0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
267 vues239 pages

Les Risques Psychosociaux. 30 Outils Pour Les Détecter, Les Gérer Et Les Prévenir-2015

Transféré par

Zineb Amessguine
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
267 vues239 pages

Les Risques Psychosociaux. 30 Outils Pour Les Détecter, Les Gérer Et Les Prévenir-2015

Transféré par

Zineb Amessguine
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 239

Les risques psychosociaux

30 outils pour les détecter,


les gérer et les prévenir

Stéphan Pezé

www.vuibert.fr
Collection Lire Agir
Les risques psychosociaux.
30 outils pour les détecter, les gérer et les prévenir
par Stéphan Pezé
© Vuibert – septembre 2015 – 5, allée de la 2e DB – 75015 Paris
ISBN 978-2-311-62095-5

Maquette de couverture : Atelier du Livre


Mise en page : Hervé Soulard
Responsable éditoriale : Caroline Roucayrol

La loi du 11 mars 1957 n’autorisant aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part,
que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non
destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et courtes citations
dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou
partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est
illicite » (alinéa 1er de l’article 40).
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc
une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
Le « photocopillage », c’est l’usage abusif et collectif de la photocopie sans autorisation des
auteurs et des éditeurs. Largement répandu dans les établissements d’enseignement, le « pho-
tocopillage » menace l’avenir du livre, car il met en danger son équilibre économique. Il prive
les auteurs d’une juste rémunération. En dehors de l’usage privé du copiste, toute reproduction
totale ou partielle de cet ouvrage est interdite. Des photocopies payantes peuvent être faites
avec l’accord de l’éditeur.
S’adresser au Centre français d’exploitation du droit de copie :
20 rue des Grands Augustins, F-75006 Paris. Tél.: 01 44 07 47 70
T able des matières

Introduction 7

CHAPITRE 1 – Définir les RPS, leurs enjeux et connaître


leur réglementation 9

1. Définitions : RPS, stress et violences 9


2. Quelques enjeux des RPS 23
3. Cadre juridique des RPS 26
CHAPITRE 2 – Comprendre les RPS 39

1. RPS : une combinaison de contraintes et de ressources


psychosociales 39
2. Contraintes à conséquences psychosociales 42
3. Ressources psychosociales pour la construction de la santé 55
4. Conclusion sur le modèle proposé 66
CHAPITRE 3 – Organiser et lancer la démarche de prévention 67
Outil 1 – Connaître les objectifs et les étapes de la démarche
de prévention 67
Outil 2 – Obtenir l’engagement de la direction (étape 1) 73
Outil 3 – Constituer un groupe de travail (étape 2) 77
Outil 4 – Recruter les acteurs du groupe de travail 80
Outil 5 – Faire appel à un intervenant extérieur 87
Outil 6 – Définir la démarche (étape 3) 88
Outil 7 – Lancer la démarche : instaurer une dynamique collective
(étape 4) 94

3
Les risques psychosociaux

Outil 8 – Communiquer auprès des salariés, de l’encadrement


et du CHSCT (étape 4 suite) 98
Outil 9 – Lancer les premières actions (étape 4 suite) 105

CHAPITRE 4 – Identifier et évaluer les RPS 107


Outil 10 – Choisir la bonne formule pour évaluer les RPS (étape 5) 107
Outil 11 – S’appuyer sur des hypothèses de travail 109
Outil 12 – Collecter des indicateurs pour le prédiagnostic 111
Outil 13 – Interpréter les indicateurs 114
Outil 14 – Exploiter les indicateurs 116
Outil 15 – Faire un prédiagnostic par questionnaires
pour cartographier les risques 118
Outil 16 – Concevoir un questionnaire adapté
à sa démarche 120
Outil 17 – Construire des « questions maison » 132
Outil 18 – Valider le questionnaire auprès du comité de pilotage 138
Outil 19 – Distribuer les questionnaires 139
Outil 20 – Exploiter les questionnaires complétés 145
Outil 21 – Approfondir le diagnostic : caractériser précisément
les RPS par des entretiens (étape 6) 153
Outil 22 – Organiser les entretiens 154
Outil 23 – Conduire les entretiens 156
Outil 24 – Exploiter les informations recueillies lors des entretiens 164
Outil 25 – Mettre à jour le document unique d’évaluation des risques
professionnels 169

CHAPITRE 5 – Définir et mettre en œuvre le plan d’action 175


Outil 26 – Mieux connaître l’étendue et la variété
des actions de prévention 175
Outil 27 – Élaborer un plan d’action (étape 7) 182
Outil 28 – Mettre en œuvre le plan d’action (étape 8) 192
Outil 29 – Suivre l’avancement et l’efficacité
du plan d’action (étape 9) 200
Outil 30 – Évaluer la démarche et développer une veille
(étape 9 suite) 206

4
Table des matières

CHAPITRE 6 – Gérer les crises 213


Outil 31 – Accompagner les managers face à la détresse
de leurs collaborateurs 214
Outil 32 – Créer une cellule pour gérer les crises 217
Outil 33 – Préparer le retour des salariés après un arrêt de travail 223
Outil 34 – Prendre en charge le stress post-traumatique 225
Outil 35 – Enquêter en cas de harcèlement présumé
ou de violence au travail 226
Outil 36 – Enquêter en cas de suicide (ou tentative) 229

Conclusion 235

Sigles 237

Index 239

5
I ntroduction

Les risques psychosociaux (ou RPS) sont sur le devant de la scène depuis une
dizaine d’années. Personne ne doute aujourd’hui de leur existence, ni de leurs
effets sur la santé des salariés ou des agents, ni même sur la performance des
organisations (entreprises, collectivités, associations, etc.).
Pourtant, un nombre important d’employeurs, de salariés ou de représen-
tants du personnel se sent encore démuni face à ces risques : comment les
appréhender de façon rigoureuse ? Quels sont les acteurs impliqués et quel
est leur rôle respectif (managers, médecins du travail, représentants du per-
sonnel, etc.) ? Comment concilier prise en charge individuelle et mesures de
prévention collectives ? Quelles actions concrètes engager pour lutter contre
ces risques ? Jusqu’où aller dans l’ajustement, voire la transformation, de l’orga-
nisation du travail ? Comment articuler l’évaluation des RPS avec le document
unique d’évaluation des risques ? Comment pérenniser la prévention face aux
changements ?
Autant de questions auxquelles cet ouvrage répond. Son objectif est de favo-
riser l’organisation d’une démarche de prévention collective et préventive,
pluridisciplinaire et ouverte sur le dialogue social et la participation. Cette
démarche vise à privilégier la rigueur de méthodes éprouvées et un climat
de confiance, mais également une attention au travail réel, tel qu’il est vécu
et réalisé par le personnel.
Avant de se lancer dans la démarche proprement dite, il est utile de faire le
point sur les enjeux et définitions techniques et juridiques des RPS – en
particulier, en nous intéressant aux définitions, enjeux et cadres juridiques
du stress et des violences au travail. Ensuite, il faut un modèle permettant
de comprendre comment les RPS surviennent concrètement. Le point de
vue développé dans cet ouvrage est qu’ils surgissent au croisement de fac-
teurs de contraintes à conséquences psychosociales et de ressources

7
Les risques psychosociaux

psychosociales présents dans les multiples situations de travail que nous


rencontrons. Les RPS sont ainsi une forme de déséquilibre de la combinai-
son de facteurs de contraintes et de ressources psychosociales – le retour à
l’équilibre et, dans une certaine mesure, l’excédent de ressources sont positifs
pour la construction de la santé au travail.
Armés de ces définitions, nous pourrons préciser comment organiser la
démarche de prévention des RPS : ses objectifs et principes, ses étapes, les
acteurs participants et leur rôle, ainsi que les modalités concrètes du lancement
de la démarche. Néanmoins, tout au long de l’ouvrage, ce n’est pas un seul point
de vue qui est défendu : une multitude d’options sont présentées, assorties
de leurs intérêts et leurs contraintes propres, et ce, dans le souci constant de
guider le lecteur dans sa recherche de solutions adaptées à son contexte, ses
objectifs, etc. L’adaptation de la démarche est une clé de son efficacité.
La mise en œuvre de la démarche repose sur des modalités concrètes d’éva-
luation des RPS, articulées en deux temps : la réalisation d’un prédiagnostic
via des indicateurs et/ou des questionnaires, puis la réalisation d’un diagnos-
tic approfondi par le biais d’entretiens pour analyser le travail réel et vécu.
L’objectif de cette évaluation est de dépasser le sentiment diffus de malaise
et de déterminer de façon précise les situations, difficultés et problèmes qui
sont à l’origine des RPS concrètement vécus par le personnel.
Cette évaluation va permettre, d’une part, d’intégrer les RPS dans le docu-
ment unique d’évaluation des risques professionnels et, d’autre part, de
définir un plan d’action de prévention dont l’efficacité reposera en grande
partie sur le soin apporté à sa définition et à la réflexion concernant sa mise
en œuvre.
Tout au long de l’ouvrage, de nombreux exemples – notamment d’actions
de prévention – seront présentés afin de nourrir la réflexion sur les axes
d’amélioration envisageables. L’un de ces axes est la gestion des situations
critiques liées aux RPS, qu’il s’agisse de gérer les collaborateurs en détresse,
les situations de harcèlement, des événements générateurs de stress post-trau-
matique ou des (tentatives de) suicides. Toutefois, la démarche de prévention
ne doit pas s’arrêter à la mise en œuvre d’un plan d’action – et surtout pas
à la gestion des crises ! –, elle doit être pérennisée dans une logique d’amé-
lioration continue et, plus généralement, de conception d’une organisa-
tion intrinsèquement favorable à la construction durable de la santé au
travail. C’est à ce cheminement qu’invite cet ouvrage grâce aux nombreux
outils qu’il propose.

8
1
CHAPITRE

Définir les RPS, leurs enjeux


et connaître leur réglementation

Nous allons d’abord définir les RPS, puis indiquer les enjeux, causes et consé-
quences du stress et des violences au travail, enfin présenter le cadre juridique
français applicable.

1. Définitions : RPS, stress et violences


Selon le collège d’experts pluridisciplinaire présidé par Michel Gollac, les RPS
sont « les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les
conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles
d’interagir avec le fonctionnement mental »1. Dans cette définition, les RPS
renvoient tout d’abord à des risques professionnels susceptibles de générer
des atteintes à la santé tant physique que mentale. C’est important, car il
s’agit de s’interroger sur les causes professionnelles (conditions d’emploi,
facteurs organisationnels et relationnels) à l’origine de souffrances ou de
mal-être pour les individus mais également pour la société de façon plus
générale (la « santé sociale »).
Ces risques professionnels sont difficiles à détecter et à prévoir : les situations
impliquant des RPS sont le résultat de la combinaison de plusieurs facteurs

1. Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser (aussi appelé rapport
Gollac), 2011.

9
Les risques psychosociaux

(souvent immatériels) et d’une appréciation subjective des individus. Les


liens de cause à effet sont complexes et, par exemple, il est incorrect de dire
que tel mode d’organisation (comme le benchmarking) ou que les nouvelles
technologies de l’information et de la communication (NTIC) sont en soi et
systématiquement sources de RPS. Cela peut être un facteur de risque – ou
une ressource – dont l’action est combinée à d’autres facteurs et ressources
ainsi qu’à la « médiation »1 psychologique et psychique des salariés dans le
contexte précis de situations de travail.

Les salariés français et les RPS


Tandis que 28 % des salariés seraient faiblement exposés aux RPS, 9 % des
salariés y seraient surexposés (dans le cadre d’un travail répétitif et ennuyeux,
marqué par de mauvaises relations avec leurs collègues et un manque de re-
connaissance). Entre ces deux extrêmes, 35 % des salariés y seraient exposés
mais disposeraient de ressources pour y faire face, 15 % seraient « sous pres-
sion » (ayant un travail intensif marqué par de fortes exigences de travail, des
contraintes de temps, des conflits de valeurs et des difficultés de conciliation
avec la vie personnelle) et 13 % d’entre eux vivraient un manque de reconnais-
sance et de soutien (manque de respect, d’estime, de perspectives et de sou-
tien parfois lié à des relations dégradées avec leurs collègues et supérieurs)2.

Qui plus est, le champ sémantique associé aux RPS est large et source d’in-
compréhensions : burn out, surcharge de travail, harcèlement, troubles du
sommeil, souffrance, manque de reconnaissance, consommation d’alcool,
compétition généralisée, agressivité, placardisation, stress, mondialisation,
mal-être, suicide, pression sur les résultats, etc.
Dans cette liste, il convient de distinguer les causes plus ou moins directes
(surcharge, manque de reconnaissance, tension) et les effets ou conséquences
sur la santé ou le bien-être (burn out, stress, mal-être). Pour prendre un point
de départ, nous allons considérer deux grandes manifestations des RPS : le
stress lié au travail ; les violences au travail (dont les harcèlements moral et
sexuel).

1. Gérard Valléry et Sylvain Leduc, Les risques psychosociaux, Paris, Presses Universitaires de France,
collection « Que sais-je ? », 2014 (2e éd.).
2. « Les risques psychosociaux au travail. Un panorama d’après l’enquête Santé et itinéraire
professionnel 2010 », Dares Analyses, avril 2014, n° 031.

10
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

Le stress lié au travail


Selon l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 2 juillet 2008 : « Un état
de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception qu’une personne
a des contraintes que lui impose son environnement et la perception qu’elle
a de ses propres ressources pour y faire face. » Plusieurs enquêtes signalent
qu’environ un salarié sur quatre, en France comme en Europe1, déclare éprou-
ver un fort niveau de stress au travail. Aucune profession ou secteur d’activité
ne semble épargné.

■■■Une réaction physiologique d’adaptation

Être stressé mais aller bien ?


Déclarer « être stressé » n’est pas forcément synonyme de problème de santé.
En effet, des salariés ayant une forte charge de travail mais disposant de
moyens pour y faire face (par exemple, autonomie et soutien des collègues et
du supérieur) peuvent se déclarer stressés sans vivre les effets délétères d’un
débordement prolongé.
Celles et ceux qui souffrent sont davantage les salariés ayant de fortes exi-
gences sans avoir les moyens d’y faire face.

Le stress est avant tout lié à une réaction physiologique d’adaptation à des
situations dans lesquelles un individu s’estime surchargé ou dépourvu des
ressources nécessaires. C’est une sensation de débordement. La découverte
du stress est attribuée à Hans Selye, médecin d’origine autrichienne, qui a le
premier identifié ce « syndrome général d’adaptation » au cours duquel l’orga-
nisme réagit à une situation stressante en trois phases successives : l’alarme
(le déclenchement de la réaction physiologique), la résistance (l’organisme
« répond » à la situation en fournissant des « ressources » pour y faire face),
puis, si la situation se prolonge, l’épuisement (l’organisme est débordé). Cela
implique que l’individu peut s’adapter et gérer une situation stressante d’in-
tensité et de durée limitées mais qu’il éprouvera de grandes difficultés face

1. Eurofound, Psychosocial risks in Europe: Prevalence and strategies for prevention, Luxembourg,
Publications Office of the European Union, 2014.

11
Les risques psychosociaux

à une exposition prolongée et/ou répétée d’une telle situation et/ou d’une
augmentation de son intensité.
Le stress lié au travail renvoie aux situations professionnelles dans lesquelles
un individu perçoit qu’il ne peut pas ou plus faire face du fait d’un excès
(perçu) de contraintes ou demandes et/ou d’un déficit (perçu) de ressources
(temps, moyens matériels, soutien, etc.).

■■■Les causes et conséquences du stress


Les causes et conséquences du stress sont aujourd’hui bien connues même si
deux individus ne réagissent pas de la même façon aux mêmes causes – un
même individu pouvant d’ailleurs réagir de façon différente à deux moments
de la semaine selon son état de fatigue et le travail confié.
Causes d’une réaction de stress
Quelques causes classiques du stress au travail sont la surcharge de travail,
le manque d’autonomie ou de soutien social, le déficit de reconnaissance ou,
plus généralement, de moyens, la sensation de ne pas pouvoir « bien faire »
son travail, etc. (voir la liste des facteurs de contraintes, p. 54). Toutefois,
il convient de distinguer les causes indirectes et diffuses (la mondialisa-
tion, l’avenir de l’économie, la stratégie de l’organisation, etc.) des facteurs de
risques dont la combinaison précise et circonstanciée entraîne une perception
de débordement pour un individu – et qui permettent une prévention ciblée.
Ces causes sont originaires d’une conjugaison de facteurs liés à l’organisation
du travail et au contexte économique et social plus général ainsi qu’à leur
évolution. D’après le CESE1, les causes « internes » des RPS dans les organi-
sations sont liées à la charge de travail (qui a évolué sous l’effet conjoint de
l’intensification du travail depuis les années quatre-vingt et le développement
de nouveaux modes d’organisation comme le lean management), la qualité des
relations de travail (qu’elles soient interpersonnelles ou de l’ordre du dialogue
social et de l’expression des salariés), les restructurations et réorganisations
(avec leur lot de mobilités subies et de changements organisationnels), les
aménagements des espaces de travail (avec la mise en question des open
spaces ou espaces ouverts de travail) ou encore la diffusion généralisée des
NTIC (et la régulation plus ou moins formelle de leurs usages).

1. Sylvie Brunel, La prévention des risques psychosociaux, Les avis du Conseil économique, social et
environnemental, mai 2013.

12
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

Du côté des causes « externes » du contexte socio-économique plus général, le


CESE relève l’accroissement de la compétitivité lié à la mondialisation et à la
financiarisation de l’économie (qui a entraîné de nombreux changements au
niveau des secteurs d’activité, des filières industrielles et des organisations),
l’influence de la crise et de la peur du chômage (influant sur la peur de l’avenir
et le sentiment d’insécurité) ou encore l’allongement de la durée de transport.
En résumé, le stress comme les RPS surviennent au croisement de nombreux
facteurs liés à l’organisation du travail, aux évolutions sociales et économiques
plus générales et au domaine subjectif des conditions de vie personnelle des
individus. Pour évaluer et prévenir ou limiter le stress lié au travail, il est
ainsi plus aisé de s’intéresser aux situations concrètes de travail au cours
desquelles le stress survient et sur lesquelles on dispose de leviers d’action.

Le stress n’est pas réservé aux personnes « fragiles »


Une idée reçue voudrait que le stress affecte davantage – sinon exclusivement
– les personnes psychologiquement fragiles. Sans nier que nous ne sommes
pas tous psychologiquement égaux, il est abusif de cantonner le stress à de
telles personnes.
Tout d’abord, nous sommes tous vulnérables et pouvons traverser, dans notre
vie, des périodes où nous sommes davantage fragilisés (par la perte d’un être
cher, par un échec, etc.).
Ensuite, nous réagissons tous de façon différente au stress : verbaliser son
stress et sa peur de ne pas être à la hauteur rend visible ses réactions, ressentir
les mêmes difficultés sans le verbaliser peut donner une apparence de force
mais n’empêche pas d’autres troubles de se manifester (troubles du sommeil,
de la concentration, etc.).
Enfin, face à un stress chronique intense, n’importe quelle personne, y compris
la plus résistante, atteint l’épuisement. La fragilisation psychologique devient
ainsi la conséquence et non la cause du stress au travail !

Conséquences d’une réaction de stress


Même si les individus réagissent différemment aux situations stressantes, les
effets génériques sur la santé d’un état de stress chronique sont bien connus :
• À court terme, apparaissent les premiers symptômes physiques (troubles
du sommeil, fatigue, etc.), cognitifs et comportementaux (irritabilité,
difficulté à prendre des décisions ou à se concentrer, repli sur soi, etc.).

13
Les risques psychosociaux

• À plus long terme, apparaissent des troubles plus sérieux : anxiété et


dépression pouvant s’avérer sévères et impliquer des pensées suicidaires,
risques accrus d’apparition de TMS ou de troubles cardio-vasculaires
(infarctus du myocarde, AVC, hypertension artérielle), etc.
Les effets du stress n’affectent donc pas uniquement la santé mentale. Il faut
également évoquer la possible modification des conduites alimentaires, la
prise de médicaments, la consommation d’alcool ou encore les problèmes
familiaux qui découlent de (et/ou renforcent) ces conséquences.
Face au stress, les individus ne sont pas passifs et développent des stratégies
d’adaptation (ou de coping) de façon à gérer leur état émotionnel. Ces stra-
tégies sont généralement de trois ordres :
• Le coping centré sur le problème (ou la tâche) : la personne va cher-
cher à supprimer ou réduire le problème à l’origine de sa réaction et/
ou se doter de ressources nécessaires pour faire face aux exigences de
la situation (des informations, des moyens d’action, etc.).
• Le coping centré sur les émotions : la personne va mettre en place
des processus cognitifs visant à réduire sa détresse émotionnelle afin
de mieux vivre la situation (évitement, relaxation, exercice physique,
repos, etc.).
• Le coping centré sur le soutien social : la personne va s’adresser à
autrui pour verbaliser et partager ses émotions en vue de mieux les
identifier et les traiter (solliciter de l’écoute, des conseils, etc.).
La stratégie la plus efficace est le coping centré sur le problème ou la tâche,
car elle vise la suppression ou la résolution du problème, mais elle nécessite
cependant l’accès à des ressources. Toutefois, ces stratégies ne sont pas tou-
jours suffisantes pour faire face aux exigences du travail contemporain, et
plus la réaction de stress se prolonge et moins la personne est en capacité de
gérer rationnellement ses états émotionnels.
Enfin, il est clairement établi que les conséquences du stress ne sont pas
uniquement individuelles : le fonctionnement des organisations est également
impacté par le stress de leurs salariés (absentéisme, taux de roulement ou
turnover des salariés, démotivation, etc.).

14
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

Et le « bon stress » ?
Contrairement aux idées reçues, il n’y a aucune preuve scientifique d’un « ni-
veau optimal » de stress pour lequel la performance serait elle aussi optimale
et sans effets sur la santé. Au lieu de chercher une illusoire définition du « bon
stress », qui légitime les formes les plus excessives de management par la
compétition ou la pression aux résultats, il est plus pertinent de s’interroger
sur le caractère ponctuel ou chronique des situations de stress vécues ainsi
que sur leur intensité.
Tandis qu’une situation stressante ponctuelle d’intensité moyenne pourra être
gérée sans difficultés (l’organisme récupérant avec un peu de repos), des si-
tuations chroniques et intenses conduiront à une usure plus grande de l’orga-
nisme et à des troubles manifestes, et ce, quel que soit le jugement porté sur
la nature « bonne » ou « mauvaise » de celles-ci. Le « travail en urgence » est
moins un bon stress permettant d’être performant qu’une forme de réaction
(si possible d’intensité modérée) permettant d’affronter un défi (si possible
ponctuel) en situation de ressources limitées.

Les violences au travail


Selon l’ANI du 26 mars 2010 sur le harcèlement et les violences au travail :
« La violence au travail se produit lorsqu’un ou plusieurs salariés sont agressés
dans des circonstances liées au travail. Elle va du manque de respect à la
manifestation de la volonté de nuire, de détruire, de l’incivilité à l’agression
physique. La violence au travail peut prendre la forme d’agression verbale,
d’agression comportementale, notamment sexiste, d’agression physique… »
On peut donc distinguer plusieurs formes de violences: physiques, psycholo-
giques ou sexuelles. Quant aux harcèlements (moral, sexuel), ils constituent
deux formes particulières et réglementées de ces violences. Ces violences au
travail sont des comportements inacceptables et antisociaux pouvant affecter
des individus, des groupes, mais également les témoins de ces violences.
Ces violences peuvent être distinguées selon leur origine (interne ou externe
à l’organisation) et leur intensité.

15
Les risques psychosociaux

Les salariés français et les violences au travail


L’enquête SUMER 20101 révèle que 22,3 % des salariés déclarent être confron-
tés à des comportements hostiles dans le cadre de leur travail : marques de
mépris pour 11,6 % des salariés, déni de reconnaissance pour 7,9 % d’entre
eux et atteintes dégradantes pour 2,8 %.

■■■L’origine des violences


D’après le BIT (Bureau international du travail), il convient de distinguer les
violences d’origine externe et celles d’origine interne.
Violences externes – Externes à l’organisation, elles sont principalement issues :
• Du contact avec le public : clients, usagers, patients, élèves, salariés
d’autres entreprises (par exemple, des sous-traitants).
• Du contact avec des personnes en situation précaire ou en souffrance
(par exemple, dans le secteur médico-social).
• D’agressions de tiers malveillants (du vol à l’arraché au braquage à
main armée).
Certains secteurs d’activité sont davantage exposés que d’autres (par exemple,
dans le cas de la manipulation de biens de valeur) ainsi que certains postes
de travail, notamment ceux qui engendrent du travail isolé ou des horaires
atypiques (horaires en décalage avec les rythmes sociaux classiques). Selon
l’enquête Conditions de travail 20132, 30 % des salariés en contact avec le
public rapportent des situations de tension (et plus de la moitié d’entre eux
déclarent « devoir calmer les gens » dans le cadre de leurs interactions).
Violences internes – Elles sont le fait des salariés entre eux, qu’ils soient
collègues ou supérieurs et subordonnés, seuls ou en groupes. La prévention
s’effectue ici auprès de l’environnement de travail qui peut favoriser l’expo-
sition à ces violences. D’après l’enquête SUMER 2010, ces violences entre
personnes de la même entreprise représentent entre 80 et 88 % des compor-
tements violents subis.

1. « Subir un comportement hostile dans le cadre du travail : plus de 20 % des salariés s’estiment
concernés », Dares Analyses, juin 2014, n° 044.
2. « Conditions de travail. Reprise de l’intensification du travail chez les salariés », Dares Analyses,
juillet 2014, n° 049.

16
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

■■■La graduation des violences


Il existe des actes de violence d’intensités différentes. On peut distinguer
plusieurs types de violences, à commencer par la violence ordinaire qui est,
d’après Gilles Herreros1, banale, insidieuse et quasiment invisible mais qui
nous concerne tous – en tant qu’auteur autant que victime – à des degrés
divers. Ce sont des actes ou paroles enfreignant les conventions sociales
élémentaires, par exemple :
– couper la parole ;
– ne dire ni bonjour, ni s’il vous plaît, ni merci ;
– faire des plaisanteries douteuses ;
– téléphoner ou pianoter sur son téléphone en réunion ;
– ne pas défendre un collègue sur lequel s’abattent des critiques que
l’on sait injustifiées, etc.
Viennent ensuite les agressions verbales visant délibérément à blesser (mena-
cer, injurier, faire du chantage, intimider, isoler, mépriser, tenir des propos
discriminatoires, calomnier, diffuser des rumeurs, etc.) ainsi que les agres-
sions physiques (bousculer, cracher, frapper, faire usage d’une arme, agresser
sexuellement, etc.). Les diverses formes de bizutage qui se rencontrent sur le
lieu de travail peuvent être assimilées à des violences.
L’intensité est croissante et va des incivilités aux menaces d’agression jusqu’aux
violences volontaires (passage à l’acte) débouchant sur des conséquences
pouvant être particulièrement graves. En outre, l’intensité est modérée en
fonction du caractère ponctuel ou récurrent de ces incivilités, menaces ou
actes de violences et de leur escalade.

La violence n’est pas uniquement le fait


de « personnalités difficiles »
Certaines violences sont exercées par des personnalités dites manipulatrices
ou perverses. Toutefois, les violences ne proviennent pas nécessairement de
personnes ayant un tempérament difficile ou agressif. La prévention des vio-
lences passe par la lutte contre les environnements de travail dégradés. Selon

1. Gilles Herreros, La violence ordinaire dans les organisations. Plaidoyer pour des organisations
réflexives, Toulouse, Érès, 2012.

17
Les risques psychosociaux

l’enquête SUMER 2010, les salariés n’ayant pas les moyens d’effectuer cor-
rectement leur travail ont deux fois plus de risques de subir un comporte-
ment hostile (40 % de risques en plus en cas de sous-effectif). Voici quelques
exemples d’environnements dégradés :
• Prise de décision sans consultation des principaux intéressés, entraînant
des désaccords puis des conflits du fait des effets délétères réels ou sup-
posés de telles décisions.
• Manque de ressources ou de communication créant des incidents quand
le travail est fait en double, réalisé de façon partielle ou incorrecte ou s’il
semble impossible de pouvoir faire son travail de façon satisfaisante.
• Imprécisions des rôles (qui fait quoi ?).
• Objectifs contradictoires ou injonctions paradoxales exposant à des cri-
tiques et à un sentiment d’injustice, impossibilité de satisfaire toutes les
exigences, ou encore mise en concurrence du personnel.
• Règles et procédures floues, peu maîtrisées, trop abondantes, difficiles à
appliquer, non respectées.
• D’autres causes : existence de clans, d’habitudes de travail dégradées
ayant dérivé et n’ayant pas été sanctionnées (comme des vols, le non-res-
pect de certaines procédures ou de certains horaires, de discrimination
ou d’ostracisme, etc.), de climats de travail délétères où circulent ragots,
dénigrements, jalousies et rivalités, de management « autoritaire », etc.
Les environnements de travail dégradés entraînent de nombreux conflits rela-
tionnels qui mènent ensuite à des actes de violence s’ils ne sont pas régulés.
En effet, une part de ces conflits non résolus se cristallise, focalise l’attention
et dégénère souvent en conflits de personnes.
La gestion des violences ne cible donc pas uniquement les individus agressifs :
il est important de détecter et de réduire les circonstances favorisant l’appari-
tion de conflits relationnels et de faciliter leur régulation lorsqu’ils apparaissent.

■■■Le cas particulier du harcèlement moral et sexuel


Les harcèlements moral ou sexuel sont deux formes précises prises par les
violences décrites ci-dessus. L’ANI du 26 mars 2010 sur le harcèlement et
les violences au travail précise que : « Le harcèlement survient lorsqu’un ou
plusieurs salariés font l’objet d’abus, de menaces et/ou d’humiliations répétés
et délibérés dans des circonstances liées au travail, soit sur les lieux de travail,
soit dans des situations liées au travaiL. » Ces deux manifestations des RPS
à l’origine de souffrances font l’objet de sanctions pénales explicites.

18
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

Harcèlement moral au travail


Terme popularisé à la fin des années quatre-vingt-dix par l’ouvrage de Marie-
France Hirigoyen1, le harcèlement moral fait l’objet de travaux de psycho-
logues ou de psychiatres depuis les années soixante-dix. Il constitue une
forme spécifique de violence au travail dans laquelle des personnes s’estiment
injustement persécutées, humiliées ou maltraitées, sans comprendre le bien-
fondé des actes ou paroles blessantes dont elles sont les victimes ou encore
de leur disproportion. Une constante dans la définition qui est donnée de ce
phénomène est la répétition d’agissements abusifs de la part d’une personne
(ou d’un groupe de personnes) ayant pour objet ou pour effet d’atteindre une
personne (ou un groupe de personnes) dans sa dignité, sa santé physique et
mentale, ou encore de menacer son avenir professionnel.
Voici quelques exemples de ces agissements abusifs2 :
• Pratiques relationnelles : tutoiement sans réciprocité, interruptions
régulières de la parole, critique systématique de l’apparence, injures
publiques, etc.
• Pratiques d’isolement : omission d’invitation du salarié aux réunions,
injonction faite aux autres salariés de ne plus communiquer avec la
personne désignée, répartition inégale du travail, etc.
• Pratiques disciplinaires : contrôle des communications télépho-
niques ou des conversations avec les collègues, vérification des tiroirs,
casiers, sac à main, poubelle du salarié, etc.
• Pratiques punitives : refus réitéré et non justifié de demandes de for-
mation, vacances imposées ou non accordées au dernier moment, etc.
• Injonctions paradoxales : prescription de consignes confuses et
contradictoires qui rendent le travail infaisable, ce qui sera reproché
dans un second temps, distribution du travail sur le mode « mission
impossible », correction de fautes inexistantes, etc.
Un consensus existe sur le fait qu’un tel harcèlement moral entraîne des
conséquences désastreuses tant pour les victimes que pour les organisations
dans lesquelles il se produit :
• Les victimes peuvent souffrir de troubles psychologiques et psychoso-
matiques d’autant plus importants que le harcèlement se prolonge ou

1. Marie-France Hirigoyen, Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien, Paris, Éditions La


Découverte et Syros, 1998.
2. Marie Pezé, Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés, Paris, Flammarion, 2010.

19
Les risques psychosociaux

est intense. En plus des conséquences connues d’un stress intense et


chronique, et potentiellement d’un stress post-traumatique, le harcè-
lement marque durablement ses victimes, car le doute, la culpabilité,
la honte et l’humiliation peuvent perdurer longtemps après les faits
et affecter durablement la personnalité.
• Comme pour les autres RPS, les organisations sont affectées par ce
phénomène qui a une influence sur la performance de la victime,
l’absentéisme et le turnover, le climat social, l’image de l’entreprise…
sans compter de multiples procédures judiciaires.
En France, le harcèlement moral fait l’objet d’un cadre juridique précis qui
sera présenté ci-après (voir « Cadre juridique des RPS », p. 26).

Portraits robots de harceleurs et harcelés ?


Il n’y a pas de profil type du harceleur ou du harcelé. Cela peut être d’un
supérieur vers un subordonné ou l’inverse, entre deux collègues ou deux per-
sonnes de la même entreprise ou non, ou encore entre un groupe et une per-
sonne (comme un délégué syndical terrorisant plusieurs cadres de la direction
générale, voir l’arrêt n° 13-87037 du 17 mars 2015 de la chambre criminelle de
la Cour de cassation).
Même si le harcèlement peut émaner d’une « personnalité difficile » (para-
noïaque, narcissique ou perverse), il peut également se produire chez les
personnes « normales ». D’après Marie-France Hirigoyen, le harcèlement est
rarement le fait d’une démarche malveillante, consciente et délibérée mais
plutôt la conséquence d’un manque de respect, d’un déficit de sensibilité et
de considération pour autrui. La peur, le besoin de s’affirmer, la jalousie ou
encore le manque de compétences émotionnelles et sociales rentrent éga-
lement en compte dans la genèse de ce phénomène complexe, tout comme
la passivité et l’absence de réaction des collègues proches – l’isolement et la
solitude de la victime amplifient le phénomène.

Harcèlement sexuel au travail


Le harcèlement sexuel désigne un phénomène au cours duquel une personne
est réduite à son identité sexuelle et fait l’objet d’agissements répétés à conno-
tation sexuelle de la part d’une ou plusieurs personnes (supérieur, collègue,
public, etc.). Ces agissements, ni sollicités ni souhaités par la victime, sont
hostiles, intimidants ou offensants.

20
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

Voici quelques exemples de ces agissements abusifs :


• Plaisanteries, vantardises et remarques à connotation sexuelle concer-
nant le physique d’une personne ou ses actions.
• Contacts physiques non nécessaires et non voulus (par exemple, frot-
tements, attouchements).
• Demandes insistantes de rendez-vous galants, caresses, faveurs ou
relations sexuelles en échange d’un avantage ou sous la pression d’une
menace.
• Usage de matériel pornographique non nécessaire.

Drague insistante au bureau et harcèlement sexuel


Un salarié tombe amoureux d’une nouvelle recrue. Pour lui témoigner son
affection, il va, durant près d’un an, lui faire parvenir des bouquets de fleurs,
de longs courriers manuscrits et, durant les heures de travail, des e-mails ainsi
que des déclarations et propositions (par exemple, la rencontrer seule dans
son bureau). Sa collègue refuse ses avances et lui demande d’arrêter, arguant
que leur relation est strictement professionnelle. Le salarié en question prend
mal ce refus : menaçant, il va jusqu’à lui confier des envies de suicide…
La jeune femme est mise en arrêt par son médecin traitant tandis que la police
judiciaire est prévenue et que la direction licencie le salarié pour faute grave.
La qualification de harcèlement sexuel sera retenue par les juges (arrêt de la
chambre sociale de la Cour de cassation, pourvoi n° 12-20497 du 28 janvier 2014).

En France, le harcèlement sexuel fait l’objet d’un cadre juridique renouvelé


depuis la loi du 6 août 2012 (voir « Cadre juridique des RPS », p. 26). Début
2014, une enquête révèle1 que deux femmes actives sur dix déclarent avoir
fait face à une situation de harcèlement sexuel dans le cadre de leur travail
(ces situations impliquaient des gestes, propos à connotation sexuelle répétés
malgré une absence de consentement dans 75 % des cas et un environnement
de travail avec des blagues à caractère sexuel dans 61 % des cas).

1. Enquête sur le harcèlement sexuel au travail, enquête IFOP pour le Défenseur des droits, janvier
2014.

21
Les risques psychosociaux

Les autres manifestations


D’autres manifestations des RPS méritent d’être mentionnées bien qu’elles
soient davantage des conséquences d’un stress chronique intense et/ou de
violences au travail. Il s’agit de :
• L’épuisement professionnel et le karōshi.
• Le stress post-traumatique.

■■■L’épuisement professionnel (burn out) et le karōshi


Le burn out ou épuisement professionnel est la conséquence d’un stress au
travail chronique et intense. C’est un épuisement psychique, émotionnel et
physique total, comme si la personne était « brûlée » (burned out), ce qui
entraîne à la fois une diminution de productivité et une dépersonnalisation
(absence d’empathie et de sensibilité à autrui, voire cynisme).
Ce syndrome a été mis en évidence par le docteur Herbert J. Freudenberger,
médecin psychiatre américain d’origine allemande, après qu’il ait vécu un
épisode de ce type du fait d’une activité excessive de soins apportés à des
toxicomanes. Ce syndrome touche particulièrement les professionnels de la
relation de soin à autrui (secteur médico-social) ou de l’enseignement mais
aussi, quel que soit le secteur d’activité, les workaholiques (c’est-à-dire ayant
un besoin insatiable de travail entraînant une surimplication dans le travail,
qui se manifeste notamment par une amplitude horaire importante pouvant
atteindre plus de 50 heures par semaine, et des effets négatifs tant sur la santé
que sur la vie personnelle et familiale).
La psychosociologue Christina Maslach a mis au point un test de mesure de
l’épuisement professionnel1 sur la base de trois dimensions :
• L’épuisement physique et émotionnel.
• La dépersonnalisation (insensibilité, détachement, cynisme).
• L’inefficacité.
À l’extrême, cet épuisement peut mener au Karōshi, mot japonais désignant la
mort par surmenage. Il s’agit littéralement d’un intense épuisement physique
résultant entre autres d’un stress chronique très élevé et d’heures de travail
excessives sans récupération – plus de 60 heures par semaine et moins de la
moitié des congés légaux prise – qui provoque le décès par accident vasculaire
cérébral, crise cardiaque ou destruction des glandes surrénales.

1. Le Maslach Burnout Inventory (MBI).

22
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

■■■Le stress post-traumatique


Le syndrome de stress post-traumatique se manifeste lorsqu’une ou plusieurs
personnes vivent ou sont témoins d’un événement hors du commun, mena-
çant gravement leur vie ou leur santé (ou celle d’autrui), provoquant à la fois
une peur intense ainsi qu’un sentiment d’impuissance et d’horreur. On peut
penser aux attentats du 11 septembre 2011 pour les New-Yorkais.
Au travail, cela peut recouvrir les événements suivants :
• Accident impliquant des blessures ou des décès (par exemple, le dérail-
lement d’un train, l’incendie d’une usine, etc.).
• Incident particulièrement choquant et inhabituel (par exemple, un
harcèlement, un braquage à main armée).
• Suicide ou décès d’un collègue sur le lieu de travail (par exemple, un
accident de travail mortel).
En plus des conséquences physiques et psychologiques comparables à celles
d’un stress chronique et intense, les victimes de stress post-traumatique
sont envahies par des souvenirs douloureux sous la forme de flash-back ou
de cauchemars. De plus, elles ont tendance à éviter les situations ayant un
rapport avec l’incident traumatisant (ne plus pouvoir manipuler d’argent ou
prendre les transports en commun, etc.). Ce syndrome très handicapant et
douloureux peut perdurer longtemps après l’événement traumatisant.
Compte tenu du fait qu’environ une personne sur dix développe ce type de
troubles après un événement traumatisant, il est nécessaire d’organiser une
prise en charge particulière (voir le chapitre 6, « Prendre en charge le stress
post-traumatique », p. 225).

2. Quelques enjeux des RPS


À ce jour, il n’existe pas d’enquête spécifique sur les RPS – en attendant la
première enquête de l’INSEE en 2015–2016. Toutefois, de multiples études et
enquêtes françaises ou européennes comprennent des éléments sur les RPS.
Ces statistiques, ainsi que les études épidémiologiques ou économiques sur le
sujet, permettent d’en mesurer les enjeux humains et sociaux, économiques
et organisationnels.

23
Les risques psychosociaux

Des enjeux humains et sociaux importants


mais sous-estimés
Le stress touche 28 % des salariés européens1. En France, 23,2 % des salariés
français sont en situation de travail dite de job strain, c’est-à-dire pouvant
impliquer des troubles de santé avérés2 ; de plus, 24 % des hommes et 37 %
des femmes ayant un emploi présentent une détresse psychique3. En outre,
au moins 300 à 400 suicides liés au travail surviendraient chaque année4.
Ces quelques chiffres soulignent l’ampleur du phénomène : les RPS sont
un enjeu humain et social de grande ampleur, ainsi qu’un enjeu de santé
publique. En Europe comme en France, les RPS font l’objet de politiques
publiques visant à réduire l’ampleur du phénomène et de ses coûts pour le
système de santé et les individus.
Toutefois, malgré cette reconnaissance, on estime que l’ampleur du phéno-
mène est encore largement sous-estimée. Ainsi, d’après les statistiques 2012
de la CNAMTS, sur les 1 197 demandes de reconnaissance de maladies à
caractère professionnel, 225 portaient sur des troubles psychosociaux (et
environ 40 % d’entre eux ont été effectivement reconnus). Un chiffre dérisoire
à ramener aux 54 000 maladies professionnelles reconnues en 2012 ou encore
aux 3 millions de Français souffrant de dépression chaque année.

Des enjeux économiques et organisationnels


Les conséquences des RPS sur la santé des individus et le système de santé
dans son ensemble sont un enjeu économique pour la société. Les organisa-
tions sont également affectées par les RPS de leurs salariés ou de leurs agents.

1. Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, Enquête européenne
sur les conditions de travail, EU-OSHA, 2000.
2. Nicole Guignon, Isabelle Niedhammer et Nicolas Sandret, « Les facteurs psychosociaux au
travail. Une évaluation par le questionnaire de Karasek dans l’enquête SUMER 2003 », Premières
informations et premières synthèses, n° 22(1), 2008.
3. Samotrace – Volet « Épidémiologie en entreprise » – Résultats intermédiaires à un an (3 000
questionnaires). Régions Centre, Pays de la Loire et Poitou-Charentes, Saint-Maurice, Institut de
veille sanitaire, 2007.
4. DRTEFP Basse-Normandie, Étude des suicides liés au travail en Basse-Normandie, rapport
n° 06/2003 (voir aussi Maryvonne Gournay, Françoise Lanièce, et Isabelle Kryvenac, « Étude des
suicides liés au travail en Basse-Normandie », Travailler, 2004, no 2, p. 91-98)

24
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

■■■Le coût pour la société


En Europe, on estime que le stress est responsable de 50 à 60 % de l’ensemble
des journées perdues au travail1. Pour la France, une des rares études réalisées
chiffre le coût du stress pour 2007 entre 1,9 et 3 milliards d’euros2 (dépenses
de soins liées à l’absentéisme, aux cessations d’activité et aux décès prématu-
rés). Les auteurs estimant que, compte tenu des données disponibles et de la
méthode de l’étude, ce coût du stress est une sous-estimation.
De plus, étant donné le nombre élevé de dépressions et autres maladies liées
au stress ou aux violences au travail, dont une majorité n’est pas reconnue
en accident du travail ou maladie professionnelle, les RPS représentent éga-
lement un coût élevé pour la collectivité (dépenses d’assurance maladie).

■■■Le coût pour les organisations


Les RPS et leurs conséquences ont également un coût important pour les
organisations. Leurs agents ou salariés sont plus sujets à l’absentéisme ou
au présentéisme3, moins productifs, moins motivés et moins créatifs, et
souhaitent plus souvent quitter l’entreprise. Des comportements dégradés
comme un moindre respect des horaires ou des procédures peuvent appa-
raître et entraîner des conflits. La déstabilisation des collectifs de travail et
la dégradation du climat social et de l’ambiance peuvent accroître les ten-
sions. Des plaintes ou conflits avec les instances représentatives du personnel
comme le CHSCT, les syndicats ou l’inspection du travail surviennent plus
fréquemment autour des conditions de travail. Des incidents graves peuvent
survenir, comme des suicides ou tentatives de suicides sur le lieu de travail,
et entacher l’image de l’organisation vis-à-vis de ses clients et usagers ou des
candidats potentiels. Les accidents du travail sont également plus nombreux.
L’addition finit par être lourde. Une des rares études sur le sujet chiffre le
coût des RPS à 1 220 € par employé et par an4 (environ 10 % du fait du tur-
nover, 30 % du fait de l’absentéisme et 60 % du présentéisme). S’il était encore

1. European Agency for Safety and Health at Work, The economic effects of occupational safety and
health in the Member States of the European Union, 1999.
2. Le coût du stress professionnel en France en 2007, INRS, 2010.
3. Le présentéisme ou surprésentéisme signifie être présent (volontairement ou non) sur son lieu
de travail de façon excessive (en dehors des horaires de travail, lors de ses congés, etc.) ou même
lorsque l’on est malade, en mauvaise forme, etc.
4. Sainsbury Center for Mental Health, Mental health at work: developing a business case, 2007.

25
Les risques psychosociaux

nécessaire de plaider pour la prévention des RPS, une étude européenne1


estime que chaque euro dépensé dans un programme de prévention des RPS
entraîne un retour sur investissement de 13,62 € en un an !

3. Cadre juridique des RPS


Les RPS, le stress ou les violences au travail ont progressivement fait l’objet
de développements réglementaires spécifiques : ANI étendus par arrêtés et
dispositions particulières concernant le harcèlement moral et sexuel. En
outre, ces risques font partie intégrante des risques professionnels sur lesquels
pèse l’obligation générale de sécurité de résultat de l’employeur et des salariés.
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a introduit la notion de
« santé physique et mentale » dans le Code du travail (article L. 4121-1)2. Les
RPS sont implicitement couverts par cette santé mentale :
• L’employeur doit ainsi la protéger au titre de son obligation de sécurité
de résultat.
• Les salariés sont également responsables de leur santé mentale.
• Les RPS peuvent être reconnus sous condition comme AT/MP (acci-
dent du travail et maladie professionnelle).

L’obligation de sécurité de résultat de l’employeur


De façon générale, l’employeur doit garantir le respect des libertés indivi-
duelles et collectives ainsi que les droits à la dignité des salariés, notamment
en veillant à n’apporter aucune restriction qui ne serait pas justifiée par la
nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché (article
L. 1121-1 du Code du travail). Ainsi, la santé mentale au travail est un droit.
Un salarié ne doit donc pas voir sa santé mentale altérée du fait de l’exercice
d’une activité professionnelle. C’est en cela qu’elle est partie intégrante de
l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur.
Cette obligation, progressivement définie dans la jurisprudence de la Cour
de cassation à partir de 2002, s’appuie sur les fondements du Code du travail,

1. Matrix, Economic analysis of workplace mental health promotion and mental disorder prevention
programmes and of their potential contribution to EU health, social and economic policy objectives,
Executive Agency for Health and Consumers, 2013.
2. Avant cette date, la santé mentale au travail, sans être explicitement nommée, était déjà couverte, ne
serait-ce qu’au titre du respect des droits de l’homme et de la dignité humaine.

26
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

à savoir : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité


et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » (article L. 4121-
1). Cette obligation de sécurité de résultat signifie que l’employeur ne peut
se contenter de respecter les dispositions juridiques en vigueur. Il doit, de
façon volontaire et active, concevoir et organiser son entreprise de façon à
supprimer ou limiter tout risque pour la santé mentale, y compris le har-
cèlement moral et sexuel. L’employeur doit donc assurer « l’effectivité » de
la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs de son entreprise
(arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, pourvoi n° 05-41555
du 28 février 2006).
Tout comme il assure la sécurité physique des salariés, l’employeur doit mettre
en place diverses mesures pour protéger leur santé mentale. Ces mesures
comprennent des actions de prévention des risques et de la pénibilité, de
formation, d’information ainsi que la mise en place d’une organisation et de
moyens adaptés (article L. 4121-1 du Code du travail). Ces mesures doivent
être mises en œuvre en application des principes généraux de prévention
(article L. 4121-2 du Code du travail).

Les principes généraux de prévention


Une philosophie et un guide pratique au cœur de l’amélioration
de la santé et de la sécurité au travail
Les mesures de prévention mises en œuvre par l’employeur s’appuient sur les
principes généraux suivants :
1. Éviter les risques.
2. Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités.
3. Combattre les risques à la source.
4. Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la concep-
tion des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et
des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le
travail monotone et le travail cadencé, et de réduire les effets de ceux-ci
sur la santé.
5. Tenir compte de l’état d’évolution de la technique.
6. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce
qui est moins dangereux.

27
Les risques psychosociaux

7. Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la tech-


nique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations so-
ciales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au
harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux
articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du Code du travail.
8. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité
sur les mesures de protection individuelle.
9. Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

C’est en application du point n° 2 de ces principes, à savoir « Évaluer les risques


qui ne peuvent pas être évités », que l’employeur doit rédiger et mettre à jour
un document unique (article R. 4121-1 et s. du Code du travail).

La responsabilité des salariés


Les RPS font également partie de l’obligation de sécurité des travailleurs qui
doivent, conformément aux instructions données par l’employeur, prendre
soin de leur santé mentale et de celle des autres personnes concernées du
fait de leurs actes ou de leurs omissions au travail (article L. 4122-1 du Code
du travail). Cela inclut le respect de certaines prescriptions (par exemple,
les règles d’usage des NTIC en dehors des horaires de travail) ou bien le
signalement à l’employeur de toute situation de souffrance ou de violence,
notamment de harcèlement potentiel, dont les salariés sont témoins.
Si un salarié commet un manquement à son obligation, il pourra être sanc-
tionné. Toutefois, ce manquement s’appréciera à la lumière des obligations
de l’employeur en matière d’information, de formation et de conformité des
conditions de travail : le principe de responsabilité de l’employeur n’est donc
pas écarté pour autant.

Les RPS et les AT/MP


Les conséquences des RPS peuvent, sous certaines conditions, être reconnues
comme accidents du travail (AT) ou maladies professionnelles (MP). L’une
des principales conséquences de cette reconnaissance, outre l’indemnisation
des victimes ou de leurs ayants droit, est d’imputer le coût de ces lésions à
l’employeur par le biais de la tarification des AT/MP.

28
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

■■■Les RPS et l’accident du travail (AT)


Certaines conséquences de situations à risque, en tant qu’atteintes à la santé
mentale, peuvent être reconnues comme AT, comme les états aigus de type
tentative de suicide (ou suicide), crise anxieuse ou de pleurs, dépression
réactionnelle suite à des violences, etc. Une des conditions est de respecter
la définition officielle des AT, à savoir que les atteintes à la santé mentale
résultent d’un événement ou d’une série d’événements survenus à des dates
certaines « par le fait ou à l’occasion du travail » (article L. 411-1 du Code de
la sécurité sociale). Le salarié en question (ou ses ayants droit) doit pouvoir
attester que des faits précis survenus dans le cadre de son travail sont à l’ori-
gine des atteintes à la santé mentale qu’il souhaite faire reconnaître en AT.
Dans le cas d’un suicide ou d’une tentative de suicide, la Caisse nationale
d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a indiqué, en 20011,
qu’ils pouvaient être qualifiés d’accidents du travail dans deux cas :
• Si l’acte suicidaire intervient au temps et au lieu du travail, par exemple
en tant que geste de désespoir qui est le résultat d’une impulsion
brutale qui s’est emparée de la victime après qu’elle a été l’objet de
remontrances de son employeur ou la conséquence d’une dépression
nerveuse en raison d’un travail pénible pour lequel le salarié n’avait
pas été préparé. Dans ce cas, au titre de la présomption d’imputabilité,
l’employeur est obligatoirement tenu de le déclarer en AT, ce qui ne
présume pas de la reconnaissance effective en AT, qui est le résultat
de l’enquête de la CPAM.
• Si l’acte suicidaire s’inscrit dans l’enchaînement continu des faits ayant
leur origine dans l’accident du travail, c’est-à-dire en lien direct avec un
accident du travail. Si le geste se produit en dehors du lieu de travail,
par exemple au domicile du salarié, il faudra demander à l’employeur
de le déclarer et ensuite apporter la preuve de son origine profession-
nelle, ce qui sera facilité si le salarié était en arrêt de travail pour un
AT ou une MP déjà déclaré (voir l’arrêt de la deuxième chambre civile
de la Cour de cassation, pourvoi n° 05-13771 du 22 février 2007).
Pour les fonctionnaires, le Conseil d’État reconnaît que le suicide (ou la ten-
tative) d’un agent sur son lieu de travail et durant ses heures de travail peut

1. CNAMTS – Direction des risques professionnels, « Acte suicidaire et accident du travail », Charte
des AT/MP, fiche AT n° 2, 2001.

29
Les risques psychosociaux

être reconnu comme accident de service, sauf à prouver que des circonstances
particulières permettent de détacher ce geste au service de l’agent (voir, par
exemple, l’arrêt du Conseil d’État, requête n° 361820 du 16 juillet 2014).

Exemples de jurisprudence
Ont été reconnus comme AT :
• Une dépression nerveuse consécutive à un entretien au cours duquel
une insuffisance professionnelle avait été signifiée au salarié (arrêt de la
deuxième chambre civile de la Cour de cassation, pourvoi n° 02-30576 du
1er juillet 2003).
• Une dépression consécutive à la réception d’une lettre de l’employeur fai-
sant état d’une démission verbale que le salarié n’aurait jamais prononcée
(arrêt de la cour d’appel de Riom, requête n° 10/02124 du 21 juin 2011).
• Un burn out psychologique (ou syndrome anxiodépressif réactionnel)
consécutif à des situations de tensions proches d’un harcèlement moral
et dont l’événement soudain est l’ordre intimé à la salariée de rentrer chez
elle, car elle n’était pas en capacité de travailler du fait de son état (arrêt
de la cour d’appel de Bordeaux, requête n° 09/06841 du 3 février 2011).

■■■Les RPS et les maladies professionnelles (MP)


En France, les affections psychiques ne font pas l’objet d’un tableau de MP.
Elles peuvent cependant être reconnues comme maladies à caractère pro-
fessionnel si le salarié en question est atteint d’une incapacité d’au moins
25 % et à la condition que le comité régional de reconnaissance des maladies
professionnelles (CRRMP) établisse un lien direct et essentiel entre cette
affection et les conditions de travail.
Ces demandes de reconnaissance sont en constante augmentation depuis dix
ans mais la procédure est assez restrictive. Pour l’année 2012, la CNAMTS
a dénombré 225 demandes dont 40 % ont été effectivement reconnues par
les CRRMP. Début 2014, plusieurs organisations syndicales et personnalités
ont lancé un appel pour la création de tableaux de MP correspondant aux
RPS1, option écartée pour l’instant par le Gouvernement2.

1. http://www.appel-burnout.fr
2. http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-16978QE.htm

30
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

■■■Le cas de la faute inexcusable de l’employeur


La faute inexcusable est une qualification juridique. Lorsque le salarié estime
qu’il est victime d’un AT ou d’une MP résultant d’une faute particulièrement
grave de son employeur, il peut solliciter la commission de recours amiable
de sa CPAM puis le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) afin
d’obtenir une indemnité supplémentaire à son indemnisation forfaitaire (qui
peut inclure un capital ou une rente selon le taux d’incapacité reconnu). La
reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur ouvre le droit à l’obten-
tion de cette indemnité supplémentaire, permettant ainsi une réparation
majorée du préjudice subi.
Pour démontrer la faute inexcusable, il faut remplir deux conditions :
1. L’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était
exposé le salarié.
2. L’employeur n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Par exemple, suite à un suicide lié au travail, il a été reconnu la faute inexcu-
sable de l’employeur au motif que celui-ci aurait dû prendre conscience de
la gravité de la situation de stress intense de son salarié qui avait pourtant
beaucoup maigri et qui pleurait souvent. En l’occurrence, il est reproché à
l’employeur de ne pas avoir mis en place un système d’évaluation de la charge
de travail, qui lui aurait permis d’identifier que le salarié travaillait une dou-
zaine d’heures par jour, complétées par un travail intensif à la maison tous
les soirs et week-ends et de nombreux déplacements (arrêt de la cour d’appel
de Versailles, requête n° 10/00954 du 19 mai 2011).
La portée de ces jurisprudences est importante. Dans un autre arrêt, la faute
inexcusable de l’employeur a été reconnue suite à l’infarctus d’un de ses
salariés, au motif qu’il « n’[a] pas utilement pris la mesure des conséquences
de [ses] objectifs de réduction des coûts en termes de facteurs de risques pour
la santé de [ses] employés » (arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour
de cassation, pourvoi n° 11-23855 du 8 novembre 2012).
On le voit, les juges questionnent le pouvoir de direction de l’employeur.
Ses choix organisationnels peuvent avoir des effets générateurs de RPS dont
l’employeur pourra être tenu pour responsable. L’obligation de tenir compte
des RPS avant toute décision organisationnelle émerge, sous peine de se voir
reprocher la mise en place d’organisations du travail anxiogènes.

31
Les risques psychosociaux

Exemples de jurisprudence
RPS et organisations du travail anxiogènes
Outre les jurisprudences qui reconnaissent les suicides liés au travail ou dé-
pressions comme accidents du travail consécutifs à la dégradation des condi-
tions de travail (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, pourvoi
n° 08-44298 du 17 février 2010), les plus marquantes sont celles qui amènent
les juges à questionner certaines décisions de l’employeur :
• Sanction des dérives et exagérations de systèmes de gestion de la per-
formance de type benchmark, visant la mise en concurrence des salariés
(arrêt de la cour d’appel de Lyon, requête n° 12/06988 du 21 février 2014).
• Suspension d’un projet de restructuration au motif que les risques psycho-
sociaux auxquels étaient exposés les salariés concernés par la réorgani-
sation n’avaient pas été évalués a priori (arrêt de la cour d’appel de Paris,
requête n° 12/00303 du 13 décembre 2012).

Le cadre juridique concernant le stress au travail


Le stress au travail fait l’objet de l’ANI du 2 juillet 2008, étendu par l’arrêté
du 23 avril 2009. Son objet est :
• D’augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress
au travail par les employeurs, les travailleurs et leurs représentants.
• D’attirer leur attention sur les signes susceptibles d’indiquer des pro-
blèmes de stress au travail, et ce, le plus précocement possible.
• De fournir aux employeurs et aux travailleurs un cadre qui permette
de détecter, de prévenir, d’éviter et de faire face aux problèmes de
stress au travail.
Cet accord pose différents principes essentiels : la définition du stress (comme
« déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui
impose son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources
pour y faire face »), l’engagement de l’employeur à prévenir, éliminer ou réduire
tout problème de stress identifié, la nécessité de la prévention primaire (l’orga-
nisation et les processus de travail ou encore la communication font partie
des facteurs de risques à analyser) ou de la participation des travailleurs et
de leurs représentants à la démarche.

32
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

Concrètement, cet accord est à la base de négociations qui visent à orga-


niser ou renforcer une démarche de prévention des RPS à la fois globale et
pluridisciplinaire.

Le cadre juridique concernant la violence au travail


(hors harcèlements)
Un second accord porte sur les violences au travail et le harcèlement (ANI du
26 mars 2010, étendu par l’arrêté du 23 juillet 2010). Son objet est d’améliorer
la sensibilisation, la compréhension et la prise de conscience des employeurs,
des salariés et de leurs représentants, et de leur apporter un cadre concret
pour l’identification, la prévention et la gestion des problèmes de harcèlement
et de violence au travail.
Cet accord pose également différents principes essentiels : l’engagement de
l’employeur à affirmer que la violence et le harcèlement ne sont pas admis et
que leurs auteurs avérés seront sanctionnés, ou encore des modalités de prise
en charge des personnes présumées victimes de telles violences (discrétion,
confidentialité, impartialité, médiation, etc.).
Concrètement, cet accord est à la base de négociations intégrant différents
types d’actions concrètes au titre desquelles :
• Le développement de campagnes de sensibilisation et de formation
des salariés et de l’encadrement.
• La mise en place de dispositifs d’accompagnement des salariés en
détresse ou en souffrance.

La sanction pénale des violences au travail


Outre les sanctions disciplinaires auxquelles peuvent être soumis les salariés
auteurs de violences, les actes suivants sont pénalement répréhensibles :
• Injures (article R. 621-2 du Code pénal).
• Insultes d’ordre général, racistes ou discriminatoires (articles R. 624-4 et
132-77 du Code pénal).
• Intimidations (article R. 623-1 du Code pénal).
• Menaces (articles 222-17 et 222-18 du Code pénal).
• Chantage (articles 312-10 et 312-11 du Code pénal).

33
Les risques psychosociaux

• Bruits et tapages injurieux (article R. 623-2 du Code pénal).


• Actes de dégradation ou destruction (articles R. 635-1 et 322-1 du Code
pénal).
• Violences légères (articles R. 624-1, R. 625-1, R. 625-3 et 220-20 du Code
pénal).
• Coups et blessures volontaires (articles 222-9 à 222-13 du Code pénal).

Le cadre juridique du harcèlement moral au travail


Le harcèlement moral est entré dans le Code du travail avec la loi de moder-
nisation sociale du 17 janvier 2002 : « Aucun salarié ne doit subir les agis-
sements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une
dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses
droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compro-
mettre son avenir professionnel » (article L. 1152-1 du Code du travail). En
conséquence, l’employeur, du fait de son obligation de sécurité de résultat,
doit prendre toutes les mesures nécessaires à la prévention du harcèlement
moral (article L. 1152-4 du Code du travail et arrêt de la chambre sociale de
la Cour de cassation, pourvoi n° 05-43914 du 21 juin 2006).
L’employeur doit ainsi tout mettre en œuvre pour éviter la survenue d’un
harcèlement moral. La mise en œuvre d’actions et la réactivité en cas de sus-
picion de harcèlement moral ne sont toutefois pas suffisantes : il pourra être
mis en cause y compris s’il montre qu’il a agi rapidement pour sanctionner
le ou les salariés auteurs de tels agissements ou encore pour qu’un conflit ne
dégénère pas entre deux salariés (arrêt de la chambre sociale de la Cour de
cassation, pourvoi n° 11-18855 du 23 janvier 2013).
Dès lors qu’un harcèlement s’est produit, il manque à son obligation de sécu-
rité de résultat (arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation, pourvois
n° 08-40144 et 08-44019 du 3 février 2010) : il faut que l’employeur empêche
effectivement la survenue de tels agissements, sinon il est fautif et les sala-
riés peuvent demander des dommages et intérêts à la fois pour réparer les
conséquences du harcèlement subi et pour violation de son obligation de
sécurité de résultat (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation,
pourvoi n° 13-17729 du 19 novembre 2014 ; dans cette affaire, l’employeur
a été condamné à verser au salarié 8 000 € pour violation de son obligation
de sécurité de résultat en plus des 12 000 € de réparation du préjudice subi).

34
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

Dans la définition du Code du travail et les jurisprudences, le harcèlement


moral se caractérise par :
• Des faits précis d’agissements répétés (un seul agissement, même
répréhensible, ne suffit pas, il en faut au moins deux).
• Dans un laps de temps relativement court (même si deux actes éloignés
dans le temps ont déjà été reconnus comme constituant un harcèle-
ment moral1).
• Impliquant une dégradation des conditions de travail.
• Susceptibles de porter atteinte à la santé (constaté à l’aide d’éléments
médicaux), la dignité ou l’avenir professionnel d’un salarié (c’est le
comportement et non le résultat qui permet de caractériser l’infrac-
tion ; de plus, l’intention de nuire du harceleur n’est pas une condition).
Il faut évidemment que les agissements soient disproportionnés et sans rap-
port avec le travail confié au salarié : demander à plusieurs reprises à un sala-
rié de faire son travail ne semble pas relever d’un harcèlement ! L’employeur
restant dans le cadre normal de son pouvoir de direction et de son pouvoir
disciplinaire n’a pas à s’inquiéter.
Une procédure de médiation peut être engagée par toute personne s’estimant
victime de harcèlement moral (article L. 1152-6 du Code du travail). Aucun
salarié ne peut être sanctionné pour avoir témoigné ou relaté des agissements
de harcèlement moral (article L. 1152-2 du Code du travail), à l’exception des
salariés dont il est établi que leur dénonciation était calomnieuse. L’inspecteur
du travail peut être saisi pour réaliser une enquête et les organisations syn-
dicales représentatives peuvent exercer, en faveur du salarié concerné et sous
réserve de son accord, toutes les actions en justice consécutives à des faits de
harcèlement moral (article L. 1154-2 du Code du travail).
Un salarié qui s’estime victime de harcèlement peut, de façon alternative ou
cumulative :
• Tenter de faire reconnaître le harcèlement en accident du travail ou
maladie à caractère professionnel.
• Poursuivre son employeur devant le tribunal des prud’hommes (par
exemple, pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de
travail ou encore la requalification de sa démission en « prise d’acte »
de la rupture de son contrat de travail).

1. Voir la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation, pourvoi n° 11-17987 du


25 septembre 2012.

35
Les risques psychosociaux

• Poursuivre son employeur pour faute inexcusable.


• Poursuivre la personne présumée auteur du harcèlement moral au titre
du Code civil et de la réparation du préjudice moral subi (article 1382).
• Poursuivre la personne présumée auteur du harcèlement moral au
titre du Code pénal (article 222-33-2).
Le salarié s’estimant victime doit présenter au juge les éléments objectifs
qui constituent à ses yeux le harcèlement moral (article L. 1154-1 du Code
du travail). Si le juge présume l’existence du harcèlement, l’employeur devra
prouver que les agissements incriminés ne relèvent pas du harcèlement.
Enfin, l’auteur direct d’un harcèlement moral peut être sanctionné de deux
ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende (article 222-33-2 du Code
pénal), sans compter la sanction disciplinaire dont il est passible en parallèle
et qui peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave.

Exemples de jurisprudence
Sont constitutifs d’un harcèlement moral :
• Deux avertissements injustifiés accompagnés d’allusions blessantes (arrêt
de la chambre sociale de la Cour de cassation, pourvoi n° 08-44062 du
23 septembre 2009).
• La répétition de critiques publiques, brutales et vexantes pendant plu-
sieurs années (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, pourvoi
n° 09-67463 du 19 janvier 2011).
• Le déclassement d’une salariée suivi de plusieurs mises en garde et des
avertissements injustifiés (arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassa-
tion, pourvoi n° 06-41999 du 16 avril 2008).

Il faut noter qu’à côté de ce harcèlement moral « classique », la jurisprudence


reconnaît une forme de harcèlement moral managérial ou institutionnalisé,
découlant de modes de gestion mis en œuvre hiérarchiquement et inten-
tionnellement, et portant sur un collectif de salariés plus ou moins étendu.
Il en est ainsi de l’imposition d’un management par objectifs intensifs et de
conditions de travail extrêmement difficiles se traduisant par la mise en cause
injustifiée des méthodes de travail du salarié, assortis de dénigrements répétés
et de propos insultants proférés en public (arrêt de la chambre sociale de la
Cour de cassation, pourvoi n° 09-42488 du 27 octobre 2010).

36
Définir les RPS, leurs enjeux et connaître leur réglementation

Le cadre juridique du harcèlement sexuel au travail


Tout comme le harcèlement moral, le harcèlement sexuel est interdit (article
L. 1153-1 du Code du travail) et l’employeur doit prendre « toutes les disposi-
tions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre
un terme » (article L. 1153-5 du même code) et de sanctionner les salariés
« ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel » (article L. 1153-6 du même
code). Pour toute action en justice, des dispositions identiques à celles du
harcèlement moral s’appliquent.
D’après la loi n° 2012-954 du 6 août 2012, le harcèlement sexuel se caractérise
par « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou com-
portements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en
raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre
une situation intimidante, hostile ou offensante. »
Tout agissement, même non répété, peut être assimilé à du harcèlement s’il
s’apparente à une forme de pression grave dans le but d’obtenir un acte ou
une faveur de nature sexuelle pour soi-même ou au profit d’un tiers.
Le harcèlement sexuel peut être oral (plaisanteries et allusions à conno-
tation sexuelle, commentaires sur le sexe ou la sexualité d’une personne)
ou physique (contacts, attouchements, pincements, effleurements, regards
insistants ou gestes à connotation sexuelle). Il est sanctionné de deux ans
d’emprisonnement et 30 000 € d’amende, portés à trois ans et 45 000 € en cas
de circonstances aggravantes (article 222-33 du Code pénal).

Exemples de jurisprudence
Sont constitutifs d’un harcèlement sexuel :
• Des propos à connotation sexuelle tenus par un supérieur ainsi que des
attouchements sans liens avec la relation hiérarchique (arrêt de la chambre
criminelle de la Cour de cassation, pourvoi n° 07-87878 du 3 juin 2008).
• Le comportement d’un employeur vis-à-vis d’une salariée : compliments
faits sur son corps, demande de porter des jupes pour montrer ses jambes,
attouchements et recherche de frottements (arrêt de la cour d’appel de
Reims, requête n° 06/01086 du 19 septembre 2007).
• La demande d’un supérieur à une de ses salariées d’avoir des rapports
sexuels avec lui contre une augmentation de salaire (arrêt de la cour d’ap-
pel de Douai, requête n° 06/00150 du 31 janvier 2007).

37
Les risques psychosociaux

Le cas particulier de la fonction publique


Dans les trois fonctions publiques, les RPS font l’objet d’un accord-cadre du
22 octobre 20131, précisé par une circulaire du Premier ministre du 20 mars
20142. Chaque employeur public doit élaborer un plan d’évaluation et de
prévention des RPS. Les agents et membres du CHSCT devront être étroite-
ment associés à l’élaboration de ce diagnostic qui sera conduit par un groupe
de travail pluridisciplinaire et dont le résultat devra ensuite être intégré au
document unique d’évaluation des risques professionnels. Enfin, les plans
d’action seront mis en place par les chefs de service et leur efficacité sera
suivie, notamment à partir de quatre indicateurs :
– le taux d’absentéisme pour raisons de santé ;
– le taux de rotation des agents ;
– le taux de visites sur demande au médecin de prévention ;
– le taux d’actes de violence physique envers le personnel.
La Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP)
propose plusieurs brochures et guides pour outiller ces démarches.

1. Accord-cadre sur la prévention des RPS dans les trois versants de la fonction publique.
2. Circulaire n° 5705/SG relative à la mise en œuvre du plan national d’action pour la prévention des
risques psychosociaux dans les trois fonctions publiques.

38
2
CHAPITRE

Comprendre les RPS

Nous allons présenter un modèle permettant de comprendre l’apparition des


RPS sur le lieu de travail, puis identifier et décrire les facteurs en cause, enfin
les ressources psychosociales pour compenser ces contraintes.

1. RPS : une combinaison de contraintes


et de ressources psychosociales
Nous proposons ici un modèle dynamique d’appréhension des RPS basé sur
l’idée que ces risques surviennent dans les situations de travail vécues par le
personnel et que ces situations empêchent ou limitent la capacité qu’ont ces
salariés ou agents à construire leur santé au travail. La santé n’est donc pas
perçue comme l’absence de maladie mais comme un état en constante
évolution, qui se renforce ou s’affaiblit en fonction du vécu au travail. De
plus, les RPS ne sont pas pensés comme la conséquence mécanique de fac-
teurs de risques mais comme la diffraction locale d’un ensemble de facteurs
variés qui se combinent pour produire des conséquences néfastes pour la
santé physique et mentale.
Les outils d’évaluation mobilisés pour appréhender les risques professionnels
classiques ne sont pas pleinement adaptés pour identifier précisément les
troubles multifactoriels comme les RPS, car il ne s’agit pas d’un « danger » à

39
Les risques psychosociaux

proprement parler. En outre, on ne peut pas se contenter d’un sentiment diffus


de malaise si l’on veut identifier des leviers d’action concrets. Or, saisir les
RPS suppose de s’intéresser en premier lieu aux facteurs de risques concrets,
mais également aux ressources permettant d’y faire face.
Les facteurs psychosociaux sont présents dans toutes les situations de travail.
Dans la majorité d’entre elles, heureusement, ces facteurs n’empêchent pas
la construction de la santé. Toutefois, une situation de travail peut égale-
ment produire des effets néfastes sur la santé du fait d’un déséquilibre entre
contraintes et ressources :
• Provenant d’un excès de facteurs de contraintes (qui génèrent des
conséquences psychosociales).
• Issu d’un déficit de ressources psychosociales pour y faire face.

Contraintes

Ressources
• Insécurité (emploi ou perspectives)
• Intensité et complexité du travail
• Faible degré (ou trop élevé) d’autonomie • Clarté des rôles, responsabilités
• Conflits, ambiguïtés ou responsabilités de rôle et perspectives
• Relations dégradées et violences externes • Autonomie
• Exigences émotionnelles • Soutien social
• Conflits éthiques • Reconnaissance et justice
• Déséquilibre vie professionnelle et personnelle • Participation
• Autres facteurs (conditions de travail, etc.) • Respect

Modèle explicatif de la survenue des RPS : un (dés)équilibre


entre contraintes et ressources

Le modèle proposé ici est donc une combinaison de contraintes et de res-


sources : tant que la perception subjective du personnel est qu’il existe un
équilibre entre ces contraintes et ces ressources, tout va bien, le travail ne
constitue pas un frein mais un moteur pour la construction de la santé des
salariés. Les RPS surviennent lorsqu’un sentiment de débordement ou de

40
Comprendre les RPS

surcharge des contraintes se produit. Plus cette situation est intense et se


prolonge, plus les RPS sont importants et leurs effets élevés :
• Sur la santé mentale : troubles anxieux, état dépressif (pouvant évo-
luer en tendances suicidaires).
• Sur la santé physique : troubles divers (du sommeil, de la digestion,
de la libido, etc.), douleurs, épuisement, contribution aux troubles
musculo-squelettiques (TMS), syndrome métabolique (obésité et
résistance à l’insuline pouvant mener au diabète), hypertension arté-
rielle, risque accru d’accident vasculaire cérébral (AVC) et d’accident
cardio-vasculaire, chute significative des défenses immunitaires, etc.
• Sur la cognition, les émotions et le comportement : troubles de
la concentration, pertes de mémoire et difficultés d’apprentissage,
difficultés à prendre des initiatives et des décisions, erreurs accrues,
sensibilité et nervosité accrues, crises de larmes, de nerfs, tristesse et
effacement, modification du comportement alimentaire, agressivité,
problèmes familiaux, isolement social, consommation de somnifères,
d’anxiolytiques, de tabac, d’alcool, de drogues, etc.

La notion d’équilibre
Des modèles scientifiques illustrent la notion d’équilibre entre facteurs. Dans
les travaux de Karasek ou de Siegrist, scientifiques ayant développé des
modélisations et questionnaires pour évaluer certaines dimensions des RPS,
équilibre doit être respecté si l’on ne veut pas que le travail rende malade :
• Pour Karasek et Theorell, l’état de job strain survient en cas de faible auto-
nomie et de fortes exigences du travail, et en l’absence de soutien social
des collègues ou du manager.
• Pour Siegrist, les effets sur la santé surviennent en cas de déséquilibre
entre les efforts fournis et les récompenses reçues.
Dans les deux cas, ces deux facettes des RPS sont bien de l’ordre de la com-
binaison de facteurs qui, créant un déséquilibre, rendent le travail moins sou-
tenable et entraînent des effets sur la santé.

L’idée de combinaison de facteurs implique qu’une situation de surcharge


de travail liée à un changement d’outil informatique qui se révèle capricieux
et dysfonctionnel pourra être aggravée par l’absence de formation adaptée à
cet outil informatique, le manque de soutien social de la part des collègues

41
Les risques psychosociaux

(qui eux aussi sont débordés et n’ont pas le temps d’aider) et le manque de
reconnaissance de la part de la hiérarchie face à l’ingéniosité déployée par le
salarié pour assurer malgré tout, dans les temps et selon les critères de qualité
requis, le traitement de ses dossiers, surtout s’il assume seul le poids de la
transgression éventuelle de certaines procédures en vue de rattraper le temps
perdu. La fatigue, le sentiment d’isolement, de débordement, d’injustice et, in
fine, de travail « mal fait » débouchant sur un mal-être (et potentiellement,
à terme, sur un état dépressif) pourraient pourtant être compensés par des
ressources qui, dans la situation décrite, font malheureusement défaut.

2. Contraintes à conséquences psychosociales


Les contraintes à conséquences psychosociales peuvent provenir de causes
venant de l’extérieur de l’organisation (un changement de réglementation,
l’évolution des besoins des consommateurs ou d’une technologie devenant
obsolète, etc.), de l’organisation elle-même (la décision d’externaliser des acti-
vités, une année difficile, etc.) ou encore au plus proche du personnel (une
ambiance de travail dégradée, un manager autoritaire, etc.). On distingue :
• L’insécurité liée à l’emploi ou aux perspectives de carrière.
• La surcharge ou sous-charge de travail.
• Le faible degré (ou, à l’inverse, le degré trop élevé) d’autonomie.
• Les conflits, ambiguïtés ou responsabilités associés au rôle.
• Les relations dégradées.
• Les violences externes.
• Les exigences émotionnelles.
• Les conflits éthiques.
• Le déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
• D’autres facteurs tels que les conditions de travail.
Ces facteurs peuvent exister à des degrés variés dans les situations de tra-
vail. Tous ne sont pas nécessairement présents simultanément. S’ils sont dits
de contrainte, c’est qu’ils représentent un ensemble d’exigences ayant des
conséquences psychosociales pour les salariés et leurs collectifs de travail.
Leur existence n’est pas en soi anormale ou problématique, car ces facteurs
sont consubstantiels à l’existence des tâches à réaliser. C’est davantage leur
combinaison spécifique, leur excès et l’absence de ressources psychosociales
adaptées qui entraînent des effets négatifs sur la santé.

42
Comprendre les RPS

L’insécurité liée à l’emploi ou aux perspectives de carrière


L’insécurité ressentie par les salariés peut se porter sur plusieurs objets : perte
d’emploi, de salaire, de statut (déqualification), de compétences et d’employa-
bilité, de possibilité de carrière, etc. Ces craintes, génératrices de troubles
(anxiété, baisse de l’estime de soi), peuvent toucher l’ensemble des salariés
en cas de difficultés économiques, de rumeurs plus ou moins fondées de res-
tructuration ou cession de l’entreprise, ou tout autre changement susceptible
de brouiller la lisibilité sur l’avenir et le maintien de l’emploi.
Certains salariés ou groupes de salariés peuvent être davantage touchés :
celles et ceux qui ont des contrats précaires (CDD, temps partiel subi), des
métiers en perte de vitesse, en grande mutation ou en rapide évolution, ou
encore les métiers des fonctions support qui, n’étant pas au cœur du métier de
l’entreprise, peuvent craindre une externalisation. Les salariés qui approchent
de l’âge de la retraite et occupent des postes de travail reconnus comme
pénibles peuvent également craindre de ne plus pouvoir exercer le même
travail dans les années à venir pour des raisons de santé.

L’insécurité, ce n’est pas que dans la tête !


Le ressenti d’insécurité n’est pas purement subjectif, la plupart des éléments
présentés ci-dessus sont objectifs. De plus, certaines pratiques de gestion
peuvent produire ou renforcer ces craintes, comme une communication
défaillante ou inexistante sur l’avenir de l’entreprise (sa stratégie et/ou ses
difficultés), des promesses d’embauche non tenues, un climat de peur déli-
bérément entretenu pour pousser les salariés à davantage de productivité ou
encore une absence de gestion prévisionnelle des emplois et compétences
ainsi qu’un manque de visibilité sur les mobilités possibles.

L’intensité et la complexité du travail


Ce facteur de contrainte est en réalité multiple. Il peut être appréhendé au
travers de trois grands axes :
• La surcharge de travail (volume quantitatif de charge physique et/ou
mentale accompagné de difficultés pour réguler son activité).
• La sous-charge de travail (à l’inverse, ne pas pouvoir s’occuper ou
exercer ses compétences, avoir l’impression de régresser, etc.).

43
Les risques psychosociaux

• La complexité du travail (les facteurs qui aggravent la possibilité de


réaliser sa charge de travail dans de bonnes conditions).

■■■La surcharge de travail


La surcharge de travail est une notion complexe, composée d’éléments quanti-
tatifs (le volume de travail) et qualitatifs (l’intensité du travail, sa complexité),
d’origine interne (par exemple, la dépendance au travail d’autrui dans la
chaîne de production) et externe (par exemple, les demandes des clients, le
cadre juridique), qui varient d’une activité à l’autre, voire d’une période de
l’année à une autre. Elle est régulièrement mise en cause dans les situations de
débordement vécues et dans la survenue du stress. Pour l’analyser, il convient
de garder en mémoire que la surcharge de travail est la conséquence d’un
ensemble d’éléments qu’il faut identifier – le constat d’une surcharge de
travail est insuffisant pour comprendre comment la réduire.
Une surcharge peut être physique et/ou mentale et entraîner diverses atteintes
à la santé mentale (allant des troubles de l’humeur à la dépression jusqu’au
risque cardio-vasculaire accru). De plus, avoir la sensation de travailler tou-
jours plus et toujours plus vite peut entraîner une atteinte à l’estime de soi
puisque le travail ne peut plus être « bien fait ». Un autre effet est de réduire
la disponibilité à autrui et donc d’entraver le soutien social, ressource impor-
tante pour la santé. Ceci dit, l’autonomie dont disposent les salariés peut
représenter un facteur de ressources pour réguler ces situations de surcharge.
Ces situations peuvent être détectées par le suivi des heures réelles réali-
sées, l’augmentation des retards ou défauts de qualité, le présentéisme (par
exemple, venir travailler alors que l’on est malade ou durant un jour de congé),
l’envoi de messages électroniques tardivement ou durant les congés, la réali-
sation d’une partie du travail au domicile pour « compenser », etc.

■■■La sous-charge de travail


Même si cela est contre intuitif, la sous-charge de travail est également pro-
blématique, comme l’illustre le phénomène néfaste de « placardisation » où
la sous-charge de travail est sciemment organisée en vue de pousser dehors
un membre du personnel. La sous-charge se caractérise par le défaut ou
retrait d’activité. Elle est notamment associée à la perte d’estime de soi et de
compétences, la perte de sens et du sentiment d’utilité.

44
Comprendre les RPS

Le cas particulier du « technostress »1 lié aux NTIC


Le développement des technologies permettant le travail nomade, c’est-à-
dire la possibilité d’exercer son travail en dehors du lieu de travail, concerne
une part sans cesse croissante des salariés (et devrait concerner 40 % d’entre
eux à l’horizon 2016).
Ces situations de travail comportent certes des avantages mais sont égale-
ment des sources potentielles de stress, de fatigue, voire d’épuisement. En
cause, divers effets venant perturber la régulation de la charge de travail :
• Le brouillage entre vie professionnelle et vie privée : dans un sens, l’in-
trusion du travail dans la sphère privée, par exemple le fait de recevoir
des messages ou de pouvoir travailler le soir, le week-end ou encore pen-
dant ses périodes de congés et, dans l’autre, la consultation de son profil
Facebook sur les heures de travail.
• Une charge mentale accrue et une intensification du travail liées aux exi-
gences de réactivité et de disponibilité (aux e-mails, SMS ou messagerie
instantanée) mais aussi du fait des processus de travail optimisés grâce
aux nouvelles technologies (qui réduisent d’autant les périodes de repos),
des interruptions accrues dans le travail (doublement des salariés exposés
en dix ans), de la surcharge informationnelle (pour 58 % des salariés), de
la vulnérabilité accrue aux problèmes techniques ou de connectivité, des
heures supplémentaires réalisées ou encore de l’isolement ressenti (perte
du sentiment d’appartenance à un collectif).
• Le développement d’une technodépendance qui concernerait 7 à 10 %
des salariés.

■■■La complexité du travail


En dehors d’une stricte approche en termes de surcharge et sous-charge de
travail, il convient d’identifier divers éléments qui forment la complexité du
travail à accomplir. C’est dans la combinaison entre ces éléments que sur-
viennent les situations dans lesquelles les salariés ne peuvent plus se préparer,
souffler et récupérer ou encore moduler leur investissement dans le travail :
• Contraintes de rythme : quand les cadences, vitesses ou délais sont
imposés, notamment du fait des NTIC, des clients ou du processus
de production, les salariés doivent être très réactifs et concentrés, ce
qui accroît la charge mentale.

1. Jan Popma, Technostress et autres revers du travail nomade, Bruxelles, ETUI, 2013.

45
Les risques psychosociaux

• Contraintes liées à l’interruption de l’activité : ces éléments, plus


ou moins intégrés dans la définition du travail, engendrent la frag-
mentation des tâches. S’interrompre pour répondre à des demandes
urgentes et devoir se reconcentrer ensuite, devoir gérer simultanément
plusieurs choses… accroît la charge mentale et le risque d’erreurs.
• Degré d’écart entre le travail prescrit et le travail réel : lorsque les
procédures et les consignes ne sont pas assez précises ou complètes, ou
encore s’avèrent contradictoires, les salariés doivent trouver comment
travailler en ayant parfois peur d’être sanctionnés.
• Objectifs fixés : sont-ils explicites, précis, réalistes ? Les moyens à
disposition, notamment informations et formations, permettent-ils
de les atteindre ?
• Variété des tâches à accomplir : la polyvalence peut être mal vécue
si les salariés ne sont pas suffisamment formés ou si le changement
d’activité leur est imposé en urgence, sans anticipation.
• Degré d’attention et de vigilance : lorsque les salariés sont affectés
à des tâches de surveillance constante, qui nécessitent une concen-
tration forte et tolèrent mal le relâchement – d’où la peur de faire des
erreurs ou d’oublis –, ces activités sont génératrices de charge mentale.

Le déficit d’autonomie
L’autonomie renvoie au caractère actif des salariés (par opposition à la pas-
sivité) et, plus précisément, au degré de contrôle qu’ils exercent sur le travail
et ses conditions d’organisation. Un faible degré d’autonomie contraint très
fortement les salariés face aux exigences de travail. Elle est peut-être syno-
nyme de monotonie, d’ennui et d’absence de perspectives de développement
professionnel, de difficultés à réguler de fortes charges de travail ou à gérer
les contradictions entre le travail prescrit et le travail réel.
Le manque d’autonomie se manifeste classiquement par un vécu de « manque
de marges de manœuvre », lorsque les salariés sont mis en situation d’être
davantage passifs qu’acteurs de leur travail :
• Peu de latitude sur l’usage de son temps et de ses horaires (y compris
des temps de pause).
• Pas de possibilité de choix des priorités (les tâches à effectuer) ou des
méthodes de travail (le contenu du travail, les modes opératoires).

46
Comprendre les RPS

• Impossibilité de réguler le rythme et la cadence du travail.


• Impossibilité de prendre des initiatives.
• Peu d’opportunités de participer à la prise de décision vis-à-vis de ses
compétences ou de sa carrière.

L’excès d’autonomie
De la même façon, une « trop grande » autonomie dans l’absolu (manque de
suivi d’un style de management dit de « laisser faire » ou injonction de type
« débrouillez-vous ») ou relative (par déficit de connaissance, d’informations,
de compétences et de formation, de soutien, etc.) peut être nuisible. Le poids
des décisions à prendre seul ou encore l’incertitude sur la quantité et la qualité
des résultats et du travail fourni est source d’angoisse et de surinvestissement
par peur de ne pas être à la hauteur (voire de perdre son emploi).

Les conflits, ambiguïtés ou responsabilités associés au rôle


Plusieurs situations peuvent venir perturber le rôle (ou les rôles) joué par les
salariés dans une organisation, c’est-à-dire l’ensemble des tâches et fonctions
attendues dans le cadre de son travail et de la participation à divers collectifs
(groupe de travail, équipe projet, etc.).

■■■Les conflits de rôle


Les conflits de rôle peuvent placer le personnel dans une situation difficile-
ment tenable où des dilemmes complexes, voire insolubles, doivent souvent
être résolus seuls et peuvent entraîner des « exigences émotionnelles » (voir
ci-après, p. 50). Ces conflits surviennent notamment en cas de demandes
contradictoires ou difficilement compatibles (voire d’injonctions paradoxales),
par exemple devoir « faire vite » et « bien faire », ou encore un ordre donné
en contradiction avec des procédures ou des règles de métier.
Cette situation peut découler d’un rattachement à deux responsables hié-
rarchiques qui vont donner des instructions incompatibles. Ce conflit de
rôle peut également provenir d’un conflit entre deux rôles, par exemple,
quand le rôle professionnel implique des enjeux de carrière et des exigences
difficilement compatibles avec certains rôles personnels, tels que ceux de
parent ou de bénévole (voir ci-après : « Le déséquilibre entre vie personnelle
et vie professionnelle », p. 52).

47
Les risques psychosociaux

■■■Les ambiguïtés de rôle


L’ambiguïté d’un rôle renvoie davantage au manque de transparence au sujet
des responsabilités, des attentes ou des informations sur le contenu du travail
à réaliser. L’individu doit affronter seul l’incertitude et trouver comment jouer
son rôle de façon satisfaisante, ce qui peut entraîner anxiété (par peur de ne
pas faire assez bien) et surcharge de travail (par peur de ne pas en faire assez).
Cette ambiguïté provient de plusieurs sources potentielles :
• Des rôles peu ou mal définis, ou soumis à de fortes évolutions.
• Un déficit de procédures, de modes opératoires et, plus généralement,
d’informations, de formations, de directives ou de feed-back sur le
travail à réaliser ou ses conséquences.
• Un management de type « laisser faire » ne donnant aucune indication.
• Des objectifs flous ou des indicateurs difficiles à interpréter, etc.

■■■Les responsabilités exercées


Les responsabilités exercées peuvent également représenter un facteur de
risque, notamment lorsque le rôle exercé implique de grandes responsabilités
à l’égard du processus de production, de l’entreprise ou encore des usagers ou
clients (à l’image du chirurgien ou du cadre dirigeant) ; mais aussi lorsqu’il
existe un décalage entre les responsabilités confiées et les moyens alloués
pour les exercer (en termes d’autorité, de compétence, d’outils, de budget, etc.).

Les relations de travail dégradées


Le climat ou l’ambiance sont connus pour être des facteurs de satisfaction
ou de qualité de vie au travail. Ainsi, à l’inverse, l’isolement, l’absence de
cohésion et de solidarité dans un groupe ainsi que de soutien de la part de
collègues ou de la hiérarchie constituent des facteurs de risques pour la santé
mentale. Il s’agit même d’un des facteurs dont les effets sur la santé sont les
mieux connus et les plus forts (troubles de l’humeur, dépression, risques
cardio-vasculaires, etc.).
La violence de certaines relations constitue également un facteur de risque.
Au-delà des conflits, discriminations (raciales, sexistes, syndicales, etc.),
agressions ou harcèlements moral et sexuel, il ne faut pas négliger les com-
portements incivils (téléphoner en réunion, couper la parole, répandre des

48
Comprendre les RPS

rumeurs, lire le courrier ou les messages d’autrui, etc.). L’existence de groupes


professionnels qui, par ascendance hiérarchique, traditionnelle ou symbo-
lique, peuvent exprimer des instructions sur un ton directif ou méprisant
(par exemple, certains médecins vis-à-vis des infirmiers, certains cadres
dirigeants vis-à-vis de leur assistant ou certains enseignants vis-à-vis du
personnel administratif, etc.) sont une autre forme de relations violentes.

Le manque de civilité : erreur infime aux effets


considérables…
Cela peut sembler trivial ou anecdotique, mais le non-respect de simples
conventions sociales (dire bonjour, faire preuve de politesse et de courtoisie)
est un des facteurs produisant le plus d’effets négatifs sur les salariés.
Cela peut être considéré comme accessoire puisque, sur le lieu de travail, ce
qui compte est davantage d’être productif et efficace. Il s’avère pourtant que
le travail est avant tout composé d’individus en relation dont la satisfaction, la
motivation et la santé – éléments essentiels pour être productifs et efficaces
– passent par l’inscription dans un collectif dans lequel chacun trouve non
seulement sa place mais aussi de la solidarité, de la loyauté, de la confiance
et de la coopération. Or, le respect des conventions sociales est un des élé-
ments fondateurs de ces collectifs. De plus, les petites incivilités ou violences
ordinaires sont finalement bien plus nombreuses que les actes d’agression ou
de violence ouverte.

Les violences externes


La violence découlant de tensions et d’altercations verbales, voire physiques,
avec le public externe de l’entreprise (clients, usagers, tiers, etc.) peut pro-
venir d’un public difficile (des détenus ou malfrats, des personnes ayant
des troubles psychiatriques, etc.) ou être le résultat de dysfonctionnements
organisationnels : la mauvaise qualité des produits ou services, des erreurs
dans le traitement des dossiers ou des personnes, le développement de files
d’attente ou de délais perçus comme excessifs, ou encore des sollicitations
non désirées (par téléphone ou non), qui peuvent amener un mécontente-
ment (parfois légitime) débouchant sur des situations de tension et parfois,
malheureusement, sur des violences (toujours illégitimes).

49
Les risques psychosociaux

Ces situations sont en elles-mêmes difficiles à vivre pour les salariés (selon
leur fréquence et leur intensité) et suscitent de l’angoisse et une démobilisation
progressive, de l’absentéisme, des réactions parfois disproportionnées, etc.

Les exigences émotionnelles


Les exigences émotionnelles désignent, dans les métiers du service et de la
relation à autrui (client, patient, élève, etc.), la nécessité d’imposer un contrôle
sur ses propres émotions, notamment pour influencer les émotions d’autrui,
comme dans les métiers funéraires où le personnel doit rester imperturbable
et digne, en cohérence avec la solennité et la sérénité nécessaires au dérou-
lement des cérémonies.
Ces exigences ne sont pas nécessairement un facteur de risque, elles le
deviennent lorsque la charge psychologique de la gestion des émotions n’est
plus gérable par les salariés du fait d’un excès d’exigences et/ou d’une défail-
lance de ressources pour y faire face. Ces débordements entraînent des com-
portements de retrait, d’irritabilité ou d’insensibilité à autrui, et peuvent jouer
dans la survenue de la dépression.
Elles touchent plus particulièrement :
• Les salariés ou agents en contact permanent avec du public et avec des
situations de souffrance physique, psychologique ou sociale sans avoir
toujours le pouvoir de leur apporter de l’aide (le personnel soignant,
d’assistance sociale, etc.).
• Les personnels en charge de la gestion de tensions ou de plaintes (du
fait de l’activité d’un service de recouvrement, de mécontentements
des clients liés à des délais d’attente, etc.).
• Les métiers nombreux qui comportent une part de dissimulation de
ses émotions face au public (une hôtesse de l’air doit rester calme en
toutes circonstances), voire qui demandent de feindre des émotions
comme l’enthousiasme (les métiers de l’animation).
Si les métiers concernés sont en priorité ceux de la relation à autrui, ce facteur
de risque peut également être recherché auprès des autres salariés, car tout
métier comporte, à des degrés divers, des exigences émotionnelles. On peut
donner pour exemple ce manager qui, lorsqu’une salariée lui confie un pro-
blème personnel intime à l’origine de ses retards et baisses de performance,
se force à afficher un visage impassible, rassurant et compréhensif, alors qu’il
est très mal à l’aise et a la sensation de sortir de son rôle.

50
Comprendre les RPS

Les conflits éthiques


Les conflits éthiques peuvent être divisés en trois problématiques : les conflits
de valeurs, le travail inutile ou le travail « empêché ». Ces contraintes ren-
voient à des conflits intrapsychiques qui contribuent à alourdir la charge
mentale, à réaliser des tâches d’une façon qui est contraire aux valeurs per-
sonnelles ou professionnelles auxquelles on adhère et à dégrader l’estime de
soi et la fierté de son travail.

■■■Les conflits de valeurs


Ces conflits sont relatifs aux tensions de valeurs auxquelles sont confrontés
certains salariés lorsqu’ils sont amenés à faire des choses qu’ils réprouvent et
doivent arbitrer entre ce que l’organisation leur demande de faire et ce qu’ils
estiment juste du fait de leurs convictions personnelles ou de leur culture
de métier (par exemple, lorsqu’un manager doit licencier un collaborateur
pour cause de réduction d’effectif alors qu’il estime qu’aucun membre de son
équipe ne le mérite au vu de leur implication et de leur loyauté ; lorsque l’on
demande à un salarié de « couvrir » une erreur ou de mentir pour protéger
quelqu’un). Les salariés des professions en contact avec le public peuvent être
exposés à de tels conflits du fait soit de leur rôle de représentation (ou de
défense) de leur institution qui ne délivre pas le service ou produit attendu,
soit des injonctions à vendre qui entrent en contradiction avec l’analyse quant
aux réels besoins des usagers.
Ces situations peuvent également survenir lorsqu’une organisation adopte
rapidement des valeurs ou critères d’évaluation qui lui étaient étrangers (par
exemple, lorsqu’une organisation publique, suite à sa mise en concurrence,
met l’accent sur des objectifs commerciaux alors que sa culture était davan-
tage de trouver des solutions aux besoins et problèmes des usagers).

■■■Le travail inutile


La sensation de réaliser un travail qui n’a pas de sens survient lorsque les
salariés ne peuvent percevoir concrètement en quoi ce qu’on leur demande
de réaliser est utile pour l’organisation, le service ou encore les clients ou
usagers. Par exemple, réaliser une tâche isolée sans savoir dans quel cadre
plus général elle s’insère ou devoir commencer des projets qui s’arrêtent en
cours de route pour travailler sur d’autres qui connaîtront le même sort. Ce
sentiment d’inutilité de ce que l’on réalise (et donc de son rôle et de soi) est
en lien avec un manque d’information et de reconnaissance des salariés.

51
Les risques psychosociaux

■■■Le travail « empêché »


Une autre contrainte découle de l’impossibilité pour les salariés de faire un
travail de qualité, c’est-à-dire d’être obligé de réaliser un travail que l’on juge
médiocre, bâclé, qui ne satisfait pas à ses propres exigences ou à celles des
normes du métier1.
Ce facteur de perte de confiance et d’estime de soi découle d’une absence de
fierté de son travail, qui est souvent liée à une absence de moyens permettant
de « bien travailler » (manque de temps, de matériel, de compétences, etc.)
ou à un découpage poussé des tâches, qui limite l’intervention des salariés
à une partie réduite du processus de travail et empêche de se projeter dans
le produit de son activité.

Le déséquilibre vie personnelle-vie professionnelle


Les difficultés à concilier la vie personnelle et la vie professionnelle concernent
31 % des salariés2, notamment les parents de plusieurs enfants ou d’enfants en
bas âge, les salariés ayant des parents âgés à charge, ceux habitant loin de leur
lieu de travail, etc. Les femmes sont davantage touchées que les hommes, car
elles sont plus exposées à des contrats de travail atypiques mais aussi du fait
des inégalités qui subsistent en termes de répartition des tâches concernant
le travail domestique. Cet état de fait entretien d’ailleurs les inégalités d’accès
aux promotions et à l’exercice de responsabilités.
Les facteurs en cause sont multiples, notamment un faible degré de contrôle
sur ses horaires ou la faible tolérance de l’encadrement face à ces questions.
Ils entraînent plusieurs types de difficultés :
• Dans les contraintes de gestion du temps de présence avec, comme
corollaire, une intensification du travail sur les heures de présence,
un stress accru en cas de faible maîtrise de ses horaires d’arrivée et
de départ, de communication tardive ou de changements fréquents
de son planning, etc.
• Dans la conciliation des horaires de travail avec l’organisation de la vie
personnelle et familiale, en particulier en cas d’amplitudes horaires
élevées ou d’horaires atypiques en décalage avec le rythme de la vie

1. Cette notion a été bien développée par Yves Clot (voir notamment son ouvrage Le travail à cœur, La
découverte, 2010).
2. Malakoff Médéric, Baromètre santé et bien-être au travail, avril 2014.

52
Comprendre les RPS

sociale, ou encore d’horaires de prise de poste (ou de fin de poste)


décalés par rapport aux transports en commun, etc.
• Dans l’acceptation de pratiques pourtant illégales où le salarié est
contacté – et donc supposé disponible pour des raisons profession-
nelles – en dehors de ses heures de travail ou durant ses congés ou
arrêts maladie pour effectuer un travail (hors situations d’astreinte).

Les autres facteurs

■■■Les horaires de travail


Les horaires irréguliers ou atypiques, en décalage avec le rythme classique
de la vie sociale comme le travail de nuit, en horaires alternants (les 3 × 8
ou 2 × 12), en horaires décalés (le soir et le week-end) ou encore en horaires
fractionnés (7 h-10 h puis 15 h-19 h), sont connus comme des facteurs de
stress potentiels.
Les horaires excessifs sont également connus pour être des facteurs de
contraintes, notamment parce qu’ils limitent la capacité à prendre du repos
et à récupérer. Au-delà du non-respect de la réglementation sur le temps de
travail, ils désignent plusieurs choses qui sont en lien avec la charge de travail :
– l’amplitude horaire quotidienne (arriver tôt et partir tard) ;
– le volume horaire hebdomadaire (particulièrement préoccupant
quand il dépasse de façon régulière les 45 heures par semaine) ;
– la non-prise des congés ou le travail lors des moments de repos obli-
gatoires ;
– la présence même en cas de maladie (soit une des formes du présen-
téisme), etc.

■■■Le travail dangereux


Devoir travailler dans des conditions estimées dangereuses, paraissant pou-
voir entraîner des accidents graves (de type chute de hauteur ou heurt avec
un engin mais aussi contact avec une population violente ou imprévisible),
des maladies professionnelles du fait du contact avec des agents chimiques
dangereux (notamment cancérogènes) ou des agents biologiques virulents
(comme des virus et bactéries), entraîne un sentiment de peur et de menace
qui s’ajoute aux exigences émotionnelles du métier.

53
Les risques psychosociaux

■■■L’environnement physique
Plusieurs facteurs de contraintes peuvent provenir de l’environnement du
poste de travail et sont reconnus comme des facteurs de stress :
• Travailler dans un bruit constant (mais pas nécessairement élevé au
point de dépasser des seuils de danger pour l’audition) amène notam-
ment la nécessité d’une concentration accrue (charge mentale) et, plus
généralement, de la fatigue.
• Travailler dans un environnement exposé à la chaleur (par exemple, à
proximité de fours) ou au froid (par exemple, dans des zones réfrigérées).
• Être exposé à divers facteurs comme l’humidité, la pollution, etc.

Facteurs de contraintes à conséquences psychosociales

L’insécurité :
• Insécurité pour la conservation de son emploi (changements subis, etc.)
• Insécurité pour les perspectives de carrière et de développement des compétences

L’intensité et la complexité du travail :


• Surcharge de travail (physique, mentale, etc.)
• Sous-charge de travail (isolement, voire placardisation)
• Complexité du travail (rythmes et cadences imposés, perturbations et interruptions, objectifs en décalage
avec les moyens alloués, exigences importantes de concentration et de vigilance, etc.)

Le degré d’autonomie :
• Faible degré d’autonomie (sur les horaires, l’organisation du travail – contenu et/ou méthode –, la régulation
du rythme et de la cadence, la prise d’initiatives, etc.)
• Autonomie « excessive » (impression de devoir se débrouiller seul)

Le rôle :
• Conflits de rôle (faire face à des contradictions, voire des injonctions paradoxales)
• Ambiguïtés de rôle (incertitudes sur ce que l’on attend de nous)
• Responsabilités élevées ou déficit de moyens pour l’exercer

Les relations dégradées et les violences externes :


• Ambiance de travail dégradée (et formes de violence interne)
• Violences externes (usagers, clients, etc.)

Les exigences émotionnelles :


• Contact avec la souffrance (sans pouvoir la soulager)
• Exposition à des tensions, incivilités
• Nécessité de cacher ses émotions

54
Comprendre les RPS

Facteurs de contraintes à conséquences psychosociales

Les conflits éthiques :


• Conflits de valeurs (faire des choses que l’on réprouve)
• Travail inutile (ou n’ayant pas de sens)
• Travail « empêché » (ne pas pouvoir faire un travail de « qualité »)

Le déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle :


• Horaires non maîtrisés ou atypiques (en décalage avec la vie sociale)
• Exigence (tacite) de disponibilité du salarié en dehors de son temps de travail

Autres facteurs :
• Horaires irréguliers, atypiques
• Amplitude horaire élevée
• Travail « dangereux »
• Conditions de travail difficiles (bruit, chaleur, froid, etc.)

3. Ressources psychosociales
pour la construction de la santé
Les facteurs constituant des ressources psychosociales sont des moyens de
faire face aux facteurs de contraintes évoqués précédemment. Dans une
situation impliquant des RPS, il se peut que ces facteurs de ressources soient
défaillants ou encore insuffisants pour permettre de gérer les exigences du
travail et de l’organisation ; une des pistes de solution est ainsi de favoriser
le développement de ces ressources.
Nous pouvons distinguer :
• La clarté des rôles, responsabilités et perspectives.
• L’autonomie.
• Le soutien social.
• La reconnaissance.
• La justice.
• La participation.
• Le respect.
Comme les facteurs de contraintes, ces ressources psychosociales se pré-
sentent sous forme de diverses combinaisons dans les situations de travail.
Ces ressources sont dites « psychosociales », car leur nature est soit d’ordre

55
Les risques psychosociaux

psychologique, soit d’ordre social, soit les deux. Elles ont de multiples ori-
gines : du collectif de travail au manager, des politiques de l’organisation
au design des postes de travail, etc. Leur développement n’est pas toujours
facile à maîtriser, le respect ou encore le soutien social n’étant que partielle-
ment contrôlables à l’échelle d’une organisation. Néanmoins, comme nous
le soulignerons dans l’outil n° 20 présenté au chapitre 5, diverses initiatives
peuvent favoriser la création, l’entretien ou le développement de ces ressources
essentielles pour affronter les exigences du travail.

La clarté des rôles, responsabilités et perspectives


Cette ressource est peu ou prou l’inverse des facteurs de contraintes soule-
vés précédemment tels que l’insécurité, les conflits, les ambiguïtés de rôle
ou les conflits éthiques. Plusieurs facteurs peuvent limiter ces facteurs de
contraintes et soutenir le sens donné par les salariés à leur travail, notam-
ment en donnant à chacun de la visibilité sur sa place dans l’entreprise ainsi
que sur sa contribution.
Ces facteurs sont à rechercher dans l’existence de pratiques visant à infor-
mer les salariés concernant les projets de l’organisation, à clarifier leur rôle
et la nature de leur contribution, ou encore à enrichir leur travail en leur
fournissant les moyens de l’accomplir :
• Effectuer des tâches variées et complètes (plutôt que partielles et par-
cellisées).
• Expliquer à chacun les tenants et aboutissants de sa contribution (par
exemple, présenter le produit final fabriqué afin que chacun puisse
appréhender où et quand il intervient dans le processus de production).
• Préciser les rôles et responsabilités, notamment au sujet de ce qui
est attendu des salariés (de façon formelle lors d’entretiens ou plus
informelle au quotidien et lors de réunions périodiques avec l’équipe),
et s’assurer qu’ils ont une vision claire de ce qui est attendu d’eux.
D’autres actions, en complément, permettent de donner de la visibilité sur
l’évolution de l’entreprise :
• Informer sur les résultats de l’entreprise, en plus d’une information
sur les résultats individuels et collectifs.
• Présenter la stratégie et les changements à venir en permettant de
poser des questions et en y répondant.

56
Comprendre les RPS

• Avoir une direction présente sur le terrain, visible et accessible en vue


d’humaniser l’entreprise et de réduire le sentiment de coupure entre
les salariés et les cadres dirigeants.

Et si l’on réactivait les groupes d’expression ?


Les « groupes d’expression » prévus par les lois Auroux (article L. 2281-1 et
suivants du Code du travail) sont peu à peu tombés en désuétude. Pourtant,
ils peuvent être une des occasions de fournir ces ressources aux salariés ! Par
exemple, dans une entreprise de la région parisienne du secteur de l’assu-
rance, la direction va deux fois par an à la rencontre des salariés réunis en
petits groupes et répond directement à leurs questions.

L’autonomie
Un degré élevé d’autonomie représente une ressource permettant de mieux
vivre et de mieux gérer des situations de surcharge de travail. Pour simplifier,
il faut rechercher un certain degré d’autonomie – entre trop et trop peu –
pour lequel les effets sur la santé sont plus favorables.
Un degré d’autonomie, de prise d’initiatives et de responsabilités dans son
travail est source d’apprentissage, donne du sens, permet de faire preuve de
créativité et d’utiliser ses compétences, de s’auto-organiser, etc. L’autonomie
renvoie, d’une part, aux marges de manœuvre et, d’autre part, aux possibilités
de participation aux décisions qui concernent les salariés :
• Degrés d’autonomie dans la réalisation de l’activité : relative liberté
dans le choix du contenu et des rythmes de travail, dans la gestion
des erreurs et dysfonctionnements, etc.
• Degrés d’autonomie dans les conditions de travail et d’emploi : pos-
sibilité de choisir ses temps de pause, ses congés, les aménagements
horaires ou de l’espace de travail, les formations suivies, etc.
• Degrés d’autonomie dans le parcours professionnel : accès favorisé aux
différentes formes de mobilités internes, à un parcours de carrière, etc.
Les mesures visant à donner plus d’autonomie doivent être accompagnées des
formations et informations nécessaires pour que les salariés puissent « bien
vivre » ces nouvelles responsabilités. En effet, l’autonomie peut se révéler un
fardeau quand elle devient trop grande, trop rapidement et plonge les salariés

57
Les risques psychosociaux

dans un doute et une incertitude quant au bien-fondé des décisions et des


choix qu’ils réalisent. Il s’agit donc d’accompagner vers l’autonomie plutôt
que de « lâcher » de nouvelles marges de manœuvre.

L’autonomie : avoir confiance pour enrichir le travail


Donner de l’autonomie suppose de faire confiance et de réduire la prescrip-
tion (procédures de travail, modes opératoires), de limiter la fréquence et
l’intensité des contrôles et, au-delà, de limiter la division du travail en tâches
élémentaires (mais plutôt de favoriser la réalisation d’une activité plus com-
plexe tant du point de vue de la variété des tâches que des responsabilités
exercées). Il s’agit en somme de favoriser une organisation du travail qui vise
l’enrichissement des tâches des salariés.

Le soutien social
Le soutien social est une autre ressource puissante pour pouvoir faire (et bien
faire) son travail. Il s’agit de la possibilité de pouvoir résoudre les difficultés
rencontrées dans le cadre de son travail et des tâches que l’on doit réaliser,
mais aussi de mieux vivre des situations ou événements difficiles comme
une altercation avec un client ou encore des doutes ou angoisses vis-à-vis des
décisions à prendre. Ce soutien est donc un facteur aidant tant à surmonter
les problèmes techniques et opérationnels qu’émotionnels. Plus concrètement,
celui-ci se trouve auprès des collègues (ou des pairs) et de la hiérarchie.

■■■Le soutien social des collègues, des pairs, du réseau


Ce soutien social est facilité par l’existence de collectifs et, dans une moindre
mesure, par l’existence de lieux et moments de convivialité. Plus générale-
ment, il se manifeste lors des occasions d’échanger avec autrui, de construire
un langage commun et des règles partagées, de bénéficier de l’aide ou des
conseils des collègues et des pairs en cas de difficultés ou de problèmes
rencontrés. La qualité de la communication entre les membres d’une équipe
ou d’un groupe et l’existence de possibilités d’expression (par exemple, pour
donner son avis ou exprimer une inquiétude) favorisent également ce soutien.
Le collectif apportant le soutien peut être l’équipe proche (les collègues) ou
toute autre forme de collectif résultant du réseau social du salarié, y com-
pris en dehors de l’entreprise (les collègues représentants du personnel, les

58
Comprendre les RPS

professionnels d’un métier donné, etc.). Il repose sur l’établissement de rela-


tions de confiance et d’estime, les manifestations d’empathie et de réconfort,
qui constituent des ressources fondamentales pour maintenir l’estime de
soi et le sentiment d’appartenance à un collectif, éléments essentiels dans la
construction de la santé au travail.
Ce soutien permet de discuter des problèmes « du métier », de progresser
dans sa pratique personnelle grâce aux conseils des autres et en donnant
soi-même des conseils ou un coup de main (recevant ainsi reconnaissance
et gratitude). Il permet également de mieux vivre des tensions émotionnelles
liées aux échecs ou situations difficiles (incident, surcharge de travail, conflits,
etc.). Il est donc important de veiller à créer, soutenir mais aussi à ne pas
détruire les collectifs de travail.

Les potentiels effets pervers du lean


La chasse au temps mort visant à optimiser la gestion des ressources humaines
au travers de méthodes inspirées du lean manufacturing peut entraîner des
effets pervers comme la réduction des temps de récupération mais également
la diminution des possibilités de rencontres et d’échanges, qui sont pourtant
autant d’occasions de créer de la cohésion et d’échanger sur les ficelles du
métier, donc d’entretenir le soutien social. Il faut donc être vigilant à ne pas
supprimer ou réduire ces ressources importantes pour le maintien de la santé
et d’un travail de qualité.

■■■Le soutien social de la hiérarchie


La relation au supérieur hiérarchique joue ici un rôle particulier. Les attentes
vis-à-vis des managers sont souvent (très) élevées ; le soutien en fait partie.
Voilà un ensemble d’indications sur ce que les salariés attendent de leurs
managers en la matière :
• Donner les ressources nécessaires pour faire le travail.
• Faire preuve d’équité et d’autorité, si nécessaire, pour rappeler les
règles et recadrer les dérives (notamment pour maintenir l’équité).
• Aider et conseiller en cas de difficultés, faire preuve d’écoute et d’em-
pathie.
• Défendre les salariés et promouvoir leur travail.

59
Les risques psychosociaux

• Donner des informations claires et sincères tant sur les instructions


de travail que sur les évolutions de l’entreprise ou du service.
• Donner un retour ( feed-back) sur l’activité du salarié et ses résultats.
• Organiser des espaces de participation et d’expression.
• Ne pas sanctionner sans avoir cherché à comprendre.
• Donner un coup de main, se « retrousser les manches » en cas de coup
dur ou de surcharge de travail de l’équipe, etc.

■■■Les éléments favorables au soutien social


Cette ressource essentielle dans la prévention et l’affrontement des facteurs de
risques suppose que des collectifs de travail puissent se construire et perdurer :
• Si les rôles et responsabilités sont répartis de façon équitable.
• Si le dialogue est possible avec la hiérarchie.
• S’il existe une certaine entraide, par exemple, du fait d’une certaine
polyvalence (afin que chacun puisse épauler autrui) et d’un travail
en équipe (lorsque les salariés sont interdépendants et partagent la
responsabilité du résultat).
• Si les « nouveaux » font l’objet d’une véritable intégration (et pas seu-
lement d’un bizutage).
• Si des réunions régulières d’échange sur les difficultés rencontrées
sont organisées (de type « espaces de discussion »).
• Si les temps et horaires de travail permettent de se croiser.
• S’il existe de la convivialité (repas d’équipes, espace de détente et temps
de pause commun, etc.).

Le soutien social des salariés nomades ou distants…


Si l’entreprise pratique le télétravail ou travail à domicile, ou encore a une
population de travailleurs nomades (tels que les commerciaux), le soutien so-
cial peut tout de même exister grâce à des outils technologiques (messagerie
instantanée de type chat, visioconférences de supervision, etc.) et l’organisa-
tion de temps de présence (par exemple, via une réunion d’équipe ou encore
l’obligation d’être au moins deux jours par semaine au bureau).

60
Comprendre les RPS

La reconnaissance
La reconnaissance prend diverses formes qui sont autant de paroles ou d’actes
tournés vers les personnes (et parfois les collectifs) :
– la reconnaissance de la personne en tant qu’être humain (sa dignité,
sa singularité, ses droits fondamentaux) ;
– la reconnaissance de ses habiletés, compétences, savoir et savoir-faire
ou expertises ;
– la reconnaissance de ses résultats, de son utilité ;
– la reconnaissance de ses idées, initiatives, capacités à s’exprimer.
La reconnaissance est partiellement subjective et complexe : il n’est pas tou-
jours évident de dissocier reconnaissance de l’autre sur des aspects personnels
et reconnaissance de son travail. Toutefois, des éléments objectifs contribuent
à faire exister cette ressource, notamment la rétribution des salariés, que
ce soit la rétribution matérielle et financière (le salaire, les primes, etc.), la
rétribution davantage tournée vers l’assurance de conserver son emploi, de
progresser (par exemple, de développer ses compétences) ou la rétribution
plus « symbolique » qui consiste à obtenir de la considération, de l’écoute,
des remerciements et des éloges, le cas échéant.
C’est donc la capacité à fournir cette reconnaissance qui est questionnée tant
au niveau de la hiérarchie que de l’organisation, notamment via le service de
gestion des ressources humaines qui peut fournir à la hiérarchie les moyens
de cette reconnaissance. La reconnaissance peut également se manifester
par des retours d’informations (ou feed-back) sur les résultats individuels et
collectifs, qui peuvent être réalisés à l’occasion des entretiens annuels et des
points de suivi réguliers. Ces moments privilégiés permettent de déceler des
difficultés et d’apporter de l’aide, de recueillir des initiatives ou idées nouvelles
exprimées par chacun. Au-delà de l’écoute, du respect et des encouragements,
la reconnaissance porte également sur l’expression des erreurs (le fameux
« droit à l’erreur ») et problèmes rencontrés ainsi que leur prise en compte
effective par la hiérarchie.
La reconnaissance peut provenir de la hiérarchie mais également des pairs (les
collègues), d’autres personnes comme les clients ou les usagers, ou encore être
suscitée au travers des grands processus de gestion des ressources humaines
dans l’entreprise, et notamment :

61
Les risques psychosociaux

• Dans l’élaboration de dispositifs d’évaluation équitables, fondés sur


des critères légitimes et précis, pour lesquels tant les évaluateurs que
les évalués sont formés et informés.
• Dans l’amélioration des dispositifs de reconnaissance salariale, de
promotion interne et d’évolution professionnelle (dispositifs articulés
en cohérence avec les dispositifs d’évaluation).

Vis ma vie au travail !


Il est possible d’organiser des temps de découverte du travail des autres sala-
riés de l’entreprise afin non seulement de donner du sens en comprenant mieux
l’activité d’un autre service et son importance mais également de prendre
conscience de la difficulté et de la complexité du travail qui y est réalisé, ce qui
est difficilement visible de l’extérieur et conduit à reconnaître ce travail.
Cette démarche est particulièrement utile dans le cas de services supports
ou administratifs qui, ne constituant pas les activités « nobles » ou « symbo-
liquement valorisées » de l’entreprise, peuvent faire l’objet d’un déficit de
reconnaissance, voire avoir une image franchement négative de contrôleurs
tatillons entravant l’activité, alors que leur contribution est souvent essentielle
à la réalisation du travail de tous les autres.

La justice
Le sentiment d’injustice est un puissant moteur d’altération de l’engagement
des salariés. Il est très lié au sentiment de manque de reconnaissance et se
produit en cas de constat de décisions inéquitables, discrétionnaires ou dis-
criminatoires, qui ne sont pas justifiées aux yeux des salariés. Là aussi, il faut
distinguer une perception subjective et des éléments plus objectifs (puisque
cette perception suppose une comparaison avec autrui).
Les indicateurs du manque de cette ressource sont les éléments tendant à
montrer que les procédures d’évaluation ne sont pas appliquées de façon cohé-
rente et uniforme, ou qu’elles font l’objet d’interprétations trop peu cadrées.
En outre, une autre dimension est la sensation de ne pas avoir été récompensé
à la hauteur de sa contribution (ce qui rejoint le manque de reconnaissance),
contrairement à d’autres (ce qui donne en plus le sentiment que tout le monde
n’est pas logé à la même enseigne).

62
Comprendre les RPS

La participation
La participation est une ressource en ce sens qu’elle rend les salariés davan-
tage acteurs de leur travail et de leur avenir. Cette ressource existe dès lors que
le personnel peut avoir une influence sur la prise de décision qui le concerne.
Ces pratiques de participation se jouent tout d’abord localement, au sein de
l’équipe de travail. Elles se signalent par des réunions au cours desquelles
l’information n’est pas uniquement descendante et cela va au-delà de la pos-
sibilité de poser des questions : les salariés ont souvent des idées d’amélio-
ration ou des suggestions qui permettraient de résoudre des problèmes ou
de faciliter la réalisation du travail et l’atteinte des objectifs. Si la pertinence
de ces idées et suggestions est variable, il n’en reste pas moins que la pos-
sibilité de les exprimer constitue une ressource (en cela, c’est une forme de
reconnaissance d’autrui, de sa parole, de son savoir et de son savoir-faire).
Toutefois, pour éviter de décevoir les attentes exprimées par celles et ceux
qui participent, il faut aussi prendre en compte ces idées et suggestions :
une simple consultation sans que les salariés ne se retrouvent ensuite dans
les décisions prises est contre-productive à cet égard, car elle décourage la
participation ultérieure. La prise en compte de ces idées, l’explication des
décisions retenues à leur égard, l’encouragement des initiatives et de la prise
de responsabilité… sont autant de signes que des ressources existent pour
faire face aux contraintes du travail. Ceci étant dit, cela dépend au moins
autant de l’ouverture, de la confiance du responsable ou du manager dans ses
équipes que du pouvoir décisionnel réel dont il dispose. Sans un minimum
d’autonomie sur les décisions concernant son équipe, le manager ne peut que
difficilement organiser un réel processus de participation et la dynamique
collective qui en découle.
Ces pratiques peuvent également renvoyer aux capacités d’expression sur les
décisions de changement. Ainsi, mieux vaut investir dans la diffusion d’infor-
mations et la création d’espaces de discussion au sein des équipes que dans
l’organisation de « grand-messe » où l’information descendante et contrôlée
répond rarement aux questions ou préoccupations quotidiennes des salariés,
leur donnant l’impression de n’être que spectateurs de ce qui leur arrive. Cela
suppose notamment d’associer les salariés en amont des changements et des
nouveaux projets afin de ne pas donner l’impression d’une prise de décision
autoritaire et obscure considérant que « l’intendance suivra ».

63
Les risques psychosociaux

Le respect
Être respecté, c’est avoir le sentiment que l’on est traité avec certains égards
(vis-à-vis de ses droits, de son statut, de son individualité, de son expérience,
etc.) et que personne ne cherche à nous porter atteinte. Il s’agit d’une notion
assez variable d’un individu à un autre ou d’un contexte professionnel à
un autre : le niveau de (manque de) respect toléré varie selon les cultures
d’entreprise, voire de métier.
L’enjeu de cette ressource qu’est le respect est de permettre l’établissement
de relations positives et durables avec autrui grâce au maintien des règles de
civilité, de politesse et de savoir-vivre, et au rejet des incivilités qui, bien que
représentant des formes mineures de violence, n’en constituent pas moins un
comportement qui contribue à alimenter les tensions et à nourrir les conflits,
mine l’ambiance et a des conséquences négatives sur le soutien social ou le
partage d’informations.
En premier lieu, nous trouvons les actes essentiels, notamment le respect des
conventions usuelles de politesse vis-à-vis des salariés tant par la hiérarchie
que par les collègues, les autres salariés ou le public (usagers, clients, etc.) avec
lesquels on travaille. Nous sommes tous concernés et cela commence par
soi-même : pour être respecté, il faut déjà reconnaître l’autre et le respecter.

Que penser des « chartes de bonne conduite » ?


Il peut être tentant de formaliser une charte du respect dans l’entreprise avec
les partenaires sociaux. Si cette initiative a le mérite d’ouvrir le débat autour
de la question du respect, cette charte sera en elle-même assez peu incitative
pour modifier les comportements si elle reste une action isolée et si, à tous les
niveaux de l’organisation (en commençant par les plus élevés), l’exemplarité
au quotidien n’est pas donnée.

Toutefois, ce n’est pas qu’une affaire de comportement individuel. Il existe


des conditions défavorables qui nourrissent la dérive des comportements : par
exemple, la surcharge de travail ou l’usage excessif des possibilités offertes
par les NTIC peuvent conduire à répondre trop rapidement, à ne pas pouvoir
s’expliquer suffisamment, à sentir que l’on n’a pas le temps de « prendre des
gants » ou encore à faire plusieurs choses en même temps, donnant ainsi le

64
Comprendre les RPS

sentiment que l’on est indifférent à autrui. D’une manière générale, le respect
s’épanouit difficilement dans des contextes de manque de temps pour se
parler, pour échanger des informations et se comprendre. De plus, les chan-
gements qui sont sources de tensions entre les salariés ou les promotions et
récompenses peu ou mal expliquées (ou attribuées de façon discrétionnaire)
peuvent susciter des jalousies. Enfin, le recours à certains contrats précaires
crée une disparité de statuts, qui ouvre la porte à des abus potentiels (par
exemple, faire miroiter un CDI).
Enfin, cela suppose également pour le supérieur hiérarchique d’investiguer
à froid, avec distance et recul critique, les situations où des personnes se
sentent victimes d’irrespect et, le cas échéant, de recadrer les comportements
irrespectueux.

Facteurs de ressources psychosociales

La clarté des rôles


La clarté des responsabilités
L’information sur les perspectives d’avenir (de l’organisation, d’évolution personnelle)

L’autonomie :
• Dans la réalisation de l’activité (contenu et rythme du travail, etc.)
• Dans les conditions de travail et d’emploi (horaires, temps de pause, congés, etc.)
• Dans le parcours professionnel (mobilité, formations, etc.)

Le soutien social :
• Le soutien des collègues, des pairs et/ou du réseau
• Le soutien du manager

La reconnaissance :
• De la personne en tant qu’être humain
• De ses habilités, compétences, savoir et savoir-faire
• De ses résultats et de son utilité
• De ses idées, de ses initiatives et de sa capacité à s’exprimer

La justice (équité, égalité de traitement, récompenses au mérite, etc.)

La participation :
• À la résolution des problèmes et à l’amélioration de son travail
• Aux décisions qui concernent le personnel et son avenir

Le respect :
• La considération
• L’absence de violences ordinaires

65
Les risques psychosociaux

4. Conclusion sur le modèle proposé


Le modèle proposé ici est une simplification permettant de démêler, dans
le flux des informations concernant les RPS, pourquoi certaines situations
deviennent intenables, quels en sont les causes et donc les leviers d’action
(diminuer les contraintes ou augmenter les ressources). Il peut tout à la fois
permettre l’analyse précise d’une situation de travail ou encore d’une situation
de crise. Enfin, il a pour intérêt de permettre de placer l’analyse et les actions
de prévention à plusieurs niveaux : au niveau individuel, de l’équipe et du
management, de l’organisation et de ses politiques et processus (notamment
de gestion des ressources humaines, mais pas uniquement).
Il est important de garder en tête que leur équilibre est dynamique et évo-
lutif (et reste une construction partiellement subjective) et que, quoi qu’il
arrive, favoriser les ressources psychosociales est une prévention durable et
contribue à la qualité de vie au travail (QVT).

66
3
CHAPITRE

Organiser et lancer
la démarche de prévention

Dans ce chapitre, nous allons expliciter l’intérêt d’une démarche de prévention,


en préciser les objectifs et étapes, donner des pistes pour l’adapter au contexte
et enjeux de l’organisation, et proposer des repères pour les premières étapes.

Outil 1 – Connaître les objectifs et les étapes


de la démarche de prévention
Il est nécessaire d’entreprendre une démarche rigoureuse pour évaluer les
RPS de façon globale en prenant en compte :
– l’ensemble des salariés ou agents ;
– l’ensemble des activités réalisées (y compris ponctuelles ou excep-
tionnelles) ;
– les lieux et contextes des situations de travail.
Toutefois, l’organisation d’une telle démarche n’est pas spontanée : il persiste
un certain tabou autour des RPS. Une récente enquête de l’Agence euro-
péenne pour la santé et la sécurité au travail (appelée ESENER-21) montre

1. European Agency for Safety and Health at Work, Second European Survey of Entreprises on New and
Emerging Risks (ESENER-2), EU-OSHA, 2015.

67
Les risques psychosociaux

ainsi que la première des difficultés rencontrées est la réticence à parler


ouvertement des RPS, qui touche en moyenne 30 % des établissements des
vingt-huit pays de l’Union européenne, sachant que ce pourcentage est plus
élevé encore pour les organisations de plus de 250 salariés (plus de 50 %).
Un message clé est que : ce n’est pas parce qu’aucune alerte n’a été donnée
qu’il n’y a pas de RPS et qu’il n’y en aura jamais. Comme nous l’avons vu
dans le chapitre 1, les RPS ne se limitent pas à quelques salariés (du fait de
leur travail, de leur constitution psychologique fragile, etc.). L’attitude de
déni des RPS est dangereuse : l’organisation vit en sursis, en ne gérant que
les crises qui surviennent au cas par cas, ce qui revient à s’en remettre au
hasard et à la chance, « pourvu que rien n’arrive ».
Bien que dangereuse, cette attitude est encore répandue : pour preuve, les orga-
nisations sont souvent « contraintes » de se lancer dans une telle démarche par
des indicateurs dégradés (notamment l’absentéisme), la pression d’un acteur
(inspection du travail, syndicats, membres du CHSCT, médecin du travail,
etc.) ou d’événements violents redoutés ou vécus (tentative de suicide d’un
employé). La démarche de prévention engagée est alors une réponse à un
événement ou une injonction comme le montre de façon plus générale les
motivations des organisations à l’échelle de l’Europe à traiter les probléma-
tiques de santé et de sécurité.

Zoom
Les raisons principales justifiant les démarches de prévention en Europe
Selon l’enquête ESENER-2 de l’Agence européenne pour la santé et la sécu-
rité au travail, les cinq grandes explications motivant les organisations à initier
des démarches de prévention sont :
• Répondre aux obligations légales (pour 86 % des établissements des
28 pays de l’Union européenne).
• Répondre aux attentes des employés et de leurs représentants (79 %).
• Éviter les sanctions de l’inspection du travail (78 %).
• Maintenir la réputation de l’organisation (77 %).
• Maintenir ou augmenter la productivité (64 %).
Ce sont des moyennes, les chiffres peuvent varier significativement d’un pays
à un autre.

68
Organiser et lancer la démarche de prévention

L’organisation d’une démarche de prévention, si elle ne garantit pas à 100 %


la maîtrise des RPS – qui sont des risques multifactoriels et impliquent une
dimension subjective –, permet à l’employeur de montrer sa « bonne foi »,
son attitude responsable et la recherche de priorités d’action lui permettant
de prévenir et de corriger les situations de travail potentiellement intenables
pour les salariés. De plus, en identifiant les RPS a priori, il respecte les dis-
positions juridiques relatives à l’évaluation des risques dans un document
unique mais aussi en cas de projet d’aménagement important. Ce faisant, il
sécurise la performance de son organisation, de son personnel et contribue
à leur qualité de vie au travail. L’enjeu est donc de passer d’une approche
individuelle et réactive à une approche collective et préventive.

D’une approche individuelle


... À une approche collective
de traitement des « personnes
et préventive
en souffrance »...
• Appréhender l’entreprise comme
• Actions ponctuelles (ou non) suite un collectif ou un ensemble de collectifs
aux plaintes diverses remontées de travail (non comme une collection
par les représentants du personnel de cas particuliers).
(CHSCT, DP), du médecin du travail
ou de la hiérarchie. • Identifier les problèmes avant
qu’ils ne produisent des conséquences
• Réaction à des événements en suivant une « démarche de
« révélateurs » (dépression, suicide prévention » (processus en différentes
ou tentative de suicide en lien étapes, outils rationnels permettant
avec le travail...). d’objectiver le ressenti...).

• Absence de débats en CHSCT sur • Construire un groupe pluridisciplinaire


les actions de prévention (notamment en lien avec les lieux de dialogue social
en matière de harcèlement).

Passer d’une approche individuelle et curative


à une approche collective et préventive

Lorsque l’on entreprend une démarche de prévention des RPS à l’échelle


d’une organisation dans son ensemble, en vue de maîtriser davantage les
leviers permettant de prévenir et de réduire les RPS, il est nécessaire de
s’interroger sur :
• Les objectifs de cette démarche de prévention.
• Les étapes de cette démarche.
• Son organisation concrète.

69
Les risques psychosociaux

Les objectifs, à déterminer collectivement


De façon assez classique, les objectifs d’une telle démarche sont définis autour
des axes suivants :
• L’identification et l’évaluation des RPS.
• La définition et la mise en œuvre d’un plan d’action.
D’autres objectifs peuvent y être associés, comme la mise à jour du document
unique d’évaluation des risques professionnels ou encore la structuration
d’une cellule ou d’un comité ayant pour objet le suivi pérenne des RPS.

Exemples d’objectifs d’une démarche


de prévention des RPS
• Identifier, pour l’ensemble du personnel et des activités, les situations po-
tentiellement à l’origine de RPS.
• Évaluer ces RPS de façon à hiérarchiser les situations sur lesquelles des
actions de prévention sont nécessaires.
• Intégrer (ou mettre à jour) l’évaluation des RPS dans le document unique.
• Définir (ou renforcer) la politique de prévention des RPS en proposant des
actions ciblées et concrètes, et des mesures générales de prévention.

Il n’y a rien d’évident à ces objectifs. Selon leur formulation, ils peuvent
se limiter au strict respect des obligations réglementaires ou, au contraire,
engager l’organisation dans l’édification d’une ambitieuse politique d’amé-
lioration de la QVT. Ils n’engagent donc ni les mêmes moyens, ni les mêmes
« produits » de la démarche.
Ces objectifs ne doivent pas être définis unilatéralement : le dialogue social
autour de leur définition est essentiel, ainsi que la consultation des principaux
acteurs de prévention (dont le médecin du travail). Ce dialogue se présente
de deux façons différentes et non exclusives :
• La définition des objectifs et, plus généralement, de l’organisation
d’une démarche de prévention dans un accord d’entreprise (en appli-
cation des ANI stress et harcèlement et violences).
• L’organisation d’un débat en CHSCT via l’inscription à l’ordre du jour
de l’« information sur le projet de démarche d’évaluation et de préven-
tion des RPS ».

70
Organiser et lancer la démarche de prévention

La définition de ces objectifs fait déjà partie de la préparation de la démarche.


Pour aller plus loin, cette dernière peut être structurée en grandes étapes
permettant de préparer puis de guider le travail à réaliser.

Les étapes, de la théorie à la pratique


De nombreux guides institutionnels (INRS, ANACT, DGAFP, etc.) proposent
une démarche structurée en étapes. Cette structuration est essentielle pour
comprendre comment s’organiser et éviter les écueils qui guettent inévita-
blement la volonté de traiter ces sujets complexes.
Nous nous appuierons sur le schéma suivant qui repose sur l’articulation de
trois grandes séquences :
• La construction d’une approche collective et préventive, reposant sur
un groupe de travail constitué à cet effet.
• L’identification et l’évaluation des RPS, reposant sur l’articulation de
prédiagnostics et de diagnostics approfondis permettant de caractéri-
ser précisément les RPS et, in fine, de mettre à jour le document unique.
• L’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action ciblé et d’une
veille.
Il est conseillé de s’approprier ces grandes séquences et les multiples
étapes qui les composent en les adaptant aux objectifs et moyens alloués
pour conduire la démarche ainsi qu’aux spécificités de son organisation et
de son contexte, notamment historique.
La démarche est évolutive et représente un processus ouvert. Cela signifie
concrètement :
• Que l’on peut admettre des changements en cours de route en fonction
des circonstances (s’ils sont discutés et perçus comme légitimes, c’est
même un signe de bonne santé de la démarche).
• Que la démarche est en elle-même un processus d’apprentissage et
de tâtonnement qui suppose des itérations à chaque étape ou entre
plusieurs étapes (il faut éviter de forcer un séquencement linéaire).
• Que les relations entre les acteurs de la prévention vont se modifier
tout au long de la démarche, tout comme la perception qu’ont les
dirigeants, salariés et managers des RPS et de leurs enjeux – rien n’est
joué d’avance et la maturité de l’organisation vis-à-vis des RPS évolue
tout comme certains préjugés à leur égard se réduisent.

71
Les risques psychosociaux

1. Obtenir l’engagement
de la direction

2. Constituer
le groupe de travail Valider :
• Les objectifs
• Les participants
• Les étapes
Construire • Les outils d’évaluation utilisés
une démarche collective 3. Définir la démarche • La communication
et préventive auprès des salariés

4. Lancer la démarche

5. Élaborer des hypothèses de travail


et/ou un prédiagnostic par indicateurs
et/ou un prédiagnostic par questionnaire
Identifier
et évaluer les RPS Valider :
• L’évaluation des risques
6. Caractériser les RPS et sa transcription
dans le Document Unique
et mettre à jour le DU • La communication

7. Élaborer 7 bis. Actions immédiates


un plan d’actions requises

Valider :
• Les actions immédiates
Élaborer 8. Mettre en œuvre • Le plan d’actions (les actions,
et mettre en œuvre le plan d’actions les porteurs d’action, les moyens, etc.)
• Les modalités de veille
le plan d’actions • La communication

9. Évaluer les actions


et mettre en place une veille

Exemple d’organisation d’une démarche de prévention

72
Organiser et lancer la démarche de prévention

Outil 2 – Obtenir l’engagement de la direction


(étape 1)
Les enjeux d’un véritable engagement
La première étape de la démarche est l’obtention de l’engagement de la direc-
tion. En effet, une telle démarche globale de prévention des RPS doit débou-
cher sur l’interrogation des conditions d’exécution du travail et aura, de façon
plus ou moins forte, une influence sur l’organisation du travail et les moyens
alloués aux salariés. Il ne s’agit donc pas simplement d’évaluer les RPS
mais de transformer l’organisation pour que celle-ci soit plus favorable
à la construction de la santé.
Au-delà du strict aspect réglementaire de la responsabilité de l’employeur, il
faut que la réponse soit à la hauteur des enjeux. Pour mener à bien et jusqu’au
bout une telle démarche, il est donc essentiel que la direction exprime son
engagement initial auprès des salariés et des partenaires sociaux.
Un tel engagement n’est pas une simple déclaration d’intention, car il engage
la direction :
• Sur les objectifs de la démarche et les moyens alloués, tout au
long de celle-ci, pour la mener à bien (en termes de budget, de mise
à disposition de temps et de personnel, etc.).
• Sur le suivi et la validation régulière des résultats intermédiaires
de la démarche et leur communication aux partenaires sociaux et
aux salariés, notamment en portant régulièrement l’avancement de la
démarche à l’ordre du jour du comité de direction et à chaque réunion
ordinaire du CHSCT.
• Sur le respect de principes essentiels comme le refus de toute forme
de violence et la réalisation d’enquêtes neutres et transparentes en cas
de suspicion de harcèlement et, plus généralement, de souffrance au
travail (et non pas un traitement au cas par cas).
• Sur la mise en œuvre d’actions concrètes visant à améliorer la qualité
de vie au travail à tous les niveaux de prévention et de l’organisation
du travail, et donc pas uniquement d’actions limitées à des sensibili-
sations ou formations à la gestion du stress ou encore à des séances
de relaxation…

73
Les risques psychosociaux

Cet engagement est également essentiel pour envoyer un signal fort vis-à-vis
des salariés et de l’encadrement :
• Les démarches de prévention des RPS soulèvent souvent peu d’en-
thousiasme quand elles ne font pas face au scepticisme du personnel.
L’engagement fort de la direction constitue un des leviers pour renouer
avec le personnel et susciter sa participation active.
• L’encadrement est souvent stigmatisé, car les pratiques managériales
sont, à tort ou à raison, considérées comme une des sources majeures
des RPS. L’engagement de la direction représente également un levier qui
permet de soutenir l’encadrement et de les rassurer : la démarche n’est
pas faite pour les montrer du doigt ou remettre en cause leur travail.
C’est donc une décision incontournable sans laquelle rien n’est possible ou
seulement de façon partielle. Cet engagement peut prendre plusieurs formes
(une déclaration de politique générale, une résolution en comité de direction,
etc.) mais doit être présenté en CHSCT et se traduire concrètement dans une
lettre de mission précisant les enjeux, acteurs et objectifs de la démarche,
ainsi que des éléments de cadrage sur la méthode, le calendrier, etc.

Quand l’engagement est timide ou seulement formel…


Les salariés chargés d’évaluer les RPS font parfois face à des difficultés pour
obtenir des moyens à la hauteur de la démarche ou tout simplement un intérêt
de la part de la direction sur le sujet. Toutes les organisations n’ont pas le même
degré de maturité vis-à-vis des RPS et de leur nécessaire évaluation et préven-
tion, ce qui peut placer les chargés d’évaluation dans des situations délicates.

Sentir la maturité de son organisation


Selon les organisations, leur historique, leur contexte et la façon dont la direc-
tion considère les RPS et les actions à entreprendre pour les évaluer et les
prévenir, il est plus ou moins aisé de mettre en place une démarche globale de
prévention des RPS et d’obtenir un engagement fort de la direction.
Une réflexion sur la maturité de son organisation peut aider à appréhender
l’état des forces en présence. Cela se fait via trois éléments :
• Le degré de (re)connaissance des RPS : entre problème de personnes fra-
giles (faible maturité), et RPS comme enjeux organisationnels et managé-
riaux (maturité plus forte).

74
Organiser et lancer la démarche de prévention

• Le degré d’originalité d’une démarche globale de prévention pluridisci-


plinaire : entre innovation sans précédent (faible maturité) et fonctionne-
ment en mode projets transversaux récurrent, s’appuyant sur l’expérience
d’autres sujets comme la qualité ou l’environnement (maturité plus forte).
• Le degré de pluridisciplinarité effective : entre des acteurs de prévention
qui ne se connaissent pas et ont des RPS une vision soucieuse de respec-
ter leurs prérogatives propres (faible maturité), et l’existence de collabora-
tions spontanées et informelles entre ces mêmes acteurs sur divers sujets
concernant la santé et la sécurité au travail (maturité plus forte).
Plus le degré de maturité est faible, plus la démarche est entreprise en « traî-
nant des pieds », parce que c’est obligatoire ou contraint, ou bien qu’elle pa-
raît trop lourde et coûteuse. Il y a donc peu de chance d’avoir les moyens de
mettre en place une démarche complète et d’envisager l’investissement dans
des actions de prévention.

Pour permettre à la direction de s’accorder vis-à-vis de la stratégie à adopter


concernant les RPS, il est fréquent de sensibiliser, voire de former, le comité de
direction. Un consultant extérieur peut être sollicité à cet effet pour apporter
à la fois des notions de base et encadrer les discussions sur la démarche de
prévention à organiser.
Une fois l’engagement de la direction obtenu, et avant de lancer la démarche
proprement dite d’évaluation des RPS, il est nécessaire de prendre le temps
d’organiser un groupe de travail qui sera chargé de préparer la démarche
puis de la conduire. Cette étape peut sembler accessoire et il est tentant
de vouloir tout de suite lancer un questionnaire auprès du personnel pour
évaluer les RPS. Ce serait une erreur, car la préparation de la démarche est
une phase indispensable à son succès.
Elle repose sur trois grandes étapes interreliées1 :
• La constitution d’un groupe de travail (étape 2).
• La définition de la démarche (étape 3).
• Le lancement de la démarche (étape 4).

1. Ces trois étapes sont présentées ici de façon séquentielle pour la clarté du propos. Dans la réalité,
elles sont itératives et en recouvrement, la définition de la démarche devant même s’entendre
comme un travail continu tout au long de celle-ci.

75
Les risques psychosociaux

Si ces trois étapes sont essentielles, c’est parce qu’elles sont l’occasion :
• D’adapter la démarche à l’organisation, son contexte et ses objectifs,
et en anticipation des écueils potentiels.
• De mettre en relation les acteurs qui seront chargés de la conduire
de A à Z afin de favoriser l’émergence d’une dynamique collective.

Zoom
En cas de blocage, que faire pour éviter « d’aller au casse-pipe » ?
Que faire pour avancer quand même ? Car on ne peut pas ne rien faire…
Plusieurs tactiques peuvent être envisagées pour amorcer la démarche et faire
progressivement évoluer l’intérêt d’une démarche globale de prévention, à
l’image d’un cheval de Troie favorisant l’évolution du contexte en vue de
pousser progressivement des objectifs plus ambitieux :
• Si la démarche prévue paraît trop imposante et que les moyens pour la
mettre en œuvre sont « inenvisageables », l’idée est de commencer la
démarche sur un périmètre limité pour montrer des résultats concrets et
rassurer sur le sérieux de la démarche (sur un site, un service, une unité de
travail, une population exposée et ayant fait l’objet d’incidents, etc.).
• Enrôler des alliés pour être soutenu : par exemple, en s’adossant au CHSCT
pour travailler sur ce sujet via une commission créée pour l’occasion ou en
sondant les autres acteurs de la prévention (tels que le médecin du travail)
pour obtenir leur soutien et leur appui.
• Si rien n’est possible (refus net de la direction de travailler sur le sujet), il
faut jouer la carte de la mise à jour du document unique en intégrant les
RPS dans les questions ou analyses réalisées lors de la mise à jour de l’éva-
luation des risques, et ce, en privilégiant certaines unités de travail suscep-
tibles d’être davantage touchées. On peut également tenter de rassurer
la direction sur le fait qu’il existe des outils rigoureux pour évaluer les RPS,
par exemple des questionnaires validés scientifiquement.

Il faut donc construire un collectif, ce qui est toujours un peu plus long que
la simple réunion de personnes différentes autour d’une table sur une demi-
journée. Ce processus de construction d’un collectif est initié lors de ces
étapes et se poursuivra, idéalement, encore longtemps après celles-ci dans une
logique de prévention pérenne des RPS. Il ne faut donc pas négliger le soin à y
apporter, car le temps consacré à ces étapes est un investissement qui permet
de gagner du temps sur la suite des opérations et d’éviter d’ennuyeux blocages.

76
Organiser et lancer la démarche de prévention

Cas particulier d’une démarche encadrée


par un accord de méthode
Un accord de méthode peut être signé avec les organisations syndicales. Son
but est explicitement :
• De déterminer les objectifs et les étapes de la démarche.
• De préciser les points clés de son organisation (participants, éléments de
méthode, etc.).
Il offre également l’occasion de lancer la démarche dans un climat apaisé ou
tout du moins de poser les désaccords et de s’accorder sur un socle minimal
permettant de commencer à travailler.
À titre d’exemple, un accord de méthode peut contenir les points suivants :
• Article 1 : Contexte, objectifs et champ d’application de l’accord.
• Article 2 : Définitions (RPS, stress, violences, harcèlements, etc.).
• Article 3 : Les acteurs de la prévention (qui est impliqué et à quel titre ?).
• Article 4 : Organisation du pilotage de la démarche (rôles de la direction,
du CHSCT, etc.).
• Article 5 : Éléments de méthodes pour la prévention des RPS (la démarche
et ses étapes, les méthodes et outils d’évaluation, etc.).
• Dernier article : Durée de l’accord et modalités de suivi (avec signatures).
Si le dialogue social est bloqué, il est conseillé de faire appel à un intervenant
extérieur pour jouer le rôle de tiers facilitateur (par exemple, en sollicitant
l’ANACT, un consultant, un médiateur, etc.).

Outil 3 – Constituer un groupe de travail


(étape 2)
Pour définir et mener à bien la démarche à chacune de ses étapes, il est
conseillé de constituer un groupe de travail pérenne (ou groupe projet, ou
autre terminologie existant dans l’organisation). Ce groupe a plusieurs rôles
importants et doit être composé de façon ad hoc selon l’organisation et son
contexte.

77
Les risques psychosociaux

Les rôles du groupe de travail


Le groupe de travail a plusieurs rôles qui peuvent être rappelés dans sa lettre
de mission ou dans l’accord de méthode :
• Préciser les contours de la démarche (étapes, outils, etc.) et animer
celle-ci (notamment via des réunions régulières).
• Assurer la conduite opérationnelle de la démarche (notamment en se
répartissant les tâches), et débattre des résultats de l’analyse des RPS
et du plan d’action à proposer.
• Assurer l’interface avec la direction qui valide le résultat des travaux
produits.
• Veiller au bon déroulement de la démarche et signaler les blocages.
• Diffuser l’information sur la démarche et ses résultats.
• Alerter et proposer des actions de prévention dès qu’un problème
urgent est détecté, etc.

Le casting : une dream team pluridisciplinaire et paritaire


Contrairement à ce qui est indiqué ci-dessus, il n’y a pas d’équipe idéale dans
l’absolu mais plutôt des principes qui permettent de construire le groupe de
travail :
• Viser la pluridisciplinarité, c’est-à-dire la représentation de spécia-
listes de différents domaines de la santé au travail : médical, technique
et organisationnel. Cela passe par l’intervention des acteurs de santé
dédiés (comme le médecin du travail) et de professionnels techniques
représentant des salariés et des métiers de l’entreprise. Cette logique
vise à se doter des compétences nécessaires pour comprendre l’en-
semble des dimensions relatives aux RPS et des contextes métiers ou
techniques de l’organisation.
• Viser le respect du dialogue social et des partenaires sociaux, c’est-
à-dire l’intervention de représentants du personnel, au titre desquels
les représentants du personnel du CHSCT sont les plus pertinents.
Une composition ad hoc à négocier
Cette composition doit être le fruit d’un accord entre l’employeur et les
membres du CHSCT ou les partenaires sociaux (formalisé, le cas échéant,
dans l’accord de méthode). Cette concertation est l’occasion :

78
Organiser et lancer la démarche de prévention

• D’adapter la composition à l’organisation, sa taille, son fonctionne-


ment, ses métiers, sa dispersion géographique éventuelle, les compé-
tences existantes, etc.
• D’évoquer l’éventuel recours à un intervenant extérieur, le type de
mission qui lui sera confié et les compétences qu’il pourrait apporter.
• De déterminer quels sont les membres permanents du groupe et ceux
qui pourraient être sollicités de façon plus ponctuelle pour apporter
un soutien en cas de besoin.
Il est donc essentiel d’élaborer collectivement la composition de ce groupe
en fonction des compétences jugées nécessaires mais aussi des disponibilités
de ces intervenants internes ou externes.

Exemples de groupes de travail


Pour un établissement industriel de 500 salariés :
– responsable des ressources humaines ;
– salarié compétent en santé et sécurité ;
– directeur de production ;
– responsable Qualité ;
– médecin du travail ;
– infirmier ;
– plusieurs membres du CHSCT ;
– plusieurs salariés (production, maintenance, services administratif et com-
mercial).
Pour un établissement de services de 60 salariés :
– le secrétaire général ;
– un directeur de service ;
– les trois représentants du personnel au CHSCT ou, à défaut, les délégués
du personnel (DP) ;
– des intervenants ponctuels (médecin du travail, intervenant en prévention
des risques professionnels (IPRP), intervenant externe, etc.).

Il n’y a pas de limite minimale ou maximale au nombre de participants. Il


faut néanmoins essayer de conserver un nombre permettant l’expression de

79
Les risques psychosociaux

tous ainsi qu’une bonne coordination en réunion et offrant la capacité de se


rendre sur le terrain pour évaluer les risques, et ce, en fonction de la taille et
de la diversité des unités de travail à couvrir. Il est classique que le groupe
de travail comporte entre huit et dix personnes et déconseillé de dépasser
un groupe de quinze participants permanents.

Quelles sont les conditions de désignation


pour le succès de la démarche ?
• Privilégier le volontariat et l’adhésion à la démarche.
• Privilégier des acteurs internes connaissant bien l’organisation et son
contexte.
• Viser la constitution d’un groupe stable dans le temps, la démarche pou-
vant aisément durer plus de douze mois.
• Rechercher des règles favorisant l’expression de chacun et la prise en
compte effective des idées proposées, la transparence sur les critères per-
mettant de prendre des décisions ainsi qu’une certaine égalité et équité
de traitement des membres au sein du groupe.
• Rechercher l’engagement de partenaires sociaux (notamment les membres
du CHSCT).

Outil 4 – Recruter les acteurs du groupe


de travail
La composition du groupe de travail est adaptée à chaque organisation. Pour
donner tout de même quelques points de repères sur les grands acteurs
amenés à participer à ce groupe, page ci-contre voici un schéma présentant
les personnages principaux, classiquement sollicités.

Le ou les pilotes du groupe de travail


Le pilote du groupe de travail est la charnière essentielle autour de laquelle
s’organise toute la démarche. À la fois référent principal auprès de la direction
et des représentants du personnel (mais aussi, le cas échéant, de l’inspection

80
Organiser et lancer la démarche de prévention

du travail ou d’autres acteurs externes), il assure la coordination des membres


du groupe de travail et anime le déroulement de la démarche de prévention.
Il a notamment en charge l’organisation régulière de réunions, la formali-
sation des documents divers produits ou accompagnant la démarche (com-
munication, tableaux de synthèse des RPS évalués, etc.), la diffusion des
informations à l’ensemble des acteurs concernés, le suivi des relations avec
les éventuels intervenants extérieurs mobilisés, la remontée des blocages
rencontrés, etc. Qu’on ne s’y trompe pas, cette mission est consommatrice
de temps et d’énergie, et il est impératif de détacher le pilote de son travail
quotidien pour lui permettre de se consacrer au mieux à sa mission (que ce
soit à temps plein ou partiel, selon les cas de figure).

Comité de pilota e direction C SC etc

roupe de travail Service de santé au travail

Représentants
Médecin du travail Autres acteurs mobilisés
du personnel
ponctuellement :
• Ergonome
Pilote s • Psychologue
Référent Infirmier-ière du travail
du service RH

Représentants
Responsable prévention Acteurs externes
de l’encadrement
Acteurs institutionnels :
• ANACT / ARACT
• CARSAT
Autres acteurs mobilisés ponctuellement :
• Assistant(e) social(e)
Intervenants extérieurs :
• Responsable qualité
• Consultant
• Responsable formation
• Médiateur
• Bureau d’étude, maintenance, etc.
• Etc.

Les acteurs classiquement sollicités dans le cadre


des démarches globales de prévention des RPS

Parfois appelé « chargé de mission RPS » (ou équivalent), le pilote du groupe


de travail n’a pas de profil idéal a priori. Il est néanmoins recommandé de
privilégier le choix de personnes :
• Sensibilisées aux RPS ainsi qu’aux démarches et outils permettant de
les évaluer et de les prévenir.

81
Les risques psychosociaux

• Ayant une bonne connaissance de l’organisation et de sa complexité,


ce qui est plus souvent le cas des salariés de services transversaux
(prévention de la sécurité, qualité, ressources humaines, etc.) ou ayant
eu l’occasion de réaliser un parcours interne embrassant différents
métiers ou domaines opérationnels et fonctionnels.
• Ayant des compétences éprouvées en gestion de projet et donc la
capacité d’animer un groupe de travail fait d’individualités marquées
sur lesquelles elles ont peu d’autorité formelle tout en respectant une
démarche en étapes, jalons, validations, etc.
• Reconnues comme légitimes tant par l’encadrement que par les repré-
sentants du personnel.
• Pouvant dialoguer avec aisance avec la direction et porter auprès d’elle
les recommandations d’actions ou encore les blocages de la démarche
pour obtenir une décision.

Des qualités relationnelles certaines


Ces critères indicatifs soulignent en creux l’importance des qualités relation-
nelles dont doit disposer le pilote : diplomatie, écoute, impartialité, droiture,
etc. Il faut en effet réussir à coordonner l’action de plusieurs acteurs internes
et trouver des compromis lorsque des points de vue divergent tout en évitant
les blocages.

Comme il est parfois difficile de trouver une personne répondant à l’ensemble


de ces critères indicatifs, deux personnes peuvent assurer en binôme un tel
pilotage, ce qui présente l’avantage de partager le travail de coordination et
d’assurer la pérennité de la démarche si l’un des deux pilotes, chemin faisant,
est amené à quitter l’organisation.

Les représentants du personnel


En premier lieu, il s’agit de représentants du personnel au CHSCT. Ceux-ci
sont impliqués dans le groupe de travail à plusieurs titres :
• Faire valoir leur connaissance des plaintes et difficultés concrètement
exprimées par les salariés.
• Représenter le point de vue et le vécu au travail du personnel de divers
métiers et statuts.

82
Organiser et lancer la démarche de prévention

• Participer concrètement aux phases d’évaluation sur le terrain, ce qui


demande du temps, des connaissances techniques, une légitimité pour
dialoguer avec les collègues, etc.
• Faire le lien avec l’instance et ses travaux dans un souci de cohérence.
Le secrétaire du CHSCT est souvent un allié de poids de par sa fonction au
sein de l’instance et ses relations privilégiées avec la direction et les acteurs
de la prévention.
Ensuite, un nombre plus ou moins important de salariés sera sollicité ponc-
tuellement en cours de démarche (voir le chapitre 4) :
• Lors de la phase de prédiagnostic ou d’évaluation approfondie des
RPS, pour répondre à des questionnaires ou participer à des entretiens
individuels ou collectifs.
• Lors de la phase d’élaboration du plan d’action, pour réfléchir aux
solutions envisageables et à leur faisabilité.
• Lors de la phase de mise en œuvre du plan d’action, en tant que partici-
pants, voire en tant que responsables de certaines actions (notamment
lors de la phase de test).

Inclure d’autres représentants du personnel ?


Lorsque l’organisation est complexe, de grande taille, sur des sites dispersés,
avec des domaines métiers ou techniques variés… il est souhaitable d’inté-
grer dans le groupe de travail d’autres représentants des salariés et de l’enca-
drement, que ceux qui y participent au titre du CHSCT. Ces volontaires ne
sont pas des représentants du personnel élus mais des membres du personnel
représentant des activités ou des services complémentaires à ceux déjà repré-
sentés par les autres membres du groupe de travail.

Le médecin du travail et les autres acteurs


du service de santé au travail
Le médecin du travail, de par son expertise métier et la surveillance médicale
du personnel qu’il exerce, apporte un précieux point de vue concernant la
santé (physique et mentale) en général et celle des salariés en particulier.

83
Les risques psychosociaux

Au sein du groupe de travail, il peut notamment :


• Fournir un appui méthodologique pour organiser l’évaluation des
risques, notamment dans l’interprétation des indicateurs de santé.
• Amener ses connaissances des situations collectives et individuelles
(dans le respect du secret médical) en lien avec les RPS ou d’autres
difficultés vécues par les salariés.
• Intervenir sur les situations de crise signalées tout au long de la
démarche (et participer à l’élaboration d’une procédure standard de
gestion de ces situations).

Les autres intervenants du service de santé


au travail : infirmier, psychologue du travail, ergonome
Ces intervenants peuvent apporter un soutien permanent ou ponctuel. Ils
interviennent généralement en coordination avec le médecin du travail :
• L’infirmier, quand il existe, est en première ligne sur les questions de santé.
Il détient de précieuses données sur la santé des individus et des collectifs,
et peut participer aux phases de prédiagnostic et d’évaluation approfon-
die (les salariés sont généralement en confiance pour leur exprimer ce qui
pose problème dans le travail).
• L’ergonome peut réaliser des analyses précises de situations de travail en
vue de saisir ce qui, entre le travail prescrit, réel et vécu, engendre des
difficultés et les modalités permettant de modifier cette situation pour
la rendre soutenable. Sa formation lui permet d’apporter un éclairage
méthodologique précieux, notamment pour ne pas tomber dans une lec-
ture trop individuelle des RPS, et interroger le travail et les facteurs de
contraintes de nature organisationnelle.
• Le psychologue du travail a également la capacité d’apporter des réfé-
rences théoriques et méthodologiques précieuses, et d’orienter le groupe
de travail sur les bons questionnaires ou la manière de les administrer et
de les traiter. En outre, il peut également contribuer à accompagner (avec
le médecin du travail et le service des ressources humaines) les salariés
en situation de crise. À l’échelle de l’Union européenne, environ 16 % des
établissements font appel à eux dans le cadre des démarches de préven-
tion des RPS (avec des variations notables entre les pays de l’UE, les entre-
prises suédoises étant près de 60 % à faire appel à un psychologue interne
ou externe via un contrat).

84
Organiser et lancer la démarche de prévention

Un référent du service des ressources humaines (RH)


Le référent du service RH permet d’apporter des compétences complémen-
taires puisqu’il va aborder les questions de santé sous un autre angle, davan-
tage lié aux grands processus RH de l’organisation (formation, pénibilité,
mobilité, etc.) et à l’application de dispositions précises du droit du travail
(par exemple, en matière de harcèlement, voir le chapitre 1).
Au sein du groupe de travail, il peut notamment :
• Apporter des données concernant la santé : indicateurs d’AT/MP,
absentéisme, taux de roulement du personnel, etc.
• Assurer un lien avec les autres instances représentatives du personnel.
• Lors de la phase de diagnostic puis de recherche d’actions de préven-
tion, il peut réfléchir à la modification des processus RH existants, si
ceux-ci sont interrogés par les situations identifiées, voire initier de
nouveaux programmes pour favoriser la reconnaissance, former le
personnel, etc.

L’animateur ou responsable sécurité, prévention,


HSE ou autre
Cet acteur (aux noms multiples et changeant selon les organisations) est,
depuis le 1er juillet 2012, le salarié « [compétent] pour s’occuper des activités de
protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise » (article
L. 4644-1 du Code du travail). C’est le bras armé de l’employeur dans la
mise en œuvre des obligations réglementaires en santé et sécurité du travail
(formations à la sécurité, vérifications périodiques obligatoires, etc.), et dans
l’animation de la démarche de prévention au quotidien, de l’évaluation des
risques professionnels (dans le document unique ou le plan de prévention en
cas de co-activité) à l’analyse des incidents et accidents du travail en passant
par des actions de sensibilisation des salariés et la participation à l’intégra-
tion des questions de santé et de sécurité dans les projets de l’organisation
(conception de nouvelles machines, implantation d’un nouveau logiciel, démé-
nagement, construction ou réfection d’un bâtiment, etc.), ou encore la mise
en œuvre et le suivi des actions de prévention au sens large.
Au sein du groupe de travail, il peut notamment :
• Assurer la cohérence entre la démarche du groupe de travail et les
autres programmes engagés en matière de prévention (vis-à-vis des
TMS, de la lutte contre certains risques, etc.).

85
Les risques psychosociaux

• Fournir des indicateurs ou données de terrain concernant les situa-


tions à risque.
• Amener sa connaissance transversale de l’entreprise pour appréhender
la complexité des métiers et le travail réel.
• Assurer l’intégration des résultats de l’évaluation dans le document
unique.

Des représentants de l’encadrement


Il est classique d’ouvrir le groupe de travail à des représentants de l’encadre-
ment. Leur participation, sur la base du volontariat ou d’une nomination par
la direction, permet d’enrichir les travaux du groupe et de gagner en efficacité.
En effet, ils apportent :
• La vision des contraintes spécifiques de l’encadrement (qui est souvent
une des populations les plus exposées aux RPS).
• Des informations précieuses sur le fonctionnement quotidien des
services et des équipes.
• Une garantie pour les autres managers que l’encadrement ne servira
pas de bouc émissaire pour expliquer l’ensemble des RPS.
• Des idées précieuses sur les leviers managériaux qui pourraient être
actionnés dans le cadre du plan d’action.
• Un précieux recul sur la faisabilité du plan d’action, les effets envisa-
geables de celui-ci sur le management ou encore les conditions qui
permettent (ou facilitent) sa mise en œuvre.

Les acteurs dont l’intervention peut être davantage


ponctuelle
L’intervention d’autres acteurs, ponctuellement ou non, est également envi-
sageable, selon les besoins en compétences, leur disponibilité, etc. En voici
quelques-uns :
• Assistante sociale : compte tenu de sa connaissance du vécu per-
sonnel au travail et des questions à l’articulation du travail et de la
vie privée, elle peut apporter de précieuses informations lors du pré-
diagnostic ou encore lors de la définition des actions (voire, en cas de
crise, fournir un appui individuel).

86
Organiser et lancer la démarche de prévention

• Responsable qualité : cet acteur peut être sollicité lors de la phase


de prédiagnostic, pour recueillir des informations sur les défauts ou
problèmes de production ou de qualité, ou encore lors de la phase
de construction des actions, en vue d’articuler ces actions dans les
processus plus généraux de l’organisation.
• Responsable formation : son intervention peut être nécessaire en
amont de la démarche, pour participer à l’organisation de formations
et de campagnes de sensibilisation à destination des membres du
groupe de travail et/ou des salariés, mais également en aval, pour
intégrer les éventuels besoins de formation recensés dans les processus
de professionnalisation qu’il pilote.
• Bureau d’étude, service maintenance (ou équivalent) : ces acteurs
peuvent être sollicités ponctuellement pour obtenir des informations
techniques (processus de fabrication, méthodes et outils développés,
etc.) ainsi que lors de l’élaboration des actions afin que celles-ci s’in-
tègrent bien dans les processus de l’organisation.

Outil 5 – Faire appel à un intervenant extérieur


Il n’est pas obligatoire de solliciter un intervenant extérieur, cela répond
surtout à un besoin exprimé. Dans ce contexte, il est essentiel de bien défi-
nir la mission à lui confier, le périmètre de cette mission, les compétences
nécessaires, etc. Ces précisions doivent être apportées dans un cahier des
charges (qui peut d’ailleurs être un des éléments déterminés dans l’accord
de méthode), car il est important que le groupe de travail reste maître de
l’ensemble de la démarche.
D’une façon générale, plusieurs rôles distincts (non exclusifs) peuvent être
confiés à un intervenant extérieur :
• Le rôle de facilitateur : celui qui aide à la gestion de la démarche et
du groupe de travail, à la régulation des échanges, en apportant des
connaissances et un retour d’expérience, en structurant la démarche
et son rythme via la répartition des tâches, la réalisation de divers
documents, l’arbitrage ou la recherche de solutions en cas de conflits.
• Le rôle de formateur : apport de connaissances lors de formations
ou de campagnes de sensibilisation, que ce soit au groupe de travail
ou, plus largement, aux salariés.

87
Les risques psychosociaux

• Le rôle d’expert réalisant une partie de l’analyse : par exemple, la


réalisation du prédiagnostic par le biais de questionnaires, l’accom-
pagnement au transfert de méthode pour réaliser des entretiens indi-
viduels ou collectifs d’analyse de situations de travail spécifiques ou
encore l’appui à la transformation du diagnostic en plan d’action.
Ces intervenants extérieurs peuvent être soit de nature institutionnelle
(ANACT, service prévention de la CARSAT), soit privés, comme des consul-
tants ou des médiateurs, le cas échéant.

Éléments pour un cahier des charges


Le cahier des charges à destination des intervenants extérieurs peut compor-
ter les éléments suivants afin de les aider à vous répondre, et de vous per-
mettre de sélectionner l’intervenant et la réponse adaptés à votre besoin :
• Contexte de la demande : présentation de l’organisation et de la démarche
engagée.
• Origines de la demande : éléments historiques, motivations et enjeux.
• Objectifs de l’intervention.
• Attentes vis-à-vis de l’intervenant extérieur, notamment en termes de com-
pétences, d’expériences antérieures, etc.
• Principes généraux de l’intervention (impartialité, confidentialité, anony-
mat, etc.).
• Contenu de la réponse envisagée (méthode et outils).
• Calendrier de l’intervention.
• Procédure et modalités de sélection.

Suite à la réception des propositions commerciales, il est essentiel de recevoir


physiquement les intervenants extérieurs présélectionnés, par exemple lors
d’une soutenance où vous pourrez évaluer leur expertise, leurs expériences
antérieures, leur capacité d’adaptation, etc.

Outil 6 – Définir la démarche (étape 3)


La définition de la démarche est une étape qui est difficile à borner précisé-
ment. En réalité, sa définition commence bien avant la réunion du groupe

88
Organiser et lancer la démarche de prévention

de travail, dès l’engagement de la direction et/ou l’élaboration d’un accord de


méthode. Toutefois, avant de procéder au lancement officiel de la démarche,
il est conseillé de verrouiller un certain nombre d’éléments d’organisation :
• Régler le pilotage de la démarche, à savoir les relations entre la direc-
tion (ou le comité de pilotage) et le groupe de travail.
• Identifier les contours de la démarche : ses grandes étapes, son calen-
drier, les ressources nécessaires et les jalons de validation.

En résumé
Quelques questions clés pour la définition de la démarche
• Qui va animer la démarche et le groupe de travail ?
• Qui va participer à la démarche et pourquoi ?
• Qui prend les décisions ? Sur quoi et à quelles étapes ?
• A-t-on besoin d’un accompagnement extérieur ? Si oui, sur quelles étapes ?
Dans quel but ?
• Les moyens alloués sont-ils suffisants ? Le délai fixé est-il réaliste ? À quelles
conditions peut-on mener le travail à bien ?
• Y a-t-il des facteurs bloquants vis-à-vis de la démarche ? Comment y faire
face ?

L’organisation du pilotage de la démarche : les relations


entre la direction et le groupe de travail
Pour déterminer les modalités de coordination du groupe de travail avec la
direction, il est possible de créer un comité de pilotage qui valide, officialise,
décide, alloue les ressources, et le groupe de travail qui réalise concrètement
le travail d’évaluation et informe régulièrement le comité de pilotage concer-
nant les résultats de ses travaux. Cette coordination est formelle, elle passe
par des réunions régulières au cours desquelles le comité de pilotage reçoit
tout ou partie du groupe de travail pour passer en revue l’avancement de la
démarche, les difficultés rencontrées, les résultats produits et les décisions
à prendre.
La composition du comité de pilotage dépend de l’organisation, de ses enjeux,
etc. Voici les formes qu’il peut prendre :

89
Les risques psychosociaux

• Le pilotage effectué par le CHSCT : cette instance est le lieu légi-


time du dialogue social autour des questions de santé, de sécurité et de
conditions de travail, donc de la prévention des RPS. Le pilotage par le
CHSCT signifie que tous ses membres (et pas uniquement les représen-
tants du personnel au comité) suivent régulièrement l’avancement de la
démarche lors des réunions ordinaires. L’employeur ou son représentant,
qui préside le comité, est chargé en dernier ressort de la prise de décision
engageant la direction, après échange avec les membres de l’instance.
• Un comité de pilotage mixte ou paritaire : ce comité est constitué
sur-mesure et composé à parts égales de représentants de la direction
et de représentants du personnel. La forte association des représen-
tants du personnel témoigne d’une volonté d’inscrire la démarche en
lien avec le dialogue social sur les RPS et l’organisation du travail. C’est
une organisation qui peut être prévue dans un accord de méthode.
• Un comité de pilotage assuré par la direction : il s’agit généralement
de tout ou partie du comité de direction (ou équivalent) qui missionne
un groupe de travail dans lequel sont fortement associés des repré-
sentants du personnel. Le CHSCT doit être régulièrement informé
de l’avancement de la démarche, de l’activité du groupe de travail et
consulté sur les décisions qui seront prises par le comité de direction.
Assez tôt, il est recommandé de prévoir une demi-journée de sensibilisation
du comité de pilotage et, plus généralement, de la direction (par exemple,
par un intervenant extérieur) afin de mieux comprendre les RPS et les enjeux
associés, mais aussi et surtout de s’approprier concrètement la démarche
et ses objectifs, ses contours (adaptés aux spécificités de l’organisation), les
rôles à jouer, etc.

Le comité de pilotage
Il peut être réuni au moins à quatre occasions :
• Première réunion (préalablement au lancement de la démarche) : forma-
liser l’engagement de la direction, définir les objectifs et contours (ou
étapes) de la démarche, et identifier le pilote ainsi que les acteurs compo-
sant le groupe de travail.
• Deuxième réunion (peu de temps après le lancement de la démarche) :
validation des outils d’évaluation utilisés et des modalités de communica-
tion auprès des salariés.

90
Organiser et lancer la démarche de prévention

• Troisième réunion : mise en débat et validation des résultats de l’évalua-


tion des risques et de la communication auprès des salariés.
• Quatrième réunion : mise en débat et validation du plan d’action, de la
communication auprès des salariés et des modalités de veille.
Ces réunions sont généralement espacées de plusieurs mois pour laisser le
temps au groupe de travail de progresser de façon satisfaisante. Le comité de
pilotage peut néanmoins être réuni plus fréquemment en fonction des aléas
rencontrés.

Un second niveau de coordination, plus quotidien et informel, peut être


organisé afin de favoriser un feed-back régulier de l’avancement des travaux.
Pour le matérialiser, le comité de pilotage peut identifier un « référent » (ou
un sponsor) avec lequel le pilote du groupe de travail pourra échanger de
façon privilégiée, sans avoir besoin de déclencher une réunion ou encore
de respecter un formalisme particulier. Cela permet un premier niveau de
recours en cas de blocage de la démarche pour diverses raisons. Le référent
pourra ainsi chercher la stratégie à adopter avec le pilote pour débloquer la
situation et, le cas échéant, envisager de « remonter » la question au comité
de pilotage si son intervention est jugée nécessaire. Il s’agit également d’une
forme de soutien social pour le pilote de la démarche, ce qui constitue une
ressource précieuse pour affronter les exigences de son travail !

Et dans les petites et moyennes organisations ?


Dans de plus petites organisations, une formule intéressante est de constituer
un groupe de travail mixte constitué de deux représentants de la direction
(par exemple, le secrétaire général et un des directeurs d’activité) et deux
représentants du personnel (délégués du personnel ou membres du CHSCT).
Ce groupe de travail peut assurer l’animation opérationnelle de la démarche
en s’appuyant, ponctuellement ou de façon plus durable, sur les compétences
d’intervenants internes (comme le médecin du travail) ou externes.
Le comité de pilotage est assuré par le comité de direction qui est informé de
l’avancement de la démarche par l’entremise du pilote (ici, par exemple, le
secrétaire général) et prend les décisions permettant de valider les différentes
étapes de la démarche et, in fine, les actions à mettre en œuvre.

91
Les risques psychosociaux

L’identification des contours de la démarche :


fixer les grandes étapes et les jalons de validation

■■■La conception d’une démarche adaptée


Il n’existe pas de démarche clé en main pour aborder et résoudre les pro-
blèmes liés aux RPS. Chaque organisation, selon son historique, son métier et
ses ressources, doit inventer sa démarche, ce qui prend du temps. Le maître
mot est l’adaptation : la démarche en neuf étapes proposée ici est indica-
tive, c’est une base de réflexion qui doit être adaptée, discutée, débattue par
les acteurs qui lui donnent vie. Le suivi passif d’une démarche préformatée
donne de moins bons résultats que l’engagement dans la construction d’une
démarche personnalisée. En effet, selon les objectifs poursuivis ou les moyens
dont on dispose, une démarche en neuf étapes ne sera pas considérée comme
réaliste.
Pour les organisations de petite ou moyenne taille (de type PME), cette
démarche peut paraître lourde et peu adaptée, d’autant que les acteurs de la
prévention disponibles sont moins nombreux.

Tester la démarche sur un site pilote


Une phase de test de la démarche sur un site pilote (ou auprès d’un métier,
d’une unité de travail, d’une partie du personnel, etc.) peut être l’occasion de
faciliter l’apprentissage collectif (apprendre à se connaître et à travailler en-
semble), d’expérimenter des outils, de cerner les difficultés, et de rassurer les
salariés et l’encadrement sur la capacité de la démarche à initier des actions
concrètes. Un retour d’expérience régulier au cours de cette expérimenta-
tion est l’occasion de caler et d’ajuster l’organisation de la démarche qui sera
ensuite déployée à plus grande échelle sur le reste de l’organisation.

La phase de définition de la démarche, de ses étapes, de son calendrier… est


donc essentielle. Elle oblige le comité de pilotage et le groupe de travail à
réfléchir aux outils d’évaluation qui seront utilisés, à l’intérêt d’une enquête
par le biais de questionnaires pour réaliser le prédiagnostic, à l’appui d’un
intervenant extérieur. Cette réflexion doit donc être collective et entreprise
en liens étroits avec le comité de pilotage qui fixe les orientations générales
et valide les travaux du groupe de travail.

92
Organiser et lancer la démarche de prévention

Adapter la démarche de prévention en tenant compte


des facteurs de succès et des obstacles classiques

Facteurs de succès Obstacles à surmonter

Éléments liés aux acteurs intervenants : Éléments liés au contexte de la démarche :


• Implication personnelle du dirigeant et instauration • Événements perturbateurs « extérieurs »
d’un climat de confiance (restructuration, rachat, etc.)
• Organisation d’une démarche pluridisciplinaire et • Charge de travail importante des managers (et
paritaire (RH, top management, HSE, médecine du salariés) les empêchant de participer, de mettre en
travail, CHSCT…) œuvre des actions de prévention
• Formation des acteurs à la démarche (notamment Éléments liés aux acteurs intervenants :
à la méthode) pour s’accorder sur le langage et le • Manque de soutien des dirigeants (et des N+1 des
sens des concepts mobilisés (harmonisation des acteurs engagés)
représentations) • Manque de connaissances et préjugés sur le stress
• Accompagnement par un interlocuteur externe, (ou le harcèlement), recherche de « coupables »,
neutre et expert, pour différentes étapes précises assimilation des RPS à la « fragilité » des salariés, etc.
• Encouragement de la participation à la fois en • Départ en cours de route de l’animateur de la
amont (le comité de direction qui se prononce sur démarche
l’intervention et tient un rôle de type comité de • Épuisement de l’investissement des acteurs dans la
pilotage) et durant l’intervention (les salariés qui démarche du fait de sa durée (par exemple, plus
coopèrent) de 12 mois)
Éléments liés à la démarche (méthode, résultats, etc.) : • Implication plus ou moins constante de chacun
• Planification et organisation de l’intervention (buts, dans la démarche, notamment du fait d’une
rôles et responsabilités, étapes et moyens alloués, participation « forcée », d’un manque de visibilité
communication…) concernant le sens de la démarche
• Restitutions aux salariés Éléments liés à la démarche (méthode, résultats, etc.) :
• Mise en place d’actions ciblées, à la fois immédiates • Inquiétudes des salariés concernant la
et différées, à différents niveaux (individus, équipes, confidentialité du processus
organisation), articulées aux processus de travail • Incapacité à transformer le diagnostic en actions
concrètes
• Conduite d’un nombre trop important d’actions en
même temps
• Difficultés à communiquer avec les managers et les
salariés ou leurs représentants

■■■La définition des principaux jalons de validation


Dans le processus, plusieurs résultats des travaux engagés font l’objet d’une
validation de la part de la direction et d’une restitution auprès des partenaires
sociaux, notamment du CHSCT. La définition de ces jalons est un élément
nécessaire de la préparation et de l’adaptation de la démarche à l’organisation.
Cela permet notamment de donner de la visibilité au groupe de travail sur
les « livrables » qu’il doit réaliser (cela contribue à matérialiser une démarche

93
Les risques psychosociaux

qui est parfois difficile à appréhender concrètement) et oblige l’employeur


à renouveler périodiquement son engagement dans la lutte contre les RPS.

Jalons de validation
Voici quelques exemples de jalons de validation :
• L’organisation générale de la démarche (objectifs, participants, méthode).
• L’outil de prédiagnostic envisagé (le ou les questionnaires, les modalités
d’administration, etc.), le cas échéant.
• Les actions de communication envers la hiérarchie et les salariés tout au
long de la démarche (au lancement de la démarche, après l’évaluation des
risques, au moment du plan d’action, etc.).
• La liste des RPS identifiés et évalués, qui seront transcrits dans le docu-
ment unique.
• Le plan d’action, ses modalités de mise en œuvre et de suivi.

Outil 7 – Lancer la démarche : instaurer


une dynamique collective (étape 4)
L’instauration d’une dynamique collective renvoie à la mise en relation des
membres du groupe de travail pour qu’ils progressent rapidement et de façon
satisfaisante dans la mission qui leur est confiée. Deux actions favorisent
l’atteinte de cet objectif : la réunion des membres du groupe de travail, la
formation des membres du groupe de travail.

La réunion des membres du groupe de travail :


lancer concrètement les travaux
La première action permettant de lancer officiellement la démarche est
généralement la première réunion des membres du groupe de travail. Cette
réunion est soigneusement organisée par le pilote en lien avec le comité de
pilotage. Elle a pour but de clarifier la mission confiée, le rôle de chacun
ainsi que le programme de travail à venir, et doit aboutir à l’élaboration d’un
calendrier de travail afin que l’ensemble des participants puisse se mettre au
travail. Il est recommandé d’y consacrer une journée (selon la disponibilité
des uns et des autres).

94
Organiser et lancer la démarche de prévention

Ordre du jour
Voici un exemple d’ordre du jour pour la première réunion du groupe de tra-
vail (sur une journée) :
• Intervention d’un haut dirigeant pour souligner l’importance de la dé-
marche et le soutien de la direction.
• Présentation des participants.
• Présentation de la démarche, des objectifs attendus, du rôle du groupe
et du pilote du projet, des relations avec le comité de pilotage, avec le
référent de la direction, le cas échéant, etc.
• Éléments de sensibilisation aux RPS (définition, cadre juridique, prévention).
• Échange autour :
– des risques ou situations tendues de l’entreprise (« crever l’abcès ») ;
– des initiatives qui pourraient être lancées sans attendre pour parer à
l’urgence ;
– de la communication prévue auprès des salariés ;
– des documents ou informations utiles à collecter.
• Élaboration d’un calendrier de travail et répartition des tâches.
Un déjeuner pris en commun est l’occasion de continuer à faire connaissance
et de prolonger les échanges sous une forme plus conviviale.

La formation des membres du groupe de travail : harmoniser


les représentations et ajuster la démarche
Une seconde action qui peut être réalisée dans un délai assez proche de
la première (la réunion de lancement des travaux, présentée ci-dessus) est
de former les membres du groupe de travail aux RPS et à leur prévention.
Cette formation doit réunir l’ensemble des membres du groupe de travail en
vue de leur permettre d’acquérir les connaissances nécessaires à leur rôle :
connaissances théoriques sur la construction de la santé au travail, principaux
modèles explicatifs des RPS (de type modèles de Karasek et Siegrist), notions
de prévention primaire, secondaire et tertiaire, etc.
Cette formation a plusieurs mérites. Tout d’abord, elle permet de lever l’ambi-
guïté qui se glisse derrière les définitions que les uns et les autres ont des RPS.

95
Les risques psychosociaux

Elle offre notamment la possibilité de se mettre d’accord sur un vocabulaire


commun et surtout d’acter que les causes des RPS sont complexes et pas
uniquement individuelles (liées à une fragilité ou cantonnées à des difficultés
de la vie privée) ou encore, à l’inverse, uniquement organisationnelles.

Vers un vocabulaire commun


Une action simple pour favoriser l’émergence d’un vocabulaire commun est
de proposer un glossaire des termes clés et de préciser collectivement leur
définition. Cette action simple peut être le résultat d’une séance de travail qui
consiste en la confrontation des points de vue visant la construction de défi-
nitions partagées. En outre, le glossaire peut ensuite être diffusé dans l’orga-
nisation, être repris dans les communications à l’attention du personnel, dans
les documents officiels produits par le groupe de travail, etc.

Cette formation permet en outre de partager les connaissances que les


membres ont des situations impliquant des RPS dans leur organisation ou
au sein d’une activité donnée, des événements marquants qui se sont déroulés
dans un passé proche, etc.
Enfin, elle est l’occasion de préciser la démarche entreprise pour évaluer et
prévenir les risques, et de faciliter la capacité à se représenter plus clairement
son rôle au sein du groupe projet.
Cette formation peut poursuivre les objectifs suivants (à adapter en fonction
des besoins) :
• Déterminer un vocabulaire commun désignant les RPS, leurs origines
et leurs conséquences.
• Connaître les méthodologies d’évaluation des RPS et leurs modalités
concrètes de mise en œuvre.
• Connaître la logique de prévention permettant de passer du diagnostic
au plan d’action.
• Penser l’articulation entre la démarche du groupe de travail et la mise
à jour du document unique.
La formation peut se dérouler au minimum sur une journée (ou sur deux
jours s’il s’agit de s’approprier concrètement les méthodologies d’évaluation
des RPS).

96
Organiser et lancer la démarche de prévention

Exemple de programme de formation


pour le groupe de travail (sur une journée)
• Apports théoriques sur les RPS (définitions, cadre réglementaire, etc.).
• Les trois niveaux de prévention des RPS (primaire, secondaire, tertiaire).
• Les principaux facteurs de contraintes et les ressources psychosociales
permettant d’y faire face.
• Intérêts et limites des différentes méthodologies d’évaluation : prédia-
gnostic via le recours à des questionnaires, analyse approfondie par le
biais d’entretiens, etc.
• Liens entre l’évaluation des RPS et le document unique (DU) d’évaluation
des risques professionnels.

Il est recommandé de prévoir un temps d’échange en fin de formation pour


que les membres du groupe de travail puissent revenir sur la démarche enga-
gée dans l’entreprise. Le but de cette dernière séquence est de faire le lien
concret entre le contenu de la formation et les travaux engagés par le
groupe et, le cas échéant, d’adapter ou de modifier le calendrier de travail
prévu. Le but est de tirer profit de cette seconde journée passée en commun
afin de progresser dans la compréhension, pour chacun et pour l’ensemble
du groupe, de son rôle et des modalités concrètes de son exercice.

Procéder en deux temps


Plutôt qu’une seule journée de formation (particulièrement dense), il est utile
de procéder en deux temps en séparant deux types d’objectifs avec :
• Une première formation consacrée davantage aux notions générales vi-
sant à harmoniser les connaissances et à ajuster la démarche.
• Une seconde formation, ultérieure, consacrée davantage à un « transfert
méthodologique » pour s’approprier concrètement les outils permettant
l’évaluation des RPS, en incluant notamment des exercices pratiques, voire
un atelier d’analyse sur le terrain.

En parallèle, d’autres actions de sensibilisation peuvent être organisées auprès


des salariés de l’organisation (voir ci-après).

97
Les risques psychosociaux

Outil 8 – Communiquer auprès des salariés,


de l’encadrement et du CHSCT
(étape 4 suite)
La réussite de la démarche repose sur l’adhésion des salariés : on ne peut pas
diagnostiquer les RPS si les salariés ne verbalisent pas leurs difficultés ou ne
répondent pas aux questionnaires ; on ne peut pas lutter contre les RPS si
les actions de prévention prévues ne sont pas mises en œuvre ou conçues en
dehors de la participation des salariés et de l’encadrement, donc peu accep-
tées par ces derniers. De plus, la démarche d’évaluation et de prévention des
RPS peut s’étaler sur une période de temps assez longue, certaines étapes
d’analyse nécessitant un temps de maturation et de validation, ce qui peut
parfois donner l’impression pour le personnel « qu’elle n’avance plus » ou
« qu’elle ne sert à rien ». Il est donc crucial de communiquer et de le faire
suivant un plan bien établi.
Voici quelques repères pour organiser ce plan de communication :
• Communiquer au lancement de la démarche.
• Communiquer tout au long de la démarche (et à la fin de celle-ci).
• Communiquer spécifiquement à destination de l’encadrement.

Repères pour adapter la communication


• S’appuyer sur la culture de l’organisation et les pratiques existantes en la
matière : privilégie-t-on l’affichage, la diffusion par messagerie avec relais
vers l’intranet, l’envoi de documents avec le bulletin de paie, un journal
interne ?
• Mixer écrit et oral : à la diffusion d’informations écrites destinées à l’en-
semble du personnel, il est souhaitable d’associer un complément d’infor-
mation oral, par exemple lors des réunions d’équipe, voire d’une réunion
d’information spécifiquement organisée pour l’ensemble du personnel,
car cela permet de s’assurer que tout le personnel a bien eu l’information
et en a pris connaissance, mais également de répondre aux questions,
voire de remonter d’éventuelles difficultés.
• Privilégier une communication impliquant les instances représentatives du
personnel, ce qui permet de légitimer davantage la démarche et de main-
tenir l’implication des représentants du personnel.

98
Organiser et lancer la démarche de prévention

La communication au lancement de la démarche


Cette communication marque le lancement officiel de la démarche vis-à-
vis du personnel. Son objet est de donner le même niveau d’information à
l’ensemble du personnel et de le préparer à s’impliquer. Elle peut poursuivre
les objectifs suivants (à adapter en fonction des besoins) :
• Rendre visible l’engagement de la direction.
• Présenter la démarche, ses objectifs, les membres du groupe de travail,
les liens entre le CHSCT et le comité de pilotage.
• Établir un climat de confiance et faciliter la participation.
L’engagement de la direction est une des conditions primordiales de la réussite
de cette démarche. Cet engagement, relayé auprès des salariés par la commu-
nication au lancement de la démarche, vise à indiquer qu’il s’agit bien d’agir
durablement sur les RPS et de transformer, le cas échéant, l’organisation
pour que celle-ci offre de meilleures conditions de vie au travail (évidemment,
cet engagement doit être suivi dans les faits d’actions concrètes sous peine
de décrédibiliser totalement le travail entrepris).
La communication initiale implique également une présentation détaillée de
la démarche, ses objectifs, étapes, participants, etc. (Le « qui, quoi, où, quand,
comment ».) C’est également l’occasion de préciser les formes d’association
des représentants du personnel et, le cas échéant, d’intervenants extérieurs.
La communication au lancement de la démarche vise enfin à établir un
climat de confiance avec l’ensemble du personnel, et notamment de l’enca-
drement. Elle tente ainsi de rassurer :
• Face aux craintes d’ouvrir « la boîte de Pandore » et de voir remonter
n’importe quelle plainte plus ou moins liée aux RPS ou encore la for-
mulation de recommandations déconnectées du réel.
• Face aux inquiétudes de remise en cause de certaines procédures ou
de certaines pratiques.
• Face aux peurs d’être sanctionné ou ostracisé pour avoir relaté une
situation de souffrance, que ce soit en tant que « victime » ou témoin.
Ce climat de confiance est essentiel pour faciliter la participation. L’enjeu
est de faire s’exprimer les salariés (grâce à des questionnaires, entretiens, etc.)
mais aussi d’oser relater une situation difficile. La communication doit ainsi
insister sur la confidentialité qui sera assurée tout au long de la démarche
et de préciser les modalités permettant de l’assurer concrètement.

99
Les risques psychosociaux

Repères pour assurer la confidentialité


• Montrer que la démarche est conjointe entre la direction et les représen-
tants du personnel, et qu’ils peuvent être contactés à tout moment.
• Préciser, par exemple, que les questionnaires sont gérés intégralement par
un organisme extérieur (ou le médecin du travail, le cas échéant) qui sera
seul destinataire des questionnaires qui pourront être complétés directe-
ment sur un poste informatique à l’aide d’un code personnel, confidentiel
et à usage unique.
• Rappeler les règles instaurées en cas de suspicion de harcèlement ou de
souffrance (par exemple, sollicitation de plusieurs intervenants bien iden-
tifiés, chargés de traiter la situation dans la plus grande confidentialité, et
notamment le secret médical dans le cas du médecin du travail, et en lien
avec les représentants du personnel).
• Préciser, lorsque cette démarche est accomplie, que les modalités de re-
cueil, de traitement et de stockage des questionnaires ont été validées
par la CNIL.

La communication proprement dite peut prendre la forme d’un courrier


adressé à l’ensemble du personnel (voir modèle ci-après) ou d’une brochure,
si possible d’une page au maximum, indiquant notamment :
• Pourquoi l’entreprise lance une telle démarche.
• En quoi consiste cette démarche (et qui la conduit).
• À qui elle s’adresse.
• Ce qui est attendu du personnel.
• Les modalités relatives à la confidentialité.
• Les coordonnées permettant de poser des questions ou d’en savoir plus.

100
Organiser et lancer la démarche de prévention

Madame, Monsieur,
Dans le cadre de l’évaluation des risques professionnels, une démarche d’évaluation des risques
psychosociaux va être réalisée dans notre organisation.
L’objectif de celle-ci est d’évaluer le degré d’exposition aux facteurs de risques psychosociaux et d’identifier
des mesures de prévention à mettre en place afin d’améliorer la qualité de vie au travail.
Votre participation dans la démarche engagée est essentielle, car elle sera un des facteurs clés de sa réussite.
À ce titre, vous serez sollicité au cours des différentes étapes (à adapter) :
• pour répondre à un questionnaire (confidentiel) relatif à vos conditions de travail (celui-ci comprend
X questions et se passe rapidement, en moins de Y minutes) ;
• pour participer à des entretiens individuels et/ou collectifs et/ou à des séances de travail permettant
d’approfondir la connaissance des RPS de nos activités et les actions susceptibles d’y faire face.
Nous nous engageons, tout au long de la démarche, à garantir la confidentialité des propos échangés.
(Préciser les modalités décidées en interne pour assurer la confidentialité.)
Pour assurer un suivi de la mission, un groupe de travail a été créé et travaille en lien avec le CHSCT. Il est
composé des membres suivants :
• X (chargé de mission RPS), téléphone, e-mail.
• Y (statut), téléphone, e-mail.
• Z (statut), téléphone, e-mail, etc.
Les membres de ce groupe de travail vous informeront régulièrement des résultats de leurs travaux. N’hésitez
pas à les contacter pour toute question relative à la démarche ou si vous souhaitez des informations
complémentaires.
En vous remerciant d’avance de votre implication,
Bien cordialement,
Signé :
• La direction ou le pilote du groupe de travail.
• Le secrétaire du CHSCT.

Exemple de courrier pour annoncer le lancement de la démarche

Enfin, cette communication peut s’accompagner de sessions de sensibilisa-


tion pour l’ensemble du personnel afin d’augmenter la sensibilité de chacun
sur les RPS mais aussi de recadrer les idées reçues sur ce qu’ils ne sont pas.
Cette sensibilisation peut prendre plusieurs formes, y compris des formes
ludiques comme le proposent certains prestataires de théâtre d’entreprise.
Le contenu de ces sessions peut s’appuyer sur les axes suivants :
• Donner les définitions et connaissances essentielles en matière de RPS
(et débattre de quelques idées reçues).
• Préciser davantage la démarche de prévention engagée, notamment
les participants au groupe de travail et les moyens permettant de les
contacter.

101
Les risques psychosociaux

Quelques idées reçues à combattre sur les RPS


Certaines croyances sont résistantes et peuvent limiter la puissance de la dé-
marche. Ainsi, il ne faut pas croire que :
• Les RPS ne touchent que des personnes fragiles ou « à problème ».
• Il y a du bon stress et celui-ci permet d’ailleurs d’être plus performant.
• Les RPS sont subjectifs, c’est dans la tête des gens… La solution : former à
la gestion du stress ou faire de la relaxation.
• L’entreprise n’a pas à se préoccuper des problèmes personnels.
• Les RPS sont surtout le fait de managers incompétents.

La communication tout au long de la démarche et après


La communication doit se poursuivre tout au long de la démarche afin d’in-
former régulièrement le personnel de l’avancement de cette dernière, des
résultats obtenus suite à l’implication des salariés ou encore sur les actions
mises en œuvre.
Cette communication peut se faire aux étapes suivantes :
• Après la phase de prédiagnostic par indicateurs ou questionnaires
(étape 5 du schéma proposé, p. 72).
• Après la phase de diagnostic approfondi (étape 6).
• Après la validation du plan d’action (étape 7).
• Après une période de retour d’expérience sur la mise en œuvre et
l’efficacité des actions engagées (étape 9).
Ces communications peuvent poursuivre les objectifs suivants (à adapter en
fonction des besoins et des étapes) :
• Inviter les salariés à participer aux actions entreprises par le groupe
de travail à chaque étape de la démarche (par exemple, susciter des
volontaires pour participer aux entretiens individuels ou à des séances
de travail).
• Remercier pour la participation aux actions passées.
• Informer de l’état d’avancement de la démarche et des résultats obte-
nus (résultats du diagnostic, plan d’action validé, etc.).

102
Organiser et lancer la démarche de prévention

• Publiciser certaines actions de prévention clés ayant contribué à amé-


liorer la qualité de vie au travail.
• Préciser les rôles et responsabilités de chacun dans la mise en œuvre
du plan d’action.
Cette communication tout au long de la démarche est essentielle pour éviter
les effets d’attente non satisfaits qui sont de puissantes sources de démobi-
lisation lorsque le personnel s’est impliqué pour répondre aux questions ou
participer aux entretiens mais ne voit aucun changement concret.

Communiquer en fin de démarche


Lorsque les actions de prévention ont été validées par le comité de pilotage,
il reste à informer les salariés des changements envisagés et de leur efficacité
attendue. La prévention des RPS débouche ainsi sur un ensemble d’actions
concrètes qui doivent être mises en œuvre avec la participation de l’encadre-
ment et des salariés.
Un événement plus formel peut accompagner cette communication : une
réunion destinée à l’ensemble du personnel, par exemple. Cela permet de
remercier le personnel mais aussi de préciser que, si la démarche s’achève, la
vigilance reste de mise concernant les actions engagées pour permettre une
prévention durable.
Toutefois, la démarche de prévention ne s’achève pas réellement à ce stade.
Une fois les actions mises en œuvre, il reste à les évaluer et à réévaluer les RPS
pour mettre à jour le document unique, et ce, avant d’engager de nouvelles
actions, et ainsi de suite, de façon à assurer une prévention pérenne dans une
logique d’amélioration continue.

Le cas particulier de la communication


auprès de l’encadrement
L’encadrement joue souvent un rôle particulier dans les démarches de préven-
tion. Il arrive même qu’il soit chargé de réaliser un diagnostic des RPS avec
ses équipes sous la forme de focus groupe ou de réunions de travail encadrées
par une méthode à laquelle ils sont préalablement formés. Le contenu de cette
communication dépend donc du degré d’association et de participation au
diagnostic de l’encadrement.

103
Les risques psychosociaux

Dans tous les cas, ils doivent pouvoir informer les collaborateurs de l’existence
de la démarche et de son déroulement (notamment en communiquant en
réunion), faciliter la participation de ceux-ci (par exemple, pour répondre
aux questionnaires) et aider à la définition et à la mise en œuvre d’actions
de prévention. Ils sont également un des relais privilégiés des situations cri-
tiques vécues par leurs salariés (qui peuvent nécessiter une prise en charge
médico-sociale, voir à ce sujet l’Outil 25 présenté au chapitre 6).

Organiser une séance de sensibilisation


des managers aux RPS
Organiser une séance de sensibilisation de l’encadrement est souvent utile en
début de démarche. Si elle partage une base commune avec celle des sala-
riés, elle doit néanmoins être adaptée à leur rôle particulier.
Les objectifs qu’elle poursuit sont ainsi de :
• Présenter les grands enjeux liés aux RPS, notamment économiques ou en
termes de responsabilités (le cadre juridique).
• Donner les définitions et connaissances essentielles en matière de RPS et
débattre de quelques idées reçues.
• Préciser davantage la démarche de prévention engagée, notamment les
participants au groupe de travail et les moyens permettant de les contacter.
• Préciser le rôle particulier de l’encadrement tant dans la démarche de pré-
vention qu’en général, afin d’intégrer la gestion des RPS dans le manage-
ment quotidien de leur équipe, notamment face aux changements.
• Indiquer la procédure à suivre s’ils sont face à un collaborateur en détresse.
Cette sensibilisation est différente d’une formation qui peut être une des ac-
tions issues de l’évaluation des risques – et dont les objectifs et le contenu
doivent être adaptés aux besoins identifiés au cours de la démarche.

Enfin, les managers sont une population sensible, car ils sont eux aussi exposés
aux RPS et ont un rôle important à jouer dans leur prévention au quotidien.
Témoigner d’un soutien particulier à cette population et d’une implication
qui reconnaît leur rôle positif dans la construction de la santé constitue ainsi
un des facteurs de succès des démarches concernant les RPS.

104
Organiser et lancer la démarche de prévention

Outil 9 – Lancer les premières actions


(étape 4 suite)
La revue des dispositifs existants
La troisième action à entreprendre lors du lancement de la démarche consiste
à réunir des informations concernant les dispositifs de prévention existants.
La collecte et l’analyse de ces informations peuvent faire l’objet de séances
de travail du groupe de travail (ou d’une partie de celui-ci). C’est l’occasion
de mettre concrètement au travail ces acteurs, car cela matérialise, autour
d’informations tangibles et d’un objectif identifié, la coordination de l’action
des uns et des autres. Un des produits de ce travail est ainsi la mise en mou-
vement de la dynamique collective !
En matière de prévention des RPS, il existe toujours des mesures, même
dispersées, qui contribuent à développer ou soutenir les ressources indivi-
duelles et collectives de prévention. Partir de zéro signifierait qu’en matière
de reconnaissance et de respect, les managers ne feraient ni assez, ni assez
bien. Cette stigmatisation ne rend pas justice à leurs actions quotidiennes
qui, si elles sont toujours perfectibles, n’en constituent pas moins un effort
de prévention qu’il faut rendre visible et reconnaître à sa juste mesure.
Cette revue des dispositifs peut interroger plusieurs types d’actions :
• Les dispositions encadrant l’analyse a priori des effets des change-
ments et l’intégration des questions de santé et de sécurité dès la
phase de conception (d’outils, de méthodes, de postes de travail, etc.).
• Les politiques visant à favoriser :
– la reconnaissance au travail (rémunération, distinctions, récom-
penses, etc.) ;
– le respect au travail (charte, formations, etc.) ;
– l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle (régle-
mentation des heures de réunion en fin de journée, accès à une
crèche ou conciergerie d’entreprise, etc.) ;
– la régulation de l’usage des TIC (règles de la charte informatique
concernant l’accès à la messagerie et au serveur en dehors des
heures de travail, par exemple) ;
– autres actions générales et collectives visant à développer les res-
sources permettant de faire face aux exigences du travail.

105
Les risques psychosociaux

• Les actions de formation existantes (par exemple, sur la gestion du stress).


• Les procédures de gestion des situations critiques (suspicion de harcè-
lement, de souffrance au travail), notamment du point de vue médico-
social (avec le médecin du travail, l’assistante sociale).
Cette revue est également l’occasion d’interroger l’efficacité de ces mesures
et l’opportunité de leur modification ou remplacement ; elle sera utile lors
de la réflexion sur la définition du plan d’action (voir dans le chapitre 5, « La
détermination des actions possibles », p. 182).

La légitimation de la démarche : agir sur les situations


identifiées et/ou critiques
Le dernier type d’action envisagé au moment du lancement de la démarche
vise à crédibiliser celle-ci en lançant, sans attendre la fin de l’évaluation des
RPS, des actions concrètes de prévention, qui permettent d’incarner l’enga-
gement de la direction (la volonté d’aller « jusqu’au bout » et de transformer
l’organisation) et de lutter contre les « points chauds », notamment ceux
identifiés lors des échanges entre les membres du groupe de travail lors de leur
première réunion (par exemple, des situations individuelles de souffrance,
de violence au travail, etc.).
Un premier jeu d’actions peut ainsi être formalisé et validé par le comité
de pilotage (voir le chapitre 5 pour plus d’éléments sur le plan d’action). La
publicité de ce plan devra être faite pour renforcer la validité de l’engagement
de la direction et inviter davantage le personnel à croire en la démarche et
à y participer activement. Ces actions immédiates requises peuvent éga-
lement être initiées tout au long de la démarche de prévention, selon les
résultats des travaux du groupe de travail et le caractère urgent ou critique
des situations identifiées.
Enfin, suite à la revue des dispositifs existants, et si cette action n’existe
pas ou ne fait pas consensus sur son efficacité et ses modalités actuelles de
fonctionnement, il est utile de lancer (ou de renforcer, voire de repenser) une
procédure d’intervention pour gérer les situations de crise : suspicion de
harcèlement, conflits et violences, détresse ou souffrance d’un salarié, suicide
ou tentative, etc. Le but est de déployer rapidement un filet de sécurité pour
gérer les situations critiques, en attente d’une politique de prévention qui
permettra d’éviter, autant que possible, que ces situations ne surviennent à
l’avenir (voir le chapitre 6 pour plus d’éléments sur l’organisation et le fonc-
tionnement de cette procédure).

106
4
CHAPITRE

Identifier et évaluer les RPS

Nous allons ici indiquer les grandes lignes pour réaliser un prédiagnostic,
proposer une méthode rigoureuse de caractérisation des RPS, enfin faire
dialoguer les résultats de l’évaluation des RPS avec le document unique.

Outil 10 – Choisir la bonne formule


pour évaluer les RPS (étape 5)
L’objectif de la démarche est de déboucher sur des leviers d’action concrets
permettant de lutter contre les RPS, de les réduire ou d’amener le personnel
à mieux affronter leurs conséquences. Pour déterminer de telles actions, il
faut s’appuyer sur un diagnostic rigoureux des RPS rencontrés dans les
situations de travail et ainsi passer d’un sentiment de malaise diffus à une
identification et une caractérisation précise des RPS.
Afin de réaliser cette opération, nous allons aborder successivement les ques-
tions suivantes :
• Comment réaliser des hypothèses de travail à partir des débats au sein
du groupe de travail (étape 5 de la démarche de prévention proposée,
voir schéma p. 72) ?
• Comment réaliser un prédiagnostic à partir d’indicateurs (étape 5) ?
• Comment réaliser un prédiagnostic à partir de questionnaires (étape 5) ?

107
Les risques psychosociaux

• Comment caractériser précisément les RPS au travers d’un diagnostic


approfondi (étape 6) ?
• Comment mettre à jour le document unique (étape 6) ?
Toutefois, il n’est pas toujours nécessaire de réaliser systématiquement deux
prédiagnostics avant le diagnostic approfondi. L’adaptation de la démarche
consiste à trouver la formule la plus adéquate à l’organisation, à sa structure
(notamment son éclatement géographique ou la dispersion de son person-
nel), ses moyens, les objectifs fixés à la démarche d’évaluation des risques,
etc. Dans tous les cas, on ne peut pas en rester au stade du prédiagnostic,
il est impératif de procéder à une évaluation en profondeur, ce qui suppose
de déterminer comment construire cette évaluation sur la base des résultats
du prédiagnostic.

Diagnostic approfondi
1 Hypothèses de travail
par entretiens

Hypothèses de travail

Diagnostic approfondi
2 par entretiens

Prédiagnostic
(indicateurs ou questionnaire)

Prédiagnostic
par indicateurs

Diagnostic approfondi
3 Hypothèses de travail par entretiens

Prédiagnostic
par questionnaire

Trois formules possibles pour l’évaluation des RPS

108
Identifier et évaluer les RPS

Exemples de formules adaptées à l’organisation


Une organisation de plusieurs milliers de salariés répartis sur plusieurs sites a
choisi de s’organiser en deux temps :
1. Les services de santé au travail se sont coordonnés pour lancer une grande
enquête par questionnaires, qui a été analysée par un intervenant exté-
rieur et restituée auprès des CHSCT des différents sites afin de faire émer-
ger des axes structurants pour la seconde étape.
2. Un diagnostic approfondi a été réalisé à partir d’entretiens avec les caté-
gories de salariés pour lesquelles les « scores » des questionnaires révé-
laient des difficultés (par exemple, les femmes cadres entre 35 et 45 ans,
dites « en milieu de carrière », ou les techniciens des fonctions support
confrontés à une externalisation accrue de leur activité) et des sources
potentielles de RPS (des problématiques de reconnaissance ou de perte
de sens dans le travail).
Une entreprise du secteur de l’informatique de 200 salariés confrontée à un
changement d’organisation a privilégié la réalisation exclusive d’un diagnos-
tic approfondi à partir d’entretiens avec un quart du personnel (50 salariés
représentants toutes les fonctions de l’entreprise) autour des thématiques
mises en évidence dans le rapport Gollac (à savoir intensité et temps de tra-
vail, exigences émotionnelles, autonomie, rapports sociaux au travail, conflits
de valeurs et insécurité de la situation de travail). Cette démarche a permis
d’identifier les situations à risques et de proposer des actions de prévention.

Outil 11 – S’appuyer sur des hypothèses


de travail
L’intérêt des hypothèses de travail
Les hypothèses de travail concernant les RPS au sein de l’organisation sont
utiles afin d’orienter le prédiagnostic (autres éléments de l’étape 5) ou le dia-
gnostic approfondi (étape 6) permettant de caractériser précisément les RPS.
Elles permettent également d’identifier quelques situations critiques aux-
quelles le groupe de travail peut immédiatement s’attaquer (voir le chapitre 3,
« La légitimation de la démarche : agir sur les situations identifiées et/ou
critiques », p. 106).

109
Les risques psychosociaux

Exemples d’hypothèses de travail


• Le personnel du service X semble fortement exposé aux RPS comme le
suggère le nombre important d’alertes signalées par les représentants du
personnel au sujet des effets négatifs du changement de logiciel.
• Les agressions verbales semblent être un facteur de risque majeur pour
le personnel du service Y et, en particulier, pour les jeunes diplômés qui
intègrent l’entreprise (déficit de compétences et traitement plus long des
demandes avec des erreurs plus fréquentes).
• Le surplus d’activité généré par les fêtes de fin d’année recèle potentielle-
ment des situations de RPS au sein du département Z.

En résumé, les hypothèses de travail permettent d’ajuster la démarche ulté-


rieure – Quels questionnaires de prédiagnostic utiliser ? Quelles questions
poser aux salariés ? Quel département peut-on utiliser comme site pilote ?
Etc. – et d’identifier les « points chauds », c’est-à-dire les membres du per-
sonnel auprès desquels une intervention peut immédiatement être organisée,
sans attendre la fin de l’évaluation approfondie des RPS. Les hypothèses ne
sont donc pas une fin en soi, mais le moyen d’identifier des difficultés
potentielles et de préciser un champ de questionnement guidant ulté-
rieurement le prédiagnostic et l’évaluation des RPS.

L’élaboration des hypothèses de travail


L’élaboration de ces hypothèses est du ressort des membres du groupe de
travail. Comme nous l’avons souligné, il est important que les membres de ce
groupe proviennent d’horizons divers (pluridisciplinarité) et connaissent bien
l’historique et le contexte de l’organisation. L’élaboration de ces hypothèses
peut faire l’objet de séances de travail spécifiques ou bien être intégrée à la
réunion de lancement du groupe de travail (voir le chapitre 3, « La réunion des
membres du groupe de travail : lancer concrètement les travaux », p. 94).
Ces hypothèses portent sur les liens probables entre le travail et la santé
mentale, c’est-à-dire les liens qui peuvent être établis entre certains facteurs
de contraintes (ou déficits de ressources) et le malaise des salariés dans leur
ensemble ou selon certains critères (départements ou services concernés,
statuts, etc.).

110
Identifier et évaluer les RPS

Questions pour faciliter la recherche


des hypothèses de travail
• Quelles sont les zones de l’organisation (ou parties du personnel) qui
semblent en difficulté ?
• Quelles sont les activités, opérations ou périodes difficiles ?
• Quels sont les symptômes de RPS dont nous avons connaissance ? Qui
concernent-ils ?
• Quelles peuvent être les causes de ces difficultés/symptômes ? en termes
de facteurs de contraintes ? de déficit de ressources ?

Il n’est pas nécessaire d’obtenir une unanimité sur ces hypothèses. Le but est
davantage de nourrir le débat en incitant à expliciter les avis divergents et,
éventuellement, de chercher des informations ou témoignages complémen-
taires pour progresser dans la réflexion.
Une fois une liste de quelques hypothèses élaborée (en se limitant à une
demi-douzaine, par exemple), il reste à déterminer si l’on a besoin d’indica-
teurs pour approfondir ou affiner celles-ci (voir ci-après), ou si le consensus
est suffisamment net pour poursuivre l’évaluation des RPS. Enfin, on peut
envisager que le comité de pilotage valide ces hypothèses, notamment lorsque
celles-ci guident le choix des questionnaires déployés pour approfondir le
prédiagnostic (voir ci-après le développement du prédiagnostic grâce aux
indicateurs collectés).

Outil 12 – Collecter des indicateurs


pour le prédiagnostic
Il existe une grande diversité d’indicateurs : le but n’est donc pas l’exhausti-
vité mais plutôt l’adaptation à l’organisation. Les indicateurs qui semblent
les plus pertinents doivent être choisis en fonction des hypothèses de travail
préalablement élaborées.
De plus, il convient de ne pas s’appuyer uniquement sur des données quan-
titatives (les chiffres) mais également d’intégrer des données qualitatives,
comme les causes de départ des salariés ou encore le contenu des plaintes
exprimées.

111
Les risques psychosociaux

Les indicateurs en bref


À quoi servent les indicateurs ?
Les indicateurs peuvent jouer plusieurs fonctions dans la démarche :
• Aider au repérage des situations à risque.
• Faciliter l’identification de situations dégradées nécessitant une interven-
tion immédiate.
• Organiser le suivi dans le temps des RPS dans l’organisation.
Pour repérer de tels indicateurs, il est conseillé de procéder en trois temps :
• Collecter les indicateurs.
• Interpréter les indicateurs.
• Exploiter les interprétations.
Principales sources des indicateurs
Les indicateurs existants et disponibles se trouvent, soit dans des sources do-
cumentaires, soit auprès d’acteurs. Ainsi :
• Les documents principaux sont (liste non exhaustive) :
– le bilan social ;
– le rapport annuel sur l’hygiène, la sécurité et les conditions de travail ;
– le rapport du médecin du travail (présenté en CHSCT) ;
– les procès-verbaux de réunions des instances représentatives du per-
sonnel (DP, CE et CHSCT).
• Les acteurs principaux sont (liste non exhaustive) :
– la direction des ressources humaines ;
– le médecin du travail ;
– l’infirmier ;
– les représentants du personnel (principalement DP et CHSCT).
Choisir des indicateurs adaptés
Selon l’activité ou la culture de l’organisation, les indicateurs n’ont pas tous
la même puissance explicative. Ainsi, dans les SSII (sociétés de services en
ingénierie informatique), un taux de roulement de 15 % pourrait constituer
un indicateur dégradé, car la moyenne nationale se situe entre 9 et 11 %. Or,
il est fréquent, dans ce secteur, que le taux de roulement oscille entre 15 et
20 %. Plutôt que cet indicateur quantitatif qui reflète un mode de gestion de
la main-d’œuvre, il peut être intéressant d’exploiter les causes des départs
(données qualitatives) ou l’absentéisme, potentiellement plus révélateurs de
difficultés potentielles des populations employées.

112
Identifier et évaluer les RPS

Les indicateurs classiques permettant de nourrir le prédiagnostic (liste non exhaustive)

Précisions (découpage potentiellement plus fin par critères : âge, ancienneté,


Indicateurs
sexe, fonction, service, unité de travail, etc.)

Indicateur de malaise potentiel, décomposition possible :


• Par origine : maladie, accidents du travail ou de trajet, congés divers, etc.
• Absences de courte durée (moins de 10 jours) et de plus longue durée (plus de
10 jours)
Absentéisme
• Par nombre moyen de jours d’absence
• Par taux (moyenne nationale : 4 à 5 % dans le privé ; 7 à 11 % dans le public.
Attention, il existe de fortes variations selon les secteurs !)
• Par jours de la semaine (lundi, mercredi, vendredi, vacances scolaires)

Potentiellement causés – entre autres causes – par des RPS (baisse de vigilance, etc.),
décomposition possible :
Accidents • Nombre d’accidents sans arrêts et avec arrêts
du travail • Nombre de journées perdues
• Taux de fréquence et de gravité
• Accidents bénins (soins à l’infirmerie)

Indicateur de malaise potentiel (effets des RPS sur l’activité), décomposition possible :
Activité • Productivité
• Qualité

Données notamment collectées par le médecin du travail et/ou l’infirmier sur l’état de
santé du personnel (à manipuler avec précaution) :
Données
• Symptômes (migraines, maux de tête, douleurs diverses, etc.)
médicales
• Recours à des substances psychoactives et conduites addictives
• Troubles divers (sommeil, digestion, hypertension, etc.)

Les RPS (dont le stress) entrent dans l’étiologie de certaines MP, notamment :
Maladies
• Nombre de TMS déclarés et reconnus
professionnelles
• Nombre de maladies à caractère professionnel déclarées et reconnues par le CRRMP

Indicateurs d’événements liés à un malaise potentiel, décomposition possible :


• Procédures judiciaires en cours (prud’hommes, interventions de l’inspection du
Relations sociales travail, etc.)
au sein
• Grèves (nombre, intensité, etc.)
de l’organisation
• Actes de malveillance, de violence, vols, etc.
• Nombre de sanctions disciplinaires

113
Les risques psychosociaux

Les indicateurs classiques permettant de nourrir le prédiagnostic (liste non exhaustive)

Précisions (découpage potentiellement plus fin par critères : âge, ancienneté,


Indicateurs
sexe, fonction, service, unité de travail, etc.)

Données notamment collectées par le médecin du travail et/ou l’infirmier, liées à un


malaise potentiel, décomposition possible :
Service de santé • Nombre de passages à l’infirmerie
au travail • Visites médicales (de reprise, préreprise, spontanées)
• Inaptitudes (totales, partielles), demandes d’aménagement de poste
• Orientations vers le médecin traitant ou vers un spécialiste

Situations de RPS avérés ayant généralement fait l’objet d’une prise en charge, exemple
d’événements :
• Crise de nerfs, larmes, malaise, etc.
Situations • Suicide (ou tentative) sur le lieu de travail
dégradées ou • Suicide (ou tentative) en dehors du lieu de travail mais attribué au travail (lettre,
graves témoignages, etc.)
• Plainte ou suspicion de harcèlement (moral ou sexuel), sanctionné par la justice
• Dégradation, atteinte aux biens
• Violences verbales ou physiques d’origine interne ou externe

Indicateur de malaise potentiel, approfondissement possible par :


Taux de rotation
• Taux de rotation (moyenne nationale entre 9 et 11 %)
et autres
• Solde des départs par rapport aux arrivées
mouvements
de personnel • Causes des départs (démissions, licenciements, retraite, décès, invalidités, mutations,
départs en période d’essai à l’initiative du salarié ou de l’entreprise)

Indicateur potentiel de la charge de travail, décomposition possible :


Temps de travail • Nombre de jours travaillés par salariés
• Nombre de jours de congés et RTT pris (ou retard de prise, reports, etc.)

Outil 13 – Interpréter les indicateurs


Les principes devant guider l’interprétation des indicateurs sont les suivants :
• L’étude des variations dans le temps.
• L’étude des variations selon divers groupes de salariés (par service,
département, site, etc.).
• L’étude des variations par rapport à des référents (moyennes nationales
ou du secteur d’activité).
• La recherche de « cumuls » : plutôt qu’un indicateur dégradé pris de
manière isolée, il s’agit de chercher les faisceaux convergents d’indi-
cateurs dégradés.

114
Identifier et évaluer les RPS

Une première piste vise ainsi à établir des critères permettant d’apprécier
l’évolution des indicateurs dans le temps en les ventilant par niveaux (à adap-
ter par les membres du groupe de travail) :
• Global, au niveau d’une organisation donnée.
• Par secteur (site, département, etc.) correspondant à un découpage
propre à l’organisation.
• Par population (âge, ancienneté, sexe, catégorie professionnelle, statut,
etc.).
• Par « unité de travail » au sens du document unique.
Pour faciliter l’émergence d’une interprétation convergente, il est utile d’ani-
mer ces séances du groupe de travail en ayant pris soin de respecter une
composition pluridisciplinaire. Le médecin du travail, par exemple, sera
plus à même d’intervenir sur les données médicales, le représentant des RH
ou le préventeur le feront également dans leurs domaines, tout comme les
représentants du personnel pourront expliciter des situations précises, impli-
quant des plaintes, sur lesquelles ils sont intervenus.
Une autre grande clé d’interprétation consiste à être sensible au contexte
global de l’organisation (notamment les changements vécus récemment, en
cours ou à venir) mais également aux contextes locaux en prenant en compte
l’historique d’un service, par exemple : l’absence de manager durant six mois,
trois départs en retraite au cours des années précédentes, une croissance forte
de l’activité ou une modification du profil des clients ou usagers.
Une piste intéressante pour encadrer les interprétations repose sur le croi-
sement d’indicateurs divers. Ainsi, l’INRS1 distingue trois catégories d’indi-
cateurs :
• Des indicateurs de risques portant sur des facteurs de contraintes
liés à l’organisation du travail, aux changements (par exemple, les
salariés travaillant en horaires atypiques, les modalités de production,
la gestion des pauses).
• Des indicateurs de résultats portant sur la mise en évidence de
la santé des salariés et de son éventuelle dégradation (par exemple,
l’absentéisme, le taux de rotation, les indicateurs de production ou de
qualité, les grèves, les accidents du travail).

1. INRS, Dépister les risques psychosociaux, ED 6012, décembre 2007.

115
Les risques psychosociaux

• Des indicateurs de moyens touchant à l’effort de prévention existant


ou à ses carences (par exemple, l’existence de représentants du per-
sonnel formés et impliqués, les formations existantes).
À ce titre, l’interprétation des indicateurs peut chercher le croisement de ces
trois catégories. Ainsi, des indicateurs de résultats dégradés peuvent être
mis en relation avec des indicateurs de risques (pour identifier des causes
potentielles de dégradation de la santé) et de moyens (pour identifier l’absence
de ressources permettant de faire face aux exigences du travail). Cela peut
permettre de mettre en relation les indicateurs dégradés d’un atelier ou un
établissement avec des causes potentielles (le travail de nuit, le travail en flux
tendu ou au contact avec le public, etc.) et ainsi de contribuer à alimenter
les hypothèses de travail qui vont permettre de mieux cibler les travaux du
groupe de travail.

Outil 14 – Exploiter les indicateurs


À l’issue du travail de collecte et d’interprétation, plusieurs exploitations
peuvent être faites :
• Lister les « points chauds » qui semblent constituer des situations
dégradées avérées nécessitant une intervention immédiate.
• Déterminer les données susceptibles de constituer un tableau de bord
d’une dizaine d’indicateurs d’alerte et/ou des remarques qualitatives
constatées (voir les modèles de document ci-après), et assurer un suivi
régulier (chaque trimestre ou semestre en réunion de CHSCT) pour
assurer la veille concernant les RPS dans l’organisation.

Exemple de tableau de bord de suivi d’indicateurs quantitatifs

Unité de travail A Unité de travail B Unité de travail C …


Indicateurs
t t–1 t t–1 t t–1 t t–1

Taux de productivité

Nombre d’incidents
qualité

Absentéisme
> 30 jours

Absentéisme
< 30 jours

116
Identifier et évaluer les RPS

Exemple de tableau de bord de suivi d’indicateurs quantitatifs

Unité de travail A Unité de travail B Unité de travail C …


Indicateurs
t t–1 t t–1 t t–1 t t–1

Taux de roulement

Nombre d’AT

Nombre d’agressions

Nombre de salariés
en retard sur la prise
de congés ou de RTT

Nombre de passages
à l’infirmerie

Nombre de visites
de préreprise

Nombre d’alertes
(cellule de crise)

Exemple de tableau de bord de suivi d’indicateurs qualitatifs

Année : 20… Département : …………………………

Nombre de remarques selon leur intensité


Thèmes des remarques
Intensité (–) Intensité (+) Intensité (+++) Total

Agressions verbales

Aménagement des locaux

Astreintes

Charge de travail

Conflits avec des collègues

Conflits avec un supérieur

Isolement

Communication

Moyens matériels

Total

117
Les risques psychosociaux

Exemple de tableau de bord mixte qualitatif/quantitatif

Service Nombre de Nombre de


(ou activité, % des Nombre remarques saisines de
% des AT Absentéisme
unité de effectifs d’agressions (intensité la cellule
travail, etc.) +++) de crise

À 10 % 33 % 14 jours/ 4 12 2
personne

B 20 % 5% 35 jours/ 0 4 5
personne

C …% …% … j/pers. … … …

D …% …% … j/pers. … … …

E …% …% … j/pers. … … …

… …% …% … j/pers. … … …

À l’issue de la revue des indicateurs, les membres du groupe de travail dis-


posent d’un certain nombre d’informations leur permettant d’objectiver un
ressenti et une connaissance expérientielle des situations de RPS de l’orga-
nisation. Ils peuvent ainsi affiner les hypothèses de travail leur permettant
de structurer les étapes suivantes :
• Soit le choix des questionnaires pouvant être utilisés dans l’étape de
prédiagnostic complémentaire (autre élément de l’étape 5).
• Soit les populations devant être rencontrées et les questions à poser
pour identifier les principales situations de travail à risque (étape 6).

Outil 15 – Faire un prédiagnostic


par questionnaires
pour cartographier les risques
Les questionnaires ne représentent pas une fin en soi, ils ne sont que le
moyen de donner des points d’appui complémentaires pour orienter le dia-
gnostic approfondi des RPS. En effet, les questionnaires donnent des infor-
mations générales sur l’état de santé du personnel et les grands facteurs de
risques impliqués dans les RPS, mais ne renseignent pas sur les difficultés

118
Identifier et évaluer les RPS

concrètes, quotidiennes, vécues dans le cadre du travail réalisé (ce sera l’objet
du diagnostic approfondi de l’étape 6) et ne permettent donc pas de proposer
des actions de prévention véritablement opératoires. Au mieux, ils permettent
de dégager des axes d’amélioration généraux : travailler sur la reconnaissance
ou développer le soutien social, ce qui s’avère insuffisant pour lutter effica-
cement contre les RPS.
Les questionnaires jouent ainsi un rôle de prédiagnostic dans la démarche :
ils permettent de croiser, à l’échelle de l’organisation dans son ensemble, des
scores de facteurs de risques et des scores de santé.
Par exemple, les questionnaires permettent de mesurer le stress perçu. Si des
groupes d’employés manifestent un taux élevé de stress perçu, l’analyse de
leurs réponses permettra de lier ce taux (synonyme d’une atteinte potentielle
à la santé mentale) à des facteurs de risques. En croisant les deux informa-
tions, il est possible d’approfondir et d’affiner les hypothèses de travail qui
guideront le diagnostic approfondi en orientant la nature des questions à
poser et les groupes de salariés qui sont susceptibles d’être les plus exposés.
Le choix de l’usage de questionnaires doit être bien réfléchi quant à ses
multiples implications, et s’inscrire dans une volonté de préparer le diagnos-
tic approfondi et non de s’arrêter aux questionnaires pour évaluer les RPS.
Pour choisir, utiliser et interpréter ces questionnaires, nous procéderons en
trois temps :
1. Présentation de quelques questionnaires usuels (pour déterminer
lequel utiliser).
2. Discussions sur leurs modalités d’administration (pour réaliser
concrètement l’enquête auprès des salariés).
3. Exploitation des résultats (pour affiner les hypothèses de travail et
aboutir à une cartographie des RPS).
Chacune de ces étapes nécessite de la rigueur. Plusieurs difficultés guettent
les membres du groupe de travail et peuvent biaiser la démarche. Pour ne
pas compromettre la qualité des résultats, une compétence apportée par
un service spécialisé de l’organisation ou par un intervenant extérieur est
souvent utile.

119
Les risques psychosociaux

Intérêts et points de vigilance concernant les questionnaires

Intérêts Points de vigilance

• Leur dimension « scientifique » rassure en ce qu’ils • Leur exploitation nécessite au moins une centaine
permettent d’objectiver les RPS. de réponses (ils ne sont donc pas très exploitables
• Ils donnent l’occasion aux collaborateurs de dans les organisations dont l’effectif est inférieur à
s’exprimer. une centaine de personnes).
• Ils peuvent être (en partie) personnalisés et adaptés • Ils peuvent être compliqués à administrer et longs
à la démarche et à l’organisation (les « questions à exploiter, notamment lorsque l’on ne maîtrise
maison »). pas les compétences « statistiques » permettant leur
• Ils peuvent être utilisés à plusieurs reprises pour dépouillement.
assurer un suivi dans le temps et contribuer à • Le vocabulaire des questions et leur formulation
établir l’efficacité des actions entreprises. ne sont pas toujours adaptés au contexte de
• Ils permettent d’obtenir des données objectives l’organisation ou au secteur d’activité.
permettant d’affiner les hypothèses de travail. • Leur pouvoir explicatif est limité et dépend
essentiellement du choix des questionnaires et des
questions posées.
• Ils ne sont pas directement convertibles en actions
de prévention (leur pouvoir explicatif est limité
pour appréhender finement l’exposition aux RPS).

Outil 16 – Concevoir un questionnaire adapté


à sa démarche
Il est tentant de prendre les questionnaires classiques (dits standardisés) tels
que ceux de Karasek ou de Siegrist, car ils sont validés scientifiquement et lar-
gement utilisés. Pourtant, leur choix découle d’une véritable réflexion concer-
nant ce qu’ils permettent effectivement de mesurer. Trop souvent, on pense
à ces questionnaires sans connaître ce qu’ils mesurent et surtout ce qu’ils
ne mesurent pas. C’est pour cela qu’une réflexion préalable est essentielle.
Dans ce contexte, le choix du questionnaire se fait autour de deux axes :
• À partir des hypothèses de travail concernant les facteurs de contraintes
ou de ressources susceptibles d’être impliqués dans les RPS de l’organisa-
tion (qui vont orienter le choix des questionnaires standardisés existants).
• À partir des spécificités de l’organisation. Par exemple, utiliser le ques-
tionnaire de Karasek pour des salariés très autonomes comme des
avocats ou des médecins n’aura pas beaucoup de sens.

120
Identifier et évaluer les RPS

Exemples de ce que l’on peut mesurer avec les questionnaires

Questionnaires (et questions


Dimension mesurée
correspondantes)

Contraintes à conséquences psychosociales

• Demande psychologique (éléments d’intensité et de Karasek (Q10 à 18)


complexité du travail)

• Efforts (éléments de charge de travail physique et mentale) Siegrist (Q1 à 6)

• Exigences émotionnelles Questions issues du rapport Gollac

Ressources psychosociales

• Soutien social du supérieur Karasek (Q19 à 22)

• Soutien social des collègues Karasek (Q23 à 26)

• Latitude décisionnelle (développement des compétences et Karasek (Q1 à 9)


autonomie des décisions)

• Récompenses (éléments concernant le respect, le soutien, Siegrist (Q7 à 17)


la justice, la reconnaissance et la sécurité)

• Sens du travail (intérêt, utilité, qualité et fierté, etc.) Questions issues du rapport Gollac

Santé mentale

• Stress perçu PSS (Perceived Stress Scale)

• Épuisement professionnel (burn out) Maslach Burn out Inventory

• États anxieux, dépressifs ou anxiodépressifs HADS (Hospital Anxiety and Depression Scale)

Il existe de très nombreux questionnaires standardisés (au moins trente-six


sont disponibles en langue française) qui ont tous leurs spécificités, dimen-
sions mesurées, modes d’administration et d’exploitation, validité et limites,
etc.1

1. À ce sujet, l’INRS a procédé à une analyse synthétique de trente-six questionnaires : http://www.rst-


sante-travail.fr/rst/outils-reperes/fiches-rps.html

121
Les risques psychosociaux

Quelques questionnaires classiques de mesure de facteurs


de contraintes et de ressources psychosociales

■■■Le questionnaire de Karasek et Theorell


(ou Job Content Questionnaire)
La version française de ce questionnaire compte vingt-six questions et s’avère
largement utilisée dans les prédiagnostics de RPS.

Extraits de la version française du questionnaire de Karasek1

Réponses
Questions Pas du tout Plutôt pas Plutôt Tout à fait
d’accord d’accord d’accord d’accord

Q1. Dans mon travail, je dois


apprendre des choses nouvelles.

Q2. Dans mon travail, j’effectue des


tâches répétitives.

Q4. Mon travail me permet de prendre


souvent des décisions moi-même.

Q5. Mon travail demande un haut


niveau de compétence.

Q10. Mon travail me demande de


travailler très vite.

Q11. Mon travail me demande de


travailler intensément.

Ce questionnaire permet de mesurer trois dimensions :


• La latitude décisionnelle : les questions n° 1 à 9 portent sur les marges
de manœuvre ainsi que sur le développement et l’utilisation des com-
pétences.

1. Plus de détails sur les questions et l’exploitation de la version française du questionnaire sont
accessibles dans la publication suivante de la DARES : Nicole Guignon, Isabelle Niedhammer et
Nicolas Sandret, « Les facteurs psychosociaux au travail. Une évaluation par le questionnaire de
Karasek dans l’enquête SUMER 2003 », Premières informations et premières synthèses, n° 22(1), 2008,
http://www.travailler-mieux.gouv.fr/IMG/pdf/questionnaire-dares-karasek.pdf

122
Identifier et évaluer les RPS

• La demande psychologique du travail : les questions n° 10 à 18 portent


sur la quantité, la rapidité, la complexité, l’intensité, le morcellement
et la prévisibilité du travail.
• Le soutien social : les questions n° 19 à 22 portent sur le soutien du
supérieur et les questions n° 23 à 26 sur le soutien des collègues.
Le calcul des scores suppose d’attribuer une valeur de 1 à 4 aux réponses
(« Pas du tout d’accord » valant 1 et « Tout à fait d’accord » valant 4). Il faut
ensuite procéder à un calcul en appliquant une formule :
• Pour la latitude décisionnelle : (q1 (5 − q2) q3 q5 q7 q9)
× 2 (q4 (5 − q6) q8) × 4 (total potentiel de 96).
• Pour la demande psychologique du travail : q10 q11 q12 (5 −
q13) q14 q15 q16 q17 q18 (total potentiel de 36).
• Pour le soutien social : addition des scores des questions 19 à 26 (total
potentiel de 32).
Les scores obtenus aux deux premières dimensions, latitude décisionnelle et
demande psychologique, permettent de déterminer si les salariés sont ou non
« tendus au travail » (ou en job strain). Pour déterminer la ligne de partage
entre le caractère faible ou fort de la demande psychologique et de la latitude
décisionnelle, il faut prendre la valeur médiane des scores obtenus pour
chaque dimension, c’est-à-dire le score correspondant au milieu de l’effectif
des personnes ayant répondu, soit 50 % des personnes ont donné une réponse
au-dessus de ce chiffre et 50 % au-dessous (ce qui est différent de la moyenne).

Le job strain au croisement de la latitude décisionnelle et de la demande psychologique

Demande psychologique
Faible
(inférieure à la médiane) Forte
(supérieure à la médiane)

Faible Travail passif Job strain


Latitude (inférieure à la médiane) (travail tendu)
décisionnelle Forte Travail détendu Travail actif
(supérieure à la médiane)

Enfin, une situation de job strain associée à un faible soutien social1 renvoie
à une situation d’isostrain, encore plus dommageable pour la santé.

1. C’est-à-dire lorsque le score des questions correspondantes est inférieur à 24.

123
Les risques psychosociaux

Il est possible d’exploiter les résultats du questionnaire de plusieurs façons :


• En donnant les pourcentages des réponses obtenues pour chaque
question.
• En donnant les scores respectifs de divers groupes de salariés aux trois
dimensions mesurées (par exemple, par service ou par site).
• En comparant par rapport aux valeurs médianes de référence (voir
ci-après).
• En identifiant les groupes de salariés en job strain et en isostrain.

Les valeurs médianes de référence


D’après l’enquête nationale SUMER 2003, les valeurs de référence des mé-
dianes pour la population salariée française sont les suivantes :
• Demande psychologique : 21.
• Latitude décisionnelle : 70,3.
• Soutien social : 23,3.

Pour utiliser la version française du questionnaire de Karasek, il faut deman-


der l’autorisation des auteurs (via www.jcqcenter.org). Des droits d’auteur doivent
être versés en cas de projets n’étant pas liés à une recherche académique et
s’il est envisagé de l’administrer à plus de 750 personnes.

■■■Le questionnaire de Siegrist (déséquilibre entre effort


et récompenses)
Une version courte en langue française de ce questionnaire compte vingt-
trois questions et s’avère largement utilisée dans les prédiagnostics de RPS.
Ce questionnaire permet de mesurer trois dimensions :
• Les efforts dits extrinsèques : les questions n° 1 à 6 portent sur les
contraintes de temps, les interruptions, les responsabilités exercées,
les heures supplémentaires, l’augmentation de la demande et la charge
physique.
• Les récompenses : les questions n° 7 à 17 portent sur la rémunération,
l’estime reçue, la sécurité de l’emploi et les opportunités de carrière.
• Le surinvestissement : les questions n° 18 à 23 portent sur l’incapacité
à s’éloigner du travail et les difficultés à se détendre après le travail.

124
Identifier et évaluer les RPS

Extraits de la version française du questionnaire de Siegrist1

Réponses

Questions Je ne suis
Je suis peu Je suis Je suis très
pas du tout
perturbé perturbé perturbé
perturbé

Q1. Je suis constamment Pas d’accord 1


pressé par le temps à
cause d’une forte charge D’accord 2 => 1 2 3 4
de travail.

Q2. Dans mon travail, Pas d’accord 1


j’effectue des tâches
répétitives. D’accord 2 => 1 2 3 4

Q7. Je reçois le respect Pas d’accord 1 => 1 2 3 4


que je mérite de mes
supérieurs. D’accord 2

Q8. Je reçois le respect Pas d’accord 1 => 1 2 3 4


que je mérite de mes
collègues. D’accord 2

Le remplissage du questionnaire est différent en ce que le répondant est invité


à cocher d’abord s’il est d’accord ou non avec l’affirmation et, selon les cas, à
indiquer quel est le degré de perturbation que cela entraîne.
Les modalités de calcul des scores sont un peu plus complexes également.
Il faut procéder à un codage entre 1 et 2 (« Pas du tout » ou « Peu perturbé »
= 1 et « Perturbé » voire « Très perturbé » = 2) :
• Les efforts dits extrinsèques (questions n° 1 à 6) donnent donc un
score compris entre 6 et 12.
• Les récompenses (questions n° 7 à 17) donnent donc un score compris
entre 11 et 22.
Vient enfin le calcul d’un ratio :
11 Efforts extrinsèques
Ratio = ×
6 Récompenses

1. Pour plus de détails sur la version française de cette échelle de mesure, voir l’article : Isabelle
Niedhammer et al., « Étude des qualités psychométriques de la version française du modèle du
déséquilibre efforts/récompenses », Revue d’épidémiologie et de santé publique, 2000, voL. 48, n° 5,
p. 419-437.

125
Les risques psychosociaux

Si le ratio est supérieur à 1, alors il y a un déséquilibre entre les efforts et les


récompenses, et cela signifie que les personnes correspondantes encourent
un risque pour leur santé mentale (6 % de la population est concernée).
Il est possible d’exploiter les résultats du questionnaire de plusieurs façons :
• En donnant les pourcentages des réponses obtenues pour chaque question.
• En donnant les scores respectifs de divers groupes de salariés aux trois
dimensions mesurées (par exemple, par service ou par site).
• En identifiant les groupes de salariés dont le ratio est supérieur à 1.

■■■La mesure des exigences émotionnelles (à partir du rapport


Gollac de 2011)
Les exigences émotionnelles (pour une définition, voir le chapitre 2, p. 39)
sont potentiellement un des facteurs de contraintes à conséquences psycho-
sociales que vous rencontrez. Si vous souhaitez les mesurer, vous pouvez vous
appuyer sur les questions proposées par le collège d’expertise réuni autour
de Michel Gollac.
Ce questionnaire permet d’appréhender :
• Le contact avec un public (questions n° 1 et 2).
• Les tensions vécues au contact de ce public (questions n° 3 à 5).
• La gestion des émotions (questions n° 6 et 7).

Questions d’évaluation des exigences émotionnelles

Réponses
Questions La plupart
Jamais Rarement Toujours
du temps

Q1. Je suis en contact direct avec le public (usagers,


patients, élèves, voyageurs, clients, fournisseurs) de
vive voix en face à face.

Q2. Je suis en contact direct avec le public (usagers,


patients, élèves, voyageurs, clients, fournisseurs) au
téléphone.

Q3. Je vis des tensions avec un public (usagers,


patients, élèves, voyageurs, clients, fournisseurs).

Q4. Dans le cadre de mon travail, je suis en contact


avec des personnes en situation de détresse.

126
Identifier et évaluer les RPS

Questions d’évaluation des exigences émotionnelles

Réponses
Questions La plupart
Jamais Rarement Toujours
du temps

Q5. Dans le cadre de mon travail, je suis en contact


avec des personnes que je dois calmer.

Q6. Dans mon travail, je dois cacher mes émotions


ou faire semblant d’être de bonne humeur.

Q7. Il m’arrive d’avoir peur dans mon travail.

Le calcul des scores suppose d’attribuer une valeur comprise entre 1 et 4 aux
réponses (« Jamais » valant 1 et « Toujours » valant 4). Il faut ensuite procéder
à un calcul en additionnant les scores des sept questions, ce qui donne un
score final compris entre 7 et 28 (plus le score est élevé, plus le travail com-
porte des exigences émotionnelles).
Il est possible d’exploiter les résultats du questionnaire de plusieurs façons :
• En donnant les pourcentages des réponses obtenues pour chaque
question.
• En donnant les scores respectifs de divers groupes de salariés (par
exemple, par service ou par site).

■■■La mesure du sens du travail (à partir du rapport Gollac


de 2011)
Le sens du travail (pour une présentation de l’importance du sens ou, à
l’inverse, des dégâts d’un travail jugé inutile, voir les facteurs de contrainte et
de ressource au chapitre 2) regroupe différents éléments qui sont potentiel-
lement des facteurs de contraintes à conséquences psychosociales. Si vous
souhaitez les mesurer, vous pouvez vous appuyer sur les questions proposées
par le collège d’expertise réuni autour de Michel Gollac.
Ce questionnaire permet d’appréhender :
• L’intérêt et l’utilité du travail (questions n° 1 à 7).
• La fierté et la sensation d’un travail de qualité (questions n° 8 à 10).
• La justice et les conflits de valeurs (questions n° 11 à 13).

127
Les risques psychosociaux

Questions d’évaluation du sens du travail

Réponses
Questions Pas du tout Plutôt Plutôt Tout à fait
d’accord pas d’accord d’accord d’accord

Q1. Les tâches que j’effectue sont


intéressantes.

Q2. Les tâches que j’effectue


correspondent à mes attentes.

Q3. Mon activité professionnelle me


permet d’avoir des relations sociales
satisfaisantes.

Q4. Dans mon travail, j’ai le sentiment de


faire quelque chose d’utile aux autres.

Q5. Le travail que je fais, n’importe qui


pourrait le faire.

Q6. Dans mon travail, il m’arrive souvent


de m’ennuyer.

Q7. Dans mon travail, j’ai le sentiment


d’être exploité.

Q8. Mon activité professionnelle me


permet d’éprouver la fierté du travail
bien fait.

Q9. Dans le cadre de mon activité


professionnelle actuelle, j’exerce mon
métier tel que je le conçois.

Q10. J’ai l’impression de travailler pour


satisfaire les critères d’évaluation de la
hiérarchie, et non pour répondre aux
exigences du métier.

Q11. Les règles qui régissent mon


activité professionnelle me semblent
justes.

Q12. Dans mon travail, je suis amené à


faire des choses que je ne partage pas
sur le plan moral.

Q13. Dans mon travail, je constate des


décisions et des pratiques qui vont à
l’encontre de mes valeurs personnelles.

128
Identifier et évaluer les RPS

Le calcul des scores suppose d’attribuer une valeur comprise entre 1 et 4 aux
réponses (« Pas du tout d’accord » valant 1 et « Tout à fait d’accord » valant 4).
Il faut ensuite procéder à un calcul en appliquant une formule : q1 q2
q3 q4 (5 − q5) (5 − q6) (5 − q7) q8 q9 (5 − q10) q11
(5 − q12) (5 − q13).
Le score final est ainsi compris entre 13 et 52. Plus il est faible et moins le
travail a de sens, ce qui représente une contrainte aux conséquences psycho-
sociales ; à l’inverse, plus le score est élevé, plus le sens du travail constitue
une ressource psychosociale.
Il est possible d’exploiter les résultats du questionnaire de plusieurs façons :
• En donnant les pourcentages des réponses obtenues pour chaque
question.
• En donnant les scores respectifs de divers groupes de salariés (par
exemple, par service ou par site).

Quelques questionnaires classiques de mesure


des dimensions de la santé mentale
En complément de la mesure de certains facteurs de contraintes ou de res-
sources psychosociales, il est essentiel de mesurer le niveau de santé mentale
du personnel. Le croisement de ces deux formes de mesure permettra d’établir
des liens potentiels entre facteurs de contraintes élevés (ou ressources défail-
lantes) et santé dégradée, ce qui constitue un approfondissement notable du
prédiagnostic.

■■■Le stress perçu (PSS ou Perceived Stress Scale


de Cohen et al., 1983)
Cette échelle de mesure du stress perçu comporte plusieurs versions (de
quatre à quatorze questions). Elle n’est pas spécifique au stress au travail
mais permet d’identifier la fréquence à laquelle sont vécues des situations
menaçantes ou difficiles. La version française de cette échelle est disponible
en libre accès.

129
Les risques psychosociaux

Extraits de la version française de la PSS1

Au cours du mois dernier, Presque Assez


Jamais Parfois Souvent
combien de fois… jamais souvent

1. …avez-vous été dérangé par un


événement inattendu ?

2. …vous a-t-il semblé difficile de


contrôler les choses importantes de
votre vie ?

3. …vous êtes-vous senti nerveux ou


stressé ?

Le calcul des scores suppose d’attribuer une valeur de 0 à 4 aux réponses :


• Pour les questions 1, 2, 3, 8, 11, 12 et 14 : le score varie de 0 pour
« Jamais » à 4 pour « Toujours ».
• Pour les questions 4, 5, 6, 7, 9, 10 et 13 : le score varie de 0 pour
« Toujours » à 4 pour « Jamais ».
Plus le chiffre est élevé, plus le niveau de stress perçu est important. Il est
possible d’exploiter les résultats du questionnaire de plusieurs façons :
• En donnant les pourcentages des réponses obtenues pour chaque
question.
• En donnant les scores respectifs de divers groupes de salariés (par
exemple, par service ou par site).

■■■L’anxiété et la dépression (l’échelle HADS de Zigmond et Snaith,


1983)
La version française de cette échelle compte quatorze questions et vise à
identifier des symptômes anxieux, dépressifs et anxiodépressifs. Son inter-
prétation doit s’effectuer avec le médecin du travail.
Plus exactement, ce questionnaire comporte :
• Sept questions relatives aux symptômes anxieux.
• Sept questions relatives aux symptômes dépressifs.

1. Pour plus de détails, voir : Bruno Quintard, « Du stress objectif au stress perçu », in Marilou Bruchon-
Schweitzer et Robert Dantzer, Introduction à la psychologie de la santé, Paris, Presses Universitaires
de France, 1994, p. 43-66.

130
Identifier et évaluer les RPS

Extraits de la version française de l’échelle HADS1

(1-A) Je me sens tendu ou énervé… La plupart du temps 3

Souvent 2

De temps en temps 1

Jamais 0

(2-D) Je prends plaisir aux mêmes choses qu’autrefois… Oui, tout autant qu’avant 0

Pas autant 1

Un peu seulement 2

Presque plus 3

Le calcul des scores est le suivant :


• Pour l’anxiété : sous-score des questions 1, 3, 5, 7, 9, 11 et 13 (pour un
total potentiel de 21).
• Pour la dépression : sous-score des questions 2, 4, 6, 8, 10, 12 et 14
(pour un total potentiel de 21).
• Pour l’anxiodépression : total des deux sous-scores (pour un total
potentiel de 42).
L’interprétation des résultats est la suivante :
• Pour l’anxiété : tendance anxieuse entre 8 et 10, et anxiété confirmée
à partir de 11.
• Pour la dépression : tendance dépressive entre 8 et 10, et dépression
confirmée à partir de 11.
• Pour l’anxiodépression : tendance dépressive entre 14 et 18, et dépres-
sion confirmée à partir de 19.
L’exploitation des résultats du questionnaire est intéressante en exposant les
scores respectifs de divers groupes de salariés (par exemple, par service ou
par site). Pour l’utiliser, il faut compléter le formulaire d’accord d’utilisation
des auteurs2 et, selon les cas, s’acquitter de droits d’auteur.

1. Pour plus de détails, voir : www.proqolid.org/instruments/hospital_anxiety_and_depression_scale_hads


2. Formulaire disponible sur le catalogue du Mapi Research Trust : http://www.proqolid.org/instruments/
hospital_anxiety_and_depression_scale_hads?fromSearch=yes&text=yes

131
Les risques psychosociaux

Outil 17 – Construire des « questions maison »


En plus de l’utilisation de questionnaires standardisés (ou « clés en main »), il
est possible de proposer des questions propres à l’organisation, à son contexte,
aux thématiques sur lesquelles interroger le personnel, etc. En effet, les ques-
tionnaires standardisés comportent des limites que ces « questions maison »
peuvent aider à dépasser :
• Le vocabulaire des questionnaires standardisés n’est pas toujours
adapté à l’organisation, sa culture, son activité, etc.
• Certaines questions posées par les questionnaires standardisés
paraissent insuffisantes pour faire le tour du problème évoqué.
• Toutes les difficultés évoquées dans les hypothèses de travail ne sont
pas forcément mesurées par les questionnaires standardisés : il peut
y avoir des « impasses » (par exemple, les effets d’un changement
récent, les plaintes concernant les locaux, les systèmes informatiques
ou l’usage des nouvelles technologies, les contraintes budgétaires, les
astreintes, etc.).
Il est donc conseillé de construire des questions supplémentaires en fonction
des connaissances sur les problèmes courants et des hypothèses de tra-
vail. Toutefois, ces questions doivent être posées en plus des questionnaires
standardisés. En aucun cas, il ne faut modifier les questionnaires stan-
dardisés, que ce soit le nombre des questions ou la formulation, ne serait-ce
que d’un seul mot, car cela altérerait leur validité et n’assurerait plus qu’ils
mesurent bien ce qu’ils sont censés mesurer.
Il est à noter que le principal inconvénient de ces « questions maison » réside
dans le fait que leurs résultats ne seront pas comparables à une autre popu-
lation de référence et n’auront de sens qu’en interne.

L’élaboration des « questions maison »


Il y a trois aspects à prendre en compte pour construire ces questions :
• Identifier les problèmes qui ne sont pas mesurés – ou de façon insa-
tisfaisante – dans les questionnaires retenus.
• Traduire ces problèmes en questions ayant des formulations ouvertes
et adaptées au vocabulaire de votre organisation.
• Proposer un mode de réponse qui permet une exploitation, par
exemple en respectant le principe des échelles graduées (ou échelles

132
Identifier et évaluer les RPS

de Likert) : de « Tout à fait d’accord » à « Pas du tout d’accord » ou


encore de « Jamais » à « Très souvent ».

Comment délimiter les éléments autour desquels


construire des « questions maison » ?
Une fois les questions posées, on ne peut plus revenir en arrière… Ainsi, pour
s’assurer de ne rien oublier d’important, il est utile que le groupe de travail se
réunisse et procède de façon rigoureuse. Il doit pour cela :
• Lister les problèmes, contraintes à conséquences psychosociales et l’en-
semble des éléments susceptibles d’être à l’origine des RPS.
• Vérifier dans quelle mesure ces éléments sont traités dans les question-
naires retenus et de quelle façon.
• En cas de « vide » ou de traitement incomplet ou insatisfaisant, lister les
thèmes à transformer en question.
• Thème par thème, débattre de la formulation de deux à trois questions
pour explorer un thème négligé ou préciser un thème insuffisamment
traité, et ce, afin d’éviter de surcharger l’enquête et d’alourdir le temps de
passation.
Il est également envisageable de mener des entretiens collectifs avec des
groupes de salariés qui, exprimant leur vision des RPS, peuvent également
indiquer des pistes complémentaires pour nourrir le questionnaire.

Les « questions maison » ajoutées peuvent également permettre d’appro-


fondir un thème effectivement abordé par les questionnaires standardisés.
Par exemple (à partir d’une enquête de la DARES sur les conditions de tra-
vail), pour préciser si les interruptions vécues au travail sont problématiques
(car elles gênent la concentration et dispersent l’attention et l’énergie) ou, au
contraire, source de variété, on peut demander :
« Diriez-vous que ces interruptions d’activité :
– sont un aspect négatif de votre travail ?
– sont sans conséquence sur votre travail ?
– sont un aspect positif de votre travail ? »
Certaines questions peuvent également porter sur la santé perçue des salariés :
• Quel est votre état de santé général ? (Plusieurs réponses entre « Très
mauvais » et « Très bon ».)

133
Les risques psychosociaux

• Pensez-vous que votre travail influence votre santé ? (Plusieurs réponses :


« Non, mon travail n’influence pas ma santé » ; « Oui, mon travail
influence négativement ma santé » ; « Oui, mon travail influence posi-
tivement ma santé ».)
D’autres questions peuvent explorer plus avant l’apparition de troubles psy-
chosociaux et leurs liens avec le travail. Cette section est à élaborer en lien
étroit avec le médecin du travail (avec plusieurs réponses pour chaque symp-
tôme : « Ne souhaite pas répondre », « Non, pas de symptômes », « Oui mais
sans lien avec le travail », « Oui, et en lien avec le travail ») et peut aborder
des thèmes tels que :
– les troubles du sommeil ;
– les troubles de la digestion ;
– la sensation de mal-être ;
– la crise de nerfs et la crise de larmes ;
– la fatigue persistante ;
– les douleurs diverses (au ventre, au dos, aux articulations, maux de
tête, etc.) ;
– la consommation de substances (drogue, alcool, médicaments, etc.).

Exemple de questions concernant l’équilibre


entre vie personnelle et vie professionnelle
Répondre à chacune des affirmations suivantes sur une échelle allant de « Pas
du tout d’accord » à « Tout à fait d’accord » :
• Mes horaires de travail entrent en conflit avec ma vie familiale et ma vie
personnelle.
• Mon travail empiète sur le temps que j’aimerais consacrer à mes activités
personnelles (famille, amis, loisirs, etc.).
• Je trouve difficile d’accomplir mes obligations domestiques parce que je
pense constamment au travail.
• Je dois annuler des rendez-vous avec mon ou ma partenaire, avec mes
amis ou ma famille en raison de mes obligations professionnelles.
• Je dois travailler si fort que je n’ai pas de temps pour mes loisirs et passe-
temps.

134
Identifier et évaluer les RPS

Enfin, il est tout à fait envisageable de proposer quelques questions avec


quelques réponses balisées ou encore un champ libre. Par exemple :
• Que faudrait-il faire en priorité pour améliorer la prévention des
risques psychosociaux ? (Un choix entre plusieurs réponses peut être
proposé.)
• Quelles actions pourraient faciliter votre qualité de vie au travail ? (Un
champ libre peut-être envisagé.)
Dans un souci d’exploitation du questionnaire, il est préférable de ne pas trop
multiplier ces champs libres, car il est plus difficile de traiter de nombreuses
réponses diverses et variées que des réponses faisant référence à une liste de
choix homogènes.

Exemples de « questions maison »

Réponses

Questions Pas du tout Plutôt Plutôt Tout à fait


d’accord/ pas d’accord/ d’accord/ d’accord/
Jamais Rarement Souvent Très souvent

Adaptation du poste et du matériel

Q1. L’aménagement de mon poste


de travail (ou le matériel mis à ma
disposition) est adapté à mon activité.

Q2. L’outil informatique que j’utilise est


fiable et fonctionnel.

Ambiance au sein de l’équipe ou du service

Q3. L’ambiance dans mon équipe ou


mon service est tendue.

Q4. J’ai l’impression de faire partie


d’une vraie équipe.

Changements vécus

Q5. Au cours des six derniers mois, avez-vous vécu :

– Un changement de poste ou de Oui Non


fonction

– Une restructuration Oui Non

– Un déménagement Oui Non

– Une mobilité géographique Oui Non

135
Les risques psychosociaux

Exemples de « questions maison »

Réponses

Questions Pas du tout Plutôt Plutôt Tout à fait


d’accord/ pas d’accord/ d’accord/ d’accord/
Jamais Rarement Souvent Très souvent

Q6. Si vous avez coché au moins un a amélioré vos n’a pas changé a dégradé vos
« oui » à la question précédente, diriez- conditions de travail vos conditions de conditions de travail
vous que ce changement : travail

Q7. Avez-vous été consulté Oui Non


préalablement à ce changement ?

Ressources psychosociales

Q8. En cas de difficultés, vous tournez- Votre supérieur hiérarchique


vous plutôt vers : Vos collègues
Le médecin du travail ou l’infirmier
Le service RH
Les représentants du personnel (DP, CHSCT…)
Autre : ……………………….

Q9. Dans votre service, quels moyens … (champ libre)


permettent de faire face aux situations
difficiles ou stressantes ?

La détermination des critères de tri


Cette partie est généralement placée en tête de questionnaire et correspond
aux critères dits sociodémographiques. Ils sont indispensables pour :
• Comparer les répondants à la population de l’entreprise.
• Faire des tris par population afin de mettre en évidence les groupes de
salariés les plus fortement exposés et concernés par tel ou tel facteur.
En général, ces critères comprennent des éléments types plus des éléments
adaptés à la spécificité de l’organisation (par exemple, la dissociation entre
contractuel et fonctionnaire ou encore les catégories A, B ou C pour les fonc-
tionnaires).
Voici les principaux critères sociodémographiques :
– sexe (H/F) ;
– âge (par fourchette : 18-30 ans ; 31-40 ans ; 41-50 ans ; 51 ans et plus) ;

136
Identifier et évaluer les RPS

– statut matrimonial (célibataire, marié ou en couple) ;


– enfants dont enfants en bas âges (ou de moins de 3 ans) ;
– ancienneté (dans le poste et dans l’organisation) ;
– statut : cadre, employé, ouvrier, agent de maîtrise, etc. (à adapter) ;
– métier, fonction, activité, etc. (à adapter) ;
– localisation : service, département, site ou établissement, etc. (à adapter) ;
– unité de travail (pour faire le lien avec le document unique) ;
– régime horaire (3 × 8, nuit, astreintes, temps plein ou partiel, etc.) ;
– encadrement (oui/non).
Attention : Pour préserver l’anonymat, il faut éviter de proposer des caté-
gories qui regroupent moins de quinze à vingt salariés (par exemple, s’il y a
une seule femme de 45-60 ans dans un service de neuf personnes, elle sera
facilement « démasquée »…). Par ailleurs, pour faciliter les tris ultérieurs, il
est recommandé de ne pas offrir un nombre trop important de cases à cocher
en face de chaque critère.

Ce questionnaire a pour objet de contribuer à identifier les risques psychosociaux dans notre organisation.
Pour que nous puissions prendre en compte vos réponses, nous avons besoin que vous complétiez
l’ensemble des questions.
Vos réponses tout comme ce questionnaire sont strictement anonymes. Nous vous remercions de votre
participation.
A. Situation personnelle :
• Q1. Quel est votre sexe ? Femme ou homme
• Q2. Quel est votre âge ? < 25 ans ; 25-35 ans ; 36-45 ans ; > 45 ans
• Q3. Vivez-vous en couple ? Oui ou non
• Q4. Avez-vous des enfants à charge de moins de 3 ans ? Oui ou non
B. Situation professionnelle :
• Q5. Quelle est votre ancienneté dans l’entreprise ? < 1 an ; 1 à 4 ans ; 4 à 10 ans ; > 10 ans
• Q6. Quelle est votre ancienneté dans votre poste ? < 1 an ; 1 à 3 ans ; 3 à 5 ans ; > 5 ans
• Q7. Quel est le statut de votre contrat : CDI ; CDD ; Intérim
• Q8. Quelle est votre fonction : employé ; manager ; technicien ; vendeur ; chercheur (à adapter)
• Q9. Quel est votre service : direction ; RH ; marketing ; commercial ; production ; maintenance ; services
généraux ; R&D (à adapter)
• Q10. Quel est votre temps de travail ? Temps complet ou temps partiel
• Q11. Êtes-vous : nomade (itinérant) ; sédentaire ; en télétravail (à adapter)
• Q12. Encadrez-vous une ou plusieurs personnes ? Oui ou non

Exemple de questions sociodémographiques placées


en tête de questionnaire

137
Les risques psychosociaux

Outil 18 – Valider le questionnaire auprès


du comité de pilotage
Une dernière étape lors de l’élaboration du questionnaire est sa validation
par le comité de pilotage, notamment pour s’assurer que les questions sont
bien compréhensibles (ou que le vocabulaire utilisé reflète bien la culture de
l’organisation) et qu’aucun thème essentiel n’a été oublié.

Le questionnaire proposé comporte 99 questions réparties en plusieurs sections.


A. Données sociodémographiques (critères de segmentation et de comparaison des sous-populations) :
• Sexe, âge, ancienneté (dans l’entreprise ; dans le poste), temps de travail (complet ou partiel), site, service,
activité d’encadrement, etc. : 10 questions (Q1 à Q10).
B. Mesure des facteurs de contraintes et des ressources psychosociales (questionnaires standardisés) :
• Questionnaire de Karasek : 26 questions (Q11 à Q36).
• Questionnaire de Siegrist : 23 questions (Q37 à Q59).
• Le sens du travail : 13 questions (Q60 à Q72).
C. Mesure des facteurs de contraintes et des ressources psychosociales (questions adaptées) :
• Le changement : 5 questions (Q73 à Q77).
• L’équilibre entre vie professionnelle et vie privée : 4 questions (Q78 à Q81).
• L’impact des nouvelles technologies : 4 questions (Q82 à Q85).
D. Mesure de la santé perçue (questionnaires standardisés) :
• Le stress perçu (PSS) : 14 questions (Q86 à Q99).

Exemple de plan de questionnaire de prédiagnostic


des RPS pour le comité de pilotage

Pour faciliter cette étape : faire passer


le questionnaire aux membres du comité de pilotage !
Proposer aux membres du comité de pilotage de compléter le questionnaire
est un bon moyen de les amener à faire des remarques sur la formulation, le
nombre de questions, le temps de passage, les modalités d’exploitation des
questions, etc.

138
Identifier et évaluer les RPS

Outil 19 – Distribuer les questionnaires


Une fois le questionnaire construit et validé, il faut organiser les modalités
de passation des questionnaires. Ces choix conduiront une frange plus
ou moins importante du personnel à compléter le questionnaire, ce qui
conditionne la possibilité de les exploiter. Ces choix devront également être
envisagés en relation avec le comité de pilotage, des moyens étant souvent
nécessaires pour communiquer et traiter les questionnaires, y compris le
recours à un intervenant extérieur, le cas échéant.
À ce stade, il est important de s’interroger sur plusieurs points :
• Quel nombre (ou taux) minimal de réponses permet à l’enquête par
questionnaires d’être représentative ?
• Privilégie-t-on une passation sous format papier ou numérique ?
• Quel timing prévoit-on pour la passation et, plus généralement, pour
l’enquête ?
• Comment assure-t-on la confidentialité ?
D’autres questions peuvent se poser, comme celui du choix de la langue
(selon la composition du personnel, les nationalités représentées, etc.). Ces
modalités ne sont donc pas standard ou génériques mais bien sur-mesure et
adaptées à l’organisation (et notamment à sa culture en matière d’enquêtes
par questionnaires) et aux objectifs de la démarche.

À propos de la représentativité
Sans rentrer dans le calcul « technique » de la représentativité, que pourra
sans difficulté établir un membre du personnel (ou un intervenant extérieur)
compétent en statistiques ou en traitement de données quantitatives, voici
quelques repères qui dépendent en premier lieu de l’effectif de la population
(c’est-à-dire de l’ensemble du personnel concerné) et du taux de réponse
envisagé.
Pour mémoire, il est difficile d’envisager un questionnaire pour une popu-
lation inférieure à 150 salariés. Même si le taux de réponse est très bon (de
l’ordre de 80 %, par exemple), le nombre de questionnaires recueillis ne per-
met pas d’établir avec certitude – statistiquement parlant – que les réponses
obtenues sont représentatives de ce que les salariés vivent et ressentent. De
plus, pour une faible population, il est difficile de maintenir la confidentialité
(ou alors il faut opter pour des critères sociodémographiques assez généraux).

139
Les risques psychosociaux

Peut-on réaliser une enquête


si l’on a un petit effectif ?
S’il est déconseillé de réaliser une enquête en utilisant des questionnaires
standardisés pour des effectifs inférieurs à 150 salariés, il est toujours possible
de réaliser une enquête, notamment pour des organisations dont le personnel
est dispersé (télétravail, prestations réalisées chez le client, usager ou patient,
personnel itinérant, etc.), et ce, moyennant quelques précautions :
• Éviter de proposer des questions sociodémographiques très précises pour
garantir au maximum l’anonymat.
• Ne pas compter sur le questionnaire pour assurer un prédiagnostic com-
plet (préférer l’usage d’indicateurs).
• Rédiger un nombre limité de questions centrées sur un seul thème parti-
culièrement saillant au vu des hypothèses de travail (par exemple, l’usage
des nouvelles technologies ou la perception des changements).
• Préférer des « questions maison » et un traitement simple de type question
par question (« Tel pourcentage du personnel estime que… ») plutôt qu’un
calcul de scores avec des questionnaires standardisés.

À l’inverse, si l’effectif est supérieur à 2 500 personnes, il est conseillé


de procéder à un tirage au sort des personnes auxquelles sera transmis
le questionnaire. Le principe est de déterminer un échantillon auquel sera
administré le questionnaire. L’idée est, par exemple, de sélectionner 2 000 per-
sonnes (si le taux de réponse est de 50 %, cela donnera 1 000 questionnaires
exploitables).
Cet échantillon doit être constitué par tirage au sort dans la population géné-
rale sur la base de critères sociodémographiques établis en amont et adaptés
à l’organisation et à ses spécificités (comme l’âge ou le sexe). L’intervention
du service RH est cruciale pour obtenir ces données, ces critères étant utiles
pour s’assurer que l’échantillon est bien une réduction représentative de la
population générale (où l’on retrouve le même pourcentage de femmes, de
cadres, de salariés de plus de 35 ans, etc.). De ce fait, le tirage au sort doit être
réalisé avec des professionnels compétents en statistiques ou en traitement de
données quantitatives. Il faut également conserver en mémoire qu’il s’agit d’un
choix tactique qui suppose que seulement une partie du personnel s’exprime.

140
Identifier et évaluer les RPS

Ces éléments sont également dépendants du taux de réponse souhaitable.


En général, il est préconisé de viser au minimum 50 %, ce qui représente
déjà un bon taux de réponse pour les enquêtes administrées par courrier.

Repères sur le taux de réponse


Habituellement, le taux de réponse oscille entre 30 et 60 % (il est souvent situé
autour de 40 à 45 %). À noter que plus de 50 % des questionnaires exploi-
tables sont généralement renvoyés au cours de la première semaine.

Que faire dans le cas d’un faible taux de réponse ?


• Procéder à des relances (par exemple, au bout de deux semaines).
• Essayer de comprendre pourquoi pour corriger le tir : est-ce par
méfiance des salariés concernant la confidentialité ? Le questionnaire
est-il perçu comme trop long ou les questions trop complexes ? A-t-on
manqué de communication ?

Papier versus numérique


L’administration concrète du questionnaire se réalise selon deux grandes
modalités :
• Le format papier.
• En ligne via Internet ou l’Intranet.
L’administration du questionnaire au format papier peut être réalisée selon
différentes modalités qui sont à déterminer en fonction de l’organisation et
de ses spécificités : il faut ainsi tenir compte du fait que le personnel peut être
concentré sur le même lieu de travail ou dispersé géographiquement, que
l’organisation a déjà des habitudes en matière d’enquêtes par questionnaire,
etc. Il faut également garder en mémoire que cette modalité est technique-
ment assez simple à organiser mais qu’elle peut requérir des moyens (tels
que des frais d’expédition par La Poste, l’achat d’enveloppes) et va nécessiter
en aval une saisie manuelle des réponses aux questionnaires, sauf en cas
de traitement automatisé via un logiciel de reconnaissance automatique de
documents capable de traiter les réponses à l’enquête.

141
Les risques psychosociaux

Check-list pour guider l’organisation


de l’administration du questionnaire au format papier
• Qui complète le questionnaire (le personnel lui-même, un tiers) ?
• Comment est envoyé ou transmis le questionnaire (par courrier au domi-
cile, remis en main propre, etc.) ?
• À quel moment est-il envoyé ou transmis (à quelle période de l’année, de
la semaine, de la journée) ?
• Combien de temps est-il laissé pour le compléter ?
• En quel lieu est-il complété ?
• Comment est-il retourné (auprès de qui, sous quelle forme, etc.) ?

Dans le cas où le questionnaire est directement complété par le personnel,


il peut s’agir de :
• L’envoi au domicile de chaque salarié avec une enveloppe retour
affranchie, ce qui nécessite des fichiers à jour pour éviter d’avoir un
nombre trop important de renvois pour cause de « n’habite pas à
l’adresse indiquée » ou encore de salariés ne faisant plus partie des
effectifs.
• La distribution « neutre » du questionnaire, par exemple via une forme
de tractage associant un représentant du personnel et un membre de
l’encadrement (à l’entrée de l’organisation, du lieu de restauration, etc.).
• La remise en main propre à chaque salarié à son poste de travail.
• La réservation d’une salle et d’une plage de temps permettant au per-
sonnel de répondre (par exemple, dans la salle d’attente du médecin
du travail, avant la visite médicale).
Une autre solution consiste à remplir le questionnaire via un tiers (neutre ou
reconnu comme indépendant) qui pose les questions et note les réponses,
que ce soit en face-à-face ou par téléphone. Cela peut être, par exemple, le
médecin du travail qui fait remplir le questionnaire aux salariés lors des
visites médicales. Dans ce cas précis, l’avantage est le fort taux de réponses,
l’inconvénient la durée de l’enquête (le temps que tout ou partie du person-
nel ait réalisé sa visite périodique) ou encore les biais divers influençant les
réponses données à la personne qui interroge.

142
Identifier et évaluer les RPS

Dans tous les cas, il faudra définir comment retourner les questionnaires et
auprès de qui : à une adresse précise (en interne ou auprès d’un intervenant
extérieur), via une boîte aux lettres bien identifiée et accessible, via le courrier
interne (en prévoyant une enveloppe de retour scellée), etc.
La plupart des questions évoquées ci-dessus peuvent être reprises pour l’ad-
ministration du questionnaire au format numérique. Cette seconde moda-
lité expose cependant à quelques différences techniques :
• Cela suppose ou nécessite l’accès à un poste informatique connecté
et isolé (ordinateur ou tablette).
• Il faut prévoir un code personnel attribué de façon aléatoire et à usage
unique pour éviter qu’une personne ne complète plusieurs question-
naires.
Par ailleurs, cette alternative présente plusieurs avantages par rapport au
questionnaire papier, à savoir :
• Un traitement automatisé des réponses (pas de fastidieuse saisie
manuelle).
• La possibilité de « forcer » techniquement la validation de toutes les
questions pour passer à la page suivante, ce qui facilite la réception
de questionnaires complets.
• Le suivi en ligne du nombre de personnes ayant répondu et la possi-
bilité de réaliser des relances mieux ciblées et plus réactives.
En revanche, ses principaux inconvénients sont :
• La nécessaire maîtrise technique de logiciels spécialisés dans la
conception, la mise en ligne et l’exploitation d’enquêtes de ce type
(en interne ou via un intervenant extérieur).
• Le personnel doit être à l’aise avec l’usage des outils informatiques
et numériques, ou encore doit pouvoir accéder à ces outils (et, côté
groupe de travail, cela signifie qu’il aura la possibilité de contacter
le personnel via e-mail ; ce qui suppose le déploiement effectif d’une
messagerie professionnelle auprès de l’ensemble du personnel).
• La confidentialité du dispositif, l’idée répandue étant que cette option
permettrait de tracer facilement qui a répondu quoi.
• La vulnérabilité à des problèmes techniques, tant pour les salariés
qui complètent les questionnaires que pour les membres du groupe
de travail qui accèdent aux réponses, ce qui suppose une assistance
technique.

143
Les risques psychosociaux

À propos du timing (durée, moment d’administration...)


Le taux de réponse et le nombre de questionnaires exploitables sont influen-
cés par divers choix :
• Le timing retenu pour l’organisation de l’enquête.
• La période choisie pour réaliser l’enquête.
• La durée estimée du remplissage des questionnaires.
En général, il est conseillé de prévoir une campagne de deux semaines à un
mois maximum, intégrant des moments de relance (pour les retardataires ou
salariés revenant de congés). Cela dépend évidemment des modalités d’admi-
nistration (le retour par courrier est plus long du fait du délai d’acheminement
de La Poste), de l’effectif interrogé ou du taux de réponse obtenu au milieu
de la campagne (et des actions à envisager pour l’augmenter, le cas échéant).

A. Dépôt des enveloppes (contenant le questionnaire et une enveloppe affranchie) à La Poste le 1er mars.
B. Dépôt des enveloppes de relance à La Poste le 15 mars.
C. Date limite de retour des questionnaires le 31 mars (soit 4 semaines après l’arrivée des enveloppes en
tenant compte des délais d’acheminement de La Poste).
D. Date limite de réception et de saisie des derniers questionnaires le 15 avril (clôture de la saisie des
réponses 6 semaines après le lancement de l’enquête).

Exemple de plan de diffusion et de réception de questionnaires par courrier

Il faut également veiller à la période retenue pour la passation : en général, il


est conseillé d’éviter les périodes de vacances ou de surcharge d’activité afin
de faciliter un bon taux de réponse. Même chose dans le cas où le personnel
est fréquemment amené à remplir des enquêtes portant sur d’autres sujets,
et ce, pour éviter l’épuisement de la bonne volonté à participer aux enquêtes
en tout genre.
Enfin, le temps estimé pour le remplissage d’un questionnaire dépend du
nombre de questions, de leur formulation et de l’éventuelle complexité des
modes de réponse ou encore du degré de maîtrise de la langue française du
personnel. Si la durée est « trop longue », le risque est de provoquer la lassitude
et que certaines questions ne soient pas remplies ou alors trop rapidement.
On prévoit généralement 5 minutes environ pour 10 à 15 questions.

144
Identifier et évaluer les RPS

À propos de la confidentialité
Plusieurs éléments peuvent être mis en place et communiqués auprès des
salariés pour les rassurer :
• Mettre en avant le fait que les questionnaires sont anonymes et qu’au-
cune information collectée ne permet de faire une correspondance
avec l’identité des personnes ou encore ne sera recoupée avec d’autres
bases de données (par exemple, les questionnaires ne sont pas numéro-
tés ; la restitution n’intégrera pas de données sur des groupes inférieurs
à 15 personnes ayant des caractéristiques communes).
• Pour les enquêtes papier, préciser les modalités de retour (les desti-
nataires sont une ou deux personnes de confiance ou un intervenant
extérieur neutre et indépendant) et le fait que les questionnaires com-
plétés seront détruits après que les réponses ont été extraites.
• Pour les enquêtes numériques ou par Internet, éviter de donner des
identifiants personnels et privilégier les codes à usage unique générés
de façon aléatoire ; il faut également s’assurer que, techniquement,
les adresses IP ne font l’objet d’aucunes traces dans les journaux ou
historiques de connexion.

Outil 20 – Exploiter les questionnaires


complétés
L’exploitation des questionnaires nécessite des compétences en statistiques
ou manipulation de données quantitatives pour produire des résultats
avant de les restituer auprès du personnel, notamment pour calculer la repré-
sentativité des scores obtenus.

Le traitement des questionnaires : produire les résultats


La production des résultats suppose de s’être au préalable interrogé sur les
données recueillies (notamment sur le caractère exploitable des question-
naires et la représentativité) avant de manipuler les données pour faire émer-
ger des résultats intéressants et nourrissant le prédiagnostic des RPS en vue
de préparer la phase ultérieure de diagnostic approfondi.

145
Les risques psychosociaux

■■■L’identification des questionnaires exploitables


La première étape consiste à identifier les questionnaires exploitables parmi
tous ceux qui ont été reçus. Sont généralement considérés comme inexploi-
tables les questionnaires non remplis (par des personnes ayant renvoyé des
questionnaires vides ou expliquant ne plus faire partie des effectifs), ceux pour
lesquels il manque des réponses ou encore ceux qui présentent des doubles
réponses à certaines questions. Il y a donc toujours un écart entre le nombre
de questionnaires reçus et le nombre de questionnaires exploitables.

■■■La vérification de la représentativité


La deuxième étape consiste à s’assurer de la représentativité : la population
ayant renseigné les questionnaires est-elle comparable à la population géné-
rale ? Il s’agit ici de faire des comparaisons systématiques en reprenant tous les
critères sociodémographiques. Les écarts proviennent de surreprésentations
ou sous-représentations : par exemple, seuls 30 % des répondants ont entre 30
et 45 ans alors qu’ils sont 52 % dans l’organisation. Il faut alors procéder à un
redressement des données, opération statistique permettant de pondérer les
questionnaires les uns vis-à-vis des autres, afin de rapprocher la population
ayant répondu de celle plus générale de l’organisation.
Une fois que l’on s’est assuré de la représentativité des données, il est enfin
possible de procéder à l’identification de qui est exposé à quoi.

■■■L’opération de tri par manipulation des données


Pour la population générale, ces opérations ont pour objet de comparer
les scores obtenus par rapport à des scores de référence (par exemple, les
médianes nationales pour le questionnaire de Karasek) afin de situer l’organi-
sation de façon générale. Ensuite, ces tris permettent d’identifier les facteurs
de contraintes les plus importants à l’échelle de l’organisation.
Le tri par caractéristiques sociodémographiques permet d’affiner les résul-
tats et d’identifier plus précisément, dimension par dimension, qui est majo-
ritairement exposé (comme si l’on dressait un portrait-robot du personnel le
plus exposé à tel ou tel facteur). Une première opération peut être d’identifier
les caractéristiques sociodémographiques pour lesquelles les scores de santé
perçus sont les plus dégradés. Par exemple, pour les résultats de la PSS ou
des scores de l’échelle HADS, il est possible de réaliser des comparaisons
simples par critère sociodémographique.

146
Identifier et évaluer les RPS

Exemple de tableau comparatif des scores de santé selon les critères sociodémographiques

Score moyen de la sous-échelle dépression (échelle HADS)


Moyenne
par sous-critères sociodémographiques

Statut : CDD 8,87

Âge : 35-50 ans 8,22

Enfant à charge de moins de 3 ans : Oui 7,99

Ancienneté dans l’organisation : > 10 ans 7,59

Fonction : Technicien 7,46

L’interprétation est la suivante : les critères sociodémographiques ayant les scores moyens les plus élevés en
termes de dépression sont « le personnel en CDD » et « le personnel âgé de 35 à 50 ans » ; ces scores sont
supérieurs à 8 mais inférieurs à 10, ce qui témoigne d’une « tendance dépressive ».
Ainsi, pour la phase de diagnostic approfondi, il sera intéressant de rechercher les facteurs de contraintes et de
ressources qui ressortent également auprès de ces populations et qui sont susceptibles d’expliquer leur score de
dépression.

Une deuxième opération est d’identifier les caractéristiques sociodémogra-


phiques pour lesquelles les facteurs de contraintes mesurés dans les question-
naires sont les plus préoccupants. Il est ainsi possible de reprendre l’ensemble
des dimensions mesurées et de produire, pour chacune d’elles, une analyse
afin d’identifier les plus grands écarts, les récurrences, etc. Certains facteurs
produiront un contraste plus élevé que d’autres et ces analyses permettront
de dégager des tendances nourrissant en retour, par exemple, l’affinement
des hypothèses de travail.

Exemple de tableau comparatif des scores d’un facteur de contraintes


selon les critères sociodémographiques

Score de « soutien social


du supérieur » inférieur
#1 #2 #3 #4
à la médiane (11)
(questionnaire de Karasek, Q19 à Q22)

Âge < 20 ans 20-34 ans 35-50 ans > 50 ans


− + ++ +

Sexe H F
+ ++

Statut CDI CDD Intérim


− +++ +

147
Les risques psychosociaux

Exemple de tableau comparatif des scores d’un facteur de contraintes


selon les critères sociodémographiques

Score de « soutien social


du supérieur » inférieur
#1 #2 #3 #4
à la médiane (11)
(questionnaire de Karasek, Q19 à Q22)

Enfant de moins de 3 ans à charge Oui Non


+ −

Fonction Employé Ouvrier Technicien Cadre


+ + +++ −

Légende : (−) correspond à un score proche de la médiane, compris entre 0 et 0,5 point d’écart, (+) à
un score inférieur de 0,5 à 1 point, (++) à un score inférieur de 1 à 1,5 point et (+++) à un score inférieur
de 1,5 point ; les (++) et (+++) sont en grisé dans le tableau.
L’interprétation est la suivante : pour le sous-ensemble des questionnaires présentant un score de « soutien
social du supérieur hiérarchique » qui est inférieur à 11 (soit inférieur à la médiane de la population, donc un
déficit de soutien social du supérieur), les catégories de salariés les plus touchées (c’est-à-dire qui ont le score le
plus bas, symbolisé dans le tableau par +++) sont : les « techniciens » et le personnel en « CDD » et, dans une
moindre mesure (symbolisé par ++), les « femmes » et personnels entre « 35 et 55 ans ».
Ainsi, pour la phase de diagnostic approfondi, il sera intéressant de poser des questions concernant le soutien
social aux catégories de salariés ayant un score plus bas.

Enfin, l’idéal est de croiser les scores de santé et les scores des dimensions
mesurant les facteurs de contraintes et de ressources psychosociales.
Cette opération est plus complexe et demande des compétences en statis-
tiques et données quantitatives (pour réaliser des régressions, corrélations
et autres analyses des relations entre les dimensions mesurées qui ont une
certaine validité). C’est aussi la plus intéressante pour mettre en évidence
des groupes plus exposés ainsi que les liens suspectés entre des facteurs de
RPS et des scores de santé dégradée.
Ces différentes opérations permettent ainsi de revenir vers les hypothèses
de travail et de préparer le diagnostic approfondi.

La restitution des résultats : informer le personnel


Avant de restituer les résultats auprès des salariés, il convient de valider
auprès du comité de pilotage :
• La restitution (les principaux résultats et leur interprétation).
• Les modalités de communication (par écrit et/ou à l’oral ; via des réu-
nions, notamment du CHSCT, etc.).

148
Identifier et évaluer les RPS

La restitution en elle-même comprend généralement les éléments suivants :


• L’analyse des répondants.
• Divers chiffres commentés (en « tri à plat » ou par scores).
• Une synthèse résumant les principaux enseignements et les suites à
donner.

■■■L’analyse des répondants


En présentation de l’enquête, après le rappel du contexte, des objectifs mais
également le remerciement des participants, on annonce en général le taux
de participation, le nombre de questionnaires reçus et de ceux effective-
ment exploités (avec mention des éventuels questionnaires non retenus et du
redressement des données). Ensuite, on compare la population ayant répondu
à l’enquête avec la population générale de l’organisation afin de justifier que
les résultats sont bien représentatifs.

Exemple de tableau comparatif du taux de réponse par critères sociodémographiques

Répondants par critères Moyenne Moyenne


sociodémographiques (taux de réponse) (bilan social)

Critère genre

• Féminin 59 % 58 %

• Masculin 41 % 42 %

Critère âge

• < 25 ans 8% 7%

• 25-44 ans 54 % 54 %

• 45-55 ans 30 % 32 %

• > 55 ans 8% 7%

■■■Le « tri à plat »


Une modalité de présentation des résultats est le commentaire question
par question, éventuellement organisé par thématique (la santé perçue, les
facteurs mesurés : autonomie, soutien social, etc.). Cette modalité permet
notamment l’exploitation des « questions maison ».

149
Les risques psychosociaux

Toujours La plupart du temps Rarement Jamais

Q64. Dans le cadre de mon travail, je suis en contact


avec des personnes en situation de détresse 19 % 44 % 23 % 14 %

63 %

Q65. Dans le cadre de mon travail, je suis en contact


avec des personnes que je dois calmer 29 % 38 % 23 % 10 %

67 %

Q66. Dans mon travail, je dois cacher mes émotions


ou faire semblant d'être de bonne humeur 10 % 27 % 44 % 19 %

37 %

Exemple de présentation des réponses à quelques questions

Cette première forme de présentation permet de mettre en évidence les ques-


tions dont les résultats ressortent le plus fortement. Dans la figure précédente,
il apparaît que les exigences émotionnelles liées au contact avec des personnes
en détresse et que l’on doit calmer sont importantes (elles touchent respec-
tivement 63 et 67 % du personnel « La plupart du temps » ou « Toujours »).
En complément, il est possible d’indiquer les critères sociodémographiques
pour lesquels les taux de réponse sont les plus préoccupants pour une ou
plusieurs questions données.

■■■Le calcul des scores


Dans le cas des questionnaires standardisés, la modalité de présentation des
résultats privilégiée est la restitution du calcul des scores par dimension et
leur combinaison. Attention toutefois aux formules de calcul qui diffèrent
d’un questionnaire à l’autre.
Une première modalité consiste à calculer les scores correspondant aux
dimensions mesurées par plusieurs questions (comme la « latitude décision-
nelle », qui correspond à une formule de calcul des résultats aux questions
n° 1 à 9 du questionnaire de Karasek), puis à comparer ce score aux valeurs
de référence disponibles. Cela permet de situer l’organisation par rapport à
d’autres. Il est ensuite possible d’indiquer les critères sociodémographiques
pour lesquels le score est le plus préoccupant.

150
Identifier et évaluer les RPS

Une seconde modalité consiste à calculer le job strain pour Karasek ou l’équi-
libre entre efforts et récompenses pour Siegrist. Il est ainsi possible d’iden-
tifier quel est le pourcentage de salariés exposés à un déséquilibre entre
efforts et récompenses (ratio > 1 chez Siegrist) ou classés en job strain (voire
en isostrain) d’après le modèle de Karasek. Pour aller plus loin, on indique
généralement quels sont les groupes de salariés les plus exposés grâce aux
tris permis par les critères sociodémographiques, sous la forme de tableaux
récapitulatifs ou, lorsque c’est pertinent, sous la forme de schémas.

80

78
Nomades
76
Hommes
< 25 ans
CDI
74
Cadres
Latitude décisionnelle

72
> 55 ans
70
Sédentaires Femmes
68
35-45 ans

66
CDD
64 Employés
Techniciens
62

60

58

18 19 20 21 22 23 24

Demande ps cholo ique

Exemple de présentation des résultats du questionnaire de Karasek

Dans la figure ci-dessus, le croisement des médianes de deux des dimensions


mesurées (« latitude décisionnelle » et « demande psychologique ») permet
de classer des groupes de salariés par critères sociodémographiques dans
quatre cadrans. Les catégories se situant dans le cadran « tendus » sont dites
en job strain et risquent, selon le modèle de Karasek, d’être affectées de divers
troubles pour la santé mentale (notamment si elles combinent en plus un
score de soutien social inférieur à 24).

151
Les risques psychosociaux

Dans cet exemple, il s’agit de trois sous-populations : les techniciens (qui


combinent une forte demande psychologique et une faible latitude décision-
nelle), le personnel féminin ainsi que, dans une moindre mesure, les salariés
âgés de 35 à 45 ans.
Toutefois, il ne s’agit que d’une position moyenne calculée sur l’ensemble
des réponses pour chaque critère sociodémographique : tous les techniciens
ne sont pas forcément en job strain et la position des salariés appartenant à
cette catégorie peut être plus ou moins disséminée autour de ce point moyen.
En outre, on ne sait pas précisément ce qui, dans le travail et ses conditions
d’organisation, expose ces salariés à des situations difficiles, ce qui rend com-
pliqué la mise en place d’actions concrètes contre les RPS à la suite de ce
prédiagnostic.

La synthèse
La synthèse des résultats consiste à récapituler les éléments dont on dispose
concernant :
• Les facteurs de contraintes et de ressources psychosociales pour
lesquels l’ensemble du personnel semble davantage concerné (les
« grandes tendances »).
• Les sous-populations déclarant des scores de santé dégradée ainsi que
les facteurs auxquels elles semblent davantage exposées.
• Par contraste, on peut également souligner les facteurs de ressources
existants ou encore les populations les moins exposées ou semblant
bénéficier d’une bonne qualité de vie au travail.
L’ensemble de ces éléments permet d’affiner les hypothèses de travail
pour permettre aux membres du groupe de travail d’identifier plus précisé-
ment les groupes de salariés à interroger et les questions à leur poser pour
réaliser le diagnostic approfondi et ainsi dégager une caractérisation fine
des RPS, aboutissant, plus tard, à des actions concrètes pour les supprimer
et/ou les réduire.

152
Identifier et évaluer les RPS

Outil 21 – Approfondir le diagnostic :


caractériser précisément les RPS
par des entretiens (étape 6)
L’objet de la sixième étape de la démarche de prévention est d’évaluer les
RPS en vue de pouvoir les prévenir et les inscrire dans le document unique
(voir plus loin : Outil 25, « Mettre à jour le document unique d’évaluation des
risques professionnels », p. 169). Cette étape est essentiellement réalisée au
travers d’entretiens permettant d’analyser le travail réel et vécu.
En effet, pour caractériser précisément les RPS, il est essentiel de s’ap-
procher au plus près du travail vécu et de ses conditions d’organisation
réelles. Le ou les phases de prédiagnostic ont permis d’identifier des axes de
travail mais pas de caractériser distinctement ce qui, dans le quotidien du
travail réalisé, met en difficulté le personnel. Cette caractérisation nécessite
des entretiens avec le personnel, conduits sur la base des hypothèses de
travail affinées par les opérations de prédiagnostic.
Les entretiens servent principalement à dépasser le sentiment diffus de
malaise et à caractériser des situations concrètes sur lesquelles agir. Ils sont
également utiles pour permettre au personnel de s’exprimer mais, que l’on
ne s’y trompe pas, leur mise en œuvre est exigeante et nécessite de la rigueur
ainsi qu’un certain investissement en temps et en ressources humaines.

Intérêts et points de vigilance concernant les entretiens

Intérêts Points de vigilance

• Permet au personnel de s’exprimer en abordant les • Suppose, contrairement à ce que l’on pourrait
sujets qui leur tiennent à cœur. penser, des compétences spécifiques de conduite
• Facilite le recueil d’informations précises et d’entretiens (pour s’assurer d’avoir abordé
factuelles en lien avec le vécu du travail et ses l’ensemble des thèmes en profondeur ou encore
conditions d’organisation. faire face à des débordements émotionnels).
• Permet de comprendre finement comment • Est consommateur de temps (compter une à deux
se combinent les facteurs de contraintes et de heures par entretien) et de ressources (ce sont en
ressources générant des RPS. grande partie les membres du groupe de travail qui
conduisent les entretiens).

153
Les risques psychosociaux

Outil 22 – Organiser les entretiens


Avant de se lancer dans le diagnostic approfondi, deux grands choix vont
orienter sensiblement le travail à réaliser :
• Qui rencontrer concrètement ?
• Comment les rencontrer : entretiens individuels ou collectifs ?

Qui rencontrer concrètement ?


La première phase consiste à déterminer précisément les salariés qui seront
effectivement rencontrés au travers d’un plan d’organisation des entretiens.
Il n’est généralement pas possible d’être exhaustif, surtout dans les grandes
organisations, car cela supposerait de rencontrer une partie significative du
personnel, ce qui est potentiellement coûteux en temps et en énergie1. Il est
plus aisé de déterminer les sous-populations dites prioritaires. Ce sont en
effet les hypothèses de travail affinées à l’étape précédente de prédia-
gnostic, qui vont orienter vers le choix des secteurs, des activités et des
sous-populations à étudier en priorité.

Entretiens individuels ou collectifs ?


Il est possible de réaliser des entretiens individuels ou collectifs. Toutefois,
les entretiens collectifs sont davantage conseillés, car ils permettent de ren-
contrer plus de salariés et de se concentrer sur les difficultés vécues qui sont
partagées, appréciées collectivement comme les plus préoccupantes.
Des entretiens individuels peuvent toutefois être utiles dans des cas précis,
notamment s’il s’agit de salariés en difficulté ou travaillant dans une zone sous
fortes tensions interpersonnelles (où l’entretien collectif risque de tourner
au règlement de comptes).

1. Une solution alternative consiste à décentraliser les entretiens collectifs au niveau des équipes, sous
la houlette du « manager local », mais cela suppose un degré élevé de maturité de l’organisation
vis-à-vis des RPS ainsi qu’une sensibilisation et formation du personnel (notamment du point de
vue méthodologique) et un « expert référent » assurant le soutien et l’accompagnement des analyses
de terrain ainsi que l’exigeant travail de compilation des analyses (cela suppose également que le
« manager local » dispose de ressources et de responsabilités lui permettant d’agir à son niveau
contre les RPS identifiés). Bref, cette solution est sans doute plus raisonnable lorsque les bases de la
lutte contre les RPS seront déjà bien établies.

154
Identifier et évaluer les RPS

Qui rencontrer ? Pour poser quelles questions ?


Une illustration
Dans une grande entreprise à forte culture d’ingénierie et de recherche, un
prédiagnostic, effectué par le biais de questionnaires, a été réalisé et a mis en
évidence, notamment dans le cadran « tendus » du questionnaire de Karasek,
que les populations susceptibles d’être en job strain étaient notamment les
techniciens des fonctions support, ce qui confirme une hypothèse préalable
du directeur des ressources humaines, car cette sous-population est confron-
tée à une externalisation accrue de leurs activités, mais également les femmes
cadres entre 35 et 45 ans, ce qui s’est avéré plus surprenant. Une analyse des
facteurs de risques les plus exprimés par ces sous-populations fait apparaître
l’intérêt de questionner le sentiment de reconnaissance et de perte de sens
dans le travail. Ces thèmes ont ainsi permis d’orienter le questionnement de
groupes de salariés correspondants pour faire émerger les situations concrètes
qui les mettent en difficulté.

Ces entretiens collectifs possèdent les caractéristiques suivantes :


• Ils comprennent entre 4 et 8 salariés (il est difficile d’assurer la parti-
cipation de tous au-delà de ce nombre).
• Ils visent une certaine homogénéité des personnes présentes (par fonc-
tion, par activité, par unité de travail au sens du document unique,
etc.) sans qu’il soit nécessaire qu’ils travaillent effectivement ensemble.
• Ils sont composés de membres du personnel de même niveau hié-
rarchique, sauf si la confiance est installée et que la présence de la
hiérarchie n’influence pas la libre expression.
Avant d’être concrètement mis en œuvre, un plan d’organisation des entre-
tiens est présenté pour validation au comité de pilotage. Celui-ci comprend :
• Le choix des sous-populations à interroger et des thèmes devant être
explorés.
• Le nombre de personnes par entretien (en cas d’entretiens collectifs).
• La constitution de groupes variés (plutôt que strictement représenta-
tifs) par tirage au sort puis sur la base du volontariat.
• Le mélange ou non de différents niveaux hiérarchiques.
• Etc.

155
Les risques psychosociaux

Les modalités de conduite des entretiens sont d’autres éléments essentiels


pour leur réussite et doivent également être discutés avec le comité de pilo-
tage (voir ci-après) :
• Qui pose les questions (par exemple, cela peut être un binôme com-
posé de membres du groupe de travail) ?
• Où (salle de réunion ou autre) et quand (sur le temps de travail) se
déroulent les entretiens ? Combien de temps nécessitent-ils ?
• Quels sont les principes déontologiques et éléments (ou questions)
du guide d’entretien ?
• Etc.

Outil 23 – Conduire les entretiens


Le contenu des entretiens doit être orienté exclusivement sur les difficultés,
problèmes et situations concrètes vécues dans le cadre du travail et de ses
conditions d’organisation. Sont ainsi potentiellement recueillies mais exclues
des analyses ultérieures les situations individuelles sans aucun rapport avec
le travail ou encore les fréquentes déclarations générales qui ne « donnent
pas de prises » permettant de construire des actions précises (incompétence
de tel ou tel service ou manager, manque général de moyens humains, etc.).
Il est donc essentiel de conduire ces entretiens en parlant du travail, de ses
conditions d’organisation, de ses effets et des causes des difficultés (en termes
de combinaison de contraintes et ressources psychosociales). Cela suppose
de bien choisir :
• Qui anime les entretiens.
• Comment ils sont animés.
• Les questions qu’il faut poser lors de ces entretiens.

Qui anime les entretiens ?


C’est généralement tout ou partie des membres du groupe qui s’occupe de
l’animation des entretiens. Il est conseillé de réaliser les entretiens (ou au
moins les premiers) par binômes de deux membres du groupe de travail. Il
est également préférable que ces animateurs soient reconnus comme légi-
times et crédibles par le personnel et disposent d’un minimum de qualités
et de formation : l’entretien n’est pas une simple conversation, il a un but
et un déroulement précis, et son « climat » est essentiel pour favoriser la libre
expression du personnel.

156
Identifier et évaluer les RPS

Outre la connaissance des principales sources de RPS et de leurs effets sur la


santé (voir le chapitre 3, « La formation des membres du groupe de travail :
harmoniser les représentations et ajuster la démarche », p. 95), les ani-
mateurs doivent savoir poser un cadre permettant à chacun de se sentir en
sécurité pour s’exprimer, recadrer les digressions éventuelles, reformuler et
relancer le questionnement ou encore gérer les situations à forte consonance
émotionnelle mais également les situations de tensions dans le groupe inter-
rogé (du fait de conflits latents, de contradictions dans les points de vue, etc.).

Attention !
Entretiens sous haute tension (potentielle)
Les animateurs doivent pouvoir gérer des situations de forte charge émotion-
nelle. À cet égard, animer en binôme représente une ressource, tout comme
les autres membres du groupe de travail sur lesquels ils peuvent s’appuyer.
Si un salarié est manifestement en détresse, les animateurs doivent avoir la
possibilité de l’orienter vers le médecin du travail (ou d’autres intervenants tels
que l’assistante sociale, le cas échéant).
Il n’est pas nécessaire d’arriver systématiquement à un consensus. En cas de
désaccord entre les salariés interrogés, plutôt que d’aller au conflit ou de tran-
cher en faveur d’un point de vue, il est conseillé que les animateurs dépas-
sionnent le débat en listant les points d’accord et de désaccord, puis en pro-
posant de passer au point suivant.

En outre, pour faciliter la participation et la libre expression des participants,


il est conseillé d’insister sur les modalités visant à garantir l’anonymat et la
confidentialité qui doivent avoir été pensés en amont et respectés en aval
des entretiens.

Comment préserver l’anonymat et la confidentialité ?


• Privilégier le volontariat.
• Réaliser les entretiens dans des espaces appropriés et convenablement
insonorisés (une salle de réunion, un bureau fermé, etc.).
• Être vigilant à la composition des groupes lors des entretiens collectifs et,
le cas échéant, éviter la présence de la hiérarchie si la confiance n’est pas
pleinement établie.

157
Les risques psychosociaux

• Élaborer et diffuser un document précisant les « règles du jeu », soit les


principes déontologiques suivis par l’ensemble de celles et ceux qui par-
ticipent à la démarche.

Comment animer les entretiens ?


Les entretiens sont des situations sociales qui mettent en présence des indi-
vidus potentiellement très différents et désireux d’exprimer leur point de vue
sur les situations difficiles qu’ils ont vécues ou les causes organisationnelles
qui les expliquent. Pour préserver un climat favorable à l’expression de chacun
et donner à tous la possibilité de s’exprimer dans les mêmes conditions, il faut
poser un cadre qui rassure et qui permette de recadrer, le cas échéant, celles
et ceux qui monopolisent la parole ou qui « censurent » leurs collègues. Ce
cadre peut être formalisé dans des règles du jeu des entretiens ou principes
déontologiques.

Principes déontologiques favorisant la libre expression de tous :


• Les entretiens sont organisés uniquement sur la base du volontariat, nul ne peut être contraint de
s’exprimer contre son gré.
• Lors des entretiens, les animateurs veilleront au respect de tous et de chacun, à la possibilité de s’exprimer
librement et d’être écouté sans interruption, ainsi qu’au respect du temps de parole.
• Lors des entretiens, chaque participant s’engage à écouter et respecter la parole d’autrui, à accepter la
contradiction ainsi qu’à respecter les règles de courtoisie pour exprimer son désaccord.
• En cas de divergence d’opinion, les animateurs procéderont à une médiation visant à lister les points
d’accord et de désaccord, mais ne prendront pas parti ni ne trancheront en faveur d’une partie.
• Les propos échangés ne sont pas nominatifs mais collectifs, ils sont strictement confidentiels et ne seront
pas utilisés en dehors de la démarche d’évaluation des RPS.

Exemple de document présentant des principes déontologiques


de conduite et d’exploitation des entretiens

La durée envisagée et le moment choisi pour le déroulement des entretiens


jouent un rôle non négligeable dans la qualité du recueil des informations.
Un entretien collectif peut durer entre une heure et deux heures trente. Dans
ce contexte :
• Il faut prévoir le temps nécessaire pour ne pas « presser » le personnel
ou éviter que ceux-ci ne se censurent faute de temps.

158
Identifier et évaluer les RPS

• Il faut éviter de les enchaîner deux à deux (pour laisser les animateurs
« respirer » et faire une première synthèse) et d’en réaliser plus de
trois par jour (pour une simple question de disponibilité cognitive,
ces entretiens pouvant s’avérer éprouvants).
• Ces entretiens ayant lieu sur le temps de travail, il faut également
éviter de caler l’heure de début trop proche des horaires de déjeuner
ou de fin de journée, ou encore de moments d’affluence ou de pics
d’activité qui empêcheraient le personnel concerné de quitter leur
poste trop longtemps.

Un peu de convivialité pour installer


un climat ouvert et bienveillant
Un moment de convivialité (autour d’un café, d’un petit-déjeuner ou d’un goû-
ter) peut lancer (ou clôturer) l’entretien, ce qui permet également de remercier
les participants autrement que symboliquement. Par contre, il faut éviter de
mener des entretiens lors de déjeuners, les animateurs et participants étant
alors occupés à deux choses importantes en même temps !

Le lieu de l’entretien peut également influer sur son déroulement :


• Il vaut mieux éviter les salles de réunion trop grandes ou configurées
en mode « salle de classe » qui découragent la prise de parole.
• Une salle en forme de U ou des cercles aménagés avec des chaises
(avec ou sans tables) soulignent davantage l’idée de libre expression.
Attention toutefois à l’importance de l’écrit et de la prise de notes :
s’ils sont nécessaires dans la culture de l’organisation, il vaudra mieux
installer des tables.
• Il est important pour la confidentialité de prévoir une salle fermée,
afin d’éviter d’être pollué par un environnement bruyant et surtout
que les participants se censurent par crainte d’être « sur écoute », et
de privilégier les salles non vitrées.

Quelles questions poser ?


Le choix des questions permettant de conduire l’entretien découle en grande
partie des hypothèses de travail issues de l’étape antérieure de prédiagnos-
tic (via les indicateurs et/ou résultats du questionnaire). Ces hypothèses

159
Les risques psychosociaux

permettent d’identifier les points sensibles concernant l’ensemble du per-


sonnel et la sous-population des salariés interrogés. Il faut creuser ces points
sensibles afin de faire émerger des difficultés concrètes, des problèmes
identifiés et délimités, des situations dans lesquelles le personnel se
sent débordé, dans l’impasse, confronté à des tensions, un état de stress
important, etc.
L’objet des questions est d’amener les salariés interrogés à décrire les pro-
blèmes rencontrés en lien avec les RPS de façon factuelle et en lien avec le
travail. Encore une fois, il s’agit d’éviter les remarques générales au sujet d’un
mal-être diffus ou de causes lointaines comme la concurrence ou la mon-
dialisation, qui, si elles jouent un rôle, peuvent difficilement être infléchies
au niveau de l’organisation.
Il existe plusieurs tactiques pour amener le personnel à s’exprimer. Par exemple :
• Présenter les résultats du prédiagnostic (concernant l’ensemble du
personnel et/ou la sous-population interrogée) et faire réagir sur ce
que cela évoque.
• Poser des questions centrées sur les situations précises dans lesquelles
ils ressentent des difficultés, du stress, l’impression d’être débordés
ou dans l’impasse, puis leur faire préciser les contours concrets de
ces difficultés (à l’aide de questions de relance simples de type : qui ?
quoi ? quand ? où ? comment ?).
• Faire travailler les salariés individuellement (et/ou en sous-groupe)
pour leur faire lister les situations, problèmes ou difficultés sources de
RPS avant de partager en grand groupe le résultat de ce travail intermé-
diaire et de choisir quelques situations sur lesquelles centrer l’analyse.

Exemples de situations, difficultés ou problèmes


• Les salariés du service RH occupent des bureaux sur l’espace de travail
partagé avec les autres salariés, ce qui est incompatible avec certaines
de leurs activités (confidentialité des informations, activités nécessitant
concentration ou mobilisant la mémoire).
• Les changements sont souvent « annoncés » à travers des rumeurs, ce qui
provoque beaucoup d’insécurité chez les employés (difficulté à faire le tri
entre l’info et l’intox, impression diffuse de manque de confiance et de
menaces sur l’emploi, etc.).

160
Identifier et évaluer les RPS

• Des tensions (verbales) récurrentes existent entre les conseillers clientèle


et les clients du fait d’un décalage entre les attentes des clients et les pos-
sibilités de réponse des salariés (ce qui a été vendu n’est pas tout à fait ce
qui a été délivré).
• Une nouvelle application informatique pour la prise des repas des patients
a été mise en place. Cependant, installée dans le couloir, elle nécessite
des allers-retours nombreux et sa saisie s’avère plus complexe que les
précédents formulaires papier. En outre, l’application rencontre des bugs
fréquents. Tout cela alourdit le travail du personnel soignant.

Il convient de cadrer l’entretien par des questions précises (mais ouvertes dans
leur formulation) favorisant l’exploration de pistes auxquelles les animateurs
n’auraient pas spontanément pensé (l’entretien est dit semi-directif). On
alterne ainsi entre des questions et des discussions concernant les réponses
à ces questions. Il est possible de jouer sur le collectif en demandant au
groupe de réagir : qui veut rebondir ? Qu’en pensez-vous ? Êtes-vous également
confrontés à ces difficultés ?
Avant de passer à une autre question ou de chercher une autre difficulté ou
situation problématique concrète, les animateurs reformulent les propos
sous la forme de synthèses intermédiaires, visant l’approbation du groupe
mais aussi à obtenir de précieux compléments d’information, le cas échéant.
Cette synthèse est essentielle, notamment pour récapituler l’ensemble des
informations relatives à une difficulté ou à un problème concret. Cela facilite
les phases ultérieures d’analyse des résultats des entretiens.
Pour faciliter la conduite des entretiens et permettre une exploitation sys-
tématique de ceux-ci, il est conseillé de produire un guide d’entretien (voir
page suivante) synthétisant non seulement les questions définies par le groupe
de travail mais également les grandes étapes du déroulement d’un entretien.
En vue de préparer l’exploitation des entretiens, il faut veiller à prendre en
note de façon systématique et suffisante les résultats des échanges, et
notamment les synthèses intermédiaires. L’objectif est d’avoir des écrits
les plus complets et comparables possibles. À cet effet, le guide d’entretien,
la formation des animateurs et une prise de note extensive favorisent l’ho-
mogénéité du contenu des entretiens et leur exploitation ultérieure. Il est
également conseillé de travailler avec des fiches descriptives permettant
d’analyser l’ensemble des informations relatives à chaque situation, problème
ou difficulté source de RPS.

161
Les risques psychosociaux

Introduction par l’animateur (les animateurs) :


• Remerciement des personnes présentes qui sont volontaires pour participer.
• Présentation puis rappel des objectifs de l’entretien, son déroulement et son rôle dans la démarche plus
générale d’évaluation et de prévention des RPS.
• Rappel des règles déontologiques et des principes assurant l’anonymat et la confidentialité.
Présentation de chacun des participants :
• Nom et prénom, ancienneté, travail réalisé, etc.
Questions relatives à la compréhension du travail réalisé (à adapter en fonction de la composition
du groupe) :
• Nature du travail, objectifs, déroulement type d’une journée, etc.
• Interaction et degré de coopération entre les équipiers, interactions avec le public (usagers, clients, etc.).
• Variations dans l’activité, moments importants ou critiques.
Questions relatives aux résultats du prédiagnostic (à adapter en fonction de la composition du
groupe) :
• Présentation des hypothèses de travail les concernant.
• Questions permettant de les faire réagir : sont-ils d’accord ? À quoi cela renvoie-t-il concrètement dans leur
quotidien ? Y a-t-il des éléments manquants ? Etc.
Questions relatives aux difficultés, problèmes et situations concrètes vécues (à adapter en fonction
de la composition du groupe) :
• Question permettant de connaître les situations auxquelles pensent les salariés : à quelles occasions dans
votre travail ressentez-vous beaucoup de stress, de tensions, de mal-être conduisant à une impression de
débordement, d’impasse, etc. ?
• Détermination de quatre ou cinq situations, en accord avec le groupe, sur lesquelles portera l’analyse
ultérieure.
Questions liées à chaque situation, problème ou difficulté source de RPS et retenu pour l’analyse
afin de les détailler :
• Pouvez-vous décrire précisément ces situations, problèmes ou difficultés ? Leurs causes ? Leurs effets
(notamment sur le travail, sur l’ambiance avec les collègues, sur la santé, etc.) ?
• Que suggérez-vous pour mieux vivre ces situations ? les supprimer ? les transformer ? À quelles conditions
seraient-elles tenables ? Etc.
Conclusion par l’animateur (les animateurs) :
• Synthèse des principales difficultés, situations, problèmes concrets soulevés, leur ampleur et les pistes de
solution envisagées (au fur et à mesure des difficultés rencontrées puis globalement à la fin de l’entretien).
• Remerciement des salariés pour leur participation.
• Présentation des suites, à savoir l’exploitation des informations recueillies et les modalités d’information
sur les résultats de cette phase de diagnostic approfondi (en précisant que cela nécessitera un peu de
temps).

Exemple de guide d’entretien collectif


(pouvant être adapté pour des entretiens individuels)

162
Identifier et évaluer les RPS

Exemple de fiche descriptive de caractérisation de chaque situation,


problème ou difficulté source de RPS

Libellé de la situation, difficulté ou problème :

Nombre de personnes concernées :

Fréquence ou occurrence, répétition, durée :

Conséquences

• Individuelles (santé, troubles divers, arrêts de


travail, etc.)

• Collectives (tensions, conflits, diminution de


l’entraide, etc.)

• Organisationnelles (problèmes de qualité, de


respect des délais ou des objectifs, blocages divers,
impact sur d’autres services, etc.)

Intensité de la « gêne » ressentie

Cette intensité peut être caractérisée sur une échelle, par exemple :
• 1. Supportable, car ponctuelle ou rare et de courte durée.
• 2. Gênant mais permettant le travail.
• 3. Entravant fortement le travail.
• 4. Insupportable, paralysant le travail et donnant envie de partir.

Facteurs en cause dans la genèse de la situation, de la difficulté ou du problème

• Contraintes à conséquences psychosociales :


objectifs, moyens, exigences émotionnelles, etc.

• Ressources psychosociales : autonomie, soutien


social, reconnaissance, etc.

Pistes de solutions possibles (dont les ressources qui existaient auparavant mais qui sont défaillantes) :

À la fin de l’entretien, afin de faciliter l’exploitation ultérieure des informations


recueillies, il est conseillé de valider avec les salariés :
– la liste des situations, difficultés et problèmes abordés ;
– la formulation, c’est-à-dire le choix du vocabulaire pour décrire chaque
difficulté ou problème en une ou deux phrases simples ;

163
Les risques psychosociaux

– l’ampleur de la gêne, du stress ou des autres conséquences qu’elles


génèrent (par exemple en demandant au personnel de hiérarchiser
ces situations les unes vis-à-vis des autres) ;
– les pistes de solutions évoquées.

Outil 24 – Exploiter les informations


recueillies lors des entretiens
Le but de cette analyse est d’identifier un ensemble de situations et problèmes
considérés comme prioritaires (via des critères d’appréciation), qui seront ver-
sés dans le document unique et feront l’objet d’un plan d’action. L’exploitation
des entretiens suppose donc une analyse systématique qui nécessite de :
• Lister les situations, difficultés et problèmes concrets identifiés comme
étant sources de RPS.
• Les évaluer selon leur importance respective pour déterminer celles sur
lesquelles il y aura un engagement à agir, notamment de façon prioritaire.

La liste des situations, problèmes et difficultés sources


de RPS
La construction d’une liste des situations, difficultés et problèmes concrets
collectés suppose la mise en commun des informations recueillies dans l’en-
semble des entretiens. L’élaboration de cette liste est facilitée :
• Par la réalisation de synthèses intermédiaires lors des entretiens.
• Par le moment de débriefing consécutif à l’entretien pendant lequel
les animateurs préparent un compte rendu qui sera versé dans un
dossier commun, partagé et accessible uniquement aux membres du
groupe de travail.
Une option simple consiste à confier à deux membres du groupe de travail la
construction d’une première version de la liste. Ils doivent pour cela prendre
connaissance de l’ensemble des comptes rendus d’entretiens. Il est conseillé
de ne pas établir une « liste brute » mais de procéder à des groupements
par catégorie selon des logiques qui peuvent être discutées préalablement
au sein du groupe de travail :
• Par unité de travail (au sens du document unique).
• Par catégorie de personnel concerné (en distinguant l’ensemble du
personnel des services ou départements).

164
Identifier et évaluer les RPS

• Par facteur de contraintes majeur (charge de travail, manque de com-


munication, etc.).
• Par « intensité » (le niveau de difficulté ou de stress associé par les
salariés aux situations).

Exemple de liste classant les situations par catégorie de salariés concernés

Salariés Situations, problèmes et difficultés sources de RPS

N° 1. Assimilation des nouveaux processus => surcharge de travail ponctuelle.

N° 2. Évolution du contenu du travail (moins d’ingénierie informatique et plus de


L’ensemble du personnel tâches administratives, de coordination, de tâches juridiques) => perte d’intérêt et
de sens ; sentiment de déqualification.

N° 5. Déficit d’expérience (par exemple, en cas de promotion à ce poste) =>


surcharge de travail ponctuelle de coordination et de contrôle ; tensions (conflits
avec le référent externe, les équipes, etc.).
Chefs de projet
N° 6. Stress ponctuel à l’approche des deadlines => surcharge de travail
ponctuelle.

N° 13. Cumul d’objectifs liés aux nouvelles directives (contraintes budgétaires


Personnel d’encadrement qualité de service projet ERP) => surcharge de travail et pression.

La hiérarchisation des situations, problèmes et difficultés


sources de RPS
La liste élaborée doit ensuite faire l’objet d’une hiérarchisation. En réalité,
cette étape recouvre deux formes d’évaluation :
• Si besoin, la sélection d’un ensemble de situations dites prioritaires
(ou établissement d’une short list)
• L’évaluation des situations en termes de niveau de risque.
La nécessité d’une short list se fait sentir lorsque le groupe de travail a identifié
un nombre conséquent de situations problématiques, par exemple plus d’une
vingtaine. Il est préférable de choisir quelques situations pour en réduire le
nombre, voire en supprimer, plutôt que de s’attaquer à toutes les situations en
même temps, car cela demande généralement des moyens trop conséquents.

165
Les risques psychosociaux

Une liste ou une short list ?


Dans une entreprise de services en informatique et systèmes d’information,
un diagnostic a permis d’identifier vingt-neuf situations caractéristiques des
RPS générés par un changement d’organisation. Plutôt que de les classer ou
de sélectionner certaines d’entre elles, le groupe de travail a décidé de traiter
l’ensemble de ces situations dans un plan d’action.
En parallèle, pour la mise à jour de l’évaluation des risques dans le document
unique, sept situations considérées comme critiques y ont été reportées. Pour
les évaluer, le groupe s’est basé sur les deux critères suivants : ampleur de
leurs conséquences et fréquence d’apparition.
Dans les deux cas, le groupe de travail va devoir identifier et définir des cri-
tères précis pour opérer ces sélections et évaluations.

Exemples de critères permettant de hiérarchiser


les informations recueillies par ordre d’importance
• Le nombre de personnes concernées (entre une personne et tout le per-
sonnel).
• Le caractère isolé ou répété des problèmes, y compris les problèmes
connus et signalés mais jamais résolus de façon satisfaisante.
• La gravité des effets sur la santé, le collectif ou le travail (une situation iso-
lée peut avoir de lourdes répercussions).
• La facilité à les résoudre et/ou l’importance symbolique de l’action, no-
tamment si des ressources existaient par le passé et sont désormais défail-
lantes.

Le groupe de travail doit ainsi déterminer les critères utilisés pour l’évalua-
tion ainsi que les échelles d’importance ou d’indices qu’ils recouvrent. Deux
grandes options sont possibles :
• La notation globale sur une échelle allant de (−) à ( ) et reposant
principalement sur la comparaison et le classement des situations les
unes vis-à-vis des autres.
• La notation multicritères avec des notes éventuelles (par exemple, de 1
à 4) reprenant au besoin les critères d’évaluation des risques propres à
la méthodologie choisie pour l’élaboration du document unique.

166
Identifier et évaluer les RPS

Exemple d’échelle de notation pour la fréquence d’apparition ou occurrence

La situation ou le problème est rencontré… Occurrence Indice

Une fois par an ou moins Rare 0

Seulement quelques fois par an Occasionnelle 1

Au moins une fois par mois Forte 2

Chaque semaine ou presque Critique 3

Exemple d’échelle de notation pour la gravité ou l’intensité

La situation ou le problème est… Intensité Indice

Globalement supportable (effets mineurs sur la santé et/ou sur Faible 0


le travail ; quelques tensions ou irritations passagères)

Gênant (effets visibles mais réversibles ou rattrapables sur la Moyenne 1


santé et/ou le travail ; tensions plus palpables)

Très gênant (activité perturbée en quantité, qualité ou respect Forte 2


des délais ; santé altérée plus fortement en intensité et dans la
durée ; conflits)

Paralysant (impossibilité de réaliser le travail ; épuisement avec Critique 3


arrêts de travail ; relations fortement dégradées)

Exemple d’une démarche de sélection


des situations sur lesquelles centrer l’analyse
Une phase d’entretiens auprès de presque un quart du personnel a permis aux
membres du groupe de travail d’une PME industrielle de Charente d’identifier
93 situations problématiques. Ils ont ensuite décidé de classer ces situations
en 18 catégories avant de retenir pour la suite de l’analyse les 7 catégories
les plus pertinentes. Une situation problématique a alors été identifiée dans
chaque catégorie et quatre d’entre elles (tensions au sein d’une équipe,
confusions des rôles, tensions entre services et manque d’entraide) ont fina-
lement fait l’objet d’un travail de caractérisation approfondi et d’inscription
dans le document unique1.

1. Source : « Le dialogue au cœur de la démarche », Travail et Sécurité, n° 742, septembre 2013, p. 22-24.

167
Les risques psychosociaux

La restitution des résultats


Une fois que le classement hiérarchisé des situations, difficultés et problèmes
sources de RPS est finalisé, les membres du groupe de travail peuvent pro-
céder à l’achèvement de l’étape 6 par la mise à jour du document unique
avec la personne en charge de celui-ci afin d’inscrire de façon pérenne les
résultats du groupe de travail dans la démarche de prévention de l’établis-
sement (voir ci-après).
Une dernière opération consiste à informer le personnel. Après avoir validé
avec le comité de pilotage tant les résultats du diagnostic approfondi (la
caractérisation hiérarchisée des situations sources de RPS) que les modalités
de communication, le groupe de travail va pouvoir informer des situations
difficiles caractéristiques des principaux RPS vécus dans l’organisation.
Comme lors des autres phases de restitution, plusieurs communications dis-
tinctes peuvent être organisées auprès des publics suivants :
• Les représentants du personnel au CHSCT.
• Les groupes de salariés ayant participé aux entretiens.
• L’encadrement et les salariés.
Cette communication est essentielle : elle constitue un pont entre le dia-
gnostic et le plan d’action en annonçant l’achèvement de la phase d’ana-
lyse, l’identification des priorités et l’engagement de la direction à agir
sur ces difficultés pour les prévenir, les réduire, les rendre supportables, etc.
En résumé, elle indique que des actions seront prochainement identifiées et
mises en œuvre (étapes 7 et 8) en complément des actions déjà initiées pour
parer aux difficultés urgentes ou encore ayant une dimension symbolique
forte (étape 7 bis).

L’identification et la mise en œuvre des actions prioritaires


(étape 7 bis)
Tout au long de l’étape 6, lors de la caractérisation des RPS, le groupe de travail
identifie et caractérise des situations qu’il peut juger critiques ou sur lesquelles
une action semble s’imposer à court terme, avant même la finalisation du plan
d’action. Ces situations peuvent être des détresses individuelles identifiées
lors des entretiens individuels ou collectifs, ou encore signalées par les col-
lègues ou l’encadrement. Elles peuvent également représenter des situations
collectives de tensions, de conflits ou de « surchauffe » (par exemple, suite

168
Identifier et évaluer les RPS

à des départs à la retraite non remplacés immédiatement ou ayant entraîné


une perte de savoir-faire).
En général, il est conseillé de lancer des actions :
• Faciles, peu coûteuses et a priori efficaces.
• Répondant à des blocages ou des situations de détresse avérées (les
actions sont donc urgentes).
• Permettant d’assurer la gestion des crises (voir le chapitre 6).
• Ayant une certaine résonance symbolique, soit parce qu’elles touchent
un grand nombre de salariés, soit parce qu’elles font référence à un
problème récurrent, maintes fois signalé mais jamais vraiment traité
de façon satisfaisante.
Un des bénéfices de ces actions prioritaires est qu’elles contribuent à donner
l’image d’une démarche qui porte ses fruits et encouragent le personnel (dont
l’encadrement) à continuer à y participer activement.

Outil 25 – Mettre à jour le document


unique d’évaluation des risques
professionnels
La mise à jour du document unique est obligatoire (il est obligatoire de verser
les résultats d’une évaluation des risques professionnels dans ce document)
mais compliquée, car cela dépend des capacités d’accueil du document
unique vis-à-vis des situations, difficultés et problèmes prioritaires identifiés.
Cette mise à jour sera grandement facilitée si l’on a pris soin, à différentes
étapes préalables du prédiagnostic et du diagnostic approfondi :
• D’utiliser les unités de travail comme critère sociodémographique de
tri dans les questionnaires ou tableaux de bord d’indicateurs.
• D’utiliser les unités de travail dans la définition du plan d’organisation
des entretiens réalisés avec le personnel.
En effet, cela facilitera l’identification des RPS propres à chaque unité de
travail ou transverses à l’ensemble du personnel.
Avant de détailler les modalités concrètes d’intégration des RPS dans le docu-
ment unique, nous allons revenir sur ce document et ses principes généraux.

169
Les risques psychosociaux

Rappel sur le document unique


Le document unique est, depuis 2001, la pierre angulaire de la prévention
des risques professionnels. Concrètement, il s’agit du document dans lequel
l’employeur doit transcrire les résultats de l’évaluation des risques profes-
sionnels.
Classiquement, ce document unique comporte :
• Un inventaire des dangers identifiés dans chaque unité de travail de
l’entreprise ou de l’établissement.
• La caractérisation de l’exposition des salariés à ces dangers, soit les
niveaux de risque.
Les unités de travail mentionnées ci-dessus représentent des ensembles de
salariés exposés de façon relativement homogène à une même typologie de
risques professionnels. Elles sont généralement constituées autour d’activités
(un même travail) ou de zones géographiques (un même environnement).
Certains salariés peuvent constituer une unité de travail à part entière s’ils
sont les seuls à avoir une typologie spécifique de risques professionnels (par
exemple, un psychologue du travail salarié à temps partiel d’une entreprise
industrielle).
Ce document doit être mis à jour afin de refléter aussi fidèlement que
possible la réalité des risques professionnels existants dans l’établissement
(article R. 4121-2 du Code du travail) :
• Au moins une fois par an.
• Lors de toute décision d’aménagement important modifiant les condi-
tions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, notamment
« avant toute transformation importante des postes de travail décou-
lant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou
de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences ou
des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail »1.
• Lorsqu’une information supplémentaire sur l’évaluation d’un risque
dans une unité de travail est recueillie.
Enfin, l’employeur doit construire sa politique de prévention en fonction
du document unique. En effet, celui-ci comportant la hiérarchie des risques

1. La notion de décision d’aménagement important renvoie à l’article L. 4612-8 du Code du travail


concernant la consultation obligatoire du CHSCT.

170
Identifier et évaluer les RPS

professionnels auxquels sont exposés ses salariés, il peut en déduire ses prio-
rités d’action et alimenter ainsi ses efforts de prévention en vue de respecter
son obligation de sécurité de résultat.
Les RPS représentant une catégorie particulière de risques professionnels,
ils sont pleinement concernés et doivent être évalués pour chaque unité de
travail de l’établissement.

RPS et document unique, une longue histoire


Dès 2002, dans la circulaire n° 6 DRT du 18 avril, l’administration préconisait
l’intégration des RPS dans le document unique : « Il convient de préciser que
la combinaison de facteurs liés à l’organisation du travail dans l’entreprise est
susceptible de porter atteinte à la santé et à la sécurité des travailleurs, bien
qu’ils ne puissent être nécessairement identifiés comme étant des dangers. À
titre d’exemple, l’association du rythme et de la durée du travail peut constituer
un risque psychosocial – comme notamment le stress – pour le travailleur. »

L’intégration des RPS dans le document unique

■■■Trois cas de figure


Le plus simple pour intégrer les résultats du diagnostic approfondi des RPS
dans le document unique est de partir des unités de travail. À la lumière de
l’expérience, trois cas de figure se distinguent :
• Les RPS dits « risques du métier », propres à des unités de travail
précises.
• Les RPS émergeant de situations ou difficultés transverses et/ou poten-
tiellement temporaires, liés à un dysfonctionnement qui n’est pas de
nature à perdurer.
• Les RPS liés à des situations en grande partie imprévisibles comme
le harcèlement.
Les risques du métier
Dans ces unités de travail, l’activité ou le métier exercé génère, par essence,
des situations dans lesquelles les contraintes à conséquences psychosociales
peuvent déborder le personnel, par exemple :

171
Les risques psychosociaux

• En cas de manipulation de biens de valeur (risques de braquages,


agressions, etc.).
• En général, dans les activités de contact – direct ou non – avec le
public (exposition à des violences, à de la fatigue compassionnelle, de
fortes exigences émotionnelles, etc.).
• Dans les activités exposant à des variations importantes de la charge
de travail du fait d’une saisonnalité ou de pics d’activité plus ou moins
prévisibles (comme les régulateurs de trafic des transports en commun
qui ne peuvent anticiper ni le moment, ni l’ampleur des événements
qu’ils vont devoir gérer).
• En cas d’importantes responsabilités exercées (de type chirurgien ou
contrôleur aérien).
Ces RPS sont généralement les plus aisés à identifier et à inscrire dans les
unités de travail concernées. Ne pouvant être supprimés, ils nécessitent
des actions visant à diminuer au maximum l’expression des facteurs de
contraintes et à augmenter les ressources permettant d’y faire face.
Les situations ou difficultés transverses et/ou potentiellement
temporaires
Au sein d’une ou plusieurs unités de travail, il peut arriver que l’évolution des
conditions d’organisation du travail génère des débordements :
• Soit parce que les contraintes à conséquences psychosociales aug-
mentent et excèdent les ressources dont disposent les salariés pour
y faire face.
• Soit par déficit de ces mêmes ressources.
Ces situations ne sont pas propres à un métier donné. Elles peuvent être
ponctuelles (une surcharge de travail) ou plus pérennes (un manque de sou-
tien social lié à un éclatement du collectif de travail) et toucher un salarié
(le cas typique d’une personne en souffrance) ou plusieurs d’entre eux, voire
plusieurs unités de travail. Dans le cas de changements, elles peuvent même
concerner l’ensemble du personnel.
Pour autant, ces difficultés sont typiques de déséquilibres qui peuvent être
totalement ou grandement résorbés via des actions de prévention primaire
(et secondaire). Elles peuvent donc être amenées à disparaître :
• En cas de difficulté individuelle et exceptionnelle qui disparaît avec les
actions mises en place, la situation peut être consignée « pour archive ».

172
Identifier et évaluer les RPS

• Si cette difficulté ou ce problème est susceptible de se reproduire, il


doit être consigné, mais la cotation doit tenir compte de sa probabilité
d’occurrence, qui est normalement moins fréquente que celle des RPS
dits « risques du métier ».
Les crises imprévisibles
Enfin, dans toutes les organisations, des événements non voulus, exception-
nels et imprévisibles peuvent se produire et frapper n’importe qui. La pro-
babilité ou fréquence d’apparition de ces événements est normalement et
heureusement assez faible.
À titre d’exemple, on peut citer :
• Un harcèlement (moral ou sexuel) du fait d’un pervers narcissique.
• Des violences internes liées à des conflits dont l’origine est extrapro-
fessionnelle (rivalités amoureuses, sportives, etc.).
• Des violences externes, comme une agression par un tiers, sans lien
apparent avec le travail.
Ce cas de figure est assez rarement mis en évidence dans un diagnostic des
RPS, sauf en cas d’historique particulier. Deux options sont alors possibles :
1. Ne rien inscrire dans le document unique au motif que ce ne sont
pas des risques professionnels ou qu’ils sont raisonnablement impré-
visibles (ce qui n’exclut pas la mise en place d’actions de prévention,
de sensibilisation, etc.).
2. Prévoir leur inscription dans une unité de travail commune à l’en-
semble du personnel, principalement pour souligner l’engagement de
l’employeur à agir s’ils surviennent.

■■■Concrètement…
Afin d’intégrer les RPS dans le document unique, le groupe de travail peut
procéder en deux temps :
• Classer les situations prioritaires identifiées précédemment par unité
de travail (en fonction des cas de figure relevés ci-dessus).
• Intégrer ces situations en proposant une cotation du niveau de risque
permettant de les articuler avec les autres risques professionnels pré-
sents dans le document unique.
La seconde opération, relative à la cotation, renvoie aux modalités retenues
par le groupe de travail pour hiérarchiser les situations (voir ci-dessus : « La

173
Les risques psychosociaux

hiérarchisation des situations, problèmes et difficultés sources de RPS »,


p. 165). L’opération devient très délicate si les critères d’évaluation des RPS
et ceux du document unique ne sont pas identiques, d’où l’importance de la
cohérence tout au long de la démarche tant en termes de rappel des unités de
travail que d’articulation avec les critères de cotation du document unique.

Exemple d’intégration des RPS dans un document unique

Unité de travail : Date :

Maîtrise Actions
Situations Cotation
Dangers Fréquence Gravité (actions à mettre
dangereuses (F×G×M)
existantes) en œuvre

Manutention Changement 2 4 Utiliser la chèvre 4 Étude de


manuelle des moules hydraulique matériaux plus
(60 kg) 0,5 légers

RPS Surcharge de 1 3 Rien à ce jour 3 • Maintenance


travail du fait 1 préventive
de pannes pour diminuer
machines et/ Cotation traditionnelle ↑ les pannes
ou d’absence ou spécifique* aux RPS ↓ • Polyvalence
de collègues pour pallier
3
les absences

Chute Rechargement 4 1 Plate-forme 1 Rappel des


de hauteur de la trémie machine protégée consignes
en P25 0,25

* La cotation spécifique aux RPS renvoie à la méthode de notation globale décrite plus haut sur une échelle
allant de (−) à ( ), appréciations auxquelles on associe une criticité par équivalence (par exemple :
vaut 9 ; vaut 6 ; vaut 3, etc.)

174
5
CHAPITRE

Définir et mettre en œuvre


le plan d’action

Nous allons ici détailler des exemples d’actions pour lutter contre les RPS,
préciser l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’actions, déterminer
enfin les modalités d’évaluation et de suivi des actions entreprises et de la
pérennisation de la démarche de prévention.

Outil 26 – Mieux connaître l’étendue et


la variété des actions de prévention
Les contraintes à l’origine des situations, problèmes ou difficultés sources
de RPS peuvent être réduites ou compensées par des ressources permettant
d’affronter ces situations et de favoriser un travail bien fait tout autant que
la santé des salariés. Nous proposons ici de nombreux exemples d’actions
visant à guider la recherche de solutions. Il s’agit principalement de :
• Réduire ou supprimer tout ou partie des contraintes à conséquences
psychosociales.
• Développer les ressources permettant aux salariés et aux collectifs de
travail de faire face à ces contraintes.
Les risques psychosociaux

Ces pistes ne sont pas exhaustives et visent davantage à aider l’appréhension


de la multiplicité des leviers qui peuvent être actionnés pour lutter contre
les RPS. La majorité des exemples est relative à des mesures privilégiant la
prévention en amont et la suppression ou limitation de facteurs de risques
(les mesures d’accompagnement des personnes en souffrance sont davantage
présentées dans le chapitre 6).
La recherche d’actions peut se faire autour des contraintes et ressources
psychosociales :
• Rassurer sur les perspectives d’avenir.
• Limiter la charge, l’intensité et la complexité du travail.
• Favoriser l’autonomie.
• Favoriser la clarté des rôles et l’intérêt (ou le sens) du travail.
• Favoriser le respect et lutter contre les violences.
• Préserver l’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
• Améliorer les conditions de travail.
• Développer ou redévelopper le soutien social.
• Développer ou redévelopper la reconnaissance.

Exemples d’actions pour rassurer sur les perspectives


d’avenir

Objectif Exemples d’actions

Rassurer sur l’avenir, • Associer le personnel en amont des changements en organisant une
l’emploi et les perspectives participation réelle qui donne aux salariés la possibilité de s’exprimer et
professionnelles d’influer sur les décisions qui les concernent.
• Informer sur les résultats de l’entreprise, en plus d’une information sur les
résultats individuels et collectifs.
• Présenter la stratégie et les changements à venir (en permettant de poser
des questions et en y répondant).
• Assurer la présence sur le terrain de la direction, sa visibilité et son
accessibilité en vue d’humaniser l’entreprise et de réduire le sentiment de
coupure entre les salariés et les cadres dirigeants.
• Restreindre le recours aux CDD, à l’intérim ou à la sous-traitance sur des
métiers habituellement occupés par des salariés de l’entreprise afin de
limiter le sentiment de crainte pour l’avenir.
• Etc.

176
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

Exemples d’actions pour limiter les contraintes


de charge, d’intensité et de complexité du travail

Objectifs Exemples d’actions

Réduire les occasions de • Anticiper les situations de surcharge en mettant en place des indicateurs
charge de travail excessive de suivi et de planification de l’activité (évolution du nombre de dossiers à
traiter, fréquence des blocages ou perturbations, etc.).
• Intégrer dans les plannings des temps de résolution de dysfonctionnements
imprévisibles mais récurrents (panne de machine, bug d’un logiciel, retard
d’une livraison, etc.).
• Demander la résolution des dysfonctionnements à l’origine de pertes de
temps ou d’efficacité (ex. : amélioration des logiciels utilisés).
• Prendre en compte les temps d’apprentissage lors de changements et la
montée en rythme progressive des équipes.

Augmenter la capacité • Réduire les situations de surcharge en lissant la charge de travail dans le
individuelle et collective de temps et/ou sur l’équipe.
régulation de la charge de • Donner la possibilité de faire varier les effectifs tant en nombre (recours
travail à des salariés supplémentaires en cas de surcharge) qu’en compétences
(polyvalence).
• Organiser des points réguliers entre les collaborateurs et le supérieur
hiérarchique pour traiter spécifiquement de la charge de travail et/ou
intégrer un point sur la charge de travail dans l’entretien annuel d’évaluation.
• Favoriser les espaces personnels (et individualisables) pour les salariés
affectés à des tâches nécessitant de la concentration ou de fortes exigences
émotionnelles.

Exemples d’actions pour favoriser l’autonomie

Objectif Exemples d’actions

Redonner des marges de • Dans la conception de nouveaux postes de travail ou de nouvelles méthodes
manœuvre de production, rechercher l’enrichissement du travail (élargissement des
tâches, autonomie et responsabilités).
• Laisser davantage de liberté dans le choix du contenu et des rythmes de
travail, dans la gestion des erreurs et dysfonctionnements, etc.
• Accompagner les salariés promus ou auxquels on confie des responsabilités
en leur donnant les formations et informations nécessaires.
• Dans les conditions de travail et d’emploi, laisser aux salariés plus
de possibilités dans le choix des temps de pause, des congés, des
aménagements horaires ou de l’espace de travail, des formations suivies, etc.
• Dans le parcours professionnel, favoriser l’accès aux différentes formes de
mobilités internes, à un parcours de carrière, etc.

177
Les risques psychosociaux

Exemples d’actions pour favoriser la clarté des rôles


et l’intérêt (ou le sens) du travail

Objectif Exemples d’actions

Développer l’intérêt et le • Confier des tâches complètes plutôt que partielles et parcellisées.
sens du travail, le sentiment • Éviter de demander au personnel de faire quelque chose qu’il réprouve (et
d’utilité et de justice qui est susceptible de générer des conflits éthiques).
• Répartir de façon équitable des tâches en objectivant les critères permettant
de faire les choix.
• Expliquer à chacun les tenants et aboutissants de sa contribution (ex. :
présenter le produit final fabriqué afin que chacun puisse appréhender où et
quand il intervient dans le processus de production).
• Clarifier précisément les rôles et responsabilités, notamment ce qui est
attendu des salariés (de façon formelle, lors d’entretiens, ou plus informelle,
au quotidien ou lors de réunions périodiques avec l’équipe).
• S’assurer régulièrement que les salariés ont une vision claire de ce qui est
attendu d’eux.

Exemples d’actions pour favoriser le respect


et lutter contre les violences

Objectifs Exemples d’actions

Limiter les sources de • Développer les mesures visant à clarifier les rôles et responsabilités au sein
tensions et de conflits des services ou départements mais aussi entre services et départements,
particulièrement en période de changement.
• Limiter les stocks de marchandises de valeurs ou d’argent liquide.
• Réduire les situations d’insatisfaction client (ex. : temps d’attente, défauts et
problèmes d’utilisation des produits de l’entreprise, retards dans la livraison,
etc.).
• Aménager matériellement l’environnement de travail (vidéosurveillance,
opacité des vitres, porte de sortie, etc.).
• Éviter les systèmes de mise en concurrence des salariés (de type
benchmark), ou les encadrer soigneusement en veillant à ce que ses
conditions de mises en œuvre limitent les « dérapages » possibles en termes
de stigmatisation individuelle ou encore de pression aux objectifs.

Accompagner et soutenir les • Communiquer l’engagement de la direction concernant son refus de


salariés exposés la violence sous toutes ses formes et son intention de sanctionner
systématiquement les comportements répréhensibles.

178
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

Objectifs Exemples d’actions

• Communiquer au public ou aux usagers la possibilité de poursuites pénales


en cas d’actes violents.
• Se mettre en relation avec les forces de l’ordre pour bénéficier de leur
intervention et de leur soutien, le cas échéant.
• En cas d’agression verbale, voire physique, être solidaire du salarié concerné
et l’accompagner dans les procédures de dépôt de plainte, médicales, etc.
• S’assurer du soutien de la hiérarchie (ex. : dans la grande distribution, l’agent
de caisse peut interpeller un responsable pour qu’il le soutienne en cas
d’altercation avec un client).
• Former les salariés à l’attitude à adopter face à la violence ou aux agressions
ainsi que pour désamorcer la spirale de la violence (montée progressive de
la tension dans une situation).
• Prévoir des binômes en cas de tâches « délicates ».
• Prévoir des temps de pause et des lieux pour « souffler » après une situation
tendue (ex. : après le contact avec un client ou usager mécontent et agressif).
• Donner accès à des lieux et professionnels de l’écoute pour permettre de
parler et de vider le « trop-plein » émotionnel (voir le chapitre 6).

Exemples d’actions pour préserver l’équilibre entre vie


personnelle et vie professionnelle

Objectifs Exemples d’actions

Favoriser l’articulation des • Négocier un accord concernant le travail à domicile ou télétravail, en


différents temps de vie du intégrant notamment le cadre des équipements matériels nécessaires et
personnel l’entretien des liens avec les télétravailleurs pour éviter qu’ils ne soient isolés.
• Rechercher la souplesse dans la gestion des horaires, notamment en lien
avec les horaires des transports en commun ou du trafic pour accéder à
l’établissement.
• Rechercher la souplesse dans la prise de congés pour s’adapter aux
événements de la vie (décès d’un proche, engagement associatif, enfant
handicapé à charge, etc.).
• Favoriser la reprise progressive après un arrêt maladie ou un accident.
• Proposer des services aux salariés (crèche, conciergerie, pressing, coiffeur, etc.).

Limiter les effets des horaires • Encadrer les déplacements professionnels pour éviter la fatigue ou la
de travail atypiques répétition des déplacements fréquents et lointains.
• Éviter le recours aux heures supplémentaires, au travail posté et au travail de
nuit, car ces formes de travail en horaires atypiques sont en décalage avec
les temps sociaux.
• Veiller à favoriser le retour à des horaires « de jour » pour les salariés ayant
occupé de façon prolongée ces postes en horaires décalés ou de nuit.

179
Les risques psychosociaux

Objectifs Exemples d’actions

Veiller au non-débordement • Demander aux responsables hiérarchiques d’être vigilants quant à la


des exigences du travail charge de travail pour éviter que leurs salariés n’emportent du travail à leur
(notamment via les NTIC) domicile.
• Déconseiller l’organisation de réunions trop tôt le matin ou tard dans l’après-
midi (par exemple, le vendredi à 17 h).
• Inciter à un usage modéré des outils nomades et de la messagerie
(smartphones, tablettes ou ordinateurs portables).
• Envisager de couper l’accès aux serveurs de l’entreprise durant les week-
ends pour inciter les salariés à « décrocher ».

Exemples d’actions pour améliorer les conditions


de travail

Objectifs Exemples d’actions

Donner au personnel les • Fournir des moyens matériels, humains, en termes d’informations… adaptés
moyens de bien travailler aux objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre.
• Corriger les dysfonctionnements identifiés ou le manque de moyens
exprimé par les salariés.

Améliorer l’environnement • Modifier l’aménagement des locaux en tenant compte des besoins du travail
de travail réel (de concentration, de réunion et d’échange, de partage du matériel
commun comme les imprimantes, etc.).
• Veiller à assurer de bonnes conditions de travail : renouvellement et
assainissement de l’air, bruit, température, éclairage, hygrométrie, etc.
• Assurer la propreté et l’entretien du matériel des lieux de pause et des
parties communes.

Exemples d’actions pour (re)développer le soutien social

Objectifs Exemples d’actions

• Développer le sentiment Au niveau des collectifs de travail :


d’appartenance et la • Répartir de façon équitable les rôles et responsabilités.
cohésion de l’équipe • Soutenir l’entraide en développant la polyvalence (afin que chacun
• Favoriser l’entraide et le puisse épauler autrui) et le travail en équipe (lorsque les salariés sont
soutien des pairs interdépendants et partagent la responsabilité du résultat).
• Développer la capacité • Soutenir les initiatives de coopération et d’entraide (en faire une forme de
des managers à être sur reconnaissance en encourageant et valorisant ces comportements).
le terrain

180
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

Objectifs Exemples d’actions

• Organiser une véritable intégration des nouveaux (ex. : via un tutorat des
nouveaux par les plus expérimentés).
• Organiser des réunions régulières d’échange sur les difficultés rencontrées
(de type « espaces de discussion ») ou autour de la manière de faire le travail
(transmission des « ficelles du métier »).
• Favoriser les temps et horaires de travail permettant aux équipes successives
de « se croiser » et d’échanger sur les difficultés rencontrées, les opérations
en cours, etc.
• En cas de télétravail ou de travail distant, mettre en place des mesures
de lutte contre l’isolement : messagerie instantanée ou chat, organisation
de réunions d’équipe présentielles régulières, de visioconférences de
supervision, etc.
• Soutenir les mesures de convivialité (repas d’équipes, sans que cela
rime avec consommation d’alcool ; espace de détente et temps de pause
communs, etc.).
• Éviter le travail isolé.

• Favoriser l’entraide et le Au niveau du soutien de l’encadrement :


soutien de l’encadrement • Favoriser le dialogue et rendre possible les échanges avec la hiérarchie, ce
• Développer la capacité qui implique de répondre dans un délai raisonnable aux sollicitations et
des managers à être sur demandes.
le terrain • Mettre en débat les indicateurs de pilotage utilisés et les tâches
administratives (reporting, réunions, etc.) qui peuvent consommer un temps
de travail conséquent et tenir éloignés les responsables hiérarchiques de
leurs équipes au quotidien.
• Favoriser le soutien du N+1 à tous les niveaux.
• Donner accès à des dispositifs de formation et d’accompagnement des
nouveaux managers (ex. : via un tutorat).
• Créer des espaces de discussion pour fournir un soutien social spécifique
de la part des pairs encadrants et ainsi contribuer à rompre l’isolement dans
lequel se trouvent certains managers.

Exemples d’actions pour (re)développer la reconnaissance

Objectifs Exemples d’actions

Reconnaître autrui (son • Respecter (et faire respecter) les conventions usuelles de politesse vis-à-vis
existence, sa dignité, ses des salariés.
droits) • Organiser des temps de découverte du travail des autres salariés de
l’entreprise, à l’exemple de programmes « vis ma vie en entreprise ».

181
Les risques psychosociaux

Objectifs Exemples d’actions

Reconnaître la contribution • Formuler des encouragements ou félicitations, envisager d’éventuelles


des salariés récompenses (ex. : primes) en cas de réussites individuelles et collectives.
• Élaborer des dispositifs d’évaluation équitables, fondés sur des critères
légitimes et précis, pour lesquels tant les évaluateurs que les évalués sont
formés et informés.
• Améliorer les dispositifs de reconnaissance salariale, de promotion interne
et d’évolution professionnelle (dispositifs articulés en cohérence avec les
dispositifs d’évaluation).

Accompagner les salariés • Fournir des retours d’informations (ou feed-back) sur les résultats
dans leurs réussites et leurs individuels et collectifs, notamment à l’occasion des entretiens annuels et de
difficultés points de suivi réguliers, pour déceler des difficultés et apporter de l’aide,
recueillir des initiatives ou idées nouvelles exprimées par chacun.
• Permettre de parler ouvertement (sans sanction) des erreurs et problèmes
rencontrés, et ainsi les prendre en compte.

Permettre aux salariés de • Associer les salariés en amont de changements, de nouveaux projets,
s’exprimer sur les décisions d’un déménagement… afin de ne pas donner l’impression d’une prise de
qui les concernent décision autoritaire et obscure, et que « l’intendance suivra ».
• Recueillir les avis sur les décisions de changement, notamment au sein
d’espaces permettant de débattre des conditions de travail et des « bonnes
pratiques » à adopter pour faire face au travail réel.

Outil 27 – Élaborer un plan d’action (étape 7)


Afin d’élaborer le plan d’action, les membres du groupe de travail vont devoir
organiser plusieurs réunions de travail afin de :
• Discuter de l’ensemble des actions possibles concernant les situations,
difficultés et problèmes sources de RPS qui sont jugés prioritaires.
• Choisir, parmi ces actions, celles qui sont jugées comme les plus per-
tinentes et les regrouper en axes clairs.

La détermination des actions possibles


Pour l’élaboration du plan d’action, les membres du groupe de travail peuvent
procéder de la façon suivante :
• Dans un premier temps, lister l’ensemble des actions possibles pour
chacune des situations, difficultés et problèmes sources de RPS qui
sont jugés prioritaires.
• Dans un second temps, grouper les actions qui sont proches ou simi-
laires de façon à épurer la liste des actions possibles.

182
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

■■■L’ouverture du champ des actions possibles


La détermination d’actions susceptibles d’être efficaces ne doit pas être réa-
lisée « en chambre », c’est-à-dire coupée du terrain. L’aspect participatif de
la démarche est essentiel, c’est d’ailleurs pour cela qu’une première série
d’actions envisageables a été recueillie lors des entretiens de diagnostic appro-
fondi.
La première tâche des membres du groupe de travail est ainsi de reprendre la
liste des situations, difficultés et problèmes prioritaires ainsi que l’ensemble
des informations collectées auprès du personnel concernant les actions
qui permettraient de les réduire. Il s’agit de s’appuyer sur ces premiers élé-
ments pour discuter et enrichir une liste conséquente d’actions possibles
concernant chaque situation, difficulté et problème source de RPS.
Une première source d’actions complémentaires réside dans le questionne-
ment autour des actions de prévention existantes dont le groupe a élaboré un
recensement (voir le chapitre 3, « La revue des dispositifs existants », p. 105).
Certaines de ces actions peuvent être reprises et étendues ou déclinées pour
agir sur certaines situations, problèmes ou difficultés prioritaires.
Un travail en sous-groupe peut ainsi permettre aux membres du groupe
de travail d’enrichir cette liste dans le but de collecter le maximum d’idées
et d’en débattre. Certaines d’entre elles apparaîtront plus réalistes, moins
coûteuses, plus aisées à mettre en place… L’idée est de ne pas disqualifier les
propositions trop rapidement, de les lister et ensuite, dans un second temps,
de les comparer afin d’identifier celles qui seraient jugées plus pertinentes.
Cet exercice peut s’animer comme un brainstorming ou en se demandant,
pour chaque situation, difficulté ou problème rencontré, ce que les différents
acteurs peuvent faire à leur niveau :
• Que peuvent faire les membres de l’équipe, individuellement, pour
résoudre le problème ?
• Que peut faire l’équipe, collectivement ?
• Que peut faire l’encadrement de proximité (le supérieur) ?
• Que peut faire la ligne hiérarchique ou la direction ?
• Que peut faire l’organisation (un ou plusieurs services précis : res-
sources humaines, qualité, etc.) ?
• Que peuvent faire les acteurs externes (l’administration, les clients ou
les usagers, les fournisseurs, etc.) ?

183
Les risques psychosociaux

Des actions très concrètes : faire le ménage


dans les pratiques du service achat
Dans une entreprise de prestation de services de nettoyage, les salariés ont
des difficultés à passer l’aspirateur. En effet, entre la commande du chef
d’équipe au service achat et ce que le service achat commande effective-
ment, il y a un écart : les aspirateurs livrés sont moins chers et ne tiennent pas
les rythmes d’utilisation prévus (nettoyer de grandes surfaces durant quatre
heures consécutives). Tombant fréquemment en panne, ils mettent les salariés
dans une situation délicate vis-à-vis de leurs clients.
C’est ici à la fois un problème de matériel inadapté et de relations interservices
qui est à l’origine de ces situations de tensions. Les actions de prévention ne
sont donc pas proprement « psychosociales », mais portent sur l’organisation
du travail et le matériel.

À ce stade, il est utile de noter, pour chaque action proposée, un certain nombre
d’indications qui aideront ensuite à finaliser le plan d’action. Par exemple :
• Les acteurs chargés de la mise en œuvre de l’action.
• Le délai ou la période propice à sa mise en œuvre.
• Ses avantages ou inconvénients réels ou supposés (qui émergent géné-
ralement des débats au sein du groupe de travail : coût élevé, jugé peu
efficace, etc.).

Exemple de tableau d’aide à l’identification d’actions


pour les situations, difficultés et problèmes prioritaires

Situation, problème
Actions* Qui ? Quand ? Comment ?
ou difficulté

#1. Évolution du contenu du Confier le choix des activités ? ?


travail (moins d’ingénierie externalisées aux salariés
informatique et plus de
Communiquer pour rassurer Responsable d’équipe Immédiatement
tâches administratives, de
en réunion d’équipe
coordination et juridiques)
=> perte d’intérêt, de sens ; Éviter d’externaliser les Responsable de ?
sentiment de déqualification activités nouvelles, critiques département N.B. : L’idée est de
ou présentant un intérêt pérenniser ce mode
pour l’employabilité des d’organisation
salariés

* Les actions en italique sont celles qui ont été recueillies lors des entretiens. Les autres sont les nouvelles
actions débattues au sein du groupe de travail.

184
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

■■■Le classement des actions par type


L’ensemble des actions listées constitue un « matériau brut » essentiel mais
a tendance à ressembler à un « inventaire à la Prévert ». Pour organiser ce
matériau brut, il est utile d’opérer des regroupements entre actions identiques
ou proches, mais qui sont pour le moment éparpillées, et ce, en les organisant
par type de situation ou de difficulté :
• Des actions « identiques » peuvent avoir été proposées pour plusieurs
situations ou difficultés, et peuvent donc être fusionnées.
• Des actions « proches » peuvent également avoir été suggérées et ainsi
être groupées sous une « ombrelle » commune.

Exemple de tableau de groupement des actions

Situations,
Quand problèmes
# Actions Qui
et comment ? ou difficultés
correspondantes*

A01 Communiquer et permettre des Responsable ? #1, 3, 7 et 12


échanges avec les salariés : d’équipe
• Sur la stratégie de l’entreprise
• Sur la nature des changements
à venir (ex. : planning de mise
en œuvre, étapes difficiles à
anticiper, etc.)
• Sur l’attachement au principe de
maintien du savoir-faire

A02 Éviter d’externaliser les activités Responsable de ? #1


nouvelles, critiques ou présentant département
un intérêt pour l’employabilité des
salariés

A03 … … … …

* Lorsqu’une action concerne plusieurs situations, celles-ci sont fusionnées ou groupées en une seule action
et les situations concernées correspondantes sont mentionnées. Ici, l’action « Communiquer pour rassurer en
réunion d’équipe » du tableau précédent s’est enrichie des différents thèmes suggérés dans d’autres actions
« proches » qui ont été regroupées dans l’action A01 : « Communiquer et permettre des échanges avec les
salariés ».

Une fois que cette liste fait l’objet d’un certain consensus, les membres du
groupe de travail peuvent l’exploiter pour finaliser le plan d’action qui sera
présenté au comité de pilotage.

185
Les risques psychosociaux

La finalisation du plan d’action


Pour la finalisation du plan d’action qui sera présenté au comité de pilotage
pour validation, il est important d’organiser plusieurs réunions de travail,
qui permettront :
• De sélectionner les actions jugées comme les plus pertinentes, notam-
ment en recourant à une consultation du personnel.
• De les regrouper en grands axes cohérents en fonction d’objectifs
partagés.

■■■La sélection des actions pertinentes


Cette opération fait référence à deux moments consécutifs :
• Le classement et la sélection d’actions en fonction de critères permet-
tant de jauger leur pertinence.
• La consultation de représentants du personnel et de l’encadrement
afin de valider et préciser les actions effectivement retenues.
Détermination des actions retenues en fonction de leur pertinence
Le groupe de travail peut identifier, pour chaque situation, difficulté ou pro-
blème source de RPS, les actions qu’il juge comme étant les plus pertinentes
sur la base de critères bien définis afin de faciliter les échanges et l’abou-
tissement d’un consensus. Pour s’aider, les membres du groupe de travail
peuvent utiliser une grille d’aide à la décision obligeant à noter systémati-
quement, pour chaque critère, l’ensemble des actions.

Exemple de grille d’aide à la décision collective

Critères (notés de 1 à 4)
Actions Total
Efficacité Coût Délai Facilité de mise en œuvre

Action #A01

Action #A02

Action #A03

Le groupe de travail peut ainsi arbitrer entre les différentes actions et privilé-
gier celles qui lui semblent les plus pertinentes. Une fois la sélection réalisée,

186
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

il est essentiel, pour préparer l’opération suivante, de préciser les informations


concernant les actions retenues, à savoir :
– les objectifs poursuivis ;
– les responsables de la mise en œuvre ;
– les moyens concrets mobilisés ;
– le calendrier ;
– d’autres informations (par exemple : « nécessite une expérimenta-
tion sur un site pilote », « formation qui suppose des sessions tests »,
« contours de l’action à affiner avec des prestataires spécialisés », etc.) ;
– les indicateurs permettant le suivi de leur mise en œuvre et de leur
efficacité (voir ci-après : « Évaluer la démarche et développer une veille
(étape 9 suite) », p. 206).

Critères pour choisir les actions de prévention


les plus pertinentes
• L’efficacité supposée ou les effets envisageables de l’action (par exemple,
entre « supprimer », « réduire fortement » ou « réduire faiblement » la fré-
quence et/ou la gravité de la situation ou du problème).
• Le coût de mise en œuvre.
• Le délai de mise en œuvre (entre « immédiat » et « différé » à plus ou moins
long terme).
• La facilité ou difficulté de mise en œuvre (par exemple, si l’action nécessite
des changements conséquents qui devront faire l’objet d’expérimenta-
tions, d’un accompagnement du changement, etc.).
• Le degré d’acceptabilité par le personnel.
• L’« écho symbolique » qui fait référence aux actions visibles et marquantes
qui accompagnent la matérialisation de la démarche.
• Le degré d’adéquation avec les orientations stratégiques de l’organisation
(par exemple, l’embauche de salariés n’est pas forcément compatible avec
une organisation faisant face à une crise budgétaire).

Consultation des représentants des salariés et de l’encadrement


Avant de finaliser la liste, toujours dans l’esprit participatif de la démarche, il
convient de consulter des représentants des salariés (par exemple, les groupes

187
Les risques psychosociaux

de salariés rencontrés lors du diagnostic approfondi) ainsi que des représen-


tants de l’encadrement.
Cette consultation est essentielle à plusieurs titres :
• Le personnel sera bénéficiaire de ces actions et/ou devra les appli-
quer et les respecter, il est donc essentiel de jauger l’acceptabilité et la
faisabilité de ces actions au regard du travail réel (notamment pour
s’assurer que ces actions ne créent pas de nouvelles contraintes).
• L’encadrement sera également bénéficiaire de certaines actions mais
il sera surtout chargé de décliner, mettre en œuvre et évaluer le plan
d’action. Leur adhésion constitue ainsi une des clés du succès de la
démarche (en effet, les actions peuvent générer un changement plus
ou moins conséquent qu’il faut accompagner).
Cette consultation est tout d’abord un test de compréhension : la formu-
lation des actions est-elle suffisamment explicite ? Leur compréhension par
les acteurs de terrain reflète-t-elle ce que le groupe de travail a exprimé ?
Sont-elles suffisamment précises, notamment concernant leurs modalités
de mise en œuvre ?
Mais c’est également un test de pertinence : ces actions semblent-elles réa-
listes, faisables, efficaces a priori ? Risquent-elles de gêner le travail ? de créer
d’autres difficultés ? Quelles sont les objections que ces actions soulèvent et
comment les combattre ?
Ces consultations permettent ainsi de réajuster le plan d’action : certaines
actions sont ajoutées, d’autres sont précisées, modifiées, supprimées ou rem-
placées, dans une logique de pertinence et d’efficacité.

■■■L’opération de regroupements en axes clairs et la précision


des objectifs
Pour offrir plus de lisibilité et également éviter un aspect trop « liste de
courses », il est conseillé de grouper les actions dans de grandes catégories
ou axes, en fonction des ressemblances entre actions et de déterminer des
objectifs clairs qui signalent l’orientation du plan d’action.
Une première option d’organisation est de partir de la définition de grands
objectifs pour ensuite organiser les actions. Cette option est utile pour
répondre aux principaux résultats du diagnostic approfondi quand ceux-ci

188
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

sont clairement identifiés. Par exemple, si les prédiagnostics et le diagnostic


approfondi font clairement état de deux problèmes liés à la reconnaissance
et à la charge de travail, le plan d’action peut être articulé en deux thèmes
(« Mieux prévoir et réguler la charge de travail » et « Favoriser la reconnais-
sance au travail ») qui articuleront l’ensemble des actions associées, attachés
à un troisième thème (« Développer les ressources pour bien travailler et bien
vivre ensemble ») qui regroupera les actions restantes et dont l’objectif pourra
être défini plus globalement.
Une seconde option consiste à partir des actions pour opérer un groupement
par thème, qui permette, dans un second temps, de faire émerger les grands
objectifs du plan d’action. Il s’agit alors de grouper ensemble les actions qui
se ressemblent et, à la fin du groupement, de donner un nom et un objectif
à chaque ensemble ainsi constitué.

Thèmes communs pour organiser un groupement


cohérent d’actions de prévention des RPS
• Les actions concernant l’aménagement de l’organisation du travail (ré-
flexions sur les objectifs, les moyens, etc.).
• Les actions d’accompagnement des changements (évaluation des effets
en amont, organisation de la participation des salariés aux choix réalisés,
etc.).
• Les actions concernant la gestion des ressources humaines (communica-
tion, formation, programmes de reconnaissance, etc.).
• Les actions sur l’amélioration du dialogue social et de la communication
(y compris les espaces de mise en débat des conditions d’exécution du
travail).
• Les actions visant à améliorer la gestion et le suivi des situations de crise.

Une fois le groupement réalisé, pour plus de lisibilité, le plan d’action est géné-
ralement synthétisé dans un tableau qui peut être accompagné de fiches pra-
tiques relatives à chacune des actions envisagées (voir ci-après : « L’élaboration
des plans concrets de mise en œuvre des actions », p. 198).

189
Les risques psychosociaux

Exemple de plan d’action synthétique

Axes Situations Actions


Responsable
=> Objectifs concernées => Objectifs Calendrier
=> Moyens
généraux => Personnel cible des actions

Axe #1 Tensions interservices Réunion mensuelle Encadrement des Court terme


Aménagement liées au manque des chefs de service services support
de l’organisation d’information support => Temps
du travail (donnée en => Mieux connaître (préparation
=> Développer retard, incomplète, ses contraintes + conduite de la
les ressources partiellement respectives et résoudre réunion)
permettant de erronée, etc.) les difficultés liées à
« bien travailler => Services support l’interdépendance
ensemble »
Perte de sens et de Montrer à tous les Chef d’atelier À chaque
fierté dans le travail nouveaux produits + animateur qualité lancement
=> Ateliers de fabriqués + bureau d’étude d’une nouvelle
production => Comprendre quel + marketing production
est le sens de son => Lieu pour installer
geste de travail dans un showroom
un projet d’ensemble temporaire à
=> Dialoguer chaque lancement
régulièrement avec les de produit ; temps
autres métiers pour organiser des
présentations et
échanges entre les
métiers

Axe #2 Comportements Formation aux RPS Responsable Court terme


Gestion des répréhensibles => Sensibiliser aux formation
ressources (manque de RPS => Budget (à définir)
humaines politesse, propos => Rappeler le
=> Développer tendancieux, etc.) cadre légal et les
les ressources => Tout le personnel responsabilités de tous
permettant de
Démotivation liée Simplification des Responsable paie Moyen terme
« bien vivre
à l’absence de processus de décision + directeur de la
ensemble »
primes (il faut plus sur les « challenges de division
d’un mois de délai vente » => Former un
pour obtenir les => Améliorer la groupe de travail
signatures permettant reconnaissance des chargé de faire des
d’organiser un commerciaux propositions
« challenge de => Donner plus de
vente ») marge de manœuvre
=> Commerciaux au manager
commercial

190
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

Avant d’être mis en œuvre, le plan d’action suit généralement le « circuit » suivant :
• Présentation au comité de pilotage pour validation (après ajustements
éventuels).
• Information et consultation des représentants du personnel au CHSCT
sur le plan d’action validé par le comité de pilotage.
• Validation définitive du chef d’établissement (notamment sur l’enga-
gement des moyens) et réponse aux représentants du personnel au
CHSCT concernant leurs demandes, le cas échéant.
La validation par le comité de pilotage permet d’affiner la liste des actions
retenues, le libellé des axes ou encore les responsables d’actions ainsi que les
modalités et délais de mise en œuvre.
Ce plan validé peut alors être porté par le chef d’établissement auprès des
représentants du personnel au CHSCT. Leur consultation permet de recueillir
leur avis ainsi que d’éventuelles demandes d’aménagement du plan d’action,
que le chef d’établissement peut décider de prendre ou non en compte en
motivant ses décisions.
Enfin, après la consultation de l’instance, le plan d’action est définitivement
validé et peut alors être communiqué auprès du personnel. À ce titre, deux
communications peuvent être organisées, l’une à destination de l’encadre-
ment et des responsables d’actions (qui seront alors investis de leur mission ;
voir ci-après : « La mobilisation et l’implication des responsables d’actions »,
p. 197), l’autre auprès de l’ensemble du personnel, à la fois bénéficiaire et
participant à la mise en œuvre de ces actions dans le quotidien de son travail.

En synthèse
Exemple de construction d’un plan d’action
Dans une entreprise de services en informatique et systèmes d’information de
200 salariés, le diagnostic approfondi a permis d’identifier 29 situations carac-
téristiques des RPS générés par un changement d’organisation. Pour chacune
d’entre elles, le groupe de travail a identifié des actions de prévention en
s’appuyant notamment sur les pistes soulevées par les salariés. En tout, 76 ac-
tions différentes ont été identifiées puis regroupées par proximité et enfin
classées par responsable de mise en œuvre. Au final, ce sont 33 actions qui ont
été évoquées avec des représentants du personnel au CHSCT et les quatre
responsables de département. Après réajustement suite à cette consultation,
le plan d’action a finalement été proposé au comité de pilotage avant d’être
présenté au CHSCT pour avis.

191
Les risques psychosociaux

L’intérêt de cette démarche a été de suggérer des actions précises et ayant un


impact concret sur le quotidien, ciblées sur les moyens de bien travailler (par
exemple, mise à disposition d’outils), les attentes du personnel (par exemple,
les associer en amont aux décisions concernant les activités externalisées) ou
encore sur l’accompagnement des salariés concernés par un changement de
rôle (notamment via une cellule de soutien). La consultation des salariés et de
l’encadrement a également permis de préparer le changement que constitue
la mise en œuvre du plan d’action.

Outil 28 – Mettre en œuvre le plan d’action


(étape 8)
L’efficacité des actions ne dépend pas tant de leur pertinence a priori que
de la manière dont elles sont effectivement mises en œuvre. Pour faciliter
une mise en œuvre effective et efficace, il est intéressant de construire une
stratégie qui repose sur les éléments suivants :
• S’interroger sur l’opportunité de mise en œuvre des actions.
• Articuler de façon cohérente les actions envisagées.
• Mobiliser les responsables porteurs d’actions.

La réflexion sur l’opportunité de mise en œuvre des actions


Les actions prévues peuvent rencontrer divers obstacles lors de leur mise en
œuvre. Il est donc important que les membres du groupe de travail puissent
réfléchir en amont aux obstacles potentiels afin de s’accorder sur les moda-
lités permettant de les surmonter ou d’aménager l’action prévue, voire de la
différer en attendant un moment davantage propice (même s’il n’y a sans
doute jamais de « moment idéal » où toutes les conditions sont réunies).
Cette réflexion sur les facteurs qui peuvent entraver (ou au contraire porter)
le plan d’action prévu peut être guidée par les questions suivantes :
• Les actions prévues sont-elles en cohérence avec la stratégie de l’orga-
nisation ? Y a-t-il des projets prévus ou en cours dans l’organisation
qui entreraient en conflit avec une ou plusieurs actions (en termes
d’objectifs, de moyens, etc.) ?
• Des changements d’ampleur sont-ils survenus dans un passé récent
pour tout ou partie du personnel ? De tels changements sont-ils pro-
grammés ? À quelle échéance ? Pour qui ?

192
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

• Des actions existantes ou prévues pourraient-elles faciliter la mise en


œuvre d’une ou plusieurs actions ? Sur quels dispositifs de prévention
existants peut-on articuler les actions envisagées ?
• Certaines actions du plan d’action paraissent-elles devoir entraîner
un changement important (pour le quotidien du travail, dans les rôles
et responsabilités, les compétences mobilisées, vis-à-vis de la culture
interne, etc.) ? Comment anticiper et accompagner ce changement ?
• Le personnel perçoit-il la valeur ajoutée des actions proposées ?
Certaines sont-elles « impopulaires » ou de nature à inquiéter ou à
remettre en cause des équilibres existants (notamment en termes de
jeux de pouvoir) ?
En fonction des réponses à ce questionnement, une première stratégie se
dégage quant aux actions à entreprendre à court, moyen et long termes mais
aussi quant aux modalités d’accompagnement de leur mise en œuvre.

L’articulation des niveaux de mise en œuvre des actions


Afin de poursuivre la construction d’une stratégie, deux types de niveaux
peuvent être distingués et articulés entre eux :
• Le niveau de l’action dans l’organisation (local versus global ou trans-
versal).
• Le niveau de l’action en termes de prévention (entre suppression du
risque et accompagnement des salariés exposés).
L’articulation de ces deux « niveaux » permet de poursuivre la réflexion sur
les choix quant à la stratégie envisagée.

■■■L’articulation des actions locales et globales


Une première distinction doit être opérée entre les actions locales et les actions
globales (ou entre actions par unités de travail et actions transversales) :
• Les actions locales (ou limitées à une ou plusieurs unités de travail)
visent une partie du personnel (un ou plusieurs services précis, par
exemple). Elles sont généralement spécifiques au travail réalisé par
les salariés concernés (formulées de manière très précise) et mises en
œuvre par l’encadrement local.
• Les actions globales (ou transversales) visent l’ensemble du personnel
ou de grandes catégories (par exemple, l’ensemble des services support,
l’encadrement, le personnel senior, etc.). Elles sont généralement plus
délicates à mettre en œuvre et nécessitent une ingénierie préalable plus

193
Les risques psychosociaux

poussée, voire des expérimentations locales. Les moyens concernés


et les exigences de coordination font que certaines d’entre elles sont
davantage réalistes à moyen, voire à long terme (par exemple, dans le
cas d’une refonte de la politique de rémunération).

■■■L’articulation des trois niveaux de prévention


On distingue trois niveaux de prévention : primaire, secondaire et tertiaire.
Ces trois niveaux sont une adaptation des trois niveaux de prévention définis
par l’OMS à la problématique des RPS. Ils présentent des types d’actions qui
peuvent, en complément, réduire les RPS en jouant à la fois sur l’organisation
du travail (prévention primaire), la capacité de résistance des individus (pré-
vention secondaire) et la prise en charge des personnes déjà trop éprouvées
par leurs conditions de travail (prévention tertiaire).
En clair, pour être efficace, un plan d’action doit viser une mise en œuvre
combinant :
– suppression et limitation des risques à la source (en amont, dans l’orga-
nisation du travail et ses conditions d’exécution) ;
– soutien aux personnes exposées aux risques (actions avant tout col-
lectives) ;
– gestion des crises en cas de débordement (incluant les actions de prise
en charge médico-sociale individuelle).

Les trois niveaux de prévention des RPS

Niveaux Domaines d’action

Prévention primaire Agir collectivement au niveau des conditions d’exécution du travail afin de
supprimer ou limiter fortement les facteurs de contraintes. Par exemple : dispositif
de reconnaissance au travail, concertation dans l’organisation du travail et la prise
de décision, augmentation de l’autonomie, définition claire des tâches, etc.

Prévention secondaire Aider les individus à gérer leurs réactions face à une situation déstabilisant leur
santé mentale (stress, agression verbale…). Par exemple : formations (gérer son
stress, gérer les conflits, etc.) ou investissements matériels pour des populations
en contact régulier avec des situations à risque.

Prévention tertiaire Prendre en charge, orienter et préparer le retour des salariés en souffrance,
victimes de situations de tension. Par exemple : cellule de crise, procédure
d’alerte et/ou mobilisation d’acteurs médico-sociaux.

Les actions du niveau de prévention primaire sont les plus efficaces. En


effet, elles visent à supprimer ou réduire substantiellement à la source

194
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

les contraintes générant des situations de débordement ou de stress. Le but


est donc de supprimer purement et simplement les difficultés ou problèmes
entraînant des RPS, ou, du moins, de les réduire fortement et durablement.
Cela suppose de changer la manière dont on travaille de façon plus ou moins
importante. Leur ambition élevée (et leur difficulté potentielle de mise en
œuvre) est à la hauteur de leur efficacité.
Les actions de prévention secondaire permettent de réduire les effets des RPS
sur la santé du personnel. Elles ne visent donc pas les risques eux-mêmes
mais leurs conséquences, pour apprendre au personnel les compétences
nécessaires ou encore lui donner les moyens de se préserver. Ce niveau est
privilégié lorsque l’action sur la source des difficultés qui entraînent des RPS
n’est pas réaliste ou envisageable (par exemple, il est compliqué de supprimer
la tentation de prendre par la force les produits de valeur de l’entreprise).
La prévention tertiaire recouvre les mesures prévues en cas de crise : à quel
moment agir, qui prévenir, qui intervient, selon quelles modalités, etc. Elles
s’apparentent davantage à un filet de sécurité tendu pour éviter au salarié
déjà en souffrance de s’enfoncer plus dans la spirale du mal-être et accom-
pagnent également son retour dans l’organisation après un arrêt de travail.
Un des intérêts de cette distinction est de rechercher à combiner des actions
pour chacun de ces niveaux et de viser ainsi la complémentarité. De ce fait,
si le niveau primaire est sous-représenté dans les actions identifiées, cela
signifie que l’action contre les RPS n’est pas optimale.

Exemple d’application des 3 niveaux de prévention


Une action visant à favoriser l’accompagnement d’un changement de logiciel
(en vue de limiter les effets de ce changement sur la santé mentale) peut se
décliner sur les trois niveaux :
• Primaire : en amont, associer le personnel au choix du logiciel afin d’éva-
luer et de limiter a priori les effets de ce changement sur leur travail.
• Secondaire : accompagner les collectifs de travail localement via une for-
mation et la mise en débat locale des pratiques impliquant le nouveau logi-
ciel (fonctionnalités impactées, transfert d’information, « blocages » et dys-
fonctionnements relevés, compétences à affiner, « trucs et astuces », etc.).
• Tertiaire : prévoir des actions de soutien pour le personnel en difficulté
avec le nouvel outil (entretien individuel, recours au médecin du travail...).

195
Les risques psychosociaux

■■■L’articulation des niveaux pour préciser la stratégie


de mise en œuvre des actions
Ces deux niveaux permettent de finaliser la stratégie de mise en œuvre des
actions. Celle-ci consiste à réaliser des arbitrages a priori pour faciliter la
mise en œuvre des actions dans de bonnes conditions. Plusieurs lignes de
force se dégagent généralement à ce stade :
• L’établissement d’un calendrier.
• L’accompagnement du changement.
Le calendrier de mise en œuvre repose principalement sur le choix des
actions à entreprendre immédiatement de celles à différer à plus ou moins
long terme. Ce choix dépend en grande partie de l’effet prévisible de ces
actions – entre effet concret, rapide et durable ou effet difficile à estimer a
priori –, car l’action doit faire l’objet d’une ingénierie préalable :
• Les actions dites globales et de prévention primaire sont ainsi géné-
ralement plus longues à mettre en œuvre, nécessitent des ressources
et un temps de réflexion collectif poussé, voire des expérimentations.
Il peut donc s’avérer judicieux de ne pas choisir d’entreprendre plus
de deux actions de ce type à court terme.
• À l’inverse, les actions locales et de prévention secondaire (voire ter-
tiaire) peuvent avoir un effet plus direct et symboliquement intéressant
pour matérialiser les effets concrets de la démarche globale de préven-
tion. Toutefois, surtout s’il s’agit d’actions de prévention secondaire,
elles constituent des changements dans la manière de travailler qui
doivent être accompagnés. Il peut donc également s’avérer judicieux
de ne pas entreprendre plus d’une ou deux actions de ce type à court
terme afin de ne pas perturber le travail des équipes.
L’accompagnement du changement fait référence à la fois à l’accompagne-
ment des responsables de la mise en œuvre des actions et des salariés (et en
particulier de l’encadrement) concernés par ces actions. Cet accompagnement
dépend en partie de la qualité de l’association en amont des responsables
porteurs d’actions à leur rôle particulier (voir ci-après).
La réussite du plan d’action est ainsi facilitée par :
• L’organisation de l’information et de la participation du personnel
(notamment afin d’être attentif aux interactions entre actions mises
en œuvre et effets sur le travail réel).

196
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

• La clarification des rôles de chacun dans le processus.


• Le maintien d’une charge de travail compatible avec la mise en œuvre
des actions.
• La résolution collective des difficultés rencontrées dans la mise en
œuvre des actions.

L’association des responsables porteurs d’actions


Les membres du groupe de travail ne seront pas chargés de la mise en œuvre
de toutes les actions. Généralement, ils n’en portent qu’une partie, l’autre
partie étant conduite par des responsables d’actions, par exemple, des pro-
fessionnels des RH ou encore l’encadrement intermédiaire et de proximité.
L’ensemble de ces responsables d’actions a, de plus, une charge de travail qui
peut être conséquente – et souvent une participation dans d’autres projets
transversaux en parallèle –, il est donc important de chercher l’approche
permettant de les mobiliser et d’entendre leurs contraintes, notamment en
termes de ressources et de temps.
Plusieurs axes permettent de faciliter leur implication :
• Mobiliser et impliquer les responsables d’actions.
• Élaborer des plans concrets de mise en œuvre des actions.

■■■La mobilisation et l’implication des responsables d’actions


Une première mesure pour faciliter la mise en œuvre du plan d’action consiste
à partager de façon équilibrée la responsabilité des actions :
• À la fois entre les membres du groupe de travail qui sont identifiés
comme tels.
• Mais également avec les autres acteurs externes au groupe de travail,
comme des membres de l’encadrement.
Il s’agit non seulement de répartir de façon équitable les actions à entre-
prendre mais également de limiter le nombre d’actions menées par individu
(ou groupe). Ainsi, il vaut mieux éviter de n’avoir qu’une poignée de porteurs
d’actions dont la motivation et l’engagement pourraient s’essouffler dans le
temps face à l’ampleur de la tâche, qu’ils effectuent souvent en plus de leurs
activités professionnelles quotidiennes.
Une deuxième mesure consiste à associer officiellement les porteurs d’ac-
tions identifiés à la démarche. Cela peut se faire au cours d’une réunion de

197
Les risques psychosociaux

lancement organisée en vue de présenter le plan d’action et ses objectifs,


les actions qu’ils doivent porter et leur rôle en la matière, le soutien qu’ils
peuvent trouver, etc. Cette réunion peut être l’occasion de les faire s’exprimer
sur les difficultés et opportunités qu’ils perçoivent (voir ci-après) et d’ajuster
en conséquence la stratégie de déploiement du plan d’action.
En outre, leur mobilisation peut commencer dès cette réunion au cours de
laquelle des groupes de travail peuvent être organisés pour que chaque por-
teur d’actions commence à réfléchir sur l’opportunité de la mise en œuvre des
actions ainsi que le plan concret qu’il a sous sa responsabilité (voir ci-dessous).

■■■L’élaboration des plans concrets de mise en œuvre des actions


La stratégie de mise en œuvre du plan d’action peut également reposer sur
l’établissement de plans concrets de mise en œuvre pour chaque action, qui
sont en quelque sorte la « feuille de route » permettant de mener à bien chaque
action. Il est important d’associer dès que possible l’acteur choisi comme
responsable de l’action pour construire ce plan.

Exemple de plan concret de mise en œuvre d’une action

Action #A04 : Formation de l’encadrement aux risques psychosociaux

Pilote de l’action : Responsable formation

Étapes Calendrier Responsables Participants Actions concrètes

1. Définition Septembre Responsable Un groupe • Lancer un appel à volontaires


des besoins Octobre formation de managers • « Recruter » 10 managers
+ Pilote volontaires (représentatifs)
du groupe • Organiser deux entretiens
de travail d’échanges autour de leurs
besoins concernant les RPS

2. Rédaction Novembre Responsable DRH (pour • Synthétiser le résultat des


du cahier formation validation) entretiens
des charges • Rédiger une première version

3. Appel d’offres Décembre Responsable Secrétariat RH • Identifier des organismes de


Février formation formation spécialisés
+ Responsable • Contacter ces organismes
achats

Ces plans concrets reposent sur plusieurs catégories d’informations à ren-


seigner. Le premier travail consiste à imaginer le découpage de la mise en

198
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

œuvre de l’action en étapes successives (toutes les étapes permettant de


mettre concrètement en œuvre une action). Chaque étape sera ensuite pré-
cisée, par exemple avec les informations suivantes :
• Le calendrier de l’étape (le moment, la période, les dates de mise en
œuvre).
• Les responsables : ici, le responsable de l’étape (sachant que le res-
ponsable de l’action peut déléguer la réalisation d’une étape à un autre
responsable).
• Les participants à l’étape : celles et ceux qui, dans leur fonction,
doivent participer à la mise en œuvre de l’action (ce ne sont pas les
responsables mais des apporteurs d’informations, de connaissances,
des volontaires pour l’expérimentation, etc.).
• Les actions concrètes, c’est-à-dire ce que font concrètement les res-
ponsables et participants à cette étape afin de pouvoir passer à l’étape
suivante.
Évidemment, dans la pratique, tout ne se passe pas exactement comme prévu,
des décalages divers peuvent survenir et il est souvent nécessaire d’ajuster
la mise en œuvre aux conditions réelles rencontrées. Plus qu’un déroulé à
respecter à la lettre, ce plan est donc surtout utile pour :
• Identifier précisément les ressources humaines, matérielles, finan-
cières… qui seront nécessaires à la mise en œuvre de l’action (et donc
budgéter et recruter en conséquence).
• S’accorder sur un échéancier plus précis et réaliste.
• Associer rapidement les responsables d’actions à leur rôle et les accom-
pagner (plutôt que de leur donner l’impression de devoir « se débrouil-
ler avec ça »).
• Anticiper l’ampleur des changements produits par les actions mises
en œuvre et accompagner le personnel cible de ces changements dans
les meilleures conditions.
Une des dispositions permettant de lutter contre les résistances éventuelles
du personnel aux changements introduits par les actions mises en œuvre
consiste à continuer à informer et à associer le personnel à la démarche,
par exemple, via l’organisation d’expérimentations sur la base du volontariat
(surtout pour les actions globales et transversales, comme des formations
destinées à l’ensemble des salariés qui feraient l’objet de « sessions pilotes »)
ou encore grâce à l’organisation d’espaces de discussion visant à mettre en

199
Les risques psychosociaux

débat les difficultés pressenties ou ressenties vis-à-vis des actions mises en


œuvre. Ces espaces de discussion permettent d’ajuster les actions en vue de
les rendre notamment plus acceptables. Rappelons, en outre, que ces espaces
de discussion sont des ressources psychosociales puisqu’ils permettent la
reconnaissance de la possibilité qu’a chacun de s’exprimer sur les décisions
qui le concernent, mais également parce qu’ils favorisent le soutien social
des pairs et de la hiérarchie.
La prévention des RPS ne s’arrête pas à la définition et à la mise en œuvre
du plan d’action. Une prévention durable de ces risques doit s’appuyer sur
plusieurs axes complémentaires :
• Suivre l’avancement du plan d’action et de l’efficacité des actions enga-
gées.
• Évaluer la démarche dans son ensemble, en vue de l’inscrire dans une
logique d’amélioration continue, et développer une veille ainsi qu’une
anticipation des effets des changements.

Outil 29 – Suivre l’avancement et l’efficacité


du plan d’action (étape 9)
Le suivi de l’avancement de la mise en œuvre du plan d’action et de l’efficacité
des actions engagées suppose :
• La mise en place d’un comité de suivi communiquant régulièrement
avec les responsables d’actions.
• L’identification et le suivi d’indicateurs spécifiques par ce comité et
les responsables d’actions.

La mise en place d’un comité de suivi


Le groupe de travail pluridisciplinaire n’est pas dissous à l’issue de la défi-
nition et de la validation du plan d’action. Il est généralement transformé
en comité de suivi composé de tout ou partie des membres du groupe de
travail et reste ainsi en lien avec le comité de pilotage.
Les objectifs de ce comité de suivi sont :
• De suivre l’avancement du plan d’action en général et des actions entre-
prises en particulier.

200
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

• D’accompagner les responsables d’actions (notamment en cas de dif-


ficultés).
• D’assurer un reporting au comité de pilotage ainsi qu’aux IRP (notam-
ment le CHSCT).
Il est utile de bien dissocier le suivi spécifique des actions menées et celui,
plus général, de l’avancement du plan d’action :
• Le premier suivi, action par action, vise à s’assurer de la mise en
œuvre des actions et de leur efficacité mais également des difficultés
rencontrées par les responsables d’actions dans leur mise en œuvre.
• Le second est davantage centré sur l’avancement effectif du plan
d’action.
Ce suivi n’est donc pas un simple contrôle du travail réalisé par les respon-
sables d’actions. Il nécessite au contraire une communication régulière
entre les responsables des actions et les membres du comité de suivi. Une
des dispositions facilitant cette communication est l’attribution d’un nombre
d’actions équilibré entre l’ensemble des membres du comité de suivi, les
responsables d’actions disposant ainsi d’un référent unique auprès duquel
communiquer régulièrement. Les responsables d’actions ne sont donc ni
livrés à eux-mêmes, ni sous étroite surveillance, mais accompagnés dans un
esprit de coconstruction. Ils peuvent ainsi mobiliser les membres du comité
de suivi en cas de difficultés : s’ils rencontrent des tensions avec les équipes,
des retards dans la mise en œuvre des actions, si des changements imprévus
et perturbateurs surviennent comme un changement de poste ou le départ
du responsable d’actions.

L’identification et le suivi des indicateurs


L’organisation d’un suivi est facilitée par l’identification d’indicateurs simples
et concrets :
• Pour la mise en place de chaque action du plan.
• Pour la mise en place globale du plan d’action.

■■■Le suivi des actions entreprises


Pour les membres du comité de suivi comme pour les responsables d’actions,
des indicateurs permettent de faciliter le suivi :
• De l’état d’avancement des actions mises en œuvre.
• De l’efficacité des actions (à partir de leurs résultats concrets).

201
Les risques psychosociaux

Les indicateurs de mise en œuvre des actions renseignent en premier lieu sur
la dynamique de l’action, c’est-à-dire sur son état d’avancement vis-à-vis
des étapes et des délais prévus :
• L’action a-t-elle été initiée ?
• À quelle étape se trouve l’action ? Est-on dans les délais envisagés ?
• Existe-t-il des blocages ou difficultés ?
• L’action est-elle achevée ? A-t-on apprécié son efficacité ? Quelles
conclusions en tirer ?
Ces indicateurs peuvent être plus précis quant au contenu de l’action à
chaque étape. En effet, chaque étape fait l’objet d’une ou plusieurs actions
concrètes qui peuvent elles-mêmes faire l’objet d’indicateurs de suivi ad hoc.
Ainsi, les membres du comité de suivi peuvent avoir des informations plus
précises sur la manière dont les étapes se déroulent effectivement et les dif-
ficultés qui sont rencontrées, le cas échéant.
Une fois l’action effectivement achevée, le responsable d’actions peut en éva-
luer l’efficacité. Les indicateurs de l’efficacité des actions doivent s’intéresser
aux résultats produits par l’action et à la nature des changements qu’elle a
concrètement entraînés pour le personnel. Ces résultats doivent permettre
de montrer le degré d’atteinte des objectifs assignés à l’action, ce qui est sa
raison d’être.

Exemples d’indicateurs de l’efficacité


des actions
Pour la réduction de la charge de travail :
• Évolution du nombre de dossiers traités (par personne et par semaine).
• Évolution du nombre de pannes, dysfonctionnements (en baisse par rap-
port à une valeur de référence).
Pour la sensibilisation du personnel :
• Nombre de personnes formées (par rapport à un objectif défini).
• Résultat des bilans à chaud des formations (pourcentage de satisfaits et
très satisfaits).

202
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

Il est important de ne pas imposer mais de coconstruire ces indicateurs


de suivi de la mise en œuvre et de l’efficacité avec les membres du comité de
suivi et les responsables d’actions concernés.
La formalisation de ces indicateurs et leur suivi effectif sont facilités par la
réalisation d’une fiche de suivi propre à chaque action engagée, complétée
régulièrement par le responsable d’actions et consultée par les membres du
comité de suivi.

Exemple de fiche de suivi d’une action

Action #A04 : Formation de l’encadrement aux risques psychosociaux

Pilote de l’action : Responsable formation

Dates prévues Dates réelles


Actions concrètes à mettre en œuvre
Étapes de début de début Suivi
=> Indicateurs de suivi
(et de fin) (et de fin)

1. Définition 15 septembre Organisation de deux réunions d’échange


des besoins (fin prévue avec des managers volontaires
le 31 octobre) => Nombre de réunions organisées (sur
les deux prévues)

2. Rédaction 1er novembre Rédaction du cahier des charges


du cahier (fin prévue Validation par le DRH
des charges le 30 novembre) => Date de la validation du cahier des
charges (date prévue : 30/11)

3. Appel 1er décembre Obtention de plusieurs propositions


d’offres (fin prévue commerciales d’organismes de formation
le 28 février) spécialisés
=> Nombre d’organismes contactés (au
moins 4)
=> Nombre de propositions obtenues
dans les délais (au moins 3)

Difficultés
et remarques

En fonction des écarts constatés avec les indicateurs de suivi et d’efficacité,


le responsable d’actions et le membre référent du comité de suivi peuvent
envisager des ajustements :
• Comprendre l’origine des écarts et proposer des solutions pour y remé-
dier (donner davantage de temps ou de ressources, dialoguer avec le
personnel pour comprendre la raison d’un blocage, etc.).

203
Les risques psychosociaux

• Déterminer une autre manière de procéder, voire une autre action,


pour résoudre les difficultés sources de RPS identifiées à l’origine.
En résumé, les actions sont mises en œuvre selon une logique classique d’amé-
lioration continue : (1) planification, (2) mise en œuvre, (3) évaluation et (4)
ajustements, le cas échéant.

■■■Le suivi du plan d’action


De la même façon, périodiquement (par exemple, tous les deux mois), les
membres du comité de suivi peuvent suivre l’avancement du plan d’action
dans son ensemble. Chaque membre du comité de suivi commente les actions
pour lesquelles il est référent (et donc en contact avec le responsable d’actions).
Un tableau de bord récapitulatif favorise la présentation de ces informations.
Ce tableau de bord se concentre sur le résumé, pour chaque action, des
indicateurs de suivi et d’efficacité, qui sont appréciés une fois l’action effec-
tivement achevée et évaluée.

Exemple de tableau de bord de suivi du plan d’action

Actions Responsables Suivi de l’état Difficultés


Suivi de l’efficacité
=> Objectifs de l’action d’avancement et remarques

Réunion mensuelle Encadrement des Action initiée Nombre de réunions Action en retard
des chefs de service services support En cours : organisées (objectif : sur les délais
support Étape : ………… une par mois) prévus pour telle
=> Mieux connaître ou telle raison
Action achevée
ses contraintes
Action évaluée
respectives et
résoudre les
difficultés liées à
l’interdépendance

Montrer à tous les Chef d’atelier Action initiée • Nombre de


nouveaux produits + animateur qualité En cours : nouveaux produits
fabriqués + bureau d’étude Étape : ……… lancés
=> Comprendre quel + marketing • Nombre de
Action achevée
est le sens de son showrooms
Action évaluée
geste de travail dans temporaires
un projet d’ensemble organisés
=> Dialoguer
régulièrement avec
les autres métiers

204
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

Exemple de tableau de bord de suivi du plan d’action

Actions Responsables Suivi de l’état Difficultés


Suivi de l’efficacité
=> Objectifs de l’action d’avancement et remarques

Formation aux RPS Responsable Action initiée • Nombre de


=> Sensibiliser aux formation En cours : sessions organisées
RPS Étape : ……… • Nombre de
=> Rappeler le Action achevée salariés sensibilisés
cadre légal et les (objectif : 50 % par
Action évaluée
responsabilités de an donc 100 % sur
tous deux ans)
• Résultat de
l’évaluation (bilan à
chaud)

Simplification des Responsable paie Action initiée • Nouvelle procédure


processus de décision + directeur de En cours : élaborée et mise en
sur les « challenges de division Étape : ……… œuvre (oui/non)
vente » • Temps moyen
Action achevée
=> Améliorer la pour obtenir une
Action évaluée
reconnaissance des décision (ancien
commerciaux délai moyen :
1,5 mois)
• Nombre de
challenges de vente
organisés (ancienne
moyenne annuelle :
2 par équipe)

De la même façon que dans le suivi de chaque action, en fonction des écarts
constatés avec les indicateurs, le comité de suivi peut envisager des ajuste-
ments dans le plan d’action et interpeller, le cas échéant, le comité de pilotage
sur les ressources ou la communication complémentaire qui s’avéreraient
nécessaires.
Enfin, l’avancement du plan d’action peut être présenté régulièrement pour
information et prise de décision :
– au comité de pilotage ;
– au CHSCT.

205
Les risques psychosociaux

Outil 30 – Évaluer la démarche et développer


une veille (étape 9 suite)
Une fois le plan d’action mis en œuvre en intégralité, une autre évaluation
peut être envisagée : celle de la démarche de prévention dans son ensemble.
L’objectif de cette évaluation est de proposer un retour d’expérience permet-
tant d’améliorer la démarche lorsqu’elle sera reconduite et pérennisée, mais
aussi d’évaluer son efficacité, même si cette mesure doit être interprétée à la
lumière du contexte et des évolutions de l’organisation.

L’évaluation de la démarche
Plusieurs modalités permettent de réaliser cette évaluation. Celles-ci ne sont
pas exclusives mais complémentaires et consistent à :
• Réunir les membres du groupe de travail pour auto-évaluer leur action
collective.
• Réutiliser les outils de prédiagnostic pour objectiver les effets de la
démarche de prévention.
• Questionner les salariés sur leur ressenti vis-à-vis de la démarche et
de ses effets.
La première modalité d’évaluation consiste à réunir les membres du groupe
de travail lors d’une séance de clôture consacrée à l’expression des « forces » et
« axes d’amélioration » exprimés, par exemple, via un travail préparatoire en
sous-groupes. Ce sont les acteurs qui ont conduit la démarche qui s’expriment
ici sur les conditions de réalisation de la démarche, ses étapes, les obstacles
qui entravent ou solutions qui facilitent (ou faciliteraient) sa réalisation, etc.
La deuxième modalité d’évaluation s’avère plus exigeante puisqu’elle consiste
à remobiliser les indicateurs utilisés et/ou les questionnaires utilisés
lors du prédiagnostic pour apprécier l’évolution dans le temps des mesures
qu’ils permettent. C’est ici le résultat plus « objectif » de la démarche et, en
particulier, des actions entreprises, qui est réalisé, sachant que de nombreux
paramètres peuvent influencer les indicateurs ou réponses aux question-
naires, et que ces chiffres ne sont pas uniquement le reflet de l’efficacité
du plan d’action. Toutefois, théoriquement, des améliorations par rapport
aux précédentes mesures réalisées devraient être constatées, notamment au
niveau du personnel qui avait été identifié comme en souffrance ou impacté
fortement par certains facteurs de contraintes.

206
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

Enfin, il peut s’avérer instructif de faire passer un questionnaire d’évaluation


de la démarche aux salariés en vue d’obtenir leurs impressions quant à la
mise en œuvre de la démarche (notamment sur les aspects communication
et participation) et son efficacité (au travers du ressenti d’amélioration sur
des domaines qui correspondent aux objectifs du plan d’action et donc aux
principaux problèmes rencontrés par le personnel mis en évidence dans
l’évaluation des RPS). Cette étape peut se poursuivre, le cas échéant, par des
entretiens collectifs pour creuser les éléments qui se révèlent être problé-
matiques.

Exemple de questionnaire d’évaluation de la démarche de prévention auprès des salariés

Réponses
Questions sur la démarche de prévention des RPS
–– – + ++

J’ai été régulièrement informé de l’avancement de la démarche sur les


RPS

J’ai pu évoquer les résultats de la démarche sur les RPS avec mon
responsable hiérarchique

J’ai été associé aux actions mises en œuvre

J’ai eu la possibilité d’exprimer les difficultés auxquelles je suis confronté


dans mon travail

Réponses
Les actions mises en œuvre ont amélioré…
– = +

• Les relations de travail dans mon équipe

• Le sens que je donne à mon travail

• Mon équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle

• Ma charge de travail

• …

En complément, quelles actions serait-il nécessaire de mettre en place ?


Pourquoi ? Dans quel but ?

207
Les risques psychosociaux

L’évaluation de la démarche doit être présentée en comité de pilotage et en


CHSCT avant de faire l’objet d’une communication auprès des salariés.
Cette communication vise à la fois à :
• Annoncer officiellement la clôture de la démarche.
• Remercier l’ensemble du personnel pour sa participation active.
• Présenter le bilan des actions mises en œuvre, et les axes d’améliora-
tion et efforts qui seront encore nécessaires.
• Dévoiler les modalités permettant de pérenniser la démarche dans
une logique de prévention durable des RPS.
• Rappeler les noms et coordonnées des personnes à contacter en cas
de besoin (pour renseigner, écouter et accompagner le personnel
confronté à des difficultés).

La prolongation de la démarche et l’instauration d’une veille


La démarche de prévention des RPS ne s’arrête pas à l’évaluation des actions
engagées. La mise en place d’une veille est nécessaire pour poursuivre les
efforts de prévention et développer de façon durable et dans une logique
d’amélioration continue les ressources psychosociales permettant de faire
face aux contraintes et exigences du travail.

Zoom
L’employeur ne peut qu’améliorer les mesures de prévention
des risques pour la santé mentale…
Comme le signale l’article L. 4121-1 du Code du travail : « L’employeur prend
les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique
et mentale des travailleurs » et « veille à l’adaptation de ces mesures pour te-
nir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des
situations existantes. » Il est donc obligatoire de s’engager durablement dans
cette logique d’amélioration continue !

■■■La pérennisation de la démarche


Afin de pérenniser la démarche dans un souci de continuité et d’améliora-
tion continue, une des solutions consiste à institutionnaliser le groupe de
travail, par exemple, en créant une commission permanente dédiée aux RPS,

208
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

commission dans laquelle se trouveront nombre d’acteurs de la prévention


siégeant au CHSCT. Cette commission peut d’ailleurs périodiquement pré-
senter le résultat de ses travaux de veille au CHSCT.
Les objectifs assignés à une telle commission sont multiples :
• Analyser les situations, difficultés ou problèmes qui avaient été écartés
au profit d’autres jugés « prioritaires » par le groupe de travail (voir le
chapitre 4, « La liste des situations, problèmes et difficultés sources
de RPS », p. 164) mais qui deviennent plus préoccupantes à mesure
que les autres situations difficiles ont été résolues.
• Analyser les nouvelles situations qui pourraient être portées à la
connaissance de la commission ou émerger de l’analyse des indica-
teurs de veille (voir ci-après).
• Organiser un nouveau passage du questionnaire mobilisé dans le cadre
du prédiagnostic (voir le chapitre 3, « Faire un prédiagnostic par ques-
tionnaires pour cartographier les risques », p. 118). Cette démarche
étant plus lourde, il est conseillé de la réaliser chaque année ou tous les
deux ans et de comparer les résultats obtenus avec ceux du diagnostic
préalable pour identifier de nouvelles priorités d’actions éventuelles.
• Préconiser les mises à jour du document unique concernant les RPS
dans les différentes unités de travail (au fil de l’eau et, a minima, une
fois par an).
Enfin, l’employeur ne devra pas oublier d’intégrer systématiquement les
actions passées et futures concernant les RPS dans le bilan annuel et le pro-
gramme annuel de prévention, soumis à la consultation du CHSCT (voir les
articles L. 4612-16 et suivants du Code du travail).

■■■L’organisation d’une veille pour suivre l’évolution des RPS


Le deuxième axe de prolongation de la démarche s’appuie sur une veille.
Celle-ci consiste à passer régulièrement en revue des indicateurs divers qui
renseignent sur l’état de santé des salariés, en se déclinant par unité de travail
ou par service, département, etc. Ces indicateurs peuvent être directement
repris à partir de ceux élaborés et mobilisés dans le cadre du prédiagnostic
(voir le chapitre 3, « Collecter des indicateurs pour le prédiagnostic », p. 111).
Le suivi périodique (trimestriel) du tableau de bord des indicateurs est géné-
ralement inscrit à l’ordre du jour des réunions ordinaires du CHSCT afin
de débattre collectivement de leur interprétation (notamment vis-à-vis des

209
Les risques psychosociaux

chiffres des trimestres et années précédents ou encore des résultats comparés


entre services ou unités de travail). Cette mise en débat concerne également
les actions à engager :
• Pour investiguer, sur le terrain, la signification d’un indicateur dégradé
(faire une « levée de doute »).
• Pour engager des actions de prévention ciblées ou plus générales,
destinées à améliorer les situations individuelles et/ou collectives à
l’origine des indicateurs dégradés.
Enfin, la mise en débat peut porter sur les nouveaux indicateurs à introduire
ou ceux à enlever ou modifier, le cas échéant, en vue d’obtenir un tableau de
bord reflétant bien les problématiques vécues par le personnel.

■■■L’anticipation des effets des changements


Dans le cadre de la prolongation de la démarche, il est également conseillé
d’organiser une évaluation des RPS, en reproduisant la démarche de pré-
vention en miniature, lorsque survient tout changement important : démé-
nagement, restructuration ou réorganisation, session ou développement
d’une nouvelle activité, etc. Bref, toute « décision d’aménagement important
modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail
et, notamment, avant toute transformation importante des postes de travail
découlant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit ou
de l’organisation du travail, avant toute modification des cadences et des
normes de productivité liées ou non à la rémunération du travaiL. » (article
L. 4612-8 du Code du travail).
Les décisions concernant un projet d’aménagement important font l’objet
d’obligations législatives et réglementaires, comme la consultation du CHSCT
(article L. 4612-8 du Code du travail) ou la mise à jour du document unique
(article L. 4121-2 du même code).
En résumé, avant tout changement notable, l’employeur – mais aussi toute
personne en situation de décider à son niveau d’un changement dans l’orga-
nisation ou le contenu du travail – doit évaluer les RPS et mettre en place,
en amont, non seulement une démarche d’accompagnement du changement
mais également une véritable démarche de conception de l’organisation
du travail visant à supprimer ou au moins limiter les facteurs de contraintes
et à développer les ressources psychosociales.

210
Définir et mettre en œuvre le plan d’action

Pour réaliser cette démarche, qui est parfois appelée « évaluation des impacts
humains et sociaux » des projets, les concepteurs du changement pourront
s’appuyer sur les membres de la commission dédiée aux RPS et leur expérience.

Zoom
Quand l’absence d’évaluation des RPS permet d’annuler
un plan de sauvegarde de l’emploi…
Une entreprise décide d’une réorganisation pour contrer la concurrence
exacerbée et assurer sa croissance dans un marché ayant évolué de façon
défavorable. Dans le cadre de cette réorganisation, trente-deux salariés sont
concernés par un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Après consultation du
CHSCT, du CE et du CCE, l’employeur obtient de la DIRECCTE une homolo-
gation de son PSE. Pourtant, des salariés demandent l’annulation de ce PSE
au motif d’une irrégularité de consultation du CHSCT.
Pour les juges, un CHSCT consulté de façon « régulière » doit avoir les informa-
tions suffisantes pour lui permettre d’apprécier l’impact de la réorganisation
projetée sur la santé (physique et mentale) et la sécurité des salariés. Or, dans
ce cas précis, le CHSCT a été consulté à partir d’un document PowerPoint
de cinq planches portant sur l’impact social du projet et d’une autre planche
traitant des conséquences sociales du projet de réorganisation.
Pour ne pas avoir fourni de détails concernant l’organisation du travail envisa-
gée suite à la réorganisation, ni avoir évalué les RPS liés au changement, les
juges ont considéré que la consultation du CHSCT était irrégulière, ce qui a
pour conséquence l’annulation du PSE (arrêt de la cour d’appel de Versailles
n° 14VE02351 du 22 octobre 2014).

211
6
CHAPITRE

Gérer les crises

Nous allons préciser les modalités de prise en charge et d’accompagnement


des collaborateurs en détresse, enfin suggérer des principes permettant l’ana-
lyse d’événements critiques.
Malgré la mise en place d’une démarche de prévention des RPS, il peut sub-
sister des situations de tension, qui se traduisent par une détresse vécue par
un collaborateur. Ces situations sont multiples et singulières, incluant des
problématiques professionnelles et/ou personnelles. Certaines ne relèvent
donc pas directement de l’employeur mais, comme elles affectent un collabo-
rateur, ses comportements et résultats, elles créent cependant des situations
professionnelles dommageables pour les collègues et l’activité réalisée.
Pour accompagner un collaborateur en détresse dans un processus de retour
à une santé mentale positive, nous pouvons distinguer deux niveaux de prise
en charge :
• Celui du ressort du manager de proximité.
• Celui du ressort d’une cellule d’acteurs internes, pluridisciplinaire et
mandatée pour ce type de situation.
Cette prise en charge doit être adaptée lorsque l’organisation fait face à des cas
particuliers, marqués par une forte ampleur des réactions et conséquences
individuelles et collectives, suscitées notamment :
– en cas d’arrêts de travail longs qui posent la question des conditions
d’organisation du retour des collaborateurs ;

213
Les risques psychosociaux

– en cas de salariés victimes de stress post-traumatique ;


– en cas de situations de harcèlement présumé ou de comportements
violents répréhensibles ;
– en cas de suicides ou de tentatives de suicide apparemment liés au
travail.

Outil 31 – Accompagner les managers face à


la détresse de leurs collaborateurs
Il est assez aisé pour le manager de prendre en charge un collaborateur dont
la détresse est relative à un événement assez marqué et intense :
– suite à une agression (subie ou perpétrée) ;
– dans le cas d’un épuisement professionnel avéré ;
– suite à une crise de larmes, de nerfs ou autre ;
– en cas de plainte concernant des violences ou un harcèlement ;
– après un accident du travail particulièrement grave, etc.
Il peut également s’agir du soutien apporté à tout ou partie de l’équipe, c’est-
à-dire un soutien non plus individuel mais collectif. Par exemple, après un
accident du travail grave ayant touché un de leurs collègues, le manager va
être vigilant et échanger avec l’ensemble de ses collaborateurs.
Ce qui peut poser plus de difficultés aux managers, c’est l’anticipation des
situations de détresse individuelles qui surviennent du fait d’une dégradation
progressive et quotidienne, jusqu’au point où le collaborateur est épuisé et
victime d’un stress chronique et intense, donc quand il est trop tard et que
la prévention a échoué. Le questionnement de l’encadrement s’organise ainsi
autour de deux axes :
• Comment détecter un collaborateur en détresse ?
• Quelle aide est-il possible de lui apporter, le cas échéant ?

La détection des signaux de détresse potentielle


des collaborateurs
En pratique, les managers sont assez soucieux de détecter en amont les
signaux de détresse en vue de ne pas « passer à côté » et d’éviter d’avoir un
collaborateur en réelle souffrance. Pour intervenir au plus tôt, il est ainsi
conseillé d’être vigilant à des signaux qui peuvent déclencher un doute.

214
Gérer les crises

Exemple de signaux qui peuvent déclencher un doute

• Stagnation ou baisse des résultats.


• Problèmes de gestion du temps (dépassement des délais, retards,
augmentation de l’amplitude horaire, déjeuners non pris, etc.).
Signaux liés à la
• Problèmes d’organisation (oublis ou perte de dossiers, accumulation sur le
(dégradation de la)
poste de travail, problèmes de structuration dans les présentations, etc.).
performance du salarié
• Problèmes de comportement (va difficilement vers les clients ou usagers,
traits tirés et yeux cernés, consommation importante de café, difficultés de
concentration ou de mémoire, somnolence, etc.).

• Problème de place dans le groupe (à l’écart, rejet ou exclu de certains


rituels, retrait en réunion, etc.).
Signaux liés à l’intégration
• Déficit de soutien social (en cas de difficulté, absence d’aide des collègues,
du salarié (et aux relations
des acteurs externes, du manager, impression de solitude, d’isolement, etc.).
avec l’équipe)
• Problèmes de communication (agressivité, confusions ou maladresses dans
les interactions avec les collègues, les usagers, etc.).

• Plaintes (maux de dos, de tête, etc.).


• Malaises.
Signaux physiques • Arrêts maladie récurrents.
• Avis médical invitant à la vigilance (mi-temps thérapeutique, restriction
d’aptitude, handicap, etc.).

Signaux liés • Plaintes (bruit, luminosité, manque d’espace, matériel inadapté ou défaillant,
à l’environnement contrôle excessif, rythmes fatigants, travail isolé, etc.).
de travail

• Baisse de motivation (retards, mise en retrait, abattement, résignation,


absence d’initiatives, indifférence, etc.).
Signaux liés à la (baisse
• Changements d’humeur (changements brusques, alternance d’hyperactivité
de) motivation du salarié
et d’apathie, difficulté à prendre du recul, forte susceptibilité, agressivité ou
dévalorisation).

Toutefois, attention à l’interprétation des signaux :


• Il est important de noter leur évolution et leur cumul : un signal pris
isolément n’a pas nécessairement de sens.
• Il est important de confirmer son ressenti par l’interrogation d’un tiers
qui connaît le collaborateur (celui-ci a d’ailleurs potentiellement une
explication permettant de comprendre la situation).
Ainsi, à ces deux conditions, le manager pourra approcher le collaborateur
en question pour lui expliquer son doute (en référence aux signaux précé-
dents). Parfois, cette interrogation a lieu à l’occasion d’un entretien de reca-
drage, car le salarié en question est plus fréquemment en retard, absent ou

215
Les risques psychosociaux

moins performant (moins enjoué devant les clients, en retard sur les délais,
commettant des erreurs dans la vérification de procédures, etc.). Dans tous
les cas, ce moment d’échange doit être placé sous le sceau de la confidentialité,
dans un endroit approprié et calme (dans le bureau du manager ou encore
devant un café à la cafétéria à une heure de faible fréquentation).
La discussion avec le salarié vise surtout à lever le doute. Il peut s’avérer qu’il
n’y a pas de problèmes ou que le salarié ne souhaite pas en parler, car cela
regarde sa vie privée. Pourtant, en cas de problème même non professionnel
(familial, de santé, etc.), le manager peut essayer d’aider le collaborateur, car
son état impacte son travail, ses résultats et son comportement.
Si détresse il y a, le manager peut agir en apportant plusieurs formes d’aide
personnalisée, qui dépendent de la nature et de l’intensité de la détresse, de
l’attitude du collaborateur, etc. Chaque situation est singulière et requiert
une solution personnalisée.

L’aide personnalisée apportée par l’encadrement


En pratique, les managers peuvent apporter deux grandes formes d’aide aux
collaborateurs :
• Un soutien social via l’écoute, l’accompagnement, etc.
• Un soutien au travers d’aménagements de leur poste, de leurs horaires,
de leur charge de travail, etc.
Le soutien social s’effectue au travers de plages de temps dédiées à l’écoute
du collaborateur, permettant de le soulager, mais également de l’accompa-
gner (pour lui redonner confiance ou développer ses compétences) ou le
conseiller (notamment sur les personnes susceptibles de l’aider : médecin
traitant, psychologue, etc.). Ce soutien implique généralement des rencontres
informelles qui s’espacent dans le temps à mesure que la détresse se résorbe.
Il est fréquemment réalisé en lien avec le médecin du travail.
Le soutien accordé par les managers implique également des aménagements
temporaires (accorder des congés, aménager les horaires, alléger la charge
de travail, etc.) ou définitifs (changement de poste au sein de l’équipe, des
horaires de travail, etc.). Ces aménagements visent à soulager la pression exer-
cée par les impératifs de performance et de comportement que le salarié a du
mal à respecter du fait de son état. Ils supposent notamment un report de la
charge de travail sur d’autres acteurs (le manager ou les collègues du salarié)
ou dans le temps. Ces aménagements relèvent des marges de manœuvre du
manager ou d’autres acteurs qu’il sollicite tels que les RH (pour obtenir une

216
Gérer les crises

formation, un bilan de compétences, etc.), le N 1 (pour faciliter une muta-


tion), le médecin du travail (pour statuer sur l’aptitude médicale).
Il est important de noter que ces réponses ne sont pas exclusivement orien-
tées vers la volonté de soulager la souffrance du salarié ou du moins de lui
permettre de vivre (et travailler) avec elle. En effet, elles visent également à
permettre le retour de la performance et d’un comportement adéquat du
collaborateur, ce qui ne se produit malheureusement pas toujours et peut
amener le manager à se séparer du collaborateur qui ne parvient pas « remon-
ter la pente ». Mais, avant d’en arriver à une telle extrémité, le manager peut
bénéficier du soutien d’une cellule interne (voir ci-après).

Quand la détresse du collaborateur entraîne


la détresse du manager…
Pour les managers, et en particulier les nouveaux promus, ce type de situation
suscite des cas de conscience et peut entraîner des réactions qui, louables,
amènent pourtant des effets pervers. Ainsi, Chloé, une jeune manager, a sou-
haité se donner à 100 % pour accompagner un de ses salariés en détresse.
Toutefois, à force de lui consacrer plusieurs heures par semaine (soutien social)
et de prendre en charge une partie de son travail pour le soulager (aménage-
ment), Chloé s’est elle-même épuisée physiquement et émotionnellement.
Pour éviter de laisser les managers se débrouiller seuls avec ces situations
difficiles à réguler, il est conseillé :
• De former les managers à leur rôle en matière de RPS et à ses limites.
• De porter à leur connaissance les ressources mises à disposition par l’orga-
nisation pour gérer ce type de situation (par exemple, le recours à des
professionnels, à une cellule d’écoute, etc.).
• De favoriser les espaces de discussion au sein desquels les managers
peuvent échanger entre pairs, sous la forme d’un partage des pratiques et
d’une résolution des problèmes, sur ces situations et les moyens de les gérer.

Outil 32 – Créer une cellule pour gérer


les crises
Tant que les RPS n’ont pas encore fait l’objet d’un plan d’action et que le
contexte de l’organisation expose à des situations de détresse individuelle

217
Les risques psychosociaux

(et/ou collective), il est conseillé de constituer une cellule interne, c’est-à-dire


un groupe d’acteurs spécialisés qui traitent des situations de détresse pour
trouver le meilleur accompagnement médico-social et professionnel.
Nous allons préciser : son rôle et sa composition, ses modalités de saisine et
d’intervention.

Une distinction utile


La gestion des crises ou des personnes en détresse (ou en souffrance) peut
être envisagée de deux façons :
• Une gestion par des acteurs internes à l’organisation, qui coopèrent, no-
tamment au sein d’une cellule officiellement missionnée à cet effet.
• Une gestion par des professionnels externes à l’organisation, à travers
l’organisation de consultations par des psychologues cliniciens se rendant
deux fois par semaine sur le site de l’entreprise, l’accès à une hotline ano-
nyme et gratuite, ouverte 24 h/24, etc.
Dans les lignes suivantes, c’est principalement la première solution dont il est
question, ce qui n’empêche pas dans les faits d’appuyer ce dispositif sur des
intervenants externes.

Les rôles et la composition de la cellule


En pratique, si le nom donné à la cellule varie d’une organisation à une autre
(cellule d’alerte, de soutien, d’écoute, etc.), ses objectifs sont similaires :
• Apporter une aide personnalisée au personnel en souffrance via
l’écoute, le conseil et la recherche de solutions.
• Exploiter le retour d’expérience de ces situations individuelles pour
servir la prévention collective.
Cette cellule est constituée de professionnels variés, locaux (de proximité),
qui ne doivent pas être trop nombreux :
• Un représentant du service RH pour une intervention sur les problé-
matiques de compétences, de mobilité, de harcèlement suspecté, etc.
• Le médecin du travail pour une intervention sur les questions d’apti-
tude, le renvoi vers d’autres professionnels de santé avec un courrier
signé de sa main, la préconisation d’un aménagement de poste, etc.

218
Gérer les crises

• L’assistante sociale pour une intervention sur des problèmes finan-


ciers, de logement, de vie familiale, etc.
• Éventuellement un ou deux représentants du personnel au CHSCT
(et/ou un représentant de l’encadrement).
Pour être effective, il est souhaitable que cette cellule :
• Soit animée par un acteur désigné et légitime (il est important de
garantir la confidentialité du contenu des interventions ainsi que la
neutralité des interlocuteurs).
• Dispose de moyens pour recevoir les salariés dans des lieux appropriés
et garantissant la confidentialité des échanges.
• Reçoive une formation à ses missions spécifiques (notamment pour
que ses membres s’accordent sur les modalités de leur collaboration
en fonction du domaine d’intervention de chacun).
• Puisse avoir recours à des intervenants externes (par exemple, à un
psychologue).

La procédure de saisine et d’intervention


Ces modalités de saisine et d’intervention doivent être officielles et peuvent
être explicitées dans une procédure interne ou dans un accord signé avec
les partenaires sociaux.

■■■La saisine
Cette cellule est officiellement investie du rôle de traitement de toutes les
situations individuelles (et collectives) en lien avec des RPS, qu’il s’agisse de
plaintes ou d’alertes données par divers acteurs (les salariés eux-mêmes, des
collègues, l’encadrement, etc.). Cette cellule peut être sollicitée directement
par un salarié en détresse ou, indirectement, par son manager, un de ses
collègues, un représentant du personnel, le médecin du travail, etc.
Il faut donc que les modalités permettant de la contacter soient clairement
définies et connues :
– la simple alerte (informelle ou formelle) d’un des acteurs de la cellule ;
– l’alerte e-mail d’une personne déterminée (un des acteurs de la cellule,
souvent son pilote) ;
– la mise en place d’un formulaire de saisie via l’Intranet, etc.

219
Les risques psychosociaux

La saisine doit déclencher une réponse qui sera identique dans toutes les
situations afin de garantir un traitement équitable et neutre, dont la première
étape est la prise de contact avec le salarié pour lui proposer un entretien dans
le but de l’écouter et de le conseiller (avec possibilité de se faire accompagner
par un représentant du personnel, s’il le souhaite).

■■■Premier niveau d’intervention : l’entretien informel


Si le collaborateur accepte de rencontrer la cellule, un entretien est organisé
avec quelques-uns de ses membres (ou tous ses membres) en fonction des
difficultés connues a priori. Cet entretien est plutôt informel (il faut donc
éviter d’être trop nombreux à échanger avec le collaborateur) et peut être
organisé de façon discrète, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il est officieux.
Cet entretien doit être organisé dans le but d’écouter le salarié et de l’aider
à surmonter ses difficultés en jouant sur des leviers professionnels (mais
également personnels, le cas échéant). Sa conduite nécessite d’être préparé
à une forte composante émotionnelle ainsi qu’au maintien d’une position de
neutralité vis-à-vis du salarié.
Cet entretien peut être conduit sur le modèle suivant :
• La première phase de l’entretien est donc consacrée à l’explicitation
des objectifs, au rappel du rôle des membres de la cellule ainsi qu’à
l’instauration d’un climat de confiance, notamment en rappelant les
engagements de neutralité et de confidentialité de ses membres. Le
salarié n’est pas convoqué pour justifier ses écarts de comportement
mais bien pour évoquer ses difficultés. Aucune sanction ne doit être
prise à l’issue de cet entretien (si des faits répréhensibles doivent être
sanctionnés, ils doivent être investigués par le biais d’une autre pro-
cédure et d’autres acteurs).
• La deuxième phase, centrale, est l’écoute du collaborateur, sans juge-
ments, en essayant d’identifier les éléments précis et factuels derrière
les émotions, et sans prise de position de la part des membres de la
cellule (que ce soit avec ou contre le salarié écouté).
• La troisième phase porte sur la recherche de solutions que les divers
acteurs présents peuvent proposer selon leur champ d’expertise propre
(médical, social, etc.). Cette recherche n’est pas une imposition de
solution mais un dialogue au cours duquel le salarié donne son avis et
s’engage ou non sur telle ou telle solution. D’ailleurs, il a généralement
déjà des idées de solutions qui peuvent être discutées.

220
Gérer les crises

• La dernière phase est la conclusion de l’entretien : elle consiste à


résumer ce qui a été dit et rappeler l’engagement de chacun sur les
suites à donner (ce que le salarié doit faire de son côté, ce que les
acteurs de la cellule font, etc.) mais aussi sur les modalités de veille et
de surveillance jusqu’à ce que la situation soit résorbée, notamment
en impliquant le manager de proximité, toujours dans le respect de la
confidentialité s’il s’agit de problèmes d’origine personnelle.
Dans un certain nombre de situations, l’entretien permet au salarié de s’expri-
mer et de trouver lui-même des solutions sans que d’autres interventions
d’ampleur soient nécessaires. Par contre, si cet entretien informel n’a pas
permis de jeter des bases de résolution de la situation ou que cela nécessite
l’intervention de professionnels, les membres de la cellule peuvent décider
de passer à un second niveau avec l’accord du salarié.
À la suite de ce premier niveau d’intervention, quelle qu’en soit l’issue, les
membres de la cellule font un compte rendu qui est archivé. Il est souhai-
table qu’ils présentent cette situation lors du prochain CHSCT en gardant
confidentielles les informations personnelles ou médicales.

■■■Second niveau d’intervention : solliciter les acteurs compétents


Ce second niveau n’est pas un suivi psychologique ou thérapeutique du salarié
par la cellule (qui n’a pas vocation à accompagner le salarié sur une longue
période) mais un renvoi vers les acteurs susceptibles de jouer un rôle positif
dans la résolution de la situation.
Dans le cas où le collaborateur est très affecté par la situation, un renvoi
vers des professionnels de la santé externes, à commencer par le médecin
traitant, est nécessaire, car il s’agit d’extraire le salarié de la situation pour
lui permettre de se reposer en étant accompagné médicalement et psycholo-
giquement, le cas échéant. La préparation du retour du salarié sera alors un
des prolongements pilotés par les acteurs de la cellule (voir ci-après).
Un autre prolongement classique de l’entretien est la rencontre d’un des
acteurs de la cellule en tête-à-tête, selon la nature du problème à l’origine de
la détresse et du choix du salarié (par exemple, un entretien avec le médecin
du travail pour des problèmes d’addictions ou avec le responsable des res-
sources humaines pour évoquer une mutation ou un bilan de compétences).
Un autre prolongement est l’organisation d’un entretien avec le manager
du collaborateur pour évoquer les solutions qui seraient nécessaires, de façon

221
Les risques psychosociaux

temporaire ou définitive, pour améliorer sa situation (par exemple, un amé-


nagement exceptionnel des horaires ou la pose de deux jours de congés pour
que le collaborateur règle des difficultés personnelles ou administratives).
Il est également possible de solliciter un médiateur externe, neutre, notam-
ment pour (tenter de) dénouer un conflit entre le collaborateur en détresse
et une autre personne de l’organisation.
Enfin, dans le cas particulier où l’on suspecte un harcèlement ou des situations
de violence, une enquête officielle doit être ouverte pour faire la lumière
sur les faits et les personnes impliquées (voir ci-après : « Enquêter en cas de
harcèlement présumé ou de violence au travail », p. 226).
La fin de la prise en charge s’arrête normalement à cette étape, sauf dans le
cas d’une absence longue du salarié suite à laquelle il est fortement conseillé
d’organiser le retour, en vue d’éviter une rechute.

De l’intervention à la prévention collective


Cette intervention doit être vue comme un filet de sécurité tendu pour éviter
qu’un collaborateur ne s’enfonce dans la spirale du mal-être. Toutefois, il
est souhaitable qu’à terme, elle ne soit plus sollicitée parce que les RPS sont
systématiquement prévenus et qu’aucun salarié ne se trouve ainsi face à des
difficultés patentes. Pour participer à cet effort de prévention, les acteurs de la
cellule peuvent échanger avec les acteurs qui mettent en œuvre la démarche
de prévention globale et durable des RPS.
Le but de ces rapprochements est double :
• Passer du cas individuel à une réflexion sur les collectifs de salariés
susceptibles d’être affectés par la même situation.
• Passer d’un traitement curatif à une logique préventive, c’est-à-dire
réfléchir aux mesures non pas d’accompagnement mais de prévention
pour éviter le retour de situations similaires.
Il s’agit donc d’apprendre de ces situations individuelles pour proposer des
mesures de prévention, qui éviteraient que tous les autres salariés potentielle-
ment concernés par la même situation n’y soient confrontés. Le cas échéant,
un entretien collectif de diagnostic approfondi de la situation, difficulté ou
problème identifié peut être organisé (voir les outils correspondants dans le
chapitre 4, « Approfondir le diagnostic : caractériser précisément les RPS par
le biais d’entretiens (étape 6) », p. 153).

222
Gérer les crises

Outil 33 – Préparer le retour des salariés


après un arrêt de travail
Pour les salariés qui ont été absents durant de longs mois suite aux consé-
quences de situations professionnelles dégradées (dépression, épuisement
professionnel, traumatisme lié à un événement violent ou un harcèlement
supposé, etc.), la question du retour du salarié dans l’organisation est délicate.
Ces salariés ont souvent des craintes diverses : de ne pas être à la hauteur
(vis-à-vis de l’énergie à donner pour absorber la charge de travail ou atteindre
les objectifs ; vis-à-vis des compétences à mobiliser), de rencontrer les per-
sonnes avec lesquelles ils étaient en conflit (collègues, clients ou autres), de
se retrouver de nouveau dans les groupes dont ils étaient exclus, d’être de
nouveau confrontés à la situation professionnelle au cours de laquelle un
événement violent ou traumatisant est survenu, etc. Ils peuvent également
avoir été fortement affectés dans leur estime d’eux-mêmes et leur identité
professionnelle. Ces salariés peuvent ainsi se retrouver en situation de fra-
gilité et risquent une rechute s’ils sont remis sans précautions dans la même
situation où ils ont perdu pied.
Afin d’encadrer les conditions du retour du salarié, il est préconisé :
• D’aménager le travail du collaborateur.
• D’organiser avec le manager de proximité un « sas de retour » avant
de reprendre le rythme de croisière.
Les aménagements temporaires proposés au salarié visent à lui permettre
de reprendre confiance, de lui donner le temps de reprendre ses marques.
Concrètement, cela peut être un aménagement de ses horaires, de sa charge
de travail (nombre de dossiers, objectifs progressifs, accompagnement par
le manager, etc.) et/ou un travail en équipe (par exemple, en binôme) afin de
faire jouer le soutien social des collègues.
Pour mémoire, en cas d’arrêt de plus de trois mois, « une visite de prére-
prise est organisée par le médecin du travail à l’initiative du médecin trai-
tant, du médecin conseil des organismes de sécurité sociale ou du salarié »
(article R. 4624-20 du Code du travail). Cette visite ne peut pas être orga-
nisée à l’initiative de l’employeur ou du médecin du travail, il est donc utile
de communiquer pour que les salariés dans leur ensemble connaissent ce
droit. Cette visite est l’occasion pour le médecin du travail de préconiser
des aménagements et adaptations du poste de travail, un reclassement et/ou

223
Les risques psychosociaux

des formations professionnelles. Ces préconisations sont communiquées à


l’employeur pour mise en œuvre, sauf opposition du salarié (article R. 4624-
21 du même code).
Quant au sas de retour, il peut s’appuyer sur les points suivants :
• Si possible, permettre un retour en milieu de semaine (la semaine de
reprise sera ainsi moins longue).
• Le jour du retour, accueillir le salarié de façon marquée mais sans en
faire une cérémonie qui pourrait le mettre mal à l’aise (par exemple, en
lui accordant du temps, en organisant un déjeuner avec l’équipe, etc.).
• Lui proposer un entretien (avec le manager et, au besoin, un référent
des RH) au cours duquel il sera question des aménagements accom-
pagnant son retour (notamment ceux évoqués lors de la visite de
préreprise, le cas échéant) ainsi que du suivi particulier qui peut être
mis en place (le cas échéant, avec le médecin, les RH, etc.), de ses droits
et des ressources dont il dispose en cas de besoin.
• Après un arrêt de travail de trente jours ou plus, organiser rapide-
ment (sous huit jours) la visite de reprise avec le médecin du travail
(article R. 4624-22 du Code du travail) et, le cas échéant, modifier les
aménagements en fonction de l’avis de ce médecin.
• Si l’arrêt a été long, lui proposer une formation aux nouveaux outils et
procédures mis en place en son absence ou lui présenter les nouveaux
collaborateurs du service peut s’avérer nécessaire.
• Enfin, le cas échéant, envisager un changement professionnel à moyen
terme (de poste, de région, de métier, etc.), ce qui peut projeter le
salarié dans l’avenir et lui montrer que sa carrière dans l’organisation
n’est pas brisée.
Au-delà de ces mesures ponctuelles et individualisées, il est conseillé de créer
un véritable programme collectif et transversal de retour au travail, arti-
culé sur des mesures de prévention primaire. Pour développer ce programme,
il est possible de s’inspirer des trois principales mesures complémentaires
identifiées par des chercheurs québécois1 :

1. Louise St-Arnaud, Mariève Pelletier, Michel Véniza et al., Santé mentale au travail – Projet-pilote
pour passer d’une approche individuelle de réadaptation à une approche organisationnelle de
prévention, Montréal, IRSST, rapport R-807, février 2014.

224
Gérer les crises

• Les interventions sur la charge de travail : mise en place d’actions


de régulation de la charge de travail pas uniquement pour la per-
sonne concernée de façon temporaire mais de façon plus globale pour
l’ensemble de l’équipe.
• Les interventions sur le soutien social du responsable hiérarchique et
sur la reconnaissance au travail : écoute et soutien de la part du supé-
rieur, qui se pérennise au-delà du retour au travail et pour toute l’équipe.
• Les interventions visant l’amélioration de la communication au
sein des équipes : organisation de réunions d’équipes, clarification
des rôles, médiation pour régler les conflits relationnels, promotion
de règles éthiques pour favoriser le respect, etc.

Outil 34 – Prendre en charge le stress


post-traumatique
En cas d’exposition d’un ou plusieurs salariés à des situations exceptionnelles
et particulièrement violentes (accident, suicide, braquage, etc.), il est conseillé
de se rapprocher rapidement d’intervenants extérieurs, comme des psycho-
logues cliniciens, pour organiser une séance de verbalisation.
Cette séance est un débriefing formel animé par un professionnel compétent.
Elle peut être individuelle ou collective selon la situation, à l’image des cellules
de soutien psychologique mises en place après des accidents ou attentats.
Les objectifs d’une telle séance sont :
• Fournir la possibilité au salarié d’exprimer ses émotions dans un envi-
ronnement protégé et sécurisant.
• Normaliser les réactions de stress et réorienter les pensées irration-
nelles et négatives.
• Renseigner sur les formes de soutien auxquelles le salarié a droit (par
exemple, une déclaration en accident du travail).
• Repérer si le salarié a besoin d’un soutien extérieur complémentaire.
Si cette séance est une façon rationnelle d’aborder l’événement, ce qui s’est
passé et ses conséquences, il ne s’agit pas d’une séance psychothérapeutique.
Il peut donc s’avérer nécessaire de proposer au salarié un accompagnement
psychologique complémentaire. Enfin, le salarié peut également être suivi
plus régulièrement par le médecin du travail dans les mois suivants.

225
Les risques psychosociaux

Outil 35 – Enquêter en cas de harcèlement


présumé ou de violence au travail
La mise en place d’une procédure spécifique appropriée au traitement des
situations de harcèlement présumé (moral ou sexuel) et/ou de violences au
travail permet d’assurer un traitement systématique, officiel et équitable des
plaintes ou témoignages relatifs à de tels événements. Cette procédure doit
être officielle, construite de façon partagée (notamment avec les représentants
du personnel) et communiquée auprès du personnel. Elle est généralement
mise concrètement en application dans le cadre d’une enquête.
Cette procédure présente plusieurs intérêts :
• Montrer le refus tangible de la direction, sa volonté d’interdire et de
sanctionner systématiquement de tels agissements.
• Permettre à toute personne pensant de bonne foi être victime ou
témoin de tels actes de témoigner en bénéficiant d’une protection1.
• Intervenir systématiquement et rapidement (par exemple, objectif de
résolution sous un mois), jusqu’à obtenir des conclusions.
• Selon les circonstances, prendre les mesures conservatoires et/ou défi-
nitives qui s’imposent (suite aux conclusions de l’enquête) et organiser
un soutien médico-social adapté.
Une procédure d’enquête peut se fonder sur de grands principes, notamment :
• Agir avec discrétion et respect de l’anonymat pour protéger la dignité
et la vie privée de chacun.
• Ne divulguer aucune information aux parties non impliquées dans
l’affaire en cause (ou uniquement des informations anonymisées).
• Faire bénéficier les parties impliquées d’une écoute impartiale et d’un
traitement équitable (elles sont présumées victime et agresseur).
• Étayer les plaintes grâce à des informations détaillées et factuelles.
• Sanctionner les fausses accusations délibérées.
• Éviter les conflits d’intérêts (si une personne incriminée est membre
de la commission d’enquête, il faut prévoir son remplacement).

1. Pour la protection des personnes qui s’estiment victimes de harcèlement et le rappel du cadre
juridique, voir le chapitre 1 : « Le cadre juridique du harcèlement moral au travail », p. 34 et « Le
cadre juridique du harcèlement sexuel au travail », p. 37.

226
Gérer les crises

L’enquête est conduite par une commission d’enquête composée de plusieurs


membres, dont au moins un représentant des ressources humaines. Ces
membres peuvent suivre un processus articulé en deux phases :
• Une phase « informelle » (mais officielle) de prise de contact avec le
salarié pour effectuer une première levée de doute.
• Une phase « formelle » en cas de suspicion de trouble manifeste (har-
cèlement, violence, etc.).

1. Prise de contact avec le salarié


2. Proposition d’entretien (possible accompagnement du salarié par IRP / OS ) :
• Espace d’écoute et de dialogue (favoriser l’expression)
• Recueil des faits : description, date et heure, lieux, etc.

Informel
• Personne(s) incriminée(s) et témoins éventuels (en vue de les contacter)
• Recherche de solutions (soutien émotionnel, moyens matériels, temps et flexibilité, etc.)

Décision sur la réalisation d’une enquête

3. L’enquête à proprement parler :


• Protection de la victime présumée (éviter les agissements), mais aussi de la (des) personne(s) incriminée(s)

Formel
=> maintenir une ambiance normale
• Rencontre des témoins / de la (des) personne(s) incriminée(s)

Conclusions de l’enquête

4. Réception des personnes clés + écrit motivé :


• Si harcèlement : mesures disciplinaires (auteur-s) et/ou soutien et mesures de retour à l’emploi
+ accompagnement (victime)
• Si allégations mensongères délibérées et/ou mauvaise foi : mesures disciplinaires

Exemple de processus d’enquête pour faits de harcèlement présumés

Durant ce processus d’enquête, il est possible de faire appel à un média-


teur : si c’est le souhait d’une des parties en présence, le choix du médiateur
s’effectue par accord entre les parties. Le médiateur s’informe de l’état des
relations entre les parties et tente de mettre fin au conflit en leur soumettant
des propositions (également consignées par écrit).
La réalisation de l’enquête proprement dite repose sur la recherche d’éléments
manifestes d’agissement de harcèlement ou de comportements violents. Une
grille peut être utilisée afin d’aider les membres de la commission d’enquête
à progresser dans leur investigation.

227
Les risques psychosociaux

Exemple de grille d’aide à la recherche des éléments à l’origine de la situation

Évaluation

Vraisemblable
vraisemblable

Constaté
Éléments recherchés

Peu
Agissements intimidants, hostiles, offensants, humiliants, dégradants
(disproportionnés par rapport à l’exercice du travail)

Répétition des agissements

Pression pour obtenir un acte ou une faveur de nature sexuelle

Dégradation des conditions de travail

Atteinte aux droits, à la dignité

Altération de la santé

Compromission de l’avenir professionnel

Autres facteurs ayant contribué à la dégradation de la situation :


• Surcharge de travail
• Problèmes de communication
• Ambiguïté dans les rôles et responsabilités
• Manque de reconnaissance, etc.

Sur la base des analyses réalisées, la commission d’enquête rend ses conclu-
sions et préconise diverses mesures :
• Mesures organisationnelles pour rétablir une situation normale.
• Mesures favorisant le retour et le maintien dans l’emploi des salariés
concernés.
• Mesures disciplinaires empêchant un harceleur présumé ou auteur
de comportements violents de poursuivre ses agissements et de les
reproduire (ou sanctionnant un témoignage de mauvaise foi visant à
nuire à quelqu’un).
Enfin, une fois que les diverses parties en présence ont été informées des
conclusions de l’enquête, il est possible de prévoir un recours formalisé auprès
d’un cadre supérieur (par exemple, via un courrier avec copie au CHSCT).

228
Gérer les crises

Et, de la même manière que l’analyse des situations de détresse individuelle


informe la prévention collective des RPS, il est également souhaitable de
prévoir des modalités de capitalisation des conclusions de l’enquête pour
éviter le retour de situations similaires.

Outil 36 – Enquêter en cas de suicide


(ou tentative)
Un suicide (ou une tentative de suicide) est un geste qui comprend une part
de mystère insondable, car il engage un individu dans son ensemble, avec sa
singularité, son histoire, etc. Que celui-ci se produise sur le lieu de travail
ou non, il est le produit d’un ensemble de causes variées sur lesquelles il est
difficile de faire toute la lumière. Par contre, lorsqu’il survient, il affecte les
collègues et ne manque pas d’interroger l’organisation sur la part, même
infime, que le travail a pu jouer dans la survenue de ce geste. C’est en ce
sens qu’une enquête permet de lutter contre le déni ou le refoulement, et de
poursuivre l’effort général de prévention collective.
Dans de pareils cas, il convient d’éviter tout déni et :
• De réagir rapidement pour éviter l’installation de la souffrance dans
l’organisation, auprès des collègues, du personnel, etc.
• D’enquêter avec le CHSCT pour nourrir la démarche de prévention.

Une réaction immédiate


La direction de l’organisation doit réagir immédiatement :
• Faire intervenir les secours, informer et soutenir la famille, prévenir
l’inspection du travail et la CARSAT (ou ses équivalents CRAM et
MSA, le cas échéant).
• Réunir le CHSCT en réunion extraordinaire (article L. 4614-10 du
Code du travail) afin de décider de l’opportunité de réaliser une
enquête conjointe.
• Prendre en charge les collègues de la victime pour prévenir le stress
post-traumatique (voir ci-dessus).
• Déclarer l’événement en accident du travail si celui-ci s’est produit sur
le lieu et au temps du travail (ou pendant le trajet).

229
Les risques psychosociaux

Zoom
Éléments d’une communication interne solennelle et sobre
sur l’événement et ses suites
• La vive émotion ressentie par tout le personnel et les pensées vers la fa-
mille, les proches et collègues de la victime.
• Le refus de tout amalgame et la volonté d’interroger les facteurs d’ordre
professionnel qui auraient pu jouer dans cet événement.
• Les mesures prises pour accompagner les collègues et le rappel des dis-
positifs existants en cas de détresse (par exemple, la cellule d’écoute ou
un numéro vert de soutien psychologique).
• La décision d’organiser une enquête prise lors de la réunion extraordinaire
du CHSCT, qui a suivi l’événement (ainsi que les objectifs de cette enquête
et ses participants).

L’analyse de l’événement (enquête conjointe décidée


en CHSCT)
L’employeur doit réunir le CHSCT en réunion extraordinaire (article L. 4614-
10 du Code du travail). Le but de cette réunion est de décider de la réalisation
d’une enquête pour faire la lumière non sur les responsabilités mais sur les
facteurs d’ordre professionnel, qui ont pu jouer un rôle dans la genèse de l’acte
suicidaire, et proposer des mesures de prévention collective afin de parer à
l’expression de ces facteurs auprès de l’ensemble du personnel.
Les membres délibératifs du CHSCT sont souverains pour décider de la
réalisation de l’enquête :
• Décision de réaliser une enquête et nomination des membres compo-
sant la délégation d’enquête (exigence d’avoir au moins un représentant
du personnel au CHSCT et un représentant de la direction).
• Détermination des modalités et principes de l’enquête.
Le CHSCT missionne ainsi une délégation qui se met immédiatement au
travail et prend le temps nécessaire pour réaliser son rapport, l’enquête étant
réalisée en dehors des heures de délégation (article L. 4614-6 du Code du
travail).

230
Gérer les crises

Le travail des membres de la délégation consiste essentiellement à :


• Solliciter et rencontrer lors d’entretiens individuels les collègues et la
hiérarchie du salarié, voire, moyennant leur accord, des membres de
la famille et des proches.
• Exploiter les entretiens réalisés en analysant les facteurs professionnels
susceptibles d’avoir joué un rôle et leur intensité respective.
• Proposer des mesures de prévention collectives.
Enfin, la présentation des conclusions de l’enquête en réunion de CHSCT
permet de valider les mesures de prévention retenues par l’employeur et de
préparer une information du personnel (il ne faut pas non plus oublier l’envoi
d’un formulaire officiel, le Cerfa n° 12758*01 (ex n° 61-2256), à l’inspection du
travail dans les quinze jours).

Principes d’une enquête en cas de suicide1


1. Le suicide est un événement complexe aux causes multifactorielles (il ne
faut pas faire de raccourcis simplistes !).
2. L’enquête est uniquement centrée sur l’analyse du travail.
3. L’enquête se base sur des données factuelles (non sur des jugements ou
interprétations).
4. L’enquête ne porte pas sur les données personnelles mais uniquement
professionnelles.
5. L’enquête ne vise pas la recherche de responsabilités mais de causes.
6. L’enquête ne vise pas la qualification du suicide en accident du travail.
7. L’enquête vise la recherche de causes puis l’établissement de mesures de
prévention collectives.
8. Les membres de la délégation d’enquête ne rendent des comptes qu’au
CHSCT (qui décide, le cas échéant, à qui transmettre le rapport d’enquête).
9. Les membres de la délégation d’enquête sont tenus à la plus grande confi-
dentialité.
10. Les personnes sollicitées pour participer à l’enquête le sont sur la base du
volontariat et ne sont en aucun cas forcées de s’exprimer.

1. INRS, Démarche d’enquête paritaire du CHSCT concernant les suicides ou les tentatives de suicide,
ED 6125, juin 2012.

231
Les risques psychosociaux

Afin de rester objectifs et centrés sur les faits d’ordre professionnel, les
membres de la délégation d’enquête peuvent s’appuyer sur des outils d’ana-
lyse tels qu’une grille d’identification des facteurs potentiellement en cause
dans une situation individuelle. Cette grille permet d’exploiter les entretiens
réalisés avec les personnes contactées et de classer les facteurs de contraintes
ou de ressources psychosociales (mentionnés dans les entretiens et ayant pu
jouer un rôle dans la dégradation de l’état de santé du salarié) ainsi que leur
intensité (semblaient-ils importants, peu importants ou acceptables dans
cette situation ?).
Le but de l’analyse des entretiens est d’identifier les facteurs professionnels
et leur importance respective dans la dégradation de la situation de travail
et de la santé du salarié. En fonction des résultats, les membres de la délé-
gation identifieront ensuite des leviers d’action potentiels devant contribuer
à la prévention collective des RPS en limitant l’expression de ces facteurs.

Exemple de grille d’identification et d’analyse des facteurs professionnels


potentiellement en cause dans une situation individuelle

Description des Intensité


Facteurs de contraintes et ressources défaillantes
éléments en présence = + ++

Intensité et complexité du travail :


• Contraintes de rythme
• Objectifs irréalistes, flous
• Polyvalence (au sens de la chasse aux temps morts)
• Responsabilités exercées
• Instructions contradictoires
• Interruptions de l’activité
• Sous-qualification (mise en difficulté)
• Nouvelles technologies (perceptions de l’usage)
• Facteurs d’ambiance matérielle (froid, bruit, éclairage...)

Durée et organisation du temps de travail :


• Nombre d’heures
• Travail de nuit et/ou posté
• Horaires « antisociaux » (soirs et week-ends)
• Extension de la disponibilité au-delà des horaires prévus
• Présentéisme

232
Gérer les crises

Exemple de grille d’identification et d’analyse des facteurs professionnels


potentiellement en cause dans une situation individuelle

Description des Intensité


Facteurs de contraintes et ressources défaillantes
éléments en présence = + ++

Autonomie, latitude décisionnelle :


• Autonomie dans la tâche (fixation des objectifs, du
rythme, des procédures, etc.)
• Prévisibilité du travail et anticipation
• Développement culturel, utilisation et accroissement des
compétences
• Monotonie, ennui (répétition, plaisir au travail)

Relations avec les collègues (soutien social) :


• Coopération (et aide)
• Intégration dans un collectif (convivialité, rivalités)
• Collectifs de travail (jugement des pairs)
• Stratégies et idéologies défensives de métier

Relations avec la hiérarchie (soutien social) :


• Soutien technique reçu
• Relations humaines, style de direction et d’animation
(déficit ou excès de contrôle, légitimité, participation...)
• Appréciation du travail

Intégration, justice et reconnaissance :


• Soutien social
• Déséquilibre entre effort et récompense
• Justice organisationnelle

Autres relations :
• Rémunération et carrière
• Adéquation entre tâche et personne
• Évaluation du travail
• Attention au bien-être des salariés

Insécurité de la situation de travail :


• Sécurité de l’emploi, du salaire, de la carrière (CDD,
temps partiel subi, travail « informel », etc.)
• Soutenabilité du travail
• Changements

233
Les risques psychosociaux

Exemple de résultat du travail des membres


de la délégation d’enquête
Une organisation du secteur tertiaire a vécu un drame : le suicide à son do-
micile d’une gestionnaire commerciale. Les membres de la délégation d’en-
quête ont interrogé trois collègues connaissant bien la victime (dont une ayant
quitté l’entreprise un mois avant), son manager et son compagnon.
Il ressort de l’analyse des entretiens que la salariée était en détresse pour des
raisons à la fois personnelles et familiales (qui ne sont ni précisées, ni exploi-
tées) et liées à l’évolution de sa situation professionnelle, à savoir :
• Une augmentation de la charge de travail liée à la croissance de l’entreprise
(avec des objectifs individuels de chiffre d’affaires et de marge accrus).
• Une perte de sens liée au changement d’orientation client (davantage
de rapport avec des « grands comptes ») et des services commercialisés
(davantage standardisés) qui lui donnaient l’impression de s’éloigner des
relations de conseils personnalisés aux clients pour « vendre de la soupe ».
• Des difficultés relationnelles avec son nouveau responsable, plus jeune et
moins expérimenté, avec lequel la salariée était régulièrement en désaccord.
Ce sont surtout les deux derniers facteurs qui semblaient fortement perturber
la salariée. Sans qu’il soit possible de conclure définitivement sur le rôle joué
par ces difficultés, il est probable qu’elles aient contribué au sentiment d’inu-
tilité et de perte d’estime de soi de la victime (ainsi que mentionnés dans les
entretiens). Les membres de la délégation ont ainsi préconisé des mesures
visant à réduire les effets des trois facteurs professionnels identifiés pour l’en-
semble des gestionnaires commerciaux.

234
C onclusion

Concevoir des organisations favorables à la construction de la santé


La mise en œuvre d’une démarche de prévention collective pour gérer les RPS
est une première étape souvent nécessaire pour interroger les situations dif-
ficiles vécues par les salariés, induites par l’organisation du travail. Toutefois,
une telle démarche est seulement capable d’absorber les tensions et difficultés
consécutives à des décisions d’organisation. L’étape suivante consiste à inté-
grer, dès la conception de nouveaux outils ou lors de changements, les
critères permettant la conception d’organisations du travail favorables
à la construction de la santé.
Les principes de telles organisations sont connus et reposent notamment
sur toutes les initiatives renforçant les ressources psychosociales. Il s’agit de :
• Permettre au personnel de participer aux décisions liées à un change-
ment d’organisation, d’outils ou autre, qui le concerne, et de débattre
des modalités de réalisation du travail en vue de faire du travail pres-
crit une ressource pour affronter le travail réel.
• Donner au personnel une vision sur l’avenir de l’organisation et sur leur
place dans cette vision d’ensemble (en particulier, dans la chaîne des
opérations réalisées au sein de l’équipe, du service, de l’organisation,
et notamment interservices).
• Donner des marges de manœuvre permettant d’influencer le travail
que l’on réalise, que ce soit le rythme ou la vitesse d’exécution, la prise
de pauses, le choix des méthodes et techniques, etc.
• Favoriser l’utilisation et le développement des connaissances et com-
pétences ainsi que la prise d’initiatives, la créativité et la prise de
responsabilités.
• Clarifier les rôles et responsabilités pour limiter les tensions et accom-
pagner le développement de relations de coopération entre salariés

235
Les risques psychosociaux

afin notamment de faciliter le sentiment d’appartenance et des bonnes


relations interpersonnelles.
• Veiller à l’équilibre entre les exigences professionnelles et la vie person-
nelle et familiale, notamment vis-à-vis de la régulation de l’usage des
NTIC ou de l’encadrement des formes de travail à distance (télétravail,
travail à domicile, etc.).
C’est en effet au prix de l’intégration des exigences de qualité de vie au travail
(QVT) dans toutes les décisions prises dans les organisations, que réside la
source la plus puissante de prévention durable des RPS et, sans doute, les
conditions d’une performance pérenne des organisations.

236
S igles

ANACT – Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail


ANI – Accord national interprofessionnel
AT – Accident du travail
AVC – Accident vasculaire cérébral
CARSAT – Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail
CCE – Comité central d’entreprise
CE – Comité d’entreprise
CESE – Conseil économique, social et environnemental
CHSCT – Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
CNAMTS – Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés
CPAM – Caisse primaire d’assurance maladie
CRRMP – Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles
DARES – Direction de l’animation de la recherche, des études et des sta-
tistiques
DIRECCTE – Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l’emploi
DP – Délégué du personnel
DU – Document unique
ETUI – European Trade Union Institute
EVRP – Évaluation des risques professionnels
HSE – Hygiène, sécurité, environnement

237
Les risques psychosociaux

INRS – Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des


accidents du travail et des maladies professionnelles
INSEE – Institut national de la statistique et des études économiques
IPRP – Intervenant pour la prévention des risques professionnels
IRP – Instance représentative du personnel
MP – Maladie professionnelle
NTIC – Nouvelles technologies de l’information et de la communication
OMS – Organisation mondiale de la santé
QVT – Qualité de vie au travail
RH – Ressources humaines
RPS – Risques psychosociaux
TASS – Tribunal des affaires de la sécurité sociale
TMS – Troubles musculo-squelettiques

238
I ndex

A–B D
Accord de méthode, 77 Déséquilibre entre contraintes et
Burn out, 22 ressources, 40
Document unique, 28
C
Cellule de gestion de crise, 217 E
Encadrement, 33
CHSCT, 25
Entretiens, 153
Collaborateurs en détresse (gestion des)
Collectifs, 154
Aide personnalisée, 216
Guide d’, 161
Détecter les signaux de détresse
Individuels, 154
potentielle, 214
Préparation du retour après un arrêt de Étapes de la démarche, 71
travail, 223 1. Engagement de la direction, 73
2. Le groupe de travail, 77
Comité de pilotage, 89
3. Définition de la démarche, 88
Contraintes à conséquences psychosociales 4. Lancement de la démarche, 94
Ambiguïtés de rôle, 48 5. Élaborer des hypothèses de travail, 109
Autres facteurs, 53 5. Prédiagnostic par indicateurs , 111
Conflits de rôle, 47 5. Prédiagnostic par questionnaires , 118
Conflits éthiques, 51 6. Caractériser les RPS, 153
Déficit d’autonomie, 46 6. Mise à jour du document unique, 169
Déséquilibre entre vie personnelle et vie 7. Élaborer un plan d’action, 182
professionnelle, 52 7. bis. Actions prioritaires, 168
Excès d’autonomie, 47 8. Mettre en œuvre le plan d’action, 192
Exigences émotionnelles, 50 9. Évaluer les actions et mettre en place
Généralités, 42 une veille, 200
Insécurité, 43
Relations dégradées, 48
Responsabilités exercées, 48
H
Sous-charge de travail, 44 Harcèlement
Surcharge de travail, 44 Moral, 19
Présumé (enquête), 226
Coping (stratégie de), 14 Sexuel, 20
Hypothèses de travail, 109

239
Les risques psychosociaux

I–P Reconnaissance, 61
Respect, 64
Intervenant extérieur (faire appel à un), 87
Soutien social, 58
Jalons de validation, 92
Manager. Voir encadrement
S
Niveaux de prévention (primaire,
Siegrist, 41
secondaire, tertiaire), 194
Stratégie de mise en œuvre du plan
Obligation de sécurité de résultat de
d’action, 192
l’employeur, 26
Stress, 11
Principes généraux de prévention, 27
Stress post-traumatique
Définition, 23
R Prise en charge, 225
Ressources psychosociales Suicide, 23
Autonomie, 57 Enquête, 229
Clarté des rôles, responsabilités et
perspectives, 56
Généralités, 55 T–V
Justice, 62 Technostress, 45
Participation, 63 Violence, 15

240

Vous aimerez peut-être aussi