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La Complainte Du Progrès - Boris Vian

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La complainte du progrès!

Boris Vian, 1956

GRAMMAIRE ET COMPRÉHENSION LINGUISTIQUE

1- Les deux temps employés dans la première strophe, ainsi que leur valeur, sont:

– l'imparfait de l'indicatif: «parlait», «offrait».


L'imparfait est le temps du passé. C'est un imparfait descriptif. Ici, l'auteur décrit
l'amour d'avant-guerre. En amour avant, «on offrait son cœur», c'était gratuit. L'amour
était un sentiment sincère.

– le présent de l'indicatif: «est», «change», «glisse».


C'est un présent de vérité. Ici, Boris Vian affirme que l'amour d'avant est bel et bien
révolu et qu'aujourd'hui, «c'est plus pareil, ça change..». Il énonce que pour séduire, les
habitudes ont changé en amour dans les années 50.

Le passage de l'imparfait au présent montre l'évolution des mœurs.

2- «Ah Gudule, viens m'embrasser, et je te donnerai....»

Cette phrase contient 3 pronoms personnels:

– «me»: il désigne l'amoureux, l'homme qui séduit Gudule, le «on» de la phrase


précédente (ainsi l'auteur passe au style direct).
Sa fonction est pronom complément d'objet direct.

– «je»: il représente l'homme épris. Sa fonction est pronom personnel sujet.

– «te»: il désigne Gudule, la femme bien-aimée séduite, le «cher ange» de la phrase


précédente.
Sa fonction est pronom complément d'objet indirect.
3- «Et si la belle se montre encore rebelle»

a- Nature de «rebelle»: adjectif qualificatif.

Fonction de «rebelle»: adjectif attribut du sujet (il précise et donne une


information sur le sujet (ici «la belle»). L'adjectif attribut ne peut être supprimé (la phrase n'aurait
plus de sens), il s'accorde avec le sujet, il est introduit par un verbe d'état (ici «se montre»).

b- Sens du mot «rebelle»: qui est en révolte ouverte contre une autorité, qui est
fortement opposé et hostile envers quelque chose, qui refuse de se soumettre.
Dans la chanson, le mot «rebelle» signifie que la «belle» ne cède pas à la décision de son homme
après une dispute. Elle se révolte car elle refuse de s'excuser ou de rentrer sans rien chez sa mère,
sans partager les biens matériels achetés pendant leur relation.

4- «Mon cire-godasses»

a- Ce mot est original car c'est un mot inventé par Boris Vian.

«cire-godasses» est constitué:

– du verbe «cirer» qui signifie enduire de cire. Ce verbe appartient au langage


courant,

– et du nom «godasse» qui signifie chaussure. Ce nom appartient au langage


familier.

Ce mot imaginaire est donc un mot composé avec mélange des registres de langue. Il illustre
l'automatisme de plus en plus présent parmi l'éléctro-ménager.

b- Trois autres noms qui reposent sur le même procédé:

– «repasse-limaces», mot formé avec le verbe «repasser» et le mot «limace» (en


langage familier personne lente et molle),

– «chasse-filous», mot formé avec le verbe «chasser» et le mot «filou» (personne qui
vole avec ruse),

– «chauffe-savates», mot formé avec le verbe «chauffer» et le mot «savate» (vieille


pantoufle ou personne maladroite en langage familier).

c- L'effet produit: ces mots imaginaires définissent des objets aussi étranges que
fantasques, ce qui produit un effet burlesque, drôle.

Certains objets sont absurdes comme le «repasse-limaces», d'autres insolites «tabouret-à-glace» ou


futiles «la tourniquette pour faire la vinaigrette».
Ces objets drôles et fantaisistes donnent à la complainte un caractère enjoué (normalement une
complainte est plutôt triste et nostalgique).
Boris Vian déplore, par ce procédé, le matérialisme d'une compagne qui en guise de témoignages
d'affection réclame des objets hétéroclites et extravagants.
5- Réécriture

Autrefois, s'il arrivait que nous nous querellons


L'air lugubre nous nous en allions en laissant la vaisselle
Maintenant que voulez-vous? La vie est si chère
Nous disons «Rentrez chez votre mère» et nous nous gardons tout
Ah vous, excusez-vous, ou nous reprenons tout ça

COMPRÉHENSION ET COMPÉTENCES D'INPRÉTATION

6 - a- Le thème de cette chanson est la relation amoureuse: séduction dans la première strophe,
querelle amoureuse dans la quatrième strophe.

b- Dans ces strophes, le pronom employé est principalement le pronom personnel indéfini «on».

Le pronom «on» désigne ici tous les hommes d'une même génération. Nous ne savons rien de ces
hommes, le chansonnier ne les identifie pas. «On» représente donc n'importe qui et tout le monde.
L'auteur relate ce qu'un homme peut dire à sa bien-aimée pour la séduire (première strophe), ou
pour la disputer (quatrième strophe).

7- a- «autrefois» et «maintenant» sont deux adverbes de temps qui sont répétés dans la chanson.

b- En opposant ces deux adverbes, l'auteur insiste sur le changement, les nouvelles modes.

Boris Vian fait un parallèle entre le passé et le présent.

Il compare deux époques:

– «autrefois» représente les années avant la seconde guerre mondiale. L'auteur décrit une
histoire d'amour vécue à cette époque. Les amoureux pouvaient vivre d'amour et d'eau
fraiche. L'amour était sincère, romantique.

– «maintenant» désigne les années 50, les Trente Glorieuses, le développement de la


société de consommation. Avec l'essor matériel arrive les changements de
comportement. L'auteur décrit une histoire d'amour moderne, une façon de séduire
matérialiste. Les amoureux ont besoin d'une abondance de biens de consommation. Ils
espèrent atteindre le bonheur dans l'acquisation de biens matériels. La technologie
envahie leur vie.

Cette évolution traduit la crainte de l'auteur de voir les sentiments amoureux remplacés par le plaisir
de la consommation et la possession d'un maximum de choses.

Dans la quatrième strophe, l'auteur fait une nouvelle comparaison entre l'amour d'«autrefois» et
celui de «maintenant» pour décrire les conséquences d'une querelle amoureuse. Avant, on ne
possédait pas grand chose, on se suffisait de peu. Lors d'une dispute, on se fâchait simplement,
«l'air lugubre on s'en allait...» Maintenant, lors de querelle et de séparation, l'homme ne veut pas
céder tous les biens matériels achetés car la vie est chère.

La rupture entre les deux modes de consommation, celui d'avant la seconde guerre mondiale et celui
de la société comtemporaine, est donc marquée par les adverbes de temps. Le comportement a
changé «Maintenant c'est plus pareil, ça change et ça change». Après une dispute, «On dit «rentre
chez ta mère» et on se garde tout». L'union d'un couple est facilement rompue car l'amour n'a
jamais existé sous cette forme matérialiste.

On remarque aussi que pour décrire l'amour d'autrefois, le poète emploie des verbes de parole,
d'expression de sentiments («faire sa cour», «on parlait d'amour», «on se querelle») alors que pour
l'amour moderne il emploie des verbes qui renvoient à la consommation et à la possession («je te
donnerai», «on se garde tout», «je reprends tout ça»).

8- Champ lexical de la passion amoureuse (première strophe): «faire sa cour», «parlait


d'amour», «son ardeur», «offrait son cœur», «séduire le cher ange», «m'embrasser».

Puis, le vocabulaire de l'amour courtois disparaît totalement dans les strophe suivantes. Il est
remplacé par le champs lexical de l'économie domestique (appareils ménagers en tout genre,
«vaisselle», «vie chère», «on s'entraide»,...).

Effet produit: le chansonnier décrit une vision plutôt négative du couple moderne car le plaisir de
consommer remplace l'Amour. Il tourne en dérision la société de consommation naissante dans
laquelle le besoin matériel devient une priorité. Il regrette le temps de l'amour courtois.

9- L'énumération est la figure de style employés dans les strophe 3 et 6.

Les choix des objets énumérés permet de montrer l'évolution de la relation :

– La séduction et l'installation en ménage. Au début de la relation, l'homme séduit sa


bien-aimée en lui offrant des biens utiles («frigidaire», «cuisinière», …) et de beaux
objets qui évoquent les plaisirs d'un couple qui vient de se former (plats sucrés «des
pelles à gâteaux», «un pistolet à gaufres», confort du lit «des draps qui chauffent»,
voyage «un avion pour deux»),

– Dégradation de la relation amoureuse. Tous les objets ont disparu (à l'exception du


«frigidaire» et de la «tourniquette») pour laisser place à des objets strictement utilitaires
(« mon poêle à mazout») ou absurdes («mon cire-godasses», ...). Le chagrin d'amour est
traité de manière bouffone.
De plus, la répétition de l'adjectif possessif «mon» à la place de «un» dans la strophe 3
évoque la rupture et renforce l'idée de possession. L'amoureux reprend tous les objets à
sa chère compagne. La volonté de posséder semble devenir obsessionnelle.

– Séparation du couple et fin de l'histoire amoureuse. L'élue du cœur est chassée. Les
objets listés sont violents et renvoient au champ lexical de la guerre et même de la
torture («canon à patates», «éventre-tomate», «écorche-poulet»). L'amour dans la
société de consommation est donc associé à la souffrance. Les objets possédés n'ont plus
que des fonctions destructrices.

Effet recherché par l'auteur: En listant ainsi des objets, Boris Vian montre l'abondance qui
caractérise la société de consommation. Juxtaposés, sans aucune logique, les objets énumérés
perdent toute valeur utilitaire et apparaissent dans toute leur absurdité. Par ce procédé, Boris Vian
décrit une vision négative des relations humaines dans une société qui perd ses valeurs au profit du
besoin matériel.
10- Ce texte est une satire, qui sous un ton plutôt léger, parvient à critiquer la société de
consommation.

Le contexte historique: d'après mes recherches, nous sommes dans la période des «Trentes
Glorieuses», marquée par une croissance économique soutenue et ininterrompue, ainsi que par une
amélioration générale des conditions de vie. Il faut se rappeler que les années de guerre ont été
marquées par le rationnement alimentaire (les Français n'avaient accés à la nourriture qu'avec des
tickets de rationnement) et matériel.
Désormais, la technologie envahit la vie des occidentaux qui espèrent atteindre une forme de
bonheur dans l'acquisition des biens matériels.

Le titre:
– Le mot «complainte» annonce une chanson populaire de ton plaintif et portant sur des
sujets sombres voire tragiques.
– A l'inverse, le mot «progrés» évoque dans la conscience collective une notion positive
(amélioration, évolution, avancée).
Cette association inattendue laisse sous-entendre que l'auteur se plaint des avancées technologiques
et regrette le passé.

De plus, le terme de complainte donné à cette chanson est ironique car il contraste avec le caractère
très enjoué da la chanson:
– «Gudule», prénom rarissime et ridicule,
– les paroles humoristiques (termes qui sortent de l'imagination du chanteur),
– les longues listes de biens fantaisistes.

Sens de la chanson:

Composée en 1956, «La complainte du progrès» est donc une satire de la société de consommation
et de ses dérives.
Boris Vian critique plus particulièrement l'intrusion de la société de consommation dans la vie
amoureuse du couple.
Il évoque un passé idéal où l'on séduisait la femme aimée en étalant de grands sentiments. Mais,
dans la nouvelle société d'aujourd'hui, le matérialisme domine, et ce n'est plus les sentiments qui
font rêver. Pour se faire aimer, il faut offrir des objets. L'amour perd ainsi sa substance: il se reporte
sur ce que l'autre peut offrir matériellement, et non sur l'individu lui-même. Autrement dit, on aime
ce que l'individu possède et non ce qu'il est.
Cette invasion du monde matériel est si complète qu'en cas de rupture, le soucis de conserver les
objets achetés l'emporte sur le dépit amoureux.
Insatisfait, on change de partenaires et on se condamne à un éternel recommencement d'où les deux
derniers vers «Et l'on vit comme ça jusqu'à la prochaine fois». C'est cyclique (séduction, installation
en ménage, consommation, séparation et de nouveau séduction,...etc).
Dans ces conditions, la notion de foyer et de famille n'existe plus.

Pour Boris Vian, l'acquisition de biens matériel afin d'atteindre le bonheur est un leurre qui conduit
à oublier les émotions au profit du matérialisme.
Sa chanson est une satire dont l'objectif est de mettre en garde contre les dangers du progrès
technique s'il en vient à supplanter les valeurs humaines.

Remarque: dans sa chanson, le poète évoque aussi la condition de la femme dépendante d'un mari
qui ramène l'argent à la maison. En gage d'amour, il lui achète toutes sortes de gadgets pour se faire
aimer puis la menace de tout reprendre à la moindre anicroche. Les nouvelles richesses donnent lieu
à un chantage «excuse-toi, ou je reprends tout ça».
Ainsi, il aborde le sujet sensible du rôle de la femme au foyer et son indépendance: «on se garde
tout» sous-entend que le mari estime pouvoir tout reprendre puisqu'en travaillant il a pu offrir tous
ces biens. Insensiblement, Boris Vian signifie que si la femme moderne veut s'émanciper, elle devra
travailler au même titre que son mari pour gagner son indépendance matérielle. De cette façon, cela
lui évitera de rentrer sans rien chez sa mère et de repartir à zéro.

Le texte nous invite à la réflexion. Nous courons après le bonheur mais savons-nous réellement ce
que c'est? Le développement de l'électroménager est-il une libération ou une nouvelle forme
d'emprisonnement?

Pour conclure, il s'agit bien d'une complainte du progrés puisque l'auteur porte un regard négatif sur
l'essor de la société et se lamente, tout en gardant l'esprit drôle et moqueur, sur l'impossibilité d'une
relation amoureuse stable.

11- Document B «Au printemps ou La Vie à l'endroit», Gérard Fromanger, 1972

a- Le tableau représente un paysage urbain, parisien, comme le laisse penser le titre de l'oeuvre
«Au printemps ou La Vie à l'endroit». Il date de 1972, période de grande prospérité.

Le grand magasin Le Printemps occupe la majeure partie de la toile. Cette impression est accentuée
par le choix du cadrage et la ligne de fuite: grâce à une légère contre-plongée, la magasin semble à
la fois s'élever sur plusieurs étages et s'étirer à l'infini.
Les affiches longues et étroites qui se succèdent en répétant à l'infini en lettres noires sur fond clair
le mot «Soldes» renforcent la démesure de la construction. De nombreux drapeaux représentent une
multitude de nationalités, ce qui fait référence à la mondialisation.

Au premier plan, sur le trottoir, des passants anonymes se déplacent selon une circulation à double
sens. La plupart d'entre eux portent des sacs contenant leurs achats. Ils paraissent se hâter. Il y a
quelque chose de mécanique dans leur posture.
On a l'impression que les consommateurs potentiels sont comme sur des rails invisibles qui les
guident vers et dans le temple de la consommation.

b- Sens de l'image et rapport avec le texte

Cette illustration, d'une folle journée de soldes, est une critique de la société des années 60. Gérard
Fromanger dépeint la consommation de masse, les achats compulsifs et incontrôlés.
Le consommateur est à la fois l'acteur principal et la victime attirée dans un lieu de perdition
financière.

La société de consommation devient une drogue, crée des besoins artificiels, qui deviennent
indispensables. Pourtant, il n'y a pas encore très longtemps, tout le monde s'en passait puisqu'ils
n'existaient pas.

Ce qui rapproche l'image du texte:


– c'est la période des «Trentes Glorieuses» (1946-1975),
– le regard critique porté sur la société de consommation par le procédé d'accumulation: la
multitude d'achats dans l'image rappelle les énumérations d'objets dans le texte,
– aucun couple n'apparait dans le dessin: la société est de plus en plus matérialiste et
individualiste comme dans la chanson. La valeur de l'individu se mesure à ce qu'il
possède.
Les deux auteurs dénoncent, de manière dérisoire et avec humour, l'invasion des objets dans la vie
des gens. Ils mettent en évidence la tyrannie d'un système économique qui incite à consommer
toujours plus. L'homme est réduit au rôle de consommateur.
Les deux œuvres sont donc une critique contre la vie moderne déshumanisée.

Pour conclure, on peut souligner l'actualité du sujet de cette chanson et de cette illustration, la
surconsommation: Boris Vian et Gérard Fromanger soulignaient des problèmes et posaient des
questions auquels nous cherchons aujourd'hui encore, plus que jamais, à apporter des réponses.

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