0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
28 vues324 pages

These Fanny Alivon

SEGREGATION SPATIALE

Transféré par

proyed
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
28 vues324 pages

These Fanny Alivon

SEGREGATION SPATIALE

Transféré par

proyed
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 324

UNIVERSITE DE BOURGOGNE

UFR Droit, Sciences Économique et Politique

THÈSE
Pour obtenir le grade de
Docteur de l’Université de Bourgogne
Discipline : Économie

par
Fanny ALIVON

le 14 décembre 2016

La ségrégation spatiale et économique


Une analyse en termes d’emploi et d’éducation dans les
espaces urbains

Directeur de thèse
Rachel GUILLAIN – Professeur à l’Université de Bourgogne

Membres du jury :
M. Alain AYONG LE KAMA, Professeur à l’Université Paris Ouest – Nanterre La Défense
Mme. Catherine BAUMONT, Professeur à l’Université de Bourgogne
M. Emmanuel DUGUET, Professeur à l’Université Paris-Est-Créteil (rapporteur)
M. Fabien MOIZEAU, Professeur à l’Université Rennes 1 (rapporteur)
M. Emmanuel RAOUL, Secrétaire Permanent du PUCA
2
Cette thèse a bénéficié du soutien du Plan Urbanisme Construction Architecture associé au
Ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer et au Ministère du Logement et de
l’Habitat Durable dans le cadre du programme PUCA-MSH de Dijon « Approches
économiques des dynamiques urbaines ».

Cette thèse a bénéficié du soutien du Conseil Régional de Bourgogne dans le cadre du Plan
d’Actions Régionales pour l’Innovation (PARI) SHS-5.

3
4
L’université n’entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions
émises dans les thèses : ces opinions
doivent être considérées comme propres à
leurs auteurs.

5
6
Any city, however small, is in fact divided
into two, one the city of the poor, the other
of the rich.

Plato, The Republic, Book IV (380 av.


J.C.)

7
8
REMERCIEMENTS

La thèse est un travail difficile qui ne peut être réalisé seul. Ce travail n’aurait déjà pas été
possible sans le soutien de mes financeurs, le PUCA et le Conseil Régional de Bourgogne, qui
m’ont offert l’opportunité de travailler dans un état d’esprit uniquement dédié à la recherche
et l’enseignement.

Comme me l’a souvent répété ma directrice « une bonne thèse est avant tout une thèse finie »,
et en ce sens, cette dernière mission ne pourrait être accomplie si Messieurs, Madame, les
Membres du jury et Messieurs les rapporteurs vous n’aviez pas accepté de prendre part à cette
soutenance. M. Alain Ayong Le Kama, Mme Catherine Baumont, M. Emmanuel Raoul merci
à vous de m’avoir fait l’honneur de constituer mon jury. M. Emmanuel Duguet et M. Fabien
Moizeau, je vous remercie grandement d’avoir accepté de rapporter ma thèse.

La réalisation de cette thèse n’aurait pas été possible sans l’encadrement de Rachel Guillain.
Je vous remercie très sincèrement pour votre soutien, vos conseils et pour les nombreuses
heures passées à travailler ensemble. Merci de tout ce que vous m’avez apporté et de me
permettre aujourd’hui de prendre mon envol. Vous m’avez permis d’apprendre ce qu’était le
métier d’enseignant-chercheur et m’y avez donné goût.

L’ambiance de travail et les amitiés qui ont pu se lier au fil des années dans les couloirs du
5ème étage m’ont également grandement apporté. Les choses ont énormément changé en
quatre petites années, des personnes sont parties, d’autres sont arrivées, mais toutes ont laissé
une trace. Ericka, Manue, Sarah, Ali, Alex, Amaury, Benjamin, Camille, Micka, Siley et les
autres que j’ai pu côtoyer de près ou de loin, merci pour ces moments quotidiens partagés tous
ensemble.
Je retiendrai tout particulièrement les moments passés au labo et surtout en dehors : Marion,
Laure, Aurélie, merci pour votre soutien sans faille et de me supporter au quotidien ! MC,
c’est valable pour toi aussi (et merci pour tes longues soirées de relecture !).

Sans mes parents je ne serai pas ici, dans tous les sens du terme. Plus particulièrement, merci
à vous d’avoir fait de moi qui je suis et surtout d’avoir cru en moi malgré tous les signaux
énonçant l’inverse. Merci de m’avoir laissé faire mes expériences, ce sont mes « échecs » qui

9
font de moi ce que je suis et qui font que je suis là aujourd’hui. Toutefois, sans vous et le
soutien sans faille que vous m’apportez cela n’aurait pas été possible. Il y a quelques années
peu de monde l’aurait cru, mais me voilà ici aujourd’hui, grâce à vous.

Enfin, RIEN n’aurait été possible sans toi, Flo. Je n’ai pas les mots pour décrire tout ce que tu
m’as apporté durant ces dix dernières années. Une chose est sûre : sans toi je n’en aurai pas
tant fait. Merci pour tous les moments passés ensemble, pour ton soutien en toutes
circonstances, pour accepter la vie pas toujours simple à mes côtés. C’est une étape de ma vie
qu’on franchit à deux, j’espère que nous en franchirons encore beaucoup et que ce n’est que le
début…

10
SOMMAIRE

Remerciements .................................................................................................................................................. 9
Sommaire ......................................................................................................................................................... 11
Introduction Générale .................................................................................................................................... 13
La difficile définition de la ségrégation urbaine ........................................................................................... 13
Le rôle majeur des politiques publiques ....................................................................................................... 15
L’objectif et le cadre d’analyse de la thèse ................................................................................................... 18
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation ...................................................................................... 23
SECTION 1 – La ségrégation urbaine : une réalité également française ..................................................... 24
SECTION 2 – L’explication de la ségrégation par l’économie urbaine et les modèles de localisation ....... 44
SECTION 3 – L’explication de la ségrégation urbaine en termes de processus .......................................... 69
SECTION 4 – Le rôle majeur du logement trop souvent ignoré .................................................................. 80

Partie 1 – Structure urbaine et emploi ............................................................................... 101


Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine ....................... 103
SECTION 1 – Le constat de disparités géographiques de répartition du chômage .................................... 104
SECTION 2 – Les disparités de statut d’emploi : l’influence des caractéristiques individuelles ............... 110
SECTION 3 – Les disparités de statut d’emploi : une explication par la structure urbaine ....................... 115
SECTION 4 – Les disparités de statut d’emploi : une explication par les interactions sociales ................ 127
Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi : une étude de cas sur l’aire urbaine
marseillaise .................................................................................................................................................... 145
SECTION 1 – L’espace : l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence.................................................. 148
SECTION 2 – Les individus : les jeunes actifs marseillais ........................................................................ 155
SECTION 3 – Les interactions entre les individus et l’espace : l’influence de la structure urbaine sur les
probabilités d’emploi des jeunes ................................................................................................................ 167
SECTION 4 – L’introduction de la géographie physique dans l’appréhension de l’espace ....................... 193

Partie 2 – Ségrégation, éducation et politiques publiques ................................................ 205


Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires : une approche par l’évaluation
économétrique ............................................................................................................................................... 207
SECTION 1 – Le lien entre ségrégation urbaine et éducation : le rôle essentiel des politiques publiques 209
SECTION 2 – Évaluations économétriques et efficacité des programmes éducatifs compensatoires : quels
résultats ? .................................................................................................................................................... 212
SECTION 3 – Une fiabilité des études contestée ....................................................................................... 228
SECTION 4 – L’apport au débat politique et des outils d’aide à la décision ............................................. 235
Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens en Ile-de-France................. 243
SECTION 1 – La politique de la Ville en France ....................................................................................... 245
SECTION 2 – Le volet éducatif de la politique de la Ville ........................................................................ 249
SECTION 3 – Évaluation de l’effet de la politique de la Ville sur le parcours scolaire des collégiens
franciliens ................................................................................................................................................... 252
Conclusion Générale ..................................................................................................................................... 283
Récapitulatif du cadre et des résultats de la thèse ....................................................................................... 283
Perspectives de recherches futures ............................................................................................................. 285
Bibliographie ................................................................................................................................................. 291
Table des illustrations................................................................................................................................... 313
Table des matières ........................................................................................................................................ 317

11
12
INTRODUCTION GÉNÉRALE

« En un demi-siècle, la ville est passée du registre de la solution à celui du problème. Durant


les années 50 et 60 elle a été le moyen de la « modernisation de la société par l’urbain ». […]
Mais, très vite, à partir du milieu des années 70, cette vision positive d’une ville enfin
modernisée s’est singulièrement effritée. Les grands ensembles, incarnation des Trente
Glorieuses, […] se trouvent bien plutôt associés au chômage, à la précarité, à la pauvreté, à la
concentration notamment de minorités ethniques, dont la jeunesse doute d’avoir un avenir et
se montre prompte à l’émeute » (Donzelot, 2006, p. 21-22).
Ce livre de Donzelot, Quand la ville se défait, écrit en réaction aux émeutes de 2005 en
France, fait écho à un phénomène majeur des sociétés contemporaines dans le monde : le
malaise social des habitants des quartiers défavorisés dans les espaces urbains. Les premières
émeutes urbaines sont apparues aux États-Unis, à Los Angeles dans le quartier de Watts plus
précisément, en août 1965, avant de s’étendre rapidement à Detroit, Newark et d’autres villes
américaines. En France, les premiers faits de violences urbaines sont intervenus dès le début
des années 1970 dans la périphérie lyonnaise, puis dans la banlieue parisienne avant de
s’étendre sur l’ensemble du territoire jusqu’aux médiatisées « émeutes de 2005 ».

Ces manifestations de violence dans les villes sont le reflet d’un malaise social des
populations urbaines et, plus particulièrement, des plus défavorisées. Ce malaise est lié à la
segmentation de l’espace urbain selon les caractéristiques des populations. Les villes,
particulièrement les plus grandes d’entre elles, sont constituées de quartiers concentrant les
richesses et exempts de difficultés socio-économiques. Par opposition, elles abritent
également d’autres quartiers concentrant de manière cumulative les difficultés socio-
économiques telles que le chômage, la précarité, l’exclusion ou encore la délinquance. Ce
constat reflète les termes de la ségrégation urbaine : il s’agit de l’inscription spatiale des
inégalités socio-économiques. Cet ancrage spatial de la ségrégation constitue le cœur de cette
thèse.

La difficile définition de la ségrégation urbaine

L’intérêt scientifique pour la ségrégation urbaine est relativement récent en France et en


Europe, notamment d’un point de vue économique. Contrairement aux États-Unis, où les

13
Introduction Générale

travaux sur la ségrégation se sont développés dès les années 1930 avec l’essor de la sociologie
urbaine de l’École de Chicago, il faudra attendre les années 1970 pour que les sociologues et
géographes français s’intéressent à ce sujet, l’appropriation par les économistes n’intervenant
que dans les années 1990-2000.
Ce décalage temporel peut être principalement expliqué par des contextes de développement
des villes différents entre les deux continents. En effet, la ségrégation a été très tôt marquée
dans beaucoup de grandes villes américaines du fait de la suburbanisation massive de celle-ci
associée aux vagues d’immigrations issues du monde entier. Ainsi, par exemple, une ville
comme Chicago a vu sa population passer de 4 470 habitants en 1840 à 1 100 000 en 1890,
pour atteindre plus de 3 500 000 en 1930. Cette croissance exponentielle de la population a
fortement influencé le développement des villes américaines, marqué par la recherche de
grands espaces d’habitat de la part des populations aisées, qui se sont massivement dirigées
vers les banlieues. De ce fait, les loyers sont devenus plus cher en périphérie laissant les
quartiers centraux aux populations les moins aisées. Ces dernières s’avèrent principalement
être, aux États-Unis, les populations afro-américaines. Ainsi, beaucoup de villes américaines
ont connu un embourgeoisement des périphéries associé à une ghettoïsation de la proximité
des Central Business Districts. Ce développement est aujourd’hui encore très marqué, avec
des quartiers de ville ethniquement ségrégés. Par conséquent, la ségrégation urbaine aux
États-Unis est un phénomène ancien, basé sur une répartition spatiale différenciée importante
des différents groupes ethniques, qui a très tôt attiré l’attention des chercheurs, d’abord en
sociologie puis en économie.
En France, le développement urbain ne s’est pas fait sur le même schéma et la ségrégation
urbaine n’a pas la même forme ni les mêmes origines qu’aux États-Unis. En effet, les villes
françaises sont historiquement beaucoup plus anciennes et de moindre taille qu’aux États-
Unis. Les quartiers aujourd’hui considérés comme le reflet de la ségrégation urbaine en
France ne sont apparus que dans les années 1960 en réponse au besoin de logement lié à
l’exode rural, à la reconstruction d’après-guerre et à l’afflux d’immigrants invités à venir
travailler en France. Pourtant, initialement, ces grands ensembles et ces cités d’urgence,
construits en périphérie proche des grandes villes, représentent un grand pas vers la modernité
en permettant au plus grand nombre d’avoir accès à un logement décent. Ces quartiers,
originellement mixtes dans leur population, ont servi de tremplin aux ménages moyens pour
accéder à la propriété dans d’autres quartiers de la ville. À la fin des Trente Glorieuses, avec
la crise économique, ces quartiers se sont paupérisés. En France, la ségrégation est donc

14
Introduction Générale

marquée par une évolution plus récente des villes à un ancrage spatial dans la périphérie
proche de ces dernières.
Le problème de ségrégation urbaine est ainsi apparu plus tardivement en France et a suscité
un décalage temporel d’intérêt des scientifiques du fait de sa moindre ampleur et de sa
moindre visibilité par rapport aux États-Unis. Cependant, cette moindre ampleur de la
ségrégation en France ne signifie pas pour autant que les conséquences socio-économiques
soient moindres pour les populations touchées et pour l’ensemble de la société. Pour cette
raison, nous plaçons ce phénomène urbain majeur au centre de cette thèse, à travers une
analyse économique de ce dernier.

Malgré l’étendue des travaux menés sur la question et du fait de l’appropriation de la


thématique par différents champs disciplinaires (économie, sciences politiques, sociologie,
géographie, etc.), il n’existe aucun consensus sur une définition précise mais plutôt un
ensemble de définitions. Comme nous le mentionnons précédemment, la ségrégation urbaine
correspond à l’inscription spatiale des inégalités socio-économiques. Cependant, cette très
courte définition ne traduit pas la complexité du phénomène. Castells (1972), sociologue et
urbaniste, définit la ségrégation comme « la tendance à l’organisation de l’espace en zones à
forte homogénéité sociale interne et à fortes disparités sociales entre elles, cette disparité étant
compris non seulement en termes de différences, mais aussi de hiérarchisation ». D’un point
de vue économique, nous retenons la définition de Baumont et Guillain (2013, p. 776)
suivante : « la ségrégation spatiale se définit, au sein d’un territoire, comme un processus joint
de regroupement géographique de communautés partageant un ensemble de caractéristiques
socio-économiques communes et relativement exclusives des autres groupes ». Cette
définition reste très proche de celle de Fitoussi et al. (2004) et permet de mettre en avant la
dynamique cumulative, inhérente à la concentration des problèmes socio-économiques dans
des territoires particuliers de la ville, qui constitue le cœur d’analyse de cette thèse.

Le rôle majeur des politiques publiques

Les coûts de la ségrégation

La ségrégation urbaine préoccupe les décideurs publics de par les coûts qu’elle engendre. En
effet, comme nous le montrerons, une structure urbaine ségrégée est un équilibre urbain

15
Introduction Générale

optimal, qui, en tant que tel, ne devrait demander aucune intervention publique. Cependant, la
ségrégation urbaine est coûteuse économiquement.
Dans un premier sens, elle est coûteuse lors des émeutes dont elle est à l’origine. Ainsi, les
Watts Riots de Los Angeles, après 20 jours de violences, ont fait 34 morts, plus de 1 000
blessés et ont entrainé un préjudice matériel de plus de 35 millions de dollars. Les trois
semaines d’émeutes à l’automne 2005 en France ont eu un coût total estimé d’environ 250
millions d’euros, dont 80 % pour les collectivités territoriales (Centre d’analyse stratégique,
2006).
Ces soulèvements de population ponctuels ont un coût pour la société mais la ségrégation
urbaine a également un coût quotidien plus difficilement évaluable. Il est associé au poids que
représente la ségrégation pour la société, à son impact sur le bien-être des populations, sur la
justice et l’ensemble du système économique (Fitoussi et al., 2004).
Il existe des effets négatifs du tri spatial des populations. Le processus de dynamique
ségrégative, de reproduction sociale doit être cassé afin d’éviter un effet « boule de neige »
dont les conséquences seraient désastreuses. La ségrégation ne peut masquer les difficultés et
les souffrances des populations non-intégrées, elle engendre des coûts économiques non
négligeables et nuit à l’image et à l’attractivité de la ville si des tensions voire des troubles se
produisent. Glaeser et Gottlieb (2008) montrent qu’une intervention publique spatialisée en se
basant sur l’existence d’externalités positives, telles que les économies d’agglomération ou les
spillovers de capital humain dont la répartition n’est pas homogène au sein de la ville, sont en
mesure d’augmenter le bien-être des populations. Sur cette base, des politiques publiques de
lutte contre la ségrégation ont été mises en place dans la plupart des pays développés.
Ce sont ces différents coûts qui font de la ségrégation urbaine une situation indésirable et qui
demande une intervention des pouvoirs publics. Pour autant, la lutte contre la ségrégation
n’est pas neutre économiquement et nécessite des moyens financiers colossaux.

Les interventions en faveur de la mixité sociale

Il existe trois types principaux d’interventions publiques dans ce cadre : les politiques
individualisées, « people based », les politiques zonées, « place-based » et les politiques
visant une population particulière dans une zone ciblée, « place based people strategies »
(Ladd, 1994 ; Neumark et Simpson, 2015). Toutes trois s’appuient la plupart du temps sur
l’existence d’effets de quartiers. Le mécanisme sous-jacent est le suivant : l’appartenance à un
quartier influence positivement ou négativement les trajectoires de vie des résidents. Les

16
Introduction Générale

politiques publiques ambitionnent donc de contrer les effets de quartiers négatifs et de donner
les mêmes chances à tous, l’effet d’appartenance à un territoire devant alors être neutralisé.
Ces politiques peuvent chercher à lutter directement contre le cloisonnement spatial entre les
différentes populations. L’objectif est alors d’intervenir sur le marché immobilier en
répondant à la pénurie de logements, notamment sociaux, mais surtout en mettant en place des
programmes de rénovation urbaine avec la réhabilitation des parcs immobiliers. C’est le cas
de la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain (loi SRU) de 2000 en France qui
vise à rendre la ville plus intégrée et à (ré)introduire de la mixité sociale dans les quartiers.
Toutefois, l’effet réel de ces politiques d’intégration reste à prouver. Par exemple, Moizeau
(2015) montre que, sous certaines conditions, une politique publique d’intégration sociale
peut conduire, à long terme, à des niveaux d’éducation plus faibles des populations que dans
le cadre d’une ville divisée.
L’objectif des politiques publiques peut également être de contrer les effets négatifs de la
ségrégation en intervenant en particulier sur l’emploi, l’éducation et l’insécurité. Pour
améliorer les conditions d’emploi dans les quartiers défavorisés, les programmes peuvent
avoir pour but d’améliorer l’information en termes d’opportunités d’emploi, d’améliorer
l’accessibilité (via les réseaux de transport en commun, l’aide au financement du permis de
conduire ou l’acquisition d’un véhicule personnel), ou encore de favoriser la création
d’emploi à proximité de ces zones (pour un point sur ce sujet, voir Givord et al., 2013). La
lutte contre la discrimination à l’emploi est également un facteur clé. Il en va de même des
politiques de lutte contre la délinquance.
Les interventions au niveau de l’éducation sont souvent présentées avec l’objectif de combler
le fossé existant entre les élèves issus des milieux défavorisés par rapport à leurs camarades
issus de milieux aisés. Toutefois, à notre sens, la démarche d’une intervention publique dans
l’éducation est plus large. Outre l’objectif d’égalité des chances en matière scolaire, cette
politique est un moyen de contrer le processus de ségrégation à sa base. En effet,
l’amélioration du parcours scolaire et de la réussite des élèves permet l’acquisition de
compétences valorisables sur le marché du travail. Ces compétences permettent alors une
meilleure insertion professionnelle des individus issus de milieux défavorisés. Ces politiques
publiques éducatives peuvent donc permettre de contrer la reproduction sociale, de casser
l’effet cumulatif de la ségrégation et générer une sorte de renouveau urbain sur le long terme.
La plupart des politiques publiques à destination des quartiers défavorisés de la ville visent à
un développement de la mixité dans ces quartiers. Tout comme la ségrégation, seule une
définition large peut être donnée, il s’agit de « la coexistence sur un même espace de groupes

17
Introduction Générale

sociaux aux caractéristiques diverses » (Selod, 2004, p. 135), pour laquelle il n’existe aucun
consensus sur le contenu et les finalités. Ainsi, la mixité prônée par les politiques publiques
peut être très diverse : d’habitat (collectif, individuel, social), sociale (nationalité, conviction
philosophiques et religieuses, niveaux d’études ou de revenus différents) ou encore
fonctionnelle (association d’habitat et d’activités économiques). « L’image de la mixité pour
les politiques publiques est donc associée aux bienfaits des quartiers favorisés et amène soit à
rendre attractifs des quartiers défavorisés pour des populations aisées (area-based policies),
soit à soutenir les mobilités sortantes des populations en difficultés (people-based policies)
(Baumont et Guillain, 2016, p. 398-399).
Les politiques publiques de lutte contre la ségrégation ou de mixité sociale nécessitent,
comme toute politique, d’être évaluées. Dans ce sens, en France, l’évaluation est devenue
obligatoire par la loi de modernisation de l’État de 2006 et est même inscrite dans la
constitution depuis le 23 juillet 2008.

L’objectif et le cadre d’analyse de la thèse

Il existe des preuves claires de l’association entre vivre dans un quartier défavorisé et une
situation sociale et économique modeste. La causalité entre les deux est néanmoins moins
claire, l’influence des quartiers sur la situation socio-économique des habitants prête à débat.
Ainsi, comme le soulignent Cheshire et al. (2014), deux éléments fondamentaux sont
nécessaires à la compréhension de ce lien. Il est tout d’abord nécessaire de fournir une
explication claire et précise de comment et pourquoi ces quartiers défavorisés se forment.
Ensuite, il est nécessaire de montrer comment les difficultés vécues par les populations sont
causées ou exacerbées par leur lieu de résidence et non pas uniquement issues de
désavantages individuels ou familiaux. L’analyse de ces conséquences de la ségrégation
repose sur trois dimensions étroitement liées : le lien à l’emploi, à l’éducation et à la
criminalité. Nous nous concentrerons plus particulièrement sur les deux premiers aspects.
Le raisonnement présenté dans cette thèse se structure en trois temps et vise à répondre aux
questions suivantes :
 L’explication de la ségrégation urbaine : Pourquoi les ménages « pauvres » se
concentrent-ils dans les quartiers défavorisés de la ville alors que les ménages
« riches » sont dans les quartiers favorisés ? Quels sont les mécanismes amenant à des

18
Introduction Générale

villes quasi-systématiquement segmentées selon le profil (ethnique, social,


économique, culturel etc.) de ses habitants ?
 Le lien entre ségrégation urbaine et emploi : Quelles sont les conséquences de la
ségrégation urbaine sur l’emploi des populations ? Une structure urbaine ségrégée
induit-elle des différences de traitement sur le marché du travail ? Par quels
mécanismes la ségrégation entrainerait-elle des différences de statut d’emploi des
individus ?
 Le lien entre ségrégation urbaine, éducation et politiques publiques : les politiques
publiques éducatives visant à contrer les effets négatifs de la ségrégation sur la réussite
scolaire des élèves sont-elles efficaces ? Que pouvons-nous retenir des évaluations
économétriques faites de ces programmes ? Quels sont les effets de la politique de la
Ville en France sur le parcours scolaire des élèves ?

Dans le premier chapitre, notre objectif est triple. Dans un premier temps, comme nous
l’avons explicité précédemment, la ségrégation est un phénomène largement caractérisé aux
États-Unis mais connaissant que peu et de récentes applications dans un contexte français.
Ainsi, notre premier objectif est de montrer l’existence d’une segmentation de l’espace urbain
selon la catégorie sociale des habitants dans les trois principales villes françaises : Paris,
Marseille et Lyon. Il s’agit de trois villes au profil géographique, économique, social et
démographique très différent, qui pour autant présentent la régularité d’avoir une structure
urbaine ségrégée. Cette observation, associée au constat similaire dans les autres villes des
pays urbanisés, nous amènent à notre deuxième objectif, à savoir expliquer l’origine de cette
segmentation de l’espace. Pour cela nous mobilisons les modèles standards de localisation
d’économie urbaine, des modèles dynamiques de localisation et de micro-simulation. Il
ressort de ces modèles que la ségrégation est un équilibre urbain stable et optimal, les
équilibres de mixité n’étant que temporaires et ni stables ni optimaux à long terme. Enfin, le
dernier objectif de ce chapitre est de relier la ségrégation au rôle central du logement. En
effet, le logement est systématiquement considéré comme un bien homogène dont seule la
surface varie. Cependant, nous pensons que les caractéristiques de ces derniers (hauteur du
bâti, type d’habitat, etc.) peuvent également être liées à la ségrégation en influençant les choix
de localisation ou en étant modifiées par ces derniers. Pour cela, nous testons le lien entre
l’ampleur de la ségrégation par catégorie sociale à une échelle infra-urbaine et le type de
quartier en matière de logement.

19
Introduction Générale

Une fois les origines et le processus conduisant à la ségrégation caractérisés, nous nous
penchons dans une première partie sur ces effets sur l’emploi des habitants.
Dans le chapitre 2, nous avons pour but d’expliciter les disparités d’emploi au sein des villes
par l’influence de la structure urbaine à travers l’ensemble des mécanismes théoriques et
empiriques identifiés dans la littérature économique. L’objectif de ce chapitre est de répondre
à la question suivante : comment pouvons-nous expliquer l’existence de différentiel de taux
de chômage à l’échelle des quartiers dans les villes ? Notre réponse à cette question relève
d’un triple processus : les caractéristiques intrinséques des individus influencent leur chance
d’emploi mais leur localisation dans la ville est également primordiale, dans le sens où la
distance aux emplois et les interactions locales jouent un rôle majeur dans l’obtention d’un
emploi.
Afin de corroborer ou d’infirmer ces propos, dans le chapitre 3 nous réalisons une étude
empirique sur l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence. Notre objectif dans ce chapitre
est de caractériser la structure urbaine marseillaise et d’identifier l’effet de celle-ci sur les
probabilités d’emplois des jeunes résidant chez leurs parents, à partir de la localisation des
individus et des emplois. Il ressort de cette étude que les caractéristiques individuelles
influencent les chances d’emploi mais également que le type de quartier, en termes socio-
économiques, dans lequel les individus résident a son importance. Nous démontrons
également que les caractéristiques des individus géographiquement proches influencent le
statut d’emploi, tout comme l’éloignement aux opportunités d’emploi. Ainsi, l’étude de l’aire
urbaine marseillaise fournit une preuve de l’existence de la ségrégation socio-spatiale mais
également une preuve de son influence sur la situation économique des habitants en
influençant leur chance d’avoir un emploi, les individus issus de quartiers défavorisés ayant
des probabilités d’emploi jusqu’à 25 % plus faibles que les individus similaires vivant dans
des quartiers aisés.

La seconde partie de cette thèse s’intéresse à l’effet de la ségrégation sur l’éducation et plus
particulièrement sur l’effet des politiques de lutte contre la ségrégation sur la réussite et le
parcours scolaire des enfants en difficultés ou issus de quartiers défavorisés.
Dans le chapitre 4, nous nous interrogeons sur les effets de ces politiques à travers une revue
de la littérature critique des évaluations des programmes éducatifs compensatoires dans le
monde. En effet, les politiques visant à résorber l’écart de réussite entre élèves issus de
milieux défavorisés et issus de milieux aisés sont présentes dans l’ensemble des pays
développés et sont renouvelées régulièrement. Ces politiques, très coûteuses, sont

20
Introduction Générale

régulièrement critiquées. Nous nous sommes donc interrogés sur leurs effets : ces
programmes sont-ils efficaces ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de se baser
sur des études au cadre d’analyse rigoureux, c’est pourquoi nous recensons les évaluations
mobilisant des méthodes économétriques. Il ressort de cette étude que l’efficacité de ces
programmes est nuancée et présente des effets différenciés selon les caractéristiques des
élèves et des établissements. Nous nous basons sur ces résultats afin de formuler un ensemble
de préconisations pour la mise en œuvre de ces programmes mais également pour leur
évaluation.
Dans le chapitre 5, nous nous attachons à réaliser notre propre évaluation d’un programme
ayant une visée éducative dans les quartiers défavorisés en France. Pour cela, nous
considérons l’effet de la politique de la Ville sur le parcours scolaire des collégiens d’Ile-de-
France. Il ressort de cette première étape d’un projet de recherche plus complet, que la
politique de la Ville viendrait diminuer les risques de redoublement chez les collégiens mais
viendrait aussi limiter leur choix d’orientation après la troisième à des filières majoritairement
professionnalisantes.

Cette thèse vise à apporter des éléments de compréhension sur le phénomène de ségrégation
spatiale et économique qui caractérise les espaces urbains depuis plusieurs décennies. Elle
pose la question des origines et des formes de la ségrégation urbaine mais aussi de ses
conséquences sur l’emploi et l’éducation des populations. Elle montre que la ségrégation est
un équilibre urbain stable et optimal, issu des choix de localisation des ménages, mais qui
présente un coût pour la société. En effet, cette ségrégation engendre un accès à l’emploi
différent selon la localisation des individus à travers la distance géographique et sociale aux
emplois, les effets de quartiers et les effets de pairs intervenant à l’échelle du quartier de
résidence. Cette thèse s’intéresse également au lien existant entre ségrégation et éducation à
travers une analyse des politiques publiques. Elle montre que les programmes éducatifs
compensatoires ont des effets nuancés sur la réussite scolaire des élèves et permet de formuler
un ensemble de recommandations.

21
22
CHAPITRE 1 – MESURES ET ORIGINES DE LA SÉGRÉGATION

L’étude de la ségrégation peut se faire de deux points de vue : positif et normatif. D’un point
de vue positif, la ségrégation urbaine est un processus qu’il convient de définir et de mesurer,
alors que d’un point de vue normatif, il s’agit d’une réalité dont il convient d’analyser les
causes et les conséquences (Domingues Dos Santos et al., 2010). La dissociation entre ces
deux visions n’est pas forcément nécessaire, elles s’avèrent même complémentaires. Il est
essentiel de mesurer la ségrégation pour la caractériser avant de se pencher sur ses origines et
ses conséquences. Dans ce premier chapitre, nous nous attachons à sa mesure dans un
contexte où elle reste encore peu étudiée : la France. En effet, la plupart des études sur le sujet
s’intéressent à l’observation empirique d’une séparation spatiale entre les ménages afro-
américains et les ménages « blancs », ou encore entre ménages « riches » et « pauvres », dans
les villes américaines. Sa mesure dans les trois plus grandes villes françaises nous permet de
mettre également en avant l’existence de structures urbaines ségrégées, alors même qu’il
s’agit de villes très différentes. La ségrégation semble donc être un phénomène urbain
inéluctable dont il est indispensable de se poser la question sur ses origines en mobilisant les
mécanismes économiques à l’œuvre dans la formation des espaces urbains. Les modèles de
choix résidentiel et d’équilibre urbain sont les premiers à expliquer la ségrégation des
populations : elle est alors perçue comme un équilibre urbain de long terme découlant des
choix individuels de localisation. Pour autant, ces modèles n’offrent une vision que de long
terme, une vision statique du phénomène. Dans ce sens, ils ne permettent pas de répondre à la
question : comment la ségrégation apparait-elle dans nos villes ? La considération de la
ségrégation urbaine comme un processus à travers des modèles dynamiques, et non comme un
résultat prédéterminé, permet de comprendre comment il est possible d’aboutir à une structure
urbaine ségrégée. La vision processurale permet d’appréhender les mécanismes à l’œuvre et
de caractériser la diversité des situations que peut révétir ce phénomène.
Dans ce cadre théorique, le logement est un bien homogène différant uniquement par sa taille.
Nous nous interrogeons sur l’influence potentielle d’autres caractéristiques de ce bien. Dans
ce sens, nous cherchons à mesurer et à quantifier l’intensité de la relation qu’il peut exister
entre le type de logement dominant dans un quartier et l’intensité de la ségrégation dans ce
même quartier.
Afin de considérer ces différents aspects de mesures et d’explications de la ségrégation, ce
chapitre se structure en trois sections. Dans un premier temps, nous nous attachons à

23
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

identifier les formes et l’ampleur de la ségrégation dans les trois principales villes francaises.
Dans un second temps, nous nous penchons sur les origines et les explications théoriques
apportées à cette séparation spatiale des différentes catégories de populations dans l’ensemble
des villes des pays développés. Enfin, dans une troisième section, nous recentrons la
ségrégation dans son aspect résidentiel et mettons en exergue le rôle central du logement dans
ce phénomène, en quantifiant l’intensité du lien entre la ségrégation mesurée dans la première
section et une typologie de quartier en matière de logement et de bati.

SECTION 1 – La ségrégation urbaine : une réalité également française

L’étude de la ségrégation est très développée et caractérisée aux États-Unis, alors que l’intérêt
en France et en Europe est plus récent et marginal (§1). Dans ce sens, notre objectif est
d’apporter une vision globale de la ségrégation en France, en mesurant son ampleur dans les
trois plus grandes villes françaises : Paris, Marseille et Lyon (§2). L’utilisation des indices de
ségrégation nous permet de mettre en avant l’existence d’une structure urbaine ségrégée, alors
même que ces structures sont initialement bien différentes (§3).

1. L’intérêt pour l’étude de la ségrégation aux États-Unis et en France

L’École de Chicago s’est très tôt et largement intéressée à la répartition des différents groupes
ethniques dans les villes (Rhein, 1994). Ainsi, dès les années 1920, différents auteurs comme
Park et al. (1925), McKenzie (1921), Wirth (1928), ou Burgess (1928) se sont intéressés à la
concurrence entre les différents groupes ethniques (juifs, italiens, polonais, noirs, etc.) pour
l’occupation des sols dans les villes. Ces premières études ont développé l’attrait pour la
mesure et l’étude de la ségrégation urbaine aux États-Unis. De ce fait, l’essentiel de la
littérature sur la ségrégation se concentre sur les villes américaines et sur l’étude de la
ségrégation raciale.
L’appropriation de la thématique dans un contexte européen et français est beaucoup plus
tardif et, par conséquent, les études moins nombreuses. Cela ne signifie pas pour autant que la
ségrégation urbaine ne soit pas valable en France ou en Europe, il s’agit seulement d’un
manque d’intérêt des chercheurs pour ces thématiques comme l’explique Derycke (2009),
dans une synthèse sur 40 années de recherches francophones en économie urbaine.
Dans ce sens, Domingues Dos Santos et al. (2010 p. 8) soulignent que « la ségrégation
résidentielle n’a véritablement été exploré sur données françaises que de façon récente et par
un petit nombre d’économistes [e.g.] (Bouabdallah et al., 2002 ; Wasmer et Zénou, 2002 ;

24
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Mignot et Villareal Gonzalez, 2005 ; Lacour, 2008 ; Gaschet et Le Gallo, 2008 ; Tovar, 2008 ;
Duguet et al., 2009) ». Nous retiendrons que parmi les exemples cités dans cet article,
beaucoup concernent le lien entre ségrégation et emploi. Peu s’intéresse à la mesure de la
ségrégation. Nous retiendrons par exemple Gaschet et Le Gallo (2008) qui, dans leurs calculs
des indices de Duncan et Duncan par CSP entre 1990 et 1999 à Paris, Lyon, Bordeaux et
Dijon, montrent que « la distance socio-économique entre les groupes sociaux se sédimente
en une stratification systématique de l’espace urbain » (p. 53). Ce phénomène peut paraître
marginal comparativement à la situation mise en exergue aux États-Unis. Là-bas, bien que les
études montrent un recul de la ségrégation dans les villes américaines entre 1980 et 2000
(Frey et Farley, 1996 ; Fischer, 2003 ; Clark et Blue, 2004 ; Iceland et Wilkes, 2004), il est
nécessaire de relativiser cela avec l’importance de la ségrégation toujours présente. Dans ce
sens, Douzet (2005) explique bien que « l’optimisme qui se dégage de cette constatation ne
doit cependant pas masquer l’ampleur du phénomène » (p. 21). En effet, les villes américaines
sont très marquées par la ségrégation des minorités ethniques, et plus particulièrement des
populations noires-américaines, comme nous pouvons le voir dans le tableau 1-1.

Exemple de lecture : 64 % de la population noires devraient déménager pour obtenir une répartition identique à la population blanche dans
les villes américaines en 2000. Cette part était de 88 % en 1980. Les autres indices peuvent être interprétés à l’aide de l’annexe 1-1.
Tableau 1-1 : Évolution de la ségrégation résidentielle des minorités ethniques aux États-Unis entre 1980
et 2000
Source : Douzet (2005) d’après Iceland et Weinberg (2002)

25
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

L’angle d’approche de la ségrégation n’est pas la même, la France s’intéressant plus à la


situation sociale des individus alors qu’aux États-Unis l’intérêt est porté principalement sur
l’origine ethnique de ces derniers. Bien que l’ampleur de la ségrégation en France soit
moindre qu’aux États-Unis, nous considérons qu’il est tout de même nécessaire de la
caractériser. C’est pourquoi, nous nous plaçons dans l’optique d’apporter une vision globale
de la ségrégation résidentielle en France, en mesurant son ampleur dans les trois plus grandes
villes françaises.

2. La ségrégation urbaine dans les principales villes françaises : cadre méthodologique

L’objectif de cette étude est de mesurer la ségrégation urbaine dans les trois principales villes
françaises : Paris, Lyon et Marseille. Pour cela, nous mobilisons l’outil le plus communément
utilisé dans la mesure de ségrégation, à savoir les indices de ségrégation.

2.1. Le choix des trois plus grandes villes françaises

Nous avons choisi de centrer notre analyse sur les trois plus grandes villes françaises : Paris,
Lyon et Marseille, comptant respectivement plus de 2 millions, environ 855 000 et un peu
plus de 500 000 habitants en 2013, dont quelques statistiques sont disponibles dans le
tableau 1-2.

26
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Paris Marseille Lyon


Population 2 229 621 855 393 500 715
Densité de population 21 153,9 3 555 10 459,9
Superficie 105,4 240,6 47,9
Population
Taux annuel moyen de variation de la
Source : Insee RP 2013 population entre 2008 et 2013 du au solde +0,7 +0,6 +0,8
naturel (en %)
Taux annuel moyen de variation de la
population entre 2008 et 2013 du au solde -0,6 -0,5 +0,2
migratoire (en %)
Revenus Part des ménages fiscaux imposés (en %) 75,3 57,9 69,6
Source : Insee-DGFiP-
Cnaf-Ccmsa-Fichier Revenu médian disponible par UC (en €) 25 711 17 548 21 659,6
localisé social et fiscal
2012 Taux de pauvreté (en %) 16,1 25,1 14

Emploi Taux d’activité des 15-64 ans (en %) 77,2 67,3 73


Source : Insee RP 2013 Taux de chômage des 15-64 ans (en %) 11,9 18,5 13,5

Nombre d’établissements actifs 551 952 88 040 72 153


Part de l’agriculture (en %) 0,1 0,2 0,1
Part de l’industrie (en %) 2,8 3,8 3,4

Part de la construction (en %) 4,4 9,6 5,2


Activité
Source : Insee, CLAP
Part du commerce, transports et services
83,8 69 77,2
2014 divers (en %)
Part de l’administration publique,
8,9 17,4 14,1
enseignement, santé et action sociale (en %)
Part des établissements de 1 à 9 salariés (en
22,5 22,3 23
%)
Part des établissements de 10 salariés ou +
4,4 5 5,7
(en %)
Tableau 1-2 : Description des villes de Paris, Marseille et Lyon

Comme nous pouvons le voir dans ce tableau, ces trois villes sont très différentes à tout point
de vue. Du point de vue typographique, Marseille est plus de 5 fois plus grande que Lyon et
fait plus de 2 fois la taille de Paris, alors même que Paris concentre presque 3 fois plus
d’habitants (et près de 5 fois plus que Lyon). Outre la population, Paris concentre aussi
beaucoup plus d’activités économiques, son statut de capital et son potentiel de demande en
faisant un marché attractif pour les entreprises. Marseille est une ville globalement plus
pauvre que Paris ou Lyon, avec un revenu plus faible (avec une différence de plus de 8 100 €
par rapport à Paris). Lyon est une ville plutôt aisée, avec le taux de pauvreté le plus bas et un
revenu médian proche de celui de la capitale (alors même qu’il est bien connu, qu’à emploi
équivalent, les salaires sont plus élevés à Paris qu’ailleurs). Lyon est également la seule ville
attractive pour la population si l’on en croit le taux de variation annuel moyen entre 2008 et
2013, les autres villes perdant chaque année des habitants.
27
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Outre ces quelques chiffres, il s’agit de villes intéressantes à étudier de par leur statut
particulier : Paris et son statut de capital, Marseille, la ville cosmopolite ouverte sur la
Méditerranée, et Lyon, la ville plutôt bourgeoise.
L’intérêt de notre analyse porte également, outre la caractérisation de la ségrégation dans
chacune de ces villes bien différentes, sur la comparaison de ces trois villes aux profils
différents.

Du point de vue du niveau d’analyse, nous nous concentrons sur chacune des trois communes,
par des raisons de disponibilité des données plus large sur l’agglomération par exemple, au
moment de l’étude. Toutefois, nous étendrons dans nos futures recherches le périmètre
d’application de cette étude afin d’en enrichir l’analyse.
Afin de fournir l’information la plus fine possible sur la répartition de la population, nous
basons notre analyse au découpage infra-urbain le plus désagrégé possible, c’est-à-dire l’Iris
(Ilots Regroupés pour l’Information Statistique). Les communes d’au moins 10 000 habitants
et une part importante de celles de 5 000 à 10 000 habitants sont concernées par ce
découpage. L’Insee les définit comme « la brique de base en matière de diffusion de données
infra-communales […] (qui doit) respecter des critères géographiques et démographiques et
avoir des contours identifiables sans ambiguïté et stables dans le temps ». Il est possible de
distinguer 3 types d’IRIS :
 Les Iris d’habitat : leur population se situe en générale entre 1 800 et 5 000 habitants.
Ils sont homogènes quant au type d’habitat et leurs limites s’appuient sur les grandes
coupures du tissu urbain (voies principales, voies ferrées, cours d’eau…) ;
 Les Iris d’activité : ils regroupent plus de 1 000 salariés et comptent au moins deux
fois plus d’emploi salariés que de population résidente ;
 Les Iris divers : il s’agit de grandes zones spécifiques peu habitées et ayant une
superficie importante (parcs de loisirs, zones portuaires, forêts…).

Paris Marseille Lyon


Iris d’habitat 861 340 168
Iris d’activité 88 31 16
Iris divers 43 22 1
Total 992 393 185
Tableau 1-3 : Découpage des communes par type d’Iris
Source : IGN

28
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Ainsi, nous considérerons les 992 IRIS de la ville de Paris, les 393 de la ville de Marseille, et
les 185 de Lyon, dont le détail est donné dans le tableau 1-3.

2.2. Les mesures de la ségrégation retenues

Les outils de la mesure de la ségrégation font l’objet d’une littérature très abondante aux
États-Unis. Suite aux travaux initiés à l’École de Chicago, dans les années 1940, se sont
développées des études plus quantitatives créant et mobilisant toute une série d’indicateurs de
mesure de la ségrégation, qui ont ensuite, dans les années 1980 et 1990, été spatialisés à
travers la prise en compte de la géographie physique des zones d’études.
La référence principale en la matière reste, encore aujourd’hui, la revue de littérature réalisée
par Massey et Denton (1988) qui ont compilé, affiné et comparé les différents outils de
mesure leur permettant ainsi d’identifier cinq dimensions à la ségrégation : l’égalité,
l’exposition, la concentration, l’agrégation spatiale et la centralisation.
Les indices d’égalité mesurent la sur- ou sous-représentation d’un groupe dans les unités
spatiales d’une région métropolitaine. Dans ce sens, plus un groupe sera inégalement réparti
sur le territoire, plus ce groupe sera ségrégé.
L’exposition mesure le degré de contact potentiel entre les membres d’un même groupe ou
entre les membres de plusieurs groupes dans son unité spatiale. Nous retrouvons une mesure
de l’isolement, c’est-à-dire la probabilité de rencontrer un membre de son propre groupe, et
une mesure de l’interaction, c’est-à-dire la probabilité de rencontrer un membre de l’autre
groupe.
La concentration mesure la superficie occupée par un groupe. Plus celui-ci se trouvera dans
un espace restreint plus il sera ségrégé.
L’agrégation spatiale désigne le fait que plus un groupe occupe des unités spatiales contiguës,
formant ainsi une enclave dans la ville, plus il est regroupé et donc ségrégé du point de vue de
cette dimension.
La centralisation désigne l’éloignement au centre de la zone considérée. Il s’agit d’une mesure
typiquement applicable aux villes américaines, dans lesquelles sont considérés comme plus
ségrégés, les individus vivant au centre-ville.
Ces dimensions sont illustrées pour plus de clarté dans la figure 1-1.

29
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Figure 1-1 : Représentation des cinq dimensions de la ségrégation


Source : Apparicio (2000)

D’après Apparicio et al. (2007, p. 74), les indices de ségrégation permettent « 1) de qualifier
et de confronter la répartition dans l’espace métropolitain de groupes de populations
différenciées sur la base de leur origine ethnique, de leur pays de naissance ou de leur région
de naissance, de leur langue maternelle, de leur appartenance à une minorité visible ou encore
de leurs revenus ; 2) de comparer les situations entre différentes villes ; 3) de réaliser des
analyses diachroniques. »
Pour chacune des dimensions précédemment évoquées, trois types d’indices peuvent être
calculés :
 Les indices unigroupes qui mesurent la répartition du groupe de population par rapport
à la population totale ;
 Les indices intergroupes qui comparent la répartition des groupes deux à deux ;
 Les indices multigroupes qui permettent d’analyser la répartition de plusieurs groupes
simultanément.
Ces indices fournissent une information sur la ségrégation à l’échelle de l’aire métropolitaine.
D’autres indices s’appliquent quant à eux à une échelle locale, ce qui est le cas pour :
 Le quotient de localisation permet de repérer les concentrations spatiales d’un groupe
à travers l’espace métropolitain ;

30
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

 L’indice d’entropie permet d’évaluer la diversité ethnique ou sociale de chaque entité


spatiale en fonction de 𝑛 groupes de population ;
 La typologie de Poulsen et al. (2001, 2002) permet d’identifier les différents types
d’enclaves ethniques.
Les tableaux 1-4, 1-5, 1-6 et 1-7 récapitulent l’ensemble de ces indices dont la formulation
détaillée est donnée en annexe 1-1.

31
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Abréviat Valeur
Dimension Nom Auteurs
ion s

Duncan et Duncan
Indice de ségrégation 𝐼𝑆 [0,1]
(1955a, 1955b)
Indice de ségrégation ajusté avec une matrice de
𝐼𝑆(𝑎𝑑𝑗) [0,1] Morill (1991)
contiguïté binaire
Indice de ségrégation ajusté avec la longueur de la
𝐼𝑆(𝑤) [0,1] Wong (1993)
frontière commune entre les unités spatiales i et j
Indice de ségrégation ajusté avec la longueur de la
frontière commune entre les unités spatiales i et j 𝐼𝑆(𝑠) [0,1] Wong (1993)
Égalité et le ratio périmètre/aire
Theil (1972), Theil
Indice d’entropie 𝐻 [0,1]
et Finezza (1971)
Duncan et Duncan
Indice de Gini 𝐺 [0,1]
(1955a)
Indice d’Atkinson avec b=0.1 𝐴(0.1) [0,1] Atkinson (1970)
Indice d’Atkinson avec b=0.5 𝐴(0.5) [0,1] Atkinson (1970)
Indice d’Atkinson avec b=0.9 𝐴(0.9) [0,1] Atkinson (1970)
Indice d’isolement 𝑥𝑃𝑥 [0,1] Bell (1954)
Exposition Bell (1954), White
Indice d’isolement ajusté 𝐸𝑡𝑎2 [0,1]
(1986)
Hoover (1941),
Indice Delta 𝐷𝐸𝐿 [0,1] Duncan et al.
Concentration (1961)
Massey et Denton
Indice de concentration absolue 𝐴𝐶𝑂 [0,1]
(1988)
Massey et Denton
(1988) adapté de
Indice de regroupement absolu 𝐴𝐶𝐿 [0,1]
Geary (1954) et
Dacey (1968)
Agrégation
Massey et Denton
spatiale Mesure de la proximité moyenne 𝑃𝑥𝑥 [0, ∞]
(1988)
Massey et Denton
Mesure de la proximité moyenne (exp dij) 𝑃𝑥𝑥 exp(𝑑𝑖𝑗 )[0, ∞]
(1988)
Indice d’isolement linéaire 𝐷𝑃𝑥𝑥 [0,1] Morgan (1983)
Massey et Denton
Proportion du groupe dans le centre-ville 𝑃𝐶𝐶 [0,1]
(1988)
Centralisation
Massey et Denton
Indice de centralisation absolue 𝐴𝐶𝐸 [0,1]
(1988)
Tableau 1-4 : Les indices unigroupes implémentés dans Geo-Segregation Analyzer
Source : Adapté de Massey et Denton (1988), Apparicio (2000) et Apparicio et al. (2008)

32
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Dimension Nom Abréviation Valeurs Auteurs

Duncan et Duncan
Indice de dissimilarité 𝐼𝐷 [0,1]
(1955a, 1955b)
Indice de dissimilarité ajusté avec une matrice de
𝐼𝐷(𝑎𝑑𝑗) [0,1] Morill (1991)
contiguïté binaire
Indice de dissimilarité ajusté avec la longueur de
Égalité la frontière commune entre les unités spatiales i et 𝐼𝐷(𝑤) [0,1] Wong (1993)
j
Indice de dissimilarité ajusté avec la longueur de
la frontière commune entre les unités spatiales i et 𝐼𝐷(𝑠) [0,1] Wong (1993)
j et le ratio périmètre/aire
Analyse centrographique 𝑆 [0,1] Wong (1993)
Exposition Indice d’exposition 𝑥𝑃𝑦 [0,1] Bell (1954)
Massey et Denton
Concentration Indice de concentration relative 𝑅𝐶𝑂 [0,1]
(1988)
Mesure de la proximité moyenne intergroupe 𝑃𝑥𝑦 [0, ∞] White (1986)
Mesure de la proximité moyenne intergroupe (exp
𝑃𝑥𝑦 exp(𝑑𝑖𝑗 ) [0, ∞] White (1986)
Agrégation dij)
spatiale Indice de proximité spatiale 𝑆𝑃 [0,1] White (1986)
Indice d’agrégation relative 𝑅𝐶𝐿 [−∞, ∞] White (1986)
Indice d’interaction linéaire 𝐷𝑃𝑥𝑦 [0,1] Morgan (1983)
Duncan et Duncan
Centralisation Indice de centralisation relative 𝑅𝐶𝐸 [−1,1]
(1955b)
Tableau 1-5 : Les indices intergroupes implémentés dans Geo-Segregation Analyzer
Source : Adapté de Massey et Denton (1988), Apparicio (2000) et Apparicio et al. (2008)

Dimension Nom Abréviation Valeurs Auteurs

Morgan (1975),
Indice de dissimilarité multigroupe 𝐷 [0,1]
Sakoda (1981)
Indice de Gini multigroupe 𝐺 [0,1] Reardon (1998)
Theil (1972), Theil
Indice d’entropie multigroupe 𝐻 [0,1]
Égalité et Finezza (1971)
Analyse centrographique 𝑆 [0,1] Wong (1999)
Reardon et
Indice de variation au carré 𝐶 [0,1]
Firebaugh (2002)
Indice de dissimilarité spatiale 𝑆𝐷 [0,1] Wong (1999)
Indice d’exposition normalisée 𝑃 [0,1] James (1986)
Carlson (1992),
Exposition Goodman et
Indice de diversité relative 𝑅 [0,1]
Kruskal (1954)n
Reardon (1988)
Tableau 1-6 : Les indices multigroupes implémentés dans Geo-Segregation Analyzer
Source : Adapté de Massey et Denton (1988), Apparicio (2000) et Apparicio et al. (2008)

33
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Abréviatio
Nom Valeurs Auteurs
n
Quotient de localisation 𝑄𝐿 [0, ∞] Isard (1960)
Theil (1972), Theil et
Indice de diversité 𝐻2 [0,1]
Finezza (1971)
Poulsen et al. (2001,
Typologie de Poulsen et al. 𝑃𝑜𝑢𝑙𝑠𝑒𝑛 [1,6]
2002)
Tableau 1-7 : Liste des indices locaux implémentés dans Geo-Segregation Analyzer
Source : Adapté de Massey et Denton (1988), Apparicio (2000) et Apparicio et al. (2008)

La mesure de la ségrégation a été réalisée à partir du logiciel Geo-Segregation Analyzer


(Apparicio et al. 2014), pour les trois villes de Paris, Lyon et Marseille.

2.3. Une approche par les Catégories Socio-Professionnelles (CSP)

Les indices de ségrégation présentés précédemment peuvent être calculés en considérant


plusieurs types de populations différenciées. Les études sur la ségrégation d’un point de vue
racial, très nombreuses aux États-Unis, utilisent les observations sur différents groupes
ethniques (au plus restreint en considérant une opposition entre ménages noirs et ménages
blancs, et dans des cadres plus diversifiés en intégrant par exemple les hispaniques ou toute
communauté importante dans la zone d’étude considérée). En France et en Europe, la
ségrégation est généralement exprimée en termes d’opposition entre ménages plus ou moins
favorisés. Cela peut consister à considérer les revenus, comme ont pu le faire Bouzouina
(2008) ou encore Dabet et Floch (2014), mais aussi à s’intéresser aux catégories socio-
professionnelles (e.g. Préteceille, 2006 ou encore Gaschet et Le Gallo, 2008).
Nous utiliserons ici des indices de ségrégation basés sur la catégorie socio-professionnelle
(CSP) des individus, permettant de refléter les revenus (dont nous ne disposons pas) mais
également de caractériser plus globalement leur situation sociale. En effet, comme le mettent
en avant Gaschet et Le Gallo (2008), bien que la dimension purement financière de la
localisation soit importante, il n’en demeure pas moins que les choix résidentiels relèvent
également de logiques d’identification ou de différenciation sociale non strictement liées au
revenu. Ils expliquent ainsi que « les catégories socio-professionnelles, même si elles
demeurent fortement hétérogènes dans leur composition, proposent une lecture synthétique
des différenciations sociales et professionnelles » (Gaschet et Le Gallo, 2008, p. 53).
Nous avons également choisi de ne pas considérer les CSP dans leur intégralité, mais de
reprendre une typologie souvent utilisée dans les travaux sur l’éducation (e.g. Monso et al.
2015), visant à assimiler une CSP particulière à une situation sociale plus ou moins favorisée.
Ainsi, notre analyse s’appuie sur la catégorie sociale des résidents des différents quartiers

34
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

selon un regroupement : « très favorisé » (catégorie A), « favorisé » (catégorie B),


« intermédiaire » (catégorie C) et « défavorisé » (catégorie D) (cf. annexe 1-2 pour le passage
de la nomenclature Insee des CSP à notre catégorisation).
Notre étude porte sur la population active âgée de 15 à 64 ans, dans les trois grandes villes
détaillées précédemment. Ainsi, à partir des données du recensement de la population 2012
mises à disposition par l’Insee, nous avons identifié pour chaque Iris, à partir de la CSP des
individus, le nombre de personnes de chaque type de catégorie sociale, permettant la mise en
œuvre des indices de ségrégation mentionnés précédemment. Un ensemble de statistiques
descriptives est disponible dans le tableau 1-8.

Paris Marseille Lyon

Effectif % Effectif % Effectif %


Catégorie sociale très
494 575 40,60 59 040 16,12 71 093 27,83
favorisée
Catégorie sociale
246 792 20,26 82 792 22,61 64 806 25,37
favorisée
Catégorie sociale
262 223 21,53 110 121 30,07 63 001 24,66
intermédiaire
Catégorie sociale
214 518 17,61 114 279 31,20 56 583 22,15
défavorisée
Total 1 218 108 100 366 232 100 255 483 100
Tableau 1-8 : Répartition de la population active par catégorie sociale à Paris, Lyon et Marseille en 2012
Source : Insee – RP 2012 (calculs réalisés par l’auteur)

Ces quelques informations corroborent l’analyse effectuée précédemment à partir des revenus
du tableau 1-2. Ainsi, Paris semble bien être une ville où la population est relativement aisée,
au contraire de Marseille où les ménages sont globalement plus défavorisés.
Les résultats, propres à chaque ville sont détaillés dans la sous-section suivante.

3. La ségrégation urbaine dans les principales villes françaises : résultats

Les résultats des indices unigroupes sont fournis par le tableau 1-9, ceux des indices
intergroupes par le tableau 1-10 et enfin la version multigroupe des indices est donnée par le
tableau 1-11. L’analyse intergroupe concernant uniquement deux catégories, nous avons
choisi de considérer les deux catégories extrêmes, à savoir les ménages très favorisés (cat. A)
et les ménages défavorisés (cat. D).

35
Paris Marseille Lyon
Abrévia
Nom
tion
T. Fav Fav Moy Défav T. Fav Fav Moy Défav T. Fav Fav Moy Défav

𝐼𝑆 Indice de ségrégation 0,1948 0,0906 0,1377 0,1753 0,3215 0,1614 0,1095 0,2691 0,1950 0,0899 0,012 0,1782
𝐼𝑆(𝑎𝑑𝑗) Indice de ségrégation ajusté avec une matrice de 0,1152 0,0560 0,0862 0,1259 0,1254 0,0367 0,0493 0,1124
contiguïté binaire
𝐼𝑆(𝑤) Indice de ségrégation ajusté avec la longueur de la 0,1569 0,0733 0,1126 0,1518 0,1642 0,0645 0,0705 0,1472
frontière commune entre les unités spatiales i et j
𝐼𝑆(𝑠) Indice de ségrégation ajusté avec la longueur de la 0,1837 0,0857 0,1304 0,1683 0,1839 0,0807 0,0830 0,1671
frontière commune entre les unités spatiales i et j
et le ratio périmètre/aire
𝐻 Indice d’entropie 0,0476 0,0086 0,0201 0,0308 0,0947 0,0300 0,0131 0,0792 0,0466 0,0111 0,0091 0,0386
𝐺 Indice de Gini 0,2700 0,1292 0,1918 0,2426 0,4304 0,2273 0,1542 0,3716 0,2782 0,1319 0,1296 0,2528
𝐴(0,1) Indice d’Atkinson avec b=0,1 0,0163 0,0028 0,0060 0,0095 0,0452 0,0109 0,0039 0,0224 0,0171 0,0039 0,0028 0,0109
𝐴(0,5) Indice d’Atkinson avec b=0,5 0,0694 0,0135 0,0303 0,0477 0,1657 0,0485 0,0190 0,1114 0,0728 0,0174 0,0136 0,0565
𝐴(0,9) Indice d’Atkinson avec b=0,9 0,1092 0,0239 0,0556 0,0873 0,2485 0,0787 0,0341 0,1991 0,1155 0,0296 0,0248 0,1062
𝑥𝑃𝑥 Indice d’isolement 0,4410 0,2094 0,2326 0,2015 0,2264 0,2486 0,3119 0,3804 0,3142 0,2624 0,2543 0,2562
𝐸𝑡𝑎2 Indice d’isolement ajusté 0,0588 0,0085 0,0221 0,0308 0,0777 0,0291 0,0160 0,0994 0,0498 0,017 0,0103 0,0446
𝐷𝐸𝐿 Indice Delta 0,4395 0,4323 0,3916 0,4257 0,6022 0,5469 0,5465 0,5903 0,4296 0,3580 0,3181 0,3263
𝐴𝐶𝑂 Indice de concentration absolue 0,6046 0,6829 0,6285 0,6864 0,7388 0,6569 0,6198 0,6857 0,6667 0,6265 0,8993 0,6069
𝐴𝐶𝐿 Indice de regroupement absolu 0,1588 0,0654 0,035 0,0682 0,1290 0,0947 0,0756 0,0667
𝑃𝑥𝑥 Mesure de la proximité moyenne 4,5936 4,6933 4,8101 4,6856 4,9565 5,3461 5,3979 5,2195 2,9034 3,2017 3,3802 3,5221
𝑃𝑥𝑥 exp(𝑑𝑖𝑗Mesure
) de la proximité moyenne (exp dij) 0,0626 0,0627 0,0587 0,0641 0,0728 0,0565 0,0523 0,0582 0,1296 0,1114 0,1021 0,0971
𝐷𝑃𝑥𝑥 Indice d’isolement linéaire 0,3981 0,1957 0,2109 0,1782 0,1926 0,2272 0,3019 0,3537 0,2987 0,2498 0,2493 0,2298
Tableau 1-9 : Indices unigroupes sur les villes de Paris, Marseille et Lyon
Source : Insee, RP 2012 (calculs réalisés par l’auteur)

36
Paris Marseille Lyon
Abréviation Nom
Très favorisées Défavorisées Très favorisées Défavorisées Très favorisées Défavorisées
𝐼𝐷 Indice de dissimilarité Très favorisées 0,2533 0,4376 0,2703
Défavorisées 0,2533 0,4376 0,2703
𝐼𝐷(𝑎𝑑𝑗) Indice de dissimilarité Très favorisées 0,1737 0,2006
ajusté avec une matrice de Défavorisées 0,1737 0,2006
contiguïté binaire
𝐼𝐷(𝑤) Indice de dissimilarité Très favorisées 0,2154 0,2395
ajusté avec la longueur de Défavorisées 0,2154 0,2395
la frontière commune entre
les unités spatiales i et j
𝐼𝐷(𝑠) Indice de dissimilarité Très favorisées 0,2422 0,2591
ajusté avec la longueur de Défavorisées 0,2422 0,2591
la frontière commune entre
les unités spatiales i et j et
le ratio périmètre/aire
𝑆 Analyse centrographique Très favorisées 0,2453 0,4178 0,3184
Défavorisées 0,2453 0,4178 0,3184
𝑥𝑃𝑦 Indice d’exposition Très favorisées 0,1588 0,2371 0,1944
Défavorisées 0,3660 0,1225 0,2443
𝑅𝐶𝑂 Indice de concentration Très favorisées -0,1294 -0,1795 -0,2101
relative Défavorisées -0,1294 -0,1795 -0,2101
𝑃𝑥𝑦 Mesure de la proximité Très favorisées 4,7170 5,4190 3,2662
moyenne intergroupe Défavorisées 4,7170 5,4190 3,2662
𝑃𝑥𝑦 exp(𝑑𝑖𝑗 ) Mesure de la proximité Très favorisées 0,0649 0,0507 0,1114
moyenne intergroupe (exp Défavorisées 0,0551 0,0585 0,1023
dij)
𝑆𝑃 Indice de proximité Très favorisées 1,0230 1,0839 1,0287
spatiale Défavorisées 1,0230 1,0839 1,0287
𝑅𝐶𝐿 Indice d’agrégation Très favorisées -0,0236 0,2504 0,3341
relative Défavorisées 0,0241 -0,2003 -0,2504
𝐷𝑃𝑥𝑦 Indice d’interaction Très favorisées 0,1706 0,2836 0,2263
linéaire Défavorisées 0,3675 0,1443 0,2557
Tableau 1-10 : Indices intergroupes sur les villes de Paris, Marseille et Lyon
Source : Insee, RP 2012 (calculs réalisés par l’auteur)

37
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Pour chacune des différentes catégories de population dans chaque ville, les indices ne
mentionnent pas de ségrégation extrême des groupes. Certains, comme l’indice d’entropie, les
indices d’Atkinson ou l’indice d’isolement ajusté ne rapportent quasiment aucun groupe de
population ségrégé dans aucune ville. Si nous nous intéressons aux indices les plus élevés,
l’indice de concentration absolue montre, que ce soit à Paris, Marseille ou Lyon, que chacune
des catégories de population a tendance à occuper l’espace de façon relativement dense. Cette
notion de concentration des populations homogènes est également confirmée par l’indice
Delta, tout particulièrement dans le cas de Marseille.
Comme pour les indices unigroupes, les indices intergroupes permettent de mettre en avant
l’existence d’une ségrégation résidentielle des différentes catégories sociales d’individus, bien
que les indices mesurés ne prennent pas de valeurs extrêmement élevées.

Abréviation Nom Paris Marseille Lyon


Indice de dissimilarité
𝐷 0,1539 0,2075 0,1388
multigroupe (D)
Indice de Gini
𝐺 0,2141 0,2859 0,1985
Multigroupe (G)
Indice d’entropie
𝐻 0,0330 0,0633 0,0320
multrigroupe (H)
Indice de variation au
𝐶 0,0281 0,0557 0,0291
carré (C)
Indice de dissimilarité
𝑆𝐷 0,1164 0,0966
spatiale (SD)
Analyse centrographique
𝑆 0,2600 0,4523 0,3225
(S)
Indice d’exposition
𝑃 0,0358 0,0549 0,0293
normalisé (P)
Indice de diversité
𝑅 0,0332 0,0548 0,0292
relative (R)
Tableau 1-11 : Indices multigroupes sur les villes de Paris, Marseille et Lyon
Source : Insee, RP 2012 (calculs réalisés par l’auteur)

Tout comme précédemment, l’analyse des indices multigroupes montre l’existence d’une
ségrégation légère entre CSP dans les trois villes. Toutefois, l’ampleur de ces indices est à
relativiser par rapport au contexte français. Nous avons montré dans la première partie de
cette section que la ségrégation en France était de bien moindre ampleur qu’aux États-Unis.
Cependant, les aires métropolitaines américaines sont considérées comme hyper-ségrégées
lorsque quatre des cinq indices de mesure dépasse 0,60, ce qui n’était le cas en 2000 que pour
29 des 915 aires métropolitaines américaines (Iceland et Weinberg, 2002). Il est donc plutôt
logique qu’en France, l’ampleur des coefficients des indices de ségrégation puisse paraître
faible.

38
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

L’observation de ces indices a-spatiaux nous permet déjà de dire qu’il existe une ségrégation
des individus dans la ville en fonction de leur catégorie sociale. Cependant, il ressort que
Marseille, avec des indices systématiquement plus élevés, connait très vraisemblablement une
ségrégation plus importante, alors que Paris et Lyon peuvent être considérées comme des
villes relativement proches. Cependant, il est nécessaire de s’intéresser à la version spatiale
des indices de ségrégation afin d’identifier de potentiels marquages importants des villes.
Pour cela, les ensembles de cartes 1-1 pour Paris, 1-2 pour Marseille et 1-3 pour Lyon,
représentent les résultats des quotients de localisation de chacun des groupes. Les indices pour
les CSP très favorisées sont systématiquement visibles en haut à gauche, les CSP favorisées
en haut à droite, les CSP intermédiaires en bas à gauche et enfin les CSP défavorisées en bas à
droite. Les zones allant du vert au jaune se caractérisent par une sous-représentation de la
catégorie à l’échelle de l’Iris, alors que les Iris allant de l’orange au rouge montrent une
surreprésentation graduelle de la catégorie (cependant l’échelle de valeur peut varier selon la
catégorie de ménage et la ville concernée).

Les résultats des indices d’entropie et de la typologie de Poulsen sont disponibles en


annexe 1-3, leur interprétation étant beaucoup moins fine que celle permise par les quotients
de localisation.

Paris
L’analyse de l’ensemble de cartes 1-1 permet d’attester plus clairement la présence d’une
ségrégation dans la commune parisienne. En effet, la surreprésentation d’une catégorie est
systématiquement associée à une forte sous-représentation des autres catégories, et en
particulier lorsque nous considérons la situation géographique des ménages très favorisés et
défavorisés. Nous mettons en avant à travers ces quotients de localisation un schéma, certes
réducteur, avec une opposition centre-périphérie, les ménages les plus favorisés étant localisés
au centre, et les plus défavorisés en périphérie. Plus précisément, sur la première carte, nous
observons une surreprésentation des ménages très favorisés dans les quartiers centraux et à
l’Ouest de la ville, tout autour de la Seine. Il s’agit, en effet, des quartiers les plus « huppés »
de Paris. Les ménages favorisés sont surreprésentés dans les quartiers du Nord et de l’Est
parisien. Les ménages dits « intermédiaires » ont une répartition plus hétérogène bien que
nous puissions tout de même mettre en avant leur présence forte sur l’ensemble du pourtour
de la capitale. La situation des Bois de Vincennes et de Boulogne (respectivement les
appendices visibles à l’Est et à l’Ouest) est très particulière. Il s’agit de très larges zones

39
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

boisées, avec très peu de bâti et donc d’habitants. Il semblerait pourtant que le nombre très
restreint de ménages dans ces Iris soient de CSP intermédiaires voire défavorisées. Le schéma
de localisation des ménages défavorisés apparait très clairement être l’opposé de celui des
ménages très favorisés, avec une localisation très périphérique et dans le Nord-Est parisien.
Ces quartiers, réputés très populaires, sont aujourd’hui en partie ré-accaparés par les
populations plus aisées dans une forme de processus de gentrification comme l’atteste la
présence simultanée des ménages défavorisés et favorisés dans certains Iris de l’Est parisien.

Marseille
Alors que le schéma parisien fait clairement apparaitre une ségrégation avec une opposition
centre-périphérie, la configuration marseillaise semble dans un premier temps plus aléatoire.
Pour autant, il est clairement visible que les ménages les plus favorisés sont majoritairement
présents dans les Iris du centre historique de la ville, ainsi que sur les Iris moins denses du
Nord-Est, à proximité des communes prisées de la région marseillaise. Les ménages favorisés
sont également fortement présents dans ces quartiers limitrophes, mais également un peu
partout dans la ville. Comme pour les ménages les plus favorisés, seuls les quartiers Nord et
les Calanques (ces dernières étant non-urbanisées) connaissent une sous-représentation des
ménages les plus favorisés. Nous pouvons noter que les ménages intermédiaires et défavorisés
sont très fortement sous-représentés dans les quartiers historiques et centraux. De plus, le fait
marquant de cette analyse est le cantonnement quasi-absolu des ménages les plus défavorisés
dans les quartiers Nord, corroborant ainsi la réputation de pauvreté de cette zone. Encore une
fois, il est possible d’identifier une ségrégation marquée entre ménages favorisés et
défavorisés, la surreprésentation de l’un dans une zone entraînant de manière systématique la
sous-représentation de l’autre dans cette même zone.

Lyon
Tout comme pour les deux villes précédentes, Lyon présente également une structure
ségrégée, avec cette fois une opposition de type Nord-Sud. Les ménages les plus favorisés
sont localisés dans les arrondissements les plus prisés et en particulier dans le 6ème à
proximité du parc de la Tête d’Or, mais également dans les quartiers du cœur historique de
Lyon. L’opposition avec les ménages intermédiaires et défavorisés est très nette : ils sont, en
effet, sous-représentés dans les quartiers mentionnés précédemment, mais également
surreprésentés dans les quartiers plus périphériques et de développement récent et populaire,
dans les 7ème et 8ème arrondissements.

40
Cartes 1-1 : Quotients de localisation – Paris

41
42
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Cartes 1-13 : Quotients de localisation - Lyon

L’analyse des indices de ségrégation spatialisés permet de mieux identifier la ségrégation déjà
mise en évidence par les indices a-spatiaux. Ainsi, les trois plus grandes villes françaises ont
bien une structure ségrégée, certains quartiers étant principalement occupés par des ménages
aisés, et d’autres généralement géographiquement éloignés, par les ménages plus modestes.

Comme nous le précisions plus tôt dans cette section, nous avons pour ambition d’étendre
l’analyse aux villes voisines. En effet, la prise en compte de ces territoires risque de faire
apparaître des disparités spatiales encore plus marquées, les grands ensembles, aujourd’hui
soumis le plus aux tensions sociales, étant principalement localisés dans les communes

43
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

périphériques des grandes villes. Cependant, nous avons déjà ici fait apparaître une structure
ségrégée dans trois villes pourtant bien différentes, que ce soit en termes de géographie, de
population ou encore de contexte socio-économique. La question que nous nous posons alors
est : comment expliquer la formation de cette ségrégation qui semble inéluctable dans les
grandes villes ? En économie, la réponse à cette question se trouve dans les choix de
localisation des individus. Nous expliciterons donc l’apport de l’économie à la compréhension
de l’apparition de la ségrégation à travers les modèles d’économie urbaine présentés dans les
sections suivantes.

SECTION 2 – L’explication de la ségrégation par l’économie urbaine et les modèles de


localisation

Nous avons montré dans la section précédente que, comme aux États-Unis, les grandes villes
françaises connaissent une différenciation de leur espace selon différents groupes de
population. Pourquoi ménages aisés et défavorisés, blancs et noirs, ne vivent pas dans les
mêmes quartiers ? Pour répondre à cela, il est nécessaire de se poser la question de la
formation des villes et l’organisation des ménages en leur sein. Ainsi, pour comprendre les
mécanismes conduisant à la ségrégation, il est nécessaire de se référer aux fondamentaux de
l’économie urbaine : les modèles de localisation. Dans un premier temps, nous présentons le
modèle de base inspiré des travaux de Von Thünen (1826) et développé par Alonso (1964),
Muth (1969) et Mills (1972) dans sa version de Fujita (1989) (§1). Après avoir considéré les
choix résidentiels de ménages homogènes dans un espace homogène, nous nous intéressons
plus particulièrement aux explications de la ségrégation en considérant les situations de
populations différenciées, puis d’espace différencié (§2). Nous nous attardons également sur
l’importance des biens publics locaux dans les choix résidentiels des ménages (§3).

1. Le modèle standard de localisation résidentielle

Ce modèle standard en économie urbaine a pour objectif de modéliser la manière dont les
ménages réalisent leur choix de localisation dans un contexte urbain simplifié, avant de
s’intéresser à l’organisation de ces différents choix menant à la construction de la ville. Dans
un premier temps, nous nous intéressons à la modélisation des choix individuels, avant de
considérer dans un second temps, l’équilibre urbain résultant de la prise en compte des choix
des différents ménages.

44
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

1.1. Le modèle de choix résidentiel

Ce modèle considère les décisions de lieu de résidence des ménages dans le cadre urbain
simplifié suivant (Fujita, 1989 ; Fujita et Thisse, 2003) :
 La ville est monocentrique et toutes les activités sont localisées de façon exogène au
centre-ville, appelé Central Business District (CBD).
 Le système de transport est libre de toute congestion, et l’utilisation des transports se
limite aux déplacements domicile-travail.
 La terre est une plaine monotone où toutes les parcelles sont identiques. Cet espace
urbain n’a pas de bien public ou d’externalité. Chaque localisation est donc uniquement
caractérisée par sa distance au CBD, notée 𝑥.
 Une seule catégorie d’agent est présente dans la ville : les ménages, dont les
caractéristiques et les préférences sont homogènes. Ils sont parfaitement mobiles, il
n’existe aucun coût ni délai de réaffectation de l’espace.
Dans ce contexte, chaque ménage va choisir un lieu de résidence en fonction d’un arbitrage
effectué entre prix du foncier (associé à la taille du logement) et coût de transport pour se
rendre au centre d’emploi. En fonction de cet arbitrage, les ménages ont pour objectif, comme
dans tout cadre microéconomique standard, de maximiser leur utilité sous contrainte de
budget. Cette utilité se définit par la fonction 𝑈(𝑧, 𝑠) où 𝑧 représente la quantité de bien
composite (choisi comme numéraire au prix unitaire) et 𝑠 la consommation de sol qui peut
être assimilée à la taille du logement. Chaque ménage perçoit un revenu fixe 𝑌 qu’il dépense
en consommation du bien composite, en logement à travers un loyer 𝑅(𝑟) par unité de sol 𝑟,
et en coût de transport 𝑇(𝑟). Le choix résidentiel du ménage s’exprime alors comme le
problème d’optimisation suivant1 :

max 𝑈(𝑧, 𝑠) 𝑠. 𝑐. 𝑧 + 𝑅(𝑟)𝑠 = 𝑌 − 𝑇(𝑟) (1.1)


𝑟,𝑧,𝑠

Où 𝑟 ≥ 0, 𝑍 > 0, 𝑠 > 0 . Deux hypothèses classiques en microéconomie sont alors


introduites :

1
Il est également possible de considérer le problème réciproque de minimisation des dépenses suivant :
min𝑧,𝑠 𝑧 + 𝑅𝑠 𝑠. 𝑐. 𝑈(𝑧, 𝑠) = 𝑢 ou de manière équivalente min𝑧,𝑠 𝑧 + Ψ(𝑟, 𝑢)𝑠 𝑠. 𝑐. 𝑈(𝑧, 𝑠) = 𝑢 , dont la
résolution reste la même.

45
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Hypothèse 1 : la fonction d’utilité est continue et croissante pour tout 𝑧 > 0 et 𝑠 > 0 ;
toutes les courbes d’indifférences sont strictement convexes et lisses, et ne coupent pas
les axes (Figure 1.1)
Hypothèse 2 : le coût de transport 𝑇(𝑟) est continu et croissant pour tout 𝑟 ≥ 0, où
0 ≤ 𝑇(0) < 𝑌 et 𝑇(∞) = ∞.

Figure 1.1 : L’espace de consommation et les courbes d’indifférence


Source : Fujita (1989)

Dans ce cadre, l’équation de la courbe d’indifférence peut être exprimée par l’équation (1.2)
qui représente la quantité de bien composite nécessaire pour atteindre le niveau d’utilité 𝑢
pour une taille du logement 𝑠.
𝑧 = 𝑍(𝑠, 𝑢) (1.2)

Avec 𝑍(𝑠, 𝑢) le résultat de la résolution de 𝑢 = 𝑈(𝑧, 𝑠) pour 𝑧.

À partir de cet arbitrage, les ménages vont déterminer leur localisation d’équilibre, via le
concept central de rente d’enchère. Cette dernière, notée Ψ(𝑟, 𝑢), est la rente maximale par
unité de terre que le ménage peut payer pour résider à une distance 𝑟 du CBD, tout en
profitant d’un niveau d’utilité fixe 𝑢. Ainsi, les rentes d’enchères peuvent s’assimiler à des
courbes d’indifférence définies dans l’espace urbain. Dans le contexte du modèle de base, la
rente d’enchère peut être mathématiquement exprimée comme :

𝑌 − 𝑇(𝑟) − 𝑍
Ψ(𝑟, 𝑢) = max { | 𝑈(𝑧, 𝑠) = 𝑢} (1.3)
𝑧,𝑠 𝑠

46
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Où 𝑌 − 𝑇(𝑟) − 𝑍 est le revenu disponible pour la rente, et 𝑌 − 𝑇(𝑟) − 𝑍/𝑠 représente la rente
par unité de terre à 𝑟. Il est également possible, à partir de l’équation (1.2), d’intégrer la
contrainte et d’obtenir ainsi le problème de maximisation non-contraint suivant :

𝑌 − 𝑇(𝑟) − 𝑍(𝑠, 𝑢)
Ψ(𝑟, 𝑢) = max
𝑠 𝑠 (1.4)

En résolvant indifféremment l’équation (1.3) ou (1.4), nous obtenons la taille de logement


optimale qui maximise la rente 𝑆(𝑟, 𝑢), autrement appelée bid-max lot size.
Graphiquement, la rente d’enchère 𝛹(𝑟, 𝑢) est donnée par la pente de la droite de budget à la
distance 𝑟 qui est tangente à la courbe d’indifférence 𝑢, comme nous pouvons le voir sur la
figure 1-2. La taille de logement associée est obtenue au point de tangence B.

Figure 1-2 : Rente d’enchère 𝜳(𝒓, 𝒖) et taille de logement 𝑺(𝒓, 𝒖)


Source : Fujita (1989)

Notons que dans le problème de maximisation de l’équation (1.3) la fonction (𝑌 − 𝑇(𝑟) −


𝑍(𝑠, 𝑢))/𝑠 est maximisée en 𝑠, au point où le changement marginal de la fonction par rapport
à 𝑠 est nul, nous amenant à la condition suivante :

𝜕𝑍(𝑠, 𝑢) 𝑌 − 𝑇(𝑟) − 𝑍(𝑠, 𝑢)


− = (1.5)
𝜕𝑠 𝑠

La résolution de cette équation pour 𝑠 permet d’obtenir la fonction de bid-max lot size,
𝑆(𝑟, 𝑢). A l’optimum, le terme de droite de l’équation (1.4) est égal à Ψ(𝑟, 𝑢), la condition
(1.5) peut donc être réécrite comme :

47
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

𝜕𝑍(𝑠, 𝑢)
− = Ψ(𝑟, 𝑢) (1.6)
𝜕𝑠

Les fonctions mobilisées précédemment présentent les propriétés suivantes :


i. la rente d’enchère Ψ(𝑟, 𝑢) est continue et décroissante en 𝑟 et en 𝑢 (décroissante
jusqu’à ce que Ψ devienne nul) ;
ii. la taille de logement associée 𝑆(𝑟, 𝑢) est continue et croissante en 𝑟 et en 𝑢 (croissante
jusqu’à ce que 𝑆 devienne infini) ;
iii. si la fonction de coût de transport est linéaire ou concave avec la distance, alors les
courbes de rente d’enchère sont strictement convexes.
A partir de ces fonctions de rente d’enchère, il est possible de déterminer la localisation
d’équilibre du ménage. Cette dernière est la localisation à laquelle une courbe de rente
d’enchère est tangente à la courbe de rente de marché.

Figure 1-3 : Détermination de l’équilibre de localisation


Source : Fujita (1989)

Ainsi, sachant la courbe de rente de marché 𝑅(𝑟), 𝑢∗ est l’utilité d’équilibre du ménage, et 𝑟 ∗
est la localisation optimale si et seulement si :

𝑅(𝑟 ∗ ) = Ψ(𝑟 ∗ , 𝑢∗ ) 𝑒𝑡 𝑅(𝑟) ≥ Ψ(𝑟, 𝑢∗ ) ∀𝑟 (1.7)

La courbe de rente d’enchère d’équilibre est notée Ψ(𝑟, 𝑢∗ ). Le fait que les deux courbes
soient tangentes en 𝑟 ∗ implique que :

𝜕Ψ(𝑟 ∗ , 𝑢∗ )
= 𝑅 ′ (𝑟 ∗ ) (1.8)
𝜕𝑟

48
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

La taille de logement optimale en 𝑟 ∗ , quant à elle, est, par définition, la demande


Marshallienne de sol, 𝑠̂ (𝑅(𝑟 ∗ ), 𝑌 − 𝑇(𝑟 ∗ )), et correspond également à la fonction bid-max lot
size 𝑆(𝑟 ∗ , 𝑢∗ )
𝑠̂ (𝑅(𝑟 ∗ ), 𝑌 − 𝑇(𝑟 ∗ )) = 𝑆(𝑟 ∗ , 𝑢∗ ) (1.9)

A l’équilibre les ménages n’ont aucune incitation à déménager, car le coût de transport
marginal égalise l’économie de coût marginal de sol réalisée, soit :

𝑇 ′ (𝑟 ∗ ) = −𝑅 ′ (𝑟 ∗ )𝑆(𝑟 ∗ , 𝑢∗ ) (1.10)

Cela signifie que, à l’équilibre résidentiel, toute modification des coûts fonciers tels qu’ils
ressortent de la consommation foncière maximisant l’utilité, est composée par un changement
équivalent des coûts de déplacement. En effet, si cette condition (1.10), appelée « condition
de Muth » n’était pas respectée, le ménage pourrait atteindre un niveau d’utilité plus élevé en
déménageant plus près du CBD si 𝑇 ′ (𝑟 ∗ ) > −𝑅 ′ (𝑟 ∗ )𝑆(𝑟 ∗ , 𝑢∗ ) , ou plus loin si 𝑇 ′ (𝑟 ∗ ) <
−𝑅 ′ (𝑟 ∗ )𝑆(𝑟 ∗ , 𝑢∗ ).
Ainsi, chaque ménage cherche à maximiser son utilité en choisissant un lieu de résidence sur
la base d’un arbitrage entre taille du logement et accessibilité au centre d’emploi. Certains
seront alors prêts à renoncer à un logement de taille importante pour se trouver plus proche du
centre d’emploi, alors que d’autres préféreront un logement de surface plus importante quitte
à subir un coût de transport plus important. Sur cette base, il convient ensuite de déterminer,
comment ces choix individuels s’organisent pour former la ville.

1.2. L’équilibre urbain

L’organisation des décisions individuelles des ménages pour former une ville correspond à la
caractérisation de l’équilibre urbain.

Reformulation des fonctions de rente d’enchère


Pour cela, il est tout d’abord nécessaire de reformuler les fonctions de rentes d’enchère. En
effet, dans l’équation (1.3), la rente d’enchère est définie comme une fonction de la distance
et du niveau d’utilité. Cependant, cette expression n’est pas réellement adaptée lorsque le
revenu n’est pas fixe comme c’est le cas dans l’étude de l’équilibre et de l’optimum de

49
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

l’usage des sols. Il est alors plus pratique d’exprimer la rente d’enchère en fonction du revenu
net (𝐼) et du niveau d’utilité (𝑢) :

𝐼−𝑧
𝜓(𝐼, 𝑢) = max { | 𝑈(𝑧, 𝑠) = 𝑢} (1.11)
𝑧,𝑠 𝑠
Ou encore :
𝐼 − 𝑍(𝑠, 𝑢)
𝜓(𝐼, 𝑢) = max (1.12)
𝑠 𝑠

La résolution de l’une ou l’autre des équations (1.11) ou (1.12) permet d’obtenir la taille de
logement maximisant la rente, ou fonction bid-max lot size, 𝑠(𝐼, 𝑢) comme une fonction du
revenu net I et du niveau d’utilité 𝑢.
Par rapport à ce que nous avons montré précédemment et pour faire la distinction, Ψ(𝑟, 𝑢) et
𝑆(𝑟, 𝑢) sont appelées fonctions d’Alonso, et 𝜓(𝐼, 𝑢) et 𝑠(𝐼, 𝑢) les fonctions de Solow et sont
liées de la façon suivante :

Ψ(𝑟, 𝑢) ≡ 𝜓(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢) (1.13)

𝑆(𝑟, 𝑢) ≡ 𝑆(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢) (1.14)

Ces nouvelles fonctions de rentes d’enchère et de taille de logement sont caractérisées par les
propriétés suivantes :
i. la rente d’enchère 𝜓(𝐼, 𝑢) est continument croissante en 𝐼 et continument décroissante
en 𝑢 (jusqu’à ce que 𝜓 devienne nul)
ii. la bid-max lot size 𝑠(𝐼, 𝑢) est continument décroissante en 𝐼 et continument croissante
en 𝑢 (jusqu’à ce que 𝑠 devienne infini)

A partir de ces reformulations, il est maintenant possible de déterminer l’équilibre urbain,


c’est-à-dire l’équilibre d’usage des sols. Le sol peut être utilisé à deux fonctions, le logement
ou l’agriculture, dont l’état d’équilibre est alors décrit comme « a state of the urban system
that shows no propensity to change » (Fujia, 1989, p. 54). Derrière cette notion, se trouve le
concept central de marché foncier compétitif, qui permet d’assurer que tous les agents,
ménages et propriétaires fonciers ont une information parfaite sur les rentes foncières en tout
point, qu’ils prennent comme données. « Under these idealized conditions, an equilibrium

50
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

land use describes a situation in which the land market clears everywhere and in which no
household or land owner is motivated to annul prior decisions » (Fujita, 1989, p. 53).
Dans ce cadre, quatre types de modèles peuvent être spécifiés, selon que la ville est ouverte
ou fermée et selon que le propriétaire foncier est absent ou public. Dans une ville fermée, la
population est exogène et la ville n’est pas formée à travers un équilibre spatial avec le monde
extérieur (Brueckner, 1987). Alors que dans la ville ouverte, la population est endogène et les
ménages sont supposés être en mesure de se déplacer gratuitement entre les frontières de la
ville.
La distribution du sol dans la ville est donnée par la fonction 𝐿(𝑟), qui est continue pour tout
𝑟 ≥ 0 et positive à chaque 𝑟 > 0. Nous supposons également que 𝐿(𝑟) est continuellement
différentiable en 𝑟. Le sol qui n’est pas occupé par les ménages est utilisé pour l’agriculture, à
rente constante 𝑅𝐴 . Nous ne présenterons ici que le cas de la ville fermée avec les
propriétaires fonciers absents (autrement appelé modèle CCA 2 ), les autres modèles étant
disponibles en annexe 1-4. Le modèle CCA est, en effet, le cas standard de l’analyse de
l’équilibre urbaine, mais également le plus utilisé. De plus, bien que les modélisations
diffèrent légèrement entre les quatre modèles, les schémas d’utilisation des sols sont
principalement les mêmes.

Détermination de l’équilibre du modèle CCA


La ville est composée de 𝑁 ménages identiques percevant un revenu 𝑌, et agissant selon le
modèle de base présenté précédemment. Tous les ménages sont supposés identiques, et
doivent donc à l’équilibre atteindre le même niveau d’utilité maximum indépendamment de
leur localisation, utilité d’équilibre notée, 𝑢∗ . Posons 𝑅(𝑟) la courbe de rente de marché
prévalant à l’équilibre.

𝑢∗ = max 𝑉(𝑅(𝑟), 𝑌 − 𝑇(𝑟)) (1.15)


𝑟

Ainsi, l’utilité d’équilibre est l’utilité maximale atteignable dans la ville selon la courbe de
rente de marché.
Notons 𝑛(𝑟) la distribution des ménages à l’équilibre et supposons 𝑛(𝑟) > 0. La condition
d’équilibre de localisation individuelle requiert les relations suivantes entre courbe de rente de
marché et courbe de rente d’enchère d’équilibre :

2
Pour Closed-City under Absentee landownership

51
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

𝑅(𝑟) = 𝜓(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ ) 𝑠𝑖 𝑛(𝑟) > 0 (1.16)

𝑅(𝑟) ≥ 𝜓(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ ) ∀𝑟 (1.17)

De façon similaire, l’équilibre de l’activité agricole requiert que :

𝑅(𝑟) = 𝑅𝐴 dans la zone agricole (1.18)

𝑅(𝑟) ≥ 𝑅𝐴 ∀𝑟 (1.19)

Tout le sol doit être occupé par du logement ou de l’agriculture et il découle de (1.16)-(1.19)
que :
𝑅(𝑟) = max{𝜓(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ ), 𝑅𝐴 } ∀𝑟 (1.20)

Ainsi, à chaque localisation, la rente foncière de marché coïncide avec le maximum de la


rente d’enchère d’équilibre et de la rente agricole.

Figure 1-4 : Schéma d’usage des sols d’équilibre compétitif


Source : Fujita (1989)

Graphiquement cela signifie que la courbe de rente foncière de marché égalise l’enveloppe
supérieure de la courbe de rente d’enchère d’équilibre et de la droite de rente agricole.
Comme la courbe de rente d’enchère est décroissante avec la distance, cela implique que :

𝜓(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ ) pour 𝑟 ≤ 𝑟𝑓


𝑅(𝑟) = { (1.21)
𝑅𝐴 pour 𝑟 ≥ 𝑟𝑓

52
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Avec 𝑟𝑓 la distance à la frange urbaine (ou limite de la ville). À l’équilibre, chaque


localisation est occupée par l’activité ayant la plus haute rente d’enchère (d’équilibre).
À chaque distance 𝑟 ≤ 𝑟𝑓 , la taille de logement d’équilibre 𝑠(𝑟) pour chaque ménage coïncide
avec celle qui maximise l’enchère 𝑠(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ ) :

𝑠(𝑟) = 𝑠(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ ) pour 𝑟 ≤ 𝑟𝑓 (1.22)

Puisqu’aucune terre n’est laissée vacante à tout 𝑟 < 𝑟𝑓 :

𝐿(𝑟) = 𝑛(𝑟)𝑠(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ ) (1.23)

La distribution d’équilibre des ménages est donnée par :

𝐿(𝑟)
pour 𝑟 ≤ 𝑟𝑓
𝑛(𝑟) = {𝑠(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ ) (1.24)
0 pour 𝑟 > 𝑟𝑓

Puisque 𝑁 ménages résident dans la ville, la contrainte de population est donnée par :

𝑟𝑓
𝐿(𝑟)
𝑁=∫ 𝑑𝑟 (1.25)
0 𝑠(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ )

En résumé, 𝑅(𝑟), 𝑛(𝑟), 𝑠(𝑟), 𝑢∗ et 𝑟𝑓 représentent ensemble un équilibre d’utilisation des sols
pour le modèle CCA si et seulement si les conditions (1.21)-(1.25) sont satisfaites. Les deux
vraies inconnues sont l’utilité d’équilibre 𝑢∗ et la distance à la frange, 𝑟𝑓 . Elles peuvent être
déterminées à partir de l’équation (1.25) et de la fonction de rente de frontière suivante
dérivée de (1.21)
𝑅𝐴 = 𝜓(𝑌 − 𝑇(𝑟𝑓 ), 𝑢∗ ) (1.26)

La courbe de rente d’enchère d’équilibre étant décroissante avec 𝑟 , nous déduisons de


l’équation (1.21) que la courbe de rente de marché 𝑅(𝑟) est nécessairement décroissante en 𝑟
jusqu’à la frange urbaine. Notons, 𝜌(𝑟) la densité de ménages à la distance 𝑟. Alors d’après
l’équation (1.24), nous avons la relation suivante :

53
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

1
𝑛(𝑟) 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑟 ≤ 𝑟𝑓 (1.27)
𝜌(𝑟) = = { 𝑠(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ )
𝐿(𝑟)
0 𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑟 > 𝑟𝑓

𝑠(𝑌 − 𝑇(𝑟), 𝑢∗ ) étant croissante en 𝑟, la courbe de densité de ménage est décroissante en 𝑟


jusqu’à la frange urbaine.
Ainsi, l’équilibre urbain se caractérise par une taille de ville (la distance à la frange), le prix
du foncier et la taille des logements à chaque distance du centre, la distribution des ménages
dans la ville. L’existence et l’unicité de cet équilibre sont prouvés dans l’annexe 1-5.

Effets d’une variation des différents paramètres sur l’équilibre urbain


Intéressons-nous maintenant aux effets de changement des différents paramètres sur
l’équilibre urbain de la ville monocentrique. L’ensemble des effets possibles, une
augmentation de la rente agricole, de la population, du revenu ou encore une diminution du
coût de transport marginal, ont été résumés dans le tableau 1-12.

VARIATION DES PARAMÈTRES

↑ 𝒅𝒆 𝑹𝑨 ↑ 𝒅𝒆 𝑵 ↓ 𝒅𝒆 𝑻′ (𝒓) ↑ 𝒅𝒆 𝒀

Rapprochement Éloignement du Rapprochement


𝒓𝒇 Rapprochement vers le CBD
vers le CBD CBD vers le CBD
𝒖∗ Diminution Diminution Augmentation Augmentation
Si 𝐿(𝑟)⁄𝑇 ′ (𝑟) Si 𝐿(𝑟)⁄𝑇 ′ (𝑟)
Si 𝐿(𝑟)⁄𝑇 ′ (𝑟)
est croissant est constant
est décroissant
EFFETS SUR Diminution
Alors Alors Alors
LES VALEURS proche du CBD
𝑹(𝒓) Augmentation Augmentation Diminution Augmentation Augmentation
D’ÉQUILIBRE et augmentation
près du CBD
en périphérie
et
augmentation
en périphérie
Augmentation
𝑺(𝒓, 𝒖∗ ) Diminution Diminution Augmentation proche du CBD
proche du CBD
Avec 𝑅𝐴 , le prix des terres agricoles ; 𝑁, la taille de la population, 𝑌, le revenu, 𝑟𝑓 la taille de la ville, 𝑢∗ , l’utilité, 𝑅(𝑟), le
prix du foncier dans la ville, 𝑆(𝑟, 𝑢∗ ) la taille de logement et 𝐿(𝑟)⁄𝑇 ′ (𝑟), le rapport de la fonction de distribution de
sol sur le coût marginal de transport. Concernant ce dernier rapport, dans la plupart des villes la quantité de sol
𝐿(𝑟) est croissant et le coût marginal 𝑇 ′ (𝑟) décroissant avec la distance au centre, le cas est donc le plus
susceptible de se produire.
Tableau 1-12 : Variation des valeurs d’équilibre selon la modification du paramètre

54
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

En résumé, avec l’augmentation de la rente agricole, la courbe de rente de marché va


augmenter en tout point et donc la consommation de sol diminuer. L’augmentation de la
population engendre une augmentation de la demande pour le sol résidentiel, qui va à son tour
augmenter la rente foncière et ainsi repousser la limite de la ville. Une diminution du coût de
transport va entrainer le déménagement de certains ménages du centre vers la périphérie,
repoussant ainsi la frontière urbaine, ce qui conduit à une diminution des loyers au centre, et à
leur augmentation en périphérie.

Cette sous-section a permis de montrer comment, à partir des choix de localisation de chaque
ménage, la ville se formait. Il s’agit là de la base centrale de l’analyse des comportements de
choix résidentiels des ménages dans les espaces urbains. Ainsi, ce modèle constitue le cœur
de la compréhension de l’apparition de la ségrégation. Pour l’instant nous n’avons considéré
ici que les choix d’individus semblables. Nous verrons dans la section suivante que le
relâchement de l’hypothèse d’homogénéité des agents et du sol permettra de décrire la
ségrégation urbaine comme étant un équilibre d’usage des sols dû aux choix de localisation
des ménages.

2. La prise en compte des différents groupes de population et des externalités spatiales


dans le modèle standard de localisation résidentielle

Nous nous sommes intéressés dans la sous-section précédente à introduire la base des choix
de localisation et d’équilibre urbain. Toutefois, ce modèle ne traduit que la localisation de
population homogène, où tous les agents possèdent les mêmes caractéristiques. Cependant, la
ségrégation urbaine désigne bien la stratification de l’urbain en fonction de populations
différenciées (en fonction de leurs revenus, de leur catégorie sociale, origine ethnique etc.).
Cette ségrégation peut également être la résultante de choix de localisation différents selon un
espace non-homogène, c’est-à-dire présentant des externalités. Nous présentons
successivement les extensions apportées au modèle canonique précédent, afin d’apporter un
éclairage sur les origines des structures ségrégées telles que nous avons pu les identifier dans
la première section.

2.1. La différenciation des ménages dans les modèles de localisation

Le phénomène de ségrégation urbaine est remarquable pour les différences de localisation


résidentielle entre groupes d’individus distincts, que ce soit en termes de revenus, de

55
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

professions, d’appartenance ethnique, etc. Comment la théorie prend-elle en compte


l’existence de ces différents groupes ? Comment explique-t-elle leur localisation dans la
ville ?

2.1.1. Le modèle de choix de localisation multigroupe

Tout d’abord, l’idée communément partagée de la ségrégation est la suivante : elle correspond
au fait que certains quartiers soient majoritairement peuplés par des ménages pauvres, alors
que d’autres zones de la même ville concentrent au contraire des populations plus aisées.
Ainsi, une des premières solutions pour expliquer théoriquement l’apparition de tels quartiers
est de considérer les choix de localisation de ménages différenciés par leurs revenus. Dans ce
sens, il est nécessaire de repartir du modèle initial de l’équation (1.1) et de spécifier
arbitrairement plusieurs niveaux de revenus, par exemple deux, tels que 𝑌1 < 𝑌2. Les ménages
sont toujours supposés posséder la même fonction d’utilité et de coût de transport. Notons
Ψ𝑖 (𝑟, 𝑢) et S𝑖 (𝑟, 𝑢) les fonctions de rente d’enchère et de taille de logement du ménage ayant
un revenu 𝑌𝑖 (𝑖 = 1,2). Prenons arbitrairement des fonctions de rente d’enchère Ψ1 (𝑟, 𝑢1 ) et
Ψ2 (𝑟, 𝑢2 ) et supposons qu’elles se coupent à une distance 𝑥 : Ψ1 (𝑟, 𝑢1 ) = Ψ2 (𝑟, 𝑢2 ) ≡ 𝑅̅ .
Vu que 𝑌1 − 𝑡(𝑥) < 𝑌2 − 𝑇(𝑥), alors d’après l’hypothèse de normalité du sol :

𝑆1 (𝑥, 𝑢1 ) = 𝑠̂ (𝑅̅ , 𝑌1 − 𝑇(𝑥)) < 𝑠̂ (𝑅̅ , 𝑌2 − 𝑇(𝑥)) = 𝑆2 (𝑥, 𝑢2 ) (1.28)

C’est-à-dire que les ménages plus aisés peuvent s’offrir des logements de taille plus
importante.
L’application du théorème de l’enveloppe à l’équation (1.4) permet de dégager la relation
suivante :
𝜕Ψ(𝑟, 𝑢) 𝑇 ′ (𝑟)
=− <0 (1.29)
𝜕𝑟 𝑆(𝑟, 𝑢)

Qui appliquée à notre situation à revenus différenciés, permet de déduire la relation (1.30).

𝜕Ψ1 (𝑥, 𝑢1 ) 𝑇 ′ (𝑟) 𝑇 ′ (𝑟) 𝜕Ψ2 (𝑥, 𝑢2 )


− = > =− (1.30)
𝜕𝑟 𝑆1 (𝑥, 𝑢1 ) 𝑆2 (𝑥, 𝑢2 ) 𝜕𝑟

Cette simple catégorisation de groupes de revenus, permet de conclure que les ménages aux
revenus les plus élevés se localisent plus loin du CBD (la rente d’enchère étant moins pentue)

56
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

que les ménages plus pauvres, toutes choses égales par ailleurs. Toutefois, Wheaton (1972)
montre que ce résultat n’est plus forcément valable dans le cadre d’un modèle un peu plus
complexe où les coûts de transport varient. En effet, il est plus que probable que la part du
revenu accordé au transport, que celui-ci soit monétaire et/ou temporel, varie
considérablement d’un ménage pauvre à un ménage plus riche, et qu’elle résulte de
préférences d’arbitrage en déplacements et loisirs différentes.

2.1.2. L’équilibre urbain multigroupe

Que nous considérions des ménages différenciés par leurs revenus comme évoqués
précédemment, ou toute autre différenciation de la population, il est possible de formuler un
équilibre urbain tel que celui développé par Beckman (1969) en présence de multiples
groupes de ménages.
Supposons 𝑚 types différents de ménages, 𝑖 = 1, … , 𝑚. Le nombre de ménages de type 𝑖 est
donné de manière exogène par une constante positive 𝑁𝑖 . Tous les ménages de type 𝑖 ont la
même fonction de rente d’enchère et la même fonction de taille de lot, telles que :

Ψ𝑖 : 𝐷 → [0, ∞) 𝑆𝑖 : 𝐷 → (0, ∞] 𝑖 = 1,2, … , 𝑚 (1.31)

Où 𝐷 = {(𝑟, 𝑢)|0 ≤ 𝑟 < ∞, −∞ < 𝑢 < ∞}. Nous supposons que toutes les fonctions Ψ𝑖 et 𝑆𝑖
sont données de manière exogène. Comme auparavant, la quantité de terre disponible pour
l’utilisation résidentielle à chaque distance 𝑟 est donnée par 𝐿(𝑟). Le sol qui n’est pas occupé
par les ménages est utilisé pour l’agriculture, donnant lieu à une rente constante 𝑅𝐴 ≥ 0.

L’équilibre d’usage des sols est composé d’un ensemble de niveau d’utilité 𝑢𝑖∗ , de
distributions non-négatives de ménages 𝑛𝑖 (𝑟) et la courbe de rente d’enchère 𝑅(𝑟) tel que, sur
le marché foncier, à toute localisation 𝑟 ∈ [0, ∞) , la courbe de rente de marché est
l’enveloppe supérieure des courbes de rente d’enchère et de rente agricole d’équilibre
(équation (1.32)), assurant ainsi qu’aucun ménage ne puisse atteindre une utilité supérieure à
𝑢𝑖∗ et que les agriculteurs ne peuvent générer de profit positif. L’équation (1.33) assure que si
des ménages, de quelque type qu’ils soient, vivent à une distance 𝑟, ils atteignent l’utilité
d’équilibre. La condition (1.34) assure que la demande de sol ne puisse excéder l’offre, et la
dernière condition (1.35) stipule que dès lors que la rente foncière est supérieure à la rente
agricole, alors le sol est utilisé pour du logement. L’ensemble de ces conditions réunies assure

57
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

que chaque localisation est occupée par le ménage ou l’activité le plus offrant (ou à la rente la
plus élevée).
Une dernière condition sur la population est nécessaire à la définition de l’équilibre urbain :
l’ensemble des ménages réside quelque part dans la ville (équation 1.36).

𝑅(𝑟) = max {max Ψ𝑖 (𝑟, 𝑢𝑖∗ ), 𝑅𝐴 } (1.32)


𝑖

𝑅(𝑟) = Ψ𝑖 (𝑟, 𝑢𝑖∗ ) 𝑠𝑖 𝑛𝑖 (𝑟) > 0 (1.33)


𝑚

∑ 𝑆𝑖 (𝑟, 𝑢𝑖∗ )𝑛𝑖 (𝑟) ≤ 𝐿(𝑟) (1.34)


𝑖=1
𝑚

∑ 𝑆𝑖 (𝑟, 𝑢𝑖∗ )𝑛𝑖 (𝑟) = 𝐿(𝑟) 𝑠𝑖 𝑅(𝑟) > 𝑅𝐴 (1.35)


𝑖=1

𝑁𝑖 = ∫ 𝑛𝑖 (𝑟) 𝑑𝑟 𝑖 = 1,2, … , 𝑚 (1.36)
0

En plus de ces conditions liminaires, un certain nombre d’hypothèses doivent également être
posées :
 La fonction de distribution de sol 𝐿(𝑟) est continue en [0, ∞) et 𝐿(𝑟) > 0 pour tout
𝑟 >0;
 Toutes les fonctions de rente d’enchère et de taille de lot se comportent bien, et donc
les courbes de rente d’enchère d’équilibre sont continument décroissantes en 𝑟 ;
 L’ensemble des fonctions de rente d’enchère peuvent être ordonnées par leur pente
relative. Par commodité, l’indice 𝑖 représente la pente dans un ordre décroissant.
Ainsi, Ψ1 est plus pentue que Ψ2 , etc.
La deuxième hypothèse assure qu’à l’équilibre la courbe de rente de marché 𝑅(𝑟) est
continument décroissante jusqu’à la frange urbaine, qui est uniquement définie par 𝑟𝑓 =
min {𝑟|𝑅(𝑟) = 𝑅𝐴 }.

Les ménages de chaque type forment un anneau concentrique autour du centre-ville, et les
zones pour chaque type de ménage sont ordonnées par la distance au centre-ville selon la
pente de leur fonction de rente d’enchère.
La zone 𝐽𝑖 , pour chaque type 𝑖 de ménage, est exprimée comme :

𝐽1 = [0, 𝑟𝑖∗ ) ∗
𝐽𝑖 = [𝑟𝑖−1 , 𝑟𝑖∗ ) 𝑖 = 1,2, … , 𝑚 (1.37)

58
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Où 0 < 𝑟1∗ < 𝑟2∗ < ⋯ < 𝑟𝑚∗ = 𝑟𝑓 . Et chaque distribution de ménage prend la forme :

𝐿(𝑟)⁄𝑆𝑖 (𝑟, 𝑢𝑖∗ ) pour 𝑟 ∈ 𝐽𝑖


𝑛𝑖 (𝑟) = { (1.38)
0 pour 𝑟 ∉ 𝐽𝑖

Finalement, si l’ensemble des conditions et des hypothèses sont satisfaites, un équilibre


d’usage des sols consiste en un ensemble de niveaux d’utilité 𝑢𝑖∗ , 𝑖 = 1,2, … , 𝑚, un ensemble
de distance 𝑟𝑖∗ , 𝑖 = 1,2, … , 𝑚 , où 𝑟0∗ ≡ 0 < 𝑟1∗ < 𝑟2∗ < ⋯ < 𝑟𝑚∗ , et une courbe de rente
foncière 𝑅(𝑟) tels que :

Ψ𝑖 (𝑟𝑖∗ , 𝑢𝑖∗ ) = Ψ𝑖+1 (𝑟𝑖∗ , 𝑢𝑖+1



) 𝑖 = 1,2, … , 𝑚 − 1 (1.39)

𝜓𝑚 (𝑟𝑚∗ , 𝑢𝑚
∗ )
= 𝑅𝐴 (1.40)

Ψ (𝑟, 𝑢𝑖∗ ) ∗
𝑝𝑜𝑢𝑟 𝑟𝑖−1 ≤ 𝑟 ≤ 𝑟𝑖∗ 𝑖 = 1,2, … , 𝑚
𝑅(𝑟) = { 𝑖 (1.41)
𝑅𝐴 pour 𝑟 ≥ 𝑟𝑚∗
𝑟𝑖∗
𝐿(𝑟) (1.42)
𝑁𝑖 = ∫ 𝑑𝑟 𝑖 = 1,2, … , 𝑚

𝑟𝑖−1 𝑆𝑖 (𝑟, 𝑢𝑖∗ )

Cet équilibre urbain est illustré, par exemple, par la figure 1-5 dans le cas où 3 types de
ménages sont considérés.

Figure 1-5 : Exemple de configuration d’équilibre (m=3)


Source : Fujita (1989)

59
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Finalement, intéressons-nous au comportement de l’équilibre si une modification de la


population ou du revenu intervient (Hartwick et al., 1976). Si le type de population 𝑗
augmente, la demande pour le sol dans la zone 𝑗 va mécaniquement augmenter. En
conséquence, toutes les zones extérieures (𝑗, 𝑗 + 1, … 𝑚) sont repoussées du CBD, alors que
les zones intérieures (1,2, … , 𝑗 − 1) sont pressées vers celui-ci, entrainant globalement une
diminution du niveau d’utilité de tous les ménages. Si le revenu des ménages les plus riches
augmente (tout en laissant celui des plus pauvres constant), alors :
i. La frange urbaine va se déplacer vers l’extérieur
ii. L’utilité d’équilibre de la classe riche va devenir plus élevée
iii. (a) Si 𝐿(𝑟)⁄𝑇 ′ (𝑟) est croissant en tout r, la zone (intérieure) pour la classe pauvre va
s’étendre vers l’extérieur, les rentes foncières vont y diminuer, et l’utilité d’équilibre
de la classe pauvre va également devenir plus élevée. (b) Si 𝐿(𝑟)⁄𝑇 ′ (𝑟) est constant
partout, rien ne va changer dans la zone de la classe pauvre ; (c) si 𝐿(𝑟)⁄𝑇 ′ (𝑟) est
décroissant en tout r, la zone pour la classe pauvre va se rétrécir vers l’intérieur, les
rentes foncières vont y augmenter et l’utilité d’équilibre de la classe pauvre va devenir
plus faible.
Au contraire, si le revenu de la classe pauvre augmente (alors que celui de la classe riche reste
inchangé)
i. La zone intérieure pour la classe pauvre va s’étendre à l’extérieur
ii. La zone extérieure pour la classe riche va être repoussée au loin
iii. L’utilité d’équilibre de la classe pauvre va devenir plus élevée, alors que celle de la
classe riche va devenir plus faible.

Cet équilibre urbain correspond d’une manière très schématique aux grandes villes Nord-
américaines : les ménages pauvres au centre et les ménages riches en périphérie (e.g. Booza et
al., 2006, sur les 100 plus grandes aires métropolitaines, ou Brueckner et al. (1999) sur
Detroit). Cependant, il est également possible d’identifier le schéma inverse, avec les ménages
les plus riches situés au centre et les moins aisés en périphérie. Il s’agit typiquement de la
situation identifiée pour Paris et Lyon dans la section 1, avec les arrondissements les plus
aisés en plein centre et les plus populaires proches de la périphérie. Ces résultats sont
également identifiés par Hohenberg et Lees (1986) dans d’autres villes européennes à travers
leur monographie de l’histoire urbaine européenne. Ils expliquent alors que « incomes rose
with distance to the city center in America, whereas they typically fell in Europe » (p. 299).
Ces différences de localisation selon les villes peuvent être expliquées à travers des modèles

60
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

proches des précédents mais dont l’espace est différencié et présente ou génère des
externalités.

2.2. Les choix de localisation et l’équilibre urbain lorsque l’espace est différencié

Les différences de comportement de localisation des individus peuvent se modéliser par la


prise en compte d’individus aux caractéristiques différentes (population hétérogène), mais
aussi à travers la formulation de préférences différenciées de la part des ménages pour leur
environnement. Il est alors question d’introduire une hétérogénéité de l’espace dans les
modèles de localisation et d’équilibre urbain. Cette prise en compte de l’hétérogénéité de
l’espace peut se faire par l’existence d’aménités. En effet, dans le modèle de base, la fonction
d’utilité des ménages est indépendante de la localisation, sous-entendant par-là que
l’environnement résidentiel est le même en tout point de l’espace. Cependant, il est tout à fait
possible de relâcher cette hypothèse et d’introduire l’influence des variations locales, en
incluant un niveau de qualité environnementale 𝐸(𝑥) dans la fonction d’utilité des ménages
qui devient alors : 𝑈(𝑧, 𝑠, 𝐸(𝑥)). Bien que ce nouveau paramètre puisse revêtir autant de type
d’aménités que souhaité, Fujita (1989) considère qu’il ne reflète que la variation spatiale due
aux externalités causées par les agents économiques ou encore par les biens publics locaux. Il
développe alors le modèle d’externalités de choix résidentiel suivant :

max 𝑈(𝑧, 𝑠, 𝐸(𝑥)) 𝑠. 𝑐. 𝑧 + 𝑅(𝑥)𝑠 = 𝑌 0 − 𝐺(𝑥) − 𝑇(𝑥) (1.43)


𝑥,𝑧,𝑠

Où 𝑌 0 est le revenu pré-taxes du ménage, et 𝐺(𝑥) la taxe forfaitaire par ménage à chaque
localisation 𝑥, le reste des notations restant le même que précédemment.
La valeur de 𝐸(𝑥) est supposée toujours positive et finie, et l’utilité croître quand 𝐸
augmente.
La résolution du programme de maximisation (1.43) permet d’obtenir la fonction de rente
d’enchère (1.44) ainsi que celle de la taille de logement.

𝑌 0 − 𝐺(𝑥) − 𝑇(𝑥) − 𝑍(𝑠, 𝑢, 𝐸(𝑥))


Ψ(𝑥, 𝑢) = max (1.44)
𝑠 𝑠

Il montre ensuite qu’un meilleur niveau d’utilité peut être atteint en consommant une plus
petite quantité de bien composite, mais aussi que la rente d’enchère augmente quand la qualité

61
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

de l’environnement augmente. Il démontre aussi l’existence d’une substituabilité entre sol et


qualité environnementale, c’est-à-dire que si un ménage souhaite maintenir son niveau
d’utilité tout en améliorant son environnement, il devra alors faire des concessions sur la taille
de son logement.

Ce type de modèle a très largement été utilisé pour la caractérisation des deux types
d’externalités négatives induites et subies par les résidents des villes. Le premier type
d’externalité locale est appelé « crowding externalities », et est la résultante de la
concentration spatiale importante d’individus dans un espace restreint qui vient dégrader la
qualité environnementale en augmentant le bruit, la pollution, la criminalité et en diminuant la
quantité d’espaces ouverts et verts. Le second type d’externalité, très présent dans la
littérature sur la ségrégation, est constitué des externalités raciales, qui peuvent apparaître à
partir du moment où la ville compte plus d’un groupe racial ou ethnique.

2.2.1. La dégradation de la qualité environnementale des quartiers et les


crowding externalities

Le postulat de départ de l’analyse de ces externalités est que les ménages préfèrent les zones
résidentielles moins denses, toutes choses égales par ailleurs. Supposons qu’à chaque distance
𝑟 (du CBD), le niveau de qualité environnementale 𝐸(𝑟) est une fonction décroissante de la
densité de ménage 𝜌(𝑟) :
𝐸(𝑟) ≡ 𝐸[𝜌(𝑟)] (1.45)

Où :
𝑑𝐸(𝜌)
<0 (1.46)
𝑑𝜌

Ainsi, en substituant 𝑥 par 𝑟 et 𝐸(𝑥) par 𝐸[𝜌(𝑟)] dans l’équation (1.43), nous obtenons le
crowding model of residential choice suivant :

max 𝑈(𝑧, 𝑠, 𝐸[𝜌(𝑟)]) 𝑠. 𝑐. 𝑧 + 𝑅(𝑟)𝑠 = 𝑌 0 − 𝐺(𝑟) − 𝑇(𝑟) (1.47)


𝑟,𝑧,𝑠

Notons que chaque ménage choisit sa localisation résidentielle en supposant la densité 𝜌(𝑟)
en 𝑟 comme étant une constante donnée. Cependant, le choix de localisation par un ménage
fait varier marginalement la densité d’un quartier et donc génère une externalité négative pour

62
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

les autres. Comme le choix de localisation de chaque ménage ne prend pas en compte cette
externalité négative, l’équilibre compétitif résultant de marché foncier résidentiel ne sera pas
efficace.

2.2.2. La prise en compte des externalités raciales dans les choix résidentiels et
l’impact sur l’équilibre urbain

Les modèles à externalités raciales sont basés sur la distinction de deux groupes de résidents
homogènes : les ménages noirs (notés B) et les ménages blancs (notés W). L’hypothèse
centrale standard consiste à dire que les ménages W ont une aversion à vivre près des
ménages B, alors que les ménages B sont indifférents quant à leur localisation près de
ménages B ou W. Ainsi, la fonction d’utilité des ménages B, 𝑈𝐵 (𝑧, 𝑠), est libre de toute
externalité raciale, alors que celles des ménages W, 𝑈𝑊 (𝑧, 𝑠, 𝐸(𝑥)), intègre une composante
de qualité environnementale, 𝐸(𝑥), ressentie à la localisation 𝑥 sachant la distribution spatiale
des ménages B dans la ville. En suivant les conventions du modèle d’externalité précédent, il
est supposé que :
𝜕𝑈𝑊 (𝑧, 𝑠, 𝐸(𝑥))
>0 (1.48)
𝜕𝐸(𝑥)

Le comportement de choix résidentiel de chaque ménage B peut être décrit par l’équation
(1.49) et celui des ménages W par (1.50).

max 𝑈𝐵 (𝑧, 𝑠) 𝑠. 𝑐. 𝑧 + 𝑅(𝑥)𝑠 = 𝑌𝐵0 − 𝐺𝐵 (𝑥) − 𝑇𝐵 (𝑥) (1.49)


𝑥,𝑧,𝑠

max 𝑈𝑊 (𝑧, 𝑠, 𝐸(𝑥)) 𝑠. 𝑐. 𝑧 + 𝑅(𝑥)𝑠 = 𝑌𝑊0 − 𝐺𝑊 (𝑥) − 𝑇𝑤 (𝑥) (1.50)


𝑥,𝑧,𝑠

À partir de là, il est possible de déterminer les fonctions des rentes d’enchère pour les
ménages B :

𝑌𝐵0 − 𝐺𝐵 (𝑥) − 𝑇𝐵 (𝑥) − 𝑍𝐵 (𝑠, 𝑢𝐵 )


𝜓𝐵 (𝑌𝐵0 − 𝐺𝐵 (𝑥) − 𝑇𝐵 (𝑥), 𝑢𝐵 ) = max (1.51)
𝑠 𝑠

Où 𝑍𝐵 (𝑠, 𝑢𝐵 ) est la solution de l’équation 𝑈𝐵 (𝑧, 𝑠) = 𝑢𝐵 pour 𝑧. La solution du problème de


maximisation du terme de droite de (1.51) définit la fonction de bid-max lot size 𝑠𝐵 (𝑌𝐵0 −
𝐺𝐵 (𝑥) − 𝑇𝐵 (𝑥), 𝑢𝐵 ).

63
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Et pour les ménages W :

𝜓𝑊 (𝑌𝑤0 − 𝐺𝑊 (𝑥) − 𝑇𝑊 (𝑥), 𝑢𝑊 , 𝐸(𝑥))


(1.52)
𝑌𝑊0 − 𝐺𝑊 (𝑥) − 𝑇𝑊 (𝑥) − 𝑍𝑊 (𝑠, 𝑢𝑊 , 𝐸(𝑥))
= max
𝑠 𝑠

Où 𝑍𝑊 (𝑠, 𝑢𝑊 , 𝐸) est la solution de l’équation 𝑈𝑊 (𝑧, 𝑠, 𝐸) = 𝑢𝑊 pour 𝑧. Et la fonction de bid-


max lot size est notée 𝑠𝑊 (𝑌𝑊0 − 𝐺𝑊 (𝑥) − 𝑇𝑊 (𝑥), 𝑢𝑊 , 𝐸(𝑥)).
Trois types de modèles peuvent être distingués sur la base de leur spécification de la fonction
de qualité environnementale. Dans le premier type, les border models, développés par Bailey
(1959) et Rose-Ackerman (1975, 1977), les ménages W et B sont supposés être complètement
ségrégés, avec les premiers situés en périphérie et les autres près du CBD. Ils supposent
également que 𝐸(𝑥) augmente quand la distance frontière entre noirs et blancs augmente.
Dans les modèles dits local externality models, développés par Yinger (1976) et Schnare
(1976), la qualité environnementale est une fonction décroissante de la proportion de ménages
noirs présents localement, alors que dans les modèles de global externality (Yellin, 1974 ;
Papageorgiou, 1978a,b ; Kanemoto, 1980 ; Ando, 1981) le nombre total de ménages noirs
dans la ville influence le choix de localisation des ménages blancs. Ces différents modèles
sont décrits plus précisément dans l’annexe 1-6.

Ces modèles montrent comment l’influence d’externalités négatives générées par une
catégorie de ménages discriminée sur les choix de localisation, conduit à une stratification de
l’espace urbain en fonction de ces différentes catégories de population et donc à une situation
de ségrégation. Ces modèles considèrent une démarche de recherche de l’entre-soi, alors que
les modèles suivants expliquent la même répartition des populations en fonction des
préférences et de la valorisation différente de l’environnement propre à chaque quartier de la
ville, des aménités proposées par chaque localisation.

2.2.3. La prise en compte simultanée d’une population et d’un espace


hétérogènes : amenity-based theory

Le rôle des aménités dans les choix de localisation des individus a été plus précisément défini
par Brueckner et al. (1999). Ils proposent, en effet, un modèle liant la localisation de

64
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

différents groupes de revenus au schéma spatial des aménités dans la ville. Ce modèle prend
donc en compte une hétérogénéité à la fois des populations et de l’espace.
Pour cela, ils distinguent trois types d’aménités distincts :
 Les aménités naturelles issues des caractéristiques topographiques de la ville comme
les cours d’eau, la proximité de la mer ou le relief ;
 Les aménités historiques comme les bâtiments, les monuments, les parcs et les
infrastructures urbaines esthétiquement plaisantes ;
 Les aménités modernes constituées par la présence de restaurants, de lieux culturels
(théâtre, cinéma, etc.) et d’équipements sportifs.
Les deux premières catégories sont purement exogènes, alors que les aménités modernes sont
considérées comme endogènes, leur localisation étant principalement la conséquence de la
répartition des différents groupes de revenus.
Ils considèrent deux modèles distincts : un à aménités exogènes et un à aménités endogènes.

2.2.3.1. Le modèle à aménités exogènes

Comme dans le modèle à externalités présenté précédemment, Brueckner et al. (1999)


considèrent un niveau d’aménités dépendant de la distance au CBD et intervenant dans la
fonction d’utilité des ménages. En plus des hypothèses standards des modèles de localisation,
ils supposent également que :
 Les effets standards de localisation prévalent, et donc conduisent les ménages les plus
riches à vivre en périphérie.
 La valorisation marginale des aménités augmente plus vite que la consommation de
logement.
Ils démontrent, à travers ce modèle, que selon l’intensité relative des forces standards et des
forces attractives des aménités, le schéma de localisation des ménages est susceptible de
varier. Ainsi, si les forces de localisation conventionnelles dominent, les ménages les plus
riches continueront à vivre en périphérie. Cependant, si la valorisation marginale de l’aménité
augmente plus vite que la consommation de logement quand le revenu augmente, alors le
schéma résidentiel s’inverse et les ménages les plus riches viennent s’installer au centre de la
ville.

65
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

2.2.3.2. Le modèle à aménités endogènes

Brueckner et al. (1999) formulent un certain nombre d’hypothèses simplificatrices pour


prendre en compte les aménités modernes. Ces dernières sont supposées être une fonction
croissante du revenu du quartier. Quartiers qui ne sont plus considérés comme une mesure
continue de la distance au CBD mais comme une variable dichotomique représentant les deux
localisations : « centre » et « périphérie ». Les coûts de commuting au centre sont supposés
nuls et ceux rencontrés en périphérie sont positifs et différenciés selon la classe de revenu du
ménage (pauvre ou riche). Ils supposent également que les logements à toutes les localisations
sont disponibles en deux tailles fixes, les riches choisissant la taille la plus grande. Enfin, les
pauvres sont supposés indifférents au niveau d’aménités exogènes présent et au revenu du
quartier, alors que les riches valorisent ces deux composantes.
Les riches valorisant le revenu du quartier, leurs rentes d’enchère vont être dépendantes du
schéma de localisation (riche en périphérie ou riche au centre).
Si nous nous plaçons dans le schéma où les ménages les plus riches sont initialement localisés
au centre, et si les aménités exogènes au centre sont supérieures aux aménités exogènes en
périphérie, alors le centre présente à la fois de meilleurs aménités exogènes que la périphérie,
mais propose également de meilleures aménités modernes du fait des revenus plus élevés à cet
endroit. Dans ce cadre, une personne riche déménageant vers la périphérie abandonnerait les
aménités exogènes et devrait en plus accepter de rentrer dans une zone à plus faible revenu,
perdant ainsi également en aménités modernes. Ainsi, si le centre présente des aménités
suffisamment importantes, alors ces pertes vont surpasser les forces de localisation
traditionnelles attirant les riches en banlieue, nous permettant donc d’affirmer que le schéma
des riches au centre et des pauvres en périphérie est bien un équilibre urbain. Notons que ce
schéma peut également être un équilibre même en l’absence d’aménités exogènes à partir du
moment où les aménités modernes sont suffisamment importantes.
Le schéma inverse des villes traditionnelles Nord-Américaines, avec les pauvres au centre et
les riches en périphérie, peut également être un équilibre urbain avec aménités endogènes.
Dans ce cadre, si comme précédemment les aménités exogènes au centre sont supérieures à
celles en périphérie, alors l’avantage net d’une localisation centrale sur une localisation
périphérique est plus ambigu. En effet, il pourrait en découler aussi bien une consommation
plus importante comme plus faible de bien composite, le différentiel de rente entre les deux
localisations pour les riches peut tout aussi bien être supérieur ou inférieur au ratio coût de
commuting sur taille de logement des riches. Cependant, tant que le différentiel de rente

66
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

d’enchère entre centre et périphérie pour les riches est inférieur au ratio commuting-taille de
logement des pauvres, ce schéma de localisation sera un équilibre.

Ainsi, ce modèle de localisation prenant en compte les aménités endogènes montre l’existence
d’équilibres urbains multiples, dont la raison la plus logique qui peut être avancée est que quel
que soit le schéma initial de localisation des ménages dans la ville, les aménités endogènes
rendront toujours la localisation des riches attractive pour ces derniers où qu’ils soient (Jayet
et Tivadar, 2006 ; Tivadar, 2010). Déménager dans la zone pauvre exigerait un sacrifice sur
les aménités endogènes venant diminuer la rente d’enchère des riches et tendant à maintenir le
schéma existant, quel qu’il soit à la base.

Notons que ce modèle, beaucoup plus complet que les précédents, permet d’expliquer les
différents schémas urbains selon les villes considérées. Il permet notamment à Brueckner et
al. (1999), dans le même article, de justifier les différences cruciales de localisation des
ménages entre Paris et Détroit. Ainsi, les aménités historiques et modernes sont telles au
centre de Paris qu’elles induisent la concentration des ménages les plus riches au cœur de la
ville et la relégation des ménages les plus pauvres dans les périphéries, comme nous l’avons
identifié dans la section 1. Alors que l’absence d’aménités historiques à Detroit pourrait
expliquer la valorisation par les ménages riches des aménités naturelles périphériques
expliquant ainsi la relative pauvreté du centre par rapport aux banlieues aisées.

3. L’importance des biens publics locaux

Une des premières théories sur le rôle de l’hétérogénéité de l’espace dans les choix de
localisation résidentielle a été formulée par Tiebout (1956) sur l’importance des biens publics
locaux.
Samuelson (1954, p. 387) offre la définition suivante d’un bien public : « collective
consumption goods (𝑋𝑛 + 1, … , 𝑋𝑛 + 𝑛) which all enjoy in common in the sens that each
individual’s consumption of such a good leads to no substraction from another individual’s
consomption of that good, so that 𝑋𝑛 + 𝑗 = 𝑥𝑛𝑖 + 𝑗 simultaneously for each and every 𝑖 th
individual and each collective good ».
Fujita (1989) distingue quatre types de biens publics : les biens nationaux constants à l’échelle
d’un pays, comme la défense ; les city goods dont les services sont constants et les bénéfices
se mesurent à l’échelle de la ville. La même application se retrouve à l’échelle du quartier

67
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

avec les neighborhood goods. Enfin, si les bénéfices s’appliquent à une ville mais varient
selon les quartiers, on parle alors de superneighborhood goods. Les biens publics locaux
regroupent les trois derniers types de biens évoqués. Dans l’analyse du bien de ville pur (pur
city good), chaque ménage peut choisir librement sa ville mais également son lieu de
résidence dans la ville. À l’équilibre, chaque ménage de chaque ville à toute localisation va
atteindre le même niveau d’utilité. La concurrence qui intervient entre chaque ménage pour
chaque localisation dans la ville les amène à révéler le bénéfice apporté par le bien à travers le
marché foncier. En cas de congestion de l’offre de bien de ville liée à l’arrivée de nouveaux
ménages, le gouvernement local va imposer une taxe de congestion à chaque ménage. De
même pour les biens de quartiers, la compétition entre gouvernements locaux, maximisant la
différence entre la rente foncière et le revenu de la taxe moins le coût de provision du bien,
conduit à l’allocation optimale de ces biens. Pour les superneighborhood goods, la situation
est plus compliquée du fait des effets de spillovers générés par ces biens.
Ce type de modèles, en présentant les mécanismes d’allocations optimales de biens publics
locaux, vient fournir une origine et une explication potentielle à la ségrégation urbaine. La
différenciation de l’espace par la présence de biens publics locaux et les différences de
préférence des ménages pour ces derniers, peut permettre d’expliquer l’occupation
différenciée de différents ménages.
Ainsi, le modèle de « vote avec les pieds » de Tiebout (1956) suggère que l’organisation des
individus dans l’espace urbain est en réalité le reflet de leurs préférences. Les individus
seraient gouvernés par leurs préférences, en termes de biens publics locaux, dans leur choix
de localisation. Les différents schémas de localisation, et donc l’existence de ségrégation dans
la plupart des grandes villes, seraient imputables au fait que les individus ne veuillent pas
vivre ensemble ou que certains groupes d’individus valorisent la présence de biens,
d’aménités pour lesquels ils sont prêts à payer pour résider à proximité.

Cette section a permis d’éclairer les résultats obtenus dans la première section par une
approche théorique de la structuration de la ville. Ainsi, une ville ségrégée est la situation
d’équilibre résultant de l’organisation dans l’espace des choix individuels de localisation des
ménages 3 . Ces derniers, ayant des revenus, des caractéristiques et/ou des préférences
différentes pour leur environnement, vont, dans un cadre urbain très simplifié, avoir tendance
à se regrouper à proximité d’individus similaires, amenant donc globalement au constat

3
Nous pouvons tout de même noter que dans d’autres cadres théoriques et sous un certain nombre d’hypothèses,
des équilibres urbains mixtes et stables peuvent être trouvés (e.g. Moizeau et al., 2010)

68
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

effectué pour quelques exemples de villes françaises d’une ségrégation socio-économique.


Ces modèles constituent donc la base de la compréhension de l’émergence de la ségrégation
dont nous étudierons les implications sur le marché du travail et sur l’éducation dans les
parties suivantes de cette thèse. Toutefois, dans ces modèles, la ségrégation est un équilibre de
long terme, dont nous n’observons que le résultat. Dans la section suivante nous nous
penchons plus particulièrement sur les mécanismes et le processus aboutissant à cette
ségrégation urbaine, afin d’avoir une vision à la fois de la construction et de la survenue de ce
phénomène.

SECTION 3 – L’explication de la ségrégation urbaine en termes de processus

L’ensemble des modèles présentés précédemment permet de mettre en avant l’existence d’une
structure urbaine ségrégée, en fonction des revenus, des appartenances ethniques, ou encore
des préférences. Toutefois, tous sont basés sur l’hypothèse que les différents groupes de
populations, ou au moins un des groupes, ne souhaitent pas vivre ensemble. Tous ces modèles
supposent la recherche de l’entre-soi. Cependant, bien que cela soit confirmé par les
statistiques et les études empiriques, ces modèles de localisation ne permettent pas de
comprendre comment cette décohabitation, propre à la ségrégation urbaine, apparaît. Ainsi,
dans cette section nous nous attacherons à étudier le processus conduisant à cette ségrégation.
Nous nous demandons alors dans quelle mesure la ségrégation totale de l’espace urbain,
identifiée dans les sections précédentes, peut être la résultante de la formulation des
préférences individuelles.

1. Un processus d’évitement ou une recherche de l’entre-soi ?

Jusqu’à présent, et en particulier dans les modèles de localisation à externalités raciales, nous
avons considéré des comportements d’aversion et d’exclusion des groupes minoritaires
différents : les ménages blancs ne veulent pas vivre près des populations noires ou les riches
près des pauvres. Cette aversion peut également être vue comme, non pas un rejet de l’autre,
mais une recherche de l’entre-soi, c’est-à-dire que certains individus souhaitent se localiser à
proximité de personnes de même groupe (social, ethnique, culturel, etc.). Pour exprimer cela,
nous pouvons repartir de la notion d’externalité présentée précédemment. La différence entre
les deux types de comportements est liée au fait que l’externalité engendrée par la présence à
proximité d’autres ménages soit positive ou négative. Ainsi, une externalité positive est
associée au processus de recherche de « l’entre-soi », c’est-à-dire que la présence de ménages

69
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

similaires exerce une force attractive. Par exemple, d’après Maurin (2004), les ménages les
plus riches sont susceptibles de choisir leur logement seulement en fonction de l’image du
quartier, en cherchant une « proximité rassurante ». Alors qu’au contraire, parler
d’externalités négatives revient à considérer des comportements d’évitement de fuite ou
d’exclusion. Les comportements de type NIMBY (pour « not in my backyard ») en sont un
exemple. Les habitants refusent de nouvelles constructions, et notamment des logements
sociaux, car cela serait susceptible d’amener des nouvelles populations et donc de dégrader le
cadre de vie (Dear, 1992 ; Fischel, 2001). En considérant que la proximité d’un groupe
particulier est source d’externalités négatives, certains ménages vont éviter ce groupe en
anticipant cela dans leur choix de localisation. Cela peut entrainer une réaction en chaine : les
personnes déjà localisées à proximité vont avoir un sentiment de dégradation de leur
environnement social et peuvent chercher à fuir également ce groupe en changeant de lieu de
résidence. Certains groupes de personnes peuvent même se voir totalement exclus par des
pratiques discriminatoires les dissuadant de s’installer à proximité.
Ces différents comportements sont à la base de l’approche dynamique du processus
ségrégatif.

2. Les modèles dynamiques comme cadre d’analyse du processus ségrégatif

2.1. Les modèles de ségrégation de Schelling

Dans les modèles d’économie urbaine, ce sont les hypothèses initiales, faites sur la pente des
rentes d’enchères, qui conduisent à une ségrégation urbaine. Les modèles que nous présentons
maintenant permettent d’expliquer comment à partir de préférences individuelles, en utilisant
des systèmes spatiaux dynamiques, nous pouvons être en mesure d’analyser la ségrégation
comme la résultante d’un processus de localisation. Il convient ainsi de s’intéresser à des
modèles dynamiques, où la ville prise à un moment donné est le résultat de séquences
d’équilibres de court terme, plutôt qu’un équilibre instantanément de long terme comme dans
les modèles vus précédemment.
En 1969, Schelling formule un premier modèle de formation de la ségrégation entre deux
groupes, quelle que soit l’application dans le cadre de choix individuels discriminatoires. La
seule condition à l’utilisation de ces modèles est que cela concerne deux groupes distincts
reconnaissables et exhaustifs. Il distingue deux types de modèles. Le premier vise à étudier la
répartition de deux populations de même taille sur une ligne à partir d’une distribution initiale
aléatoire et d’un certain degré de mixité souhaité dans le voisinage par chaque ménage. Il

70
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

démontre à travers ce modèle que la recherche d’un minimum d’individus semblables conduit
à une situation de regroupement des différentes populations et donc de ségrégation relative.
Ainsi, par exemple, il considère 35 individus divisés en deux groupes (représentés
respectivement par des 0 et des +) répartis aléatoirement, tel que la première ligne de la figure
1-6. Chaque individu recherche la présence d’au moins 50 % d’individus semblables dans leur
voisinage, ce dernier étant défini comme les quatre voisins à droite et les quatre à gauche. Les
individus pour lesquels ce critère n’est pas respecté, identifiés par un point sur la figure 1-6 (0̇
ou +̇), vont se déplacer, jusqu’à arriver à la configuration d’équilibre décrite par la seconde
ligne de la figure 1-6. Ainsi, Schelling montre qu’avec deux populations ayant des préférences
restrictives pour la composition de leur voisinage, l’espace va se diviser en plusieurs zones
relativement homogènes, caractéristiques de la ségrégation.

Config
00000000 + + + +0̇ + + + + + + + + + 0̇0̇00+̇+̇000+̇0 + 0̇ + + + 0̇ + + + + + + + + + 0000000000000000 + + + + + +
initiale
Config
00000000 + + + + + + + + + + + + + + + 0000000000 + + + + + + + + + + + + + + + 0000000000000000 + + + + + +
d’éq

Figure 1-6 : Premier modèle de ségrégation de Schelling


Source : Schelling (1969)

Il complète ce modèle dans un second article (Schelling, 1971) en expliquant que, toutes
choses égales par ailleurs, différentes séquences aléatoires conduisent systématiquement à des
regroupements des individus similaires, avec en moyenne 6 ou 7 groupes composés d’environ
9-10 individus.
Ainsi, quelle que soit la répartition d’origine des 35 individus, la recherche d’un minimum de
semblables dans son voisinage proche entrainera systématiquement une ségrégation relative
des individus.
De manière analogue, dans un deuxième modèle, il considère la répartition de deux
populations dans une zone en fonction des préférences individuelles exprimées sous la forme
d’un ratio de nombre de personnes du groupe opposé sur le nombre de personnes du même
groupe. Les individus se localiseront dans cette zone tant que la proportion observée
réellement ne dépasse pas leur limite de tolérance. Il démontre ainsi l’existence de trois
équilibres possibles : (i) la zone est exclusivement occupée par des individus du premier
groupe, (ii) la zone est exclusivement occupée par les individus du deuxième groupe, ou alors
(iii) la zone présente une certaine mixité. Seuls les deux premiers équilibres seront stables.

71
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Ainsi, d’après ces modèles, comme précédemment, seuls les équilibres caractérisés par de la
décohabitation de groupes distincts d’individus sont stables à long terme. Cela explique la
ségrégation que nous observons dans les villes, et non la mixité sociale pourtant prônée par
les politiques publiques. La mixité sociale ne serait donc qu’une situation temporaire qui
finirait systématiquement par se modifier et aboutir à une situation de ségrégation.

Par la suite, Schelling (1971) développe ces travaux avec une version dynamique des modèles
de ségrégation. L’objectif de tels modèles est de comprendre les mécanismes qui permettent
de traduire le passage de comportements individuels désorganisés en un résultat collectif.
Par analogie à la main invisible d’Adam Smith, Schelling (1971, p. 146) rapporte que « one
might even be tempted to suppose that some ‘unseen hand’ separates people in a manner that,
though foreseen and intended by no one, corresponds to some consensus or collective
preference or popular will. […] The hearts and minds and motives and habits of millions of
people who participate in a segregated society may or may not bear close correspondence
with the massive results that collectively they can generate. ».
Schelling (1971) se concentre sur la modélisation du processus ségrégatif dans un quartier
résidentiel plus réaliste à travers ce qu’il appelle tipping process. Le terme tipping désigne la
situation où de nouveaux arrivants issus de la minorité sont d’un nombre suffisant pour causer
le départ des résidents actuels. Grodzins (1957) a le premier évoqué ce phénomène et soutient
que dans la plupart des villes de l’Est américain le point critique des populations blanches est
atteint lorsque la population afro-américaine dépasse les 20 %. Schelling (1971) a mis en
avant l’existence de ces points critiques auxquels une discontinuité apparait ou auxquels des
processus cumulatifs se mettent en marche, sans pour autant que cela intervienne aux valeurs
de tolérance moyenne ou modale.

2.2. La modélisation de la ségrégation par les méthodes de simulation

Ces processus ségrégatifs et l’existence de ces points critiques, sont également visibles dans
des modèles de micro-simulation, appelés Cellular Automata ou modèles CA, représentant le
marché immobilier. Ainsi, par exemple Meen et Meen (2003) permettent à travers leur
modèle de mettre en avant le processus ségrégatif. Pour cela, ils supposent qu’un nombre
d’agents riches (en noir) et d’agents pauvres (en gris) sont initialement placés de manière
aléatoire sur une grille, où aucune cellule vacante ne subsiste (quadrant supérieur gauche de la

72
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

figure 1-7). Tous les agents riches sont supposés avoir le même revenu, normalisé à l’unité, et
tous les agents pauvres gagnent une part fixe (ici 75 %) indexé sur le revenu des riches. Un
agent est défini comme satisfait de sa localisation si au moins 35 % de ses voisins (les neufs
individus les plus proches) appartiennent au même groupe que lui. Le processus itératif
consiste à définir aléatoirement deux agents pouvant échanger leur localisation. L’échange a
lieu à partir du moment où au moins l’un des individus voit sa situation améliorée, celle de
l’autre restant inchangée ; mais cet échange peut également intervenir, dans 2 % des cas, quel
que soit le niveau de satisfaction des deux agents. La figure 1-7 décrit l’évolution de la
structure de la grille au fur et à mesure que les échanges se produisent.

Figure 1-7 : Tipping dans un modèle d’appariement aléatoire


Source : Meen et Meen (2003)

Le quadrant supérieur gauche de la figure 1-7 décrit la configuration initiale et le quadrant


supérieur droit, la même situation après 1 300 itérations. À chaque itération, toutes les paires
d’agents se rencontrent et considèrent l’échange possible. Alors que les individus ne
recherchent qu’une proximité assez faible avec leurs semblables (35 % d’agents du même
groupe au minimum), il est possible d’observer une ségrégation importante des deux groupes.
Les auteurs montrent que cette tendance perdure durant une longue période, avant d’opérer un
basculement complet de la situation, sur le principe du tipping process, au bout de 8 500
itérations.

73
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Le cadre conceptuel de ce genre de modèle peut être encore plus affiné afin de correspondre
aux situations rencontrées par les villes dans la réalité. Ainsi, Caruso (2005), dans sa thèse
propose « an exploration of Schelling’s type dynamics within a periurban housing market »,
qui devrait être en mesure d’expliquer les phénomènes de White Flight4 dus aux préférences
racistes, le Flight from Blight5 et l’auto-renforcement du déclin des quartiers, ou encore les
mécanismes de sorting à la Tiebout.
Il se place dans le cas d’un espace prenant la forme d’une grille donc l’unique centre d’emploi
est situé à l’origine. En partant d’une situation initiale où tout le sol est alloué à l’agriculture,
il va considérer la formation de la ville à travers la croissance, à chaque période, de la
population. Cette population est composée de trois types de ménages (agriculteurs, ménages
noirs/pauvres, notés B en noir dans les figures suivantes et ménages blancs/riches, notés W en
blanc dans les figures suivantes) pouvant adopter deux types de comportement : une neutralité
par rapport à son voisinage ou bien un comportement ségrégatif envers l’autre type de
ménage. Comme dans le cadre standard d’économie urbaine, chaque ménage va choisir sa
localisation en maximisant son utilité sous contrainte de revenu. Cette utilité est supposée
dépendre de quatre éléments :
 Le logement.
 Le bien composite.
 Une externalité de qualité environnementale, décrivant l’idée que les ménages
valorisent les espaces de faible densité, la verdure etc. Cette externalité constitue une
force de dispersion des ménages.
 Une externalité d’interactions sociales, selon laquelle les ménages valorisent le contact
avec les autres et donc les fortes densités. Cette externalité agit alors en force
d’agglomération.
À chaque période, comme dans le cadre standard, l’usage du sol sera défini à partir de la
rencontre des différentes rentes d’enchère. En considérant un modèle dynamique, où à chaque
période chaque type de population croît, et donc de nouveaux ménages doivent se localiser,
Caruso montre que les résultats des modèles standards sont obtenus au bout de 279 itérations,
comme cela est visible sur la figure 1-8.

4
Mouvement qui désigne le départ massif des ménages blancs vers les banlieues chics ayant pour conséquence
la paupérisation des centres de grandes villes nord-américaines. Voir par exemple Frey (1979) pour un des
premiers travaux
5
Processus qui désigne la périurbanisation des ménages liée à la dégradation des quartiers centraux due aux
problèmes fiscaux et sociaux (Mieszkowski et Mills, 1993)

74
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Figure 1-8 : Schéma spatio-dynamique dans un cadre monocentrique avec deux groupes de ménages et
sans externalités (𝒕𝟏𝟎, 𝟓𝟎, 𝟏𝟎𝟎, 𝟏𝟓𝟎, 𝟐𝟎𝟎, 𝒕∗ 𝟒𝟕𝟏)
Source : Caruso (2005)

Sur cette même base, il réalise cinq simulations différentes permettant de prendre en compte
la diversité des préférences et des situations : forme de la ville (compacte ou étalée), présence
ou non d’aménités, présence ou non de politiques publiques de lutte contre la ségrégation.
Nous avons synthétisé les hypothèses et les principaux résultats dans le tableau 1-13.

75
Description Hypothèses/fonctionnement Visualisation graphique Résultats
 Uniquement des aménités  Forme plus étendue et aplatie
sociales  préférence pour la  B au centre à long terme
proximité des autres individus  Durant le processus de croissance, lorsque les préférences des B
 Plus la densité de population sont aussi restrictives que celles de W, un cercle périphérique de
est élevée plus les rentes B peut se former (cas 1 et 3). A l’inverse quand les préférences
d’enchères seront élevées de B sont moins restrictives, la frontière entre B et W est
Sans aménités repoussée du centre et s’aplatit
environnementales : ville  Lorsque les ménages ont des préférences racistes, la ville est
compacte toujours compacte à long terme (cas 2bis)
 Fortes instabilités à court terme dans le cas 4 résorbées à long
terme

 Présence simultanée  Développement dispersé de la périphérie


d’aménités sociales et  À long terme, les ménages B occupent le centre
environnementales  Aucun équilibre intermédiaire avec une ville constituée de plus
 Trop forte densité est une de deux anneaux ne peut être trouvé
désaménité  Dans le cas 2, la frontière est repoussée du centre et peut
Avec aménités conduire à l’éviction des ménages W
environnementales : ville  Plus faible urbanisation du centre à court terme (cas 2), ou à
étalée long terme du fait de la présence d’une ceinture verte (cas 3) ou
d’une dissémination du centre (cas 4)

76
 Diminution du coût de  Frontière entre B et W repoussée du centre
transport des ménages B de  Réduction du nombre de ménages W
16,7 %  Séparation concentrique des ménages différents tant que les
préférences des B ne sont pas restrictives (cas 1 et 2)
 Frontières non concentriques lorsque les ménages B formulent
des préférences (cas 3 et 4)
 La diminution du coût de transport impacte plus la ségrégation
que l’augmentation de revenu

Politiques de subventions
dans une ville étalée
 Augmentation du revenu des
ménages B de 13,3 %

77
 Objectif de la politique :  Principalement émergence de poches de logement social en
mixité sociale à une échelle périphérie
micro  Dans les cas 2 et 3 cela conduit à une déstructuration de
l’organisation spatiale locale

Politique de logement
social

Tableau 1-13 : Schémas spatio-dynamiques du modèle de Caruso (2005)


Source : Tableau synthétique réalisé par l’auteur et figures issues de Caruso (2005)

78
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Globalement, il ressort de ce modèle mixant économie urbaine et cellular automata que le


schéma spatial est structuré par la distance au CBD, avec la localisation centrale des pauvres
et la localisation périphérique des plus riches. Ainsi, l’analyse de la ségrégation comme un
processus, en regardant l’évolution des comportements de localisation dans le temps, permet
d’arriver aux mêmes résultats que les modèles d’économie urbaine mis en avant dans la
section précédente, à savoir un équilibre urbain de long terme caractérisé par de la
ségrégation. Ces modèles permettent toutefois d’identifier que cette ségrégation peut être, non
pas comme il est supposé dans les modèles standard, une pure recherche d’évitement des
groupes de populations minoritaires ou défavorisés, mais elle peut être le résultat de la
recherche d’un voisinage composé d’un minimum d’individus semblables. Ainsi, la
ségrégation observée dans les grandes villes Nord-Américaines et Européennes, et plus
particulièrement mesurée dans la première section de ce chapitre, peut s’expliquer du point de
vue de la théorie économique par l’agrégation des choix de localisation individuels
désorganisés, qui avec le temps, conduit à cette structure particulière qu’est la ségrégation.

Nous avons vu dans cette section que ce sont les choix résidentiels des ménages qui
conduisent à une structure urbaine ségrégée. Plus particulièrement, nous avons vu que ces
derniers réalisent un arbitrage entre accessibilité au centre d’emploi et taille de logement sous
contrainte de revenu. Ainsi, le seul critère intervenant dans le choix de localisation du point de
vue du logement est sa superficie. Cependant, si le logement joue un rôle aussi central dans la
localisation des individus, il est peut-être également nécessaire de fournir plus de précision
sur ces logements. En effet, ces derniers sont loin d’être homogènes dans les villes et de ne
différer que par leur superficie. Fitoussi et al. (2004) mettent en avant les différentes facettes
de la ségrégation et le processus dynamique cumulatif qui la caractérise. Ils parlent alors de
« ghettoisation » dans les quartiers où le logement collectif social est très présent mais
également de « gated communities » avec des zones d’habitat « haut de gamme ». La
question que nous nous posons à ce stade, est : existe-t-il un lien entre constitution des
quartiers en termes de logement et localisation de la population ? Dans ce sens, nous nous
intéressons dans la sous-section suivante à l’analyse de la liaison qui pourrait exister entre une
typologie de logement et les quotients de localisation calculés.

79
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

SECTION 4 – Le rôle majeur du logement trop souvent ignoré

L’objectif de cette section est d’étudier le lien potentiel entre le type logement et le degré de
ségrégation résidentielle dans les quartiers. Il s’agit de répondre quantitativement aux idées
communes selon lesquelles les personnes les plus aisées vivraient dans des quartiers
pavillonnaires, éloignés des zones denses plus pauvres. Et que les bâtiments massifs logent
principalement des ménages pauvres.
Pour cela, nous poursuivons l’analyse précédemment menée, dans la section 1, sur les villes
de Paris, Marseille et Lyon. Nous la complétons en réalisant une typologie des quartiers en
fonction des logements qui les constituent (§1). Enfin, nous cherchons à identifier le potentiel
lien existant entre les résultats de notre typologie et les valeurs des indices de ségrégation
calculés. Pour cela, nous nous basons sur une comparaison graphique, avant d’aborder la
liaison entre les deux variables d’un point de vue statistique via la décomposition de la
variance et l’étude de la corrélation (§2).

1. Une typologie des quartiers en matière de logement

La réalisation d’une typologie de quartier nécessite de mobiliser les outils de l’analyse


factorielle. L’objectif est, en effet, de caractériser les quartiers et de le regrouper selon des
traits communs. Nous présenterons le fondement de ces méthodes avant de développer
l’application sur nos trois villes.

1.1. L’analyse factorielle

Initiées dès le début du XIXème siècle par Pearson (1901) et Spearman (1904), les méthodes
d’analyse des données ont été développées principalement par Hotelling (1933, 1936), avant
de connaitre un essor très important du fait du développement des outils informatiques et
statistiques. L’objectif de ces méthodes est de trouver des points de ressemblance ou de
divergence entre plusieurs individus, pour ensuite, si cela est souhaité, pouvoir les regrouper.
Plus précisément, Lebart et al. (2000) expliquent que l’objectif est de « fournir une
représentation synthétique de vastes ensembles de valeurs numériques […] (en cherchant) à
réduire les dimensions du tableau de données en représentant les associations entre individus
et entre variables dans un espace de faible dimension » (p. 13). Pour cela, il existe plusieurs
méthodes selon le type de données considéré :
 L’analyse en composantes principales, pour les tableaux de type « variables –
individus » dont les variables sont uniquement de type quantitatives continues ;

80
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

 L’analyse de correspondances, lorsque nous considérons le croisement de deux


variables qualitatives ;
 L’analyse de correspondances multiples, pour les tableaux composés de plusieurs
variables qualitatives.
De par la structure de nos données, nous utiliserons donc une analyse en composante
principale.

1.1.1. L’Analyse en Composantes Principales (ACP)

En présence de 𝑝 variables 𝑥1 , … , 𝑥𝑗 , … , 𝑥𝑝 observées sur 𝑛 individus, l’ACP a pour rôle de


chercher un petit nombre ( < 𝑝 ) de nouvelles variables 𝑦1 , … , 𝑦𝑚 appelées composantes
principales, qui soient non-corrélées entre elles et qui résument le mieux possible les données
initiales. Cette méthode repose sur des fondements géométriques, c’est pourquoi il faut
visualiser la représentation de nos données sous la forme d’un nuage de points représenté dans
un espace à 𝑝 dimensions. L’idée est de faire passer au mieux une droite, le premier axe
principal, au milieu de ce nuage de point. Cette droite doit chercher à minimiser l’inertie du
modèle, qui peut être assimilée à la dispersion du nuage du point autour de son centre de
gravité. La longueur de la projection de chaque point 𝑥𝑖 sur cette droite donnera lieu à une
nouvelle variable qui sera la composante principale. Le second axe principal est obtenu en
cherchant une nouvelle droite, perpendiculaire à la première, qui permet également de
minimiser l’inertie du nuage de point. Ainsi, avec ces deux droites, le nuage de point se
résume à un plan. Ainsi, comme l’expliquent Bouroche et Saporta (2006), le but est « la
recherche du plan passant « au plus près » de l’ensemble des points du nuage au sens où la
moyenne des carrés de distance des points du nuage au plan est minimale » (p. 31) Il est
possible d’ajouter des axes supplémentaires, la représentation géométrique étant chaque fois
rendue plus compliquée. Le calcul des composantes principales est directement effectué par
l’ensemble des logiciels statistiques, la question est alors de savoir combien de composantes
retenir. Pour cela, il faut considérer la part d’inertie expliquée par chaque composante, mais
surtout être capable d’expliquer économiquement leur sens.
Une fois le choix des composantes principales effectué, c’est-à-dire de nos nouvelles variables
caractérisant nos individus, il est possible de chercher à regrouper ces individus selon leur
ressemblance par rapport à ces composantes. Il s’agit alors de réaliser une classification.

81
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

1.1.2. La classification

« Les méthodes de classification ou de typologie ont pour but de regrouper les individus en un
nombre restreint de classes homogènes. Il s’agit donc de décrire les données en procédant à
une réduction du nombre d’individus » (Bouroche et Saporta, 2006, p. 48). Il existe deux
types principaux de méthodes de classification, les méthodes hiérarchiques et non
hiérarchiques. Les dernières ont pour but de produire une partition en un nombre fixé de
classes, alors que les premières fonctionnent par un processus itératif en produisant des
classes de plus en plus vastes. De par son côté plus objectif et plus adaptatif, nous avons
choisi de mettre en œuvre une classification ascendante hiérarchique.
Le principe est de partir de la situation où nous considérons autant de classes que d’individus.
Le but est de procéder par étape, et à chaque étape de fusionner les deux classes les plus
proches en une unique. Nous procédons, ainsi, de manière itérative jusqu’à ne plus avoir
qu’une seule classe constituée de l’intégralité des individus. Généralement le critère de Wald
est utilisé pour définir la proximité des classes. Ce critère se définit en fonction du découpage
de l’inertie totale, en une inertie intraclasse et interclasse. L’inertie intraclasse correspond à la
somme des inerties de chaque classe calculées par rapport à leur centre de gravité respectif.
Une inertie intraclasse faible sera donc un gage d’homogénéité des classes. L’inertie
interclasse correspond quant à elle à la dispersion des centres de gravité de chaque classe
autour du centre de gravité du nuage de point. Une valeur importante de l’inertie interclasse
dénote, ainsi, d’une bonne séparation des classes. Le critère de Wald énonce qu’il faut
« fusionner les deux classes pour lesquelles la perte d’inertie est la plus faible. Ceci revient à
réunir les deux classes les plus proches en prenant comme distance entre deux classes la perte
d’inertie que l’on encourt en les regroupant. » (Bouroche et Saporta, 2006, p. 56)

1.2. Les trois typologies de quartier

Afin de réaliser la typologie des quartiers sur les trois principales villes françaises, nous avons
retenus différentes informations selon deux angles principaux : la caractérisation du logement
et la caractérisation du bâti, dont les variables sont décrites dans le tableau 1-15, et un
ensemble de statistiques descriptives disponibles en annexe 1-7.

82
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Variable Source Unité


Proportion de résidences principales de type maison Insee – RP 2012 %
Proportion de résidences principales de type appartement Insee – RP 2012 %
Proportion des résidences principales occupées par les propriétaires Insee – RP 2012 %
Proportion des résidences principales occupées par des locataires Insee – RP 2012 %
Proportion de résidences principales HLM louées vide Insee – RP 2012 %
Proportion de résidences principales de moins de 40 m² Insee – RP 2012 %
Proportion de résidences principales d’entre 40 et 99m² Insee – RP 2012 %
Proportion de résidences principales de plus de 100m² Insee – RP 2012 %
Hauteur moyenne des bâtiments IGN – BDTopo Mètres
Hauteur minimale des bâtiments IGN – BDTopo Mètres
Hauteur maximale des bâtiments IGN – BDTopo Mètres
Amplitude de hauteur des bâtiments IGN – BDTopo Mètres
Tableau 1-15 : Données nécessaires à la typologie de logement

L’utilisation d’une ACP suivie du CAH a permis la réalisation d’une typologie des quartiers,
définis à l’échelle de l’Iris (Ilots Regroupés pour l’Information Statistique), en matière de
logement. Chaque ville présente sa propre typologie, dont les résultats sont détaillés ci-
dessous.

La typologie de Paris
La catégorisation des quartiers dans la ville de Paris est décrite par la carte 1-4. Il en est
ressorti un découpage en quatre classes distinctes. Les résultats détaillés de l’ACP sont
disponibles en annexe 1-8-A, et ceux de la CAH en annexe 1-9-A.

83
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Carte 1-4 : Typologie de logement - Paris

La première catégorie d’Iris, bien que très peu présente, mérite tout de même sa distinction. Il
s’agit de quartiers à 92 % constitués de maisons de surface supérieures à 100m², et dans
lesquels aucun logement inférieur à 40 m² n’est présent. Il s’agit là de quartiers très
particuliers, où peu de bâtiments sont en fait présents. Cela ne concerne que deux quartiers,
visibles en orange sur la carte 1-4.
La deuxième catégorie de quartiers, visible en bleu sur la carte 1-4, est constituée d’une part
plus importante que la moyenne de logements de plus de 100m² occupés par leurs
propriétaires. Ces quartiers sont également caractérisés par une relativement faible part de
locataires (46 % contre 60 % dans l’ensemble de la commune) et d’une quasi-absence de
logements sociaux (seulement 2,9 %).
La troisième catégorie de quartier, visible en violet, se caractérise par une surreprésentation de
petits logements (inférieurs à 40 m²), de résidences occupées par les propriétaires, où la part
de logement sociaux est plus faible que dans l’ensemble de la ville.
La quatrième et dernière catégorie, en vert sur la carte 1-4, concerne les quartiers composés
très majoritairement de logements sociaux (60 % contre 17 % dans la ville) de surface
moyenne et où les locataires sont également nombreux (82 % contre 61 %). La hauteur des

84
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

bâtiments influence également grandement la constitution de cette classe, avec des bâtiments
en moyenne plus hauts.

La typologie de Marseille
À Marseille, la typologie des quartiers selon leur composition en termes de logement a
également été constituée en quatre classes, distinctes de celles présentes sur Paris. Les
résultats détaillés de l’ACP et de la CAH sont disponibles respectivement en annexes 1-8-B et
1-9-B.

Carte 1-5 : Typologie de logement – Marseille

La première, visible en vert sur la carte 1-5, se caractérise par la présence beaucoup plus
importante de maisons (+41 points de pourcentage par rapport à la moyenne de la ville) de
surface importante dont les ménages sont dans 63 % des cas propriétaires (contre 43 % en
moyenne dans la ville). Ces zones, situées principalement dans les espaces naturels et en
périphérie de la ville, sont également caractérisées par une très faible part de logement de type
HLM et d’appartement.

85
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

La seconde catégorie de quartiers, en bleu, se distingue par une diversité de bâti (comme le
traduit l’amplitude importante observée entre les hauteurs de bâtiments) aux logements de
surface moyenne, dont les ménages sont propriétaires.
La troisième catégorie, en rouge, désigne les quartiers à forte densité de petits appartements.
La part de locataire y est relativement importante (67 %), mais les logements sociaux sous-
représentés.
La dernière catégorie en jaune comporte en moyenne 67 % de logements sociaux (contre 18,5
% dans l’ensemble de la ville) ainsi qu’une part très importante de locataires. Du côté du bâti,
ces derniers sont plus hauts que la moyenne de la ville, et leur localisation dans les quartiers
laisse imaginer des quartiers principalement constitués de barres HLM typiques des années
1960-1970.

La typologie de Lyon
La typologie lyonnaise a permis de distinguer trois types de quartiers visibles sur la carte 1-6.
Les résultats détaillés de l’ACP sont disponibles en annexe 1-8-C, et ceux de la CAH en
annexe 1-9-C.

Carte 1-6 : Typologie de logement – Lyon

86
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Le premier, en vert, se caractérise par une part plus importante de maisons (9 % contre 3,5 %
dans la ville) et de propriétaires (46 % contre 34 %).
La seconde catégorie, en rouge, se distingue en présentant des bâtiments en moyenne plus
hauts, une quasi-absence de maisons et ayant plus de logements de petite surface. La part de
HLM dans ces quartiers est relativement faible (8 % en moyenne contre 16 % dans la ville).
Dans les quartiers de la troisième catégorie, en bleu, à l’inverse, près de 50 % des logements
sont de type HLM. Le bâti est en moyenne beaucoup plus haut, et la part de grands logements
et de propriétaires plus faible.

Bien que la partition de la typologie soit différente pour chaque ville, il ressort des points
communs entre les trois : des quartiers plus pavillonnaires, des quartiers constitués de « barres
HLM » et des quartiers mixtes d’appartements standards. La question est maintenant de savoir
si ces différents types de quartiers sont liés à des indices de ségrégation plus ou moins
importants.

2. La liaison entre le type de logement et l’ampleur de la ségrégation

En étudiant la relation entre type de logement et indice de ségrégation, nous nous attendons à
ce que ces derniers soient liés. En effet, la vision commune imagine la ségrégation plus
importante dans les quartiers où les logements sont des barres d’immeubles, principalement
de type HLM, que dans les zones d’habitat mixte des centres-villes. Pour corroborer ou
infirmer cela, nous nous basons sur une comparaison graphique, avant de mettre en œuvre une
analyse statistique.

2.1. L’analyse graphique

La simple comparaison graphique des résultats de la typologie et des quotients de localisation


pour chacune des trois villes peut déjà permettre de détecter si les deux variables sont liées.
Dans le cas de Paris, il apparait clairement que les quartiers où les ménages sont très favorisés
sont principalement du deuxième et troisième type. Ainsi, les quartiers de l’Ouest parisien
caractérisés par des logements de superficie importante avec une large part de propriétaires
connaissent une surreprésentation de ménages très favorisés. Nous pouvons également voir
que les pourtours de la ville ressortent dans les deux types de cartes et que les quartiers
principalement caractérisés par du bâti haut et de type HLM connaissent une surreprésentation
des ménages intermédiaires et défavorisés.

87
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

De manière similaire, à Marseille et Lyon, les quartiers dont les caractéristiques induisent des
prix immobiliers plus élevés sont caractérisés par une surreprésentation des ménages les plus
favorisés. Il s’agit là de la confirmation d’une relation plutôt logique, mais qu’il est tout de
même nécessaire de prouver empiriquement.

2.2. L’analyse statistique

Tableaux de contingence
Dans un premier temps, une première analyse basique revient à considérer un ensemble de
tableaux de contingence. Les premiers, disponibles en annexe 1-10, croisent pour chaque
catégorie de ménage la valeur du quotient de localisation avec le type de quartier. Une analyse
plus explicite revient à représenter la part de ménages surreprésentés pour chaque catégorie en
fonction du type de quartier. Pour cela, la construction des tableaux 1-16 à 1-21 s’est faite de
la manière suivante. Pour chaque quartier, nous avons retenu le quotient de localisation le plus
élevé, considérant ainsi la catégorie de ménages correspondante comme étant celle
majoritairement représentée dans le quartier (cela n’empêche pas que d’autres catégories
soient surreprésentées dans un même quartier, mais l’intensité de cette surreprésentation est
de moindre importance que pour la catégorie retenue).
Ainsi, d’après le tableau 1-16, à Paris, 61,2 % des ménages très favorisés sont surreprésentés
dans les quartiers de type 3, c’est-à-dire les quartiers constitués principalement de logements
de petites surfaces. C’est également le cas pour 75,7 % des ménages favorisés et 57,1 % des
ménages défavorisés. Le tableau 1-17 nous apprend que dans 61,8 % des quartiers 2 (à taille
importante de logement et part importante de propriétaires) les ménages très favorisés sont les
plus surreprésentés. Il est également intéressant de noter que dans 45 % des quartiers de type
4 (logements sociaux) il y a une surreprésentation plus importante des ménages défavorisés, et
que seule une très faible part de ces quartiers a une surreprésentation des ménages très
favorisés. Ces résultats viennent corroborer la comparaison graphique réalisée précédemment.

T. Favorisés Favorisés Intermédiaires Défavorisés Total


Paris
Effectif Freq Effectif Freq Effectif Freq Effectif Freq Effectif Freq
1 0 0 1 0,7 1 0,6 0 0 2 0,2
2 149 35,9 11 7,2 71 42,5 10 4,9 241 25,7
3 254 61,2 115 75,7 38 22,8 116 57,1 523 55,8
4 12 2,9 25 16,4 57 34,1 77 37,9 171 18,2
Total 415 100 152 100 167 100 203 100 937
Tableau 1-16 : Surreprésentation des ménages par type de quartier

88
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

1 2 3 4 Total
Paris
Eff Freq Eff Freq Eff Freq Eff Freq Eff Freq
T.Fav 0 0 149 61,8 254 48,6 12 7 415 44,3
Fav 1 50 11 4,6 115 22 25 14,7 152 16,2
Interm. 1 50 71 29,5 38 7,3 57 33,3 167 17,8
Défav 0 0 10 4,1 116 22,1 77 45 203 21,7
Totale 2 100 241 100 523 100 171 100 937 100
Tableau 1-17 : Part des ménages surreprésentés par type de quartier

Dans le cas de Marseille, les tableaux 1-18 et 1-19 nous apprennent que les ménages très
favorisés sont les plus surreprésentés dans l’ensemble des types de quartiers (avec une part
plus importante pour les quartiers de type 1) à l’exception des quartiers de logements sociaux,
dans lesquels nous retrouvons 76,6 % de ménages défavorisés.

T. Favorisés Favorisés Intermédiaires Défavorisés Total


Marseille
Effectif Freq Effectif Freq Effectif Freq Effectif Freq Effectif Freq
1 48 35 23 37,1 6 10 10 8,1 87 22,7
2 46 33,6 25 40,3 34 56,7 31 25 136 35,5
3 42 30,7 11 17,7 9 15 34 27,4 96 25,1
4 1 0,7 3 4,8 11 18,3 49 39,5 64 16,7
Totale 137 100 62 100 60 100 124 100 383 100
Tableau 1-18 : Ménages surreprésentés en fonction de type de quartier

1 2 3 4 Total
Marseille
Eff Freq Eff Freq Eff Freq Eff Freq Eff Freq
T.Fav 48 55,2 46 33,8 42 43,8 1 1,6 137 35,6
Fav 23 26,4 25 18,4 11 11,4 3 4,6 62 16,2
Interm. 6 6,9 34 25 9 9,4 11 17,2 60 15,7
Défav 10 11,5 31 22,8 34 35,4 49 76,6 124 32,5
87 100 136 100 96 100 64 100 383 100
Tableau 1-19 : Part des ménages surreprésentés par type de quartier

Pour Lyon, les tableaux 1-20 et 1-21 nous indiquent que les ménages très favorisés sont
surreprésentés dans les quartiers de type 2, alors que les plus défavorisés sont principalement
surreprésentés dans les quartiers de type 3.

89
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

T. Favorisés Favorisés Intermédiaires Défavorisés Total


Lyon
Effectif Freq Effectif Freq Effectif Freq Effectif Freq Effectif Freq
1 13 16,9 14 40 8 40 18 35,3 53 29
2 62 80,5 18 51,4 7 35 13 25,5 100 54,6
3 2 2,6 3 8,6 5 25 20 39,2 30 16,4
Totale 77 100 35 100 20 100 51 100 183 100
Tableau 1-20 : Ménages surreprésentés en fonction de type de quartier

1 2 3 Total
Lyon
Eff Freq Eff Freq Eff Freq Eff Freq
T.Fav 13 24,5 62 - 2 6,7 77 42,1
Fav 14 26,4 18 - 3 10 35 19,1
Interm. 8 15,1 7 - 5 16,7 20 10,9
Défav 18 35 13 - 20 66,6 51 27,9
53 100 100 - 30 100 183 100
Tableau 1-21 : Ménages surreprésentés en fonction de type de quartier

Globalement quelle que soit la ville considérée, nous constatons une certaine cohérence des
résultats : les ménages très favorisés sont présents en masse dans les quartiers où les
caractéristiques laissent penser à des prix immobiliers élevés, alors que les ménages
défavorisés sont plus présents dans les quartiers à forte part de logements sociaux.

Décomposition de la variance
D’un point de vue statistique, l’analyse de la liaison entre une variable quantitative et une
variable qualitative repose sur la décomposition de la variation et le calcul de la variance
expliquée, de la variance résiduelle permettant le calcul du rapport de corrélation.
Si nous appelons 𝑥, la variable quantitative, ici le quotient de localisation, et 𝑦, la variable
qualitative, le résultat de la typologie de logement, la variance expliquée est donnée par
l’équation (1.53).
𝑛
1
𝑉(𝑥̅𝑗 ) = ∑ 𝑛.𝑗 (𝑥̅𝑗 − 𝑥̿ )2 (1.53)
𝑛..
𝑗=1

1
Avec 𝑥̅𝑗 les moyennes conditionnelles de 𝑥 définies par 𝑥̅𝑗 = 𝑛 ∑𝑖 𝑛𝑖𝑗 𝑥𝑖 𝑥̿ la moyenne de 𝑥
.𝑗

1
définie par 𝑥̿ = 𝑛 ∑𝑗 𝑛.𝑗 𝑥̅𝑗 , 𝑥̅𝑗 les moyennes conditionnelles de 𝑥, 𝑛.. l’effectif total et 𝑛.𝑗 les
..

effectifs partiels.

90
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

La variance résiduelle est donnée par l’équation (1.54) et désigne la part de la variance de 𝑥
qui ne peut être imputée à 𝑦.
𝑛
1
𝑉𝑅 (𝑥) = ∑ 𝑛.𝑗 𝑉𝑗 (𝑥) (1.54)
𝑛..
𝑗=1

2 1
Avec 𝑉𝑗 (𝑥) la variance conditionnelle donnée par 𝑉𝑗 (𝑥) = 𝑛 ∑𝑖 𝑛𝑖𝑗 𝑥𝑖𝑗 − 𝑥̅𝑗2 .
.𝑗

Le rapport de corrélation mesure l’intensité de la relation entre la variable 𝑥 et la variable 𝑦 et


est défini par l’équation (1.55).

2
𝑉(𝑥̅𝑗 )
𝜂𝑥,𝑦 ≡ (1.55)
𝑉(𝑥)

Où 𝑉(𝑥) est la variance de 𝑥, qui peut être retrouvée comme étant la somme de la variance
expliquée et de la variance résiduelle. Ces différents éléments ont été calculés pour les quatre
variables correspondants aux quotients de localisation de chaque groupe de ménages.

Ainsi, pour Paris, le tableau 1-22 regroupe toutes ces informations.

Paris Très favorisés Favorisés Intermédiaires Défavorisés


Variance totale 0,1497 0,0876 0,1555 0,2865
Variance expliquée 0,0389 0,0083 0,0327 0,0576
Variance résiduelle 0,1108 0,0792 0,1228 0,2289
Rapport de corrélation 0,2599 0,0949 0,2105 0,2010
Tableau 1-22 : Décomposition de la variance et rapport de corrélation – Paris

Selon la catégorie de ménage considérée, entre 9,5 à 26 % de la variance du quotient de


localisation est expliquée par le type de quartier de résidence. Nous pouvons constater que
cette intensité de la relation entre ségrégation et type de logement est plus importante pour les
ménages très favorisés et défavorisés.

Dans le cas de Marseille (tableau 1-23), seulement 4 % de la variance du quotient de


localisation des ménages intermédiaires est attribuable au type de quartier dans lequel résident
ces ménages, alors que cette même relation atteint jusqu’à 31 % pour les ménages favorisés.

91
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Marseille Très favorisés Favorisés Intermédiaires Défavorisés


Variance totale 0,4560 0,1403 0,0922 0,2953
Variance expliquée 0,1003 0,0436 0,0037 0,0848
Variance résiduelle 0,3557 0,0967 0,0885 0,2105
Rapport de corrélation 0,2200 0,3108 0,0403 0,2871
Tableau 1-23 : Décomposition de la variance et rapport de corrélation – Marseille

À Lyon (tableau 1-24), la variance du quotient de localisation des ménages très favorisés et
défavorisés est expliquée à 32 % par le type de quartier de résidence, alors que cette part n’est
que de respectivement 9 et 11% pour les ménages favorisés et intermédiaires.

Lyon Très favorisés Favorisés Intermédiaires Défavorisés


Variance totale 0,1717 0,1139 0,1089 0,2609
Variance expliquée 0,0542 0,0111 0,0129 0,0834
Variance résiduelle 0,1175 0,1027 0,0959 0,1776
Rapport de corrélation 0,3157 0,0981 0,1188 0,3195
Tableau 1-24 : Décomposition de la variance et rapport de corrélation – Lyon

Globalement la décomposition de la variance des quotients de localisation montre une


intensité de la relation avec la typologie de logement à l’échelle du quartier plus ou moins
importante selon la catégorie de ménage considérée. Cependant, pour les catégories extrêmes,
c’est-à-dire très favorisées et défavorisées, l’intensité de la relation entre les deux variables est
systématiquement plus élevée et approche généralement les 30 %, ce qui est loin d’être
négligeable dans ce cas particulier.

Ces résultats peuvent également être visualisés à travers la représentation sous forme de boîte
à moustache, comme nous pouvons les voir dans la figure 1-19 pour Paris, la figure 1-20 pour
Marseille et la figure 1-21 pour Lyon.
Comme pour toute représentation de ce type, la « boîte » est délimitée par le premier et
troisième quartiles, coupée par la médiane en trait plus épais. Le minimum et le maximum
sont visualisés par un trait. Ainsi, les « boîtes » les plus hautes correspondent à une
surreprésentation de la catégorie sociale dans le type de quartier indiqué. Par exemple à Paris,
les catégories très favorisées sont surreprésentées dans les quartiers 2 et 3, alors que les
catégories défavorisées sont surreprésentées dans les quartiers 4. Nous retrouvons exactement
ici les analyses faites précédemment, sous forme visuelle.

92
Figure 1-19 : Boites à moustache – Paris

93
Figure 1-20 : Boites à moustache – Marseille

94
Figure 1-21 : Boites à moustache – Lyon

95
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

Coefficient de corrélation
Nous avons également procédé au calcul des corrélations entre la valeur des quotients de
localisation et le type de quartier. Pour cela, nous avons créé une variable par type de quartier
en dichotomisant ces derniers. Il nous est donc maintenant possible de calculer le coefficient
de corrélation entre deux variables quantitatives (une continue et une discrète). Ce dernier
varie de -1 à 1 et se détermine à partir de la covariance et des écart-types comme nous
pouvons le voir dans l’équation (1.56).
𝑐𝑜𝑣𝑥,𝑦
𝑟𝑥,𝑦 = (1.56)
𝜎𝑥 𝜎𝑦

1
Avec 𝑐𝑜𝑣𝑥,𝑦 la covariance entre les deux variables calculée par 𝑐𝑜𝑣𝑥,𝑦 = 𝑛 ∑𝑖 ∑𝑗 𝑛𝑖𝑗 (𝑥𝑖 −

𝑥̿ )(𝑦𝑗 − 𝑦̿).
À Paris (tableau 1-24), les coefficients de corrélation viennent corroborer les résultats
précédents avec un coefficient de corrélation plus élevé et positif entre le quotient de
localisation des ménages très favorisés et les quartiers de type 2, entre les ménages
défavorisés et les quartiers de type 4.

Typologie de logement
Paris
1 2 3 4
QL Très favorisés -0,0565 0,3114 0,1894 -0,5892
QL Favorisés 0,0752 -0,3852 0,2406 0,1175
QL Intermédiaires 0,0924 0,0120 -0,4035 0,4941
QL Défavorisés -0,0340 -0,3016 -0,0991 0,4728
QL : Quotient de Localisation

Tableau 1-24 : Coefficient de corrélation – Paris

À Marseille (tableau 1-25), l’intensité de la relation est positive et importante entre les
quartiers de type 1 et les ménages très favorisés, mais aussi entre les quartiers de type 4 et les
ménages défavorisés.

Typologie de logement
Marseille
1 2 3 4
QL Très favorisés 0,2828 0,0090 0,1081 -0,4563
QL Favorisés 0,2788 0,2213 -0,0986 -0,4845
QL Intermédiaires -0,0804 0,1139 -0,1731 0,1455
QL Défavorisés -0,3045 -0,1769 0,0770 0,4815
Tableau 1-25 : Coefficient de corrélation – Marseille

96
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation

À Lyon (tableau 1-26), nous observons une corrélation positive et forte entre ménages très
favorisés et quartiers de type 2, ainsi qu’entre ménages défavorisés et quartier de type 3.

Typologie de logement
Lyon
1 2 3
QL Très favorisés -0,1346 0,4999 -0,5074
QL Favorisés 0,1486 0,0644 -0,2686
QL Intermédiaires 0,0767 -0,2619 0,2582
QL Défavorisés -0,0279 -0,4000 0,5722
Tableau 1-26 : Coefficient de corrélation – Lyon

Globalement, sur les trois villes, nous trouvons des résultats similaires aux analyses
précédentes. Il est également intéressant de noter la corrélation négative importante lorsque
nous considérons une inversion de la situation avec l’autre catégorie extrême. C’est-à-dire que
lorsque la corrélation est forte et positive entre le quotient des ménages très favorisés et un
type de quartier, la corrélation entre ce type de quartiers et les ménages défavorisés est
systématiquement forte et négative, et vice-versa.

Cette étude a montré l’existence d’un lien entre le type de quartier en termes de logement et la
ségrégation dans les trois plus grandes villes françaises. Ainsi, nous avons montré qu’il
existait généralement un lien assez important entre le quotient de localisation des ménages
très favorisés et les quartiers concentrant des logements aux caractéristiques sous-tendant des
prix immobiliers plus élevés. De même, nous avons montré que, dans les trois villes, il existait
ce même lien entre indice de ségrégation des ménages défavorisés et quartiers au bâti
imposant et dont une part importante est constituée d’habitat social.

97
Conclusion du chapitre 1

Ce chapitre avait pour objectif de s’intéresser à la mesure et à l’identification des causes de la


ségrégation dans les villes des pays développés. Du point de vue de la mesure, l’étude de la
ségrégation urbaine porte essentiellement sur la mise en avant empirique de l’existence d’une
séparation spatiale entre les différents groupes ethniques aux États-Unis.
Cependant, comme nous le montrons dans la première section de ce chapitre, la France n’est
pas exempte de tel phénomène urbain, comme l’atteste la récurrence des « crises des
banlieues » depuis les années 1970. Ainsi, nous mettons en avant l’existence d’une
ségrégation des différentes catégories sociales dans les villes de Paris, Marseille et Lyon, alors
même que ces dernières présentent des profils socio-démographiques, économiques et
géographiques très différents. Par conséquent, ces résultats sur les trois principales villes
françaises, associées aux résultats trouvés en Europe et aux États-Unis, laissent penser que la
ségrégation urbaine est un schéma inéluctable de l’organisation spatiale urbaine. Quel que soit
le profil et l’histoire des villes, aussi différentes soient-elles, toutes connaitront une séparation
spatiale de leurs différents groupes de populations (riches/pauvres, favorisés/défavorisés,
« blancs »/« noirs » etc.). Face à ce constat, nous nous sommes interrogés sur les explications
universelles qui peuvent être apportées à ce phénomène. Ainsi, nous avons vu dans une
deuxième section que l’économie urbaine, les premiers modèles de localisation et d’équilibre
urbain dans un cadre standard pouvaient servir de base à l’étude de la ségrégation. En effet,
l’introduction de différents types de population et/ou d’une différenciation de l’espace
aboutissent à une décohabitation totale des différents groupes de populations à long terme. Ce
résultat est valable que nous considérions des groupes d’individus aux revenus différents,
d’origines ethniques différentes, qu’ils se localisent dans une ville homogène ou dans laquelle
des aménités ou des biens publics sont présents. Nous avons présenté dans cette section
uniquement le cas d’une ville monocentrique avec le CBD localisé au centre. Cependant, les
mêmes extensions doivent pouvoir être apportées au cas de villes polycentriques (c.f.
Baumont, 1990 pour un approfondissement du concept de polycentralité), bien que cela
complexifie grandement l’analyse.
Les différents modèles évoqués dans cette deuxième section permettent d’expliquer que la
configuration urbaine ségrégée est une configuration d’équilibre résultant de choix optimaux
des ménages. Cependant, ils ne nous permettent pas d’expliquer comment ce résultat apparaît.
C’est pourquoi dans la section 3 notre objectif était d’analyser le processus ségrégatif. La
considération de modèles dynamiques et la modélisation des choix résidentiels comme un
processus itératif permettent de comprendre et de caractériser la diversité des situations de

98
ségrégation que nous pouvons observer à travers le monde. En effet, ces modèles nous
montrent le mécanisme à partir duquel, même si les ménages ne souhaitent pas une
ségrégation totale de l’espace urbain, cette configuration peut apparaitre comme un équilibre.
Les individus, en recherche d’une proximité minimale avec leurs semblables, peuvent
conduire à une transformation complète de la ville. Ces sections 2 et 3 de ce chapitre se
complètent, les modèles dynamiques aboutissant aux mêmes conclusions de long terme que
les modèles standards.
Dans une quatrième section, nous cherchons à démontrer le lien entre le logement et
l’intensité de la ségrégation urbaine. Comme le soulignent Fitoussi et al. (2004), la
ségrégation urbaine est un processus cumulatif dans lequel toutes les sphères de la vie des
habitants sont touchées. Les modèles de choix résidentiels présentés dans les sections
précédentes reposent sur l’arbitrage entre coût de transport et logement. À des fins de
modélisations, ce dernier est supposé être un bien homogène différant à chaque localisation
uniquement par sa surface. Dans la réalité, il est cependant possible d’envisager que les
ménages réalisent leur choix de localisation en fonction du type d’habitat qu’ils peuvent
s’offrir et qui les entourent. Dans ce sens, la ségrégation observée dans la première section a
surement un lien avec le marché immobilier. Dans cette vision cumulative de la ségrégation,
cette dernière vient également modifier ce marché immobilier. Dans ce sens, nous avons donc
considéré le lien entre le type de logement et de bâti dominant dans les quartiers et les valeurs
des indices de ségrégation obtenus dans ces mêmes quartiers. Il ressort de cette analyse que
les zones, où les logements sont de grands bâtiments concentrant de nombreux logements du
parc social, connaissent des indices de ségrégation des catégories sociales défavorisées plus
importants. Au contraire, dans les quartiers au bâti de hauteur modérée et aux logements de
taille importante, ce sont les ménages très favorisés ou favorisés qui sont surreprésentés. Ces
résultats sont valables sur les trois villes étudiées : Paris, Marseille et Lyon. Il existerait donc
un lien entre type de logement et intensité de la ségrégation dans les villes.
Globalement, ce chapitre nous a permis de mettre en exergue l’existence d’une ségrégation
des ménages selon leur catégorie sociale dans les principales villes françaises et son lien avec
les différents types de logement selon les quartiers. De plus, nous avons apporté un éclairage
théorique sur les raisons de cette ségrégation présente dans l’ensemble des villes des pays
développés. Les chapitres suivants ont pour ambition de s’intéresser aux conséquences de ces
structures urbaines ségrégées sur l’emploi et l’éducation de leurs résidents.

99
100
PARTIE 1 – STRUCTURE URBAINE ET EMPLOI

101
102
CHAPITRE 2 – LES DISPARITÉS LOCALES D’EMPLOI : UNE
EXPLICATION PAR LA STRUCTURE URBAINE

Les questions d’emploi, et plus particulièrement la proportion croissante de population au


chômage dans notre société, sont un enjeu majeur de l’économie et des politiques publiques.
Dans ce chapitre, nous nous plaçons au-delà du débat actuel de la relance de la croissance, de
l’économie, de la législation et l’encadrement du travail en France. Notre objectif est de
répondre à la question suivante : comment expliquer l’importance et les différences de taux de
chômage observées au sein des villes à travers le monde ? Notre objectif est d’identifier les
conséquences des arbitrages résidentiels dans l’espace urbain sur l’accès à l’emploi. En effet,
outre l’importance agrégée du chômage en France, ce sont également les différences
importantes dans des zones géographiques restreintes qui doivent retenir l’attention, dans la
perspective de mise en place de politiques publiques d’accès à l’emploi. Effectivement, il
existe des inégalités en termes de statut d’emploi au niveau urbain. Ce sont ces différences,
observées à une très fine échelle géographique, qui nous amènent à penser qu’une des origines
des problèmes d’emploi peut être imputée à la ville. À l’échelle d’une ville, il peut sembler
que les conditions d’emploi sont vraisemblablement les mêmes pour tous. Une conjoncture
économique défavorable dans certains secteurs d’activités économiques et favorables dans
d’autres ne permettent pas d’expliquer des « poches » de chômage au sein d’une ville. En
effet, par exemple, il est possible d’expliquer les différences de taux d’emploi entre les
bassins miniers du Nord de la France et la région toulousaine par des différences de
conjectures sectorielles avec le déclin et la fin des activités minières dans le Nord opposés au
dynamisme de l’aéronautique dans le Sud. Pour autant, les villes de ces zones géographiques
connaissent des disparités d’emploi qui ne peuvent être imputées à ces différences de
conjonctures économiques, sous-entendant donc une influence autre.
Les individus sont par leurs caractéristiques intrinsèques, à l’origine de différences de
traitement sur le marché du travail sur la base de critères objectifs ou discriminatoires.
L’explication des divergences individuelles d’emploi peut également être liée à l’organisation
de la ville, au positionnement de l’individu et des emplois dans l’espace. La ville joue alors un
rôle clé en influençant l’accessibilité physique aux emplois et aux informations ainsi qu’en
influençant les méthodes et capacités de prospection des individus. La ville, outre sa
composante géographique, est également structurante des interactions entre individus jouant
une part non négligeable dans l’accès à l’emploi de ces derniers.

103
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Ainsi, le chômage intra-urbain peut s’expliquer par un nombre important de facteurs dont
nous ne pouvons proclamer l’indépendance. La ville, par sa structure, son organisation et la
répartition des populations en son sein, est en grande partie responsable des différences intra-
urbain d’emploi.

Dans ce contexte, le propos de ce chapitre est de souligner l’existence des disparités intra-
urbaines en termes de statut et d’accès à l’emploi. De plus, il s’agit de montrer que la structure
urbaine, entendue au sens de l’organisation des agents dans la ville, a une influence sur ce
statut par l’effet de différents mécanismes économiques. Par ailleurs, un ensemble d’apports
théoriques complémentaires les uns des autres sont présentées pour expliquer les origines de
ces disparités.
Ce chapitre se structure en quatre sections. La première porte sur l’identification des
disparités précédemment évoquées. La deuxième section s’intéresse à l’influence des
caractéristiques intrinsèques des individus sur leur statut d’emploi. La troisième section
explique le rôle du lieu de résidence, de la structure urbaine, sur l’accès à l’emploi dans ses
aspects théoriques et empiriques. Enfin, la quatrième section décrit le rôle de cette structure
urbaine comme lieu d’interactions sociales essentielles à l’emploi des populations.

SECTION 1 – Le constat de disparités géographiques de répartition du chômage

Le taux de chômage est communément décrit à des niveaux géographiques très larges comme
les pays, les régions ou encore les départements. À cette échelle, les disparités de taux
d’emploi peuvent trouver des explications relevant davantage d’une analyse
macroéconomique (§1). Nous montrons également que des disparités d’emploi peuvent être
observées à une échelle géographique plus fine dans un contexte urbain, avec des différences
entre communes centrales et périphériques d’une aire urbaine, mais également entre
arrondissements et quartiers d’une même ville (§2)

1. Des disparités globales…

L’échelle d’analyse du chômage est généralement large géographiquement et ses explications


principalement macroéconomiques. Ainsi, si nous nous intéressons au graphique 2-1, nous
pouvons voir qu’au niveau européen, la situation quant à l’emploi est très hétérogène. En
effet, 20 points de pourcentage séparent le pays avec le taux de chômage le plus faible,
l’Allemagne (4,5 % de chômeurs en novembre 2015) du pays au taux le plus élevé, la Grèce

104
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

(avec un taux de chômage de 24,5 %). Les raisons de ces différences sont bien connues :
l’Allemagne est un pays plutôt prospère économiquement dont le vieillissement de la
population assure une rotation de la population active ; la Grèce, quant à elle, souffre d’un
contexte économique et politique instable depuis le début de la crise de sa dette publique en
2008.

Graphique 2-1 : Taux de chômage des pays de l’UE28 en novembre 2015


Source : Eurostat (Communiqué de presse du 7 janvier 2016)

Il est également courant d’entendre parler de différences de chômage entre régions, comme
nous pouvons le voir dans le cas français sur la carte 2-1. Nous identifions rapidement le Nord
– Pas-de-Calais et les régions du Sud, Sud-Est, comme étant des régions souffrant plus
qu’ailleurs du chômage. Chacune connait des taux de chômage importants pour des raisons
particulières. L’une pâtit du déclin de ses activités économiques structurantes (textile, activité
houillère et sidérurgie), alors que l’autre souffre d’une croissance de l’emploi plus faible que
l’augmentation de sa population active.
La carte 2-2 suivante permet une vision un peu plus désagrégée, au niveau départemental, du
phénomène, dont les explications restent sensiblement les mêmes : démographie, mutation des
activités économiques, etc.

105
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Carte 2-1 : Taux de chômage au niveau régional – 3ème Carte 2-2 : Taux de chômage au niveau départemental –
trimestre 2015 3ème trimestre 2015
Source : Insee, taux de chômage localisés et taux de chômage Source : Insee, taux de chômage localisés et taux de chômage
au sens du BIT au sens du BIT

2. … aux disparités intra-urbaines

L’ensemble des disparités d’emploi précédemment présentées, qu’elles soient nationales,


régionales ou départementales, peuvent s’expliquer par des facteurs macroéconomiques. Si
nous nous plaçons à une échelle géographique plus fine encore, l’aire urbaine ou la ville, un
phénomène plus méconnu du grand public apparaît : le chômage intra-urbain. Cela signifie
qu’il existe des disparités d’emploi entre populations dans une même ville. Pour illustrer cela,
nous avons dressé un tableau de taux d’emploi et de chômage dans les trois villes françaises
découpées en arrondissements : Paris, Lyon et Marseille (tableau 2-1). Ce tableau montre,
qu’outre des différences d’indicateurs entre les trois villes, il existe également des différences
entre arrondissements d’une même ville. Ainsi, à Paris, quelques 8 points de pourcentage
séparent l’arrondissement au plus faible taux de chômage (8,2 % dans le 8 ème arrondissement)
de celui au taux le plus fort (le 19ème avec près de 16 % de chômage chez les 15-64 ans en
2012).
Le chômage est globalement plus important dans la deuxième ville française, Lyon, avec un
chômage oscillant entre 11,1 et 15,6 % selon l’arrondissement.

106
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Marseille présente la plus grande hétérogénéité de situations entre ses arrondissements, avec
un taux de chômage allant de 10 % à plus de 33 % selon l’arrondissement considéré.
Globalement, dans ces trois villes, ce sont les arrondissements les plus défavorisés, réputés
comme étant les plus populaires, qui montrent les taux de chômage les plus élevés.

Les disparités intra-urbaines d’emploi peuvent également être appréhendées à travers des
zonages différents des découpages administratifs, comme par exemple, via les statistiques
présentées dans le tableau 2-2. Nous nous apercevons alors que la part de chômeurs dans la
population active dans les Zones Urbaines Sensibles (Zus) était de 14 % en 2013, contre une
proportion quasiment deux fois moindre dans les autres quartiers des villes, venant ainsi
corroborer l’idée que ce sont les quartiers les plus défavorisés qui connaissent les plus forts
taux de chômage.

En unités urbaines En France Différence Zus/UU


En Zus
englobantes hors Zus métropolitaine (en points)

Taux d’activité 60,4 71,3 71,1 -10,9

Actifs en emploi 46,4 64,0 64,1 -17,6

Chômeurs 14,0 7,3 7,0 +6,7

Taux d’inactivité 39,6 27,7 28,9 -10,9


En cours d’études ou de
11,2 11,9 10,7 -0,7
formation
Autres inactifs 28,4 16,8 18,2 +11,6

Tableau 2-2 : Principaux indicateurs d’emploi pour les 15 à 64 ans en 2013 (en %)
Source : Rapport Onzus 2014 d’après Enquête Emploi en Continu de l’Insee

107
Taux Taux de Taux Taux de Taux Taux de
d’activité chômage d’activité chômage d’activité chômage
des 15 à des 15 à des 15 à des 15 à des 15 à des 15 à
64 ans (en 64 ans 64 ans (en 64 ans 64 ans (en 64 ans
%) (en %) %) (en %) %) (en %)
Paris (A.U.) 75,9 12,0 Lyon (A.U.) 74,2 11,8 Marseille – Aix-en- 69,2 15,3
Provence (A.U.)
Paris (commune) 77,0 11,7 Lyon (commune 73,0 13,2 Marseille (commune) 67,3 18,4
er er er
1 arrondissement 80,6 9,6 1 arrondissement 76,2 13,9 1 arrondissement 67,9 27,5
ème ème ème
2 arrondissement 81,9 11,4 2 arrondissement 68,9 13,2 2 arrondissement 68,7 29,6
ème ème ème
3 arrondissement 81,4 11,1 3 arrondissement 74,7 12,2 3 arrondissement 59,8 33,5

LYON
4ème arrondissement 78,3 10,7 4ème arrondissement 78,4 11,1 4ème arrondissement 72,7 16,4
ème ème ème
5 arrondissement 70,9 9,8 5 arrondissement 69,1 12,6 5 arrondissement 68,9 16,1

MARSEILLE
ème ème ème
6 arrondissement 69,0 9,1 6 arrondissement 73,4 11,5 6 arrondissement 73,7 16,1
7ème arrondissement 73,0 9,4 7ème arrondissement 72,6 13,3 7ème arrondissement 74,8 11,7
ème ème ème
8 arrondissement 73,7 8,2 8 arrondissement 70,6 15,6 8 arrondissement 71,1 10,4
PARIS

ème ème ème


9 arrondissement 81,6 10,1 9 arrondissement 73,8 15,2 9 arrondissement 67,4 12,2
ème ème
10 arrondissement 81,3 12,6 10 arrondissement 71,0 15,1
11ème arrondissement 80,7 11,5 11ème arrondissement 68,0 15,5
ème ème
12 arrondissement 79,4 10,0 12 arrondissement 72,9 10,7
ème ème
13 arrondissement 75,3 11,8 13 arrondissement 66,0 18,4
14ème arrondissement 73,9 11,1 14ème arrondissement 61,6 29,2
ème ème
15 arrondissement 77,3 9,3 15 arrondissement 54,3 28,1
ème ème
16 arrondissement 71,2 9,9 16 arrondissement 66,4 21,6
ème
17 arrondissement 78,7 11,5
18ème arrondissement 78,9 13,5
ème
19 arrondissement 75,2 16,2
ème
20 arrondissement 77,7 14,7
Tableau 2-1 : Taux d’activité et de chômage par arrondissement à Paris, Lyon et Marseille en 2012
Source : Recensement de la Population 2012, Insee (calculs réalisés par l’auteur)

108
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

De plus, il faut noter que ce phénomène n’est pas typiquement français. Par exemple, les
mêmes variations sont visibles dans les 100 plus grandes aires métropolitaines Nord-
américaines (graphique 2-2).

Graphique 2-2 : Variation d’emploi entre centre-ville et périphérie dans les 100 plus grandes aires
métropolitaines Nord-Américaines
Source : Brooking analysis of Local Area Unemployment Statistics data. U.S. Bureau of Labor Statistics (2010)

Ce graphique décrit les différences de population au chômage selon une différenciation ville-
centre/périphérie en 2008 et 2009. Les États-Unis ont connu une augmentation de 73 % de sa
population au chômage en un an. Les villes-centres connaissent exactement le même
accroissement, alors que les communes périphériques ont vu une augmentation de 75 % de
leur population au chômage. Ces résultats et les différences observées entre centre et
périphérie laissent supposer l’existence, comme en France, de facteurs intra-urbains venant
influencer l’emploi. Quoi qu’il en soit, le phénomène décrit dans les trois figures précédentes
est le même, à savoir que les populations de certains quartiers connaissent des taux de
chômage plus élevés que leurs voisins parfois proches. La question est alors de savoir :
comment peut-on expliquer de telles disparités à une échelle aussi fine ? Les explications
macroéconomiques avancées précédemment ne sont ici plus adéquates, ces dernières affectant
uniformément les habitants d’une zone géographique aussi restreinte. Les sections suivantes
visent à expliquer ces disparités intra-urbaines.

109
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

SECTION 2 – Les disparités de statut d’emploi : l’influence des caractéristiques


individuelles

Qu’elle réside dans une zone urbaine ou rurale, une personne sera toujours caractérisée par un
certain nombre d’aspects, qu’elle peut ou non contrôler, qui viendront influencer sa relation à
l’emploi. Les théories du capital humain et du signal (§1) et les pratiques discriminatoires (§2)
en sont les deux facteurs explicatifs principaux.

1. Le niveau d’éducation et l’âge : entre théorie du capital humain et théorie du signal

L’éducation joue un rôle central dans le statut d’emploi des individus. Deux théories
complémentaires permettent de l’expliquer : la théorie du capital humain qui veut que plus un
individu est éduqué, plus il sera productif ; et la théorie du signal qui démontre que le niveau
d’éducation fournit une information à l’employeur sur les capacités initiales des individus.
Nous présenterons ces deux théories successivement. Bien qu’ils décrivent généralement le
lien entre éducation et salaire, les mécanismes évoqués restent les mêmes dans le cadre plus
général de la relation éducation/emploi.

1.1. La théorie du capital humain

La théorie du capital humain s’est développée à partir des années 1960 avec les travaux de
Mincer (1958, 1974), Schultz (1961) et Becker (1964, 1975). Mincer (1958) explique les
différences de salaires par le fait que tous les individus n’ont pas tous les mêmes dispositions
à se former pour occuper des emplois qualifiés. Schultz (1961) précise ensuite que les
individus sont en mesure d’améliorer leur productivité via des actes volontaires
d’investissement, et notamment d’investissement humain en formation. Becker (1964) vient
développer le cadre théorique de ces idées et détermine les taux de rendement de l’éducation à
cette époque aux États-Unis. Ben Porath (1967) complète par la suite cette idée en
introduisant la notion de cycle de vie, montrant alors qu’il est rentable de se former à temps
plein au début de la vie.
Construit en analogie au capital physique, le capital humain est défini comme « l’ensemble
des compétences, qualifications et autres capacités possédées par un individu à des fins
productives » comme l’explique Simonnet (2012, p. 116), qui précède son propos en
expliquant que « le capital humain se présente donc comme un facteur endogène résultant de
choix rationnels d’investissement de la part des familles, des travailleurs et des entreprises
dans l’éducation, le savoir-faire, la migration et même la santé ».

110
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

La théorie du capital humain prédit principalement que l’éducation est à l’origine d’une
accumulation de compétences permettant d’accroitre les revenus, le but est alors d’évaluer les
rendements de l’éducation. Deux modèles principaux sont au cœur de la mesure du capital
humain : (i) le modèle de Ben Porath (1967) et (ii) la spécification de Mincer (1974).

Dans le premier modèle, Ben Porath fait deux hypothèses importantes : la concurrence sur le
marché du travail et la stationnarité de l’économie. Il explique alors la formation des salaires
en fonction de la productivité marginale de l’individu, productivité qui est elle-même
dépendante du capital humain accumulé. Le stock de capital humain s’accroit d’une année sur
l’autre avec l’investissement effectué, ou se déprécie si aucun investissement n’est réalisé. Le
choix d’investissement se fait en fonction de coûts financiers (frais de scolarité etc.) et d’un
coût d’opportunité proportionnel à la productivité du travailleur à la période précédente. Il
montre alors une forme concave du taux de salaire en fonction de l’âge.
En effet, le stock de capital humain augmente tant que l’investissement brut est supérieur à la
dépréciation du stock déjà accumulé. Ainsi, au début de la vie active, le taux de salaire doit
augmenter avec l’âge tant que l’investissement net est positif. Ensuite, l’âge avançant,
l’investissement tend à diminuer, d’une part car le coût d’opportunité devient de plus en plus
important, et d’autre part parce que le nombre d’années restantes pour percevoir des revenus
supplémentaires diminue naturellement avec l’âge. Dans le même temps, la dépréciation du
capital humain tend à augmenter, ce qui fait que l’investissement net diminue avec l’âge.
Nous retrouvons bien une relation concave avec une augmentation du taux de salaire jusqu’à
un certain âge avec une stagnation ou une diminution par la suite.

Mincer (1974) est le premier à avoir allié modèle théorique et possibilité d’identification
empirique du capital humain. Le modèle de Mincer intègre le capital humain dans son
intégralité en n’arrêtant pas ce dernier à la fin de la scolarité des individus, mais en prenant
également en compte les formations réalisées au cours de la vie professionnelle. La rentabilité
de ces derniers investissements est décroissante, si bien que l’intensité des investissements
diminue avec l’âge. Il formalise alors l’effet de l’investissement éducatif sur le revenu de la
manière suivante :

ln 𝑤𝑖𝑡 = 𝑊0 + 𝑟𝑠 𝑆𝑖 + 𝑟𝑒 𝐸𝑋𝑃𝑖𝑡 + 𝑟𝑒𝑒 (𝐸𝑋𝑃𝑖𝑡 )2 + 𝑢𝑖𝑡 (2.1)

111
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Avec 𝑤𝑖𝑡 le salaire de l’individu 𝑖 à l’instant 𝑡, 𝑆𝑖 le temps passé par l’individu 𝑖 dans le
système éducatif et 𝐸𝑋𝑃𝑖𝑡 l’investissement post-scolaire de l’individu 𝑖 à l’instant 𝑡 (sa forme
quadratique permet de rendre compte de la décroissance de sa rentabilité marginale). Il utilise
cette spécification pour estimer les rendements de l’éducation et de l’expérience des hommes
blancs en 1959. Il trouve une rentabilité moyenne d’une année d’éducation aux alentours de
10 % et celle de la première année d’expérience un peu en dessous de 8 %. Jarousse et Mingat
(1986) trouvent des résultats à peu près similaires sur des données françaises de 1977.

1.2. La théorie du signal

Cahuc et Zylberberg (2003, p. 34) soulignent l’existence d’une « relation causale entre
acquisition des connaissances et niveau de rémunération ». Cependant, certaines théories
réfutent la causalité de la relation au cœur de la théorie du capital humain, arguant qu’il n’est
pas certain que l’éducation permette réellement l’acquisition de compétences productives.
Pour autant, cela ne signifie pas que l’éducation ne sert pas à l’employabilité des individus.
Pour Spence (1973), les personnes les plus éduquées sont également les plus efficaces ; le
système éducatif permet alors de trier les individus selon leur efficacité. Ainsi, le niveau de
diplôme donnera une information à l’employeur sur la productivité des candidats à l’emploi.
Nous parlons alors de la théorie du signal, dont Arrow (1973) et Spence (1973) sont à
l’origine. Pour ces derniers, le diplôme a pour fonction principale de sélectionner des
individus dont les capacités productives diffèrent a priori. Dans ce cadre, l’éducation n’est
pas vue comme un pourvoyeur de compétences productives, mais comme une source
d’information pour l’employeur sur les capacités innées des individus.

Bien qu’apparemment opposées (l’une énonce que l’éducation permet un accroissement des
compétences et l’autre réfutant cette allégation), ces deux théories peuvent être finalement
considérées comme complémentaires. Il est totalement possible d’imaginer que le système
éducatif soit à la fois pourvoyeur de connaissances et sélectionneur d’aptitudes. Il est donc
nécessaire pour comprendre le statut d’emploi d’un individu de tenir compte de son niveau de
diplôme, mais également de son expérience, qu’il est possible par exemple d’assimiler à l’âge.
En effet, une personne plus âgée aura plus de chance d’avoir une expérience professionnelle
plus importante qu’une personne plus jeune.

112
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Ces deux théories, centrales en économie du travail, énoncent toutes deux un fait
indiscutable : les individus les mieux éduqués seront ceux ayant le plus de chance d’avoir un
emploi et un salaire plus élevé, que ce soit via la valorisation de compétences acquises durant
la formation, ou via l’information que cette dernière fournit sur leurs capacités. Si nous
suivons ces raisonnements, les différences intra-urbaines de chômage pourraient être
expliquées par une répartition non-uniforme des ménages aux niveaux d’éducation différents
dans la ville. Certains quartiers peuvent concentrer une part importante de personnes peu
qualifiées qui, en accord avec ces théories, auraient donc moins de compétences ou de
capacités à valoriser sur le marché du travail, expliquant ainsi le niveau plus élevé de
chômage dans ce quartier que dans un quartier où la population à un niveau d’éducation plus
élevé.

2. Le genre et l’ethnicité à la base de pratiques discriminatoires

Hormis des critères objectifs permettant d’expliquer les différences d’emploi entre les
individus, il est également possible de mettre en avant des caractéristiques qui influencent
subjectivement l’employabilité des individus, il est alors question de discrimination.

La discrimination correspond au fait qu’un employeur traitera différemment deux personnes


identiques professionnellement sur la base de caractéristiques n’ayant pas d’effets directs sur
la productivité (Heckman, 1998). Outre les théories purement racistes ou sexistes, Phelps
(1972) et Arrow (1973) ont développé le concept de discrimination statistique. Ce concept
explique que les employeurs, ne disposant pas d’une information parfaite sur les candidats à
l’emploi, se voient contraint de reconstituer cette information par leurs propres moyens (par
exemple via des tests d’embauche) ou en se basant sur des préjugés relatifs aux
caractéristiques moyennes du groupe démographique ou social auquel appartient le candidat.
Coate et Loury (1993) ont montré que ces préjugés pouvaient devenir auto-réalisateurs, en
désincitant les travailleurs à investir en formation, venant alors renforcer les inégalités déjà
existantes entre groupes.
La méthode la plus connue et la plus utilisée pour quantifier cette discrimination est celle de
Oaxaca (1973) et Blinder (1973) qui vise à décomposer les différences de salaire entre
individus (dans le cadre de Oaxaca entre homme et femme) en une part expliquée par leurs
caractéristiques, et une part inexpliquée, qui est alors assimilée à de la discrimination.

113
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Cette méthode a été par la suite développée dans un cadre plus général afin de tenir compte de
l’hétérogénéité inobservée et de potentiel biais de sélection qui pourraient venir surestimer
cette mesure de la discrimination (Oaxaca et Ransom, 1994 ; et Neuman et Oaxaca, 2004 et
2005).
Plus récemment se sont également développées des méthodes de testing, c’est-à-dire des
méthodes expérimentales dont le but est « de placer dans des situations comparables des
individus appartenant à un groupe de références et d’autres appartenant à un groupe
potentiellement discriminé » (Aeberhardt et al., 2010a, p. 33). Ainsi, par exemple, Bertrand et
Mullainathan (2003) cherchent à évaluer la discrimination raciale à l’emploi à Boston et
Chicago en diffusant des curriculum vitae dans les journaux. Ils trouvent alors que les noms à
consonance « blanche » reçoivent 50 % de plus de retours pour des entretiens que les noms
afro-américains. Les méthodes expérimentales de testing sont également utilisées en France,
(e.g. Duguet et Petit, 2005 ; L’Horty et al., 2011 ; Petit et al., 2013 ; Petit et al., 2014 ; Duguet
et al., 2015).
La multitude d’études sur la discrimination salariale ou à l’embauche a donné lieu à plusieurs
revues de la littérature auxquelles se référer pour plus d’information sur le sujet, nous citerons
par exemple les travaux de Welch (1975), Altonji et Blank (1999) ou encore Duguet et al.
(2010a).
Ces revues de la littérature permettent de voir que l’étude de la discrimination sur le marché
du travail est principalement basée sur le genre ou l’origine ethnique. Duguet et al. (2010a, p.
6) soulignent que « despite the recent emergence of studies on new themes, these issues have
remained the most studied by researchers over the last forty years ». Plus particulièrement, ce
sont les différences d’accès à l’emploi et de salaires qui intéressent les chercheurs. Il ressort
alors que les femmes auraient tendance, à qualifications égales, à occuper des emplois moins
qualifiés que les hommes, nous parlons alors de discrimination occupationnelle (voir par
exemple, Fain, 1998). Les femmes seraient également moins bien payées que les hommes,
toutes choses égales par ailleurs (voir par exemple Oaxaca, 1973 ou Oaxaca et Ransom,
1994). Par conséquent, quel que soit le type de discrimination étudié, il semblerait qu’il existe
une différence de traitement entre homme et femme sur le marché du travail, nous suggérant
ainsi que les probabilités d’emploi des femmes sont plus faibles que celles des hommes.
D’un point de vue ethnique, les personnes issus de minorités ethniques ou les immigrants
connaissent des discriminations d’accès à l’emploi (e.g. Fougère et Safi, 2005 et 2009,
Silberman et Fournier, 1999, ou encore Meurs et al. 2006 dans le cas français) mais
également des différences de salaires (Aeberhardt et al., 2010b).

114
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Dans cette section nous avons vu que les choix d’éducation, les différences de traitement en
termes d’emploi peuvent également être la résultante de pratiques discriminatoires à
l’embauche. Ainsi, une femme, d’origine étrangère, ayant un faible niveau de qualification
aura une probabilité d’emploi plus faible. Si nous ramenons les différentes théories et
approches vues dans cette section aux différences intra-urbaines d’emploi qui nous
préoccupent, nous pouvons dire que les compositions socio-démographiques différentes des
quartiers constituent des causes de variation de taux d’emploi au sein des villes. En 2004,
Fitoussi et al., dans le rapport du CAE6 mettaient déjà en avant que « les Zus ont été définies
[…] comme ayant un taux de chômage sensiblement plus élevé que l’agglomération dont elles
font partie et, a fortiori, que la moyenne nationale », tout en caractérisant également ces
quartiers comme connaissant une surreprésentation des ménages peu qualifiés et des ménages
étrangers ou immigrés. Il s’agit là d’une première explication, que nous complétons par une
approche de la structure urbaine dans la section suivante.

SECTION 3 – Les disparités de statut d’emploi : une explication par la structure


urbaine

Nous avons montré dans la section précédente que les caractéristiques intrinsèques des
individus avaient une influence sur leurs chances d’emploi. Cependant, ces explications ne
sont pas suffisantes pour comprendre l’existence de telles disparités intra-urbaines de
chômage. Les individus en eux-mêmes connaissent des différences d’accès à l’emploi de par
leur sexe, âge, appartenance ethnique, etc., mais leur positionnement dans l’espace est
également extrêmement important. Il est, en effet, indispensable de ne pas négliger la
géographie, l’organisation de la ville. Dans un premier temps, nous analysons l’effet de la
distance aux emplois appréhendée notamment sous l’hypothèse de mauvais appariement
spatial (spatial mismatch) (§1). Dans un second temps, nous expliciterons les mécanismes
menant à cette relation positive entre distance aux emplois et chômage (§2). Enfin, nous
reviendrons sur les preuves empiriques mitigées de l’hypothèse de spatial mismatch (§3).

1. La distance aux emplois et l’hypothèse de mauvais appariement spatial

Il est communément admis que résider dans des lieux éloignés et mal connectés aux centres
d’emploi peut avoir des conséquences importantes en termes de niveau de salaire et de
chômage.

6
Conseil d’Analyse Économique

115
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Se retrouve derrière cette idée, la notion de spatial mismatch, ou mauvais appariement spatial,
initialement formulée et développée par Kain (1968). À l’origine, l’idée de Kain était
d’expliquer les forts taux de chômage des populations noires résidant au centre des villes
Nord-Américaines. Il attribue ce phénomène à deux éléments complémentaires : la
ségrégation résidentielle touchant les populations noires et la périurbanisation massive des
emplois à cette époque. Il soutient cette hypothèse en testant cela sur les aires métropolitaines
de Détroit et Chicago. Il conclut alors que « racial discrimination in these housing markets
and the serious limitations on the residential choices of Afro-American household it
produced, affected the spatial distribution of nonwhite employment and reduced nonwhite
employment in both metropolitan areas. Suburbanization of employment aggravated the later
problem. I estimated, moreover, that restrictions on residential choice had cost Afro-
American workers in Detroit as many as 9,000 jobs and in Chicago as 24,600 jobs, and that
further employment dispersal would lead to even greater job losses » (Kain, 1992, p. 374).
Ainsi, la périurbanisation des emplois et les importantes limitations de choix résidentiels pour
les populations afro-américaines ont agi ensemble pour créer un surplus de travailleurs par
rapport au nombre d’emplois disponibles dans les quartiers de centre-ville, où les Afro-
Américains sont concentrés, entrainant un taux de chômage plus important dans ces zones.
Cette idée a rencontré un succès fulgurant et a donné lieu à de prolifiques recherches,
notamment dans les années 1990, comme le montre le nombre de revues de la littérature sur le
sujet (e.g. Jencks et Mayer, 1990a ; Wheeler, 1990 ; Holzer, 1991 ; Moss et Tilly, 1991 ;
Kain, 1992 ; Ihlanfeldt et Sjoquist, 1998 et Gobillon et al., 2003).
Cette hypothèse peut servir de base à l’analyse du chômage intra-urbain, et peut possiblement
être généralisée. En effet, les études de Kain et beaucoup d’études sur le spatial mismatch
s’intéressent au chômage des populations noires des centres-villes des aires métropolitaines
américaines. Pour autant, il est possible de considérer l’éloignement aux emplois comme un
facteur d’exacerbation des difficultés socio-économiques existantes. Dans ce sens, nous allons
montrer que les mécanismes alliant distance aux emplois et statut d’emploi s’appliquent à
d’autres cas que les populations afro-américaines et la structure particulière de la localisation
des emplois aux États-Unis.

116
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

2. Les mécanismes sous-jacents à l’influence de la distance sur l’emploi

L’hypothèse que plus un individu se trouve éloigné des emplois, plus il a de risque de se
trouver au chômage semble légitime. Un ensemble de mécanismes, détaillés ci-dessous,
permet d’expliquer comment la distance aux emplois peut alors être préjudiciable :
1. L’efficience de la recherche d’emploi décroit avec la distance ;
2. Les incitations à une recherche intensive sont trop faibles pour les individus résidant
loin des emplois ;
3. La zone de recherche est relativement restreinte autour du lieu de résidence du fait des
coûts de transports pouvant devenir trop importants avec la distance ;
4. Un moyen de transport inadéquat peut exacerber à la fois les coûts de recherche et les
coûts de transport, et amplifier les effets identifiés dans les points 1, 2 et 3 ;
5. Les employeurs peuvent être réticents à engager des salariés résidant loin ; les longs
trajets les rendant moins productifs et moins flexibles.

2.1. La décroissance de l’efficacité de la recherche avec la distance

Un point important concernant l’emploi réside dans l’acquisition d’informations sur les
opportunités de postes. Un individu résidant loin des opportunités d’emploi aura moins
d’information qu’un individu vivant plus près, comme le montrent Ihlanfeldt et Sjoquist
(1990) ou Ihlanfeldt (1997) par exemple. De plus, Davies et Huff (1972) ont démontré que la
recherche d’emploi n’est efficace que dans un périmètre restreint autour du lieu de résidence.
Cette décroissance de l’efficacité de la recherche avec la distance aux emplois a aussi été
démontrée de manière indirecte par Rogers (1997) et Immergluck (1998) qui ont trouvé que
les travailleurs proches des emplois connaissent des périodes de chômage plus courtes que les
individus résidant plus loin.
D’un point de vue théorique, Wasmer et Zénou (2002) ont développé un modèle de search-
matching (une extension de celui de Mortensen et Pissarides, 1999 ; Pissarides, 2000)
intégrant le lien entre distance aux emplois et chômage dans le cadre d’une ville
monocentrique. L’efficacité de la recherche d’emploi 𝑠𝑖 pour un chômeur 𝑖 résidant à une
distance 𝑥 du centre d’emploi périurbain est donnée par :

𝑠𝑖 (𝑥) = 𝑠0 − 𝑎𝑥 (2.2)

117
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Où 𝑠0 et 𝑎 sont des paramètres positifs, 𝑎 étant une mesure de la détérioration de l’efficacité


de la recherche d’emploi associée à une augmentation marginale de la distance au centre
d’emploi périurbain. Au niveau agrégé, le nombre de matchs entre les deux parties du marché,
travailleurs et firmes, est déterminé par la fonction de matching suivante :

𝑚(𝑠̅ 𝑢, 𝑣) (2.3)

Où 𝑠̅ est l’efficacité moyenne des chômeurs, 𝑢 le niveau de chômage et 𝑣 le nombre de postes


à pourvoir. Dans ce contexte, pour un travailleur 𝑖 avec une efficacité de recherche 𝑠𝑖 , le taux
d’acquisition d’emploi à une distance 𝑥 du centre d’emploi périurbain est :

𝑚(𝑠̅𝑢, 𝑣) 𝑠𝑖
𝑝(𝑥) ≡ ∗ = 𝑚(1, 𝜆) ∗ 𝑠𝑖 (𝑥) (2.4)
𝑢 𝑠̅

Avec 𝜆 = 𝑣⁄𝑠̅𝑢 la contraction du marché du travail.


Dans ce modèle, les individus changent de lieu de résidence à partir du moment où ils
changent de statut d’emploi, entrainant une ségrégation parfaite entre travailleurs et chômeurs,
chacun résidant dans une partie distincte de la ville.
L’intérêt de ce modèle est de montrer qu’il existe plusieurs forces qui attirent les chômeurs et
les travailleurs avec des intensités différentes. Tout d’abord, les travailleurs doivent navetter
plus souvent vers le centre d’emploi. Cela se traduit par des coûts de transport par unité de
distance des travailleurs 𝑡𝑒 plus élevés que ceux des chômeurs 𝑡𝑢 . Ainsi, résider proche des
emplois est plus attractif pour les actifs occupés que pour les chômeurs. Une force attractive
du centre d’emploi s’exerce également sur les chômeurs, la réduction de la distance
permettant une meilleure efficacité de leur recherche. La confrontation de ces deux forces
amène à deux configurations urbaines d’équilibre : (i) un « integrated city equilibrium » où
les chômeurs résident près du centre d’emploi reléguant les travailleurs plus loin ; et (ii) un
« spatial mismatch equilibrium » présentant la configuration inverse, où les travailleurs se
trouvent proches des emplois. L’équilibre qui prévaut va dépendre du différentiel de coûts de
transport 𝑡𝑒 − 𝑡𝑢 et du retour espéré de l’efficacité de la recherche pour un chômeur de résider
marginalement plus près du centre, 𝑚(1, 𝜆)𝑎(𝐼𝑒 − 𝐼𝑢 ) avec 𝐼𝑒 et 𝐼𝑢 les utilités
intertemporelles.
L’équilibre urbain sera de type intégré lorsque 𝑡𝑒 − 𝑡𝑢 < 𝑚(1, 𝜆)𝑎(𝐼𝑒 − 𝐼𝑢 ) et sera du type
spatial mismatch dès lors que 𝑡𝑒 − 𝑡𝑢 > 𝑚(1, 𝜆)𝑎(𝐼𝑒 − 𝐼𝑢 ). Les auteurs montrent alors que le

118
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

taux de chômage global est supérieur et l’efficacité de la recherche plus faible quand les
chômeurs résident loin des emplois que dans l’autre configuration. Pour autant, Wasmer et
Zénou (2002) complètent leur modèle avec une analyse en termes de bien-être et montrent
que bien que le taux de chômage soit plus élevé dans le spatial mismatch equilibrium, les
travailleurs ont des coûts de commuting plus faibles que dans le cas de l’integrated city
equilibrium. Ainsi, d’après ce modèle, la distance aux emplois implique bien plus de
chômage, mais cela ne se traduit pas nécessairement par un bien-être collectif moindre.

2.2. La faiblesse des incitations à la recherche d’emploi

Deux points majeurs peuvent expliquer la baisse des incitations à la recherche d’un emploi
avec l’augmentation de la distance aux emplois : le rôle du marché immobilier et le coût de la
recherche.

2.2.1. Le lien entre intensité de la recherche et marché immobilier

Smith et Zénou (2003) utilisent un modèle de search-matching avec une localisation et une
consommation de logements endogènes. Ils trouvent alors que la distance aux emplois est
préjudiciable aux individus car elle implique des intensités de recherche plus faibles. Pour
cela, ils se basent sur l’arbitrage fondamental pour le chômeur entre les bénéfices de court et
long terme entre différents choix de localisation.
Se localiser près des emplois est coûteux à court terme, du fait de la rente foncière plus élevée
et la petitesse des logements en découlant. Cependant, une localisation proche des emplois
permet une intensité de recherche plus élevée, augmentant alors les chances de réemploi à
long terme.
À l’inverse, les localisations les plus éloignées sont plus souhaitables à court terme, avec la
consommation de logements plus grands pour des rentes plus faibles. Pour autant, ces
localisations lointaines ne permettent que des trajets irréguliers pour prospecter un emploi et
donc réduisent les chances de réemploi sur le long terme.
Les auteurs arrivent donc à la conclusion que pour les travailleurs résidant loin du CBD, il est
optimal de faire un effort de recherche minimal alors que les travailleurs résidant près des
emplois auront des recherches d’intensité plus élevée. En effet, ils souhaitent rapidement
trouver un emploi pour diminuer la part de leur revenu disponible allouée au logement. Pour
eux, « the standard US-style mismatch arises because inner-city blacks choose to remain in
the inner-city and search only little. They do not relocate to the suburbs because the short

119
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

run-long run gap is big enough to make locations near the jobs too expensive » (Smith et
Zénou, 2003, p. 131).

2.2.2. Des coûts de recherché trop élevés

Lorsque les coûts, monétaires et temporels, sont trop importants, les actifs peuvent être
dissuadés de rechercher un emploi trop éloigné de leur lieu de résidence.
Ortega (2000) ne cherche pas à mettre l’accent sur l’effet de la distance aux emplois sur la
recherche d’emploi, mais son modèle permet d’apporter un éclairage sur ce phénomène.
Il se concentre sur les migrations de chercheurs d’emploi entre zones géographiques. Il
considère une économie séparée en deux zones distinctes, chacune ayant un marché du travail
avec un taux de destruction d’emploi spécifique. Il fait l’hypothèse que les coûts de recherche
diffèrent selon que l’on prospecte dans sa zone de résidence ou sur l’autre marché. Ces coûts
sont nuls lorsque l’on considère le marché de sa zone de résidence et sont positifs lorsqu’il
s’agit du marché du travail de l’autre zone. De plus, ces coûts augmentent avec la distance et
l’efficacité de la recherche est déterminée de manière endogène dans chaque zone. Cette
efficacité va dépendre de la contraction du marché du travail, c’est-à-dire le ratio emplois
vacants/nombre de chercheurs d’emploi dans une zone. Si l’on replace ces informations dans
un cadre d’analyse standard avec une opposition centre-ville/périphérie, on suppose que le
marché du travail périurbain connait un taux de destruction d’emploi plus faible qu’au centre-
ville. Dans ce cadre, pour les résidents centraux, la probabilité de trouver un emploi est plus
élevée en périphérie qu’au centre, ils doivent donc choisir entre les bénéfices d’une recherche
plus efficace et des coûts de recherche plus élevés. Sous certaines conditions, quand ces coûts
sont trop élevés, les résidents centraux n’ont aucune incitation à rechercher un emploi en
périphérie, et le taux de chômage au centre est donc plus élevé qu’en périphérie.
Ainsi, ce modèle montre que des coûts de recherche trop élevés peuvent permettre d’expliquer
le chômage dans les zones les plus éloignées des emplois.

2.3. Des coûts de commuting trop importants

Les coûts de navettage, croissants avec la distance, peuvent expliquer une renonciation à un
emploi trop éloigné du lieu de résidence, qui permettrait d’aller en faveur de l’idée que la
distance aux emplois joue un rôle négatif sur le statut d’emploi. Les arguments sont proches
de ceux du paragraphe précédent. Cependant, la différence réside dans le fait que les coûts
de commuting ne viennent pas influencer la recherche d’emploi mais directement le statut

120
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

d’emploi des individus. Deux types distincts de modèles théoriques sont formulés dans ce
cadre : ceux considérant les coûts d’entrée des firmes et ceux basés sur les minorités
ethniques.

2.3.1. Coûts d’entrée des firmes et coûts de commuting

Coulson et al. (2001) considèrent un modèle de search equilibrium dans un cadre urbain avec
deux marchés du travail locaux distincts, un CBD (central business district) et un SBD
(suburban business district). Les entreprises choisissent de se localiser de manière endogène
entre les deux zones, sachant que les coûts d’entrée sont plus attractifs dans le SBD. Les
travailleurs quant à eux peuvent choisir de travailler dans les deux zones mais subissent des
coûts de transport plus élevés s’ils travaillent en dehors de leur zone de résidence. Dans
chaque zone, les travailleurs ont des utilités et capacités à navetter hétérogènes. Les auteurs
montrent alors qu’il existe un équilibre dans lequel les résidents du SBD travaillent dans leur
zone de résidence (qui est plus attractive pour les firmes) et certains résidents du CBD
navettent tous les jours vers le SBD (on parle alors de reverse commuting). À cet équilibre, le
nombre d’emplois vacants au CBD est plus faible qu’au SBD du fait du différentiel de coûts
d’entrée favorable à la création d’emploi au SBD. Le taux de chômage est alors plus faible au
SBD et le salaire plus élevé qu’au CBD. Ainsi, nous retrouvons notre hypothèse selon
laquelle le chômage est plus important dans les zones éloignées des emplois.

2.3.2. Minorités ethniques et coûts de commuting

Brueckner et Zénou (2003) ont étendu le modèle originel de Brueckner et Martin (1997) à
l’analyse des taux de chômage. Ils considèrent une ville fermée linéaire avec un centre
d’emploi à chaque extrémité du segment : le CBD et le SBD, ainsi que deux continuums
d’individus, noirs et blancs, uniformément distribués dans la ville et allant travailler dans l’un
ou l’autre des centres d’emploi, de masse respective 𝑁 et K. Chaque travailleur noir
consomme une quantité exogène de terre 𝜃 < 1, quantité normalisée à 1 pour les travailleurs
blancs. Les deux groupes souhaitent se rapprocher des emplois pour réduire leurs coûts de
commuting, mais les individus blancs ont une propension à payer pour se rapprocher plus
faible que les noirs, vu qu’ils consomment plus de sol. Les auteurs considèrent alors deux
équilibres possibles selon qu’il existe ou non une discrimination résidentielle envers les
populations noires.

121
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Dans le premier équilibre, sans discrimination, les noirs surenchérissent plus que les blancs
pour résider proche des emplois et se partagent équitablement entre les deux centres d’emploi,
alors que les blancs se localisent au milieu de la ville, comme nous pouvons le voir sur le
graphique 2-3.

Graphique 2-3 : Équilibre sans discrimination du modèle de Brueckner et Zénou


Source : Brueckner et Zénou (2003)

Dans le deuxième équilibre, celui avec discrimination, visible sur le graphique 2-4, les noirs
ne peuvent pas résider en périphérie, c’est-à-dire dans l’intervalle [𝜃𝑁, 𝑥𝑓 ] où les blancs
résident, 𝑥𝑓 = 𝐾 + 𝜃𝑁 étant la frontière de la ville. Ainsi, toute la population noire réside près
du CBD, avec une partie, ceux résidant entre 0 et 𝑥̃ qui commutent vers le CBD, et ceux
résidant dans l’intervalle [𝑥̃, 𝜃𝑁] qui commutent vers le SBD.

Graphique 2-4 : Équilibre avec discrimination du modèle de Brueckner et Zénou


Source : Brueckner et Zénou (2003)

La discontinuité que nous observons dans la rente d’enchère à 𝑥 = 𝜃𝑁 est la résultante de la


compétition foncière parmi la population noire liée à la discrimination qui conduit les

122
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

travailleurs noirs du SBD à offrir beaucoup plus pour les logements à la frontière de la zone
blanche que les résidents blancs eux-mêmes.
L’équilibre sur le marché du travail est trouvé en considérant les salaires comme exogènes. Ils
supposent que les travailleurs noirs sont payés au salaire minimum 𝑤𝑚 alors que les
travailleurs blancs sont mieux payés. Ils simplifient leur analyse en considérant que lorsqu’ils
sont au chômage, les travailleurs noirs du CBD ne prospectent pas un emploi au SBD et vice-
versa, les deux marchés du travail pouvant alors être traités séparément. Les travailleurs
vivent infiniment et lissent leur revenu dans le temps, alternent des phases d’emploi et de
chômage et ne déménagent pas quand leur statut d’emploi change. Les revenus moyens ou
permanents de travailleurs noirs du CBD et du SBD sont respectivement :

𝑦𝐵𝐶 = (1 − 𝑢𝐵𝐶 )𝑤𝑚 (2.5)

𝑦𝐵𝑆 = (1 − 𝑢𝐵𝑆 )𝑤𝑚 (2.6)

Avec 𝑢𝐵𝐶 et 𝑢𝐵𝑆 les taux de chômage des travailleurs noirs au CBD et au SBD
respectivement. Comme l’emploi dans chaque centre doit être également à la demande de
travail 𝐿̅ (qui est la même dans les deux centres et donnée par 𝐹 ′ (𝐿̅) = 𝑤𝑚 ), nous obtenons :

(1 − 𝑢𝐵𝐶 )𝑁𝐵𝐶 = 𝐿̅ (2.7)

(1 − 𝑢𝐵𝑆 )𝑁𝐵𝑆 = 𝐿̅ (2.8)

Où 𝑁𝐵𝐶 = 𝑥̃⁄𝜃 désigne le nombre de travailleurs noirs du CBD et 𝑁𝐵𝑆 = −𝑥̃ ⁄𝜃 le nombre de
travailleurs noirs du SBD.
Les auteurs montrent que les travailleurs noirs du CBD sont plus nombreux et connaissent des
taux de chômage plus importants que les travailleurs noirs du SBD, soit :

𝑢𝐵𝐶 > 𝑢𝐵𝑆 et 𝑁𝐵𝐶 > 𝑁𝐵𝑆 (2.9)

Ils résument leurs propos en expliquant que « housing discrimination skews the distribution of
blacks towards the city center, thus increasing the demand for central jobs and decreasing the
demand for suburban jobs ». Le nombre d’emploi étant fixe, cela conduit mécaniquement à
un chômage plus important au CBD qu’au SBD, c’est-à-dire dans les lieux éloignés de la
majorité des emplois.

123
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

2.4. La distance détériore la productivité des travailleurs

Les employeurs peuvent être réticents à embaucher des travailleurs résidant loin de
l’entreprise, considérant que ces derniers souffriront des longs temps de transport venant ainsi
affecter leur productivité. De plus, les travailleurs éloignés seront très probablement moins
flexibles sur leurs emplois du temps et l’organisation de leur temps de travail.
Zénou (2002) modélise la manière dont les firmes peuvent déterminer une frontière
géographique au-delà de laquelle elles n’embaucheront pas, dans le contexte d’une ville
monocentrique.
Chaque travailleur offre une unité de travail et choisit son niveau d’effort :

𝑒(𝑥) > 0 ∀𝑥 ∈ [0, 𝑥𝑓 ] (2.10)

𝑥 étant la distance au centre d’emploi. Il suppose également que l’effort diminue avec la
distance (𝑒 ′ (𝑥) < 0). Comme précédemment un chômeur navette moins souvent vers le CBD,
mais continue à le faire pour chercher un emploi, avec un coût de transport 𝑡𝑢 par unité de
distance, contre un coût 𝑡𝑒 pour les actifs occupés, avec 𝑡𝑒 < 𝑡𝑢 . De plus, il suppose
également que 𝑡𝑒 + 𝑒 ′ (𝑥𝑏 ) > 𝑡𝑢 avec 𝑥𝑏 la frontière entre actifs occupés et chômeurs. Cela
signifie que les coûts marginaux de transport et d’effort des actifs occupés sont supérieurs à
ceux des chômeurs, de sorte qu’ils perdent plus à résider marginalement plus loin du centre
d’emploi. Zénou fait l’hypothèse que tous les actifs occupés reçoivent le même salaire et ont
la possibilité d’être oisif (donc moins productif). Les firmes ne pouvant pas parfaitement les
contrôler, il existe une probabilité 𝜃 > 0 qu’un « tire-au-flanc » soit détecté et
automatiquement licencié. Les incitations à être oisif décroissent avec la distance au centre
d’emploi. Ainsi, la condition suffisante pour prévenir l’oisiveté est d’assurer que le travailleur
résidant à 𝑥 = 0 soit indifférent entre être oisif ou productif. Le salaire d’efficience est fixé
pour dissuader l’oisiveté pour tous les actifs occupés entre 𝑥 = 0 et 𝑥 = 𝑥𝑏 (graphique 2-5) et
est déterminé par :
𝑒0 𝛿𝑁
𝑤 = 𝑏 + 𝑒(𝑥𝑏 ) + ( + 𝑟) + (𝑡𝑒 − 𝑡𝑢 )𝑥𝑏 (2.11)
𝜃 𝑁 − 𝑀𝑥𝑏

Avec 𝑁 le nombre de travailleurs, 𝑀 le nombre de firmes, 𝑟 le discount rate et 𝛿 le taux de


destruction d’emploi.

124
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Graphique 2-5 : Équilibre urbain et équilibre sur le marché du travail du modèle de Zénou
Source : Zénou (2003)

L’auteur montre que le salaire d’efficience est une fonction croissante de 𝑥𝑏 , c’est-à-dire que
plus il y a d’actifs occupés (ou plus le taux de chômage est faible), plus le salaire commun est
élevé. De plus, comme les travailleurs diffèrent par leur localisation et donc par leur
productivité, le profit par travailleur décroit avec la distance aux emplois. Les firmes
anticipent le fait que les travailleurs distants du centre d’emploi fournissent moins d’effort et
donc recrutent les travailleurs jusqu’à 𝑥𝑏∗ , la localisation où le profit par travailleur est nul.
Ainsi, les travailleurs éloignés des emplois se voient exclus de la zone d’embauche des
entreprises, ce qui peut permettre d’expliquer les taux de chômage plus élevés dans les zones
les plus éloignées de l’emploi.

3. Le spatial mismatch : une hypothèse discutée

Comme nous l’avons vu dans la première section, l’hypothèse de mauvais appariement spatial
a donné lieu à de très nombreuses études empiriques, certaines confortant cette hypothèse,
d’autres la réfutant comme nous pouvons le voir dans le tableau 2-3. Ce tableau réalisé par
Kain (1992) récapitule les résultats mis en avant par Holzer (1991) dans sa revue de la
littérature. Il regroupe les onze études recensées par Holzer portant que les effets sur l’emploi
du spatial mismatch. Chaque colonne recense les auteurs, les dates, les lieux et périodes testés
et si ces études démontrent ou non l’existence du spatial mismatch. La dernière colonne,

125
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

ajoutée par Kain, rapporte si oui (Y) ou non (N) ces études ont également été considérées par
la revue de la littérature effectuée par Jencks et Mayer (1990a).

Tableau 2-3 : Études sur l’effet sur l’emploi du spatial mismatch recensées par Holzer (1991)
Source : Kain (1992) depuis Holzer (1991)

Comme ce tableau l’illustre, l’hypothèse du spatial mismatch n’est pas systématiquement


vérifiée et est même souvent critiquée ; et pourtant ne sont reportées ici que les études
intervenues avant les années 1990. Pour certains détracteurs du SMH, le problème viendrait
du fait que les différences de taux d’emploi ne viennent pas du positionnement des individus
dans l’espace relativement aux emplois, mais bien aux caractéristiques intrinsèques de ces
individus évoqués dans la section 2. Ainsi Ellwood (1986, p. 149) estime que « race, not
space, remains the key explanatory variable », tout comme Leonard (1985, p. 20) qui conclut
que « the problem isn’t space, it’s race ».
Ainsi, malgré presque plus de 40 ans de recherche sur le sujet, aucun consensus n’a été trouvé
sur l’importance du mauvais appariement spatial dans l’explication des problèmes sur le
marché du travail. Les preuves empiriques sont conflictuelles, certaines ne trouvent qu’un
faible impact de la distance (e.g. Cohn et Fossett, 1996), alors que d’autres trouvent une
influence très forte. Par exemple, Ihlanfeldt et Sjoquist (1990) et Raphael (1998) concluent à
une influence de plus de 50 % du spatial mismatch dans les différences raciales sur le marché
du travail à Philadelphie et San Francisco.
L’explication la plus probante à ce non-consensus, outre une croyance initiale personnelle du
chercheur dans le phénomène, est liée à la diversité de méthodes utilisées. Cet argument déjà
avancé dans les premières revues de la littérature sur le sujet (e.g. Holzer, 1991 ; Kain, 1992 ;

126
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Ihlanfeldt et Sjoquist, 1998), a été plus récemment étudié de manière extensive par Houston
(2005) avec un angle purement méthodologique. Après avoir dressé un bilan des différentes
manières de tester cette hypothèse et avoir mis en avant les forces et les faiblesses de chacune,
il soutient qu’il est nécessaire de reconceptualiser l’hypothèse de trois manières afin de la
tester et de pouvoir l’appréhender au mieux :
i. L’accent devrait être mis sur les inégalités spatiales et non raciales ;
ii. Il est nécessaire de bien distinguer l’immobilité résidentielle de la ségrégation
résidentielle ;
iii. Il faut admettre que l’étendue et l’effet du spatial mismatch sont deux éléments
distincts et doivent être mesurés séparément.

L’étude du spatial mismatch a connu un très grand intérêt de la part des chercheurs jusqu’à la
fin des années 1990. Aujourd’hui, l’intérêt scientifique, de par l’aspect contesté de cette
hypothèse, s’est un peu émoussé et l’angle d’approche de cette hypothèse a changé. En effet,
la littérature produite sur le sujet avant les années 2000 consistait principalement en des tests
empiriques dans diverses villes, alors que, plus récemment, l’accent a été mis sur
l’appréhension théorique du phénomène (Gobillon et al., 2007 ou encore Gobillon et Selod,
2014).

L’ensemble des théories et études empiriques présentées dans cette section permet de mettre
en lumière, qu’outre les caractéristiques individuelles intrinsèques, la localisation des
individus dans l’espace, et notamment leur éloignement aux emplois, peut jouer un rôle
majeur sur leur risque d’être au chômage. Il convient donc, dans toute analyse sur les
composantes du chômage urbain et sur la caractérisation de ces différences, de prendre en
compte à la fois les caractéristiques des individus mais également leur localisation et
l’organisation de l’espace dans lequel ils se situent. Pour autant, d’autres aspects peuvent
compléter l’analyse et sont présentés dans la section suivante.

SECTION 4 – Les disparités de statut d’emploi : une explication par les interactions
sociales

Nous avons expliqué, dans la section précédente, que la géographie de la structure urbaine,
l’espace, pouvait être à l’origine des disparités d’emploi observées à l’échelle intra-urbaine.
Nous pensons qu’à cela s’ajoute également un élément important, dont le développement est
beaucoup plus récent que la question du spatial mismatch : l’idée que les différences de statut

127
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

d’emploi entre individus dans la ville puissent également être expliquées par les interactions
entre ces derniers, qui se jouent à une échelle locale. Les mécanismes à l’œuvre dans ce cas
peuvent être regroupés sous un ensemble de termes, tels que les effets de pairs, de modèles,
les effets de réseaux, ou encore les effets de quartiers. Bien que ces termes puissent recouvrir
des réalités souvent proches, chacun répond à un mécanisme particulier qui vient contribuer, à
sa manière, à de potentiels différentiels de statut d’emploi entre individus. Ainsi, les
personnes que nous côtoyons directement, nos pairs ou les personnes nous servant de
modèles, vont venir influencer notre relation à l’emploi. Après un retour sur la définition des
interactions sociales (§1), nous nous intéresserons plus particulièrement à la place de ces
interactions dans la constitution du statut d’emploi des individus (§2).

1. La difficile définition des interactions sociales

Les interactions sociales entre individus sont désignées sous tout un ensemble de termes tels
que « effets de pairs », « effets de quartiers », « capital social », « norme sociale »,
« conformisme », « imitation », « contagion », etc. ce qui peut parfois prêter à confusion.

Découlant directement des modèles d’épidémiologie, l’analyse des interactions sociales entre
individus a pris une place majeure dans les sciences sociales, notamment en économie.
L’application de ces derniers aux sciences sociales revient à considérer que les individus sont
directement influencés par les aspirations et les actions de leurs pairs, c’est-à-dire les
personnes qu’ils sont amenés à côtoyer au quotidien : familles, amis, voisins, camarades de
classe ou encore collègues de travail.
Cependant, il existe un flou dans la définition même de ces interactions. Mansky (2000)
rapporte cela au fait qu’il s’agit de phénomènes intéressant plusieurs branches des sciences
sociales, principalement l’économie et la sociologie, et pour lesquels chacune utilise et
mobilise des termes différents pour recouvrir ce phénomène complexe. Ainsi, d’après
Mansky, les économistes tendent à réduire les interactions à trois mécanismes clés très
formalisés : les constraint interactions, les expectations interactions et les preference
interactions ; alors que les sociologues mobilisent une pléthore de termes, permettant une
meilleure approximation de la réalité mais dont la définition n’est que rarement explicitée et
dépend souvent de l’affinité du chercheur.

128
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Du point de vue économique, les individus interagissent à travers leurs actions, l’action d’une
personne pouvant venir influencer celles des autres au travers des trois canaux mentionnés
précédemment, que nous présentons plus explicitement ci-dessous :
 Les interactions contraintes : il s’agit des interactions de base en économie, dont
l’exemple le plus parlant est celui de la rencontre entre consommateurs et producteurs
sur un marché. Les décisions d’offre et de demande de chacun permettent de
déterminer collectivement les prix et l’ensemble du faisable pour les consommateurs.
Nous pouvons également retrouver l’exemple de la congestion, en tant qu’interaction
contrainte négative. L’idée est alors que plus d’agents choisissent un produit ou une
activité est moins ces derniers seront disponibles pour d’autres.
 Les interactions d’anticipation : les agents tenus de prendre une décision doivent
anticiper les résultats probables de leur action. Ces anticipations peuvent être formées
en observant les actions et conséquences survenues pour les autres.
 Les interactions préférentielles : lorsque l’ordre des préférences d’un agent concernant
les alternatives s’offrant à lui dans un ensemble de choix va dépendre des actions
choisies par d’autres agents. Nous nous trouvons alors dans le cadre de la théorie des
jeux non-coopératifs. De manière standard, on considère un ensemble d’agents devant
simultanément choisir une action. L’utilité de chaque agent va dépendre de l’action
choisie par les autres.
Ces trois types d’interactions, bien que très standards dans l’analyse économique, sont assez
restrictives et ne permettent pas de rendre compte des comportements réels observés, dans un
cadre intra-urbain notamment. Pour autant, en sociologie, il est difficile de trouver des
définitions précises et des cadres conceptuels clairs pour l’appréhension des interactions. Il est
donc nécessaire de récupérer les forces de chacun des deux champs scientifiques pour faire
correspondre réalité de comportement et conceptualisation scientifique rigoureuse. C’est
pourquoi, afin de s’éloigner des divergences entre domaines scientifiques, Mansky (1995,
2000) propose que les chercheurs aient pour objectif de distinguer trois hypothèses :
 Les interactions endogènes, pour lesquelles la probabilité pour un agent d’agir d’une
certaine manière varie avec le comportement de son groupe de référence.
 Les interactions contextuelles, pour lesquelles la probabilité pour un agent d’agir
d’une certaine manière varie avec les caractéristiques exogènes des membres du
groupe de référence.

129
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

 Les effets corrélés, qui expliquent que les agents d’un même groupe tendent à agir de
façon similaire car ces derniers présentent les mêmes caractéristiques individuelles
ou font face à des environnements institutionnels analogues.
Les deux premiers types d’interactions « express distinct ways that agents might be influenced
by their social environment, while correlated effects express a non-social phenomenon »
(Mansky, 1995, p. 128 ; et 2000, p. 127). L’intérêt de faire la distinction entre ces différents
types d’interactions est principalement lié au fait que leurs implications en termes de
politiques publiques ne sont pas les mêmes et sous-tendent des types d’interventions
différents.

Nous nous intéressons plus particulièrement ici aux interactions individuelles locales, c’est-à-
dire qui interviennent à une échelle géographique petite, on parle alors plus généralement
d’effets de quartier (pour une revue de la littérature sur les effets de quartier d’un point de vue
général, se référer par exemple à Durlauf, 2004 ou Jencks et Mayer, 1990b, pour des travaux
plus anciens). En effet, comme le soulignent Topa et Zénou (2015), les interactions sont
généralement plus simples et donc plus fréquentes entre agents physiquement proches, du fait
des coûts d’interactions qui augmentent avec la distance.
La notion d’effet de quartier est imprécise et regroupe un certain nombre de mécanismes
comme les effets de rôle ou de modèle, et les effets de pairs ou de groupe : la différence entre
les deux types d’effets résidant dans la temporalité des comportements considérés. Les
premiers expriment le fait que le comportement d’un individu dans un quartier est influencé
par les caractéristiques et les comportements précédents des membres de son groupe social.
Alors que les effets de pairs ou de groupe concernent des comportements contemporains et
permettent une influence réciproque des individus les uns sur les autres. Ces derniers effets
sont généralement utilisés pour expliquer des sortes de comportements mimétiques, dont
Durlauf (2004, p. 2177) identifie trois causes :
 Les facteurs psychologiques, « an intrinsic desire to behave like certain others »
 Des interdépendances dans les contraintes auxquelles les individus font face, de telle
sorte que le gain associé à un comportement va dépendre de celui des autres.
 De l’interdépendance dans la transmission des informations « so that the behavior of
others alters the information on the effects of such behaviors available to a given
individual ».

130
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Ces interactions peuvent intervenir aux différents moments de la vie d’un individu : à l’école,
sur le marché du travail et dans les comportements déviants principalement. Nous nous
intéressons ici plus particulièrement au deuxième point, bien que tous ces éléments soient liés
(le parcours scolaire va conditionner les résultats sur le marché du travail par exemple).

2. Les interactions sociales et l’emploi

Les interactions sociales intervenant entre individus géographiquement proches peuvent venir
influencer directement l’emploi de ces derniers, mais aussi constituer des arguments
discriminatoires pour les employeurs. Nous verrons également que ces interactions jouent un
rôle sur l’acquisition de l’information, et que ces interactions peuvent être appréhendées à
travers des effets de réseaux, différant légèrement des effets de quartier qui ont été considérés
dans les sous parties précédentes.

2.1. Les effets des interactions sociales sur l’emploi du point de vue de l’individu

Du point de vue de l’individu, le fait de résider dans un quartier défavorisé aura tendance à
diminuer ses chances d’emploi pour plusieurs raisons.

2.1.1. La composition sociale du quartier

Tout d’abord, il peut exister un effet désincitatif à la recherche d’emploi dû à la présence


massive de chômeurs autour de soi ; ou au contraire, être entouré de personne en emploi
augmenterait les chances d’emploi. Dans ce sens, Weinberg et al. (2004) trouvent qu’une
augmentation d’un écart-type de l’emploi au niveau du quartier est associée à une
augmentation de 9,5 % d’heures travaillées annuelles.
Topa (2001) analyse un modèle structurel de transition d’entrée et sortie d’emploi pour
estimer l’impact des interactions sociales locales sur les résultats d’emploi. Il trouve qu’une
augmentation d’un écart-type de la part d’actifs occupés dans le quartier augmente l’emploi
espéré dans un quartier donné d’entre 0,6 et 1,3 points de pourcentage. Il montre également
que ces effets sont d’autant plus importants qu’il s’agit d’un quartier à population faiblement
éduquée et à forte présence de minorités ethniques.
Cela a également été démontré à travers l’utilisation de politiques publiques permettant la
réalisation d’expériences naturelles ou randomisées. Par exemple, dans le cadre du

131
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

programme Gautreaux7, Popkin et al. (1993) ont comparé les individus relocalisés dans les
quartiers périurbains aisés (population traitée) aux individus relocalisés dans d’autres
quartiers dans la ville (groupe de contrôle). Leurs résultats indiquent que les populations ayant
déménagées en périphérie, dans des quartiers aisés, sont 25 % plus susceptibles d’avoir un
emploi que les autres. De manière similaire, Kaufman et Rosenbaum (1992) trouvent que
déménager dans un quartier aisé permet d’augmenter le niveau d’éducation et les résultats sur
le marché du travail des enfants des populations déplacées. Dans le cadre de projet de
relocalisation d’habitat social à Toronto, Oreopoulos (2003) évalue les effets à long terme de
ces programmes. Il trouve que les jeunes grandissant dans les quartiers les plus aisés
connaissent des revenus plus élevés de 17 % et ont des probabilités 5 % plus faibles de
toucher des allocations chômage une fois adulte. Pour autant, il semblerait d’après ces
résultats qu’il s’agisse en fait plus d’un effet famille que d’un réel effet de quartier qui
n’explique que peu la variance des résultats sur le marché du travail. Le programme ayant
reçu le plus d’attention est probablement le programme Moving-to-Opportunity (MTO).
Cependant, les effets de ce programme sont très mitigés, en tout cas en termes d’emploi. Il
semblerait que ce programme ait une influence positive sur la santé mentale, mais aucune sur
l’éducation ou l’emploi (Katz et al., 2001 ; Ludwig et al., 2001 ; Kling et al., 2007). Pour
autant, les résultats de telles expériences doivent être pris avec précaution. En effet, ils ne
concernent qu’une partie de la population, celle éligible au programme, qui peut avoir un
comportement différent, ou peut ne pas être sensible à l’influence du quartier. De plus, l’effet
du traitement identifié dans ces études regroupe nécessairement plusieurs facteurs liés au
changement important que représente le changement de quartier de résidence. Il est difficile
de distinguer ce qui peut être imputé au quartier de résidence initial de celui de destination.

2.1.2. Un arbitrage entre économie formelle et économe souterraine

Lorsque la population sans emploi est relativement importante dans l’environnement de


l’individu, le chômage peut alors être vu comme une fatalité. Un individu peut constater que,
malgré leurs efforts, ses proches ont du mal à sortir du chômage et à trouver un emploi. Il
existe alors une désincitation à la recherche d’emploi lorsque le taux de chômage est
important dans l’environnement proche de l’individu.
De plus, les quartiers défavorisés sont également ceux dans lesquels les taux de délinquance
sont les plus élevés. L’analyse standard de la criminalité repose sur l’arbitrage des individus
7
Programme de relogement à destination des ménages pauvres noirs à Chicago vers différents types de
quartiers : quartiers périurbains de classe moyenne blanche, quartiers centraux pauvres à dominante noire etc.

132
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

entre exercer une profession légale, travailler, ou s’engager dans la délinquance. Alors, la
présence importante d’activité souterraine dans les quartiers les plus défavorisés peut exercer
une force attractive plus importante de la délinquance par rapport à l’emploi, entrainant un
arbitrage crime/emploi penchant plus en faveur du premier.
Patacchini et Zénou (2009) montrent, à travers la modélisation d’effets de pairs via un réseau
social, comment la volonté de conformisme peut pousser des jeunes à se lancer dans des
activités criminelles. La confrontation de ce modèle aux données leur a permis de conclure
que la recherche de conformisme joue un rôle très important dans la délinquance, et
notamment dans le cadre des délits mineurs. Cela pourrait expliquer l’existence d’un chômage
important dans certains quartiers où la criminalité est importante.
Dans leur analyse de la concentration spatiale du crime, Freeman et al. (1996, p. 230)
concluent que « if an individual’s wealth makes him less likely to choose a career in crime,
we find that those exposed to crime will be more likely to become criminals themselves. In
addition, if the loss to theft is an increasing function of one’s income, the employed
(noncriminal) residents of the crime-ridden neighborhood are induced by the incidence of
crime to work less than equally skilled people elsewhere ».
L’importance des interactions sociales dans les activités criminelles est telle (e.g. Reiss, 1980
et 1988 montre que les deux tiers des activités criminelles sont réalisées en groupe) que nous
pourrions penser que dans les quartiers les plus défavorisés, ces interactions positives à la
délinquance peuvent être plus importantes que les interactions positives conduisant à
l’emploi. Dans ce sens, Murphy et al. (1993) suggèrent que les hauts niveaux de
comportements criminels viennent évincer les activités légales, de sorte que plus le nombre de
criminels augmente, plus les rendements à ne pas être un délinquant baissent, les revenus
légaux étant volés par les criminels.

2.1.3. Une reproduction sociale inéluctable ?

La reproduction sociale (e.g. voir Jourdain et Naulin, 2011, pour un retour sur le travail
central de Bourdieu) reste encore très importante dans nos sociétés actuelles, que cette
reproduction soit choisie ou subie. En effet, la tendance à reproduire le schéma parental, que
cela soit consciemment admis ou non par les individus, est très difficile à contourner. Ainsi, le
système scolaire est le principal vecteur de cette reproduction sociale (e.g. Page, 2005 ; Duru-
Bellat et al., 2010). En effet, la perception relative de la réussite scolaire (Boudon, 1973) fait
que les enfants comparent leur réussite scolaire relativement à celle de leurs parents. Ainsi, les

133
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

enfants de parents moins éduqués, principalement localisés dans les quartiers défavorisés,
auront tendance à moins s’éduquer, et donc à n’avoir que des compétences limitées à valoriser
sur le marché du travail, augmentant ainsi leurs probabilités de chômage.

Ainsi, quelle que soit la raison et le mécanisme sous-jacent, les éléments théoriques et
empiriques vont en faveur d’une influence négative de nombre de personnes au chômage dans
un quartier sur l’employabilité des individus.

2.2. Les effets des interactions sociales sur l’emploi du point de vue des employeurs

Les interactions sociales locales influencent également la décision d’embauche des


employeurs. En effet, la ségrégation résidentielle et les différences socio-économiques des
quartiers qui en découlent, peuvent être à l’origine d’une discrimination de la part des
employeurs. Cette discrimination peut être double : il peut s’agir d’une discrimination pure
contre certains types de population, ou bien d’une discrimination statistique comme nous
l’avons précédemment évoquée dans la section 2. Dans ce deuxième cas, l’employeur adopte
un comportement rationnel dans une situation d’information imparfaite. Ainsi, Gobillon et
Selod (2007, p. 22) évoquent le fait qu’ « un employeur pourra considérer que les individus
des quartiers populaires ont en moyenne des aptitudes au travail plus faibles que les habitants
résidant dans des quartiers plus riches ».

Revenons sur le premier : la structure urbaine peut amener à la stigmatisation de certains


quartiers comme étant « bons » ou « mauvais ». Les entreprises peuvent alors faire preuve
d’un certain « goût » pour la discrimination (Becker, 1957). Ce « goût » peut être propre à
l’employeur, selon ses convictions ou préjugés personnels ; ou bien dicté par la clientèle, ne
souhaitant pas faire face à certains types de populations, on parle alors de costumer
discrimination.
De ce sens, les entreprises ne souhaitant pas embaucher de personnes issues de « mauvais »
quartiers, vont mettre en place des politiques de redlining, la traduction de ce terme anglo-
saxon montrant bien l’idée de tracer sur une carte une ligne rouge à ne pas franchir au niveau
des quartiers les plus défavorisés. Zénou et Boccard (2000) développent un modèle alliant
discrimination et redlining dans le cadre d’une ville monocentrique. Ils définissent dans ce
modèle, le redlining par le fait que, quelle que soit l’origine ethnique des individus, les

134
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

employeurs tracent une ligne rouge entre la partie centrale de la ville et sa périphérie, et
discriminent les quartiers centraux. Ils apportent plusieurs explications à cette discrimination :
 Les quartiers centraux ont des taux de criminalité plus élevés, et les employeurs sont
donc réticents à employer de potentiels délinquants.
 Les écoles périurbaines sont généralement de meilleure qualité, et donc les travailleurs
périurbains ont un meilleur niveau d’éducation.
Les auteurs considèrent un continuum de travailleurs noirs, 𝐵, dont la masse est donnée de
̅𝑏 , et un continuum de travailleurs blancs, 𝑊, de masse 𝑁
façon exogène par 𝑁 ̅𝑤 . Globalement
la masse de travailleurs de type 𝑘 = 𝐵, 𝑊 est donnée par :

̅𝑘 = 𝑈𝑘 + 𝐿𝑘
𝑁 (2.12)

Avec 𝑈𝑘 , la masse de chômeurs de type 𝑘 = 𝐵, 𝑊 et 𝐿𝑘 la masse d’actifs occupés. La ville est


monocentrique, fermée et circulaire et toutes les terres sont détenues par des propriétaires
fonciers absents. Chaque travailleur consomme une quantité 𝑞 de logement, un bien
composite 𝑧, ce qui lui procure une utilité 𝑉(𝑞, 𝑧). Un actif occupé fait face à la contrainte
budgétaire exprimée par l’équation (2.13), alors qu’un chômeur aura une contrainte de
type (2.14).

𝑤 − 𝑐(𝑘)𝜏𝑥 = 𝑧 + 𝑞𝑅(𝑥) 𝑘 = 𝐵, 𝑊 (2.13)

𝑏 − 𝑐(𝑘)𝜏𝑥 = 𝑧 + 𝑞𝑅(𝑥) 𝑘 = 𝐵, 𝑊 (2.14)

Avec 𝑤 le salaire rigide à la baisse, supposé supérieur au salaire appurant le marché afin
d’assurer la présence de chomage à l’équilibre ; 𝑏 l’allocation chômage avec 𝑏 < 𝑤 ; 𝑅(𝑥) la
rente d’équilibre à la distance 𝑥 du CBD, 𝜏 le coût de commuting par unité de distance. Ce
dernier est supposé plus élevé pour les populations noires que pour les blancs.
Ce modèle fait apparaître deux équilibres urbains distincts visibles sur le graphique 2-6.

135
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Graphique 2-6 : Equilibres urbains du modèle de Boccard et Zénou


Source : Boccard et Zénou (2000)

Pour chaque type de population, 𝐵 et 𝑊, les actifs occupés ont des rentes d’enchère plus
plates que les chômeurs, et par conséquent, résident plus loin du CBD. De plus, pour un statut
d’emploi donné, 𝑙 = 𝑈, 𝐿 (avec 𝑈 pour chômeur et 𝐿 pour actif occupé), les blancs auront une
rente d’enchère plus plate que les noirs, et résideront donc plus loin du CBD. L’équilibre qui
prévaudra dépend des coûts de commuting. Si ces derniers sont suffisamment élevés, alors
l’unique configuration urbaine d’équilibre sera l’équilibre 1 où population noire et blanche
sont séparées, la configuration urbaine sera alors du type (𝐵𝑈, 𝐵𝐿, 𝑊𝑈, 𝑊𝐿). Si au contraire,
les coûts de commuting sont relativement faibles, alors l’unique configuration urbaine
d’équilibre sera l’équilibre 2 où les personnes vont être séparées en fonction de leur statut
d’emploi, la configuration étant alors de type (𝐵𝑈, 𝑊𝑈, 𝐵𝐿, 𝑊𝑙).
Les auteurs considèrent ensuite, entre autre, l’équilibre sur le marché du travail avec une
discrimination raciale et des pratiques de redlining. Cette pratique fait que les employeurs
sont plus réticents à embaucher et plus enclins à licencier les travailleurs vivant proche du
CBD que ceux vivant en périphérie, pour les raisons précédemment évoquées. Ici, cette
« ligne rouge » est endogène puisqu’elle divise en deux une ville composée de quatre types de
travailleurs, et surtout elle dépend de l’équilibre urbain qui prévaut.

136
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Équilibre urbain n°1 et redlining :


À cet équilibre, la population noire est discriminée à la fois racialement et spatialement.
La probabilité de perdre son emploi pour les actifs occupés est donnée par l’équation (2.15).

𝜃𝑘𝑚 = 𝑟(𝑘)𝑠(𝑚)𝜃 𝑘 = 𝐵, 𝑊 𝑚 = 𝐶, 𝑆 (2.15)

L’équation (2-14) donne la probabilité de trouver un emploi pour les chômeurs.

𝛿
𝛿𝑘𝑚 = 𝑘 = 𝐵, 𝑊 𝑚 = 𝐶, 𝑆 (2.16)
𝑟(𝑘)𝑠(𝑚)

Ainsi, l’état stable est caractérisé par les relations suivantes :

(𝑟𝑠)2 𝜃
𝑈𝐵1 = ̅
𝑁 (2.17)
𝛿 + (𝑟𝑠)2 𝜃 𝐵
𝜕𝑈𝐵1 𝜕𝑈𝐵1 𝜕𝑈𝐵1 𝜕𝑈𝐵1
>0 >0 >0 <0
𝜕𝑟 𝜕𝑠 𝜕𝜃 𝜕𝛿
𝜃
1
𝑈𝑊 = 𝑁̅ (2.18)
𝛿+𝜃 𝑊
1 1
𝜕𝑈𝑊 𝜕𝑈𝑊
>0 <0
𝜕𝜃 𝜕𝛿

Le différentiel de chômage entre noirs et blancs est donné par :

(𝑟𝑠)2 𝜃 1
∆𝑈1 ≡ 𝑈𝐵1 − 𝑈𝑊
1
= 𝜃[ ̅𝐵 −
𝑁 ̅ ]
𝑁 (2.19)
2
𝛿 + (𝑟𝑠) 𝜃 𝛿+𝜃 𝑊

(𝑟𝑠)2 𝜃 1
Comme 𝛿+(𝑟𝑠)2 𝜃 > 𝛿+𝜃, le chômage des noirs sera plus élevé que celui des blancs, à moins

que ces derniers ne soient beaucoup plus nombreux dans la ville. Dans cet équilibre où les
populations noires et blanches sont totalement séparées, le niveau de chômage des noirs
augmente (par rapport à la situation sans redlining) du fait de la double discrimination (raciale
et spatiale). Zénou et Boccard (2000, p. 280) expliquent que « contrary to the model with only
labor discrimination, the labor market equilibrium strongly depends on the urban
equilibrium. Because of high access costs, blacks tend to locate at the vicinity of the CBD,

137
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

which in turn causes employers to redline them. The resulting unemployment is thus higher
and the intra-urban unemployment differences are even more pronounced. »
Quand l’un ou l’autre des facteurs discriminant augmente, la ville rétrécit et toutes les
frontières sont réduites, exception faite de celle du centre qui augmente. Cela implique que les
chômeurs noirs sont encore plus ségrégés et ont donc moins de chance de trouver un emploi.

Équilibre urbain n°2 et redlining :


À cet équilibre, les individus sont séparés par leur statut d’emploi. La ligne rouge se fait donc
entre actifs occupés et chômeurs. Dans ce contexte, les noirs sont racialement discriminés et
les chômeurs sont eux spatialement discriminés.
Les relations à l’équilibre stable sur le marché du travail sont donc :

(𝑟)2 𝑠𝜃
𝑈𝐵2 = ̅
𝑁 (2.20)
𝛿 + (𝑟)2 𝑠𝜃 𝐵
𝜕𝑈𝐵2 𝜕𝑈𝐵2 𝜕𝑈𝐵2 𝜕𝑈𝐵2
>0 >0 >0 <0
𝜕𝑟 𝜕𝑠 𝜕𝜃 𝜕𝛿
𝑠𝜃
2
𝑈𝑊 = ̅
𝑁 (2.21)
𝛿 + 𝑠𝜃 𝑊
2 2 2
𝜕𝑈𝑊 𝜕𝑈𝑊 𝜕𝑈𝑊
>0 >0 <0
𝜕𝑠 𝜕𝜃 𝜕𝛿

Nous pouvons vérifier que :

𝑈𝐵2 < 𝑈𝐵1 2


𝑈𝑊 1
> 𝑈𝑊 (2.22)

∆𝑈 2 ≡ 𝑈𝐵2 − 𝑈𝑊
1
< ∆𝑈1 ≡ 𝑈𝐵1 − 𝑈𝑊
1 (2.23)

Ce modèle permet de mettre en avant la situation particulière des populations noires, qui se
voient discriminées à la fois sur des critères raciaux, mais également spatiaux, entrainant ainsi
des taux de chômage plus élevés que pour les populations blanches. Le raisonnement se fait
ici par origine ethnique, mais pourrait tout aussi bien prévaloir pour des populations de
quartiers défavorisés vs. favorisés.

Cette stratégie de redlining n’a été que peu testée empiriquement. En France, les principales
études empiriques apportées à l’existence d’une discrimination territoriale résident dans des

138
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

expériences aléatoires, menées dans le cadre d’un programme de recherche ayant donné lieu à
une ensemble de publications répertoriées dans le tableau 2-4.

Duguet, Léandri, Petit, Duguet et L’Horty, Duguet, Du


Auteurs
L’Horty et Petit L’Horty Parquet, Petit et Sari

Référence 2010b 2014 2011

Date de la campagne Décembre 2008 à


Octobre à novembre 2006
de testing janvier 2009

Serveur dans la Développeur


Profession Comptable
restauration informatique

Niveau(x) de Baccalauréat BEP


Master
qualification BTS Baccalauréat

Genre Hommes Hommes et Femmes

Origine (française
versus maghrébine) et
Origine (française versus maghrébine) réputation de la
Effets cumulés
et réputation du département de commune de
examinés
résidence en Ile-de-France résidence (Enghien
les Bains, Sarcelles,
Villiers le Bel)

Nombre de CV
envoyés sur chaque 8 12
offre d’emploi

Nombre d’offres
140 117 307
d’emploi testées
Tableau 2-4 : Testing de discrimination à l’embauche : Une mise en perspective des études réalisées dans
le cadre du programme GEODE
Source : Petit et al. (2016)

Ces études visent, au minimum, à mesurer la présence d’une discrimination basée sur le lieu
de résidence via l’envoi de CV fictif dans différents secteurs d’activité. Tous concluent à un
effet marqué du lieu de résidence sur l’emploi en Ile-de-France. La dernière étude en date de
ce programme a été menée par Petit et al. (2016) sur des cuisiniers et serveurs en Ile-de-
France. Ils montrent un effet très marqué de discrimination au niveau départemental, avec
notamment un effet « Seine-Saint-Denis » stigmatisant très fort, mais également, dans une
moindre mesure, à l’échelle du quartier. Ils concluent qu’« une bonne adresse peut aller
jusqu’à tripler les chances d’être invité à un entretien d’embauche ».

139
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

2.3. L’acquisition de l’information et les effets de réseaux

Un élément crucial dans la relation à l’emploi des individus est leur faculté à acquérir de
l’information sur les emplois disponibles, les employeurs potentiels, les salaires, etc. Plus
particulièrement, il s’agit de voir dans quelle mesure les individus constituent et mobilisent un
réseau social utile à leur prospection.

2.3.1. Les méthodes de recherche d’emploi

L’acquisition de l’information sur les emplois peut se faire de deux manières : (i) via
l’utilisation de méthodes formelles (agences d’emploi, petites annonces, etc.) et (ii) via des
méthodes informelles, c’est-à-dire le bouche-à-oreille et les contacts personnels comme la
famille, les amis, proches ou connaissances.
Rees (1966) est le premier à mettre en avant l’importance des méthodes informelles dans la
prospection d’emploi que ce soit du point de vue de l’employeur pour limiter l’incertitude et
réduire le risque de sélection adverse, ou du côté du chercheur d’emploi pour acquérir un
maximum d’information. Cette étude a ensuite été formalisée et étendue, notamment avec
l’introduction de réseaux sociaux et de forces des liens entre individus (Montgomery, 1991 et
1992 ; Granovetter, 1995 ; Calvo-Armengol et Jackson, 2004 ; Kuzubas, 2009).
Les travaux empiriques évaluent qu’entre 55 et 87 % des individus ont recours ou ont eu
recours à la famille et aux amis dans leur recherche d’emploi, selon les études (Corcoran et
al., 1980 ; Lin et al., 1981 ; Bridges et Villemez, 1986 ; Holzer, 1987a et Elliot, 1999, dans le
cas Nord-American ; Gregg et Wadsworth, 1996 sur données britanniques ; Alon et Stier,
1997 sur l’Israël ; et Wahba et Zénou, 2005 sur l’Égypte).
Les preuves empiriques de l’usage du bouche-à-oreille et des recommandations par les
employeurs sont plus nuancées. En effet, ils seraient entre 37 et 88 % à privilégier ses
méthodes selon les études (Holzer, 1987b ; Neckerman et Kirschenman, 1991 ; Miller et
Rosenbaum, 1997 ; Marsden, 2001).

Il existe des variations de l’utilisation des réseaux selon certaines caractéristiques des
individus.
En effet, un niveau d’éducation ou un statut socio-économique plus « faible » sont associés à
une probabilité de perte d’emploi plus élevée (Elsby et al., 2010), ce qui inciterait les
individus à rejoindre des réseaux plus à même de partager des informations sur les
opportunités d’emplois (Kuzubas, 2009). Un certain nombre d’études ont montré que les

140
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

réseaux informels sont plus mobilisés par les chercheurs d’emploi les moins éduqués
(Ornstein, 1976 ; Corcoran et al., 1980 ; Datcher, 1983 ; Marx et Leicht, 1992), mais aussi les
plus modestes (Rees et Schultz, 1970 ; Corcoran et al., 1980 ; Elliot, 1999 ; Green et al.,
1995). Les minorités ethniques ont également massivement recours aux méthodes informelles
(Corcoran et al., 1980 ; Datcher, 1983 ; Campbell et Rosenfeld, 1985 ; Falcon et Melendez,
1996 ; Green et al., 1999, Datcher, 2006 ; Battu et al., 2011). L’effet de l’âge du chercheur
d’emploi est plutôt nuancé. En effet, Corcoran et al. (1980), Marsden et Hurlbert (1988) et
Wegener (1991) ont montré que les travailleurs les plus jeunes et les moins expérimentés sont
plus susceptibles d’utiliser des méthodes de recherche informelles ; alors que Hilaski (1971)
et Falcon (1995) n’ont, eux, identifié aucun effet de l’âge sur la mobilisation d’un réseau de
contacts personnels.

2.3.2. L’efficacité de la recherche d’emploi

L’efficacité des méthodes de recherche informelles et des réseaux sociaux dans l’acquisition
d’un emploi est nuancée. En effet, certains auteurs montrent que l’utilisation des réseaux
sociaux est plus efficace que les méthodes formelles. Par exemple, Holzer (1987c) utilisent les
données de la National Longitudinal Survey of Youth de 1981 et 1982 pour démontrer que la
probabilité d’obtenir un emploi ou de recevoir une proposition d’emploi via un contact
personnel est plus élevée qu’à travers les méthodes formelles. Cependant, il montre également
que ces méthodes sont beaucoup moins efficaces pour les afro-américains que pour les blancs,
l’amenant à conclure que les jeunes noirs font face à des barrières à l’emploi plus importantes.
Dans le sens de son premier résultat, Holzer (1988) trouve également que parmi toutes les
méthodes de recherche, les réseaux personnels sont celles générant le plus d’offres et
d’acceptations d’emploi, ce qui permet de conclure à un usage plus important et une efficacité
plus élevée de ces méthodes de recherche d’emploi.
Cependant, bien que globalement la mobilisation d’un réseau social permette de meilleurs
résultats sur le marché du travail, il semble nécessaire de nuancer ces propos. En effet, ces
effets de réseaux ne sont pas homogènes selon les populations considérées. Bortnick et Ports
(1992) montrent que les réseaux personnels sont légèrement moins productifs pour les
femmes que pour les hommes. Avec les études très répandues aux États-Unis sur les minorités
ethniques, il est courant de trouver que les réseaux sont beaucoup moins productifs pour les
populations noires (e.g. Holzer, 1987c ; Bortnick et Ports, 1992 ou encore Korenman et
Turner, 1996).

141
Partie 1 – Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure urbaine

Ces résultats nous suggèrent que la non-homogénéité des effets de réseaux selon les individus
peut permettre d’expliquer les différences observées de répartition du chômage. En effet,
comme nous le montrons dans le chapitre 1, les individus similaires ont tendance à se
regrouper dans les mêmes zones géographiques. Ainsi, la ségrégation urbaine peut impliquer
des effets de réseaux plus faibles ou moins efficaces dans certains quartiers de la ville
permettant de comprendre, entre autre, pourquoi certaines populations urbaines ont des
propensions au chômage plus importantes.

142
Conclusion du chapitre 2

Ce chapitre avait pour but de mettre en exergue et de comprendre l’existence de poches de


chômage au sein des villes. En effet, en France en 2013, les quartiers les plus défavorisés
souffraient en moyenne d’un surplus de chômage d’environ 7 points de pourcentage par
rapport aux autres quartiers des villes. Comment expliquer de telles différences à une échelle
géographique aussi fine ? Les explications à ce phénomène de chômage intra-urbain ne sont
pas macroéconomiques, mais trouvent leur source dans la ville en elle-même, dans son
organisation, dans les individus qui la composent et dans les interactions sociales qu’elle
abrite.
Ainsi, nous avons montré à travers une approche, qui se veut à la fois basée sur les apports de
la théorie et sur la considération des études empiriques, qu’un ensemble de facteurs viennent
influencer le chômage des populations urbaines.
Tout d’abord, l’influence des individus et de leurs caractéristiques intrinsèques sur leur
chance d’emploi doit être prise en compte. En effet, que ce soit d’un point de vue objectif ou
discriminatoire, l’hétérogénéité de la population urbaine conduit naturellement à des
disparités d’emploi. Ainsi, un individu mieux formé, plus expérimenté, aura des chances
d’emploi plus importantes que les personnes n’ayant pas suivi de formation leur permettant la
valorisation de compétences sur le marché du travail. Au contraire, les femmes et les
personnes d’origine ethniques minoritaires seront plus sensibles au chômage, du fait de
pratiques discriminatoires.
Cependant, il apparait que ces caractéristiques seules ne peuvent expliquer l’intégralité du
chômage intra-urbain, même si la concentration d’individus semblables dans l’espace permet
de comprendre une partie de la formation des poches de pauvreté dans les villes. En effet,
l’organisation de la ville, sa structure crée ou encore exacerbe les problèmes d’emploi. Nous
avons montré que la distance aux emplois était une source majeure de différences de statut
d’emploi parmi la population urbaine. Ainsi, plus les individus se trouvent loin ou mal
connectés aux emplois, et plus ils risquent de se trouver au chômage. Même si les études
empiriques ne sont pas unanimes quant à l’hypothèse du spatial mismatch, un ensemble de
mécanismes économiques et socio-économiques sous-tend l’influence de la géographie de la
ville sur les probabilités d’être détenteur d’un emploi.
L’influence de la ville sur l’emploi à travers les interactions qui se jouent en son sein doit être
considérée. Les agents économiques sont influencés par les caractéristiques et les actions de
ceux qui les entourent. Ces interactions sociales peuvent être choisies, mais sont également

143
subies. En effet, les interactions sociales locales, ou plus communément appelées « effets de
quartier » ne demandent pas forcément d’interactions directes entre individus, le simple fait
de résider dans un quartier vient, par la composition socio-économique de ce dernier,
influencer les chances d’emploi. Enfin, le chômage peut être vu comme une fatalité dans les
zones où le nombre de personnes sans emploi est important, pouvant conduire plus facilement
les individus vers la délinquance plutôt que vers le travail légal. De plus, les interactions
sociales peuvent amener, quand elles se jouent plus particulièrement au sein de la famille, à
un phénomène de reproduction sociale. Ainsi, les personnes qui entourent les individus, que
ce soit à travers des contacts voulus ou subis (comme le voisinage indirect), viennent
influencer les chances d’emploi.
Dans ce chapitre, nous nous sommes placés dans une perspective large d’explication des
disparités de chômage intra-urbain. Nous avons montré qu’elles peuvent être expliquées par
un ensemble de facteurs qui peuvent s’amplifier les uns par rapport aux autres. Ces facteurs
peuvent être résumés par l’idée que c’est la structure urbaine, la ville elle-même qui
conditionne et crée des disparités et donc vient exacerber la ségrégation urbaine. C’est la ville,
par la répartition d’individus hétérogènes et d’emplois en son sein, par sa géographie mais
également par sa capacité à être constitutive d’interactions sociales locales, qui est à l’origine
du phénomène de la non-uniformité du chômage urbain. En conséquence, certains individus
ont plus de risque d’être sans emploi de par leurs caractéristiques intrinsèques mais également
par leur localisation résidentielle et leur positionnement relatif dans la ville.

Finalement, l’organisation urbaine a un rôle sur le statut d’emploi des résidents. Nous
proposons dans le chapitre suivant d’étudier le rôle de cette structure urbaine, entendue
comme la répartition des agents et des emplois dans la ville, sur les probabilités d’emploi des
jeunes dans l’aire urbaine d’Aix-en-Provence – Marseille afin de tester les différentes
hypothèses avancées dans ce chapitre.

144
CHAPITRE 3 – L’INFLUENCE DE LA SÉGRÉGATION URBAINE SUR
L’EMPLOI : UNE ÉTUDE DE CAS SUR L’AIRE URBAINE
MARSEILLAISE

Les apports du chapitre 1 sur la mesure et les origines de la ségrégation urbaine :


 Les villes sont caractérisées par une structuration de l’espace urbain en fonction des
différents groupes de populations qui la composent.
 Les études sur la ségrégation portent principalement sur les villes Nord-Américaines,
et la ségrégation est majoritairement abordée sous l’angle de l’origine ethnique.
 La ségrégation est une situation d’équilibre de long terme résultant des choix de
localisation des ménages avec certains facteurs cumulatifs.
Les apports du chapitre 2 sur les explications des disparités d’emploi intra-urbaines :
 Les caractéristiques intrinsèques des individus influencent leurs chances d’emploi :
niveau d’éducation, genre, origine ethnique, etc.
 À ces caractéristiques s’ajoute le rôle du lieu de localisation, selon deux angles :
o L’éloignement aux emplois :
 Les individus vivant dans des lieux éloignés ou mal connectés aux
emplois ont plus de risque d’être au chômage.
 La distance aux emplois a un effet sur l’efficacité et l’intensité de la
recherche d’emploi d’une part et sur la productivité d’autre part.
o Les interactions sociales locales influençant l’environnement des individus :
 Les interactions sociales indirectes : la composition sociale du quartier
de résidence influence les chances d’emploi. Les probabilités d’emploi
dépendent du statut d’emploi, et donc du taux de chômage dans le
quartier de résidence. De forts taux de chômage sont décourageants
pour les individus en recherche d’emploi. Par ailleurs, les employeurs
potentiels l’interprètent comme un signal sur la productivité des
individus du quartier.
 Les interactions sociales directes : les caractéristiques des personnes
côtoyées au quotidien influencent les opportunités sur le marché du
travail. Les effets de pairs et la tendance à la reproduction sociale sont
des mécanismes explicatifs.

145
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

 Le réseau social tient un rôle important dans l’obtention d’un emploi,


même si ce n’est pas l’unique réseau mobilisé par l’individu.
Cependant, tous n’ont pas recours aux mêmes méthodes dont
l’efficacité peut être nuancée.

L’objectif de ce chapitre est d’étudier la véracité et l’influence de ces différents points à


travers une étude empirique originale.
De prime abord, Paris semble être LA zone à étudier de par son rôle crucial, central et
structurant de capitale. Cependant, il nous semblait intéressant de nous éloigner de cette
configuration urbaine très particulière, qui de plus, a reçu beaucoup d’attention en termes
d’analyse de la ségrégation résidentielle (e.g. Preteceille, 2006 ; Merle, 2010 ; Baumont et
Legros, 2013 ; Bonnet et al., 2015 ), et d’emploi (e.g. Gobillon et Selod, 2007 ; Du Parquet et
al., 2011 ; Georges et al., 2015). Aussi, nous avons choisi de centrer notre étude sur la
deuxième plus grande ville et troisième plus grande aire urbaine française : Marseille – Aix-
en-Provence. Son statut de plus vieille ville de France et son ouverture sur l’extérieur fait de
Marseille une zone hétérogène très intéressante à étudier en termes de ségrégation urbaine. La
question centrale de ce chapitre s’inscrit dans la lignée des enseignements des précédents :
l’organisation de l’aire urbaine marseillaise a-t-elle un impact sur la probabilité d’emploi de
ses résidents ?
Peu de travaux ont été réalisés dans un contexte européen. Nous n’avons recensé à l’heure
actuelle que quatre études complètes sur le sujet. La première a été menée par Fieldhouse
(1999) qui étudie, entre autre, l’influence de la distribution géographique des minorités
ethniques dans le Grand Londres sur les différences de chômage. Gobillon et Selod (2007)
s’intéressent aux effets de la ségrégation résidentielle et du spatial mismatch sur
l’employabilité des individus en région parisienne. Sari (2012) s’intéresse, sur la même zone,
aux effets des quartiers défavorisés sur le chômage. Enfin, Dujardin et al. (2008) ont montré
qu’il existait un effet « quartier de résidence » sur les probabilités de chômage dans l’aire
urbaine bruxelloise.
Nous avons montré dans le premier chapitre de cette thèse que Marseille connaissait les
indices de ségrégation les plus élevés. Nous nous positionnons dans la suite de cette première
étude en essayant de caractériser plus particulièrement cette ségrégation à l’échelle des
quartiers. Pour cela, nous réalisons une typologie des quartiers selon le profil socio-
économique de ses habitants, pouvant être mis en parallèle des indices locaux calculés. Cette
typologie est par la suite intégrée à un modèle d’estimation de la probabilité d’emploi des

146
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

jeunes marseillais. Elle nous permettra alors de mettre en avant l’existence d’effet de quartiers
sur l’emploi.
Afin de prendre en compte les différents résultats mis en avant dans le chapitre 2, nous
intégrons également dans l’estimation de ces probabilités d’emploi un ensemble de
caractéristiques individuelles. Les résultats sont en adéquation avec les théories énoncées dans
la première section du chapitre 2 : les femmes, les immigrés et les moins qualifiés auront des
probabilités d’emploi moindres.
L’effet de la distance aux emplois est également pris en compte dans notre modèle. Pour cela,
nous intégrons deux variables : une mesure de la densité d’emplois présents localement et une
mesure de la distance à vol d’oiseau des emplois. Nos estimations permettent la validation de
l’hypothèse de mauvais appariement spatial, lorsque les résultats sont significatifs.
Enfin, nous testons l’effet des interactions individuelles, qu’il s’agisse d’effet de pairs ou de
réseaux, en mobilisant l’économétrie spatiale pour estimer le modèle de probabilité d’emploi
précédemment évoqué. Il ressort de nos estimations que le fait d’être entouré de quartiers
défavorisés ou encore de personnes peu qualifiées diminuera les chances d’emplois des jeunes
marseillais.

Ainsi, notre étude vient corroborer les éléments mis en avant dans les chapitres précédents en
démontrant l’existence d’un effet de la structure urbaine sur les probabilités d’emploi des
jeunes dans l’aire urbaine marseillaise. Globalement, nous pouvons affirmer qu’il existe bien
un lien entre la ségrégation et l’emploi des populations urbaines, de par leur choix résidentiel,
dans l’aire urbaine d’Aix-en-Provence – Marseille.
Ce chapitre se structure en quatre sections. Dans un premier temps, nous caractérisons plus
précisément l’espace urbain de notre étude, pour dans un deuxième temps nous intéresser aux
individus que le compose. La troisième section constitue le cœur de cette étude en
s’intéressant aux interactions entre ces individus et leurs espaces, et l’effet engendré sur leur
chance d’emploi. Enfin, nous étendons notre modèle avec la prise en compte de la géographie
de la structure urbaine via l’utilisation de l’économétrie spatiale.

147
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

SECTION 1 – L’espace : l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence

Cette section a pour objectif de caractériser l’espace sur lequel va porter notre étude. Pour
cela dans un premier temps, nous présenterons la zone d’étude (§1), pour ensuite nous
intéresser aux données mobilisées à cette échelle (§2).

1. La zone d’étude

Lorsqu’est venue la question de l’échelle géographique à retenir pour cette étude, une
multitude de solutions s’offraient à nous : la commune, l’agglomération, le bassin de vie, les
zones d’emploi ou encore l’aire urbaine. Nous avons choisi de retenir cette dernière échelle
pour deux raisons. La première est qu’il s’agit d’une échelle suffisamment large pour
comprendre un nombre assez important d’individus ; et la seconde est qu’il s’agit de l’échelle
la plus pertinente, vu qu’elle se définit en termes d’emplois comme nous allons le voir dans la
sous-section suivante.
Le choix de la région marseillaise s’est imposé à nous pour plusieurs raisons : la première est
que nous recherchions une zone sur laquelle la population est importante et l’emploi
conséquent ; la seconde est que Marseille présente un profil très intéressant en termes
d’analyse de la ségrégation de par son histoire.
Il est nécessaire, avant de présenter cela, de revenir sur la notion même d’aire urbaine, et sur
la caractérisation de celle d’Aix-en-Provence – Marseille, avant d’aborder l’échelle
géographique considérée qui est celle de l’Ilots Regroupés pour l’Information Statistique.

1.1. Le zonage en aires urbaines de 2010 et l’aire urbaine marseillaise

1.1.1. Le zonage en aires urbaines de 2010

Le zonage en aires urbaines de 2010, qui prévaut toujours actuellement en France, repose sur
la définition de trois grandes catégories de zones urbaines : petites, moyennes et grandes. La
différence entre les trois repose sur les seuils d’emploi considérés. Ainsi, l’Insee définit ces
trois catégories de la manière suivante :
 Une grande aire urbaine est « un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans
enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine8) de plus de 10 000 emplois, et

8
Définition de l’Insee : « la notion d’unité urbaine repose sur la continuité du bâti et le nombre d’habitants. On
appelle unité urbaine une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de
coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants. Si l’unité urbaine
se situe sur une seule commune, elle est dénommée ville isolée. Si l’unité urbaine s’étend sur plusieurs

148
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine9) dont au moins
40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des
communes attirées par celui-ci » ;
 Une aire urbaine moyenne désigne un « ensemble de communes, d’un seul tenant et
sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de 5 000 à 10 000 emplois,
et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population
résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par
celui-ci » ;
 Une petite aire urbaine correspond à « un ensemble de communes, d’un seul tenant et
sans enclave, constitué par un pôle (unité urbaine) de 1 500 à 5 000 emplois, et par
des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40 % de la population
résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par
celui-ci ».
Ce zonage est représenté sur la carte 3-1.

communes, et si chacune de ces communes concentre plus de la moitié de sa population dans la zone de bâti
continu, elle est dénommée agglomération multi-communale. »
9
Définition de l’Insee : « La couronne recouvre l'ensemble des communes de l'aire urbaine à l'exclusion de son
pôle urbain. Ce sont des communes ou unités urbaines, dont au moins 40 % des actifs résidents travaillent dans
le pôle ou dans les communes attirées par celui-ci. »

149
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Carte 3-1 : Le zonage en aires urbaines de 2010

La définition de ces zones géographiques en matière notamment d’emploi, nous permet


d’assurer une certaine cohérence dans notre étude. En effet, ces zones comportent un nombre
important d’habitants, et surtout d’emplois qui permettent de considérer que la plupart des
individus vont travailler ou prospecter un emploi à l’intérieur de ce périmètre. Ainsi, nous
pouvons vraisemblablement étudier de manière pertinente la relation entre les individus, leur
lieu de résidence et l’emploi.

150
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

1.1.2. L’air urbaine marseillaise

L’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence se trouve au Sud-Est de la France, dans la


région Provence – Alpes – Côte-d’Azur. Il s’agit de la troisième plus grande aire urbaine
française derrière Paris et Lyon, regroupant chacune respectivement en 2013, 12 405 426 et 2
237 676 d’habitants. L’aire urbaine marseillaise, avec ses 1 734 277 habitants en 2013, se
trouve dans la catégorie des « aires urbaines à croissance moyenne » avec une croissance
démographique principalement due à sa densification (Floch et Levy, 2011). Cette zone est
composée d’un petit nombre de communes, seulement 90, dont 17 dans le Var et 73 dans le
département des Bouches-du-Rhône. Elle est construite autour de deux pôles urbains que sont
Aix-en-Provence et Marseille, cette dernière étant historiquement structurante de cette région.
Fondée aux alentours de 600 avant J.C. sous le nom de Massilia par les marins grecs de
Phocaea, Marseille est la plus vieille ville de France. Depuis l’Antiquité, Marseille est un
important port marchand, qui a connu un développement commercial considérable durant le
XIXème siècle. Tirant avantage de l’expansion de l’empire colonial français, Marseille devient
une ville industrielle prospère avec le statut de premier port à destination des colonies. Il reste
aujourd’hui le premier port français, le second de la zone méditerranéenne et le quatrième port
européen. À la suite de la décolonisation et de la désindustrialisation qui est intervenue dans
les années 1960, la zone a souffert de fortes difficultés économiques, ainsi que d’une
mauvaise image liée à l’importante criminalité qui s’y développait. La ville connait cependant
un renouveau urbain, économique et culturel depuis la fin des années 1990.
L’ouverture de Marseille sur la Méditerranée en a fait une ville cosmopolite basée sur
l’échange culturel et économique avec l’Europe du Sud, le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord
et l’Asie.
De par son statut de plus vieille ville de France, Marseille représente l’opportunité d’étudier
une ville (et ses environs) dont la construction et l’organisation se sont faites au fil du temps,
à travers différentes ères de développement économique. Il s’agit également d’une des villes
françaises qui a connu le plus de vagues successives d’immigration, accueillant les
populations de tout le bassin méditerranéen. Marseille et ses environs sont un melting-pot de
cultures, de populations, ce qui se ressent dans l’organisation de la ville en elle-même. Cette
aire urbaine représente donc une opportunité unique d’étudier la répartition spatiale de
populations très hétérogènes et de ces implications en termes d’emploi.

151
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

1.2. Les Ilots Regroupés pour l’Information Statistiques (Iris)

La relation de l’individu à l’urbain ne se joue pas à une échelle globale mais bien à la
proximité immédiate des individus. Il en va de même pour leur relation à l’emploi. Comme
nous l’avons vu dans le chapitre 2, les demandeurs d’emploi ne prospectent efficacement que
dans un périmètre restreint autour de leur lieu de résidence (Davies et Huff, 1972). La
recherche d’emploi passe principalement par contacts personnels (Mortensen et Vishwanath,
1994), contacts qui se définissent majoritairement via une proximité géographique. Ainsi, il
est important, si nous souhaitons caractériser au mieux le lien entre rapport à l’espace et à
l’emploi des individus, de raisonner à une échelle intra-urbaine la plus fine possible. Par
conséquent, afin de décrire au mieux la réalité de la situation, nous avons mené cette étude à
l’échelle de l’Iris (Ilots Regroupés pour l’Information Statistiques), dont la définition est
donnée dans la section 1 du chapitre 1.
L’aire urbaine Marseille – Aix-en-Provence compte 742 Iris, visibles sur la carte 3-2.

Carte 3-2 : Découpage et type d’IRIS de l’aire urbaine marseillaise

Les communes non-irisées sont comptabilisées comme un Iris unique venant se confondre
avec l’échelle communale. Nous en dénombrons 48 dans l’intégralité de l’aire urbaine. Ces

152
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

dernières correspondent en périphérie aux communes les plus éloignées et les plus
« ruralisées » de l’aire. Comme nous pouvons le voir, au contraire et de manière logique, les
communes les plus peuplées sont celles ayant un découpage le plus fin et correspondent
majoritairement à des Iris d’habitats (à l’exception de quelques zones naturelles comme les
calanques ou parcs, et des zones d’activité liées au port). Un certain nombre d’Iris d’activité
sont visibles aux abords de l’Étang de Berre, connu pour son activité industrielle.

2. Les données sur l’espace

Il est nécessaire pour notre étude de pouvoir caractériser ces territoires autrement que par leur
répartition géographique. Ainsi, nous avons créé une base de données à l’échelle des Iris afin
de caractériser leur composition sociale mais également économique.
L’Insee diffuse un ensemble de base de données à l’échelle infra-communale sur différentes
thématiques que sont : le logement, les diplômes-formations, les couples-familles-ménages,
l’évolution et la structure de la population et les caractéristiques de l’emploi, dont le contenu
est détaillé sommairement dans le tableau 3-1.

Thématiques Informations Sources

Résidences principales : par nombre de pièces, par


type, par surface, par ancienneté d’aménagement, par
statut d’occupation, par ancienneté d’occupation, par
Insee - Recensement de la Population –
Logements années de construction
Exploitation principale
Ménages : par ancienneté d’aménagement
Résidence secondaire
Logements vacants
Caractéristiques des personnes : par âge
Diplômes - Caractéristiques des personnes scolarisées : par âge Insee - Recensement de la Population –
formations Caractéristiques des personnes non-scolarisées : par Exploitation principale
diplôme, par sexe
Composition des ménages : en termes de familles, de
Insee - Recensement de la Population –
Couples – ménages - personnes (statut matrimonial, CSP)
Exploitations principale et
familles Composition des familles : nombre d’enfants
complémentaire
Composition de la population : par âge, par CSP, par Insee - Recensement de la population –
Population origine, par sexe Exploitation principale et
complémentaire
Caractéristiques des actifs : par âge, par sexe, par
statut d’activité, par CSP, par moyens de transport Insee - Recensement de la Population –
Activité des résidents Caractéristiques des salariés : par sexe, par temps de Exploitation principale et
travail, par type de contrat complémentaire
Caractéristiques des non-salariés : par sexe, par statut
Nombre de ménages fiscaux
Revenus Insee - DG-FIP
Quartiles et déciles de revenus
Emploi au lieu de Nombre de postes salariés
Insee – CLAP
travail Nombre de postes salariés du secteur marchand
Tableau 3-1 : Fichiers de données infra-communale mis à disposition par l’Insee

153
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Nous avons, à l’aide de ces différents fichiers, créé une nouvelle base de données ne
contenant que les informations pertinentes pour notre étude, dont les variables sont visibles et
explicitées dans le tableau 3-2.

Nom de la variable Description

Dist_moy Distance moyenne entre les centroïdes des IRIS


Emp_loc Densité d’emploi local
Fam_mono Pourcentage de familles monoparentales
Etr Pourcentage d’étrangers dans la population résidente
Immi Pourcentage d’immigrés dans la population résidente
Rev_med Revenu médian
cadre Pourcentage de cadres parmi les actifs
ouvr Pourcentage d’ouvriers parmi les actifs
empl Pourcentage d’employés parmi les actifs
Tx_chom1564 Taux de chômage des 15-64 ans
Tx_chom1524 Taux de chômage des 15-24 ans
Dipl_VI Pourcentage de personnes n’ayant aucun diplôme ou un
brevet des collèges parmi les personnes de plus de 15 ans
non-scolarisées
Dipl_V Pourcentage de personnes titulaires d’un BEP ou d’un
CAP parmi les personnes de plus de 15 ans non-scolarisées
Dipl IV Pourcentage de personnes titulaires d’un baccalauréat
général, professionnel ou technologique parmi la
population de plus de 15 ans non-scolarisée
Dipl_III Pourcentage de personnes titulaires d’un diplôme de type
bac+2 (DUT, BTS, DEUG, écoles de formations sanitaires
ou sociales, etc.) parmi la population de plus de 15 ans non
scolarisée
Dipl_II Pourcentage de personnes titulaires d’un diplôme du
second ou troisième cycle universitaire (licence, maitrise,
master, DEA, DESS, doctorat) ou d’un diplôme de grande
école parmi la population de plus de 15 ans non-scolarisée
Log_vac Pourcentage de logements vacants
propri Pourcentage de propriétaires parmi les logements
résidence principale
HLM Pourcentage de résidence principale de type logement
social
Tableau 3-2 : Variables utilisées à l’échelle de l’Iris

154
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Ces variables seront utilisées par la suite afin de comprendre et d’appréhender le lien
qu’opèrent les individus avec leur espace de résidence.

SECTION 2 – Les individus : les jeunes actifs marseillais

Les individus, personnes physiques, sont au cœur du phénomène que nous cherchons à
identifier et caractériser. En effet, la relation à l’emploi est plus complète si elle est considérée
à une échelle microéconomique. Ainsi, nous explicitons dans cette section les individus sur
lesquels vont porter notre étude, en présentant dans un premier temps les données mobilisées
(§1), en explicitant plus précisément les échantillons retenus selon différentes problématiques
(§2), et en caractérisant, à travers un ensemble de statistiques descriptives, les individus
retenus (§3).

1. Les données

Une base de données a été constituée à partir du Recensement de la Population de 2009


réalisé par l’Insee. Chaque observation de la base correspond à un individu décrit selon ses
caractéristiques socio-démographiques, mais également celles du ménage auquel il appartient
et quelques informations sur sa résidence principale. Cette base de données contient
initialement l’ensemble des individus recensés en France métropolitaine et dans les
départements d’outre-mer.
Depuis quelques années, le recensement ne se veut plus exhaustif comme auparavant mais
vise une diffusion régulière de l’information. Ainsi, la collecte d’information est maintenant
annualisée, avec une enquête sur l’ensemble de la population pour les communes de moins de
10 000 habitants à raison d’une commune sur cinq chaque année. Pour les communes de plus
de 10 000 habitants, une enquête est réalisée tous les ans sur un échantillon représentant 8 %
des logements. En cumulant cinq enquêtes, l’ensemble des habitants des communes de moins
de 10 000 habitants et environ 40 % de la population des communes de plus de 10 000
habitants sont pris en compte. Les informations collectées sont ramenées à une même date,
correspondant au 1er janvier de l’année médiane pour obtenir une meilleure robustesse des
données. En conséquence, dans notre cas, considérer les résultats du recensement de 2009,
revient à considérer des informations collectées entre 2007 et 2011.
Une fois la base restreinte aux individus de l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence, le
fichier contient 576 426 observations décrites par 89 variables. Nous avons procédé à une

155
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

sélection parmi ces variables pour ne retenir que celles pertinentes pour notre étude, qui sont
récapitulées dans le tableau 3-3.

Nom de la
Description Modalités Utilisation
variable
CANTVILLE Département, canton-ou-ville du Se reporter à la documentation géographique du
lieu de résidence recensement
NUMMI Numéro du ménage dans le Z : individu hors ménage Création variable
canton-ou-ville (anonymisé) ménage
AGEREV Age en années révolues détaillé 000 : Moins de 1 an Agrégation pour
001 : 1 an création variable
002 : 2 ans age - Régression

120 : 120 ans
APAF Appartenance à une famille 0 : Hors famille (personne seule ou isolée du Vérification /
ménage) Sélection
1 : Adulte de sexe masculin de la famille principale
2 : Adulte de sexe féminin de la famille principale
3 : Enfant de la famille principale
4 : Adulte de sexe masculin de la famille secondaire
5 : Adulte de sexe féminin de la famille secondaire
6 : Enfant de la famille secondaire
Z : Hors logement ordinaire
CS1 Catégorie socio-professionnelle 1 : Agriculteurs exploitants Analyse de
en 8 postes 2 : Artisans, commerçants et chefs d’entreprise sensibilité
3 : Cadres et professions intellectuelles supérieures
4 : Professions intermédiaires
5 : Employés
6 : Ouvriers
7 : Retraités
8 : Autres personnes sans activité professionnelle
DIPL Diplôme le plus élevé 01 : Pas de scolarité Agrégation pour
02 : Aucun diplôme mais scolarité jusqu’en école création niveau de
primaire ou au collège diplôme selon
03 : Aucun diplôme mais scolarité au-delà du collège nomenclature Insee
11 : Certificat d’études primaires - Régression
12 : BEPC, brevet élémentaire, brevet des collèges
13 : Certificat d’aptitudes professionnelles, brevet de
compagnon
14 : Brevet d’études professionnelles
15 : Baccalauréat général, brevet supérieur
16 : Bac technologique ou professionnel, brevet
professionnel ou de technicien, BEC, BEI, BEH,
capacité en droit
17 : Diplôme universitaire de 1er cycle, BTS, DUT,
diplôme des professions sociales ou de santé,
d’infirmier
18 : Diplôme universitaire de 2ème ou 3ème cycle (y
compris médecine, pharmacie, dentaire), diplôme
d’ingénieur, d’une grande école, doctorat, etc.
ZZ : Sans objet (personne âgée de moins de 14 ans)
EMPL Condition d’emploi 11 : En contrat d’apprentissage Analyse de
12 : Placés par une agence d’intérim sensibilité
13 : Emploi-jeunes, CES, contrats de qualification
14 : Stagiaires rémunérés en entreprise
15 : Autres emplois à durée limitée, CDD, contrat
court, vacataire…
16 : Emplois sans limite de durée, CDI, titulaire de la
fonction publique
21 : Non-salariés : Indépendants
22 : Non-salariés : Employeurs
23 : Non-salariés : Aides familiaux
ZZ : Sans objet
IMMI Situation quant à l’immigration 1 : Immigrés Régression

156
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

2 : Non-immigrés
INFAM Nombre de familles du ménage 0 : 0 famille Vérification
1 : 1 famille
2 : 2 familles
Z : Hors logement ordinaire
IPONDI Poids de l’individu Régression
IRIS Code IRIS du lieu de résidence
LPRF Lien à la personne de référence 0 : Hors famille Variable de
de la famille 1 : Personne de référence de la famille sélection /
2 : Conjoint de la personne de référence de la famille vérification
3 : Enfant de la famille
Z : Hors logement ordinaire
LPRM Lien à la personne de référence 1 : Personne de référence du ménage Variable de
du ménage 2 : Conjoint de la personne de référence du ménage sélection /
3 : Enfant de la personne de référence du ménage ou vérification
de son conjoint
4 : Petit-enfant
5 : Ascendant
6 : Autre parent
7 : Ami
8 : Pensionnaire ou sous-locataire
9 : Domestique ou salarié logé
Z : Hors logement ordinaire
MOCO Mode de cohabitation 11 : Enfants d’un couple Vérification
12 : Enfant d’une famille monoparentale
21 : Adultes d’un couple sans enfant
22 : Adulte d’un couple avec enfant(s)
NUMF Numéro de la famille 1 : Membre de la famille principale Vérification
2 : Membre de la famille secondaire
Z : Personne hors famille ou hors logement ordinaire
SEXE Sexe 1 : Hommes Régression
2 : Femmes
TACT Type d’activité 11 : Actifs ayant un emploi, y compris sous Variable de
apprentissage ou en stage rémunéré sélection
12 : Chômeurs
21 : Retraités ou préretraités
22 : Élèves, étudiants, stagiaires non rémunéré de 14
ans ou plus
23 : Moins de 14 ans
24 : Femmes ou hommes au foyer
25 : Autres inactifs
TYPMC Type de ménage regroupé (en 4 1 : Ménages d’une personne seule sans famille Vérification
postes) 2 : Ménages avec plusieurs personnes sans famille
3 : Ménages avec famille principale monoparentale
4 : Ménages avec famille principale composée d’un
couple
Z : Hors logement ordinaire
VOIT Nombre de voiture du ménage 0 : Aucune voiture Analyse de
1 : Une seule voiture sensibilité
2 : Deux voitures
3 : Trois voitures et plus
X : Logement ordinaire inoccupé
Z : Hors logement ordinaire
Tableau 3-3 : Description des informations sur les individus

Ce tableau contient l’ensemble des variables considérées, quelle que soit leur utilisation
(décrite dans la dernière colonne). En effet, un certain nombre de variables est directement
utilisé comme variables explicatives du statut d’emploi des individus. D’autres ont été
remaniées pour créer des variables polynomiques plus simples. Enfin, certains variables

157
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

servent de contrôle lors de la création des échantillons dont nous allons parler dans le
paragraphe suivant.

2. Les échantillons

Comme nous l’avons mentionné dans le paragraphe 1.1.2. de la section 1, l’aire urbaine
marseillaise était composée en 2013 de 1 734 277 habitants. Or, nous sommes déjà contraints
par les données avec des résultats du recensement disponible pour 576 426 habitants soit
seulement 33 % de la population réelle de l’aire urbaine. Pourtant, il n’est pas pertinent de
considérer l’intégralité de cet échantillon. En effet, il est très probable qu’il existe une
endogénéité forte dans notre modèle, qu’il faut donc chercher à minimiser. Cela nous conduit
à ne retenir que les jeunes vivant chez leurs parents, ce qui nous amène à nous interroger sur
la sélection des individus : faut-il considérer les enfants d’une famille ou les enfants d’un
ménage ? Une fois ces critères de choix abordés, nous présentons les différents échantillons
retenus pour mener cette étude.

2.1. Le traitement de l’endogénéité

Il apparaît clairement dans ce type d’analyse que le choix de localisation d’un individu peut
être relié à son lieu d’emploi potentiel ou réel (Glaeser, 1996 ; Dietz, 2002) entrainant ainsi
une endogénéité certaine dans notre modèle. Plusieurs stratégies peuvent être envisagées pour
contrer le biais d’estimation inhérent à cette endogénéité et ainsi permettre de n’identifier que
les effets endogènes et contextuels définis dans le chapitre 2. La première consiste en
l’utilisation de variables instrumentales qui vont décrire le choix de localisation mais qui
n’auront pas d’influence sur le statut d’emploi des individus. Cette stratégie a été utilisée dans
le cadre d’une analyse de l’emploi notamment par Cutler et Glaeser (1997), Galster et al.
(2007), Dujardin et Goffette-Nagot (2007) et Maurin et Moschion (2009).
La deuxième stratégie de gestion de l’endogénéité vise à introduire des effets fixes en
travaillant sur des données longitudinales (Weinberg et al., 2004), ou en créant des effets fixes
famille grâce à l’utilisation de données sur des fratries (Aaronson, 1998 ; Plotnick et
Hoffman, 1999 ; Vartanian et Buck, 2005).
La dernière stratégie consiste à restreindre l’échantillon étudié à des individus n’ayant pas pu
choisir leur lieu de résidence, rendant ainsi leur localisation exogène. Ainsi, la plupart de
études portant sur l’analyse des effets de quartiers sur l’emploi ne considère que les jeunes
vivant chez leurs parents (O’Regan et Quigley, 1996, 1998 ; Dujardin et al., 2008),

158
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Nous avons choisi d’utiliser cette dernière méthode. En effet, au vu des données disponibles,
nous ne sommes pas en mesure de mettre en œuvre un modèle à effets fixes, et les instruments
étant souvent sujets à débat, la mise en œuvre de variables instrumentales ne nous paraissait
pas ici appropriée. La solution retenue présente des limites, les résultats ne sont pas
généralisables du fait de la particularité de tels individus et il existe de potentiels biais de
sélection. Cependant, elle nous permet de caractériser de manière plus représentative le
phénomène souhaité. En effet, en considérant l’intégralité de l’aire urbaine marseillaise nous
avons à disposition une population très importante, dont l’extraction d’un échantillon permet
de garder un nombre significatif d’individus permettant une estimation robuste. L’idée,
derrière cette stratégie de gestion de l’endogénéité, est que les jeunes sont tributaires de leur
lieu de résidence, ils n’ont pu le choisir en fonction du marché du travail. En effet, il est
possible de considérer que les parents, au moment de choisir leur lieu de résidence, n’ont pas
pris cette décision en anticipant l’avenir professionnel de leurs enfants.

2.2. La problématique famille/ménage

La sélection des individus répondant aux critères établis précédemment peut se réaliser de
deux manières selon que nous regardions leur appartenance en tant qu’enfant d’un ménage ou
en tant qu’enfant d’une famille. La différence entre les deux situations est très légère mais
après vérification ne recouvre pas parfaitement les mêmes individus.
D’après les définitions données par l’Insee, un ménage est un ensemble de personnes qui
partagent la même résidence principale, sans que ces personnes ne soient nécessairement
unies par un lien de parenté. Une famille correspond quant à elle à une partie d’un ménage
comprenant au moins deux personnes et constituée soit d’un couple avec ou sans enfant(s),
soit d’un adulte avec enfant(s).
Les deux types d’appréhension de la sélection permettent donc bien de répondre au critère de
neutralisation de l’endogénéité potentielle entre lieu de résidence et statut d’emploi.

Le tableau 3-4 donne un exemple de la répartition des individus dans le cadre d’un échantillon
particulier de jeunes de 15 à 29 ans. La description des autres groupes d’individus identifiés
dans la sous-section suivante est disponible en annexe 3-1.

159
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

15-29 ans (étudiants inclus)

Famille
Total M.
Hors fam. Pers. de ref. Conjoint Enfant

Enfant 546 292 138 62 518 63 494

Petit enfant 113


Ménage
Autre parent 184

Ami 4

Total F. 62 819
Tableau 3-4 : Recoupement famille/ménage

Globalement, nous constatons que dans les différentes situations envisagées (15-29 ans ou 19-
25 ans, étudiants pris en compte et non pris en compte) entre 97 et 98 % des enfants d’un
ménage correspondent aux enfants d’une famille et que 99,5 % des enfants d’une famille
correspondent aux enfants d’un ménage.
Les légères divergences de résultats peuvent provenir du fait qu’un ménage peut être composé
de plusieurs familles, dont l’enfant, partageant le domicile de ses parents alors même qu’il est
lui-même à la tête de sa propre famille par exemple. Cependant, ces situations restent très
minoritaires, nous pouvons donc penser qu’au vu du recoupement très proche des deux
situations (ménage et famille), il y a peu de chance que les résultats soient modifiés selon le
critère de sélection choisi. Toutefois, il nous parait important de garder une certaine
exhaustivité dans ce travail de thèse. Nous avons envisagé en conséquence plusieurs
situations. La première serait d’effectuer les estimations selon les deux critères : des
estimations pour les enfants de famille et des estimations pour les enfants des ménages. Une
deuxième solution serait de ne considérer que les individus nous semblant pertinents pour
l’étude et qui permettent de limiter un maximum l’endogénéité susmentionnée. Il s’agirait,
dans ce cas, de ne retenir que les enfants de la famille et les enfants et petits-enfants des
ménages. La dernière solution serait de restreindre au maximum la sélection d’individus en ne
gardant que ceux répondant strictement aux deux critères simultanément, c’est-à-dire les
individus étant à la fois enfants d’un ménage et d’une famille.
Nous avons choisi la première solution, afin de ne pas se limiter et de tenir un maximum
compte de la réalité de la situation.

160
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

2.3. Les douze échantillons retenus

Deux échantillons principaux ont été créés : un très large correspondant à l’ensemble des
jeunes de 15 à 29 ans, et un second plus restreint des 19-25 ans. Cinq sous-échantillons ont
ensuite été dégagés pour chacun de ces deux premiers groupes :
(i) il s’agit dans un premier temps de ne retenir que les jeunes vivant chez leurs
parents, avec un échantillon dont la sélection est faite du point de vue de
l’appartenance au ménage et d’un autre, du point de vue de l’appartenance à une
famille ;
(ii) dans un deuxième temps, nous excluons parmi ces derniers les individus toujours
en étude (excepté ceux en contrat d’apprentissage ou en stage rémunéré) très
présents dans ces tranches d’âge, venant potentiellement biaiser une étude sur
l’emploi ;
(iii) le dernier échantillon a été constitué de l’ensemble des jeunes actifs, occupés ou
non, afin de représenter toutes les situations possibles.
Le tableau 3-5 récapitule ces différents éléments.

Nom Description Nb. d’obs


Ech1 Ensemble des individus âgés de 19 à 25 ans 58 249
Ensemble des individus de 19 à 25 ans considéré comme enfant d’une
Ech11F 29 894
famille (étudiants inclus)
Ensemble des individus de 19 à 25 ans considéré comme enfant d’un
Ech11M 30 320
ménage (étudiants inclus)
Ensemble des individus de 19 à 25 ans considéré comme enfant d’une
Ech12F 16 003
famille (étudiants exclus)
Ensemble des individus de 19 à 25 ans considéré comme enfant d’un
Ech12M 16 268
ménage (étudiants exclus)
Ech13 Ensemble des individus de 19 à 25 ans participant au marché du travail 31 159
Ech2 Ensemble des individus de 15 à 29 ans 117 014
Ensemble des individus de 15 à 29 ans considéré comme enfant d’une
Ech21F 62 819
famille (étudiants inclus)
Ensemble des individus de 15 à 29 ans considéré comme enfant d’un
Ech21M 63 494
ménage (étudiants inclus)
Ensemble des individus de 15 à 29 ans considéré comme enfant d’une
Ech22F 23 764
famille (étudiants exclus)
Ensemble des individus de 15 à 29 ans considéré comme enfant d’un
Ech22M 24 304
ménage (étudiants exclus)

Ech23 Ensemble des individus de 15 à 29 ans participant au marché du travail 61 171

Tableau 3-5 : Récapitulatif des différents échantillons

161
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

3. La caractérisation des individus

Afin de cerner un peu mieux les individus constituant les échantillons susmentionnés, un
certain nombre de statistiques descriptives ont été réalisées. Nous nous focalisons plus
particulièrement sur les échantillons les plus pertinents pour notre étude, c’est-à-dire ceux
concernant les jeunes vivant toujours chez leurs parents. De par la faible différence observée
entre les deux, nous ne retenons ici que les jeunes de 19 à 25 ans ou de 15 à 29 ans selon
l’échantillon, étant recensé comme « enfant de la famille ». Un tableau est fourni par
échantillon, avec un découpage par classe d’âge. N’est présenté dans cette section que la
caractérisation des individus de l’échantillon « Ech11F » décrit dans le tableau 3-5, les autres
étant disponibles en annexe 3-2.
Comme nous pouvons le voir dans le tableau 3-6, dans cet échantillon, les jeunes de 19-20 ans
sont pour la plupart encore étudiants avec un niveau brevet des collèges ou pas de diplôme.
Lorsqu’ils sont actifs, ils sont majoritairement apprentis, et sont surreprésentés chez les
ouvriers dans les secteurs du commerce, transport et services. Le logement familial est dans
61 % des cas un appartement, dont les parents sont propriétaires pour 48 % d’entre eux. Les
jeunes de 21-22 ans ont pour la plupart un niveau bac et continuent leurs études dans 43 %
des cas. Lorsqu’ils sont actifs, ils ont généralement un CDI dans les secteurs du commerce,
transport et service. Les jeunes de 23-25 ans ont globalement un niveau bac, et sont dans 47 %
des cas actifs occupés en tant qu’employé du commerce, transport et service.
Nous constatons une diminution de la scolarisation avec l’âge, au profit de l’activité
professionnelle (déversement vers actif occupé et chômeur). Le niveau de diplôme augmente
bien avec l’âge, même si le niveau bac reste le plus représenté chez les plus âgés (bien que la
répartition soit beaucoup plus uniforme entre les différents niveaux de diplôme). Lorsque
nous considérons uniquement les actifs occupés, nous pouvons observer que les plus jeunes
sont généralement apprentis mais avec l’âge le contrat-type reste le CDI. Le recours à
l’intérim est stable selon l’âge. Nous observons une diminution des contrats types emploi-
jeune ou CES avec l’âge. Les inactifs sont majoritaires dans toutes les classes bien que dans
une part beaucoup plus importante chez les plus jeunes (qui peut très probablement être lié à
la prise en compte des étudiants dans cet échantillon particulier). Il existe une diversification
des CSP avec l’âge. Quelle que soit la classe d’âge, 60 % des jeunes travaillent dans les
secteurs du commerce, transport et services. Avec l’âge, la part des jeunes dans l’industrie et
la construction diminue, au profit notamment de l’administration publique. Tous résident
principalement dans un appartement dont les parents sont propriétaires. Le type de quartier de

162
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

résidence est stable selon les classes d’âge, avec environ 20 % des jeunes vivant dans des
quartiers très favorisés, défavorisés et très défavorisés, 30 % dans les quartiers favorisés et 10
% dans les intermédiaires.

163
Caractéristiques individuelles

19-20 ans 21-22 ans 23-25 ans 19-25 ans


11413 / 1969 9105 / 2976 9 376 / 4473 29894 / 9418

Variables Modalités Nb. d’obs. % Nb. d’obs. % Nb. d’obs. % Nb. d’obs. %
Sexe Homme 6057 53,07 4935 54,2 5360 57,17 16352 54,7
Femme 5356 46,93 4170 45,8 4016 42,83 13542 45,3
Statut matrimonial Célibataire 11413 100 9105 100 9 376 100 29894 100
Marié 0 0 0 0
Veuf 0 0 0 0
Divorcé 0 0 0 0
Vie en couple Oui 57 0,5 155 1,7 128 1,37 340 1,14
Non 11356 99,5 8950 98,3 9248 98,63 29554 98,86
Niveau de diplôme Niveau 5 4214 36,92 1744 19,15 1570 16,74 7528 25,18
Niveau 4 2799 24,52 1887 20,72 1711 18,25 6397 21,4
Niveau 3 4094 35,87 3877 42,58 2809 29,96 10780 36,06
Niveau 2 242 2,12 1160 12,74 1778 18,96 3180 10,64
Niveau 1 64 0,56 437 4,8 1508 16,08 2009 6,72
Mode de transport Pas de transport 40 2,03 57 1,92 56 1,25 153 1,62
Marche à pied 166 8,43 202 6,79 271 6,06 639 6,78
Deux roues 197 10 142 4,77 217 4,85 556 5,9
Voiture 929 47,18 1864 62,63 3054 68,28 5847 62,08
Transport en commun 637 32,35 711 23,89 875 19,56 2223 23,6
Non renseigné 9444 - 6129 - 4903 - 20476 -

Situation par rapport à l’emploi

19-20ans 21-22 ans 23-25 ans 19-25 ans

Variables Modalités Nb. d’obs. % Nb. d’obs. % Nb. d’obs. % Nb. d’obs. %
Type d’activité Actif occupé 1969 17,25 2976 32,69 4473 47,71 9418 31,5
Chômeur 1311 11,49 1607 17,65 1981 21,13 4899 16,39
Élève, étudiant 7578 66,4 3934 43,21 2299 24,52 13811 46,2
Femme au foyer 18 0,16 41 0,45 21 0,22 80 0,27
Inactif 537 4,71 547 6,01 602 6,42 1686 5,64

164
Condition d’emploi Apprentissage 645 32,76 503 16,9 297 6,64 1445 15,34
Intérim 109 5,56 173 5,81 249 5,57 531 5,64
Emploi-jeune, CES… 97 4,93 127 4,27 126 2,82 350 3,72
Stage rémunéré 52 2,64 92 3,09 103 2,3 247 2,62
CDD, vacataire… 415 21,08 732 24,6 1041 23,27 2188 23,23
CDI 611 31,03 1288 43,28 2488 55,62 4387 46,58
Indépendant 27 1,37 47 1,58 126 2,82 200 2,12
Employeur 7 0,36 12 0,4 42 0,94 61 0,65
Aides familiaux 6 0,3 2 0,07 1 0,02 9 0,1
Non renseigné 9444 - 6129 - 4903 - 20476 -
CSP Agriculteurs exploitant 1 0,01 2 0,03 4 0,04 7 0,02
Artisans. commerçant. chef
51 0,45 55 0,72 135 1,44 241 0,81
d’entreprise
Cadres, prof. Intellec. Sup. 19 0,17 72 0,94 262 2,79 353 1,18
Prof. Interm. 281 2,46 712 9,26 1365 14,56 2358 7,89
Employés 1060 9,29 1768 22,99 2401 25,61 5229 17,49
Ouvriers 1280 11,22 72 0,94 1879 20,04 4646 15,54
Sans activité pro 8721 76,41 5009 65,14 3330 35,52 17060 57,07
Secteur d’activité Agriculture, sylviculture
18 0,91 14 0,47 20 0,45 52 0,55
pêche
Industrie 220 11,17 307 10,32 432 9,66 959 10,18
Construction 273 13,86 325 10,92 305 6,82 903 9,59
Commerce, transport et
1145 58,15 1740 58,47 2686 60,05 5571 59,15
services
Adm. Publ., enseignement, 15,9 20,52
313 590 19,83 1030 23,03 1933
santé, action soc.
Non renseigné 9444 - 6129 - 4903 - 20476 -
Temps de travail Temps complet 1049 53,28 1849 62,03 3287 73,49 6185 65,67
Temps partiel 920 46,72 1127 37,87 1186 26,51 3233 34,33
Non renseigné 9444 - 6129 - 4903 - 20476 -

Logement

19-20 ans 21-22 ans 23-25 ans 19-25 ans

Variables Modalités Nb. d’obs. % Nb. d’obs. % Nb. d’obs. % Nb. d’obs. %
Type de logement Maison 4411 38,65 3613 39,68 3878 53,75 11902 39,81
Appartement 6957 60,96 5452 59,88 5461 58,24 17870 59,78

165
Foyer 21 0,18 18 0,2 16 0,17 55 0,18
Chambre d’hôtel 7 0,06 4 0,04 1 0,01 12 0,04
Habitat de fortune 11 0,1 15 0,16 14 0,15 40 0,13
Pièce indépendante 6 0,05 3 0,03 6 0,06 15 0,05
Statut d’occupation Propriétaire 5523 48,39 4557 50,05 5040 53,75 15120 50,58
Locataire non-HLM 2355 20,63 1700 18,67 1555 16,58 5610 18,77
Locataire HLM 3207 28,1 2583 28,37 2513 26,8 8303 27,77
Locataire meublé 106 0,93 80 0,88 83 0,89 269 0,9
Logé gratuitement 222 1,95 185 2,03 185 1,97 592 1,98
Type de quartier de résidence Très favorisé 2260 19,8 1805 19,82 1848 19,71 5913 19,78
Favorisé 3385 29,7 2697 29,62 2879 30,71 8961 29,98
Intermédiaire 1180 10,34 883 9,7 937 9,99 3000 10,04
Défavorisé 2359 20,67 1922 21,11 1894 20,2 6175 20,66
Très défavorisé 2229 19,53 1798 19,75 1818 19,39 5845 19,55
Tableau 3-6 : Caractérisation de l’échantillon « Ech11 »

166
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

SECTION 3 – Les interactions entre les individus et l’espace : l’influence de la structure


urbaine sur les probabilités d’emploi des jeunes

La question est maintenant de savoir comment s’organisent ces individus dans l’espace.
Pouvons-nous constater l’existence d’une ségrégation socio-spatiale dans l’aire urbaine
marseillaise (§1) ? Après avoir caractérisé la structure socio-économique de la ville, nous
regarderons son influence sur l’emploi des populations résidentes à travers l’estimation des
probabilités d’emploi des jeunes (§2). Il s’agit alors de déterminer quelles sont les relations
des individus à leur espace de vie et comment cette relation vient influencer un l’emploi.

1. La structure urbaine

Outre son aspect géographique décrit dans la section 1, l’espace correspond également au
contexte socio-économique dans lequel évolue l’individu. Il s’agit du lieu structurant les
interactions individuelles telles que les effets de pairs ou de quartiers présentés dans le
chapitre 2. Ainsi, la caractérisation de l’espace à travers la description de sa composition
socio-économique et son influence sur l’emploi est une façon de capter de manière indirecte
ces interactions sociales dont l’inscription spatiale est structurante.

1.1. Une description de la structure urbaine marseillaise

À partir des données identifiées dans le paragraphe 2 de la section 1, nous avons cherché à
caractériser les quartiers. Pour cela, nous nous sommes intéressés à différents aspects en
considérant un certain nombre de variables sur les logements et les individus de la zone. Le
tableau 3-7 présente un ensemble des statistiques descriptives de ces informations sur les 742
Iris de l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence.

167
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Familles monoparentales Étrangers Immigrés Revenu médian


Min 0 Min 0 Min 0 Min 9318
Q1 12,3 Q1 1,92 Q1 4,85 Q1 21976
Médiane 17,45 Médiane 3,59 Médiane 7,59 Médiane 28534
Moyenne 19,04 Moyenne 5,95 Moyenne 10,31 Moyenne 28763
Q3 24,49 Q3 7,42 Q3 12,89 Q3 35459
Max 100 Max 39,44 Max 52,90 Max 63003
Taux de chômage 15-64
Cadre Ouvrier Employés
ans
Min 0 Min 0 Min 0 Min 0
Q1 3,98 Q1 6,47 Q1 13,88 Q1 9,06
Médiane 7,98 Médiane 9,88 Médiane 16,59 Médiane 12,21
Moyenne 8,81 Moyenne 10,30 Moyenne 16,68 Moyenne 14,94
Q3 12,62 Q3 13,60 Q3 19,53 Q3 17,96
Max 46,67 Max 47,06 Max 59,74 Max 64,52
Taux de chômage 15-24
Niveau diplôme VI Niveau diplôme V Niveau diplôme IV
ans
Min 0 Min 0 Min 0 Min 0
Q1 20,21 Q1 26,84 Q1 16,14 Q1 14,3
Médiane 26,77 Médiane 33,95 Médiane 20,94 Médiane 16,74
Moyenne 28,82 Moyenne 35,81 Moyenne 20,74 Moyenne 16,37
Q3 34,57 Q3 43,25 Q3 25 Q3 18,58
Max 100 Max 81 Max 60,78 Max 52,94
Niveau diplôme III Niveau diplôme II Logements vacants Propriétaires
Min 0 Min 0 Min 0 Min 0
Q1 9,00 Q1 7,31 Q1 3,41 Q1 32,49
Médiane 12,65 Médiane 12,82 Médiane 5,21 Médiane 53,62
Moyenne 11,93 Moyenne 15,10 Moyenne 6,17 Moyenne 50,17
Q3 15,05 Q3 20,98 Q3 7,88 Q3 70,21
Max 42,31 Max 63,64 Max 52,94 Max 100
HLM
Min 0
Q1 0,34
Médiane 5,11
Moyenne 16,46
Q3 22,75
Max 98,27
Tableau 3-7 : Statistiques descriptives des quartiers

Ce tableau permet de rendre compte d’une dispersion assez forte des valeurs quelle que soit la
variable considérée. Nous pouvons aisément voir que certains quartiers ont un taux de
chômage nul alors que d’autres atteignent jusqu’à 65 %. Certaines variables, comme la part de
familles monoparentales, le taux de chômage des jeunes ou encore le pourcentage de
propriétaires, vont de 0 % dans certains Iris à 100 % dans d’autres. Ces valeurs extrêmes sont
toutefois à prendre avec précaution. En effet, les Iris sont de formes très différentes et certains
ne concentrent qu’une très petite population comme le quartier d’Estoublans à Vitrolles par
exemple, qui ne comporte que quatre logements. Cependant, ces quelques statistiques
décrivent déjà une non-homogénéité des quartiers de l’aire urbaine. Si ce sont les mêmes
168
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

quartiers qui concentrent le plus de caractéristiques négatives, et d’autres les caractéristiques


positives, cela pourrait laisser présager de l’existence d’une ségrégation socio-spatiale
importante. Cependant, en l’état actuel des choses, rien ne nous permet de porter une telle
affirmation. La considération de la répartition de quelque unes de ces statistiques dans
l’espace, permet déjà de retirer quelques faits stylisés, représentés par les cartes 3-3, 3-4 et 3-
5.

Carte 3-3 : Part de familles monoparentales à l’IRIS

Carte 3-4 : Taux de chômage

169
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Carte 3-5 : Revenu médian par IRIS

En comparant ces quelques cartes, nous pouvons constater que certains quartiers cumulent les
difficultés avec un taux de chômage et une proportion de familles monoparentales élevés mais
un revenu médian plus faible qu’ailleurs. Typiquement, il s’agit des quartiers Nords de
Marseille.
Pour confirmer ces intuitions, il est nécessaire d’aller plus loin. C’est pourquoi nous réalisons
dans le paragraphe suivant une typologie des quartiers.

1.2. Une typologie de quartier

Pour connaitre l’influence du quartier de résidence sur l’emploi des habitants, ce qui est notre
ambition, nous pourrions intégrer l’ensemble des variables qui nous intéressent dans un
modèle de probabilité d’emploi individuel. Le problème est que cela entrainerait très
certainement l’apparition de multicolinéarité du fait de la corrélation forte entre les
indicateurs de quartiers (O’Reagan et Guigley, 1996 ; Johnston et al., 2004), ce qui risquerait
d’induire une instabilité des valeurs et de la significativité des paramètres. De plus, la
considération de ces variables individuellement n’a pas nécessairement un intérêt fort pour
nous, notre objectif étant la caractérisation du contexte dans lequel évoluent les jeunes
marseillais. Ainsi, nous avons choisi de réaliser une typologie de quartier en utilisant les
méthodes d’analyse factorielle, comme ont pu le faire par exemple Johnston et al. (2004),
Dujardin et al. (2008), Dujardin et Goffette-Nagot (2010) ou Tita et Radil (2011) dans
différents contextes. Ces méthodes ont été mobilisées dans le chapitre 1 et sont détaillées dans
la section 1 de ce dernier.

170
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

1.2.1. Les résultats de l’Analyse en Composantes Principales (ACP)

L’ensemble des variables ont été prises en compte dans une analyse en composantes
principales nous indiquant que nos quartiers se structurent selon deux facteurs principaux :
une opposition quartiers favorisés/défavorisés et un gradient d’éducation. Ces deux résultats
sont issus de l’interprétation des deux principaux axes factoriels qui se dégagent de l’ACP,
représentant respectivement 46,5 % et 15 % de la variance totale des quartiers. L’ensemble
des résultats de l’ACP est fourni dans l’annexe 3-3, nous ne retiendrons ici que les deux
éléments centraux que sont le cercle des corrélations (figure 3-1) et la projection des individus
sur le premier plan principal (figure 3-2).

Figure 3-1 : Résultats de l’ACP : cercle de corrélation

L’axe 1, visible en abscisse sur la figure 3-1, oppose à gauche les quartiers aux revenus élevés
avec une forte proportion de ménages propriétaires, de cadres et de personnes ayant suivi des
études supérieures ; aux quartiers, à droite, où le taux de chômage est important, les
populations principalement ouvrières, avec une forte représentation d’étrangers/immigrés, de
familles monoparentales, de personnes peu qualifiées et par opposition à l’axe précédent, à
revenus faibles. Nous pourrons donc identifier à gauche de l’axe de projection des individus,
les quartiers les plus favorisés, et à droite les quartiers les plus défavorisés avec une
accentuation du phénomène plus l’on s’éloigne du centre du cercle. En effet, plus les flèches
correspondant aux différentes variables sont proches de la limite du cercle, plus elles ont un
poids important dans la formation des axes.

171
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

La définition et l’interprétation du deuxième axe est moins claire, probablement du fait de son
caractère moins structurant (il n’explique « que » 14 % de la variance). Toutefois, il est
possible de voir que les variables structurant cet axe sont principalement les informations sur
le niveau de diplôme des habitants, avec notamment l’opposition des quartiers constitués
d’individus titulaires d’un diplôme du second ou troisième cycle universitaire (en haut) aux
quartiers dont les résidents sont principalement titulaires d’un BEP ou CAP (en bas).
La figure suivante représente la localisation des 742 IRIS de l’aire urbaine en fonction de ces
deux axes.

Figure 3-2 : Résultats de l’ACP - Projection des individus dans le 1er plan principal

1.2.2. Les résultats de la Classification Ascendante Hiérarchique (CAH)

Il n’est pas forcément aisé, à première vue, de faire clairement ressortir différents groupes de
quartiers. C’est pour cela que nous mobilisons par la suite une classification ascendante
hiérarchique afin d’appréhender la ressemblance de nos Iris en fonction des axes
précédemment observés. Plusieurs choix de découpage ont été testés, pour, au final, retenir
celui qui nous paraissait le plus pertinent, c’est-à-dire une typologie en 5 classes. Cette
partition en 5 classes est visible dans la projection sur le 1er plan principal dans la figure 3-3.

172
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Figure 3-3 : Résultats de la CAH : Projection des individus dans le 1er plan principal

L’application de cette typologie à la géographie des quartiers permet d’obtenir la carte 3-6.

Carte 3-6 : Typologie de quartier en 5 classes

Les résultats détaillés des différentes classes sont fournis en annexe 3-4. Ces résultats nous
permettent de dresser cinq profils de quartiers différents.

173
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Le premier type de quartier identifié correspond aux zones très favorisées. Ces quartiers
concentrent près de deux fois plus de cadres que l’ensemble de l’aire urbaine, une très forte
représentation de diplômés de l’enseignement supérieur, dont le revenu médian est en
moyenne 10 000 € plus élevé que le celui de l’ensemble de la zone. Ces zones se situent dans
les quartiers sud de Marseille, le centre-ville d’Aix-en-Provence et dans la banlieue proche de
ces agglomérations. On peut penser qu’il s’agit de quartiers peuplés de quarantenaires ayant
quittés le centre-ville pour devenir propriétaire d’une maison où élever leurs enfants.
Le second type de quartiers correspond aux zones favorisées dont le profil des habitants est
proche du précédent dans le sens où il s’agit de propriétaires, aux revenus relativement élevés
(mais dans une moindre mesure par rapport aux précédents). Cependant, ils diffèrent des
précédents par le fait que la population est principalement constituée de personnes titulaires
d’un BEP/CAP ou d’un diplôme de niveau bac. Il s’agit majoritairement de quartiers en
périphérie lointaine des villes, ce qui laisse penser qu’il s’agit là de personnes contraintes de
s’éloigner des centres-villes pour bénéficier de prix fonciers plus abordables et de surfaces
habitables plus grandes.
Le troisième type de quartier peut être qualifié d’intermédiaire. Cette classe est proche de la
première avec une part importante de cadres fortement diplômés. Toutefois, ces derniers ont
des revenus moins importants, et leur localisation dans le centre-ville suggère que ce sont
probablement de jeunes actifs en début de carrière sans enfant, valorisant les aménités
centrales et historiques.
Les deux derniers types de quartiers sont les plus défavorisés, avec un revenu médian bien
plus faible que la moyenne de l’aire urbaine, une part importante de logements HLM où les
personnes les moins diplômées sont surreprésentées. Ces deux types de quartiers diffèrent par
l’ampleur des effets. En effet, les quartiers très défavorisés ont des revenus médians très bas,
le logement social représente un peu plus de la moitié des résidences principales et les
personnes sans diplôme représentent près de 60 % des habitants. À cela s’ajoute deux
divergences majeures entre les deux types de quartiers. La première concerne le statut
d’emploi des individus, avec une part importante d’ouvrier et d’employés dans les quartiers
défavorisés alors que dans les quartiers très défavorisés, le chômage moyen atteint les 34 %
pour les 15-64 ans (soit 19 points de pourcentage de plus que la moyenne de l’aire urbaine) et
47 % de chômage chez les jeunes (soit 18 points de pourcentage de plus que la moyenne de
l’aire urbaine). Le second point de divergence est le statut des individus en matière
d’immigration et la part d’étrangers. En effet, ces populations sont massivement
surreprésentées dans les quartiers très défavorisés.

174
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

La carte obtenue correspond bien à la connaissance globale de la structure urbaine


marseillaise. En effet, Aix-en-Provence est réputée être une ville plutôt aisée, alors que les
pourtours de l’étang de Berre sont plus modestes et ouvriers. Nous remarquons également que
Marseille montre bien la configuration particulière qui est la sienne, à savoir qu’il est possible
de passer d’un quartier aisé à un quartier beaucoup plus pauvre en quelques rues seulement.
Les quartiers Nord de la ville, réputés pour leur pauvreté, leur délabrement et leur
délinquance, sont très bien visibles sur la carte. Marseille est donc bien une ville où se
côtoient des populations de différentes classes sociales. En termes de ségrégation, nous
constatons que l’aire urbaine est constituée de quartiers homogènes en interne bien différents
les uns des autres, avec une tendance au regroupement de quartiers similaires, même s’il est
possible d’identifier de grandes poches de pauvreté comme les quartiers Nord. Cette aire
urbaine est donc pertinente pour l’étude que nous souhaitons mener.

2. Le lien en matière d’emploi : l’estimation des probabilités d’emploi

L’objectif de cette étude est de permettre une caractérisation de l’effet de la ségrégation


urbaine sur l’emploi des individus, dans le cadre particulier que représente Marseille et son
aire urbaine. Bien qu’il s’agisse de l’objectif principal, nous ne pouvons laisser de côté le rôle
crucial des caractéristiques individuelles. Notre étude vise alors à expliquer les probabilités
d’emploi individuelles en fonction des caractéristiques individuelles standards identifiées dans
le chapitre 2 tout en tenant compte également du positionnement des individus dans l’espace.
Il sera même question, comme nous l’aborderons dans la section 4, de considérer le
positionnement relatif des individus et l’effet de leurs proximités.

2.1. Le modèle

Notre modèle de probabilité d’emploi intègre des variables explicatives à plusieurs niveaux.
Tout d’abord, pour répondre aux théories du capital humain et du signal, un ensemble de
caractéristiques individuelles sont intégrées. Toutefois, l’apport de cette étude est de montrer
l’influence du lieu de résidence, en lui-même et par son positionnement relatif, sur l’emploi
des jeunes. Pour cela, il est nécessaire de tester en autre l’hypothèse du spatial mismatch.

2.1.1. Les variables individuelles

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, un ensemble de caractéristiques propres aux


individus peuvent venir influencer leur statut d’emploi. Ainsi, nous avons choisi d’intégrer

175
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

quatre informations principales que sont le sexe, l’âge, le statut quant à l’immigration et le
niveau de diplôme.
L’âge a été discrétisé, en regroupant les individus selon les âges clés de la vie de jeune adulte.
Ainsi, nous avons regroupé les individus de 15 à 17 ans, c’est-à-dire ceux suivant une
formation professionnalisante et ayant un rapport particulier à l’emploi qui est celui de
l’apprentissage. Ensuite, nous avons considéré les 18-19 ans, la tranche d’âge intermédiaire,
où nous retrouvons les individus ayant fini leur apprentissage ou sortant du baccalauréat, et
donc au tout début de leur carrière professionnelle. La classe des 20-24 ans permet de
considérer, d’un côté, les individus ayant fait des études supérieures, et de l’autre, les
individus mentionnés précédemment mais ayant acquis un certain nombre d’années
d’expérience. Ces deux populations ont ainsi potentiellement plus de chances d’être en
emploi, ayant de l’expérience et des compétences à valoriser sur le marché du travail. Cette
hypothèse est d’autant plus importante et l’effet attendu est encore plus fort pour la dernière
classe construite : les 24-29 ans. Nous pouvons nous attendre à ce que la très grande majorité
de la population soit active, avec des diplômes élevés et/ou de l’expérience.
Si l’on en croit les éléments du chapitre 2, nous pouvons nous attendre, avec l’introduction de
la variable sur le genre, à ce que les hommes aient des probabilités d’emploi plus importantes
que les femmes. Il en va de même pour les personnes d’origine française par rapport à des
personnes immigrées. Ces derniers, risquant plus de subir de discrimination, et ayant un
réseau moins efficace, auront de moins grandes chances d’avoir un emploi.
La variable de niveau de diplôme a été construite selon la typologie mise en place par l’Insee
et décrite dans le tableau 3-2 de la section 1.

2.1.2. Les variables de quartier

L’hypothèse centrale de ce chapitre est qu’il existe une influence du lieu de résidence,
indépendamment de toutes autres caractéristiques, sur le statut d’emploi des individus. Nous
pensons que cette influence passe par trois facteurs : la distance aux emplois, la densité
d’emplois présents localement et le contexte socio-économique du quartier.

La distance moyenne aux emplois :


Comme nous l’avons vu dans le chapitre 2, l’hypothèse du spatial mismatch donne lieu à un
débat important. Bien que certains montrent que cette hypothèse n’est pas vérifiée, celle-ci

176
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

nous semble plausible et mérite que nous nous y attachions. Ainsi, nous cherchons à tester si
l’éloignement géographique aux emplois a une influence sur les chances d’emploi des jeunes.
Pour cela, nous avons calculé les distances entre tous les centroïdes de tous les Iris ainsi
qu’une distance intra-quartier10. Ensuite, nous calculons la moyenne de ces distances pour
chaque quartier, pondérée du nombre d’emplois présents dans les quartiers « destination ».
Ainsi, l’éloignement moyen aux emplois du quartier 𝑛, 𝐷𝑛 , est défini par la relation suivante :

∑𝑚 𝑑𝑛𝑚 𝐸𝑚
𝐷𝑛 = (3.1)
∑𝑚 𝐸𝑚

Avec 𝑑𝑛𝑚 la distance entre le centroïde de l’Iris 𝑛 et le centroïde de l’Iris 𝑚 (lorsque 𝑚 = 𝑛


alors il s’agit de la distance intraquartier), 𝐸𝑚 le nombre d’emplois présents dans l’Iris 𝑚.

La densité d’emploi local :


L’indicateur de densité d’emploi local est complémentaire au précédent. Il s’agit dans ce cas,
non pas de regarder l’éloignement des emplois, mais au contraire la part d’emploi présent à
proximité des individus. Ainsi, la densité est définie comme le nombre d’emplois dans le
quartier 𝑛 et dans les quartiers adjacents sur la somme du nombre d’emplois dans l’aire
urbaine. Nous obtenons ainsi une information sur la part de l’emploi présent localement.

𝐸𝑛 + 𝐸𝑐
𝐸𝑚𝑝𝑙𝑜𝑐 = (3.2)
∑𝑛 𝐸𝑛

Avec 𝐸𝑛 le nombre d’emplois présents dans l’Iris 𝑛, 𝐸𝑐 le nombre d’emplois présents dans les
Iris contiguës à l’Iris 𝑛.

Le contexte socio-économique
Afin de rendre compte du contexte socio-économique dans lequel évoluent les individus, nous
intégrons une variable correspondant au résultat de la typologie précédemment effectuée. Il
s’agit d’une variable polynomique à cinq modalités décrivant les cinq types de quartiers
identifiés. Nous nous attendons alors à ce que les individus résidant dans des quartiers très

10
Cette distance intraquartier correspond à 2/3 du rayon d’un disque d’une zone équivalente à celle du quartier.

177
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

défavorisés aient des probabilités d’emploi plus faibles que les autres, ce qui signifierait bien
l’existence d’un effet cumulatif des problèmes socio-économiques inhérents à la ségrégation
urbaine.

2.1.3. La stratégie d’estimation : probit, logit, pondération ?

Nous sommes ici en présence d’un modèle à choix discret, c’est-à-dire des modèles dans
lesquels « la variable dépendante n’est pas une mesure quantitative de résultats économiques,
mais plutôt un indicateur affirmant qu’un résultat s’est produit ou non » (Green, 2011, p. 679).
Dans ce cadre, nous parlons de régression latente, c’est-à-dire que le résultat d’un choix
discret est le reflet d’une régression sous-jacente. Ainsi, le modèle s’écrit de la manière
suivante :

𝑦∗ = 𝑥′𝛽 + 𝜀 (3.3)

Avec 𝜀 de moyenne nulle et suivant soit une distribution logistique standard de variance
𝜋 2 ⁄3, soit une distribution normale centrée-réduite ou toute autre distribution dont la variance
est connue. 𝑦 ∗ est une variable non-observée résultant de la relation suivante :

𝑦 = 1 𝑠𝑖 𝑦 ∗ > 0
(3.4)
𝑦 = 0 𝑠𝑖 𝑦 ∗ ≤ 0

La variable 𝑦 est connue est vaut 1 lorsque l’individu est en emploi et 0 sinon. Les variables
explicatives contiennent un certain nombre d’informations sur les caractéristiques
individuelles mais aussi sur le quartier de résidence.
Selon la loi suivie par les erreurs, le modèle estimé diffère légèrement. Ainsi, lorsque les
erreurs suivent une loi normale centrée-réduite, un modèle probit sera utilisé, alors que si
celle-ci suit une loi logistique, il s’agira d’un modèle logit (si la distribution des erreurs n’est
pas symétrique, alors il est possible d’utiliser un modèle de Gumbel ou log-log-
complémentaire mais ces derniers sont très peu utilisés). Les lois logistique et normale sont
assez proches, et ne diffèrent que par des queues de distribution plus épaisses dans le cadre de
la logistique. Green (2011) explique dans son ouvrage qu’il est difficile de déterminer quelle
loi est suivie et donc quel modèle privilégier, et surtout il est important de noter que « dans la
plupart des applications, le choix de l’une des deux distributions ne semble pas conduire à

178
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

d’importantes différences sur les résultats » (p. 687). Toutefois, afin de vérifier ces éléments,
nous avons choisi de réaliser l’ensemble des estimations selon les deux modèles, probit et
logit.
À cela s’ajoute le fait que dans le cas où les données utilisées ne couvrent pas l’intégralité de
la population, il est possible de prendre en compte la représentativité de l’individu enquêté au
sein de la population totale. Comme nous avons expliqué dans la section 2, les résultats du
recensement de la population ne couvrent pas l’intégralité de la population française, il
pourrait donc être nécessaire de pondérer nos estimations par le poids de chaque individu.
Cependant, comme le montrent Davezies et D’Haultfoeuille (2009), le débat sur la nécessité
de la prise en compte des poids des individus dans le cadre d’enquête comme le recensement
reste ouvert. Pour cette raison, nous avons choisi de procéder aux deux types d’estimations, en
prenant et en ne prenant pas en compte la représentativité des individus choisis.

Ainsi, globalement, différents modèles ont été considérés, selon les variables explicatives
intégrées, pour lesquels quatre régressions ont systématiquement été effectuées : une en
probit, une en probit pondéré, une en logit et enfin une en logit pondéré.

2.2. Les résultats

Comme nous l’avons expliqué précédemment, un certain nombre d’estimations ont été
réalisées différant de par le modèle choisi et l’échantillon concerné, soit 48 régressions
intégrant l’ensemble des variables explicatives sélectionnées. Tous les résultats ne seront pas
présentés ici. En effet, bien que l’ensemble des calculs ait été réalisé, il ne serait pas pertinent
au vu du peu de divergence existant entre chaque de tous les répertorier. Néanmoins, il
convient de sélectionner au mieux les résultats des modèles présentés. Il est alors nécessaire
de savoir quel modèle privilégier. Pour ce faire, considérons le tableau 3-8.

179
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Probit Logit
Probit Logit
pondéré pondéré
Ech1 59 970 158 893 59 994 59 994
Ech11F 29 521 82 523 29 538 29 538
Ech11M 34 485 95 858 34 491 34 491
Ech12F 16 340 45 602 16 340 16 340
Ech12M 20 735 57 486 20 736 20 736
Ech13 29 758 80 080 29 759 29 759
Ech2 95 939 253 300 95 954 95 954
Ech21F 41 431 115 355 41 480 41 480
Ech21M 52 752 146 222 52 775 52 775
Ech22F 23 204 64 763 23 203 23 203
Ech22M 30 760 85 267 30 759 30 759
Ech23 53 762 143 031 53 764 53 764
Tableau 3-8 : Critères AIC selon l’échantillon et le modèle considérés

Ce tableau recense la valeur du critère d’information d’Akaike (Akaike Information Criteron,


AIC après). Ce critère permet une comparaison entre différents modèles, le « meilleur » étant
celui minimisant cette valeur. Nous pouvons constater que généralement le probit, le logit et
le logit pondéré présentent des résultats quasi-similaires. Toutefois, nous remarquons que
pour la plupart des échantillons, le probit présente un AIC inférieur. De plus, retenir ce
modèle nous permet de rester cohérents avec l’extension de l’étude à un modèle spatialisé qui
sera présenté dans la section 4. Ainsi, nous ne présenterons ici que les résultats des
régressions de type probit.

De plus, bien que l’ensemble des calculs et des estimations ait été réalisé pour chacun des
échantillons présentés dans la section 2, nous ne présenterons à partir de maintenant que ceux
de l’échantillon « Ech22M », c’est-à-dire l’ensemble des individus de 15 à 29 ans vivant chez
leurs parents et n’étant plus scolarisés sélectionné du point de vue des ménages. En effet,
comme nous pouvons le voir dans le tableau en annexe 3-5, les résultats étant assez similaires,
nous n’avons gardé que l’échantillon le plus adapté à notre étude. Le choix du critère de
sélection en fonction du ménage a été fait pour ensuite pouvoir tester la robustesse via une
analyse de sensibilité qui sera réalisée au §2.3.1.
Une sortie complète de régression du modèle dans son intégralité nous donne les résultats
présentés dans le tableau 3-9.

180
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Estimation des probabilités d’emploi pour l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence (Probit,
N=24 304)
Estimation Std. Dev z-value 𝐏𝐫(> |𝐳|) Intervalle de confiance 2.5-97.5% AME
(Intercept) 7,792e-01 8,284e-02 9,405 < 2e-16 6,170385e-01 9,413929e-01 2,813840e-01 ***
Distance aux emplois -1,439e-06 3,310e-07 -4,348 1,37e-05 -2,087853e-06 -7,906991e-07 -5,197352e-07 ***
Densité d’emploi 9,070e+00 2,431e+00 3,731 0,000191 4,303477e+00 1,384253e+01 3,275385e+00 ***
Quartier de résidence
Très favorisé Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Favorisé 4,010e-03 2,654e-02 0,151 0,879926 -4,804382e-02 5,599356e-02 1,448019e-03
Intermédiaire -2,340e-01 3,541e-02 -6,607 3,91e-11 -3,032717e-01 -1,646284e-01 -8,449096e-02 ***
Défavorisé -2,177e-01 2,829e-02 -7,696 1,40e-14 -2,731322e-01 -1,623121e-01 -7,861625e-02 ***
Très défavorisé -4,633e-01 3,039e-02 -15,248 < 2e-16 -5,229444e-01 -4,038056e-01 -1,673284e-01 ***
Caractéristiques individuelles
Sexe
Homme Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Femme -7,191e-02 1,740e-02 -4,133 3,58e-05 -1,059863e-01 -3,782433e-02 -2,596770e-02 ***
Age
15-17 ans Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
18-19 ans -5,461e-02 4,424e-02 -1,235 0,217010 -1,414805e-01 3,223734e-02 -1,972270e-02
20-24 ans -1,394e-01 3,987e-02 -3,496 0,000473 -2,176652e-01 -6,109771e-02 -5,032839e-02 ***
25-29 ans -6,177e-04 4,156e-02 -0,015 0,988140 -8,223766e-02 8,096705e-02 -2,230886e-04
Statut d’immigration
Immigré Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Non-immigré 5,948e-02 3,498e-02 1,700 0,089081 -8,733585e-03 1,276849e-01 2,147954e-02 .
Niveau de diplôme
Niveau I ou II Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Niveau III 2,091e-01 4,022e-02 5,199 2,00e-07 1,303375e-01 2,879102e-01 7,552540e-02 ***
Niveau IV 2,071e-03 3,543e-02 0,058 0,953388 -6,746120e-02 7,142204e-02 7,480107e-04
Niveau V -1,431e-01 3,561e-02 -4,019 5,86e-05 -2,129634e-01 -7,339710e-02 -5,167331e-02 ***
Niveau VI -5,403e-01 3,582e-02 -15,082 < 2e-16 -6,105995e-01 -4,702184e-01 -1,951240e-01 ***
Signif. codes 0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1
AIC: 30 760
Wald Test 𝜒 2 = 767.9 df=13 𝑃(> 𝜒 2 ) = 0.0
Tableau 3-9 : Estimation des probabilités d’emploi sur l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence

Exceptés certaines classes d’âge et les diplômes de niveau IV, l’ensemble des variables sont
significatives et vont dans le sens attendu. Cette régression fournit l’information lorsque
l’intégralité des variables sont inclues dans le modèle et que la totalité des informations
disponibles sont reportées : les coefficients (non-interprétables), l’écart-type, les statistiques et
probabilités de statistiques de test de significativité, les intervalles de confiance et les effets
marginaux moyens. Ce sont ces derniers qui nous intéressent tout particulièrement. En effet,
ils permettent une interprétation des coefficients, c’est pourquoi nous ne présenterons que ces
résultats et des indications sur la significativité des coefficients dans les prochaines sorties.

2.2.1. L’influence des caractéristiques individuelles

Le tableau 3-10 permet de caractériser, entre autre, l’influence des caractéristiques


individuelles sur le statut d’emploi des individus. Ce tableau montre que quel que soit le
modèle considéré, les résultats restent stables.

181
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Ainsi, les résultats nous permettent de dire qu’en moyenne sur l’échantillon, être une femme
diminue la probabilité d’emploi de 3 points de pourcentage par rapport à un homme.
Le statut d’immigration varie de 2 à 8 points de pourcentage de chance supplémentaire
d’avoir un emploi pour les non-immigrés par rapport aux immigrés.
À l’exception de la non-significativité du niveau bac, le niveau de diplôme des individus joue
dans le sens attendu. Ainsi, plus le niveau de diplôme est faible, plus la probabilité d’emploi
diminue. En moyenne, une personne sans diplôme ou titulaire du BEPC aura une probabilité
d’emploi plus faible de 24 points de pourcentage par rapport à un individu titulaire d’un
diplôme de second ou troisième cycle universitaire. Un individu titulaire d’un CAP ou d’un
BEP aura en moyenne entre 5 et 8 points de pourcentage de chance de moins d’avoir un
emploi qu’un individu titulaire d’un diplôme de second ou troisième cycle universitaire. En
moyenne, un individu titulaire d’un diplôme de type bac +2, aura en moyenne 7 points de
pourcentage de chance de plus d’avoir un emploi qu’un individu titulaire d’un diplôme de
second ou troisième cycle universitaire. Cela peut s’expliquer par le coté très
professionnalisant et recherché des profils des individus sortant d’un BTS ou DUT.
L’influence de l’âge sur l’emploi est plus nuancée. En effet, seule la classe d’âge des 20-24
ans semble avoir un impact. Ainsi, nous constatons qu’en moyenne les individus âgés de 20 à
24 ans ont environ 6 points de pourcentage de chance de moins d’avoir un emploi qu’un jeune
de 15 à 17 ans. Le signe négatif de ce coefficient peut s’expliquer par le fait que la catégorie
de référence, les 15-17 ans, n’est constituée quasiment que d’individus en emploi du fait de
leur très probable statut d’apprenti.
En résumé, le fait d’être un homme, jeune, non immigré et avec un haut niveau de diplôme
permettrait une probabilité plus importante d’avoir un emploi, ce qui corrobore bien les
hypothèses et les théories énoncées dans le chapitre 2.

182
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Estimation des probabilités d’emploi pour l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence


Effets marginaux moyens
(Probit, N=24 304)
Modèle I Modèle II Modèle III Modèle IV
AIC 31 333 31 279 31 128 30 760

Intercept 0,1671394 *** 0,2901547 *** 0,1747366 *** 0,2813840 ***


Caractéristiques individuelles
Genre
Homme Ref. Ref. Ref. Ref.
Femme -0,0328013 *** -0,0334777 *** -0,0316649 *** -0,0259677 ***
Age
15-17 ans Ref. Ref. Ref. Ref.
18-19 ans -0,0239005 NS -0,0239942 NS -0,0231414 NS -0,0197227 NS
20-24 ans -0,0591377 *** -0,0587996 *** -0,0559936 *** -0,0503283 ***
25-29 ans -0,0134183 NS -0,0133109 NS -0,0089032 NS -0,0002230 NS
Statut d’immigration
Immigré Ref. Ref. Ref. Ref.
.
Non-immigré 0,0800672 *** 0,0768321 *** 0,0638539 *** 0,0214795
Niveau de diplôme
Niveau I ou II Ref. Ref. Ref. Ref.
Niveau III 0,0717650 *** 0,0719253 *** 0,0726508 *** 0,0755254 ***
Niveau IV -0,0193666 NS -0,0188931 NS -0,0128767 NS 0,0007480 NS
Niveau V -0,0848385 *** -0,0836232 *** -0,0743150 *** -0,0516733 ***
Niveau VI -0,2421037 *** -0,240198 *** -0,2280489 *** -0,1951240 ***
Caractéristiques des quartiers
Distance aux emplois -8,9234e-07*** -7,3214e-07*** -5,1973e-07***
Densité d’emploi 9,9845940*** 3,2753851 ***
Quartier de résidence
Très favorisé Ref.
Favorisé 0,0044801 NS
Intermédiaire -0,0844909 ***
Défavorisé -0,0786162 ***
Très défavorisé -0,1673284 ***
Signif. codes 0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1
Tableau 3-10 : Effets marginaux

2.2.2. L’influence de la structure urbaine

L’influence de la structure urbaine a été prise en compte à travers une intégration graduelle
des différentes variables présentées dans la section précédente, comme il est possible de le
voir dans les modèles II, III et IV présentés dans les trois dernières colonnes du tableau 3-10.
Le modèle II n’intègre qu’une indication liée au spatial mismatch, à laquelle nous ajoutons
dans le modèle III l’information supplémentaire sur la densité d’emploi. Le modèle IV
intègre, quant à lui, explicitement la variable dénotant les effets de quartiers dans leur
composition sociale.

2.2.2.1. L’influence de la relation à l’emploi

Quel que soit le modèle considéré, la distance aux emplois joue négativement sur la
probabilité d’emploi des jeunes marseillais. La relative faiblesse de l’effet marginal de cette

183
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

variable est à nuancer avec l’échelle de mesure utilisée. En effet, cet effet s’interprète comme
la variation de la probabilité d’emploi en points de pourcentage pour une augmentation d’une
unité de la variable. Ici la distance moyenne est calculée en mètre, ce qui signifie que si nous
éloignons les emplois d’en moyenne un mètre supplémentaire, la probabilité d’emploi des
jeunes va diminuer d’entre 0,0000005 et 0,0000009 points de pourcentage. Soit, si nous
raisonnons à une échelle beaucoup plus pertinente à l’aire urbaine, un éloignement de 10
kilomètres des emplois entraine une diminution de 0,005 à 0,009 points de pourcentage.
Ainsi, il faut retenir que plus les emplois sont éloignés du lieu de résidence, plus les
probabilités d’emploi des individus vont diminuer.
Si nous intégrons maintenant l’information sur l’emploi disponible à proximité, c’est-à-dire
dans le quartier de résidence et les quartiers adjacents, nous constatons que plus la part
d’emploi local est importante, plus les chances d’avoir un emploi le sont également. Plus
précisément, si nous ajoutons un emploi supplémentaire au kilomètre carré, la probabilité
d’emploi des individus résidents à proximité va augmenter d’entre 3 et 10 points de
pourcentage selon le modèle considéré.
Ainsi, ces deux variables viennent bien confirmer l’existence d’un mauvais appariement
spatial. C’est-à-dire que plus les individus vont être éloignés des emplois, moins ils auront de
chance d’être actif occupé.

2.2.2.2. L’influence du lieu de résidence

L’influence du lieu de résidence constitue la variable clé dans notre analyse. En effet, cette
variable est celle qui reflète le mieux la notion de ségrégation sous-tendant toute cette thèse.
En effet, la notion de quartier défavorisé fait largement écho à la notion commune que
peuvent avoir les gens d’un quartier ségrégé, et ce d’autant plus que nous avons vérifié la
ségrégation spatiale de ces quartiers ségrégés socialement.
Dans cette analyse, les quartiers très favorisés ont été choisi comme référence. Nous
constatons dans la dernière colonne du tableau 3-10 qu’à l’exception des quartiers favorisés,
les autres modalités de cette variable sont significatives et négatives. Cela signifie que résider
dans un quartier intermédiaire, défavorisé ou très défavorisé va entrainer une probabilité
d’emploi plus faible pour leurs résidents comparativement à ceux habitant dans un quartier
très favorisé, et ce de manière graduelle. Ainsi, vivre dans un quartier intermédiaire ou
défavorisé plutôt qu’un quartier très favorisé diminue la probabilité d’emploi de 8 points de

184
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

pourcentage, et jusqu’à 17 points de pourcentage lorsque nous considérons les quartiers très
défavorisés.
Nous montrons ainsi que l’influence de lieu de résidence est réelle, et que les effets de
quartiers décrits dans le chapitre précédent sont très probablement actifs, bien que nous ne
puissions identifier les mécanismes à l’action dans ce phénomène. En conséquence, un
individu vivant dans un quartier défavorisé, aura d’autant plus de difficultés à s’insérer sur le
marché du travail, venant renforcer les problèmes socio-économiques qu’il connaît déjà. Nous
avons donc mis en avant une causalité du lieu de résidence sur l’emploi. Cependant, il ne faut
pas oublier que cette causalité est circulaire : c’est également parce que ces individus n’ont
pas d’emploi qu’ils sont probablement localisés dans ces quartiers en difficulté.

2.3. Les tests de robustesse

Bien que les résultats précédents semblent cohérents et fiables, il est nécessaire de tester leur
robustesse. En effet, malgré la stratégie adoptée dans cette étude, il est possible qu’un biais
d’endogénéité persiste entre localisation et emploi. Il est nécessaire de s’assurer que ce biais
est limité. Nous réalisons alors une analyse de sensibilité en intégrant des contrôles au niveau
des caractéristiques des parents. Un deuxième test de robustesse est également réalisé pour
s’assurer de la limitation du biais de sélection lié à la diversité de profil que peut revêtir la
classe d’âge que nous avons choisie. Ainsi, nous avons cherché à savoir si nos résultats étaient
robustes en effectuant une régression similaire appliquée à des tranches d’âges plus restreintes
concentrant des publics plus homogènes.

2.3.1. Un contrôle par les caractéristiques des parents

2.3.1.1. La méthode

Nous avons expliqué précédemment avoir choisi de ne considérer que les individus de 15 à 29
ans vivant chez leurs parents afin de limiter l’endogénéité pouvant exister entre localisation
résidentielle et statut d’emploi, stratégie initialement utilisée par O’Regan et Quigley (1996).
Ce dernier article, portant sur les liens entre quartiers de résidence, emploi et éducation parmi
les adolescents du New Jersey, a donné lieu à une discussion menée par Glaeser (1996). Il met
alors en avant le fait que « O’Regan and Quigley assert that, in their data, family
characteristics « really matter’ in the empirical results ». If the observables matter so much,
surely the unobservables matter too, and the results are biased ». Il propose alors trois
solutions pour répondre à cette remarque : la première est d’utiliser des variables

185
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

instrumentales permettant de déterminer la localisation des parents tout en étant orthogonal


aux caractéristiques omis des jeunes pouvant déterminer la localisation. La deuxième
approche serait de séparer les individus selon leur ancienneté dans le quartier, les habitants de
long terme devant moins partir du contexte. La dernière solution invoquée par Glaeser « is to
get sense of how big the selection problems are. How much is sorting by parental
observables? How strong is the correlation between parents and children? How big would
the unobservables need to be, relative to observables, to invalidate the results? These king of
sensitivity analyses are made possible by Quigley and O’Regan’s use of Census variable with
a battery of parental background data, and I believe that the authors should exploit this
information as much as possible ». Ayant pour notre part accès à l’intégralité des données du
recensement de la population en France, il nous a été possible de reconstituer une base de
données élargie comprenant en plus des jeunes, les caractéristiques de la personne de
référence du ménage. Ainsi, en intégrant progressivement les informations sur les parents de
ces jeunes, nous contrôlons la robustesse de nos résultats précédents. Le statut d’emploi des
jeunes marseillais est expliqué également par le statut d’emploi et d’activité de la personne
référente du ménage, par son genre, son niveau de diplôme, sa catégorie socio-professionnelle
et par la disponibilité d’une ou plusieurs voitures à l’échelle du ménage. Les résultats des
différents modèles issus de l’intégration de ces différentes variables dans le modèle probit
présenté précédemment sont détaillés dans la sous-section suivante.

2.3.1.2. Les résultats

186
Estimation des probabilités d’emploi sur l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence
Effets marginaux moyens
(Probit, N=24 302)
Modèle I Modèle II Modèle III Modèle IV Modèle V Modèle IV
AIC 30 665 30 459 30 449 30 389 30 316 29 879

(Intercept) 0,222 *** 0,218 *** 0,204 *** 0,236 *** 0,228 *** 0,056 NS
Distance aux emplois -5,388e-07 *** -5,345e-07*** -5,351e-07 *** -5,322e-07 *** -5,205e-07 *** -2,934e-07 *
Densité d’emploi 3,099 *** 3,097 *** 3,059 *** 2,901 *** 2,816 ** 2,313 **
Quartier de résidence
Très favorisé Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Favorisé 0,003NS 0,005 NS 0,001 NS 0,005 NS 0,004 NS -0,004 NS
Intermédiaire -0,081 *** -0,070 *** -0,071 *** -0,063 *** -0,056*** -0,010 NS
Défavorisé -0,073 *** -0,064 *** -0,068 *** -0,058 *** -0,054 *** -0,038***
Très défavorisé -0,154 *** -0,132 *** -0,134 *** -0,121 *** -0,118 *** -0,071***
Caractéristiques individuelles
Genre
Homme Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Femme -0,025 *** -0,025 *** -0,025*** -0,024 *** -0,022 *** -0,017 **
Age
15-17 ans Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
18-19 ans -0,019 NS -0,016 NS -0,016 NS -0,015 NS -0,014 NS -0,014 NS
20-24 ans -0,046 ** -0,045 ** -0,045 ** -0,047 ** -0,045 ** -0,046***
25-29 ans 0,012 NS 0,014 NS 0,015 NS 0,009 NS 0,017 NS -0,060 NS
Statut d’immigration
Immigré Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Non-immigré 0,020 NS 0,005 NS 0,001 NS -0,001 NS 0,005 NS -0,012 NS
Niveau de diplôme
Niveau I ou II Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Niveau III 0,075 *** 0,075 *** 0,069 *** 0,070*** 0,070 *** 0,068 ***
Niveau IV 0,001 NS 0,002 NS -0,003 NS -0,001 NS 0,001 NS 0,010 NS
Niveau V -0,050 *** -0,044 *** -0,052 *** -0,046 *** -0,043 ** -0,026 *
Niveau VI -0,192 *** -0,182 *** -0,187 *** -0,181 *** -0,175 *** -0,144 ***
Caractéristiques des parents et du ménage
Statut d’emploi
Inactif Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Actif 0,069 *** 0,093 *** 0,091 *** 0,085 * 0,088 * 0,066 .
Statut d’activité
Actif Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Chômeur -0,149 *** -0,148 *** -0,142 *** -0,136 *** -0,112 ***
Niveau d’éducation

187
Niveau I ou II Ref. Ref. Ref. Ref.
Niveau III 0,021 NS 0,023 NS 0,029 . 0,023 NS
Niveau IV 0,025 . 0,031 * 0,030 * 0,028 .
Niveau V 0,047 *** 0,060 *** 0,054 *** 0,048 ***
Niveau VI 0,022 . 0,037 ** 0,033 * 0,039 **
CSP
Artisan Ref. Ref. Ref.
Agriculteur 0,031 NS 0,033 NS 0,020 NS
Ouvrier -0,065 *** -0,064 *** -0,058 ***
Employé -0,059 *** -0,025 . -0,017 NS
Prof. Interm. -0,023 NS -0,013 NS -0,013 NS
Cadre -0,025 NS -0,020 NS -0,027 NS
Retraité -0,018 NS -0,012 NS -0,011 NS
Autre -0,091 * -0,060 NS -0,050 NS
Genre
Homme Ref. Ref.
Femme -0,064 *** -0,018 *
Possession d’une automobile
0 Ref.
1 0,092 ***
2 0,170 ***
3 0,244 ***
Signif. codes 0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1
Tableau 3-11 : Résultats analyse de sensibilité contrôle parental (AME)

188
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Le tableau 3-11 présente les effets marginaux de l’estimation des probabilités d’emploi des
jeunes marseillais en fonction de leurs caractéristiques mais également de celles de la
personne référente du ménage auquel ils appartiennent. Nous remarquons ainsi que lorsque
cette personne est active, la probabilité d’emploi des enfants augmente en moyenne de 7 à 9
points de pourcentage selon le modèle considéré par rapport aux enfants de parents inactifs.
Néanmoins, lorsque cette personne est au chômage, les chances d’avoir un emploi pour
l’enfant diminue en moyenne de 11 à 14 points de pourcentage par rapport à un parent actif
occupé. De plus, cette probabilité diminue également (de 2 à 6 points de pourcentage) lorsque
le chef de ménage s’avère être une femme, situation que l’on peut associer à une famille
monoparentale, corroborant l’idée que ces familles connaissent des difficultés accrues.
Le rôle du niveau d’éducation des parents est plus paradoxal, il semblerait, en effet, qu’un
enfant dont le parent est titulaire de n’importe quel diplôme, voire d’aucun, aura plus de
chance (de 2 à 6 points de pourcentage) d’avoir un emploi qu’un enfant d’un parent titulaire
d’un diplôme de niveau I ou II. La non-significativité de l’influence de CSP des parents sur le
statut d’emploi des enfants interroge également. En effet, excepté le fait que les enfants
d’ouvriers aient 6 % de chance de moins d’avoir un emploi que les enfants d’artisans, aucune
autre CSP ne ressort systématiquement comme ayant une influence. Toutefois, il faut noter
que l’analyse de sensibilité menée sur l’aire bruxelloise présente les mêmes résultats,
Dujardin et al. (2008, p. 105) expliquent que : « The effects of parental professional status
and educational level are not always significant and, when significant, seem counter-
intuitive ». Ces derniers avancent comme potentielle explication le fait que « this could be
explained if rich children are under less pressure to search intensively for a job (because of
their parents’ financial support) ». Toutefois, nous nous permettons de douter de cette
explication, le lien entre niveau de diplôme et niveau de revenu n’étant pas forcément établi,
par ailleurs les données ne permettant pas de vérifier cette hypothèse.
Un élément important qui ressort de cette analyse de sensibilité correspond à la disponibilité
d’une voiture à l’échelle du ménage. La probabilité d’emploi des jeunes augmente fortement
lorsque le ménage possède une ou plusieurs voitures. Ces chances accrues d’emploi vont de
+9 points lorsque le ménage a une voiture à +24 points lorsque le ménage dispose d’au moins
trois voitures. Ce résultat vient confirmer le rôle majeur de la motorisation pour
l’employabilité (voir par exemple pour le cas de la France, Wenglenski, 2003), et sur
l’importance de la mobilité pour la recherche et l’obtention d’un travail. La motorisation
permet de sortir de cette « captivité » que peut représenter la vie dans les quartiers difficiles et
ségrégés (Fitoussi et al., 2004). Tout un pan de la littérature s’attache à corroborer cette

189
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

hypothèse et préfère même parler d’un « automobile mismatch » plutôt que d’un « spatial
mismatch » (e.g. Mignot et al., 2001 ; Raphael et Rice, 2002). Notre étude semble corroborer
l’existence des deux phénomènes.

2.3.2. La différenciation par classes d’âge

2.3.2.1. La méthode

Partant du constat que les individus sélectionnés dans nos échantillons pouvaient faire face à
des situations différentes par rapport à l’emploi, il est nécessaire de tester la robustesse des
résultats précédemment obtenus. En effet, comme nous l’avons déjà mentionné
précédemment, les plus jeunes individus représentent une minorité avec leur statut d’apprenti
alors que les plus âgés de l’échantillon sont normalement très majoritairement actifs. Ainsi,
nous nous sommes interrogés sur le fait que les effets de quartiers et l’employabilité de ces
individus puisse être différents selon l’âge de l’individu concerné. Nous avons donc choisi de
mettre en œuvre l’estimation du même modèle présenté auparavant mais sur des sous-
échantillons constitués de quatre classes d’âge plus restreintes11 :
 Les 15-18 ans : très probablement constitués d’individus en cours ou suite
d’apprentissage, ou bien des jeunes ayant abandonné l’école une fois l’âge légal
atteint.
 Les 19-21 ans qui ont ou cherchent un emploi sont, soit les décrocheurs précédemment
évoqués, soit des individus en sortie d’études professionnelles type CAP/BEP ou
baccalauréat professionnel ou technologique.
 Les 22-24 ans peuvent revêtir les profils précédents ayant acquis de l’expérience à
valoriser sur le marché du travail, ou des jeunes sortant de formations
professionnalisantes supérieures du type BTS ou DUT12.
 Les 25-29 ans sont plus représentatifs de la population active dans sa globalité avec
des individus plus ou moins diplômés ayant déjà quelques années d’expérience
derrière eux.
Les questions qui se posent alors sont les suivantes : ces individus au profil d’emploi
différent, ont-ils une relation à l’espace différente ? Nos résultats précédents sont-ils conduits
par une classe d’âge particulière ?

11
Les mêmes estimations ont été menées pour les autres échantillons dont les résultats sont visibles en annexe 3-
6.
12
Respectivement Brevet de Technicien Supérieur et Diplôme Universitaire de Technologie.

190
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

2.3.2.2. Les résultats

Les résultats des différentes régressions sur les classes d’âge sont visibles dans le tableau 3-
12.

Estimation des probabilités d’emploi pour l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-


Provence
Effets marginaux moyens
(Probit, N=24 304)
15-18 ans 19-21 ans 22-24 ans 25-29 ans

Nb. Obs. 2 293 6 297 7 644 7 530


AIC 2977,2 8270,6 9594,8 9135,9

Intercept 0,372 ** 0,289 ** 0,298 *** 0,029 ***


Caractéristiques individuelles
Genre
Homme Ref. Ref. Ref. Ref.
Femme -0,161 *** -0,036 ** 0,002 NS 0,009 NS
Statut d’immigration
Immigré Ref. Ref. Ref. Ref.
Non-immigré 0,071 NS -0,034 NS 0,039 . 0,029 NS
Niveau de diplôme
Niveau I ou II Ref. Ref. Ref. Ref.
Niveau III -0,128 NS 0,057 NS 0,024 NS 0,094 ***
Niveau IV -0,124 NS -0,016 NS -0,049 * 0,040 *
Niveau V -0,128 NS -0,056 NS -0,101 *** 0,001 NS
Niveau VI -0,259 * -0,199 * -0,241 *** -0,178 ***
Caractéristiques des quartiers
Distance aux emplois -6,745e-08 NS -6,094e-07 ** -4,796e-07 * -3,996e-07 .
Densité d’emploi 3,122 NS 4,331 * 0,189 NS 5,127 ***
Quartier de résidence
Très favorisé Ref. Ref. Ref. Ref.
Favorisé -0,043 NS -0,006 NS -0,011 NS 0,023 NS
Intermédiaire -0,122 ** -0,016 ** -0,095 *** -0,066 **
Défavorisé -0,150 *** -0,056 *** -0,084 *** -0,040 *
Très défavorisé -0,264*** -0,199 *** -0,171 *** -0,112 ***
Signif. codes 0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1
Tableau 3-12 : Tests de robustesse – Régressions par classes d’âge

Dans un premier temps, examinons les résultats de chaque groupe individuellement.


 Les 15-18 ans :
Nous constatons que le fait d’être une fille diminue en moyenne les chances d’emploi
d’environ 16 points de pourcentage. Cela est peut-être à rapprocher du fait qu’une partie
importante des formations professionnalisantes courtes est considérée comme typiquement
masculine (par exemple tout ce qui concerne le BTP). La variable concernant le niveau de
diplôme est logiquement non significative, les individus n’ayant pas l’âge pour effectuer des
études supérieures au niveau bac. Concernant l’influence du quartier de résidence, deux
conclusions sont à tirer. Tout d’abord, il semblerait que les hypothèses du spatial mismatch ne
soient pas vérifiées pour cette population, la distance et la part d’emploi local ne jouant pas de
rôle sur l’employabilité de ces jeunes. Cela peut être dû au lien fort existant entre

191
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

établissements formateurs et entreprises partenaires. Deuxième point important à noter : le


quartier de résidence joue bien un rôle sur l’emploi de ces jeunes, les quartiers les plus
défavorisés diminuant de plus de 26 points de pourcentage les chances d’emploi par rapport
aux quartiers très favorisés. Cette influence négative est réelle pour les quartiers de type
intermédiaire, défavorisé et très défavorisé comparativement aux quartiers très favorisés de
l’aire urbaine.

 Les 19-21 ans :


Les estimations sont comparables à la classe d’âge précédente avec une légère variation de
l’ampleur des coefficients. Ainsi, être une femme diminue les chances d’emploi de 3,6 points
de pourcentage, et l’effet du quartier de résidence varie de -2 à -20 points de pourcentage. La
différence importante à noter entre les deux régressions concerne l’influence des variables de
situation des emplois : si nous éloignons les emplois de 10km supplémentaires, les chances
d’emploi diminuent de 0,006 points de pourcentage, et si nous augmentons la densité
d’emploi d’une unité, les probabilités d’emploi augmentent de 433 points de pourcentage.

 Les 22-24 ans :


Le genre de l’individu n’influence plus son statut d’emploi, tout comme la densité d’emploi
présente localement. Néanmoins, l’influence du niveau de diplôme est significative avec des
probabilités d’emploi diminuant jusqu’à 24 points de pourcentage lorsque la personne ne
possède aucun diplôme ou un brevet du collège comparativement à un titulaire d’un diplôme
de second cycle universitaire.

 Les 25-29 ans :


Les individus de la dernière classe d’âge ont des chances d’emploi amoindries lorsqu’ils ont
un niveau d’éducation VI et lorsqu’ils résident dans un quartier intermédiaire, défavorisé ou
très défavorisé. La distance aux emplois et la densité d’emploi local sont significatives et
jouent dans le sens attendu.
Si nous considérons ces différentes régressions simultanément, nous identifions une instabilité
des estimations sur certains paramètres comme le genre et les variables de spatial mismatch
(la non-significativité des niveaux de diplôme pour les classes les plus jeunes étant normales,
les individus n’ayant pas encore pu atteindre certains niveaux de diplôme dont la modalité de
référence). Malgré cela, ce qu’il est important de retenir est la robustesse des estimations des
effets de quartier avec une stabilité des signes et une amplitude des résultats cohérentes. Ainsi
192
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

quelle que soit la classe d’âge, les individus résidant dans des quartiers défavorisés
rencontreraient plus de difficultés à trouver un emploi que ceux résidant dans les quartiers les
plus favorisés.

SECTION 4 – L’introduction de la géographie physique dans l’appréhension de l’espace

Nous avons montré jusqu’à présent qu’il existait un rôle de l’espace et plus particulièrement
du lieu de résidence et la position par rapport aux emplois dans le fait pour un individu
d’avoir ou non un emploi. Pour cela, nous avons intégré l’espace via des indicateurs de
quartiers dans l’estimation individuelle des probabilités d’emploi.
Il nous paraît intéressant, pour compléter ces premiers résultats, d’intégrer ces effets de
quartiers dans leur composante géographique. Plus précisément, il s’agit de prendre en
compte explicitement la distance entre les individus au travers d’une matrice de poids. Ainsi,
grâce à la mobilisation de l’économétrie spatiale, nous pouvons mesurer les interactions qui se
jouent au niveau géographique (§1). Pour cela, nous estimerons un modèle autorégressif
spatial (SAR) en bayésien (§2) dont les résultats corroborent ceux du modèle non spatialisé
(§3).

1. L’apport de l’économétrie spatiale

1.1. L’intérêt de la prise en compte de l’espace

Notre objectif, tout au long de ce chapitre, a été de montrer qu’il existe une influence du lieu
de résidence sur la probabilité d’être en emploi. Nous avons ainsi vu que vivre dans un
quartier très défavorisé aura tendance à nuire aux individus. Nous nous sommes interrogés sur
la portée de ces résultats et nous avons cherché un moyen d’aller plus loin dans notre analyse.
En effet, un point important de l’étude de la ségrégation urbaine repose sur le fait qu’il existe
des effets de débordement, que l’espace dans lequel évolue l’individu est important. Nous
avons caractérisé cet espace par le quartier de résidence de l’individu, quartier qui s’intègre
également dans un environnement. Ainsi, nous pouvons nous demander si le positionnement
géographique des quartiers entre eux, et des individus dans ces quartiers ne peuvent-ils pas
également influencer l’emploi des individus. Dans ce cas, Thomas-Agnan (2012, p. 4) stipule
que « il ne suffit pas de juxtaposer l’analyse géographique à l’analyse statistique, il faut les
faire interagir ». Il est pertinent d’élargir le propos : l’individu vivant dans un quartier
défavorisé, lui-même entouré de quartiers défavorisés, vit-il la même situation qu’un individu
vivant dans un quartier défavorisé entouré de zones plus aisées ? Nous cherchons à travers

193
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

cette réflexion à savoir si nos voisins en termes de personnes et de contexte socio-économique


sont susceptibles de venir renforcer les effets de quartiers identifiés auparavant. Nous nous
demandons donc s’il existe une dépendance spatiale entre individus et territoires.
Comme Gibbons et al. (2015, p. 115) le soulignent « When location is simply a source of
additional information on each unit of observation it adds little to the complexity of analyzing
and understanding the causes of spatial phenomena. However, in situation where agents are
able to interact, relative location may play a role in determining the nature of those
interactions. » Il est alors nécessaire d’adapter les outils d’estimation à cette situation, c’est
pourquoi nous mobilisons l’économétrie spatiale.

1.2. L’économétrie spatiale

LeSage (2008, p. 20) définit l’économétrie spatiale comme « a field whose analytical
techniques are designed to incorporate dependence among observations (regions or points in
space) that are in close geographical proximity. Extending the standard linear regression
model, spatial methods identify cohorts of « nearest neighbors » and allow for dependence
between these regions/observations ».
Il est souvent fait référence aux entités géographiques lorsqu’il est envisagé d’utiliser
l’économétrie spatiale. De fait, les effets de débordements semblent facilement
appréhendables lorsque nous parlons de départements, de régions ou encore d’états.
Cependant, Elhorst (2014, p. 1) explique que « spatial econometrics model scan also be used
to explain the behavior of economic agents other than geographical units, such as
individuals, firms or governments, if they are related to each other through networks ».
Cette discipline est apparue dans les années 1960, début 1970 (c.f. Cliff et Ord, 1973, pour
une synthèse des premiers travaux) et s’est étendue avec le développement de la théorie des
estimations et des tests (Ord, 1975 ; Paelinck et Klaassen, 1979 ; Anselon, 1980). Certains
ouvrages sont devenus des références dans la matière, nous citerons entre autre : Cliff et Ord,
1981 ; Anselin, 1988 ; Cressie, 1993 ; Anselin et Florax, 1995 ; et plus récemment, LeSage et
Pace, 2009.
La mobilisation de tels modèles est pertinente dans le cas présent, puisque nous cherchons à
identifier des effets de quartiers, des effets de pairs se jouant à l’échelle du quartier.

2. Le modèle

194
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Le modèle considéré dans ce cadre spatial reste le même que celui estimé précédemment, à
savoir un modèle probit décrivant les probabilités d’emploi en fonction de caractéristiques
individuelles et de quartier.
Billé et Arbia (2013) recensent les différentes approches méthodologiques de modèles de
choix discret spatiaux et expliquent que « papers that account for spatial autocorrelation in
the discrete or limited dependent variable are still not many. One of the most important
reasons for the relatively scarce diffusion of these models is their complexity, often requiring
a multidimensional integration to estimate the set of parameters with a full maximum
likelihood approach. As a consequence, in increasing attention has been placed on Bayesian
inference methods, as well as semiparametric and nonparametric techniques, as
computational solutions to estimate spatial discrete choice models ».
Comme Smith et LeSage (2004), nous avons choisi un modèle probit spatial autoregressif
(SAR) inféré en bayésien à l’aide de la méthode Markov Chain Monte Carlo (MCMC) (voir
LeSage, 1997, pour la présentation de l’estimation bayésienne du SAR, et LeSage, 2010, pour
le cas particulier des modèles à variables dépendantes limitées).
Le modèle SAR est très utilisé dans le cas de mesure d’interactions tel que les effets de pairs
ou de quartier (e.g. Bramoullé et al., 2009 ; Lin, 2010 ; Fortin et Yazbeck, 2015), ainsi que
lorsque nous nous plaçons à une échelle géographique petite (e.g. Morenoff et al., 2001), ce
qui est le cas de notre étude. Le choix de l’inférence bayésienne vient du fait que l’inférence
des effets indirects et directs est plus complexe dans le non-bayésien. De plus, Bolduc et al.
(1997) dans leur comparaison entre estimation de maximum de vraisemblance simulé dans les
simulateurs GHK et le Gibbs sampling montrent que « no significant differences were found
between them, although the Gibbs approach is conceptually and computationally simpler to
implement ».

Notre modèle prend la forme générale d’un SAR :

𝑦 ∗ = 𝜌𝑊𝑦 ∗ + 𝛽𝑋 + 𝜀
(3.5)
𝜀~𝑁(0, 𝜎𝜀2 𝐼𝑛 )

Avec comme précédemment :


𝑦 = 1 𝑠𝑖 𝑦 ∗ > 0
𝑦 = 0 𝑠𝑖 𝑦 ∗ ≤ 0

195
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Où y vaut 1 lorsque l’individu est en emploi et 0 sinon. La différence par rapport au modèle
probit standard utilisé précédemment correspond à l’introduction de la variable latente
spatialement décalée, qui correspond au fait que le statut d’emploi d’un individu est impacté
par le statut d’emploi de ses voisins.
Le vecteur des variables explicatives X contient les mêmes informations que dans le modèle
standard avec les indicateurs de quartiers et les caractéristiques individuelles (âge, genre,
statut d’immigration, niveau de diplôme). Seule la variable de distance moyenne aux emplois
a été retirée de l’estimation, afin de ne pas introduire de biais en calculant de la distance entre
distances.
La notion de voisinage exprimée précédemment est comprise dans le terme W dans
l’expression (3-5) qui correspond à la matrice de pondération spatiale (encore appelée matrice
de poids). Cette matrice décrit les interconnexions géographiques entre les individus, que
nous avons définie par critère de seuil de distance, fixé à un kilomètre. Nous avons fixé ce
seuil à un kilomètre, en considérant ce périmètre autour du lieu de résidence comme bonne
approximation de l’espace de vie et d’influence d’un individu. Toutefois, ce choix étant
purement arbitraire, nous avons effectué d’autres estimations basées sur d’autres seuils dont
les résultats sont présentés dans l’annexe 3-7. Il existe plusieurs types de structure spatiale
pouvant être utilisés : la contiguïté à travers une frontière commune, les voisins les plus
proches et des fonctions basées sur la distance. Nous choisissons ici cette dernière solution,
car nous considérons que les interactions entre individus ne sont absolument pas contraintes ni
définies par des frontières administratives, que par ailleurs, les individus ignorent
généralement. La matrice de pondération spatiale dans les résultats qui seront présentés dans
la sous-section suivante est spécifiée de la manière suivante :

2
1⁄𝑑𝑖𝑗 si 𝑗 est localisé dans un rayon d′ 1km autour de 𝑖
𝑤𝑖𝑗 = { (3.6)
0 sinon

Avec 𝑑𝑖𝑗 la distance (à vol d’oiseau) entre l’individu 𝑖 et 𝑗,

À ce niveau de l’analyse, notre étude connaît son hypothèse restrictive la plus importante. En
effet, les individus ne sont pas précisément localisables dans l’espace à l’aide de coordonnées
de longitude/latitude, nous ne connaissons que leur Iris de résidence. Ainsi, nous sommes
dans l’obligation, pour calculer la matrice de pondération spatiale, de considérer les individus
et les emplois comme étant tous localisés au centre de leur Iris. C’est pourquoi, toute personne

196
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

résidant dans le même Iris est considérée comme voisin, indépendamment de la distance
réelle qui les sépare. Cette restriction forte signifie également que tous les résidents d’un
même quartier connaissent les mêmes indicateurs d’emplois.
Malgré la restriction importante que cela impose à notre étude, nous verrons tout de même
que les résultats sont significatifs et cohérents, justifiant l’utilisation de cette méthode malgré
cette limite. En effet, la taille importante de notre échantillon nous permet d’avoir un nombre
significatif d’individus. Nous admettons qu’il est tout de même possible que nos estimations
soient imprécises et puissent surestimer ou sous-estimer les effets de pairs et de quartiers
identifiés.

3. Les résultats

Dans un premier temps, nous avons réalisé deux analyses différentes selon l’aire
géographique considérée. La première a été réalisée à l’échelle de la commune de Marseille,
dont les résultats sont présentés dans le tableau 3-13, et la seconde à l’échelle de l’ensemble
de l’aire urbaine, donc les résultats sont visibles dans le tableau 3-14.

197
Estimation des probabilités d’emploi pour la ville de Marseille Estimation des probabilités d’emploi pour l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence
(MCMC spatial autoregressive probit, N=13086) (MCMC spatial autoregressive probit, N=24 336)
Estimation Std. Dev p-level t-value 𝐏𝐫(> |𝐳|) Estimation Std. Dev p-level t-value 𝐏𝐫(> |𝐳|)
(Intercept) 2,545e-01 1,949e-01 8,200e-02 1,306 0,191548 (Intercept) 0,525786 0,070326 0,000000 7,476 7,90e-14 ***
Rho 3,435e-01 5,626e-02 0,000e+00 6,104 1,06e-09 *** Rho 0,152249 0,037438 0,000000 4,067 4,78e-05 ***
Densité d’emploi 0,191548 4,008e+00 1,880e-01 0,866 0,386584 Densité d’emploi 11,176996 2,515399 0,000000 4,443 8,89e-06 ***
Quartier de residence Quartier de residence
Très favorisé Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Très favorisé Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Favorisé -2,980e-02 4,258e-02 2,510e-01 -0,700 0,484048 Favorisé 0,014934 0,025809 0,279000 0,579 0,562854
Intermédiaire -1,601e-01 4,208e-02 0,000e+00 -3,804 0,000143 *** Intermédiaire -0,240161 0,034324 0,000000 -6,997 2,69e-12 ***
Défavorisé -6,062e-02 3,637e-02 4,700e-02 -1,667 0,095609 Défavorisé -0,210182 0,027742 0,000000 -7,576 3,69e-14 ***
Très défavorisé -3,256e-01 4,077e-02 0,000e+00 -7,987 1,55e-15 *** Très défavorisé -0,428685 0,030279 0,000000 -14,158 < 2e-16 ***
Caractéristiques individuelles Caractéristiques individuelles
Genre Genre
Homme Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Homme Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Femme 6,156e-03 2,435e-02 4,100e-01 0,253 0,800445 Femme -0,070884 0,017853 0,000000 -3,970 7,19e-05 ***
Age 6,561e-03 4,025e-03 4,000e-02 1,630 0,103095 Age
Statut d’immigration 15-17 ans Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Immigré Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. 18-19 ans -0,057909 0,047571 0,112000 -1,217 0,223489
Non-immigré -6,521e-03 4,310e-02 4,440e-01 -0,151 0,879739 20-24 ans -0,143042 0,042268 0,000000 -3,384 0,000715 ***
Niveau de diplôme 25-29 ans -0,003312 0,044069 0,473000 -0,075 0,940087
Niveau I ou II Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Statut d’immigration
Niveau III 1,623e-01 5,507e-02 3,000e-03 2,947 0,003219 ** Immigré Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Niveau IV -3,945e-02 4,726e-02 1,880e-01 -0,835 0,403899 Non-immigré 0,063752 0,036062 0,043000 1,768 0,077099 .
Niveau V -1,983e-01 4,582e-02 0,000e+00 -4,327 1,52e-05 *** Niveau de diplôme
Niveau VI -5,897e-01 4,493e-02 0,000e+00 -13,126 < 2e-16 *** Niveau I ou II Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Signif. codes 0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1 Niveau III 0,211330 0,040619 0,000000 5,203 1,98e-07 ***
Tableau 3-13 : Régression spatiale des probabilités d’emploi sur la commune de Niveau IV 0,003950 0,036467 0,461000 0,108 0,913748
Niveau V -0,139604 0,036851 0000000 -3,788 0,000152 ***
Marseille Niveau VI -0,538316 0,037823 0,000000 -14,232 < 2e-16 ***
Signif. codes 0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1
Tableau 3-14 : Régression spatiales des probabilités d’emploi sur l’aire urbaine
de Marseille – Aix-en-Provence

198
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

La comparaison de ces deux tableaux nous fait remarquer rapidement que le nombre de
variables significatives est bien plus important pour l’ensemble de l’aire urbaine. Comme
nous l’avions expliqué dans la section 1, il est très probable que les déterminants de l’emploi
se jouent à l’échelle de l’aire urbaine et non de la commune. Ainsi, pour le reste de l’analyse
nous resterons comme précédemment sur l’intégralité de l’aire urbaine.
Comme pour un probit standard, les coefficients des régressions ne sont pas directement
interprétables, et des effets marginaux doivent également être calculés. Cependant,
contrairement à précédemment, nous faisons face dans le cadre d’un modèle spatial à trois
types d’effets marginaux (LeSage et Pace, 2009 ; Elhorst, 2014) :
 L’effet direct moyen : qui correspond à l’impact de la variation d’une variable
explicative en i sur la variable d’intérêt en i.
 L’effet indirect moyen correspond au spillover spatial qui combine deux effets
réciproques. Le premier est l’impact d’un changement d’une variable explicative dans
toutes les autres unités spatiales sur l’unité spatiale i ; et le second est l’effet d’un
changement d’une variable explicative en i sur toutes les autres unités spatiales.
 L’effet total moyen correspond à la somme des deux effets précédents.
Dans notre cas, l’effet direct moyen reflète l’effet de la variation d’une variable explicative
pour l’individu i sur sa propre probabilité d’emploi, alors que l’effet indirect décrira l’effet sur
la probabilité d’emploi de l’individu i lorsque se produit un changement dans les
caractéristiques de ces voisins et vice-versa.

Le tableau 3-15 reporte les coefficients et les effets marginaux (les résultats plus détaillés sont
disponibles en annexe 3-8) qui comme le soulignaient LeSage et Pace (2009, p. 293) « one
advantage of the MCMC estimation is that the sample draws arising from estimation can be
used to produce separate marginal effects for every observation at each iteration ». A été
reportée dans ce tableau la significativité des coefficients qui est obtenu en vérifiant que la
valeur zéro ne soit pas comprise dans l’intervalle [0,05; 0,95] bayésien crédible construit à
partir des distributions postérieures reflétées par les MCMC draws présents en annexe 3-8
(Allaire, Cahuzac et Simioni, 2001).

199
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

Estimation des probabilités d’emploi de l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-


Provence
(MCMC spatial autoregressive probit, N=24 302)
Effets marginaux
Coefficient
Direct Indirect Total
(Intercept) 0,5257 ***
Rho 0,1522 ***
Densité d’emploi 11,1769 *** 4,0400 *** 0,5606 *** 4,6009 ***
Quartier de résidence
Très favorisé Ref. Ref. Ref. Ref.
Favorisé 0,0149 NS 0,0054 NS 0,0007 NS 0,0061 NS
Intermédiaire -0,2401 *** -0,0868 *** -0,0120 *** -0,0988 ***
Défavorisé -0,2101 *** -0,0759 *** -0,0104 *** -0,0864 ***
Très défavorisé -0,4286 *** -0,1549 *** -0,0213 *** -0,1762 ***
Caractéristiques individuelles
Genre
Homme Ref. Ref. Ref. Ref.
Femme -0,0708 *** -0,0256 *** -0,0035 *** -0,0291 ***
Age
15-17 ans Ref. Ref. Ref. Ref.
18-19 ans -0,0579 NS -0,0209 NS -0,0029 NS -0,0238 NS
20-24 ans -0,1430 *** -0,0517 *** -0,0071 *** -0,0588 ***
25-29 ans -0,0033 NS -0,0011 NS -0,0002 NS -0,0013 NS
Statut d’immigration
Immigré Ref. Ref. Ref. Ref.
Non-immigré 0,0637 *** 0,0230 *** 0,003 *** 0,0262 ***
Niveau de diplôme
Niveau I ou II Ref. Ref. Ref. Ref.
Niveau III 0,2113 *** 0,0763 *** 0,0105 *** 0,0869 ***
Niveau IV 0,0039 NS 0,0014 NS 0,0002 NS 0,0016 NS
Niveau V -0,1396 *** -0,0504 *** -0,0069 *** -0,0574 ***
Niveau VI -0,5383 *** -0,1945 *** -0,0268 *** -0,2214 ***
Signif. codes 0 ‘***’ 0.001 ‘**’ 0.01 ‘*’ 0.05 ‘.’ 0.1 ‘ ’ 1
Tableau 3-15 : Estimation du modèle spatial de probabilité d’emploi sur l’aire urbaine de Marseille – Aix-
en-Provence

Le premier point important à noter dans ces estimations est la significativité du coefficient
autorégressif qui nous indique que le positionnement relatif des quartiers et des individus dans
l’espace joue un rôle dans le fait d’être ou non en emploi. Ainsi, l’utilisation d’un tel modèle
est justifiée, et démontre qu’il existe bien une interdépendance entre les individus, le statut
d’emploi de l’un influençant bien celui de ses voisins.

3.1. Les caractéristiques individuelles

Considérons dans un premier temps les caractéristiques individuelles. Nous constatons qu’une
femme a une probabilité d’emploi inférieure d’environ 2,5 points de pourcentage à un
homme. De plus, l’effet indirect nous suggère que le fait d’être entouré de femmes diminue
nos chances d’emploi d’environ 0,35 points de pourcentage.
Tout comme pour le probit simple, l’effet de l’âge ne ressort pas réellement, seule la classe
des 20-24 ans semble ressortir significative.

200
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

L’effet du statut d’immigration est proche de celui des femmes. C’est-à-dire qu’un natif aura
2,3 points de pourcentage de plus de chance d’avoir un emploi et qu’une personne entourée de
natif aura 0,3 points de pourcentage de plus d’avoir de chance d’avoir un emploi qu’un
individu entouré d’immigrés.
À l’exception du niveau bac, le niveau de diplôme des individus influence l’emploi, bien que
le signe du niveau III ne soit pas forcément très clair. En effet, il apparaitrait qu’un individu
titulaire d’un BTS aurait plus de chance d’avoir un emploi qu’un individu titulaire d’un
diplôme universitaire supérieur. Tout comme il vaudrait mieux être entouré de personnes
ayant un diplôme niveau III que de personnes ayant un niveau I ou II. Vraisemblablement,
cela peut s’expliquer par le fait que généralement ces formations sont très porteuses et
génératrices d’emploi, et que les individus ayant ce niveau de diplôme représentent une bonne
source d’informations, un bon réseau pour les personnes à la recherche d’un emploi.
Cependant, comme nous pouvons nous y attendre, le fait de n’avoir aucun diplôme ou un
brevet des collèges diminue la probabilité d’emploi de 19,5 points de pourcentage par rapport
à un titulaire d’un diplôme de niveau I ou II, et le fait d’être entouré d’individus sans diplôme
diminue les chances d’emploi de 2,7 points de pourcentage (toujours par rapport à côtoyer des
individus ayant un diplôme universitaire supérieur).
Ce modèle d’économétrie spatiale, décrivant originellement les effets de débordement entre
unités géographiques, nous permet dans ce cas de montrer une interdépendance entre
individus géographiquement proches et ainsi mettre en avant l’existence d’effets de pairs.

3.2. Les effets de quartier

La première partie du tableau 3-15 nous indique l’influence du quartier de résidence des
individus. Aucune différence significative n’est observée entre résidents des quartiers très
favorisés et favorisés. Néanmoins, comme dans l’analyse non spatialisée, un effet négatif des
quartiers les plus défavorisés est visible, allant de -9 à -15,5 points de pourcentage
comparativement aux quartiers très favorisés. Dans cette analyse spatialisée, l’effet marginal
indirect de cette variable de quartier de résidence nous intéresse principalement. En effet, ce
dernier nous donne l’information du positionnement relatif des quartiers entre eux, propres à
la ségrégation. Ainsi, quel que soit le type de quartier dans lequel résident les individus, s’il
est entouré de quartiers très défavorisés, ces derniers auront en moyenne 2 points de
pourcentage de probabilité d’avoir un emploi en moins que si ce quartier était entouré d’Iris
très favorisés. Cela montre que le lieu de résidence en lui-même compte mais également le

201
Partie 1 – Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi

voisinage immédiat du quartier. De même, une enclave défavorisée au milieu de quartiers plus
favorisés s’en sortira mieux que si ce même quartier était intégré dans une zone globalement
défavorisée. Dans l’ensemble, ces résultats montrent que l’influence des individus et des
quartiers s’étend au-delà de la proximité immédiate. De plus, le positionnement des individus
dans la ville et la structure urbaine jouent un rôle majeur dans les probabilités des individus.

202
Conclusion du chapitre 3

Ce chapitre décrit la complexité des facteurs pouvant venir influencer le statut d’emploi des
individus, dans le cas particulier que représente l’aire urbaine marseillaise en France.
Nous avons montré dans cette étude, une influence des caractéristiques propres des individus,
avec des chances d’emploi plus importantes pour les hommes, non-issus de l’immigration et
ayant un niveau de diplôme relativement élevé.
Notre objectif était surtout de montrer, qu’outre ces résultats plutôt standards en économie du
travail, les interactions entre individus et la ville par sa spatialité, étaient également vecteurs
de différence de statut d’emploi. Nos résultats montrent qu’il existe effectivement un lien fort
entre lieu de résidence et emploi, et ce via deux canaux principaux. Le premier concerne la
distance aux emplois : nous avons montré que vivre dans un quartier éloigné des emplois
diminue les chances d’emploi de la population résidente, et que, de manière complémentaire,
plus la masse d’emploi à proximité du lieu de résidence est importante, plus les chances
d’emploi le seront également. Nous pouvons donc affirmer que, dans l’aire urbaine
marseillaise, l’hypothèse de spatial mismatch est vérifiée. Le deuxième canal rejoint ce que
l’on nomme les effets de quartier. C’est-à-dire que nous avons montré que selon la
composition socio-démographique du quartier où réside un individu, ses chances d’emploi ne
seront pas les mêmes. Nous avons montré que dans le cas d’Aix-en-Provence – Marseille,
vivre dans un quartier très défavorisé, comparativement à un quartier très favorisé, diminue
les probabilités d’emploi d’environ 25 %. Ainsi, ce chapitre démontre que, outre les
caractéristiques propres des individus, la ville par sa composition et son organisation spatiale
va également influencer l’emploi des populations. Le lieu de résidence n’est pas anodin : les
choix de localisation, qu’ils soient volontaires ou contraints, auront une importance majeure
sur l’insertion sur le marché du travail.
Nous sommes allés encore plus loin dans l’analyse de ce résultat en intégrant la géographie
physique des individus et de l’aire urbaine. L’utilisation de l’économétrie spatiale nous a
permis de mettre en avant l’existence d’interactions individuelles entre personnes
géographiquement proches, corroborant l’existence d’effets de pairs. De plus, cette dernière
partie de l’étude montre qu’outre les effets internes aux quartiers de résidence, il existe
également sur la zone d’étude des effets de débordement spatiaux. Ainsi, l’organisation
spatiale de l’aire urbaine, c’est-à-dire l’agencement de différents profils de quartier en son
sein, influence l’emploi des individus.

203
204
PARTIE 2 – SÉGRÉGATION, ÉDUCATION ET
POLITIQUES PUBLIQUES

205
206
CHAPITRE 4 – LES POLITIQUES PUBLIQUES ÉDUCATIVES
COMPENSATOIRES : UNE APPROCHE PAR L’ÉVALUATION
ÉCONOMÉTRIQUE

Auparavant réservé à une élite, le système éducatif s’est, au fur et à mesure, ouvert au plus
grand nombre. Cette démocratisation s’est suivie d’une apparition et d’une accentuation des
inégalités entre élèves, allant même jusqu’à parler d’une fracture scolaire (Caro et
Rouault, 2010). En effet, les inégalités sociales ont tendance à se reproduire à l’école, avec,
un effet sur la réussite scolaire des élèves, ceux issus de milieux défavorisés rencontrant plus
de difficultés. Afin de remédier à cette situation, dans une recherche d’égalité ou d’équité du
système éducatif, les autorités ont mis en place des programmes compensatoires, ajoutés au
droit commun, dans le but de réduire les écarts entre élèves défavorisés et leurs pairs plus
favorisés. Ce type de programmes éducatifs compensatoires, mis en place dans l’ensemble des
pays développés, est néanmoins critiqué. La base du raisonnement des détracteurs de ces
politiques est la suivante : la mise en exergue des résultats de moins en moins bons des élèves
et des inégalités toujours croissantes dans les systèmes scolaires alors que des moyens
financiers colossaux sont dépensés. De fait, de grandes enquêtes internationales, sans parler
proprement dits de ces programmes, mettent tout de même en avant l’existence et
l’accentuation des inégalités dans certains systèmes scolaires. Ainsi, le programme PISA
(Programme for International Student Assessment) de l’OCDE a mis en avant dans son
rapport de 2012 que « le système éducatif français est plus inégalitaire en 2012 qu’il ne l’était
9 ans auparavant […]. En France, lorsque l’on appartient à un milieu défavorisé, on a
clairement aujourd’hui moins de chance de réussir qu’en 2003 » 13 . Très récemment est
également paru un rapport mené par le Conseil National d’Évaluation du Système Scolaire,
dont les résultats sont peu encourageants. Le journal Le Monde, en réaction à la publication de
ce rapport expliquait le 27 septembre 2016 que « ce n’est pas la faute de l’enseignement privé,
dont la responsabilité a encore été pointée du doigt […]. Pas non plus celle des stratégies
familiales ou de la crise économique. Ce vaste travail met en cause trente ans de politiques
éducatives qui, au lieu de résorber les inégalités de naissance, n’ont fait que les exacerber ».
La réflexion est même poussée jusqu’à dire que l’éducation prioritaire, contrairement à son
objectif initial de « donner plus à ceux qui ont le moins » a abouti

13
Note par pays des résultats du PISA 2013 – p. 2

207
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

aujourd’hui à de la discrimination négative. Certains soulignent même que « au départ pensé


comme temporaire, le dispositif s’est étendu, les moyens se sont dilués, avec des effets de
stigmatisation assez forts : dès lors qu’un établissement passe en éducation prioritaire, il y a
une désertion des familles pour scolariser leur enfant dans un autre collège »14. La France
n’est pas le seul pays concerné par des critiques de ce type. En effet, tous les pays développés
renouvèlent régulièrement leurs programmes, alors que s’ils étaient efficaces, ils auraient dû
s’arrêter d’eux-mêmes.
Dans ce contexte d’inégalités croissantes, nous nous interrogeons sur les effets de ces
programmes. En leur absence, la situation scolaire ne serait-elle pas pire encore ? Pouvons-
nous vraiment proclamer que les programmes compensatoires sont inefficaces voire
contreproductifs ? Pour répondre à ce genre de questions il est nécessaire, outre l’observation
de simples statistiques à travers le temps, d’adopter une réelle approche évaluative de ces
politiques publiques. L’objectif est alors de chercher à isoler leur effet propre,
indépendamment de tout autre paramètre, sur la réussite et le parcours scolaire des élèves, via
une démarche économétrique rigoureuse.
Cependant, contrairement à une croyance forte, un nombre restreint d’évaluations a été réalisé
sur les programmes éducatifs compensatoires dans le monde. Nous nous intéresserons dans ce
chapitre à la quinzaine d’études économétriques effectuées ces dernières années. Notre
objectif est de répondre aux questions suivantes : les critiques adressées à ces programmes
sont-elles justifiées ? Quelle est l’efficacité de ces programmes ? Quelles leçons pouvons-
nous tirer de ces résultats ?
Nous montrons que les résultats de ces évaluations sont assez mitigés, parfois pour un même
programme. En conséquence, il est difficile de statuer sur l’efficacité de ces programmes et
ce, d’autant plus que les résultats sont à relativiser à l’aune des limites des techniques
d’évaluation utilisées. Cependant, nous pensons que des leçons peuvent être tirées de ces
évaluations. Plus particulièrement, il ressort de ces études que certaines caractéristiques des
élèves (l’âge et les capacités initiales) ainsi que des établissements (le contexte, la taille et la
durée d’inscription dans le programme) ressortent systématiquement comme ayant une
influence sur l’efficacité de ces programmes. À la suite d’une investigation des différentes
études publiées, nous formulons un ensemble de préconisations. Elles sont méthodologiques

14
Georges Felouzis, sociologue à l’université de Genève. En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/09/27/comment-le-systeme-francais-aggrave-ineluctablement-les-
inegalites-scolaires_5003800_4401467.html#lksCXuLVToCKt65r.99

208
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

mais aussi de nature à orienter les politiques publiques, l’objectif étant d’améliorer
l’évaluation, la lisibilité et l’efficacité des programmes éducatifs compensatoires.
La première section de ce chapitre vise à recentrer ces politiques dans notre angle d’étude, à
savoir la ségrégation urbaine. La seconde section présente le cadre méthodologique de
l’étude, les programmes, leurs évaluations et les résultats de ces évaluations. Nous apportons
dans la troisième partie un regard critique sur la véracité de ces résultats, avant de formuler
dans la dernière section un ensemble d’apports au débat et aux décideurs publics.

SECTION 1 – Le lien entre ségrégation urbaine et éducation : le rôle essentiel des


politiques publiques

Avant toute chose, il est nécessaire de recentrer notre propos sur ce qui fait l’intérêt de cette
étude, à savoir le rôle essentiel joué par les politiques publiques dans le lien existant entre
ségrégation urbaine et éducation.
Ce lien repose sur la notion de capital humain, détaillé dans la première section du chapitre 2,
et s’exprime plus particulièrement à travers le mécanisme clé d’effet de pairs, qu’Epple et
Romano (2011) définissent de la manière suivante : « For given educational resources
provided to student A, if having student B as a classmate or schoolmate affects the
educational outcome of A, then we regard this as a peer effect. The peer effect might be direct
in the sense that B’s presence affects A’s educational outcome without changing student A’s
or anyone else(s behavior. For example, student B might answer the teacher’s questions well
so that A learns from B’s answers. The peer effect might operate indirectly as well. B might
be a good student that A wants to emulate, so that A studies more. Or B might be a good
student that motivates the teacher to present clearer lectures from which A benefits. » (p.
1055). Epple et Romano (2011) dans ce chapitre du Handbook of Social Economics font une
revue de la littérature de l’ensemble des modèles théoriques et des preuves empiriques sur les
effets de pairs, à laquelle se référer pour plus de détails.
Ainsi, chaque élève est une source de spillover, c’est-à-dire que son comportement, mais
également ses caractéristiques socio-économiques, viennent influencer sa scolarité mais
également celle de ses camarades de classe. De ce fait, l’analyse des effets de pairs, telle
qu’elle a été présentée dans le chapitre 2 et mis en avant dans le chapitre 3, peut également
être appliquée dans le cadre de l’éducation. Nous retrouvons alors l’idée communément
admise par tous que de bons élèves tendent à générer des externalités positives sur leurs
camarades de classe ou d’école. Cependant, un fait est à relever : les bons élèves s’avèrent
être généralement issus de milieux favorisés ; ou du moins les enfants de milieux favorisés

209
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

tendent à être de bons élèves. En effet, les parents ayant un haut niveau d’éducation
valoriseront plus l’éducation, pousseront leurs enfants à investir dans l’école et les aideront
afin qu’ils réussissent (voir Becker et Tomes, 1979 ; et Loury, 1981 pour le corollaire). À cela
s’ajoute le fait que les parents, conscients de l’émulation générée par les effets de pairs
positifs, vont être prêts à payer un prix de l’immobilier plus élevé pour avoir accès aux écoles
des quartiers « riches », dans lesquelles les élèves sont de milieux privilégiés, et donc plus
performants (voir Moizeau 2015, pour une explication du processus de diffusion de la norme
sociale dans l’effort d’éducation et le choix de localisation). Ces deux phénomènes permettent
d’expliquer le fait que les écoles localisées dans les quartiers les plus défavorisés connaissent
une fuite des élèves générateurs d’externalités positives, réduisant encore ainsi les chances de
succès dans ces zones. Et ce d’autant plus que les effets de quartiers viennent augmenter et
accélérer ce processus. Ainsi, « un enfant a plus de chances d’acquérir un bon niveau
d’éducation si ses voisins ont eux-mêmes un bon niveau d’éducation » (Zénou, 2004, p. 120).
Au final, le déplacement des populations les plus riches vers les quartiers les plus favorisés,
venant créer ou accentuer une ségrégation sur le marché immobilier, crée des différences de
réussite scolaire, induites par le milieu socio-économique dans lequel les enfants évoluent, et
ce malgré un fonctionnement centralisé des systèmes éducatifs. Cependant, la causalité est
double, c’est-à-dire que la ségrégation induit des différences au niveau éducatif mais
également que l’éducation vient influencer le phénomène ségrégatif. En effet, les enfants
connaissant des difficultés ou un décrochage scolaire, n’auront pas de diplômes ou
compétences à valoriser par la suite sur le marché du travail et connaitront ainsi probablement
des problèmes d’insertion et d’intégration, ce qui viendra renforcer la ségrégation existante.
L’ensemble des raisons précisées précédemment associées aux coûts économiques de la
ségrégation viennent justifier une intervention supplémentaire des gouvernements en faveur
de l’éducation à travers les programmes éducatifs compensatoires. Ces interventions, dirigées
vers les élèves en difficulté ou les zones où ils sont surreprésentés, sont mises en place afin de
limiter les effets de la ségrégation en « donnant plus à ceux qui ont le moins ». C’est
également une manière de contrer le processus de ségrégation à sa base. De fait, une
amélioration de la réussite des élèves se traduira sur le long terme par de meilleures chances
d’intégration professionnelle. Une intervention publique dans ce sens permettrait alors, sur le
long terme de casser la dynamique cumulative de la ségrégation.
Des programmes éducatifs compensatoires sont mis en œuvre dans une grande majorité de
pays développés. En effet, quel que soit le système éducatif à l’œuvre, il existe partout des

210
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

élèves rencontrant des difficultés scolaires, en particulier dans les zones urbaines, inhérentes
au contexte dans lequel ils vivent ou des individus qu’ils côtoient.
Malgré les différentes stratégies d’exécution (chaque pays ayant un système éducatif et des
modalités de mise en œuvre propres), les programmes éducatifs compensatoires poursuivent
tous le même but, à savoir réduire l’écart de performance entre les élèves défavorisés et leurs
pairs plus favorisés. C’est cette similarité qui les rend comparables et qui permet donc de
justifier cette étude.
Les programmes éducatifs compensatoires sont mis en place depuis plus de 30 ans dans tous
les pays développés et font l’objet d’un renouvellement régulier. Il existe à l’égard de ces
programmes un sentiment général selon lequel ils ne seraient que modérément voire
totalement inefficaces par rapport aux moyens déployés. Seulement peu d’études empiriques
se sont attachées à évaluer l’efficacité de ces programmes, permettant d’apporter une réponse
objective à ces critiques. L’ensemble des évaluations économétriques de programmes
éducatifs compensatoires est recensé dans cette étude. Elles ont toutes pour objectif de
répondre aux questions suivantes : les programmes éducatifs compensatoires sont-ils efficaces
? Quels sont leurs effets ?
Notre étude se situe dans la lignée des travaux menés par Mayneris et Py (2013) ou Briant et
Lafourcade (2014) sur les politiques de zonages en faveur de l’emploi. Notre objectif est de
répondre aux questions suivantes : qu’apprenons-nous des évaluations économétriques sur
l’efficacité des programmes éducatifs compensatoires ? Comment pouvons-nous expliquer les
divergences observées dans les résultats ? Et qu’apprenons-nous de ces résultats en termes
d’aide à la décision et de mise en œuvre de politiques publiques ?
Dans ce chapitre, deux réflexions sont menées : la première concerne les résultats des
évaluations et la seconde est liée aux méthodes utilisées pour mener à bien ces évaluations. La
première réflexion a conduit à la conclusion qu’aucune mise en œuvre n’est plus efficace
qu’une autre, qu’aucun programme n’est plus à même qu’un autre d’atteindre l’objectif.
Cependant, deux facteurs ressortent comme essentiel dans la réduction de l’écart de
performance : les caractéristiques des écoles (telles que le contexte, la taille et les années
d’ancienneté) et les caractéristiques des élèves (telles que leur âge ou leurs capacités initiales).
Ces éléments sont des conditions récurrentes à une meilleure efficacité des programmes. La
seconde réflexion montre les difficultés et limites des méthodes évaluatives dans le cadre de
politiques publiques telles que les programmes éducatifs compensatoires. Cette réflexion nous
a conduit à relativiser les résultats des évaluations à l’aune de la méthode utilisée ; éléments
que nous abordons dans les deux sections suivantes.

211
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

SECTION 2 – Évaluations économétriques et efficacité des programmes éducatifs


compensatoires : quels résultats ?

Généralement, lorsque nous parlons de programmes éducatifs, nous pensons aux politiques
visant à standardiser et à fournir à chacun les mêmes connaissances. Néanmoins, comme nous
l’avons montré dans la section précédente, nous pouvons observer que les systèmes éducatifs
standards ne produisaient pas les mêmes effets sur tous et partout. Ainsi, les gouvernements
ont dû intervenir afin de contrebalancer, d’améliorer l’équité de leurs systèmes, en instaurant
des politiques dites compensatoires. Cette section décrit, dans un premier temps, le
fonctionnement de tels programmes ainsi que le cadre méthodologique utilisé dans ce
chapitre. Dans un second temps, intervient la description de ces programmes, suivie dans un
troisième et quatrième temps des évaluations et leurs résultats.

1. Les programmes éducatifs compensatoires, leurs évaluations et le cadre


méthodologique

1.1. La mise en œuvre des programmes éducatifs compensatoires

Le développement de tels programmes éducatifs a été lancé par la « guerre de la pauvreté »


initiée par le Président Johnson aux États-Unis au milieu des années 1960. Par la suite, ces
programmes se sont rapidement répandus dans le monde anglo-saxon et dans l’ensemble des
pays développés. Tous partent de la même observation : il existe des différences de
performances entre les élèves ayant plus de difficultés et/ou issus de milieux défavorisés et
leurs pairs plus avantagés. Les programmes éducatifs compensatoires, indépendamment de
leur lieu d’implantation, ont pour objectif de combler ces écarts, mais aussi d’aider ceux
rencontrant le plus de difficultés, dans une perspective, à terme, d’améliorer leur cycle de vie
et de réduire la ségrégation.
Les programmes éducatifs compensatoires répondent aux mêmes modalités de mise en œuvre
que l’ensemble des politiques publiques urbaines, c’est-à-dire que comme Ladd (1994, p. 194)
l’explique « three basic policy approaches can be identified for dealing with pockets of
distress in urban area ». Elle distingue ainsi :
 La pure people-oriented strategy dont l’objectif est d’aider les individus
indépendamment de leur localisation résidentielle, en se concentrant sur
l’amélioration de leur capital humain ou de leur mobilité. Appliquée au cas de
l’éducation, et plus particulièrement aux programmes qui nous intéressent, cette

212
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

stratégie correspondrait aux programmes visant à aider les élèves avec d’importantes
difficultés scolaires ou comportementales en leur fournissant une aide individualisée
en dehors de la classe.

 La place-based people strategy tient, quant à elle, compte des individus mais
également de leur localisation. Ladd (1994, p. 195) la décrit comme « a more direct
approach to dealing with pockets of urban distress in urban areas involves using
place-specific assistance to help the residents – especially the disadvantaged
residents – of distressed urban areas ». Cela revient à l’idée qu’exprime Butler
(1991, p. 35) que « in a very meaningful sense people cannot be separated from
place, and that an antipoverty strategy needs to treat individuals in the context of
their community ». Dans le cadre de notre étude, cela concerne les programmes qui
se focalisent sur les élèves vivant dans les quartiers les plus défavorisés.

 La pure place strategy se concentre sur des zones définies géographiquement sans
attention explicite portée à leurs habitants. « Pure place-based strategy involves
either improvements to the physical landscape of the area or its economic
revitalization » (Ladd, 1994, p. 197).

1.2. Le positionnement méthodologique de l’étude

Pour rappel, une des questions sous-tendant cette étude est la suivante : qu’apprenons-nous
des études empiriques sur l’efficacité des programmes éducatifs compensatoires ? Pour
répondre à cela, nous nous intéressons aux programmes éducatifs compensatoires dont nous
ne retenons que les évaluations faisant appel à des méthodes économétriques.
De plus, nous ne nous intéressons qu’aux programmes évalués dans leur globalité, non pas
aux différentes mesures qui peuvent les composer. Ce choix a été fait pour la simple raison
que les mesures peuvent différer d’un pays à l’autre : elles ne sont pas nécessairement les
mêmes partout, ni même systématiquement appliquées. Généralement, les mesures relèvent
plus de la recommandation et n’ont pas de réelle obligation d’application. Cela revient à
mettre de côté de nombreuses études, comme par exemple l’effet de la taille des classes sur la
performance des élèves qui a été massivement enquêtée (e.g. Ackerhielm, 1995; Angrist and
Lavy, 1999; Becker and Powers, 2001; Chingos, 2012 ou Cho et al., 2012).

213
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

Ainsi, il existe un sentiment général que beaucoup de choses ont été faites sur le sujet, mais il
s’avère que peu prennent un angle économique et économétrique : les évaluations de
programmes éducatifs complets ne sont pas si communes.
Douze études économétriques répondent à ces différents critères, et sont recensées dans le
tableau 4-1.

Prog.
Auteurs Date Intitulé de l’article
évalué
Beffy M. and Davezies L. 2013 Has the “ambition success” educational program achieved its ambitions RAR
Benabou R., Kramarz Y.
2009 The French zone d’éducation prioritaire: Much ado about nothing? ZEP
and Prost C.
Caille J.P., Davezies L. Les réseaux ambition réussite. Une analyse en régression par
2016 RAR
and Garrouste M. discontinuité
Crawford C. and Vignoles An analysis of the educational progress of children with special
2010 SEN
A. educational needs
Davezies L. and Garrouste More harm than good? Sorting effects in a compensatory education
2014 RAR
M. program
Hanushek E., Kain J. and Inferring program effects for special populations: does special education
2002 IDEA
Rivkin S. raise achievement for students with disabilities?
Remedial education and student achievement. A regression-discontinuity
Jacob B. and Lefgren L. 2004 CSP
approach
Keslair F., Maurin E. and Every child matter? An evaluation of “Special Educational Needs”
2012 SEN
McNally S. programmes in England
Targeted remedial education for underperforming teenagers: costs and
Lavy V. and Schlosser A. 2005 Bagrut
benefits
Machin S., McNally S. and Improving pupil performance in English secondary schools: Excellence in
2004 EiC
Meghir C. cities
Machin S., McNally S. and
2010 Resources and standards in urban schools EiC
Meghir C.
Breaking the link between poverty and low student achievement: an
Van der Klaauw W. 2008 Title I
evaluation of Title I
Tableau 4-1 : Évaluations économétriques des programmes éducatifs compensatoires

2. Une description des programmes

Les programmes concernés par cette étude sont identifiés dans le tableau suivant et sont
décrits plus précisément dans les sous-parties suivantes. L’annexe 4-1 fournit une description
et une comparaison des différents systèmes éducatifs présents dans cette étude par rapport au
système français.

214
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

Nom Localisation Date de création Description


1965 : Elementary Des financements sont distribués aux écoles et aux zones
Title I États-Unis and Secondary scolaires avec un fort pourcentage d’élèves issus de familles
Education Act à faibles revenus.
Individuals
Prescription d’une série de diagnostics, d’activités de conseil,
with
États-Unis 1975 : IDEA et de services pour les élèves ayant des troubles
Disabilities
d’apprentissage (à la fois physiques et mentaux).
Education Act
Special Grande
1981 : Education Act Les écoles identifient des enfants avec des difficultés
Educational Bretagne –
(England) d’apprentissage. Approche graduelle, traitement individuel.
Needs Angleterre
1982 : Zones Les gouvernements fournissent des ressources
Éducation
France d’Éducation supplémentaires aux établissements localisés dans les zones
Prioritaire
Prioritaire défavorisées.
Chicago’s Redoublement imposé pour les élèves n’atteignant pas un
Social États-Unis score déterminé aux tests standards. Le redoublement
1996 : CSP
Promotion (Chicago) intervient après l’échec à des examens de rattrapage
Policy intervenants après une école d’été.
1999 : White Paper Les écoles urbaines, en particulier celles en zones
Excellence in
Angleterre Excellence in défavorisées, reçoivent des ressources, financières et
Cities
Schools humaines, pour améliorer les standards.
Des cours supplémentaires sont donnés aux lycéens moins
Bagrut 2001 Israël 2001 : Bagrut
performants afin de les préparer au baccalauréat.
Tableau 4-2 : Description des programmes

Title I, le programme historique aux États-Unis


Depuis 1965 et le Elementary and Secondary Education Act, l’objectif principal du Title I a
été « help close the educational achievement gap between economically disadvantaged
students and their more advantaged peers by providing funding for supplementary
educational services in reading and mathematics to low-achieving student in low-income
elementary and secondary schools ». Ce programme, comme d’autres, part du postulat que les
élèves de familles à faible revenu qui vivent dans des zones à forte concentration de familles
pauvres sont doublement pénalisés. Title I fournit une aide financière à des agences
éducatives locales (LEAs) et aux écoles avec un grand nombre, ou fort pourcentage, de
familles à bas revenus pour s’assurer que tous les enfants répondent aux normes académiques
de l'État. Les fonds fédéraux sont actuellement affectés à travers quatre formules statutaires
qui sont basées principalement sur les estimations de la pauvreté dans le quartier et sur le coût
de l'éducation dans chaque état: (i) les Basic Grants, ou subventions de base, fournissent des
fonds pour les LEA dans lequel le nombre d'enfants concernés est d'au moins 10 et dépasse 2
% de la population d'âge scolaire d'un LEA; (ii) les Concentration Grants ou subventions de
concentration pour les LEA où le nombre d’enfants répondant aux critères est d’au moins
6500 ou 15 % du total de la population d'âge scolaire; (iii) les Targeted Grants ou
subventions ciblées reposent sur les mêmes données utilisées pour les subventions de base et
de concentration sauf que les données sont pondérées afin que les LEA avec un plus grand
nombre ou pourcentage d'enfants issus de familles à faible revenu reçoivent plus de fonds;
215
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

(iv) des subventions ciblées vont également aux LEA où le nombre d'enfants d'âge scolaire
comptés dans la formule (sans application des pondérations) est d'au moins 10 et d'au moins 5
% de la population d'âge scolaire de la LEA. Les Education Finance Incentive Grants (EFIG)
distribuent des fonds aux États sur la base de critères mesurant : (i) l'effort de l'État à fournir
un soutien financier pour l'éducation par rapport à sa richesse relative (elle-même mesurée par
le revenu par habitant); et (ii) la mesure dans laquelle les dépenses d'éducation entre les LEA
au sein de l'État sont égalisées.

L’éducation spécialisée aux États-Unis


Le Individuals with Disabilities Education Act (IDEA) traduit les préoccupations concernant
l’éducation des enfants ayant à la fois des difficultés physiques et mentales. Il prescrit une
série de diagnostics, d’activités de conseil et de services pour les élèves handicapés.

Le programme Special Educational Needs en Angleterre


En 2013, en Angleterre, environ 20 % des élèves avaient des besoins spéciaux ou des troubles
d’apprentissage, comme des difficultés comportementales/sociales, des troubles de la lecture
et/ou de l’écriture, de la compréhension ou de la concentration qui affectent leurs capacités.
Pour contrer ce problème, depuis le Education Act de 1981, le gouvernement met en œuvre le
programme Special Educational Needs (SEN). Il s’agit d’une politique fortement
décentralisée, appliquée au niveau individuel, dont le but est d’aider chaque enfant
rencontrant des difficultés spécifiques dans son apprentissage. Généralement, il consiste à
demander aux écoles d’identifier des élèves aux difficultés d’apprentissage pour ensuite
adapter leurs stratégies d’enseignement en suivant un Code des Pratiques national. Les
interventions sont décidées au niveau de l’école et incluent par exemple du tutorat, des cours
particuliers, des assistants d’enseignement, etc. Le Code des Pratiques SEN recommande une
approche graduelle, les premières étapes étant à la discrétion de l’école (à la fois sur
l’identification et le traitement), alors que les dernières relèvent de l’autorité locale. Trois
types d’actions peuvent ainsi être distingués :
 School Action, quand l’école identifie un enfant comme ayant des SEN et statue pour
lui fournir une intervention qui est additionnelle ou différente de celle fournie au reste
des élèves. Les écoles déterminent elles-mêmes le niveau de soutien supplémentaire
nécessaire et utilisent des ressources existantes.

216
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

 School Action Plus, si la mesure précédente n’est pas adéquate et que l’élève a besoin
d’aide extérieure à l’école. Un spécialiste peut agir à titre consultatif ou fournir une
évaluation de spécialistes supplémentaires, ou être directement impliqué dans
l’enseignement de l’enfant.

 Statement, l’école peut demander une évaluation légale si toutes les autres actions
échouent.

La politique d’éducation prioritaire en France


Le gouvernement français a observé que les enfants faisaient face à des inégalités à l’école de
par la grande diversité de contextes sociaux et culturels. Par conséquent, depuis 1982 et la
création des Zones d’Éducation Prioritaire (ZEP), il a développé une politique d’éducation
prioritaire afin d’aider les élèves vivant dans les quartiers les plus désavantagés. Cette
politique concerne à la fois les écoles primaires, les collèges ainsi qu’un petit nombre de
lycées. Le tableau 4-3 décrit les vagues successives de la politique.

Années Name program Primaires Collèges


1982-1990 Zones Prioritaires 3 730 503
1990-1999 Zones d’Éducation Prioritaire (ZEP) 5 503 796
Zones d’Éducation Prioritaire (ZEP) and
1999-2008 7329 1 053
Réseaux d’Éducation Prioritaire (REP)
Réseaux Ambition Réussite (RAR) et
2008-2012 6969 1105
Réseaux de Réussite Scolaire (RRS)
Écoles collèges lycées pour l’ambition,
2012-2014 l’innovation et la réussite (ECLAIR) and 6 770 1 099
Réseaux de Réussite Scolaire (RRS)
2014-auj. REP+ - -
Tableau 4-3 : Politique d’éducation prioritaire – Vagues d’expansion
Source: DEPP - MENESR

Le but de la législation actuelle, la loi de Refondation de l’École de la République du 8 juillet


2013, est de ramener à moins de 10 % l’écart de réussite entre élèves de l’éducation prioritaire
et le reste des élèves en France.
En termes opérationnels, le gouvernement dote de ressources supplémentaires les
établissements localisés dans des quartiers défavorisés. Cette inégalité de moyens vise à
compenser les effets de difficultés socio-économiques pour obtenir une égalité des résultats
dans les zones particulièrement désavantagées. Ces ressources peuvent prendre la forme d’un
support financier supplémentaire mais la plupart du temps il s’agit d’heures d’enseignement
supplémentaires et de crédits compensatoires qui sont attribués selon des critères sociaux.

217
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

La Social Promotion Policy de Chicago


En 1996-1997, la ville de Chicago a lancé un programme afin de mettre fin à la promotion
sociale, c’est-à-dire la pratique selon laquelle les élèves intégraient le niveau supérieur
indépendamment de leurs compétences scolaires et de leurs performances. Ainsi, les élèves en
trois, six et huitième grade15 doivent atteindre un niveau prédéfini en compréhension de texte
et en mathématiques pour pouvoir passer au niveau supérieur. Les étudiants échouant aux
examens ayant lieu en juin doivent participer à une école d’été de six semaines, après laquelle
ils pourront repasser l’examen. Ceux réussissant en août peuvent passer au niveau supérieur,
alors que ceux échouant de nouveau doivent redoubler leur année.

Un programme britannique : Excellence in Cities


Excellence in Cities (EiC) est une politique gouvernementale majeure élaborée afin
d’augmenter le niveau dans les écoles urbaines britanniques. Le lancement d’EiC en 1999 est
le résultat du White Paper Excellence in Schools de 1997 qui indiquait l’intention de créer «
une éducation inclusive qui dispense un enseignement large, souple et motivant, qui
reconnaisse les différents talents de tous les enfants et offre l’excellence à tous ». Un des
challenge auquel fait face un tel système inclusif a été lié aux problèmes des grandes aires
urbaines socio-économiquement désavantagées d’Angleterre. La vision globale de EiC était «
to drive up standards in our schools in the major cities higher and faster; to match the
standards of excellence found in our best schools. The output must be that city parents and
city children expect and gain as much from their schools as their counterparts anywhere else
in the country. A vision of what city education can become is what EiC is all about.
Excellence must be the norm » (DfEE, 1999). Ce programme vise à ouvrir une diversité de
situations afin que les besoins de tous les élèves se rencontrent dans un cadre de coopérations
et de partenariats entre les écoles. EiC s’organise à travers des partenariats, et chaque
partenariat inclut une autorité locale d’éducation (LEA) et toutes ses écoles secondaires. Des
fonds sont alloués à chaque partenariat, qui est responsable de l’utilisation de ces ressources.
Il y a trois volets centraux qui concernent toutes les écoles des zones de traitement : (i)
Learning Mentors, pour aider les élèves à dépasser leurs difficultés scolaires ou
comportementales, (ii) Learning Support Units, pour fournir des enseignements de court
terme et des programmes de soutien pour les élèves difficiles ; et (iii) Gifted and Talented

15
Cf. Annexe 4-1 : comparaison des systèmes éducatifs
218
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

Program, qui fournit un soutien supplémentaire pour 5 à 10 % des élèves dans chaque école.
Certaines écoles sont désignées comme étant plus Specialist (i.e. dans des sujets particuliers)
ou Beacon (référent dans la dispense de bonnes pratiques), et reçoivent d’importantes sommes
d’argent. EiC a également d’autres composantes comme les City Learning Centers (pour
fournir des facilités d’ICT) et les Education Action Zones.

Un programme israélien : Bagrut 2001


En 2001, le Ministère de l’Éducation israélien a placé au sommet de ses priorités le besoin
d’augmenter le taux de diplôme du Bagrut, en particulier parmi les élèves défavorisés et les
élèves de communautés périphériques. Le Bagrut est un certificat d’étude du secondaire,
assimilable à notre baccalauréat français, qui s’obtient en passant une série d’examens
nationaux commençant dès le 10ème grade, avec certains passés en 11ème et la plupart en 12ème
grade.
Le programme 2001 Bagrut cible les lycées sous-performants. L’intervention inclut des cours
individualisés en petit groupe de cinq pour les élèves de 10ème, 11ème et 12ème. Les objectifs de
ces interventions sont (i) d’adapter l’instruction aux besoins des élèves ; (ii) d’augmenter le
taux de réussite ; et (iii) d’améliorer les capacités scolaires et cognitives, l’image de soi, et les
attitudes de leadership des élèves sous-performants. Les participants sont choisis par leurs
enseignants sur la base de leur probabilité à réussir leurs examens.

3. Les effets des programmes

Une étude complète des douze évaluations a permis de mettre en lumière un certain nombre
d’informations. Dans un premier temps, il est facile d’identifier les effets globaux, généraux
des politiques. Ces effets, rapidement mis en avant par les chercheurs, fournissent une
information sur l’efficacité globale du programme. Il est ainsi possible de déterminer si un
programme est positif, inefficace ou même contre-productif. Dans un second temps, une
analyse plus détaillée des résultats a permis d’identifier des effets conditionnels ou
différenciés des programmes, c’est-à-dire liés au fait que le programme n’ait un impact que
sur une partie de la population. L’intégralité des résultats de chacune des évaluations est
résumée dans le tableau 4-4.

3.1. Les effets généraux

219
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

L’analyse des effets généraux effectuée à partir des douze évaluations ne permet pas de
répondre à la question : « les programmes éducatifs compensatoires sont-ils efficaces ? ». En
effet, les évaluations économétriques rapportent des effets divergents des programmes (et
parfois même pour le même programme).

3.1.1. Les programmes aux effets négatifs ou neutres

Quatre évaluations récentes étudient les impacts de la politique d’éducation prioritaire


française à différentes périodes. Bénabou et al. (2009) ont étudié l’impact des Zones
d’Éducation Prioritaire (ZEP), la première phase du programme français, dans un premier
temps sur les ressources, leur utilisation et les principales caractéristiques des établissements,
et dans un second temps sur quatre mesures de la réussite individuelle des élèves. Ils trouvent
que le programme ZEP, qui fut en place jusqu’en 2008, a eu de très légers effets sur les
caractéristiques des écoles, avec une diminution extrêmement lente de la taille des classes (-
0,2 élève par an en moyenne) et une légère augmentation du nombre d’heure d’enseignement
par élève (+1,2 % par an). Ces effets théoriquement bénéfiques ne se traduisent pourtant pas
par une amélioration de la réussite des élèves, Bénabou et al. (2009) ne trouvant pas d’effet
global du programme ZEP sur la réussite des élèves. Le statut ZEP a même un effet de signal
négatif pour les enseignants et probablement pour les élèves (ils trouvent une diminution du
nombre d’élèves entrant en 6ème). Les générations suivantes de la politique d’éducation
prioritaire française ont été analysées par Beffy et Davezies (2013), Caille et al. (2016) et
Davezies et Garrouste (2014). Tous analysent l’impact du programme RAR et trouvent au
mieux aucun effet du programme et au pire un impact négatif. Dans ce sens, Caille et al.
(2016) ont étudié plusieurs dimensions de la réussite éducative et n’ont trouvé aucun effet sur
les performances scolaires à court et long terme, ni sur les trajectoires scolaires. De leur côté,
Beffy et Davezies (2013) ont observé une diminution de la réussite des élèves, et ont conclu
que « le programme augmente le tri sur la base des capacités des élèves entre écoles et/ou a un
effet négatif sur la réussite des élèves dans les écoles » (p. 271). Davezies et Garrouste (2014)
n’étudient pas directement l’impact du programme sur la réussite scolaire mais ils affirment
l’existence d’un effet de signal négatif d’une appartenance au programme RAR. Ils montrent
que « vivre près d’un collège RAR diminue la probabilité de fréquenter le collège le plus
proche et augmente la probabilité de fréquenter une école privée » (p. 32). Ils prouvent ainsi
l’existence d’effets d’évitement, les parents préférant envoyer leur enfant dans le privé plutôt
que dans un collège RAR.

220
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

Le bilan fourni par ces quatre évaluations est loin d’être positif et justifie les critiques envers
cette politique. De plus, ces études montrent qu’avec le temps, et donc nous pourrions penser
avec des améliorations et des ajustements faits, les effets sont mauvais et tendent à exacerber
les problèmes existants de ségrégation, alors que justement la durée laisse penser que des
améliorations et des ajustements sont faits pour contrer les défauts des programmes.
Dans la même veine, l’évaluation du Title I réalisée par Van Der Klaauw (2008) à New York
City souligne que ce programme a été inefficace dans l’amélioration des résultats dans les
écoles très pauvres de New York durant les années scolaires 1993, 1997 et 2001. Le
programme aurait même eu des effets adverses en 2001. Les ressources ne sont pas dépensées
de façon optimale et questionnent ainsi l’efficacité du programme.
Un autre programme a également été rapporté comme n’ayant pas les effets désirés : le
Special Educational Needs (SEN) évalué par Crawford et Vignoles (2010) sur la région
d’Avon (Angleterre) et par Keslair et al. (2012) sur l’ensemble du territoire britannique. Les
résultats de Keslair et al. (2012) suggèrent que le programme est inefficace pour les élèves
avec des difficultés modérées, et plus généralement qu’il n’y a pas d’effet global que les effets
soient directs ou indirects. Crawford et Vignoles (2010) vont plus loin et soutiennent que « les
élèves ayant un label SEN ont des résultats plus faibles d’environ 0,3 écart-types au Key-
Stage 2 que des élèves identiques mais sans label SEN ».

3.1.2. Les programmes aux effets positifs

Hanushek et al. (2002) ont évalué un programme d’éducation spécialisée au Texas. Ils
trouvent que les programmes d’éducation spécialisée ont en moyenne un important effet
bénéfique sur la performance et que cet effet est d’autant plus important que les handicaps
sont légers.
Un autre programme reporté comme efficace et ayant des effets positifs est le Excellence in
Cities (EiC), qui a été évalué par Machin et al. (2004, 2010). Dans les deux études, ils
montrent un impact positif sur la présence scolaire et sur les résultats des élèves au sein des
écoles EiC comparativement aux écoles non-EiC.
Jacob et Lefgren (2004) se sont intéressés au Chicago’s Social Promotion Policy (CSP) et ont
conclu que l’école d’été et le redoublement ont un impact net modeste mais positif sur les
résultats scolaires des élèves de 3ème grade.
Lavy et Schlosser (2005) ont montré que le Bagrut 2001 Program a eu un effet positif sur le
taux de diplôme. Cependant, les auteurs montrent également, à travers une analyse coût

221
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

bénéfice, que ce programme est relativement moins efficace que d’autres politiques mises en
place au même moment.
Malgré leur objectif commun, les programmes éducatifs compensatoires ne sont pas reportés
comme ayant la même efficacité : en effet, certains sont reportés comme efficace, alors que
d’autres (et parfois les mêmes selon l’évaluation considérée) sont inefficaces voire même
contreproductifs. Cependant, il ne s’agit là que de conclusions générales des effets de
politiques publiques menées qui apparaissent réductrices si nous les prenons comme telles.
Aussi, il est opportun de considérer les effets différenciés que celles-ci peuvent également
produire.

3.2. Les effets différenciés

Comme nous l’avons vu dans la section précédente, les programmes éducatifs compensatoires
sont reportés comme étant la plupart du temps inefficaces ou neutres. Cependant, il est
possible de trouver, avec une analyse fine et complète des évaluations, des effets hétérogènes,
différenciés qui peuvent venir nuancer les conclusions précédentes parfois trop radicales.
L’idée derrière cette analyse est la suivante : dire qu’un programme n’a pas d’effet global peut
en fait cacher la compensation de deux effets, un positif et un négatif. De même, dire qu’une
politique est globalement négative, ne veut pas forcément dire qu’il n’y a rien de positif dans
ce programme, que tout effet produit est mauvais, il peut y avoir une prédominance d’un effet
négatif par un ensemble d’effets positifs ou neutres.
Deux aspects principaux émergent de l’analyse et viennent influencer l’ensemble des
programmes éducatifs : (i) les caractéristiques des élèves et (ii) les caractéristiques des écoles.

3.2.1. L’influence des caractéristiques des élèves

Dans la plupart des évaluations, l’impact du programme par âge ou par niveau de classe est
testé. Dans l’ensemble, quand les résultats sont significatifs, les programmes ont un impact
plus important sur les plus jeunes. Par exemple, Jacob et Lefgren (2004), qui ont évalué le
Chicago’s Social Promotion Policy, ne trouvent aucun effet du redoublement sur l’ensemble
de leur échantillon, mais trouvent un effet positif sur les plus jeunes (les élèves de 3ème grade
comparativement à ceux de 6ème grade). En effet, pour les élèves de 3ème grade, l’école d’été
et le redoublement augmentent les résultats de l’élève d’environ 20 % d’une année
d’apprentissage, alors que ce même effet est nul pour les élèves de 6ème grade. En plus de
l’âge des élèves, leurs capacités est également un facteur de différenciation ; presque tous les

222
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

papiers étudient l’impact du programme en fonction des capacités initiales des élèves.
Cependant, l’effet de ces facteurs est ambiguë : certains, comme Machin et al. (2004, 2010)
sur le programme EiC, montrent que les élèves qui tirent le plus avantage du programme sont
ceux ayant les capacités les plus importantes. Alors que Lavy et Schlosser (2005) trouvent au
contraire que l’effet du programme décroit monotoniquement avec la capacité de l’élève. Ils
montrent que l’effet sur le quartile des plus faibles capacités est de deux fois celui du
troisième quartile.

3.2.2. L’influence des caractéristiques des écoles

Concernant les caractéristiques des écoles, le contexte scolaire semble jouer un rôle important
dans les effets potentiels des programmes. Les questions sont les suivantes : dans quel sens ?
Un contexte favorisé est-il plus profitable à la réussite des élèves ? Ou les programmes sont-
ils plus efficaces pour les élèves d’écoles défavorisées ? Aucune réponse claire ne peut être
apportée sur la base des études analysées. L’intuition commune est de dire que les effets d’un
programme peuvent être différents selon le contexte socio-économique de chaque école.
Cependant, les évaluations ne sont pas unanimes sur le sujet. Certains, comme Crawford et
Vignoles (2010) rapportent que même s’il subsiste un écart entre élèves traités et non-traités,
le programme SEN (Special Educationnal Needs) induit des progrès plus rapides pour les
élèves traités dans les écoles les plus favorisées. Cela peut suggérer qu’un contexte favorable
est bénéfique aux élèves traités, qui peuvent espérer rattraper les élèves « normaux ». Cela
peut aussi suggérer que les écoles favorisées effectuent une utilisation plus efficace de leur
budget SEN. À l’inverse, Machin et al. (2010) expliquent que le programme Excellence in
Cities (EiC) a eu des effets plus importants sur les écoles les plus défavorisées.
D’autres caractéristiques peuvent également rentrer en compte dans l’efficacité d’un
programme éducatif, tel que la taille de l’école ou les années d’ancienneté dans le programme.
L’évaluation du programme Bagrut 2001, faite par Lavy et Schlosser (2005), montre que les
effets de cette politique sont plus importants dans les petites écoles. De leur côté, Machin et
al. (2010) ont montré que la durée d’exposition des écoles au programme conduit à un plus
grand impact. En effet, « EiC increased the probability of attaining level 5 or above by 2,9
percentage points in EiC phase 1 schools, by 1,5 percentage points in phase 2 schools, by 1,7
percentage points in cluster 1 schools, and by hardly anything for schools in phase 3 or in
cluster 2 (i.e., more recent entrants to the policy) » (Machin et al., 2010, p. 379).

223
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

Ces résultats sont utilisés pour fournir un ensemble de recommandations pour la mise en
œuvre des politiques dans la section 5.

224
Design
Politiqu
de
Article Année e Données Échantillon Résultats
recherch
analysée
er
Beffy M. and 2013 RAR Différents fichiers administratifs du . 5,000 collèges RD . Pour les écoles traitées, les résultats au brevet sont moins bons que dans des collèges similaires
Davezies L. Ministère de l’Éducation Nationale publics en non-traités.
: France . Les effets de la taille de classe et du nombre d’heures par classe sont loin de ceux attendus.
. Données exhaustives à niveau de métropolitaine, . Légère ↘ dans le recrutement d’élèves d’indépendants et de professions intermédiaires, et légère ↗
l’élève (Scolarité) pour chaque 206 affectés au des enfants d’ouvriers (effet adverse).
élève de collège et lycée programme . ↗ des enseignants à qualification non-standard, ↘ de la proportion d’agrégés.
. Données exhaustives au niveau RAR . Lorsqu’il est significatif, le traitement a toujours un effet négatif sur la réussite.
enseignant (Relais) pour chaque
enseignant de collège et lycée
. Données exhaustives des résultats
au Brevet des Collèges
. Panel exhaustif des collèges et
lycées de France
Benabou R., 2009 ZEP . FSE (Fichiers Standards Enrichis) . Fichiers FSE : DD, IV . Impact général des ZEP : très faible mais continue ↘ de la taille des classes (-0.2 élève par an en
Kramarz F. and fichiers administratifs du Ministère 4 743 moyenne); ↗ du nombre d’heures d’enseignement par élève (+1,2 % par an); légère ↘ de
Prost C. de l’Éducation Nationale : données établissements l’expérience d’enseignement malgré les bonus offerts.
établissement par an entre . Impact du statut ZEP sur les caractéristiques des établissements : perte de 7 élèves en moyenne
. Le panel 1980 : données élève 1987 et 1992 par an pour les établissements devenus ZEP en 1989, 4 élèves par an entre 1987 et 1999 pour les
. Le panel 1989 : données élève . Panel 1980 : établissements devenus ZEP en 1982, 6 élèves par an entre 1995 et 1999 pour les établissements
. Base de données politique 20 691 élèves devenus ZEP en 1990 (due à la réduction des entrées plutôt qu’à une augmention des sorties) ; pas
entrant en 6ème de changements majeurs dans le composition sociale des établissements.
en 1980 . Impact du statut ZEP sur la réussite scolaire individuelle : qu’ils utilisent une stratégie de DD ou
. Panel 1989 : d’IV, l’impact n’est jamais significativement diffèrent de 0, quelle que soit la mesure de la réussite
24 455 élèves utilisée.
entrant en 6ème
en 1989

Caille J.P, 2016 RAR . Panel d’élèves 2007 . 30 924 élèves RD . Aucun effet des RAR sur la réussite des élèves et les trajectoires scolaires.
Davezies L. and
Garrouste M.
Crawford C. 2010 SEN . Avon Longitudinal Study of . 7,742 élèves PSM . En moyenne, les élèves SEN ont des résultats plus faibles de 0.408 SD à l’examen KS2 que les
and Vignoles A. Parents and Children (ALSPAC) scolarisés dans élèves ayant les mêmes résultats précédemment mais n’étant pas SEN.
278 écoles . Les élèves SEN semblent faire des progrès relativement plus importants dans les écoles
favorisées.
Davezies L. and 2014 RAR . Données individuelles exhaustives . 1 098 636 RD, IV . Vivre à proximité d’un collège RAR tend à ↘ la probabilité individuelle à être scolarisé dans le
Garrouste M. des élèves français entrant en 6ème individus, dont collège de secteur, pour les élèves juste au-dessus des seuils.
en 2006 et 2007 531 729 . Vivre à proximité d’un collège RAR tend à ↘ la probabilité individuelle à être scolarisé dans un
. Données établissement entrants 6ème en autre établissement publique, pour les élèves juste au-dessus des seuils.
exhaustives 2006 et 566 907 . Vivre à proximité d’un collège RAR tend à ↗ la probabilité d’être scolarisé dans un établissement

225
en 2007 privé, pour les élèves juste au-dessus des seuils.
. Ces effets sont d’autant plus importants que les élèves viennent de milieux favorisés.
Hanushek E., 2002 IDEA . The Texas Schools Microdata . 3 cohortes . Effets sur les élèves d’éducation spécialisée : la réussite moyenne des élèves atteint de troubles de
Kain J. and Panel construit par le UTD Texas successives la parole, à tout niveau, est au moins 0.7 SD plus que la moyenne pour ceux classifiés comme ayant
Rivkin S. Schools Project d’élèves des troubles de l’apprentissage et au moins 0.5 SD plus élevé que les élèves émotionnellement
d’écoles perturbés ; l’effet moyenne de l’éducation spécialisée pour tout handicap est positif une fois
élémentaires l’hétérogénéité des élèves contrôlée par des effets fixes; les effets estimés du programme sont plus
texanes importants pour les élèves entrants dans le programme que pour ceux en sortants ; les effets du
commençant en programme diminuent de ~25 % dans la 2nde année pour le participant moyen et de ~40 % pour
1993 l’élève ayant des troubles de l’apprentissage moyen.
200 000 élèves . Effet sur les élèves “normaux” : pas de preuve que l’éducation spécialisée nuise à la réussite des
par cohorte dans classes standards; une ↗ de 10 points de pourcentage du nombre d’élèves classifiés “handicapé” ↗
plus de 3 000 la réussite de ~0,016 SD
écoles publiques
Jacob B. and 2004 CSP . Administrative data from the CPS . Cohorte RD, IV . Pour les élèves de 3rd grade, l’école d’été et le redoublement ↗ la réussite de l’élève de ~20 %
Lefgren L. system, individual level d’élèves entrant d’une année d’enseignement. Après la seconde année dans le programme, les effets passent de ~25
en 3rd et 6th % à 40 %
grades pour . L’effet net pour les élèves de 6th grade est essentiellement nul en compréhension écrite, et proche
l’année scolaire de 0 en mathématique, en particulier pour l’année 2.
1993-1994 à
l’année scolaire
1998-1999
(total de 402
924 obs.)
Keslair F., 2012 SEN . National Pupil Database (NPD) . Tous les élèves DD, IV . Les élèves à hautes capacités ne sont Presque jamais assignés au programme SEN,
Maurin E. and . Consistent Financial Reporting observés dans le indépendamment du contexte scolaire.
McNally S. (CFR) data NPD à 11 ans . Écart important entre la probabilité d’être assigné au programme SEN dans une école à contexte
entre 2002 et favorable par rapport à une école à contexte défavorisé.
2008 . Variation très importante des ressources SEN entre élèves à différentes capacités et entre
différents contextes scolaires.
. Aucun effet net d’être assigné au programme SEN sur la performance scolaire des élèves à
difficultés modérées par rapport aux autres élèves dans la même classe d’âge (mais pas d’effet de
spillover).
Lavy V. and 2005 Bagrut . Non-spécifié . 163 DD, IV, . Impact positif du programme dans les écoles traitées : ~3,3 points de pourcentage d’ ↗ moyenne
Schlosser A. établissements SPM du taux de diplôme du secondaire, soit une amélioration de 6 %
. 4 100 élèves, . Le programme booste le taux de diplôme du secondaire des écoles traitées par 3 ou 4 points de
soit 1/5 de pourcentage.
l’ensemble des . Plus l’intensité du traitement est importante, plus il y a une amélioration du taux moyen de
élèves des diplôme.
écoles traitées . Le programme affecte uniquement la réussite des élèves traités, ↗ leur probabilité d’obtenir leur
diplôme du secondaire par 13 points de pourcentage en moyenne.
. Les effets du programme ↘ monotonicalement avec la capacité de l’élève.
. Programme moins efficace que d’autres programmes mis en œuvre sur la même période : le

226
programme Bagrut 2001 produit un gain similaire à celui du programme de bonus des enseignants
mais à des coûts par élève presque deux fois plus élevés.
Machin S., 2004 EiC . Données administratives de la . 241 789 élèves DD, . Amélioration plus importante de la performance moyenne en maths et en anglais pour les écoles
Meghir C. and réussite à niveau des élèves et 699 écoles matching EiC par rapport au groupe de contrôle : niveau moyen de réussite ↗ de 0.18 pour les élèves EiC,
McNally S. . Données administratives sur les contre seulement 0.16 dans tous les collèges non-EiC.
établissements . Le centile de performance moyenne en anglais au KS3 ↗ de 0.62 de centile, comparativement à
une diminution dans les écoles non-EiC.
. Le groupe d’écoles EiC est la seule où le nombre d’absences ↘
. Amélioration en maths de ~ 0.03 niveau pour les élèves des écoles EiC.
. Résultats également positifs, mais plus faibles en termes statistiques en anglais.
. L’impact moyen de la politique est de l’ordre de 0.5 à 0.8 centiles.
Machin S., 2010 EiC . Niveau élève : National Pupil . 3 157 écoles DD, . ↗ la probabilité d’atteindre le niveau 5 par 1,8 point de pourcentage si on considère les résultats
Meghir C. and Database (dont 1 009 matching sur la période la plus récente de la politique (2003) avec l’année de pré-politique.
McNally S. . Niveau établissement: LEASIS, EiC) . Effets plus importants pour les écoles inscrites dans la politique depuis plus longtemps : EiC
school performance tables, school augmente la probabilité d’atteindre le niveau 5 ou supérieur par 2,9 points de pourcentage dans la
change file phase 1 EiC, de 1,5 points de pourcentage dans les écoles de phase 2, de 1,7 points de pourcentage
dans les écoles de cluster 1, et par à peine rien pour les écoles de la phase 3 ou du cluster 2 (i.e. les
plus récents entrants dans le programme).
. La politique EiC a eu un impact sur l’amélioration de la réussite en maths dans les écoles
exposées à la politique. Aucun effet n’est trouvé pour l’anglais.
. La programme EiC conduit à une ↘ du pourcentage de demi-journées d’absence d’environ 1 point
de pourcentage (0,59 avec les contrôles).
. L’effet sur les absences varie selon la phase EiC : pour les trois phases principales (phase 1-3), les
effets sont respectivement -0,762, -0,634, et -0,349.
. Effets plus importants de la politique pour les élèves de capacités moyennes ou élevées par
rapport à ceux aux capacités plus faibles, et généralement uniquement dans les écoles les plus
défavorisées.
Van der Klaauw 2008 Title I . Données au niveau établissement . Toutes les RD, . Title I a été inefficace pour augmenter la performance des élèves, et semble avoir eu des effets
W. collectées par le New-York City écoles publiques analyse adverses pour les années scolaires 1993 et 1997. Pas de preuve d’effet adverse en 2001.
Board of Education’s Office of élémentaires et de . Le statut Title I a conduit à des taux de fréquentation plus faibles, à des taux de redoublements
Research, Evaluation and collèges en sensibilit légèrement plus élevés et des taux plus importants abandonnant en cours d’année.
Assessments, et fournies par le 1993, 1997 et é . Léger effet positif sur le taux d’absentéisme des enseignants.
NYU’s Institute for Education and 2001 . La plupart des estimations implique un effet négatif sur la performance.
Social Policy
DD= différence en différences; IV= variables instrumentales; RD= régression sur discontinuité; PSM= propensity score matching
Tableau 4-4 : Résultats des évaluations empiriques des programmes éducatifs compensatoires

227
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

SECTION 3 – Une fiabilité des études contestée

La section précédente met en avant des effets mitigés des programmes éducatifs
compensatoires. À présent, la question est de savoir : comment peut-on expliquer ces
divergences observées dans les résultats ? Notre réponse à cette question est qu’il est probable
que ces divergences soient principalement dues aux techniques économétriques utilisées pour
l’évaluation.
L’objectif de cette section n’est pas de revenir sur le fonctionnement de l’évaluation
économétrique des politiques publiques mais plus simplement de mettre en exergue des
explications potentielles des divergences de résultats observées dans la section précédente.
L’idée ici est que peut-être, les évaluations, par leur nature technique, ne sont pas en mesure
de traduire les effets réels des programmes. En effet, l’évaluation économétrique des
politiques publiques est un champ disciplinaire très complexe, confronté à de nombreuses
difficultés techniques décrites par la suite.

1. Le problème standard de détermination du groupe de contrôle

L’évaluation est par définition un problème de données manquantes : l’objectif est d’évaluer
l’effet d’une politique en regardant la différence de résultats entre une situation observée
(lorsque la politique est mise en œuvre) et une situation inobservée qui aurait été celle
prévalant sans la mise en place de la politique. Rubin (1974) a développé le cadre d’analyse
de ce problème. Notons 𝑇𝑖 la variable de traitement, valant 1 lorsque l’individu 𝑖 est concerné
par le traitement, c’est-à-dire la politique publique, et 0 sinon. 𝑌𝑖 désigne la variable d’intérêt
pour l’individu 𝑖, avec 𝑌𝑖 (1) la valeur de cette variable quand l’individu 𝑖 est traité et 𝑌𝑖 (0) la
valeur quand l’individu 𝑖 n’est pas concerné par la politique. L’état 𝑌𝑖 (1) et 𝑌𝑖 (0) ne sont pas
observables pour un même individu 𝑖. Ainsi, le défi central de l’évaluation des politiques
publiques est de reconstituer ces données manquantes, cette situation inobservée. Autrement
dit, la construction du groupe de contrôle est cruciale pour la robustesse des estimations.
De manière basique, nous pouvons penser que l’effet causal peut être obtenu en comparant la
situation des individus concernés par la politique à la situation de ceux non-concernés. C’est
ce que l’on appelle l’estimateur naïf, qui s’exprime sous la forme :

228
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

∆̂0 = 𝑌̅ 𝑇=1 − 𝑌̅ 𝑇=0 (1.1)

∆0 = 𝐸(𝑌1 |𝑇 = 1) − 𝐸(𝑌0 |𝑇 = 0) (1.2)

∆0 = 𝐸(𝑌1 |𝑇 = 1) − 𝐸(𝑌0 |𝑇 = 1) + 𝐸(𝑌0 |𝑇 = 1) − 𝐸(𝑌0 |𝑇 = 0)


(1.3)

Traitement moyen sur les Effet de population


traités

Le premier terme de l’équation (1.3) mesure l’effet causal, alors que le second terme
correspond à l’effet population qui décrit l’écart en l’absence de traitement entre les individus
bénéficiant de la politique et ceux qui en sont exclus. L’effet population indique le fait que le
groupe de contrôle dans ce cas n’est pas approprié : il n’est pas représentatif de ce qu’aurait
été la situation des traités en l’absence de traitement. Par conséquent, l’estimateur naïf
confond « effet du programme » et « effet population » et les rend indistingables. Dans ce
sens, l’estimateur naïf est biaisé, il y existe donc un biais de sélection. Néanmoins, cet
estimateur est un estimateur convergent de :
 ∆𝐴𝑇𝑇 , le traitement moyen sur le traité, si l’affectation au traitement est indépendante de
l’outcome potentiel 𝑌0 , i.e. 𝑌0 ⊥ 𝑇
 ∆𝐴𝑇𝐸 , l’effet de traitement moyen, si l’affectation est indépendante des deux outcomes
potentiels 𝑌0 et 𝑌1 .

La plupart du temps, ce n’est pas le cas, l’estimateur naïf est probablement constamment
biaisé.
Par conséquent, un des défis majeurs pour réaliser une évaluation propre est d’éviter ce biais
de sélection et de créer un groupe de contrôle pertinent, ce qui est fortement dépendant de la
qualité des données. Le groupe de contrôle parfait n’existe pas pour les expériences non-
aléatoires comme les politiques publiques. En conséquence, il est possible de s’interroger sur
la portée des résultats des estimations relativement aux effets des programmes sur la base de
la constitution du groupe de contrôle. Malgré les précautions prises, il reste envisageable que
les évaluations des programmes soient faussées par l’utilisation d’un groupe de contrôle non
adapté.

2. Des limites propres à chaque méthode

Différentes méthodes sont utilisées pour estimer l’effet causal d’une politique publique dont
nous mentionnerons les trois principales : la méthode de différence en différences, la
régression sur discontinuité et l’utilisation de variables instrumentales. En résumant
229
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

brièvement, la méthode de différence en différences consiste à faire une double comparaison


traités/non-traités, avant/après la mise en œuvre de la politique (pour plus de détails voir par
exemple Donald et Lang, 2007 ou Givord, 2015). La méthode de régression sur discontinuité
exploite le simple fait que de nombreuses politiques sont basées sur des règles d’assignation
sur la base de seuils ; le principe est alors de regarder les différences d’outcomes entre les
individus localisés juste en-dessous et juste au-dessus de ce seuil (pour plus de détails, voir
par exemple Trochin, 1984 ; Hahn et al., 2001 ; Imbens et Lemieux, 2008 ; ou Lee et
Lemieux, 2009). Enfin, malgré une application beaucoup plus large, la méthode des variables
instrumentales est également largement plébiscitée dans l’évaluation des politiques publiques.
Pour des détails sur l’utilisation des variables instrumentales dans le cadre d’évaluations (voir
e.g. Sargan, 1958 ou Angrist et al. 1996). Le problème principal derrière ces méthodes est que
chacune d’entre elles connait ses propres limites qui peuvent venir biaiser les estimations.

2.1. Les limites de la méthode de différence en différences

La principale limite de la méthode de différence en différence est liée au fait que l’hypothèse
identificatrice de trend commun n’est pas testable, très fragile et parfois même peu crédible.
En effet, cela signifierait qu’il est possible d’observer l’évolution contrefactuelle du groupe de
traitement en l’absence de traitement. Cette hypothèse d’évolution identique entre groupes est
a priori plus crédible lorsque la période temporelle est courte (Bertrand et al., 2004).
Cependant, une politique publique a rarement des effets de court terme, il est bien plus
intéressant d’analyser ces effets de moyen à long terme. De facto, en pratique, les études se
basent sur de plus longues périodes. L’hypothèse qu’il n’existe pas d’effets croisés
groupe/temps n’est pas plausible, et ne pas prendre cela en compte peut venir biaiser
l’inférence.

2.2. Les limites de la méthode de régression sur discontinuité

La limite de la méthode de régression sur discontinuité est que les chercheurs n’estiment
qu’un effet local du traitement. Les estimations ne sont valides qu’autour des seuils. Si le
traitement ne tient pas sur l’ensemble de la population alors les interprétations des estimations
seront limitées. Il est également nécessaire d’être sûr que les individus ne puissent pas
manipuler la valeur des seuils pour bénéficier ou non du traitement. Cette méthode ne permet
donc pas d’évaluer l’effet des politiques sur l’ensemble de la population traitée, les
estimations au seuil ne pouvant être généralisées.

230
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

2.3. Les limites de la méthode des variables instrumentales

Concernant les variables instrumentales, la plupart du temps la discussion se concentre sur la


qualité et la validité des instruments. La validité est basée sur le fait que l’instrument n’est pas
corrélé avec des déterminants inobservés de l’outcome. Cette propriété est cruciale, elle assure
que l’estimateur obtenu par les variables instrumentales est asymptotiquement non-biaisé.
Cependant, aucun test ne permet de valider rigoureusement cette propriété. De plus, le fait de
rechercher des instruments pour lesquels nous ne pourrions pas critiquer l’exogénéité entraine
parfois une corrélation très faible avec le traitement. Intéressons-nous à l’effet du traitement
traitement 𝑇 sur l’outcome 𝑌; 𝑇 est endogène, mais il existe un vecteur 𝑍 de 𝐾 instruments tel
que 𝐸(𝑍 ′ 𝑢) = 0 relié au traitement par la relation :

{
𝑌 = 𝑇𝛿 + 𝑢 (1.4)
𝑇 = 𝑍Π + 𝑣

Dans ce cas, l’estimateur commun est celui des double MCO obtenu en régressant l’outcome,
non pas sur 𝑇, mais sur sa projection 𝑇̂ = 𝑍Π
̂ . Π est la mesure de l’intensité de la corrélation
entre l’instrument et la variable endogène. En pratique, pour mesurer la force d’un instrument,
il est possible d’en déterminer la « concentration » qui est définie comme un ratio entre la part
de la variable endogène expliquée par l’instrument et la part qui ne l’est pas :

𝜇2 = Π′ 𝑍′ 𝑍Π/𝜎2𝑣 (1.5)

Dans ce cas, les propriétés des estimateurs obtenues ne sont pas satisfaisantes, les estimations
peuvent être imprécises, ou même encore plus biaisées que l’estimateur naïf, et ce d’autant
plus que le nombre d’instruments utilisés est élevé.

3. La comparabilité des différentes méthodes questionnée

La diversité de méthodes développées pour évaluer un programme, avec les limites propres,
associée au problème récurrent de détermination du groupe de contrôle, peut générer un
nombre important de biais qui peuvent venir distordre l’analyse. Une autre question
méthodologique retient aussi l’intérêt : si une étude, avec le même échantillon, les mêmes
données, etc. était menée en utilisant une autre méthode d’estimation, donnerait-elle les
mêmes résultats ? En d’autres termes, la question de la dépendance des résultats à la méthode
utilisée doit être posée.

231
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

En fait, les études évaluatives elles-mêmes questionnent leurs résultats. Par exemple, Beffy et
Davezies (2013), en remettant en cause la méthode utilisée par Bénabou et al. (2009),
questionnent également les résultats trouvés par ces derniers. En effet, Bénabou et al. (2009)
utilisent la méthode de différence en différences pour estimer l’effet des Zep. Cette méthode
repose sur l’existence d’un trend commun entre le potentiel outcome du groupe traité sans
traitement et l’outcome du groupe de contrôle. Cependant, selon Beffy et Davezies (2013), ce
trend commun n’est pas évident. Devrions-nous alors prendre sérieusement les résultats
fournis par Bénabou et al. (2009) ? Dans quelle mesure ce biais induit par une mauvaise
spécification empêche-t-il de refléter la réalité ? Pour autant, les résultats de Beffy et Davezies
(2013) sont-ils vraiment meilleurs ? Bien qu’aucun problème de spécification ne soit trouvé,
leur choix de la régression sur discontinuité implique que leurs résultats ne peuvent pas être
généralisés, et ne dit rien sur l’effet de la politique sur l’ensemble de la population traitée (et
non-traitée).
En fait, tous les résultats des évaluations économétriques peuvent être questionnés. En effet,
les hypothèses et les limites de chaque méthode induisent un biais potentiel qui ne peut être
révélé ou contrôlé.
De plus, le principal problème des évaluations économétriques tient au fait que la question de
recherche est constamment contrainte et modifiée par la technique. Les difficultés techniques
sont telles qu’elles viennent changer le questionnement initial du chercheur. Ainsi, la question
« dans quelle mesure ce programme est-il efficace ? » se trouve être la plupart du temps trop
générale pour être traitée. Par exemple, le fait d’utiliser une méthode de régression sur
discontinuité implique une modification de la question de recherche de « ce programme est-il
efficace ? » à « que peut-on dire des effets de ce programme sur une partie très limitée de la
population (les individus proches des seuils d’assignation) ? ». Nous en venons vient donc à
ajuster la question et la problématique de recherche avec ce que la méthode est en mesure
d’estimer.
Par conséquent, la complexité technique de l’évaluation économétrique conduit à une perte
d’intérêt, de comparabilité, et de pertinence des résultats obtenus.

4. L’importance des comportements individuels ignorée

L’évaluation économétrique des politiques, en plus de sa complexité technique, ne peut


entièrement et correctement refléter la réalité des effets d’un programme tel que les
programmes éducatifs compensatoires. Même si aucun problème n’est trouvé d’un point de

232
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

vue technique, les évaluations ne sont pas en mesure de pleinement transposer les effets réels
d’un programme éducatif compensatoire. En effet, la mise en place d’un programme induit
l’apparition et des changements dans les comportements économiques des agents qui viennent
altérer les effets attendus potentiels du programme ; et ces comportements ne sont pas pris en
compte dans les estimations des effets des programmes, ce qui pourrait également expliquer
les divergences de résultats observés dans la section 2. De plus, comme Gibbons et al. (2015,
p. 157) l’ont montrés « it is important to note that we should separately identify the direct
effect of the intervention from the effects due to social interactions ».
L’existence de politiques telles que les programmes éducatifs compensatoires est affectée par
les comportements des individus, et plus particulièrement par les interactions sociales qui les
lient. Ozgur (2011, p. 588) définit les interactions sociales comme « particular socio-
economic events in which markets do not fully mediate individuals’ choices, and each
individual’s choice might be in part determined by choices of other individuals in his
reference group ». Ces comportements peuvent être antérieurs à la politique ou peuvent
directement résulter de la mise en place de la politique, mais dans tous les cas, ils viennent
distordre les effets de cette politique. Dans le cas des programmes éducatifs compensatoires,
quatre types de comportements principaux peuvent être inventoriés.
Le premier est lié au fait que, comme mentionné précédemment, les programmes éducatifs
compensatoires sont stigmatisants et peuvent donc conduire à des stratégies d’évitement.
Certains parents refusent de scolariser leurs enfants dans les écoles de quartier. Pour cela, ils
peuvent choisir de déménager dans une zone dans laquelle ils estiment l’école meilleure, ils
peuvent également contourner le zonage scolaire en demandant une dérogation, ou encore
scolariser leurs enfants dans le secteur privé. Cet effet peut déjà exister dans n’importe quel
quartier défavorisé, mais il est très certainement exacerbé par l’exécution du programme,
comme Davezies et Garrouste (2014) le rapporte dans la situation des RAR (Réseaux
Ambition Réussite) en France. Ils trouvent que vivre près d’un collège RAR diminue la
probabilité de fréquenter le collège le plus proche et augmente la probabilité de fréquenter un
établissement privé.
Les comportements de mimétisme et de conformisme induisent également une modification
des effets des programmes éducatifs. Nous pouvons penser qu’un élève, scolarisé dans un
établissement traité ou souffrant d’une mauvaise image, dans lequel les élèves sont considérés
comme difficiles, indisciplinés et à faibles capacités, ne va pas chercher à faire d’effort, vu
que dans tous les cas il sera stigmatisé. Par conséquent, il peut se conformer à l’image que
nous avons des élèves fréquentant ce type d’établissement. Ce mécanisme peut se rapprocher

233
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

du processus « acting white » qui explique que certains élèves noirs peuvent sous-performer
afin de s’intégrer auprès de leurs pairs (Fordham et Ogbu, 1986 ; Austen-Smith et Fryer,
2005).
Le troisième comportement n’est pas lié aux élèves, mais se place du point de vue de
l’enseignant. Ces derniers peuvent adapter leur enseignement à différents publics et également
diminuer leurs attentes selon le profil de leurs élèves. En présence d’élèves en difficulté, les
enseignants tendent à avoir des attentes et des exigences moindres que pour des élèves «
normaux ». Ils ne vont pas chercher à tirer les élèves vers le haut, ils tendent à être résignés
sur la difficulté de la situation.
Le dernier comportement concerne l’administration de l’établissement et la notion d’effet de
substitution. Cela correspond au fait que les financements additionnels fournis par les
programmes compensatoires peuvent être utilisés en lieu et place des ressources initiales,
annihilant ainsi tout effet compensatoire potentiel. Au final les écoles traitées ne
bénéficieraient pas d’une aide supplémentaire par rapport aux écoles non-traitées, ce qui
viendrait expliquer le fait qu’un programme puisse être reporté comme inefficace. Dans ce
cas, l’inefficacité ne signifie pas que le programme est mauvais, seulement que la gestion des
fonds n’est pas faite prudemment. Cet effet est notamment visible à New York avec le
programme Title I, selon l’évaluation faite par Van der Klaauw (2008). Il rapporte que le
programme Title I a été inefficace pour augmenter les performances, est qu’il semble même
avoir un effet adverse pour les années scolaires 1993 et 1997. Il est envisageable qu’avec une
utilisation des fonds disponibles, le programme aurait montré des effets positifs.
Ces comportements, résultant de la mise en œuvre de la politique, jouent grandement sur les
effets du programme et ne sont jamais inclus dans les estimations. Leur estimation et leur
inclusion dans les modèles sont extrêmement compliquées. Cependant, ne pas les prendre en
compte conduit à de mauvaises estimations des effets. Il pourrait donc s’agir là d’une
explication de la faible efficacité des programmes éducatifs compensatoires et des
divergences de résultats de leurs évaluations.

234
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

SECTION 4 – L’apport au débat politique et des outils d’aide à la décision

1. La détermination de la « bonne » politique

Derrière les comportements décrits précédemment se cache une causalité circulaire


cumulative entre individus et lieux. En effet, les modèles fondateurs d’économie urbaine
présentés dans le chapitre 1 permettent de comprendre le tri spatial des populations, et en
particulier ceux propres à la ségrégation. Ces modèles permettent de facilement comprendre
que les lieux les moins chers concentrent les populations les plus pauvres, et donc les
difficultés socio-économiques. Cette concentration dans certains lieux induit des problèmes
pour définir le bon moyen d’aider ces personnes : il est difficile de déterminer quel type
d’intervention est le meilleur. Autrement dit, devrions-nous essayer d’aider les personnes
individuellement ou devrions-nous chercher à contrer cette concentration et améliorer la
qualité de vie dans ces quartiers ? Ces questions sont au cœur du débat sur « place-based VS
people based policy ».
Dans un article provocateur de 1969, Kain et Persky argumentent fortement contre les place-
based strategies mises en place pour augmenter l’emploi dans les ghettos urbains ou pour
promouvoir le développement économique au sein des ghettos. Au contraire, ils sont en
faveur de stratégies individuelles de « dispersion » qui visent à inciter et aider les populations
noires à partir des ghettos vers la périphérie, où ils pourront obtenir de meilleurs logements et
moins chers, vivre dans des quartiers plus sûrs, scolariser leurs enfants dans de bonnes écoles,
et accéder aux emplois. D’après eux, ces politiques seraient plus efficaces à court mais
également à long terme. Ils ont fait valoir qu'une stratégie de dispersion, en ralentissant ou en
inversant la croissance des ghettos du centre-ville, permettrait d'atténuer les problèmes de
chômage, la pauvreté et la criminalité associée à ces ghettos. Kain a, par la suite, reconnu que
le choix du mot "dispersion" n’était pas forcément le plus approprié, en ce que « many critics
interpreted it as a call for the forced or involuntary dispersal of Afro-Americans from central-
city ghettoes. [But] nothing could have been further from our minds » (Kain, 1992, p. 445).
Au lieu de cela, l'objectif était de réduire les obstacles existants afin de fournir aux ménages
noirs des choix significatifs dans les emplois, le logement et l'éducation au sein de la région
métropolitaine.
Glaeser a également une opinion très tranchée sur le sujet comme nous pouvons le voir dans
de nombreux articles sur l’aide à apporter à la Nouvelle Orléans suite à l’ouragan Katrina, et
dans le papier co-écrit avec Gottlieb (2008). Il affirme que les politiques individuelles sont
plus efficaces que les politiques territorialisées, en particulier pour les lieux souffrant d’un

235
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

déclin de long terme. Il clame clairement qu’il est mieux d’ « aider les pauvres gens que les
lieux pauvres ».
Les résultats présentés dans la section 2 montrent que l’on ne peut pas apporter une réponse
aussi catégorique à cette question. En effet, les programmes étudiés ici, qu’ils soient place-
based ou people-based, sont tous reportés comme ayant des effets nuancés. Certains
programmes individualisés sont rapportés comme inefficaces, tout comme certains
programmes territorialisés, alors que d’autres sont évalués comme efficaces. Ainsi,
l’identification de différents leviers d’actions à travers les effets différenciés, et la mise en
place de mesures d’accompagnement telles que nous les préconisons pourrait aider à apporter
un œil nouveau sur ce débat, voire de le dépasser. L’efficacité d’un programme n’a pas trait à
son échelle d’implémentation mais plutôt, à la façon dont cet objectif est atteint.
Cependant, dans les évaluations économétriques, il devrait être rappelé qu’il est nécessaire de
prendre en compte quel type de politique est évalué : une individualisée ou une territorialisée.
En effet, Neumark et Simpson (2015) ont montré qu’il existe un certain nombre de challenges
spécifiques à l’évaluation des politiques territorialisées. Les chercheurs, menant une
évaluation d’un programme éducatif compensatoire conduit à l’échelle d’un lieu, doivent
absolument avoir ces problèmes en tête lorsqu’ils estiment l’effet causal de la politique. Dans
le cas contraire, leurs estimations pourraient être biaisées. Il faut noter qu’aucune précaution
particulière n’avait été spécifiée dans les évaluations de programmes territorialisés, ce qui
nous amène d’autant plus à nous questionner sur la véracité et la fiabilité des conclusions sur
l’efficacité des programmes éducatifs compensatoires.

2. Des recommandations politiques et techniques

Ce travail nous amène à considérer deux types de recommandations, étroitement liés aux deux
questions discutées dans ce chapitre. La première est liée à la mise en œuvre des programmes
éducatifs, et aux pistes d’amélioration qui pourraient être envisagées.

2.1. Les voies d’amélioration de l’efficacité des programmes éducatifs


compensatoires

Dans un premier temps, l’existence d’effets différenciés, identifiés le paragraphe 3.2. de la


section 2, suggère des moyens possibles d’améliorer l’efficacité des programmes. Il semble
nécessaire au vu de ces résultats de repenser les cibles des programmes et de développer des
mesures d’accompagnement fortes.

236
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

Dans le paragraphe 3.2.1. de la section 2, nous avons montré que l’âge du bénéficiaire jouait
un rôle clé dans le succès d’une politique éducative, comme Currie (2001) l’a également
montré pour l’éducation de la petite enfance aux États-Unis. Au vu de ces propos, il semble
nécessaire de traiter les enfants le plus tôt possible dans leur cursus scolaire, de sorte que le
programme ait plus de chance d’avoir un impact positif sur lui, ce qui permettrait ainsi au
programme de gagner en efficacité. En pratique, la très grande majorité des programmes
éducatifs compensatoires concerne des élèves allant du primaire à la fin du lycée, ce qui à
notre sens représente très probablement une dilution des ressources sur un nombre trop
important d’individus. Ainsi, il pourrait être nécessaire de reconcentrer les politiques sur les
plus jeunes afin de garantir un minimum d’efficacité. Cette intuition semble être confirmée
dans le cas de la France, dont l’efficacité du programme d’éducation prioritaire est fortement
remise en cause. Un rapport d’évaluation conduit par le Ministère de l’Éducation Nationale
(2013) explique que : (i) les dépenses par élève dans les collèges sont 15 % supérieures à la
moyenne de l’OCDE, et que au contraire, (ii) les dépenses par élève dans les écoles primaires
sont 17 % en dessous de la moyenne de l’OCDE. Si nous ajoutons à cela le fait que l’OCDE,
dans son rapport PISA de 2012, rapporte que le système éducatif français est parmi ceux
ayant les pires résultats, nous pouvons penser que ces mauvais résultats peuvent être dus à une
mauvaise allocation des ressources entre classes d’âge, et que le gouvernement français se
fourvoie et n’intervient pas sur la bonne population pour produire les résultats désirés.
Les capacités des élèves sont également ressorties comme pouvant être à l’origine de
différents niveaux d’efficacité des programmes. Plusieurs études montrent que les
programmes sont plus efficaces pour les élèves de capacités moyennes à élevées (e.g. Keslair
et al., 2012 ; Lavy et Schlosser, 2005). Par conséquent, on peut se dire que mécaniquement,
pour améliorer l’efficacité de leurs programmes, les gouvernements devraient se concentrer
sur ces populations. Cependant, il faut bien se rappeler que ces politiques sont basées sur le
principe de discrimination positive, et qu’agir dans ce sens irait totalement à l’encontre de ce
principe. Si le but est d’améliorer l’efficacité tout en maintenant une population traitée
cohérente, le traitement des élèves à fortes capacités peut être considéré comme une dilution
des ressources publiques et un effort plus faible sur ceux qui en ont le plus besoin. Il est donc
nécessaire de recentrer les politiques sur les élèves ayant les plus faibles capacités, afin de
concentrer les efforts sur ceux en ayant le plus besoin et ainsi éviter une potentielle dilution
des ressources.
Nous pouvons également nous demander si ce manque relatif d’efficacité des politiques n’est
pas dû au fait que ces programmes sont insuffisants pour contrer à eux seuls les problèmes de

237
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

difficultés scolaires et de ségrégation. Peut-être que le fonctionnement actuel des programmes


est bon, et peut être efficace s’il est supporté par des mesures additionnelles. En outre, ces
mesures d’accompagnement pourraient aider à comprendre et à assimiler les comportements
individuels décrits dans le paragraphe 4 de la section 3. Dans un cadre individualisé, ces
programmes pourraient être accompagnés par des mesures visant à augmenter la confiance en
soi et l’estime de soi des élèves traités. Des mesures de réintégration dans la classe et auprès
des camarades peuvent également être bénéfiques. En effet, les traitements individualisés
requièrent des sorties de classe régulières, ne permettant pas à l’élève de suivre les mêmes
cours que ses camarades. Les élèves traités peuvent alors se sentir exclus, le traitement
devenant alors une source de stigmatisation. Ces sentiments peuvent conduire à une
introversion de l’élève qui peut être préjudiciable à ses résultats scolaires et ce, malgré le
traitement. Dans le cadre des politiques territorialisées, les zones reçoivent des fonds
supplémentaires de par leur contexte socio-économique désavantagé. Ces quartiers souffrent
d’une mauvaise image, de stigmatisation, de sorte que les stratégies d’évitement y sont
ordinaires. Les ménages avec les moyens financiers nécessaires vont probablement choisir un
autre lieu de résidence, dans un quartier plus favorisé. Pour ceux ne pouvant pas se permettre
un logement dans un autre quartier de la ville, ils peuvent être susceptibles d’éviter toutes
activités dans ce quartier, et en particulier la scolarisation de leurs enfants (voir par exemple
l’étude de Davezies et Garrouste, 2014, dans le contexte français). Par conséquent, ces
territoires souffrent d’une ségrégation croissante qui va de pair avec la paupérisation de ces
quartiers. L’idée de la mesure d’accompagnement est d’essayer d’améliorer l’image de ces
quartiers, dans le but d’y réintroduire une mixité socio-économique. Cette diversité, à travers
les mécanismes d’effets de pairs, devrait tirer vers le haut les performances scolaires. Ce type
de mesure peut notamment être introduit en direction des familles. Chiapa et al. (2012) ont
montré que le fait que des familles pauvres côtoient des personnes éduquées (dans ce cas du
personnel médical au Mexique) augmente les ambitions des parents pour la scolarité de leurs
enfants. Des interventions au niveau de la famille peuvent avoir pour but de leur présenter
toutes les perspectives pour leurs enfants, et ainsi booster la motivation des parents à
encourager leurs enfants à réussir à l’école afin d’avoir toutes les cartes en main pour leur
futur.
Une solution plus extrême pourrait également être considérée. Les programmes éducatifs
compensatoires sont nécessaires, du fait de la non-efficacité et du moins l’inéquité des
systèmes éducatifs standards actuels. La solution pourrait alors être de refondre totalement les
systèmes en s’inspirant des systèmes éducatifs les plus performants, en l’occurrence les

238
Partie 2 – Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires

systèmes asiatiques. Le rapport PISA (OCDE, 2012) explique qu’ils placent une grande
importance dans la sélection et la formation de leurs enseignants, ils leur fixent des objectifs
clairs tout en leur laissant la liberté de moyens pour atteindre ces objectifs. Plutôt que de gérer
les problèmes générés par un système, les gouvernements pourraient prendre le problème à la
base et réformer leurs systèmes éducatifs.

2.2. Une amélioration des techniques économétriques d’évaluation pour une


meilleure appréhension des effets des programmes

D’un point de vue technique, les évaluations économétriques de politiques publiques en


général peuvent être améliorées. En effet, comme évoqué précédemment, les comportements
individuels doivent être pris en compte pour estimer correctement les effets d’un programme.
Jusqu’à récemment, la prise en compte de tel comportement dans les estimations était
impossible, du fait de leur caractère totalement endogène. Cependant, de récents
développements techniques offrent l’opportunité de prendre en compte ces comportements
dans les estimations. En effet, le développement de l’analyse en termes de réseaux sociaux
(voir pour un point de vue technique général Jackson, 2008 ; Jackson et Zénou, 2013 ; Helsey
et Zénou, 2014) ouvre de nouvelles opportunités pour mieux comprendre les effets de pairs à
travers la formalisation de réseaux et leur intégration aux estimations (voir pour des
applications empiriques Calvo-Armengol et al., 2009 ou Patacchini et Zénou, 2009 par
exemple). Récemment, un ensemble de modèle a cherché à identifier et modéliser les
interactions sociales. Blume et al. (2011) fournissent une revue complète des modèles
linéaires d’interactions sociales, de réseaux sociaux et de modèles spatiaux et de choix
discrets des interactions sociales. Une réflexion reste toutefois à mener afin de considérer
l’utilisation de telles méthodes dans l’évaluation des politiques publiques. Ces avancées
techniques pourraient ensuite amener à des changements de la mise en œuvre des politiques
dans un objectif de gain d’efficacité. Par exemple, si nous sommes en mesure d’identifier des
comportements de mimétisme ou de contagion, identifier le « key player » (Ballester et al.,
2006), dont les comportements « suiveurs » découlent, peut permettre de limiter la dilution
des ressources en se concentrant uniquement sur les individus clés, dont les modifications de
comportement seront ensuite imitées par les autres.

239
Conclusion du chapitre 4

Ce chapitre fournit une vue d’ensemble de la littérature économique sur l’évaluation des
programmes éducatifs compensatoires. Généralement, les gens ont une opinion très critique
sur ces programmes, qui sont considérés comme des gouffres financiers n’ayant que très peu
d’effet comparativement aux ressources déployées. Il nous a paru important de nous
interroger sur la véracité de ces remarques. De par notre analyse, nous montrons que nous ne
pouvons pas être aussi catégorique sur la (non-)légitimé de ces programmes. Certains sont
reportés comme ayant des effets positifs, alors que d’autres semblent être inefficaces voire
contreproductifs. En outre, derrière ces conclusions très générales se cachent des effets
différenciés ou hétérogènes : certains programmes étant efficaces sur une partie de la
population et pas une autre. Nous croyons que pour améliorer l’efficacité des programmes
éducatifs compensatoires, les gouvernements devraient éviter une dilution excessive des
ressources en reconcentrant leur action sur les publics les plus jeunes et les plus en difficultés
dans les quartiers défavorisés. Il pourrait également être utile d’apporter un support à ces
politiques en mettant en place des mesures additionnelles, afin de permettre au programme de
prendre sa pleine mesure.
Nous nous sommes également interrogés sur la capacité des évaluations, et plus
particulièrement des techniques, à capter des effets. Il est légitime de penser à des biais
possibles étant données les difficultés techniques imposées par l’évaluation des politiques
publiques. En effet, même si plusieurs méthodes sont généralement utilisées pour évaluer
l’effet causal d’une politique publique, le problème est que chacun présente ses propres
limites qui peuvent venir biaiser les résultats (par exemple, l’hypothèse de trend commun
dans le cas de la différence en différences peut ne pas tenir) ou fournir des résultats
incomplets (e.g. dans le cas de la régression sur discontinuité, où l’information n’est apportée
qu’au niveau des seuils d’assignation). À cela vient s’ajouter un problème commun à toute
forme d’évaluation de politique publique : la formation d’un groupe de contrôle pertinent. Il
faut aussi savoir que des comportements économiques individuels causés ou exacerbés par la
mise en œuvre de la politique, tels que des comportements de conformisme ou d’évitement,
viennent modifier les effets de ces politiques. Leur estimation est compliquée et n’est
généralement pas inclue dans les modèles, de sorte que les résultats de ces évaluations sont
biaisées par leur absence, et donc le manque d’information. Même si elle ne permet pas
réellement de déterminer l’efficacité des programmes éducatifs compensatoires, notre analyse
met la lumière sur les améliorations qui pourraient être faites sur ces politiques. Notre analyse

240
apprend également qu’il faut être prudent dans l’interprétation et l’utilisation de résultats
d’évaluation de politiques publiques. Cependant, nous croyons que, faute de meilleures
alternatives, ces évaluations sont une bonne indication de la santé des programmes éducatifs
compensatoires, et qu’elles aident à fournir des pistes et des arguments lorsque les débats
s’engagent. Ces évaluations ont l’avantage, lorsqu’elles sont prudemment analysées, d’être un
très bon outil d’aide à la décision pour les gouvernements souhaitant établir ou améliorer les
politiques, dans le but de contrer le processus de ségrégation urbaine.

241
242
CHAPITRE 5 – LA POLITIQUE DE LA VILLE ET LE PARCOURS
SCOLAIRE DES COLLÉGIENS EN ILE-DE-FRANCE

Un des problèmes majeurs de la ségrégation est qu’au-delà d’agir sur la situation actuelle des
populations urbaines, elle s’auto-entretient voire s’accentue en ayant des conséquences
néfastes sur la scolarité et l’acquisition de capital humain des enfants, qui voient ainsi leurs
perspectives d’avenir fortement contraintes. Ainsi, comme nous l’avons mis en avant dans le
chapitre 4 précédent, un certain nombre de politiques publiques visent à contrer ces effets de
la ségrégation sur les enfants en intervenant dans le domaine de l’éducation. Ces politiques
ont pour objectif d’annihiler les différences de traitement entre élèves selon leur quartier de
résidence ou l’emplacement de leur établissement scolaire.
Dans le chapitre 4, un ensemble de politiques éducatives compensatoires relevant de cette
logique ont été présentées. Il s’agit de programmes dont l’unique visée est éducative. Dans ce
chapitre, nous souhaitons aller plus loin et considérer une politique plus large, dont les
objectifs sont multiples et ont trait à tous les aspects de la vie quotidienne des populations
urbaines : la politique de la Ville en France, et plus particulièrement son application en Ile-de-
France. Comme nous le montrons dans une première section, rapidement après sa création
dans les années 1970, cette politique a eu pour but de réduire les inégalités entre habitants des
différents quartiers en termes d’habitat, d’emploi, de sécurité, d’insertion mais aussi
d’éducation. Dans ce dernier domaine, les mesures sont multiples et ont évolué au fil du
temps et des alternances gouvernementales. À notre connaissance, aucune évaluation
économétrique de cette politique dans ce domaine n’a encore été réalisée. Ainsi, notre objectif
dans ce chapitre sera de réaliser cela, en nous basant sur le zonage de la politique de la Ville
en 2013, à savoir les Zones Urbaines Sensibles (Zus). Outre la caractérisation de la situation
des élèves à l’intérieur et en dehors de ces zones, nous nous intéresserons à l’effet de cette
politique sur le redoublement des collégiens franciliens et sur leur choix d’orientation après la
troisième. Il résulte de cette évaluation un effet positif de la politique de la Ville, cette
dernière venant diminuer la probabilité de redoublement des collégiens vivant dans les ZUS
d’Ile-de-France de 0,7 points de pourcentage par rapport aux collégiens ne bénéficiant pas du
programme. Concernant l’orientation des collégiens de 3ème, la politique de la Ville semble
orienter ces derniers vers des filières professionnelles au détriment de la filière générale et
technologique.

243
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Bien que seuls ces éléments soient présents dans ce chapitre, il ne s’agit ici que de résultats
liminaires d’un projet en cours beaucoup plus vaste s’inscrivant dans une convention avec la
Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance (Depp) du Ministère de
l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MENESR)16.
L’objectif de ce projet est de considérer, en plus de la politique de la Ville évaluée ici, l’autre
dispositif majeur déployé à l’échelle nationale qui vient impacter l’éducation et la réussite des
élèves issus de milieux défavorisés : l’éducation prioritaire. Les deux politiques ayant un taux
de recouvrement de plus de 60 %, il est important de se demander si les résultats obtenus dans
la première partie de l’étude présentée ici, ne sont pas en partie dûs à l’effet de l’éducation
prioritaire. Les questions générales qui se posent sont alors les suivantes : existe-t-il une
synergie des effets de la politique de la Ville avec ceux de l’éducation prioritaire sur la
réussite scolaire ? L’ensemble des actions menées dans le cadre de la politique de la Ville en
faveur de l’éducation, ajouté aux moyens supplémentaires de l’éducation prioritaire
permettent-ils d’améliorer la réussite et le parcours scolaire des élèves ? Ou, au contraire, cela
représente-t-il une double pénalité, liée à un double effet de stigmatisation ?
Ce chapitre n’a pas pour ambition immédiate de répondre à toutes ces problématiques, mais
constitue les premières recherches faites sur le sujet. En effet, les données permettant cette
étude n’ayant été récupérées qu’à la fin du mois de juin de cette année, une étude approfondie
et bien menée nécessite de se pencher plus longuement sur le sujet. Ainsi, dans ce chapitre,
nous nous concentrerons uniquement sur l’évaluation de l’effet de la politique de la Ville, à
travers son découpage en Zones Urbaines Sensibles, sur le redoublement et sur les choix
d’orientation des collégiens après la troisième. L’évaluation de l’effet de l’éducation
prioritaire sur le parcours scolaire des élèves, et l’analyse de l’effet combiné des deux
politiques sont laissées à l’immédiat après-thèse.
Ce dernier chapitre s’organise en trois sections. La première effectue un retour sur les
fondements et le fonctionnement de la politique de la Ville, que la seconde section vient
compléter en abordant plus précisément les partis pris de cette politique dans le domaine
éducatif. La troisième section présente l’évaluation de cette politique sur deux mesures de la
réussite : le redoublement et l’orientation des collégiens en Ile-de-France en 2013.

16
Cette convention a pu prendre forme grâce aux discussions engagées avec Fabrice Murat à la suite du
séminaire PUCA-MSH organisé le 20 mars 2013. Nous tenions donc à remercier encore le PUCA d’avoir permis
cette rencontre, et surtout Fabrice Murat et Caroline Simonis-Sueur pour leur investissement sur cette convention
et pour l’accueil réservé lors de nos venues à la DEPP.

244
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

SECTION 1 – La politique de la Ville en France

Comme nous l’avons mis en exergue dans les chapitres précédents, les territoires urbains ne
sont pas homogènes, certains quartiers rencontrant des difficultés accrues que ce soit d’un
point de vue économique ou social. Ainsi, en France comme ailleurs, les pouvoirs publics
mettent en œuvre des programmes visant à revaloriser les zones urbaines les plus en difficulté
afin de réduire les inégalités entre les territoires. Ces programmes en France sont désignés
sous le nom de la « politique de la Ville », dont l’Insee fournit la définition suivante : « la
politique de la Ville est une politique de cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale,
envers les quartiers défavorisés et leurs habitants. Elle se déploie sur des territoires infra-
urbains appelés « quartiers prioritaires de la politique de la Ville », caractérisés par un écart de
développement économique et social important avec le reste des agglomérations dans
lesquelles ils sont situés ». Initiée dès les années 1970, la politique de la ville a connu des
vagues successives de réformes et d’extensions que nous abordons dans le premier paragraphe
de cette section. Dans une deuxième section, nous nous penchons plus particulièrement sur les
orientations actuelles de cette politique.

1. Historique et principe de la politique de la Ville

1.1. Un bref retour historique

En France, la politique de la Ville fait son apparition dans les années 1970, faisant suite au
constat d’une forte dégradation des conditions de vie dans les quartiers de Grands Ensembles
construits pendant l’après-guerre. En 1973, la circulaire Guichard, « Ni tours ni barres », met
fin à la construction massive de ces logements, et permet la mise en marche des premières
politiques de réhabilitation de ces quartiers. Ces mesures de réhabilitation sont entérinées par
la mise en place du programme « Habitat et Vie Sociale » en 1977. Cela n’empêche pas le
malaise social de prendre de l’ampleur dans les banlieues françaises comme le démontre si
bien la « crise des banlieues de 1981 » débutées dans le quartier des Minguettes à Vénissieux
et qui s’est rapidement propagée un peu partout en France. C’est alors qu’apparaît pour la
première fois la notion de « politique de la Ville » avec la création de la Commission
Nationale de Développement Social des Quartiers (CNDSQ). La politique prend alors une
tournure plus sociale, plus uniquement centrée sur l’habitat. À partir de cette période vont
s’ensuivre un ensemble d’orientations, de programmes, donnant une dominance plus ou moins
importante à l’un des domaines d’application de la politique de la Ville. Une chronologie plus
détaillée est disponible en annexe 5-1.

245
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

1.2. Le fonctionnement de la politique de la Ville

La politique de la Ville en France a connu de nombreux changements d’orientation au gré des


différents gouvernements en place. Pour autant, certains grands principes sont restés les
mêmes depuis le début de sa mise en œuvre il y a plus de trente ans : l’inter-ministérialité, la
contractualisation et la territorialisation.

L’inter-ministérialité
L’objectif général affiché de la politique de la Ville est de « donner à chacun l’envie de rester
dans son quartier, mais aussi la possibilité de le quitter ». Ainsi, cette politique doit intervenir
sur une pluralité de domaines touchant la vie quotidienne des habitants : éducation, insertion,
emploi, santé, culture, logement, insécurité et discrimination. Pour cela cette politique requiert
l’appui de tous les acteurs concernés, et donc une action inter-ministérielle dont le partenariat
avec les collectivités locales et décentralisées doit être important.

La contractualisation
Afin d’assurer ce partenariat et d’appliquer des orientations globales à un niveau local, la
contractualisation a été mise au cœur du fonctionnement de cette politique. Cela signifie que
l’État passe des contrats avec les différentes collectivités territoriales. La politique de Ville a
connu cinq phases différentes de contractualisation :
 1977-1984 – Habitat et Vie Sociale (HVS) : Programme uniquement centré sur
l’habitat avec une visée d’amélioration des conditions de vie et d’intégration des
grands ensembles dans l’urbain.
 1984-1994 – Convention de Développement Social des Quartiers (CDSQ) : démarche
globale, plus uniquement centrée sur l’habitat. Des expérimentations ont été menées
sur 23 îlots sensibles, avant d’être étendues à 170 via les CPER17 de 1984-1988. S’en
sont suivis un renouvellement et un élargissement de la politique associés à
l’apparition de nouvelles formes contractuelles (Convention de quartier, Contre Ville-
Habitat).
 1994-2006 – Contrats de Ville : L’approche se veut plus globale avec un raisonnement
à l’échelle de la ville ou de l’agglomération.

17
Contrat de Plan État-Région

246
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

 2006-2014 – Contrats Urbains de Cohésion Sociale (Cucs) : Le programme connait un


élargissement important des zones d’application, mais avec une volonté d’unicité du
cadre contractuel et une obligation d’évaluation.
 2014 à aujourd’hui – Contrat de Ville nouvelle génération : Réforme complète de la
politique avec une unicité des contrats et des zones d’application.
Anderson et Vieillard-Baron (2003, p. 13) considèrent que « la force de la politique de la
Ville est d’élargir le champ de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales
avec l’objectif commun de lutter contre les processus d’exclusion sociale et contre toutes les
formes de ségrégation spatiale ».

La territorialisation
La politique de la Ville s’est toujours concentrée, non pas sur des populations en difficulté,
mais sur les quartiers dans lesquels ces populations sont surreprésentées. Cependant, jusqu’en
1993, la notion de quartier en difficulté auquel s’adresse la politique n’avait pas de
délimitation géographique ni juridique claire. Chaque instance locale était alors amenée à
juger de façon subjective la nécessité de traitement et de définition du périmètre d’action.
Devant la duplication trop importante de quartiers traités, charge a été confiée à l’Insee de
« transformer la géographie des années 1980, essentiellement locale – fondée sur les
réputations, des connaissances sensibles et empiriques, des histoires parallèles des quartiers et
des villes – en un ensemble de territoires susceptibles de constituer un objet acceptable pour
une politique nationale de lutte contre l’exclusion. » (Estèbe, 2001, p. 31). Un ensemble
d’indicateurs a pu être élaboré (part des jeunes de moins de 25 ans, de demandeurs d’emploi,
d’étrangers et de non-diplômés, etc.), permettant de situer les quartiers par rapport à leur
environnement. Sur cette base, le décret n°93-203 du 5 février 1993 pris pour l’application de
la Loi d’Orientation de la Ville du 13 juillet 1991 dresse une première liste de zones en
difficulté. Il faudra attendre la loi n°96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre
du Pacte de Relance pour la Ville pour voir l’apparition des Zones Urbaines Sensibles (Zus),
des Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU) et des Zones Franches Urbaines (ZFU) qui sont
restées jusqu’à très récemment au cœur des interventions du gouvernement en faveur de
l’urbain. Leur articulation et leurs principales définitions sont données par la figure 5-1.

247
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Figure 5-1 : L’emboîtement des zones d’intervention de la Politique de la Ville


Source : Rapport de la Cour des Comptes (2009)

Ces différentes zones ont ensuite, sans être remises en question, été également complétées par
la mise en œuvre des Contrats de Ville sur deux générations, 1994-1999 et 2000-2006, et, à
partir de 2006, par les Contrats Urbains de Cohésion Sociale (Cucs) dont la définition du
périmètre géographique est plus large.

2. Les orientations actuelles

Les orientations actuelles en matière de politique de la Ville sont énoncées par la loi n°2014-
173 de Programmation pour la Ville et la Cohésion Urbaine du 21 février 2014. Cette
nouvelle loi a été érigée comme une réforme en réponse aux nombreuses critiques,
notamment de la Cour des Comptes dans son rapport de 2012, et en réponse à la relative
stagnation de la situation des quartiers défavorisés mise en avant tous les ans par l’ONZUS
dans ses rapports. La politique de la Ville se place alors dans un objectif de simplification et
de rationalisation. Ainsi, la pluralité d’actions et de contrats est supprimée en faveur d’un
cadre unique d’intervention unique que sont les Contrats de Ville Nouvelle Génération qui
seront conclus à l’échelle des agglomérations ou des métropoles, dont l’emploi des jeunes en
sera la priorité centrale, mais également la qualité de vie des habitants. Une innovation
centrale de la politique actuelle est la « clause du territoire le plus favorisé », dont le but est
d’identifier les atouts des territoires les plus favorisés à l’échelle de l’agglomération afin de
faire bénéficier les territoires prioritaires et élever l’attractivité de ces derniers. Territoires

248
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

prioritaires qui sont également réformés. En effet, la Cour des Comptes dénonçait en 2012, un
« enchevêtrement croissant des zonages » qui portait préjudice à la lisibilité et à l’application
de la politique.
Ainsi, cette dernière loi a instauré un zonage unique : les quartiers prioritaires. Ces derniers
sont définis uniquement sur le revenu médian. À partir d’un carroyage de 200 mètres sur 200
mètres, les zones concentrant des populations dont les ressources sont inférieures à 60 % du
revenu médian de référence, pondéré localement par le revenu fiscal médian de
l’agglomération, sont désignées comme « quartiers prioritaires », ce qui conduit à l’évolution
de la géographie prioritaire dépeinte dans le tableau 5-1.

Quartiers en contrat
Zones urbaines sensibles Quartiers prioritaires
urbain de cohésion sociale
(2006) (2015)
(2006)
Nombre de quartiers 717 2 304 1 296
Population 4 millions 7,8 millions 4,8 millions
Données : Insee, DGFip, Revenus fiscaux localisés des ménages 2011.
Champ : France métropolitaine, unités urbaines de plus de 10 000 habitants, population des ménages.

Tableau 5-1 : Évolution de la géographie prioritaire


Source : Rapport 2015 ONPV
Nous constatons bien dans ce tableau, la diminution drastique du zonage permettant un
recentrage de l’action publique.

SECTION 2 – Le volet éducatif de la politique de la Ville

Comme nous l’avons vu dans la section précédente, le gouvernement intervient, au nom de la


politique de la Ville dans l’ensemble des domaines touchant à la vie quotidienne des
habitants, dont notamment l’éducation. L’éducation est principalement l’apanage du Ministère
de l’Éducation Nationale à travers sa politique de droit commun et sa politique d’Éducation
Prioritaire. Pour autant, d’autres actions sont également menées pour les enfants habitant les
quartiers défavorisés. L’objectif de cette section est de détailler plus précisément
l’intervention de la politique de la Ville dans ce domaine.
Les questions d’éducation ont toujours été intimement liées à la mise en œuvre de la politique
de la Ville même si ces dernières n’ont pas forcément été appropriées juridiquement à travers
une inclusion dans la contractualisation. En effet, par exemple, les Zones d’Éducation
Prioritaire sont souvent mentionnées dans la politique de la Ville, or ces dernières sont
exclusivement de la responsabilité du Ministère de l’Éducation Nationale. La politique de la
Ville, par son aspect interministériel est concernée mais n’est en aucun cas à l’origine ou
249
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

gestionnaire de ces programmes. Toutefois, il est parfois très compliqué, parmi la multitude
d’actions en faveur de l’éducation, de distinguer celles qui sont initiées au titre de la politique
de la Ville de celles qui découlent et sont gérées par d’autres instances. De plus, malgré cette
volonté affichée d’intervenir sur tous les domaines de la vie quotidienne des habitants des
quartiers défavorisés, ce n’est réellement que depuis une dizaine d’années, et la loi
d’Orientation et de Programmation pour la Ville et la Rénovation Urbaine du 1 er août 2003
que l’éducation a été inscrite dans les orientations prioritaires de la politique de la Ville (c.f.
annexe 5-2 pour plus de précisions sur la chronologie de la politique de la Ville en matière
d’éducation). Dans ce sens, le Sénat (2009), dans son rapport sur l’articulation entre la
politique de la Ville et de l’Éducation Nationale, mentionne que « depuis 2003 et l’adjonction
de la notion de réussite éducative à celle de réussite scolaire, le Ministère de l’Éducation
Nationale a perdu son monopole en matière d’éducation prioritaire : d’autres départements
ministériels interviennent explicitement dans ce domaine. Ainsi, la lutte contre l’échec
scolaire, qui est au cœur de la réduction des inégalités socio-économiques, rassemble en
particulier la politique de la Ville et de l’Éducation Prioritaire dans les quartiers sensibles »
(p. 5). Ces orientations ont été confirmées dans les phases de contractualisation suivantes en
intégrant la réussite éducative dans l’un des cinq champs prioritaires des Cucs, et plus tard en
lui laissant une place de choix dans la réforme de la politique de la Ville.
Plusieurs actions du Ministère de la Ville en faveur de l’éducation ont vu le jour, se sont
renouvelées ou arrêtées, sans qu’il soit forcément facile de savoir quelles actions étaient à
l’œuvre à quelle période. En effet, la circulaire du 20 mai 2006 relative à l’élaboration des
Cucs stipule que ce contrat « intègrera et mettra en cohérence l’ensemble des dispositifs
existant sur le territoire concerné et concourant aux objectifs prioritaires fixés, quelle que soit
leur échelle d’intervention ». Ainsi, le volet « éducation » des Cucs a été constitué des
différents dispositifs inhérents ou frontaliers à la politique de la Ville : Programme de
Réussite Éducative (PRE), Contrat Éducatif Local (CEL), Contrat Local d’Accompagnement
à la Scolarité (CLAS), École Ouverte, actions de lutte contre l’illettrisme, etc. Le rapport du
Sénat publié en 2009 permet d’avoir un recensement exhaustif des actions à l’œuvre à cette
époque (dont le récapitulatif est disponible en annexe 5-3). Toutefois, leur pérennité, les
ampleurs et leurs applications réelles restent vagues.
En 2010, d’après l’Onzus (2011) trois grandes mesures phares avaient à trait à l’éducation : le
Programme de Réussite Éducative, les Cordées de la Réussite et les internats d’Excellence.
Dans le cadre de la réforme de la Politique de la Ville, le Comité Interministériel de la Ville
(CIV) du 19 février 2013 a continué de mettre l’éducation dans ces priorités. Ainsi, les
250
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

principaux dispositifs actuellement soutenus par le SGCIV 18 sont les PRE, les internats
d’excellence, les cordées de la réussite et la lutte contre le décrochage scolaire.
Encadré 1
Les principaux dispositifs de la politique de la Ville en matière d’éducation

Les Projets Réussite Éducative


Les PRE ont été mis en place par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.
Ils s’adressent principalement aux enfants de 2 à 16 ans vivant dans les quartiers prioritaires, et
proposent un parcours et un suivi individualisé en dehors du temps scolaire. Le but est de mettre en
place une équipe pluridisciplinaire apportant son aide à la fois dans l’accompagnement social, scolaire,
dans l’éducation artistique et culturelle, les pratiques sportives mais également le soutien aux parents
dans leur rôle éducatif.

Les internats d’Excellence


Les Internats d’excellence « accueillent des collégiens et lycéens issus de l’Éducation Prioritaire ou
des Zus ne bénéficiant pas d’un environnement propice aux études, afin de leur permettre d’exprimer
leur potentiel et de réaliser le parcours scolaire correspondant » (Onzus, 2011, p. 279).

Les cordées de la réussite


Lancées en 2008, les cordées de la réussite ont pour but d’intensifier les liens entre l’enseignement
secondaire, l’enseignement supérieur et le monde professionnel dans le but d’élargir l’horizon et
d’encourager les jeunes des quartiers prioritaires à saisir l’ampleur des opportunités qui s’offrent à eux
via les études supérieures. Cette action s’adresse aux « jeunes [qui] ne disposent pas, le plus souvent,
d’un environnement favorable à l’expression de leur potentiel ou de leur ambition » (Onzus, 2011, p.
278). Elle repose sur des partenariats entre établissements d’enseignement supérieur et établissements
du secondaire pour mettre en œuvre du tutorat et un ensemble d’actions « contribuant à l’ouverture
culturelle et au développement personnel des jeunes » (Onzus, 2011, p. 278)

18
Secrétariat Général du Comité Interministériel des Villes. Remplacé depuis le 31 mars 2014 par le CGET
(Commissariat Générale de l’Égalité des Territoires) issu de la fusion entre le SGCIV, la Datar (Délégation à
l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité Régionale), et l’Acsé (Agence nationale pour la Cohésion
Sociale et l’Égalité des chances).

251
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

SECTION 3 – Évaluation de l’effet de la politique de la Ville sur le parcours scolaire des


collégiens franciliens

Dans un premier temps, nous présentons le projet de recherche dans lequel s’intègre cette
étude. Nous précisons dans un second temps les données et la méthodologie utilisée, avant de
présenter les premiers résultats obtenus.

1. Projet de recherche « Les effets de la politique de la Ville et de l’Éducation


Prioritaire sur la réussite des élèves »

La volonté et l’obligation d’évaluation a depuis plusieurs années fait partie intégrante de la


politique de la Ville. Les rapports annuels produits par l’Onzus, remplacé en 2015 par
l’ONPV, permettent de mettre en avant les résultats obtenus dans les différents domaines
d’application de la politique. De plus, le rapport de la Cour des Comptes (2012), sur La
politique de la ville, une décennie de réformes, met en avant que les crédits dédiés à la
politique de la Ville se substituent dans certains cas aux crédits mobilisés par les
administrations, insuffisants pour financer des actions qui relèvent normalement des
politiques de chaque ministère. Elle dénonce ainsi un effet pervers particulièrement marqué
dans le domaine de l’éducation ou de l’emploi.
Ce rapport pointe aussi le fait que bien que la réussite éducative relève prioritairement du
Ministère de l’Éducation Nationale, l’Acsé 19 a consacré à cet enjeu 94,8 M€ en 2010,
représentant la prise en charge d’actions d’accompagnement pour 365 000 enfants. En outre,
l’Acsé et le Ministère de l’Éducation Nationale interviennent en doublon sur certaines actions
d’accompagnement à la scolarité ou sur le dispositif « École ouverte », proche des stages de
remise à niveau mise en place dans le cadre du droit commun. Ces différents aspects nous
amènent à penser qu’une évaluation formelle des deux grands dispositifs en faveur de
l’éducation, la politique de la Ville et l’éducation prioritaire, est nécessaire. Plus
particulièrement, il nous semble nécessaire de caractériser l’influence réelle de ces politiques
sur la réussite scolaire des élèves : leur influence propre mais également leur influence
combinée.
Bien qu’elles ne soient pas de même nature, les géographies de la politique de la Ville et de
l’éducation prioritaire sont assez similaires. En effet, d’après le rapport 2013 de l’Onzus,
environ 60 % des collégiens résidant en Zus étaient scolarisés dans un établissement de
l’éducation prioritaire en 2011-2012. Par ailleurs, environ la moitié des collèges Éclair

19
Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances

252
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

(écoles, collèges et lycées pour l'ambition, l'innovation et la réussite) et environ 20 % des


collèges RRS (Réseaux de réussite scolaire) sont situés dans une Zus. Ainsi, les élèves
concernés par les dispositifs de l’éducation prioritaire sont également majoritairement
impactés par la politique de la Ville.
Pourtant, ces dispositifs ne se superposent pas complètement. Les objectifs de la politique de
la Ville et de l’éducation prioritaire ne sont pas les mêmes. La politique de la Ville vise à
réduire les inégalités économiques et sociales sur le territoire et à redynamiser les quartiers en
difficulté, alors que l’éducation prioritaire cherche à compenser les inégalités de résultats
scolaires entre les établissements socialement et scolairement désavantagés et les autres. De
ce fait, la politique de la Ville cible des quartiers et indirectement les individus qui y résident,
alors que l’éducation prioritaire intervient au niveau des établissements scolaires et cible
indirectement les élèves qui y sont scolarisés. Bien évidemment, les populations visées
présentent des caractéristiques communes. Les élèves résidant en Zus présentent en moyenne
plus de difficultés scolaires que les autres élèves. En moyenne, ils sont plus souvent en retard
à l’entrée en 6ème (Baccaïni et al., 2014) et ils s’orientent moins souvent vers des filières
générales à la fin de la 3ème (Onzus, 2013). Les élèves scolarisés en éducation prioritaire sont
plus souvent issus de milieux socialement et économiquement défavorisés que les élèves hors
éducation prioritaire. Parmi les élèves scolarisés dans un collège Éclair à la rentrée 2012, 73
% ont des parents ouvriers ou inactifs et 9 % ont des parents cadres ou enseignants, contre 35
% et 39 % respectivement dans la population des collégiens hors dispositif Éclair (Depp,
2013).
Le lien entre ces deux types de politique a été pointé par l’Onzus dans son rapport 2013, mais
n’a jusqu’à présent pas fait l’objet d’une analyse poussée d’un point de vue économique.
Pourtant, les populations bénéficiant de ces politiques apparaissent être souvent les mêmes,
impliquant ainsi l’existence d’un potentiel double effet éducation prioritaire/Zus sur les
performances scolaires des élèves.
Les questions générales qui se posent sont alors les suivantes : existe-t-il une synergie des
effets de la politique de la Ville avec ceux de l’éducation prioritaire sur la réussite scolaire ?
L’ensemble des actions menées dans le cadre de la politique de la Ville en faveur de
l’éducation, ajouté aux moyens supplémentaires de l’éducation prioritaire permettent-ils
d’améliorer la réussite et le parcours scolaire des élèves ? Ou au contraire, ceux-ci
représentent-ils une double pénalité, liée à un double effet de stigmatisation ?

253
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Plus particulièrement, notre objectif serait alors d’identifier l’effet Zus, l’effet éducation
prioritaire, mais également l’effet double « éducation prioritaire et Zus » sur la réussite
scolaire des collégiens.
Cette problématique implique plusieurs niveaux d’analyse ; le quartier, l’établissement
scolaire et l’élève. La coexistence de ces dispositifs sur le territoire donne alors lieu à une
multitude de situations : un élève peut résider en Zus sans être scolarisé en éducation
prioritaire et vice versa ; un collège peut être situé en Zus et accueillir des élèves ne résidant
pas en Zus, etc. De ce fait, l’étude de ces dispositifs nécessite de tenir compte des choix
scolaires et résidentiels des individus. En outre, l’existence même de ces dispositifs peut
conduire à des mobilités résidentielles et à des changements d’établissements (Givord et al.,
2013 ; Davezies et Garrouste, 2014).

2. Le cadre méthodologique de l’étude

L’ampleur du projet présenté précédemment nécessite du temps et un travail rigoureux, que


l’obtention très récente des données ne nous permet pas de mettre en œuvre dans l’immédiat.
Pour autant, nous nous attelons dans ce chapitre à présenter les premières phases de ce projet.
Ainsi, dans un premier temps, il apparaît nécessaire de caractériser cette population concernée
par ces deux programmes. Dans un deuxième temps, nous nous penchons sur l’effet de la
politique de la ville, sur deux mesures approximatives de la réussite scolaire : le redoublement
et les choix d’orientation.
La multiplicité de programmes en faveur de l’éducation, propres ou frontaliers à la politique
de la Ville, rend compliquée son évaluation. En effet, l’évaluation d’une politique publique
nécessiterait en principe l’analyse d’une action précise et claire sur un objectif. Bien que nous
puissions considérer certaines actions plus importantes que d’autres, leur cadre de mise en
œuvre, leur fonctionnement et leurs interactions avec les autres actions en font un ensemble
impossible à isoler et donc à évaluer. Ainsi, nous sommes dans l’obligation d’évaluer la
politique de la Ville dans son intégralité, dans sa pluralité d’actions.

2.1. Les données utilisées

Nous utilisons deux bases de données dans cette étude : une concernant les élèves et l’autre
concernant les établissements.
La première base est issue d’un travail conjoint entre le Bureau des études statistiques sur les
élèves de la Depp et de l’Insee. Ces données fournissent des informations sur l’ensemble des

254
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

élèves du second degré, de CPGE20 et de STS21, en France métropolitaine, dans les DOM
(hors Mayotte) sous statut scolaire en 2013. Nous disposons ainsi des informations suivantes :
 Le genre, le département et l’année de naissance.
 La Profession et Catégorie Sociale du parent référent (qui, comme dans le chapitre 1,
ont été regroupées en 4 catégories : « très favorisé », « favorisé », « intermédiaire » et
« défavorisé », selon la même méthode que celle décrite en annexe 1-4).
 L’établissement fréquenté durant l’année en cours, et l’établissement fréquenté l’année
précédente.
 Le niveau de formation de l’année en cours et de l’année passée.
 Les coordonnées géographiques du lieu de résidence et le code du quartier de
résidence s’il vit dans un quartier de la politique de la ville.
La seconde base est la Base Centrale des Établissements (BCE) qui regroupe tous les
établissements assurant une activité de formation initiale générale, technologique ou
professionnelle, de la maternelle à l’enseignement supérieur, qu’ils soient publics ou privés,
sous tutelle ou non du Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de
la Recherche. Il est également possible d’y trouver les établissements de formation continue
de l’éducation nationale, les établissements d’enseignement français à l’étranger et les
structures d’administration du système éducatif. Cette base contient l’ensemble des
informations administratives sur les établissements, dont nous ne retiendrons que la
localisation et le statut par rapport à l’éducation prioritaire.

2.2. Le choix d’une application à l’Ile-de-France

Dans le même temps, pour des raisons d’allégement des calculs, nous avons choisi de nous
concentrer sur une région bien particulière : l’Ile-de-France. Cette région représente à elle
seule plus de 25 % de notre échantillon. Et pour cause, l’Ile-de-France, avec ses 12 millions
d’habitants en 2015 répartis dans 8 départements et 1 297 communes et arrondissements,
représente à elle seule 19 % de la population française métropolitaine, alors même qu’elle ne
constitue que 2,8 % de la surface du territoire français. Il s’agit bien sûr de la première région
économique française et l’une des premières au niveau européen, dont l’attractivité ne fait que
s’accroitre que ce soit en termes d’activité économique ou de population. Pour autant, l’Ile-
de-France a également la particularité de compter, parmi les départements qui la composent,

20
Classes Préparatoires aux Grandes Écoles, dont la finalité est la préparation de concours d’entrée aux grandes
écoles (littéraires, commerciales ou scientifiques)
21
Sections Techniques Spécialisées, dont la finalité est l’obtention du BTS

255
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

le plus riche et le plus pauvre de France. Entre 2000 et 2008, les écarts entre les communes les
plus riches et les plus pauvres n’ont cessés de se creuser : les revenus moyens étant cinq fois
plus élevés à Neuilly-sur-Seine (92) et dans le 7ème arrondissement de Paris qu’à Grigny (91),
Garges-lès-Gonesse (95) ou Clichy-sous-Bois (93). Malgré cela, elle reste la région la plus
riche de France. Ces éléments suggèrent l’existence d’une diversité de population sur ce
territoire, et démontre l’importance des inégalités économiques et sociales qui s’y jouent.
Ainsi, de par son dynamisme, son rôle de vitrine de la France et surtout de par l’importance de
ses inégalités, l’Ile-de-France est une région où l’intervention publique est importante,
notamment dans les domaines nous intéressant, à savoir la politique de la Ville (carte 5-1) et
l’éducation prioritaire.

Carte 5-1 : Localisation des ZUS

256
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

2.3. Échantillons et statistiques descriptives

Les élèves de France métropolitaine


Les deux bases ont été appareillées afin de créer un fichier qui, initialement, contient
5 771 217 élèves. Ces données peuvent légèrement différer des données officielles de constat
qui sont fournies à la rentrée scolaire, alors que celles que nous mobilisons recensent les
élèves à la fin de l’année scolaire.
Comme nous l’avons mentionné précédemment, notre objectif est de considérer l’influence de
la politique de la Ville sur le parcours scolaire des élèves. Pour cela, il est nécessaire de
comparer des élèves vivant dans les quartiers de la Ville aux élèves n’en bénéficiant pas.
Comme nous l’avons expliqué dans la section 3 du chapitre 4, pour mener une bonne
évaluation économétrique il est nécessaire que le groupe de contrôle soit constitué d’individus
les plus similaires possibles aux individus traités. Dans notre cadre, le traitement correspond
au fait de résider dans une Zus. Les limites géographiques de ces dernières étant parfaitement
définies, nous considérons que les individus localisés près de ces limites, que ce soit à
l’intérieur ou à l’extérieur, ont des caractéristiques potentiellement proches. Ainsi, afin de
limiter notre échantillon aux individus potentiellement les plus pertinents nous avons choisi
de ne retenir que les élèves vivant à moins de 10 kilomètres de la frontière d’une Zus. Ce
premier seuil de 10 kilomètres est purement arbitraire et ne sert qu’à limiter la taille de
l’échantillon, nous ferons par la suite varier les distances considérées. Une fois cette sélection
effectuée, notre échantillon se compose de 3 421 907 individus localisés à moins de 10
kilomètres d’une Zus en France métropolitaine. Nous avons supprimé les élèves des DOM, de
par la nature très particulière de ces territoires. Ensuite, un certain nombre d’observations
considérées comme aberrantes ont été supprimées telles que :
 Les élèves pas encore ou plus scolarisés dans un établissement du second degré.
 Les élèves pour lesquels il existe une incohérence entre le niveau de formation de
l’année en cours et le niveau de formation de l’année précédente. Par exemple, cela
concerne des individus actuellement inscrits en terminale et dont le niveau de
formation de l’année précédente correspond à la cinquième, ou tout autre cas similaire
lié à un mauvais codage.
Cela nous amène à une base de données composée de 3 218 844 élèves scolarisés de la 6ème à
la terminale.

257
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Nous avons également choisi de ne faire porter notre étude que sur les élèves scolarisés en
collège 22 et dont le niveau de formation correspond aux classes de sixième, cinquième,
quatrième et troisième, soit 1 829 449 élèves localisés à moins de 10 kilomètres d’une Zus.
Après un examen attentif des données, il ressort encore que des valeurs aberrantes sont
présentes. Nous avons ainsi supprimé de l’échantillon :
 Les élèves beaucoup trop jeunes et beaucoup trop vieux pour encore être au collège
dans le cadre d’un parcours scolaire en France, c’est-à-dire les individus de 6 à 8 ans
et de 18 à 25 ans ;
 Les élèves dont le niveau de formation précédent n’est pas en adéquation avec leur
niveau de formation actuel. Par exemple, 6 élèves étaient reportés comme inscrits en
seconde générale et technologique, 8 en première, et plusieurs autres en CAP ou
baccalauréat professionnel.
Cela porte notre échantillon à 1 829 326 collégiens vivant à moins de 10 kilomètres d’une Zus
en France métropolitaine. Notre objectif étant de caractériser les différences en termes de
parcours et de résultats scolaires de ces élèves selon leur localisation par rapport à la politique
de la Ville. Dans ce sens, nous avons créé deux sous-échantillons constitués pour l’un de
l’ensemble des élèves localisés en Zus et pour l’autre ceux résidant à moins de 10 kilomètres
de celles-ci. Les principales caractéristiques de ces trois groupes de collégiens sont détaillées
dans le tableau 5-2.

22
Hors école secondaire spécialisée, établissement expérimental, établissement de réinsertion scolaire, SEGPA,
collège climatique, collège spécialisé ou établissement régional d’enseignement adapté.

258
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Collégiens vivant Collégiens vivant hors-


Ensemble des collégiens
Variable Modalités en Zus Zus
Effectifs % Effectifs % Effectifs %
1 829 326 180 070 1 649 256
Garçon 927 318 50,69 % 90 145 50,06 % 837 173 50,76 %
Genre
Fille 902 008 49,31 % 89 925 49,94 % 812 083 49,24 %
Très favorisée 440 410 24,06 % 11 544 6,41 % 428 596 25,99 %
Favorisée 251 039 13,72 % 13 834 7,68 % 237 205 14,38 %
Catégorie
sociale du parent Intermédiaire 518 862 28,36 % 42 126 23,39 % 476 736 28,91 %
référent
Défavorisée 618 532 33,81 % 112 489 62,47 % 506 043 30,68 %
Non renseignée 753 0,04 % 77 0,04 % 676 0,04 %
Type Privé 292 823 16,01 % 22 319 12,39 % 370 504 22,46 %
d’établissement
fréquenté Public 1 436 503 78,53 % 157 751 87,61 % 1 278 752 77,54 %
ème
6 457 030 24,98 % 46 632 25,90 % 410 398 24,88 %
ème
Niveau de 5 466 908 25,52 % 46 284 25,70 % 420 624 25,50 %
formation actuel 4 ème
465 771 25,46 % 44 571 24,75 % 421 200 25,54 %
ème
3 439 617 24,03 % 42 583 23,65 % 397 034 24,07 %
Non 1 788 189 97,75 % 174 784 97,06 % 1 613 405 97,83 %
Redoublement
Oui 41 137 2,25 % 5 286 2,94 % 35 851 2,17 %
Statut de Hors Éducation Prioritaire 1 495 815 81,77 % 75 172 41,75 % 1 420 643 86,14 %
l’établissement
fréquenté Éducation Prioritaire 333 511 18,23 % 104 898 58,25 % 226 613 13,86 %

Lieu de Hors-Zus 1 649 256 90,16 % - - 1 649 256 100,00 %


résidence Zus 180 070 9,84 % 180 070 100,00 % - -
CM2 444 537 24,30 % 44 470 24,70 % 400 067 24,26 %
1er degré initiation 14 0,001 % 4 0,001 % 10 0,001 %
1er degré adaptation 140 0,01 % 24 0,01 % 116 0,01 %
1er degré enseignement spécial 491 0,03 % 94 0,05 % 397 0,02 %
ème
6 472 447 25,83 % 47 325 26,28 % 425 122 25,78 %
5ème 461 586 25,23 % 44 081 24,48 % 417 505 25,31 %
ème
4 431 072 23,56 % 41 378 22,98 % 389 694 23,63 %
ème
3 16 121 0,88 % 1 964 1,09 % 14 157 0,86 %
Niveau de
formation de Dispositifs relais 31 0,001 % 10 0,01 % 21 0,002 %
l’année ULIS 1 455 0,08 % 285 0,16 % 1 170 0,07 %
précédente
DIMA 18 0,001 % 2 0,001 % 16 0,002 %
6eme SEGPA 137 0,01 % 23 0,01 % 114 0,01 %
eme
5 SEGPA 112 0,01% 23 0,01% 89 0,01%
eme
4 SEGPA 75 0,004 % 21 0,01 % 54 0,009 %
eme
3 SEGPA 15 0,001 % - - 11 0.001 %
MLDS 14 0,001 % - - - -
Non scolarisé 396 0,02 % 51 0,03 % 345 0,02 %
Indéterminé 664 0,04 % 309 0,17 % 367 0,02 %
Dispositifs relais – Dispositifs permettant l’accueil temporaire de collégiens en risque de marginalisation scolaire, et visant
une rescolarisation et resocialisation de ces élèves.

259
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

ULIS : Unités Localisées pour l’Inclusion Sociale – permettent la scolarisation d’élèves présentant des troubles des fonctions
cognitives ou mentales, du langage et des apprentissages, du développement (dont l'autisme), des fonctions motrices, de la
fonction auditive ou visuelle, ou des troubles multiples associés (pluri-handicap ou maladies invalidantes).
DIMA : Dispositifs d’Initiation aux Métiers en Alternance – Destinés aux jeunes voulant entrer en apprentissage ou
rencontrant des difficultés d’adaptation au collège.
SEGPA : Section d’Enseignement Général et Professionnel Adapté – accueillent les élèves présentant des difficultés scolaires
graves et persistantes auxquelles n’ont pu remédier les actions de prévention, d’aide et de soutien.
MLDS : Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire – permet la prise en charge des élèves décrocheurs de plus de 16 ans
en vue d’une rescolarisation et/ou d’une qualification reconnue.
Tableau 5-2 : Statistiques descriptives des collégiens de France métropolitaine vivant à moins de 10 km
d’une Zus en 2013 selon leur lieu de résidence
Source : Depp-Insee (calculs réalisés par l’auteur)

Nous constatons une répartition quasi-parfaite des collégiens entre les quatre niveaux de
formation que comporte le collège avec un cursus logique. Cette fois encore, quasiment 25 %
des collégiens sont issus des classes du niveau inférieur, nous pouvons ainsi imaginer que les
24,98 % élèves de sixième correspondent aux 24,3 % anciens CM2, et ainsi de suite. Comme
le laisse penser les faibles différences d’effectif entre niveau précédent inférieur et niveau
actuel, le redoublement est plutôt marginal en France, celui-ci ne concernant que 2,25 % des
collégiens en 2013. Concernant le lien de ces collégiens aux programmes compensatoires
évoqués précédemment, nous constatons qu’un peu plus de 18 % de nos collégiens sont
scolarisés dans un établissement du réseau d’éducation prioritaire ; et que 10 % de notre
échantillon vit au sein d’une Zus. Le taux de recouvrement entre ces deux programmes est de
près de 58,25 % (parmi les 180 070 collégiens résidant en Zus, 104 898 sont scolarisés dans
un établissement de l’éducation prioritaire). Nous pouvons considérer à partir de cette
information que notre échantillon est globalement plutôt représentatif de la situation sur
l’ensemble de la France, l’Onzus estimant dans son rapport de 2013 un taux de recouvrement
de 60 %.

Globalement, les constats sont sensiblement les mêmes entre les deux sous-échantillons et
l’échantillon principal. La seule variation notable est la différence dans la catégorie sociale
des parents, comme nous pouvons plus aisément l’identifier dans la figure 5-2.

260
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

100%
90%
80%
70%
60% Défavorisée

50% Intermédiaire

40% Favorisée

30% Très favorisée


20%
10%
0%
Total ZUS Hors-ZUS

Figure 5-2 : Part des collégiens en fonction de la catégorie sociale des parents selon le lieu de résidence en
2013
Source : Depp-Insee (calculs réalisés par l’auteur)

Nous pouvons alors voir que la population hors-Zus est représentative de la population totale
alors que les élèves de milieu défavorisé sont surreprésentés dans les Zus. Ce résultat est tout
à fait normal, un des critères de définition des frontières géographiques des Zus étant la
concentration importante de ménages modestes.

Les élèves d’Ile-de-France


Après la sélection des élèves vivant en Ile-de-France, nous avons réalisé le même ensemble de
statistiques descriptives (tableau 5-3).

Collégiens vivant Collégiens vivant hors-


Ensemble des collégiens
Variable Modalités en Zus Zus
Effectifs % Effectifs % Effectifs %
387 755 44 129 343 626
Garçon 196 486 50,67 % 22 079 50,03 % 174 407 50,75 %
Genre
Fille 191 269 49,33 % 22 050 49,97 % 169 219 49,25 %
Très favorisée 112 275 28,96 % 3 220 7,30 % 109 055 31,74 %
Favorisée 45 358 11,70 % 3 658 8,29 % 41 700 12,14 %
Catégorie
sociale du parent Intermédiaire 113 662 29,31 % 13 161 29,82 % 100 501 29,25 %
référent
Défavorisée 116 221 29,97 % 24 073 54,55 % 92 148 26,82 %
Non renseignée 239 0,06 % 17 0,04 % 222 0,06 %
Type Privé 60 608 15,63 % 3 295 7,47 % 57 313 16,68 %
d’établissement
fréquenté Public 327 149 84,37 % 40 834 92,53 % 286 313 83,32 %

261
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

6ème 93 309 24,06 % 10 602 24,03 % 82 707 24,07 %


ème
Niveau de 5 101 738 26,24 % 11 575 26,23 % 90 163 26,24 %
formation actuel 4 ème
97 331 25,10 % 10 948 24,81 % 86 383 25,14 %
ème
3 95 377 24,6 % 11 004 24,94 % 84 373 24,55 %
Non 379 949 97,99 % 43 180 97,85 % 336 769 98,00 %
Redoublement
Oui 7 806 2,01 % 949 2,15 % 6 857 2,00 %
Statut de Hors Éducation Prioritaire 287 321 74,10 % 12 057 27,32 % 275 264 80,11 %
l’établissement
fréquenté Éducation Prioritaire 100 434 25,90 % 32 072 72,68 % 68 362 19,89 %

Lieu de Hors-Zus 343 626 88,62 % - - 343 626 100,00 %


résidence Zus 44 129 11,38 % 44 129 100,00 % - -
CM2 90 574 23,3036 % 10 050 22,77 % 80 524 23,43 %
1er degré initiation 3 0,001 % 2 0,001 % 1 0,001 %
1er degré adaptation 17 0,005 % 4 0,01 % 13 0,001 %
1er degré enseignement spécial 34 0,01 % 7 0,02 % 27 0,01 %
ème
6 103 496 26,69 % 11 929 27,03 % 91 567 26,65 %
ème
5 96 220 24,81 % 10 799 24,47 % 85 421 24,86 %
ème
4 93 457 24,10 % 10 779 24,43 % 82 678 24,06 %
ème
3 3 292 0,85 % 352 0,80 % 2 940 0,86 %
Niveau de
formation de Dispositifs relais 7 0,002 % 1 0,001 % 6 0,001 %
l’année ULIS 246 0,06 % 44 0,10 % 202 0,06 %
précédente
DIMA - - - - 15 0,002
6eme SEGPA 17 0,005 % 2 0,001 % 15 0,002 %
eme
5 SEGPA 15 0,005 % - - 6 0,001 %
eme
4 SEGPA 10 0,004 % 4 0,01 % 2 0,001 %
3eme SEGPA 2 0,001 % - - 10 0,002 %
MLDS 11 0,004 % - - - -
Non scolarisé 92 0,02 % 22 0,05 % 70 0,02 %
Indéterminé 262 0,07 % 133 0,30 % 129 0,07 %
Tableau 5-3 : Statistiques descriptives des collégiens d’Ile-de-France vivant à moins de 10 km d’une ZUS
en 2013 selon leur lieu de résidence
Source : Depp-Insee (calculs réalisés par l’auteur)

Ces quelques statistiques permettent de mettre en avant une relative homogénéité des élèves,
qu’ils résident en Zus ou en dehors de ces zones, à l’exception notoire de trois éléments. Tout
d’abord, la différence de catégorie sociale des parents selon le lieu de résidence est très
marquée. Comme nous pouvons plus explicitement le voir dans la figure 5-3, seulement 7 %
des élèves sont issus d’un milieu très favorisés en Zus, contre 32 % en dehors de ces zones
(soit un écart de 25 points de pourcentage). Cette situation s’inverse si nous considérons la
part d’élèves de catégories sociales défavorisées, ces derniers représentant près de 55 % de la

262
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

population dans les Zus contre 27 % en dehors. Comme nous l’évoquions sur l’ensemble de la
France métropolitaine, ce résultat est standard et est dû à la définition même de ce zonage.

100 %
90 %
80 %
70 %
60 % Défavorisée

50 % Intermédiaire

40 % Favorisée

30 % Très favorisée
20 %
10 %
0%
Total ZUS Hors-ZUS

Figure 5-3 : Part des collégiens en fonction de la catégorie sociale des parents selon le lieu de résidence en
Ile-de-France en 2013
Source : Depp-Insee (calculs réalisés par l’auteur)

Nous pouvons également noter qu’en Ile-de-France, les élèves résidant hors des quartiers
politiques de la ville sont plus de deux fois plus nombreux à fréquenter un établissement privé
(16,7 % contre 7,5 % en Zus).
L’écart le plus significatif (53 points de pourcentage) que nous pouvons noter dans cette
région, entre les élèves de Zus et ceux résidant proche, a trait au statut de l’établissement
fréquenté en termes d’éducation prioritaire. En effet, les élèves résidant en Zus ont plus de 3,5
fois plus de chance de fréquenter un établissement d’éducation prioritaire que leurs camarades
vivant à proximité (73 % contre 20 %).

La comparaison entre ce tableau et les résultats du tableau 5-2 nous permet de dire que la
situation en Ile-de-France est relativement représentative de la situation sur l’ensemble de la
France métropolitaine. Toutefois, même si comme précédemment, les différences majeures
entre élèves concernés ou non par la politique de la Ville sont liées au milieu social dans
lequel évolue les élèves, en Ile-de-France, les enfants de familles très favorisées sont plus
représentés (+5 points de pourcentage sur l’échantillon global, jusqu’à +5,75 points à
proximité des Zus), alors que les élèves évoluant dans un milieu défavorisé sont, relativement

263
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

à la population considérée, moins nombreux dans et en dehors des Zus, en Ile-de-France que
sur l’ensemble de la France métropolitaine.
L’Ile-de-France se distingue également par la part plus importante d’élèves concernés par la
politique d’éducation prioritaire, avec notamment une différence de près de 14 points de
pourcentage en Zus. Cela corrobore nos propos du paragraphe précédent et dénote bien un
déploiement plus important de la politique d’éducation prioritaire dans cette région.
Il est également possible de noter une sensible différence dans le type d’établissement
fréquenté. Dans les Zus d’Ile-de-France, les collégiens sont moins souvent scolarisés dans le
privé (7,5 % contre 12,4 % sur l’ensemble du territoire métropolitain), ce qui est également
valable pour leurs camarades vivant en dehors de ces territoires pour lesquels cet écart est
encore plus important (6 points de pourcentage). Les collégiens dans cette région auraient
donc moins tendance à fréquenter des établissements privés que sur l’ensemble du territoire
français. Cela peut être potentiellement lié à la densité et à l’offre plus importante
d’établissements sur le territoire francilien, comme nous pouvons le voir sur la carte 5-2.

Carte 5-2 : Localisation des collèges

264
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Nous nous baserons donc sur l’ensemble des informations fournies par ce dernier échantillon
pour évaluer les effets de la politique de la Ville sur ces élèves.

3. L’effet de la politique de la Ville sur la scolarité des collégiens en France et en Ile-de-


France

Nous avons vu jusqu’à présent les différents dispositifs de la politique de la Ville et


notamment ceux en faveur de l’éducation. Les données fournies par la Depp nous permettent
d’évaluer l’effet de ces dispositifs. Ainsi, notre objectif est de répondre à la question
suivante : la politique de la Ville a-t-elle un impact sur la réussite scolaire des élèves, que
celui-ci soit positif ou négatif ?

3.1. Mesures des effets de la politique de la Ville et stratégie d’estimation

Dans un premier temps, nous nous attachons à présenter les mesures de la réussite scolaire
étudiée : le redoublement et l’orientation post-troisième. Nous présentons également
l’échantillon nécessaire à l’étude de l’effet de la politique de la Ville sur l’orientation des
élèves de troisième. Dans un second temps, nous présentons la stratégie d’estimation retenue :
la régression sur discontinuité.

3.1.1. Absence de résultats scolaires, le choix du redoublement et des choix


d’orientation après la troisième

La limite majeure aux données en notre possession réside dans l’absence de mesure réelle de
réussite scolaire, telles que les résultats individuels au brevet des collèges ou au baccalauréat
par exemple. Nous sommes donc contraints d’utiliser une autre indication du bon déroulement
du parcours scolaire des élèves qui est le redoublement. En effet, la présence du niveau de
formation de l’année précédente dans la base de données, nous permet la construction de cette
variable. Sont ainsi considérés comme redoublants les élèves dont le niveau de formation pour
l’année en cours correspond également au niveau de formation suivi l’année précédente.
Nous nous sommes également intéressés aux choix d’orientation des élèves. Les élèves issus
des quartiers prioritaires présentent-ils des différences majeures d’orientations ? Pour cela
nous ne considérons que les élèves précédemment scolarisés en troisième et nous observons
leur niveau de formation l’année suivante, toujours sur le territoire francilien. Ce nouvel
échantillon est constitué de la manière suivante : initialement composé de 421 314 collégiens
vivant à moins de 10 kilomètres d’une Zus et scolarisés en classe de troisième en 2013, la

265
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

suppression des erreurs de codage (anciens troisièmes actuellement scolarisés en 6ème par
exemple) porte notre échantillon à 420 846 élèves. Les principales caractéristiques de ces
individus pour la France métropolitaine sont détaillées dans le tableau 5-4.
Ensemble Zus Hors Zus
Variable Modalités Part des Part des Part des
Effectifs élèves Effectifs élèves Effectifs élèves
concernés concernés concernés
Garçon 209 783 49,85 % 20 065 49,27 % 189 718 49,91 %
Genre
Fille 211 063 50,15 % 20 662 50,73 % 190 401 50,09 %
Très favorisée 107 518 25,55 % 2 778 6,82 % 104 740 27,55 %
Favorisée 60 600 14,40 % 3 426 8,41 % 57 174 15,04 %
Catégorie
sociale du parent Intermédiaire 117 346 27,88 % 9 720 23,87 % 107 626 28,31 %
référent
Défavorisée 135 175 32,12 % 24 791 60,87 % 110 384 29,04 %
Non renseignée 207 0,05 % 12 0,03 % 195 0,05 %
Type Privé 88 694 21,08 % 4 554 11,18 % 84 140 22,14 %
d’établissement
fréquenté Public 332 119 78,92 % 36 170 88,81 % 295 949 77,86 %
ème
3 17 183 4,08 % 2 071 5,09 % 15 112 3,98 %
Dispositifs relais 29 0,01 % 12 0,03 % 17 0,002 %
ULIS 192 0,05 % 32 0,08 % 160 0,04 %
DIMA 74 0,02 % 7 0,02 % 67 0,02 %
nde
2 générale et technologique 289 490 68,79 % 20 792 51,05 % 268 698 70,69 %
CAP en 1 an 55 0,01 % 5 0,01 % 50 0,01 %
ère
Niveau de CAP en 2 ans – 1 année 19 028 4,52 % 3 533 8,67 % 15 495 4,08 %
formation actuel Baccalauréat pro. – 2nde 94 315 22,41 % 14 172 34,80 % 80 143 21,08 %
Mention complémentaire 2 0,001 % - - 2 0,001 %
ère
BMA en 2 ans – 1 année 9 0,002 % 1 0,005 % 8 0,003 %
ème
3 SEGPA 12 0,005 % 3 0,01 % 9 0,003 %
ère
Brevet Pro. – 1 année 1 0,001 % - - 1 0,001 %
MLDS 451 0,11 % 99 0,24 % 352 0,09 %
FCIL et FC niveau 5 5 0,002 % - - 5 0,002 %
Non 403 663 95,92 % 38 656 94,91 % 365 007 96,02 %
Redoublement
Oui 17 183 4,08 % 2 071 5,09 % 15 112 3,98 %
Statut de Hors Éducation Prioritaire 409 675 97,35 % 37 390 91,81 % 372 285 97,94 %
l’établissement
fréquenté Éducation Prioritaire 1 138 0,27 % 3 339 8,20 % 78 034 2,06 %

Lieu de Hors-Zus 380 119 90,32 % - - 38 0119 100 %


résidence Zus 40 727 9,68 % 40 727 100 % - -
Tableau 5-4 : Statistiques descriptives des anciens troisièmes en France métropolitaine
Source : MENESR-Depp (calculs réalisés par l’auteur)

Globalement, l’analyse de cet échantillon est sensiblement la même que celui portant sur
l’ensemble des collégiens de l’année suivante. Les deux différences majeures à noter concerne

266
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

le redoublement et la fréquentation d’un établissement d’éducation prioritaire. Le


redoublement est presque deux fois plus élevé en troisième que sur l’ensemble des collégiens,
et l’écart entre les élèves de Zus et les autres est plus important sur cette sous-population
(+0,76 point de pourcentage). Nous constatons que globalement sur cet échantillon,
l’éducation prioritaire ne concerne que 0,27 % des élèves de troisième, contre une couverture
de près de 20 % sur l’ensemble des collégiens métropolitains. Ce résultat est dû au biais
précédemment évoqué, où la seule caractéristique passée observée pour chaque individu est
son niveau de formation, les autres caractéristiques étant fournies pour l’année en cours. Cela
signifie que l’éducation prioritaire concerne l’établissement actuellement fréquenté, et non
l’établissement fréquenté l’année précédente (année de la troisième). Comme nous le mettons
en avant dans le chapitre 4, l’éducation prioritaire concerne principalement les écoles
primaires et les collèges, le traitement des lycées reste marginal. Comme pour l’ensemble des
collégiens, les élèves de troisième connaissent des situations différentes selon qu’ils résident
en Zus ou en dehors (milieu social plus défavorisé, scolarisation dans le privé plus faible,
redoublement et éducation prioritaire plus élevés).

La restriction aux élèves d’Ile-de-France, sur lesquels va porter notre analyse, nous amène à
un échantillon composé de 89 802 anciens troisièmes dont les caractéristiques sont détaillées
dans le tableau 5-5 suivant.
Nous constatons qu’entre les collégiens de troisième de France et d’Ile-de-France, les derniers
se caractérisent par une moindre présence d’élèves de milieux défavorisés quel que soit le lieu
de résidence, et par une part plus importante d’élèves de milieu très favorisés en dehors des
Zus. De plus, les anciens troisièmes d’Ile-de-France se dirigent moins vers l’enseignement
privé que sur l’ensemble du territoire.
Si nous comparons les différences entre élèves en Zus et hors Zus sur l’ensemble du territoire
et en Ile-de-France, nous constatons des écarts importants au niveau du milieu social des
élèves. Les inégalités entre élèves de Zus et hors Zus sont moins marquées en Ile-de-France.
En effet, bien qu’il y ait un écart plus important en Ile-de-France entre élèves de Zus et hors-
Zus issus de milieux très favorisés, l’écart est moindre dans cette région que sur la France
lorsque nous considérons les milieux défavorisés (tableau 5-6).

267
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Ensemble Zus Hors Zus


Variable Modalités Part des Part des Part des
Effectifs élèves Effectifs élèves Effectifs élèves
concernés concernés concernés
89 802 10 165 79 637
Garçon 45 049 50,16 % 5 052 49,70 % 39 997 50,22 %
Genre
Fille 44 753 49,84 % 5 113 50,30 % 39 640 49,78 %
Très favorisée 26 532 29,54 % 772 7,59 % 25 760 32,35 %
Favorisée 11 242 12,52 % 993 9,77 % 10 249 12,87 %
Catégorie
sociale du parent Intermédiaire 26 038 28,99 % 3 094 30,44 % 22 944 28,81 %
référent
Défavorisée 25 931 28,88 % 5 303 52,17 % 20 628 25,90 %
Non renseignée 59 0,07 % 3 0,03 % 56 0,07 %
Privé 14 872 16,56 % 634 6,24 % 14 238 17,88 %
Type
d’établissement Public 74 902 83,41 % 9 529 93,74 % 65 373 82,09 %
fréquenté
Non renseigné 28 0,03 % 2 0,02 % 26 0,03 %
ème
3 3 241 3,61 % 346 3,40 % 2 895 3,64 %
Dispositifs relais - - - - - -
ULIS 40 0,04 % 8 0,08 % 32 0,04 %
DIMA 2 0,001 % - - 2 0,001 %
nde
2 générale et technologique 62 649 69,76 % 5 472 53,83 % 57 177 71,80 %
CAP en 1 an 19 0,02 % 2 0,02 % 17 0,02 %
ère
Niveau de CAP en 2 ans – 1 année 3 337 3,72 % 622 6,12 % 2 715 3,41 %
formation actuel Baccalauréat pro. – 2 nde
20 495 22,82 % 3 714 36,54 % 16 781 21,07 %
Mention complémentaire 1 0,001 % - - 1 0,001%
BMA en 2 ans – 1ère année - - - - - -
3ème SEGPA - - - - - -
ère
Brevet Pro. – 1 année - - - - - -
MLDS 18 0,02 % 1 0,001 % 17 0,02 %
FCIL et FC niveau 5 - - - - - -
Non 86 561 96,39 % 9 819 96,60 % 76 742 96,36 %
Redoublement
Oui 3 241 3,61 % 346 3,40 % 2 895 3,64 %
Hors Éducation Prioritaire 87 544 97,49 % 9 623 94,67 % 77 921 97,85 %
Statut de
l’établissement Éducation Prioritaire 2 230 2,48 % 540 5,31 % 1 690 2,12 %
fréquenté
Non renseigné 28 0,03 % 2 0,02 % 26 0,03 %

Lieu de Hors-Zus 79 637 88,68 % - - 79 637 100 %


résidence Zus 10 165 11,32 % 10 165 100 % - -
Tableau 5-5 : Statistiques descriptives des anciens troisièmes en Ile-de-France
Source : MENESR-Depp (calculs réalisés par l’auteur)

268
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Différence Zus/Hors Différence Zus/Hors


Écart France/Ile-de-
Zus en France (1) Zus en Ile-de-France
France (2)
(1)
Catégorie sociale Très favorisée -20,73 -24,76 +4,03
du parent référent Favorisée -6,63 -3,10 -3,53
Intermédiaire -4,44 +1,63 -6,07
Défavorisée +31,83 +26,27 +5,56
(1) : % de ménages en Zus – % de ménages hors-Zus
(2) (1) pour la France – (1) pour l’Ile de France
Tableau 5-6 : Les écarts de milieux sociaux entre élèves de Zus et en dehors pour la France et l’Ile-de-
France
Source : MENESR-Depp (calculs réalisés par l’auteur)

Cet échantillon nous servira de base pour l’estimation de l’effet de la politique de la Ville sur
l’orientation des collégiens franciliens après la troisième.

3.1.2. La stratégie d’estimation retenue

Comme nous l’avons montré dans le chapitre 4, pour évaluer l’effet d’une politique publique,
il conviendrait de mettre en œuvre une expérience aléatoire ou encore de comparer les
différences de résultats entre la population traitée et cette dernière si elle ne l’avait pas été.
Cependant, comme nous l’avons expliqué dans le chapitre précédent, cette situation n’existe
pas et n’est donc pas observable, il est donc nécessaire de construire un groupe de contrôle
correspondant le plus possible à la population traitée.
Aussi, nous ne pouvons pas nous contenter de comparer la situation des élèves localisés en
Zus à celle des élèves résidant à l’extérieur de ces quartiers. En effet, comme nous l’avons
montré dans le premier paragraphe de la section 3 du chapitre 4, la simple comparaison de
l’estimation pour la population traitée (vivant en Zus) à celle du groupe de contrôle entraine
un biais d’estimation de l’effet causal, du fait des différences systématiques entre population
traitée et non-traitée. Ainsi, nous ne pourrons différencier de ces estimations l’effet causal de
l’effet population, il est alors nécessaire de pousser davantage l’analyse et d’utiliser des
méthodes d’évaluation quasi-expérimentale, c’est-à-dire se placer dans des conditions proches
de celles d’une expérience aléatoire. Le cadre de la régression sur discontinuité est adapté à
ces contraintes. En effet, cette méthode exploite l’idée simple que si des individus sont plus
souvent affectés au traitement lorsqu’une caractéristique continue (note à un examen,
distance, niveau de ressources, etc.) dépasse un certain seuil, alors les individus se trouvant
juste en dessous et juste au-dessus de ce seuil sont comparables ; seule diffère leur exposition

269
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

au programme. C’est dans l’optique de répondre à ce critère que nous avons limité notre
échantillon aux individus résidant dans un périmètre relativement restreint autour des Zus.
Dans notre étude, nous considérerons que cette caractéristique continue est la distance à la
frontière de la Zus qui a été calculée pour tous les élèves, que ceux-ci se trouvent en dehors ou
dans les Zus. Ainsi, par une simple transformation de la variable, l’éloignement de cette
frontière a été exprimée par une distance positive lorsque l’élève habite dans la Zus et
négative lorsque ce dernier vit en dehors, nous avons une intervention du traitement à une
distance nulle, c’est-à-dire à la frontière de la Zus (figure 5-423).

Figure 5-4 : Représentation de la stratégie d’estimation dans un cadre de régression sur discontinuité basé
sur la distance à la frontière

L’utilisation de la méthode de régression sur discontinuité repose sur l’utilisation de


modélisation proposée par Rubin (1974) telle que nous l’avons présentée dans le chapitre 4.
Soit 𝑇𝑖 la variable de traitement, valant 1 lorsque l’élève réside dans une Zus et 0 sinon. 𝑌𝑖
désigne la variable d’intérêt, c’est-à-dire ici la mesure du parcours scolaire (redoublement ou
orientation) de l’élève 𝑖, avec 𝑌𝑖 (1) la valeur de cette variable quand l’élève 𝑖 réside en ZUS
et 𝑌𝑖 (0) la valeur quand l’élève réside en dehors. Une seule de ces valeurs étant observée pour
chaque individu, celle-ci est définie par :

𝑌𝑖 = 𝑌𝑖 (0) + 𝑇𝑖 (𝑌𝑖 (1) − 𝑌𝑖 (0)) (5.1)

Qui peut être également réécrite comme :

𝑌𝑖 = 𝛼𝑖 + 𝛽𝑖 𝑇𝑖 (5.2)

23
Nous arrêtons la distance à 616,8 mètres car il s’agit de la distance à la frontière maximale observée pour un
élève vivant en Zus. Et nous définissons la frontière du groupe de traitement par application de la symétrie par
rapport à la frontière de cette distance maximale.

270
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

L’objectif de l’évaluation est d’estimer ce coefficient 𝛽𝑖 qui correspond à l’effet de résider en


Zus sur le redoublement ou le parcours scolaire de l’élève 𝑖. Cet effet ne peut être obtenu
directement vu que les deux états (résider dans une Zus ou hors d’une Zus) ne peuvent être
observés pour un même élève.
Deux cadres sont généralement distingués pour la mise en œuvre d’une régression sur
discontinuité : le sharp design et le fuzzy design (Trochim, 1984 ; Hahn et al., 2001 ; Givord,
2015). Le choix entre ces deux cadres dépend de l’aspect déterministe de l’assignation au
traitement. Le sharp design sera utilisé lorsque l’assignation au traitement est déterministe,
c’est-à-dire que lorsque le seuil d’éligibilité est atteint, tous les individus sont traités. Alors
qu’un fuzzy design sera utilisé lorsque la probabilité de recevoir le traitement varie autour du
seuil, l’assignation n’est alors pas déterministe.
Nous nous trouvons ici dans le cadre d’un sharp design, les frontières des Zus concentrant la
zone de traitement étant parfaitement délimitées géographiquement.
Dans ce cadre, l’assignation 𝑇𝑖 est une fonction déterministe d’une des variables explicatives,
appelée forcing variable, 𝑋𝑖 telle que :

𝑇𝑖 = 1{𝑋𝑖 ≥ 𝑐} (5.3)

Ici, 𝑋𝑖 correspond à la distance à la frontière, et tous les élèves dont la distance est supérieure
à 𝑐 (correspondant à une distance nulle dans notre cas) sont tous assignés au traitement (ils
résident bien tous dans une Zus), alors que les autres sont assignés au groupe de contrôle.
Imbens et Lemieux (2008) démontrent que l’effet causal du traitement, obtenu au point de
discontinuité 𝑐 est donné par :

𝜏𝑆𝑅𝐷 = 𝐸[𝑌𝑖 (1) − 𝑌𝑖 (0)|𝑋𝑖 =𝑐]


(5.4)
𝜏𝑆𝑅𝐷 = lim 𝐸[𝑌𝑖 |𝑋𝑖 = 𝑥] − lim 𝐸[𝑌𝑖 |𝑋𝑖 = 𝑥]
𝑥↓𝑐 𝑥↑𝑐

L’estimation de cet effet correspond à l’effet moyen local du traitement (Local Average
Traitment Effect – LATE).

Un premier test est nécessaire afin de nous assurer de la faisabilité et du bien fondé de notre
stratégie d’estimation. Il s’agit de statuer sur l’hypothèse de continuité, qui assure la
comparabilité des élèves de part et d’autre du seuil. Cependant, cette hypothèse n’est pas

271
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

directement testable mais il est possible de comparer les valeurs moyennes de certaines
caractéristiques observables entre les élèves résidant à proximité des Zus, à l’intérieur et à
l’extérieur de ces dernières. Si nous nous intéressons aux principales caractéristiques socio-
démographiques observables dans les données, nous obtenons les résultats reportés dans le
tableau 5-7, pour différentes distances autour du seuil.

Estimation des probabilités de redoublement


Effets marginaux moyens
(Probit)
Population traitée Groupe de contrôle
Distance à la frontière
100m 300m 600m 100m 300m 600m
Nb. d’obs. 23 528 42 144 44 129 42 690 67 117 107 249
(Intercept) -0,2592*** -0,2554*** -0,2575*** -0,2555*** -0,2732*** -0,2913***
Genre
Garçon Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Fille -0,0085*** -0,0085*** -0,0087*** -0,0060*** -0,0066*** -0,0076***
PCS Défavorisées
Non Ref. Ref. Ref. Ref. Ref. Ref.
Oui 0,0039* 0,0030* 0,0031* 0,0035** 0,0041*** 0,0042***
Age 0,0124*** 0,0120*** 0,0122*** 0,0134*** 0,0142*** 0,0153***
Exemple de lecture : Les filles résidant en Zus, à moins de 100m. de la frontière sont en moyenne 0,8 % de moins à redoubler que les
garçons dans la même zone.
Tableau 5-7 : Comparaison des caractéristiques observables entre population traitée et groupe de contrôle
à différents éloignements de la frontière

Nous constatons que globalement, les résultats de la population traitée et du groupe de


contrôle sont assez proches quelle que soit la largeur de la bande autour de la frontière
choisie. Ainsi, nous pouvons considérer l’hypothèse de continuité valable et donc valider
notre stratégie d’identification et d’estimation, dont les résultats sont détaillés dans la sous-
section suivante.

3.2. L’effet de la politique sur le redoublement

Les élèves de quartiers de la politique de la Ville sont régulièrement rapportés comme ayant
des résultats scolaires plus faibles que sur l’ensemble du territoire. Par exemple, les dernières
statistiques en date, fournies par l’ONPV (2016, p. 98) dans son dernier rapport, soulignent
que « le taux de réussite au brevet avoisine 85 % dans les collèges accueillant moins de 10 %
d’élèves de quartiers prioritaires, il est d’environ 80 % pour ceux comprenant entre 10 et 25 %
d’élèves de quartiers prioritaires et à peine de 75 % dans ceux où cette part dépasse 25 %. »
Comme nous le précisions auparavant, n’ayant pas les données nécessaires à une étude plus
poussée du rôle que pourrait venir jouer la politique de la Ville dans ces résultats, nous nous

272
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

concentrerons sur un autre aspect du parcours scolaire des élèves, à savoir le redoublement.
Notre objectif est de montrer dans quelle mesure la politique de la Ville vient influencer les
résultats scolaires, à savoir quel rôle réel la localisation résidentielle par rapport à la politique
de la Ville a-t-elle, toutes choses égales par ailleurs, sur les résultats des élèves.
Initialement, sur la base de nos simples a priori nous pensions que, les résultats scolaires étant
plus faibles en Zus, le redoublement y est probablement plus important qu’ailleurs. Si les
élèves de Zus connaissent de réelles difficultés scolaires, cela devrait aussi se traduire par un
taux de redoublement plus important dans ces zones.
Cependant, une première analyse des simples statistiques présentées dans le tableau 5-3
précédent nous permet de douter de cette affirmation. En effet, nous pouvons constater que le
taux de redoublement est relativement stable selon le lieu de résidence. En Ile-de-France, ce
taux s’élevait en 2013 à 2,15 % dans les Zus et à 2 % en dehors, résultats confirmés au niveau
national dans une note d’information où la Depp (Mattenet et Sorbe, 2014) évaluait un taux de
redoublement à 2,3 %. Ces premières statistiques mettent en avant un taux de redoublement
légèrement plus important en Zus qu’ailleurs. Ces résultats sont-ils liés au lieu de résidence, et
donc à la politique qui y est appliquée ou non ? Il convient de vérifier cela avec une réelle
approche évaluative. Nous avons donc estimé l’effet local du traitement, c’est-à-dire du fait de
résider en Zus, sur le redoublement en mobilisant le cadre de la régression sur discontinuité
évoquée précédemment. Nous avons procédé à cette estimation dans différentes fenêtres
autour de la frontière de la Zus (100 mètres, 200 mètres, 400 mètres et 616 mètres de part et
d’autre de la frontière) mais également à travers différents modèles comprenant plus ou moins
de variables explicatives supplémentaires (le genre, l’âge, la catégorie sociale, et le statut
d’éducation prioritaire). L’ensemble des résultats de ces différentes estimations sont
disponibles dans le tableau 5-8.

273
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Modèle I Modèle II Modèle III Modèle IV Modèle V

100 m. -0,007200** -0,006384** -0,005380* -0,006533** -0,005943*


nb. obs : 66 215 (0,0025) (0,0025) (0,0025) (0,0025) (0,0025)

200 m. -0,006324** -0,005724** -0,004897* -0,006042** -0,005583**


Fenêtre
nb obs : 91 752 (0,0020) (0,0020) (0,0020) (0,0020) (0,0020)
autour du
400 m. -0,006075*** -0,005602*** -0,005036*** -0,006149*** -0,005915***
seuil
nb obs : 123 712 (0,0015) (0,0015) (0,0015) (0,0015) (0,0015)

616 m. -0,005819*** -0,005433*** -0,004997*** -0,005555*** -0,005904***


nb. obs : 151 260 (0,0013) (0,0013) (0,0013) (0,0013) (0,0013)
Modèle I : redoublement en fonction de la distance ; Modèle II : modèle I + sexe et âge ; Modèle III : modèle II + catégorie
sociale ; Modèle IV : modèle II + statut d’éducation prioritaire ; Modèle V : modèle III + statut d’éducation prioritaire
Lecture : En moyenne, les collégiens d’Ile de France vivant en Zus ont une probabilité plus faible de 0,58 à 0,72 points de
pourcentage que les collégiens vivant à proximité de ces Zus. Les écarts-types sont entre parenthèses. Significativité : * :
p<0,05, ** : p<0,01, *** : p<0,001.
Tableau 5-8 : Estimation de l’effet de la politique de la Ville sur le redoublement des collégiens franciliens
Source : MENESR-Depp (calculs réalisés par l’auteur)

Globalement, ces résultats nous montrent que quels que soient le modèle et la fenêtre
considérés, l’effet local du traitement est significativement différent de zéro. Plus
précisément, cela signifie que le fait de résider en Zus et donc de bénéficier des différents
programmes en faveur de l’éducation de la politique de la Ville a bien un impact sur le
redoublement des collégiens en Ile-de-France. Plus précisément, nous pouvons dire que ces
mesures viennent même, en moyenne, diminuer les probabilités de redoublement des
collégiens de 0,5 à 0,7 point de pourcentage selon le modèle considéré. Ces résultats nous
permettent de conclure que le taux de redoublement, plus important dans les Zus qu’ailleurs,
n’est pas dû à la politique de la ville qui a un effet positif sur la scolarité des élèves. Ainsi,
d’autres facteurs viennent compenser cet effet et favorisent le redoublement dans ces zones.
Cependant, nous ne sommes pas en mesure de statuer sur ces facteurs, et ce n’est pas l’objet
de cette étude.

Nous venons, à travers ces résultats, de montrer un rôle positif de la politique de la Ville sur la
scolarité des collégiens en Ile-de-France, cette dernière venant diminuer leur risque de
redoublement.
Nous nous sommes également interrogés sur le rôle potentiel des dispositifs éducatifs de la
politique de la Ville sur le choix d’orientation des élèves. En effet, les rapports de l’Onzus et
de l’ONPV, qui lui a succédé ces dernières années, pointaient également des différences
d’orientation entre élèves vivant en ZUS et en dehors de ces zones.

274
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

3.3. L’effet de la politique de la Ville sur les choix d’orientation après la troisième

Dans son rapport paru en 2014, l’Onzus soulignait que « les orientations scolaires au cours du
lycée diffèrent de manière significative selon que les élèves viennent ou non d’un collège en
Zus. Les lycéens issus de collèges en Zus s’orientent, deux ans après la 3ème, beaucoup moins
vers une filière générale en 1ère (27,1 %) que ceux issus de collèges en dehors des Zus (40,4
%) ». Bien que notre approche soit légèrement différente, nous nous intéressons à la
localisation des élèves et non à celle des établissements par rapport au zonage de la politique
de la ville, nous nous attachons dans cette sous-section à évaluer le rôle particulier de cette
politique sur les choix d’orientation. Ces différences observées sont-elles liées à la politique
ou à d’autres facteurs ?
Pour répondre à cette question nous utilisons la même stratégie que pour le redoublement, à la
différence que la variable d’intérêt considérée n’est plus le fait ou non de redoubler mais le
choix d’orientation effectué après la troisième. Pour cela, nous avons sélectionné l’ensemble
des élèves scolarisés en 2012 en 3ème générale. Observant leur niveau de formation en 2013,
nous avons classifié ces derniers en quatre catégories distinctes : (A) l’élève poursuit dans la
filière générale et technologique en allant en 2nde ; (B) l’élève poursuit ses études dans une
filière professionnalisante (CAP, baccalauréat professionnel ou BMA) ; (C) l’élève intègre un
dispositif d’aide ; (D) l’élève redouble. Le passage des niveaux de formation à cette
classification est donné dans le tableau 5-9.

Code Formation Niveau de formation Catégorie


ème
2116 3 D
2118 Dispositifs relais C
2119 ULIS C
2135 DIMA B
nde
2211 2 générale et technologique A
2311 CAP en 1 an B
2321 CAP en 2 ans - Première année B
nde
2381 Bac professionnel – 2 B
2391 Mention complémentaire C
23C1 BMA en 2 ans - Première année B
ème
2434 3 SEGPA C
2511 Brevet professionnel - Première année B
4141 MLDS C
Tableau 5-9 : Classification des niveaux de formation en termes d’orientation

275
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Pour cela, nous nous basons sur le nouvel échantillon d’anciens élèves de 3ème. Celui-ci est
constitué sur l’Ile-de-France de 89 802 individus, dont 10 165 résident dans une Zus. Si nous
réalisons la classification à partir des statistiques descriptives fournies dans le tableau 5-5,
nous obtenons le tableau 5-10 suivant.

Total ZUS Hors ZUS

Filière Effectif % Effectif % Effectif %

A Générale et technologique 62 649 69,76 % 5 472 53,83 % 57 177 71,80 %

B Professionnelle 23 853 26,56 % 4 338 42,68 % 19 515 24,50 %

C Aide 59 0,07 % 9 0,09 % 50 0,06 %

D Redoublement 3 241 3,61 % 346 3,40 % 2 895 3,64 %

Tableau 5-10 : Filière suivie après la troisième en Ile-de-France en 2013 selon le lieu de résidence
Source : MENESR-Depp (calculés réalisés par l’auteur)

Nous pouvons constater que nous retrouvons les mêmes résultats que ceux mis en avant dans
les rapports Onzus, à savoir une proportion moindre (-18 points de pourcentage) d’anciens
collégiens vivant en Zus qui poursuivent l’année suivante dans le cursus classique en seconde
générale et technologique. Au contraire, ces derniers sont presque proportionnellement deux
fois plus nombreux à se diriger vers une filière professionnelle. Nous nous interrogeons donc
sur l’origine de ces différences : peuvent-elles être attribuées à la politique de la Ville ? Pour
répondre à cela, nous mettons en œuvre, tout comme précédemment, une régression sur
discontinuité dont la logique peut être appréhendée par la figure 5-5.

Figure 5-5 : Représentation de la stratégie d’estimation dans un cadre de régression sur discontinuité basé
sur la distance à la frontière

La limite principale dans cette estimation réside dans le fait que nous ne sommes pas en
mesure d’observer la localisation des élèves l’année précédente, soit l’année de leur troisième
durant laquelle leur choix d’orientation s’est opéré. Nous sommes contraints de considérer
que ces derniers n’ont pas déménagé entre 2012 et 2013 et nous caractérisons alors l’effet de
la politique de la Ville par rapport à une position actuelle sur un choix passé.
276
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Afin de réaliser l’estimation sur une probabilité de traitement, nous avons dû dichotomiser
chaque choix de filière, une estimation sera donc réalisée par orientation possible. Cependant,
le redoublement n’étant pas forcément la résultante d’un choix, nous ne réaliserons pas
d’estimation pour cette option. De plus, il ne s’agit ici que d’un sous-échantillon de l’étude
faite dans la sous-section précédente. Nous ne considérerons pas non plus la filière d’aide,
celle-ci ne concernant qu’un nombre très restreint d’élèves.
Les résultats de ces différentes estimations sont disponibles dans le tableau 5-11. Comme
pour l’estimation de l’effet de la politique de la Ville sur le redoublement vu précédemment,
nous avons considéré cinq modèles différant de par les variables explicatives intégrées (genre,
âge, catégorie sociale des parents, fréquentation d’un établissement d’éducation prioritaire).
Nous avons également réalisé les estimations à différents éloignements autour de la frontière.
Il ressort de ces estimations qu’en moyenne les élèves concernés par la politique de la Ville
ont une probabilité plus faible de 3,4 à 12,8 points de pourcentage de s’orienter vers une
seconde générale et technologique après la troisième, comparativement à leurs camarades ne
vivant pas en Zus. L’autre résultat principal de ces estimations est qu’en moyenne les élèves
résidant en Zus, et donc impactés par la politique de la ville, ont une probabilité plus
importante de 0,3 à 12 points de pourcentage de s’orienter vers une filière professionnelle du
type CAP ou baccalauréat professionnel comparativement aux élèves vivant à proximité des
Zus.

277
Filière générale et technologique Filières professionnelles

Modèle I Modèle II Modèle III Modèle IV Modèle V Modèle I Modèle II Modèle III Modèle IV Modèle V

-0,1231*** -0,06311*** -0,02502 . -0,05375*** -0,01747 0,1173*** 0,05542*** 0,01972 0,05569*** 0,02064
100 m.
(0,014) (0,013) (0,013) (0,013) (0,013) (0,014) (0,013) (0,013) (0,013) (0,013)
-0,1280*** -0,07209*** -0,03364** -0,06273*** -0,02624* 0,1209*** 0,06288*** 0,02721* 0,06392*** 0,02873**
Fenêtre 200 m.
(0,012) (0,011) (0,011) (0,011) (0,011) (0,011) (0,011) (0,011) (0,013) (0,011)
autour du
-0,1276*** -0,07628*** -0,03820*** -0,06688*** -0,03086*** 0,1198*** 0,06614*** 0,03110*** 0,06757*** 0,03292***
seuil 400 m.
(0,010) (0,009) (0,009) (0,009) (0,009) (0,010) (0,009) (0,009) (0,009) (0,009)
-0,1265*** -0,07736*** -0,04133*** -0,06814*** -0,03416*** 0,1197*** 0,06836*** 0,03521*** 0,06976*** 0,03702***
616 m.
(0,009) (0,009) (0,009) (0,009) (0,009) (0,009) (0,008) (0,008) (0,008) (0,008)
nde
Modèle I : orientation en 2 GT en fonction de la distance ; Modèle II : modèle I + sexe et âge ; Modèle III : modèle II + catégorie sociale ; Modèle IV : modèle II + statut d’éducation
prioritaire ; Modèle V : modèle III + statut d’éducation prioritaire
Significativité . : p<0,1 ; * : p<0,05, ** : p<0,01, *** : p<0,001.
Tableau 5-11 : Estimation de l’effet de la politique de la Ville sur l’orientation des collégiens franciliens vers la filière générale
Source : MENESR-Depp (calculs réalisés par l’auteur)

278
Partie 2 – Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens

Ainsi, nous identifions dans cette étude que la politique de la Ville vient bien influencer
le parcours scolaire des jeunes en induisant d’une manière ou d’une autre ces derniers à
se diriger vers les filières professionnalisantes au dépend des filières plus générales. Ces
résultats ne sont en aucun cas une marque d’échec scolaire dans ces quartiers mais
viennent tout de même poser la question du réel effet de rattrapage et d’uniformisation de
ces quartiers dans le cadre de la politique de la Ville. En effet, comme nous avons pu le
mettre en avant dans le chapitre 4 et dans les premières sections de ce chapitre, l’objectif
des politiques compensatoires comme la politique de la Ville est d’aider les populations
les plus en difficulté, dans le but de réduire l’écart, quel qu’il soit, entre ces derniers et le
reste des habitants de la ville. Cependant, le fait que les enfants issus de milieux sociaux
intermédiaires et défavorisés, dont les parents sont principalement ouvriers, employés ou
chômeurs, s’orientent de façon plus importante vers les filières professionnelles dénote
d’une panne de l’ascenseur social dans ces quartiers, et donc d’un échec relatif de la
politique de la Ville. Nous pouvons d’autant plus considérer ce résultat comme un échec
de la politique de la Ville que, comme nous l’avons montré dans le section 2, les mesures
en faveur de l’éducation dans le cadre de la politique de la Ville ont, pour beaucoup,
ambition de sortir les enfants de ces quartiers, de les orienter vers l’enseignement
supérieur.

279
Conclusion du chapitre 5

Ce chapitre se place dans la continuité du précédent en s’intéressant à l’évaluation d’une


politique publique en faveur de l’éducation. Contrairement à l’ensemble des évaluations
recensées dans le chapitre 4, nous nous intéressons ici, plus particulièrement, à une
politique dont la visée n’est pas uniquement éducative : la politique de la Ville en France.
Cependant, cette dernière possède tout un volet « éducation » avec un certain nombre de
mesures à destination des enfants vivant dans les quartiers défavorisés identifiés par cette
politique. Nous nous attachons à évaluer l’effet de cette politique sur le parcours scolaire
des collégiens franciliens à travers deux mesures : le redoublement et l’orientation après
la troisième. Pour cela, l’utilisation du zonage de la politique de la Ville nous permet de
réaliser une évaluation via la mise en œuvre de régressions sur discontinuité. Il ressort de
cette étude que la politique de la Ville aurait pour effet de diminuer les probabilités de
redoublement de 0,5 à 0,7 point de pourcentage. Nous mettons également en avant un
impact de cette politique sur les choix d’orientation. Nous montrons ainsi que la politique
de la Ville est responsable de la probabilité plus importante de poursuivre les études après
la troisième vers une filière professionnelle à hauteur de 25 points de pourcentage. Nous
montrons également que cet effet est inversé pour la filière générale, la probabilité d’aller
en seconde générale et technologique étant diminuée de 3 à 13 points de pourcentage par
rapport aux individus résidant à proximité mais n’étant pas concernés par la politique.
Globalement, nous retenons de cette étude que la politique de la Ville joue bien un rôle
dans le parcours scolaire des élèves, mais son bénéfice réel reste à prouver. En effet, les
résultats sur l’orientation laissent supposer une absence de l’ascenseur social, et une
tendance renforcée à la reproduction sociale induite par la politique. Cependant, les
objectifs de ces programmes sont tout autre, et visent au contraire l’ouverture vers
d’autres possibilités d’études.
Cependant, nous pensons que ces résultats doivent être nuancés et complétés par une
analyse supplémentaire : la politique de la Ville n’est pas la seule à impacter les enfants
des quartiers défavorisés. En effet, comme nous l’avons montré, près de 60 % des élèves
vivant en ZUS sont également concernés par la politique d’Éducation Prioritaire, et nous
nous demandons donc si l’effet que nous mesurons peut être réellement attribué à
l’unique politique de la Ville. En effet, il se pourrait bien que ces effets puissent être la
résultante de l’effet conjoint de ces deux programmes. Il s’agit là d’une piste en cours
d’exploration, les résultats présentés dans ce chapitre n’étant que la première phase d’une

280
recherche plus globale. Par la suite, dans un premier temps, nous nous attacherons à
identifier de la même manière l’effet pour un élève d’être scolarisé dans un établissement
relevant de l’éducation prioritaire. L’objectif serait alors de mettre en avant l’effet de
cette politique sur différentes mesures de la réussite scolaire comme nous l’avons fait
dans ce chapitre pour la politique de la Ville.
Dans un second temps, nous envisageons de considérer la politique de la Ville et
l’éducation prioritaire conjointement dans l’optique d’isoler l’effet propre de chacune de
ces politiques mais également leur potentiel effet cumulé.

281
282
CONCLUSION GÉNÉRALE

« Within cities, sorting plays an even more important role in understanding spatial
disparities than it does across cities. This has fundamental implications for both our
understanding of disparities and for the formulation of an effective urban policy. It is
extremely worrying, therefore, that the role of sorting is so poorly understood in both
popular and policy debate » (Cheshire et al., 2014, p. 54).

Récapitulatif du cadre et des résultats de la thèse

À travers ces quelques mots en introduction du chapitre sur la ségrégation résidentielle de


leur ouvrage, Cheshire et al. (2014) montrent l’intérêt mais surtout l’incompréhension qui
entourent le phénomène de la ségrégation urbaine. Il s’agit d’une notion connue et
appropriée par tous. Pour autant, peu de gens appréhendent réellement dans sa globalité et
dans sa complexité. L’objectif de cette thèse a été de caractériser la ségrégation urbaine
d’un point de vue économique à travers son application à l’emploi et l’éducation.
Avant toute chose, nous avons montré l’existence d’une ségrégation différente de celle
prévalant dans les villes nord-américaines. Souvent opposée aux villes américaines, la
structure des villes françaises est également caractérisée par une ségrégation avec une
différenciation de leurs populations dans l’espace. Ce constat nous a amené à nous
pencher sur les origines de la ségrégation urbaine.
Dans le premier chapitre, nous avons mis en avant l’apport de l’économie urbaine dans la
compréhension de ce phénomène. La ségrégation est alors une situation d’équilibre de
long terme résultant des choix de localisation des individus dans la ville. Selon les
modèles d’économie urbaine, l’agrégation de comportements individuels désorganisés
conduit à une stratification de l’espace urbain selon les différentes caractéristiques de ses
individus. C’est à travers la prise en compte de l’existence de populations différenciées,
d’un espace hétérogène caractérisé par la présence d’aménités ou de biens publics locaux,
et la formulation de préférences pour la composition du voisinage que les différents
modèles (de localisation, d’équilibre urbain, de micro-simulation, etc.) permettent de
mettre en avant l’existence de la ségrégation et d’expliquer son origine.

283
Conclusion Générale

Sur ces bases, la suite de la thèse se structure autour des implications de cette ségrégation
sur la population urbaine dans deux grands domaines : l’accès à l’emploi et l’éducation.
Dans les chapitres 2 et 3, les liens entre la structure urbaine et le statut d’emploi des
individus sont analysés. Le chapitre 2 s’attèle plus particulièrement à expliciter
l’existence de ces liens à travers une revue de la littérature. Il ressort qu’un ensemble de
caractéristiques intrinsèques des individus (leur niveau d’éducation, leur genre, leur
origine ethnique, etc.) influence les chances d’emplois des individus auquel s’ajoute le
rôle majeur du lieu de résidence. L’éloignement aux emplois a un rôle préjudiciable sur le
statut d’emploi des individus, notamment en influençant l’efficacité et l’intensité de la
recherche d’emploi mais également sur la productivité des travailleurs. Le lieu de
résidence joue également un rôle sur l’emploi des individus à travers les interactions
sociales locales que celles-ci soient indirectes (effets de quartier), directes (effets de
pairs) ou formalisées dans un réseau. Le chapitre 3 permet de tester ces différents
éléments à travers une étude empirique originale sur l’aire urbaine de Marseille – Aix en
Provence. Il ressort de ce chapitre que les points avancés dans les chapitres 1 et 2 sont
corroborés d’un point de vue empirique : mise en avant d’une structure urbaine ségrégée,
disparités locales de statut d’emploi, existence d’effets de quartier, d’effets de pairs et
d’un effet de la distance aux emplois.
Dans une seconde partie, les chapitres 4 et 5 se sont attachés à présenter le lien entre
ségrégation et éducation à travers une approche par les politiques publiques. Dans le
chapitre 4, nous réalisons une revue critique de la littérature sur les évaluations des
politiques publiques éducatives compensatoires. Ces programmes, présents dans
l’ensemble des pays développés, ont pour ambition de contrer les conséquences négatives
de la ségrégation en réduisant l’écart de réussite scolaire des enfants les plus en
difficultés issus de milieux défavorisés. Ces politiques sont critiquées et les évaluations
économétriques recensées dans ce chapitre vont dans le sens d’effets nuancés de celles-ci.
Nous adoptons un point de vue critique dans cette revue de littérature en relativisant ces
résultats à l’aune des méthodes économétriques utilisées, pouvant limiter la portée de ces
derniers. Par ailleurs, ces évaluations peuvent fournir un ensemble de préconisations pour
la mise en œuvre des politiques publiques mais aussi des évaluations économétriques. Le
chapitre 5 s’attèle à la réalisation d’une évaluation d’une politique publique
compensatoire en direction de l’éducation : la politique de la Ville en France, plus
particulièrement son application en Ile-de-France. Il ressort de cette étude empirique que
la politique de la Ville aurait un effet positif en diminuant les risques de redoublement au

284
Conclusion Générale

collège mais également un effet négatif en influençant les choix d’orientation post-
collège. Nous parlons, dans ce dernier cadre analytique, d’effet négatif non pas parce que
les choix d’orientation vers la filière professionnelle sont moins bien que le choix de la
filière générale mais parce que ces choix d’orientation révèlent un échec de la politique
de la Ville dans son ambition d’ascenseur social.

Globalement, les résultats obtenus montrent dans cette thèse que la ségrégation urbaine
résulte des choix des populations et constitue un équilibre de long terme de la structure
des villes que les politiques publiques ont du mal à contrer. En effet, des interventions
publiques, dans les différents domaines impactés par la ségrégation, sont mises en œuvre
depuis de nombreuses décennies sans que la situation ne s’améliore réellement : nous
constatons, toujours en 2016, l’existence de structures urbaines caractérisées par de la
ségrégation à l’origine d’un malaise social important, se traduisant régulièrement par le
soulèvement des populations défavorisées.

Perspectives de recherches futures

Ce travail de thèse ouvre de nombreuses perspectives de recherches futures que ce soit


dans l’amélioration, l’approfondissement et la continuation du travail déjà réalisé ou par
l’ouverture à de nouveaux horizons scientifiques.

L’approfondissement et le prolongement

Comme nous l’avons mentionné dans le chapitre 1, l’étude sur la mesure de la


ségrégation et son lien au marché immobilier pourrait être étendue à travers la
considération d’une échelle géographique plus importante. En effet, les limites
communales ne sont pas les plus pertinentes pour analyser les choix de localisation des
individus. Bien que cela puisse différer selon chacun, le choix du lieu de résidence
intervient généralement à l’échelle de l’agglomération, de l’aire urbaine, voire du
département. De plus, l’analyse de la ségrégation est d’autant plus pertinente dès lors que
nous considérons les communes périphériques. L’objectif d’une analyse sur une zone
géographique plus importante serait de voir si, comme il est communément pensé, les
communes de périphérie proche concentrent plus de populations défavorisées. En

285
Conclusion Générale

d’autres termes il s’agit d’examiner s’il existe réellement un schéma centre-périphérie


opposant ménages aisés au centre et ménages défavorisés en périphérie des grandes villes
françaises.

L’étude réalisée dans le chapitre 3 a aussi vocation à être étendue et approfondie. Il


pourrait, en effet, être intéressant de mener la même étude sur différentes aires urbaines,
qu’elles soient petites, moyennes ou grandes. Il pourrait ressortir d’une telle étude la
possibilité de généraliser les résultats que nous avons obtenus en répondant à la question
suivante : existe-t-il un effet systématique de la structure urbaine, quelle qu’elle soit, sur
les probabilités d’emploi des habitants ? Une comparaison des résultats pour les aires
urbaines de même ampleur pourrait également permettre de faire apparaitre des schémas
et des faits récurrents. En effet, les questions suivantes peuvent être considérées :
existent-ils des différences de lien à l’emploi entre petites, moyennes et grandes aires
urbaines ? Les grandes aires urbaines connaissent-elles des effets de la structure urbaine
plus marqués que dans les moyennes ou petites aires ou bien est-ce le contraire ? La
constitution de bases de données à l’échelle d’un ensemble d’autres zones géographiques
et l’application de la méthode d’estimation utilisée sur l’aire urbaine marseillaise pourrait
permettre de réaliser ces comparaisons et de potentiellement faire ressortir des faits
stylisés de lien entre ségrégation et emploi en France.

Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre 5, l’étude présentée dans ce dernier ne
constitue que les résultats liminaires d’un projet de recherche plus large : évaluer les
effets de la politique de la Ville et de l’éducation prioritaire sur la réussite scolaire des
élèves. Nous nous sommes pour l’instant intéressés à l’effet de la politique de la Ville.
Cependant, cette dernière connaît un recoupement important de son public-cible avec
celui de la politique d’Éducation Prioritaire. Nous pouvons donc nous demander quelle
est la part, dans les effets estimés dans le chapitre 5, réellement attribuable à la politique
de la Ville de celle qui relève en fait de l’effet de l’éducation prioritaire.
Pour étudier cela, dans un premier temps, il faudra évaluer, de la même manière que ce
qui a été fait ici, l’effet de l’éducation prioritaire sur le redoublement et les choix
d’orientation après la troisième. Dans un second temps, nous souhaitons réaliser une
évaluation prenant en compte les deux programmes afin d’isoler l’effet propre de chacun
mais également leur effet combiné. Les questions suivantes se posent : est-ce que les
politiques se renforcent ou se complètent notamment en termes de réussite scolaire ? Au

286
Conclusion Générale

contraire, est ce que ce double dispositif tend à être moins avantageux pour la réussite
scolaire ? Observons-nous des stratégies d’évitement scolaire et résidentiel ? Quatre
situations sont à analyser : (i) les performances scolaires des élèves résidant en Zus et
scolarisés dans un établissement ne dépendant pas de l’éducation prioritaire, (ii) les
performances scolaires des élèves ne résidant pas en Zus et scolarisés dans l’éducation
prioritaire, (iii) les performances scolaires des élèves résidant en Zus et fréquentant un
établissement dépendant de l’éducation prioritaire et (iv) les performances scolaires des
élèves ne résidant pas en Zus et ne dépendant pas de l’éducation prioritaire. Une
comparaison entre la situation (ii) et (iii) est à même d’identifier l’effet propre de la
politique de la ville (effet Zus). Une comparaison des situations (i) et (iii) permet
d’identifier l’effet propre à l’éducation prioritaire au sein des Zus. La comparaison entre
la situation (ii) et (iv) évalue l’effet propre de l’éducation prioritaire en dehors des Zus.
Cette étude présente une complexité technique d’ampleur en nécessitant d’associer dans
une même évaluation deux méthodes différentes (la régression sur discontinuité pour
avoir l’effet Zus, et la différence en différence pour avoir l’effet éducation prioritaire au
sein des Zus).
De manière complémentaire, il serait également intéressant, pour compléter cette étude,
de considérer d’autres mesures du parcours scolaire des élèves. Nous allons réaliser la
demande d’un avenant à la convention en cours avec la Depp24 du MENESR25 pour la
mise à disposition des données sur les résultats des élèves au brevet afin d’avoir une
réelle mesure de la réussite scolaire. En effet, le redoublement n’étant que très marginal
en France et ce dernier ne constituant pas réellement un objectif affiché par les deux
programmes, sa pertinence en tant que variable d’intérêt reste à prouver. Néanmoins,
l’objectif affiché de ces deux politiques est bien de réduire les écarts de réussite entre les
élèves issus de milieux défavorisés et les autres. Seuls les résultats à des examens ou à
des tests nationaux peuvent permettre d’évaluer le niveau des élèves et donc
comparativement leur réussite. Toutefois, l’obtention de ces données nécessite une
extension de la convention existante à des données dites « sensibles », cela concernant
des résultats d’élèves parfaitement géolocalisables.

24
Direction de l’Évaluation, de la Prospective et de la Performance
25
Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche

287
Conclusion Générale

Des pistes à explorer

Les différentes approches abordées dans cette thèse, des liens entre structures urbaines et
emploi d’un côté et entre politiques publiques et réussite scolaire d’un autre côté, nous
amènent naturellement à nous interroger sur le lien potentiel entre les deux.
L’objectif est alors d’étudier l’impact de l’organisation spatiale interne des villes sur la
réussite scolaire. Comme nous l’avons montré dans le chapitre 3, le lieu de résidence
influence la probabilité d’emploi des individus or, des mécanismes similaires peuvent se
retrouver en termes d’éducation. Les caractéristiques socio-économiques des élèves sont
en fait source d’effets externes, positifs ou négatifs, liés au niveau d’éducation des
parents qui se retrouvent dans les catégories socio-professionnelles. Ainsi, la distance par
rapport à des catégories socio-professionnelles élevées pourrait conditionner la réussite
scolaire. Cette approche n’a que peu retenue l’attention en France à l’exception de Goux
et Maurin (2005 ; 2007). À notre sens, l’existence de politiques zonées doubles telles les
Zus et l’éducation prioritaire devrait contrer l’absence d’un voisinage « bénéfique » sur la
réussite scolaire. Cette hypothèse trouve-t-elle écho dans la réussite scolaire des
collégiens ? Faut-il nécessairement une double politique de zonage pour constater un réel
effet d’entraînement ? Pour étudier ces questions, il est nécessaire de se placer au niveau
de la ville afin de pouvoir réfléchir à une échelle infra-communale. L’objectif est
d’identifier si la structure spécifique d’une ville, façonnée par les choix résidentiels des
populations, mais aussi par les vagues successives de politique de la Ville, influence la
réussite scolaire des élèves. Nous pouvons envisager une analyse en deux temps. Tout
d’abord, la géographie de la ville doit être identifiée, à savoir les zones concernées par
des politiques intervenant sur l’éducation. Ensuite, il faut déterminer, via une estimation à
l’échelle de l’individu, comment les caractéristiques individuelles et la composition du
quartier, sa localisation, le comportement des voisins, influencent la réussite scolaire.
Cette étude peut être menée à l’échelle d’un ensemble d’agglomérations françaises.
L’étude de l’influence de la structure des aires urbaines, grandes et moyennes, sur le
parcours scolaire des élèves pourrait permettre d’identifier des caractéristiques
récurrentes influençant, positivement ou négativement, la réussite scolaire. Ces
caractéristiques identifiées pourraient alors servir d’appui à des préconisations de mise en
œuvre de politiques de la Ville.

288
Conclusion Générale

Une approche prometteuse de la ségrégation urbaine réside à notre sens dans la


modélisation des interactions entre individus à travers la modélisation des réseaux
économiques et sociaux. En effet, les comportements individuels ont un rôle clé dans la
formation et la persistance de la ségrégation. Cependant, les individus, si rationnels et
individualistes soient-ils, agissent toujours avec et en fonction des autres. Ainsi, les effets
de pairs, de pression des pairs, les notions de modèle, les effets de voisinage, etc., jouent
un rôle prépondérant dans les choix individuels, et par conséquent l’analyse du
phénomène urbain. Il nous semble opportun de les placer au centre d’une étude. Dans le
cadre des questions d’emploi, des processus semblables sont à l’œuvre (e.g. Sato et
Zénou, 2015 ; Zénou, 2015) comme nous l’avons montré dans les chapitres 2 et 3. Il est
donc nécessaire de comprendre, mesurer, et intégrer les interactions entre individus dans
l’analyse des mécanismes ségrégatifs dans l’éducation et sur le marché du travail.
Comme nous le mettons en avant dans le chapitre 4, nous avons pu constater que ces
comportements individuels, ces interactions étaient peu prises en compte dans
l’évaluation des politiques publiques. L’évaluation des politiques publiques est un cœur
de recherche déjà extrêmement complexe, à ce titre, le développement de la formalisation
des réseaux (e.g.; Jackson, 2008 ; Jackson et Zénou, 2013 ; Helsley et Zénou, 2014)
ouvre de nouvelles opportunités pour mieux comprendre ces effets de pairs et
d’interactions mais surtout pourrait permettre une intégration plus aisée dans les
estimations.
Le développement de l’analyse des interactions individuelles et surtout de leur
formalisation en termes de réseaux sociaux constitue une source clé de progrès dans la
recherche économique, telle que nous souhaiterions la mener. Toutefois, ces techniques
restent peu utilisées du fait de la disponibilité des données individuelles permettant
l’identification d’« amis ».

Il existe également un lien entre la ségrégation urbaine et la criminalité. Cet aspect n’a
absolument pas été abordé dans cette thèse mais constitue un angle de recherche très
intéressant. La théorie de la désorganisation sociale, initiée par Shaw et McKay (1942),
veut que « dans les aires urbaines, la délinquance n’a pas une répartition aléatoire dans
l’espace. Au contraire, les crimes sont concentrés dans des quartiers marqués par une
forte pauvreté et une exclusion sociale » ( Delbecq et al., 2015, p. 254) et peuvent donc
être facilement reliés à la notion de ségrégation urbaine.

289
Conclusion Générale

Globalement, cette thématique de recherche sur la ségrégation spatiale et économique


peut connaitre de nombreux développements, ses champs d’applications et angles
d’approches étant multiples : emploi, éducation, criminalité, logement, politiques
publiques, etc. De plus, nous avons choisi une approche empirique du phénomène mais
de nombreuses modélisations théoriques peuvent également être envisagées.
L’étude de la ségrégation urbaine d’un point de vue économique doit donc être continuée
afin d’offrir une meilleure appréhension et compréhension du phénomène permettant
d’orienter les politiques publiques dans leur lutte contre les inégalités socio-économiques
des populations urbaines.

290
BIBLIOGRAPHIE

Aaronson D. (1998) Educational outcomes using sibling data to estimate the impact of
neighborhoods on children educational outcomes, Journal of Human Resources, 33(4) ;
915-946.

Aeberhardt R., Fougère D., Pouget J. et Rathelot R. (2010a) L’emploi et les salaires des
enfants d’immigrés, Économie et Statistique, 433-434, 31-46.

Aeberhardt R., Fougère D., Pouget J. et Rathelot R. (2010b) Wages and employment of
french workers with African origin, Journal of Population Economics, 23(3), 881-905.

Allaire G., Cahuzac E. et Simioni M. (2011) Spatial diffusion and adoption determinants
of European agri-environmentale supports related to extensive grazing in France, 5èmes
Journées INRA-SFER-CIRAD.

Alon S. et Stier H. (1997) Job search, gender, and the quality of employment in Israel,
Research and Social Stratification and mobility, 15, 133-149.

Alonso W. (1964) Location and land use – Towards general theory of land rent,
Cambridge, Harvard University Press.

Altonji J. et Blank R. (1999) Race and gender in the labor market, In: Ashenfelter O. et
Card D. (Eds), Handbook of Labor Economics, vol 3C, Elsevier, Amsterdam, 3143-3259.

Anderson A. et Vieillard-Baron H. (2003) La politique de la ville – Histoire et


organization, ASH, 2ème Edition, Paris, 236 p.

Ando A. (1981) Development of a unified theory of urban land use, Ph.D. dissertation,
University of Pennsylvania, Philadelphia.

Anselin L. (1988) Spatial econometrics: Methods and models, Kluwer Academic


Publishers.

Anselin L. et Florax R. (1995) New directions in spatial econometrics, Springer.

Angrist J.D. et Lavy V. (1999) Using maimonides’ rule to estimate the effect of class size
on scholastic achievement, The Quarterly Journal of Economics, May, 533-575.

Angrist J.D., Imbens G.W. et Rubin D.B. (1996) Identification of causal effects using
instrumental variables, Journal of the American Statistical Association, 91(434), 444-455.

Apparicio P. (2000) Les indices de ségrégation résidentielle : un outil intégré dans un


système d’information géographique, CyberGeo : European Journal of
GeographyCyberGeo : European Journal of Geography, 134.

Apparicio P., Leloup X. et Rivet P. (2007) La diversité montréalaise à l’épreuve de la


ségrégation : Pluralisme et insertion résidentielle des immigrants, Revue de l’Intégration
et de la Migration Internationale, 8(1), 63-87.

291
Apparicio P., Petkevitch V. et Charron M. (2008) Segregation Analyser: a C#.Net
application for calculating residential segregation indices¸ CyberGeo: European Journal
of Geography, 414.

Apparicio P., Martori J.C., Pearson A.L., Fournier E. et Apparicio D. (2014) An open-
source software for calculating indices of urban residential segregation, Social Science
and Computer Review, 32(1), 117-128.

Arrow K.J. (1973) The theory of discimination, In: Ashenfelter O. et Rees A. (Eds),
Discrimination in Labor Markets, Princeton, NJ: Princeton University Press, 3-33.

Atkinson A.B. (1970) On the measurement of inequality, Journal of Economic Theory,


2(3), 244-263.

Austen-Smith D. et Fryer R.G. (2005) An economic analysis of “acting white”, The


Quarterly Journal of Economics, 120(2), 551-583.

Baccaïni B., De Lapasse F. et Monso O. (2014) Le retard scolaire à l’entrée en 6ème :


plus fréquent dans les territoires les plus défavorisés, Insee Première, n°1512.

Bailey M.J. (1959) Note on the economics of residential zoning and urban renewal, Land
Economics, 35(3), 288-292.

Ballester C., Calvo-Armengol A. et Zénou Y. (2006) Who’s who in networks. Wanted:


the key player, Econometrica, 74(5), 1403-1417.

Battu H., Seaman P. et Zénou Y. (2011) Job contact networks and the ethnic minorities,
Labour Economics, 18(1), 48-56.

Baumont C. (1990) Contribution à l’analyse des espaces urbains multicentriques : la


localisation résidentielle : étude théorique et empirique, Thèse de doctorat en économie,
Université de Bourgogne.

Baumont C. et Guillain R. (2013) Introduction : Ségrégation spatiale, nouvelles


approches, nouveaux résultats, Revue Économique, 64(5), 765-774.

Baumont C. et Guillain R. (2016) Transformer les quartiers défavorisés. Les enjeux des
politiques publiques zonées, Revue Économique, 67(3), 391-414.

Baumont C. et Legros D. (2013) Nature et impacts des effets spatiaux sur les valeurs
immobilières. Le cas de l’espace urbanisé parisien, Revue Économique, 64(5), 911-950.

Becker G. (1957) The economics of discrimination, Chicago University Press.

Becker G. (1964) Human capital, New York, NBER.

Becker G. (1975) Human capital: A theoretical and empirical analysis with special
reference to education, New York, Columbia University Press for NBER, 2nd edition.

Becker W. et Powers J. (2001) Student performance, attrition and class size given
missing student data, Economics of Education Review, 20(4), 377-388.

292
Becker G. et Tomes N. (1979) An equilibrium theory of the distribution of income and
intergenerational mobility, The Journal of Political Economy, 87(6), 1153-1189.

Beckman M.J. (1969) On the distribution of urban rent and residential density, Journal of
Economic Theory, 1, 60-68.

Beffy M. et Davezies L. (2013) Has the “ambition success” educational program


achieved its ambition?, Annals of Economics and Statistics, 111/112, 271-294.

Bell W. (1954) A probability model of the measurement of ecological segregation, Social


Forces, 32(4), 357-364.

Bénabou R., Kramarz Y. et Prost C. (2009) The French “zone d’éducation prioritaire”:
Much ado about nothing?, Economics of Education Review, 28(3), 245-356.

Ben Porath Y. (1967) The production of human capital and the life cycle of earnings,
Journal of Policital Economy, 75, 352-365.

Bertrand M., Duflo E. et Mullainathan S. (2004) How much should we trust difference-
in-differences estimates?, The Quarterly Journal of Economics, 119(1), 249-275.

Bertrand M. et Mullainathan S. (2003) Are Emily and Greg more employable than
Lakisha and Jamal? A field experiment on labor market discrimination, American
Economic Review, 94, 159-190.

Billé A.G. et Arbia G. (2013) Spatial discrete choice and spatial limited dependent
variable models: A review with an emphasis on the use in regional health economics,
arXiv preprint arXiv:1302.2267.

Blinder A.S. (1973) Wage discrimination: Reduced form and structural estimates,
Journal of Human Resources, 8, 436-455.

Blume L.E., Brock W.A., Durlauf S.N. et Ioannides Y.M. (2011) Identification of social
interactions, In: Benhabib J., Bisin A. et Jackson M.O. (Eds) Handbook of Social
Economics, Vol. 1B, 853-964.

Bolduc D., Fortin B. et Gordon S. (1997) Multinomial probit estimation of spatially


interdependent choices: An empirical comparison of two new techniques, International
Regional Science Review, 20, 77-101.

Bonnet F., Lalé E., Safi M. et Wasmer E. (2015) Better residential than ethnic
discrimination! Reconciling audit and interview findings in the Parisian housing market,
Urban Studies, 1-19.

Booza J., Cutsinger J. et Galster G. (2006) Where did they go? The decline of middle-
income neighborhoods in metropolitan America, Brookings Institution, Center on Urban
and Metropolitan Policy.

Bortnick S.M. et Ports M.H. (1992) Job search methods and results: Tracking the
unemployed, Monthly Labor Review, 115, 29-35.

293
Bouabdallah K., Cavaco S. et Lesueur J-Y. (2002) Recherche d’emploi, contraintes
spatiales et durée du chômage : une analyse microéconométrique, Revue d’Économie
Politique, 112(1), 137-156.

Boudon R. (1973) L’inégalité des chances, Paris, Armand Colin.

Bouroche J.M. et Saporta G. (2006) L’analyse en composantes principales, Que sais-je,


PUF.

Bouzouina L. (2008) Ségrégation spatiale et dynamiques métropolitaines, Thèse de


Doctorat en Économie, Université Lumière Lyon 2, 325p.

Bramoullé Y., Djebbari H. et Fortin B. (2009) Identification of peer effects through social
networks, Journal of Econometrics, 150, 41-55.

Briant A., Lafourcade M. et Schmutz B. (2015) Can Tax Breaks Beat Geography?
Lessons from the French Enterprise Zone Experience, American Economic Journal:
Economic Policy, 7(2), 88-124.

Bridges W.P. et Villemez W.J. (1986) Informal hiring and income in the labor market
equilibrium, American Sociological Review, 51(4), 574-582.

Brueckner J. (1987) The structure of urban equilibria: A unified treatment of the Muth-
Mills model, In: Mills E.W. (Ed.) Handbook of Regional and Urban Economics, Vol. 2,
Amsterdam, Elseview, 821-845.

Brueckner J. et Martin R. (1997) Spatial mismatch: An equilibrium analysis, Regional


Science and Urban Economics, 27(6), 693-714.

Brueckner J., Thisse J-F. et Zenou Y. (1999) Why is central Paris rich and downtown
Detroit poor?, European Economic Review, 43(1), 91-107.

Brueckner J. et Zénou Y. (2003) Space and unemployment: The labor market effects of
spatial mismatch, Journal of Labor Economics, 21(1), 242-262.

Burgess E. (1928) Residential segregation in American cities, Annals of the American


Academy of Political and Social Science, 140, 105-115.

Butler S.M. (1991) The conceptual evolution of enterprise zones, In: Green R.E. (Ed)
Enterprise zones: New directions in economic development, Vol. 27.

Cahuc P. et Zylberberg A. (2003) Microéconomie du marché du travail, Repères, La


Découverte, Paris, 122.

Caille J.P., Davezies L. et Garrouste M. (2016) Les résultats scolaires des collégiens
bénéficient-ils des réseaux ambition réussite ? Une analyse par régression sur
discontinuité, Revue Économique, 67(3), 639-666.

Calvo-Armengol A. et Jackson M.O. (2004) The effects of social networks on


employment and inequality, American Economic Review, 94(3), 425-454.

294
Calvo-Armengol A., Patacchini E. et Zénou Y. (2009) Peer effects and social networks in
education, Review of Economic Studies, 76(4), 1239-1267.

Campbell K.E. et Rosenfeld R.A. (1985) Job search and job mobility: Sex and race
differences, Research in the Sociology of Work, 3, 147-174.

Carlson S.M. (1992) Trends in race/sex occupational inequality: Conceptual and


measurement issues, Social Problems, 39, 269-290.

Caro P. et Rouault R. (2010) Atlas des fractures scolaires en France – Une école à
plusieurs vitesses, Editions Autrement, Collection “Atlas-Monde”, Paris, 80p.

Caruso G. (2005) Integrating urban economics and cellular automata to model


periurbanisation – Spatial dynamique of residential choice in the presence of
neighbourhood externalities, PhD Thesis in Geography, Université Catholique de
Louvain.

Castells M. (1972) La question urbaine, F. Maspera, Paris, 451 p.

Centre d’Analyse Stratégique (2006) Enquêtes sur les violences urbaines – Comprendre
les émeutes de novembre 2005, La Documentation Françaises, 138 p.

Cheshire P.C., Nathan M. et Overman H.G. (2014) Urban economics and urban policy:
Challenging conventional policy wisdom, Edward Elgar Publishing, 238p.

Chiapa C., Garrido J.L. et Prina S. (2012) The effect of social programs and exposure to
professionals on the educational aspirations of the poor, Economics of Education Review,
31(5), 778-798.

Chingos M.M. (2012) The impact of a universal class-size reduction policy: Evidence
from Florida’s statewide mandate, Economics of Education Review, 31(5), 543-562.

Cho H., Glewwe P. et Whitler M. (2012) Do reductions in class size raise students’ test
scores? Evidence from population variation in Minnesota’s elementary schools,
Economics of Education Review, 31(3), 77-95.

Clark W.A. et Blue S.A. (2004) Race, class, and segregation patterns in US immigrant
gateway cities, Urban Affairs Review, 39(6), 667-688.

Cliff A.D. et Ord J.K. (1973) Spatial autocorrelation, Pion.

Cliff A.D. et Ord J.K. (1981) Spatial processes: Models and applications, Pion.

Coate S. et Loury G. (1993) Will affirmative-action policies eliminate negative


stereotypes?, American Economic Review, 83, 1220-1240.

Cohn S; et Fossett M. (1996) What spatial mismatch? The proximity of blacks to


employment in Boston and Houston, Social Forces, 75(2), 557-573.

Corcoran M., Datcher L. et Duncan G. (1980) Information and influence networks in


labor markets, In : Duncan G. et Morgan J. (Eds.) Five thousand American families:
Patterns of economic progress, 7, Institute for Social Research, Ann Arbor, MI, 1-37.

295
Coulson E., Laing D. et Wang P. (2001) Spatial mismatch in search equilibrium, Journal
of Labor Economics, 19(4), 949-972.

Cour des Comptes (2009) L’articulation entre les dispositifs de la politique de la ville et
de l’éducation nationale dans les quartiers sensibles, Rapport, 73p.

Cour des Comptes (2012) La politique de la ville, une décennie de réforme, Rapport,
344p.

Crawford C. et Vignoles A. (2010) An analysis of the educational progress of children


with special educational needs, DoQSS Working Paper No. 10-19.

Cressie N. (1993) Statistics for spatial data, John Wiley.

Currie J. (2001) Early childhood education programs, Journal of Economic Perspectives,


15(2), 213-238.

Cutler D. et Glaeser E.L. (1997) Are ghettos good or bad? The Quarterly Journal of
Economics, August, 827-872.

Dabet G. et Floch J.M. (2014) La ségrégation spatiale dans les grandes unités urbaines de
France métropolitaine : une approche par les revenus, Document de Travail de la DDAR,
H2014/01, 43p.

Dacey M.F. (1968) A review on measures of contiguity for two and k-color maps, In:
Spatial analysis: A reader in statistical geography (pp.479-495), Prentice-Hall,
Englewood Cliff.

Datcher L. (1983) The impact of informal networks on quit behavior, The Review of
Economics and Statistics, 65(3), 491-495.

Datcher L. (2006) Some contacts are more equal than others: Informal networks, job
tenure, and wages, Journal of Labor Economics, 24(2), 299-318.

Davezies L. et D’Haultfoeuille X. (2009) Faut-il pondérer ? Ou l’éternelle question de


l’économètre confronté à des données d’enquête, INSEE working paper n°G2009/06,
23p.

Davezies L. et Garrouste M. (2014) More harm than good? Sorting effects in a


compensatory education program, Working paper of CREST n°2014-42.

Davies S. et Huff D. (1972) Impact of ghettoization on black employment, Economic


Geography, 48(4), 421-427.

Dear M. (1992) Understanding and overcoming the NIMBY syndrome, Journal of the
American Planning Association, 58(3), 288-300.

Delbecq B., Guillain R. et Legros D. (2015) L’analyse de la criminalité à Chicago : De


nouvelles perspectives offertes par l’économétrie spatiale à une question ancienne, Revue
d’Economie Regionale et Urbaine, 2015/1, 251-272.

296
DEPP (2013) L’état de l’école : 30 indicateurs sur le système éducatif français, L’État de
l’École n°23, 73p.

Derycke P-H. (2009) Regards sur l’économie urbaine 40 ans de recherches francophones
(1965-2007), Revue d’Économie Régionale et Urbaine, 2009(2), 239-266.

DfEE (1999) Excellence in Cities (Issue 1) [online]. Available:


http://www.standards.dfes.gov.uk/local/excellence/nlett1/news1.html [24 June,2005].

Dietz R.D. (2002) The estimation of neighborhood effects in the social science: An
interdisciplinary approach, Social Science Research, 31, 539-575.

Domingues Dos Santos M., L’Horty Y. et Tovar I. (2010) Ségrégation urbaine et accès à
l’emploi : Une introduction, Revue d’Économie Régionale et Urbaine, 2010(1), 4-25.

Donald S.G. et Lang K. (2007) Inference with difference-in-differences and other panel
data, The review of Economics and Statistics, 89(2), 221-233.

Donzelot J. (2006) Quand la ville se défait – Quelle politique face à la crise des
banlieues ?, Editions du Seuil, Paris, 185 p.

Douzet F. (2005) Les évolutions récentes de la ségrégation aux États-Unis, L’information


Géographique, 69(4), 20-31.

Duguet E., Du Parquet L., L’Horty Y. et Petit P. (2015) New evidence of ethnic and
gender discriminations in the French labor market using experimental data: A ranking
extension of responses from correspondence tests, Annals of Economics and Statistics,
117-118, 21-39.

Duguet E., Léandri N., L’Horty Y. et Petit P. (2010b) Are young French job seekers of
ethnic immigrant origin discriminated against? A controlled experiment in the Paris area,
Annals of Economics and Statistics, 99-100, 187-215.

Duguet E., L’Horty Y., Meurs D. et Petit P. (2010a) Measuring discriminations: an


introduction, Annals of Economics and Statistics, n°99/100, 5-14.

Duguet E., L’Horty Y. et Sari F. (2009) Sortir du chômage en Ile-de-France : Disparités


territorial, spatial mismatch et ségrégation résidentielle, Revue Économique, 60(4), 979-
1010.

Duguet E. et Petit P. (2005) Hiring discrimination in the French financial sector: an


econometric analysis on field experiment data, Annals of Economics and Statistics¸78,
79-102.

Dujardin C. et Goffette-Nagot F. (2007) Neighborhood effects, public housing and


unemployment in France, Working Paper, GATE, n°05-05.

Dujardin C. et Goffette-Nagot F. (2010) Neighborhood effects on unemployment?: A test


à la Altonji, Regional Science and Urban Economics, 40(6), 380-396.

Dujardin C., Selod H. et Thomas I. (2008) Residential segregation and unemployment:


The case of Brussels, Urban Studies, 45(1), 89-113.

297
Duncan O.D., Cuzzort R.P. et Duncan B. (1961) Statistical geography: Problems in
analyzing areal data, The Free Press of Glencoe, Illinois.

Duncan O.D. et Duncan B. (1955a) A methodological analysis of segregation indexes,


American Sociological Review, 20(2), 210-217.

Duncan O.D. et Duncan B. (1955b) Residential distribution and occupational


stratification, American Journal of Sociology,60, 493-503.

Durlauf S. (2004) Neighborhood effects, In : Henderson V. et Thisse J.F. (Eds)


Handbook of Regional and Urban Economics : Cities and Geography, Vol. 4,
Amsterdam : Elsevier Sci.

Duru-Bellat M., Kieffer A. et Reimer D. (2010) Les inégalités d’accès à l’enseignement


supérieur : le rôle des filières et des spécialités – Une comparaison entre l’Allemagne de
l’Ouest et la France, Économie et Statistique, 433-434, 3-22.

Elhorst J.P. (2014) Spatial econometrics. From cross-sectional data to spatial panels,
Springer Briefs in Regional Science, 119 p.

Elliot J.R. (1999) Social isolation and labor market insulation: Network and
neighborhood effects on less-educated urban workers, The Sociological Quarterly, 40(2),
199-216.

Ellwood D. (1986) The spatial mismatch hypothesis: are there jobs missing in the
ghetto?, In: Freeman et Holzer (Eds) The black youth employment crisis, Chicago, IL:
University of Chicago Press.

Elsby M., Hobijn B. et Sahin A. (2010) Labor market in the great recession, NBER.

Epple et Romano (2011) Peer effects in education: A survey of the theory and evidence,
In: Benhabib J., Bisin A. et Jackson M.O. (Eds) Handbook of social economics, Vol. 1B,
1053-1164

Estèbe P. (2001) Instruments et fondements de la géographie prioritaire de la politique de


la ville (1982-1996), Revue Française des Affaires Sociales, 3, 23-38.

Fain J.R. (1998) The causes and consequences of occupational segregation: A


simultaneous equations approach, Applied Economics, 30, 1361-1367.

Falcon L.M. (1995) Social networks and employment for Latinos, Blacks and Whites,
New England Journal of Public Policy, 11, 17-28.

Falcon L.M. et Melendez E. (1996) The role of social networks in the labor market
outcomes of latinos, blacks, and non-hispanic whites, In: Russell Sage Foundation
Conference on Residential Segregation, Social Capital and labor markets, New York.

Fieldhouse E. (1999) Ethnic minority unemployment and spatial mismatch: The case of
London, Urban Studies, 36(9), 1569-1596.

Fitoussi J.P., Laurent E. et Maurice J. (2004) Ségrégation urbaine et intégration sociale,


Rapport du CAE, La Documentation Française.

298
Fischel W.A. (2001) Why are there NIMBYs ? , Land Economics, 77(1), 144-152.

Fischer M.J. (2003) The relative importance of income and race in determining
residential outcomes in US urban areas, Urban Affairs Review, 38(5), 669-696.

Floch J.M. et Levy D. (2011) Le nouveau zonage en aires urbaines de 2010 : Poursuite de
la périurbanisation et croissance des grandes aires urbaines, Insee Première, n°1375.

Fordham S. et Ogbu J. (1986) Black students’ school success: Coping with the burden of
“acting white”, The Urban Review, 18(3), 176-206.

Fortin B. et Yazbeck M. (2015) Peer effects, fast food consumption and adolescent
weight gain, Journal of Health Economics, 42, 125-138.

Fougère D. et Safi M. (2005) L’acquisition de la nationalité française : quels effets sur


l’accès à l’emploi des immigrés ?, France Portrait Social, édition 2005-2006, Insee,
Paris, 163-184.

Fougère D. et Safi M. (2009) Naturalization and employment of immigrants in France


(1968-1999), International Journal of Manpower, 30, 83-96.

Freeman S., Grogger J. et Sonstelie J. (1996) The spatial concentration of crime, Journal
of Urban Economics, 40(2), 216-231.

Frey W.H. (1979) Central city white flight: Racial and nonracial causes, American
Sociological Review, 44(3), 425-448.

Frey W.H. et Farley R. (1996) Latino, Asian and Black segregation in US metropolitan
areas: are multiethnic metros different?, Demography, 33(1), 35-50.

Fujita M. (1989) Urban economic theory – Land use and city size, Cambridge,
Cambridge University Press.

Fujita M. et Thisse J-F. (2003) Économie des villes et de la localisation, Économie,


Société, Région, De Boeck Editions.

Galster G., Marcotte D., Mandell M., Wolman H. et Augustine N. (2007) The influence
of neighborhood poverty during childhood on fertility, education and earnings outcomes,
Housing Studies, 22(5), 723-751.

Gaschet F. et Le Gallo J. (2008) La dimension spatiale de la ségrégation, In : Gaschet F.


et Lacour C. (Dir.) Métropolisation et ségrégation, Presses Universitaire de Bordeaux,
45-66.

Geary R.C. (1954) The contiguity ratio and statistical mapping, The Incorporated
Statistician, 5(3), 129-146.

Georges N., L’Horty Y. et Sari F. (2015) Comment réduire la fracture spatiale ? Une
application en Ile-de-France, Économie et Prévision, 206-207, 17-37.

299
Gibbons S., Overman H.G. et Patachini E. (2015) Spatial methods, In: Duranton,
Henderson et Strange (Eds.), Handbook of Regional and Urban Economics, Vol. 5, 115-
168.

Givord P. (2015) Méthodes économétriques pour l’évaluation de politiques publiques,


Économie et Prévision, 204-205, 1-28.

Givord P., Rathelot R. et Sillard P. (2013) Place-based tax exemptions and displacements
effects: An evaluation of the Zones Franches Urbaines Program, Regional Science and
Urban Economics, 43(1), 151-163.

Glaeser E.L. (1996) Spatial effects upon employment outcomes: The case of New Jersey
teenagers. Discussion, New England Economic Review, May/June, 58-64.

Glaeser E.L. et Gottlieb J.D. (2008) The economics of place-making policies, Brookings
Papers on Economic Activity, Spring, 155-244.

Gobillon L. et Selod H. (2007) Les déterminants locaux du chômage en région


parisienne, Économie et Prévision, 180-181(4-5), 19-38.

Gobillon L. et Selod H. (2014) Spatial mismatch, poverty, and vulnerable populations,


In : Fischer M.M. et Nijkamp P. (Eds.) Handbook of Regional Science, Vol. 3, Springer,
93-107.

Gobillon L., Selod H. et Zénou Y. (2003) Spatial mismatch: From the hypothesis to the
theories, Discussion Paper No. 3740, CEPR.

Gobillon L., Selod H. et Zenou Y. (2007) The mechanisms of spatial mismatch, Urban
Studies, 44(12), 2401-2427.

Goodman L.A. et Kruskal W.H. (1954) Measures of association for cross classifications,
Journal of the American Statistical Association, 49(268), 732-764.

Goux D. et Maurin E. (2005) Composition sociale du voisinage et échec scolaire : Une


analyse des sources de la ségrégation résidentielle au sein des aires urbaines françaises,
Revue Économique, 64(5), 857-882.

Goux D. et Maurin E. (2007) Close neighbours matter: Neighborhood effects on early


performance at school, Economic Journal, 117(253), 1193-1215.

Granovetter (1995) Getting a job: A study of contacts and careers, Harvard University
Press, Cambridge.

Green P.G., Tigges L.M. et Browne I. (1995) Social resources, job search, and poverty in
Atlanta, Research in Community Sociology, 5, 161-182.

Green P.G., Tiges L.M. et Diaz D. (1999) Racial and ethnic differences in job-search
strategies in Atlanta, Boston and Los Angeles, Social Science Quarterly, 80(2), 263-278.

Green W. (2011) Économétrie, 7ème edition, Pearson

300
Gregg P. et Wadsworth J. (1996) How effective are state employment agencies?
JobCentre use and job matching in Britain, Oxford Bulletin of Economics and Statistics,
58(3), 443-467.

Grodzins M. (1957) Metropolitan segregation, Chicago: University of Chicago press.

Hahn J., Todd P. et Van Der Klaauw W. (2001) Identification and estimation of treatment
effect with a regression discontinuity design, Econometrica, 69(1), 201-209.

Hanushek E., Kain J. et Rivkin S. (2002) Inferring program effects for special
populations: does special education raise achievement for students with disabilities?, The
Review of Economics and Statistics, 84(4), 584-599.

Hartwick J., Schweizer U. et Varaiya P. (1976) Comparative statics of a residential


economics with several classes, Journal of Economics Theory, 13(3), 396-413.

Heckman J.J. (1998) Detecting discrimination, Journal of Economic Perspectives, 12(2),


101-116.

Helsley R. et Zénou Y. (2014) Social networks and interactions in cities, Journal of


Economic Theory, 150, 426-466.

Hilaski H.J. (1971) How poverty area residents look for work, Monthly Labor Review,
94, 41-45.

Hohenberg P.M. et Lees L.H. (1986) The making of urban Europe 1000-1950n Harvard
University Press, Cambridge, MA.

Holzer H.J. (1987a) Job search by employed and unemployed youth, Industrial and
Labor Relations Review, 40(4), 601-611.

Holzer H.J. (1987b) Hiring procedures in the firm: Their economic determinants and
outcomes, In: Kleiner M.M., Block R.N., Roomking M. et Salsburg S.W. (Eds.) Human
resources and the performance of the firm, Industrial relations research association,
Madison.

Holzer H.J. (1987c) Informal job search and black youth unemployment, American
Economic Review, 77(3), 446-452.

Holzer H.J. (1988) Search method use by unemployed youth, Journal of Labor
Economics, 6(1), 1-20.

Holzer H.J. (1991) The spatial mismatch hypothesis: What has the evidence shown?,
Urban Studies, 28(1), 105-122.

Hoover E.M. (1941) Interstate redistribution of population, 1850-1940, The Journal of


Economic History, 1(2), 199-205.

Hotelling H. (1933) Analysis of a complex of statistical variables into principal


components, Journal of Educational Psychology, 24(6), 417-441.

Hotelling (1936) Relation between two sets of variates, Biometrika, 28(3/4), 321-377.

301
Houston D.S. (2005) Methods to test the spatial mismatch hypothesis, Economic
Geography, 81(4), 407-434.

Iceland J. et Weinberg D.H. (2002) Racial and ethnic residential segregation in the US:
1980-2000 , Census 2000 Special Reports, US Census.

Iceland J. et Wilkes R. (2004) Hypersegregation in the twenty-first century, Demography,


41(1), 23-26.

Ihlanfeldt K. (1997) Information on the spatial distribution of job opportunities within


metropolitan areas, Journal of Urban Economics, 41, 218-242.

Ihlanfeldt K. et Sjoquist D. (1990) Job accessibility and racial differences in youth


employment rates, American Economic Review, 80, 267-276.

Ihlanfeldt K. et Sjoquist D. (1998) The spatial mismatch hypothesis: A review of recent


studies and their implications for welfare reform, Housing Policy Debate, 9(4), 849-892.

Imbens G.W. et Lemieux T. (2008) Regression discontinuity analysis: A guide to


practice, Journal of Econometrics, 142(2), 615-635.

Immergluck D. (1998) Job proximity and the urban employment problem: Do suitable
nearby jobs improve neighbourhood employment rates?, Urban Studies, 35, 7-23.

Isard W. (1960) Methods of regional analysis: An introduction to regional science, The


MIT Press, Cambridge.

Jackson M.O. (2008) Social and Economic Networks, Volume 3, Princeton: Princeton
University Press.

Jackson M.O. et Zénou Y. (2013) Economic analyses of social networks, The


international library of critical writings in economics, London: Edward Elgar Publishing.

Jacob B. et Lefgren L. (2004) Remedial education and student achievement. A


regression-discontinuity analysis, The Review of Economics and Statistics, 86(1), 226-
244.

James F.J. (1986) A new generalized “exposure-based” segregation index: Demonstration


in Denver and Houston, Sociological Methods and Research, 14(3), 281-315.

Jarousse J.P. et Mingat A. (1986) Un réexamen du modèle de gains de Mincer, Revue


Economique, 37(6), 999-1032.

Jayet H. et Tivadar M. (2006) Endogenous amenities and the spatial structure of cities,
ERSA condeference paper, European Regional Science Association.

Jencks C. et Mayer S. (1990a) Residential segregation, job proximity and block job
opportunities, In: Lynn L et McGreary G. (Eds) Inner-city poverty in the United States,
Washington, DC: National Academy Press.

302
Jencks C. et Mayer S. (1990b) The social consequences of growing up in a poor
neighborhood, In: Lynn L et McGreary G. (Eds) Inner-city poverty in the United States,
Washington, DC: National Academy Press.

Johnston R.J., Jones K., Burgess S., Propper C., Sarker R. et Bolster A. (2004) Scale,
factor analysis, and neighborhood effects, Geographical Analysis, 36(4), 350-368.

Jourdain A. et Naulin S. (2011) Héritage et transmission dans la sociologie de Pierre


Bourdieu, Idées Economiques et Sociales, 166(4), 6-14.

Kain J.F. (1968) Housing segregation, negro employment, and metropolitan


decentralization, The Quarterly Journal of Economics, 82(2), 175-197.

Kain J.F (1992) The spatial mismatch hypothesis: Three decades later, Housing Policy
Debate, 3(2), 371-392.

Kain J. H. et Persky J.J. (1969) Alternatives to the gilded ghetto, The Public Interest, 14,
74.

Kanemoto Y. (1980) Theories of urban externalities, Amsterdam, North-Holland.

Katz L.F., Kling J.R., Liebman J.B. (2001) Moving to Opportunity in Boston: Early
results of a randomized mobility experiment, The Quarterly Journal of Economics,
116(2), 607-654.

Kaufman J.E et Rosenbaum J.E. (1992) The education and employment of low-income
Black youth in White suburbs, Educational Evaluation and Policy Analysis, 14(3), 229-
240.

Keslair F., Maurin E. et McNally S. (2012) Every child matters? An evaluation of


“Special Educational Needs” programmes in England, Economics of Education Review,
31(6), 932-948.

Kling J.R., Liebman J.B. et Katz L.F. (2007) Experimental analysis of neighborhood
effects, Econometrica, 75(1), 83-119.

Korenman S. et Turner S.C. (1996) Employment contacts and minority-white wage


differences, Industrial Relations, 35(1), 106-122.

Kuzubas T.U. (2009) Endogenous social networks in the labor market, Unpublished
manuscript, University of Minnesota.

Lacour C. (2008) La metro-ségrégation, In: Gaschet F. et Lacour C. (Dir.)


Métropolisation et ségrégation, Presses Universitaires de Bordeaux, 21-43.

Ladd H.F. (1994) Spatially targeted economic development strategies: Do they work?,
Cityscape, 1(1), 193-218.

Lavy V. et Schlosser A. (2005) Targeted remedial education for underperforming


teenagers: Costs and benefits, Journal of Labor Economics, 23(4), 839-874.

303
Lebart L., Morineau A. et Piron M. (2000) Statistique exploratoire multidimensionnelle,
Dunod, 3ème édition, Paris, 439 p.

Lee D.S. et Lemieux T. (2008) Regression discontinuity designs in economics, NBER


Working Paper, No 14723.

Leonard J. (1985) Space, time, and unemployment, Unpublished manuscript, University


of California, Berkeley.

LeSage J. (1997) Bayesian estimation of spatial autoregressive models, International


Regional Science Review, 20(1&2), 113-129.

LeSage J. (2008) Introduction to spatial econometrics, Revue d’Économie Industrielle,


123, 19-44.

LeSage J. (2010) Bayesian estimation of limited dependant variable spatial autoregressive


models, Geographical Analysis, 32(1), 19-35.

LeSage J. et Pace R.K. (2009) Introduction to spatial econometrics, CRC Press.

L’Horty Y., Duguet E., Du Parquet L., Petit P. et Sari F. (2011) Les effets du lieu de
résidence sur l’accès à l’emploi : un test de discrimination auprès de jeunes qualifiés,
Économie et Statistiques, 447, 71-95.

Lin N., Ensel W.M. et Vaughn J.C. (1981) Social resources and strength of ties:
Structural factors in occupational status attainment, American Sociological Review, 46(4),
393-405.

Lin X. (2010) Identifying peer effects in student academic achievement by spatial


autoregressive models with group unobservables, Journal of Labor Economics, 28(4),
825-860.

Loury G. (1981) Intergenerational transfers and the distribution of earnings,


Econometrica, 49(4), 843-867.

Ludwig J., Duncan G.J. et Hirschfield P. (2001) Urban poverty and juvenile crime:
Evidence from a randomized housing-mobility experiment, The Quarterly Journal of
Economics, 116(2), 655-679.

Machin S., McNally S. et Meghir C. (2004) Improving pupil performance in English


secondary school: Excellence in Cities, Journal of the European Economic Association,
2(2-3), 396-405.

Machin S., McNally S. et Meghir C. (2010) Resources and standards in urban schools,
Journal of Human Capital, 4(4), 365-393.

Mansky C.F. (1995) Identification problems in the Social Sciences, Cambridge, Mass.:
Harvard University Press.

Mansky C.F. (2000) Economic analysis of social interactions, Journal of Economic


Perspectives, 14(3), 115-136.

304
Marsden P.V. (2001) Interpersonal ties, social capital, and employer staffing practices,
In: Lin N., Cook K. et Burt R.S. (Eds.) Social capital: Theory and research, Transaction
Publishers, New Brunswick.

Marsden P.V. et Hurlbert J.S. (1988) Social resources and mobility outcomes: A
replication and extension, Social Forces, 66(4), 1038-1059.

Marx J. et Leicht K.T. (1992) Formality of recruitment to 229 jobs: Variation by race, sex
and job characteristics, Sociology and Social Research, 76, 190-196.

Massey D.S. et Denton N.A. (1988) The dimensions of residential segregation, Social
Forces, 67(2), 281-315.

Mattenet J-P. et Sorbe X. (2014) Forte baisse du redoublement : un impact positif sur la
réussite des élèves, Note d’Information de la DEPP n°36, 4p.

Maurin E. (2004) Le ghetto français : Enquête sur le séparatisme social, Paris : La


République des Idées, Le Seuil.

Maurin E. et Moschion J. (2009) The social multiplier and labour market participation of
mothers, American Economic Journal: Applied Economics, 1(1), 251-272.

Mayneris F. et Py L. (2013). The efficiency of enterprise zone programs: some


conflicting results?, Région et Développement, 38, 209-224.

Meen D. et Meen G. (2003) Social behaviour as a basis for modelling the urban housing
market : a review, Urban Studies, 40(5-6), 917-935.

McKenzie R.D. (1921) The neighborhood: A study of local life in the city of Colombus,
Ohio, American Journal of Sociology, 27, 145-168.

M.E.N. (2013) Évaluation de la politique de l’éducation prioritaire, Rapport de


diagnostic.

Merle P. (2010) Structure et dynamique de la ségrégation sociale dans les collèges


parisiens, Revue Française de Pédagogie, 170, 73-85.

Meurs D., Pailhé A. et Simon P. (2006) Persistance des inégalités entre générations liées
à l’immigration : l’accès à l’emploi des immigrés et de leurs descendants en France,
Population, 5-6, 763-801.

Mieszkowski P. et Mills E.S. (1993) The causes of metropolitan suburbanization, Journal


of Economic Perspectives, 7(3), 135-147.

Mignot, D., Rosales-Montano, S. ; Harso, C., Cholez, C., Clerger, M.P., Cusset, J.M.,
Diaz-Olvera, L., Deguilhem Y., Lainez V., Paulo, C. et Pelot V. (2001) Mobilité et
grande pauvreté : Rapport final, DRAST n°00 MT 07.2001, 224p.

Mignot D., Villareal Gonzalez R. (2005) Métropolisation, concentration et ségrégation


dans les villes européennes et américaines : une comparaison Costa Rica, France et
Mexique, Revue d’Économie Régionale et Urbaine, 5, 679-698.

305
Miller S.R. et Rosenbaum J.E. (1997) Hiring in a Hobbesian world: Social infrastructure
and employers’ use of information, Work and Occupations, 24, 498-523.

Mills E.S. (1972) Urban economics, Glenview, Scott, Foresman&Company.

Mincer (1958) Investment in human capital and personal income distribution, Journal of
Political Economy, 66, 281-302.

Mincer (1974) Schooling, experience and earnings, New York, Columbia University
Press.

Moizeau F. (2015) Dynamics of social norms in the city, Regional Science and Urban
Economics, 51, 70-87.

Moizeau F., Tropéano J-P. et Vergnaud J-C. (2010) Effet de voisinage et localisation : La
ségrégation urbaine est-elle inéluctable ?, Revue Économique, 61(4), 723-750.

Montgomery J.D. (1991) Social networks and labor market outcomes: Toward an
economic analysis, American Economic Review, 81(5), 1408-1418.

Montgomery J.D. (1992) Job search and networks composition: Implications of the
strength-of-weak ties hypothesis, American Sociology Review, 57(5), 586-596.

Morenoff J.D., Sampson R.J. et Raudenbush S.W. (2001) Neighborhood inequality,


collective efficacy, and the spatial dynamics of urban violence, Criminology, 39(3), 517-
559.

Morgan B.S. (1975) The segregation of socioeconomic groups in urban areas: A


comparative analysis, Urban Studies, 12(3), 47-60.

Morgan B.S. (1983) A distance-decay based interaction index to measure residential


segregation, Areas, 15(3), 211-217.

Morill R.L. (1991) On the measure of geographic segregation, Geography Research


Forum, 11, 25-36.

Mortensen D. et Pissarides C. (1999) New developments in models of search in the labor


market, In: Card et Ashenfelter (Eds.) Handbook of Labor Economics, Amsterdam:
Elsevier Science, 2567-2627.

Mortensen D. et Vishwanath T. (1994) Personal contact and earnings. It is who you


know!; Labour Economics, 1, 187-201.

Moss P. et Tilly C. (1991) Why black men are doing worse in the labor market: A review
of supply-side and demande-side explanations, New York: Social Science Research
Council.

Murphy K.M., Shleifer A. et Vishny R. (1993) Why is rent seeking so costly to growth?,
American Economic Review, LXXXIII, 409-414.

Muth R.F. (1969) Cities and housing – The spatial patterns of urban residential land use,
Chicago, The University of Chicago Press.

306
Neckerman K.M. et Kirschenman J. (1991) Hiring strategies, racial bias, and inner-city
workers, Social Problems, 38(4), 433-447.

Neumark D. et Simpson H. (2015) Place-based policies, In: Duranton, Henderson and


Strange (Eds.), Handbook of Regional and Urban Science, Vol. 5, 1197-1287.

Neuman S. et Oaxaca R.L. (2004) Wage decompositions with selectivity corrected wage
equations: A methodological note, Journal of Economic Inequality, 2, 3-10.

Neuman S. et Oaxaca R.L. (2005) Wage differentials in the 1990s in Israel: Endowments,
discrimination, and selectivity, International Journal of Manpower, 26, 217-236.

Oaxaca R.L. (1973) Male-female wage differentials in urban labor markets, International
Economic Review, 14, 693-709.

Oaxaca R.L. et Ransom M.R. (1994) On discrimination and the decomposition of wage
differentials, Journal of Econometrics, 61(1), 5-21.

OCDE (2014) PISA 2012 Results in Focus, What 15-year-old know and what they can do
with what they know, [online].

ONZUS () Rapport 2014, Les Editions du CIV, 303p.

ONZUS (2013) Rapport 2013, Les Editions du CIV, 235p.

ONZUS (2014) Rapport 2011, Les Editions du CIV, 142p.

O’Regan, K. et Quigley J. (1996) Spatial effect upon employment outcomes: The case of
New Jersey teenagers, New England Economic Review, May/June, 41-58.

O’Regan, K. et Quigley J. (1998) Where youth live: Economic effects of urban space on
employment prospects, Urban Studies, 35(7), 1187-1206.

Ord K. (1975) Estimation methods for models of spatial interactions, Journal of the
American Statistical Association, 70, 120-126.

Oreopoulos P. (2003) The long-run consequences of living in a poor neighborhood, The


Quarterly Journal of Economics, 118(4), 1533-1575

Ornstein M.D. (1976) Entry into the American labor force, Academic Press, New York.

Ortega J. (2000) Pareto-improving immigration in an economy with equilibrium


unemployment, Economic Journal, 110(460), 92-112.

Ozgur O. (2011) Local interactions, In: Benhabib J., Bisin A. et Jackson M.O. (Eds)
Handbook of Social Economics, Vol. 1A, 587-644.

Paelinck J. et Klaassen L.H. (1979) Spatial econometrics, Saxon House.

Page L. (2005) Des inégalités sociales aux inégalités scolaires – Choix éducatifs et
Prospect theory, Revue Economique, 56(3), 615-623.

307
Papageorgiou G.J. (1987a) Spatial externalities. I: theory, Annales of the Association of
American Geographers, 68(4), 465-476.

Papageorgiou G.J. (1987b) Spatial externalities. II: Applications, Annals of the


Association of American Geographers, 68(4), 477-492.

Park R.E, Burgess E.W. et McKenzie R.D (1925) The city, suggestions for the study of
human nature in the urban environment, Chicago, University of Chicago Press.

Patacchini E. et Zénou Y. (2009) Juvenile delinquency and conformism, Journal of Law,


Economics and Organization, 28(1), 1-31.

Pearson K. (1901) On lines and planes of closest fit to system of points in space,
Philosophical Magazine, 2(11), 559-572.

Petit P., Bunel M., Ene E., et L’Horty Y. (2016) Effets de quartier, effet de département :
discrimination liée au lieu de résidence et accès à l’emploi, Revue Économique, 67(3),
525-550.

Petit P., Duguet E. et L’Horty Y. (2014) Discrimination résidentielle et origine ethnique :


une étude expérimentale sur les serveurs en Ile-de-France, Économie et Prévision, 206-
207, à paraitre.

Petit P., Duguet E., L’Horty Y., Du Parquet L. et Sari F. (2013) Discrimination à
l’embauche : les effets du genre et de l’origine se cumulent-ils systématiquement ?,
Économie et Statistiques, 464-465-466, 141-153.

Phelps E. (1972) The statistical theory of racism and sexism, American Economic
Review, 62(4), 659-661.

Pissarides C. (2000) Equilibrium unemployment theory, 2nd Edition, Cambridge: MIT


Press.

Plotnick R.D. et Hoffman S.D. (1999) The effect of neighborhood characteristics on


young adult outcomes: Alternative estimates, Social Science Quarterly, 80(1), 1-18.

Popkin S.J., Rosenbaum J.E. et Meaden P.M. (1993) Labor market experiences of low-
income Black women in middle-class suburbs: Evidence from a survey of Gautreaux
Program participants, Journal of Policy Analysis and Management, 12(3), 556-573.

Poulsen M., Johnson R. et Forrest J. (2001) Intraurban ethnic enclaves: Introducing a


knowledge-based classification method, Environment and Planning A, 33(11), 2071-
2082.

Poulsen M., Johnson R. et Forrest J. (2002) Plural cities and ethnic enclaves: Introducing
a measurement procedure for comparative study, International Journal of Urban and
Regional Research, 26(2), 229-243.

Preteceille E. (2006) La ségrégation sociale a-t-elle augmenté ? La métropole parisienne


entre polarisation et mixité, Sociétés Contemporaines, 62, 69-93.

308
Raphael S. (1998) The spatial mismatch hypothesis and black youth joblessness:
Evidence from the San Francisco Bay area, Journal of Urban Economics, 43(1), 79-111.

Raphael S. et Rice L. (2002) Car ownership, employment, and earning, Journal of Urban
Economics, 52(1), 109-130.

Reardon S.F. (1998) Measures of racial diversity and segregation in multigroup and
hierarchical structured population. In: Annual meeting of the Eastern Sociological
Society, Philadelphia.

Reardon S.F. et Firebaugh G. (2002) Measures of multigroup segregation, Sociological


Methodology, 32, 33-67.

Rees A. (1966) Information networks in labor markets, American Economic Review,


56(1/2), 559-566.

Rees A. et Schultz G.P. (1970) Workers and wages in an urban labor market, University
of Chicago Press, Chicago.

Reiss A.J. (1980) Understanding changes in crime rates, In: Feinberd S. et Reiss A.J.
(Eds) Indicators of crime and criminal justice – Quantitative studies, Washington, DC
Bureau of Justice Statistics.

Reiss A.J. (1988) Co-offending and criminal careers, In: Tonry M. et Morris N. (Eds)
Crime and justice – A review of research, Vol. 10, Chicago, IL University of Chicago
Press.

Rhein C. (1994) La ségrégation et ses mesures, In: Brun J. et Rhein C. (Eds) La


ségrégation dans la ville, Paris, L’harmattan, 121-161.

Rogers C. (1997) Job search and unemployment duration: Implications for the spatial
mismatch hypothesis, Journal of Urban Economics, 42, 109-132.

Rose-Ackerman S. (1975) Racism and urban structure, Journal of Urban Economics,


2(1), 85-103.

Rose-Ackerman S. (1977) The political economy of a racist housing market, Journal of


Urban Economics, 4(2), 150-169.

Rubin D.B. (1974) Estimating causal effects of treatments in randomized and non-
randomized studies, Journal of Educational Psychology, 66(5), 688-701.

Sakoda J.M. (1981) A generalized index of dissimilarity, Demography, 18(2), 269-290.

Samuelson P.A. (1954) The pure theory of public expenditures, Review of Economics and
Statistics, 36(4), 387-389.

Sargan J.D. (1958) The estimation of economic relationship using instrumental variables,
Econometrica, 26(3), 393-415.

Sari F. (2012) Analysis of neighbourhood effects and work behavior: Evidence from
Paris, Housing Studies, 27(1), 45-76.

309
Sato Y. et Zénou Y. (2015) How urbanization affect employment and social interactions,
European Economic Review, 75, 131-155.

Schelling T.C. (1969) Models of segregation, The American Economic Review, 59(2),
488-493.

Schelling T.C. (1971) Dynamic models of segregation, Journal of Mathematical


Sociology, 1(2), 143-186.

Schnare A.B. (1976) Racial and ethnic price differentials in an urban housing market,
Urban Studies, 13(2), 107-120.

Schultz T.W. (1961) Investment in human capital, American Economic Review, 51, 1-17.

Selod H. (2004) La mixité sociale et économique, In: Thisse J-F., Maurel F., Perrot A.,
Prager J-C. et Puig (Eds) Villes et économie, Institut des Villes, Collection Villes et
Société, La Documentation Française, 129-156.

Sénat (2009) Rapport d’information sur l’articulation entre les dispositifs de la politique
de la ville et l’éducation nationale dans les quartiers sensibles.

Shaw C.R., McKay H.D. (1942) Juvenile delinquency and urban areas, University of
Chicago Press, Chicago.

Silberman R; et Fournier I. (1999) Les enfants d’immigrés sur le marché du travail. Les
mécanismes d’une discrimination sélective, Formation Emploi, 65, 31-55.

Simonnet V. (2012) Le capital humain, In : Allouch J. (Ed.) Encyclopédie des Ressources


Humaines, 3ème édition.

Smith E.T. et LeSage J. (2004) A bayesian probit model with spatial dependencies,
Advances in Econometrics, 18, 127-160.

Smith T. et Zénou Y. (2003) Spatial mismatch, search effort, and urban spatial structure,
Journal of Urban Economics, 54(1), 129-156.

Spearman C. (1904) « General intelligence », objectively determined and measured, The


American Journal of Psychology, 15(2), 201-292.

Spence M. (1973) Job market signalling, Quarterly Journal of Economics, 81, 355-374.

Theil H. (1972) Statistical Decomposition Analysis, North-Holland, Amsterdam.

Theil H. et Finezza A.J. (1971) A note on the measurement of racial integration of


schools by means of informational concepts, Journal of Mathematical Sociology, 1(2),
187-194.

Thomas-Agnan C. (2012) Ananlyse statistique des données spatiales, Eustat.

Tiebout C.M. (1956) A pure theory of local expenditures, Journal of Political Economy,
64, 416-424.

310
Tita G. et Radil S. (2011) Spatializing the social networks of gangs to explore patterns of
violence, Journal of Quantitative Criminology, 27(4), 521-545.

Tivadar M. (2010) Is it better to live in a US or a European city?, Regional Science and


Urban Economics, 40(4), 221-227.

Topa G. (2001) Social interactions, local spillovers, and unemployment, Review of


Economic Studies, 68(2), 261-295.

Topa G. et Zénou Y. (2015) Neighborhood and network effects, In: Duranton G.,
Henderson V. et Strange W. (Eds.) Handbook of Regional and Urban Economics, Vol.5,
561-624.

Tovar E. (2008) La ségrégation urbaine : représentation économique et évaluation


ethniques avec une application à l’Ile-de-France des années 1990, Thèse de Doctorat de
l’EHESS, 427p.

Trochim W.M. (1984) Research design for program evaluation: The regression-
discontinuity approach, Vol. 6, SAGE Publications, Inc.

Van Der Klaauw W. (2008) Breaking the link between poverty and low student
achievement: An evaluation of Title I, Journal of Econometrics, 142(2), 731-756.

Vartanian T.P. et Buck P.W. (2005) Childhood and adolescent neighborhood effects on
adult income: Using siblings to examine differences in OLS and fixed effect models,
Social Service Review, 79(1), 60-94.

Von Thünen J.H. (1826) Der isolierte staat in beziehung auf landwirtschaft und
nationalekenomie, Hamnburg.

Wahba J. et Zénou Y. (2005) Density, social networks and job search methods: Theory
and application to Egypt, Journal of Development Economics, 78(2), 443-473.

Wasmer E. et Zénou Y. (2002) Does city structure affect job search and welfare?, Journal
of Urban Economics, 51(3), 515-541.

Weinberg B.A., Reagan P.B. et Yankow J.J. (2004) Do neighborhood affect hours
worked? Evidence from longitudinal data, Journal of Labor Economics, 22(4), 891-924.

Welch F. (1975) Human capital theory: Education, discrimination, and life cycles,
American Economic Review, 65(2), 63-73.

Wegener B. (1991) Job mobility and social ties: Social resources, prior job, and status
attainment, American Sociological Review, 56(1), 60-71.

Wenglenski, S. (2003) Une mesure des disparités sociales d’accessibilité au marché de


l’emploi en Ile-de-France, Thèse de doctorat en Urbanisme, Aménagement et Politiques
Urbaines, Université Paris 12, Val de Marne, 373p.

Wheeler L.A. (1990) A review of the spatial mismatch hypothesis: Its impact on the
current plight of the central city in the United Stated. Occasional Paper No. 137. Syracuse

311
University, Maxwell School of Citizenship and Public Affairs, Metropolitan Studies
Program.

White M.J. (1983) The measurement of spatial segregation, American Journal of


Sociology, 88; 1008-1019.

White M.J. (1986) Segregation and diversity: Measures in population distribution,


Population index, 52(2), 198-221.

Wirth L. (1928) The gettho: A study in isolation, Chicago, Chicago University press.

Wong D.W. (1993) Spatial indices of segregation, Urban Studies, 30(3), 559-572.

Wong D.W. (1999) Geostatistics as measures of spatial segregation, Urban Geography,


20(7), 635-647.

Yellin J. (1974) Urban population distribution, family income, and social prejudice,
Journal of Urban Economics, 1(1), 21-47.

Yinger J. (1976) Racial prejudice and racial residential segregation in an urban model,
Journal of Urban Economics, 3(4), 383-396.

Zénou Y. et Boccard N. (2000) Racial discrimination and redlining in cities, Journal of


Urban Economics, 48(2), 260-285.

Zénou Y. (2002) How do firms redline workers ?, Journal of Urban Economics, 52(3),
391-408.

Zénou Y. (2004) Les inégalités dans la ville, In: Thisse J-F., Maurel F., Perrot A., Prager
J-C. et Puig (Eds) Villes et économie, Institut des Villes, Collection Villes et Société, La
Documentation Française, 109-128.

Zénou Y. (2015) A dynamic model of weak and strong ties in the labor market, Journal
of Labor Economics, 33(4), 891-932.

312
TABLE DES ILLUSTRATIONS

Tableau 1-1 : Évolution de la ségrégation résidentielle des minorités ethniques aux États-
Unis entre 1980 et 2000 .................................................................................................... 25
Tableau 1-2 : Description des villes de Paris, Marseille et Lyon ...................................... 27
Tableau 1-3 : Découpage des communes par type d’IRIS ................................................ 28
Figure 1-1 : Représentation des cinq dimensions de la ségrégation ................................. 30
Tableau 1-4 : Les indices unigroupes implémentés dans Geo-Segregation Analyzer ...... 32
Tableau 1-5 : Les indices intergroupes implémentés dans Geo-Segregation Analyzer .... 33
Tableau 1-6 : Les indices multigroupes implémentés dans Geo-Segregation Analyzer ... 33
Tableau 1-7 : Liste des indices locaux implémentés dans Geo-Segregation Analyzer ..... 34
Tableau 1-8 : Répartition de la population active par catégorie sociale à Paris, Lyon et
Marseille en 2012 .............................................................................................................. 35
Tableau 1-9 : Indices unigroupes sur les villes de Paris, Marseille et Lyon ..................... 36
Tableau 1-10 : Indices intergroupes sur les villes de Paris, Marseille et Lyon ................. 37
Tableau 1-11 : Indices multigroupes sur les villes de Paris, Marseille et Lyon ................ 38
Cartes 1-1 : Quotients de localisation – Paris ................................................................... 41
Cartes 1-13 : Quotients de localisation - Lyon .................................................................. 43
Figure 1.1 : L’espace de consommation et les courbes d’indifférence ............................. 46
Figure 1-3 : Détermination de l’équilibre de localisation ................................................. 48
Figure 1-4 : Schéma d’usage des sols d’équilibre compétitif ........................................... 52
Tableau 1-12 : Variation des valeurs d’équilibre selon la modification du paramètre ..... 54
Figure 1-5 : Exemple de configuration d’équilibre (m=3) ................................................ 59
Figure 1-6 : Premier modèle de ségrégation de Schelling ................................................ 71
Figure 1-7 : Tipping dans un modèle d’appariement aléatoire .......................................... 73
Figure 1-8 : Schéma spatio-dynamique dans un cadre monocentrique avec deux groupes
de ménages et sans externalités (t10, 50, 100, 150, 200, t*471) ...................................... 75
Tableau 1-13 : Schémas spatio-dynamiques du modèle de Caruso (2005) ....................... 78
Tableau 1-15 : Données nécessaires à la typologie de logement ...................................... 83
Carte 1-4 : Typologie de logement - Paris ........................................................................ 84
Carte 1-5 : Typologie de logement – Marseille ................................................................. 85
Carte 1-6 : Typologie de logement – Lyon ....................................................................... 86
Tableau 1-16 : Surreprésentation des ménages par type de quartier ................................. 88
Tableau 1-17 : Part des ménages surreprésentés par type de quartier ............................... 89
Tableau 1-18 : Ménages surreprésentés en fonction de type de quartier .......................... 89
Tableau 1-19 : Part des ménages surreprésentés par type de quartier ............................... 89
Tableau 1-20 : Ménages surreprésentés en fonction de type de quartier .......................... 90
Tableau 1-21 : Ménages surreprésentés en fonction de type de quartier .......................... 90
Tableau 1-22 : Décomposition de la variance et rapport de corrélation – Paris ............... 91
Tableau 1-23 : Décomposition de la variance et rapport de corrélation – Marseille ........ 92
Tableau 1-24 : Décomposition de la variance et rapport de corrélation – Lyon ............... 92
Figure 1-19 : Boites à moustache – Paris .......................................................................... 93
Figure 1-20 : Boites à moustache – Marseille ................................................................... 94

313
Figure 1-21 : Boites à moustache – Lyon ......................................................................... 95
Tableau 1-24 : Coefficient de corrélation – Paris.............................................................. 96
Tableau 1-25 : Coefficient de corrélation – Marseille ...................................................... 96
Tableau 1-26 : Coefficient de corrélation – Lyon ............................................................. 97
Graphique 2-1 : Taux de chômage des pays de l’UE28 en novembre 2015 ................... 105
Carte 2-1 : Taux de chômage au niveau régional – 3ème trimestre 2015 ......................... 106
Carte 2-2 : Taux de chômage au niveau départemental – 3ème trimestre 2015................ 106
Tableau 2-2 : Principaux indicateurs d’emploi pour les 15 à 64 ans en 2013 (en %) ..... 107
Tableau 2-1 : Taux d’activité et de chômage par arrondissement à Paris, Lyon et
Marseille en 2012 ............................................................................................................ 108
Graphique 2-2 : Variation d’emploi entre centre-ville et périphérie dans les 100 plus
grandes aires métropolitaines Nord-Américaines ........................................................... 109
Graphique 2-3 : Équilibre sans discrimination du modèle de Brueckner et Zénou ........ 122
Graphique 2-4 : Équilibre avec discrimination du modèle de Brueckner et Zénou ........ 122
Graphique 2-5 : Équilibre urbain et équilibre sur le marché du travail du modèle de Zénou
......................................................................................................................................... 125
Tableau 2-3 : Études sur l’effet sur l’emploi du spatial mismatch recensées par Holzer
(1991) .............................................................................................................................. 126
Graphique 2-6 : Equilibres urbains du modèle de Boccard et Zénou ............................. 136
Tableau 2-4 : Testing de discrimination à l’embauche : Une mise en perspective des
études réalisées dans le cadre du programme GEODE ................................................... 139
Carte 3-1 : Le zonage en aires urbaines de 2010 ............................................................. 150
Carte 3-2 : Découpage et type d’IRIS de l’aire urbaine marseillaise .............................. 152
Tableau 3-1 : Fichiers de données infra-communale mis à disposition par l’Insee ........ 153
Tableau 3-2 : Variables utilisées à l’échelle de l’IRIS .................................................... 154
Tableau 3-3 : Description des informations sur les individus ......................................... 157
Tableau 3-4 : Recoupement famille/ménage ................................................................... 160
Tableau 3-5 : Récapitulatif des différents échantillons ................................................... 161
Tableau 3-6 : Caractérisation de l’échantillon « Ech11 » ............................................... 166
Tableau 3-7 : Statistiques descriptives des quartiers ....................................................... 168
Carte 3-3 : Part de familles monoparentales à l’IRIS ...................................................... 169
Carte 3-4 : Taux de chômage .......................................................................................... 169
Carte 3-5 : Revenu médian par IRIS ............................................................................... 170
Figure 3-1 : Résultats de l’ACP : cercle de corrélation................................................... 171
Figure 3-2 : Résultats de l’ACP - Projection des individus dans le 1er plan principal .... 172
Figure 3-3 : Résultats de la CAH : Projection des individus dans le 1er plan principal .. 173
Carte 3-6 : Typologie de quartier en 5 classes ................................................................ 173
Tableau 3-8 : Critères AIC selon l’échantillon et le modèle considérés ......................... 180
Tableau 3-9 : Estimation des probabilités d’emploi sur l’aire urbaine de Marseille – Aix-
en-Provence ..................................................................................................................... 181
Tableau 3-10 : Effets marginaux ..................................................................................... 183
Tableau 3-11 : Résultats analyse de sensibilité contrôle parental (AME) ...................... 188
Tableau 3-12 : Tests de robustesse – Régressions par classes d’âge .............................. 191

314
Tableau 3-13 : Régression spatiale des probabilités d’emploi sur la commune de
Marseille .......................................................................................................................... 198
Tableau 3-14 : Régression spatiales des probabilités d’emploi sur l’aire urbaine de
Marseille – Aix-en-Provence .......................................................................................... 198
Tableau 3-15 : Estimation du modèle spatial de probabilité d’emploi sur l’aire urbaine de
Marseille – Aix-en-Provence .......................................................................................... 200
Tableau 4-1 : Évaluations économétriques des programmes éducatifs compensatoires . 214
Tableau 4-2 : Description des programmes ..................................................................... 215
Tableau 4-3 : Politique d’éducation prioritaire – Vagues d’expansion ........................... 217
Tableau 4-4 : Résultats des évaluations empiriques des programmes éducatifs
compensatoires ................................................................................................................ 227
Figure 5-1 : L’emboitement des zones d’intervention de la Politique de la Ville .......... 248
Tableau 5-1 : Évolution de la géographie prioritaire ...................................................... 249
Carte 5-1 : Localisation des ZUS .................................................................................... 256
Tableau 5-2 : Statistiques descriptives des collégiens de France métropolitaine vivant à
moins de 10 km d’une ZUS en 2013 selon leur lieu de résidence .................................. 260
Figure 5-2 : Part des collégiens en fonction de la catégorie sociale des parents selon le
lieu de résidence en 2013 ................................................................................................ 261
Tableau 5-3 : Statistiques descriptives des collégiens d’Ile-de-France vivant à moins de
10 km d’une ZUS en 2013 selon leur lieu de résidence .................................................. 262
Figure 5-3 : Part des collégiens en fonction de la catégorie sociale des parents selon le
lieu de résidence en Ile-de-France en 2013 ..................................................................... 263
Carte 5-2 : Localisation des collèges ............................................................................... 264
Tableau 5-4 : Statistiques descriptives des anciens troisièmes en France métropolitaine
......................................................................................................................................... 266
Tableau 5-5 : Statistiques descriptives des anciens troisièmes en Ile-de-France ............ 268
Tableau 5-6 : Les écarts de milieux sociaux entre élèves de ZUS et en dehors pour la
France et l’Ile-de-France ................................................................................................. 269
Figure 5-4 : Représentation de la stratégie d’estimation dans un cadre de régression sur
discontinuité basé sur la distance à la frontière ............................................................... 270
Tableau 5-7 : Comparaison des caractéristiques observables entre population traitée et
groupe de contrôle à différents éloignements de la frontière .......................................... 272
Tableau 5-8 : Estimation de l’effet de la politique de la Ville sur le redoublement des
collégiens franciliens ....................................................................................................... 274
Tableau 5-9 : Classification des niveaux de formation en termes d’orientation ............. 275
Tableau 5-10 : Filière suivie après la troisième en Ile-de-France en 2013 selon le lieu de
résidence .......................................................................................................................... 276
Figure 5-5 : Représentation de la stratégie d’estimation dans un cadre de régression sur
discontinuité basé sur la distance à la frontière ............................................................... 276
Tableau 5-11 : Estimation de l’effet de la politique de la Ville sur l’orientation des
collégiens franciliens vers la filière générale .................................................................. 278

315
316
TABLE DES MATIÈRES

Remerciements ............................................................................................................... 9
Sommaire ...................................................................................................................... 11
Introduction Générale ................................................................................................. 13
La difficile définition de la ségrégation urbaine ........................................................ 13
Le rôle majeur des politiques publiques .................................................................... 15
L’objectif et le cadre d’analyse de la thèse ................................................................ 18
Chapitre 1 – Mesures et origines de la ségrégation .................................................. 23
SECTION 1 – La ségrégation urbaine : une réalité également française .................. 24
1. L’intérêt pour l’étude de la ségrégation aux États-Unis et en France ............. 24
2. La ségrégation urbaine dans les principales villes françaises : cadre
méthodologique ...................................................................................................... 26
2.1. Le choix des trois plus grandes villes françaises ..................................... 26
2.2. Les mesures de la ségrégation retenues ................................................... 29
2.3. Une approche par les Catégories Socio-Professionnelles (CSP) ............. 34
3. La ségrégation urbaine dans les principales villes françaises : résultats......... 35
SECTION 2 – L’explication de la ségrégation par l’économie urbaine et les modèles
de localisation ............................................................................................................ 44
1. Le modèle standard de localisation résidentielle ............................................ 44
1.1. Le modèle de choix résidentiel ................................................................ 45
1.2. L’équilibre urbain .................................................................................... 49
2. La prise en compte des différents groupes de population et des externalités
spatiales dans le modèle standard de localisation résidentielle .............................. 55
2.1. La différenciation des ménages dans les modèles de localisation ........... 55
2.1.1. Le modèle de choix de localisation multigroupe................................. 56
2.1.2. L’équilibre urbain multigroupe ........................................................... 57
2.2. Les choix de localisation et l’équilibre urbain lorsque l’espace est
différencié ........................................................................................................... 61
2.2.1. La dégradation de la qualité environnementale des quartiers et les
crowding externalities ..................................................................................... 62
2.2.2. La prise en compte des externalités raciales dans les choix résidentiels
et l’impact sur l’équilibre urbain ..................................................................... 63
2.2.3. La prise en compte simultanée d’une population et d’un espace
hétérogènes : amenity-based theory ................................................................ 64
2.2.3.1. Le modèle à aménités exogènes .................................................... 65
2.2.3.2. Le modèle à aménités endogènes .................................................. 66
3. L’importance des biens publics locaux ........................................................... 67
SECTION 3 – L’explication de la ségrégation urbaine en termes de processus ....... 69
1. Un processus d’évitement ou une recherche de l’entre-soi ? .......................... 69
2. Les modèles dynamiques comme cadre d’analyse du processus ségrégatif ... 70

317
2.1. Les modèles de ségrégation de Schelling ................................................ 70
2.2. La modélisation de la ségrégation par les méthodes de simulation ......... 72
SECTION 4 – Le rôle majeur du logement trop souvent ignoré ............................... 80
1. Une typologie des quartiers en matière de logement ...................................... 80
1.1. L’analyse factorielle ................................................................................ 80
1.1.1. L’Analyse en Composantes Principales (ACP)................................... 81
1.1.2. La classification ................................................................................... 82
1.2. Les trois typologies de quartier ............................................................... 82
2. La liaison entre le type de logement et l’ampleur de la ségrégation ............... 87
2.1. L’analyse graphique ................................................................................ 87
2.2. L’analyse statistique ................................................................................ 88
Partie 1 – Structure urbaine et emploi ........................................................................ 101
Chapitre 2 – Les disparités locales d’emploi : Une explication par la structure
urbaine ........................................................................................................................ 103
SECTION 1 – Le constat de disparités géographiques de répartition du chômage . 104
1. Des disparités globales… .............................................................................. 104
2. … aux disparités intra-urbaines .................................................................... 106
SECTION 2 – Les disparités de statut d’emploi : l’influence des caractéristiques
individuelles ............................................................................................................. 110
1. Le niveau d’éducation et l’âge : entre théorie du capital humain et théorie du
signal .................................................................................................................... 110
1.1. La théorie du capital humain ................................................................. 110
1.2. La théorie du signal ............................................................................... 112
2. Le genre et l’ethnicité à la base de pratiques discriminatoires ..................... 113
SECTION 3 – Les disparités de statut d’emploi : une explication par la structure
urbaine...................................................................................................................... 115
1. La distance aux emplois et l’hypothèse de mauvais appariement spatial ..... 115
2. Les mécanismes sous-jacents à l’influence de la distance sur l’emploi ....... 117
2.1. La décroissance de l’efficacité de la recherche avec la distance ........... 117
2.2. La faiblesse des incitations à la recherche d’emploi ............................. 119
2.2.1. Le lien entre intensité de la recherche et marché immobilier............ 119
2.2.2. Des coûts de recherché trop élevés.................................................... 120
2.3. Des coûts de commuting trop importants .............................................. 120
2.3.1. Coûts d’entrée des firmes et coûts de commuting ............................. 121
2.3.2. Minorités ethniques et coûts de commuting ...................................... 121
2.4. La distance détériore la productivité des travailleurs ............................ 124
3. Le spatial mismatch : une hypothèse discutée .............................................. 125
SECTION 4 – Les disparités de statut d’emploi : une explication par les interactions
sociales ..................................................................................................................... 127
1. La difficile définition des interactions sociales............................................. 128
2. Les interactions sociales et l’emploi ............................................................. 131

318
2.1. Les effets des interactions sociales sur l’emploi du point de vue de
l’individu .......................................................................................................... 131
2.1.1. La composition sociale du quartier ................................................... 131
2.1.2. Un arbitrage entre économie formelle et économe souterraine ......... 132
2.1.3. Une reproduction sociale inéluctable ? ............................................. 133
2.2. Les effets des interactions sociales sur l’emploi du point de vue des
employeurs........................................................................................................ 134
2.3. L’acquisition de l’information et les effets de réseaux .......................... 140
2.3.1. Les méthodes de recherche d’emploi ................................................ 140
2.3.2. L’efficacité de la recherche d’emploi ................................................ 141
Chapitre 3 – L’influence de la ségrégation urbaine sur l’emploi : une étude de cas
sur l’aire urbaine marseillaise .................................................................................. 145
SECTION 1 – L’espace : l’aire urbaine de Marseille – Aix-en-Provence............... 148
1. La zone d’étude ............................................................................................. 148
1.1. Le zonage en aires urbaines de 2010 et l’aire urbaine marseillaise ....... 148
1.1.1. Le zonage en aires urbaines de 2010 ................................................. 148
1.1.2. L’air urbaine marseillaise .................................................................. 151
1.2. Les Ilots Regroupés pour l’Information Statistiques (Iris) .................... 152
2. Les données sur l’espace ............................................................................... 153
SECTION 2 – Les individus : les jeunes actifs marseillais ..................................... 155
1. Les données ................................................................................................... 155
2. Les échantillons ............................................................................................ 158
2.1. Le traitement de l’endogénéité .............................................................. 158
2.2. La problématique famille/ménage ......................................................... 159
2.3. Les douze échantillons retenus .............................................................. 161
3. La caractérisation des individus .................................................................... 162
SECTION 3 – Les interactions entre les individus et l’espace : l’influence de la
structure urbaine sur les probabilités d’emploi des jeunes ...................................... 167
1. La structure urbaine ...................................................................................... 167
1.1. Une description de la structure urbaine marseillaise ............................. 167
1.2. Une typologie de quartier ...................................................................... 170
1.2.1. Les résultats de l’Analyse en Composantes Principales (ACP) ........ 171
1.2.2. Les résultats de la Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) .. 172
2. Le lien en matière d’emploi : l’estimation des probabilités d’emploi .......... 175
2.1. Le modèle .............................................................................................. 175
2.1.1. Les variables individuelles ................................................................ 175
2.1.2. Les variables de quartier.................................................................... 176
2.1.3. La stratégie d’estimation : probit, logit, pondération ? ..................... 178
2.2. Les résultats ........................................................................................... 179
2.2.1. L’influence des caractéristiques individuelles .................................. 181

319
2.2.2. L’influence de la structure urbaine .................................................... 183
2.2.2.1. L’influence de la relation à l’emploi ........................................... 183
2.2.2.2. L’influence du lieu de résidence.................................................. 184
2.3. Les tests de robustesse ........................................................................... 185
2.3.1. Un contrôle par les caractéristiques des parents ................................ 185
2.3.1.1. La méthode .................................................................................. 185
2.3.1.2. Les résultats ................................................................................. 186
2.3.2. La différenciation par classes d’âge .................................................. 190
2.3.2.1. La méthode .................................................................................. 190
2.3.2.2. Les résultats ................................................................................. 191
SECTION 4 – L’introduction de la géographie physique dans l’appréhension de
l’espace .................................................................................................................... 193
1. L’apport de l’économétrie spatiale ............................................................... 193
1.1. L’intérêt de la prise en compte de l’espace ........................................... 193
1.2. L’économétrie spatiale .......................................................................... 194
2. Le modèle...................................................................................................... 194
3. Les résultats .................................................................................................. 197
3.1. Les caractéristiques individuelles .......................................................... 200
3.2. Les effets de quartier ............................................................................. 201
Partie 2 – Ségrégation, éducation et politiques publiques ......................................... 205
Chapitre 4 – Les politiques publiques éducatives compensatoires : une approche
par l’évaluation économétrique ................................................................................ 207
SECTION 1 – Le lien entre ségrégation urbaine et éducation : le rôle essentiel des
politiques publiques ................................................................................................. 209
SECTION 2 – Évaluations économétriques et efficacité des programmes éducatifs
compensatoires : quels résultats ? ............................................................................ 212
1. Les programmes éducatifs compensatoires, leurs évaluations et le cadre
méthodologique .................................................................................................... 212
1.1. La mise en œuvre des programmes éducatifs compensatoires .............. 212
1.2. Le positionnement méthodologique de l’étude ..................................... 213
2. Une description des programmes .................................................................. 214
3. Les effets des programmes ............................................................................ 219
3.1. Les effets généraux ................................................................................ 219
3.1.1. Les programmes aux effets négatifs ou neutres ................................ 220
3.1.2. Les programmes aux effets positifs ................................................... 221
3.2. Les effets différenciés ............................................................................ 222
3.2.1. L’influence des caractéristiques des élèves ....................................... 222
3.2.2. L’influence des caractéristiques des écoles ....................................... 223
SECTION 3 – Une fiabilité des études contestée .................................................... 228
1. Le problème standard de détermination du groupe de contrôle .................... 228
2. Des limites propres à chaque méthode .......................................................... 229

320
2.1. Les limites de la méthode de différence en différences ......................... 230
2.2. Les limites de la méthode de régression sur discontinuité .................... 230
2.3. Les limites de la méthode des variables instrumentales ........................ 231
3. La comparabilité des différentes méthodes questionnée............................... 231
4. L’importance des comportements individuels ignorée ................................. 232
SECTION 4 – L’apport au débat politique et des outils d’aide à la décision .......... 235
1. La détermination de la « bonne » politique................................................... 235
2. Des recommandations politiques et techniques ............................................ 236
2.1. Les voies d’amélioration de l’efficacité des programmes éducatifs
compensatoires ................................................................................................. 236
2.2. Une amélioration des techniques économétriques d’évaluation pour une
meilleure appréhension des effets des programmes ......................................... 239
Chapitre 5 – La politique de la Ville et le parcours scolaire des collégiens en Ile-
de-France .................................................................................................................... 243
SECTION 1 – La politique de la Ville en France .................................................... 245
1. Historique et principe de la politique de la Ville .......................................... 245
1.1. Un bref retour historique ....................................................................... 245
1.2. Le fonctionnement de la politique de la Ville ....................................... 246
2. Les orientations actuelles .............................................................................. 248
SECTION 2 – Le volet éducatif de la politique de la Ville ..................................... 249
SECTION 3 – Évaluation de l’effet de la politique de la Ville sur le parcours scolaire
des collégiens franciliens ......................................................................................... 252
1. Projet de recherche « Les effets de la politique de la Ville et de l’Éducation
Prioritaire sur la réussite des élèves » .................................................................. 252
2. Le cadre méthodologique de l’étude ............................................................. 254
2.1. Les données utilisées ............................................................................. 254
2.2. Le choix d’une application à l’Ile-de-France ........................................ 255
2.3. Échantillons et statistiques descriptives ................................................ 257
3. L’effet de la politique de la Ville sur la scolarité des collégiens en France et
en Ile-de-France.................................................................................................... 265
3.1. Mesures des effets de la politique de la Ville et stratégie d’estimation 265
3.1.1. Absence de résultats scolaires, le choix du redoublement et des choix
d’orientation après la troisième ..................................................................... 265
3.1.2. La stratégie d’estimation retenue ...................................................... 269
3.2. L’effet de la politique sur le redoublement ........................................... 272
3.3. L’effet de la politique de la Ville sur les choix d’orientation après la
troisième ........................................................................................................... 275
Conclusion Générale.................................................................................................. 283
Récapitulatif du cadre et des résultats de la thèse .................................................... 283
Perspectives de recherches futures ........................................................................... 285
Bibliographie .............................................................................................................. 291
Table des illustrations ............................................................................................... 313

321
322
ABSTRACT
Cities are not homogeneous territories: some neighborhoods concentrate wealth while others face difficulties such as
unemployment, poverty, exclusion or crime. These fractures are a reflection of urban segregation, i.e. socioeconomic
inequalities spatial mark. The importance of this phenomenon can be identified through segregation index ranging from
0.1388 in Lyon, 0.1539 in Paris and up to 0.2075 in Marseille. Such indexes may seem relatively weak compared to those
observed in North American cities. In every country, segregation has costly implications for the society. Indeed,
concentrated socioeconomic difficulties generate frustration into the population, often leading to protests or even riots.
Thus, due to its cumulative nature, segregation affects individuals in different aspects of their lives (housing, employment,
education, integration, etc.), therefore there is a need for public intervention to fight this phenomenon. In this sense,
numerous actions have been undertaken since the 1970s. Nevertheless, in spite of regular renewals and changes in policies
orientation, cities remain marked by segregation and an increase of inequalities. The heart of this thesis therefore questions
the origins, evolutions and the reasons for the durability of this phenomenon. Thus, three objectives are pursued in this
thesis: (i) the characterization and explanation of segregated urban structures appearance, (ii) the link between segregation
and the inhabitants’ relationship to the labor market, and eventually (iii) the link between segregation and education.
To begin, this thesis’ first chapter is in line with urban economic theory, more specifically with the microeconomic
models of residential choices and urban equilibrium extended to heterogeneous populations and space. It emerges from
these models that segregation is a stable and efficient long-term urban equilibrium resulting from individual trade-off
between the distance to the center and the housing size in an area with amenities differing according to location.
Chapters 2 and 3 are interested on the link between segregation and employment. It is explained both by theoretical
and empirical literature, through three main channels. First, by the concentration of homogeneous populations in different
neighborhoods, segregation explains the intra-urban disparities in unemployment. Hence, less educated individuals, those
without any work experience, women and ethnic minorities have lower employment opportunities due to their productivity
(human capital and signal theory) or to discriminatory practices. Secondly, the distance between individuals and jobs has a
detrimental effect on their chances of being employed. Indeed, there is a negative relationship between distance to jobs and
the intensity and effectiveness of research. Finally, space is also the place for individual interactions that directly (peer
effects, network effects) and indirectly (neighborhood effects) condition the employment opportunities of individuals. An
empirical study was carried out to test the existence of these effects at an infra-communal scale on the urban area of Aix-en-
Provence-Marseille. For this purpose, a discrete choice model of employment probability for young people living with their
parents was estimated using individual characteristics, place of residence and distance to jobs. These estimates show that,
women, immigrants and people with low levels of qualifications, have lower probabilities of employment. This study also
confirms the negative influence of geographical distance on jobs. Finally, this estimate shows a fundamental role of
neighborhood effects, with the place of residence decreasing by up to 17 percentage points the probabilities of employment
of young people living in very disadvantaged neighborhoods compared to those living in the most favored ones.
The last chapters focus on the role of public policies in education. These compensatory policies aim to reduce the gaps
in achievement between pupils from disadvantaged backgrounds and those from a more favored one, but also to tackle the
process of social reproduction. These policies are strongly criticized. This thesis questions these criticisms veracity through
a critical review of these policies econometric evaluations. It hence advises for other evaluation methodologies and program
recommendations. In the light of this review of literature, an empirical study was carried out to evaluate the effect of the
“Politique de la Ville” on the grade retention and orientation choices of the Ile-de-France’s junior high school students.
Estimating by regression discontinuity showed that the Politique de la Ville although having a positive effect by reducing
the grade retention rate fails to provide the students with broader educational opportunities.
In summary, this thesis provides an explanation for urban segregation appearance that seems inevitable in urban space.
If one is willing to investigate how inhabitants connect their environment to their educational and employment status, this
thesis provides theoretical and empirical evidences that segregation cannot be ignored.

Key words: urban economics; spatial segregation; employment access; education; public policy evaluation.

323
RÉSUMÉ DE LA THÈSE
Les villes ne sont pas des territoires homogènes : certains quartiers concentrent les richesses et sont exempts de
difficultés socio-économiques alors que d’autres concentrent de manière cumulative les difficultés telles que le chômage, la
précarité, l’exclusion ou la délinquance. Ces fractures sont le reflet de la ségrégation urbaine, c’est à dire l’inscription
spatiale des inégalités socio-économiques, dont l’importance peut être montrée en France à travers les indices de
dissimilarité s’élevant à 0,1388 à Lyon, 0,1539 pour Paris et jusqu’à 0,2075 à Marseille. Bien que ces indices puissent
sembler relativement faibles comparativement à ceux observés dans les villes Nord-Américaines, il n’en demeure pas moins
que cette ségrégation a des implications coûteuses pour la société française. En effet, la concentration de difficultés socio-
économiques dans certains quartiers des grandes villes entraine un mal-être profond des populations qui se manifeste
régulièrement lors d’émeutes et de crises dans les banlieues. Ainsi, de par le caractère cumulatif de la ségrégation qui vient
impacter les individus dans différents aspects de leur vie (logement, emploi, éducation, intégration, etc.), il existe une
nécessité d’intervention publique pour lutter contre ce phénomène. Dans ce sens, de nombreuses actions ont été menées dès
les années 1970 dans le cadre, entre autre, de la politique de la Ville. Pour autant, malgré des renouvellements réguliers, des
adaptations et des changements d’orientation, les villes restent marquées par la ségrégation et par un accroissement des
inégalités. Dans ce contexte, le cœur de cette thèse s’interroge sur les origines, les évolutions et surtout les raisons de la
pérennité de ce phénomène malgré tous les efforts mis en œuvre pour contrer ce processus. Ainsi, trois objectifs sont
poursuivis dans cette thèse : il s’agit de s’interroger sur (i) la caractérisation et l’explication de l’apparition de structures
urbaines ségrégées, (ii) le lien entre ségrégation et relation des habitants au marché du travail et (iii) le lien entre ségrégation
et éducation.
Dans un premier temps, cette thèse se place dans le cadre de l’Économie Urbaine et plus particulièrement des modèles
microéconomiques de choix de localisation et d’équilibre urbain étendus à des populations et des espaces hétérogènes. Il
ressort de ces modèles que la ségrégation est un équilibre urbain de long terme stable et efficace, résultant des arbitrages
individuels entre distance au centre et taille du logement dans un espace comportant des aménités différant selon le lieu.
Dans un deuxième temps, cette thèse s’intéresse au lien entre ségrégation urbaine et emploi. Ce lien est explicité dans
la littérature, à la fois théorique et empirique, à travers trois canaux principaux. Tout d’abord, par la concentration de
populations homogènes dans différents quartiers, la ségrégation permet d’expliquer les disparités intra-urbaines de
chômage. Dans ce sens, les individus les moins éduqués, ceux sans expérience professionnelle, les femmes et les minorités
ethniques ont des chances d’emploi plus faibles de par leur productivité (théorie du capital humain et du signal) ou de par
des pratiques discriminatoires. Ensuite, la distance séparant les individus des emplois a un rôle préjudiciable sur leur chance
d’être en activité. En effet, il existe une relation négative entre la distance aux emplois avec l’intensité et l’efficacité de la
recherche. Enfin, l’espace est également le lieu des interactions individuelles venant conditionner de manière directe (effets
de pairs, effets de réseaux) et de manière indirecte (effets de quartier) les chances d’emplois des individus. Une étude
empirique a été menée afin de tester l’existence de ces différents effets à une échelle infra-communale dans le cadre de
l’aire urbaine d’Aix-en-Provence – Marseille. Pour cela, un modèle de choix discret des probabilités d’emploi des jeunes
vivant chez leurs parents a été estimé en fonction de caractéristiques individuelles, du lieu de résidence mais aussi de
distance aux emplois. Il ressort de ces estimations que, de manière standard en économie du travail, les femmes, les
immigrés et les personnes ayant de faibles niveaux de qualification connaissent des probabilités d’emploi plus faibles. Cette
étude confirme également l’influence négative de la distance géographique aux emplois. Enfin, il ressort de cette estimation
un rôle fondamental des effets de quartiers, le lieu de résidence venant diminuer de jusqu’à 17 points de pourcentage les
probabilités d’emploi des jeunes vivant dans les quartiers très défavorisés, comparativement à ceux vivant dans les zones les
plus favorisées.
Dans un troisième temps, cette thèse s’intéresse au rôle des politiques publiques de lutte contre la ségrégation dans le
cadre éducatif. L’objectif de ces politiques publiques éducatives compensatoires est, sur la base de la discrimination
positive, de réduire les écarts de réussite entre élèves issus de milieux défavorisés et ceux issus d’environnement plus aisés
mais également de contrer le processus de reproduction sociale. Ces politiques d’envergure sont aujourd’hui vivement
critiquées. Cette thèse s’interroge sur la véracité de ces critiques à travers une revue critique des évaluations économétriques
de ces politiques et permet la formulation de préconisations. Dans la lignée de cette revue de la littérature, une étude
empirique a été menée pour évaluer l’effet de la politique de la Ville sur le redoublement et les choix d’orientation des
collégiens d’Ile-de-France. La mobilisation de l’évaluation économétrique, par la méthode de régression sur discontinuité, a
permis d’estimer que la politique de la Ville présente un effet positif en diminuant le taux de redoublement mais échoue
dans son ambition d’ouverture à des parcours scolaires diversifiés.
En résumé, cette thèse fournit une explication de l’apparition de la ségrégation urbaine qui semble inéluctable dans les
espaces urbains. Elle fournit également un ensemble de preuves théoriques et empiriques de l’influence de cette dernière sur
les relations à l’emploi et à l’éducation des habitants de ces villes venant fournir une explication à la perduration de la
ségrégation dans les villes.

Mots clés : économie urbaine ; ségrégation spatiale ; accès à l’emploi ; éducation ; évaluation des politiques publiques

Vous aimerez peut-être aussi