté, l'État devrait être le modèle en tout,


en examinant avec diligence les demandes émanant de la collectivité. À défaut de
s'acquitter correctement de ses obligations, l'État ne doit en pas payer le prix en ce que
son manque d'intérêt pour une question ne doit pas entraîner des conséquences
préjudiciables pour les citoyens. À rappeler que quant aux pillages des ressources
naturelles du sous-sol congolais, plusieurs rapports internationaux ont mis en cause des
responsables politiques et militaires congolais, sans qu'aucune sanction ne soit prise à
leur encontre. Les juges congolais se sont passés Maîtres dans la corruption et trafic
d'influence, au point d'étouffer les lois, les cours et tribunaux et d'embrigarder
l'assemblée nationale et le sénat dans un contrôle parlementaire sans finalité évidente,
au grand désespoir des justiciables et du peuple congolais86.

§2. Les pratiques en marge des règles applicables aux cours et tribunaux et aux hommes
politiques.

Dans le cadre de cet enseignement de la sociologie du droit, il est utilement important


de se poser une question que je trouve cruciale selon laquelle l'État de droit en RD,
Congo mythe ou réalité ? La République démocratique du Congo se vante d’être un État
de droit, ou du moins de l’être devenu ou d’être en train de le devenir.

Nous allons chercher à savoir si cela est vrai et vérifiable sur le terrain, en recourant à
la théorie scientifique, à la pratique jurisprudentielle, à la vie sociale des Congolais,
nous allons aussi parler de la procédure des mutations des magistrats qui se fait en
violation des règles établies, Nous n’avons pas cherché à faire une œuvre d’idéalisation

85
E. BOSHAB, République Démocratique du Congo, entre les colombes et les faucons où vont les partis politiques ?
Presses Universitaires du Congo, PUC, Kinshasa, octobre 2001, p. 37.
86
M. MUTINGA MUTUISHAYI, RD, Congo, la République des inconscients. Hier, la guerre des mines. Aujourd'hui, la
guerre du pétrole. Demain la guerre de l'eau. Le potentiel, copyright 2010, p. 36.
80

des textes congolais, mais plutôt un regard objectif, une étude scientifique, une critique
constructive.

Le résultat ne peut donc être que dépourvu de toute complaisance, mauvaise foi ou
condescendance.

Professeur Jean-Louis ESAMBO souligne dans le cadre du droit des marchés publics
avec pertinence que " le déclin programmé du droit des marchés publics trouve, en
République démocratique du Congo, un terrain de prédilection dans la distance qui
s'observe entre le dispositif juridique mis en place et la pratique quotidienne. La
recherche affrontée des avantages illicites éloigne bien souvent la commande publique
de son objectif initial, à savoir la satisfaction des intérêts communautaires. Le droit qui
régit en subit le coup à cause certainement du bornage de son cadre d'expression, sur
base des stratégies de nature diverse, les hommes politiques apparaissent sous des
étiquètes variées de négociants, commissionnaires, ou attributaires frauduleux des
marchés publics. Par devoir de reconnaissance, ils s'obligent à opérer une redistribution
des cartes dans le cadre de l'attribution des marchés. Concourent à cette pratique, la sous
qualification du personnel, le contrôle sélectif et subjectif du processus de passation et
de gestion de la commande publique, ainsi que l'attribution fantaisiste du marché".87

Voilà à quelques mots les pratiques en marge des règles applicables aux marchés
publics. C'est à cette réalité que la Sociologie du droit vient faire quitter le raisonnement
du juriste dans son lit normatif pour l'amener à voir la plénitude de la réalité sociale.
Dans cet ordre d'idée, Dominik Kohlhagen écrit dans l'ouvrage intitulé l'Afrique des
grands lacs que " dans les régions rurales, les institutions judiciaires sont surtout
présentées par les tribunaux de résidence. Une étude récente de l'Observatoire de
l'Action Gouvernementale (OAG) sur la « la justice de proximité » a mis en exergue de
nombreux dysfonctionnements dans les tribunaux : manque d'indépendance, absence
moyens matériels et humains, formation insuffisante des juges et déséquilibres éthiques,
pour n'en citer que certains. De manière générale, les tribunaux, fréquemment
soupçonnés de corruption ou de clientélisme, souffrent d'un déficit de légitimité
important. Beaucoup de tribunaux manquent des prisons et qu'ils peinent à exécuter
leurs jugements88.

87
J. ESAMBO KANGASHE, Le droit congolais des marchés publics, Harmattan, 2016. P. 189.
88
D. KAHLHAGEN, L'Afrique des grands lacs, Harmattan, 2007, 2008. p. 94.
81

Aux termes de l'article 17, alinéa 1 de la constitution du 18 février 2006 qui dispose
que, la liberté individuelle est garantie. Elle est la règle, la détention l'exception. Il est
évident de signaler que cette belle écriture du constituant connaît sa propre réalité sur
terrain. Rappelons-le que " la détention est devenue la règle, la liberté l'exception." Cela
ne s'observe ni par le magistrat encore moins par les agents de police. Cette pratique en
marche de la règle constitutionnelle constitue ce que l'on appelle aux yeux des
jurissociologues un fait social dans l'angle normatif.

De ce fait, comme on le sait, dans notre introduction l'on a établi la différence entre la
Sociologie générale et les Sociologies spécifiques dont notamment la Sociologie du
droit.

Comme d'aucuns le savent, les mutations des magistrats par le conseil supérieur de la
magistrature constitue l'une des pratiques en marge de la loi. En violation du principe
de l'inamovibilité des magistrats, alors que ce principe est traditionnellement conçu
comme une garantie de l'indépendance de justice. Cette protection que jouissent les
magistrats contre les changements et mutations arbitraires par le pouvoir exécutif est au
cœur de l'État de droit qui se veut démocratique et qui veut vivre l'indépendance de la
justice. Alors qu'aujourd'hui, les changements et les mutations des magistrats se font
régulièrement et sans aucun soubassement juridique, ce qui porte atteinte au principe
sacro-saint de l'inamovibilité des magistrats pour la sauvegarde de leur indépendance.
Précisons que l'indépendance de la magistrature est violée à partir des plus hautes
autorités de l'exécutif. Je donne un Exemple révélateur : 1.le recrutement des magistrats
ainsi que leur désignation doivent être organisés par le seul conseil supérieur de la
magistrature… 2 dans des tribunaux, chaque projet de jugement est soumis au visa de
la hiérarchie, portant atteinte à l'indépendance des juges. 3 l'inexécution des plusieurs
jugements dans lesquels l'État a été condamné, ceci constitue la preuve d'un État de
police. 4 dans le rapport entre les plus gradés et ceux des grades inférieurs, plusieurs
coups de téléphone teintés des menaces font que les décisions judiciaires soient mal
rendues. 5 le tribalisme sous toutes ses formes, détruit la magistrature 6. Dans la
nomination ou promotion, il y a manque de considérations d'ordre méritocratiques, au
contraire l'appartenance politique et les raisons tribales deviennent les critères majeurs
pour les postes de commandement sans égard à la compétence de l'intéressé.
82

Comme on peut le constater, les réflexions lumineuses de Maurice Kamto sur la


question de l'ethnisme et le tribalisme nous aide à cet égard à comprendre cette triste
réalité. L'ethnie gouvernante, trop consciente qu'elle serait de tenir son retour au
pouvoir, convaincue qu'à son départ du pouvoir commencerait pour elle l'exclusion,
l'ostracisme et la traversée du désert, et pour la nouvelle ethnie gouvernante les temps
euphoriques des revanches et de la farandole à supposer que l'ethnie sortante n'ait pas
mis l'État à genoux. Autres dit, il s'agirait pour chaque ethnie de se servir le mieux
possible et autres d'attendre leur tour pour ramasser les miettes s'il en reste.89

§3. Arrêts et jugements, une source d'insécurité juridique en RD.Congo

Toutes les décisions rendues par les cours et tribunaux ne portent pas toujours le nom
de « jugement ». Les décisions rendues par les cours sont appelées « arrêts ». Et les
cours et tribunaux peuvent aussi prendre des « ordonnances » Exemple : ordonnance de
fixation de date d'audience ; ordonnance autorisant ou prorogeant la détention
préventive : ordonnance de saisie conservatoire... 90 Revenons d'abord sur la vraie
définition du jugement qui est notre bouc émissaire à ce paragraphe. Il sied de rappeler
que plusieurs sortes de jugements notamment, jugement de fait : l'énoncé qui se rapporte
à la réalité objective et qui vise à la décrire, à expliquer, à comprendre par exemple :
affirmer que le nombre de divorces a augmenté en RD Congo depuis 2010 est un
jugement de fait.

Il y a encore jugement de valeur, cela relève directement de la philosophie. Prise de


position normative qui repose sur des jugements moraux ou éthiques ou encore sur des
choix politiques ou des options religieuses. Par exemple affirmer que le divorce est mal
car le mariage est indissociable ou indissoluble est un jugement de valeur. 21

Au sens normatif, le jugement tranche une contestation principale ou incidente, opérant


dessaisissement du juge et emportant autorité de la chose jugée. Plusieurs pratiques en
marge des règles juridiques s'observent aujourd'hui dans des différents palais des
justices. Comme nous l'avons sûrement révélé ci-haut. Que dans les rapports entre les
plus hauts gradés et ceux des grades inférieurs, plusieurs coups de téléphone teintés des

89
M. KAMTO, l'urgence de la pensée, Mandara, P.156.
90
A. IBULA TSHATSHILA, Droit de l'organisation et de compétence judiciaires, Tome 1, 6ème édition, Terabytes 2018,
p.106, C. HOLLO, op cit. P. 231.
83

menaces et harcèlements morales font que les jugements soient mal rendus. Comme on
peut le rappeler, dans la nomination ou la promotion des magistrats s'observe une
pratique appelée dans le langage courant " parrainage" le fait pour celui qui est en
position de force ou de pouvoir de nommer ou de donner la promotion à quelqu'un
d'autre avec l'idée de le contrôler dans l'exercice de ses fonctions. Ce qui fait qu’avant
de prendre une décision, le nommé ne peut rien faire sans l'avis du parrain. Cette
pratique porte véritablement atteinte à l'indépendance du pouvoir judiciaire.
L'inexécution de plusieurs jugements dans lesquels l'État a été condamné. Ceci prouve
comme on le constate l'inexistence d'un État de droit contrairement aux élucubrations
mensongères qu'ils pensent nous faire réfléchir. Le retard dans le prononcé des
jugements devient de plus en plus monnaie courante en violation des délais légaux
prévus par les lois de différentes procédures. Alors qu'il y a un dicton populaire qui dit
vaut mieux gagner le temps que gagner un procès.

Derrière tout cela se profile le système qui a élu domicile dans nos palais des justices
appelé la Visitation des juges avant le prononcé du jugement. Il est importantissime de
signaler aussi que beaucoup de nos jugements sont rendus sur commande du pouvoir
exécutif pour la conservation de leur pouvoir au sens Machiavélique.

Toutes ces pratiques non d'ailleurs exhaustives bloquent l'appareil judiciaire congolais
à bien fonctionner.

L'expérience de pensée d'Adam Smith sur l'impartialité fait appel au mécanisme du


« spectateur impartial », dispositif qui diffère nettement de l'impartialité fermée de la
justice comme « équité». Smith énonce laconiquement l'idée fondamentale dans la
théorie des sentiments moraux. C'est l'existence, quand on juge sa propre conduite, de
« l'examiner comme nous imaginons qu'un spectateur impartial le ferait ».

L'insistance sur l'impartialité dans la philosophie morale et politique contemporaine


reflète dans large mesure la force de l'influence de la justice 91 . Pour une meilleure
sécurité juridique en RD, Congo.

En ayant constaté que Le système judiciaire en RDC présente de multiples lacunes. Le


fonctionnement de son administration est fortement perturbé, l’accès au service est tout

91
ASEN, L'idée de justice, Champs essais, 2013, p. 164.
84

à fait insuffisant, le budget destiné au secteur de la justice est dérisoire (ce qui renvoi
notamment au problème de son indépendance). Dans ce contexte, la redevabilité de la
justice est absente de son fonctionnement quotidien, qu’il s’agisse de redevabilité
interne (mécanismes de contrôles et de sanctions propres à l’institution), que de
redevabilité externe. Le monitoring par la société civile demeure trop limité pour
induire les changements de pratiques et de mentalités qui permettraient au système
judiciaire de devenir performant. Cette faiblesse de l’institution se retrouve au niveau
judiciaire et administratif. Les mécanismes de protection des citoyens et de régulation
des conflits sont donc dysfonctionnels, créant une insécurité juridique pour les citoyens
congolais à divers niveaux.

Comme thérapeutique, Ce constat a amené RCN Justice & Démocratie à orienter ses
actions sur deux axes dans le cadre de son projet « Pour une meilleure sécurité juridique
en RDC » : d’une part améliorer le traitement des personnes en garde à vue au niveau
des commissariats de police, et d’autre part améliorer la sécurité foncière, notamment
en zone rurale, où la question foncière peut être source de très nombreux conflits, voire
de violences.
85

CHAPITRE CINQUIÈME : MYTHIFICATION DU DROIT ET LA LEGITIMITE


DU JUGE CONGOLAIS

La malédiction fondamentale qui mine la légitimité des juges est encapsulée dans
l'adage "Tu ne jugeras pas car tu seras jugé"92. Cette citation, souvent interprétée de
manière littérale, souligne la complexité morale et éthique de la fonction judiciaire. Bien
que les exégètes des textes évangéliques soulignent que cette phrase ne vise pas à
condamner les juges civils, mais plutôt à rappeler aux individus leur propre nature
pécheresse et leur incapacité à se substituer à Dieu dans le jugement ultime des âmes,
elle révèle néanmoins une tension profonde.

Malgré les justifications légitimes de la nécessité d'avoir des citoyens chargés de rendre
la justice, subsiste dans notre conscience collective une réticence à exercer le pouvoir
de juger autrui. Le juge, en tant qu'arbitre et porteur de condamnation, peine à être
pleinement reconnu dans sa fonction essentielle. Cette réticence découle peut-être de la
crainte de commettre des erreurs irréparables, de la difficulté à concilier justice et
miséricorde, ou encore de la conscience de notre propre imperfection en tant qu'êtres
humains.

Ainsi, la tension entre la nécessité d'une justice impartiale et le poids moral de juger
autrui demeure une question éthique complexe, qui souligne la responsabilité et la
délicatesse du rôle du juge dans la société93.

La plupart du temps, la littérature ne lui est pas favorable et le dépeint sous un jour peu
flatteur. Contrairement à l'avocat, dont le génie déployé au service des causes perdues
suscite l'admiration de tous, le magistrat ne reçoit que rarement les éloges des
journalistes ou des écrivains94.

92
Évangile selon Matthieu, chapitre 7, verset 1-2 : "Ne jugez point, afin que vous ne soyez point jugés. Car on vous
jugera du jugement dont vous jugez, et l'on vous mesurera avec la mesure dont vous mesurez." Ce passage souligne
l'importance de ne pas porter de jugement hâtif sur les autres, car nos propres actions et attitudes seront également
soumises à un jugement. Il invite à la réflexion sur la tolérance, la compassion et l'humilité dans nos relations avec
autrui. La Sainte Bible, Ancien et Nouveau Testament, Traduite d’après les textes originaux hébreu et grec, version
Louis Second, 1910, p.931
93
Préface de Jean-François BURGELIN, Procureur Général près la Cour de cassation. Jacques Krynen, Jacques Raibaut,
La légitimité des juges, Actes du colloque des 29-30 octobre 2003, Toulouse, Presses de l’Université des sciences
sociales de Toulouse, coll. « Mutation des normes juridiques », 2004, p.9
94
Jacques Krynen, Jacques Raibaut, La légitimité des juges, Op.cit., p.9
86

Dans le tissu social complexe de toute société, la mythification et la démythification du


droit jouent des rôles cruciaux dans la construction de l'ordre juridique et de la cohésion
sociale. La mystification du droit, conçue comme une élévation sacrée de la règle
juridique, revêt une importance primordiale dans la préservation de l'ordre et de la
justice au sein de la communauté. En effet, la sacralisation du droit en tant que norme
suprême à laquelle tout citoyen se doit de se conformer, confère à la règle juridique une
aura de respect et d'autorité incontestée. Dans cette perspective, le droit est perçu
comme la pierre angulaire sur laquelle repose l'harmonie sociale, la résolution des
conflits et la protection des droits individuels.

Cependant, l'envers de cette médaille réside dans la démythification du droit 95 , qui


remet en question cette sacralisation et met en lumière les failles, les incohérences et les
injustices potentielles du système juridique. La démythification du droit peut être perçue
comme une remise en cause salutaire de l'ordre établi, une invitation à une réflexion
critique sur les fondements et les pratiques juridiques en vigueur. En mettant en lumière
les limites et les biais du droit, la démystification permet d'ouvrir le débat sur les
réformes nécessaires pour garantir une justice plus équitable, transparente et accessible
à tous les membres de la société.

Ainsi, la dialectique entre mythification et démystification du droit soulève des enjeux


essentiels quant à la légitimité, à l'équité et à l'efficacité du système juridique dans la
société. Cette tension entre la sacralisation et la remise en question du droit reflète les
dynamiques complexes qui animent les relations entre les citoyens, les institutions et
les normes juridiques. Il appartient dès lors aux acteurs du monde juridique et de la
société civile de naviguer avec discernement entre ces deux pôles pour construire un
système juridique juste, équilibré et en phase avec les aspirations de la communauté
dans son ensemble.

95
Guy Rocher, Études de sociologie du droit et de l'éthique. Montréal, Éditions Thémis, Université de Montréal,1996,
p. 58
87

SECTION I : DROIT COMME VALEUR SOCIALE

Le droit est en lui-même une valeur sociale, comme nous venons de le voir, parce qu'il
exprime d'autres valeurs, des valeurs que nous avons appelées fortes : justice, égalité,
rationalité, ordre social. Non seulement le droit est-il une valeur, mais il est porteur de
valeurs. Cependant, le rapport entre droit et valeurs est complexe à explorer. Le droit
ne fait à peu près jamais mention d'une manière explicite des valeurs et idéologies qui
le sous-tendent. Comme le dit P. Orianne dans une étude précisément sur les valeurs
dans le système juridique:

Aucune norme juridique ne constitue l'expression pure et simple d'une valeur sociale
déterminée. Tout d'abord, parce que la norme remplit une fonction pratique, dont
l'exercice se fait dans le respect de certains modes formels d'action auxquels, par
hypothèse, la définition pure d'une valeur ne peut se plier. Ensuite, parce que, au niveau
de cette pratique, la pluralité des valeurs à prendre en compte oblige à n'assigner à
chacune, dans l'ordre juridique, qu'une place nécessairement limitée par celle occupée
par les autres96.

§1. Mythification du droit par la société

Dans la perspective de Max Weber, la légitimité basée sur la rationalité juridique


implique que l'autorité de l'État et l'exercice du pouvoir doivent être en conformité avec
des lois et des règles établies de manière rationnelle et juridique. Cela signifie que l'État
tire sa légitimité de sa capacité à agir selon des normes et des principes juridiques
acceptés par la société.

L'importance accordée au droit dans la légitimation du pouvoir politique repose sur le


fait que le droit est perçu comme une norme supérieure à laquelle même les détenteurs
du pouvoir doivent se soumettre. Ainsi, le législateur lui-même est soumis aux lois qu'il
établit, ce qui garantit un certain équilibre et une limitation du pouvoir.

Lorsqu'une société valorise le droit et le considère comme une valeur en soi, cela
renforce la légitimité du pouvoir politique. Le droit est alors perçu comme étant doté de
vertus morales et éthiques, d'une vérité objective et d'une autorité indiscutable. Cette

96
Paul ORIANNE, Valeurs et méthode dans le système juridique : le rôle de l'égalité» dans Chaïm PERELMAN et Léon
INGER (dir.), L'égalité, vol. 3, Bruxelles, Bruylant, 1982, p. 596.
88

perception contribue à renforcer la confiance des citoyens dans le système politique et


à légitimer l'autorité de l'État.

On peut aller un peu plus loin et dire que cette valorisation du droit s'exprime à travers
une certaine mythologie du droit. Le droit est élevé au rang du mythe97, tel que celui-ci
est rapporté dans des études anthropologiques : mythe des origines, mythe du rythme
des saisons, mythe de la nature, etc. Le caractère mythologique du droit se retrouve dans
certaines perceptions du droit que partagent les citoyens. Énumérons-en quelques-unes :

a. Droit comme source de Justice


Le processus judiciaire est conçu pour rétablir l'équité et la justice en permettant
l'examen impartial des faits, la présentation des preuves et des arguments, et la prise de
décisions basées sur le droit et la morale.

Le système judiciaire vise à identifier les véritables coupables et à les tenir responsables
de leurs actes. En mettant en place des procédures justes et équitables, le processus
judiciaire cherche à garantir que la vérité émerge et que la culpabilité ou l'innocence
soit déterminée de manière objective.

La punition des coupables est une composante importante de la justice, car elle vise à
rétablir l'ordre social perturbé par des actes répréhensibles. En imposant des sanctions
appropriées, le système judiciaire cherche à dissuader les comportements criminels, à
protéger les droits des victimes et à promouvoir la sécurité et la stabilité de la société
dans son ensemble.

b. Le droit est juste parce qu’il est le même pour tous


L'axiome fondamental de l'égalité devant la loi constitue le pilier essentiel sur lequel
repose l'édifice de la justice. En vertu de cette maxime sacro-sainte, chaque individu,
quels que soient son statut social, son origine, sa croyance ou toute autre caractéristique
distinctive, se trouve assujetti aux mêmes normes juridiques et aux mêmes mécanismes
procéduraux. Cette égalité de traitement, dénuée de toute forme de discrimination,
assure l'application uniforme des règles juridiques et garantit l'équité dans la protection
des droits et des libertés de tous les membres de la société. Ainsi, la loi, en se parant de
l'impartialité et de la neutralité, se présente comme le rempart ultime contre l'arbitraire

97
Guy Rocher, Études de sociologie du droit et de l'éthique, opcit.
89

et l'injustice, érigeant un socle solide sur lequel s'érige la légitimité et la légalité des
décisions judiciaires.

c. La loi comporte un certain élément sacré. Elle vient des plus hautes autorités :
l'État, les tribunaux.

La loi incarne l'expression suprême de la volonté de l'État, émanant des autorités


souveraines investies du pouvoir législatif. En sa qualité d'instrument normatif, la loi
revêt un caractère sacré, puisqu'elle émane de la légitimité démocratique et de la
souveraineté populaire. Les tribunaux, en leur qualité de gardiens de l'ordre juridique,
ont pour mission sacrée d'interpréter et d'appliquer la loi de manière impartiale et
équitable, assurant ainsi la protection des droits et des intérêts des citoyens. Par
conséquent, la loi, en tant que manifestation de la volonté générale et de l'intérêt public,
constitue le fondement essentiel de l'ordre juridique et le garant de la stabilité et de la
cohésion sociale.

- La loi est rationnelle, logique. Elle n'a rien d'émotif, de passionné, elle est
effectivement neutre.
- Le processus judiciaire est neutre. Les juges jugent selon la loi, en suivant la loi,
et seulement selon la loi. Toute autre considération est exclue de leur jugement.
- La loi est un discours savant, elle est objet de science.
- La loi est une science efficace. Qui connaît la loi détient un pouvoir.
- En vertu de la loi, chacun a des droits et des obligations. Connaître ses droits est
une sécurité et un pouvoir.
- Il n'y a pas de société sans droit. Le droit est essentiel à l'ordre et à la paix sociale.
Une société sans droit serait livrée à tous les appétits, elle serait sans freins.
- La Justice a le bras long. Le coupable risque toute sa vie d'être un jour découvert
et jugé.
- Les lois sont faites par les plus hautes autorités, dans l'intérêt commun, pour le bon
ordre, pour la protection des citoyens.
- La loi et l'ordre social vont de pair. Ceux qui s'attaquent à la loi veulent ébranler
l'ordre social.
- La loi et la morale vont de pair. Ce que prescrit la loi n'est jamais immoral. La loi
protège la moralité publique et contribue à la moralité privée.
90

L'énumération de ces perceptions permet de constater que la valorisation du droit repose


sur d'autres valeurs, que l'on peut désigner comme plus profondes, plus fondamentales,
des valeurs fortes.

Effectivement, l'autorité du droit et de la profession juridique repose en partie sur une


construction symbolique et rituelle qui entoure le processus judiciaire. Le décorum, le
respect verbal et les symboles associés au monde juridique contribuent à renforcer
l'autorité et la légitimité des décisions prises par les tribunaux et des lois édictées par le
législateur. Cette mise en scène solennelle et protocolaire confère au droit une
dimension sacrée et intangible, renforçant ainsi son caractère contraignant et impératif.
De plus, la perception du droit comme un domaine à la fois complexe et érudit renforce
son aura d'autorité et de respectabilité, ce qui contribue à maintenir l'ordre social et à
assurer le fonctionnement harmonieux de la société.

§2. Démythification du droit par la société

Par ailleurs, reconnaîtrons qu'il y a aussi un autre côté de la médaille. La mythification


du droit a sa contrepartie. Parallèlement aux perceptions positives du droit énumérées
plus haut, on peut en aligner d'autres qui les contredisent. Ce sont, par exemple, des
énoncés qui ressemblent à ceux-ci:

Dans nos sociétés actuelles, certaines lois semblent favoriser la majorité au pouvoir,
marginalisant ainsi les opposants et les personnes défavorisées. C’est dû à divers
facteurs, tels que des intérêts politiques ou économiques prédominants qui influencent
l'élaboration des lois. De plus, les lois sont interprétées de manière sélective ou
appliquées de manière discriminatoire, ce qui renforcer les inégalités et l'injustice
sociale.

La question de l'accès à la justice en République Démocratique du Congo soulève des


préoccupations légitimes quant à l'équité et à l'impartialité du système judiciaire. Il est
indéniable que la richesse joue un rôle significatif dans la capacité d'un individu à
obtenir une décision favorable devant les tribunaux. Les pratiques de corruption et de
monnayage des décisions de justice par certains juges judiciaires ne font que renforcer
cette inégalité criante.

Dans ce contexte, le délai pour rendre publique une décision judiciaire revêt une
importance capitale. Un juge motivé par des intérêts personnels ou financiers peut
délibérément retarder la résolution d'une affaire, exposant ainsi les parties à une attente
91

interminable. Cette situation met en lumière la réalité selon laquelle, sans ressources
financières suffisantes pour influencer le processus judiciaire, les individus défavorisés
se retrouvent désavantagés et vulnérables face à un système qui favorise les plus nantis.

Cette réalité crée une dualité dans le système judiciaire, où une justice pour les riches
semble prévaloir sur une justice pour les pauvres. Pourtant, le principe fondamental de
l'égalité devant la loi et du droit à un procès équitable devrait être garanti à tous,
indépendamment de leur statut financier.

SECTION II : LA LÉGITIMITÉ DU JUGE CONGOLAIS

Dans le contexte complexe et tumultueux de la justice congolaise, la question de la


légitimité du juge revêt une importance cruciale. Au sein d'une société marquée par des
défis politiques, économiques et sociaux majeurs, le rôle du juge est essentiel pour
garantir l'application juste et équitable des lois et assurer la protection des droits des
citoyens.

Des influences politiques et économiques ont parfois semblé peser sur les décisions
judiciaires, sapant la confiance du public envers l'institution judiciaire et jetant le doute
sur l'impartialité des juges.

La mythification du droit en RDC découle en partie de l'héritage colonial et postcolonial


qui a façonné le système judiciaire du pays. Les influences extérieures, les ingérences
politiques et les conflits d'intérêts ont souvent obscurci la perception de la légitimité du
juge congolais, alimentant ainsi un climat de suspicion et de méfiance. De plus, la
corruption98, le manque de transparence et les lacunes dans l'application du droit99 ont
contribué à éroder la crédibilité de l'appareil judiciaire congolais, renforçant ainsi les
perceptions négatives à son égard.

98
JACOB R., Images de la justice : essai sur l’iconographie judiciaire du Moyen Âge à l’âge classique, Paris, Le léopard
d’or, 1994.
99
LASCOUMES Pierre, Élites irrégulières. Essai sur la délinquance d’affaires, Paris, Gallimard 1997.
92

§1. Du juge gardien de l’ordre social au juge inféodé au pouvoir

En RDC, Chaque régime se débarrasse des membres des juridictions qui ne lui
paraissent pas de toute fiabilité. Nul doute en même temps qu’il y ait, dans ce monde
politique où toutes tendances idéologiques confondues les juristes jouent un grand rôle,
des règlements de compte à réaliser et des vengeances à tirer, voire des postes à obtenir.
Il ne faut pas non plus sous-estimer le caractère aléatoire des procédures d’épuration,
liées à la précipitation dans l’établissement des listes de proscriptions à partir de
renseignements hasardeux et dont les archives publiques portent la trace.

De plus, les liens étroits, voire les affinités entre le juge et les élites financières, le
poussent à trouver des compromis avec le monde des affaires, l'empêchant ainsi
d'assumer pleinement son rôle de contrôle et de sanction qui lui est normalement dévolu.
Cette situation suscite un certain mépris de la part de la classe politique et des segments
les plus progressistes de l'opinion publique envers les tribunaux, souvent accusés d'être
trop conciliants, « faisant preuve de la grande rigueur envers les petits délinquants
(KILUNA DE KINSHASA) et d'indulgence envers les puissants du moment
(HOMMES POLITIQUES ET HOMMES D’AFFAIRES CORPS DU REGIME EN
PLACE) ». Ainsi, on assiste à une transition d'un juge gardien de l'ordre public à une
magistrature en décalage avec les attentes de la société et parfois même avec celles du
monde politique.

La transition d'un juge qui est censé être le gardien de l'ordre social à un juge qui est
inféodé au pouvoir est une évolution inquiétante et dangereuse pour l'État de droit et la
démocratie. Traditionnellement, le rôle du juge est de garantir l'application impartiale
de la loi, de protéger les droits des citoyens et de contrôler la légalité des actes des
pouvoirs publics. En tant que gardien de l'ordre social, le juge est censé être
indépendant, impartial et agir dans l'intérêt supérieur de la justice.

Cependant, lorsque le juge devient inféodé au pouvoir politique, cela signifie qu'il est
soumis à des pressions politiques, qu'il est influencé dans ses décisions par des
considérations partisanes ou qu'il agit en fonction des intérêts du pouvoir en place plutôt
que dans l'intérêt général. Un juge inféodé au pouvoir perd sa neutralité et son
impartialité, ce qui compromet gravement sa capacité à rendre des décisions justes et
équitables.
93

Lorsqu'un juge devient inféodé au pouvoir, cela conduit à des abus de pouvoir100, à des
violations des droits fondamentaux, à l'absence de contrôle des actes du gouvernement
et à une justice partiale. Cela affaiblit la confiance du public dans le système judiciaire,
compromet l'État de droit et ouvre la voie à l'arbitraire et à l'injustice.

Passant du rôle d'agent du changement social à celui d'un juge accusé de remettre en
question la légitimité démocratique, cette transition complexe est souvent influencée
par des contextes politiques spécifiques. Pourtant, au Sénégal et au Bénin, les juges ont
joué un rôle crucial dans la promotion du changement social en interprétant la loi pour
protéger les droits fondamentaux, lutter contre les injustices et promouvoir l'égalité. En
tant qu'agents du changement social, ils sont perçus comme des défenseurs des valeurs
démocratiques et des droits de l'homme.

L’inverse au Congo-Kinshasa, les juges sont constamment accusés même par le


président de la République de mettre en cause la légitimité démocratique.

Il est crucial de souligner que le rôle des juges est de garantir le respect de la
Constitution, des lois et des droits fondamentaux, indépendamment des pressions
politiques ou des opinions populaires. Les juges doivent agir avec impartialité, en se
fondant sur le droit et la justice, et non pas sur des considérations politiques ou
partisanes.

§2. Le juge et pouvoir politique


a. Des arrêts sous commande de l’autorité de nomination ou recommandation
La juridiction constitutionnelle congolaise est à coloration politique. Ses membres
procèdent d’une combinaison de juristes et de non-juristes. Au total, ils doivent être au
nombre de neuf, les seuls à avoir le pouvoir de dire le droit pour le compte de la Cour.
A ce propos, Hans Kelsen considérait, en effet, qu'« Il est de la plus grande importance
d'accorder dans la composition de la juridiction constitutionnelle une place adéquate
aux juristes de profession », sans exclure « la collaboration des membres appelés à la
défense des intérêts proprement politiques »101. C’est cette combinaison qui ressort des

100
MOUNIER Jean-Pierre, “Du corps judiciaire à la crise de la magistrature”, Actes de la recherche
en sciences sociales, n°64, septembre 1986
101
H. KELSEN « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La Justice constitutionnelle) », R.D.P., 1928, p. 227.
94

articles 158102 et 159 de la Constitution : les 2/3 des membres de la Cour doivent être
des juristes ; et nul ne peut être nommé à la Cour s'il ne justifie d'une « expérience
éprouvée de quinze ans dans les domaines juridique ou politique103».

Les critères pour devenir membres de la Cour constitutionnelle sont ainsi variés en
fonction de la distinction établie par le constituant entre les membres nommés en raison
de leur qualité de juristes et les autres.

Concernant la première composante, en plus d’être juristes, la Constitution exige que


les 2/3 des membres de la Cour proviennent de trois horizons différents : la magistrature,
le barreau ou l’enseignement universitaire (article 158, alinéa 2). Par contre, s’agissant
de la seconde composante, c’est-à-dire les autres membres de la Cour, ils n’ont pas
besoin d’être des juristes et s’ils le sont, il faut qu’ils aient une expérience dans le
domaine politique. Ce qui signifie que la Constitution ne semble pas exclure
l’hypothèse où la Cour ne serait composée que de juristes, dans la mesure où les
politiciens appelés à siéger en son sein peuvent également avoir des compétences
avérées en droit.
Les décisions judiciaires sous influence de l'autorité de nomination ou de
recommandation sont un phénomène courant. Les juges constitutionnels, selon la
théorie de la tripartition des pouvoirs élaborée par Montesquieu104, sont le produit d'une
trilogie105, émanant des trois pouvoirs au sein de l'État106. La République Démocratique
du Congo ne déroge pas à cette règle, sa constitution prévoyant la procédure de
désignation et de nomination des juges à la cour constitutionnelle.
Si la première procédure implique l'intervention des pouvoirs : exécutif (le président de
la République), législatif (le parlement réuni en congrès) et judiciaire (le conseil

102
Art. 158, al. Constitution de la république démocratique du Congo modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011
portant révision de certains articles de la constitution de la république démocratique du Congo du 18 février 2006 : «
Les deux tiers des membres de la Cour Constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la magistrature, du
barreau ou de l’enseignement universitaire. »
103
Art. 159 de la même Constitution, nul ne peut être nommé à la Cour s'il ne justifie d'une « expérience éprouvée
de quinze ans dans les domaines juridique ou politique».

104
Charles de Secondât de MONTESQUIEU, De l’Esprit des lois, livre XI, chapitre VI de la Constitution d’Angleterre,
p.112. Source : http://www.uqacbec.ca/zone30
105
P.M GAUDEMET, la séparation des pouvoirs, mythe et réalité, in chronique xxiii, Dalloz, 1961, p. 121
106
ARISTOTE, politique, VI, XI, I, Paris, Garnier-Flammarion, 1993
95

supérieur de la magistrature)107, la seconde relève uniquement de la responsabilité du


président de la République 108 . Ainsi, une fois nommés par le président, les juges
constitutionnels se retrouvent confrontés à des autorités de désignation qui agissent en
tant que protecteurs du régime en place, mais aussi en tant qu'orienteurs et décideurs
des décisions de la cour constitutionnelle.

De ce fait, le juge constitutionnel se voit réduit à un simple exécutant de la volonté de


ses désignateurs. Tout refus ou désobéissance de sa part pourrait entraîner des
conséquences considérables, bien que non prévues par le droit mais régies par la
politique. Cela renforce l'idée selon laquelle cette haute juridiction est un instrument au
service de la politique, ses membres devenant des pions aux desseins dépersonnalisés.
D’où l’inquiétude : les juges disposent-ils aujourd’hui d’une légitimité assez forte, qui
les prémunisse de toute crispation corporatiste et, surtout, de toute mise en cause de leur
autorité109.
Dans ce contexte, le juge constitutionnel perd sa redevabilité envers le peuple pour
l'accomplissement de sa mission et s'éloigne de son rôle de régulateur. C'est pourquoi
nous évoquons leurs arrêts sous l'influence des autorités de désignation.

De ce point de vue, la présence, surtout de membres non juristes et provenant d'organes


politiques au sein de la Cour constitutionnelle, fait prévaloir l’existence d’un risque réel
que leurs décisions soient influencées par des considérations politiques plutôt que par
une interprétation stricte et impartiale de la Constitution. Cette situation peut
compromettre la crédibilité de la Cour et remettre en question sa capacité à garantir
l'État de droit et à protéger les droits des citoyens de manière équitable.

En outre, cette présence soulève des questions quant à leur expertise juridique et à leur
capacité à prendre des décisions éclairées sur des questions constitutionnelles

107
Art. 158, al. Constitution de la république démocratique du Congo modifiée par la loi n° 11/002 du 20 janvier 2011
portant révision de certains articles de la constitution de la république démocratique du Congo du 18 février 2006 :
La Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le Président de la République dont trois sur sa
propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la
magistrature.
108
La Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le Président de la République.

109
BADINTER R. et BREYER S., dir. Les entretiens de Provence. “Le juge dans la société contemporaine”, Paris, Fayard,
Publications de la Sorbonne, 2003, p. 12-13 et 135-136. GARAPON A., Le gardien des promesses, p. 57-58, 186-187,
263 et suiv.
96

complexes. Le fait que ces membres puissent potentiellement manquer de


connaissances juridiques approfondies peut affaiblir la qualité des décisions rendues par
la Cour et compromettre sa légitimité aux yeux du public.

Il est donc essentiel que la composition de la Cour constitutionnelle garantisse la


prédominance de juristes qualifiés et expérimentés, afin de préserver son intégrité et
son impartialité. La nomination de membres non juristes et politiques ne devrait pas
compromettre l'indépendance de la Cour ni sa capacité à agir en tant que gardienne de
la Constitution et de l'État de droit.

b. Du tirage au sort au sort triqué dans le renouvellement du juge constitutionnel


congolais
Le tirage au sort est souvent considéré comme une méthode impartiale et équitable pour
la sélection des membres d'une institution, y compris les juges constitutionnels. Mais
hélas, en RDC, il est possible d'imaginer une situation où le tirage au sort à la Cour
constitutionnelle serait truqué, ce qui compromet l'intégrité et l'indépendance de cette
institution.

Si l’histoire nous enseigne les départs des juges : Jean-Louis ESAMBO KANGASHE,
BANYAKU, et le départ prématuré du juge et ancien président de la Cour
Constitutionnelle Dieudonné KALUBA dont le sort était tiré des heures et jours avant
le tirage au sein de la Cour, cela signifie que les personnes qui sont censées être
sélectionnées de manière aléatoire sont en réalité choisies de manière sélective et
partisane. Et dans la plus part des cas, ce tirage intervient en forme d’une sanction
politique habillée en renouvellement tertiaire. Telle est la logique des autorités de
désignation ou les personnes responsables du processus de tirage au sort manipulent
délibérément les résultats afin d'influencer la composition de la Cour constitutionnelle
en faveur d'un groupe ou d'une idéologie spécifique.

Une telle manipulation est souvent motivée par des intérêts politiques ou personnels.
Les autorités de désignation cherchent à garantir que les juges constitutionnels
sélectionnés soient favorables à leur régime ou à leurs politiques, afin d'assurer un
contrôle sur les décisions de la Cour constitutionnelle. Dans ce cas, le tirage au sort
serait utilisé comme un moyen de légitimer une sélection prédéterminée plutôt que
d'assurer une réelle représentativité et indépendance.
97

Cette situation engendre de graves conséquences sur l'État de droit et la confiance du


public dans le système judiciaire. La Cour constitutionnelle est censée être un organe
de contrôle indépendant chargé de garantir le respect de la Constitution et de préserver
les droits et les libertés fondamentaux. Urgent soit-il de prévenir toute manipulation du
tirage au sort à la Cour constitutionnelle congolaise par une technique d’élection des
membres.

c. Le réflexe de l’opposition congolaise face au juge congolais


Le premier réflexe est de remettre en question la compétence, l'impartialité et l'intégrité
de celui que l'appareil judiciaire désignera pour trancher le litige. D'emblée, l’opposant
en face de cette composition anticipe une condamnation de sa part et une validation des
arguments de son adversaire, avec qui le juge partagerait vraisemblablement des
affinités idéologiques, amicales ou politiques. Toutes les tentatives visant à le
convaincre que les appréhensions sont infondées demeureront vaines : ce magistrat lui
est, a priori, hostile. Pourtant, il existe encore des juges justes dont la partie au pouvoir
peut probablement se nourrir les mêmes préjugés à l'égard de ce juge malheureux.

La perception de juge congolais découle de cette perception. Au fond de nous-mêmes,


nous refusons l'idée qu'une personne, investie de la fonction de juge par les institutions
humaines, puisse arbitrer entre le bien-fondé des parties en présence. Juger revient à se
placer dans une position de supériorité vis-à-vis de ceux qui sont jugés.

d. L’idée d’un juge constitutionnel élu en RDC

Plusieurs questions se chevauchent car, on a beaucoup écrit sur la manière dont sont
nommés les membres à la cour. Le fait que les membres du Cour Constitutionnelle
soient nommés par des autorités politiques a soulevé des critiques. Quand on voit la
manière dont sont nommés les membres de la Cour suprême américaine, qui est une
solution très compliquée avec l’intervention de toute une série d’organes, pas
simplement du Sénat américain, on ne peut pas dire que la procédure de nomination
puisse être considérée comme la solution miracle. Il n’y a pas de solution miracle en
matière de nomination des juges suprêmes.

Mais, la fameuse phrase d’adresse de Robert Badinter à ses pairs, lorsqu’il a été
nommé Président du Conseil constitutionnel, « N’oubliez pas que nous avons un devoir
d’ingratitude vis-à-vis de ceux qui nous ont nommés » ne contredit-t-elle pas toute
cette religion contre la nomination ? Car, lui-même a montré l’exemple. Donc
98

effectivement ce n’est pas parce que l’on a été nommé par un Président de la République
que l’on va faire, à la cour constitutionnelle, systématiquement la part belle de sa
volonté.

En Allemagne, on vous dit que l’élection des juges par les assemblées va permettre des
choix non politiques par consensus. C’est faux ! Ce sont des choix qui se font par
négociation entre les deux grands partis politiques allemands. Le politique réapparaît y
compris dans des procédures d’élection par des assemblées. Alors on peut imaginer
peut-être une élection au suffrage universel direct. Pourquoi pas ?

A ce sens, l’élection des juges constitutionnels est une approche qui vise à garantir une
plus grande légitimité et représentativité de ces juges. En permettant aux citoyens de
participer au processus de sélection des juges constitutionnels, on favorise une plus
grande transparence et une meilleure adhésion démocratique à la composition de la
Cour constitutionnelle.

Un juge élu peut contribuer à renforcer l'autorité de la Cour en lui conférant une base
de légitimité accrue110. Les juges élus bénéficient d'une plus grande confiance publique
et sont perçus comme des représentants des intérêts et des valeurs de la société. Cela
peut renforcer la crédibilité de la Cour constitutionnelle et accroître le respect de ses
décisions par les autres branches du gouvernement, ainsi que par la population.

Elles peuvent également contribuer à préserver l'indépendance de la Cour. Lorsque les


juges sont élus, ils sont moins susceptibles d'être sous l'influence directe du pouvoir
exécutif ou législatif. Le processus électoral peut prévoir des mécanismes de contrôle
et d'équilibre pour éviter les influences partisanes ou politiques indésirables,
garantissant ainsi que les juges élus puissent exercer leurs fonctions de manière neutre
et indépendante, autrement dit « avoir une légitimité légale-rationnelle »111. Élu, le juge
est choisi pour juger : l’élection lui confère ce droit de par la volonté des justiciables.
La légitimité qu’il en tire est parfaite et directe, sans processus de délégation, ni
nomination si ce n’est celle du peuple congolais, et donc indépendant de toute autorité.
La force institutionnelle de cette légitimité est évidemment très puissante et les critiques
qui peuvent être portées ne peuvent l’être que sur le registre de l’éthique et non sur celui

110
SALAS D., “Le juge aujourd’hui”, Droits, n° 34 (2001), p. 68. HAENEL H. et FRISONROCHE, M.-A., Le juge et le
politique, Paris, PUF, 1998, p. l03.
111
KRYNEN J. dir., L’élection des juges. Etude historique française et contemporaine, Paris, PUF, 1999, p. 12-13
99

du principe fondateur. Mais l’éthique n’est pas liée au principe et se régit par d’autres
règles.

La démocratie ne se satisfait pas de mandats électifs à vie, le juge élu doit être soumis
au sort commun des élus : son mandat doit être limité afin de garantir une rotation
régulière et d'éviter une concentration excessive du pouvoir. Et il doit revenir devant
ses électeurs à termes réguliers. Il ne faut pas négliger cette obligation de
renouvellement et penser qu’elle n’est qu’une formalité. Cette obligation reste un
facteur réel de validation ou de désaveu du juge et vécu comme tel par les juges
consulaires.

Des mécanismes de responsabilité et de révocation doivent également être mis en place


pour prévenir les abus et garantir que les juges élus agissent dans l'intérêt public.

Cependant, il convient de noter que l'élection des juges constitutionnels peut


également présenter des défis et des limites. Il est essentiel de mettre en place des
garanties et des mesures pour éviter les pratiques clientélistes, la corruption ou la
politisation excessive du processus électoral ; “dans la mesure où cette élection placerait
le juge dans la dépendance des partis ou en ferait l’expression de vagues passionnelles
que le juge, instrument d’équilibre se doit d’amortir”112. Des critères de qualification
professionnelle et d'expérience juridique doivent être établis pour s'assurer que les
candidats possèdent les compétences nécessaires pour occuper ces fonctions cruciales.

112
BEAUFOUR R., “Pouvoir judiciaire”, n° 205, cité par J. KRYNEN, Avant-propos à L’élection des juges. Étude
historique française et contemporaine, Paris, PUF, 1999, p. 9.

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