Download the full version of the ebook now at ebookgrade.
com
How to Get Taller Excercise Guide by Taylor
David
https://ebookgrade.com/product/how-to-get-taller-
excercise-guide-by-taylor-david/
Explore and download more ebook at https://ebookgrade.com
Recommended digital products (PDF, EPUB, MOBI) that
you can download immediately if you are interested.
Trump How to Get Rich by Donald J. Trump
https://ebookgrade.com/product/trump-how-to-get-rich-by-donald-j-
trump/
ebookgrade.com
Watercolourist's Guide to Painting Buildings by Richard
Taylor
https://ebookgrade.com/product/watercolourists-guide-to-painting-
buildings-by-richard-taylor/
ebookgrade.com
How to Get into Oxbridge See Christopher;
https://ebookgrade.com/product/how-to-get-into-oxbridge-see-
christopher/
ebookgrade.com
How To Get An Equity Research Analyst Job
https://ebookgrade.com/product/how-to-get-an-equity-research-analyst-
job/
ebookgrade.com
Trump How to Get Rich by Donald J. Trump Donald J. Trump
https://ebookgrade.com/product/trump-how-to-get-rich-by-donald-j-
trump-donald-j-trump/
ebookgrade.com
Empathy Why It Matters and How to Get It
https://ebookgrade.com/product/empathy-why-it-matters-and-how-to-get-
it/
ebookgrade.com
How To Get A Job In Consulting 2nd Edition
https://ebookgrade.com/product/how-to-get-a-job-in-consulting-2nd-
edition/
ebookgrade.com
Writing Science How to Write Papers That Get Cited and
https://ebookgrade.com/product/writing-science-how-to-write-papers-
that-get-cited-and/
ebookgrade.com
Other documents randomly have
different content
village donner la bénédiction aux chevaux, aux ânes, aux chiens, aux
bœufs: à chacun il disait une parole que toutes les bêtes comprenaient et
qui les faisait dodeliner la tête en poussant des cris variés; et c’était
comme cela qu’il leur était venu une voix pour parler et prier à leur
manière, comme leurs grands frères, les hommes.
Il se trouva qu’un jour le petit conte parut dans la gazette du canton.
C’est Alain qui fut bien étonné et même un peu honteux de voir là-
dessous son nom de fils de paysan: il avait remis son Bon Dieu des bêtes
à son vieil ami l’instituteur; celui-ci, sans rien lui en dire, l’avait envoyé au
rédacteur de la feuille, lequel était son parent.
Ce fut le commencement. Comme à l’arbre il pousse une branche
après une branche et que chacune à son tour porte un bourgeon qui
donne sa feuille, il s’était mis à remplir de petits carrés de papier, le soir, à
la chandelle, après avoir tout le jour hersé, labouré, ensemencé, fait les
marchés à la ville, etc. A mesure qu’il achevait d’écrire une de ses petites
histoires, il allait la lire à Roselei ou à ses frères; mais c’était toujours
Roselei qui disait si c’était bien ou mal. Et comme cela, un dimanche, le
journaliste, qui était aussi imprimeur, était venu lui proposer de publier ses
contes dans le journal en lui offrant de les réunir ensuite en volume,
comme on fait pour les grands auteurs: et Alain avait appelé son livre La
Petite vie au hameau et il s’en était bien vendu trois cents exemplaires à
deux francs. Roselei avait senti battre son cœur.
Il était là maintenant avec les garçons, abattant les quilles sous le
hangar où Hugo Baesrode avait fait établir le quillier. Les jeunes gens du
village s’en allaient aussi tirer à la perche dans une des prairies de la
ferme, à une petite distance du verger. Alain, d’un bras sûr, envoyait sa
flèche toucher le coq au bon endroit et abattait neuf aux quilles, huit fois
sur dix.
La belle Roselei, dans sa jeune force, ne dédaignait pas non plus de
s’escrimer contre l’oiseau, le jour où se réunissaient les archers du Saint-
Sébastiaenhof. Il n’y avait pas un homme pour bander l’arc comme elle,
tirant sur la corde de toute la longueur du bras, touchant presque de
l’épaule la terre; et puis la flèche partait, filait droit dans l’air. Dès sa petite
enfance, elle s’était mêlée aux jeux de ses frères et des garçons de la
famille; elle avait lutté avec eux sur le pré; elle jouait au football; elle
faisait des roses à la carabine Flobert; elle nageait comme elle montait à
cheval et comme elle chassait, avec l’héroïsme naturel de son rouge sang
de campagne. C’était l’autre Roselei, celle-là, librement poussée parmi la
grande vie d’une ferme, à côté des jeunes hommes dont elle avait presque
la robustesse physique, et qui ensuite redevenait l’âme placide et reposée
de la Roselei à la voix lente, aux yeux de rêve et de silence, au tranquille
sourire qui, au coin des joues, faisait deux creux comme le remous d’une
eau. Est-ce qu’elle n’était pas aussi une vraie fille de cette terre flamande
où, comme disait Baesrode, les belles filles sont plus belles qu’ailleurs?
Enfin la chaleur tomba un peu: les séminaristes et le curé purent
renfiler leurs soutanes qu’ils avaient accrochées à des branches. Les vols
de robes blanches cessèrent de tourbillonner pour aller manger de la tarte
et boire de la groseille ou du café sous les tonnelles où Mme Baesrode
avait fait préparer un petit lunch. On était rouges comme les pivoines du
jardin. Ce fut Roselei elle-même qui courut ramener Alain et les garçons
du jeu de quilles. Elle ne trouva pas tout de suite l’avocat qui avait quitté
la rotonde et fumait des cigarettes sur la route. Il avait fallu réveiller Van
Pède, père, qui, depuis le dîner, ronflait à poings fermés sous les
pommiers, la tête dans son mouchoir. Le baron, lui, suivait son idée: il
avait pris le bras de Baesrode, et même on peut dire qu’il s’y pendait
comme un petit singe à une grosse branche, et il ne cessait plus
maintenant de lui reparler de sa ferme du Tilleul et de vanter les mérites
de son aîné. Il était un peu comme un tireur qui voudrait mettre sa balle
dans une cible et puis dans une autre en se disant qu’il arrivera toujours
un moment où il la mettra dans le mille. Hugo voyait venir le vieux renard
et riait au-dedans de lui.
VI
Après tout, ce n’était là qu’un dimanche parmi tant d’autres pareils,
pour le pachthof des Baesrode: il fallait assister à un dimanche de polo
pour avoir une idée du bruit et de la gaîté qui régnaient là certains jours.
Il venait alors des fils des grandes fermes à six lieues à la ronde et la
petite baronne Tols, de son côté, amenait un jeune lieutenant, son parent,
très bon joueur. On n’avait pas de peine à former les deux équipes:
Roselei était dans un camp avec le lieutenant et deux autres partenaires;
la baronne dans l’autre avec Nand, Arnold, ou l’un des fils des grandes
fermes. Quelquefois c’était Hugo Baesrode lui-même qui était l’arbitre: il
se tenait près des deux poteaux, monté sur son grand bai brun.
Aussitôt la balle lancée, les petits chevaux, en vis-à-vis par rangs de
quatre, partaient d’une volée; toute l’affaire était d’envoyer la balle dans le
camp ennemi: les maillets au bout des longs manches de bois tournaient
par-dessus les têtes: on entendait leurs coups secs frapper la boule qui
filait, sautait, avec l’air d’un rat entre les pieds des chevaux. C’était
merveilleux comme les petites bêtes virevoltaient en plein galop, semblant
jouer là pour leur compte, avec des ébrouements qui étaient pareils à des
rires. Par moments, on ne voyait plus qu’un tas de poils qui passait en
trombe, avec des éclairs de ferrures en l’air et toujours le moulinet des
maillets comme de grandes pattes de faucheux. Tantôt un camp ou l’autre
parvenait à renvoyer la balle par delà les colonnes, dans le camp ennemi.
On le savait tout de suite à la clameur qui s’élevait: les cobs alors jetaient
leurs têtes en l’air comme des drapeaux. Hugo criait le point. Il fallait un
nombre préfixé de points pour gagner. Et puis de nouveau, les petits
chevaux partaient, cabriolaient, tournaient, faisant sauter leurs cavaliers
comme des bouchons de liège jusqu’au moment où un cri plus fort que
ceux qui avaient précédé signalait la victoire définitive. On s’amusait bien,
le reste de la semaine, entre cobs, à se raconter ces exploits.
Tout alors rentrait dans l’ordre: la ferme reprenait son train, redevenait
la grande ruche en travail sous les jours vermeils. Les cours ronflaient, les
essieux grinçaient, les vaches repartaient pour la prairie, des valets
menaient les chevaux du haras à l’abreuvoir ou les faisaient trotter sur la
piste. Après la vente des six étalons, dernièrement achetés par un
marchand allemand, il en restait encore huit à l’écurie. En comptant les
juments, les pouliches, les poulains, les cobs, les chevaux de trait pour
l’exploitation, c’était une cavalerie d’un peu plus de soixante-dix bêtes,
toutes saines d’œil, de bouche et de poil. Les poulains à grosses têtes et
jambes en échalas, jusqu’à la tombée de la nuit, s’éparaient et
gambadaient à côté des mères, dans une des prairies clôturées. De petits
taureaux se faisaient les cornes en râclant les pieux ou, déjà combatifs,
les yeux torves et battant de la queue, s’accolaient, leur mufle court à ras
du sol, dans le pré où étaient les génisses et les vaches laitières, toutes
bien à point, la robe claire, rousse ou mouchetée de tons de fleurs.
Les étables, dans l’énorme cour en pente, feutrée de son pailler
central, faisaient retour sur la ligne des écuries, également spacieuses,
claires et aérées les unes et les autres. Une des étables était pour les
mères et leurs veaux; les taurins avaient la leur; le tauril des grands
taureaux générateurs s’ouvrait par des couloirs, autant de couloirs qu’il y
avait de taureaux, sur des enclaves où les taures leur étaient amenées.
Comme un fleuve, l’énorme sève animale coulait là, propageant les races
et accroissant les dynasties. Les puissants porcs épineux habitaient plus
bas un rang de soues communiquant avec des cours aux relents aigres et
chauds: là traînait dans la paille le ventre des truies et ballait la ribambelle
des petits gorets roses, la queue en tirebouchon. C’était vraiment la
grande arche de vie, nombreuse en espèces réputées, avec sa rumeur
vaste de ménagerie ronflante et gorgée où tout à coup, comme un rappel
des faunes de la savane, haletaient des cris furieux. Par là-dessus, aux
fumiers épais, piaulait, gloussait, cacardait, fanfarait la volaille des basses-
cours, oies, jars, pintades, poules, éventés par le vol tournoyant des
pigeons et balayés par la traîne d’or et de pierreries des paons. Et les
sabots en tous sens battaient; on entendait ruisseler l’eau des pompes
dans les abreuvoirs; six servantes travaillaient à la laiterie, tenant fraîches
les jarres, barattant le beurre et en emplissant les cuvelles, écurant la
dalle et les seilles. Dans la forge, tintait l’enclume; le charril résonnait des
coups de marteaux sur les jantes et les essieux. Le rabot et la scie hiaient,
stridaient, râpaient dans le hangar. Il y avait toujours dans une maison
comme celle-là quelque ouvrage gros ou mince à terminer et qui avait son
cri et son bruit différents des autres.
DES VALETS MENAIENT LES CHEVAUX DU HARAS A L’ABREUVOIR
(P. 108).
Si dans un troupeau il y a les moutons, il y a aussi, pour les maintenir
dans le bon chemin, le berger et ses chiens. Mme Baesrode surveillait la
laiterie comme Baert avait la garde des étables et Arnold celle des écuries,
comme Roselei s’en allait dire aux abeilles des ruches la bonne parole qui
les rendait soumises et charmées. Quelquefois on entendait venir le pas
du grand Hugo ou bien il était derrière vous au moment où on s’y
attendait le moins. On pouvait être sûr que déjà il avait fait le tour du
domaine, inspecté les granges, les champs de blé, les prairies et le bois,
réparti le travail entre tous et terminé un marché avec l’un ou l’autre
marchand. Tous les jours il en venait pour les chevaux, les vaches, les
nourrains et le reste. Et Baesrode trouvait aussi le moyen d’aller acheter
ses machines à la ville et d’assister aux séances réglementaires de la
Chambre.
La grande demeure ne chômait un peu qu’à l’heure de la méridienne;
la cuisine servait de réfectoire aux serviteurs et aux ouvriers; ceux-ci
étaient réunis autour de la vaste table, au nombre de vingt ou trente
selon la saison, sans compter les aoûterons embauchés pour la moisson et
qui, ceux-là, mangeaient aux champs. Hugo avait voulu que ce petit
peuple d’hommes et de femmes levés à l’aube et harassés déjà par les
travaux de la matinée, connût avant les maîtres la détente et le réconfort
du repas qui coupait la journée. Zabeth et Roselei de leur côté veillaient à
ce que la nourriture fût abondante et que l’ordre et la propreté qui
régnaient partout dans la ferme fussent également la loi qui régissait cette
réunion d’êtres rudes. Il leur était défendu de blasphémer Dieu et une
courte ablution au lavoir leur rafraîchissait le visage et les mains avant
qu’ils se missent à table.
Baesrode et sa famille s’attablaient alors à leur tour; le père, debout,
disait les grâces, que les autres écoutaient, les mains jointes. Pendant une
heure, dans le grand silence de sommeil des bêtes et des gens, ils
goûtaient là une intimité et un délassement. Un peu de gravité se mêlant
à tous les actes d’une maison dont le chef lui-même parlait peu, une
sérénité confiante apaisait les visages et mettait dans les yeux une clarté
de vie égale et limpide. Puis Hugo, presque toujours parti au matin avant
le passage du piéton, dépouillait le courrier qu’il trouvait en rentrant
tandis que Mme Baesrode faisait un somme et que Roselei, en étouffant
un peu le bruit, jouait au piano un des huit ou dix morceaux qu’elle
connaissait. Généralement c’étaient des chansons de pays: ni Baesrode ni
sa femme n’y étaient insensibles, et quelquefois un des fils passant par la
cour, les reprenait en sifflant. Le piano, au bout d’un instant, lui-même se
taisait. Roselei allait à ses abeilles en emportant sa corbeille à ouvrage ou
un livre qu’elle lisait à l’ombre d’une des tonnelles du jardin. Il arrivait des
fois que le livre ne l’intéressait pas jusqu’au bout: elle n’avait jamais rien
compris aux romans de Paris. Comme elle connaissait l’anglais, c’était
plutôt de ce côté que lui venait la petite émotion d’humanité qu’elle
demandait à la lecture. Celle-ci était en somme pour elle une occasion
d’être un peu seule avec elle-même; mais le zon des abeilles parfois à la
longue l’engourdissait. Toute la terre du reste semblait dormir dans le
lourd été de la ferme. On ne sait pas d’où ensuite venait le réveil; de
nouveau les sabots rabotaient le pavé sonore; les attelages roulaient; la
vie à grandes ondes bruissantes reprenait son cours.
VII
Autour des quarante ruches orientées au soleil et abritées des pluies
par un mur en briques, un jardin d’essences sucrées avait été planté,
abondant en phlox, en asters, en spirées. Le rucher, avec son toit incliné
et ses parois en planches, alternait l’alignement des cônes en paille et des
ruches à cadres, celles-ci peintes en bleu comme les planches des parois,
à cause du goût des abeilles pour cette couleur. Un bosquet de troènes,
de seringas et d’acacias bordait la brique ensoleillée où s’ouvraient leurs
palais d’or; elles vivaient à l’abri du vent et du bruit, dans la paix
parfumée de l’enclos fermé d’une porte à claire-voie.
Roselei s’approchait librement des ruches, les maniait, en renouvelait
les cadres: les abeilles la connaissaient et ne se défiaient pas. Quand Alain
venait, ils allaient ensemble les voir travailler ou, comme des boules
métalliques, rebondir par l’air. Non loin un banc avait été taillé dans un
tronc d’arbre abattu: ils s’y asseyaient et souvent, sans rien dire,
demeuraient là un long temps, baignés d’air, de lumières et d’arômes. Ni
l’un ni l’autre ne s’occupaient de savoir quel était le sens de leur vie et
pourtant, sitôt qu’ils étaient à deux, leur vie était comble comme si
ensuite il n’y avait plus rien à désirer pour eux.
Alain aussi possédait des ruches; il en avait dix et il savait l’art de les
charmer en sifflant du bout des lèvres une petite chanson. C’était très
doux, comme le vent de l’été: aussitôt les abeilles devenaient soumises; il
n’avait pas besoin de les enfumer comme font les autres. Roselei aimait sa
petite chanson: quand elle relisait Les Petites gens du hameau, elle croyait
l’entendre vibrer à travers les lignes.
L’âme de la Flandre corne entre ses pâturages et mélodieusement
bruisse en ses ruches. Quand par-dessus la barrière, quelqu’un ôte sa pipe
de sa bouche et aspire longuement l’odeur de lait du troupeau ou qu’il
oublie les heures à regarder aller et venir les abeilles, on voit bien que
celui-là est un vrai Flamand: la terre peut bien alors travailler toute seule;
le temps coule comme l’eau et le vent.
C’était une chose si profonde qu’ils sentaient là, à deux, quand ils
étaient devant les ruches. Alain, qui connaissait si bien le cœur des gens
des hameaux, peut-être aurait voulu décrire cela. Un homme de son âge
vivant à la campagne dans l’éveil des mille sensations que procure la vie
de la nature, trouve partout des correspondances. Les petites reines un
jour s’en vont avec l’essaim par les airs, comme l’épousée avec le mari
part habiter la ferme où ils s’aimeront et auront des enfants. Voilà, oui, la
ruche fait penser à la famille, à un mystère très doux et éternel.
C’ÉTAIT UNE CHOSE PROFONDE QU’ILS
SENTAIENT A DEUX QUAND ILS ÉTAIENT
DEVANT LES RUCHES (P. 110).
Alain Rippers aurait pu concevoir un tel sentiment; mais près de
Roselei, il ne pensait plus à rien; ses idées étaient vagues et indéfinies
comme au matin les ciels de Flandre avant que le soleil ne perce le
brouillard. S’ils parlaient, c’était des choses les plus habituelles de la vie:
ils n’avaient pas besoin d’exprimer quelque chose de défini pour sentir
venir à eux la joie du paysage, de l’heure et de la vie. Ils avaient
ensemble le sentiment qu’ils auraient pu rester là pendant des journées,
sans éprouver le moindre ennui ni même le désir d’aller voir ce qui se
passait par-dessus la haie. C’était cependant cette même Roselei qui
jouait au football et au polo, comme un garçon. Quant à lui, il oubliait
volontiers qu’il était l’auteur des belles histoires dont Hugo Baesrode un
jour avait parlé à la Chambre comme il l’eût fait de quelqu’un qui eût
inventé une machine agricole nouvelle ou réalisé pour les populations de
la campagne un sûr moyen de décupler le rendement du champ. En sorte
qu’il n’y avait plus là que deux êtres qu’une grande affection naturelle
rapprochait, tous deux jeunes, sains et beaux, comme une fille et un
garçon nés du même sang.
Entre les Baesrode et les Rippers, du reste, la différence des conditions
jamais n’avait été bien sensible. L’estime et l’amitié que Hugo Baesrode
avait toujours eues pour le vieux fermier, homme de bien et échevin de la
commune, il les avait reportées sur le loyal garçon, reçu presque en fils
dans l’ancien domaine des seigneurs.
Cependant Alain ne pouvait oublier la supériorité d’un homme comme
le grand Hugo sur tout le petit monde des paroisses: il était vraiment
resté, dans la vie, l’humble garçon qui, une ou deux fois la semaine, avec
les compliments de sa mère, s’en venait apporter à Mme Baesrode une
douzaine de beaux œufs frais dans un petit panier ou bien une couple de
jeunes pigeons ou des fruits ou encore un bouquet de grosses pivoines ou
de roses d’un sang rouge-bleu. Sa mère et lui faisaient, en toute simplicité
de cœur, ce léger présent et personne ne riait: chacun donne selon qu’il
peut, et Alain toujours, s’en allait avec un chaud remercîment.
A leur âge ils étaient encore deux enfants innocents qui se regardaient
franchement dans les yeux sans penser à mal.
Il avait dit un jour:
—Roselei, vos yeux sont comme des miroirs: j’y vois passer les nuages
et trembler les feuilles des arbres.
Alors, par jeu, elle lui avait demandé:
—Alain, regardez un peu si vous ne voyez pas aussi le gros bateau qui
passe là-bas dans le canal.
Elle l’avait dit si sérieusement qu’on aurait cru vraiment qu’un bateau
glissait par-dessus les prairies, au bas du ciel. Et seulement, après, tous
deux avaient ri.
VIII
Le bon Alain, à quelque temps de là, aurait eu fort à faire s’il lui avait
fallu regarder passer les nuages dans les claires prunelles de la fille des
Baesrode. Il en était venu un si grand nombre que c’était comme si toutes
les barques de la mer s’étaient mises à naviguer par le vaste ciel de pluie.
Chaque fois qu’on regardait au-dessus de soi, c’étaient de grandes voiles
grises qui battaient, ou bien un steamer avait l’air de vomir des tourbillons
de fumée par ses cheminées; d’autres fois, c’était la mer tout entière qui,
d’une fois, semblait passer là-haut, avec ses vagues, ses écumes, ses
navires et ses poissons. Les gens de fermes, eux, arrivaient sur le pas des
portes et regardaient pleuvoir. Il y avait tout de même trop longtemps que
la terre avait soif: le bon Dieu avait écouté la prière des cloches et les
petits anges avaient ouvert les robinets, comme ils disaient. Maintenant
chaque goutte d’eau était une pièce de cent sous pour les champs; les
épis aussi de leur côté regardaient là-bas à l’horizon si cela durerait un
peu de temps encore; ils ne demandaient qu’une petite semaine, après
quoi ils feraient tout seuls l’effort pour arriver à maturité. Tout le monde
en était content, les bêtes au pâturage, les chevaux par les routes, les
coquelicots et les bleuets qui se préparaient pour le reposoir de la
procession, le jour de la Fête-Dieu. Il n’y avait que les abeilles qui se
plaignaient; la terre sentait bon le thym, le mélilot, la tanaisie, l’orpin et
toutes les bonnes essences douce-amères, comme si une grande bouche
de là-haut s’était mise à souffler sur les petites braises parfumées des
cassolettes. Et elles étaient là sur les seuils, dans leurs robes d’or, se
troussant, mais n’osant sortir. Quelquefois une se risquait, piquait droit
dans l’air pour juger de l’état du ciel, mais presque aussitôt elle était
obligée d’entrer dans l’une ou l’autre corolle pour attendre que le gros de
l’ondée eût passé. Les fleurs, avec des soins bienfaisants, doucement la
séchaient, lui faisaient une écharpe de pollen et garnissaient ses petits
paniers avant de la renvoyer à la ruche. Le pis, c’est qu’il arrivait parfois
un gros moine de bourdon goulu qui ronflait dès l’entrée pour annoncer
qu’on lui mît la table. Un papillon en habit de nankin alors arrivait regarder
du balcon d’une feuille et se mettait à rire en remuant ses antennes.
Quand Alain contait cela dans ses petites histoires, il avait l’air d’être lui-
même de la maison.
Il plut ainsi pendant dix jours: l’ondée pénétrait jusqu’au cœur de la
terre; la petite forêt ligneuse des racines sous le sol gras s’étirait comme
des enfants au bain. Et puis le chat à pattes de velours commença à
traverser la cour; on sut ainsi que le beau temps allait revenir. Un peu de
soleil vint d’abord et puis un peu d’ombre, comme femme et mari. Si Alain
avait regardé dans les yeux de Roselei, il aurait vu s’en aller les derniers
nuages. Toutes les barques du ciel encore une fois étaient reparties pour
là-bas, pour la vraie mer, et d’invisibles mains s’employaient à repeindre le
grand ciel en bleu. Jamais le pays n’avait été aussi beau: les petites
arches de Noé du bord des routes, avec leurs murs au lait de chaux et
leurs volets verts ou bleus, avaient l’air de grosses touffes de fleurs.
C’étaient les petits jardins qui étaient heureux! Les grands pavots blancs
disaient bonjour comme les petites sœurs de l’école quand elles passent,
les mains dans leurs manches, en inclinant leurs cornettes.
IX
Alain, pour se rendre au pachthof, prenait le chemin le plus court et
s’en revenait par le chemin le plus long. Il pouvait ainsi songer tout à
l’aise aux abeilles de Roselei. Il suivait d’abord le long ruban de chaussée
qui, sous les grands ormes, avec ses larges pavés gris, s’en va vers la
ville. Les poulains, quand il passait, arrivaient jusqu’à la barrière, avec
leurs grosses têtes lourdes et leurs raides jambes en piquet, comme les
chevaux de bois du carrousel, les jours de kermesse; et puis en lançant
des ruades, ils repartaient téter les belles juments aux ventres polis et aux
clairs yeux de bonnes nourrices.
Un petit fossé d’irrigation les séparait du pâturage des vaches, touffu
et émaillé comme un tapis. Elles aussi, en balançant leurs fanons et
soufflant des naseaux, arrivaient le regarder par-dessus la clôture, comme
des femmes curieuses; et d’une petite tape il chassait les grappes de
mouches pendues à leur flanc ou leur caressait le mufle; et un petit
instant ils étaient là ensemble, comme une même humanité. Quelquefois il
disait une parole qui se rapportait à l’immense bonté des bêtes et les
vaches remuaient les oreilles comme si elles avaient compris. On peut
bien dire que l’âme des Flandres alors tout entière passait dans le bon fils
de la ferme des Six jeunes hommes. Et les chevaux, les belles vaches
couleur de beurre et de lait, les prairies et par delà, toute la terre jusqu’à
l’horizon appartenaient à Hugo Baesrode.
Il admirait dans sa simplicité, que cela fût ainsi puisque, aux mains
d’un maître comme celui-là, une telle faveur se changeait en bénédictions
pour tout le monde. Le pays aujourd’hui rapportait dix fois ce qu’il
rapportait autrefois: de toute la contrée jusqu’à Bruges, il était le plus
riche en cultures et en troupeaux. Quand Hugo passait à cheval sur la
route, il pouvait jeter à droite et à gauche le coup d’œil du maître. Si
quelque chose n’était pas à son goût, il entrait dans les fermes et disait ce
qu’il avait à dire. Parfois il avançait au paysan l’argent nécessaire à l’achat
des nouvelles machines. Là-bas, à la Chambre, il défendait la petite
propriété contre la grande: celle-ci ne lui avait jamais pardonné. Il espérait
sous la forme des syndicats, déterminer une ligue défensive des fermiers
contre ce qu’il appelait la terre morte des seigneurs. Il disait que la terre
est sacrée à la condition qu’elle vive et qu’elle appartienne à celui qui la
cultive: il n’admettait d’autre droit sur elle que le travail.
Alain maintenant quittait la grand’route et s’engageait dans l’un des
chemins de traverse qui desservent l’intérieur des terres. Sous les grands
feuillages, derrière les haies taillées ras, étaient les petites fermes
avenantes et fraîches avec leurs animaux, leurs cultures, leurs meules de
foin et de paille, comme des paradis terrestres. Tout semblait repeint à
neuf depuis les dernières pluies; il se disait qu’il n’y avait pas un endroit
au monde où il faisait si bon vivre, et à voir le travail de chacun qui à la
longue avait fait le sol fertile et gras, avec ses carrés de céréales et ses
enclaves de pommes de terre, de fèves, de pois, d’oignons, de choux, il
trouvait aussi, comme Baesrode, que la terre ainsi cultivée était de la chair
vivante, la chair même du paysan, et que ce que celui-ci en tirait était
comme les enfants sortis de lui. Il était un peu honteux alors de tout le
temps qu’il passait à noircir du papier quand il n’y avait jamais assez de
bras pour retourner les sillons. L’ombre, là où il passait, duvetait
tièdement le sentier, semait des petites fleurs lilas sur le pis des vaches,
ajourait d’un dessin de guipure l’échaudage des maisons. Il songeait: «Le
seigle de Paridens sera mûr avant le nôtre.» Ou bien: «Le froment de
Verriest n’a pas profité.» Et quelquefois il cassait un épi qu’il roulait dans
sa paume et dont il mangeait le grain d’or. Et ensuite, tout doucement, sa
pensée encore une fois s’en revenait vers Roselei.
Lui comme les autres, à présent était prêt pour la moisson: avant
quinze jours le champ serait à couper si le bon temps continuait. Avec le
valet et la servante comme au temps du père, il tâcherait de suffire à la
peine. Mais les faucilles étaient ébréchées et vieilles, il lui faudrait aller se
remonter à la ville; et on ne sait pas pourquoi il lui revenait là-dessus
l’idée d’une petite chanson où les faucilles se mettaient à radoter entre
elles comme de vieilles gens.
A la ferme, il trouvait en rentrant la mère écrémant le lait ou
nourrissant d’une bouillie de son ses veaux à l’engrais. C’était une vieille
femme triste et qui pouvait dire, au temps qu’elle sentait dans les jambes,
le temps qu’il ferait le lendemain. Elle avait été une des belles filles du
pays; mais l’âge, les fatigues, le regret d’avoir perdu son mari, en la ridant
et la fléchissant, ne lui avaient laissé que la beauté limpide des yeux,
comme les bêtes au pré. Cependant elle était restée la bonne ouvrière
mêlée dès l’aube à la vie de la maison et qui trouvait encore le moyen de
bêcher son jardin et de soigner ses vaches quand elle avait fini avec les
gens. Jamais on ne l’avait plus vu rire depuis la mort du fermier: son âme
était une chambre aux volets clos où la joie du dehors n’entrait plus.
Quand Alain était à la ferme, ils ne se disaient pas six mots de toute une
journée, bien qu’il fût pour elle un vrai fils et qu’elle l’aimât comme si elle
continuait de le porter en elle. Il avait, à côté de la sienne, une grande
chambre sous le plancher du grenier et dont la fenêtre à petites vitres
carrées s’encadrait du feuillage d’un poirier en espalier. Il trouvait toujours
sur les planches de l’armoire son linge, ses camisoles et ses chaussettes
en bon état. Elle veillait aussi à renouveler l’eau bénite dans le bénitier,
sous la branche du dernier dimanche des Rameaux.
C’ÉTAIT LA MER TOUT ENTIÈRE QUI SEMBLAIT PASSER LA-HAUT
(P. 112).
Au matin, en se levant, le bon garçon voyait une petite ombre
trembloter sur ses draps de grosse toile; c’était le vol d’un ménage
d’hirondelles qui depuis trois ans revenait nicher au-dessus du croisillon. Il
entendait aussi les pigeons gratter et roucouler dans le pigeonnier au-
dessus de sa tête. Les pigeons étaient une des passions du village: une
fois un de ses colons était rentré le premier de Paris et avait eu le prix.
Mais depuis qu’il faisait ses petits contes, il n’allait plus sur les routes, en
bras de chemise, le nez en l’air, regardant s’ils auraient le bon vent. En ce
temps aussi, il lui arrivait d’aller boire des petits verres au local de la
société, avec les amis. Tout cela lui avait passé: il n’aimait plus que ses
ruches. Le dimanche matin, après la messe où de loin il voyait doucement
remuer le chapeau de Roselei, il restait une heure et plus planté devant
ses abeilles, dans l’odeur vanillée du jardin. Elles entraient au cœur des
grandes clochettes bleues, suçaient le chèvrefeuille, rebondissaient très
haut par-dessus le toit de l’étable. Il les suivait longtemps des yeux, il
s’imaginait qu’elles allaient là où allaient ses pensées. Et encore une fois, il
lui venait le sujet d’une de ses petites histoires: il ne l’écrivait qu’après
l’avoir longtemps roulée dans sa tête.
Une petite ferme comme la sienne vaut mieux pour la méditation que
le bruit et l’affairement d’une grande exploitation comme celle des
Baesrode. Du moins il le disait: il s’y sentait plus près de soi-même, dans
la petite ruche silencieuse de l’âme. Roselei riait de l’entendre parler ainsi,
disant, de son côté, que c’était après tout une question d’habitude:
l’escargot va avec sa maison sur le dos, mais l’écureuil a besoin de toute
la forêt pour vivre. A son tour il riait, lui toujours sérieux.
—C’est vrai, disait-il, je suis l’escargot, moi.
Un jour qu’il était dans le charril, fixant avec des clous la bande d’une
roue de charrette, il entendit un grand vacarme dans la cour. Toute la
poulaille apeurée battait de l’aile et fuyait devant le piaffement de
Carlintje, la petite jument de Roselei, entrée en tempête avec sa maîtresse
sans selle sur son dos. Elle lâchait la bride, le cheval s’arrêtait net et les
cheveux dénoués et flottants, elle sautait bas, retombait sur la pointe de
ses bottines, en petite amazone sauvage qu’elle était. Sa jument était à la
fois pour elle un jeu, une camaraderie, une habitude, la chose vivante
qu’elle sortait de l’écurie quand elle allait aux fermes visiter ses malades
ou simplement qu’il lui passait la fantaisie de faire un petit temps de
galop.
Carlintje, la bride pendante, se mettait à brouter une botte de foin
tandis que Roselei entrait dans la cuisine et disait à Siska Rippers en train
de peler des pommes de terre:
—Dag moederke (bonjour, petite mère).
C’était si insinuant et musical, avec le son de cuivre clair de sa voix!
A Alain qui là-dessus arrivait les rejoindre, elle faisait part ensuite de la
grande nouvelle. La petite baronne Tols et son cousin le lieutenant étaient
venus la veille lui demander de représenter une des princesses de la cour
dans la figuration d’un cortège où se voyait Philippe le Bon faisant sa
joyeuse entrée dans Bruges: son père prêtait les plus belles bêtes du
haras: elle-même monterait une des grandes juments primées: mais il lui
fallait un servant d’armes qui se tiendrait à la tête du cheval, en habits de
parade comme elle-même; et elle lui demandait:
—N’est-ce pas, Alain, que vous ferez bien cela pour moi?
Alain tout à coup se trouva très loin de ses abeilles: il était devenu très
rouge; il se sentait un peu honteux à l’idée de paraître en public sous des
ors et des chamarrures, lui le paysan, le fils des Six jeunes hommes. Mais
enfin, puisqu’elle le voulait... Ce qui lui rendait aussi quelque assurance,
c’est que rien ne pressait: la fête serait pour septembre: on avait devant
soi plus de deux mois. La «moederke», elle, n’avait encore rien dit et,
assise sur une petite chaise basse, elle passait les mains l’une sur l’autre
avec un bruit de râpe.
—C’est que... fit-elle enfin.
Et seulement un peu après, elle achevait sa pensée:
—Est-ce qu’il nous faudra payer sur notre pauvre argent ce riche
costume?
Roselei ne riait pas comme l’eussent fait les autres filles riches. Elle
savait quel travail représente la moindre dépense pour les gens de la
campagne. Elle dit simplement que la petite mère pouvait être bien
tranquille à cet égard. Et elle les regardait l’un et l’autre de ses yeux
droits, les narines encore un peu agitées par le petit vertige de la galopée.
Peut-être elle pensait qu’elle eût été aussi bien dans cette petite ferme
fraîche, sentant le bon lait, que dans leur grande maison de seigneur.
Roselei était une fille comme cela.
Elle conta qu’un marchand était venu le matin et avait acheté six
pouliches. Un autre avait fait marché pour les veaux. Le père allait essayer
une nouvelle baratteuse. On n’avait plus revu les Van Pède depuis l’autre
jour, mais le baron Dierens était revenu avec son fils. Là-dessus elle riait,
la bouche ouverte, comme si elle allait ajouter quelque chose, mais ses
yeux rencontrèrent ceux d’Alain et elle ne disait plus rien. Et puis une
demi-heure passa: quelquefois il entrait une guêpe qui se mettait à piquer
des cerises sur l’armoire.
Moederke, pour ne point rester à rien faire, était allée prendre une
paire de bas qu’elle reprisait à la boule, près de la fenêtre. Mais tout à
coup Alain dit à Roselei qu’une des ruches était en humeur depuis que la
nouvelle petite reine était partie. Ils se levèrent et entrèrent au jardin; au
bout se trouvait le rucher sous son toit de tuiles. Toutes les abeilles
étaient dehors et fluctuaient en longs remous, comme un fait civique vide
à la rue les maisons d’une ville: l’odeur du miel fermentait plus fort; et
elles échangeaient des nouvelles, d’un long bourdonnement comme le
bruit du vent dans les peupliers. Il n’eut pas besoin de siffler sa chanson,
cette fois, tant elles étaient occupées d’elles-mêmes. Il était content:
depuis un peu de temps, les mâles consommaient tout le miel; la reine, en
les entraînant dans son vol, en avait débarrassé la ruche.
—Oh! fit-elle, j’avais quelque chose à vous dire, Alain. Hier encore le
baron est venu: son fils aîné l’accompagnait... Devinez un peu pourquoi.
Alain d’abord haussait les épaules et soudain devenait très pâle et ses
lèvres tremblaient. Elle vit ainsi qu’il avait deviné.
—Oh! Alain! fit-elle, le fils Van Pède aussi aurait voulu... Est-ce
croyable?
Et sans cause, elle avait envie de pleurer.
Alain, lui, était demeuré sans rien dire, et il regardait devant lui, très
loin. Il ne pensait plus à ses abeilles.
—C’est mère qui me l’a dit, fit-elle, et elle m’a demandé ce que je
pensais de ce jeune homme. «Rien», ai-je répondu. Et elle a ri en disant:
«Il n’y a pas autre chose à en penser».
Encore une fois passait un petit silence et Alain disait faiblement:
—Il faudra bien que cela arrive une fois ou l’autre, Roselei.
Comment cette parole avait pu passer par ses lèvres, il s’en étonnait
maintenant; et elle se mettait à effeuiller les pétales d’une rose à demi
fanée, en disant:
—Jamais je ne me marierai, Alain.
Il sentait se gonfler son cœur et il était heureux.
X
QUELQUEFOIS IL DISAIT UNE PAROLE ET LES VACHES
REMUAIENT LES OREILLES COMME SI ELLES L’AVAIENT COMPRIS
(P. 113).
Baesrode commença d’abord: ses faucheurs étaient toujours les
premiers à se mettre au travail. Comme il se servait d’engrais puissants,
son blé était lourd et précoce: il avait les plus belles terres du pays. Elles
s’étendaient à l’est de la ferme, alternées en seigles, en froments, en
orges, en sarrasins et en avoines comme un torrent d’or, de vermillon et
d’argent roulant jusqu’à l’horizon. Un matin les hommes, avec leurs
pierres à battre le fer, les enclumettes et les faucilles, arrivèrent. L’énorme
champ fumait sous la boule rouge du soleil, encore bas dans le ciel et
aussitôt ils se mettaient à frapper devant eux. On était dans la grande
chaleur d’août: la campagne brûlait; à midi de hautes flammes blanches
pesaient, immobiles. Eux, à travers les blés, comme à travers le frissement
des écumes d’une mer, poussaient droit, leur poitrine velue à nu sous les
chemises, comme des nageurs. A chaque anhelée, tout l’espace en feu
leur entrait dans les poumons: ils avalaient du soleil, de la braise et de la
terre; leurs gorges étaient raclées par le chaume et la poussière du grain
mûr. Cependant à peine ils relevaient la tête, maigres, secs, calcinés,
tournoyant dans les remous vermeils toujours plus avant, avec le poids
lourd de l’immense ciel sur leurs épaules. Comme du fond de grands trous
de soleil, montait le crissement du fer battu et puis encore une fois les
faucilles tapaient. Par avalanches, les torsades d’or et d’argent croulaient,
jonchaient le sol partout où ils passaient. Ils marchaient, piétinaient la vie
et la sève de l’été, éclaboussés à longs jets d’un sang de soleil, rouges des
pieds à la tête comme des tueurs. Quand le soir arrivait, ils pouvaient
enfin regarder: le sol sur un grand espace était mort derrière eux; et il
semblait qu’une faible distance les séparait seulement de la grosse boule
pourpre qui là-bas descendait. Encore une fois la terre fumait comme une
chair immergée dans un bain; et alors, dans l’ombre claire où commençait
à monter la lune, ils goûtaient la douceur de sentir le petit vent frais
passer sur leurs peaux cuites. Ils comptaient qu’ils en auraient ainsi pour
dix jours.
Maintenant la maison connaissait les grands jours et les courtes nuits.
Maîtres et valets, levés à l’aube, se couchaient aux dernières clartés. Une
odeur de blé et de sueur leur restait aux habits; il sentait bon le froment,
le pain et la vie dans les chambres. L’âme chez tous était haute, légère,
joyeuse: surtout aux premières heures, dans le matin frais, on était en
paradis. La terre alors était encore humide, toute parfumée d’un arome de
thym, de marjolaine, de lavande, comme à l’heure de l’angelus, quand le
sacristain ouvre la porte pour tirer trois fois la petite cloche, il se répand
au dehors une fraîche et sainte odeur de chasubles et de nappe
communiale. Dans la campagne alors tintait le chant des faucilles comme
la petite chanson d’or des grillons. D’un champ à l’autre tanguait, par-
dessus les blés, le vaste chapeau de paille de Hugo Baesrode: son grand
bai brun remuait ses pavillons d’oreille, aimant la musique claire du fer. A
peine le jour était né; il sortait du même brouillard où il s’était en allé la
veille et puis l’orient rosissait, on voyait tout à coup rouler la grosse boule
rouge comme une tête coupée.
De plus en plus, sous la marche en avant des piqueurs, le champ
diminuait: derrière eux les moyettes ressemblaient à de grosses poupées
d’or et de rubis. On entendait chanter çà et là les filles embauchées pour
la moisson. Baes Hugo arrêtait son cheval et du haut de sa selle disait une
bonne parole; les gens en étaient contents. Il y avait aussi, pour les
rafraîchir et les réconforter à mesure, les abondantes rations de café et de
bière que des servantes apportaient de la maison. Chacun savait qu’une
fois les derniers chars rentrés, on mangerait à la cuillère de pleines
terrines de riz au lait. Tout allait donc pour le mieux et, par surcroît, on
avait le bon Dieu avec soi.
C’était plaisir quand Roselei accourait sur sa jument et venait voir où ils
en étaient: les piqueurs aimaient qu’une belle fille comme elle prêtât
attention à leur travail. Les faucilles sonnaient joyeusement jusqu’au fond
des champs; il arrivait aussi que l’un ou l’autre bottelait une touffe de
coquelicots et de bleuets et s’en venait la lui offrir. Elle-même et eux se
sentaient d’une humanité pareille, dans cette grande fête heureuse de la
terre. Avec sa voix chaude, elle alors, comme son père, disait une chose
qui leur allait au cœur: les plus jeunes un court moment s’arrêtaient de
taper dans les blés pour la regarder, mouillée de sueur comme eux sous
ses cheveux au vent. Du reste, une même ivresse de soleil et de sève la
grisait, elle aussi. Elle ouvrait toutes larges ses narines et aspirait l’odeur
du blé dans le vent. Elle pensait que peut-être, là-bas, Alain faisait comme
elle.
Ils se mettaient à leur tour à la moisson chez les Rippers quand déjà le
blé de Baesrode était coupé. Tous maintenant travaillaient ferme. Alain lui-
même à côté de ses hommes donnait le coup de collier. S’il pensait encore
à ses petites histoires, il n’était plus là pour le dire à Roselei. Depuis le
jour où elle lui avait confié la chose qui l’avait bouleversé, il n’avait plus
qu’une fois porté à Mme Baesrode ses œufs frais dans le petit panier. Une
étrange réserve lui était venue: il n’aurait pu dire ce qui se passait en lui.
Jamais il ne l’avait appelée dans sa pensée d’aucun autre nom fleuri de
jeune fille, et loin de lui dire comme à Van Pède fils qu’elle n’était pas une
jeune fille comme les autres, avec lui elle avait toujours été une vraie fille
plutôt qu’une garçonne. C’était si doux autrefois quand ils étaient seuls et
qu’ils se promenaient la main dans la main comme des enfants!
Alain, tout en faisant volter sa faucille, soupirait, s’efforçait de ne plus
songer à rien; mais quelquefois ses idées se pressaient, si tumultueuses
qu’il ne pouvait plus travailler et qu’il laissait les hommes prendre du
champ sur lui. «Moederke» était étonnée du changement d’humeur
survenue chez son fils. Une idée l’obsédait, toujours la même, et qui se
formulait ainsi: il faudrait bien, un jour, que Roselei se mariât. Qu’elle lui
eût dit dans un élan sincère: «Jamais je ne me marierai», il y aurait tout
de même des raisons qui en décideraient autrement. Il détestait
maintenant les Dierens de Dierendonck: il avait bien peur de détester tous
les hommes.
Chez les Baesrode, il n’y avait plus de polo, ni de tennis, ni de football
et les garçons des grandes fermes ne venaient plus, eux aussi retenus par
les travaux de la moisson. C’était le temps de l’année où tous n’ont plus
qu’une même pensée unique et où cette pensée est pour la terre. Les
hommes, dans la fournaise des jours, se desséchaient, rugueux et torves
comme des ceps. Quand les chars rentraient, c’était au tour des chevaux
de souffler avec de grands creux au ventre sous leurs filets. Toute la
campagne toujours un peu plus se dépouillait. Dans le soir, quand la lune
montait, on pouvait voir courir les lièvres.
LA CAMPAGNE TOUJOURS UN PEU PLUS SE DÉPOUILLAIT (P. 119).
Et puis tout le monde s’y mettant à la fois, les meules une à une se
dressèrent; il y en avait qui allaient par rang de taille comme une famille,
les plus grandes en avant, les autres toujours plus petites à la file. C’était
déjà fini au pachthof, quand, à la ferme des Six jeunes hommes et
ailleurs, on gerbait encore les moyettes. Ils avaient pu boire et manger
tant qu’ils avaient voulu, à la rentrée des dernières charrettes. On n’était
pas fâché de pouvoir enfin se reposer un peu; les chevaux, nourris de
doubles rations d’avoine tout le temps de la campagne, furent lâchés au
vert. Jamais la vaste maison et ses dépendances n’avaient eu une vie plus
heureuse qu’en ces jours d’abondance où tout regorgeait de force, de joie
et de santé, les poulains déjà hauts sur pattes, les veaux bien en point et
le mufle luisant, les granges et les greniers pleins. La grande terre des
blés, après avoir, elle aussi, travaillé à l’œuvre commune, maintenant
dormait là dans ses fructifications, jusqu’aux prochains labours. Si
seulement il avait pu se remettre à pleuvoir un peu...
XI
La nouvelle s’était répandue; les gens des châteaux trouvaient que
décidément cet original de Hugo Baesrode allait un peu loin. Ce n’était pas
l’avis des fermes; il avait fait là, après tout, quelque chose qui les honorait
tous; les grands fermiers riches ne devraient jamais agir autrement.
C’était l’avis de Hugo lui-même; il n’était pas fâché de leur montrer qu’un
paysan n’avait de comptes à rendre à personne et qu’il était le maître de
sa volonté comme de son domaine. En donnant sa fille à un homme de sa
race, à un paysan comme lui, il restait fidèle à la tradition de ses pères
qui, eux aussi, avaient été des paysans. Il disait une fois à la Chambre
qu’avec une poignée de terre dans une main et une poignée de grains
dans l’autre, un paysan était plus riche que toute la banque. Ce n’était pas
toujours du goût de tout le monde, ce que disait Baesrode.
Cela était arrivé très simplement, du reste: après le petit Dierens à la
peau d’ouistiti, il en était venu encore deux autres, comme les mouches
arrivent à l’odeur d’une jarre de lait. L’un était un parent de la petite
baronne, joli officier dans la cavalerie; ce fut elle qui fit la demande; elle
avait bien compté que le jeune homme, titré et bon cavalier, n’aurait pas
eu de peine à pénétrer dans le cœur de Roselei, par la porte des écuries.
Quant à l’autre, ce fut le fils d’un notaire de la ville, une vraie fortune
celui-là. A tous les deux, Roselei dit non formellement, ce qui amena la
rupture avec la baronne. Le notaire, lui, homme d’affaires, n’eut garde de
montrer de la rancune, estimant que d’une affaire ratée, une autre peut
sortir, fructueuse.
Zabeth, la sachant volontaire, la confessa; elle déclara qu’elle n’avait
pas envie de se marier et qu’en tous cas, elle ne se marierait jamais
qu’avec un homme qu’elle aimerait. La mère put croire que la place était
déjà prise dans ce cœur qui gardait son secret: pourquoi Roselei n’aurait-
elle pas remarqué un de ses partenaires au polo ou aux autres parties de
jeux qui amenaient à la ferme les beaux garçons de la contrée? Elle se mit
à rire quand très sérieusement, avec sa franchise de fille décidée, Roselei
ajouta qu’elle n’abandonnerait jamais ses frères ni Alain qu’elle aimait
d’une affection égale. A peine elle eut parlé qu’elle, qui jamais n’avait
rougi, s’empourpra jusqu’aux oreilles, comme si l’idée qu’elle venait
d’exprimer en faisait naître une autre qu’elle n’aurait pas voulu dire; et
maintenant Zabeth ne riait plus. Il était toujours resté en elle, fille de gros
minotiers, élevée à la pension et demi-châtelaine dans la grande maison
des Baesrode, un esprit un peu distant à l’égard des petites fermes; non,
elle n’aimait pas cette idée de Roselei, bien qu’elle fût, à sa manière,
simple et bonne; mais il ne lui paraissait pas qu’Alain pût être mis sur le
même rang que ses fils.
—Non, répéta-t-elle, je n’aime pas cela.
Cette fois, Roselei répondait avec une assurance tranquille:
—Si je dois me marier un jour, je prendrai un mari qui leur
ressemblera.
Il arriva que Mme Baesrode en parla à son mari et que celui-ci, net et
personnel dans ses jugements, tout de suite répondit:
—Alain Rippers est un vrai cœur de Flamand. Si c’est le choix de notre
fille, qu’il vienne, je l’accueillerai en fils.
Roselei fut bien étonnée d’apprendre ainsi qu’elle allait avoir un mari
avant de savoir de quelle nuance d’attachement il lui serait donné de
l’aimer. Elle passa la bride de sa jument, sauta en selle et d’un trait galopa
jusqu’aux Six jeunes hommes. Du dehors elle appela:
—Moederke, moederke!
Elle la trouva, une banne entre les genoux, assise sur sa petite chaise
et pelant ses pommes de terre comme l’autre fois. Elle ne savait pas tout
de suite comment elle allait lui parler.
—C’est que, fit-elle, Alain aurait aussi son mot à dire dans cette affaire.
Le garçon qui avait reconnu l’ébrouement de la jument, très vite faisait
retomber ses manches de chemise et passait sa veste.
—Roselei!
Aucune autre fille peut-être n’aurait dit avec aussi peu d’embarras
cette chose que généralement les filles ne disent pas.
—Alain, voulez-vous être mon mari?
Cette fois, elle n’avait pas rougi; et elle parlait fièrement, les yeux
appuyés sur les siens, avec douceur et fermeté, comme si elle lui avait
demandé simplement: «Alain, dites-moi, est-ce que je suis toujours pour
vous la petite Roselei avec laquelle vous aimiez tant courir par les prairies
quand vous aviez dix ans de moins?» Elle ne lui demandait pas s’il l’aimait
de l’amour qu’un jeune homme doit avoir pour une jeune fille qu’il va
épouser. Il sembla même que l’amour avait été entre eux un état de leur
vie profonde, si naturel qu’elle jugeait inutile d’en parler. Elle fit bien
paraître, en tout cas, dans ce moment, la décision de la femme sérieuse,
loyale, résolue que serait un jour en ménage, la jeune fille qui avait dit
cela sans minauder ni sourire, comme on dit une chose grave, qui lie pour
la vie entière.
Moederke, de saisissement, laissa tomber sa banne avec les pommes
de terre qui étaient dedans et qui se mirent à rouler sous la huche, la
table et le bahut. Alain, lui, avec une main à sa gorge comme pour
arracher les mots qui ne venaient pas, disait enfin humblement:
—Moi, un si pauvre garçon!
Et puis il lui venait au coin des yeux deux larmes d’immense bonheur
qui lentement grossissaient en lui coulant sur les joues et qu’il ne songeait
même pas à étancher du bout de ses doigts. On peut bien dire que ce
jeune homme de la campagne, solide comme un petit bœuf, témoigna là
une sensibilité qui eût été plus naturelle chez Roselei.
—Och! Och! disait toujours Mme Rippers en frappant du plat de la
main sur ses genoux.
Et lui, disait:
—Est-ce possible, ma Roselei?
A la fin il lui prenait les deux mains dans les siennes et il ne pouvait
plus les quitter; et à son tour elle lui raconta comment cette chose était
arrivée. Ah! c’était là une histoire comme jamais il n’en aurait jamais osé
écrire, et cependant c’était la réalité.
Voilà comment il se fit que six mois plus tard, quand la fille des
Baesrode eut ses dix-neuf ans, elle échangea l’anneau avec le fils des Six
jeunes hommes; et il y eut de grandes réjouissances dans le village et les
deux villages qui joignaient le domaine. La veille et le jour du mariage on
tira jusqu’à la nuit des boîtes à feu, au nombre de cent cinquante. Mme
Baesrode donna un manteau de velours et d’or à Notre-Dame des Dunes
qui était la patronne vénérée de la région. Un cortège de soixante
cavaliers, des chapelets de fleurs autour du cou, accompagna les mariés à
l’église. Cela valait bien la cavalcade en l’honneur du duc de Bourgogne
d’où la rancune de la petite baronne les avait tenus écartés. Comme il n’y
avait pas de pauvres dans le pays, il ne fut pas nécessaire de faire des
largesses d’argent, de pain, de charbon, de vêtements. Mais il y eut un
carrousel auquel tous les jeunes hommes des petites et des grandes
fermes, rouges et goguelus, montés sur de puissants chevaux aux
crinières entrelacées de rubans, prirent part et dont les vainqueurs
obtinrent pour trophées des médailles frappées en commémoration du
grand événement. Hugo Baesrode gratifia aussi les petits cultivateurs de
machines agricoles qui leur allégèrent à l’avenir le prix de la main-
d’œuvre. Il ouvrit, en outre, des concours entre archers, abatteurs de
quilles et joueurs aux jeux de force et d’adresse. Enfin, il institua, sous
forme de livrets de caisse d’épargne, cinq dots pour les cinq plus vieux
serviteurs de la contrée, valets et servantes de fermes. Ce fut Thècle elle-
même, avec ses quarante ans de service et ses soixante-douze années
d’âge, qui, de ses antiques mains nouées par le rhumatisme, aux accents
nourris d’une Brabançonne exécutée par la fanfare du village sur la place
pavoisée de drapeaux et de feuillages, remit les livrets. Et puis,
publiquement, devant les bourgmestres et échevins des alentours réunis
et applaudissant de leurs gros battoirs, lui, le maître du pachthof, il avait
embrassé ce type de la vieille humanité fidèle, donnant à entendre par là
qu’il faisait d’elle l’égale des autres membres de la famille.
Là-dessus, il prononça quelques paroles brèves et saisissantes comme
il en savait trouver à la Chambre. Naturellement, il n’oublia pas d’adresser
son salut à la terre maternelle.
Cela sonna comme une musique de gloire et d’amour dans le vent qui
la porta au large par la terre et le ciel. Sa voix ensuite baissait un peu
comme pour être plus près de son cœur et il disait:
—Terre des heureux époux et des vieux serviteurs fidèles!
C’est comme s’il avait dit: «Terre d’une race unique au monde...» On
voyait alors les gens des fermes doucement pleurer dans leurs mouchoirs.
Au lecteur
Cette version numérisée reproduit dans son intégralité la
version originale. Les erreurs manifestes de typographie ont été
corrigées.
La ponctuation a pu faire l’objet de quelques corrections
mineures.
Veuillez noter que les pages de publicité n’ont pas été
reproduites.