Les Deux Colonnes de La FM
Les Deux Colonnes de La FM
Membres du jury :
Jacques Fontanille, Université de Limoges, Institut universitaire de France
Isabelle Klock-Fontanille, Université de Limoges, Institut catholique de Paris
1
2
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................................. 7
2. Le corpus ................................................................................................................................................ 85
2.1 Rites et obédiences ........................................................................................................................... 85
2.1.1 La question du Rite d’origine .................................................................................................. 87
2.1.2 L’échantillonnage .................................................................................................................... 88
2.2 Limites temporelles et spatiales ........................................................................................................ 88
2.2.1 Limites temporelles .................................................................................................................. 88
2.2.2 Limites spatiales ...................................................................................................................... 89
2.3 Antients et Modernes ........................................................................................................................ 90
2.3.1 Première Grande Loge ............................................................................................................. 91
2.3.2 Grande Loge d’York ................................................................................................................. 91
2.3.3 Grande Loge des Antients ........................................................................................................ 92
2.3.4 Les « Traditioners » ................................................................................................................. 92
2.3.5 La Grande Loge Unie d’Angleterre ......................................................................................... 93
2.3.6 En France ................................................................................................................................. 93
3
2.4 Les rituels contemporains................................................................................................................. 94
2.4.1 Rituels français ........................................................................................................................ 94
2.4.1.1 Rituels dits « Écossais » .................................................................................................... 94
2.4.1.2 Rituels Français ................................................................................................................. 95
2.4.1.3 Rituels « Écossais » Rectifiés .......................................................................................... 96
2.4.1.4 Autres rituels .................................................................................................................... 96
2.4.2 Rituels anglophones .................................................................................................................. 97
2.4.2.1 L’Angleterre...................................................................................................................... 97
2.4.2.2 L’Irlande .......................................................................................................................... 99
2.4.2.3 L’Écosse............................................................................................................................ 99
2.4.2.4 Les États-Unis ................................................................................................................. 100
2.4.2.5 Autres pays ..................................................................................................................... 101
2.5 Les rituels anciens .......................................................................................................................... 102
2.5.1 Les rituels de Rit « Moderne »................................................................................................ 102
2.5.1.1 Le XVIIIe siècle ................................................................................................................ 102
2.5.1.2 Le XIXe siècle .................................................................................................................. 105
2.5.1.3 Le XXe siècle ................................................................................................................... 106
2.5.2 Les rituels du Rite « écossais ancien ».................................................................................... 107
2.5.2.1 Le XVIIIe siècle ................................................................................................................ 107
2.5.2.2 Le XIXe siècle .................................................................................................................. 108
2.5.2.3 Le XXe siècle ................................................................................................................... 108
2.5.3 Les autres rituels « écossais » ................................................................................................. 108
2.6 Autres documents utilisés ............................................................................................................... 109
4
3.6.11.2 Représentation et pensée ............................................................................................... 184
5
Remerciements
Dédicace
6
Introduction
Dans les années 1960, le climat intellectuel poussait à affirmer que l’on vivait un
moment d’accélération des connaissances. Ce n’était pas faux. La complexité du réel
semblait exiger un effort long et soutenu pour ne pas céder au découragement. Tout pa-
raissait possible à la science. Elle s’enfonçait dans la matière pour la comprendre au plus
profond. Tout était plus compliqué pour ce qui devait la rendre plus simple. Elle surfait,
victorieuse, sur l’écume des sociétés anciennes. François Le Lionnais, oulipien de voca-
tion, écrivait sur « Les fausses sciences, maladies de notre civilisation » (1954) et Mau-
rice Colignon avait publié contre « les faux prophètes et les sectes d’aujourd’hui »
(1953). Les universitaires ne voyaient plus dans les rites que conduites prélogiques op-
posées aux développements de la raison humaine. La distance s’accroissait entre religion
et science, par les victoires de la lumière (des Lumières ?) sur les superstitions magico-
religieuses du passé.
Les études littéraires cherchaient dans des formulations mathématiques des recon-
naissances de la part de ceux qui dominaient les débats : tout se parait d’habits scienti-
fiques. La « libération » scientifico-technologique semblait pourtant dangereuse à cer-
tains qui annonçaient qu’on allait bientôt « crever la gueule ouverte », titre d’une revue
de pré-écologistes apocalyptiques. On annonçait toujours l’inéluctable mort des rites et
leur disparition logique, mais l’homme se sentait « s’échapper » à lui-même.
Les études sur les rites n’ont pas cessé pour autant, les intellectuels français domi-
nants n’ont pas été suivis par le reste du monde. Ce type de textes, les rituels, n’a pour-
tant été scruté que par des spécialistes dont la dénomination académiquement reconnue
d’anthropologues ou d’ethnologues les autorisait à se pencher sur des sujets marqués par
l’archaïsme et la primitivé. L’historien, travaillant sur le passé, voyait le pardon lui être
accordé.
Il y a quarante ans, Paris voyait fleurir des slogans comme « Il est interdit
d’interdire », « La vie est ailleurs », « Cours, camarade, le vieux monde est derrière
toi », et « Sous les pavés, la plage ». Ce dernier a été la source d’un flot de commen-
taires, surtout politiques. Simple volonté de liberté, ou de libération !, ou conjonction
heureuse d’un moment de l’histoire, l’arrachage des pavés de Paris par des étudiants en
révolte, luttant contre les diktats insupportables d’une société trop rigide. L’arrachage
s’accompagnait de la découverte du lit des pavés, le sable sur lequel ils reposaient.
7
Que la première hypothèse soit juste ou non, ou que ce soit une autre encore, la for-
mule décrit de manière condensée et heureuse, et peut-être involontaire, et en cela elle
n’est que plus facile à retenir, une forte opposition culture/nature, la culture symbolisée
par le « pavé », objet manufacturé du monde civilisé, pierre taillée destinée à établir
fermement la durabilité d’une voie de passage, et le sable, symbolisant, dans sa naïveté
innocente, une nature rêvée comme vierge, mais dissimulée sous le poids oppressant de
la pierre. La destruction du vernis culturel aurait fait retrouver le monde de la nature.
Tout devenait possible !
La réponse est sans doute aussi naïve, le sable n’était sous les pavés que parce qu’on
l’avait aussi extrait de la carrière et posée là par la volonté de l’homme constructeur.
Cette opposition n’est pourtant pas fausse, elle est toujours à l’œuvre, et partout. Le
monde proposé à la réflexion de celui qui y naît n’existe que parce qu’il projette sur lui
un regard qui trie en « naturel » et « culturel » les objets soumis à son examen. Mais ce
regard trieur lui est enseigné par la même société qu’il rejette parfois. L’homme trie,
classe, distingue, discrimine, isole les parties du continuum qui lui est proposé pour le
comprendre. Il cherche à « s’y retrouver ».
La métaphore des deux niveaux, ou des niveaux multiples 1 , s’applique bien sûr au
texte, sens de surface et signification profonde, niveau apparent et réalité masquée. Le
rite est assez comparable au texte, son niveau d’exécution, apparent, se doublant d’une
réalité qui ne se dévoile que peu à peu. Nos travaux portent sur les textes utilisés par une
pratique rituelle particulière, la Maçonnerie. Notre formation culturelle nous a conduit à
considérer le fait maçonnique, en dehors de sa pratique, comme un fait culturel qu’il
convenait d’étudier aussi en chercheur. Les sciences humaines, la comparaison avec
d’autres pratiques religieuses ou initiatiques sont indispensables. Parallèlement, il nous a
fallu rechercher les textes originaux des rituels, souvent incompréhensibles car mal tra-
duits, pour en comprendre l’exacte portée. Telles sont les grandes lignes qui ont dirigé
nos travaux.
Il pourra apparaître que notre commentaire est parfois ironique sur tel ou tel point, ou
sur certains comportements humains par rapport aux rituels. Ce point de vue décalé est
pour nous une manière d’approche possédant une vertu heuristique fondamentale, ce
« pas de côté » souriant évitant de prendre pour argent comptant l’imperturbable sérieux
des ritualisants, mais aussi les textes dans leur première perception.
1
Lubac, 1964.
8
1. Le rituel maçonnique, objet d’étude ?
2
Sur ce point, Stéphane Olivesi (université Lyon 2) ne se trompe pas en affirmant, dans sa recension de
l’ouvrage de Pascal Lardellier, Théorie du lien rituel. Anthropologie et communication, que cet auteur,
« en indiquant que “le rituel (employé comme substantif et non comme adjectif) est l’ensemble des textes,
issus en principe de la tradition, qui ordonnance les règles d’organisation du rite (par exemple, les rituels
de messes fixent leur agencement cérémoniel)” », propose une définition de « caractère restrictif », et
nous ajouterons, une erreur dans la perception de la notion de texte. S. Olivesi soulève, en effet, une ques-
tion importante : « dans les sociétés sans écriture ou dans la vie profane la plus quotidienne, n’existe-t-il
pas des rituels (ensemble de règles suivies, sans être pour autant formalisées) qui régissent les pratiques
sociales ? » (Médias et identités).
9
rain, et quels sont les liens entre rite et langage. Nous verrons de quelle manière peut se
caractériser le Rite maçonnique, quel est son univers mental, sa matrice, et donc ses li-
mites et, enfin, quels sont les éléments permettant d’établir le « style » maçonnique du
rite.
1.2 Définitions
1.2.1 Le « rituel »
Pour l’Académie, « rituel » est d’abord rapporté à la religion catholique, par la défini-
tion qu’il en donne dans son dictionnaire : « Livre liturgique catholique contenant les
rites des sacrements et des sacramentaux et diverses formules (exorcismes, bénédic-
tions) » 3 , avant d’être, mais par analogie seulement, défini comme « Ensemble de textes,
sur papyrus ou gravés sur les murs des temples, indiquant l’ordonnancement des céré-
monies dans l’ancienne Égypte » 4 . Il est enfin élargi aux règles et aux rites d’une reli-
gion (de toutes religions, donc) ou, même, d’une association. À côté d’un aspect reli-
gieux premier, on avance un aspect profane, mais la primauté donnée à la liturgie catho-
lique révèle l’héritage d’une culture. La première édition du Dictionnaire (1694) conte-
nait déjà : « Livre contenant le rit, ou rite d’une Église, d’un Diocese. Le rituel de Rome.
Le rituel de Paris », avec l’exemple, « On a imprimé un nouveau rituel » 5 .
La parole donnée à l’étymologie, ensuite, rappellera des évidences mais, en fin de
compte, les étymologistes ont toujours le dernier mot. Cela ne résoudra sans doute pas
tout de la question, mais constituera un point de départ. Aristote pose ainsi, à propos du
bonheur, qu’« il faut partir des données connues » 6 , et le rappel de l’étymologie est, en
un sens, l’énoncé de données connues permettant de délimiter un premier champ dans la
réflexion, même si, écrit Max Müller, « L’étymologie traite d’un passé qui n’eut jamais
de présent ». La question sera celle du contenu sémantique qu’il convient d’attribuer aux
termes employés. Comme syntagme nominal, rituel dérive de « livre rituel » (liure ri-
tual) qu’emploie Rabelais 7 en 1564. L’expression rabelaisienne est la traduction directe
du latin rituales libri, « livre traitant (ayant trait à) des rites », qu’atteste le dictionnaire
de Gaffiot 8 . Il existe aussi un adjectif (syntagme adjectival) rituel, d’abord employé pour
désigner une action, un objet, un terme, ayant trait à l’expression du rite, mais pouvant
3
Trésor de la langue française informatisé (http://atilf.atilf.fr/), Dictionnaire de l’Académie française,
neuvième édition, Version informatisée.
4
Ibid.
5
Dictionnaire, 1694 : 412.
6
Aristote, 2004 : I, 2.1.
7
Rabelais, 1997 : 314 (« disant ne sçay quelles conjurations en langue Ethrusque, et quelquefois lisant en
un livre ritual, lequel pres elle portoit une de ses mystagogues »).
8
Gaffiot, 2001.
10
aussi, dans un usage quotidien et ordinaire, signifier traditionnel, pour dire coutumier ou
usuel. Le sens est ici proche d’habitude et de simple répétition, sans visée particulière.
Pour les catholiques, si le rituel désigne le livre contenant les textes qui présentent le
contenu (et le déroulement) des sacrements et autres célébrations liturgiques, on parlera
plus volontiers, ou plus fréquemment, de « livres liturgiques ».
1.2.2 Le « rite »
Le rituel nous conduit logiquement à préciser la notion de rite qui est sa raison d’être
comme livre des rites. Il nous faut, sans doute encore, en passer par l’origine des mots.
« Rite » est issu du latin ritus, d’abord de même sens, « rite » ou « usage sacré », mais
aussi « usage, méthode, coutume » et, enfin, « manière de vivre », ou « mœurs ».
L’adverbe latin rite (formé sur ritus) signifie « selon les rites », ou « selon les règles »,
« convenablement », mais aussi « comme d’habitude », « à juste titre » et « favorable-
ment » et enfin, tout spécialement, « de la manière prescrite par la loi », « légalement »,
« formellement » ou « solennellement ». La notion de rite connaît de nombreux syno-
nymes, ou termes proches : cérémonie, magie, coutume, religion, pratique, culte, litur-
gie, observance, protocole, étiquette, tradition et, bien sûr aussi, habitude. Dans ce der-
nier cas, comme pour coutume, c’est l’aspect répétitif du rite qui est retenu, mais cela
paraît aussi vrai de pratique.
Cet aspect routinier du rite ne constitue pourtant pas son assise principale, elle n’est
que sa face apparente, une première écorce sur laquelle on peut s’arrêter lorsqu’on ne
cherche pas à aller plus loin dans sa compréhension. Ce caractère est seulement vécu
comme une réduction du rite au cérémonial (aspect extérieur), à une conception ritualiste
d’une liturgie, c’est-à-dire qu’ici cela « rime avec monotonie et litanie » 9 . La cérémonie,
l’étiquette, l’observance ou le protocole renvoient pourtant à des aspects formels de pré-
cision qui s’ajoutent à l’aspect public (extérieur) d’un ordonnancement, mais la religion
précise un contenu des rites. La magie n’est associée à rituel que depuis peu, le Diction-
naire de 1694 proposait seulement, pour magie, « Art qui produit des effets merveilleux
par des causes occultes ». C’est, plutôt qu’un synonyme, un découpage de la notion de
rite en religieux (civilisé) et primitif (sauvage).
La coutume et la tradition et, sans doute encore la pratique, évoquent l’aspect du-
rable, car récurrent du rite. L’un des schémas ci-dessus propose un rapprochement entre
pratique (practice) et forme (pattern), mais nous dirons plutôt qu’il s’agit d’une configu-
ration. Ce dernier point est intéressant car il révèle l’aspect de structure, donc de fixité,
du rite.
9
Gelineau, 1989 : 19.
11
QuickTime™ et un QuickTime™ et un
décompresseur TIFF (non compressé) décompresseur TIFF (non compressé)
sont requis pour visionner cette image. sont requis pour visionner cette image.
La règle à suivre, le rite, détermine une mise en ordre des choses, une intention
d’organisation, ou de disposition, des objets du monde. Toute mise en ordre d’un en-
semble quelconque, vécu comme, a priori, épars, révèle une recherche de sens. Des ob-
jets disponibles sont re-disposés, pour en comprendre les relations d’abord, si elles exis-
tent ensuite et, dans ce cas, pour saisir ce quelles sont, et enfin pour trouver la place cor-
recte de chacun, y compris celle de l’opérateur. L’origine sanscrite et védique du terme
latin, ta, présent en partie en français, indique « ce qui est conforme à l’ordre », ce que
rappelle, par exemple, René Guénon 10 (et beaucoup d’autres…) et renvoie à plusieurs
types d’ordre : un ordre cosmique, un ordre des rapports dieux/hommes et des rapports
entre les hommes, qui s’expriment par une vérité rituellement prescrite et religieusement
émise dans l’ordre du sacrifice. Nous pourrions y ajouter un ordre des rapports entre les
êtres, entre les êtres et les choses, entre les choses elles-mêmes 11 . De la même racine
viennent les mots art, arithmétique, rythme. Cette notion était désignée au Moyen Âge
par le mot ordo dont l’usage de dérivés est massivement présent dans notre culture.
10
Guénon, 1953 : chap. XIX.
11
On sent poindre la grande dualité qui s’exprimera de différentes manières, profane/sacré, pur/impur, etc.
(Douglas, 2001).
12
s’excluent d’ailleurs pas. Comme texte, le rituel, est un recueil et il peut être, même, en-
visagé comme une collection de textes particuliers. Il rassemble en effet l’ensemble de
ce qui concerne des cérémonies religieuses. En outre, la forme « texte » possède elle-
même une configuration, constituant en partie son aspect officiel, réglementaire, et qui
s’est révélée dans la notion de rite. Cela signifie que ce texte ne sera pas structuré de
n’importe quelle manière.
Le rituel possède un contenu dont l’intention, la visée ultime est le religieux ou, sans
doute plus exactement, le sacré. La différence entre les deux notions peut s’établir à par-
tir de l’institutionnalisation des pratiques. Ce sont elles qui déterminent l’aspect officiel,
ou réglementaire, du texte, directement lié au caractère public, le contenu concernant les
rites, c’est-à-dire l’ordonnancement réglementé de cérémonies, la liturgie. La visée im-
médiate du rituel sera la réitération des objets de son contenu, dans une forme stable. Le
rappel de l’étymologie ne contredit pas cet aspect, les rituales libri ne renvoyant qu’à
des rites de type religieux. Ces deux points conditionnent la durabilité du rite, qui sera
considérée comme son caractère traditionnel, stabilité de la forme>réitération>stabilité
dans le temps.
Nous sommes donc face à plusieurs questions à partir d’une seule notion. Le rituel se-
ra considéré sous l’aspect d’un recueil d’usages dont l’objet général est de permettre (ou
de faciliter) des pratiques (régulières) de type cérémoniel, liées en outre à la vie d’un
culte, s’exprimant par les rites. L’existence du rituel est ainsi fondée sur la nécessité de
conserver la stabilité de la forme pour projeter cette dernière dans une stabilité tempo-
relle, et de réunir l’ensemble des règles du rite. La forme du texte retiendra les aspects
répétitifs attachés aux différents éléments, mais aussi à l’objet « rituel » dans son en-
semble. Le rite semblant être fait pour être réitéré (répété), le rituel l’indiquera.
Nous trouvons ainsi des mots appartenant au champ religieux, et des mots désignant
une activité répétitive (ou routinière 12 ) et suggérant, plus ou moins, le passé. Dans notre
culture, cet aspect est, au moins, péjorant. Il appartiendrait au passé ! Il est pourtant clair
qu’un rituel permet, dans le présent, d’actualiser des pratiques venant, certes, du passé,
au moins d’un antécédent, mais toujours considérées comme actuelles. Leur visée ultime
est conservée, leur valeur reste contemporaine pour ceux qui utilisent l’objet rituel et en
assument le contenu. Sans doute, les pratiques cérémonielles et cultuelles sont-elles plus
essentielles pour aborder celui-ci, que la notion d’habitude (la réitération), qui semble
n’en être qu’une facette.
12
Mais volontaire !
13
L’articulation semble se faire entre l’aspect mémoriel – le passé du texte — et son ac-
tualisation – son présent, auxquels nous devons ajouter la visée ultime, les considéra-
tions attachées au sacré. Il nous est sans doute possible de considérer la question comme
« portant sur les rapports entre le passé des choses souvenues, le présent des choses
aperçues et le futur des choses attendues » 13 .
Le rituel, entendu globalement, possède un dernier caractère que nous croyons utile
de souligner : il est anonyme, sauf cas très exceptionnel. À l’opposé de nombreux autres
types de textes, qui ont soit un auteur identifié, soit un auteur que l’on peut découvrir ou
que l’on peut présumer, le rituel n’est pas la propriété de son ou de ses auteurs. Tout
texte stabilisé par l’écriture (quelque type d’écriture), l’impression ou d’autres moyens
de reproduction modernes ou anciens (gravure lithique), est d’une certaine manière ob-
jectivé ou réifié. Il fait alors partie davantage de ses lecteurs (utilisateurs, à quelque titre
que ce soit), ou plutôt de leur univers, que de son auteur. Le rituel le fait au double titre
de texte réifié et de texte anonymé.
Il n’est plus que le bien (la propriété) de ses utilisateurs. Il ne l’est plus qu’en appa-
rence, car il reste la parole authentifiée et autorisée de son auteur, qu’il soit unique ou
multiple, même s’il disparaît et s’efface derrière son texte. Ainsi, « on croirait presque
qu’aucun sujet humain ne s’occupe d’orchestrer la liturgie » 14 . Par cette forme de dé-
possession, « l’auteur » (une autorité ou un organisme reconnu comme tel), en « of-
frant » le texte aux pratiquants, prend en fait possession de l’espace d’une parole qu’il
emplit et qu’il impose 15 .
En ce qui concerne la structure textuelle du rituel maçonnique, elle montre de nom-
breuses ressemblances de forme avec les catéchismes chrétiens ou les joca
rum 16 . Elle se présente toujours, globalement, comme une série de questions et de ré-
ponses (QR), une forme canoniquement « dialogique ». Le principe de présentation n’est
pas une innovation, mais repose au contraire sur des fondements anthropologiques.
L’enseignement platonicien, comme ici l’aspect formel du rite, suppose une relation
permanente d’altérité entre celui qui énonce et les autres 17 . La forme catéchistique pren-
13
Ricœur, 2000 : 731.
14
Buc, 2003 : 146.
15
C’est bien pour cette raison que l’autorité dont émane le rituel se considère comme seule autorisée à le
modifier, refusant jalousement les modifications apportées en dehors d’elle comme des innovations sans
valeur ou même destructrices. Le ne variatur existe aussi dans le domaine maçonnique. On défera dès que
possible toute « commisssion du rituel » existant en dehors de celle de l’autorité gestionnaire.
16
Mais aussi avec le type d’enseignement platonicien fait de réponses à des questions, dans une progres-
sion de dévoilement de la pensée.
17
La méthode a ses fondements rhétoriques, l’adresse directe à un « autre », qui peut prendre plusieurs
postures (auditeur, lecteur, interlocuteur direct) apporte un poids à l’énoncé en impliquant l’autre.
14
dra corps ici entre trois acteurs principaux, le Vénérable Maître 18 (VM : le président), les
1er et 2e Surveillants (1S, 2S : les assesseurs). Le premier manifeste dans le rituel une
présence langagière massive : il pourra parler seul, s’adresser à chacun des Surveillants
ou à un autre acteur du Rite (Officier, Maçon ou Candidat 19 ). Les autres acteurs auront
ainsi une présence moindre de ce point de vue. La parole se manifestera sous forme mo-
nologuée (VM seul à un acteur silencieux), dialoguée (VM-Surv) ou triloguée (VM-1S-
2S) 20 . On trouve aussi, entre les dialogues, des indications de procédures pratiques sur
l’ordonnancement de la cérémonie (attitudes, gestes, déplacements, positionnement
d’objets), des didascalies.
Le rituel maçonnique présente les mêmes caractères d’autorité et d’anonymat que
nous venons d’évoquer. Il est effectivement très rare qu’une version soit l’œuvre d’une
personne seule mais, même lorsqu’il est accompagné d’un nom d’auteur (nous le verrons
dans la deuxième partie), son utilisation comme texte de référence des pratiques
l’anonymise quelque peu. Mais, de la même manière, il est le lieu (et l’enjeu) d’une
forme d’autorité, tirant sa légitimité de l’organisme dont il émane. C’est sa parole qu’il
contient, c’est son monde qu’il propose. Sous couvert d’anonymat, il fournit le cadre
mental où doit se développer le rite. Cela n’implique pourtant pas que toute initiative
soit impossible, surtout dans le domaine de l’interprétation…
18
Il nous faut ici souligner notre usage des majuscules. Certains termes seront affectés d’une majuscule
initiale pour désigner une notion appartenant à l’aire maçonnique d’usage. Ainsi, la Maçonnerie sera un
raccourci pour Franc-Maçonnerie, que l’on distinguera de la maçonnerie qui désignera la profession ou le
métier. De même, Initiation sera maçonnique mais initiation désigne tout type d’initiation. Nous pourrons
préciser quelques autres usages lorsque de besoin.
19
Il va de soi que les termes employés sont généraux et n’impliquent pas de limiter la pratique de ce Rite
aux seuls représentants de la classe masculine. Mais par commodité nous ne préciserons pas sans cesse,
comme un langage politiquement correct aime à le faire actuellement.
20
Une manifestation parmi d’autres de la « triple voix », ou d’un ternaire sonore.
21
Site www.cafe.edu/genres/g-intro.html.
15
type de texte, en fonction de ses caractères. Le discours est moulé par ces contraintes qui
permettent, à une communauté déterminée de producteurs et d’usagers, de le reconnaître
comme tel. La structure peut connaître quelques variations qui n’affectent pas la stabilité
du système.
Or, la liste des genres littéraires est (parfois) très longue 22 , comme nous l’apprend
l’excellent site québécois « cours autodidactique du français écrit ». Pourtant, le « ri-
tuel », comme texte, n’en fait pas partie. Peut-on le glisser comme genre à part entière
dans une telle liste et, en outre, pourquoi n’est-il pas reconnu comme tel ? Frédéric Gi-
mello-Mesplomb affirme ainsi qu’« avant d’être littéraires, les genres ont été des pra-
tiques assez naturelles » 23 . Nous y souscrivons volontiers. « C’est quand vont s’instaurer
les épopées, les cantiques, les contes et surtout la tragédie (avec ses concours publics)
que le concept de genre s’établira comme un fait culturel » 24 . Mais notre culture, in-
quiète pourtant de tout classer, ne cite jamais le rituel comme genre.
Si nous admettons les douze grandes catégories habituelles de la littérature (autobio-
graphique, comique, didactique, dramatique, épique, épistolaire, lyrique, merveilleux et
fantastique, oratoire, polémique, romanesque, tragique), nous découvrons qu’un élément
des rituels, la prière, est classé dans le sous-groupe de l’exhortation, appartenant lui-
même à l’art oratoire. Mais nous ne trouvons pas de « rituel » comme genre, ou comme
espèce. Lorsque les douze catégories sont regroupées en trois plus générales (narratif,
poésie, théâtre), pas de place non plus pour le rituel.
Pour établir une typologie des textes, Denise Malrieu et François Rastier 25 définissent
quatre niveaux hiérarchiques supérieurs au texte : les discours (ex. juridique, littéraire,
essayiste, scientifique), les champs génériques (ex. théâtre, poésie, genres narratifs), les
genres proprement dits (ex. comédie, roman « sérieux », roman policier, nouvelles,
contes, mémoires et récits de voyage), les sous-genres (ex. roman par lettres). Le rituel
n’entre visiblement dans aucune de leurs catégories. Leur propre culture les pousse-t-elle
à penser un instant à ce type de texte ? Cela ne fait visiblement pas partie de leur horizon
culturel. La question est peut-être là, dans une contrainte culturelle contingente.
Dans Les genres littéraires 26 , Dominique Combe distingue quatre grandes classes de
textes : fiction narrative, poésie, théâtre et essai où il range, entre autres, le discours phi-
22
Le site « café » (cours autodidactique du français écrit) recense 141 genres différents (on consultera
cette liste à l’URL : www.cafe.edu/genres/g-intro.html#5). On y découvre les danses rituelles (mais un
rituel ne consiste pas qu’à s’agiter en rythme), les mythes, les énigmes, les légendes, les prières, les céré-
monies canoniques. Sont-ce des « rituels » qui sont ainsi nommés ?
23
Gimello-Mesplomb, 1998 reproduit dans son cours la liste de café.edu (communication personnelle).
24
Site www.cafe.edu/genres/g-intro.html.
25
Malrieu-Rastier, 2001.
26
Combe, 1992.
16
losophique ou théorique. Mais il ne cite jamais le mot rituel et, plus largement, il
n’évoque aucun texte de type religieux. Le site québécois « cafe » 27 connaît une entrée
« Rituels. Textes religieux » mais ce qui est retenu ne nous semble pas décrire un genre
littéraire particulier, ce serait plutôt une collection hétéroclite d’objets appartenant à un
champ religieux très général. On trouve, par contre, un grand nombre de sous-entrées
que nous donnerons pour le plaisir, amen, angélus, antienne, ave, bénédicité, cantique,
coronach, diurnal, doxologie, épicédion, grâces, hosanna, leitmotiv liturgique, maca-
risme (ou bénédiction), magnificat, mantra, noël, oratorio, oremus, patenôtre, psaume,
et séquence, ayant trait au rituel, en particulier, chrétien, ou à des parties de rituel.
Tout cela est intéressant, et précise de nombreux termes, formules, ou séquences iso-
lées, mais ne décrit pas la notion de rituel qui nous semble plus globale. Un rituel (ici du
domaine religieux) n’est pas simplement une prière, mais il est souvent élaboré autour
d’une ou de plusieurs d’entre elles. Il n’est pas, non plus, un chant ou un poème reli-
gieux, mais il comprend souvent de telles séquences. Le rituel est souvent un « dis-
cours » de type religieux qui peut réunir plusieurs types de textes.
Même s’il a classé les textes, Aristote (le père de toutes les taxinomies 28 ) ne parle pas
des rituels. Aucun auteur moderne glosant sur Aristote n’y fait, non plus, la moindre al-
lusion. Cela n’a pas semblé intéresser Kant, ni Humboldt, ni Hegel, par exemple. S’ils
avaient traité de cette question, cela apparaîtrait rapidement à la lecture. Les grandes
questions littéraires ou philosophiques n’ont pas le temps, ni le goût, d’aborder un rituel
qui semble repoussé dans quelques recoins de la culture. C’est comme si, ici, le rituel
n’existait pas. Mais il résiste. Il existe, néanmoins.
Il nous semble d’ailleurs surprenant qu’on ne considère pas le rituel comme un genre
à part entière car, aussi loin que l’on remonte dans la littérature, pour dire dans
l’existence de textes, quels qu’en soient les cultures et les supports, on trouve des rituels,
et peut-être même des rituels avant des rapports de notaires, des contrats, des comptes et
des calculs. Mais il semble que les formes diverses adoptées par les divers rituels n’ont
pas permis de les accueillir dans un genre unique.
On découvre pourtant que le rituel, ou la notion générale de rituel, a suscité de très
nombreuses études. En dehors de ce que nous appellerons les « professionnels » du ri-
tuel, anthropologues, sociologues, liturgistes ou religieux (et quelques Maçons, pour ce
qui est de nos textes), les structuralistes ou les sémioticiens, qui peuvent être ou non re-
ligieux ou liturgistes, se sont emparés de l’objet avec délectation, car ils y ont trouvé un
large champ d’application à leurs disciplines. Le décodage de l’objet « rituel », considé-
27
Site de l’Université de Montréal. URL : www.cafe.edu.
28
Les Topiques et les Catégories.
17
ré comme « ensemble signifiant », a ainsi donné lieu à quelques études de ses structures,
ou a été évoqué pour certains de ses aspects 29 . Mais le partage des disciplines a ses li-
mites et différentes études d’anthropologues, de sociologues, d’ethnologues ou
d’historiens, pour ne citer qu’eux, révèlent l’utilisation ancillaire de méthodes sémio-
tiques. Selon Philippe Buc, « La discipline historique a vu le « rituel » envahir les titres
d’ouvrages, d’articles et de sessions de conférences » 30 , au point qu’il lui semble impor-
tant de justifier cette attitude de ses collègues historiens.
Quelques rares philosophes contemporains ont aussi consacré une part de leurs tra-
vaux ou ont abordé la notion de rite, même s’ils utilisent parfois rite pour rituel. Nous
citerons l’exemple illustre de Paul Ricœur. Chez lui, la question est envisagée dans le
cadre philosophique plus vaste d’une réflexion sur l’articulation du mythe et du rite,
mais aussi penchée sur l’approfondissement des problèmes de la mémoire, du temps, de
l’histoire et de l’interprétation des textes bibliques. L’interrogation demeure : pour
quelles raisons le rituel n’est-il pas considéré comme genre ? Il est possible que l’on ait
donné la primauté à son intention et, dès lors, que celle-ci ait accaparé toute l’attention
au détriment de sa forme et de sa production. Le rite est pourtant modelé dans un type de
textes qui donne une forme plastique particulière au contenu.
18
(temps dramatique) et celui de la représentation vécue par le spectateur (temps scé-
nique). Le temps dramatique peut couvrir une longue période, ou il énonce par divers
artifices qu’une longue période est couverte ; le temps scénique est celui que vit, de ma-
nière biologique, le spectateur, entre le début et la fin de la représentation. En outre, le
théâtre repose sur un type particulier de langage « composé de deux faces complémen-
taires : le texte dramatique, les effets de régie » 34 , c’est-à-dire les indications ou didasca-
lies. Le texte dit, et joué, est conditionné par les indications qui précisent où et comment
le jouer, avec quel geste, dans quelle direction, etc. Enfin, le personnage retiendra notre
attention en raison de son statut particulier. Si, pour la tragédie grecque, il n’est qu’un
support de l’action, il prendra ensuite, comme actuellement, une part plus importante du
spectacle.
Il nous semble que ces quatre critères peuvent s’appliquer, avec quelques raisons, au
rituel, entendu ici, à la manière ordinaire, comme performance du rite ayant été codifié
en texte. Le rite n’existe que par l’actualisation du rituel qui le retient. Il s’inscrit aussi
dans une temporalité suspendue, appelé généralement « temps rituel », mais il comporte
aussi deux autres temps, celui de l’action (dans le cas du rituel maçonnique, par
exemple, les pérégrinations du corps d’Hiram) et celui de la « représentation » vécue par
les participants, le temps que dure la « tenue ». Mais peut-être faut-il y ajouter le temps
rituel qui est « réellement » suspendu par le Rite, puisque tout se déroule (est censé se
dérouler) dans un Midi permanent 35 . La triple unité des classiques, lieu, temps, action,
est en permanence transgressé au moins par le discours (comme le récit du Cid). Le ri-
tuel utilise ensuite un type particulier de « langage composé de deux faces complémen-
taires » : le texte dramatique, celui « du rituel » et que prononcent les Officiers, et les
« effets de régie », c’est-à-dire les indications du rituel (des didascalies). Le texte est dit
et joué, et il est absolument conditionné par les indications précisant les gestes, les dé-
placements, les directions, les objets à utiliser, etc. Enfin, les personnages ont un statut
extrêmement particulier puisqu’ils ne sont pas un simple support de l’action. Ils y parti-
cipent de manière essentielle, en le dirigeant, pour certains, ou en y contribuant, pour les
autres, toujours (soyons optimistes) de manière active.
Les différences entre le rituel et le théâtre seront sans doute dans l’intention, dans la
fréquence de réitération et donc dans la nature des participants. L’intention ne sera pas,
pour le rituel, de divertir, mais elle peut être considérée sous l’angle de la catharsis, ce
point rapprochant le rituel de la tragédie selon les critères d’Aristote. Comme elle en-
core, le rite/rituel fonctionnera sur un registre « noble » avec un langage châtié et qui
34
Stalloni, 2000 : 27.
35
Langlet, 2009a 7.
19
possèdera un rythme particulier. Le théâtre, ensuite, est rarement joué suivant des
rythmes « rituels » 36 , cosmiques (fêtes solsticiales, calendrier liturgique, fêtes des saints)
ou périodiques choisis (pour la messe, par exemple, tous les jours, toutes les semaines,
tous les mois, tous les ans pour les Mystères joués devant les cathédrales, etc., et pour les
tenues 37 maçonniques, deux fois par mois, tel ou tel jour choisi et fixe). Nous remarque-
rons enfin que les participants sont ici des « adeptes », des ritualisants/ritualisés, et non
des simples spectateurs, et que leur statut est directement lié à l’intention du texte. Ils
sont autant acteurs, participants, que spectateurs puisque le contenu du texte correspond
à une intention transformatrice visant les participants. Un des participants ne connaît
pourtant ni le texte ni l'intrigue : l’impétrant, qui est le personnage principal de sa récep-
tion. Cela concerne chaque cérémonie où l’on reçoit un candidat à un Grade quel qu’il
soit.
20
berté 38 , c’est-à-dire des rites de passage. Mais faut-il se soigner d’être ritualisé, ou d’être
ritualisant ?
Le rituel est encore abordé par l’historien ou par le folkloriste (Arnold Van Gennep 39 ,
Paul Sebillot 40 ). Il est largement évoqué, sans nécessairement d’études approfondies sur
ses structures textuelles, par les historiens des religions (Mircea Eliade) ; il l’est souvent
de manière plus précise par les médiévistes (Marc Bloch 41 , Jacques Le Goff, Jean-
Claude Schmitt) et, ne les oublions pas, par les antiquisants (Claude Calame) 42 . Dans
tous ces derniers cas, le rituel est envisagé comme un objet du passé, ou représente une
survivance occasionnelle ayant défié le temps. Ici, le rituel est dévisagé de loin. Dans le
domaine proprement religieux, le rituel intéressera au premier chef le liturgiste43 (mais
ici, c’est sans doute « plaider pour sa paroisse ») et le sociologue du phénomène reli-
gieux (François Isambert). On s’approche un peu plus du rite…
Jusque-là, sans trop remettre en question le bien-fondé de toutes ces approches, nous
n’avons que rarement découvert le rituel, objet d’études comme texte. Pourtant de nom-
breux auteurs reconnaissent, comme Denis Jeffrey, que « la narration est indissociable
du rite » 44 , autre manière d’affirmer les liens entre les actes à produire et le texte-support
ou le texte-récit du rituel, entre des actes et le langage toujours présent. La plupart des
études semblent s’inscrire, en outre, dans une perspective « étique » 45 qui, bien que re-
vendiquant cette posture objectiviste et universaliste marquant notre culture de son sceau
bienfaisant, projette sur le rituel des conceptions pré-établies, et des théories déjà exis-
tantes. On utilise ici les classifications de l’une des théories des sciences sociales, en
affirmant respecter les conditions de la recherche scientifique que caractérise la « con-
naissance rationnelle », mais le matériau est loin d’être une roche métamorphique ou un
phénomène nucléaire. La référence aux sciences « dures » ne sera là que pour assurer —
c’est un trait de notre culture— la validité des résultats d’études. Michel Foucault 46 avait
38
Reik, 1974 : 133.
39
Mais Van Gennep est aussi reconnu comme ethnologue, car folkloriste reste encore péjoratif (catégories
de culture savante…).
40
Sébillot, 2002.
41
Bloch, 1983.
42
Les « antiquisants » rassemblent tous ceux qui, archéologues, numismates, philologues, historiens, se
consacrent à l’étude de la Grèce et de Rome (sans exclure les confins du monde gréco-romain), mais aussi
plus particulièrement à celle de la Gaule (académie des inscriptions et belles-lettres).
43
Le liturgiste peut être chrétien ou juif, bouddhiste ou autre.
44
Jeffrey, 2003 : 37.
45
Les notions « émique et étique » sont empruntées au linguiste Kenneth L. Pike qui distingue différents
points de vue pour rendre compte d’un phénomène : le point de vue du sujet parlant, subjectif (emic) et le
point de vue extérieur (etic).
46
Foucault, 1994.
21
bien observé que, si les textes littéraires modernes ne pouvaient être publiés sans nom
d’auteur, il suffisait, aux textes scientifiques, l’autorité de la science 47 .
On constate pourtant qu’elles restent dans le champ des sciences humaines, avec tout
le potentiel d’interprétation subjective (donc d’erreur ou d’approximation) qui peut sur-
gir à tout moment. Il nous semble, ainsi, que l’on étudie l’objet rituel avec autant de ré-
serves et de restrictions mentales que peut en apporter une approche « émique ». Car
n’est-il pas vrai qu’on ne décode un discours, ou qu’on ne tente de le faire, qu’avec ses
propres filtres ? Peut-on, d’ailleurs, procéder d’une autre manière ? Nous résumerons
tout cela par le « d’où parles-tu camarade ? », repris, sous forme grinçante, par Bruno
Etienne 48 .
L’anthropologie a réfléchi sur les mythes, la manière de consommer la nourriture, de
classer les oiseaux ou les grands prédateurs, les coquillages et les couleurs, ou sur la
qualité du bois pour les poteaux des cases. Dans ce cas, parler des mythes, en chercher
les structures et tenter de les mettre à plat (ou en évidence), c’est une manière d’étudier
les rituels (ou le rituel) à partir de formes particulières, mais lointaines et un peu exo-
tiques. En outre, on y établit un lien direct, que valident les historiens des religions, entre
mythe et rite. Si les uns voient dans le rite une mise en forme des mythes, et donc que le
rite est second, Vladimir Propp affirmera le contraire en considérant le mythe comme
procédant des rites 49 .
Notre approche se fera davantage du point de vue émique car, même si nous le vou-
lions, nous ne pourrons guère procéder autrement. Si l’anthropologue et linguiste Pike 50
avait affirmé que seuls les « usagers » eux-mêmes étaient compétents pour produire des
descriptions (« émiques ») parce qu’ils pouvaient fournir des données de l’intérieur, es-
sentielles à la recherche (linguistique), il avait tempéré cette affirmation par une autre
qui n’en était pas l’adversaire : ceux qui travaillent « de l’extérieur » appliquent, dans
l’analyse des langues, des méthodes de recherche scientifique et fournissent ainsi des
descriptions (« étiques ») vérifiables et reproductibles. Il semble avoir envisagé les deux
approches comme complémentaires, quand elles sont devenues, pour certains qui les
utilisent, opposées et antinomiques, l’une étant non valide et l’autre, bien sûr, valide.
Nous nous efforcerons de prendre appui, même maladroitement, sur la science du lan-
gage et sur ses méthodes pour combiner les deux approches, intérieure et extérieure.
47
Ce qui est un renversement des valeurs par rapport aux périodes antérieures.
48
Etienne, 2002 : 68.
49
Propp, 1983.
50
Pike, 1954 ; Pelto, 1970.
22
1.5 Rituel et rite
Nous avons vu que le terme rituel pouvait être utilisé dans plusieurs sens selon les au-
teurs. La question d’une définition repose sur l’ensemble des traits caractérisant un rituel
et qui peuvent être plus ou moins étroits. Les ethnologues savent débattre presque à
l’infini sur la présence de tel ou tel caractère et, partant, proposent leur définition du ri-
tuel. Elles seront donc nombreuses. Mais nous remarquons chez eux, comme chez les
anthropologues, une tendance affirmée à utiliser les termes rite et rituel de manière in-
terchangeable, et presque inconsciente. On découvre même que rituel est plus employé
que rite, là où ce dernier s’imposerait davantage. L’usage est si largement répandu qu’il
est nécessaire de faire un effort pour préciser les notions. Y a-t-il réellement du fruit à
établir une distinction entre rituel et rite ? Sans doute le croyons-nous, mais nous recon-
naissons que cette question, souvent posée, peut donner lieu à d’interminables débats qui
ne clarifient que rarement les choses. Arthur Maurice Hocart, par exemple, dans Social
Origins 51 , utilise souvent l’un pour l’autre. Denis Jeffrey souligne aussi que « La plupart
des auteurs font usage des deux mots sans leur assigner une signification distincte » 52 , et
précise qu’il fera comme eux.
Martine Segalen note les usages et leurs limites, mais tout cela ne lui paraît pas pri-
mordial, puisque nous n’en trouvons trace que dans la deuxième partie de son ouvrage :
« ‘Rituel’ est souvent employé à la place de ‘rite’, sous forme de substantif, dans le
même sens générique qui, peut-être, accentue l’importance des cérémonies en question ;
utilisé en adjectif, « rituel » renvoie à des actes qui ont lieu au cours des cérémonies qui
en portent les caractéristiques, ainsi parlera-t-on de conduites, de repos rituels » 53 . Le
plus souvent, nous constatons que les chercheurs et les auteurs se réfèrent à des rituels
actés ou oraux et ne leur confèrent pas le statut de texte.
« Rite » pourra être utilisé, dans cette perspective, en considérant le terme dans le
même rapport au rituel qu’un élément à un ensemble, l’un comme genre et l’autre
comme espèce. Un rituel peut en effet avoir été conçu comme le recueil (document réu-
nissant des données d’un même type) de plusieurs rites qui, s’ils s’articulent en un tout,
le rite global, auront leur propre justification (raison d’être) interne. Ces unités élémen-
taires peuvent elles-mêmes être composées d’unités plus petites que l’on définira comme
des ritèmes. Les deux termes, rite et rituel, ne peuvent pas être exactement synonymes,
même si, dans les faits, nos propres usages peuvent aussi se confondre. Les habitudes
51
Hocart, 1954.
52
Jeffrey, 2003 : 13.
53
Segalen, 2005 : 87.
23
générales ne disparaissent que difficilement. Cela peut sans doute faire partie de la
marge d’erreur tolérée, même dans une démarche qui se veut rigoureuse.
Outre la définition de ces termes, certains auteurs redéfinissent plusieurs notions
connexes et de même famille, comme rituélique, ritualité, ritualisme 54 . Le rituel sera
donc, pour nous, un texte fixant la forme des rites et manifestant l’aspect cérémoniel qui
y est attaché, les rites étant appréhendés comme d’une grande fixité. On pourra alors
considérer le rite comme un ensemble de prescriptions réglant la célébration du culte en
usage dans une communauté religieuse, son cérémonial. De nombreux anthropologues,
ethnologues, sociologues et psychologues peuvent n’y voir aucun caractère transcendant,
et évacuer le caractère sacré ou symbolique des rites. Il est même devenu convenable
d’affirmer, par exemple, que « Le rite ne se confine nullement à la sphère du religieux ;
c’est plutôt celle-ci qui ne peut s’en passer » 55 . L’écart abyssal qui s’est creusé entre la
sphère du rite et celle du religieux semble remonter à la Réforme 56 , où les principaux
dirigeants de ce mouvement, cherchant à retrouver la « pureté évangélique », ou celle
des premiers temps (un Paradis historique !), ont élaboré une machine de guerre intellec-
tuelle contre les rites catholiques qu’ils ont jugés vides de sens et extérieurs à
l’expérience humaine. Un pur formalisme, en somme. Ils ont ainsi attaqué le culte des
saints, celui des reliques, bien sûr, ainsi que les cérémonies longues et chargées des
messes catholiques 57 .
C’est à peu de choses près le constat de Philippe Buc pour lequel le concept de rituel
s’est formé après la Réforme protestante « en insistant de plus en plus sur la fonction
sociale de la religion » 58 . Il précise plus loin :
Les protestants se placèrent du côté du spirituel face à un antagoniste « charnel » ; ils
attribuèrent à l’adversaire un ritualisme sans âme. Ils recyclèrent ainsi pour leurs
descriptions polémiques des rites catholiques les tropes que l’Antiquité tardive chré-
tienne avait mobilisés contre les cultes païens et —ce qui était sans aucun doute en-
core plus percutant— l’opposition entre Nouvelle et Ancienne Loi. Les rites catho-
liques devinrent tous des « cérémonies », c’est-à-dire furent placés dans la même ca-
tégorie où la scolastique et ses ancêtres avaient logé les rites du judaïsme. Exception
faite de la poignée de sacrements que les réformés jugèrent acceptables, les rites
étaient au mieux des instruments utilitaires dont on pouvait se passer au besoin, et
pire des agents de la perte des âmes 59 .
54
Dartiguenave, 2001 : 24.
55
Smith, 2007 : 630.
56
Douglas, 2005.
57
Ce qui n’a pas été sans répercussion sur ces rites.
58
Buc, 2003 : 14.
59
Ibid. : 199.
24
Cela établissait une redistribution des notions de rite et de sacrement, la fonction du
rite étant essentiellement sociale. Cela semble avoir conduit en toute logique aux notions
de « rites séculiers » ou « civils » actuels. Malgré ces approches, un rite sera défini, en
ce qui nous concerne et pour l’intérêt de nos recherches, comme une séquence d’actions
(gestes, mots, avec un accompagnement d’objets) marquée par la régularité de sa répéti-
tion et la fixité de sa forme et, en outre, chargée de sens transcendant (l’action « symbo-
lique »). L’aspect social n’est pas contesté, mais le principe transcendant est loin d’être
rejeté comme négligeable.
En 1948, le Rapport Marty, de la Commission des rituels de la GLDF, définissait le
Rite en ces termes : « Donc le Rite ou Rit 60 est un ensemble de phrases symboliques, de
symboles visuels ou sonores, de cérémonies diverses, de gestes, de signes qui se dérou-
lent dans un certain Ordre et qui doit être pratiqué par tous les Ateliers 61 rigoureuse-
ment de la même manière » 62 . Le rite donne de cette manière un sens au monde où il se
déploie. Mais le rite n’est pas d’essence spontanée, nul n’affirmera le contraire. Il est
réglé, fixé, codifié, et le respect de la règle garantit son efficacité63 . Il n’appartient pas à
la sphère « nature » (même s’il y inclut de ses éléments) mais, s’il est un bien culturel,
on le précisera en « bien culturel originel », indissociable de la condition humaine, bien
que son origine historique soit souvent difficile à établir. D’ailleurs, cette question ne
semble pouvoir être résolue, relativement, que par les plus anciennes attestations d’un
rituel et non par sa « première » manifestation. La question de l’origine « primordiale »
du rite (un étymon ou un Ur-Ritual) n’a pas plus de sens que celle de l’Ur-Sprache pour
le langage, insaisissable à tout jamais 64 .
Outre ses qualités de répétition et de fixité, ainsi que son caractère séquentiel, le rite
semble d’abord oral. Ce sera le troisième de ses signes essentiels. Nous ne faisons pas
ici mention d’une oralité archaïque et primitive, fondée sur une vision positiviste (et eth-
nocentrée) de l’Histoire et de notre civilisation. Nous cherchons plutôt à dire que, quelle
que soit la forme du recueil adoptée, texte gravé, écrit ou oral (mémoire), le rite sera
oralisé lors de son actualisation (même s’il comporte aussi, comme souvent, des gestes).
C’est pour nous une grande différence avec bien d’autres textes qui ne sont fixés que
pour une réappropriation in petto, l’oralisation ne faisant partie ni de leurs conditions
d’élaboration, ni de leur visée ultime. Il n’y a ainsi pas de rites sans participation linguis-
tique (ni, plus généralement, physique). Le rite passe par le canal de la corporalité hu-
60
On notera encore l’hésitation entre les deux graphies.
61
Synonyme habituel de Loge. On y croit sentir le parfum de l’artisanat.
62
Marty, 1948 : 6 (M.A.B.- GLDF). Nous citons, sans parti-pris, les documents les plus facilement acces-
sibles à un chercheur anonyme.
63
Isambert, 1979.
64
Mais on en rêve toujours.
25
maine et, en particulier, par la voix (action physique) qui reste prépondérante 65 . Le rite se
situe sur la ligne de crête entre oral et écrit, où l’un est l’aspect stable et normatif,
l’autre, le versant dynamique et instable, les deux ne trouvant leur justification que dans
le mouvement qui les lie : la pratique.
Un dernier trait du rite sera un aspect collectif qui a été abondamment souligné66 . Ce
n’est pas le moindre de ses caractères et il constitue pour nous la toile de fond indispen-
sable qu’il ne sera pas nécessaire de souligner en permanence. Le rite n’existe que pour
une communauté, humaine, bien sûr. Même pratiqué par un individu isolé, dans une fo-
rêt ou au désert, il ne peut l’être que par rapport à la communauté d’où il émane et il
comporte le même aspect transcendant.
65
Chaque objet du rite, chaque geste, chaque figure graphique donne lieu à une oralisation explicative.
66
Voir, par exemple, Segalen, 2005.
67
Rivière, 1995.
68
Bromberger, 1995.
69
Picard, 1995.
70
Le fait de se brosser les dents tous les matins, ou après chaque repas, ne suffit à déclarer le brossage
comme rite. Ce n’est qu’une action répétée, sans nature transcendante, et même sans sacré en arrière-plan,
même si l’on y conjoint les catégories sale/propre, pour impur/pur, qui s’appliquent autant à l’hygiène
(survie physique) qu’à la religion (survie spirituelle).
71
Moore-Kessler, 1975, ou Gusfield-Michalowicz, 1984, notamment, ont souligné le « rituel séculier ».
26
ensemble de « Gestes répétés, invariables et symboliques », de « pratiques coutumières,
présentes et réglées comme des lois ». L’aspect religieux n’est évoqué qu’ensuite :
« Souvent à consonances religieuses, les rites — entre autres liturgiques — caractéri-
sent les cérémonies de cultes en intégrant des objets sacrés et une gestuelle cérémo-
nielle, dont l’intensité se mesure par la solennité de l’événement (par exemple le bap-
tême ou le chant d’un hymne national) » 72 .
Cette approche existe en grande partie parce que, dans l’histoire des sociétés hu-
maines, la nôtre est une nouveauté, car tout semble avoir toujours appartenu, auparavant,
à la sphère du sacré. Il est encore des micro-sociétés qui résistent à l’impact culturel de
la nôtre, mais difficilement. Le rite « social », si l’on peut ainsi le qualifier, de même que
la cérémonie publique 73 , ne seront pas des questions appartenant à nos études. Cet aspect
public, social, profanisé, est pourtant largement retenu par un grand nombre de Maçons
sur un refus de toute connotation religieuse. Dans ce cas, c’est, particulièrement en
France, un héritage laïque et républicain qui se manifeste, confondant religion et institu-
tion religieuse (dans ses dérives) 74 . Les Maçons ont en outre trouvé deux approches sub-
tiles leur permettant d’éloigner le rite de la sphère du « religieux », approches opposées
en apparence mais qui, d’une même manière, biaisent ce qui est refusé : la socialité,
d’abord, désacralise le rite et n’en fait plus qu’un lien social, et une prétendue « nature
profonde » du Rite maçonnique qui serait métaphysique et non plus religieux, sur un
sacré diffus 75 bien commode.
Le Rapport Marty, ici, nous servira d’exemple : « Contrairement à ce que d’aucuns
pensent tout Rite n’est pas d’essence religieuse. Il y a de nombreux Rites d’ordre civil,
sociaux ou autres » 76 . C’est la première approche. Il ajoute : « Les Rites Maçonniques
dont la nature profonde est bien plus métaphysique que tout autre n’ont également au-
cun caractère religieux. La Commission insiste particulièrement sur ce point car le con-
tact de nombreux F[rères] nous a laissé penser que certains d’entre eux acceptent plus
ou moins consciemment ce préjugé classique dans le monde profane qui veut que tout
rite est nécessairement d’essence religieuse » 77 . Ce sera la seconde approche. L’une est
péjorante, l’autre valorisante, mais les deux cherchent à éloigner le plus possible le Rite
maçonnique de la sphère religieuse. Et de conclure : « Nous avons même cru déceler que
72
Culture populaire et rituels : http://www.chez.com/plasly/culture.htm.
73
Rivière, 1988.
74
Mais qui a su inventer une religion républicaine avec son clergé, les diverses classes de ses servants, ses
rites et ses symboles.
75
Le diffus est intéressant dans la mesure où il ne nécessite pas de définition que son assertion.
76
Marty, 1948 : 6.
77
Ibid.
27
c’était peut-être là, la principale raison de leur désaffection à l’égard du Rituel » 78 .
L’héritage « français », encore et toujours. La désaffection n’était peut-être pas due à ces
causes, mais à un défaut d’exploration en profondeur.
Le déterminisme biologique non plus, n’est pas notre propos, qui permet à des étho-
logues de parler de rituels amoureux des espèces animales. Cela trouve sa justification
dans la fixité des comportements, c’est-à-dire des traits apparents, mais dans ce cas la
« marge de manœuvre », la liberté d’innover, est extrêmement restreinte. Jean-Yves Dar-
tiguenave parle ici de rituélique, qu’il définit comme un « comportement rituel naturel,
c’est-à-dire la capacité naturelle que nous partageons avec l’animal de redoubler en
permanence la gestaltisation de notre être » 79 . Pour lui, il existe en somme un potentiel
de ritualisation animal ou naturel (mais où situe-t-il la limite ?, car il ne dit rien de
l’oursin) que l’homme acculture selon une disposition qui lui est propre, une faculté de
fournir une signification au donné naturel. Les enjeux de ce « rituélique » ne sont sans
doute pas les mêmes que ceux de notre objet, et l’héritage de la conduite « ritualisée »
selon cette optique n’est pas culturel mais seulement biologique. Denis Jeffrey écrit avec
justesse :
À l’évidence, n’importe quelle action symbolique comme n’importe quel acte répéti-
tif n’est pas un rituel religieux. Pour être religieux, c’est-à-dire pour opérer une ac-
tion symbolique véritable et efficace sur la réalité, le rituel doit obéir à un schéma
formel et à une trame narrative appropriée. En tant qu’acte de langage, il met en
scène, par le truchement d’une série d'actes et de paroles, des symboles qui donnent à
vivre des sentiments ambigus de respect et de crainte, qu’on nomme aussi sentiment
de sacré. C’est que le rituel, confessionnel ou non confessionnel, témoigne d’une
mémoire des interdits, des limites qui distinguent l’humanité de la divinité et de
l’animalité, qui contient la violence excessive, qui confirme l’identité individuelle et
collective, et qui permet l’acquisition, en se répétant, de la maîtrise symbolique de
soi, d’autrui et du monde ambiant. Enfin, si nous acceptons qu’il ne faut plus cher-
cher le rite uniquement dans ses anciennes formes, nous devons alors poursuivre les
travaux pour mieux saisir le devenir de l’homme rituel 80 .
Cet usage de rite/rituel pour des conduites biologiques 81 nous semble même un abus
de langage, mais il sert à d’autres pour délimiter leur approche. Nous définirons en con-
séquence le rite comme une activité faite de séquences d’actions formelles et d’énoncés
verbaux plus ou moins invariants qui semblent imposés aux participants. Mais, à une
telle définition qui semble trop large pour être précise, nous ajouterons le caractère
transcendant, malgré les réticences de Denis Jeffrey. Cela ne dissout pas la caractéris-
78
Ibid.
79
Dartiguenave, 2001 : 15.
80
Jeffrey, 1997. Voir aussi Jeffrey, 2004.
81
Huxley, 1971.
28
tique « collectif » (les participants), c’est-à-dire d’une certaine manière sociale, du rite
mais elle n’en constitue pas la clôture. Le pourrait-elle ?
29
Ce qui est affirmé est, en outre, affirmé pour son importance et, même, pour son extrême
importance 86 .
Dans cette optique, le terme rite ne peut être utilisé pour définir toutes sortes de com-
portements prédéfinis. Nous le réserverons aux comportements de type religieux, qui ne
semblent pas faire de doute lorsque nous examinons notre corpus. Cela permettra de
prendre en compte des actions symboliques effectuées de manière consciente et volon-
taire, des actions répétitives et formalisées, accomplies avec le corps, et centrées sur des
structures cosmiques ou la présence du sacré. C’est généralement ainsi que le définit
l’approche formelle lorsqu’elle cherche à préciser le rituel en termes de traits distinctifs.
Elle insistera sur la répétition, l’obligation, la stéréotypie, la rigidité des comportements
qualifiée plus haut d’« activité faite de séquences d’actions formelles et d’énoncés ver-
baux plus ou moins invariants… ».
Un dernier point doit être évoqué. Nous avons vu que rite et rituel sont souvent utili-
sés comme synonymes. Nous avons vu aussi que rituel désignera pour nous un ensemble
textuel recueillant le rite et ses parties. Il existe pourtant un autre usage de « rituel », qui
se fait de manière assez subreptice. Cela désigne fréquemment, non plus le texte lui-
même, mais le « déroulé » des opérations, la dynamique, le processus en acte,
l’actualisation du rite de son début à sa conclusion. Cela représente un contenu différent
de « texte reçu », ou fixé par l’usage, qui décrit (ou recueille) simplement les processus
opératoires. L’emploi de ritualité pourrait convenir, même si le terme est utilisé en psy-
chologie et en psychothérapie pour désigner une utilisation abusive du rite pouvant me-
ner à des comportements délinquants. Ritualité désignerait ainsi le côté performantiel du
rite.
86
Piette, 1997 : 4.
30
voit le rite comme un simple moyen, pour les individus, de faire face aux situations cri-
tiques de la vie, position incontestable, mais qui ne décrit qu’une facette sociale, indivi-
duelle ou collective de la vie rituelle. C’est, pour nous, son aspect simplement horizon-
tal. Nous n’en nions pas l’importance.
L’approche symbolique nous semble, pourtant, produire le plus de retour sur investis-
sement. Ici, le rite sera approché en termes de communication. Ce sera alors une activité
véhiculant un sens, même à s’en tenir aux étymologies révélant la « mise en ordre ». La
mise en conformité se fait selon un sens préexistant, pour donner un sens global au
monde. Mais, exprimée de cette manière, la définition semble bien vaste pour être pré-
cise. Toute activité verbale ou non-verbale peut être incluse dans l’expression « possé-
dant un sens ». De quel(s) type(s) de communication s’agit-il ? Le rituel opère sans
doute simultanément sur plusieurs plans et à des niveaux différents. Mais nous retien-
drons la fonction principale, une communication.
Nous essaierons ici une première synthèse : le rite est un comportement caractéris-
tique d’un groupe, reconnu par lui, répété par les individus (aspect collectif) et qui a, au
moins pour sens, de produire l’appartenance de chacun (aspect individuel) au groupe. À
cette approche « a minima » s’ajoute un ensemble de paroles (et de silences), de gestes
(silencieux ou sonores), d’attitudes et de mouvements (gestes « rituels… »), et qui utilise
des objets pour former un champ signifiant extrêmement formalisé.
87
Lévy-Bruhl, 2007.
88
Lévy-Bruhl, 1963 : XII.
89
Lévy-Bruhl, 1963 : XIV.
31
et sa (notre) société ne pouvait qu’avoir atteint un stade plus élevé d’évolution. Le terme
employé, mythique, nous semble une manière oblique (polie mais ferme) de requalifier
le primitif en l’excluant de la sphère de la modernité, du réellement respectable.
Le rite comme comportement appartenait donc, d’abord, à un passé révolu dont les
sociétés « primitives » subsistantes (archaïques et exotiques) auraient été les témoins.
Une sorte d’enfance de l’humanité, avec quelques représentants toujours dans
l’épaisseur des forêts lointaines (on a pris conscience, plus récemment, de l’inégalable
patrimoine que cela représente et quelques rares individus se sont dressés pour défendre
ces cultures en danger). Cette conception a permis d’établir, avec Jean Piaget, des com-
paraisons que l’on a crues décisives. La pensée de l’enfant étant, pour Piaget, « symbo-
lique », elle se caractérise par « l’usage des symboles, ceux-ci étant entendus par opposi-
tion aux concepts, comme ayant un caractère figuratif 90 , et aussi n’ayant pas de sens
précis, ordonné par la connaissance objective », auquel s’ajoute « un égocentrisme 91 qui
caractérise autour de l’enfant un univers pour lui » 92 . L’enfance de l’homme et celle de
l’humanité auraient un développement parallèle, en comparant les théories qui sous-
tendent la pensée des deux auteurs. George Steiner, en une formule condensée, rappelle
que « Diderot parlait de “l’enfant, ce petit sauvage”, et mettait dans le même panier la
classe maternelle et les îles du Pacifique » 93 .
Ce type d’analyse nous semble le fruit d’une idéologie du « progrès », qui plus est,
du progrès continu, vision linéaire de l’histoire aux effets bénéfiques « fondée sur des
conceptions tenaces, issues du XVIIIe siècle » 94 . La période est hautement révérée par
une majorité des Maçons comme un siècle des Lumières. « Gardons-nous, pourtant,
d’une vision linéaire du progrès de la raison et d’un recul inexorable des croyances » 95
remarque avec justesse Jean-Claude Schmitt. Il souligne ce que Bruno Etienne décrit
comme « l’idée que le progrès indéfini des sciences entraînerait le progrès moral de
l’Homme, ou encore l’idée de progrès collectif de l’humanité corrélative de celle de la
perfectibilité de l’Homme » 96 . Ces sociétés —nos sociétés— seraient plus « évoluées »,
puisque plus modernes. Martine Segalen précise que « l’anthropologie a eu besoin
d’« inventer » la société « primitive » afin de se livrer à une analyse sociale. Lorsqu’elle
a abandonné la quête du primitif, [elle] s’est essentiellement consacrée à la « culture »,
se donnant dès lors les moyens d’aborder d’un même élan plusieurs types de
90
Piaget, 1993b.
91
Piaget, 1989 : 47.
92
Isambert, 1979 : 178.
93
Steiner, 1998 : 73.
94
Ibid.
95
Schmitt, 2001 : 78.
96
Etienne, 2006 : 26.
32
tés » 97 . Le schéma primitif/évolué aurait été applicable à tous les domaines de la culture.
Il semble en outre que l’on ait cherché à l’y appliquer en établissant une ferme distinc-
tion non seulement entre un « moderne » actuel et un périmé « ancien », mais aussi entre
moderne et vieux (ou obsolète, terme aujourd’hui largement en bouche).
Or, l’activité rituelle nous semble un comportement consubstantiel à l’état
d’humanité. Il n’y a pas de rite sans hommes, mais il n’y a pas d’hommes sans rite. C’est
un lieu commun soulignant l’aspect social du rite, sans pourtant en être la clôture. Le
mouvement néopositiviste logique a voulu rejeter un peu vite, comme « non-
scientifique », tout ce qui lui paraissait religieux, alors étiqueté archaïque donc négatif
puisque non moderne. On ne devait plus s’attacher à ces superstitions. L’intelligence
avait gagné la partie ! Elle avait éclairé la condition humaine de son empreinte solaire et
illuminé —toujours les Lumières !— l’humanité dans sa quête du « progrès ». Ce cou-
rant de pensée a été relayé dans les années 1970 par une nouvelle race d’anthropo-
sociologues 98 pour qui, à la suite de Max Gluckman, les rites étaient devenus des co-
quilles vides, des objets désuets, inutiles à la vie sociale. Cette attitude est encore assez
courante pour que Mary Douglas puisse affirmer, en toute objectivité, que « Chaque
siècle hérite d’une tradition antiritualiste plus ancienne et plus vigoureuse qu’au siècle
précédent » 99 .
De l’archaïque, il est très courant de passer au manque d’intelligence. C’est le mou-
vement effectué par tous ceux qui ont refusé aux rituels leur part de modernité, point de
vue présent dans la société tout entière. Les Maçons ont, eux-mêmes, des difficultés à y
échapper, mais gageons que cela arrivera bien un jour… Sur ce point de l’archaïsme,
Marc Campana a pu écrire : « La plupart des élèves latinistes de collèges imaginent
l’Antiquité gréco-latine peuplée de gens imprégnés d’un savoir peu élaboré, totalement
immergés dans un imbroglio de légendes mythologiques plus invraisemblables les unes
que les autres. Qui plus est, confondant connaissance et intelligence, ils supposent que
plus on remonte dans le temps, moins les hommes étaient intelligents » 100 . C’est, semble-
t-il, l’idée sous-jacente ayant autorisé l’élaboration et la diffusion d’un ensemble notion-
nel « rite-archaïsme-primitivité-idiotie » qui présente, sans réelle analyse, toutes les ap-
parences de la cohérence et de la rationalité. Mary Douglas souligne avec un humour
grinçant la stupidité d’une telle théorie, « Nul doute que le sauvage était un imbécile
crédule » 101 . Ajoutons-y, « mais nous en sommes sortis ».
97
Segalen, 2005 : 22.
98
Gluckman, 1962.
99
Douglas, 2001 : 80.
100
Campana, 2006 : 133.
101
Douglas, 2001 : 44.
33
Tout rituel était ainsi classé dans des catégories à connotations très négatives. Nous
retiendrons la conclusion de Bruno Etienne, « Force est de constater l’embourbement de
la Raison universelle sur ce point — c’est-à-dire dans sa seule version cartésienne — et
Auguste Comte n’a pas pu aller, comme il le souhaitait, enseigner du haut de la chaire
de Notre-Dame de Paris la « vraie religion » c’est-à-dire la science ! » 102 . Malheureu-
sement pour eux, donc, la connaissance a progressé (ce qu’ils souhaitaient), et elle est
revenue sur ce genre d’affirmations (ce qu’ils ne souhaitaient pas).
La répétition des structures rituelles refuse-t-elle donc tout changement ? Parle-t-on
de répétitif ou de répétable ? Le rite est-il de l’ordre du mime, ou de l’ordre de la re-
création ? Le terme « répétitif » ne prend en compte qu’une composante du rite, exté-
rieure, et jamais ce pour quoi il est fait et ce à quoi il est destiné. Ne considérer que cela,
c’est malheureusement en rester à la surface des choses. Le rite peut s’envisager comme
une combinatoire de communication dont la répétition (par son effectuation) actualise
une des multiples possibilités. L’usage de « comportement mécanique » pour définir
l’aspect répétitif nous semble aussi, comme à propos des conduites biologiques, un abus
de langage, quoiqu’il soit habituel. La mécanique ne fait que reproduire les mêmes mou-
vements, sans avoir d’autre choix, car dépourvue de vie, ou de pensée. Ce n’est pas le
cas des hommes, restons optimistes. La représentation du mouvement d’horlogerie (la
mécanique) ne s’appellerait même pas une « nature morte ». Par des effets créés par
l’homme, la mécanique morte simule un mouvement qui indique au vivant, le vivant. Cet
aspect du vivant est l’Horloger de Voltaire, celui qui crée les engrenages comme le
mouvement. Le rite nous apparaît plutôt comme de l’ordre du vivant, même avec des
manifestations de l’ordre du répétitif.
Pour contrarier les négationnistes du rituel, nous noterons que, passées les envolées
péjoratives des années 1970, les recherches actuelles, de ce côté de l’Atlantique comme
de l’autre, ont tendu à affirmer avec quelque tranquillité que le rituel se trouvait au cœur
même de nos sociétés modernes, technologiques et capitalistes. Pourtant, on suppose que
le matérialisme va jusqu’au fétichisme, uniformise les productions culturelles et met
dans le même moule toutes les pratiques esthétiques. Nous citerons un exemple, même
s’il concerne plus un rite social que religieux (mais ne peut-il y avoir quelque pensée
religieuse « sauvage » travaillant en arrière-plan ?) : « À ces tendances qui visent à une
“uniformisation massive”, s’opposent des comportements traditionnels » 103 , les « rites »
que certains sociologues avaient voulu pousser sous le tapis, comme la culture populaire
régionale. Les deux ne pouvaient être que des « survivances » qui s’éteindraient par
102
Etienne, 2006 : 26.
103
Desdouits-Narvaez, 1992.
34
manque d’oxygène. C’était aller un peu vite en besogne. D’une part, une survivance si-
gnale que précisément cela vit encore, d’autre part, ce passé persiste à vivre même lors-
qu’il entre en contact avec la société de production de masse, qui s’efforce de standardi-
ser autant les objets que les comportements. Le rite n’est pas mort et il vit encore. Il
existe même des formes mixtes où des rites « traditionnels » (ici, coutumiers) se sont
adaptés aux sociétés modernes.
Les récentes études de Rosemary Wells et Tad Tuleja sur les rites liés à la perte des
dents de lait, illustrent bien ce mécanisme. Partant d’exemples historiques, Wells ob-
serve que dans de nombreuses cultures on s’est senti suffisamment concerné par la
perte de ces dents pour ritualiser ce phénomène 104 . Bien que ce rite de passage ait des
racines anciennes, l’auteure constate qu’il est encore très présent dans l’imagerie
contemporaine et dans la culture de masse. Tuleja, en s’appuyant sur des documents
d’archives, montre aussi qu’aux États-Unis, la télévision et le cinéma ont actualisé et
« nationalisé » le personnage symbolisant ce rituel : la « fée des dents » 105 . À partir
des années 1950, les informateurs confondent, ou dans certains cas identifient même
consciemment cette fée, avec des personnages de contes comme par exemple « la fée
bleue », le petit Tinkerbell, Peter Pan ou la bonne sorcière du Magicien d’Oz 106 .
Bel exemple d’un gentil petit rite caché au fond de nos sociétés, tenues pour maté-
rielles, matérialistes et informatisées. Le statut enfantin de celui-ci ne doit pas masquer
que les rites sont utilisés en permanence et en grand nombre, et que la manière dont une
société définit le rite à un moment de son existence ne joue qu’un rôle insignifiant dans
le vécu que les hommes de cette société en ont.
104
Wells, 1991 : 426-453.
105
En France, c’est la souris : rapport entre les dents du rongeur poussant continûement et la nouvelle
pousse des dents humaines.
106
Desdouits-Narvaez, 1992.
107
Saussure, 1969 : 24.
108
Ibid. : 24.
35
de l’homme pour se situer dans l’Histoire, pour trouver une justification à son existence
et à sa place dans le monde. La notion des « origines » permet d’évoquer une « source »,
celle-ci étant nécessairement « pure », par rapport au flux postérieur des aléas humains.
Se posera bientôt la question de la transmission, de la tradition, faite des deux conditions
soulignées plus haut, un système actualisé et son évolution par l’actualisation elle-même.
Notre questionnement n’est donc pas de justifier l’existence du rite en général ou du
Rite maçonnique, en particulier. Il existe et comme tel, il est à prendre en compte. Bruno
Etienne, « au double titre d’anthropologue chercheur spécialisé dans les phénomènes
religieux et de cherchant sur la voie » 109 , s’efforce d’en révéler les caractères et recon-
naît très justement que « L’homme est essentiellement un être liturgique, cérémoniel qui
a peur du chaos et il ordonne donc le monde par sa mise en ordre. C’est le sens du mot
sanscrit Rita/agencement, structure normale des choses » 110 . En rappelant ensuite
l’origine sanscrite du mot, il en souligne un des caractères archétypaux. Il constate en-
core que le Rite maçonnique peut être classé dans la catégorie des rites religieux même
si « beaucoup de Francs-maçons ne supportent pas que les sociologues classent leurs
pratiques dans le champ religieux » 111 . Certains vieux réflexes, on le sait, ne sont pas
prêts de s’éteindre, même si cela doit bloquer la latitude d’investigation et, partant, les
possibilités de comprendre ne serait-ce que les prémisses des pratiques.
109
Etienne, 2002 : 71.
110
Ibid. : 26.
111
Ibid. : 30.
112
Langlet, [1996] 2004a.
36
semble particulier à l’intérieur du Rite de la Maçonnerie. On aurait aussi pu employer
« style », pour définir le Rit Écossais Rectifié (RÉR), le Rit Français (RF), le Rit écos-
sais ancien et accepté (RÉAA) ou le Rit Émulation (RÉ), de même que l’on écrivait le
Rit romain, le Rit luthérien ou le Rit slavon, pour désigner ces ensembles rituels reli-
gieux. Le terme « Rit » désignera donc, dans nos études, un ensemble d’une forme parti-
culière des trois premiers Grades 113 —limitons-nous à cela— appelés encore Grades
symboliques, Grades bleus, ou Maçonnerie bleue 114 . Dans certains cas, on parlera de Ré-
gime et non de Rit 115 . Mais ces formes partagent, pour les trois premiers Grades, un cer-
tain nombre d’objets qui en font un Rite maçonnique dont nous nous efforcerons de pré-
ciser les caractères. En dehors de la forme évoquée plus haut, Rit ou Rite désignent en
effet souvent, dans les textes relatifs à la Maçonnerie, un ensemble de Grades coordon-
nés par des articulations logiques (au moins affirmées comme telles).
Enfin, nous avons écrit « rite » pour désigner la partie d’un Rit, comme le rite de
l’Initiation, ou ce que nous avons pu désigner comme des « micro-rites » (mais pas en-
core des ritèmes), le rite d’ouverture et de fermeture des Travaux, à l’intérieur de tel ou
tel Rit ou forme rituelle maçonnique. Ces micro-rites peuvent désigner des ensembles
encore plus « petits » (rite de bibition, ou rite manuel lors du serment), mais qui possè-
dent une cohérence interne et que l’on retrouve dans des ensembles rituels différents.
Dans le cas de l’Initiation, par exemple, c’est ce qu’on appelle souvent, à tort, une céré-
monie et qui est, en réalité, l’aspect cérémoniel du Rit. Nous avons été contraint, enfin,
d’utiliser aussi rite, faute de mieux, pour parler de toutes les autres formes rituelles, reli-
gieuses ou appartenant à d’autres sociétés de même type. Si l’effort de clarification a pu
surprendre, et s’il n’est pas pertinent pour les lecteurs, il nous a personnellement permis
de clarifier quelque peu divers points. Il nous a semblé, après quelques années, que ces
précisions que nous croyions seulement lexicales et qui constituaient une manière com-
mode d’élaborer des outils conceptuels reprenaient le découpage adopté par F. Saussure
entre langage, langue et parole.
Le rite (général) serait le langage, une puissance ; le Rite (maçonnique), la langue et
sa combinatoire avant mise en forme, et le Rit, une parole particulière, qui donne forme
113
Nous ne définirons pas la notion de Grade, ou de Degré, qui est identique à tous les systèmes em-
ployant cette structure, dont l’Université française, dans l’armée ou la fonction publique, comme il l’est
dans les ordres de décorations, civils ou militaires. Il s’agit d’une structure en échelle, allant d’un plus bas
à un plus haut. Dans certains cas, cela identifie le découpage d’un savoir, un degré de connaissance, et
l’accession à celui-ci, sanctionné par le « grade » attaché à la reconnaissance de l’acquit, dans d’autres, la
décoration est la sanction attachée à une échelle de vertus. Chaque étape porte un nom qui permet de la
différencier des autres, et l’on y attache un certain nombre de signes extérieurs (vêtement, ou partie de
vêtement, insigne, etc.), comme d’honneurs et de dignités. Tout grade est très symbolique.
114
En rapport avec la couleur originelle des Tabliers de Maîtres et des cordons (colliers).
115
Nous préciserons les rapports entre ces notions dans la seconde partie (corpus).
37
au Rite. Il serait nécessaire d’ajouter l’énoncé, l’effectuation de la parole, de tel ou tel
Rit donc, ce qui est souvent appelé le « rituel », dans des expressions, comme « pratiquer
le rituel », « dérouler le rituel », etc. Une dernière précision : lorsque nous évoquons le
« rituel maçonnique », sous l’une ou l’autre de ses formes connues (des Rits), cela ren-
voie le plus souvent à un ensemble textuel « Rituel et Instructions », à moins que nous le
précisions expressément car, à quelques rares exceptions près, les « rituels » sont ac-
compagnés d’un complément, l’Instruction, ou Catéchisme. Le Rituel est utilisé pour
une liturgie, l’Instruction fournit des précisions ou des éclaircissements que le premier
ne peut retenir dans son texte, mais qui doivent être comprises. Quel est le texte princi-
pal, le rituel ou l’Instruction ? Nous n’aborderons pas cette question. Il semble évident
que les deux textes possèdent un même type de structure et il est possible que le « ri-
tuel » ait mis en scène ce que l’instruction contenait.
116
Etienne, 2002 : 15.
117
Mourgues, 1988 : 15-6.
38
maçonnique par un rappel de son passé ? Et, dans ce cas, de quel passé ? Ici encore, pour
beaucoup d’auteurs, la réponse semble évidente. Pour nous, elle reste floue.
Ce discours des origines a été réalisé d’abord sur la base d’une théorie historique par-
ticulière à la Maçonnerie, généralement appelée « la transition » et parfois, mais rare-
ment, « la métamorphose » 118 . Cette théorie des origines a été inlassablement répétée,
depuis son apparition, dans les ouvrages du domaine, et elle l’est toujours. Les Maçons
le font par une sorte de conformisme : elle est devenue une doxa 119 maçonnique, bien que
certains d’entre eux soient plus combatifs que d’autres sur ce point ; les non Maçons,
universitaires ou non, la reprennent sans plus d’examen, sur la foi d’un usage statisti-
quement général 120 . Ainsi, Rémi Sussan, écrivait-il récemment :
Dans un monde où les points de vue possibles se multiplient et où chacun crée ses
propres repères en fonction de sa trajectoire personnelle, il n’y plus de place pour les
grands thèmes universalistes, qu’ils s’expriment dans des religions comme les mono-
théismes ou le bouddhisme, ou dans l’humanisme rationaliste des Lumières. Du
coup, une multitude de micro-religiosités se développent, dont le New Age à son
époque, mais peut être aussi le transhumanisme et le singularitarianisme. Cela im-
plique un retour aux formes de sacralité primitives, où chaque groupe, chaque guilde
possède ses propres rites, ses propres mythes, ses propres “mystères” : cultes des for-
gerons, des chasseurs, des hommes et des femmes, des agriculteurs… Dans nos so-
ciétés, des institutions comme le compagnonnage ou la franc-maçonnerie (qui à
l’origine était constituée de véritables maçons, de bâtisseurs de cathédrales 121 ) sont
des survivances de ces systèmes de valeurs propres à une corporation 122 .
Roger Dachez s’est penché, à plusieurs reprises, et avec précision, sur cette théorie. Il
a su souligner ce qu’elle a provoqué d’ambiguïtés dans l’approche de la Maçonnerie. Ses
études portent essentiellement sur des points historiques, les origines de la Maçonnerie
dite « spéculative », ce qui n’est pas exactement le cœur de notre recherche, mais il faut
reconnaître que les questions qu’il soulève clarifient très nettement le débat et, pour cette
raison, nous croyons utile d’extraire une longue citation d’un de ses articles 123 .
La thèse la plus ancienne et la plus répandue, celle que véhiculent la plupart des ou-
vrages consacrés à l’histoire maçonnique en France, et que partagent spontanément
l’immense majorité des Maçons qui ne se sont pas nécessairement penchés sur la
question, est la théorie dite de la transition. Même au sein de la rigoureuse École his-
torique anglaise de la Maçonnerie, fondée à la fin du siècle dernier par Gould et
Hughan, cette théorie fut longtemps révérée et enseignée. Dans les dernières décen-
118
Mellor, 1961 : 44.
119
Doxa : opinion largement répandue, devenue vérité incontestée.
120
Braunstein-Pépin, 1999 : 124, par exemple.
121
Nous soulignons.
122
Sussan, 2008.
123
Dachez, 1999 : 79-92.
39
nies, son partisan le plus brillant fut l’érudit Harry Carr, lequel possède du reste, de
nos jours encore, en Angleterre, une estimable postérité intellectuelle. Cette théorie
affirme qu’au sortir du Moyen Âge, la Maçonnerie opérative, qui possédait alors une
organisation, des loges et des usages rituels, a subi un certain déclin, du fait des
transformations économiques ayant affecté les métiers du bâtiment. En Grande-
Bretagne, et notamment en Écosse, se serait alors, à la fin de la Renaissance, et plus
précisément encore dans le courant du XVIIe siècle, produite une transformation in-
sensible de l’institution. Des hommes étrangers au Métier, occupant souvent des
charges civiles importantes, des intellectuels, volontiers portés aux spéculations is-
sues du courant alchimiste, néo-platonicien né à Florence au XVe siècle, et de la tra-
dition de la Rose-Croix, diffusée à partir du début du XVIIe, auraient fait leur entrée
dans des loges presque moribondes. Ces Maçons acceptés, peu à peu, auraient vu leur
nombre augmenter et leur influence grandir, au point de devenir majoritaires, et
d’évincer en quelque sorte, les opératifs, devenus ainsi étrangers dans leur propre ins-
titution. Cette Vulgate, car c’en est une, comporte des variantes, et intègre parfois ce
que l’on pourrait appeler des légendes complémentaires. La première de ces légendes
est celle, par exemple, des Maîtres Comacins, ces mystérieux maçons italiens qui, en
vertu de franchises réputées leur avoir été conférées par le Pape – et qui justifieraient
du reste l’expression franc-maçon – auraient traversé l’Europe, répandant leur savoir
tout à la fois architectural, géométrique et ésotérique, fécondant ainsi les premiers
germes de la Maçonnerie spéculative. J’ai montré ailleurs, il y a quelques années,
d’où provient cette fable sans aucun fondement documentaire, et par quel jeu de re-
copiages successifs sans vérification des sources, elle avait pu acquérir une appa-
rence de vérité 124 . Une autre composante, souvent confuse, mais vivace, de la théorie
de la transition, est l’hypothèse compagnonnique. Le lieu n’est pas ici d’en montrer
dans le détail les contradictions et les invraisemblances. Il reste qu’elle repose en
grande partie, et c’est ce point que nous soulignerons, sur une grave mais fréquente
confusion entre la Maçonnerie opérative, telle qu’elle a pu exister, sous des formes
extrêmement diversifiées du reste, dans l’Europe du Moyen Âge, en France, en
Grande-Bretagne et en Allemagne, par exemple, avec des statuts souvent bien diffé-
rents, et le Compagnonnage proprement dit, organisation d’origine essentiellement et
longtemps presque exclusivement française, dont les origines historiques semblent
attestées vers le XVe siècle, mais sur les usages de laquelle, rappelons-le, nous pos-
sédons peu de renseignements substantiels ou fiables avant la fin du XVIIIe siècle !
Quoiqu’il en soit, il importe au moins d’insister sur le fait que la Maçonnerie spécu-
lative s’est formée, dans des conditions encore incertaines, au cours du XVIIe siècle,
en Grande-Bretagne, qui n’a jamais connu le Compagnonnage, du moins à cette
époque fondatrice. Qu’on puisse repérer entre des organisations liées aux métiers du
bâtiment – mais pas exclusivement pour le Compagnonnage – des similitudes de
formes et d’usages, n’a pas de quoi surprendre, mais selon l’adage que doit toujours
conserver à l’esprit tout historien scrupuleux : « comparaison n’est pas raison »…
124
Dachez, RT :153-15 (note de l’auteur).
40
Il ajoute aussitôt :
Il fallut attendre les années 1970 pour qu’une critique décisive fût portée contre la
théorie de la transition. Ce fut notamment l’œuvre d’un remarquable chercheur an-
glais, Eric Ward. La critique d’Eric Ward 125 repose notamment sur la remise en cause
de la signification classiquement attribuée à certains des mots-clés utilisés par la
théorie de la transition.
Il cite ensuite quelques exemples, dont l’usage du mot anglais freemason qui a été à
l’origine « des ambiguïtés exploitées par la théorie classique ».
E. Ward 126 a pu démontrer de manière définitive que, contrairement à toutes les éty-
mologies fantaisistes qui courent encore à l’occasion, le mot freemason n’est, au
Moyen Âge, qu’une forme contractée des mots freestone mason, maçon de pierre
franche, désignant un ouvrier qui travaille électivement une certaine qualité de pierre
tendre que l’on peut tailler et ouvrager de façon très fine. Or, si nous envisageons les
premiers témoignages concernant les Maçons non-opératifs anglais du XVIIe siècle,
nous observons que ces Accepted Masons sont aussi indifféremment désignés par les
mots Free Masons, ou Free-Masons, avec ou sans tiret mais toujours en deux mots.
Il apparaît alors clairement que dès la fin du XVIIe et le début du XVIIIe les termes
Accepted et Free devinrent équivalents pour désigner des Maçons non-opératifs.
Mais, comme le fit observer E. Ward, dans une analyse très fine, freemason n’est pas
Free-Mason. Le mot Free, dans Free-Mason ou Free and Accepted Mason, fait sim-
plement référence au fait que ces « nouveaux » Maçons sont « libres » à l’égard du
Métier, c’est-à-dire tout simplement étrangers au Métier…
Si l’analyse est à souligner, le dernier point n’est néanmoins pas certain, l’étrangeté
n’est peut-être pas située où on la distingue. La « contre-théorie » apparue au début des
années 1970 suggère ensuite que la Maçonnerie spéculative,
aurait à l’origine délibérément emprunté des textes et des pratiques appartenant ou
ayant appartenu aux opératifs, mais de façon tout à fait indépendante, sans filiation
directe ni autorisation. La Maçonnerie spéculative n’aurait plus dès lors entretenu,
depuis sa fondation même, que des liens purement nominaux et tout au plus allégo-
riques avec les bâtisseurs des cathédrales. Laissant en quelque sorte la Maçonnerie
spéculative orpheline de sa tradition fondatrice, la remise en cause suscitée par E.
Ward a conduit l’érudition anglaise à rechercher un modèle de substitution à la théo-
rie de la transition, désormais insoutenable dans sa formulation classique. Ce chantier
est toujours en cours.
Nous reviendrons sur cette recherche d’un modèle de substitution, et sur les ouver-
tures proposées par le « chantier » qu’évoque Roger Dachez, mais il faut reconnaître que
cette théorie a encore une influence prépondérante sur les esprits. Elle l’est d’autant plus
qu’elle a été, en outre, déclinée de plusieurs manières.
125
Ward, 1978.
126
Ward, 1968.
41
1.9.2 Déclinaisons de la théorie et cadre mental
Ainsi, la plupart des auteurs ont une nette tendance à évoquer en premier lieu les ori-
gines « historiques » de la Maçonnerie et ils les débutent même dans un passé lointain.
Sollicite-t-on l’approche diachronique par peur d’avoir à préciser le présent ? Si le con-
formisme n’y est pas étranger, l’authenticité que semble procurer le passé le renforce.
Rome est ainsi mise à contribution, pour sa propension à construire, pour la technicité
de ses ingénieurs et la solidité de ses édifices, et aussi pour un Vitruve bienvenu que l’on
ne perçoit pas toujours avec justesse 127 : ne cite-t-il pas l’architecture en même temps que
des disciplines comme la géométrie ? L’Égypte est aussi convoquée, bien sûr, car beau-
coup d’Égypte en Maçonnerie est toujours très bien accueilli, et pas seulement par attrait
de l’orientalisme. Une pyramide n’est-elle pas la preuve manifeste de l’usage exception-
nel de la géométrie et de la force extrêmement ingénieuse de ses constructeurs ? L’aura
de mystère flottant en outre autour de ces montagnes artificielles, sacrées et funéraires,
permettra de brosser un tableau complet des origines (ésotériques, rituelles, géomé-
triques) maçonniques.
Avec un grand bond dans le temps —et cela suit le schéma des histoires mytholo-
giques de la Maçonnerie—, on en viendra aux tailleurs de pierre allemands, les Stein-
metzen, aux corporations françaises (avec un petit tour de France par le compagnonna-
ge 128 ) et aux free-masons anglais ou écossais 129 . Le Moyen-Âge fournit alors un cadre
merveilleux à la naissance de la Franc-Maçonnerie franco-britannique 130 , avec le bour-
geonnement dynamique de ses cathédrales 131 . On passe très naturellement à la période de
l’émergence des Loges et de la Maçonnerie « spéculative ». Le mouvement semble inin-
terrompu, de la plus haute Antiquité (parfois même de la création de l’homme) aux XVIIe
et XVIIIe siècles. Paul Zumthor ne dit pas autre chose en parlant des premières recherches
sur l’épopée « reposant sur la foi en une continuité matériellement ininterrompue, sur
une répugnance spontanée à penser polygénèse, cette vision réduit, à la manière des
premiers paléontologistes, la science à la collation de vestiges et à l’établissement de
généalogies » 132 .
Certains auteurs se concentrent ensuite sur la vie des premières Loges et des Grandes
Loges, et dans le détail le plus infime ! Ils citent des masses impressionnantes de docu-
ments relatant l’émergence de Loges particulières, celle des rituels, les querelles person-
nelles, les prises de pouvoir ou tout autre aspect de la vie ordinaire d’une association de
127
cf. infra.
128
Ce qu’a signalé R. Dachez.
129
Gould, 1989.
130
Nefontaine, 1996 : 9.
131
Gimpel, 1958.
132
Zumthor, 1980 : 50.
42
ce type. Ce genre d’études se poursuit avec les travaux contemporains d’historiens fort
sérieux, bien documentés et très précis 133 . La plupart de ces écrits, dont l’abondance et la
précision sont respectables, semblent marqués en grande partie par une « transition »
toujours sous-jacente.
Ce processus a été suscité, nous l’avons vu, par un besoin de justifier, par l’Histoire,
les rites et la Maçonnerie comme société. Cela revient sans doute, pour les Maçons, à
poser les questions suivantes : D’où vient-elle ? Pourquoi existe-t-elle ? Est-elle une so-
ciété sérieuse ?, versions dépersonnalisées de : Quelles sont nos origines ? Pourquoi
sommes-nous là ? Faisons-nous quelque chose de sérieux ? Une grande ancienneté de la
société, son enracinement dans le plus lointain passé, devraient trancher positivement.
Le « métarécit » de Bruno Etienne, le « remodelage de l’histoire » de Jean Mourgues !
La tendance habituelle est d’authentifier quelque objet par sa durée dans le temps, une
grande et vénérable antiquité, comme si le temps établissait réellement l’authenticité
d’un objet. Plus il serait ancien, plus il serait sérieux. Et unique. Pourtant, « S’il fallait
un indice déterminant quant au caractère initiatique de la franc-maçonnerie, il suffirait
de souligner que ses origines sont indéfinissables », écrit Jean Mourgues pour débuter
son propos 134 . Cela ne l’empêche pas de pencher pour cette théorie des origines.
Des ouvrages historiques, nous dirons qu’ils ont une grande importance pour ceux
dont l’Histoire constitue, en Maçonnerie, le cœur de l’intérêt. Il est sans doute plus facile
d’accumuler des documents et de décrire l’histoire factuelle d’une société, institution ou
association, que de s’engager à chercher ce qui la caractérise fortement par rapport à
d’autres organisations humaines. En outre, l’étude peut porter sur l’abondance des rituels
et des Grades supérieurs (aux trois premiers). La primauté historique sert à justifier
l’authenticité du Rit et son autorité. Cela peut donner lieu à des études sans fin révélant
les efforts des hommes pour se distraire au moyen d’objets périphériques.
Il nous semble encore que ces ouvrages ont réécrit, avec toutes les apparences du ra-
tionnel et les précautions d’une recherche affirmée comme scientifique, les premières
histoires mythiques de la Maçonnerie placées en tête des anciens documents, les Old
Charges (anciens devoirs). On pense que ces Histoires étaient lues aux nouveaux admis,
dans les loges opératives, lors de leur admission. Les ouvrages récents fournissent, peut-
être sans le savoir, un cadre mental, une matrice, du même type. Mais, aucun de ces ou-
vrages ne définit jamais ce qui différencie le Rite maçonnique des autres rites. On
133
Chevallier, 1974-75 ; Kervella, 1996, 1997, 1999 ; Le Forestier, 1987 ; Marro, 2007.
134
Mourgues, 1988 : 15.
43
évoque seulement un univers de pensée aussi large qu’imprécis, inséré dans la chronolo-
gie de la « transition ». Une hiérohistoire 135 mal taillée.
135
Concept emprunté à H. Corbin : désigne le déroulement d’événements mythologiques au sein d’un
Monde imaginal (Étienne-Solis, 2008 : 93).
136
Hutin, 1961.
137
Ce verbe n’existe dans aucun dictionnaire, mais il est utilisé à tour de bras par les journalistes de tous
médias. Il est la francisation de l’anglais to revisit, qui signifie visiter de nouveau mais aussi reconsidérer
une question. Le révisionnisme n’est pas loin. Ici, l’Histoire est revue et reconfigurée pour lui appliquer un
sens favorable à une thèse.
138
Étienne-Solis, 2008.
139
Frithjof Schuon, Michel Valsân, Roger Maridort, Titus Burckhardt, Martin Lings, Roger du Pasquier.
140
Rebold, 1989.
141
Hutin, 1961 : 40.
44
cier, dans la même phrase, la légende (construction du Temple, Hiram) et l’Histoire,
convoquée en l’espèce par « un art de bâtir bien antérieur » mais imprécis.
Le tissage de ces deux fils antinomiques ne clarifie en rien la démonstration. On con-
fond ici, en permanence, le mythique et l’historique, en affirmant que les « premiers hé-
ritiers d’Hiram historiquement connus 142 avec une certaine précision [sic], sont les Ma-
çons du Moyen âge, les constructeurs, mais pas de simples ouvriers : des hommes hau-
tement qualifiés, une minorité assez restreinte (maîtres d’œuvre et leurs adjoints) proté-
gés par le clergé et les seigneurs ». Quelle précision ? À quand remonte l’antériorité de
l’art évoqué ? La formulation même installe le doute : il est clair que l’adjonction de
« certaine » à « précision » tempère la précision recherchée.
Cette thèse semble avoir influencé d’autres auteurs traitant de sujets divers, quoique
liés à la construction. Ainsi, Maurice Robert la reprend-il, mais avec précautions, à pro-
pos du « fait artisanal » qu’il étudie sous l’angle ethnographique et sociologique : « Pour
les uns, ils [les Devoirs compagnonniques] se sont constitués à l’occasion de la cons-
truction du Temple de Salomon, à Jérusalem, (IXe siècle av. J.-C.), et auraient 143 avec la
franc-maçonnerie moderne la même filiation opérative » 144 . Retenons son conditionnel,
plus prudent que les habituelles déclarations péremptoires.
Pierre-Yves Beaurepaire esquive la question d’un revers de fleuret. S’il admet impli-
citement la vulgate, que révèlent ses mots : « la clé des origines, le chaînon manquant
entre les opératifs –les maçons de taille et de pose- et les spéculatifs –les francs-maçons
du XVIIIe siècle », il considère en même temps la recherche des origines comme inutile
et l’énonçait clairement plus haut : « En s’épuisant 145 à rechercher vainement dans les
récits de fondation et les mythes fondateurs de la Franc-maçonnerie –qui ont naturelle-
ment leur intérêt en soi, mais comme construction mythique » 146 . Sans y retrancher un
mot, notons que cela correspond au « besoin [incessant] d’organiser en représentations
harmonieuses et closes le flot chaotique de l’histoire » 147 .
142
Nous soulignons.
143
Id.
144
Robert, 1999 : 37.
145
Nous soulignons.
146
Beaurepaire, 2002 : 11.
147
Zumther, 1980 : 56.
45
prendre Paul Zumthor 148 , « on promouvait en causes des correspondances » commodé-
ment reconfigurées au sein de la chronologie lisse. La référence au Moyen Âge est flat-
teuse car, bien que la période fût longtemps considérée comme un âge de ténèbres, ce
qui a été brillamment démenti depuis149 , elle comporte plusieurs éléments de facilitation :
elle est assez éloignée dans le temps, et sa durée est assez longue pour fournir des débuts
à tout ce qui fait notre monde, enveloppés des brumes romantiques d’un passé rêvé,
presque mythique. En outre, et presque par hasard, le Moyen Âge fait un clin d’œil à
« moyenâgeux » évoquant un archaïque 150 et un désuet aussi attaché au rite. La fureur
médiévaliste a remplacé la fureur égyptomaniaque 151 .
Le traitement négatif très soutenu qu’a d’abord reçu le Moyen Âge 152 , sur une certaine
idée de l’enseignement, a été ainsi effacé par les brumes du temps au profit d’une nébu-
leuse médiévalisée positivement. La référence aux cathédrales, en outre, est valorisante
car, que vaudrait de construire, si ce n’était des édifices imposants et superbes, majes-
tueux et vastes que l’on ne considèrera que sous l’angle de leur architecture, en touristes
en somme, et non comme des édifices religieux. La cathédrale est donc intéressante
comme construction, où ont été déployés les meilleurs savoirs techniques et artisanaux,
soutenus par les plus grands efforts financiers ; elle bénéficie aussi d’un large étalement
de son édification dans le temps. Les historiens de la Maçonnerie, les auteurs en général,
font sur ce point rarement référence aux constructeurs des petites églises, à ceux des
monastères, des châteaux, des beffrois ou des ponts. Le paradigme (église-temple de
Dieu) n’est intéressant que lorsqu’il est massif. Un petit exemple du paradigme est né-
gligeable. On dévoie la notion sans en prendre conscience.
En examinant les ouvrages « maçonniques », nous découvrons une surreprésentation
de la filiation opérative. C’est, d’abord, l’approche de Paul Naudon, dans son ouvrage de
vulgarisation, La Franc-Maçonnerie 153 : la première partie en a été titrée « Histoire insti-
tutionnelle de la Franc-Maçonnerie »154 et l’auteur y évoque, avant tout autre chose, sou-
lignons-le, « Les légendes » —choix significatif !— puis, « La franc-maçonnerie opéra-
tive », pour rappeler ensuite « La franc-maçonnerie spéculative », anglaise, puis fran-
çaise, mondiale enfin. Le schéma « transitionnel » est assez strictement respecté.
148
Zumthor, 1980 : 55.
149
Pernoud, 1979 et tous les historiens actuellement en activité.
150
Chandès, 2007 : 35.
151
Une magnifique et chantante illustration en est Die Zauberflöte de Wolfgang Gottlieb Mozart.
152
James Anderson, comme bien d’autres après lui, dont les historiens, ne pense pas de bien de la période,
et de son architecture : elle est gothique, c’est-à-dire barbare.
153
Naudon, 1963. En 1994, l’ouvrage avait quatorze éditions et 144 000 exemplaires étaient vendus.
154
Ibid. : 7.
46
Dans sa seconde partie, « Doctrines, rites et obédiences », s’il traite des sources spiri-
tuelles et d’abord chrétiennes, l’auteur ne peut que poursuivre selon ce schéma, recher-
chant l’origine de la tradition initiatique en Chaldée, en Égypte et en Grèce, avec
quelques pointes de gnosticisme, de néo-platonisme, de néo-pythagorisme et
d’orphisme 155 , ce qu’avait déjà fait Robert-Freke Gould en 1903 156 . Son chapitre « Rites
et obédiences », on le découvre au titre, établit un lien entre rites et organisations admi-
nistratives 157 qui, croyons-nous, n’appartiennent pas au même niveau de réalité. Ce point
relève d’un cadre mental imprégné de pratiques réglementées qui ne sont pas le fait du
rite. L’auteur raisonne, en outre, dans un autre schéma particulier, « régularité/non régu-
larité », qui tient plus de la contingence que de l’intangibilité. Il affirme, en début de
chapitre, que « les rites (ou systèmes) maçonniques passés et actuels sont très nom-
breux » et qu’il existe entre eux des « tendances » 158 , ce qui est juste. Il ne précise pas ce
qu’ils partagent tous.
Chez lui, comme chez d’autres auteurs traitant du sujet, rien ne permettra de préciser
ce qui fait le Rite « maçonnique » même lorsqu’ils accordent, tous, une grande place aux
aspects sacrés du métier 159 . Nous ne pouvons que constater plusieurs points : ils souli-
gnent plus souvent les différences entre les Rits, ils citent la liste des obédiences 160 , ou ils
mettent l’accent sur les événements émaillant leur émergence 161 ; ils s’attardent sur le
foisonnement et les interminables listes des Grades 162 , ils s’entortillent finalement dans
les aspects particuliers de tel ou tel Grade, ou établissent moult rapprochements avec des
symboles antiques ou exotiques. Ils évoquent aussi, très volontiers, le poids des pro-
blèmes sociaux ou sociétaux agitant les Loges et la vie des obédiences.
155
Ibid. : 73.
156
Gould, 1989.
157
Voir en 1.9.4.4, la note 289 et en 2.1, la définition de l’obédience.
158
Naudon, 1963 : 94.
159
Naudon, 1991.
160
Appelées obédiences ou, en anglais, masonic bodies.
161
Riandey, 1989.
162
Mariel, 1973 ; Richard, 1999.
47
ou les femmes en Maçonnerie. Doit-elle réellement se préoccuper (s’effrayer ?) de la
manière dont elle est perçue ? 163
Bruno Etienne a développé une approche anthropologique nécessaire de la Maçonne-
rie, et il s’efforce d’en théoriser le contenu en tant qu’initiation. Il constate ainsi, avec
une justesse qui n’échappera à personne, « qu’il y a partout des mythèmes, des ritèmes et
des doxèmes, c’est-à-dire le plus petit commun dénominateur commun aux mythes, aux
rites et aux orthodoxies » 164 . Il cherche alors à « répertorier sinon la totalité tout au
moins plusieurs séquences suivantes, y compris bien entendu dans les rites maçon-
niques », et en particulier « une légende de base justifiant le rite, autrement dit un récit
fondateur mythique » 165 . Il précise dans cette étude de nombreux points présents dans
une « initiation » (épopties, présence d’éléments —au sens antique, rapport haut/bas,
guidance vers une utopie, une uchronie, des épreuves physiques, et enfin la catalepsie).
Tous ces éléments sont motivés, mais on cherche en vain ce qui caractérise le « ma-
çonnique » du Rite. L’auteur nous semble, en outre, la victime innocente de la théorie de
la « transition » car il cherche, en partie, la justification du Rite et de la Maçonnerie dans
l’Histoire et les corporations ouvrières : « Nous sommes quelques-uns à penser que nous,
francs-maçons, avons oublié que, pour les fondateurs de la maçonnerie spéculative […],
il s’agissait des règles du métier, c’est-à-dire l’outil traditionnel des bâtisseurs… » 166 .
En fait, il récidive sur ce point, car il écrivait en 2000167 que « l’homme a forgé des outils
et s’est mis à enterrer ses morts de façon rituelle. Cette découverte, dit-il, est cruciale
puisqu’elle [la Maçonnerie] est souchée sur un métier avec des outils… » 168 . En consé-
quence, le craft mystery représentera « tout simplement des secrets de métier » 169 . Il
semble, et nos études cherchent à le laisser apparaître, que cette justification n’est établie
que sur la conviction continue dans une « transition » qui semblait fournir le modèle le
mieux adapté (mais il reste superficiel) aux emprunts d’objets, de figures, de termes, de
références et de types. Bruno Etienne a su pourtant faire la part des choses à propos du
« progrès » qui aurait proposé une chronologie lisse de la connaissance humaine 170 .
Par contre, Patrick Négrier nous semble victime plus que consentante de la vulgate, à
partir de laquelle il a même développé sa propre théorie : la Maçonnerie serait « Née en
163
La Maçonnerie se pratique dans des associations légales, reconnues par les autorités de l’État.
164
Etienne, 2000 : 89, repris dans Etienne, 2002 : 75.
165
Ibid.
166
Etienne, 2006 : 101.
167
Etienne, 2000 : 61.
168
Nous soulignons.
169
Etienne, 2000 : 123. Nous sommes par contre en accord avec lui lorsqu’il dit : « ce mot [mystery] est la
version saxonne du normand « mestiere » qui vient du bas-latin ministerium », ce que Naudon, 1991 :
204-5, avait souligné en pionnier.
170
Ibid. : 26.
48
Écosse vers 1637 de ses emprunts successifs aux matériaux des légendes compagnon-
niques françaises de maître Jacques et de Salomon (XIVe-XVe siècle) » 171 . Il la voit en
outre fondée sur trois points (le hasard!), une triple référence aux arts libéraux, aux co-
lonnes antédiluviennes de Flavius Josèphe et à l’histoire légendaire du métier 172 . Il ne
suit pas la vulgate, il tente de la précéder. La vision qu’il propose, même s’il emploie
fréquemment des termes comme exégèse ou herméneutique, apparaît rapidement comme
une lecture littérale de l’art de bâtir et, qui plus est, une lecture française, ou centrée sur
la France et le compagnonnage français173 . Il a sans doute, en outre, mal intégré les écrits
de René Guénon sur l’aspect traditionnel du compagnonnage et de la Maçonnerie et, soit
il inverse les données des questions qu’il soulève, soit il établit des rapprochements fan-
taisistes, malgré une formation théologique, à ce qu’il paraît.
Prenons quelques exemples de l’ampleur du problème. Il écrit que : « Le caractère al-
légorique du langage du Cooke 174 nous permet alors d’interpréter la référence de ce
texte aux digues construites sous l’impulsion d’Euclide comme une allusion à la cons-
truction des fossés creusés dans toute l’Europe autour des châteaux, durant le millé-
naire qui précéda le Cooke » 175 , ou encore que : « la référence au temple de Salomon
s’appuyait sur l’inspiration largement salomonienne de l’architecture gothique » 176 . Un
dernier extrait s’impose : « les nombreuses enluminures médiévales représentant la
construction de la tour de Babel dressent en fait un tableau des chantiers de cathé-
drales » 177 . C’est certain, et intéressant. Mais cela prouve-t-il les liens qu’il suppose entre
métier de construction et illustration de types bibliques par des représentations contem-
poraines, d’une part, et la Maçonnerie, d’autre part. Il conclut immanquablement ses
études par un constat du genre : « il existe une véritable continuité 178 entre les Anciens
Devoirs de la maçonnerie opérative anglo-saxonne (qui se réfèrent depuis 1400 aux fac-
teurs qui permettent l’apparition du compagnonnage en France), et le Mason word de la
maçonnerie spéculative, qui naquit vers 1637 de ses emprunts aux matériaux des lé-
gendes compagnonniques françaises de maître Jacques et de Salomon » 179 . La psalmodie
ne crée pas la réalité des faits.
171
Négrier, 1998 : 14.
172
Ibid. : 18.
173
Négrier, 1994.
174
Le manuscrit Cooke, daté d’env. 1410 (voir Annexe II).
175
Négrier, 1998 : 30.
176
Ibid. : 128.
177
Ibid. : 29. On constate l’inversion des données : s’il est patent que les enluminures présentent les diffé-
rents constructions bibliques (et en particulier le temple) comme des chantiers médiévaux, c’est pour sou-
ligner l’homologation complète entre les constructions médiévales réelles et leur modèle idéal biblique.
On ne faisait pas de reportage, on illustrait des principes.
178
Nous soulignons.
179
Négrier, 1998 : 31.
49
Si André Kervella conteste, quant à lui, la vulgate commune, c’est pour opérer une
substitution d’opérateur que nous qualifierons d’étrange. On découvre en le lisant : « Au
lieu de brandir comme un axiome intouchable, sous peine de blasphème, l’idée que les
francs-maçons spéculatifs se sont habitués à une sociabilité séparée à partir d’une fré-
quentation des opératifs, il serait sans doute salutaire d’inverser l’angle de vue. Les
francs-maçons politiques en sont venus à séduire quelques maçons de métier, et ils les
introduisirent parmi eux à la condition expresse qu’ils affichent leur soumission au ré-
gime monarchique incarné par Charles II »180 . Ici, les Maçons spéculatifs sont avant tout
des politiques. Mais où va-t-il chercher tout ça ? Là où il semble avoir raison, c’est seu-
lement dans l’inversion de « l’angle de vue ». Des Maçons, cette fois avec majuscule
pour marquer la différence avec le métier, auraient reçu dans leurs cercles, qu’ils ont
néanmoins appelés Loges, des gens du métier dont les préoccupations auraient dépassé
la seule profession. Tout cela peut être juste, en effet, mais n’explique pas d’où viennent
les objets du Rite.
Patrick Geay, dans un second ouvrage, démontre que non seulement il adhère ferme-
ment à la vulgate, mais qu’il ne supporte pas un instant que quiconque en puisse douter.
Il en semble être le gardien vigilant, comme Patrick Négrier est celui des origines com-
pagnonniques et du « Mason word ». Quand plusieurs auteurs s’interrogent sur les liens
réels entre opératifs et spéculatifs, il y voit des tentatives « de nier cet ésotérisme ratta-
ché à l’art de bâtir » 181 . Il reconnaît pourtant que « Bien des éléments nous manquent
pour tout ce qui concerne notamment l’apparition d’une Maçonnerie non profession-
e e
nelle entre le XVI et les XVIII siècle » 182 (ce que nous ne pouvons qu’approuver), et que
nous ne possédons que relativement peu de preuves d’une « menace de la disparition
pure et simple de la Maçonnerie [opérative] »183 dont il ne peut contester l’antériorité. Et
il considère pour nulles, et sans doute dangereuses, toutes hésitations à ce sujet. En
outre, il conteste les « prétentions à la scientificité de certains historiens » 184 , chez qui il
ne voit qu’intérêt personnel (lequel ?) dans l’interprétation des faits. Il conclut donc que
« L’idolâtrie de la “preuve” documentaire sert le plus souvent à “détruire les mythes”,
à briser les liens sinon à cacher parfois ce qui fait sens pour mieux grossir telle hypo-
thèse douteuse » 185 . Sans doute sert-elle d’abord à faire surgir des questions et, comme le
fait remarquer Bruno Etienne, « analyse ne vaut pas adhésion » 186 , nécessairement.
180
Kervella, 2002 : 110.
181
Geay, 1997 : 13.
182
Ibid. : 17.
183
Ibid. : 18.
184
Ibid. : 17.
185
Ibid. : 17.
186
Etienne, 2002 : 104.
50
En conséquence, l’acception, conséquence de la théorie de la transition, est pour cet
auteur un fait et « qui n’est pas nouveau » 187 . Il est vrai que René Guénon penchait déjà
pour ce schéma 188 , même s’il est possible qu’il ait été abusé par une construction falla-
cieuse 189 . Comme l’auteur ne peut considérer d’autre hypothèse que ce qu’il a visible-
ment rencontré lors de ses premiers contacts avec le Rite, il lui semble « qu’il a bien
existé au Moyen Age une science cachée relative à l’art de bâtir constituant le cœur de
l’initiation salomonienne » 190 . Il rejoint Patrick Négrier pour attribuer au monde du mé-
tier (médiéval !) toutes les vertus et tous les savoirs (ésotériques !). Il voit dans toutes les
recherches questionnant la vulgate, « La volonté diffuse d’éliminer toute continuité entre
la Maçonnerie médiévale et la Maçonnerie moderne ce qui représente une nouvelle ten-
tative d’ignorer la réalité d’une tradition ininterrompue de l’Ordre » 191 . Si nous parta-
geons ses vues quant à la nécessité de la continuité initiatique, ou d’une continuité tout
court, par le Rite, nous ne pouvons souscrire à de tels propos qui nous semblent à la li-
mite de l’exécration liturgique face à des pratiques sataniques. Cela s’inscrit dans
« l’épistémologie de la croyance et de la foi révélée » 192 (qui est respectable quoique peu
fructueux dans une recherche, à s’en tenir là), mais nous n’avons, quant à nous, jamais
eu de divine révélation. C’est enfin une tentative, parmi de nombreuses, de remplir
l’espace de parole d’un « langage incantatoire et obsessionnel » 193 destiné à tenter sur le
lecteur une opération de « possession ».
Claude Guérillot, dans À la rencontre des premiers Francs-Maçons Écossais, semble
laisser « le lecteur libre de choisir entre ces deux théories irréductibles » 194 , influence du
ou des compagnonnages d’un côté, et leur absence totale d’influence, de l’autre. Après
avoir rappelé un grand nombre d’auteurs pro- (avec, en particulier, Jean-Pierre Bayard,
Paul Naudon et Patrick Négrier) et un seul anti- (Jacques Thomas 195 ), l’auteur rappelle
aussi que « les documents pertinents manquent cruellement ». Il rejoint les propos cités
plus haut 196 , mais il développera ensuite un aperçu historique des compagnonnages qui,
quoique annoncé comme « bref », se déploie sur de fort nombreuses pages pour conclure
par : « il faut reconnaître aux Compagnonnages une antériorité et donc 197 une influence
187
Ibid. : 18.
188
Guénon, 1972, II : 39, par exemple.
189
Boudignon, 1999 : 116 et Dat, 1999.
190
Geay, 1997 : 25.
191
Ibid. : 28.
192
Sachot, 2007 : 37.
193
Robin, 1990 : 20.
194
Guérillot, 1996 : 90.
195
Thomas, 1991 : 123-154.
196
Geay, 1997 : 17.
197
Nous soulignons.
51
sur la formation des rituels maçonniques » 198 . Antériorité, influence. Vraiment ? Le pro-
cédé est habile —d’abord un « vous avez le choix »— mais il n’est qu’artifice —ensuite
« il y a bien influence ». L’abondance des « pro » et la paucité des « anti » de la liste est
révélatrice de sa pensée. Formaté par la transition, il succombe à une autre maladie de la
Maçonnerie française, le franco-centrisme 199 . Il n’est pas le seul et des Maçons parmi les
plus éminents adoptent cette même vulgate, accompagnée de sa version franco-française,
comme normes de leurs écrits, conférences ou discours protocolaires. Elle acquiert une
autorité que rien ne justifie, qu’un acte de foi.
C’est sans conviction qu’Henri Tort-Nouguès, Maçon et professeur de philosophie,
reprenait la théorie de la transition en évoquant la voie initiatique : « On pense généra-
lement que, au temps des bâtisseurs de Cathédrales 200 , avait lieu dans la loge des ma-
çons opératifs, une cérémonie au cours de laquelle étaient communiqués aux “free-
mason” 201 qui participaient à la construction des édifices religieux un certain nombre
d’enseignements concernant le métier de bâtir, des rudiments de géométrie et
d’architecture et aussi des “mots, signes et attouchements”, qui permettaient aux com-
pagnons maçons de se faire “reconnaître’ sur les différents chantiers de l’Europe mé-
diévale ». Il ajoutait : « Certains ajoutent que le maître de loge leur communiquait des
enseignements plus secrets encore… » 202 ; et plus loin, « Et aujourd’hui encore,
l’admission dans les loges… » 203 . Le lien se fait ainsi silencieux entre maçons et Ma-
çons : il cite d’abord les médiévaux comme les possesseurs de signes « encore » utilisés
dans la Loge moderne. Le philosophe n’échappe pas, malgré des incertitudes (« on pense
généralement… ») à peine exprimées, à la matrice dominante, un « impensé qui nous
pense » 204 , selon la formule de Maurice Sachot. Rien n’est affirmé de manière directe, ce
serait une assertion, mais l’auteur nous fait évoluer dans la présupposition de la ré-
flexion. Le philosophe sait comment utiliser la rhétorique.
198
Guérillot, 1996 : 111.
199
Un sentiment anti-anglais diffus a conduit de nombreux auteurs à nier des évidences, dans le domaine
qui nous occupe. Même un historien de la Maçonnerie comme Albert Lantoine n’y échappait pas.
200
On admirera la capitale initiale.
201
Sic.
202
Tort-Nouguès, 1995 : 101.
203
Ibid. : 102.
204
Sachot, 2007 : 22. Une note de l’auteur (p. 321) précise le concept : « Par impensé, nous n’entendons
évidemment pas une absence de pensée chez les acteurs ni une théorie personnelle que nous substituerions
à cette absence par je ne sais quelle science particulière. Un impensé est au contraire une pensée extrê-
mement forte et vigoureuse, toujours prégnante et active, mais qui est devenue telle parce que les logiques
et les raisons qui l’ont constituée ne sont plus explicites ou même ne l’ont jamais été ».
52
ou non. Jacques Thomas définit ce cadre prégnant comme « des idées toutes faites dures
à déraciner » 205 . Une instance immanente, en somme, structurante et silencieuse. Luc
Nefontaine n’y échappe pas même en contestant sa validité. C’est le rôle d’un « impen-
sé », en effet, qui s’impose durant une longue période, de travailler la conscience de ma-
nière silencieuse. À propos des différentes théories sur l’origine de la Maçonnerie et de
son Rite, il écrit : « On se trouve alors en face d’un consternant florilège où
l’extraordinaire le dispute à l’invraisemblable : la maçonnerie dériverait des cultes à
mystères, comme ceux de Mithra ou d’Éleusis ; elle serait tantôt une secte gnostique,
tantôt une fille du catharisme ; elle remonterait à l’Égypte ou à la Grèce antique, ou
même… à la création du monde ! » 206 Nous ne pouvons que l’approuver.
Il écrit ensuite : « D’autres hypothèses sont plus vraisemblables. Certains ont pensé
que la maçonnerie était issue du compagnonnage […]. Pourtant, en dépit d’un certain
nombre de symboles communs, il n’y a aucun lien de filiation entre les deux organisa-
tions. Pas plus qu’il n’y en a avec l’ordre des Templiers, ces moines-soldats… » 207 .
Après avoir fait un sort à toutes ces hypothèses, il conclut : « Toujours est-il que, d’un
point de vue historique, la maçonnerie est à l’origine une fraternité de bâtisseurs dont
les liens avec la maçonnerie moderne doivent être examinés » 208 . Sans nul doute. Sans
doute aussi, peut-on aussi raisonner à partir d’une autre hypothèse que l’art de bâtir des
édifices « faits de main d’homme ».
Bruno Etienne n’évite pas cette théorie non plus, en évoquant la notion de pureté de
la source et sa conséquence logique, les « altérations » postérieures. C’est aussi, souli-
gnons-le, une attitude très biblique. C’est encore l’attitude guénonienne 209 que nous ré-
sumerons par « La source est unique, et elle est pure, elle est (quasiment) supra-
humaine ». Elle est au moins mythique, et les hommes dans leur fantaisie personnelle
l’ont altérée. Manifestation d’entropie dûe à l’homme et à sa nature pécheresse ! Si, pour
ce qui nous occupe, cette théorie était juste et si le Rite maçonnique venait en droite
ligne du métier (pour ne remonter que jusque là), existant dans une sorte de temps my-
thique, un in illo tempore des bâtisseurs de cathédrales, cela permettrait en effet de justi-
fier cette affirmation : « Si j’ai négligé dans les définitions proposées au début de cet
essai de traiter le problème de la nature corporatiste ou confrérique de la franc-
205
Thomas, 1991 : 148.
206
Nefontaine, 1994 : 15.
207
Ibid.
208
Ibid : 17.
209
Guénon, 1953 et Guénon, 1971.
53
maçonnerie, c’est parce qu’il s’agit d’une des premières OPA et d’une des premières
altérations 210 de l’Ordre maçonnique » 211 . Bruno Étienne ajoute encore :
La faute, sinon la tare originelle, pourrait donc tenir au remaniement des Old
Charges, les anciens devoirs, à l’encontre des maçons opératifs et des labourers, cou-
pant là la future franc-maçonnerie spéculative acceptée, du compagnonnage et des
métiers, donc de son origine traditionnelle. La césure ne fut pas totale mais elle en-
traîna très vite une dommageable et irréparable réduction de la notion de l’art à la
seule dimension esthétique – les Beaux Arts réservés à l’élite- par l’abandon des
techniques du mestier. Les arts libéraux contre les arts mécaniques.
Il avait affirmé, quelques pages plus haut, que la Maçonnerie était « souchée sur un
métier avec des outils et sur le mythe de la mort dramatique d’Hiram, le maître mal en-
terré » 212 . La première partie est l’un des plus beaux exemples de l’empreinte de la vul-
gate sur l’un des plus brillants analystes actuels de la Maçonnerie. Elle comporte pour-
tant, croyons-nous, un point de vue fondamentalement erroné sur les places respectives
des arts libéraux et des arts mécaniques. Si les derniers appartiennent bien aux métiers,
les premiers, même si cela appartient aux sous-entendus de la vulgate, font partie de la
formation des clercs, non des techniciens. On continue pourtant de diffuser cette concep-
tion dans les Loges. Mais peut-être est-ce, aussi, une manifestation du refus des sources
chrétiennes ? L’insistance sur les Arts libéraux, dans de nombreux rituels, ne doit rien,
croyons-nous, à un héritage (direct, ou progressif) des opératifs 213 .
Jacques Trescases, encore très récemment, s’inscrit dans cet univers mental particu-
lier dont l’un des caractères a été de séculariser les données historiques et de renverser
les rôles. On a ici attribué aux exécutants le savoir des donneurs d’ordre, par un étrange
mécanisme où l’anticléricalisme francophone a affecté aux clercs un rôle d’imbéciles
heureux et aux masses laborieuses la finesse de l’esprit et la puissance du savoir 214 .
Jacques Trecases peut alors écrire : « La question se pose de savoir si les prélats com-
manditaires ont été au courant, donc complices, de cette ouverture d’esprit à laquelle ils
ne nous ont guère accoutumés 215 , ou si les divers opératifs qui ont contribué à
l’édification des chefs d’œuvre gothiques ont profité de leur ignorance 216 pour pimenter,
210
Nous soulignons.
211
Etienne, 2000 : 118-9.
212
Ibid. : 61.
213
Nous envisagerons cette question ensuite.
214
Les rituels du RÉAA du début du XXe siècle en sont un autre exemple, copiés qu’ils sont sur les ro-
mans de G. de Nerval.
215
Il lui manque la connaissance de nombreux érudits médiévaux en ce domaine.
216
Ce sont eux qui détenaient le savoir et qui incarnaient les institutions le transmettant.
54
à leur nez et à leur barbe, leurs temples de références ésotériques, puisant leur origine
avant l’ère de la chrétienté ou en dehors d’elle »217 .
Il souligne l’inconvénient majeur des thèses diffusionnistes qui ont été, pour certains
auteurs, les fondements de la pensée et dont on connaît les « ravages » en Maçonnerie.
Nous citerons, à l’aide d’exemples pris dans divers domaines, le folkloriste Vladimir
Propp (il fait une étude génétique des contes russes, c’est-à-dire qu’il en cherche
l’origine et non le développement historique 219 ), Arthur Maurice Hocart (pour lequel il
217
Trescases, 2008 : 10.
218
Toutes les citations sont de Sachot, 2007 : 34-36.
219
Propp, 1983 : 34, « Le présent travail est une étude génétique. Une étude génétique est nécessairement,
par sa nature même, toujours historique, mais ne se confond pas avec une étude historique. La genèse se
donne pour but d’étudier l’origine d’un phénomène ; l’histoire, elle, étudie son développement. La genèse
précède l’histoire, elle ouvre la porte à l’histoire ».
55
n’existerait au départ qu’un rite unique 220 ), ou René Guénon (qui tient pour assurée la
source unique qu’il appelle « la Tradition primordiale », se rangeant ainsi, en pleine que-
relle diffusionnistes/évolutionnistes, du côté des premiers). M. Sachot précise que nous
sommes sur ce point « tributaires d’une conception chrétienne de l’Histoire » où
s’accomplit dans le temps le « projet divin du salut conçu depuis toute éternité dans la
pensée divine et qui s’est réalisé par étapes, dont les principales sont la création du
monde, l’élection du peuple juif et, inaugurant les derniers temps, l’incarnation du Fils
de Dieu lui-même ». En ce qui concerne la Maçonnerie, le schéma a, selon toute appa-
rence, produit la théorie de la transition, avec l’élection d’un peuple maçon spéculatif
incarnant dans nos propres temps la quintessence d’un savoir « maçonnique » unique
venu du fond des âges.
Le troisième inconvénient majeur de la présentation descendante est qu’elle « linéa-
rise à ce point l’Histoire qu’elle masque totalement la pluralité des origines et des ge-
nèses, les ruptures et les innovations, comme s’il s’agissait du continuum d’un être vi-
vant, affecté seulement par les influences environnementales ». L’auteur ajoute la des-
cription d’un phénomène que nous avions déjà perçu et auquel nous avions donné une
appellation quasi identique : « L’écriture descendante construit une histoire sans sur-
prise, logique, presque lisse 221 , quasi naturelle. Elle cumule les caractéristiques du Des-
tin (l’anágkē grecque ou le fatum latin), de la Providence chrétienne et de la program-
mation génétique ». Le quatrième inconvénient est que la présentation descendante,
interdit de sortir de l’anachronisme qui nous fait voir les origines et le déroulement
historique dans le prisme de la réalité actuelle et des conceptions présentes. Les rai-
sons qui justifient que le fils succède au roi son père ne sont pas celles qui ont com-
mandé la prise du pouvoir par ce dernier. Ce sont pourtant elles qui, après coup, ser-
viront à justifier, tout en le masquant, le coup de force du père. Tous les historiens
des origines du christianisme considèrent donc, comme le constituant dès le départ et
formant son « essence » toute faite et totalement hermétique au monde qui l’entoure,
des traits qui, en fait, résultent d’une longue histoire imprévisible et qui sont à com-
prendre non comme des « emprunts » (comme s’ils étaient extérieurs), mais comme
faisant partie intégrante de la constitution de ce que, après coup, on appelle le chris-
tianisme ou la religion chrétienne.
Nous reconnaissons ici l’ensemble des ingrédients ayant imposé ce que nous avions
désigné comme la chronologie lisse de la Maçonnerie, et que Roger Dachez définit
comme la « vulgate maçonnique ». En fait, elle tiendrait plus du schéma apologétique
220
Hocart, 2005.
221
Nous soulignons.
56
que d’une réelle analyse, les opératifs médiévaux, antérieurs, préparant la voie, de ma-
nière déterminée et inéluctable, aux spéculatifs postérieurs.
Remarquons pour conclure sur ce point que la période citée majoritairement en réfé-
rence est toujours le Moyen Age. La théorie est à ce point matricielle que la revue de
recherches maçonniques de la GLNF a été intitulée « Les Travaux de Villard de Honne-
court », titre en soi programmatique. La consultation des articles faisant en permanence
référence aux « opératifs », aux bâtisseurs, aux charpentiers, au métier, et à la période
médiévale, ne le démentit pas. C’est la ligne éditoriale première de ces « Travaux » et les
illustrations de couverture le confirment. Il n’est pas étonnant que les autres sujets traités
dans la problématique de cette obédience, Régime Rectifié, régularité, hermétisme, etc.,
soient statistiquement noyés par la masse de « la Maçonnerie opérative ».
222
Bayard, 1976.
223
Berteaux, 1982 et 1986.
224
Nefontaine, 1997 : 104.
57
ciété maçonnique n’ont pas manqué eux non plus de proposer des typologies di-
verses » 225 .
La tendance n’est que naturelle en effet de classer les objets avant de tenter d’en tirer
quelque analyse. La mise en catégorie cherche toujours à mettre d’abord un peu d’ordre
où semble régner la confusion. Établissant une typologie des typologies, Luc Nefontaine
y voit trois grandes variétés : les unes fondées sur la nature du signifiant (Serge Hutin,
Jean Saunier 226 , Carpentier Alting, René Guénon 227 , Jean Tourniac 228 ), d’autres sur
l’origine supposée des symboles (Patrick Négrier, Serge Hutin, Fernand Tourret 229 ), les
dernières, sur ce qu’il nomme des systèmes symboliques (Raoul Berteaux).
Serge Hutin 230 constate d’abord la présence d’outils et d’autres objets dont il attribue
l’origine à l’art de bâtir des maçons, puis note des symboles étrangers au « métier »,
templiers, rosicruciens, militaires (!), mais aussi alchimiques. Pour L. Nefontaine,
l’effort de S. Hutin pour réunir aux Maçons, les templiers et les alchimistes autour de la
thématique du temple de Jérusalem « relève autant de la supercherie que d’une mécon-
naissance des réalités historiques » 231 . La réunion autour d’une thématique, croyons-
nous utile de préciser, n’est pas tributaire de l’Histoire, et en cela l’auteur tombe dans le
piège de la transition. Il n’a pourtant pas tort d’y voir un assemblage hétéroclite. Il
évoque ensuite l’ouvrage de Raphaël Morata sur les « objets de la Maçonnerie » 232 , en-
tendus comme artefacts maçonniques ou maçonnisants. Comme Serge Hutin, R. Morata
les considère d’abord comme liés aux constructeurs, puis à des références bibliques, en-
fin, à d’« autres influences » (sectes chrétiennes, judaïsme, islam, Égypte, « courants
philosophiques »). Il est vrai qu’après avoir beaucoup classé, la corbeille « Autres » rend
d’appréciables services. Sa Table des matières est révélatrice : il sépare les symboles
(outils, etc.), des décors (habillement), et des objets de cérémonie ou de la vie de Loge
(médailles, armes, bannières, etc.) 233 . Les assiettes à décor maçonnique apportent-elles
vraiment un supplément de savoir dans la compréhension de la démarche rituelle, sym-
bolique, ou spirituelle ?
225
Ibid. : 118.
226
Jean Saunier (1939-1992). Publia de nombreux articles dans Le Symbolisme, Études Traditionnelles et
L’Initiation, sous son nom et sous les pseudonymes d’Ostabat ou d’Emmanuel Deguilhaume.
227
René Guénon (15 novembre 1886 à Blois-le 7 janvier 1951 au Caire). Auteur français ayant écrit une
trentaine d’ouvrages (certains publiés à titre posthume) ayant trait, principalement, à la métaphysique et à
l’ésotérisme.
228
Jean Tourniac : pseud. de Jean Granger (1912-1995), essayiste français, spécialiste de franc-
maçonnerie, du symbolisme et, notamment, de la pensée de R. Guénon et de la « Tradition primordiale ».
229
Tourret, 1975.
230
Serge Hutin (avril 1927-1er novembre 1997).
231
Ibid. : 90.
232
Morata, 1988.
233
Ibid. : 96.
58
Gérard Marrot 234 , dans La symbolique maçonnique dévoilée, distingue d’abord deux
systèmes symboliques (binaire et ternaire) et plusieurs classes de symboles, sonores,
gestuels et numériques. Il reprendra ensuite la classification de E.-E. Plantagenet 235 en
symboles « rituéliques » 236 , bijoux et outils, et symboles initiatiques. Il logera ce qui
reste dans les « autres symboles ». La suite de son ouvrage présentera divers objets sym-
boliques au fur et à mesure de ses propos.
Dans ces typologies, tous ont pris conscience de l’importance des divers sens hu-
mains (vue, ouïe, toucher), ce qui est une évidence. Patrick Négrier fonde pourtant sa
réflexion sur un rôle prégnant de « diagrammes symboliques, en l’occurrence les ta-
bleaux de loge. Sur ceux-ci se trouvent tracés les principaux symboles de la tradition
maçonnique » 237 . Il souligne involontairement le rôle essentiel de la vue dans l’effort de
l’homme vers la connaissance (pas de dessins sans œil pour les voir), mais il oublie tout
ce qui n’est pas « tracé ». La plupart de ces classements ressemblent à de grands fourre-
tout et aboutissent à des inventaires plus complexes que celui de Prévert.
La typologie de Raoul Berteaux distingue cinq symboliques : verbale, gestuelle, nu-
mérique, temporelle et chromique. Il semble avoir oublié les symboles graphiques. La
typologie proposée par L. Nefontaine se déploie alors en dix catégories, ce qui est plus
qu’abondant, mais il reconnaît que « Le problème de l’établissement d’une typologie sur
ces bases est loin d’être résolu pour autant » 238 . Nous avions nous-même proposé une
typologie, lors de nos traductions de textes anciens 239 , fondée sur quatre critères :
l’élément humain (centre et en même temps producteur du rite) sous les diverses appella-
tions de maçon, compagnon, maître, et les catégories connexes de reconnaissance, cou-
leurs, signes ; la Loge (centre du rite) dans ses aspects de localisation, composition, di-
rection, orientation, structure, éclairage et objets ; la cérémonie (centre de l’attention)
dans ses trois temps, avant la Loge, dans la Loge et, ensuite, procédures et enseigne-
ments, rituels permettant l’intégration ; et enfin le savoir, sous les aspects pluriels d’arts
libéraux, de géométrie, d’architecture, et de contenu biblique. Si notre typologie reste
sans doute adaptée au codage des textes, elle ne l’est plus lorsqu’il s’agit de définir en
234
Marrot, 2007 : 154.
235
Edouard-E. Plantagenet (pseud. de Edouard Ignace Engel), né en Belgique (1893), puis naturalisé fran-
çais. Il rédigea les Causeries initiatiques pour le travail en loge d’apprentis (1929), les Causeries initia-
tiques pour le travail en chambre de compagnons (1929), et les Causeries initiatiques pour le travail en
chambre du milieu (1931). Il est mort en déportation en 1943.
236
Ce néologisme est souvent utilisé pour l’adjectif « rituel » avec ou sans accent (magie rituelique, objets
rituéliques, produits ritueliques, etc.).
237
Nefontaine, 1997 : 120.
238
Ibid. : 123.
239
Langlet, 2006c.
59
quoi ces objets définissent le Rite comme « maçonnique ». Il nous faut donc en chercher
une différente.
240
Le Goff, 1977 : 361.
241
Ibid. : 352.
60
que dans son usage, il est invisible en dehors de celui-ci. Nous envisagerons plus bas le
statut des objets rituels.
Il ne peut être question d’établir un simple catalogue sans en justifier au fur et à me-
sure les principes. Toute typologie repose sur une conception préalable appliquée à la
répartition des objets et à leur hiérarchisation. Il semble alors utile de partir d’un autre
point de vue qu’habituel. À l’inverse de la vulgate quasi unanimement respectée,
l’héritage direct des bâtisseurs, conditionnant à peu près l’ensemble des analyses, nous
supposerons la Maçonnerie fondée dès le début sur une métaphore englobante (un sé-
mème 242 ) que nous appellerons la « construction du temple de Salomon ». La notion
d’« héritage » nous semble en effet un usage abusif, même s’il est validé par le temps.
Précisons un point pouvant apporter quelque confusion : nous ne postulerons pas,
bien entendu, une hétérogénéité totale entre —en particulier— les outils présents dans le
rite et le métier de maçonnerie (médiévale ou non). Nous admettrons des continuités de
pensée qui ne sont pas le fait de généalogies historiques, des continuités, pourrait-on
dire, dans un espace fait de discontinuités. Pour ces raisons, nous ne nous fonderons pas
sur la notion d’héritage, exprimée dans un discours se résumant par : « Nous [les francs-
maçons] sommes héritiers des corporations médiévales des constructeurs de cathédrales,
et la preuve, c’est que nous avons des outils, la loge, la géométrie, les ordres classiques,
etc., etc. ». C’est ce que dégagent la plupart des travaux des Maçons sur la Maçonnerie,
et qui est repris, à l’identique, par les non Maçons. Tout cela impliquerait, pour résoudre
la question du contenu, un « ésotérisme nécessaire » attaché à l’art de bâtir qu’il serait
erroné de nier.
Nous avons donc un certain nombre d’objets, ou des classes d’objets, liées à la notion
de construction que beaucoup d’auteurs et, à leur suite, de Maçons, appellent l’art de
bâtir. La carte (les objets) n’est pas non plus, ici, le territoire (le métier). Nous nous fon-
derons, à des fins heuristiques, sur la notion d’un emprunt d’objets, fait sur une base mé-
taphorique ayant pour horizon déclaré la transformation ontologique de l’adepte par sa
participation active à la méditation qui lui est proposée.
Les emprunts le sont en ordre, au contraire d’avoir été hérités en vrac, de s’être dépo-
sés peu à peu dans un rituel élaboré au fur et à mesure, au gré des événements. Les ob-
jets sont choisis, ordonnés, orientés, ce qui implique que l’ensemble obéisse à un projet.
Choisis, parce que les emprunts ont obéi à une recherche d’adéquation maximale entre
l’objet et son dessein ; ordonnés, parce que les classes de répartition nous semblent avoir
été déterminées avec soin ; orientés, pour l’insertion dans la cohérence rituelle. Bien en-
242
Eco, 1985 : 25.
61
tendu, des héritages existent. Si des ensembles conceptuels préexistent à ces choix, ce
n’est pourtant pas du côté habituel qu’il convient de les chercher, d’abord, pour tenter de
résoudre quelque problème. L’ésotérisme 243 , enfin, nous semble une manière roman-
tique, plus qu’une catégorie d’analyse, de reconnaître que le texte est à interpréter, que
sa surface est opaque et qu’il contient plus qu’il n’offre en surface.
La métaphore initiale, dans ce cadre, nous semble développer un point de vue cohé-
rent et ordonnateur. Ajoutons qu’elle peut s’exprimer sous une autre forme, peu diffé-
rente, mais éclairante de notre première formulation, comme une « création par le
Verbe ». En outre, ce point de vue permet de déterminer un axe vertical autour duquel
les différents objets du rituel seront distribués. Notre effort pour mettre un peu d’ordre
s’inspire de la proposition de Jacques Le Goff, la parole, le geste, les objets, en reformu-
lant ses catégories. Nous postulerons que la métaphore (dans ses modalités) nourrit trois
cercles concentriques abritant l’ensemble des objets, ici au sens d’objets notionnels
qu’ils soient choses ou non. Si nous considérons l’adepte (le pratiquant) comme centre
du rite, les zones (déterminées par les cercles) iront d’un plus extérieur à ce centre (une
« théorie de l’oignon » à la manière de la proxémique d’Edward T. Hall 244 ) : une pre-
mière zone sera constituée de tout ce qui environne le corps, ce sera l’espace environ-
nant (l’enveloppe, l’écorce, un espace de perception visuelle et sonore des signes) ; une
seconde sera le corps du pratiquant, ce sera l’espace personnel (un espace de contact, car
support de signes) ; et enfin, le corps comme producteur de signes, qui sera l’espace in-
time (espace de fusion, ou de contact « total » parce que centre de production).
La métaphore englobante nous semble reposer en outre sur trois pôles entretenant des
rapports constants : la construction, la notion de Temple, et ce qui est contenu dans le
nom de Salomon. Nous tenterons, à partir de ces principes, d’établir une carte des objets
(matériels ou notions) présents dans le Rite maçonnique pour déterminer en quoi ce type
de Rite est, justement, « maçonnique », c’est-à-dire ce à partir de quoi il se différencie
des autres 245 .
243
Ce qui nous semble toujours une tentative pour expliquer ce que l’on ne comprend pas par ce que l’on
comprend moins encore. La formule serait de Kant.
244
Hall, 1971 : 144, détermine quatre zones spatiales qu’il nomme intime, personnelle, sociale et publique.
Nourries par la métaphore constructive, les zones rituelles en sont proches, mais nous pouvons faire
l’économie de la zone publique ou la fusionner avec la précédente.
245
Cf. Annexe I.
62
dente, est « la » création en acte (en train de se construire/de se créer 246 ), qui en fait un
événement empreint d’actualité, une présence permanente, et qui en affirme la durée,
autrement dit l’acte de création, ou la création divine (appartenant au plan divin) réali-
sant « en acte » ce que le plan est en puissance. On comprendra le passage de l’incréé au
créé, en retenant la notion de passage, de transition, de jonction, de jointure entre deux
états pour souligner la durée. Salomon joue enfin, dans la métaphore, le rôle du principe
créateur, dans la mesure où il fournit, selon les textes, l’esquisse, le projet. Sur le plan
biblique, ceci est faux de manière absolue mais juste de manière relative, et il en est gé-
néralement de même sur le plan maçonnique : dans la dernière phase, il tient le rôle de
Dieu en fournissant le plan à Hiram.
Il en est l’intermédiaire, ce qui s’établit par cascades successives, mais il est aussi un
intermédiaire privilégié par élection directe (Dieu>[Nathan]David>Salomon : « Et il
[Dieu] m’a dit : Salomon ton fils est celui qui bâtira ma maison et mes parvis ; car je me
le suis choisi pour fils et je lui serai père », 1 Chr 28, 6). En nous inspirant de la doctrine
classique exprimée par Albert le Grand 247 , la cause efficiente première est la sagesse di-
vine, et la cause efficiente la plus proche est ici Salomon. L’auteur humain est à la fois
mû et moteur et, pour cette raison, devient symbole de la cause première. Tout cela pré-
cise l’environnement global 248 .
La notion de construction déployée dans le Rite est d’abord celle d’un espace sacré
qui s’élargirait (ou se diffuserait) en trois principes unis par des rapports d’analogie, et
définissant trois niveaux de perception ou de manifestation, maçonnerie, architecture et
géométrie. Leurs champs de signification s’interpénètrent et, soutiennent, à divers mo-
ments, des similitudes d’emploi et le partage d’éléments. Cette triple notion informe par-
fois les trois cercles en « configurant » certains de leurs éléments. La géométrie,
d’abord, apporterait une partie de son environnement d’outils de dessin ou de tracé
(crayon, règle, compas, équerre, planche à dessin/à tracer), et tout ce qui est lié à cette
activité. Certains des instruments sont communs à la maçonnerie qui fournira en outre
son propre environnement d’outils, plus nombreux 249 mais rarement tous présents en
même temps. Les outils retenus nous indiqueront que la maçonnerie s’est focalisée sur
des aspects particuliers du « métier ».
246
La durée de l’acte est exprimée dans une expression du type « Un agneau allait se désaltérant dans le
courant d’une onde pure » (Jean de La Fontaine).
247
Albertus Magnus, ou encore Albrecht von Bollstädt : philosophe, théologien, naturaliste, chimiste et
alchimiste germanique (Lauingen, Souabe : 1193-1206 ; Cologne, 1280).
248
Chaque catégorie est traversée par les notions de mobile et d’immobile, les objets mobiles étant atta-
chés à des fonctions (actifs), les objets immobiles, attachés à des états (stables).
249
Blondel, 2004 ; Mainguy, 2007.
63
La quasi-majorité des objets (ustensiles) associés (attachés ou rattachés, d’une ma-
nière ou d’une autre) au rituel appartiennent à notre premier cercle. Ils deviennent des
éléments de la métaphore, même s’ils paraissent appartenir au monde comme objets ma-
tériels (outils, accessoires, instruments). C’est un point dont il nous faut dire quelques
mots. Le fait que certains objets fassent référence au « métier » ne signifie pourtant pas
qu’ils font partie de ce monde. L’outil dont le rituel affirme la présence est au contraire
extrait du monde, il y est sélectionné, certes, mais à partir de certains traits pertinents. Il
ne l’est donc jamais pour son utilisation technologique, même si un certain romantisme a
réactivé —à rebours— un tel usage (quoique très fugace !). L’objet devient de ce fait
« ancien » 250 au sens baudrillardien, ce qui nie toute connotation historique. Il ne fait plus
référence au présent de son usage technologique, il devient « purement mytholo-
gique » 251 , du temps des débuts, du temps des principes. Il se transforme en objet « an-
cestral » inséré dans un mythe, une légende, un rituel. C’est une fonction rito-mythique
d’ancestraliser les objets, de les extraire du temps ordinaire.
L’objet rituel s’affirme aussi, dans un temps achronique 252 , comme afonctionnel, en
s’intégrant comme « signe » dans un système de signes. La connotation naturelle
s’efface, le poids symbolique est total. Mais la perception immédiate, le « texte de sur-
face » demeure, la confusion naît toujours de l’immédiateté. Le statut de l’outil rituel
n’est donc pas d’évoquer une nostalgie du métier, comme le souvenir touristique (le
« truc » fait de coquillages) est fait pour rappeler avec nostalgie la mer, les vacances et le
camping. L’objet rituel est un principe, et les rituels, quand il y est présent, soulignent
constamment qu’il est utilisé pour « moraliser », c’est-à-dire qu’il est essentiellement
support d’interprétation « spirituelle » 253 . On le pose, en fait, « au milieu », pourrait-on
dire, il est immobile, visible de tous mais jamais employé, sauf parfois pour simuler une
action qui ne se conclut jamais conformément à sa nature technologique.
250
Zumthor, 1980 : 36, pose aussi la question de la définition de l’ancien.
251
Baudrillard, 1968 : 104.
252
Nous empruntons ces concepts à Baudrillard, 1968 qui nous a fourni des éclairages fort utiles sur des
points qu’il n’avait pourtant pas envisagés.
253
Ce terme fait référence à la technique d’interprétation exégétique des textes. La théorie des quatre sens
a été héritée de l’église primitive et elle a été formalisée au Moyen Âge. Selon ce système, on distingue
quatre sens permettant de lire la Bible : d’abord le sens littéral ou historique, et qui comprend l’étude
grammaticale comme la prise en compte des faits du texte. C’est pourquoi on l’appelle parfois le sens
historique, premier sens sur lequel s’appuie l’intelligence spirituelle de l’Écriture qui se diffracte ensuite
en sens moral, en sens allégorique et en sens anagogique. Cette division n’est pas toujours adoptée et on
trouve le plus souvent les trois autres sens alignés de manière plus linéaire : le sens moral ou tropologique
exprime ce que doit faire le croyant, ou plutôt pour lequel chaque passage de la Bible peut servir à
l’édification du lecteur ; le sens allégorique exprime les vérités théologiques ou christologiques du texte,
c’est-à-dire que chaque passage biblique est le symbole de la vie du Christ sur terre et de ses œuvres ; le
sens anagogique, ou mystique selon lequel les Écritures sont la clé des fins dernières et de la vie éternelle.
Si l’on adopte une division en deux parties, ce qui est possible, on trouvera le niveau littéral, la surface des
textes, et le niveau du sens, celui qui demande un effort d’interprétation.
64
Pour renforcer sa nature de signe, l’outil est aussi dessiné ; il peut encore être présen-
té en miniature, objet (parfois) argenté, « modèle réduit » toujours neuf, jamais usé par
le travail, et rangé dans un environnement étranger au « chantier » technique. Jean Bau-
drillard avait souligné que, si « l’objet fonctionnel est absence d’être », l’objet mytholo-
gique « de fonctionnalité minimale et de signification maximale, se réfère à
l’ancestralité, ou même à l’antériorité absolue de la nature » 254 . Nous en conclurons,
aussi, que l’objet mythologique est tout entier « présence d’être ». Il est assez analogue à
son « objet ancestral », mais ne se réfère pas seulement à l’antériorité de la nature, mais
à celle d’une pensée, c’est dire d’une culture. Jean Baudrillard a raison d’affirmer que
cet objet (outil) « n’a plus de fonction, il a une vertu : c’est un signe ».
Il n’est plus que cela, un signe, un symbole en termes maçonniques. Il ne peut donc
pas s’user, son statut de signe le lui interdit. Il en est de même des semblants d’armes
(épée/glaive, poignard) du rituel que nous ferons ainsi voisiner avec les « outils ». Il est
en de même des éperons remis aux cadets militaires pour marquer leur accession à l’état
d’officier. Prendre une épée rituelle pour une arme réelle serait grandement manquer la
cible de son intention. Le signe est d’autant plus visible que l’objet est plus éloigné du
technologique, ce qui est le cas patent de l’épée flamboyante ou d’une épée tenue de la
main gauche, le plus souvent 255 . On mesure mieux l’écart avec le monde et les usages
techniques. Ce n’est pas parce que le « port de l’épée » fut un des privilèges accordés à
certaines corporations (qui les assimilait, dans une certaine mesure, à la noblesse/ cheva-
lerie) que cela justifie ici la présence de l’épée maçonnique 256 .
Cela renverse l’ensemble des conceptions courantes fondées sur la vulgate et la filia-
tion lisse de la Maçonnerie. On y conteste pourtant, rarement, l’usage dit symbolique
(métaphorique) des objets rituels. Mais la pensée effectue ici, souvent, des soubresauts
rétroactifs cédant à la tentation toujours présente de revenir à l’objet technologique : les
outils (puisqu’« hérités » des bâtisseurs) seraient devenus symboliques après avoir été
« réels » (matériellement utilisés dans le métier). Nostalgie d’une origine ! En considé-
rant l’ensemble des objets comme métaphorique dès l’origine, ceux-ci s’insèrent de ma-
nière plus cohérente dans le système symbolique, ou le modèle, que nous désignerons
comme la « création par le Verbe » 257 .
254
Baudrillard, 1968 : 114.
255
Langlet, 2004a : 154-163.
256
Mais cela a fait fantasmer sur une prétendue égalité sociale par le port de l’épée en Loge.
257
Pour prendre un autre exemple ailleurs, personne ne soupçonne un seul instant que l’usage symbolique
des oiseaux, en Maçonnerie, soit la preuve d’un héritage direct des oiseleurs ou des fauconniers (médié-
vaux). Par contre, on s’embarquera volontiers dans une épopée templière à la vue des épées rituelles.
Étranges adhérences mentales.
65
Notons qu’il y a davantage d’outils liés à la pierre (carrière/taille, c’est-à-dire ici, plus
au soubassement/fondation qu’à l’ornementation/sculpture) qu’à d’autres spécialités du
« bâtiment ». Ils renvoient aux notions associées mesure-pose-traçage (canne, compas,
cordeau, craie/crayon, équerre, fil à plomb, règle, rapporteur, pointe, jauge, niveau) 258 , et
un peu à la fabrication/réalisation (truelle 259 , levier/pince, laye, ciseau/broche 260 , mail-
lets 261 ). Nous y ajouterons de rares dispositifs de manutention (treuil) 262 , des matériaux
encore (pierres de formes diverses 263 ), et la présence textuelle 264 du ciment (lien entre
frères). On pourra s’étonner, d’un côté, d’une présence nombreuse d’outils et de celle,
plus rare, de pierres de l’autre, qui constituent pourtant le point focal des outils et leur
raison d’être. La justification repose sur le fait que la pierre est bien le centre des préoc-
cupations et que les outils sont à sa « périphérie » (rapport permanent centre/ périphérie).
La pierre comme principe n’a pas besoin d’emplir la Loge, le centre est solitaire.
L’inflation d’outils au 2e Grade de certains Rits (en France), par contre, apparaît net-
tement comme une reconstruction « à rebours » du Grade, destinée à lui donner un sens
« ouvrier » qu’il était loin d’avoir au départ. Alors qu’ils n’y étaient pas présents, ces
objets se multiplient d’abord dans le Régulateur du Maçon (1801), suivi de près par le
Guide des Maçons Ecossais (1801-20). Les collages ne sont pas toujours bienvenus.
Thierry Boudignon le souligne, il n’existe « semble-t-il aucune attestation [de ces divers
outils et symboles du métier] auparavant : c’est donc une nouveauté capitale » 265 . Nou-
veauté n’implique pas nécessairement validité dans l’innovation. Comme il l’avait ex-
pliqué quelques lignes plus haut, il semble que « l’idée d’une filiation directe 266 entre
“maçons de pratique” et “maçons de théorie” soit apparue à la fin des années 1770
avec l’abbé Philippe Grandidier » 267 . Tout cela tient, en effet, d’un effort de construction
rétroactive, qu’il appelle « la pensée néo-opérative » à laquelle René Guénon a succom-
bé, mais en lui donnant, comme Harry Carr en Angleterre ou Findel en Allemagne, une
258
Mais pas de lime, ou de râpe.
259
Mais pas d’auge, ni de tamis.
260
Mais pas de chemin de fer…
261
Ils sont souvent, en France, plus proches de l’élégant maillet du commissaire-priseur que d’un métier
du bâtiment !
262
Pas de râteau. La pelle et la pioche n’appartiennent pas à la Maçonnerie bleue mais à l’Arche Royale.
263
Desagulier, 1997.
264
Et uniquement symbolique.
265
Boudignon, 1999 : 113.
266
Nous soulignons.
267
Boudignon, 1999 : 112. On trouve encore dans le Livre des Marchés (1780, cité dans Langlet, 2008b,
annexe A26) : « Combien y a-t’il de maçons ? Ceux de Théorie et ceux de pratique, les premiers érigent
des Temples au Seigneur dans leur cœur par les vertus et les autres élèvent des perpendiculaires sur des
bases ». La différence entre les deux est soulignée dans La Maçonnerie examinée en détail (1730) et le Ms
Wilkinson (1727 env.) avec des « gentilhommes maçons » apprennant « le secret, la moralité et la bonne
entente entre amis » et des « maçons opératifs » apprennant « à donner forme, proportion et modelé à la
pierre, à poser le niveau et à monter d’aplomb » (Langlet, 2006c : doc. O et Q). Nous aborderons aussi ce
point en 1.10 puis en 3.9.
66
telle diffusion qu’elle ne sera, dans l’ensemble, que peu mise en cause. C’est manifeste-
ment de cette manière que l’on s’invente une tradition lorsque l’Histoire ne convient pas,
qu’elle ne convient plus, ou qu’on l’a oubliée 268 . S’en soucie-t-on réellement, d’ailleurs ?
Parce que cette formulation (création par le Verbe), à l’aide de ce symbolisme parti-
culier (constructif) et de l’usage spécifique des objets mentaux, appartient à cette culture
particulière, cela révèle un environnement globalement chrétien comprenant, en corol-
laire, l’usage de la Bible, à la fois en arrière-plan et comme horizon d’attente. L’objet-
ustensile est signe, et comme tel il comporte deux aspects conjoints, sa matérialité et son
sens. C’est, nous l’avons vu, la matérialité qui pose problème en envahissant trop sou-
vent la conscience de ses « lecteurs ».
L’architecture ensuite, deuxième principe de la construction, se manifeste par le plan,
esquisse ou gabarit, et par les formes utilisant la géométrie et ses principes comme tech-
nique de réalisation du tracé 269 . Nous y rapporterons la notion de temple, avec ses diffé-
rents espaces, ses ornements et les objets qui lui appartiennent. Comme le temple est
biblique, on en adopte la composition (qui est canonique de l’Orient), avec par-
vis/colonnes, Saint, Saint des Saints, Arche (âron/arone) et certains éléments fonction-
nels (tentures, aux couleurs bleu et rouge). Les colonnes apportent leurs décors (gre-
nades, lys, chaînes 270 ), et leur composition (chapiteaux, fûts). Tout cela est généralement
présent sous forme de meubles 271 auxquels on a parfois ajouté des globes (céleste et ter-
restre), placés au sol ou sur les deux colonnes 272 . Ces objets sont aussi dessinés ou pré-
sents en miniature, ce qu’autorise leur nature de signes. Comme le temple est biblique
(référence au texte), la Bible apporte d’autres végétaux, le blé (dans l’usage d’un « mot
de passe ») et son produit manufacturé, le pain, le raisin (et son produit divin, le vin), ou
l’acacia (légende du 3e Grade).
Le temple biblique (toujours) étant aussi le modèle du temple chrétien selon
l’homologation église=temple, le temple chrétien apporte au rituel les principes de sa
configuration des espaces, la disposition des participants, son autel (placé à l’intérieur
vers l’Est, et non à l’extérieur vers l’Ouest pour le temple salomonien 273 ). Consacré au
Rite, cet espace maçonnique est doté d’une forme adaptée (parallélépipède) selon des
principes revendiqués pour ce type d’usage. Il reçoit une orientation utilisant un symbo-
lisme primaire relatif au corps (qu’il enveloppe), haut/bas, devant/derrière,
268
Cela semble même avoir été le cas de certains grades « écossais » (6e, 7e, 8e et 12e).
269
Lawlor, 1997.
270
Langlet, 2000c.
271
Objets tridimensionnels de dimensions « normales » dans un local occidental : env. 2 à 3 m de hauteur,
le plus souvent.
272
Langlet, 2000c.
273
Langlet, 2008b.
67
gauche/droite, reconfigurée selon les directions de l’espace, dont les points cardinaux
(plafond/sol, ciel/terre ou zénith/nadir ; puis, orient/occident ; midi/septentrion).
L’espace peut être segmenté en différents sous-espaces (« parvis », antichambre, salle
extérieure, local de la Loge) qui peuvent changer d’appellation selon les Grades et la
prétention des rituels à parler hébreu (oulam, hekal, debir, et même d’vir pour certains).
Il permet encore, comme temple chrétien, l’usage d’un Livre comme élément fixe. Ce
peut être la Bible (appelé prudemment « Volume de la Loi sacrée », ou « de la sainte
Loi ») ou les « Évangiles » (c’est-à-dire la Bible ouverte à un évangile). Lorsque le livre
est un exemplaire des Constitutions d’Anderson (sous forme généralement très abrégée,
parce que l’on y sélectionne ce qui arrange), sa place, sa disposition, comme les raisons
de ceux-ci, seront les mêmes 274 , ouvert et sur un autel. Tout repose sur une succession de
métaphores imbriquées.
Symboliquement « située dans le portique du temple », c’est-à-dire dans le lieu
d’accès à celui-ci, nous inclurons dans cet environnement, l’espace logial, la Loge, con-
figurée selon les principes énoncés et à l’aide de divers objets empruntés à la géométrie
(« figures géométriques », triangle, cercle, rectangle, étoile) qui, combinés à la symbo-
lique du Verbe créateur, donneront les représentations des astres majeurs, des sources
d’irradiation géométrisées (les deux niveaux sont conjoints) l’étoile pentagrammique
« flamboyante » (qui peut être une comète), le delta « lumineux » ou irradiant, souvent
dans une combinaison —dont le sens n’échappe à personne— avec les astres majeurs
d’un 4e jour de la Création, le cercle, le double cercle ou couronne, et les imbrications
possibles de ces différentes figures.
Comme la construction énoncée (du temple/de l’homme, mais certainement pas de
l’humanité) est une création par le Verbe, nous y trouvons la justification de toute une
catégorie d’objets liés au Verbe créateur et à ses expressions symboliques, la lumière
étant la première. Nous remarquerons des chandeliers/cierges (dont la quantité est justi-
fiée par une symbolique des nombres, et la présence par une configuration chrétienne
trinitaire) et les différentes figures évoquées plus haut. Nous ajouterons, à contre-courant
des habitudes, tous les « objets pointus » pouvant prendre l’aspect d’armes
(glaive/épée 275 , poignard 276 ) ou d’outils (pointe(s) du compas 277 , angle de l’équerre, tran-
274
Ils sont considérés dans leur aspect de règles de conduite, aspect juridique qui n’est jamais absent d’un
rite et permet de « justifier » l’acte juridique du serment public.
275
Cf. infra.
276
La hallebarde est citée par un texte ancien mais a, semble-t-il, disparu.
277
RUS ad0 : « puisse son souvenir aiguillonner votre conscience et votre esprit… ».
68
chant du ciseau 278 ). Cela se manifestera encore avec le « pointage » sur la poitrine à
l’aide de la tête du maillet 279 et le « cercle des épées » 280 .
La référence au plan de la Création par le Verbe autorise l’usage de plusieurs vola-
tiles représentés par divers moyens, dessins, objets, broderies, et à différents moments du
rite (colombe 281 , coq, aigle, pélican 282 ). Ils constituent les uns et les autres des figures des
états spirituels, globalement des signes « du plan divin » qui sera l’expression du Verbe.
Les Tableaux de Loge ne constituent pas un cas particulier, ni une catégorie spéciale,
mais nous y reviendrons. Ce type d’iconographie reprend les éléments principaux évo-
qués dans les lignes précédentes et révèle, en le résumant, le plan d’une construction,
d’un temple (espace sacré), accompagnée des objets indispensables à sa réalisation com-
plète.
Enfin, la « création par le Verbe » comme passage de l’incréé au créé intègre à notre
inventaire les éléments du 3e Grade, mais aussi certains importés (« rétroactivement »)
par le passé dans la cérémonie du 1er Grade (RÉAA, RÉR, et emblèmes mortuaires du
cabinet de réflexion). Le rituel insiste sur la notion de passage qui est, dans un cas, celui
d’une « mort au monde profane » permettant l’accès à la vie initiatique, et dans l’autre,
celui de la mort vaincue par le Verbe/Mot/Nom, permettant l’accès à la Vie renouvelée
sur un schéma global qui reste identique. Ritualisée, une situation positive est en effet,
souvent, évoquée par son contraire : c’est aussi une utilisation de moyens rhétoriques. La
faux, par exemple, empruntée au monde « agricole », ne semble avoir été retenue que sur
la propriété du fil de sa lame, allégorie inversée du « fil de la Vie » 283 .
Nous pourrions enfin ajouter divers éléments introduits par contamination d’une lec-
ture littérale et pour démontrer une culture —nécessairement— ésotérique. Il s’agit, pour
certains rituels, des éléments appelés alchimiques, des épreuves de purification ou
d’emprunts parfois hésitants à la Cabale juive. Les « épreuves » 284 font référence aux
quatre éléments des philosophes grecs dont les savants médiévaux se serviront ensuite,
comme les alchimistes. Les éléments ont ainsi acquis une présence dans certains rituels
contemporains, pourtant dûe à une modification tardive des textes, sur la base d’un défi-
278
Le tranchant du ciseau est utilisé comme une pointe. Cela semble reprendre le thème bien connu des
contes, l’introduction sous la peau d’objets pointus, aiguilles, épingles, épines (Propp, 1983 : 163). Dans
le contexte « constructif », la pointe est celle d’un outil, mais le principe de la configuration est identique
(Langlet, 2009a).
279
Langlet, [1996] 2004a : 140.
280
« On lui débande les yeux, & pendant qu’on est à lui ôter le bandeau, les frères se rangent en cercle
autour de lui, l’épée nue à la main, dont ils lui présentent la pointe. Les lumières, le brillant de ces
épées… » (Pérau, 1745), cité dans Langlet, [1996] 2004a.
281
Tableaux anglais du 2e Grade et bijou des Diacres.
282
Le phénix est un ajout récent et n’appartient pas aux grades bleus. Les autres animaux non plus (ban-
nières de l’Arche royale, par exemple, mais aussi de certains Grades « écossais »).
283
Au RÉAA (Langlet, 2004a : 44), et aux Rits américains (MacNulty, 1993 : 55).
284
Langlet, 2004a : 124-137.
69
cit de compréhension ou d’une lecture littérale. Le développement des éléments purifica-
teurs va de deux dans les premiers documents (eau/feu), qui passent à trois (triade très
« maçonnique », eau/feu/air), puis à quatre sur une compréhension maladroite des deux
purifications initiales, inspirées de l’évangile (baptême d’eau par Jean, de feu par Jésus).
Pour faire « maçonnique », c’est-à-dire pour obtenir une triade, on avait ajouté l’air aux
deux premiers, puis comme l’hermétisme classique présentait quatre éléments, on a clos
la liste. La même lecture a conduit à poser des coupelles contenant certaines substances,
sous forme matérielle, renvoyant à l’alchimie médiévo-tardive (de Paracelse par
exemple), soufre, sel, mercure 285 .
Les éléments extraits de la Cabale hébraïque (Kabbale ou Qabalah) ont été introduits,
tardivement aussi. On a cru détecter des correspondances entre le nombre des officiers
d’une Loge et les sephirot composant le diagramme synthétique bien connu 286 . D’où, à
une époque récente, un envahissement de celles-ci dans les rituels, les ouvrages maçon-
niques et les conversations des bons frères. Mais cela n’a été vrai que pour quelques
Rits, et l’on a pudiquement oublié ceux qui ne correspondaient pas, c’est-à-dire la plu-
part. L’introduction d’éléments étrangers au Rite semblait répondre à un déficit ressenti
de sens.
Il reste un dernier point, les ustensiles que l’on suppose, toujours sur cette même lec-
ture, attachés aux ordres de chevalerie, les épées, dont nous avons déjà dit quelques
mots. On y a vu, un peu vite, un héritage templier en raison des déclarations de Michel
de Ramsay 287 . Le RÉR 288 peut justifier de la co-présence de l’épée et de la truelle par un
rejeton de la métaphore initiale : on y fait référence non plus à la construction du (pre-
mier) Temple mais à sa reconstruction, « le second Temple », où les Juifs, revenus de
Babylone, redressaient les murailles de Jérusalem, « la truelle à la main et l’épée au cô-
té » 289 . La référence chevaleresque, aux bellatores, et l’inflation de Grades « de chevale-
rie », sur la base d’un objet visible semble masquer un double topos chrétien largement
répandu depuis le christianisme primitif, le chrétien athlète du Christ ou combattant de
Dieu. Chez saint Paul, le bon combat de la foi est comparé à la participation à une com-
pétition athlétique 290 . L’idéal du chrétien, c’est le martyr —témoin de sa foi—, le saint.
285
Ibid. : 55 et suivantes.
286
Ouaknin, 2000 en présente plusieurs versions.
287
Ramsay, 1973.
288
Et l’Arche royale.
289
Né 4, 17-18 : « chacun de ceux qui bâtissaient était ceint sur ses reins d’une épée ».
290
2 Ti 2, 5 : L’athlète n’est pas couronné, s’il n’a pas combattu « suivant les règles », c’est-à-dire « léga-
lement ». Les mots « athlète » et « combattu » traduisent le verbe grec « athleô », dont le sens est sem-
blable à « agôn » lutter, combattre, faire un effort, être un athlète. Le même terme nous a donné le mot
« athlète ».
70
Le moine est l’exemple parfait du chrétien consacrant sa vie à être un athlète et un com-
battant de Dieu en vivant les vertus monastiques.
Pour Bernard de Clairvaux, le moine, qui suit la règle de saint Benoît, comme le sol-
dat-moine, sont ces combattants. C’est lui, le moine Bernard, qui rédigera la règle des
moines-chevaliers de la nouvelle milice, les templiers dont les Maçons revendiquent une
part d’héritage : « Le soldat qui revêt en même temps son âme de la cuirasse de la foi et
son corps d’une cuirasse de fer… », écrit-il 291 . Cela justifie mieux la référence de Ram-
say mais ne contredit pas, nous le voyons, la présence de l’épée, symbole du Verbe.
291
En référence à saint Paul : « Revêtez-vous de toute l’armure de Dieu, […] Soyez donc fermes, vos reins
ceints de la vérité, revêtus de la cuirasse de la justice, Les pieds chaussés du zèle de l’Évangile de la
paix ; prenant, par-dessus tout, le bouclier de la foi […]. Prenez aussi le casque du salut, et l’épée de
l’Esprit, qui est la parole de Dieu… », Eph 6, 11-20 (Ostervald).
292
« Le corps mesure de toute chose », dans lequel Braunstein-Pépin, 1999 voient un legs antique gréco-
romain, mais qu’il doit être possible de découvrir, sans beaucoup d’efforts, dans les autres civilisations
antiques, comme dans les sociétés qualifiées d’archaïques. Le corps, comme le temple, est une image du
cosmos ; il fournira les mesures dont le temple sera fait (doigt, pouce, main, poing, palme, empan, pied,
pas, coudée, brasse).
293
Langlet, 2004a.
71
une manière plus subtile d’être permanents. La « marque dans la chair »294 en particulier
n’existe que dans une présence textuelle car elle n’était que simulée. Le geste (le mar-
quage) n’est donc qu’éphémère, mais la trace (la marque) qu’il laisse est censée être
permanente. Elle appartient à ce que Francesco Remotti, dans sa construction d’une ty-
pologie des « interventions esthétiques sur le corps » (les IEC), classe dans sa douzième
catégorie, XII—Brûlures et marques au fer rouge 295 .
Les « vêtements » rituels constituent sans aucun doute une catégorie particulière. Le
même Francesco Remotti inclut dans sa première catégorie, « les objets indépen-
dants » 296 , toutes les formes d’habillement, les bijoux, tous les types d’ornements et
toutes les espèces de masques. Ces objets sont visibles et tangibles, fabriqués à part du
corps, que l’on revêt ou enlève dans certaines occasions. Dans notre cas, les vêtements
rituels sont des signes permanents d’une « symbolique embarquée » avec, en particulier,
les Tabliers et les Gants, tous deux, par ailleurs, énoncés comme éléments de protection
emblématiques du « métier » 297 . Pas plus que les outils, ces objets n’ont de fonction pra-
tique car, à l’inverse des vêtements quotidiens, ils n’appartiennent plus au monde tech-
nique 298 et ne servent plus, de ce fait, de protection contre les agressions de la pierre ou
du ciment 299 . S’ils l’étaient, ils seraient comme tout autre vêtement.
Ritualisés, ils accèdent au statut de signe. Il semble qu’il en soit de même de la vêture
requise 300 , mais pas toujours respectée (costume sombre, chemise blanche, cravate noire)
pour participer aux travaux rituels. On voit à cet exemple que l’uniformisation recher-
chée du vêtement fait des participants un groupe homogène. C’est bien une manière ri-
tuelle de se vêtir, mais rien non plus qui rappelle le métier. Par contre, nous avons des
éléments signifiants pointant vers le vêtement des communautés religieuses. Ce sont les
principes saillants de cette catégorie. Rappelons que les robes des avocats et antérieure-
ment, les toges des universitaires, étaient héritées des vêtements religieux.
D’autres objets sont proches des vêtements, comme les baudriers, appelés parfois
cordons, pour certains (des baudriers 301 , RÉAA, RF), et les colliers (appelés aussi cor-
dons ou sautoirs, mais en anglais, « collars ») semblables aux insignes habituels des
294
Langlet [1995] 2004a : chapitre V.
295
Remotti, 2003b : 292.
296
Ibid. : 283.
297
On peut en discuter, de même pour les gants. La référence médiévale n’est pas très ferme : la plus
grande partie des miniatures médiévales ne montrent que très rarement ces vêtements.
298
Blanc, 1989.
299
Mane, 1989.
300
En tout cas, largement précisée sur les convocations des Loges.
301
Différents des écharpes (Arche royale). Même si l’écharpe se définit comme une pièce du vêtement
masculin passée obliquement de l'épaule droite à la hanche gauche ou nouée autour de la taille, et le bau-
drier comme une bande de cuir ou d’étoffe qui se porte en écharpe de l’épaule droite à la hanche gauche et
qui sert à soutenir le sabre ou l’épée, l’écharpe rituelle se porte de l’épaule gauche à la hanche droite, et le
baudrier, de l’épaule droite à la hanche gauche conservant sa fonction première de soutien d’une épée.
72
bourgmestres belges ou des lords-maires anglais (et aussi, mais rarement, des maires
français). Ce sont tous, également, des marqueurs de fonction, ce qui s’envisage dans un
univers liturgique mais n’est pas une réelle obligation rituelle. On leur donne le nom de
décors. Les coiffures diverses font, bien entendu, partie des objets de la sphère person-
nelle. Elles auront un rôle de marqueurs de Grades, comme les Tabliers ou certaines mé-
dailles. Les épées, cannes, et sceptres ont aussi un rôle rituel. Nous n’inclurons pas, par
contre, les épinglettes (pin’s) et d’autres objets (boutons de manchette, bagues, montres)
décorés de « symboles » qui n’ont rien de rituels, et que l’on appellera objets paralitur-
giques.
Les usages culturels soutiennent en outre l’emploi symbolique des couleurs caracté-
risant certains objets, plus particulièrement ceux faits de tissu, comme les Tabliers, bau-
driers, colliers ou sautoirs. La matière et le procédé de tissage autorisent des imbrica-
tions de couleurs pour créer des figures géométriques ou des frises colorées servant de
signes. Il est en outre possible de faire, comme Martine Barbeau, une relation non dé-
nuée de sens entre le vêtement et le geste, car le vêtement (ici, rituel) épousera le geste
(rituel) et leur association contribuera à renforcer réciproquement leur statut de signe 302 .
302
Barbeau, 2002 : 125.
303
Nefontaine, 1997 : 119.
73
mouvements. Il utilise aussi des postures ou attitudes. Il nous faudra donc tenir compte
de tous ces éléments utilisant le corps comme producteur, et d’abord les membres. Mais
il sera plus souvent commode de parler de « gestes », à moins d’en préciser la source.
Les gestes accomplis au cours du rite sont donc appelés « gestes rituels ». Bien en-
tendu, souligne Martine Barbeau, « les gestes symboliques sont l’expression d’un code.
Très tôt acquis dans la vie, ils surviennent néanmoins après le langage mimo-gestuel.
Ces gestes ont fonction de signe » 304 . Les gestes rituels trouvent leur source dans les
gestes naturels mais, à la différence de ces derniers dont la production est imposée « par
la nature de l’acte produit » 305 , le geste rituel est conventionnel dans la mesure où il est
codifié. On ne fait pas plus culturel. Il possède ainsi une permanence et une longévité
hors du commun, étrangère aux gestes quotidiens. Il est en outre difficile de bien diffé-
rencier gestes et postures, la posture étant le geste arrêté après avoir été jusqu’à
« terme » 306 .
Les premiers sont des gestes naturels, les suivants sont rituels. Les gestes entrent,
avec saint Augustin, dans une large théorie des signes. Les mots sont des signes, mais ne
sont pas les seuls, les gestes peuvent les accompagner —et en cela saint Augustin est
l’héritier des rhéteurs qui l’ont formé 308 . Ils peuvent se substituer à eux et devenir des
mots « visibles ». Cela est d’autant plus simple à comprendre pour le Rite maçonnique,
que la plupart des gestes y sont appelés « signes ». Comme pour les outils, tous les
304
Barbeau, 2002 : 117.
305
Garnier, 1982 : 43.
306
Langlet, 2006c : doc. A, « la gorge tranchée (On doit faire ce signe quand on prononce ces mots) ». Le
terme est le signe « fait ».
307
Schmitt, 1990 : 21.
308
Augustin, 1964 : VIII, 2.
74
gestes rituels sont extraits du monde et ne sont exploités que pour leur statut de signes,
commandés par le discours mais y renvoyant en même temps.
Comme les mots, les mouvements ou gestes disparaissent les travaux terminés, mais
ils sont réitérés à chaque nouvelle actualisation du Rite (son instance performantielle).
Ils sont à la fois temporaires et permanents. Dans la typologie de F. Remotti, ils appar-
tiennent au « modelage du comportement ». Cet auteur souligne que « Dans les rituels,
le geste, dépourvu de rôle instrumental, est littéralement un artefact » et qu’il est sans
nul doute « un construit culturel inventé et modelé spécialement » 309 . Nous ne dirons pas
le contraire. Dans le contexte chrétien, les gestes sont censés révéler ce qui les com-
mande : ils sont « l’expression des mouvements intérieurs de l’âme, des sentiments, et de
la vie morale » 310 . L’âme est le principe du mouvement, elle [moteur premier] com-
mande la pensée, la pensée [moteur second] commande le corps. La main, en outre, est
caractérisée par « la multiplicité de ses fonctions » 311 . Personne n’en doute.
Le geste rituel est contrôlé, et il implique un égal contrôle de l’âme : c’en est un
signe. Il est mesuré, il implique une égale recherche de la mesure en toutes choses. Il est
codifié, cela suppose que l’on en reconnaît l’efficacité. Le principe de tout geste rituel
est qu’il véhicule un sens et le fait de manière codifié et efficace. Sans insister outre me-
sure sur les rapprochements impossibles avec l’héritage opératif, soulignons la dissem-
blance absolue des gestes/signes du Rite maçonnique avec le métier de maçonnerie. Ri-
tuels, ces gestes sont, par contre, fort proches des gestes religieux, ou des gestes des reli-
gieux.
Dans la catégorie « postures et attitudes », nous appellerons le corps utilisé pour ses
postures « générales », couché, assis, à genoux, debout. Ce sont des postures connues
des rituels religieux chrétiens, mais aussi, plus ou moins, de tous les rituels. Dans les
Rits maçonniques, on est toujours « debout face à » une personne ou un point cardinal,
jamais dans une direction floue. Dans le cas de la position debout, les pieds seront ras-
semblés selon différentes variantes. L’agenouillement est un geste de prière (avec va-
riantes), la station assise ne doit pas comporter d’affaissement, indice de relâchement
moral ; la position couchée (étendue) a un rôle dans le rituel du Troisième Grade.
309
Remotti, 2003b : 289.
310
Schmitt, 1990 : 25.
311
Ibid. : 36.
75
« marche régulière », « marche du Grade », etc. Les variantes, peu nombreuses, se réfè-
rent à un seul système, la marche faite de pas codifiés, de longueur égale ou non, en
ligne droite ou non. Lorsque la marche est « naturelle », cela constitue une telle rupture
du système qu’elle est indiquée. Il arrive que l’on fasse progresser le candidat d’une
autre manière, « de dos » (RÉR, RÉAA, RF) 312 , pour le remettre ensuite dans une marche
en ligne droite. Toutes les marches impliquent le corps entier.
312
Langlet, 2008c : Chapitre XVII.
313
On dit rarement « un geste du pied », « de la jambe » ou « du genou ».
314
Néologisme surtout utilisé en informatique où l’on parle de la « vitesse de cadençage » d’un processeur.
315
Garnier, 1982 : 213.
316
Langlet, 2006a : 351.
317
Langlet, 2006c : 261.
76
mental : c’est d’abord une manière de poignée de main particulière » 318 . La main est
encore utilisée pour ses jointures 319 .
Soulignons qu’aucun de ces signes ne peut être justifié avec vraisemblance par la vul-
gate de l’héritage constructif, point qui n’a jamais été relevé, à notre connaissance, dans
les écrits sur la Maçonnerie. Le seul élément qu’il serait possible d’en rapprocher est le
principe régulateur des signes, gestes et postures : la « mise à l’équerre ». Ainsi, les
doigts sont tendus et le pouce « à l’équerre » ; les pieds, « à l’équerre », le bras droit levé
« à l’équerre », l’agenouillement provoque une jambe « à l’équerre » (heureusement, le
genou fait charnière), les signes pénaux montrent des « équerres », etc. Les déplace-
ments autour de la Loge se font souvent en marquant les angles du local (squaring en
anglais). On utilise toujours les capacités anatomiques du corps et, en particulier, les ar-
ticulations. Si « la quantité des combinaisons est théoriquement illimitée » 320 , on en a
retenu essentiellement certaines, pour les gestes rituels, permettant de nombreuses
« équerres » 321 . Tout fait davantage appel à l’application d’une métaphore préalable de la
géométrie que d’usages hérités de professionnels.
318
Langlet, 2006a : 121.
319
La notion d’élément transitionnel (passage), évoqué plus haut, fonde l’usage des jointures, essentielles
à toutes les grippes. Assurant, dans une conception antique du corps, la transition entre « chair » et « ossa-
ture », il est support d’une procédure rituelle, lors des phases de reconnaissance, qui révèlent un passage
de l’inconnu au connu, du flou au certain, ou du mou au dur. C’est un « souple-dur ».
320
Garnier, 1982 : 45.
321
On constate à rebours que le compas ne fait pas partie des « signes ». Le pourrait-il ? L’introduction
d’un geste, dans un mouvement déjà existant, pour imiter le compas est aussi rétroactif, et aussi rare que
rétroactif.
322
Braunstein-Pépin, 1999 : 47.
323
Langlet, 2006a.
324
Saint-Gall, 1996. Les mots sont usuellement en caractères latins, mais certains les veulent à
l’hébraïque.
77
rituels (questions-réponses), les légendes, exhortations, serments, prières, outre les longs
(parfois, très longs) passages explicatifs. Cela va du produit court (syllabe) à la produc-
tion longue (tirade 325 ). L’usage répété de nombres particuliers se situera au croisement
des actes de langage et des actes physiques, les nombres étant à la fois énoncés et actés.
Les deux types d’actes, paroles et gestes, sont généralement liés, leur emploi comme
signes s’affirmant sans cesse. Cela ne peut surprendre dans une liturgie axée sur la Créa-
tion par le Verbe, contexte de pensée chrétienne s’exprimant par des ensembles symbo-
liques particuliers, mots ou configurations d’objets, à ce contexte. Si l’usage des méta-
phores est plus visible dans les actes de langage, car elles y bénéficient de la durée de
l’énoncé, elles peuvent aussi prendre appui sur des configurations gestuelles (signes
« pénaux », par exemple) 326 , simples ou plus complexes.
L’emploi des nombres symboliques s’actualisera de différentes manières, par des fi-
gures, des configurations d’objets ou de parole (entre le VM et ses deux Surveillants, par
exemple), ou des sons. À l’évidence, l’usage et l’environnement chrétiens justifieront
l’emploi d’un lexique reprenant le vocabulaire exégétique, liturgique ou religieux. Ces
termes que recensent largement tous les dictionnaires maçonniques, sans en donner les
origines d’usage, sont : chapitre 327 , collège 328 , offices, officiers 329 , convent 330 , temple,
chapelain 331 , orateur 332 , vénérable 333 , diacre 334 , frère et frère servant 335 , néophyte 336 , novi-
325
Ce Rite est bavard.
326
Langlet, 2009a 2.
327
Du latin médiéval « capitulum », « réunion de religieux réguliers au début de laquelle on lisait un cha-
pitre de la règle ». Les « chapitres » de dégustateurs d’anisette renvoient à des habitudes sémantiques.
328
Du latin classique « collegium », ensemble, corps de magistrats ou des prêtres. Au Moyen Âge désigne
diverses communautés de laïcs et de religieux.
329
Du latin médiéval « officiarius », personne pourvue d’une charge (Xe-XIe s.), dérivé de officium, fonc-
tion, devoirs d’une fonction ; assistance, service ; obligation morale. Désigne dès le VIIe s. les offices li-
turgiques. Depuis le XIIe s., l’office est, dans la liturgie catholique, l’ensemble des prières et des lectures
pour « la messe ». Cela désigne aussi, la fonction ou tâche à accomplir. C’est ensuite une « charge » et
tout type de charge, religieuse ou civile. Ici, en raison du contexte, le sens liturgique est prépondérant.
L’Officier « officie » lors d’une cérémonie. Pour Schmitt, 1990 : 70 : « Les ouvrages intitulés De officiis
changent de nature, deviennent des livres de liturgie. Il n’y est plus question des « devoirs » en soi, comme
dans les De officiis de Cicéron mais bien des devoirs rituels des prêtres et des évêques, des « offices ec-
clésiastiques » ou des « divins offices » fixant les rôles du clergé dans l’Église et leurs obligations à
l’égard de Dieu ».
330
Du latin classique conventus (assemblée) : toute assemblée ; spécialement, sous la forme « couvent »,
l’établissement religieux où l’on vit en communauté. Le terme est utilisé par les Maçons pour désigner
l’assemblée annuelle des représentants des Loges d’une fédération où se règlent diverses questions.
331
Celui qui a la charge d’une chapelle et en est bénéficiaire, et prêtre attaché au service d’une personne.
332
Celui qui prie (orare) ou proclame la prière.
333
Pour ne pas citer profès, ou élu, qui sortent du cadre des Grades bleus.
334
Emprunté au bas latin diaconus, du grec : « serviteur » et « personne ayant une fonction religieuse ».
335
Reprend la dichotomie moine/convers. Le frère lai (il a vocation à rester laïc) est aussi le frère servant.
336
Le nouvel initié. Emprunté au grec et employé, dans l’église primitive, pour désigner le chrétien ré-
cemment baptisé, venu à une « vie nouvelle ». Littéralement : nouvelle plante.
78
ce 337 , obédience 338 , observance 339 , etc., qui nécessiteraient une étude particulière plus ap-
profondie des liens entre deux communautés appartenant à un même environnement cul-
turel 340 .
337
C’est celui qui, après avoir été admis aspirant ou postulant (celui qui demande), décide d’aller plus
avant dans la vie religieuse. Le noviciat est une période d’essai d’un maximum de deux ans, sans engage-
ment. Le terme est plus particulièrement utilisé, en Maçonnerie, par le RÉR (écuyer novice).
338
Le mot est emprunté au latin obœdentia signifiant « obéissance, soumission ». Le terme est d’abord un
mot appartenant au champ religieux : c’est l’obéissance d’un religieux à son supérieur ou à une règle mo-
nastique et, par métonymie, c’est la règle ou l’ordre religieux.
339
Respect de la règle d’un ordre religieux ; règle elle-même ; manière de se situer par rapport à la règle
(ex. cistercien de la stricte observance). Par extension, ordre religieux défini par sa règle. Il existe une
puissance maçonnique appelée « Stricte Observance ».
340
La thèse de Lassalle, 1984 porte sur « La formation et l’évolution du vocabulaire de la franc-
maçonnerie en France au XVIIIe siècle, et celle de Balmont, 1992, sur l’usage d’un type de mot, le mot de
passe.
341
Langlet, 2008c : Chapitre XIV.
79
objets en sont, pour certains, l’illustration matérielle. Ainsi, par nécessité, un grand
nombre d’objets tridimensionnels des deux espaces extérieurs actualisent des notions
appartenant d’abord à l’ordre de la pensée, à la métaphore préalable comme acte de pen-
sée. Il est banal d’établir l’équivalence entre la pierre et le Maçon, ou le Temple et le
Maçon, l’une étant à « tailler », à polir et à mettre à la forme voulue par le Constructeur,
l’autre étant à construire dans toutes ses parties pour répondre au plan divin. On devine
les similitudes métaphoriques 342 . Les cisterciens insistaient sur la nécessité d’orner uni-
quement l’âme de leurs frères et refusaient en conséquence les ornements dans leurs
églises, à la différence des bénédictins portant trop, leur semblait-il, d’attention aux édi-
fices, à la richesse des vitraux et à leurs vêtements liturgiques.
La comparaison nous semble justifiée car, de même, les ornements extérieurs des lo-
caux, les objets de la Loge et ceux manipulés physiquement au cours du rite ne doivent
pas faire oublier qu’ils ne sont nécessaires que pour illustrer « visiblement » un contenu
fait d’« objets » à manipuler mentalement, à énoncer par actes de langage, puis à mani-
puler par actes de pensée. Ils ne sont nécessaires qu’à ceux qui ne peuvent quitter la ma-
térialité du monde 343 . Nous comprendrons, sur cette base, tous les objets présents et con-
tenus dans le Rite (entendu comme acte de langage), et celui-ci trouve sa source au plus
intime de l’espace le plus intime de notre modèle. Les textes, expression stabilisée de ces
actes de langage, sont ainsi révélateurs de la source et, comme tels, peuvent peut-être
permettre, mais n’est-ce pas utopique ?, de retrouver les intentions de « l’auteur ».
342
Lubac, 1964 : IV, 41.
343
Les textes du RÉR précisent à ce propos que la Loge n’est assujettie à aucun décor.
344
Voir le point 3.6.2.
80
construction est toujours autre que matérielle, elle n’est pas non plus sociale, mais essen-
tiellement ontologique.
Revenons une dernière fois sur la notion d’emprunt qui détermine l’ensemble de nos
analyses. Nous avons remarqué que tous ceux qui l’utilisaient lui donnaient le sens de
filiation. À l’exception de R. Dachez ou de J. Thomas, c’est vrai dans tous les cas, et
notamment des auteurs cités plus haut, P. Négrier et P. Geay, H. Tort-Nouguès et Bruno
Etienne. C’est évident chez J. Trescases et sous-entendu chez Claude Guérillot. On pour-
rait multiplier les exemples. Sur la notion d’emprunt, les théories littéraires font de mê-
me 345 . Nous distinguerons, au contraire, l’emprunt de la filiation, sur l’hypothèse sui-
vante : la filiation reçoit ou subit un legs qu’elle ne choisit pas, dont elle est tributaire et
qui la configure totalement. Il s’agit globalement ici d’une continuité.
Si, dans un cas, on assiste au transfert d’un domaine à un autre, dans le second, il y a
l’idée de lignée parentale, la hiérarchie des objets s’inscrivant dans un modèle vertical.
L’emprunt, au contraire, entre dans une circularité des objets. Il a la volonté de sélec-
tionner les plus pertinents et adaptés en vue d’un usage nouveau, pour des questions de
facilité, et sur des rapprochements de forme. Ils seront « parlants ». Le mécanisme est
assez analogue, pensons-nous, aux caractères de la métaphore définis par Paul Ricœur,
en particulier dans L’Herméneutique biblique 346 . On s’inscrit dans une discontinuité tex-
tuelle, une hétérogénéité visant un nouvel horizon et toujours de manière métaphori-
que 347 . Il ne s’agit plus de filiation de type historique, mais d’une rupture anachronique.
Le Rite sera caractérisé par la métaphore englobant l’ensemble des éléments ayant fini
par le composer, la métaphore architecturale. C’est en cela que ce Rite peut être qualifié
de « maçonnique ».
Les premiers textes dont nous disposons établissent une distinction, et même une op-
position, entre deux types d’acteurs : les maçons de « pratique », les ouvriers, et les Ma-
çons de « théorie », les Francs-Maçons, les spéculatifs. La confrontation s’établit sur le
type d’action, matérielle face à spirituelle. Cela confronte deux niveaux ontologiques, le
praktikè matériel, et le theoretikè spirituel. Ces notions nous permettent de les redéfinir
en rituel et rite, texte de surface et contenu 348 . L’opérativité, ou l’enchaînement
d’opérations capables de produire un résultat, l’actualisation de potentialités humaines,
s’établit sur le plan intellectuel et, dans la configuration maçonnique, cette opérativité
est spirituelle. Elle utilise l’environnement symbolique et fait porter l’effort sur une mo-
345
Lorsque l’on parle, à propos de l’intertextualité, d’emprunts, on fait référence à une filiation textuelle :
« pour peu qu’on ne l’analyse pas seulement en termes de filiation et d’emprunts, elle [l’intertextualité]
peut faire apparaître l’historicité particulière d’un intertexte » (Piégay-Gros, 1996 : 60).
346
Ricœur, 2001 : 188-216 est, sur ce point, fondamental.
347
Lubac, 1964.
348
Ricœur, 2001 : 188-216.
81
dification/amplification de la conscience, notion prise dans son sens habituel de principe
d’être et d’action.
Cela nous paraît plus exact que d’y voir un héritage « des mythes et légendes drui-
diques, égyptiennes, templières », ou du « compagnonnage médiéval » 349 , ce qui est sans
doute vrai après tout (intertextualité toujours à l’œuvre), mais de manière très relative,
ou, pour la légende du 3e Grade, d’« une revivification par les maçons d’antan d’un
vieux topos » 350 . Nous héritons, certes, d’éléments dispersés provenant de cultures envi-
ronnantes sans que l’une puisse être revendiquée comme une ascendance directe. Défini-
rait-on la langue française comme l’« héritage » de l’italien, ou de l’anglais, du hollan-
dais ou de l’allemand, ou du sanscrit, même si le français a bénéficié d’apports plus ou
moins importants de ces langues, et de bien d’autres, ce qui en a fait une « aventure po-
lyphonique » 351 . Mais elle l’est à partir d’un terrain celtique et du latin parlé en Gaule, à
un moment de l’Histoire.
La méthode et sa justification sont tout entières exprimées par Hugues de Saint-
e
Victor, au XII siècle. Il écrit, au chapitre sur l’allégorie de son Didascalicon 352 —à pro-
pos de la préparation à la lecture de la Bible :
Regarde le travail du maçon. Une fois les fondations mises en place, il étend tout
droit son cordeau, il laisse glisser son fil à plomb, puis il place à l’alignement les
pierres soigneusement taillées. Puis il en prend et il en reprend, et si d’aventure il en
trouve qui ne correspondent pas à la disposition initiale, il prend une lime, il coupe ce
qui dépasse, il polit les aspérités, il redonne une forme à ce qui en était dépourvu, et,
finalement, l’ajoute aux autres pierres qui étaient bien alignées. S’il en trouve
d’autres qui ne valent pas la peine d’être taillées ou ajustées convenablement, il ne
les prend pas, de peur de briser sa lime en tâchant de briser un caillou. Attention ! Je
t’ai présenté une chose que mépriseront ceux qui ne se servent que de leurs yeux,
mais que jugeront digne d’être imitée ceux qui savent comprendre. Les fondations
sont en sous-sol, elles ne sont pas toujours en pierres taillées. Le bâtiment est au-
dessus du sol, il exige d’être construit avec une surface régulière. De même la Sainte
Écriture contient beaucoup de choses qui doivent être pris dans un sens littéral.
Hugues sera le premier à mettre, au service d’une lecture renouvelée de l’Écriture, les
richesses de la tradition chrétienne et les progrès des arts libéraux. Il ne parle pas d’un
héritage des maçons (opératifs), lui qui vit au Moyen Âge !, il établit une comparaison
métaphorique. Nous sommes très loin de la vulgate de la transition qui postule, en fait,
qu’il y aurait eu d’abord (mais quand ?), un rituel maçonnique « pur » (et sans taches),
hérité d’un monde ouvrier non contaminé par les spéculations, et sur lequel on aurait
349
Ripert, 2005 : 125.
350
Salix HS, 1995 : 50.
351
Walter, 1994 : 225.
352
Hugues de Saint-Victor, 1991 : VI, 4.
82
greffé, de manière forcenée, des éléments hermétiques, hébraïques, christiques, chevale-
resques et alchimiques, ad libitum, faisant s’éloigner la Maçonnerie actuelle « de sa spé-
cificité de voie de métier ». Le rituel actuel serait alors une sorte d’organisme (littéraire)
génétiquement modifié 353 .
353
La question des « modifications » du rituel n’appartient pas à cette problématique.
83
84
2. Le corpus
L’établissement du corpus est une étude en soi. Les textes disponibles sont en effet
nombreux et les plus anciens sont dispersés, manuscrits ou ont été édités dans des publi-
cations épuisées, et les plus récents, frappés d’un relatif secret. On peut néanmoins les
trouver en librairie spécialisée, dans des bibliothèques publiques ou dans des collections
personnelles. Le plus difficile a été de choisir dans la masse de ces documents pour ob-
tenir un échantillonnage représentatif. Dans ce domaine, la statistique n’a aucune inci-
dence sur la validité d’un texte et le nombre de Loges qui pratiquent un Rit ne fournit
aucun supplément de sens à son rituel.
354
Même en tenant compte des fantaisies contemporaines (rite « opératif » du OITAR, par exemple).
355
Le GODF revendique d’ailleurs, depuis peu, la propriété de tous les Rits, bien qu’il n’ait été fondé qu’à
partir du Rit moderne (Rit Français). La GLDF est composée à 99,99 % de Loges du RÉAA. La GLNF a
été fondée par deux Loges de Rits différents, même si elle accueille actuellement divers Rits, et la GLTS-
O l’a été à partir de Loges du RÉR. Les obédiences féminines ou mixtes utilisent des rituels similaires sans
être identiques aux obédiences masculines pré-citées.
85
devait manifester l’unanimité, et cette dernière requérait une uniformité rigoureuse tant
dans le temps que dans l’espace » 356 . Les efforts de la papauté pour faire adhérer (plier)
l’église celte aux usages romains sont exemplaires de cette uniformisation 357 . Nous pou-
vons appliquer cette analyse à la Maçonnerie, au regard des efforts déployés pour
« standardiser » les rituels 358 , ce qui revient à rechercher l’uniformisation des pratiques.
Si elle n’est pas toujours réalisée, elle est une tentation permanente. En outre, on insiste
parfois sur la nécessité d’un ne variatur du texte 359 , par crainte sans doute de déviations
hérétiques. L’exemple de l’Écosse est en totale contradiction avec cela 360 .
La confusion entre le Rit et l’obédience 361 , appelée Grand Orient ou Grande Loge, est
assez naturelle car, on peut le remarquer dans l’Histoire, telle ou telle obédience est
identifiée à son Rit unique, son Rit de fondation ou son Rit majoritaire. Nous y revien-
drons à propos des différents Rits. C’est vrai pour les obédiences françaises (à l’origine),
avec le Rit Français 362 et le Grand Orient de France (GODF), le Rit Écossais Rectifié et
le Rit Émulation et la Grande Loge Nationale Française (GLNF), le RÉR et la Grande
Loge Traditionnelle et Symbolique-Opéra (GLTS-O), ou le Rit Écossais Ancien & Ac-
cepté et la Grande Loge de France (GLDF).
La plupart de ces puissances maçonniques pratiquent maintenant, en France, un pana-
chage de Rits plus ou moins étendu (très restreint à la GLDF). Cela reste exact avec le
Rit Émulation (ou de « forme » Émulation, Emulation Working) et la Grande Loge Unie
d’Angleterre (GLUA/UGLE), le Rit d’York et chaque Grande Loge nord-américaine, ou
le « Scottish Working » et la Grande Loge d’Écosse (GLoS). Il est toujours possible
d’apporter des modulations à ces constatations, mais cela nous semble représenter le
cœur des pratiques 363 .
356
Buc, 2003 : 111 sqq.
357
Synode de Whitby (664). Voir ci-dessous.
358
Mais on a bien cherché, et on cherche encore, à uniformiser toutes sortes de pratiques communes, dans
divers domaines.
359
Devoirs du Maître installé : « Vous reconnaissez qu’il n’est au pouvoir d’aucun homme, ni d’aucun
groupe d’hommes, d’introduire des innovations dans la Forme de la Franc-Maçonnerie ».
360
Solis, 2007 : préface.
361
Il n’existe pas, entre une Grande Loge et un Grand Orient, de différence fondamentale, dans le monde.
Mais, pour la France, une « Grande Loge » désignera le plus souvent une fédération de Loges pratiquant le
même Rit, alors qu’un Grand Orient sera une fédération de Loges de plusieurs rites. L’appellation GL
serait la plus ancienne et viendrait de Grande-Bretagne, celle de GO serait française.
362
Les adjectifs français et écossais sont, en France, ambigüs, employés dans un texte maçonnique. Il
peuvent désigner des objets appartenant à la France ou à l’Écosse, mais aussi des éléments du Rit Français
(RF) ou du Rit Écossais Ancien et Accepté (RÉAA). Pour les distinguer, nous avons été contraints, suivant
les études, d’adopter différents usages. Nous avons pu écrire les adjectifs, pour les rituels ou ce qui en est
proche, avec guillemets (« écossais », « français »), et sans guillements pour la géographie ou la nationali-
té (français, écossais). Le maçon écossais est, dans ce cas, d’Écosse, mais le maçon « écossais » de France.
Nous adoptons ici un autre usage que nous supposons plus simple. Ce qui concerne le Rit aura une capitale
initiale : Rit Français (RF), Rit Écossais Rectifié (RÉR), Rit Écossais Ancien et Accepté (RÉAA), et ce
qui concerne la nationalité ou la géographie demeurera en bas de casse (français, écossais).
363
Nous renvoyons à Solis, 2004 pour les précisions et les quotas de Rit par obédience.
86
Ce sont donc ces textes qui nous ont servis de base de travail, notre propos n’étant
que de fonder nos recherches sur les Rits eux-mêmes, et en conséquence, les textes qui
en retenaient la forme. Si notre toute première approche s’est faite par un seul Rit, le
RÉAA, et son rituel (version GLDF), il nous est apparu, après quelques études, qu’il était
nécessaire de dépasser cet unique document et qu’il existait un fonds commun rituel et
symbolique « maçonnique », où la plupart des Rits actuellement travaillés semblaient
avoir puisé leurs sources. Dans un premier temps, fissurer cette matrice n’a pas été fa-
cile. Cela n’avait pas qu’un caractère d’hypothèse, mais un regard un peu curieux sur les
différents textes laissait apparaître nombre d’objets communs et un usage assez sem-
blable de ces derniers. Les rituels présents comportent, certes, des ajouts qui n’ont rien
de spécifiquement maçonniques, mais cela délimite nettement, en creux, ce qui l’est en
propre. Pourtant, cette manière de considérer les choses est difficilement abandonnée,
même par les Maçons des plus hauts Grades qui continuent de clamer que « leur » Rit
est le meilleur, la forme la plus achevée de la Maçonnerie ou qu’ils sont les dépositaires
de la plus pure Tradition. La psalmodie nous semble aussi excessive qu’inexacte.
364
Étant entendu que ce serait celui qu’ils pratiquent depuis tout petits.
365
N’est-ce pas le rôle de « l’impensé qui nous pense » de Sachot, 2007.
366
Une convergence.
367
La diffusion. Voir la conclusion.
87
2.1.2 L’échantillonnage
Plusieurs questions se posent alors à propos de l’échantillon de textes que nous consi-
dèrerons comme représentatif. La méthode statistique ne possède pas que des vertus,
mais elle permet de découvrir la fréquence d’emploi de tel ou tel rituel. Nous ne nous
fonderons pourtant pas sur ce principe, le poids d’une obédience particulière ne créant
pas la validité d’un Rit. Les rituels considérés comme « maçonniques » ont, en outre, été
fort nombreux dans le passé, mais beaucoup n’ont eu d’existence qu’éphémère, le temps
parfois d’avoir été écrits. D’autres ont duré plus longtemps et sont encore largement pra-
tiqués. Ils résultent souvent de différentes évolutions, faites d’emprunts, d’ajouts, de réé-
critures. Nous dirons qu’après cela, ils ont eu la validation de la postérité.
88
lement par leur convent 369 . Nous ne tiendrons naturellement pas compte d’éventuels
ajouts manuels, comme les plus anciens documents peuvent en témoigner, révélant une
réflexion sur le texte, mais qui ne sont simplement périphériques. Ces ajouts sont en
outre indétectables pour une enquête globale.
Nous nous sommes fondé, autant que possible, sur les textes imprimés officiels, pour
leur actualité autant que pour des raisons de facilité d’accès. Si la majorité de ces textes
n’a pas varié au cours de la période choisie, il existe une exception importante : le RÉAA
a connu une dernière grande variation au début de cette période. Elle avait été préparée,
par une commission ad hoc, élaborée dans les années 1950 et effective une décennie
plus tard. Ce Rit n’a plus opéré de changements majeurs depuis, ce qui n’est pas néces-
sairement l’avis de ses pratiquants. On trouve, en 1979, une réintroduction de pratiques
des années 1927, mais l’ensemble n’en est pas profondément affecté. On sait qu’un
changement de virgule, la restitution d’une orthographe correcte, ou un effort de cohé-
rence des éléments du texte ou de la structure du Rit peuvent se muer en « change-
ments » intolérables, révélateurs (pour des esprits inquiets) d’une perte sensible de subs-
tance symbolique 370 . La familiarité avec ce qu’on a découvert en Loge joue réellement
un rôle « stabilisant », le besoin du ne variatur, mais se transforme rapidement en habi-
tude et en automatisme sclérosants par pénurie d’exégèse et d’herméneutique. Le rituel
devient ritualisme.
369
cf. note 329.
370
Cela révèle des réflexes identiques (mêmes raisons, mêmes réponses) à ceux des catholiques à qui on
avait « changé la messe ». Voir Isambert, 1982 : 91, « Les plaintes abondent sur la religion qui “ne de-
vrait pas changer, puisque ce qu’on cherche ; c’est d’être sûr de quelque chose” ». Mêmes longues
plaintes des Maçons lorsque « le rituel est modifié ».
89
çonnique » est contestée), ou par d’autres semblables aux textes anglais ou aux rituels du
RÉAA. Par défaut de textes, nous n’avons pas retenu le Rit Suédois 371 .
Les autres pays d’Europe ont largement adopté, en les traduisant, les rituels français
ou anglais de l’un ou l’autre Rit, et ne témoignent pas de variations significatives par
rapport aux textes d’origine. Pour les Amériques, devenues Etats-Unis d’Amérique et
Canada, les rituels qui s’y sont stabilisés sont nettement d’influence irlandaise ou écos-
saise : c’est le style York (ou AFAM 372 ), non seulement dans la forme, mais dans la pra-
tique 373 . Leur contribution permet parfois d’appréhender, de manière contemporaine, ce
qu’avaient pu être les plus anciens rituels des pays d’origine. Nous soulignerons, pour
conclure, que nous ne nous sommes pas soucié de régularité administrative mais de ré-
gularité rituelle.
371
Feddersen, 1982 présente de nombreux Tableaux des pays nordiques, mais les rituels eux-mêmes sont
plus difficiles d’accès, hormis les quelsques études des AQC.
372
Antient, Free and Accepted Masons.
373
Webb, 2008.
374
En anglais ou en français, mais avec capitale initiale.
375
Solis, 2004 : 18.
376
P. Mollier est directeur du service Bibliothèque-Archives-Musée/Études et Recherches maçonniques
(GODF) et rédacteur en chef de Renaissance traditionnelle. Auteur d’articles sur l’histoire de la franc-
maçonnerie. Il est l’éditeur scientifique de Le Régulateur du Maçon (1785-1801).
377
Mollier, 2004 : 28.
378
Noël, 2002.
90
2.3.1 Première Grande Loge
En 1717, une première Grande Loge est créée à Londres de la réunion de quatre
Loges londoniennes, visiblement non ouvrières (même un peu) : la Grande Loge de
Londres et de Westminster. Pourquoi ce titre ? Westminster était, depuis 1540, une « ci-
ty » indépendante avec une place spéciale au cœur de la ville. La « city » de Londres,
quant à elle, date du Moyen Âge, et elle est la plus ancienne d’Angleterre. La puissance
maçonnique qui se crée alors, presqu’une « obédience », semble très locale, mais il se
trouve que la « localité » de fondation est située au cœur de la capitale d’Angleterre. Ce
facteur servira d’amplificateur au mouvement 379 .
En 1723, le pasteur James Anderson (1678-1739) 380 , écossais presbytérien émigré ré-
sidant à Londres, est chargé, selon lui, par cette Grande Loge de produire un livre de
Constitutions destinées à réglementer toutes les Loges existantes (ou plutôt ralliées à cet
organisme). La rumeur souffle qu’il a pour cela rassemblé tous les documents anciens
disponibles et qu’il les a détruits 381 . Premiers murmures de complot sur la Maçonnerie,
émanant des Maçons eux-mêmes ! Cela aurait été destiné à éliminer toute trace de réfé-
rences antérieures, peut-être trop catholiques. En 1738, la Grande Loge de Londres et de
Westminster se transforme en Grande Loge d’Angleterre. Elle marchait sur un terrain
neuf et n’eut aucun mal à s’y installer.
379
Bernheim, 2004.
380
J. Anderson (né vers 1678) a grandi à Aberdeen (Écosse). Il fut ordonné pasteur de la Church of Sco-
tland en 1707, puis part pour Londres où il devient ministre de différentes congrégations. C’est là qu’il
meurt en 1739.
381
Méreaux, 1995.
382
Solis, 2004 : 18.
91
chevêque est toujours le second personnage de l’Église d’Angleterre. La GL d’York dis-
paraîtra vers 1792, de manière étonnante, par manque de Grand Maître.
383
Mollier, 2004 : 26 ; Stevenson, 1992.
384
Hobsbawm-Ranger, 2006.
385
Il y a eu de grandes discussions à propos de ce titre en hébreu. Le testament de quelques frères, Les
secrets de frères préparés, Royal bâtisseurs et Frère Secrétaire sont quatre des significations proposées
par les dictionnaires maçonniques, en plus de « aide à un Frère pour la Loi ». La GB de 1560 donne :
« Rezon, a secretarie, or leane », 1 R 11, 23 ; et « Ahiman, brother of the right hand », Nb 13, 23. Il n’y a
donc pas lieu de chercher pour quelle(s) raison(s) Laurence Dermott a intitulé ainsi ses Constitutions, mais
ce n’est sans doute pas « a help to a brother ». Le document cessera d’exister après 1813, lors de l’Union
des deux GL rivales.
386
L. Dermott est né à Dublin en 1720. Ce catholique irlandais émigre à Londres en 1746 où il survit grâce
à de petits métiers. Il y meurt en 1791, après avoir été le Grand Secrétaire de la Grande Loge des Anciens.
387
Jean-Théophile Désaguliers, devenu John Theophilus Desaguliers : né à La Rochelle (faubourg
d’Aytré) le 12 mars 1683 d’un père pasteur huguenot réfugié en Angleterre à la suite de la révocation de
l’édit de Nantes (1687). Après un bref séjour à Guernesey, ils s’installent à Londres. J.-T. Desaguliers
devient un scientifique britannique principalement connu (actuellement) comme un des fondateurs de la
Franc-maçonnerie « moderne » avec J. Anderson. Il meurt à Londres le 29 février 1744.
388
C’est un exemplaire d’Ahiman Rezon, de 1782, qui nous sert de référence.
92
dans un texte, Dialogue entre Simon et Philippe (1740), qui expose les dispositions des
deux types de Loges 389 . Mais il existait aussi, avant l’Union, des Loges dites des « Tradi-
tioners », souchées sur la GL des Modernes mais n’ayant pas renoncé à leurs usages An-
ciens 390 . Rien n’est simple, on le voit. Tous les rituels suivants seront plus ou moins tein-
tés de Modern ou d’Antient. Les Rites s’exporteront sur le continent dans des propor-
tions variables, elles aussi, le Rite Moderne étant, historiquement, le premier à s’être
officialisé en France de manière organisée. Les onze points de différences ont été étudiés
par Bernard E. Jones 391 qui précise qu’elles ne distinguaient pas dans le détail, et en
même temps, toutes les Loges Modernes de toutes les Loges Anciennes.
2.3.6 En France
Les différences d’approche, Antient et Modern, s’exporteront en France et apparaî-
tront dans deux Rits (ou types de Rit) : l’un deviendra le « Rite Français » (et les Rits
Écossais), l’autre s’appellera le « Rit Écossais Ancien et Accepté » 394 . Car, en France,
rien n’est simple, même si tout ne l’a pas été non plus outre-Manche. Le GODF est fon-
dé en 1773 mais certains parisiens, attachés à l’inamovibilité de la charge de vénérable,
se constituent en Grand Orient (ou Grande Loge) de Clermont. Ces deux obédiences sont
Françaises, ou Modernes, héritage britannique accommodé à la française 395 : leurs rituels
389
Langlet, 2006c : doc. R.
390
Lepper, 1982.
391
Jones, 1994 : 201-2.
392
Mollier, 2004 : 108.
393
« Charity is at the heart of Freemasonry ». Celle-ci s’exerce, pour les Anglais, à travers quatre orga-
nismes : The Grand Charity, The Royal Masonic Trust for Girls and Boys, The Royal Masonic Benevolent
Institution et The New Masonic Samaritan Fund. La France a le bonheur d’avoir une obédience davantage
portée à la réflexion sociale et politique, même si elle sur-estime largement son influence dans la société.
Mais ses adversaires aussi.
394
Le RÉR est plus proche du RF quoique retenant l’appellation d’« écossais ».
395
Mais non, comme on le voit affirmer, « d’imagination latine », ce qui est faux pour désigner le génie
français.
93
et leurs Grades sont identiques. Le Grand Orient élabore un Rit « du Grand-Orient » (Rit
Français) adopté en 1786. Mais des Loges résistent qui sont « écossaises », restées fi-
dèles aux Grades symboliques antérieurs au Rit Français. Ces Maçons revêtus de Hauts-
Grades recevaient des honneurs particuliers et croyaient observer les usages de
l’ancienne maçonnerie d’Écosse. Il existe aussi le Rit Ecossais Philosophique (REP),
pratiqué dans certaines Loges. Le « Rit Ecossais » et le Rit Français sont alors iden-
tiques, excepté la disposition des chandeliers autour du Tapis de Loge 396 .
La résistance des « écossais » fut sans doute provoquée par la volonté centralisatrice
du GODF qui facilita l’éclosion d’un Rit inédit, le RÉAA, en 1804, avec 33 grades orga-
nisés aux Etats-Unis en une échelle ignorée des « écossais » de France. Il s’organise en
un Suprême Conseil pour la France qui gèrera tous les Grades jusqu’en 1894, date à
laquelle est fondée la Grande Loge de France (GLDF). Une Grande Loge générale Écos-
saise fut d’abord fusionnée avec le GODF, mais « l’ancien Rit Ecossais » s’en sépara
très vite. Il existait encore des directoires du RÉR, issus de la Stricte Observance à la-
quelle Jean-Baptiste Willermoz avait fait subir quelques transformations 397 .
396
LMT, 1993 : 493.
397
Bernheim, 1998 : 1.
398
RÉAA b1, 1962, 1989, 1998 et 2000 ; RÉAA b2, 1986, 2002 ; RÉAA b3, 1967, 1990, 1991, 2002.
399
RÉAA c1 ; RÉAA c2 ; RÉAA c3.
400
RÉAA d1 ; RÉAA d2 ; RÉAA d3.
401
RÉAA e1, 2005 ; RÉAA e2, 2005 ; RÉAA e3, 2005.
94
riques mais ici l’histoire est celle du Rit : « le bastion historique » 402 du RÉAA est la
GLDF qui gère, par délégation d’un Suprême Conseil de France, les trois premiers
Grades. C’est donc le Rit officiel et quasi unique de la GLDF (seules cinq ou six Loges
(venues de la GLNF) utilisent un RÉR « version GLDF », et une Loge (venue de la
GLNF) pratique le Rit Émulation).
Le RÉAA a « essaimé », comme il convient de dire, en masse, à la GLNF en 1965,
lors d’événements fondés, n’en doutons pas, sur des divergences profondes d’ordre spiri-
tuel. Ces Loges de la GLNF sont ainsi les sœurs (pour elles de 1965) ou les cousines
(pour les suivantes) de celles de la GLDF. On doit remarquer, néanmoins, qu’un Rit,
pratiqué, à partir d’un même texte d’origine, mais dans plusieurs obédiences, acquiert au
fil des ans, en raison d’usages obédientiels particuliers, des colorations légèrement diffé-
rentes, ici, un rouge ponceau 403 différemment moiré. Dans ces trois juridictions maçon-
niques, le cœur des pratiques est cependant identique, car fondé sur des critères sem-
blables de régularité spirituelle 404 . Ce Rit a été, lors de son établissement, un effort de
synthèse des différents Rits connus, dans l’intention de créer un Rit « universel », adop-
table par tous. Cela n’a pas été le cas, tous ne l’ayant pas admis comme tel, chacun ayant
son idée de l’universalité. On l’a vu, au contraire, comme un autre Rit s’ajoutant à la
liste des existants. Rêve d’universalisme, semblable, toutes proportions gardées, à la
création de l’espéranto.
Pour les Loges utilisant ces rituels « écossais », nous trouvons les versions les plus
récentes et d’autres plus anciennes. Pour tout compliquer (mais c’est relatif), on trouve
aussi des Loges pratiquant ce Rit sous la forme du Guide des Maçons écossais du rit
ancien et accepté (GME 405 ), première version reconnue et imprimée. Il n’est alors pas
possible de séparer nettement les approches synchronique et diachronique, le plus ancien
texte et des plus récents étant utilisés simultanément.
402
Solis, 2004 : 144.
403
Le rouge ponceau est la couleur des tabliers des Maçons de ce Rit.
404
Ce n’est pas tout à fait le cas avec les Loges du GODF qui, là encore, a largement imposé ses propres
manières de procéder en ne retenant pas l’obligation d’ouvrir les travaux avec la Bible ouverte.
405
cf. 2.5.2.1.
95
du Maçon, pratiqué par de nombreuses Loges s’étant, de nouveau, tournées vers cette
version. Outre le GODF, le RF est aussi pratiqué à la GLNF, dans sa forme dite ici
« Traditionnelle » (Régulateur), à la GLTS-O, et à la Loge Nationale Française (LNF).
406
Tristan, 1983 : 165. Pour une biographie du personnage : www.fm-fr.org/fr/spip.php?article125.
407
Le « Régime » est un système maçonnique et chevaleresque chrétien constitué en France vers la fin du
XVIIIe siècle. La notion de Régime renvoie au système, et celle de Rite à la pratique rituelle. Les deux
expressions, Régime Écossais Rectifié et Rite Écossais Rectifié, ne sont donc pas, à vrai dire, interchan-
geables, mais la pratique courante les confond, en raison de leur sigle commun, RÉR.
408
Noël, 2002.
96
2.4.2 Rituels anglophones
Pour les Rits anglophones, nous nous sommes trouvé, comme pour la France, devant
plusieurs types de textes : différents rituels anglais, des écossais, un document irlandais
et des rituels américains. On confond souvent les premiers sous la dénomination unique
de Rits « anglais », qui n’est juste que dans la mesure où ils sont dans cette langue 409 .
2.4.2.1 L’Angleterre
Le Rit « anglais » le plus connu en France est le Rit Émulation, du nom de la Lodge
Emulation of Improvement l’ayant mis au point à partir de 1813, et présenté pour adop-
tion à la GLUA en 1816 410 . Le nom anglais est « Emulation Ritual », mais la notion de
« Rit » à la française semble étrangère à la mentalité britannique, même si elle n’y est
pas inconnue. On y parle plus volontiers de working, ce qui sous-entend que l’adoption
d’un rituel laisse aux Loges le loisir d’ajouts tenant compte de leurs habitudes.
Le RE résulte (aussi) d’un effort de synthèse entre Anciens et Modernes ou, diront
certains, d’un compromis entre les deux courants rituels, incarnés par les deux Grandes
Loges adversaires, fusionnées, en 1813, par l’Union Act. Cette Union fut politique, la
synthèse le fut aussi, même si elle portait sur des éléments rituels. Le Rit présente à la
fois des aspects Anciens et des aspects Modernes. Ces derniers sont malgré tout large-
ment masqués par une façade Ancienne : la majorité des pratiquants (et d’autres) le
voient comme le Rit le plus proche de la symbolique du métier, directement hérité des
« opératifs » 411 (constructeurs de cathédrales…), mais aussi contenant un discours exclu-
sivement vétérotestamentaire. Cela n’est pas si certain et il est facile de repérer dans le
texte les points de compromis Anciens-Modernes et la manière d’utiliser les extraits bi-
bliques.
Ce texte n’a été imprimé de manière officielle qu’en 1969, mais il en existait de nom-
breuses copies « sauvages » avant cette date. Il partage cela avec le RÉR, d’être l’un des
rituels les moins modifiés depuis leur adoption. On notera quelques « ajustements » por-
tant sur les serments (1986) 412 dont le texte, conservé dans les Instructions, a été « allé-
gé » dans la cérémonie, sous les pressions de la société civile et religieuse. Mais de
nombreuses Loges n’en tiennent pas compte et continuent d’utiliser le texte initial.
Le rituel qui nous a servi de référence fut d’abord la traduction de la GLNF où il est,
semble-t-il, pratiqué (presque) depuis sa fondation comme obédience (Loge Saint-
George N° 3, 1914). Nous avons ensuite découvert le texte original et abandonné le ri-
409
L’ouvrage de référence est Solis, 2004.
410
Dyer, 1973. Le rituel a été « approuvé par la Grande Loge [d’Angleterre] en juin 1816 », la Loge Emu-
lation s’est tenue pour la première fois en 1823.
411
L’assimilation des Anciens aux opératifs nous semblent quelque peu osée.
412
ER, 1992 : 10.
97
tuel français (et celui, identique, de la GLTS-O) pour ses nombreuses imperfections.
Cela nous a amené à traduire l’intégralité du rituel et des Instructions pour disposer d’un
texte qui nous semble plus fiable 413 .
Les deux documents en français contenaient trop de références à d’autres usages, en
particulier du RÉAA et du RÉR, avaient « adapté » le style Emulation au vocabulaire
des transfuges de ces Rits (ex. : Experts pour Diacres), ou avaient « lissé » les répéti-
tions, fréquentes dans un texte anglais se voulant précis au détail, pour « alléger » le ri-
tuel. Cela conduisait à des erreurs de perspective, par contagion rituelle. Les directions
spatiales notamment (Est, Ouest, Nord, Sud) déterminent, au RE, les déplacements ou
les positions des acteurs (« au Nord du plateau du 1er Surv »), alors que les Français pré-
fèrent se situer « à gauche » ou « à droite », en perdant un peu de substance symbolique.
D’autres formules maçonnico-jargonnantes ont traduit le texte de manière peu compré-
hensible. Nous y reviendrons.
Le rituel Emulation est proche d’autres textes en anglais que l’on prend souvent pour
de siennes variantes. Nous avons utilisé, pour des questions de précision, ceux des textes
que nous avons pu acquérir, le Ritus Oxoniensis 414 , l’Oxford Ritual 415 , le Stability 416 ,
l’Universal 417 , le Revised Ritual 418 , le Logic 419 , le Sussex Ritual 420 ou le Craft Guide
(South London), le Castle Ritual 421 , ou le Taylor 422 et le West End Ritual 423 , tous proches
d’Emulation, mais aussi le rituel de Bristol 424 , quelque peu singulier dans le paysage an-
glais. Notre traduction de ce dernier nous a permis d’en mieux connaître le contenu.
Tous ces rituels semblent d’un usage minoritaire, mais ce n’est qu’une perception fran-
çaise. Dans les habitudes maçonniques hexagonales, en effet, les rituels sont émis, con-
trôlés et distribués par les obédiences 425 . Les différents rituels anglais appartiennent à
cette tradition maçonnique et, à ce titre, il nous a semblé justifié de les prendre en
compte, car réellement utilisés et donc « actuels ».
413
Langlet, 2001c et 2001d.
414
RGB af0.
415
RGB ae0.
416
RGB ah0.
417
RGB ai0.
418
RGB ag0.
419
RGB ac0.
420
RGB ai0.
421
RGB ab0.
422
RGB ad0.
423
RGB ak0.
424
RGB aa0.
425
En Grande-Bretagne, chaque Rit est controlé par sa propre instance régulatrice.
98
2.4.2.2 L’Irlande
Pour l’Irlande, nous n’avons disposé que d’une seule version (dans une édition « pi-
rate » américaine 426 ) dont nous avons été conduit aussi à traduire entièrement le texte. Ce
document propose un rituel proche des usages écossais et, surtout, américains, ce qui ne
surprendra personne. Des précisions sur le rituel d’Irlande, fournies par Harry Carr 427 ,
qui cite R. E. Parkinson, nous ont été d’une aide précieuse, comme les études des AQC
et les explications de Bernard E. Jones 428 .
2.4.2.3 L’Écosse
L’Écosse propose un environnement rituel très différent de l’Angleterre. Pouvions-
nous attendre autre chose ? Jean Solis souligne que « La Grande Loge regroupe admi-
nistrativement quelques 1150 loges actives autonomes et les fédère spirituellement au-
tour des principes intangibles de la régularité. À part cela, elle ne fait pas la régulation
des rituels, n’influence pas les pratiques exactes des loges » 429 . Celles-ci possèdent par-
fois leur propre rituel, parfois utilisent l’un ou l’autre des rituels imprimés (mais toujours
difficiles à trouver, car très limités en nombre). Les grands principes symboliques des
autres rituels ne sont pas toujours adoptés par les Loges écossaises (comme la présence
des deux colonnes, ou la place des Surveillants). Il a alors semblé nécessaire aux Maçons
d’Écosse de disposer d’un référentiel, plus petit commun dénominateur.
Cela s’est concrétisé en 1901, par l’établissement du Standard (RSE), « ossature
stricte mais néanmoins suffisante, même si les loges en rajoutent parfois beaucoup, ou
varient même légèrement de cette base » 430 ; ensuite, dans les années 1960, par l’édition
du « Modern, qui n’est pas vraiment différent mais beaucoup plus complet. Il corres-
pondait à la nécessité de donner un nombre important de précisions et de détails, plus
quelques formes longues ou plus développées » 431 . Régularité et régulation, souvent con-
fondues en France par esprit jacobin, apparaissent ici comme des notions appartenant à
des plans différents.
On a pu voir, dans cette manière de travailler le rituel, « la » survivance de loges opé-
ratives, qui pourrait être plus probable en Écosse que partout ailleurs, le 3e Degré ayant,
par exemple, mis beaucoup de temps à s’y imposer 432 . De nombreuses loges d’Écosse
n’ont pratiqué longtemps qu’une maçonnerie en deux Grades et ont longtemps refusé un
Grade de Maître, trop « anglais » à leur goût. Elles s’en étaient fort bien passées jusque-
426
RGB ba0.
427
Carr, 1992 : 24.
428
Jones, 1994 : 202
429
Solis, 2007 : 12.
430
Ibid. : 13.
431
Ibid. : 13.
432
Stewart, 2007 : 210.
99
là. Les rituels actuels disponibles en Écosse comportent pourtant ces trois Degrés. Outre
le Standard et le Moderne, nous nous sommes reposé sur le Scottish Craft Ritual (SCR)
et le rituel Goudielock (GOU), dans leurs versions originales. Il existe depuis peu une
traduction autorisée 433 , en français, intitulée Tous les rituels de la Grande Loge d’Écosse,
due aux soins diligents de Jean Solis 434 .
433
Par la GLoS.
434
Ibid.
435
Webb, 2008. Plusieurs fois réédité du vivant de l’auteur, ce texte a inspiré les cérémonies pratiquées
aux Etats-Unis.
436
Langlet, 2006c : 265 ou 292.
437
Langlet, 2008b, volume II.
100
Des versions de ce York Rite of Antient, Free and Accepted Masons sont donc présen-
tées sous divers noms : Rite du Nevada, Rite de l’état de Washington, Rite de la GL de
Virginie, Rite de la GL Provinciale de Nova Scotia, etc. Il est assez semblable dans tous
les cas, mais il prend le nom de l’état où il se pratique. Remarquons que toutes les GL ne
traitent pas leur rituel de la même manière. Certaines l’éditent, d’autres non, la transmis-
sion étant alors exclusivement orale (Virginie ou Caroline du Nord). Dans ce cas, un
exemplaire du rituel est sous la garde d’un seul frère assermenté (le « Grand Instructeur
national » 438 ) chargé de faire apprendre, de mémoire, le rituel aux autres Frères. S’il con-
serve l’exemplaire écrit, il est chargé de faire pratiquer les démonstrations et les instruc-
tions, une sorte de coach du rituel. Certaines GL peuvent aussi imprimer un texte codé
(Californie).
Certaines, comme celle de Nova Scotia (Nouvelle-Écosse) publient un rituel prati-
quement « en clair ». C’est pourquoi, en France, on désigne parfois le Rit sous ce nom :
des Loges américaines (OTAN et VIe flotte) travaillaient en France avec cette version
imprimée. Les divulgations disponibles sont Look to the East ! 439 , le Duncan’s Masonic
Ritual and Monitor 440 et le Ronayne’s Handbook of Freemasonry 441 . Nous avons aussi
consulté A Ritual and Illustrations of Freemasonry, édité anonymement à Londres 442
mais représentatif du travail américain. Nous avons encore trouvé des versions fiables du
rituel d’York sur des sites internet anti-maçonniques, qui comptent sur le dévoilement
des textes pour lutter contre le « secret » et l’« iniquité ».
438
On traduit souvent ce titre de la manière erronée habituelle comme « Grand Lecteur national ». Rappe-
lons que Lecture en anglais signifie Instruction en français.
439
RUS ab0.
440
RUS aa0
441
RUS ac0.
442
RUS ad0.
443
RAL aa3.
444
RAL ac3.
445
Langlet, 2008b.
101
2.5 Les rituels anciens
À côté des rituels contemporains, nous nous sommes référés à leurs versions anté-
rieures disponibles. Cela en constitue l’approche diachronique. Ces rituels s’ordonnent
sur le second axe évoqué plus haut, l’axe du temps historique. La séparation nette entre
les deux approches a été difficile à établir, car elles ne sont jamais loin l’une de l’autre,
les rituels, bien que représentant une relative stabilité à un moment, font en permanence
référence à leurs sources. Il n’a pas été possible de procéder autrement, certains ayant
évolué sous la pression des idéologies de la société civile, comme on le découvrira avec
le RF, mais c’est vrai aussi pour le RÉAA. Le « mur de Berlin » entre la Loge et le
monde profane n’est pas aussi infranchissable qu’on le prétend. Chaque rituel actuel, ou
presque, a donc connu plusieurs versions antérieures, certains en ont eu de nombreuses,
d’autres, de rares et exceptionnelles. Nous avons signalé, dans les paragraphes précé-
dents, les documents restés à leur état initial, ou très proches. Les Rits actuels ont ainsi
une histoire spécifique permettant de disposer d’états préalables.
Cela permet, en outre, de prendre conscience qu’il a existé, et qu’il existe encore, des
« échanges » entre rituels. Des éléments, cohérents dans l’un d’eux, sont introduits un
jour, à l’occasion d’une réimpression, de manière anonyme et autonome, dans le rituel
d’un autre style. Une diffusion silencieuse, en somme. Cela se fait le plus souvent pour
des raisons aussi diverses que profanes : on le trouve « bien », et l’on doit l’avoir aussi ;
on y trouve « un facteur d’animation », et il en faut absolument ; on découvre un usage
inconnu et, l’herbe étant plus verte ailleurs, on s’empresse de vouloir la faire pousser à
l’identique chez soi. Tout cela, bien entendu, dans la plus grande incohérence rituelle.
Les usages, même s’ils comportent un cœur de pratiques, sont, on le voit, quelquefois
flottants. Mais, c’est ce cœur des pratiques qui fait d’un rituel un style particulier.
446
Langlet, 2006c : doc. Q.
102
voile, de l’avis général, les usages de la « Première » Grande Loge (anglaise, de 1717).
Cette révélation des usages a dû être d’autant plus juste qu’elle s’est mesurée à la fureur
des Maçons lors de sa parution imprimée. Ce document n’adopte pourtant pas encore
complètement ce qui caractérise un rituel, comme on l’entend aujourd’hui, une structure
entièrement catéchistique. Il ne possède en outre ni ouverture ni fermeture de la Loge, à
aucun Grade, et ne décrit pas le détail des cérémonies. Nous dirions qu’il s’agit plutôt
d’un livret d’Instructions des trois Grades, ou une sorte d’aide-mémoire. Ce texte a été
ensuite « traduit » en français, sous le titre La Réception mystérieuse, en 1738, sans doute à
Londres, pour une première édition. Notre texte de référence est une copie de l’édition
bruxelloise (1743) intitulée : « Prichard, Samuel. L’origine et la Déclaration mystèrieuse447
des Francs-Maçons… »448 . La traduction en est très approximative. Si les Maçons français
ont commencé à travailler à partir de ce texte, on comprend qu’ils n’aient rien compris, ou
qu’ils aient métamorphosé beaucoup d’éléments originaux. La Maçonnerie de cette époque
se révèle aussi dans d’autres documents, notamment les textes reprenant les interrogatoires
de John Coustos (1703-1746) et de ses frères par l’Inquisition portugaise en 1743, Les do-
cuments Coustos (Coustos Papers) dont la relation a été publiée in extenso dans Ars
Quatuor Coronatorum n° 81, en 1969 449 , et qui permet de vérifier les usages rituels de
manière « indirecte ».
En France, avant le Rit Français proprement dit, qui existera d’abord en cahiers ma-
nuscrits, on peut retenir comme états préalables du Rit toutes les divulgations de la pre-
mière moitié du XVIIIe siècle. Le premier document révélant un rituel pratiqué en France
est pourtant fort lacunaire : c’est un assez court libelle, Réception d’un Frey-Maçon
(1737) 450 . Des textes plus complets seront publiés ensuite de manière continue, de 1740 à
1750 : Le secret des francs-maçons attribué à l’abbé Pérau… (1742), et Le Catéchisme
des Francs-Maçons dédié au beau sexe (CFM), édité en 1740, « à Jérusalem et à Li-
moges », par Léonard Gabanon 451 , suivi de plusieurs rééditions. Nous nous sommes servi
d’une édition moderne faite à partir de celle de 1744.
L’Ordre des Francs-Maçons trahi, qui recopie le Secret… et le Catéchisme…, paraît
en 1745. Le document est largement connu, comme Le Sceau rompu, ou La Loge ou-
verte aux profanes par un franc-maçon, de la même année. Notre texte d’OFT est une
réédition sur l’édition de 1745 452 . Une partie du texte a été éditée sous le titre
447
Sic.
448
EFE, 1971 : 11 et Prichard, 1976.
449
Vatcher, 1969 : 9-87.
450
VDH n° 12, p. 85.
451
Pseudonyme de Louis Travenol (1698-1783).
452
Pérau, 1745.
103
d’Adoniram ou Adoram, architecte du Temple de Salomon 453 , et comporte quelques dif-
férences avec le texte d’OFT. À ces éditions, nous avons ajouté le Ms Tarade 454 , assez
similaire à OFT pour les formules et expressions, mais qui en diffère sur quelques points
notés en cours d’étude.
En 1747, paraissent La Désolation des entrepreneurs modernes du Temple de Jérusa-
lem (Travenol/Gabanon), et Les Francs-Maçons écrasés, suite possible d’OFT. L’année
suivante, on imprime L’Anti-Maçon compilant CFM et OFT. En 1751, on publie Le Ma-
çon démasqué (LMD), réédité en 1757 (« à Berlin »). Une édition de 1786 (« Leipzig &
Frankfurt ») contient des textes en français et en allemand 455 . En 1766, il paraît en an-
glais, sous le nom de Solomon in all his glory, or The Master Mason, mais comporte de
nombreuses erreurs de traduction. C’est l’édition de 1757, appartenant au M.A.B. 456 de la
Grande Loge de France, qui nous a servi de référence. Ce texte est traduit en anglais et
présenté dans Early French Exposures (EFE), ouvrage de référence édité par AQC en
1971. En Angleterre, le travail des Modernes sera divulgué par Jachin and Boaz en
1762 457 . Nous avons découvert, en traduisant ce document, qu’il reprenait souvent le
texte d’OFT de 1745.
En 1748, paraît un texte très différent des autres, sous le titre Le Parfait Maçon. Il a
été édité en 1994 par Johel Coutura qui l’a fait suivre de plusieurs documents dont
l’inspiration tranche avec les divulgations françaises les plus connues 458 . On y trouve La
Franc-Maçonne, ou L’École des francs-maçons. L’époque des publications au parfum
de scandale touche à sa fin, en France. Suivra une période de rituels authentifiés par les
autorités maçonniques. Les divulgations reprendront peu après, par contre, en Angle-
terre.
En 1770, Corps complet de maçonnerie (CCM) est le premier rituel français imprimé,
officiel et complet, émanant d’une institution maçonnique. Il anticipe directement le Rit
Français. Nous avons utilisé la réédition de la GLDF en 2004. Nous avons ensuite dis-
posé des Rituels du Rite Français Moderne, 1786, réédités en 1991 459 . En 1788, on im-
prime un petit Recueil des Trois premiers grades dont le texte, édité avec soin par Pierre
Mollier en 2001 460 , est une autre version du RF. Il est beaucoup plus proche d’un autre
texte, le Livre des marchés (1780 env.), que du Régulateur de 1801.
453
Adoniram.
454
Ce manuscrit fait partie de la collection personnelle de C. Gagne (SCDF).
455
EFE, 1971.
456
Musée, Archives, Bibliothèque.
457
Le texte original a été édité par Jackson, 1986.
458
Coutura, 1994.
459
RFM a0, 1786.
460
RDM, 2004.
104
Nous avons trouvé, dans la documentation régionale, un ensemble de textes représen-
tant une des multiples versions du « Rit moderne » : ce rituel a été utilisé par la « Loge
de l’Heureuse-Alliance de la ville d’Uzerche », entre 1778 et 1788 461 . Tous ces textes
livrent les usages des Loges de l’époque utilisant le RF. Nous avons ajouté le manuscrit
de la Loge St Jean de la Constance (Grenoble, 1768) 462 , le rituel « Rampon » (1780 463 ) et
donc le Livre des marchés 464 (1780 env.), proche du précédent. Nous citerons enfin le
Recueil précieux de la Maçonnerie adonhiramite, attribué à Louis Guillaumin de Saint-
Victor, dont la première édition aurait paru en 1781 465 .
Trois rituels anglais ont été réédités pour notre plus grand profit, dans les Early Ma-
sonic Exposures, 1760-1769, en 1986 : Three Distinct Knocks (1760), Jachin and Boaz
(1762) et Shibboleth (1765) 466 . Nous avons procédé (en 2003) à une traduction complète
des deux premiers documents 467 lorsque nous avons pris conscience de parallèles entre le
premier texte et le GME français. Il existait des traductions partielles, et il en a existé de
nouvelles depuis, mais ce n’était pas suffisant pour avoir une vue d’ensemble. Certaines
divulgations françaises ont été traduites en anglais en édition critique, sous le titre Early
French Exposures, 1737-1751, par Harry Carr, en 1971 468 . Cet ouvrage donne
d’intéressants renseignements sur les textes français et, en particulier, sur les allers-
retours France-Angleterre. Il existe un autre recueil de textes, Early Masonic Pamphlets,
de 1978, publié par le même éditeur 469 , contenant des extraits de rituels ou des docu-
ments révélant des éléments intéressants.
461
Transcription parue dans le Bulletin de la Société des lettres sciences et arts de la Corrèze 1914-1919.
462
Ce texte provient d’un manuscrit intitulé « Statuts & Réglements particuliers, de la Loge de St Jean de
la Constance à Grenoble le 1er octobre 1768 ».
463
RFM a0, 1780 (document GLNF).
464
Latomia LINCD-06, 186, pages 203-13 (origine : BM de Bordeaux, Ms 2098).
465
Nous avons travaillé à partir de celle de 1809, appartenant à la Bibliothèque de la GLDF.
466
Jackson, 1986.
467
Langlet, 2003a et 2003b.
468
EFE, 1971.
469
EMP, 1978.
470
Une excellente présentation de la chronologie se trouve dans Mollier, 2004 : 39-84.
105
Ce Rit est typique de ce qui était pratiqué en France (et sur le continent) au début du
e
XVIII siècle, avant la diffusion des Rits « écossais » 471 . Une précision n’est pas inutile :
« Cette appellation de « Rite Français » ne remonte [en effet] pas aux origines de la
Maçonnerie en France. Elle n’apparaît pas avant les dernières années du XVIIIe siècle.
À cette époque, et au XIXe siècle ensuite, elle désigne spécifiquement le système pratiqué
par le Grand Orient de France, système qui avait été adopté en 1785 pour les grades
‘symboliques’ » 472 . Le Rit Français représente assez bien ce qu’était la « première » Ma-
çonnerie (anglaise) des Modernes, établie en France dans les villes importantes, vers
1725, à l’occasion des pérégrinations de commerçant anglais (britanniques) et en vertu
de leur esprit missionnaire. Les rituels d’origine traduits ensuite en français ont été légè-
rement transformés pour être « acceptables » à la mentalité française.
Nous nous sommes fondé sur une nouvelle édition du RDM parue en 2004 473 mais
aussi, pour nos premières études, sur le texte antérieur des éditions du Prieuré. Le rituel
de la Loge « La Tolérance », Londres (1848), extrêmement proche du RDM, nous a
permis d’utiles comparaisons 474 . Suivront deux versions modifiées de ce rituel Français,
la version « Murat » (1858 475 ) et la version « Amiable » (1887) 476 . Elles présentent un
rituel où le symbolisme a disparu, car la Loge semble alors, aux Maçons du GODF, plu-
tôt ridicule et en contradiction avec la « libre-pensée » dont les effets bénéfiques ne de-
vraient pas se faire attendre, pensait-on. Il fallait que les travaux maçonniques « aboutis-
sent à un résultat pratique » 477 dans le domaine social et politique, s’entend.
471
Certains ont adopté le terme « écossiste », puisque les juridictions elles-mêmes parlent de l’écossisme.
Mais comment renommer les Rits : « Écossiste Ancien et Accepté » ?, « Écossiste Rectifié » ?
472
Blondel, 1984 : 47.
473
RDM, 2004.
474
À l’exception des noms empruntés à GME (transcription du rituel : Ordo ab chao, suppl. au n° 32).
475
RFM a0, 1858.
476
Nous avons pu disposer de ces textes grâce à l’aide de Pierre Mollier.
477
Nefontaine, 1994 : 82.
478
Arthur Groussier (1863-1957), fondateur du code du travail, a été à plusieurs reprises Grand Maître du
GODF. Il bénéficie d’une rue à Limoges…
479
RFM a1, 1955, par exemple.
480
Date donnée dans le Supplément n° 32, Ordo ab chao, 2006 : 189.
106
cument est considéré comme une source du rite français, malgré l’adjectif « écossais ».
Il est donc aussi revendiqué par les écossistes 481 . Le texte en a été édité par les éditions
du Prieuré en 1993, et préalablement par Les Rouyat en 1977. Edmond Mazet, en outre,
s’est penché sur la Mère Loge de Marseille, dans une étude parue dans les Travaux de la
Loge nationale de recherches Villard de Honnecourt 482 . Enfin, une partie du texte a été
proposée dans Ordo ab Chao 483 , du SCDF, en 2006.
481
Néologisme prétendant qualifier les Maçons pratiquant des rites dits « écossais », c’est-à-dire un sys-
tème de « hauts grades » appelé l’écossisme.
482
Mazet, 1980.
483
Ordo ab Chao, Supplément au n° 32, pages 181-204.
484
RÉAA a0, 1820.
485
Ce rituel avait été publié en 1984 dans le n° 57 de Renaissance Traditionnelle (47-73). Une transcrip-
tion a été éditée dans Aperçus sur la légende d’Hiram. Ordo ab chao, N° 32, Suppl., p. 71-98, 2006.
486
Clermont, 1765.
487
Latomia LIN CD-11, 36e.
488
cf. 2.4.1.4.
489
RDC, 1997.
490
Var, 1991 (fonds Willermoz, Lyon, MS. 5939 309).
491
Bankl, 2000.
492
Manuscrit des 33 grades dont la page de titre indique « 5811-5812 ». Langlet, 2008b.
107
gestion des trois premiers Grades à la GLDF (1894). Ce seront les versions du RÉAA de
1829, 1843, 1862, 1871 et 1905 (MAB).
493
RÉAA a0, 1829.
494
Réédité dans OAC 32b.
495
RÉAA a1, 1840 ; RÉAA, a0, 1843 (attribué à la Loge « Le progrès de l’Océanie »).
496
Ouverte le 8 avril à Honolulu par un marin français, Georges Le Tellier.
497
RÉAA, a0, 1862, 1871 et 1905 ; RÉAA b0, 1905.
498
RÉAA b1-OF, 1952 ; RÉAA b1-R, 1952.
499
RÉAA b1, 1962 ; RÉAA b2, 1965 : RÉAA b3, 1967.
108
rituel adopté par cette fugace obédience sera dépouillé de toute connotation spirituelle.
Bien qu’il ne contienne rien de particulier, nous l’avons consulté grâce à l’aide du
M.A.B. de la GLDF.
500
Voir l’Annexe II pour une liste complète de textes.
501
Cela ne s’entend que si l’on ne limite pas l’intertextualité à la reprise inconsciente et difficilement iso-
lable de textes antérieurs (Piégay-Gros, 1996).
502
Langlet, 2006c.
503
Anderson, 1976.
109
en 1742, par le Frère de La Tierce, et réédité plusieurs fois, dont récemment en 2007 504 .
Il existe aussi une traduction déjà ancienne en français des Constitutions de 1723, réali-
sée par le fondateur de la revue anti-maçonnique, Revue internationale des Société Se-
crètes (RISS) 505 , Mgr Ernest Jouin, en 1930, avec une introduction et des notes, mais elle
est devenue difficile à trouver 506 . Il en existe une plus récente et complète, par Daniel
Ligou 507 , qui nous a d’abord servie, mais devant les erreurs d’interprétation et les préju-
gés qu’elle présentait, nous avons réalisé, en 2004, une traduction complète de ce texte
(à l’exception des chansons de la dernière partie), précédée d’une introduction
que 508 . Il en existe une autre depuis, éditée par B. Étienne 509 . Nous en avions fait de
même, en 2002 510 , avec les Constitutions de Roberts de 1722, qui ont précédé d’une an-
née celles du bon pasteur.
Nous avons ensuite utilisé des ouvrages présentant les principaux éléments des ri-
tuels, signes, mots, couleurs des décors, etc., dénommés Tuileurs 511 , Mémentos ou Régu-
lateurs : le Thuileur de l’Ecossisme de Delaunaye (1813) 512 , le Thuileur de Grasse-Tilly
(1813) 513 , le Manuel Maçonnique, paru en 1820 sous couvert d’anonymat, connu sous le
nom de Tuileur de Vuillaume 514 , ou le Manuel général de Maçonnerie, plus connu
comme le Tuileur de Teissier (1er éd. 1845 515 ), et le Nécessaire maçonnique de Chappron
(1817) 516 . Vuillaume a encore édité un ouvrage dont le titre seul éclaire le propos :
L’Orateur Franc-Maçon… (1823) 517 , recueil de textes commentant le rituel, assez sem-
blable aux recueils de discours aidant les prêtres à rédiger leurs sermons 518 .
Outre ces ouvrages, nous mentionnerons Le véritable lien des peuples ou la Franc-
Maçonnerie rendue à ses vrais principes, écrit par Nicolas Chaales-Des Etangs 519 , les
rituels de Ragon 520 , les trois volumes (classiques) de La franc-maçonnerie rendue intelli-
504
Anderson, 2007.
505
Fondée en 1912, dont l’objectif était de faire la lumière sur le « péril maçonnique » (la théorie du com-
plot cher à l’abbé Barruel).
506
Anderson, 1930. On en trouve un seul exemplaire dans une bibliothèque universitaire, à la Bibliothèque
Cujas de droit et de sciences économiques (Paris).
507
Anderson, 1995.
508
Langlet, 2004d.
509
Anderson, 2007.
510
Langlet, 2002g.
511
L’orthographe de ce mot est variable, tuileur, tuilleur, thuileur.
512
Delaunaye, 1821.
513
Grasse-Tilly, 2003.
514
Vuillaume, 1975.
515
Teissier, 1993.
516
Chappron, 1993.
517
Vuillaume, 1823.
518
Houdry, 1743 et 1865.
519
Nicolas Chaales-Des Etangs (1766-1847).
520
Jean-Marie Ragon de Brettignies, 1781-1866.
110
gible à ses adeptes, d’Oswald Wirth 521 , écrits en réaction contre les rituels positivistes du
GODF de son époque 522 . Nous avons aussi retenu, pour nos études sur la légende
d’Hiram, l’ouvrage d’Eliphas Lévi, Histoire de la magie 523 , pour certains textes sur la
Maçonnerie, et le petit livre de Papus 524 , Ce que doit savoir un Maître Maçon (1910) 525 .
Nous avons souvent fait appel aux rituels publiés par la Fondation Latomia. Cette
fondation « a pour unique objet de promouvoir les recherches sur les rituels comme sur
l’histoire maçonnique elle-même. A cette fin, elle met à la disposition des chercheurs
tout document susceptible d’aider à cette promotion. Destinée en premier lieu aux Ma-
çons, quelle que soit leur Obédience, elle peut être accessible, sur examen, à des cher-
cheurs profanes qualifiés ». En raison de ses relations privilégiées avec la Bibliothèque
du GO des Pays-Bas, la fondation a accès au fonds Kloss 526 , un fonds maçonnique très
e
important, réuni au XIX siècle. Les documents, édités dans une série de CD-ROM, re-
groupent diverses collections (Maçonnerie des Hommes 527 , fonds Mirecourt 528 , Brifaut 529 ,
documents Sharp 530 , Bonseigneur 531 , collection du comte de la Barre 532 , et Les Cayers
maçonniques 533 ). Ce sont le plus souvent des reproductions de manuscrits accompagnés
de transcriptions et, parfois, de traductions. Il y en a plusieurs dizaines, de tous Grades,
et de tous Rits. Nous avons aussi fait appel à la Bibliothèque du Musée maçonnique de
Bayreuth qui nous a, notamment, prêté l’ouvrage définitivement épuisé de Klaus Fed-
dersen sur les Tableaux de Loge 534 .
Nous avons utilisé des rituels édités par différentes revues de recherche maçonnique,
les célèbres volumes des AQC (Ars Quatuor Coronatorum) Transactions de la Quatuor
Coronati Lodge No. 2076 (GLUA, 1884→), d’abord, pour leur ancienneté et donc le
521
Oswald Wirth (1860-1943).
522
Ils ont beaucoup vieilli, mais se vendent encore en grand nombre. Ce qu’ils offrent doit sans doute suf-
fire à la majorité des pratiquants.
523
Levi, 1986.
524
Dr Gérard Encausse, 1865-1916.
525
Bibliographie de Papus à : http://www.crptrad.info/maitres/papus/bibliographie.htm (07/2007).
526
Georg Burckhart Franz Kloss (1788-1854).
527
Collection, initialement de six volumes, acquise par André Joseph Lerouge (1760-1833) qui ne put
obtenir que les cinq derniers.
528
Vers 1768, Poullain de Grandprey entreprit de réveiller la Loge Saint-Jean du Parfait Désintéressement
à l’Orient de Mirecourt, au sud de Nancy. A cet effet, il réunit une collection de rituels, dont certains sem-
blent venir du général von Hahn, connu pour avoir réuni une collection de dessins au trait représentant les
tableaux de Loge de nombreux Degrés. La collection passa à A. J. Lerouge et ensuite à Kloss. Pour
l’essentiel, il paraît acceptable de dater d’avant 1761 les cahiers de cette collection.
529
Elle appartient aujourd’hui à la Bibliothèque de l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve.
530
Cette collection fut acquise, en 1952, par le Suprême Conseil de la Juridiction Nord du Rite Écossais
Ancien et Accepté. Les documents sont en anglais.
531
Ces documents ont été déposés à l’université Tulane de la Nouvelle-Orléans.
532
L’important bibliothèque maçonnique de Sébastien Charles, comte de la Barre est actuellement la pro-
priété du comte de Litchtervelde.
533
C’est le volume manquant de La Maçonnerie des Hommes (acquise par Lerouge), le premier de la col-
lection, retrouvé en Australie, à la Bibliothèque Nationale australienne, dans le fonds Clifford.
534
Feddersen, 1982.
111
nombre de ses volumes et de ses études ; ceux de la revue Renaissance Traditionnelle,
ou de feue la revue Le Symbolisme (→1972), les Travaux de la Loge de recherches Vil-
lard de Honnecourt (GLNF, 1980→) ; Acta macionica, la revue de la Grande Loge régu-
lière de Belgique, ainsi qu’Heredom, The Transactions of the Scottish Research Society
(Washington, D.C., 1992→), la publication du Suprême Conseil de la Juridiction Sud
(USA), certains volumes d’Ordo ab chao, la revue du Suprême Conseil de France et la
revue Salix-Rencontres écossaises, du Suprême Conseil pour la France. Nous avons con-
sulté parfois, lorsque nécessaire, des exemplaires de La Chaîne d’union (GODF,
1983→), de Le maillon de la chaîne maçonnique (éditions Detrad-AVS) ou de Points de
vue initiatiques de la GLDF 535 .
Nous signalerons enfin quelques ouvrages dont le but est de présenter une iconogra-
phie la plus fournie possible des divers objets maçonniques, dont certains sont réelle-
ment rituels comme les Tableaux, les Tabliers, les bijoux, des outils, auxquels nous as-
socierons les photos de Loges 536 révélant les dispositions des divers meubles et objets
(colonnes, bannières, chaires, Tableaux), ou les plans de locaux ou bâtiments 537 (tracés
géométriques souvent particuliers) ; mais dont certains ne sont que des supports rappe-
lant, par la présence de symboles, qu’ils sont fabriqués à l’intention des Maçons pour un
usage privé ou de sociabilité (vaisselle, par exemple) 538 .
535
Périodique publié depuis 1966, et sous sa forme actuelle depuis 1971. S’est vendu en maisons de
presse.
536
Cryer, 1990.
537
Binder, 1995 ; Curl, 1991 ; Moore, 2006.
538
Morata, 1988.
112
3. Les questions principales d’une recherche
3.1 Préambule
La Maçonnerie n’intéresse guère les sociologues, anthropologues, ethnologues et
autres spécialistes des sciences humaines, à quelques rares exceptions près, nous l’avons
vu. Ce sujet est sans doute pour eux inclassable. Certains spécialistes étudient avec com-
pétence les symboles ou les rites de manière générale, mais il n’y en a pas pour réserver
une place spécifique à la Maçonnerie.
Il existe des théologiens qui, à côté de la pratique religieuse, se penchent sur le corpus
doctrinal. Tels les mathématiciens, à partir de postulats ou d’axiomes (Dieu, la Trinité, la
divinité du Christ, la virginité de Marie, etc.), ils établissent de vastes traités, comparent
et analysent les faits religieux. Bien sûr, ils évitent la Maçonnerie, ne serait-ce que parce
que tous les Maçons ne croient pas en Dieu et qu’ils n’ont pas, du moins en théorie, de
doctrine, tout au plus des landmarks 539 , mais aussi parce que le sujet ne s’y prête pas à
leurs yeux, pas plus que tout fait initiatique, ésotérique par nature540 . On peut dissocier la
pratique religieuse de l’étude théologique, alors que beaucoup de planches 541 , que nous
considèrerons comme éléments de la pratique maçonnique, se préoccupent de ce qu’est
ou de ce que devrait être la Maçonnerie, et portent sur ses rituels et leurs symboles cons-
titutifs. Ainsi, en Maçonnerie, on mélange pratique et étude théorique sur les rituels, du
moins en France (Rits Écossais, Français ou Rectifié).
Les Maçons français 542 , quelle que soit leur obédience, et ceux des pays ayant suivi
leur exemple, font des « planches » et s’étudient donc eux-mêmes. On répugne pourtant
à faire de la Maçonnerie un sujet d’études universitaires hors des Loges. Les historiens
et les psychanalystes sont les seuls exceptions notables : les premiers cherchent les ra-
cines et les origines de l’Ordre, les seconds assimilent la pratique maçonnique à une
539
On peut définir les « landmarks » ainsi : ils constituent un ensemble de principes que beaucoup de Ma-
çons tiennent pour les préceptes antiques et intangibles de la Maçonnerie. On les considère comme les
fondements de la régularité maçonnique. Chaque Grande Loge ou Grand Orient est jugé à partir de ces
principes mais, comme toutes les puissances maçonniques sont indépendantes et qu’il n’existe pas
d’autorité supérieure globale au-dessus d’elles, les principes de régularité peuvent différer selon les juri-
dictions. Albert G. Mackey les a définis en 1865 en 25 principes venus peu à peu s’établir en us et cou-
tumes universels.
540
Etienne, 2002 : 17, le souligne par ce simple exemple : « Dans le Grand dictionnaire des religions paru
aux éditions PUF et dirigé par M. Poupard au mot “initiation” il n’y a qu’un renvoi “cf. rites africains”.
Cette problématique n’est pas surprenante ni choquante, il y a bien deux systèmes de socialisation : la
pédagogie de l’imposition et l’initiation ».
541
Nous aborderons cette notion en 3.6.7.
542
Les maçonneries anglo-saxonnes, Emulation, York, ne permettent pas à l’adepte de faire des planches,
on lui impose la seule connaissance par cœur des rituels. Cela ne devrait pourtant pas l’empêcher de réflé-
chir.
113
quête introspective et nos cérémonies à des séances de psychanalyse collective. C’est
aussi, sous une forme différente, une recherche des racines et des origines. Le sens ne
naît-il pas de la différence ?
Il souligne en effet les réticences des historiens et les « champs de recherche “légi-
times” de la corporation historienne », et il conduit à comprendre ce que doit être « la
recherche maçonnique ». Il poursuit en soulignant l’abondance des documents acces-
sibles :
La Franc-maçonnerie n’attire pas les étudiants et leurs directeurs de recherche en dé-
pit de l’existence de fonds documentaires accessibles, proches et volumineux, de la
découverte régulière de nouveaux gisements, et des efforts des obédiences libérales
pour ouvrir leurs archives et bibliothèques.
543
La thèse de Lassale, 1984 est une exception notable (et restée unique) : thèse d’Histoire, elle porte sur
la formation et l'évolution du vocabulaire maçonniques français au XVIIIe siècle.
544
Il évoque en exemple la « riche et brillante présentation historiographique de Charles Porset ».
545
Des marronniers pour les hebdomadaires. Une information nulle pour le public. Mais chaque ville est
servie d’un dossier sur « Les résaux maçonnique de… ». Le fait que ces articles soient classés par les heb-
domadaires eux-mêmes dans la rubrique « politique » le mettent hors du champ de nos études.
546
Beaurepaire, 2003 : 13.
114
Après ce bilan quelque peu pessimiste de la recherche historienne, il constate plus
loin :
Si, ces premières observations faites, on cherche à établir un diagnostic pour propo-
ser une stratégie de relance, il faut s’intéresser aux structures d’encadrement de la re-
cherche existantes. Significativement, aucune ne relève directement de l’histoire mo-
derne et contemporaine 547 .
Et, en effet, Antoine Faivre 549 et Jean-Pierre Brach, qui lui a succédé comme directeur
d’études, titulaire de la chaire d’Histoire des courants ésotériques et mystiques dans
l’Europe moderne et contemporaine à l’École Pratique des Hautes Études de la Sor-
bonne, s’intéressent plus à l’ésotérisme occidental qu’à la Maçonnerie 550 . Nous pourrons
encore nous étonner qu’aucun spécialiste des sciences humaines, en dehors de
l’historien, ne se soit réellement penché sur les rites maçonniques, et ne les ait comparés
aux autres rites. On s’étonnera aussi que l’on n’ait pas cherché à apporter à la réflexion
sur la Maçonnerie la contribution des sciences du langage, de l’histoire des idées, de
l’histoire médiévale autre que celle des mythes. Tout reste (sans doute) à faire dans ces
disciplines, avec les croisements nécessaires entre les disciplines.
On peut alors continuer de s’interroger sur les raisons d’une telle absence 551 . Lorsque
l’on déploie, en effet, de grands efforts (et des crédits) pour envoyer quelque chercheur à
547
Ibid. : 14.
548
Ibid. : 18. On sent bien que l’auteur regrette que l’on se préoccupe de sujets si peu importants.
549
Faivre, 1973 ; Faivre, 1996 et Faivre, 2003.
550
On trouve ces noms associés à la revue Politica hermetica dont le comité de rédation est aussi composé
de Xavier Accart, Michel Bouvier, Étienne Kling, Jean-Pierre Laurant, Pierre Mollier, Marco Pasi, Émile
Poulat et J. Rousse-Lacordaire. Les noms de Jean Baubérot, Francis Bertin, Jean Borella, Alain Gouhier,
Régis Ladous, Pierre Lory, M. Maffesoli, Michel Michel, et Pierre-André Taguieff sont au comité scienti-
fique.
551
Le catalogue informatisée des thèses (Sudoc) renvoie, pour « franc-maçonnerie », 38 réponses pour 34
véritables résultats (4 doublons). Sur les 34 résultats, 28 traitent de sujets d’histoire, d’histoire sociale, de
politique ou de « sociabilité ». Seules 5 s’en démarquent : une de droit, une de lexicologie, une traite
d’ésotérisme, une des hauts-grades, une de symbolisme et une de sémiotique. Pour des sujets souvent mis
en rapport avec « franc-maçonnerie », comme « ésotérisme », le Sudoc renvoie 27 réponses dont 5 erreurs
d’indexation. Pour « rites et cérémonies », on trouve 414 réponses dont la majorité concerne les rites afri-
115
l’autre bout de la planète étudier les rituels d’une tribu en voie d’« intégration » mais
nouvellement découverte, on peut regretter de constater qu’une « tribu à rituel(s) »
proche dans l’espace et à l’activité persistante, la Maçonnerie, n’a pas fait l’objet de ce
type de curiosité aiguë et de recherches dépassionnées, utilisant les méthodes éprouvées
de décodage rationnel. Le goût de l’exotisme n’explique pas tout. Les secrets allogènes
sont-ils moins importants que les secrets autochtones, puisqu’on ne se prive pas de cher-
cher les premiers et de se tenir sur la réserve sur les seconds ?
cains ou asiatiques (provenance des étudiants). Pour « rites de passage », il y a 29 réponses dont, aussi, la
majorité concerne l’Afrique ou l’Asie.
552
Durand, 1960 ; Durand, 1979 et Durand 2002.
553
Hani, 1992.
554
Etienne, 2000 et Etienne, 2002.
555
Etienne, 2002 : 12-13. Il récidive dans Etienne-Solis, 2008.
556
Ibid. :12-13.
116
Cette « double position » est évoquée par Francesco Remotti à propos de
l’incomplétude des systèmes. Citant Douglas Hofstadter, Remotti écrit : « Pour Hofstad-
ter, travailler à l’intérieur des systèmes (par exemple calculer pour un mathématicien)
est une chose, mais mener à bien des observations ou réfléchir sur ce système en est une
autre. S’il est possible à une machine d’agir sans s’observer, “tous les humains sont ca-
pables, dans une certaine mesure, de travailler à l’intérieur d’un système tout en réflé-
chissant à ce qu’ils font” (Hofstadter, 1985 : 43) » 557 . On ne saurait mieux exprimer les
caractères inévitables d’une recherche sur un système. En pratique, il est nécessaire de
comprendre qu’une étude de chercheur est de type anatomique et ne dispense en rien du
vécu d’un « cherchant » 558 .
Si nous avons cité abondamment Pierre-Yves Beaurepaire, c’est qu’il nous semble
exemplaire dans la démarche, et unique dans sa position. Pour lui, historien, la recherche
maçonnique semble n’être constituée que de l’Histoire. Admettons-le, la « recherche
maçonnique » désigne sous sa plume une recherche historique. Et il étaye sa thèse en
brossant un panorama d’autres pays voisins dont nous citerons la bienheureuse Belgique
(laïque, libérale et libérée), l’Espagne (et sa « recherche sur le libéralisme », malgré les
efforts des forces réactionnaires et anti-libérales) et l’excellente Autriche (de « posture
résolument européenne » où l’on a « le souci permanent de replacer l’histoire maçon-
nique dans son environnement social, culturel et politique » 559 ).
Pour la Grande-Bretagne, il cite « le Canonbury Masonic Research Center 560 créé à
Londres en 1999 » et qui « organise des cycles de conférences données par des cher-
cheurs maçons –appartenant à des obédiences régulières ou non et profanes, et encou-
rage financièrement les recherches ». Mais une petite phrase assassine, dans le style de
celles qu’il reprochera plus loin à André Kervella, nuance son approche scientifique :
e
« La Grande Loge [Unie d’Angleterre] se considère depuis le XVIII siècle comme la
mère loge universelle et s’est octroyée le droit exclusif de reconnaître comme régulier
ou de disqualifier comme irrégulier les autres corps maçonniques à travers le
monde » 561 . Il énonce une des vulgates maçonniques françaises, une scie psalmodiée par
plusieurs obédiences. Une approche dépassionnée de l’Histoire permettrait, semble-t-il,
de revenir à un point de vue justifié.
557
Remotti, 2003 : 68.
558
Il apparaît même que cela est recommandé en Maçonnerie, mais elle n’échappe pas à la loi commune,
même si l’habitude est de penser au contraire qu’on ne peut assumer deux positions en même temps. Or,
ce n’est pas l’affirmation de deux positions, mais d’une double position.
559
Beaurepaire, 2003 : 20.
560
Canonbury Masonic Research Centre, Canonbury Tower, Canonbury Place, Islington, London N1
2NQ.
561
Beaurepaire, 2003 : 21.
117
La question de la « régularité maçonnique » (reconnaissance diplomatique des obé-
diences entre elles, mais au-delà la régularité562 du Rite et sa fonction initiante) est donc,
en France, un sujet provoquant très vite des réactions épidermiques dont la violence ne
repose généralement que sur une analyse particulière de l’Histoire. Particulière, mais
incontrôlée, le plus souvent apprise « au berceau », et inlassablement répétée au fil des
ans, elle en devient « vérité établie ». Néanmoins, P.-Y. Beaurepaire reconnaît ensuite
que « la Grande Loge Unie a favorisé la création au sein de l’Université de Sheffield –
donc sous patronage universitaire du Centre for Research in Freemasonry, dont la direc-
tion a été volontairement confiée à un profane, Andrew Prescott » 563 (il a depuis démis-
sionné, et laissé son poste au Dr Andreas Önnerfors).
Fidèle à ses principes, il ne cite de thèses universitaires qu’historiques ou portant sur
la « sociabilité démocratique » et regrette, en conséquence, « Cette incapacité de la re-
cherche maçonnique à capitaliser durablement l’investissement scientifique se prolonge
au sein des plus jeunes générations de chercheurs » 564 . Si nous le citons beaucoup, c’est
par sa position isolée dans le domaine. Cet historien est le seul à aborder clairement la
question et, même, à l’aborder tout simplement. La recherche maçonnique —qu’il nous
soit permis d’éviter l’horrible vocable de « maçonnologie »565 — n’est pourtant, croyons-
nous, pas uniquement historique, et les recherches de Bruno Etienne le prouvent ample-
ment. Ce dernier a la malchance d’être, par une autre approche, isolé lui aussi. Mais
peut-être est-ce, à l’inverse, une chance véritable ? Un phare est toujours visible de loin,
car isolé. Citons enfin, à propos de recherche maçonnique, l’existence récente d’un Insti-
tut Maçonnique de France qui avait affiché l’ambition, lors de sa création 566 , d’être un
centre regroupant des chercheurs reconnus, mais qui semble être resté une coquille vide
sous l’égide du GODF 567 , sans autre utilité que de distribuer un prix littéraire et une dé-
562
Au sens maintenant de fidèle à une Règle.
563
Beaurepaire, 2003 : 21.
564
Ibid. : 26.
565
Terme forgé par Alec Mellor.
566
Créé en octobre 2002 par l’ensemble des neuf Obédiences composant « La Maçonnerie Française »
(sic), l’Institut Maçonnique de France (IMF) a pour objet essentiel de redécouvrir, d’approfondir et de
faire mieux connaître à tous les publics intéressés - maçonniques ou non - les valeurs culturelles et
éthiques de la Franc-Maçonnerie, à travers son patrimoine historique, littéraire et artistique. Cette déclara-
tion est devenue : « Neuf obédiences libérales et adogmatiques ont décidé de créer un espace commun de
réflexion, de rencontres et de travail dit « La Maçonnerie Française » afin de mieux faire connaître les
idéaux qui guident le travail des Franc-maçons. Ce sont Le Grand Orient de France, La fédération Fran-
çaise de Droit Humain, La grande Loge de France, La Grande Loge Féminine de France, La Grande Loge
Traditionnelle et Symbolique Opéra, La Grande Loge Mixte de France, La Grande Loge Mixte Univer-
selle, La Grande Loge Féminine de Menphis-Misraïm, La Loge Nationale Française » (her-
mione.free.fr/autour.html).
567
Il est significatif que les liens retenus sur le site web de l’IMF ne concernent que le Musée du GODF, la
fondation du GODF, la lettre de l’Iderm, ou les revues du GODF et que les « Pages internes » ne concer-
nent que le Grand Collège du Rite Écossais Ancien Accepté. Grand Orient de France ». La démonstration
est faite, en effet, d’un « un carrefour éditorial où les auteurs des principales collections maçonniques
118
coration maçonnique de convenance 568 . Néanmoins, son directeur, Roger Dachez 569 , a
produit de nombreux travaux de grande précision 570 , fort utiles au chercheur du domaine
et en assez grand nombre. Nous citerons ici, avec intérêt, l’opinion de cet auteur ayant
fait sienne, dans le domaine historique, « la position définie dès 1947 par deux grands
historiens anglais de la Maçonnerie, Knoop et Jones, dans la préface à la première édi-
tion de leur ouvrage majeur The Genesis of Freemasonry ».
« En premier lieu, avertissaient les auteurs, bien qu’il ait été jusqu’ici habituel de
penser l’histoire maçonnique comme quelque chose d’entièrement à part de l’histoire
ordinaire, appelant ainsi et justifiant un traitement spécial, nous pensons qu’il s’agit
d’une branche de l’histoire sociale, de l’étude d’une institution sociale particulière et
des idées qui structurent cette institution, et qu’on doit l’aborder et l’écrire exactement
de la même façon que l’histoire des autres institutions sociales ».
Nous ne pouvons qu’approuver cette position. Nous reprendrons avec plaisir la suite
du texte de Roger Dachez, soulignant encore que « l’érudit anglais John Hamill, qui fut
longtemps bibliothécaire de la Grande Loge Unie d’Angleterre, et conservateur de ses
fabuleuses archives et de son musée, dans son ouvrage simplement intitulé The Craft,
republié en 1994 sous une forme révisée et le titre History of English Freemasonry, ex-
primait clairement cette difficulté :
« Il y a donc, écrit John Hamill, deux principaux types d’approches de l’histoire ma-
çonnique : l’approche dite “authentique” ou scientifique, selon laquelle une théorie est
fondée ou développée à partir de faits vérifiables ou de documents ; et une approche dite
“non-authentique” qui s’efforce de replacer la spirituelle dans le contexte de la tradi-
tion du Mystère, en cherchant des liens entre les enseignements, les allégories et le sym-
bolisme de la Maçonnerie d’une part, et ceux de diverses traditions ésotériques d’autre
part. L’absence de certaines connaissances sur la période des origines de la Maçonne-
rie, et la diversité des approches possibles expliquent sans doute pourquoi ce problème
pourront, s’ils le désirent, coordonner leurs recherches et leurs projets, et les principales revues maçon-
niques conduire, chaque fois que cela paraîtra utile, des actions en commun ».
568
L’Ordre Maçonnique de La Fayette. La Circulaire-bulletin d’inscription envoyé « Aux Vénérables de
Loge, Paris, Janvier 2005 », et signée R. Dachez est disponible sur : hermione.free.fr/. Elle est à distinguer
de « L’association de l’Ordre Lafayette », créée en 1999 à l’initiative de trois personnalités françaises,
« en concertation avec leurs homologues américains (un gestionnaire, un artisan, un ancien militaire
historien, un ancien consul), tous présidents d’association où ils ont constaté que la mémoire du Marquis
de Lafayette s’estompait au moment où il était le plus indispensable que le souvenir et la signification de
son action perdurent ». Sa décoration est « L’Ordre Lafayette/Lafayette Order ».
569
Dachez, 2006.
570
Renaissance Traditionnelle, « revue sans aucune attache obédientielle » et Loge d’études et de re-
cherche William Preston (LNF).
119
demeure encore si captivant. […] Savoir si nous découvrirons jamais les véritables ori-
gines de la Franc-Maçonnerie demeure une question sans réponse » 571 .
571
Dachez, 1999 : 79-80.
120
thèses, de l’école « authentique », pour appréciables qu’elles soient, ne touchent pas au
cœur de la problématique maçonnique, un Rite rappelons-le clairement, qui à l’évidence
dit quelque chose. Elles ne proposent rien sur l’héritage et la circulation des idées, ce qui
a sans doute quelque intérêt, et elle n’a pas non plus à chercher si ces textes ont un sens,
ou ce qu’il est, comme, dans le cas qui nous intéresse directement, à quoi tout cela sert-
il dans la pratique quotidienne du Maçon. Il est vrai que le terrain est aussi peu sûr qu’un
champ de mines ou que les sables mouvants.
572
Masgnaud, 1989, 1996, 2000 et la plupart des monographies régionales ou locales.
573
Jocher, 1999.
574
Etienne-Solis, 2008 se sont attelés à définir cette notion et d’autres, comme occulte, occultisme, etc.
121
Elle partage cela avec les confréries de pénitents, par exemple, dont les rituels présentent
d’intéressantes parentés.
Notre premier travail important a d’abord porté sur l’Initiation, c’est ainsi que l’on
appelle, ici, la cérémonie de réception. Il nous a semblé utile de l’étudier en entier, mais
dans les détails, comme une longue phrase dont on étudierait les éléments grammati-
caux. Pour justifier ce constat, nous avons supposé en outre que les principes sont expo-
sés au commencement, d’une manière ou d’une autre, que cela soit explicite ou sous le
voile de l’allégorie au moyen de symboles. L’effort a porté de la même manière sur la
cérémonie du 3e Grade où, à côté de points fort proches du 1er Grade, nous trouvions des
éléments très surprenants et caractéristiques.
Dans les deux cas, il s’agissait d’une « réception ». Les deux questions à s’être en-
suite posées, sans ordre chronologique et sans hiérarchisation, ont été celles des sources,
lesquelles se sont rapidement révélées chrétiennes, de leur apport dans les rituels, ainsi
que des sources anglaises ou écossaises. Cette dernière question nous a contraint à des
efforts de traductions qui n’étaient pas envisagées au début de ces recherches, et à
l’établissement de différents outils personnels, comme une chronologie des traductions
bibliques 575 ou des textes maçonniques 576 .
575
Annexe IV.
576
Annexe II.
577
Comme l’exprimait le XVIIIe siècle.
578
cf. la bibliographie dans Langlet, 2004a.
579
Le « rituel » d’un Rit de la Maçonnerie symbolique (ou bleue) est composé des textes des trois Grades :
Rituel du premier degré symbolique, Rituel du Deuxième degré symbolique, Rituel du Troisième degré
symbolique.
122
les rituels « cousins » pour se faire une idée plus globale de la cérémonie et du sens
qu’elle pourrait dégager. Il a alors rapidement semblé impératif de rassembler les princi-
paux rituels du 1er Grade accessibles, le plus souvent en les photocopiant (la recopie ma-
nuelle ne fait plus partie des habitudes générales) à partir d’originaux en usage. Ce détail
n’est pas inutile, car certains rituels comportaient des ajouts manuscrits prouvant que la
fixité d’un texte (officiel !) peut être « tempérée » par les us et coutumes de telle ou telle
Loge.
Cela a constitué notre premier corpus. Nous avons recherché les plus petites unités de
sens de la cérémonie, sans avoir connaissance des travaux de Claude Lévi-Strauss ni
d’une grille d’analyse théorique qu’il nous a fallu inventer au fur et à mesure. La biblio-
graphie proposée dans « Des Rits maçonniques. I. Vécu initiatique et Franc-
Maçonnerie » le révèle, elle ne comporte globalement que des références aux rituels ou
au symbolisme, sans citer les théoriciens du rite, anthropologues, ethnologues ou socio-
logues 580 . Pratiquant du Rite, ou Maçon maçonnant, il nous a fallu adopter, quoique de
manière naturelle, la double position de cherchant et de chercheur, disons, au moins, de
cherchant réfléchissant sur sa pratique et sur les objets qui lui étaient proposés. Mircea
Eliade, l’un des spécialistes des sciences religieuses à avoir abordé le fait initiatique —
sans entrer toutefois dans le fond de la spécificité maçonnique—, à qui l’on demandait
pourquoi il n’avait jamais jugé utile se faire initier, répondit qu’il pensait qu’il était inu-
tile et sans doute néfaste d’être un insecte pour pratiquer l’entomologie.
Joli mot plein d’esprit et qui semble toujours, à beaucoup, frappé au coin du bon sens,
mais qui ne tient pas compte, ou fait semblant de ne pas tenir compte, du fait qu’un
homme n’est pas un insecte et qu’on ne dissèque que des textes, qu’une pratique et non
des Maçons… La métaphore entomologique nous semble ici aussi injustifiée que trom-
peuse. Nous ne saurions mieux résumer la position qui est la nôtre, toutes proportions
gardées, qu’en rappelant celle de Bruno Étienne. On se saurait être plus clair en répon-
dant par-delà le temps à Mircea Eliade !, et réaffirmer ce qu’énonçait R. Hofstadter en
1985. Denis Jeffrey adopte dans ce cas le terme de « ritualisant » 581 , qui n’est pas non
plus dénué d’intérêt.
Nous avons tenté, dans notre première étude importante, de répondre aux questions
suivantes : « Que se passe-t-il exactement lors de la cérémonie de réception ? » ou, plus
trivialement, « Comment ça marche » ? Cela s’est ensuite accompagné de : « Que signi-
fie ce qu’on y dit et comment cela progresse-t-il, de l’entrée à la réception dans le
580
cf. la bibliographie de Langlet, 2004a.
581
Jeffrey, 2003 : 3. Il écrit : « Je vais présenter le rite de l’intérieur, pour montrer comment il se vit,
comment il se met en scène, comment il se pratique. Le point de vue est celui du ritualisant, c’est-à-dire de
celui qui pratique le rite ».
123
groupe ? », de « Comment justifier le discours qu’on y tient, à quoi cela renvoie-t-il ? »
qui voisinera toujours avec la question « Est-ce que l’aspect un peu décalé du Rite ma-
çonnique a un sens par rapport à la société globale ? ». Il y avait de nombreuses autres
interrogations, mais nous nous limiterons à celles-là. Les différents rituels sont vite ap-
parus comme des variations à l’intérieur d’un ensemble faisant système : on y retrouvait,
en substance, les mêmes éléments fondamentaux, la base, dans des configurations à la
fois semblables et différentes. Un même objet 582 symbolique pouvait trouver une place à
un moment différent du rite et être justifié par un autre discours, mais il était présent
dans le système. Les rituels étaient alors l’illustration de ce que C. Lévi-Strauss a appelé
des « aires de transformations », sans qu’il nous soit encore possible donner un nom au
phénomène constaté. Néanmoins, il y avait une surprenante cohésion des éléments d’une
cérémonie parfois survalorisée, mais parfois considérée comme la dépouille d’un passé
un peu folklorique.
Remarquons, une fois encore, que l’initiation maçonnique, comme tout rite de pas-
sage, est d’abord une cérémonie consistant à admettre un individu, l’impétrant, au sein
d’un groupe d’individus déjà initiés, la Loge. Pour comprendre ce mécanisme, nous
pouvons nous aider du concept de holon, défini par Arthur Koestler dans son essai Ja-
nus– Esquisse d’un système 583 : le rapport de toute entité aux autres entités rassemblées
en groupe est un équilibre entre deux forces, l’une centripète, tendant à l’intégration au
groupe et l’autre centrifuge, tendant à son rejet. L’initié est ainsi un holon par rapport à
la Loge. La définition de Koestler renouvelle (en le reprenant) le hólon de Parménide (la
sphère de l’être) qui est un tout autosuffisant, complet et parfait, puisque sans parties.
582
Objet, au sens d’un élément ayant une identité propre.
583
Koestler, 1979.
584
Langlet, 2004a.
124
Il s’agit ici, non seulement d’analyser les symboles présents, mais aussi leur environ-
nement et, surtout, les rapports 585 qu’ils ont entre eux, puisque c’est dans ces rap-
ports que les choses prennent leur sens. […] Il ne s’agira pas de produire un travail
d’érudition, même si, pour étayer notre cheminement, nous nous sommes permis des
citations qui exprimaient, ou qui illustraient, le mieux, notre propos. Sur ce plan-là,
d’autres peuvent faire mieux que nous. Il ne s’agira pas non plus de faire entrer les
symboles dans telle ou telle grille profane, ou exotérique, ni de chercher à en « forcer
le sens », mais de les laisser vibrer 586 .
L’approche peut sembler impressionniste, et elle l’est certainement, mais qu’il nous
soit permis de supposer que cela ne constitue pas un défaut dans ce type de recherches,
tous les angles d’attaque pouvant apporter quelque ration de sens. Notre approche, ins-
crite dans le titre, « Vécu initiatique et Franc-Maçonnerie », souligne que l’aspect per-
sonnel ne semblait pas pouvoir être évacué sans dommages du travail de réflexion.
Cherchant/chercheur. L’effort que nous envisagions —et qui demeure identique au-
jourd’hui— était de dégager non seulement « les éléments identiques ou semblables »,
mais aussi les grands « invariants », ce que nous avons appelé alors « la charpente ». Il
ne nous était d’ailleurs pas venu une meilleure image pour exprimer le sens des re-
cherches engagées.
Nous nous sommes donc attaché à chercher, au sein des Rits, les éléments identiques
ou semblables, les points de rapprochements, qui sont ce sur quoi la communauté est
évidente. Ces éléments sont quelquefois dispersés dans des grades différents, mais
leur usage permet d’en éclairer le sens. Tel geste sera fait au premier grade dans un
Rit et au troisième degré dans un autre, par exemple. Ces éléments émergent des
Rits, comme les îles de la mer, en indiquant tout ce qui lie, par nature, les Rits parti-
culiers et qu’on peut ne pas voir au premier abord, parce dissimulé sous la surface.
C’est ce que nous pourrons appeler les invariants maçonniques. Ces éléments sont
distincts des landmarks, même s’il leur arrive de se croiser et, pour certains, de se su-
perposer. Ces invariants sont aussi des invariants symboliques, que l’on trouve utili-
sés par d’autres traditions, adaptés ici à un contexte particulier et entourés d’un dis-
cours spécifique 587 .
Les points de rapprochements, les invariants, soulignaient en creux les variantes, mais
celles-ci nous paraissaient si naturelles que nous n’avions pas pris conscience de leur
importance. En fait, nous cherchions d’abord ce qui faisait de ce Rite, une ritualité parti-
culière. Même si nous reconnaissons la validité de ses travaux, et même si nous nous
appuyons sur une histoire des textes, la recherche « historique » nous est apparue assez
inadaptée à notre démarche pour la raison suivante : si un élément apparaît dans un rite,
585
Nous soulignons.
586
Langlet, 2004a : 12.
587
Ibid. : 17.
125
il peut avoir été emprunté à une liturgie antérieure, qui l’avait elle-même emprunté pré-
cédemment. L’origine historique d’un symbole ne peut qu’être qualifiée d’émergence,
ou de première attestation, dans l’état actuel de nos connaissances, et jamais comme une
invention, au sens de sa non-existence absolue antérieurement. Tout texte est, d’une cer-
taine manière, porteur des textes antérieurs et cela nous semble applicable aux éléments
du Rite.
Quoi qu’il en soit, ces premières études ont porté en grande partie sur le serment et
sur les conditions qui l’entourent et le précèdent. Même sans l’apport d’A. Van Gennep,
venu plus tard, nous n’avons pu que remarquer, dans la suite séquentielle, les étapes
qu’il avait dégagées. L’isolement du candidat, dans une pièce à l’écart 588 , quelle que soit
sa configuration, correspond à la phase du préliminaire ou séparation de l’individu du
groupe, son « monde ancien ». La difficulté réside dans la disposition complexe de cer-
tains locaux. Elle retient l’attention par un foisonnement d’objets qui servent aisément
de prétexte à d’innombrables travaux symboliques dépareillés et fragmentaires.
Le candidat passe par un lieu qui est le point de rencontre de plusieurs principes.
C’est d’abord un lieu de séparation et de mise à l’écart, car coupé de l’extérieur. Cela
est déjà important. C’est en même temps un lieu d’enfermement, car toujours clos.
Cela aura aussi un rôle significatif. C’est, enfin, un lieu sans lumière, ou seulement
éclairé d’un cierge. C’est un lieu où commencera le renouveau initiatique. Selon les
Rits, ce lieu sera le support d’un sens symbolique plus ou moins profond 589 .
Il n’est donc possible de préparer l’agrégation à une communauté qu’en créant une
rupture, une distance avec le groupe d’origine, au moins symboliquement. Il était ensuite
facile de repérer ce qui appartient à la phase liminaire (du latin limen, seuil) ou phase de
mise à l’épreuve, avec les rites de marge qui, souvent, confrontent l’impétrant avec sa
propre mort. Ici la prétendue mort (« au monde profane ») dans le Cabinet de Réflexion
(pour les Rits concernés) est une séparation, un préliminaire, alors que la mort simulée
au 3e Degré appartiendra au liminaire, à la déstructuration de la communitas 590 . L’entrée,
accompagnée d’une « porte basse » ou étroite, est le début du liminaire 591 . La vêture re-
quise « ni nu, ni vêtu », dépouillement des marques du monde antérieur —appelée
« préparation »— marque ce statut d’indétermination. Le candidat est « agi » de
l’extérieur, répète ce qu’on lui souffle, obéit aveuglément aux injonctions. Il subit par-
588
Langlet, 2004a : Chapitre I.
589
Ibid. : 28.
590
Turner, 1990. Victor Turner a repris les thèses de van Gennep et analysé plus spécifiquement la phase
liminale qu’il nomme aussi communitas.
591
Langlet, 2004a : Chapitre II. La préparation.
126
fois l’ordalie (coupe amère 592 ). Il est instable, un pied dénudé, l’autre chaussé, marchant
parfois sur des « planches à bascule », etc. Dépouillé, chahuté 593 , il est dans un monde
indifférencié et, à un moment, il ne peut plus reculer. Il ne peut sortir qu’initié, sinon
c’est la mort qui l’attend, mort véritable dans les rites ancestraux pour ceux qui ne pou-
vaient réussir les épreuves, mort symbolique ici, qui sera représentée par le rejet total de
la communauté à laquelle il aspirait. Mais l’indétermination dans laquelle il se trouve,
que le discours souligne, est aussi et surtout un entre-deux, une sorte de sas. Cela le
place dans un espace transitionnel, dont on pourrait dire qu’il est virtuel, mental, certai-
nement non matériel même si la topographie peut l’illustrer. Un espace créé par le dis-
cours, d’abord, et vécu comme tel par le candidat.
Il existe des étapes où l’on demande au candidat s’il désire continuer. Le jeu des con-
trastes est intense et ce stade « entre-deux », déstructuré mais en attente, sera palpable
sous une autre forme lors de l’accès au 3e Grade dans une Loge désaxée 594 . Cela corres-
pond précisément aux mécanismes soulignés par M. Leone, quant à la déstructuration de
la conscience lors d’une conversion 595 : les vérités d’hier ne sont pas encore remplacées
par celles de demain, instabilité du système antérieur et déstabilisation de l’identité reli-
gieuse. Dans le Rite, ces phases précèdent le serment, anticipation, ou premier temps, de
la phase post liminaire : l’agrégation au groupe, assimilation à la communitas 596 . Tous
les éléments du Rite sont canoniquement disposés le long de l’arc initiatique.
Une précision supplémentaire s’impose ici : dans la plupart des Rits 597 , la première
phase du liminaire est occupée par une prière. Ce point a longuement retenu notre atten-
tion 598 , mais peu de choses étaient disponibles dans la littérature maçonnique. Pourtant
les anciens textes, avant d’avoir été laminés par les idéologies politiques, comportaient
ce type de texte. La prière constitue le premier élément de rupture avec le monde anté-
rieur, du candidat d’abord, mais c’est aussi la rupture réitérée lors de chaque « ouver-
ture » de la Loge. Elle trouve son symétrique dans la prière de « fermeture », et constitue
la rupture, cette fois, du temps sacralisé du Rite, au retour à la vie ordinaire 599 .
592
Le modèle est à trouver dans le seul exemple d’ordalie biblique, Nb 5, 11-31. Un mari déshonoré com-
mence par faire une « oblation de jalousie » ; le prêtre prépare une boisson, les « eaux d’amertume et de
malédiction » (de l’eau sacrée, avec de la poussière du sol) que la femme doit boire ; enfin elle prête un
« serment d’imprécation » et boit la coupe. Si elle n’est pas incommodée, elle est déclarée pure, dans le
cas contraire, elle subira de terribles tourments (Revault, 1967 : 30).
593
Ibid. : Chapitres III et IV .
594
Langlet, 2008b, ou dans le Temple noir au 18e degré.
595
Leone, 2004.
596
Communitas est emprunté à Turner, 1990. La communitas n’est pas une simple collection d’individus
placés, à un moment donné, côte à côte, par le rite, mais leur congruence, leur osmose existentielle, le
passage du micro- au macro-, un changement d’échelle significatif, de la personne à la communauté.
597
Tous les Rits de langue anglaise, sans exception, et les versions anciennes des Rits pratiqués en France.
598
Langlet, 2001a et 2006b.
599
Ibid. Voir la Présentation.
127
3.3.2 Le serment
Il s’est dégagé, en fin de compte, que le serment constituait la partie centrale du rite 600
(ce dont personne ne doute), que tout le reste le prépare. Le seul nombre de pages que
nous y avons consacrées le démontre aisément, 205 sur 430, soit 47,67 % de l’ouvrage
total 601 . Le serment laisse apparaître la structure suivante : le candidat, un bandeau sur les
yeux (conditions du liminaire), est toujours conduit à un endroit particulier où sont dis-
posés les objets appelés « les Trois Grandes Lumières de la Maçonnerie » pour y prêter
le serment d’entrée dans la communauté (phase post-liminaire) 602 . Ce serment condi-
tionne « la restauration de la Lumière », c’est ainsi que l’on appelle le retrait du bandeau
(temps 2 du post-liminaire).
La méthode comparative permet de constater que certains Rits procèdent, ici, de ma-
nière simple, en une séquence serment>lumière, et que d’autres allongent le procès avec
un premier serment accompagné d’un retrait temporaire du bandeau, suivi d’un nouveau
serment, le « bon », avec retrait définitif du bandeau et restauration définitive de la Lu-
mière. Si nous prenons comme unité de mesure cette manière la plus simple, et pourquoi
ne le ferions-nous pas, les quelques Rits procédant différemment compliquent quelque
peu les choses en doublant certains éléments et en anticipant certains autres. Nous re-
trouverons cela avec, justement, la saynète accompagnant le « premier serment », appe-
lée « scène du parjure », qui introduit au 1er Grade des éléments du 3e, avec la présence
d’un « cadavre » 603 . Ce transfert semble relativement récent, les Rits aux racines les plus
anciennes, « modernes » ou « anciens », ne comportent pas ce scénario. Le Régulateur et
les Rits anglo-saxons (RE, RY) actuels ne connaissent qu’un seul serment, le RÉAA et
le RFGO (et un Rit minoritaire, le RMM, de forte inspiration RÉAA) en proposent
deux 604 . L’« innovation » est typiquement française. Nous en trouverons d’autres avec
les légendes du 3e Grade. Le clivage ne se fait pas ici entre anciens et modernes, mais
entre anglais et français. Un autre exemple de transfert, plus ancien, réside dans la
marche par-dessus le tapis, au RÉR, anticipant le « passage au-dessus » du 3e Grade 605 .
600
Langlet, 2004a : Chapitres VI à VIII.
601
Hors introduction, conclusion et annexes.
602
Langlet, 2004a : 233.
603
Ibid. :157 .
604
Ibid. : 192 et 198.
605
Langlet, 2008b : Chapitre V.
606
Ibid. : Chapitre IX.
128
post-liminaire). La traduction des phases rituelles en séquences au moyen de tableaux 607 ,
c’est-à-dire le passage du discours linéaire à ses principes structurels, a nettement fait
apparaître un élément masqué par les rituels, précisément par l’abondance du discours :
il constitue une ligne de partage entre deux types de Rits, les Rits A (Anciens) et M
(Modernes). Ce point n’avait jamais été, à notre connaissance, repéré par les auteurs,
Maçons ou non, écrivant sur le Rite : les Rits « anciens » (Rits anglo-saxons et RÉAA,
sur ce point) investissent le nouveau promu d’une vêture particulière selon deux condi-
tions. L’une est secondaire, c’est la reprise de ses vêtements habituels. L’autre est prin-
cipale, c’est la communication des « secrets » du Grade. Les Rits A communiquent en
effet les secrets avant l’investiture du Tablier (et parfois des Gants) qui devient donc la
marque du partage des secrets de la communauté (« il vous donne le droit de vous as-
seoir parmi nous »), en concluant la phase post-liminaire (Tableau 12, ci-dessous). La
vêture rituelle, symbole de l’assimilation au nouveau monde, de l’admission dans la
communitas, indique que plus rien ne sera comme avant.
Par contre, les Rits M remettent le Tablier avant de communiquer les secrets (cf. le
Tableau). On dira, d’une autre manière, qu’ils les communiquent après avoir revêtu le
candidat des attributs vestimentaires rituels, comme si, dans ce cas, ces vêtements auto-
risaient la communication. L’inversion des procédures peut sembler de peu d’intérêt
mais elle révèle, mieux que tous les discours, deux polarisations de ce que l’on entend
par « Maçonnerie ». Au-delà des procédures, il existe certainement une conception très
différente de la fonction transformatrice du Rite. Le Tablier n’est plus dans le second cas
la marque de l’acquisition d’un savoir, il est celle de son accession. Est-ce bien raison-
nable ?
Tableau 12. La communication des secrets (abrégé)
Groupe A Groupe M
Lumière Lumière
Secrets du Grade
Reconnaissance
Tablier Tablier
Charité Secrets du Grade
Outils Reconnaissance
Charité
Bienvenue Bienvenue
Ainsi, d’une recherche philologique 608 (au sens saussurien 609 ) visant à trouver le sens,
nous avons abouti à la mise en lumière de structures dont nous n’avions a priori pas
soupçonné l’existence.
607
Ibid. : annexes, tableaux 1 à 14.
608
Le terme (et ce qu’il sous-entend) est actuellement plutôt déprécié (entre-t-il encore dans le champ de
recherches légitimes ?). Cela nous semble injuste. Le choix des moyens heuristiques doit viser à la meil-
leure efficacité reconnue pour celui qui recherche l’éxégèse d’un texte.
609
Saussure, 1969 : chap. 1, Introduction (« Ensuite parut la philologie […] qui veut avant tout fixer, in-
terpréter, commenter les textes ; cette première étude l’amène à s’occuper aussi de l’histoire littéraire,
129
3.4 La légende d’Hiram
3.4.1 La découverte de nouveaux outils
Cet axe de recherche a ensuite conditionné nos travaux sur la légende d’Hiram. Nous
avions bénéficié, pour cela, de la découverte récente des outils de la sémiotique qui, si
nous ne les manions pas avec aisance, nous ont néanmoins apporté quelques principes
d’analyse supplémentaires ou, plus exactement, nous ont permis d’envisager des pistes
qu’eux seuls pouvaient révéler.
Ils ont, par exemple, proposé un cadre de travail, une formalisation opérante, sinon
opérative, permettant d’aller plus loin que nos premiers outils. Un médiéval aurait dit
qu’ils ont remplacé ce qu’il appelait la grammaire, à la suite d’un saint Augustin formé à
la rhétorique et aux arts libéraux, fort bon rhétoricien lui-même, et qui considérait la
Grammaire comme la première des sciences. Pourquoi ? D’abord parce que l’étude des
mots ne doit pas cacher la recherche de la vérité qu’ils contiennent : « A quoi sert, en
effet, une clef d’or, si elle ne peut nous ouvrir ce que nous voulons ? Et quel est
l’inconvénient d’une clef de bois, si elle le peut ? Car nous ne recherchons rien d’autre
que de voir ouvert ce qui est fermé » écrivait-il 610 . Son but ultime était l’interprétation de
l’Écriture, et celle-ci passe par la linguistique, première discipline, premier des arts. Cela
met en réalité davantage l’accent sur la technique exégétique que sur la technique
grammaticale, et on ne peut parler ici de grammaire dans notre acception habituelle.
Cette étude se préoccupe de ce qu’on appellera plus tard la « grammaire d’un texte »,
tout ce dont il est composé, du discours de surface à sa structure profonde par la décou-
verte des mécanismes qui le sous-tendent. Nous n’avons pu que remarquer, dans
l’introduction à notre traduction du Ms Regius :
La Grammaire, comme « science du langage » selon l’expression d’Augustin, était
considérée comme la clé de toute connaissance positive et, pour cette raison, le pre-
mier des Arts. Guillaume de Conches, (†1152 ?), comme son maître Bernard de
Chartres, souligne le fait que la grammaire est le fondement de tout savoir, et Jean de
Salisbury (c.1120- †1180) semble avoir rédigé le Metalogicus 611 pour défendre les
opinions de ses maîtres sur l’importance fondamentale de cette étude, opposée à la
dialectique. Il écrit : « Si la grammaire est la clé de toute littérature, et la mère et la
maîtresse du langage, qui sera assez orgueilleux pour l’écarter du seuil de la philo-
des mœurs, des institutions, etc. Partout elle use de sa méthode propre, qui est la critique »). Notre propos
n’est pas l’histoire littéraire, ni la fixation des textes, même si parfois cela reste nécessaire, mais bien leur
interprétation. Et il n’est certainement pas le sens qui correspondrait à cette autre définition : La philologie
est une discipline qui se propose d’étudier une civilisation ancienne (par ex. gréco-romaine pour la philo-
logie classique) ou médiévale (par ex. philologie romane, celtique, germanique, etc.) à travers les docu-
ments écrits, littéraires et administratifs, qui nous la font connaître (U. de Lausanne, section Français).
610
Augustin, 1997 : Livre IV, 11, 26.
611
Ouvrage de logique, et aussi premier ouvrage montrant une bonne connaissance de l’Organon
d’Aristote.
130
sophie ? Seuls ceux qui pensent que ce qui est écrit et dit n’est pas nécessaire à qui
étudie la philosophie » (Metalogicus, I, 21). Richard de St. Victor (†1173) fait de la
grammaire la servante de l’histoire : « Tous les arts servent la sagesse divine, et
chaque art inférieur s’il est bien à sa place, conduit à un art supérieur. Ainsi la rela-
tion existant entre le mot et la chose demande que la grammaire, la dialectique et la
rhétorique conduisent à l’histoire » (ap. Vincentium Bell., Spec. Doctrinale, XVII,
31). Si elle est « l’art de parler et d’écrire correctement », ce n’est pas cette seule dé-
finition que le texte évoque ici. Dans les Noces de Mercure et de Philologie, la
grammaire admet que ses devoirs sont partagés par les philosophes et par ceux qui se
livrent à l’étude des textes littéraires, parce qu’ils fondent tous leur démarche sur
l’expression verbale 612 .
Nous avons ainsi pris conscience qu’une réflexion sur le langage demeurait présente
au cœur de tous nos travaux sur « le rituel », et cela nous a conduit dans plusieurs direc-
tions : la recherche des techniques rhétoriques lises en œuvre par les rituels, la présence,
dans ces textes, de paradigmes, la mise à jour des sources textuelles et le pouvoir onto-
logiquement transformateur de ces textes.
612
Langlet, 2009b : 29.
613
Comme le « pavé mosaïque » dans sa formulation anglaise : « The Mosaic Pavement may justly be
deemed the beautiful Flooring of a Freemasons’ Lodge, by reason of its being variegated and chequered »
614
Jackson, 1986 et Langlet, 2003a.
131
Il y a pourtant, dans le Rite comme système, des étapes que l’on ne refait pas, et
d’autres qui le peuvent. Elles reproduisent à l’identique la première fois, ou le font avec
des variations n’ayant de sens qu’en raison de la première fois, sans rompre l’unité pro-
fonde. Ces éléments sont globalement les suivants : baptême-passage de l’eau, une seule
fois ; mort, une seule fois 615 ; un seul Tablier, re-décoré ensuite ; une seule paire de
Gants ; une seule entrée dans la communauté ; un seul changement de niveau (physique)
mais en trois épisodes et à l’aide de trois loci ; une seule mise à l’écart, reproduite en-
suite par le découpage ternaire ; une seule marche rituelle, avec variations liées au
Grade ; une seule création/onction (reproduite au RÉAA, par exemple, à l’identique) ;
une batterie (avec variations ensuite) ; une attribution d’un nom rituel (variations selon
le Grade) ; une seule reconnaissance (Frère) de la communauté, avec variation gradiale ;
un partage rituel de nourriture, reconstruction après la déstructuration (fréquemment
réitéré, sans variations sensibles) ; un seul type d’élection (« c’est bien la personne digne
de… ») ; une prise de possession d’un espace (avec variation de dénomination) et une
prise de possession de la bonne place (« suivant son rang », à partir du même principe) ;
un type d’admonition (répétée).
Tout cela est soutenu par une seule « théorie », mort/renaissance, dont les premiers
éléments sont à distinguer au 1er Grade, début de l’arc initiatique 1er-3e, le 3e Grade en
présentant la clôture, ou la complétude, l’autre extrémité de l’arc. Le Grade intermé-
diaire (2e) sert de « passage » entre les deux, préparation qui se poursuit, en même temps
que terme qui s’annonce. Par contre, un brouillage peut se produire par l’insertion tar-
dive, au 1er Grade, nous l’avons évoqué, d’éléments remplaçant ou se superposant aux
éléments originaux, et au 2e, d’une multitude d’outils pour « faire constructeur » 616 .
615
Voir nos précisions plus haut.
616
Voir ci-dessus, p. 65.
617
Annexe VI.
132
La méthode, où les « personnages » sont autant les êtres humains que les objets ou les
concepts, nous a libéré du schéma méthodologique antérieur, même si les structures de
la cérémonie du 3e Grade semblaient d’emblée plus nettes. Disons que cela a fait appa-
raître les relations-fonctions du parcours génératif et, ce qui est à remarquer, l’absence
apparente de voix personnelle à l’arrière-plan du texte. Cela a permis en outre de souli-
gner, sur l’exemple précis de la légende, la différence entre une histoire et un récit,
comme la fonction paradigmatique de ce dernier. Les conséquences en ont été de cher-
cher en quoi la légende constituait un paradigme, et cela nous a incité à découvrir son
modèle de composition, ou sur quels modèles elle avait été élaborée. Cela nous a conduit
dans deux directions : le tissage de notions, et la vérification des sources.
Les invariants établis, la légende a laissé apparaître deux trames narratives distinctes
semblant coordonnées de la manière suivante : d’abord, tout ce qui concerne la mort du
héros et qui s’arrête à son assassinat ; ensuite, les tribulations (textuelles) du cadavre 618 .
Pour optimiser les conditions de comparaison des différentes versions, il nous a été par-
fois nécessaire de « mettre en texte » un contenu qui s’exprimait uniquement sous la
forme d’un catéchisme habituel. L’artifice semblera surprenant, mais cela a représenté la
manière d’obtenir ici un corpus homogène et facile à étudier.
Habituellement, on ne voit dans la légende (dans une version quelconque) qu’un récit
unique dont on a le plus grand mal à débrouiller les fils. La détermination des deux
trames narratives, au contraire, nous a permis de distinguer d’une part leurs principes
d’articulation, d’autre part de supposer un modèle préalable. L’élaboration de cette hy-
pothèse, un « modèle » mental, n’impliquait pas la justesse de sa réalité et requérait une
série de vérifications. Celles-ci, compte tenu des notions constitutives du modèle et de la
comparaison avec d’autres récits du même type, nous ont aidé à distinguer deux récits
différents, celui du « martyre d’un héros » d’une part, et celui du « saint fondateur » de
l’autre, deux notions absolument étrangères, dans cette manière de les énoncer, à la litté-
rature maçonnique, de manière générale. Nous en disons quelques mots dans
l’Introduction 619 à nos études sur le sujet :
Le lecteur étonné découvre alors la plus grande diversité des approches et des tenta-
tives d’explication. Celles-ci portent d’abord sur la présence de cette légende dans
les rituels maçonniques, sur les raisons de celle-ci, ensuite sur le sens qu’on peut lui
attribuer. De points de vue variés, les hypothèses seront les plus différentes et les ex-
plications fondées sur les prémisses les plus étranges. Certains, en France, vont cher-
cher des sources « opératives » c’est-à-dire, pour eux « compagnonniques » en raison
de la présence de la notion de construction dans le récit. Cette hypothèse a toujours
618
Langlet, 2008b : chapitre IV.
619
Ibid. : Introduction
133
enflammé les imaginations romantiques. Elle ne fait que franciser la vulgate de la
transition chère aux auteurs Maçons des décennies passées 620 . D’autres (et ce sont
parfois les mêmes) font appel à des apports chevaleresques, et établissent une liaison
directe avec les Templiers, faisant dériver le terme « temple » des célèbres moines-
soldats 621 . Ils s’appuient, pour étayer cette hypothèse, sur les rapprochements qu’ils
établissent entre la légende d’Hiram et des légendes chevaleresques 622 . Celles-ci
semblent prouver la source « templière » par les parallèles dans le traitement de cer-
tains thèmes. […] Si l’on peut trouver des points de convergence, sans doute est-ce
en raison d’une trame commune plutôt que d’une filiation. Mais la veine généalo-
gique fait ici encore des ravages. […]
Cependant, le mythe templier associe des éléments épiques (les prouesses de cheva-
liers), la nostalgie d’un passé reconstruit et idéalisé, sinon inventé (les grandes vertus
des ordres monastiques alliés à celles des ordres de chevalerie), le parfum d’une
« doctrine secrète » attribuée aux templiers (sans autre preuve qu’une attente in-
quiète) et l’injustice de leur traitement (une bonne vieille vendetta traversant les
siècles). Le fumet du secret attire toujours des curieux qui en trouvent des preuves de
l’existence et qui l’inventent lorsqu’il n’y en a pas. […]
Il existe aussi des hypothèses politico-symboliques où les Stuarts 623 (qui ne deman-
daient rien) sont appelés en renfort 624 . L’Histoire anglaise (anglo-écossaise, plutôt)
est largement sollicitée sur des rapprochements entre le thème de la légende (au
moins l’un d’eux, le meurtre) et « la décapitation de Charles Ier (1649) par les parti-
sans de Cromwell » 625 , ou l’assassinat de Thomas Beckett (1170). […] Mais nous
sommes encore, avec l’hypothèse anglaise, devant une vendetta comparable à celle
des templiers. Deux valent mieux qu’une. Ce fut aussi l’avis de Lantoine 626 , et celui
de Ragon qui n’en fait jamais d’autres.
Outre ces hypothèses, on va même jusqu’à concevoir des syncrétismes fusionnant les
origines artisanales et chevaleresques, en y ajoutant, pour faire bonne mesure, des
origines sacerdotales. Cela recrée le modèle fondé sur l’idéologie tripartite indo-
européenne. On trouvera aussi des hypothèses politico-chevaleresques pimentées de
mytho-hermétique […], et de très nombreuses thèses défendant avec acharnement les
620
Dachez, 1999 : 80.
621
Durand, 2002. Il est loin d’être le seul. Le Forestier, 1987 développe un chapitre à ce propos, tome 1,
chap. III d’un ouvrage qu’il intitule « La franc-Maçonnerie templière et occultiste ».
622
On trouvera un exemple de ces légendes dans Girard-Augry, 1996 : 162-3.
623
Durand, 2002 : 75, reprenant Boucher, 1994 qui reste populaire, malgré tout.
624
Les monarques de la dynastie des Stuarts occupèrent d’abord le trône d’Écosse où ils furent de grands
bâtisseurs (Stirling, Falkland, Linlithgow, Edimbourg). Le plus célèbre de ces souverains fut Marie Stuart
dont le nom est attaché à de nombreux châteaux et établissements religieux. Son fils, le roi Jacques VI
d’Ecosse, devint Jacques 1er d’Angleterre lors de l’Union des Deux Couronnes (1603). Le siècle fut mar-
qué par des conflits religieux, avec pour résultat l’exil des Stuarts et l’ascension de leurs partisans, les
Jacobites. Après l’exécution de son père en 1649, Charles II (1660-1685) devint Charles II d’Angleterre,
et fut reconnu roi d’Écosse et d’Irlande. En 1651, il mena une invasion contre Cromwell, mais fut défait et
se réfugia en France durant 8 ans. À partir de là, les hypothèses les plus hardies fabriquent une Histoire de
la Maçonnerie française.
625
Durand, 2002 : 76. Une malencontreuse coquille a fait imprimer « Charles Hier ».
626
Cité par Boucher, 1994 : 252.
134
origines païennes de la légende 627 . […] Remarquons d’abord qu’on n’hésitera pas à
mettre à contribution tout ce qui vient d’un « fond des âges préchrétiens », en résu-
mé, tout ce qui semble conforté par des rites dits primitifs. Le « primitif » et
l’« archaïque » semblent, aux défenseurs de ces thèses, l’assise la plus solide d’une
grande antiquité de la légende et ils l’affectent sans sourciller de l’adjectif de tradi-
tionnel.
627
Blanchet, 1994.
628
Langlet, 2008b : La double trame.
629
Nous soulignons.
630
Geay, 1997 : 154.
631
Langlet, 2008b, Annexe « Hiram », A59. Voir aussi Salix HS, 1995 : 50.
135
fice du Christ » 632 . Cela révèle que, quoi que l’on ait sous les yeux et quel que soit l’éclat
de l’évidence, on-ne-peut-pas admettre le « super-modèle ». Qu’on se rassure, l’étude
d’un texte et la reconnaissance de ses sources ne sont en rien contaminants. La légende,
par la structure de son discours comme par les notions qu’il renferme, s’est ainsi inscrite
dans la littérature hagiographique.
À côté donc d’une utilisation directe d’éléments bibliques, les autres, qui les entou-
rent, de même que la trame générale du récit, semblent révéler une organisation tex-
tuelle renvoyant à un type de littérature appelée hagiographie. On la définit comme
un genre narratif dont l’intention est « édifiante » et qui fait partie à la fois de la litté-
rature didactique et de la littérature religieuse. […] L’historicité des événements n’a
pas à être prouvée, son intention est autre 633 .
Le constat, à ce point de notre étude, a été qu’il convient souvent de faire abstraction
des vulgates proposées dans une nébuleuse sémantique maçonnique, et qu’il est absolu-
ment nécessaire de sortir des voies qui semblent à jamais tracées pour découvrir non seu-
lement la structure réelle du discours, mais aussi son horizon d’attente. Les préventions
des Maçons envers la culture religieuse en général, et chrétienne en particulier, comme
celles des chrétiens envers la Maçonnerie ne facilitent pas l’avancée de la recherche ma-
çonnique par la mise en commun d’outils adaptés.
La seconde trame narrative prend exactement naissance là où la première connaît sa
conclusion, la mort du héros, persécuté, arrêté, jugé, tourmenté, exécuté. La comparai-
son s’établit ici avec les légendes de « saints fondateurs » de communautés religieuses,
du passé médiéval, bien entendu. Ce point est aussi surprenant, mais c’est sans doute de
cette manière qu’il convient de trouver le modèle. Nous avons, en conséquence, tenté de
comprendre comment et autour de quoi cela s’organisait, par un nouvel inventaire précis
des éléments de cette partie. Pour cela, il a semblé possible de se fonder sur une classifi-
cation en dix points, représentant autant de séquences et formant un ensemble cohérent :
un tombeau et un héros défunt ; la disparition du corps ; les tribulations de celui-ci,
c’est-à-dire la translation, avec sa recherche ; l’invention du corps ; les manipulations
des ossements ; le retour dans la communauté ; l’inhumation en cérémonie par la com-
munauté rassemblée.
Ces séquences peuvent comporter plusieurs éléments « miraculeux » se manifestant
autour du corps ou des ossements. À ce point, les tribulations du cadavre textuel ren-
voyaient aux disparitions/re-découvertes des légendes hagiographiques. Le « chrétien »
se manifestait de nouveau, et largement, mais la manière habituelle de commenter la
légende occultait totalement ces références. Par contre, divers auteurs travaillant sur des
632
Geay, 1997 : 155.
633
Langlet, 2008b : Chapitre IV.
136
sujets des plus éloignés du nôtre venaient nous fournir des arguments positifs, Michel
Lauwers 634 , Xavier Dectot 635 , Jean-Loup Lemaitre 636 , Philippe Ariès 637 ou Peter Brown 638 .
Une double vérification dans le corpus confirmait une thèse qui ne s’était dégagée qu’à
l’analyse des textes ou, si l’on veut, d’un méta-texte configuratif 639 , de la mise en forme
du récit du point de vue de son organisation « architecturale ». D’une « archi-texture »,
pour reprendre le terme de G. Henrot 640 . La question de l’hypothexte peut être envisagée
non du côté d’un texte premier, copié et recopié, c’est-à-dire une filiation d’œuvres, mais
de l’inscription dans un modèle global, dans une trame générale nourrissant cette lé-
gende comme elle en a nourri d’autres.
634
Lauwers, 1996 et Lauwers, 2005.
635
Dectot, 2006.
636
Lemaitre, 1989.
637
Ariès, 1977.
638
Brown, 1984.
639
À propos de Zola, Lumbroso, 2007 écrit : « Ce volet relève du métatexte configuratif, qui concerne la
mise en forme du roman du point de vue de ses organisations architecturales. Il nous introduit dans un
espace qui n’est plus l’espace décrit dans l’œuvre mais dans celui, abstrait et mental, des diagrammes qui
calculent les positions des composantes du roman selon une visualisation interne à l’esprit : le rang des
personnages, l’espacement des descriptions, les reliefs de la courbe narrative, selon une vision maçonne et
pyramidale. S’y trouvent, d’abord, les formes qui appartiennent à la configuration du volume de l’œuvre :
le cadre qui sémiotise un territoire réel et sa métonymie ».
640
Henrot, 2008.
641
Langlet, 2008b : Introduction.
642
Langlet, 2008b : Chapitre V.
137
trinitaire, pas aussi silencieux qu’il pouvait sembler au premier regard, se déployant dans
un espace mental adapté où « temple » désignait, sous des dehors hébraïques visibles,
donc acceptables, un édifice ou une construction mentale, chrétienne dans ses principes
comme dans ses usages. Comment illustrer mieux la manière dont les siècles passés et,
en particulier, les XVIIe et XVIIIe ont envisagé le « Temple de Salomon » qu’en l’illustrant
d’une gravure tirée de la « Bible de Royaumont » 643 .
643
Voir Annexe IV.
644
Langlet, 2008b : Chap. VII.
645
Ibid : Chap. XI.
138
clus en totalité. Les étapes de la préparation s’appuyant sur les « arts libéraux », au 2e
Grade, nous en ont semblé une confirmation. Les parties exégétiques des premiers textes
qualifiés de « maçonniques » semblent appuyer cette hypothèse 646 .
En réalité, cela nous incite à penser que tout commence là, que cet ensemble métho-
dologique est premier, mais qu’on y a emprunté, pour créer un ensemble maçonnique en
trois étapes (trinitaire ?), une « forme adaptée », les deux degrés d’une maçonnerie ou-
vrière survivante ou moribonde, apprenti et compagnon, grades « spiritualisés » sans lien
autre que de structure avec les loges d’antan, c’est-à-dire les deux Grades connus par le
bon pasteur Anderson, et ceux qui gravitaient autour de la première Grande Loge.
Comme l’indique un ancien rituel « écossais », la Maçonnerie de théorie a utilisé, avec
ces deux Grades, les habits de la société des maçons de pratique.
646
Langlet, 2006c.
647
Propp, 1970 : 29.
648
Ibid.: 30.
649
Simonsen, 1984 : 53. Elle signale que le folkloriste Alan Dundes radicalise, sur les contes indiens, la
démarche de Propp au moyen de paires d’opposés : manque/ suppression du manque, interdiction/ trans-
gression, assignation des tâche/ accomplisement et manœuvre de tromperie/ victime dupée.
139
extrêmement nombreux », au contraire. Les éléments des contes sont ainsi permanents,
des fonctions, alors que les personnages qui les remplissent sont différents et nombreux
mais ne sont pas permanents comme tels. La succession des éléments, par contre, est
établie comme rigoureusement identique d’un conte à l’autre. Ceux-ci possèdent alors
une structure que l’on considèrera comme « canonique » 650 .
À partir de la matrice établie par Propp, nous avons entrepris d’analyser la légende
d’Hiram, pour savoir d’abord si ce récit répondait aux mêmes critères ou à des critères
analogues, ensuite, s’il était structuré de cette manière, et enfin, si les fonctions prop-
piennes pouvaient s’appliquer. Certaines d’entre elles ont été regroupées par Propp en
parties indiquant les liens de structure qu’elles entretiennent. Dans cette étude particu-
lière, placée en annexe de Les sources chrétiennes de la légende d’Hiram 651 , la fonction
formulée par Propp est reprise, précédée de sa numérotation, puis nous avons exposé le
caractère comparable de la légende d’Hiram.
En 1972, Jean Saulnier avait lui-même proposé dans un ouvrage plus général sur la
Maçonnerie, une analyse d’après Propp 652 . Notre étude ayant été rédigée, le hasard nous
a fait retrouver son ouvrage que nous avons d’abord feuilleté, puis relu attentivement,
après y avoir découvert son utilisation de la grille proppienne. Nous n’avons pas manqué
d’ajouter, pour chaque point, ce qui est analogue à notre étude et ce qui en diffère. De
manière générale, il a été aisé de constater que la méthode appliquée au conte russe –
étendue ensuite à d’autres types de textes– s’applique sans difficulté à la légende
d’Hiram. Certes, elle ne retient pas la totalité des fonctions, mais l’auteur avait signalé
ce point qui pourrait inquiéter le chercheur.
Pour prendre un exemple, les personnages, représentant des fonctions, n’ont pas be-
soin d’être définis par une identité. Dans la légende d’Hiram « selon Propp », cela se
manifeste ainsi : l’agresseur est triple et n’a pas réellement d’identité. Lorsqu’on lui
donne un nom, plusieurs cas se présentent : soit chaque forme de l’agresseur a un nom
différent (trois noms), soit les noms sont assez proches pour révéler une quasi anonymité
des personnages-supports. Ils ont en commun de rester flous car, à part ce nom éventuel,
ils ne sont pas autrement définis. Ils n’ont d’autre existence que leurs actes, parfois par
650
Claude Brémont a réalisé, postérieurement, une matrice, beaucoup plus abstraite, pour analyser les
récits régis « par une intention moralisatrice forte ». Elle opère à partir de trois séquences : dégradation/
amélioration, mérite/ récompense, démérite/ châtiment. Cette matrice n’est pas non plus réalisée entière-
ment dans chaque conte. Greimas, enfin, a repris le schéma des sept « personnages » de Propp et a établi
son « modèle actanciel » qu’il suppose adapté à tous les types de récit. Il ne restera que six « actants »
chez Greimas. Mais, dans ce cas, l’abstraction est encore plus forte et le modèle définit des relations qui
correspondraient aux modalités de l’action humaine, vouloir, savoir, pouvoir.
651
Langlet, 2008b : Annexe A65, La légende selon Propp.
652
Saulnier, 1972 : 162-166.
140
la médiation de rares paroles qui, lorsqu’elles existent, reprennent les énoncés des ser-
ments et n’ont qu’un but didactique.
Même Hiram ou Salomon ne donnent pas lieu à descriptions. Seule, leur fonction est
soulignée par la légende. Ce sont des figures paradigmatiques, et ils ne sont traités que
comme des silhouettes, personnifications de vertus. Salomon est le Sage respectant une
mission de son père en construisant un Temple que celui-ci n’avait pas pu réaliser. Hi-
ram est l’architecte obéissant aux ordres du roi. Hiram de Tyr recevra le même traite-
ment : il n’est guère plus que le fournisseur des matériaux. Allié de David, le père, le roi
de Tyr est celui du fils. On n’en saura pas, on n’en découvrira pas davantage, seule la
fonction est essentielle.
Chaque partie du triple personnage occupe une fonction différente : respectivement
celle de père, de fils et d’agent 653 . Ils forment un acteur collectif, une entité triple tendue
vers le bien que représente la création/construction du Temple. Les agresseurs forment
aussi un acteur collectif, triple par conformation chrétienne, et cette entité est, à
l’inverse, la triade négative 654 . Les maçons partis à la recherche du corps forment un
nouvel acteur collectif, qui sera détaillé en neuf, en France, et en douze ou quinze, en
Angleterre 655 . Les uns sont « le constructeur », les autres, « l’agresseur », les derniers
« le maçon ».
La méthode adoptée nous écarte sensiblement des analyses habituelles et elle n’a été
féconde qu’en nous obligeant à ne considérer que des « grands ensembles » notionnels.
Elle évite de « symboliser » sur des détails (« l’âge du capitaine ») qui ne sont, finale-
ment, que peu importants pour le sens global. Les fonctions et leur interactivité com-
mune dégagent le sens de manière plus placide.
653
Langlet, 2008b : chapitre XI.
654
Ibid. : chapitre XII.
655
Ibid. : chapitre XIV.
656
EMC, 1943.
141
de divers numéros de Ordo ab chao (SDCF). Un numéro double de ce périodique, à dif-
fusion restreinte mais au volume important (808 pages), proposait une série de rituels
s’offrant de tracer l’évolution dans le temps d’un certain nombre de notions récurrentes.
L’une des idées ayant présidé à cette édition était de mettre à disposition des informa-
tions sur les origines des pratiques rituelles et d’en montrer les permanences temporelles.
Il était, bien entendu, précédé d’une introduction s’inscrivant fortement dans la théorie
de la transition et dans une particularité, nommée la tradition salomonienne.
Le premier texte de ce recueil à avoir attiré notre attention (document 1-1 657 ) était une
traduction intitulée « Le Grand Mystère des Francs-Maçons découvert » (1724) [titre
original : The Grand Mystery of Free-Masons Discover’d]. Si nous étions familier du
texte à partir de la huitième réplique, puisqu’on n’y lisait que des notions connues, les
sept premières nous intriguèrent. Elles étaient beaucoup plus brèves que le reste du do-
cument et de bien d’autres dans d’autres textes, et les réponses étaient lapidaires. Notre
attention a été particulièrement attirée par la question : « Comment vont les équerres ? »,
à laquelle était répondu : « Tout Droit ». Si la présence d’équerre dans un texte maçon-
nique n’a rien d’incongru, la question semblait bizarre et la réponse, encore plus. Après
vérification, le texte original était « How go squares ? », la réponse, « Straight ». On en
saurait être plus concis, en effet.
Ce qui précédait était structuré ainsi : la première question était une salutation de
paix, la seconde évoquait les heures six et douze, la troisième demandait si l’on avait
beaucoup de travail 658 . Tout semblait normal dans le monde rituel. La quatrième ques-
tion, « Donnez-vous ou prenez-vous ? » avec, comme réponse, « Les deux, ou ce qu’il
vous plaît », offrait une alternative en style maçonnique, mais sans référence précise sur
ce qu’on prend ou qu’on donne. Mais pourquoi pas ? Venait ensuite cette question à
propos des équerres qui allaient « Tout droit », disait la traduction. La question suivante
portait sur l’opposition classique richesse-pauvreté. La dernière question était « Chan-
gez-moi cela ? » et sa réponse, laconique, « Oui ». Nous nous sommes demandé pour-
quoi, dans un document rituel, de forme catéchistique, dont le reste du texte était plutôt
habituel, énonçait-on des choses aussi surprenantes et que devait-on « changer ».
Aucune pensée d’un quelconque ésotérisme ne nous est pourtant venue, ce qui est gé-
néralement le réflexe habituel quand on lit un texte maçonnique supposé être symbolique
et qu’on n’y comprend rien. Le traducteur n’évoquait dans son introduction que les ré-
pliques classiques. Nous nous sommes alors trouvé devant l’angoissante question de la
confiance à accorder à ce texte et si, d’abord, il était bien traduit. Réflexe d’angliciste,
657
OER, 1999 : 33.
658
Cf. le texte anglais dans Langlet, 2006c : 298.
142
certes, mais aussi réflexe de cherchant/chercheur. Les rituels sont en effet farcis
d’expressions maladroites dont on sent bien qu’elles sont de pénibles traductions. Nous
avons supposé que la réplique devait signifier autre chose. Toutefois, le ou les traduc-
teurs, anonymes, devaient « quand même » connaître l’anglais et, de plus, les bons dic-
tionnaires ne manquent pas. Nous avons pourtant fait l’hypothèse que l’étrangeté du
texte français était dûe à une subtilité du texte original ayant échappé à l’analyse.
Une recherche dans d’anciens dictionnaires 659 nous l’a confirmé, les plus récents
d’entre eux, trop généraux, ne mentionnant pas cette expression, retenue malgré tout
dans une édition récente du Webster’s 660 . La question cinq joue en effet avec plusieurs
sens du mot « square », et le pluriel n’est pas ici sans importance. Elle utilise une for-
mule toute faite, une expression idiomatique qui, comme d’autres, est en même temps un
jeu sur les mots. On ne peut comprendre le clin d’œil que représente « How go
squares ? » que si l’on sait que cela signifie « comment ça va ? ». Ce n’est pas, selon
toute apparence, un jeu de mots « maçonnique » à l’origine 661 , et cela a dû troubler le
traducteur.
Le texte anglais : « How go squares ? » est issu d’une expression, maintenant obso-
lète, « how the squares go », signifiant « how affairs prosper », « comment vont les
affaires ? », et « comment ça va ? ». Le jeu de mots est compréhensible, dans un mi-
lieu qui se sert de véritables équerres. Il fait partie des manipulations de notions
propres à une langue. De plus, la réponse vient naturellement (« straight »), car une
équerre est bien « juste et droite » 662 .
659
Chambaud-Robinet, 1776 : 493, col. 2.
660
Webster’s, 1966 : 2214, col. 2.
661
Dans une comédie de Thomas May The Old Couple, 1658, on trouve : Act IV, scene I (cf. Dodsley's
Colkstion of Old Plays, vol. 10) : — Sir Argent Scrape. Ha! Mr. Frightful, welcome.— How go squares ?
What do you think of me to make a bridegroom ? Do I look young enough ?
662
Langlet, 2006c : 301.
143
le monde possible » 663 que décrivait le texte, tout en relevant cela ne signifiait rien de
cohérent.
Cela nous a conduit à rechercher le texte d’origine et à le traduire entièrement. La
méfiance s’est étendue à toutes les traductions des catéchismes proposées les volumes
des travaux « Villard de Honnecourt ». Méfiance relative, mais méfiance quand même, il
n’y avait pas de raison d’envisager que ce genre de maladresse fut unique, même si la
majeure partie des textes était remarquablement traduite. À l’examen, d’autres recueils
n’ont pas fait mieux et même parfois encore plus mal 664 . L’effort complet de nouvelle
lecture a donné finalement « Les textes fondateurs de la Franc-Maçonnerie » 665 . Le tra-
vail de traduction s’est accompagné d’un effort philologique important, de la recherche
des sources, en même temps que des topics 666 présents.
Ils ont déterminé en grande partie le cadre d’une traduction « cohérente ». Il s’est
alors révélé un sens général, la création/construction spirituelle, se manifestant par
l’usage d’un vocabulaire particulier largement employé (lexique récurrent), comme
d’expressions identiques ou analogues. C’est à cette occasion que nous avons élaboré un
système de cotation des répliques selon une typologie nouvelle 667 . Le « croisement » des
notions, présentes d’un texte à l’autre, a permis de souligner une « évolution parallèle
des horizons notionnels » accompagnant la forte proximité des textes. Ajoutons que les
différents documents ont été traduits en continu, ce qui a permis de mobiliser immédia-
tement les voisinages, les parallèles, les ressemblances et les différences et de repérer
plus facilement des modifications insensibles ou des erreurs possibles de recopie. Nous
prendrons un exemple pour illustrer le propos.
Le recueil anglais contient un document intitulé Institution of Free-masons (que nous
avons codé J 668 ) qui est donné (par les plus éminents spécialistes) comme une version
manuscrite de The Grand Mystery of Free-Masons Discover’d (codé H 669 ) et qui com-
porte les sept mêmes répliques. Le texte manuscrit présente plusieurs différences avec
l’autre et celles-ci se sont révélées extrêmement précieuses pour déchiffrer les obscurités
du second. Ce sont, en particulier, de petits dessins insérés dans certaines lignes.
La septième question, par exemple, est suivie d’un petit rond divisé en quatre par
deux traits formant une croix verticale [ ] 670 . Dans chaque quadrant, est placé un point.
663
Eco, 2003 : 52-3.
664
Ferré, 2001 ; Négrier, 1995. Nous pouvons remarquer que ces ouvrages se copient souvent.
665
Langlet, 2006c.
666
Argument du discours, c’est-à-dire « de quoi » parle un texte, un chapitre, un ensemble de textes dans
ce cas. Le terme, utilisé dans les recherches maçonniques anglaises, traduit le topos des théories littéraires.
667
Langlet, 2006c : 599-607.
668
Ibid. : 327.
669
Ibid. : 291.
670
Ibid. : 331.
144
Cette particularité n’est généralement pas retenue comme pertinente et l’on peut voir, sur
des sites maçonniques de langue anglaise 671 , la mention [unprintable character] sans
autre explication. Même le site officiel de la GLUA le signale ainsi 672 ou, peut-être, a-t-il
été le premier (préséance oblige), les autres ayant suivi. Il semble, en résumé, que la
question ne se soit pas vraiment posée de savoir pourquoi ce dessin était là et s’il avait
un sens.
S’il n’est pas présent en H, l’identité des deux textes ne faisant aucun doute, nous
étions fondé à en tenir compte. La traduction s’étant faite en continu, cela nous a rappelé
l’explication donnée en G : « Pour montrer qu’il est dans le besoin, un maçon jette par
terre un morceau d’ardoise rond et dit : Pouvez-vous me donner la monnaie sur cette
pièce ? » (« can you change a Cole pence »). Le « petit rond » présent en J (caractère
non imprimable !) semblait l’illustration de ces mots. La vérification de la nature du des-
sin (hors des sentiers battus par la Maçonnerie) a montré que c’était l’illustration ordi-
naire, dans l’iconographie de l’Occident chrétien, d’une pièce de monnaie. On en trouve
notamment un exemple dans les Dix commandements en images d’Olivier Christin 673 .
Deux textes de la même époque permettaient, à condition d’en sortir, d’élucider les élé-
ments d’un troisième. Il nous a bien fallu faire une « inférence sur le monde possible »,
sortir du texte considéré où tout serait présent qui en permettrait l’interprétation.
671
http://www.themasonictrowel.com/Articles/Manuscripts/manuscripts/institution.htm
672
http://www.rgle.org.uk/RGLE_1725.htm
673
Christin 2003 : ill. 24.
145
littéraire particulier, quoique l’on puisse affirmer que le « catéchisme » relève, à
l’évidence, de la littérature religieuse 674 . Leurs caractères divers les rendent pourtant dif-
ficilement classables. Ils sont souvent faits de parties hétérogènes dont certaines peuvent
être descriptives, d’autres avoir cette forme catéchistique. Ce caractère particulier a servi
de fondement à l’élaboration des rituels tels que nous les connaissons. On comprend que
ces répliques étaient faites pour être prononcées à haute voix, pour être apprises, aussi, et
ensuite restituées, la plupart étant très structurées au plan de la langue. Mais il est facile
de constater que les parties plus descriptives des anciens textes, elles aussi, peuvent
comporter des répliques visiblement prononcées de vive voix. Ces phrases de style di-
rect, souvent sans recherche grammaticale, c’est-à-dire sans périodes rhétoriques
longues et ampoulées, comportent de plus des expressions idiomatiques. Elles sont, de
ce fait, intraduisibles comme telles. Ces textes sont destinés à une énonciation, reprise
performantielles lors de la cérémonie, ce ne sont pas de simples énoncés.
La plupart des traducteurs s’en sont souvent tenus, au moins pour le français, au mot
à mot, mais il ne semble pas possible de tenir cette position. Cela donne parfois des
textes que des gens fort cultivés, pris par une sorte de respect quasi superstitieux du « ri-
tuel », prononcent avec dignité, sans contester la bêtise de ce qu’on leur donne à dire. Un
deuxième défaut affecte les traductions maçonniques : à côté du mot à mot parfois in-
compréhensible, on a tenté de faire des textes français des modèles de grammaire, à la
syntaxe policée et au vocabulaire noble 675 . On a « lissé » la langue pour répondre à des
critères académiques : on ne saurait prononcer, le soir, au fond des Loges, des phrases
« incorrectes », contenant en outre des mots un peu populaires. Pourtant, c’est souvent le
cas en anglais, en tout cas dans les premiers textes. Mais ils ne restent que des modèles
d’inspiration.
674
Langlet, 2001b.
675
C’est aussi le cas dans les traductions en allemand, italien, espagnol : on naturalise les textes, comme
on l’avait fait pour la Bible.
676
Eco, 2003 : 8.
146
C’était peut-être encore, hypothèse inconcevable a priori, le cas d’un traducteur ayant
une peur révérencieuse de « déformer » un texte qu’il considérait avec tout le respect dû
au sacré et qui, de ce fait, traduisait mal. On dirait, une fois encore, qu’il a existé quelque
frein psychologique à faire passer en français ce qu’exprime le texte source. Il est juste
de dire que certaines formules « passent mal », et nous avons résisté autant que possible
à la traduction maçonnico-jargonnante. Dans les rituels de la GLNF, repris sans chan-
gement notable à la GLTS-O, on a traduit de nombreux termes de la manière la plus
« scolaire » possible : ils proposent des décalques impossibles à comprendre si l’on ne
fait un retour vers un texte anglais supposé.
Sans chercher à imposer l’idée que nos propositions sont les meilleures, nous avons
néanmoins cherché à rendre les termes ou expressions anglaises particulières par des
équivalents français les plus habituels, ou qui rendaient le mieux l’intention que nous
croyions discerner dans le texte, lorsque c’était possible. Parfois, les documents français
ont adopté des habitudes acceptables, parfois, ce qu’ils proposent représente une perte
significative de sens, parfois, la traduction est tout simplement stupide. Bien entendu,
nos propositions ont visé la fidélité du texte, mais ce concept est assez fluctuant et diffi-
cile à définir, bien que l’on puisse « sentir » si une traduction est fidèle ou pas.
La méthode est ici aussi impressionniste, mais une démarche rationnelle s’accorde
avec ce genre de « ressenti » que l’on tend toujours à masquer, question de culture !,
lorsque l’on présente des travaux universitaires. Pourtant, combien s’en servent quand
même, quitte à élaborer ensuite de savantes théories de « logique grecque » pour (tenter
de) masquer ces intuitions d’une manière acceptable
Prenons un exemple, révélateur, de traduction scolaire. Il ne viendrait pas à l’idée
d’un traducteur normal de traduire « it rains cats and dogs » par « il pleut des chats et
des chiens » sauf, comme le fait remarquer U. Eco « si c’était un roman de science-
fiction, écrit par un adepte des sciences « fortéennes », racontant qu’il pleut vraiment
des chats et des chiens » 677 . Un récent ouvrage sur les expressions idiomatiques a orné sa
couverture d’un dessin humoristique montrant une pluie de ces animaux et où le person-
nage humain, sous un parapluie orné de l’Union Jack, dit : « La traduction française fait
quand même moins mal » (première image ci-dessous) 678 .
Il avait été précédé d’un ouvrage utilisant un même genre d’illustration (deuxième
image) 679 . Les graphistes opèrent ici un changement de matière 680 en même temps qu’ils
677
Ibid. : 7-8.
678
Piat, 2008.
679
Desplats-Duc, 2000.
680
Eco, 2003 : 373.
147
font une ostension érudite, c’est-à-dire qu’ils font « comme si » ils interprétaient les
mots littéralement et de plus dans une autre langue, mais en fournissant assez d’indices
pour révéler qu’ils ne le font pas.
L’expression idiomatique utilisant les chats et les chiens anglais est un exemple bien
connu exprimant qu’il pleut vraiment très fort, ce que le français dit par « il pleut des
hallebardes », « des cordes » ou « à seaux ». Un ouvrage anglais pourrait jouer sur ce
même rapport, mais de manière inverse. Le ridicule de la situation trouve (a trouvé) de
nombreux exemples avec les traducteurs des rituels qui traduisent très souvent mot à mot
ce genre d’expressions dont ils ne cherchent pas l’équivalent français.
L’anglais exprime la manière d’exécuter le signe pénal par une expression concise et
imagée, « to cut the sign », que le français rend par « faire le signe pénal » 681 . Dans un
cas, on dit ce qu’on voit, le geste de couper, dans l’autre, on a intellectualisé l’énoncé en
renvoyant au principe sous-jacent. Les deux expressions renvoient au même geste, mais
la fait par des moyens différents. Ne considère-t-on pas l’anglais comme plus « concret »
que le français ? La traduction qui a été adoptée par les obédiences est « couper le
signe », qui ne correspond à rien sauf à ceci : on dit qu’un pain est un « signe », et on le
débite en tranches, ou on prend un signe graphique, « X », par exemple, et on le coupe
en deux 682 . Chaque mot est juste, l’ensemble est faux.
Outre cela, nous avons découvert dans ces traductions du rituel d’autres anglicismes
comme « copier » pour rendre l’anglais « to copy ». Ici, le verbe anglais possède de
nombreux sens, dont « transcrire », « recopier » et « reproduire », ce qui conduit au sens
de « comprendre » ou de « décoder » 683 . Dans le corpus maçonnique, le verbe est em-
prunté à une phrase comme « Demonstrate that proof to me by copying their
681
Nous renvoyons à notre étude sur les pénalités pour plus de détails sur ces signes : Langlet, 2009a 2.
682
Exemple réel, le chiffre romain V est la moitié de X. On ne parle pas ici de couper le signe, même si on
le fait, mais de diviser un nombre. Le signe n’est que la représentation du nombre et « couper » ne signi-
fiera rien avec d’autres types de signes.
683
Voir les conversations des radio-amateurs de langue anglaise « Do you copy me ? », mal traduit par les
cibistes français en un « tu m’copies l’ami ? », au lieu de « bien reçu ? » pour dire « avez-vous/as-tu com-
pris ce que j’ai dit ? ». Il existe, de plus, dans ce domaine, des usages pérennisés par les professionnels des
moyens radio.
148
example » 684 , devenue en français « en copiant leur exemple » !, alors qu’imiter existe, et
que l’on pourrait plutôt dire, nous semble-t-il, « en les imitant ». Nous avons aussi évité
de reconduire l’expression « il recouvre » (cherchant désespérément à traduire l’anglais
« to recover ») qui n’a rien de compréhensible, et qui est aussi du jargon maçonnico-
franglais nécessitant une démonstration physique permettant d’établir la relation entre
les mots et le sens. Cela signifie « faire le geste nécessaire de revenir au signe d’ordre
après avoir fait le signe pénal » et, dans ce cas, le français dira « il se remet à l’ordre ».
Pourquoi s’en priver ?
684
Rituel Emulation, par exemple, mais aussi tous les rituels en anglais.
685
Langlet, 2006c : 16-17.
686
Le mot attouchement est sans doute issu des « attouchements » du Christ pour guérir les malades, ce
qui a été attribué aux rois de France et d’Angleterre pour guérir les écrouelles. Ce n’est en grande partie
qu’une « action de toucher », le plus souvent de la main toute entière, ou de la main à plat. Le geste ma-
çonnique est différent de ce toucher puisqu’il s’agit d’un doigt appuyé sur une jointure de la main serrée à
ce moment-là.
149
décrit le geste qu’en partie et ne retient certainement pas ce qui est fondamental, qui est
d’abord une poignée de main forte et vigoureuse, une fois encore, un aspect concret. Les
Écossais d’Écosse apprennent, depuis l’enfance, que les Masons (leurs pères, leurs
oncles, leurs cousins, leurs voisins) ont une manière spéciale de se serrer la main, même
s’ils ne savent pas exactement laquelle. Pour cette raison, et pour garder toute la dyna-
mique d’une main solidement enlacée dans la main d’un frère, nous avons préféré con-
server « grippe » et éliminé de nos traductions un « attouchement » nous semblant d’une
grande faiblesse. Les habitudes sont bonnes lorsqu’elles vont au cœur des choses, non
quand elles installent des méprises.
Quant au terme « token », nous l’avons parfois rendu, par « preuves », selon le con-
texte. C’est ce qui, dans la Maçonnerie contemporaine, a pris aussi le sens de la
« grippe ». Les Rits anglais disent ainsi : « The grip or token… », et cela révèle que, au
moment de l’Union (1813), on a adopté un compromis lexical en forme de doublet, con-
sistant ici à ne pas choisir l’un ou l’autre terme. Certains auteurs ont soutenu que « to-
ken » ne désignait qu’un objet matériel, comme une pièce de monnaie, dont l’usage était
un moyen de reconnaissance. Ce n’est pas faux, mais n’est qu’une facette de la significa-
tion. Le mot signifie aussi « signe », un objet de souvenir, comme un « ex-voto » ou un
objet reçu en souvenir d’un événement (médaille commémorative). Il y a, dans « to-
ken », deux parties distinctes, au moins pour l’analyse, mais aussi dans sa conception
mentale et dans son usage : une visible, ou première, rappelant une absente, et seconde.
Un symbole —puisque cela se définit ainsi—, une partie présentée et une présentée en
retour, preuve d’acceptation de la première. Ce n’est pas contradictoire avec son assimi-
lation avec « grippe » : il s’agit alors d’un moyen corporel de reconnaissance composé
de deux parties. La grippe est donnée, et il doit y être répondu de la même manière. Il y a
dans le « token » le même échange que dans la grippe, « exposition/reconnaissance ».
Un excellent exemple d’illustration de don/contre don. Il y a certainement plus que dans
« attouchement ».
150
sans exprimer clairement quoi. On les a généralement considérés comme de simples fi-
gures littéraires d’insistance. Ce n’est pourtant pas faux, mais ne rend pas compte des
raisons ayant présidé à leur usage. Ils ont, pour cette raison, donné lieu à de spectacu-
laires pirouettes dans les traductions françaises, et à des explications aussi embarrassées
que confuses.
Nous les avons généralement conservés, en français, mais uniquement dans les textes
à caractère strictement rituel (catéchismes), où ils font maintenant partie de la « mu-
sique » de la langue à laquelle sont habituées les oreilles maçonnes. On les a en effet
toujours traduits ainsi, depuis les premiers textes, et l’habitude en est restée. Cela illustre
avec éclat un phénomène évoqué par U. Eco soulignant que « sans du tout prendre en
compte la plus ou moins grande fidélité par rapport au texte source, on peut étudier
l’influence qu’a pu avoir une traduction sur la culture où elle est apparue. En ce sens, il
n’y aurait pas une grande différence textuelle entre une traduction bourrée d’erreurs
lexicales et très mal écrite, mais qui a beaucoup circulé et influencé des générations de
lecteurs, et une autre que l’opinion publique aurait tendance à définir comme étant plus
correcte, mais qui a circulé après, et n’a vendu que quelques centaines
d’exemplaires » 687 .
De nombreux exemples peuvent donc être trouvés dans les rituels de ces erreurs lexi-
cales, mais aussi de mauvaise écriture, ayant tant circulées qu’elles en sont devenues la
norme. Ce fut aussi le cas de certaines erreurs dans la traduction biblique de saint Jérôme
qui n’ont été mises en cause que tardivement, par les protestants d’abord, plus tardive-
ment par les catholiques (les protestants l’avaient fait). En ce qui concerne les rituels,
notons que ces textes ont servi (et servent) de référence à d’inénarrables travaux symbo-
liques sur des notions qui sont, en réalité, identiques et équivalentes, mais où l’on a vou-
lu voir d’ésotériques et infimes variations en de subtils écarts. Si le sens se glisse bien
dans les interstices du texte, est-ce vraiment là qu’il convient de le chercher ? Les dou-
blets constituent une forme de tautologie et, en réalité, ils n’apportent en apparence que
peu de supplément de sens à l’énoncé, sinon aucun. Dans les parties de textes unique-
ment descriptives, nous les avons le plus souvent évités. Mais nous les avons toujours
indiqués en note, avec les deux vocables des textes originaux. Ils ont fini par constituer
une part importante de ces notes 688 .
Si l’on comprend leur présence dans les traductions des rituels, françaises ou autres,
par un respect pointilleux de textes dont on ne maîtrise pas le monde, pourquoi la récur-
rence d’un tel usage dans les textes en « anglais », les documents d’origine ? Il
687
Eco, 2003 : 200.
688
Nous reprenons ici nos explications de Langlet, 2006c.
151
s’explique, croyons-nous, par plusieurs facteurs. D’abord, le double héritage de la
langue : apport du franco normand d’un côté, et des langues germaniques de l’autre.
Henriette Walter parle de double filiation ou du double filon de l’anglais 689 . Elle y voit la
possibilité « d’effets stylistiques et le plus souvent des distinctions fort utiles » 690 , mais ne
souligne pas la généralisation progressive de cet usage dans tout type d’écrit. Pour
prendre des exemples dans les anciens catéchismes, il existe deux mots pour dire
« saint », « holy » et « saint ». Chacun a sa propre filiation, mais ils couvrent strictement
le même champ sémantique (en tout cas dans la réception qu’ils ont eue). À un moment
précis de l’Histoire, pour communiquer, les deux communautés, l’anglo-saxonne et la
franco-normande, ont appris à doubler les termes dans un nombre défini de cas où la
précision était requise et où chacun devait être en accord certain avec l’autre. Ces cas
étaient des textes normatifs, légaux, judiciaires, liturgiques.
Tout collégien français découvre, étonné, un exemple du phénomène en apprenant
que « sheep » et « mutton » désignent le même animal, mais selon deux états, l’un sur
pied et en plein air, l’autre cuisiné et dans un plat 691 . Le premier terme est d’origine ger-
manique (all. Schaf, néerl. schapen), utilisé par le peuple, classe productrice qui élevait
l’animal et en parlait comme d’un « sheep » ; l’autre est d’origine franco-normande et il
était plutôt utilisé dans les cuisines et les salles à manger, par le personnel de la classe
dirigeante. Le plat était ensuite présenté aux gouvernants qui le consommaient et qui
parlaient cette autre langue. On désignera ces deux états, en français, d’une autre ma-
nière, par « un » mouton lorsqu’il est sur pied, et « du » mouton lorsqu’il est sur table.
Ce phénomène du doublet n’était pas réellement une nouveauté outre-Manche. Il
avait préalablement existé entre les premiers habitants des lieux et les peuples venus du
Nord (« Vikings » en français, Nordmen en anglais, des Danois ou Norvégiens), depuis
e
le IX siècle. On distingue, par exemple, deux termes pour désigner le métier, l’art de
l’artisan, d’un côté « craft » (anglo-saxon), de l’autre « skill » (scandinave). Le temps a
fait qu’on les a employés ensuite à des usages différents, celui-ci pour exprimer la maî-
trise d’un art ou d’un métier, celui-là pour le métier ou l’art maîtrisé. Il est possible que
ce procédé de doublet ait été, dans la version « franco-saxonne », renforcé par les usages
d’une rhétorique latine où il était aussi abondamment utilisé. Le latin est déjà connu,
dans l’île, depuis l’implantation romaine, et il a eu, dès le début, une certaine influence
sur les écrits plus que sur la langue parlée. Le christianisme contribua ensuite à la diffu-
ser avec la culture romaine, par les auteurs chrétiens mais aussi les classiques. Cela
689
Walter, 1994 : 382.
690
Ibid.
691
Walter, 1994 : 284 indique que « cette particularité de l’anglais a surtout été rendue célèbre en 1819
par Walter Scott dans son roman Ivanhoe ».
152
constitue un autre double héritage linguistique, se superposant aux précédents. Les usa-
gers du latin étant des clercs, les textes qu’ils manipulaient étaient généralement « nor-
matifs », chacun selon son espèce. La précision y était requise, aussi bien en matière ju-
diciaire que liturgique, pour respecter les usages religieux mais aussi pour permettre de
respecter des textes de loi.
Dans nos traductions, la première occurrence du phénomène apparaît immédiatement
avec le texte A, dans « heill and conceall ». On a l’habitude de traduire cela, strictement
(un « mot à mot » glorieux), par « garder et cacher ». Ce doublet illustre le principe évo-
qué : un premier mot d’origine germanique (OHG. helan) 692 , un second d’origine latine
(concelare), par le franco-normand (conceal, conceler). On aurait pu traduire simple-
ment par un seul « cacher », « dissimuler », « taire », ou tout autre synonyme couvrant
ce champ notionnel. On trouve parfois, d’ailleurs, un seul de ces termes dans un rare
document au lieu des deux habituels. « Garder le secret » aurait fort bien convenu aussi,
mais pourtant, dans ce cas, le jeu entre un mot et l’autre n’aurait pu s’établir lorsqu’il
existe. Parfois, le doublet est doublé d’un second doublet qui se charge de l’éclairer ab-
solument, « heal and Conceal or Conceal and keep secrett »693 .
On trouve ensuite plusieurs expressions sur le même principe, dont « promise and
swear » (promettre et jurer), que l’on pourrait traduire par « jurer », et « keep and ob-
serve », par « observer », au sens d’observer une règle. Dans les serments, on trouve en-
core la célèbre formule « equivocation and mental reservation » traduite par le non
moins célèbre décalque littéral « équivoque et réserve mentale » des rituels français. Le
premier terme est un bel exemple de « faux ami ». L’équivoque est une « expression à
double sens », alors qu’en anglais « equivocation » est synonyme d’évasion mentale ou,
comme le dit très bien le français, d’arrières pensées. Ce n’est pas seulement une expres-
sion à double sens, c’est une pensée double, c’est-à-dire insincère. Il y a toujours dédou-
blement du sens, mais pour d’autres raisons. Dans le cas du serment, c’est l’opposé de la
sincérité, de l’entièreté de la parole. Les deux termes anglais sont en rapport
d’équivalence, non le français actuel, et cela a contribué à mettre en place ce sabir ma-
çonnique français qui n’est pas sans effet sur la juste compréhension des choses. Un pa-
tois de Canaan pour les textes maçonniques. Nous trouverons d’autres exemples dans
l’énoncé des conditions de la réception, avec « poor and penniless » 694 (L), rendu par
« pauvre et dépouillé de tout » (« pauvre et sans le sou »), qui aurait pu être rendu par
692
On découvre que ce terme est donné comme signifiant aussi « to roof », protéger, cacher, et on ne peut
s’empêcher de penser au « Tyler », le Tuileur ou Garde extérieur qui protège la Loge.
693
Langlet, 2006c : 164. Dans ce cas précis, on a une reprise du second terme qui sert d’articulation. Tout
cela semble destiné à faciliter la mémorisation. Ce serait donc une technique mnémonique, issue des pra-
tiques rhétoriques.
694
Langlet, 2006c : 368.
153
« pauvre » ou par « dépouillé de tout ». Mais la répétition, en français, permet de jouer
sur deux approches de la pauvreté, matérielle et spirituelle. Dans le même document,
l’expression suivante, concernant les yeux bandés, joue sur deux sens de « blind » en
l’associant aveugle à « ignorant »695 .
695
Ibid.
696
Ibid. : 104-105.
697
Ibid. : 164-165.
698
Ibid. : 510-511.
699
Ibid. : 576-577.
700
Ibid. : 538-539.
701
Ibid. : 364-365.
702
Ibid. : 104-105.
703
Ibid. : 256-257.
704
Nabati, 2007.
705
Au sens linguistique de l’unité discrète.
154
taire » 706 . Utilisé dans ces conditions, le doublet sert à fabriquer, avec les moyens ordi-
naires des usages de la langue, une forme de superlatif de supériorité pour exprimer le
plus haut degré d’une qualité. Outre une figure d’insistance, c’est une méthode silen-
cieuse permettant d’entrechoquer des notions et d’en suggérer une nouvelle, du plus haut
degré, la manifestation d’une acmé.
La question de la traduction s’inscrit dans une problématique plus vaste, le travail de
la langue. Un traducteur sait —et s’il ne le sait pas, il l’apprend vite— que son travail ne
doit pas être une imitation, démarche servile sous couvert d’humilité, mais qu’il doit
chercher à faire passer la puissance d’une langue dans la sienne. La difficulté, parfois
insurmontable, est la transformation qui s’opère, souvent vécue comme une menace pour
le texte source, mais parfois aussi par la culture cible qui n’admet pas d’atteinte à son
intégrité. Faire passer le discours d’origine sans sa langue, c’est aussi faire passer un peu
de soi déguisé en l’autre. C’est réinventer un texte, en n’oubliant pas que la traduction
constitue une perte qui s’efforce néanmoins de saisir tout ce qu’il y a d’inaccessible dans
le texte source. C’est un effort poétique, en même temps que rhétorique, d’invention
d’un texte nouveau, contraint par un autre antérieur.
706
Remotti, 2003 : 31.
707
De architectura libri decem.
155
Âge » en tant qu’objet du passé, dont on ne sait, à vrai dire, trop quoi faire et où le situer.
Il est vrai que les plus anciens textes revendiqués par la Maçonnerie, les Old Charges —
les « anciennes obligations » ouvrières— et quelques textes comme le manuscrit Re-
gius 708 , citent fréquemment Vitruve. Ce rapprochement, sur des critères vagues, entre des
disciplines, évoquées d’une part, par Vitruve et citées, d’autre part, parmi les arts libé-
raux, s’est mué en certitude.
La chose est d’autant plus contestable que l’on s’impose de préciser les similitudes et
de mieux scruter les textes. Il est d’abord nécessaire de les lire, et de les lire en entier, ce
qui n’était pas démontré dans le passé où l’on s’est souvent contenté d’approximations.
Les nouvelles avancées de la recherche maçonnico-historique, en Grande-Bretagne et en
France, ne relient donc plus, nécessairement, ces anciens textes à la Maçonnerie spécula-
tive (de « théorie »), celle qui se pratiquera « par rituel ». Les Obligations anciennes sont
sans aucun doute attachées à la maçonnerie de métier (de « pratique ») dont nous ne
connaissons, globalement, que ces textes, réglementaires et jamais rituels. Mais l’idée
sous-jacente de leur appartenance à la Maçonnerie, revendication de récupération, appar-
tient toujours à la « chronologie lisse », séquelle incontournable de la théorie de la tran-
sition 709 . On a peut-être conclu un peu vite que maçonnerie et Maçonnerie étaient pa-
rentes, nous l’avons évoqué plus haut en cherchant à démêler certains fils de l’écheveau.
Nous avions envisagé ces deux types de pratiques comme deux niveaux ontologiques, le
praktikè, matériel, et le theoretikè, spirituel. On ne peut qu’être frappé, sur ce point, par
les analogies avec La Consolation de Philosophie de Boèce (VIe s.) : « On y 710 lisait,
brodée sur la frange inférieure, la lettre grecque Π, et en haut un Θ 711 . Entre ces deux
lettres, on voyait comme une échelle avec des sortes de degrés permettant de monter de
la lettre inférieure à celle d’en haut » 712 . Justifier une « descendance » par le rappel des
métiers français du Moyen Âge 713 (Livre des métiers de Pierre Boileau, 1268 714 ) ne cons-
titue pas, non plus, une preuve en ce domaine, mais nous semble une légitimation dési-
rée sur des analogies imparfaites 715 .
708
Voir notre traduction du manuscrit (Langlet, 2009b) accompagné de sa présentation.
709
cf. supra.
710
Sur le vêtement de Philosophie qui apparaît à l’auteur.
711
Le note du traducteur (Guillaumin, 2002 : 149) est la suivante : « La lettre Π est l’initiale de πρακτικ
(φιλοσοφ α) « philosophie pratique », la lettre Θ celle de θεωρητική, « philosophie théorique », en latin
speculatiua, « spéculative », contemplative ».
712
Ce qui a permis de représenter Philosophie comme un personnage devant lequel une échelle est posée,
comme à Notre-Dame de Paris, par exemple.
713
En y « découvrant » une structure en trois grades…
714
Boileau, 2005.
715
Des extraits de l’Encyclopédie de d’Alembert concernant les métiers (de l’aiguillier au vinaigrier, en
passant par l’armurier, l’arquebusier, le chandelier, le fournaliste, le parcheminier ou le sellier) n’indiquent
qu’une chose : il existe deux types d’états, l’un exprimant une certaine infériorité sociale, l’apprenti puis le
156
3.6.2 Vitruve et arts libéraux
Comment faut-il comprendre la phrase des rituels britanniques ? Elle sous-entend une
pratique régulière (dans le temps !), c’est-à-dire une expérience continue, et les arts libé-
raux, tout anciens qu’ils sont, constituent le socle immémorial de cette étude et de cette
pratique. S’il est juste de dire que l’architecte romain cite des disciplines dont nous ren-
controns certaines dans le cycle de ces arts augustes, est-ce réellement suffisant pour
affirmer qu’il évoque les « arts libéraux » ? En outre, cette référence romaine justifie-t-
elle leur présence dans le corpus maçonnique ?
Le premier point est que les arts libéraux (« liberal arts or sciences ») ont, de manière
certaine, constitué l’essentiel du cursus scolaire médiéval occidental. Les écoles monas-
tiques de la réforme carolingienne 716 (formant les élites des royaumes d’Europe),
d’abord, ont utilisé ce cursus canonique, établi au Ve siècle et complété des enrichisse-
ments, apportés au VIe siècle, par Cassiodore 717 (Institutiones diuinarum et humanarum
lectionum 718 ) et par Boèce 719 (De consolatione philosophica). Les Étymologies d’Isidore
de Séville 720 , écrites vers 600, perpétuèrent leur contenu au cours du haut Moyen Âge 721 .
e e
Le renouveau de la vie régulière, à la fin du XI et au XII siècle, le développement des
chapitres cathédraux en France, des communautés monastiques en Angleterre 722 , mettent
de nouveau l’accent sur ces études. Les cisterciens, en particulier, ont revendiqué une
vocation intellectuelle n’ignorant pas les arts libéraux, et Saint Bernard en recommandait
l’étude aux clercs 723 . En outre, des maisons canoniales, comme l’école de Saint-Victor à
Paris, ont été des véritables instituts spécialisés dans les arts libéraux et la théologie.
L’ouvrage de Vitruve relève de la littérature technique et non de la spéculation intel-
lectuelle, encore moins spirituelle —en aucun, cas religieuse— traitant aussi bien de
construction mécanique (engins de guerre et autres machines 724 ) que d’architecture pro-
prement dite. Les exégètes de Vitruve ont constaté qu’il résume des traités et des ma-
nuels latins tardifs, sans doute utilisés par des maîtres d’architecture pour l’instruction de
compagnon, compétent mais employé, l’autre concernant le dirigeant et la supériorité sociale, le maître,
patron entrepreneur.
716
Sur l’impulsion d’Alcuin (730-804) qui est celui qui a inventé l’école de Charlemagne.
717
Cassiodore : c. 485-c. 580, fondateur du monastère de Vivarium.
718
Cassiodore, 1969. Écrit à l’intention des moines de Vivarium (introduction aux Écritures et aux arts
libéraux).
719
Boèce : 470-525.
720
Isidore de Séville : c. 565-636.
721
Le Livre 15 a été édité en français par Guillaumin-Monat, 2004, le 2, par Marshall, 1983, en anglais, le
9, par Reydellet, 1984, les 12 et 17, par André, 1986, le 19, par Marquez, 1995.
722
Cela désigne tous les royaumes britanniques, l’Angleterre, les Galles, l’Écosse et l’Irlande.
723
Verger, 1996 : 68.
724
Livre X.
157
leurs disciples. L’auteur, compilateur donc plus qu’innovateur 725 , a néanmoins produit
« le plus ancien traité d’architecture et aussi le seul d’avant notre ère qui nous soit par-
venu dans son intégralité » 726 . Nous citerons, dans la traduction de Claude Perrault 727
avec une orthographe modernisée, un passage sur les disciplines indispensables :
Il [l’architecte] doit donc savoir écrire et dessiner, être instruit dans la Géométrie, et
n’être pas ignorant de l’Optique, avoir appris l’Arithmétique, et savoir beaucoup de
l’Histoire, avoir bien étudié la Philosophie, avoir connaissance de la Musique, et
quelque teinture de la Médecine, de la Jurisprudence et de l’Astrologie 728 .
Cela représente une grande quantité de savoirs ou plutôt, comme il le fera remarquer
ensuite, une technicité dans certains domaines et une teinture pour d’autres. S’il évoque
la « philosophie », c’est pour dire que :
L’étude de la philosophie sert aussi à rendre parfait l’architecte qui doit avoir l’âme
grande et hardie, sans arrogance, équitable et fidèle, et ce qui est le plus important,
tout à fait exempte d’avarice […].
Il parle en réalité des qualités morales de l’architecte, ce qui est une préoccupation
très « romaine ». Quintilien ou Cicéron feront les mêmes remarques à propos du rhétori-
cien. Vitruve ne parle pas de philosophie, « amour de la sagesse », ou dont l’objet, pour
résumer Platon dans le Phédon, serait « de détacher et de séparer l’âme du corps » 729 .
Plus loin, on trouve une nouvelle allusion : « cette partie de la Philosophie qui traite
des choses naturelles, et qui en Grec est appelée Physiologie 730 , la rendra capable de
résoudre quantité de questions […] ». Ces questions seront la topographie,
l’hydraulique, l’aérologie, les principes des causes naturelles, et la médecine. Rien de ce
que la culture grecque entend par philosophie. Ensuite, Vitruve évoque l’astronomie,
appelée toujours astrologie : « L’astrologie lui servira aussi pour la confection des ca-
drans solaires par la connaissance qu’elle lui donne de l’orient, de l’occident, du midi et
du septentrion, des équinoxes, des solstices et du cours des astres ». Si l’architecte doit
725
Le premier humaniste à traiter de l'architecture est Alberti (De re aedificatoria), 1452, très lu par les
lettrés mais peu par les architectes, imprimé en 1486 et traduit en italien en 1550. Alberti a fait un « Vi-
truve moderne » à destination des humanistes et non des maçons (de métier), bien plus que suivi Vitruve
pour restituer l'Antiquité. Serlio, plus théoricien et utopiste que praticien a eu le plus de succès. Il inspirera
le Livre d’architecture de Jacques Androuet Du Cerceau, puis Palladio dans la seconde moitié du XVIe s.
726
Evers, 2003 : 6.
727
Il existe plusieurs éditions des dix Livres d’architecture, mais quelques-unes sont loin de proposer une
traduction fidèle. Nous avons utilisé une édition en fac similé qui ne peut que présenter un texte fidèle.
728
Vitruve, 1995 : 3.
729
Traduction de Victor Cousin : La fonction de la philosophie est de chercher à tarir, autant qu’il est en
elle, cette source fatale, d’élever peu-à-peu la créature humaine à la vérité, à la vertu, à la paix, à l’unité,
par la, liberté, en lui enseignant à s’affranchir des besoins du corps. Or, cet affranchissement porté à un
certain degré, c’est la mort, la mort n’étant que la séparation du corps et de l’âme. Le philosophe opère
en lui la mort dans le triomphe de la liberté sur les sens, et c’est précisément quand il meurt ainsi qu’il est
plus en possession de la vie ; et le phénomène de la mort sensible, loin d’être un obstacle, est un pas à
l’indépendance et à l’immortalité de l’âme.
730
Nous soulignons.
158
connaître les Lettres, c’est dans le but de « rédiger ses mémoires avec clarté ». Le dessin
permettra de tracer ses plans avec facilité, la géométrie servira à déterminer les empla-
cements des édifices, la règle et le cordeau, les alignements. L’optique l’aidera à trouver
les bons emplacements pour les ouvertures, l’arithmétique lui permettra de faire le total
de ses dépenses, l’histoire fera connaître l’origine des ouvrages, et la médecine, « les
climats, que les Grecs appellent κλ ματα, la qualité de l’air des localités qui sont saines
ou pestilentielles, et la propriété des eaux » 731 .
Le Romain ne s’intéresse pas, on le voit, aux « arts libéraux », définis six siècles plus
tard par le carthaginois Martianus Capella, puis entrés dans l’éducation des médiévaux.
Les disciplines n’ont d’importance que dans la formation du « bon architecte ». On ne
trouve jamais ici le corpus canonique connu sous la double forme trivium et quadrivium.
Les arts de Vitruve sont techniques et n’ont qu’un but pratique car, même « pour ce qui
est de la Musique, il [l’architecte] doit y être consommé afin qu’il sache la Proportion
Canonique et Mathématique pour bander comme il faut les machines de guerre », ou
« pour disposer les vases d’airain que l’on met dans les chambres sous les degrés des
Théâtres » 732 . Bruno Belhoste fait remarquer avec juste raison : « Comme l’ont souvent
noté les commentateurs, les prétentions théoriques de l’architecture vitruvienne appa-
raissent d’autant plus maladroites que la ratiocinatio [la réflexion théorique] vient après
la fabrica [la pratique constructive], dont elle n’est qu’un simple commentaire » 733 . Vi-
truve, architecte rédigeant un traité d’architecture, ne parle de constructions que maté-
rielles ; la spéculation philosophique, « vaine préoccupation », n’est pas son propos.
731
Vitruve, 2008.
732
Vitruve, 1995 : 6.
733
Belhoste, 2007.
734
Hadot, 2006. Les arts en tant que cycle de sept sciences n’apparaît pas avant Martianus Capella.
159
Le Délien [Apollon] suggéra alors [à Jupiter] que Médecine et Architecture se trou-
vent parmi celles qui étaient prêtes à se faire entendre. « Mais puisque ces jeunes
femmes s’occupent de choses mortelles et que leur talent porte sur les réalités ter-
restres, et qu’elles n’ont rien de commun avec l’éther et les dieux supérieurs, il ne se-
ra pas déplacé qu’on les éconduise. Elles resteront silencieuses devant l’assemblée
céleste et seront examinées en détail plus tard par la fiancée [Philologie] elle-même »
[891].
La cause de l’exclusion n’est pas la dignité des sciences —elles sont toutes les deux
évoquées et représentées allégoriquement par des jeunes femmes, comme les sciences
retenues. En outre, l’architecture était pleinement respectée à Rome, ce qu’il n’ignorait
pas, « Vitruve lui ayant même subordonnée toutes les autres sciences existantes » 735 . Ce
qui fait obstacle est, déclare-t-il, l’objet même de ces sciences : « choses mortelles » et
« réalités terrestres ». Il sera facile d’objecter que la géométrie s’occupe aussi de réalités
terrestres, mais ce n’est pas son seul objet (à la différence des deux autres), et elle per-
met, aussi, de s’élever vers les réalités célestes.
Jean-Yves Guillaumin remarque, dans sa préface à La consolation de Philosophie,
que l’un des thèmes des Noces de Philologie et de Mercure est bien « le voyage céleste,
puisque Philologie monte aux cieux pour y rencontrer Mercure auquel elle est pro-
mise » 736 . Il nous fournit un indice sur les raisons du choix, comme du lien entre les
sciences retenues : elles ont toutes des applications permettant d’atteindre les domaines
divins. Elles ne sont pas « matérielles ».
Dans son intervention à propos de L’encyclopédisme de Martianus Capella, Jean-
Baptiste Guillaumin 737 résume les travaux éclairants de Ilsetraut Hadot 738 :
Pour I. Hadot, il est vain de chercher dans les textes d’époque hellénistique, puis
chez les auteurs latins classiques (en particulier chez Cicéron), la trace d’un cycle des
« sept arts libéraux » aussi précis et déterminé que le sera le cycle médiéval formé
par le trivium (les trois arts « littéraires ») et le quadrivium (les quatre disciplines
« scientifiques »). Lorsque Cicéron parle d’artes liberales, il ne s’agit absolument
pas pour lui d’une liste de sciences en nombre déterminé : en principe, ces arts ‘libé-
raux’ comprennent toutes les sciences qui sont dignes d’un homme libre 739 . En fait,
Cicéron fait un certain choix entre ces sciences. Mais ce choix ne coïncide pas du
tout avec les sept arts libéraux qui nous sont connus par le Moyen Âge […] pour Ci-
céron, ce qui compte, c’est l’étude de la littérature grecque et latine, de l’histoire, de
la philosophie (la dialectique comprise), de la rhétorique et du droit romain.
735
Guillaumin, 2007 : 54. Mais l’approche n’est pas la même. C’est sans doute aussi ce qui fait prendre à
de nombreux Maçons l’architecture matérielle comme ancêtre de leur rituel.
736
Guillaumin, 2002 : 11.
737
Guillaumin, 2007 : 49.
738
Hadot, 2006.
739
Cela souligne la différence entre l’otium et le neg-otium, le loisir et les affaires publiques, d’une part, et
le travail, c’est-à-dire un métier manuel relevant des producteurs/artisans, d’autre part.
160
Vitruve ne fera que peu allusion aux arts du trivium à la fin du premier chapitre du
Livre I, si ce n’est pour supplier « César, et tous ceux qui liront mon livre d’excuser les
fautes qui s’y trouveront contre les règles de la Grammaire, et de considérer que ce
n’est ni un grand Philosophe, ni un Rhétoricien éloquent, ni un Grammairien achevé,
mais que c’est un Architecte qui l’a écrit » 740 . C’est un architecte qui ne parle qu’en ar-
chitecte. La répartition —du savoir et du « savoir-dire »— adoptée par Martianus Capel-
la n’existe pas encore. Et Jean-Baptiste Guillaumin d’ajouter :
De fait, I. Hadot situe l’émergence de ce cycle fermé de sept sciences dans le con-
texte philosophique très précis du néoplatonisme – la première occurrence certaine
de ce cycle étant constituée par la liste donnée par Augustin dans le livre II du De
Ordine, ouvrage fortement imprégné de conceptions néoplatoniciennes. Les travaux
d’I. Hadot permettent donc de remettre en cause l’idée d’un cycle bien structuré des
sept arts libéraux qui aurait marqué l’enseignement à Rome et dans l’empire romain,
et invitent à ne pas chercher dans l’egkuklio paideia [encuclio paideai] reven-
diquée par un certain nombre d’auteurs latins une correspondance avec des matières
enseignées dans les écoles : s’il est possible que l’expression egkuklio paideia
ait désigné à l’origine « l’éducation habituelle, courante » – sens visiblement très fré-
quent dans les textes grecs–, en revanche les textes latins qui reprennent à leur
compte cette notion semblent privilégier l’idée (étymologique) d’une parenté entre
les sciences, formant ainsi, en quelque sorte, les « membres » d’une totalité orga-
nique qui s’exprime parfaitement dans l’image du cercle, reprise par Quintilien préci-
sément pour traduire en latin le concept grec d’egkuklio paideia 741 .
La constitution du cycle des sciences libérales est, semble-y-il, fondée sur leur objet
final, permettre à l’âme de se libérer du corps, conception très néo-platonicienne des
rapports âme/corps et du but de la vie. Bien que ne faisant pas partie des arts libéraux, la
philosophie est considérée comme le domaine de la connaissance englobant tous les
autres ou, comme le présente Martianus Capella, comme leur aboutissement 742 . On dira
e
qu’il leur subordonne les autres arts. C’est ce qu’illustrera magnifiquement, au XII
161
nouvelle dimension au travail, devenu participation à l’œuvre divine, le christianité
n’abaissa pas pour autant les tâches de l’esprit. L’Église développa cette idée que les arts
libéraux étaient les différentes étapes d’une hiérarchie du savoir, mais la théologie prit la
place de la philosophie antique 745 .
Le trivium, science des mots, est maintenant utilisé pour comprendre les Écritures ou,
plutôt, elle l’est, comme préparation à cette étude ; les sciences des nombres (qui ne sont
pas, comme on l’affirme souvent, des disciplines scientifiques ou mathématiques) de-
viennent le moyen d’entrevoir comment Dieu a organisé le monde (selon « mesure,
nombre et poids » 746 ). Le savoir des philosophes et des autres auteurs antiques 747 est ad-
mis et doté d’un nouveau statut gommant la méfiance vis-à-vis du savoir païen748 : il de-
vient l’intuition préchrétienne des vérités de la Providence, et peut alors être utilisé lici-
tement dans la société chrétienne. Les livres du judaïsme sont de même intégrés, dans la
mesure où ils deviennent « l’annonce », c’est l’Ancien Testament. Il est alors juste
d’affirmer que : « Fidèle aux idées exposées par saint Augustin dans le De Doctrina
christiana et le De Ordine, l’enseignement médiéval place la foi au centre de toute con-
naissance et les arts libéraux en propédeutique 749 à l’étude de la théologie » 750 . Toutes
ces disciplines sont utilisées dans un seul but, aider à comprendre Dieu, celui qui
745
La théologie prenait la place de la philosophie, comme seule philosophie admissible, puisque fonde sur
la révélation unique, notion qu’un Grec n’aurait pas admise.
746
Sg 11, 20 : « vous avez tout réglé avec mesure, nombre et poids ».
747
On lit toujours Virgile !
748
Le terme même renvoie à une reconfiguration des valeurs qui rejette les classiques dans le monde « pré-
chrétien ».
749
Nous soulignons.
750
http://classes.bnf.fr/dossitsm/occichre.htm.
162
s’exprime dans la « Bible ». Le carolingien, puis le médiéval, ont adapté Boèce à la
christianité. Les sept disciplines préparant à l’Écriture, la connaissance de la langue et de
ses mécanismes constituent le soubassement de l’édifice projeté, la clé de toute connais-
sance positive. C’est ce que rappelleront les maîtres de l’École de Chartres, Guillaume
de Conches 751 et Bernard 752 , comme ceux de l’école de Saint-Victor, Hugues, Richard et
André.
Ainsi, nous n’avons pas, contrairement à ce que soulignait Bruno Étienne, une con-
frontation entre les « beaux arts et les arts pratiques », ou « les arts libéraux contre les
arts méchaniques ». Il s’agit, pour la Maçonnerie, de la construction d’un espace con-
ceptuel, et non de la conception d’un « espace architectural » 753 . Les rituels maçon-
niques évoquant les arts libéraux rappellent sans doute davantage un savoir fondé sur la
manipulation des objets de langue, plus particulièrement sur une pratique de la parole,
dont la fin ultime, osons le pléonasme, est la connaissance des réalités spirituelles, plutôt
des savoirs techniques qui n’y seraient pas à leur place, même symbolique.
751
Guillaume de Conches : c. 1080-c. 1150.
752
Bernard de Chartres : c. 1130-1160.
753
Boudon, 2003 : 5-32.
754
On hésite parfois sur la dernière dénomination.
755
Œuvre d’un clerc. Nous renvoyons à Langlet, 2009b.
756
Augustin, 1997.
757
Augustin, 1993 : III, 3.
758
Ibid. : IV, 16.
759
Augustin, 1997 : IV, 11, 26.
163
ses parties. Cela révèle davantage une technique exégétique, comme cela était entendu,
qu’un savoir grammatical : on ne peut parler de grammaire comme nous le faisons.
C’est pourtant le terme consacré par l’ensemble de ces textes. Roland Barthes, pour mo-
derne qu’il soit, n’en méconnaîtra pas l’importance 760 .
Quant à la rhétorique, elle est, dans la tradition classique, surtout considérée comme
l’art d’argumenter ou, disons-le autrement, comme l’art de persuader ou de convaincre.
C’est, d’abord, la définition d’Aristote (« ce qui peut être propre à persuader » 761 , « ce
qui permet la persuasion » 762 ). C’est, encore récemment, la position de Chaïm Perelman
(« toute argumentation vise à l’adhésion des esprits » 763 ). L’usage de la parole ici est
directement lié à une notion d’efficacité. En fait, suivant les époques et les auteurs, on a
défini la rhétorique de trois manières différentes, mettant chacune l’accent sur une carac-
téristique : comme Aristote, un art d’argumenter, comme Platon, l’art de manipuler,
comme Quintilien, l’art de bien parler 764 . Ce dernier reste technique, et un autre Romain,
Cicéron, soulignera les « vertus » de l’orateur. Il est en cela, comme Vitruve, très « ro-
main » dans sa démarche, en introduisant une donnée vertueuse où le « bien parler » est
aussi, et avant tout, être un honnête (vertueux) homme. La rhétorique s’interroge sur
elle-même, comme le fait remarquer Alain Michel765 .
Platon faisait intervenir un point de morale, pour dénoncer (les dérives de) la rhéto-
rique : manipuler est immoral, le rhéteur manipule, donc le rhéteur est immoral. N’y en
avait-il pas d’enseignement à l’Académie dont, dit-on, Aristote encore étudiant aurait été
chargé par le maître ? La manipulation est envisagée comme une persuasion perverse. La
manière dont on jugera, dans nos contrées, la Rhétorique, « reposera longtemps sur cette
pétition de platonisme » 766 . On classe aussi, dans le « persuasif », les discours judiciaires
(plaidoirie), les discours politiques (et le pamphlet, et la propagande 767 ), religieux (prône
et sermon), philosophiques 768 , la publicité 769 mais aussi (pourquoi pas ?) la fable et… la
760
Barthes, 2002 : 545-551.
761
Aristote, 1991 : 82 (M. Meyer, trad.)
762
Aristote, 2007 : 44 (J. Lauxerois, trad.). Nous préférerons cette dernière traduction, d’un français plus
élégant.
763
Perelman-Olbrechts-Tyteca, 1970. L’école de la « nouvelle rhétorique ».
764
Barthes, 2002 établit un trio différent : Aristote (avec une définition compliquée de sa technè, « institu-
tion d’un pouvoir de produire ce qui peut être ou ne pas être »), Cicéron (« un savoir enseigné à des fins
pratiques ») et Quintilien (la technè d’Aristote et les fins pratiques de Cicéron). Meyer, 2004 : 5 définit la
conception de Platon comme « une manipulation de l’auditoire », celle de Quintilien comme « un art de
bien parler (ars bene dicendi) » et celle d’Aristote comme « un exposé d’aguments ou de discours qui
doivent ou visent à persuader ».
765
Cité dans Fumaroli, 1999 : 17.
766
Aristote, 2007 : 8.
767
Alméras, 2003.
768
Noille-Clauzade, 2004.
769
Adam-Bonhomme, 2007. La publicité est elle-même souvent méprisée, comme manipulation des es-
prits dans un but mercantile, ce qui dans une culture catholique sent souvent le soufre. Nous n’échappons
que difficilement à nos conditionnements, surtout lorsqu’ils sont informulés.
164
lettre de « motivation » 770 . Aristote n’ignore pas le point de morale souligné par Cicéron,
en affirmant que « c’est le caractère moral de l’orateur qui amène la persuasion » 771 ou
sa « disposition éthique » 772 . La rhétorique médiévale et post-médiévale conservera ce
souci d’honnêteté vertueuse qui s’oubliera plus tard. Elle se trouve toujours au carrefour
des valeurs morales, et ne reste pas qu’une seule technè. Elle couvre en outre de nom-
breux champs d’investigation, nous mettrons l’accent sur certains points trouvant une
application dans ou à propos des rituels maçonniques.
Le discours rhétorique, fait de parole et acte de communication, est habituellement
schématisé par un locuteur face à un allocutaire (orateur et auditeur) et, entre les deux, le
discours du premier en direction du second. L’émetteur cherche à persuader l’auditoire
du bien fondé de son discours, c’est-à-dire à le faire adhérer à son propos. Il s’efforce en
quelque sorte à transformer l’allocutaire, à changer son être par le partage conscient des
valeurs de son discours. Ce dernier entre dans une stratégie de négociation de la distance
entre les deux sujets, dont nous dirons pour le moment que ce sont des individus. Il n’a
pas manqué d’études soulignant cet effort de réduction de « l’autre » pour le faire deve-
nir le « même », dans une certaine mesure, qui « consisterait à abolir l’opposition de
l’autre et du même » 773 . Nous considèrerons cela comme une sorte de face à face entre
deux personnes reliées par le discours 774 . La première utilise différents procédés qui,
pour avoir été classés et re-classés, sont devenus des catalogues de figures et un réseau
de formes. Cela sous-entend une certaine fixité, et certains ont considéré l’ensemble
comme figé ou mort, ou une simple manière d’ornement.
La structure du discours reste « grecque », c’est un discours « logique » 775 , construit
de manière raisonnable pour un auditoire raisonnable, et qui s’appuie sur le logos. C’est
un couple très occidental raison/parole 776 . Deux autres questions sont toujours soulevées
à propos de l’élaboration du discours argumentatif, l’une à propos du locuteur, l’ethos, et
celle centrée sur l’auditoire, le pathos. Le processus engageant (d’abord ?) un locuteur
producteur du discours, la question de l’ethos pourrait être formulée ainsi : quelle image
projette-t-il (projette-t-on ?) dans son discours (ici, nous considèrerons la voix comme
celle du rituel), quelle autorité, quelle crédibilité ?
770
Reboul, 1991.
771
Aristote, 1991 : 82, Livre I, 2, § 4.
772
Aristote, 2007 : 44 [1356a].
773
Zumthor, 1980 : 70.
774
La notion de personne serait à préciser, la réalité pouvant être plus complexe, mais nous conserverons
ces principes pour plus de clarté.
775
La structure du discours biblique est assez différente, voir Meynet, 1996 : VII, et Meschonnic, 2004.
776
La question de savoir si cette structure est universelle fait partie de l’ethnocentrisme occidental.
165
La question du pathos 777 , à l’opposé, est définie comme centrée sur l’auditoire,
l’allocutaire. C’est une projection d’objets conceptuels destinée à susciter en lui une
émotion, une passion, pour le toucher et le convaincre. Appel aux grands sentiments, au
beau, au vrai, à l’ineffable, à l’effort partagé, à la charité, aux vertus. Cicéron y voit trois
ressorts principaux : plaire, instruire, émouvoir 778 . Tout cela trouve dans les rituels et les
études ne manqueraient pas si l’on prenait le temps de s’y appliquer. Pour Aristote, la
force de la parole est le moteur de l’action sociale, et le locuteur a un rôle déterminant,
comme la raison et la passion. Dans tous les cas, les rhéteurs et les rhétoriciens fonction-
nent dans un schéma unique : un individu produit un discours en vue d’en convaincre un
autre et s’appuie pour le faire sur un certain nombre de techniques, une conception de
lui-même et de l’autre, une encyclopédie partagée, et une composition du discours.
777
Jean Lauxerois (traducteur de Aristote, 2007) préfère « disposition affective » à l’habituelle passion.
778
Cicéron, 1950 : II, 128.
779
Et même parfois un mélange des deux.
780
Langlet, 2004a : 367-75.
781
Voir aussi, Langlet, 2006c : 459.
782
Langlet, 2009a 2.
166
Il ne s’agit en aucun cas d’un simple ornement, c’est-à-dire d’une chose futile et non
nécessaire. C’est, au contraire, quelque chose de beaucoup plus profond. Ce n’est pas
non plus la description d’une « scène réelle », même si on s’efforce de tout mettre en
scène, en y apportant quelque précision. Ce serait méconnaître les techniques de cet
art de la parole (justement !) qu’est la rhétorique que de s’en tenir au rire, ou au sou-
rire amusé et légèrement condescendant. C’est souvent parce qu’on méconnaît, jus-
tement, les arts de la parole qu’on passe un peu vite sur cet aspect des « pénalités ».
Nous pensions que ces textes s’appuyaient sur l’utilisation de descriptions sanglantes,
de scènes affreuses ou de tableaux épouvantables seulement dans un but de mémorisa-
tion, largement souligné par la Rhétorique à Herennius 783 . Nous ajoutions, en consé-
quence :
Tout concourt ici à imprimer la phrase, la scène, le tableau, ou tout autre élément
concerné, dans la mémoire. Ce qui choque, surprend, heurte, déconcerte, crée une
émotion. Cela « affecte » l’auditeur/lecteur. Et un tel choc sert à stimuler l’esprit,
et… « donne » à penser. Même dans le cas du rire, la scène a touché son but, qui est
d’accrocher l’attention. L’émotion ainsi créée permet d’imprimer durablement
l’image dans l’esprit de l’adepte. L’image surprend, et la surprise produite crée une
rupture avec le quotidien, elle suggère une scène hors du commun. Elle permet donc
de « mouvoir » l’âme, de susciter un changement dans l’esprit de celui qui est « sur-
pris ». Ce n’est pas une découverte, et maints textes anciens contiennent des scènes
de ce type. Elles ne sont pourtant le plus souvent lues qu’au « premier degré ».
Nous n’avions pas envisagé cette facette de l’art comme destinée à convaincre, et les
énoncés comme appartenant à une rhétorique des « dispositions affectives » (rhétorique
des passions). Nous sommes ici, semble-t-il, dans le « persuasif émotionnel », fondé sur
un pathos omniprésent et non sur (strictement) le déroulement rationnel d’un logos or-
ganisé. C’est aussi une figure d’amplification utilisant un discours de l’abject pour forcer
la mémoire, et qui ne manque jamais sa cible. Tout le monde retient le contenu des ser-
ments, d’autant que leur présence s’oppose au reste du discours, plus conventionnel.
Nous ne sommes pas face à la rhétorique d’un film d’horreur ou fantastique, tout entier
fondé sur une combinaison permanente de monstruosités pour emplir le regard. Au con-
traire, ici, l’image sanglante se détache sur un arrière-plan plus calme.
L’usage révèle du même coup la prise en compte d’un autre élément de la technique
rhétorique, la mémoire, injustement négligée depuis la mise en écrit des productions dis-
cursives. Dans les ouvrages récents du domaine, et parfaitement universitaires, on
l’oublie même parfois en citant les parties de la rhétorique 784 ou on passe très rapidement
783
Herennius, 2003 : 120-3.
784
Pougeoise, 2001 n’en retient que quatre (comme beaucoup) dans son introduction (action, disposition,
élocution, invention), puis il évoque néanmoins la mémoire en soulignant « que l’on a tendance au-
jourd’hui à [la] négliger ».
167
dessus 785 . Chaïm Perelman n’en dit pas un mot, même dans son Index analytique. Nous
avions préalablement soulevé certaines questions liées à la mémoire, et avions relevé
qu’elle « a été désignée assez généralement à l’aide de vocables comme chambre, gre-
nier, magasin, réserve, bibliothèque, armoire, ruche, trésor, etc. » 786 , ce qui, dans la sé-
mantique maçonnique, s’appelle simplement « des symboles ». Nous reviendrons sur ce
point.
L’usage peut être considéré comme une « mise en action » de la même technique rhé-
torique présente en mots, dans les serments. S’il peut servir d’accroche mémorielle, c’est
en raison de l’actualisation qu’il produit de la figure, persuasive et rattachée aux « dispo-
sitions affectives ». Cela se produit par le passage du langage (les mots) au domaine des
sens. Une rhétorique des passions sensorielles. Il en sera de même de la « coupe
d’amertume » 791 où l’émotion gustative crée un choc sensoriel qui se transformera en
souvenir durable. Ces exemples permettent, croyons-nous, de souligner que la rhéto-
rique, généralement sujet de théorisation, prétexte à développer un métalangage sur un
métalangage (selon la thèse de Roland Barthes : « la rhétorique est un métalangage » 792 ),
que la rhétorique, donc, n’est pas seulement cela, mais qu’elle existe comme application
—ce dont personne ne doute vraiment mais n’envisage que rarement. La question est,
justement, que les textes maçonniques contiennent des exemples de cette rhétorique au
travail, rhétorique opérante, en prise sur la pratique de l’adepte (l’exercitant 793 ). Du dis-
785
Meyer, 2004.
786
« L’aiguillon de la conscience », à paraître dans Langlet, 2009a.
787
Langlet, 2004a.
788
Les études à propos de la légende d’Hiram ont élargi le point de vue par la comparaison avec d’autres
types de récit, contes et légendes, qui retiennent ces objets et par l’analyse qui en ont été faites par divers
auteurs.
789
« Les pénalités, ça sert à quoi ? », à paraître dans Langlet, 2009a.
790
« L’aiguillon de la conscience », page 20 (sous sa forme actuelle d’article).
791
Langlet, 2004a : 224.
792
Barthes, 2002 : 528.
793
Ibid. : 737.
168
cours, oui, mais pratique, utilisant le support du corps. Cela semble un nouvel exemple
de technique mnémonique.
794
Anscombre-Ducrot, 1988 : 113.
795
Voir plus haut.
796
Barthes, 2002.
797
Loyola, 1986.
169
les jésuites ont été parmi les seuls à poursuivre l’enseignement de la rhétorique à partir
e
du XVI siècle, et « jusque vers 1750 ». Après le déclin jésuite, elle sera « quelque peu
relancée par la franc-maçonnerie » 798 . Dont acte. Mais il a raison de nuancer son affir-
mation en rappelant que cet enseignement a persisté en Angleterre et en Allemagne
après la fin du Moyen Âge. Nous ajouterons, comme le soutiennent les auteurs anglo-
e
saxons, que cet enseignement a peut-être continué jusqu’au milieu du XIX siècle. Les
textes maçonniques de William Preston 799 à la fin du siècle précédent y feront largement
référence en reprenant à la lettre les définitions classiques habituelles. La plupart des
rituels le feront ensuite aussi. Yves Delègue note, à propos de l’enseignement de la rhé-
torique, que « De nos jours, le retour du sémiologique s’est également accompagné d’un
retour du rhétorique après son éviction au début de ce siècle [XXe] » 800 . On pourrait in-
verser les termes en voyant, dans le retour de la rhétorique, une arrivée du sémiologique,
réinvestissant l’espace comme science des signes et de la signification, sous un nom
nouveau, après une longue traversée du désert de la science médiévale de la significa-
tion.
Roland Barthes décrit le processus des Exercices à partir d’un quarté de textes : le
premier est celui d’Ignace au directeur de la retraite, le second, celui du directeur à
l’exercitant, le troisième est « un texte agi » 801 à partir du second (mais premier pour
l’exercitant), et « composé avec les méditations, les gestes et les pratiques données par
son directeur » 802 . Le quatrième texte permet à l’exercitant d’atteindre « le signe libéré
par la divinité » 803 . Cela autorise Roland Barthes à remarquer que l’exercitant « assume
un rôle double, étant destinateur ici et là destinataire » 804 . Il est, ici, d’abord occupé par
une « rhétorique de l’invention », telle que Mary Carruthers l’a étudiée, pour d’autres
raisons, dans ses divers (et remarquables) ouvrages 805 . Le discours qu’élabore le prati-
quant (l’exercitant) se fonde sur un texte qui lui est fourni, et il doit ensuite, pourrait-on
dire, créer « une langue nouvelle qui puisse circuler entre la divinité » 806 et lui-même, à
partir de ce support de méditation et de la technique de langage mise en action.
798
Ibid. : 557.
799
Preston, 2001. « Rhetoric teaches us to speak copiously and fluently on any subject, not merely with
propriety alone, but with all the advantages of force, elegance, and beauty; wisely contriving to captivate
the hearer by strength of argument [nous soulignons] and beauty of expression [nous soulignons] , whe-
ther it be to intreat and exhort, to admonish or applaud » (édition de 1776, p. 93).
800
Delègue, 1990 : 201.
801
Barthes, 2002 : 737.
802
Ibid.
803
Ibid. : 738.
804
Ibid.
805
Carruthers, 1998b, 2001 et 2002.
806
Barthes, 2002 : 739.
170
Roland Barthes reconnaît que l’acte de méditation, « c’est se fixer, c’est éliminer et
même éliminer continûment, comme si la fixation mentale d’un objet ne pouvait jamais
être le support d’une emphase positive mais seulement le résidu permanent d’une série
d’exclusions actives » 807 . On sent qu’il le regrette, les termes « positif » et « résidu »
étant assez habilement positionnés pour permettre de faire sentir sa déception intellec-
tuelle. Mais il décrit tout le processus de la pensée humaine ne pouvant se focaliser que
sur un objet à la fois, processus permanent d’exclusion, destiné pour mettre un peu
d’ordre dans le continuum qu’est le monde 808 . La discrimination sert précisément à dé-
sembrouiller la confusion, la « rage taxinomique », à tenter une mise en ordre pour four-
nir les limites de l’action 809 .
171
de mémoriser de « méthodes médiévales” » 816 . Si ces techniques d’apprentissage et de
restitution choquent certains esprits modernes, l’organisation du savoir, en particulier en
séquences rythmées ou cadencées, n’a pas disparu. Il conserve des formes anciennes,
formulettes-comptines 817 (Une poule sur un mur, Qui picotait du pain dur, etc.), mais a
pris des formes nouvelles, si répandues qu’elles en sont invisibles, dont les slogans pu-
blicitaires sont un exemple (Le Port-Salut, c’est écrit dessus ; Vous en avez rêvé, Sony
l’a fait). Tout n’est pas si noir et la méthode a sans doute des qualités oubliées.
Sur quoi repose la méthode des lieux ? Il s’agit de construire mentalement une archi-
tecture strictement structurée, ou familière, et d’associer les idées abstraites à un objet
ou à un endroit de cette construction. L’association mots/images n’est pas neuve. La
mémoire était déjà considérée, classiquement, comme un contenant 818 . L’allemand utilise
le verbe er-innern, « entrer dans », pour désigner le souvenir 819 . Celui-ci permet d’y dé-
poser des objets, comme des parties du discours, qui en constituent le contenu, de ma-
nière ordonnée, et on visualise l’ensemble, le contenant et ses éléments, comme une réa-
lité mentale dotée d’une puissance de création. Nous avons étudié ce point et nous avons
souligné que
Le vocabulaire de l’architecture fournit aussi des termes particulièrement adaptés
comme le palais, le temple ou le sanctuaire (St Augustin), mais aussi la tour et, sur
un plan plus large, la ville entourée de remparts, ou le jardin. Nous y ajouterons
l’arche, sous les deux espèces bibliques du coffre et du bateau, mais la différence
n’est pas toujours très nette dans les représentations qui en ont été tirées. Certaines
arches flottantes ou en construction sont des coffres, ou de grandes habitations car-
rées simplement couvertes d’un toit. Elles sont ainsi assez semblables au coffre
qu’est l’arche d’Alliance. Oserions-nous compléter cette liste par… la Loge ? 820
Dans le cas de la Maçonnerie, nous remarquerons que l’élément que nous avions con-
sidéré comme métaphore englobante, le temple, peut être justement aussi un de ces lieux
utilisés par la mémoire rhétorique. Les deux statuts ne s’excluent pas. Il est de fait que le
temple comme métaphore sert à structurer la plus grande partie des rituels, sous cette
appellation ou sous une autre. C’est « la méthode des lieux, qui consiste à transformer
en images mentales ce qu’on doit apprendre et à situer ces images par rapport à un iti-
néraire connu (telle rue, par exemple ; tel ou tel emplacement à l’intérieur d’une mai-
son, etc.). Cette conception d’une mémoire envisagée comme réserve d’images sera très
816
Riché, 1985 : 133.
817
On compte les syllabes, mais on rythme aussi les gestes. cf. Lune en bois, 1980.
818
La métaphore est toujours utilisée.
819
Choulet, 1996 : 28.
820
Langlet, 2009a 9 : « La mémoire ».
172
répandue et s’imposera pratiquement jusqu’à Descartes » 821 . La méthode, même définie
avec précision, n’est sans doute pas reconnue comme telle. Ce n’est plus qu’un détail
pour une culture d’écriture et d’artefacts mémorisateurs.
L’emploi de telles scènes architecturées se fonde ne même temps sur les possibilités
de la divisio, la structure retenue devant être organisée avec précision selon un nombre
de parties déterminé par un usage des nombres. Les rituels nous en montrent différents
exemples, que nous rattacherons sans peine, aux pratiques mnémoniques : les deux co-
lonnes, les trois piliers, les âges et le nombre de pas attachés aux Grades (trois, cinq,
sept), les trois vertus théologales, les quatre éléments et les quatre vertus cardinales, les
cinq points parfaits du Compagnon, les cinq sens, les cinq ordres d’architecture, etc. Les
échantillons sont multiples, qui permettront de comprendre comment ces nombres ser-
vent de « portemanteaux » à des parties de savoir 822 . Les nombres combinés à la méthde
des lieux utilisent les possibilités de la mémoire artificielle, telle que définie par la Rhé-
torique à Herennius.
On peut y lire 823 que la mémoire artificielle « prend appui sur des emplacements 824 et
des images. Nous appelons emplacements des réalisations de la nature ou de l’homme,
occupant un espace limité, faisant un tout, se distinguant des autres, telles que la mé-
moire naturelle peut aisément les saisir et les embrasser : par exemple une maison 825 , un
entrecolonnement, une pièce 826 , une voûte et d’autres choses semblables ». Cette mé-
moire artificielle est ainsi semblable à l’exercice pratiqué par un sportif utilisant, par
l’entraînement, les possibilités offertes par un corps déjà formé qui serait ici la « mé-
moire naturelle ». Les différents lieux auront, dans les rituels maçonniques, un rôle de
premier plan. Nous remarquerons que l’on soutient, dans les différents traités, que les
objets mémorisés sont des « images », ce qui était l’avis d’Aristote 827 . Pour lui, en effet,
nos souvenirs sont constitués d’images de choses absentes que l’âme regarde, parce
que le temps s’est écoulé et que la sensation, ou la science, n’est plus présente « en
acte ». La mémoire n’existe pas sans images, mais la pensée n’est pas possible sans
elles non plus. Ce rapprochement révèle les liens étroits qui existent entre les deux.
Les sens fournissent les données, mais ils ne sont pas les seuls canaux possibles. La
connaissance, en tant que savoir, n’est pas seulement connaissance de sensations pas-
sées, elle peut être aussi nourrie des sentiments comme du savoir scientifique. La
connaissance repose sur ces trois sources. Ainsi, Augustin évoque-t-il les sciences li-
821
Lieury, 1985 : 1090.
822
Choulet, 1996 : 25.
823
Herennius, 2003 : III, 29.
824
Des « cases » (trad. d’Henri Bornecque, 1932).
825
Des « palais » (H. Bornecque).
826
Un « angle » (H. Bornecque).
827
Aristote, 2000 : 106 (449b4), et 1995 : 189 (431a16), « l’âme ne pense jamais sans images ».
173
bérales : ce qui en résulte n’est pas fondé sur les images mentales qui procèdent d’un
acte de l’un des cinq sens. Il ajoutera que les images que nous entreposons dans notre
mémoire sont de deux sortes : celles qui trouvent leur source dans la sensation phy-
sique (phantasia) 828 , et celles que nous créons lorsque l’objet évoqué ne nous a ja-
mais accessible et que nous fabriquons (phantasmata) 829 .
Ces liens entre mémoire et invention ont été soulignés par Francis Bacon, en 1605. Il
observe que dans les Universités, les disciplines rhétoriques sont mal enseignées, et que
les exercices proposés « opèrent un divorce trop grand entre invention et mémoire » car,
dans le cas des exercices préparés, « aucune part n’est faite à l’invention », et dans celui
des improvisations, « peu de choses est laissé à la mémoire » 830 . Le reproche n’était pas
neuf, « Érasme, Rabelais, Montaigne et d’autres critiquaient “ces monstrueux profes-
seurs de mémoire” qui travaillaient à remplir les esprits et laissaient la conscience
vide » 831 . Bacon précise plus loin ce qu’est « l’invention dans le discours et
l’argumentation », car le terme, dit-il, peut paraître équivoque : Si « inventer, c’est dé-
couvrir quelque chose que nous ne connaissons pas », c’est, pour l’invention rhétorique,
« retrouver ou proclamer ce que nous savons déjà. Le but de ce qu’on nomme là inven-
tion est seulement de convoquer devant nous, en les tirant du savoir dont notre esprit est
déjà doté, des éléments qui peuvent éventuellement servir au projet que nous avons en
vue » 832 . Ayant établi le lien entre invention, comme préparation du discours, et mémoire,
il précise aussitôt la nature du lien : « quelque chose qui rappelle [convoque] un souve-
nir, ou qui le “souffle” et l’emploie ».
Dans une page suivante, Francis Bacon envisage ce savoir mémoriel de deux ma-
nières : la première comme une réserve de topoï pour celui qui plaide (on retrouve l’idée
de la rhétorique comme art judiciaire, et plus largement comme argumentation), et la
seconde dont nous citerons le texte, car il rejoint notre propos :
je l’appelle l’art de suggérer des idées ; elle nous dirige et nous conduit à certains re-
pères ou à certains topos qui sont susceptibles de pousser notre esprit à restituer et à
se présenter à lui-même telle connaissance qu’il a précédemment acquise, afin que
nous puissions en faire usage, usage qui, si on le prend correctement, n’est pas seu-
lement de fournir un argumentaire pour discuter avec des gens de manière vraisem-
blable : il peut aussi nous assister dans notre jugement, et nous aider à bien conclure
828
Augustin, 1955 : 53 (VIII, 6, 9).
829
Langlet, 2009a 9 : « La mémoire ».
830
Bacon, 1991 : 86.
831
Riché, 1985 : 133.
832
Ibid. : 167.
174
dans un débat intérieur 833 ; ces topos ne servent donc pas seulement à faciliter notre
invention en lui soufflant des idées, mais aussi à diriger notre recherche 834 .
Les deux positions, producteur du discours et son récepteur, sont bien tenues pas la
même « personne individuelle », dans un débat intérieur. Contradictoire, mais exaltant.
Si le but de l’argumentation est réellement de modifier l’opinion de l’allocutaire, la pro-
duction d’arguments, dans ce cas, sert à modifier la conscience de l’exercitant. Nous
remarquerons, si l’on tient compte des développements de Bacon, que l’on n’« invente »
rien, mais on pourrait dire que l’on reconfigure, selon un nouveau modèle qui s’impose,
des bribes de savoir ancien. On fait alors émerger ce modèle à la conscience et c’est ce
mouvement de l’esprit qui transforme l’exercitant. Après avoir défini l’invention et les
rapports entre mémoire et invention, Francis Bacon déplore les faits suivants : « cette
faculté [la mémoire] a été médiocrement explorée » puis, en dépit d’un art [de la mé-
moire] qui « nous est parvenu, il pourrait exister des maximes meilleures que cet art et
des exercices de cet art meilleurs que ceux qui sont reçus » 835 . Il détaille ensuite les deux
techniques sur lesquelles est construit l’art de la mémoire, la memoria. Ce sont la préno-
tion et l’emblème qu’il définit ainsi :
La prénotion allège la recherche, qui serait infinie, de ce dont nous voulons nous
souvenir : elle nous guide vers l’espace restreint correspondant à la section de la
mémoire qui nous intéresse. L’emblème ramène les conceptions intellectuelles à des
images sensibles, qui frappent davantage la mémoire, et de cela peuvent être tirés des
axiomes d’une plus grande commodité que ce qui a cours ; on en récolte en outre di-
verses choses qui assistent la mémoire, et qui n’ont pas moins de valeur que ces
axiomes 836 .
Il expliquera dans le Novum Organum 837 la « prénotion » par « tout ce qui aide et sti-
mule la mémoire », c’est-à-dire : « l’ordre et la distribution » 838 mais
aussi les topiques 839 ou lieux de la mémoire artificielle qui peuvent être des lieux au
sens propre du mot, comme une porte, un coin (« an angle » 840 ), une fenêtre, et
d’autres choses semblables ; ou des personnes familières ou connues ; ou d’autres
choses, comme on le désire (à condition qu’elles soient placées dans un certain
833
Nous soulignons.
834
Bacon, 1991 : 169.
835
Ibid. : 178.
836
Ibid. : 179.
837
Aphorismes, Livre II, 26.
838
La traductrice de Bacon, 1991 précise en note (310) : « Ce terme adapte en anglais un concept antique,
celui de praenotio ou de prolepsis, qui désigne une idée anticipée. Bacon a en vue un mode de catégorisa-
tion, c’est-à-dire un découpage en sections, la prénotion étant le nom et la délimitation de la région ou
« tranche ».
839
« topics ».
840
Il semble que Bacon reprenne la Rhétorique à Herennius : « <ut> aedes, intercolumnium, angulum,
fornicem et alia, quae his similia sunt ». On a parfois traduit « angulum » par angle (H. Bornecque), par-
fois par pièce (G. Achard).
175
ordre), comme des animaux, des végétaux ; mais aussi des mots, des lettres, des per-
sonnalités, des personnages historiques et ainsi de suite, bien que certaines soient
plus adaptées que d’autres. De tels lieux artificiels aident merveilleusement bien la
mémoire, et en augmentent beaucoup les possibilités naturelles. De même, les vers
sont appris et retenus beaucoup plus facilement que la prose. C’est par l’ensemble de
ces trois instances, l’ordre, les lieux artificiels et la poésie versifiée, que se constitue
une forme particulière d’aide de la mémoire. Et cette forme peut être proprement ap-
pelée le découpage de l’infini.
Ces définitions peuvent être abondamment illustrées par les rituels que nous étu-
dions : nous avons rappelé plus haut quelques échantillons exemplaires. Ainsi, les lieux
mentaux, « imagination contrôlée » ou images mentales, peuvent-ils servir à fixer
l’attention, à structurer la pensée et à produire une dynamique de la contemplation. Le
temple, métaphore de la mémoire, est aussi celle de l’être, car elle est, dans cette confi-
guration symbolique, la métaphore (ou le symbole) du « centre », dont l’architecture se
dispose peu à peu selon une méthode assez semblable aux Exercices d’Ignace. Cela
permet sans doute au pratiquant d’atteindre « le signe libéré par la divinité » 841 , ou sa
propre humanité, alors même qu’il « assume un rôle double, étant destinateur ici et là
destinataire » 842 , producteur du discours et récepteur. Mais, nous allons le voir, cela re-
quiert quelque effort.
3.6.9 L’exercice
L’invention rhétorique et ses fonctions de renouvellement du discours sur le monde
peuvent être illustrées par un exercice que les Maçons sont supposés pratiquer (de ma-
nière volontaire et fréquente) et qu’ils appellent la « planche », qu’on appelle aussi plus
simplement un « travail » ou un « travail symbolique ». Nous le rapprocherons des Exer-
cices étudiés par R. Barthes. Pour Jean-François Pluviaud, « La pratique du rituel 843 est
le seul travail qui se pratique en loge » ou « le travail en loge, cela commence à
l’ouverture des travaux et cela finit à la fin » 844 . Dans ces deux déclarations, comme
beaucoup de ritualisants, il survalorise le rite en lui attribuant une sorte d’efficacité innée
fondée sur un sacré diffus, mais ses mots sont tempérés par une sienne déclaration anté-
rieure : « Cette pratique [du rite] s’enrichit et se complète 845 par ce que nous appelons
« les planches » 846 . Nous ne pouvons que souscrire à cette proposition. Nous avons, pour
841
Barthes, 2002 : 738.
842
Ibid.
843
On voit bien là l’usage de rituel pour dire rite.
844
Pluviaud, 2002b.
845
Nous soulignons.
846
Pluviaud, 2002a : 93.
176
les mêmes raisons, étudié cet exercice dans « La planche, comme exercice spirituel » 847
et nous en résumerons certains points.
Fondamentalement, ce qui est appelé « travail symbolique » peut se définir comme la
recherche du sens des rites et des symboles. C’est une « lecture » active, un véritable
travail d’exégèse, s’ajoutant au travail d’apprentissage-mémorisation du rituel. Legere,
meditare est aussi applicable ici. Ce faisant, on aura admis la valeur transformatrice de
l’étude, qui n’implique pas l’abandon du bon sens (il faut raison garder), de l’esprit cri-
tique et de la culture, qui ne suppose pas non plus de sacraliser la moindre niaiserie
« parce qu’elle est dans le rituel ». On sait, en outre, ou l’on devrait savoir, qu’un « ri-
tuel » est un texte qui ne doit jamais être lu « à la lettre », mais toujours de manière allé-
gorique. Denis Jeffrey a raison de souligner que « Le rituel est action symbolique, car il
implique plus qu’il ne donne à voir » 848 . Cela nous semble signifier qu’il affirme
d’emblée l’existence d’un sens sous le discours, ce qui a toujours été pour nous une
préoccupation première.
La phase préalable du processus, dont le résultat se concrétisera par une « planche »,
reste l’apprentissage du rituel. Cette prise en charge personnelle (la mémorisation) doit
être le départ d’une réflexion active sur ses objets constitutifs, en un mot une inventio.
L’effort permettra un réel « travail » sur ce qu’on aura appris (et retenu). Il est plus facile
de calculer lorsqu’on connaît ses « tables » et les mécanismes du calcul. Les découvrir
sans cesse ne permettrait pas la manipulation des objets de calcul pour effectuer des opé-
rations. Puiser dans sa mémoire les éléments du rituel sur lesquels travailler permet de
les « lire » de manière active, vivante et féconde. On peut les « méditer » et, cela consti-
tuant la partie active de l’inventio, initier un nouveau discours sur le monde, ou opérer
un renouvellement personnel de ce discours. Cette phase sera divisée en deux étapes :
réflexion sur l’objet (un « symbole »), puis, après les étapes de structuration du discours
(dispositio), exposé du résultat. La première étape s’effectuera le plus souvent par écrit,
dans un premier temps, tant il est vrai que notre culture a un réflexe contemporain
d’écriture. Il paraît certain qu’un processus de pensée dirigée, ou contrôlée, une dyna-
mique de la contemplation, telle qu’évoquée plus haut, est la phase nécessaire de prépa-
ration, la phase d’inventio, selon la terminologie rhétorique.
Ce processus appartenant au secret de l’exercitant ne semble pas réellement descrip-
tible, même si l’on s’est beaucoup essayé à cet exercice. L’inventio effectuera la « lec-
ture » au sens où, comme dans les milieux religieux (monastiques/canoniaux) médié-
vaux, cela signifie conjointement méditation et recherche du sens. Le décodage des
847
Langlet, 2008a.
848
Jeffrey, 2003 : 3.
177
signes est aussi un décodage du sens 849 , ce qu’ils donnent de manière immédiate sem-
blant toujours partiel, l’effort engagé cherchant à approcher un plein du sens, à récupérer
son entièreté. Cela suppose la conscience du but à atteindre, l’attention qu’on y accorde
et la concentration. L’activité décrite est orientée, intense et permanente : elle est opéra-
tive, elle devient ainsi opérante, fondée sur l’imagination active, la memoria évoquée par
Mary Carruthers.
Nous sommes dans une configuration très proche de la méthode des religieux (mé-
diévaux…), et aussi des Exercices étudiés par R. Barthes. Les ressemblances entre les
deux types d’activité (est-ce la même activité dans deux types d’environnement ?) sont
si nombreuses qu’il faudra bien s’interroger un jour sur les raisons de l’apparition de ce
véritable « exercice spirituel » en Loge. La lecture allégorique du Temple et de ses élé-
ments, par exemple, permet au pratiquant une véritable méditation centrée sur un objet,
ou le travail sur une image mentale particulière, dont les effets seront l’élaboration d’un
nouveau discours, une « découverte ».
La condition d’un bénéfice personnel fructueux est que le « travail » reste dans les
limites du rituel, puisque c’est le texte (ici l’ensemble rituel/instructions) contenant les
objets de réflexion. L’exposé du résultat de cette réflexion/méditation/rumination se fai-
sant le plus souvent par une lecture orale, la planche désigne alors un travail maçonnique
(ou le travail maçonnique, une planche), c’est-à-dire à la fois la réflexion préalable sui-
vie de son résultat objectivé. Le travail d’étude soutenue sur le rituel constitue une véri-
table « machine » cognitive 850 permettant d’élever celui qui le pratique, d’en faciliter la
transformation, de lui apporter le supplément d’être qu’il appellera souvent construction
de son temple intérieur, en reprenant les mots de l’apôtre Paul. Les similitudes avec la
démarche monastique sont sans doute loin d’être fortuites, aussi désagréable que cela
puisse paraître pour une majorité de ritualisants Maçons. Les deux approches visent,
c’est leur but déclaré, un résultat comparable.
Nous ne pouvons qu’être frappé par les ressemblances entre la planche maçonnique,
exercice spirituel, et ce que les médiévaux pratiquaient sous le nom de lectio divina. Ces
clercs nous ont livré une somme importante de commentaires sur l’Écriture, fondés sur
les mêmes techniques de langage 851 . Nous savons en outre que l’exercice donnait lieu à
une production orale (lors de la réunion au chapitre), quand s’exposaient les divers sens
849
Langlet, 2006a.
850
Dans l’environnement symbolique « pseudo-opératif » de la Loge britannique, cette « machine » sera
représentée par un dispositif (miniature) de levage appelée par Vitruve « trispastos » et illustré dans
l’édition de Claude Perrault (Vitruve, 1995 : X, 283), auquel est accroché une pierre prête à être soulevée.
851
Lubac, 1984.
178
du texte médité destiné à « l’édification de l’âme » 852 . Les objets de réflexion sont dans
ce cas les mêmes, en grande partie, qu’en Maçonnerie (dans les limites que nous avons
établies). Prenons quelques exemples : le Tabernacle ou le Temple de Salomon, l’arche
de Noé, l’arche d’Alliance, l’échelle de Jacob, le camp des Hébreux. Bien sûr, comme
chrétiens, les clercs traitent d’autres thèmes : la tour de David, l’évangile de Jean,
l’échelle des vertus, le combat des vertus contre le vice, la manière de restaurer l’état
paradisiaque. Les Maçons ne parlent-ils pas de « restauration de la parole perdue » ?
On trouve encore chez eux des commentaires sur l’Exode (avec méditations sur Josué
et l’arrêt du soleil 853 ), des commentaires d’Ézéchiel et du Temple de sa vision, des médi-
tations sur la construction du Temple de l’âme : ses colonnes, son escalier tournant, le
Saint des Saints, la mer d’airain, les Chérubins. Toutes ces préoccupations sont présentes
dans les commentaires exégétiques comme dans les textes des Maçons —et depuis les
plus anciens— et trouvent leurs plus longs développements dans des documents comme
les manuscrits Dumfries et Graham, Masonry Dissected (1730) 854 , ou les Trois coups
espacés (1760) 855 . Ces thèmes constitueront la structure principale des rituels, distribués
de différentes manières, mais toujours présents, dans les différents Grades.
852
La réunion des frères moines, pour la lectio divina, comporte de nombreux points communs avec la
« Tenue » des frères maçons, en respectant les conditions énoncées. Les moines écoutaient là en silence,
comme les Maçons le font ici ; ils prenaient, ensuite, la parole avec l’autorisation du Vénérable Père abbé,
comme il le font avec celle du Vénérable Maître. Ils exprimaient la manière dont ils vivaient leur dé-
marche spirituelle et leur évolution graduelle, comme le font (sans doute) les Maçons. Ils étaient même
placés de la même manière, sur des rangs se faisant face, le vénérable abbé siégeant en haut de la pièce du
chapitre, comme le Vénérable Maître. La disposition des locaux explique-t-elle tout ?
853
Langlet, 2009a 9 : « Midi ? ».
854
Langlet, 2006c pour la traduction de ces trois textes.
855
Langlet, 2003 : « présentation ».
856
Ces détails réunis incitent à penser que les plus farouches adversaires de la spiritualité, en Maçonnerie,
ou les plus indifférents, répètent à leur insu les conditions mêmes d’une démarche qu’ils refusent, mais
dont ils sont les acteurs tardifs et involontaires.
857
Les uns parlent davantage du Christ, d’autres moins (semble-t-il), mais les Maçons cherchent à « ras-
sembler ce qui est épars » et d’abord en eux, alors que les moines cherchent à rassembler en eux ce qui est
éparpillé et qui, affirment-ils, est la conséquence de la chute et du péché. Assurément, les différences sont
énormes !
858
Mais cela n’a rien de commun avec le New Age ! ou des tehcniques chamaniques.
179
lecture active, l’effort d’imagination contrôlée, à partir du travail d’invention rhétorique
sur les sujets évoqués plus haut, contenait une dimension herméneutique certaine, fondée
(ou favorisée) par la « réorganisation » personnelle des notions du « texte ».
Même si ce travail littéraire peut sembler autoréférentiel, il n’en est pas moins vrai
que c’est dans la « découverte », ou dans le renouvellement du discours engendré, que la
modification de l’exercitant se produit. Il nous semble que tout part d’un art du langage,
que tout est fondé sur cet art, que tout se conclut dans une production langagière.
Comme le soulignent les anciens catéchismes, « la clé » des secrets est la langue
bien(sus)pendue, cette clé est attachée au fond de la gorge, « la racine » de la langue.
Tout est dans le langage. Il ne s’agit pas ici de « littérature », au sens où cette notion a
été inventée sur une idéologie esthétique au XIXe siècle 859 , au moment précis où la rhéto-
rique a été chassée des études approuvées.
La production « littéraire », sorte d’intuition créatrice qui surgirait, sans effort, du
fond de l’être, la « créativité », avait remplacé la maîtrise d’une technè lettrée. La
« planche », pensée active sur un objet textuel, fondée sur un art rhétorique à l’œuvre,
est peut-on dire partie intégrante du rite, puisque c’est une manière qu’a « la communau-
té de se dire à elle-même, dans sa permanence comme dans son changement » 860 , par un
dit sur les objets proposés à sa réflexion. C’est ainsi, soyons optimiste, par chaque
« planche » individuelle, l’élaboration et le partage, par la parole (commentaires), d’une
pensée commune, de la doxa reflétant les idéaux de la communauté. Pour citer de nou-
veau Maurice Sachot, « Pour être véritablement l’expression de la communauté tout
entière et non celle d’un individu particulier (maître, prêtre, gourou ou leader), cette
prise de parole s’effectue non pas directement sur le monde, sur la réalité actuelle, mais
passe par la médiation d’un texte de référence ».
Il ajoute aussitôt : « Le dire sur le monde s’énonce comme un dire sur un texte, lequel
texte n’est pas anodin, puisqu’il s’agit de la “Bible”, de l’enseignement du Dieu qui fait
loi (Torah en hébreu, Nomos en grec). La parole vive (l’homélie) parle du présent et de
l’avenir en parlant d’un texte que l’on vient de lire » 861 . Nous appliquerons ces re-
marques au contexte maçonnique en soulignant que, dans ce cas, le texte de référence est
le rituel, dont la Bible est, nul ne le conteste, la source majeure, en particulier sa partie
grecque, le Nouveau Testament. Une parole vive est, de la même manière, engagée à
partir de ce texte, un énoncé sur le monde est aussi produit qui parle des mêmes grandes
questions travaillant la conscience humaine, le présent, mais surtout l’avenir et, en parti-
859
White, 1997 : 22.
860
Sachot, 2007 : 139.
861
Ibid.
180
culier, la question des fins dernières 862 . Si nous admettons que « le destinataire du texte
tient un rôle, inscrit dans le texte ; réception et interprétation, concrétisation et ré-
élaboration ne se dissocient pas—moins encore dans la performance orale que dans la
transmission écrite. Le texte vise à intoxiquer celui qui le reçoit, même quand, ce récep-
teur, il se l’invente » 863 , le rôle du ritualisant est bien inscrit dans cette manière
d’appropriation.
862
Ce point est le pivot du rituel maçonnique et particulièrement du Troisième Grade. C’est en cela que
nous y voyons l’articulation de tout le Rite.
863
Zumthor, 1980 : 69.
864
Carruthers, 2002 : 2.
865
Langlet, 2009a 9 : 7.
866
Ibid. : 10-11.
867
Le Tableau triangulaire (fig. 5) du Ms Carmick (1727) en est un des exemples (Carmick, 1908).
868
Langlet, 2002a.
869
Langlet, 2002b.
870
Langlet, 2004c.
181
Figure 5. Tracé de loge anglais Tableau de Loge anglais
Ce sont les deux vecteurs d’une appréhension floue de l’objet français et, pour les
mêmes raisons, des tracés britanniques en France. Les désignations anciennes des textes
français, Plan de la Loge, Tracé de la Loge, ou Tapis de Loge 871 , n’ont pas été suffisam-
ment prises au sérieux, ce qui a permis l’amalgame entre deux types d’objets aux objec-
tifs différents. De même, la manière de penser les Tableaux modernes les a affectés d’un
éventuel « traçage manuel » ne reposant que sur l’idée du « tracé de la Loge », des pra-
tiques anglaises anciennes 872 .
Dans une récente Encyclopédie de la Franc-Maçonnerie, Alain Bernheim écrit que le
nom de Tableau « s’applique à la représentation graphique, placée sur le sol au centre
de la loge, des symboles maçonniques du grade auquel travaille un atelier à un moment
déterminé » 873 . Exceptée la place de l’objet qui n’est pas nécessairement la bonne —il
fait l’impasse sur tous les Tracing-Boards britanniques qu’il ne doit pourtant pas ignorer
(ils ne sont que rarement placés « au centre » de la Loge 874 )— ce qu’il écrit est juste. On
définit en effet souvent cet objet comme une sorte d’aide-mémoire du Grade, un conden-
sé de ses principaux symboles. Ce n’est pas faux. Cela reprend, dans le contexte maçon-
nique, les tracés mnémoniques évoqués plus haut 875 . Nous sommes de nouveau dans un
contexte de rhétorique appliquée.
L’objet, en conséquence, obéit à une structure élaborée et assez permanente. Comme
représentation graphique, il a, du moins en France, et pour les Tableaux que nous avons
étudiés, une forme à peu près constante : il est rectangulaire. C’est un objet autonome,
toujours « orienté » par les points cardinaux (initiales ou noms complets), contenant les
symboles d’un Grade, disposés dans la surface, de haut en bas en même temps que ré-
partis par rapport à l’axe médian. Si notre culture nous incite à décoder ces Tableaux
dans le sens habituel de lecture (comme un texte), ce qui est d’abord fait, ce principe se
871
Langlet, 2002b : 119 et suivantes.
872
Jackson, 1986, et Haunch, 1962.
873
Bernheim, 2000.
874
Voir les cinq volumes de Cryer, 1989.
875
Carruthers, 1998b et 2002 ; Riché, 1985.
182
trouve infirmé par une analyse plus poussée de l’objet. Ils sont tous, en réalité, à lire en
sens inverse, de bas en haut, pour en trouver le sens symbolique. C’est ce que montre
une analyse d’obédience sémiotique qui, plus que toute autre, permet de rendre compte
des enjeux rhétoriques inscrits dans l’œuvre.
876
Gaillaud, 1999 : 62. La formule, véritable « signature » de Paris-Match, est actuellement replacée par
« La vie est une histoire vraie », trente ans après la précédente (semioblog.over-blog.org/categorie-
819140.html).
877
Cité par Dekoninck, 2003.
878
Verdière, 2004.
183
« colonnes du Temple » appartiennent au texte rituel où elles « existent » comme images
mentales —une existence textuelle sur laquelle méditer, on les a aussi représentées sur
les Tableaux des Grades (redondance « nécessaire ») —après les avoir tracées sur le
sol 879 —, mais elles le sont encore par deux « colonnes » matériellement présentes dans
l’espace logial (double redondance). C’est, en tout cas, la manière française de procéder.
La difficulté est ici que le ritualisant prend, très souvent, pour « réels », des objets qui ne
sont que des représentations d’images mentales (même si, « quelque part », il le sait). Le
choc des représentations, sous quelque forme que ce soit.
879
Pérau, 1745 : 34-35.
880
cf. la note 844.
881
La problématique est pourtant identique, tous ne décodent pas l’image de la même façon.
882
Rossi, 2000.
184
l’image d’elle qui “s’imprime” dans l’imagination, ce qui n’est pas forcément le cas
dans l’autre théorie » 883 . Il ajoute que « la supériorité des images sur le discours repose
sur l’inégalité temporelle de ces deux processus : la vue présente à l’entendement
l’image du réel tout à la fois et dans l’instant, mais le repli de la boucle verbale im-
plique une durée, une linéarité aussi, au cours desquelles le sens est menacé
d’épuisement » 884 . Nous affirmions plus haut que les mots se matérialisent dans chaque
conscience de manière différente. Dans une culture où une seule vérité doit exister, ces
différences deviennent des approximations, et les approximations, des erreurs.
L’image valorise les perceptions sensorielles et perceptives, mais son caractère con-
tingent, « épisodique », ne doit pas masquer qu’elle n’est ici qu’un renvoi au texte rituel
qui est toujours premier. Il peut exister sans Tableau, le Tableau ne le peut pas. Même
s’il fournit un parcours didactique autonome, perçu, en outre, d’un seul embrassement
du regard, il n’est sans doute qu’une étape dans la quête du sens. Son caractère de globa-
lité immédiate n’est —ne devrait être— qu’un appoint dans le processus de décodage.
On ne peut donc pas parler de synonymie entre le texte rituel et le Tableau, chacun pos-
sède sa logique, mais celui-ci représente des notions de celui-là, c’est-à-dire une partie
de son contenu, non le contenu dans son ensemble. Enfin, il nous semble possible de
considérer le Tableau comme une sorte de glose du texte rituel : il opère un déplacement
dans un nouvel univers sémiotique qu’il serait fructueux d’exploiter plus avant.
883
Delègue, 1990 : 44.
884
Ibid. : 47.
185
Conclusions
Il faut sans doute conclure, quoique rien ne puisse être définitif. Le Rite admet im-
plicitement l’existence d’une force directrice organisatrice, dans la succession des
étapes ou, au moins, dans la cohérence de leur organisation, c’est-à-dire dans le système
général. La tradition a, ici, comme dans d’autres domaines, une présence matricielle sur
la réception du Rite et sur son analyse. Tradition veut dire transmission, se plaît-on à
répéter, avec le plus souvent en arrière-plan, dans le domaine maçonnique, la référence à
l’existence d’une Tradition primordiale chère à René Guénon, père spirituel de toute une
génération de Maçons : l’Ordre ne serait que l’ultime rejeton du longue lignée « tradi-
tionnelle », une des seules institutions capables de conférer une authentique initiation. Et
comme il n’y a pas de preuve écrite, et pour cause…, on invoque la transmission orale
ou, sur certains points, une « probable glose talmudique ou cabalistique perdue ou ou-
bliée » 885 . L’hypotexte s’échappe à mesure que l’on cherche à l’approcher.
Quelque domaine que l’on aborde, il y a toujours quelqu’un pour affirmer l’existence
de deux aspects, l’un visible et que l’on peut étudier, prouver, discuter, évaluer, compa-
rer, et l’autre, non visible qui établit, pour ce qui est de la Tradition, la véritable vérité à
partir d’une véritable source. Comme l’un et l’autre objet (véritable vérité et véritable
source) échappent au domaine de l’analyse : il est plus facile d’affirmer de manière
psalmodique que d’évaluer. Cette notion de filiation est chère au cœur de nombreux Ma-
çons 886 . Soulignons, le fait n’est pas sans importance, que Guénon a écrit dans la pre-
mière moitié du XXe siècle alors que la querelle des diffusionnistes et des évolutionnistes
bat son plein, et il se range radicalement dans le camp des diffusionnistes.
Comme l’explique Roger Bastide 887 , « Il existe certes un sens sociologique du terme
“diffusion” qui se rapporte à la seule propagation des idées, soit directement, de bouche
à oreille (rumeur), soit indirectement, par le livre et les moyens de propagande dits au-
dio-visuels ». En anthropologie culturelle, ce terme « se rapporte à la propagation de
traits culturels, aussi bien spirituels (institutions sociales, mythes ou rites) que matériels
(types de céramique, techniques agricoles, etc.), de la société où ils sont apparus à des
sociétés culturellement différentes ». Ici, il y a emprunt, et source de l’emprunt, identi-
fiable ou postulée.
885
Salix HS, 1995 : 49.
886
Et elle va jusqu’aux débords de ceux qui distinguent « régularité » et filiation !
887
Les citations sont extraites de Bastide, 2008.
186
On lui oppose la convergence qui découle de la notion d’évolutionnisme. L’auteur
ajoute : « L’évolutionnisme expliquait ces faits de similitude en postulant que toute civi-
lisation passe, au cours de son histoire, par les mêmes étapes de développement ». Il
poursuit : « les partisans du parallélisme ont recours à la notion de convergence : ces
similitudes proviennent de ce que les esprits humains en tant que tels étant partout iden-
tiques, les mêmes traits culturels peuvent être inventés en divers endroits sans qu’il y ait
emprunt, ou encore de ce que, par suite de la similarité des milieux soit extérieurs (sa-
vane, forêt), soit intérieurs (mentalités collectives), des institutions et des techniques très
différentes à l’origine tendent en se développant à se ressembler de plus en plus, d’une
façon externe, d’ailleurs, bien plus que dans leur structure profonde ». Il y a ici un point
de départ, nettement postulé : le commencement de l’évolution. Dans ce cas, l’origine
est multiple. On pourrait affirmer que, s’il y a autant de départs que de sociétés, pour
chacune, il y n’en a qu’une seule.
Pour simplifier, disons que l’évolutionnisme admet que des sociétés parvenues au
même stade d’évolution sont amenées à « maîtriser » à peu près au même moment de
l’histoire, les mêmes techniques (ou les mêmes technologies), c’est la convergence. À
l’opposé, le diffusionnisme propose l’existence de passerelles permettant d’amorcer une
diffusion des connaissances et de la technologie, à partir d’une seule source.
L’évolutionnisme et le parallélisme ont ainsi, en commun, de postuler un développe-
ment graduel, étapes historiques pour l’un, similitudes de mentalités pour l’autre. Mais
on s’en tient à un point de départ et à une disposition continue et harmonieuse le long de
l’axe du temps. Le diffusionnisme postule, non l’invention et l’évolution selon des étapes
« internes », mais l’emprunt à des sociétés ayant évolué selon leur propre dynamique.
Dans le premier cas, l’adaptation est domestique, transformations sous l’effet de critères
internes, dans l’autre, le changement est dû à des forces extérieures. Notons qu’il y a
aussi une « adaptation » des emprunts : la société qui emprunte se transforme, mais
l’emprunt est lui-même transformé.
Le diffusionnisme postule l’existence de passerelles entre les groupes. On a pu
étendre cette théorie à bien des domaines, dont le langage et le rite, sur des ressem-
blances avec la vie ordinaire ou de réels constats : deux personnes ayant des rapports
sociaux fréquents ou permanents en arriveraient à se modifier mutuellement, ou l’une
modifierait l’autre si elle a une « présence » plus forte. Des langues proches géographi-
quement réalisent sans doute des emprunts réciproques 888 .
888
Walter, 1994.
187
L’évolutionnisme tente la reconstruction d’un état actuel, sur des critères théoriques,
selon les mécanismes de la logique, de notre logique, à partir de postulats ; le diffusion-
nisme, en ce qui concerne l’anthropologie, reconstruit sur des critères qu’il cherche à
définir comme « objectifs ». Dans les deux cas, on ne peut s’abstraire de points de dé-
part uniques pour expliquer ce qui suit. Cela constitue l’environnement, mais aussi la
contrainte essentielle : d’un point, on chemine, par une évolution continue, vers un
« mieux ».
Le mécanisme nous a semblé le même qui sous-tend le rite maçonnique : il prône une
recherche de la « perfection » faisant voyager le pratiquant d’un « moins », son propre
départ dans le rite, vers un « plus » (et même un nec plus ultra), aboutissement et pléni-
tude absolue. Pour cela, il est nécessaire de passer des étapes déchiffrables dans leur
structure à l’aide du schéma des « rites de passage » de Van Gennep. Nulle question su-
perflue, ici, excepté peut-être une : on parle, en Maçonnerie, de « cérémonies » par
Grades, c’est-à-dire presque de redondance dans le schéma canonique du « rite de pas-
sage ». On pourrait croire à plusieurs rites de passages, et la Maçonnerie serait la société
où l’on constaterait une véritable concentration de tels rites.
Établissons une fois pour toutes que le Rite est un, mais il comprend trois étapes pour
les causes évoquées plus haut. Les éléments redondants ne le sont qu’en raison du dé-
coupage particulier en une « trinité » de Grades séparés (pour la Maçonnerie symbo-
lique, la plus connue). Le système se comprend alors comme global lorsqu’on l’examine
sous cet angle. Un tableau de comparaison utilisant les étapes de Hocart permettra de le
mettre au clair 889 .
Les différentes études que nous avons effectuées sur le rituel, et surtout cette présen-
tation, ont été l’occasion de tenter une déconstruction des objets et des structures, des
forces qui l’innervent. Cela passait nécessairement par celle d’objets particuliers, comme
la cérémonie de réception, le thème du temple, la légende du 3e Grade, etc. Cela passait
aussi par la recherche des sources, de l’intertextualité qui, nous a-t-il semblé, condition-
nait à la fois la dynamique et la structuration. Il est d’abord apparu, mais qui en aurait
douté, que le Rite maçonnique adaptait, à un type de culture et de société bien définies,
les grandes structures rituelles mises en relief par Van Gennep. Il est apparu ensuite que
le rituel se mouvait dans une matrice de pensée toujours à l’œuvre, même quand elle
était explicitement refusée, que Maurice Sachot nomme « l’impensé qui nous pense ».
Le Rite maçonnique est organisé par la métaphore générale de la construction enrobant
889
Annexe V, Tableau « Hocart ».
188
l’ensemble de ses objets d’une téléologie chrétienne, et cela a quelque conséquence sur
la manière d’envisager l’ensemble, comme chacun de ces objets.
Outre la marche vers la perfection, nous avons souligné la chronologie lisse de
l’Histoire maçonnique, incarnée dans la théorie de la transition : elle nous est apparue
comme la « modulation maçonnique » de la manière d’envisager la notion d’Histoire
dans une société chrétienne. Expliquons-nous, en rappelant Maurice Sachot. Selon lui,
nous sommes (tous) « tributaires d’une conception chrétienne de l’Histoire » où
s’accomplit dans le temps le « projet divin du salut conçu depuis toute éternité dans la
pensée divine et qui s’est réalisé par étapes, dont les principales sont la création du
monde, l’élection du peuple juif et, inaugurant les derniers temps, l’incarnation du Fils
de Dieu lui-même » 890 . Cela emprunte un schéma similaire à l’évolutionnisme, une
source et le développement d’un « principe », par émanations successives, jusqu’à
terme.
L’idée d’évolutionnisme, même si le terme n’avait pas encore été créé, a été très en
vogue en Maçonnerie : la naissance de cette noble institution se perdrait dans la nuit des
temps, voire, selon le bon pasteur presbytérien J. Anderson, commence avec Adam ! On
fait ainsi, même si cet exemple ressort de l’histoire mythique de la Maçonnerie, tout par-
tir d’une source. Que l’on apporte ensuite quelques greffes adventices (prouvées ou non,
sérieuses ou non, probables ou non) ne vient pas troubler la dynamique générale. Tout
concourrait à aboutir à la situation contemporaine, présentée comme la conclusion iné-
luctable des étapes intermédiaires. Mais peut-être cette situation actuelle n’est-elle
qu’une étape de transition, l’âge d’or ne semblant pas encore à portée de main… Un
unique axe du temps, un projet unique qui l’emprunte et s’épanouit de manière gra-
duelle. Le mythe du progrès continu est très reconnaissable. La maçonnerie n’est pas,
parfois définie, comme une « société progressive » ?
Le refus des sources religieuses probables de ce rite ne contredit pas notre point de
vue : tout a été, dans ce cas, simplement reconfiguré en gommant, de manière incanta-
toire et obsessionnelle, l’aspect chrétien remplacé alors par une libre-pensée ou une
laïcité dont les « premiers » maçons (les opératifs) seraient porteurs avant l’heure. De
même que l’on a christianisé les livres juifs pour les forcer dans une cohérence chré-
tienne, en niant l’évidence de leur nature propre, on a doté ces improbables ancêtres de
vertus qu’ils n’avaient peut-être pas, pour les forcer dans cette nouvelle cohérence. On a
ainsi plaqué des idéologies modernes de manière rétroactive, mais la chronologie est
sauve, opératifs d’abord, spéculatifs enfin. Histoire marquée par le Destin, obéissance à
890
Sachot, 2007 : 34-36.
189
une sorte de prédestination, dénommée ici la « tradition » maçonnique. Comparons en-
core cette écriture à un palimpseste : l’ancien texte continue malgré tout d’exister sous
un nouveau qui ne lui est (finalement) pas très différent.
La réalisation spirituelle promise, sous la forme métaphorique de la « construction »,
est envisagée selon le même schéma, comme l’épanouissement de l’être. Dans ce cas, on
fait référence au « plan » (divin, du Temple) déclaré contenir toutes les données du pro-
blème. On utilise encore, souvent, la métaphore de la graine d’où se développerait un
arbre jusqu’à sa perfection. Le déploiement révèlerait la « vraie » nature de l’arbre, la
graine contiendrait, en puissance, ce qui s’actualise en arbre. Tout est envisagé comme
un Mouvement continu le long d’un même axe du temps, une voie droite et royale. Cela
ne s’admet que sous-tendu par cette notion de source unique 891 , d’origine. Les Écritures
mêmes nous ont fourni des mythes de type « explicatif », Genèse, création du premier
couple Adam-Eve, re-création d’une nouvelle humanité avec Noé après le Déluge, et
dispersion de l’humanité et des langues après l’échec de la construction de la Tour de
Babel. Une origine commune à notre culture est postulée, mais la Parole « unique » a été
perdue par (la faute de) l’orgueil de l’homme. Le langage aussi est affecté d’une source
unique, le mythe de Babel révélant l’existence d’une première langue unique, puis celle
de langues différentes, mais d’origine unique, puisque Dieu lui-même a confondu les
langues.
Si l’idée d’un Principe directeur est compréhensible chez les « croyants », si pour eux
l’idée de diffusion paraît logique, elle a nécessité des aménagements chez les penseurs
athées : cela devient la logique du vivant, la dialectique matérialiste…, Auguste Comte
et le positivisme, Karl Marx et la lutte des classes. Ils posent le problème de façon nette :
toute société évolue en passant par des phases successives et le progrès scientifique,
technologique et industriel, induit des comportements univoques ; la raison prend le pas
sur la superstition, et la justice sociale est inexorablement en marche. Dans tous les cas,
la matrice est similaire. Elle conduit à une conclusion rarement énoncée : dans ce cadre
matriciel du projet se déployant jusqu’à sa fin, il ne peut y avoir comme conclusion lo-
gique qu’une seule vérité. Conclusion qui s’est imposée aux théologiens pour la foi, aux
penseurs chrétiens, puis laïques, pour la chose publique, et qui s’impose, avec plus ou
moins d’insistance, à chacun de nos domaines de la connaissance. La difficulté réside en
ce que ces domaines peuvent être abordés diversement et que les conclusions de chaque
école diffèrent.
891
Platon explique que le monde sensible dépend du monde des Idées. Aristote, qui s’est penché sur le
couple cause-effet, met en avant l’hypothèse d’un moteur immobile, élément premier.
190
Le Rite maçonnique est dominé par la quête de la Parole perdue. Sa restauration est
assimilée à la « reconstitution » d’un état originel par la reconquête de cette Parole. Sans
elle, l’homme présent est partiel, imparfait, incomplet. Il est, pour les tenants du « pé-
rennialisme » (en référence à une philosophia perennis 892 ), dans l’état le plus éloigné de
la source primordiale 893 . Mais la perfection est pour demain, au moins pour certains.
N’est-ce pas une manifestation du schéma chrétien, « projet […] conçu depuis toute
éternité […] réalisé par étapes [jusqu’aux] derniers temps », à peine modulé par un ré-
gime à deux vitesses, certains seront sauvés, d’autres moins… Sur ce point, s’appliquera
sans doute le modèle récurrent de la double doctrine évoqué par Yves Delègue 894 et ré-
cemment par Philippe Buc 895 . Nous sommes encore dans le cadre d’un Principe directeur
s’épanouissant jusqu’à l’apothéose finale, si dominant que l’on s’interroge alors com-
ment penser, analyser, agir d’une autre manière.
Le Rite maçonnique s’est révélé proposer au ritualisant un système d’objets qui, de
collection en apparence hétérogène, est unifié par la métaphore de la construction. Mais,
en même temps que la métaphore, le Rite propose au pratiquant de méditer sur ces ob-
jets. Ce point n’est pas facultatif. L’univers fictionnel particulier construit par le rituel,
« ensemble d’interactions centrées autour de formes symboliques » 896 , ne peut être perçu
comme signifiant (sémiotisé ?) qu’à deux conditions, parce qu’il est déclaré comme tel,
et parce que cette affirmation est acceptée, le ritualisant devant donc y mettre un peu du
sien pour le décoder. Cela implique une activité intégralement fondée sur une manipula-
tion du langage avec l’établissement inévitable, et préalable, d’un tri dont la plus simple
expression demeure « acceptable/non acceptable » (modulé selon différentes catégories
plus acceptables par la recherche : bon/mauvais, pur/impur, sacré/profane, ciel/terre,
mais aussi paradis/enfer, sauvé/damné, et surtout, juste/faux).
892
Philosophia perennis ou gnose, selon Frithjof Schuon, disciple de René Guénon. La « véritable » philo-
sophie. Schuon, 1957 et 1979. Le sens est différent du concept philosophique où il définit l'unité de la
philosophie au sein de leurs divergences.
893
Faivre, 1996.
894
Delègue, 1990 : III, n25.
895
Buc, 2003 : 228 et suivantes. La thèse est celle-ci : il aurait existé dans les sociétés païennes (et les
sectes hérétiques chrétiennes), un enseignement religieux pour les élites, croyances ésotériques, doctrine
secrète, et un dogme différent pour la masse. Les « croyances des élites seraient restées plus ou moins
proches de la religion naturelle de l’humanité à ses origines ». Cette double doctrine aurait permis de
maintenir le peuple en sujétion, au moyen d’une « religion utilitaire qui mettait l’accent sur les récom-
penses et les punitions dans l’autre monde, et qui jouaient avec les instincts les plus bas ». Cela aurait eu
comme effet de maintenir l’ordre social, la diffusion des dogmes ésotériques pouvant mettre leur autorité
en péril. Cette théorie a été liée à une hypothèse sur l’écriture hiéroglyphique. Reconnaissons que cela ne
peut que favoriser la croyance en des « cultes secrets », des secrets, des arrière-loges, des plans secrets, un
complot. On l’applique un peu à tout, dans le passé, ce fut au gouvernement de l’Église (Poulat, 1991),
dans le présent, aux différents gouvernements en place. Cela fait de beaux succès de librairie et alimente
les marronniers.
896
Rescif, 2006.
191
Car la marche vers la perfection ne se fait pas toute seule. Si le rituel proposé au ri-
tualisant, et qu’il a eu la liberté d’accepter, peut être considéré comme un voyage, il de-
vra en penser les étapes. Il disposera d’abord de son propre réservoir de connaissances,
puis de ce qu’il acquiert par sa propre ritualisation, sa pratique, et les connaissances ad-
ventices qu’elle lui fournira. Tout cela constituera une « collection de sensations et
d’impressions hétérogènes » 897 , objets mémoriels auxquels le rituel (désignons ici le tra-
vail de réflexion sur l’outil-texte) permettra de donner sens.
Le tri opéré dans le disponible permet d’envisager une reconfiguration destinée à
produire de nouvelles synthèses. Cette opération, qui consiste à extraire de l’inconnu du
connu, a l’ambition de produire du sens. C’est le travail de la « planche », sur un fonds
d’invention rhétorique. Elle autorise la « synthèse de l’hétérogène » de Ricœur, débu-
chant sur une « innovation sémantique » 898 , acte de pensée ordonnée, ou réordonnance-
ment des objets du monde selon les critères adoptés. Pourtant, le monde qui est donné, et
sur lequel porte l’exercice, n’est pas a priori dénué de tout sens. Cela serait-il possible ?
« C’est le vieux paradoxe connu depuis le Ménon de Platon : toute connaissance, pour
être reconnue comme telle, présuppose une connaissance préalable » 899 . L’expérience
énoncée comme une découverte du sens, entendu comme « sens neuf », n’est peut-être
que la découverte étonnée d’un sens existant. C’est le fait de tout rituel de proposer une
configuration de ce type, dépouillement du savoir ancien, nié comme signifiant, puis
reconfiguration d’un savoir présenté comme seul admissible et, donc, seul filtre satisfai-
sant. D’autant qu’il n’est pas présenté comme un filtre, mais comme le sens. Dans cette
opération, le Rite occupe une position de médiation entre le ritualisant et les objets du
mode. On peut alors établir une analogie avec le langage.
La vie humaine est pour notre culture souvent envisagée comme une pérégrination,
un cheminement, un voyage de l’exil à sa véritable demeure. Ce fil se conjugue avec
celui de la construction ou n’en est qu’une variante. Que ce soit juste ou non, c’est le
cadre fourni à notre expérience. Le « Récit de voyage, reportage & témoignage », de
Jacques Fontanille 900 nous apportera quelques éléments d’appréciation. Le rituel, comme
toute production humaine, distribue des rôles aux acteurs de la pérégrination (agent, ins-
trument, obstacle, but, bénéficiaire, donateur, etc.) et cela permet de les rapporter à des
grandes catégories de positions (sujet, objet, destinateur, destinataire, adjuvant, etc.).
Cette distribution, mais surtout l’analyse de sa propre position, permet de transformer un
voyage subi en voyage construit, c’est-à-dire « de passer d’objet à sujet », au moins de
897
Fontanille, 2004.
898
Ricœur, 2001 : 193.
899
Rescif, 2006 : 5.
900
Fontanille, 2004.
192
s’en donner l’illusion, ce qui est déjà beaucoup dans sa propre humanisation. C’est
l’effort requis pour que le voyage rituel ne soit pas simple spectacle oublié par désagré-
gration mémorielle dès la clôture du rite.
Le rituel, et le rite qui en est l’effectuation, est peut-être, sous une forme archaïque-
ment contrainte, le reportage d’un voyage permettant de faire partager une expérience au
pérégrinant/ritualisant, en focalisant son attention sur quelques objets particuliers. Si l’on
admet de presque tout parcours, même de manière un peu trop large, qu’il est un voyage
initiatique, le rite balise ce voyage à partir des objets témoignages. Le vrai récit initia-
tique, et bien entendu en disant cela, nous opérons notre tri dans un continuum
d’énoncés très abondant, peut être défini (mais est-ce au bout du compte ?) par la résolu-
tion des résistances que proposent les objets du parcours. Et qui sont nombreuses. Mais,
parler de voyage, c’est aussi parler d’un territoire.
Le rite formalise une expérience humaine, et il serait vain de croire qu’il n’existe
qu’en certains environnements archaïquement protégés (le soir, au fond des Loges). Cela
va sans dire, mais infiniment mieux en le répétant, toute expérience humaine est vécue,
pensée, analysée et synthétisée de manière symbolique et ritualisée à partir du corps qui
reste le centre producteur de toute cette agitation. L’expérience est sensible, le voyage
est une vérité « sensible » le corps est rituellement centre producteur du sens mais aussi
récepteur. La question qui se posera légitimement est peut-être : est-ce la même per-
sonne qui occupe les deux positions ? Mais, affirmer que le corps est producteur comme
récepteur du sens implique, question présente de manière têtue, que cela a été établi au
moyen du langage. Rien ne peut être approché du rite si ce n’est par le langage, rien en
peut en être apprivoisé, rien ne peut s’en écarter.
L’exercice d’analyse et de production de discours sur les objets du rite, transformé en
étude présentée par sa lecture publique à l’examen des autres ritualisants, passe de la
position de texte reçu à celui de texte évalué par la discussion. L’exercice est aussi rhé-
torique, argumentation et présentation d’hypothèses, divergentes parfois, passionnées
souvent où l’ethos prend généralement le pas sur le logos. Ce texte entre, de cette ma-
nière, dans un libre examen de type philosophique dont le modèle nous est fourni par la
culture grecque. Aucune école n’est supérieure à une autre, aucune ne mobilise la vérité
unique, chaque école est à étudier avec équité, pour évaluer chacun des points de vue
proposés.
Selon les périodes, ce type de démarche a été reçu comme plus ou moins inaccep-
table. Dans la matrice chrétienne, c’est le latitudinarisme. Si, donc, une proposition est
juste, en effet, les autres ne peuvent l’être. Ce qui vaut pour le dogme, devient applicable
à tous les domaines. Si la vérité est matérialisée d’une manière, elle ne peut l’être d’une
193
autre. Et comme il n’y en a qu’une seule… « A » étant juste, cela ne peut être le cas de
« non A ». C’est pourtant possible, le carré logique 901 présente plusieurs propositions qui
s’opposent, se contrarient ou se complètent, mais qui peuvent être toutes justes, relati-
vement. La planche et la discussion qui suit permettent de construire une vérité relative
dans un monde fini, pour les êtres doués d’incomplétude que nous sommes, même s’ils
sont en recherche de permanence et de stabilité. Herder avait déjà abordé cette question
de l’homme caractérisé en « être de manque », à propos de l’origine du langage 902 . Ainsi
que nous l’a appris Jean Villegoureix 903 ,
C’est dans le mystère du langage — le mystère et non pas une problématique —
qu’est déposé le sceau de notre Modernité bavarde et malade ou, à tout le moins, in-
quiète. Dans ce mystère du langage plutôt que dans son plat agencement formaliste
selon Noam Chomsky, dans ce mystère exploré par les paradoxes d’Hamann 904 ,
maître de Kierkegaard, dans ce mystère dévalué, dans le meilleur des cas, en secret
de polichinelle par le mensonge, la propagande, la publicité, la vivisection décons-
tructive ou, je l’ai dit, formaliste. Pourtant, le mystère devenu secret, la lumière
éblouissante contrainte de se travestir sous des dehors grotesques et prétendument
ésotériques 905 , rayonne encore de son antique grandeur, comme nous l’apprend
l’étude du langage : il s’agit toujours, en somme, pour ceux qui, à l’exemple d’un
Pierre Boutang, auscultent l’étymon des mots charnus, de presser le nectar qui a len-
tement mûri au cours de siècles d’usage.
Ce travail mené sur le langage vise à libérer les forces vives de la Parole enfouies
sous la croûte sèche de la banalité, du mensonge et de l’utilitarisme, sous la gangue
de cette “fausse parole”, brillamment analysée par Armand Robin 906 . Ce qui vient des
profondeurs présente toujours, exposé sous la lumière vive du jour, de bizarres pro-
priétés. L’interprétation est infinie, l’étymologie, la source des mots est fuyante. Le
sens est sans fond. À ce “sans fond” vertical, hiérarchique, qui nous donne à penser
un au-delà et un en deçà de l’individualisme, le Moderne préfère l’indéfini horizon-
901
C’est la base théorique sur laquelle est édifiée la sémiotique dite greimassienne, qui le pose en structure
élémentaire de la signification. Il est fondé sur les opérations de l’esprit les plus simples qui sont la néga-
tion et l’assertion grâce auxquelles est formalisée la relation de présupposition réciproque (coprésence)
qu’entretiennent les termes primitifs d’une même catégorie sémantique. C’est le modèle constitutionnel de
cette théorie. Le carré logique a été renommé carré sémiotique.
902
Herder, 1978 et 1992.
903
Villegoureix, 2003.
904
Johann Georg Hamann (1730-1788). Son attrait pour l’irrationnel et le langage mystique ou prophé-
tique lui a valu le surnom de « Mage du Nord » (der Magus aus Norden), nom qu’il prenait volontiers lui-
même. Il est considéré comme le prophète du mouvement du Sturm und Drang. Le Traité sur l’origine de
la langue (ou du langage, suivant les traductions) de Herder (Johann Gottfried von) a été commenté par J.
G. Hamann. Il définit la faculté du langage comme une prédisposition, assez voisine de la « prénotion » de
Francis Bacon.
905
Voir la note 222.
906
Robin,1990. A. Robin (1912-1961), poète méconnu, traducteur hors-norme, essayiste, fut aussi homme
de radio, journaliste. Il était un traducteur prodigieux : on a retrouvé de lui des textes traduits d’au moins
22 langues, sans compter ceux qui ont disparu. Pour son bulletin d’écoutes, on a pu dénombrer 18 langues
couramment écoutées. Prodigieux pour le nombre des langues, il l’était aussi pour sa conception de la
traduction. Le sens ne lui suffisait pas : il fallait recréer l’original, sens à sens, son à son, langue pour
langue.
194
tal. Les frontières lui répugnent, les distinctions l’offusquent et l’infini qui lui plaît,
loin d’agrandir le monde, le réduit au “village planétaire”.
L’individu n’est plus pour lui une possibilité du Verbe mais le plus petit commun dé-
nominateur, un immédiat sans hauteur, ni profondeur, ni histoire, sans récit, un corps
adoré, thalassothérapisé, oint de crèmes anti-rides. La doxa dominante nous le redit :
le corps n’est que le corps, la lettre n’est que la lettre, la matière n’est que la matière.
Rien n’est informé par rien, rien ne reçoit l’éclat d’une vérité plus haute, ou anté-
rieure. Les choses ne sont que ce qu’elles sont, mais ce qu’elles sont, nul ne le dit, et
pour cause, la question même est hors de propos, malséante, coupable, en un mot
“métaphysique”, c’est-à-dire élitiste et “testimoniale”.
Est-ce le voyage vers le pays où l’on n’arrive jamais ? C’est certainement le voyage
mythique poursuivant la résolution des distances, la résorption des résistances, le com-
blement du manque, la lutte immémoriale contre l’entropie, qui justifient ces usages.
Nous reprendrons ici cette sentence fondamentale à propos des cinq penseurs juifs essen-
tiels : « Moïse a dit, tout est dans la Loi ; Jésus a dit, tout est dans l’amour ; Marx a dit,
tout est dans l’argent ; Freud a dit, tout est dans le sexe. Et Einstein a dit, tout est rela-
tif » 907 . Le Rite est ainsi en position de médiation entre l’homme et le monde, comme
l’est le langage. De plus, il fournit au ritualisant le territoire de son voyage et, chose ex-
trêmement précieuse, ce territoire est transportable. La lutte continue.
907
Cité par Nabati, 2007.
195
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Exemple, RÉAA b1-R, 1952 : RÉAA= Rit écossais ancien et accepté ; b= GLDF ; 1= Premier Grade ; R=
réception, 1952.
RÉAA a0, 1820 : Guide des maçons écossais ou Cahiers des trois grades symboliques du Rit ancien et
accepté. Edimbourg, s.n., 18**.
RÉAA a0, 1829 : Rituels des Trois premiers grades de la Franc-Maçonnerie écossaise. [1829]. Manuscrit
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[1843].
RÉAA a0, 1862 : Rituels des Trois premiers grades de la Franc-Maçonnerie écossaise. Paris, SCDF,
[1862]
RÉAA a0, 1871 : Rituels des Trois premiers grades de la Franc-Maçonnerie écossaise. Paris, SCDF,
[1871]
RÉAA a0, 1905 : Rituels des Trois premiers grades de la Franc-Maçonnerie écossaise. Paris, GLDF,
[1905]
RÉAA a1, 1840 : Rituel du premier degré symbolique. Paris, SCDF, 1840 (manuscrit)
RÉAA b1-OF, 1952 : Rituel du premier degré symbolique de la Franc-Maçonnerie écossaise. Ouverture
et clôture des travaux. Paris, GLDF, 1952
RÉAA b1-R, 1952 : Rituel du premier degré symbolique de la Franc-Maçonnerie écossaise. Réception
d’un apprenti. Mémento et instruction du 1er degré. Paris, GLDF, 1952.
RÉAA b1, 1962 : Rituel du premier degré symbolique. Paris, GLDF, 1962.
RÉAA b1, 1989 : Rituel du premier degré symbolique. Paris, GLDF, 1989.
RÉAA b1, 1998 : Rituel du premier degré symbolique. Paris, GLDF, 1998.
RÉAA b1, 2000 : Rituel du premier degré symbolique. Paris, GLDF, 2000.
RÉAA b2, 1986 : Rituel du deuxième degré symbolique. Paris, GLDF, 1986.
RÉAA b2, 2002 : Rituel du deuxième degré symbolique. Paris, GLDF, 2002.
RÉAA b3, 1967 : Rituel du troisième degré symbolique. Paris, GLDF, 1967.
RÉAA b3, 1990 : Rituel du troisième degré symbolique. Paris, GLDF, 1990.
RÉAA b3, 1991 : Rituel du troisième degré symbolique. Paris, GLDF, 1991.
RÉAA b3, 2002 : Rituel du troisième degré symbolique. Paris, GLDF, 2002.
RÉAA c1 : RÉAA. Rituel du Grade d’Apprenti. Paris, GLNF, s.d.
RÉAA c2 : RÉAA. Rituel du Grade de Compagnon. Paris, GLNF, s.d.
RÉAA c3 : RÉAA. Rituel du Grade de Maître. Paris, GLNF, s.d.
RÉAA d1 : Rituel RÉAA d’après les Rituels Anciens, Apprenti. Paris, GLNF, s.d.
RÉAA d2 : Rituel RÉAA d’après les Rituels Anciens, Compagnon. Paris, GLNF, s.d.
RÉAA d3 : Rituel RÉAA d’après les Rituels Anciens, Maître. Paris, GLNF, s.d.
RÉAA e1, 2005 : Rituel du premier degré symbolique. Paris, GLTS-Opéra, 2005.
RÉAA e2, 2005 : Rituel du deuxième degré symbolique. Paris, GLTS-Opéra, 2005.
RÉAA e3, 2005 : Rituel du troisième degré symbolique. Paris, GLTS-Opéra, 2005.
RFM a0, 1780 : La Franche-Maçonnerie dans tous ses grades…, Dédié à la Respectable Loge de l’Amitié à l’Orient
du Régiment de Brie, infanterie, par le frère de Rampon membre de laditte Loge. (rituel Rampon).
RFM a0, 1786 : Rituels du Rite Français Moderne, 1786. Apprenti-Compagnon-Maître. Paris-Genève,
Champion-Slatkine, 1991.
RFM a0, 1788 : Recueil des Trois Premiers Grades de la Maçonnerie, Apprenti, Compagnon, Maître. Au
Rite Français, 1788. P. Mollier éd. Paris, À l’Orient, 2001.
RFM a0, 1858 : Rite Français. Collection des Cahiers des Grades Symboliques, « rite Murat ». Paris,
GODF.
RFM a0, 1887 : Rituel du Rit Français, « rite Amiable ». Paris, GODF.
RFM a1, 1955 : Cahier du Grade d’Apprenti. Paris, GODF.
214
Codage : RIT obédience.type Grade. type particulier. année. Ce qui donne, par exemple, RGB ab0= Rit
« anglais », GLUA, « Castle » Ritual, les trois Grades.
RGB aa0 : Bristol Masonic Ritual. A Guide to the Oldest and Most Unusual Craft Working in England,
ed. by Charles E. Cohoughlyn-Burroughs. Boston-New-York, Poemandres Press, 1996.
RGB ab0 : The « Castle » Ritual by Northumbrian Past Masters. 16th ed. s. l. [Newcastle upon Tyne],
[Provincial Grand Lodge of Northumberland], 1986.
RGB ac0 : The Logic Working of Craft Ceremonies. Hersham (Surrey), Lewis Masonic, 1998.
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RGB ae0 : The Oxford Ritual of Craft Freemasonry. Revised Edition. Addlestone (Surrey), Lewis Maso-
nic, 1993.
RGB af0 : Ritus Oxoniensis, being the Ritual of Craft Masonry as Antiently Practised in the Province of
Oxfordshire and Elsewhere. Shepperton, Lewis Masonic, 1988.
RGB ag0 : The Revised Ritual of Craft Masonry. Eighth and revised Edition. Addlestone (Surrey), Lewis
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RGB ah0 : Stability Ritual, As taught in the Stability Lodge of Instruction, Sometimes known as the ‘Mug-
geridge Working’. Addlestone (Surrey), Lewis Masonic, 1993.
RGB ai0 : The Sussex Ritual of Craft Freemasonry. Revised Edition. Hersham (Surrey), Lewis Masonic,
1980.
RGB aj0 : The Universal Book of Craft Masonry. 9th Edition 1988. Addlestone (Surrey), Lewis Masonic,
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RGB ak0 : Authorised West End Ritual of Craft Freemasonry. Hersham (Surrey), Lewis Masonic, s. d.
RGB ba0 : Irish Ritual of Craft Freemasonry as worked Under Warrant of The Grand Lodge of Ireland.
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Codage : RIT/ obédience.type/ Grade.type particulier./ année. Ce qui donne, par exemple, RUS ab0 : =
Rit « américain », Ob. nationale, Look to the East!, les trois Grades.
RUS aa0 : DUNCAN, Malcolm C. Duncan’s Masonic Ritual and Monitor or Guide to the Three Symbolic
Degrees of the Ancient York Rite. Harwood Heights, Charles T. Powner, 1974.
RUS ab0 : Look to the East! A Ritual of the First Three Degrees of Masonry. Chicago, Charles T. Powner
Co, 1993 (édité par Ralph Lester).
RUS ac0 : RONAYNE, Edmond. Ronayne’s Handbook of Freemasonry with appendix. Chicago, Charles
T. Powner, 1991.
RUS ad0 : A Ritual and Illustrations of Freemasonry Accompanied By Numerous Engravings and a Key to
the Phi Beta Kappa. London, W. Reeves (réédité par Kessinger Publishing Co).
215
Descriptif des volumes à paraître.
1. Le volume Des Rits maçonniques. III. Le poignard et le cœur, à paraître chez Dervy, regroupera
les études suivantes :
- L’aiguillon de la conscience (cité comme Langlet, 2009a 1)
- Les pénalités, pourquoi ? (Langlet, 2009a 2)
- La Loge de Saint-Jean (Langlet, 2009a 3)
- Les deux diacres (Langlet, 2009a 4)
- Communication des mots et « reconnaissance » (Langlet, 2009a 5, reprise de l’article 2006a)
- La métaphore du temple de Salomon (Langlet, 2009a 6)
- Midi ? (Langlet, 2009a 7)
- Raison et usage de la Planche (Langlet, 2009a 8, reprise de l’article 2008a)
- La mémoire (Langlet, 2009a 9)
2. Le volume Des Rits maçonniques. IV. La Bible et la Loge, regroupera les études suivantes :
- La Bible et la Loge (Langlet, 2009c 1, reprise de l’article du même titre, Langlet, 2001b)
- Les étapes de la libération (Langlet, 2009c 2)
- Accepté (Langlet, 2009c 3)
- De l’esclavage à la liberté (Langlet, 2009c 4)
- Justifié, accepté, reçu (Langlet, 2009c 5)
- Le blé du ciel (Langlet, 2009c, 6)
- La loge et sa situation (2009c, 7)
216
217
Annexes
218
219
Annexe I
Classements des objets symboliques
220
221
Annexe II
Divulgations, rituels, manuscrits et documents.
Quelques repères.
Période ouvrière
e
XIV siècle
1356 Règlements pour le métier de maçon
1370 Ordonnances du Chapitre de la cathédrale d’York.
e
XV siècle
c. 1410 Cooke Ms (date estimée)
c. 1430 Regius Ms (date estimée)
1442 Locke Ms
1459 Statuts de Ratisbonne ou de Strasbourg (1498 ??).
e
XVI siècle
1581 Melrose Ms N° 1
1583 Grand Lodge Ms N° 1
1598-9 Schaw statutes
1600 Ms Landsdowne
e
XVII siècle
1607 Inigo Jones Ms
1610 Wood Ms
1646 Sloane Ms N° 3848
1650 Harleian Ms N° 2054
1665 Poole Abstract
1666 Aitchinson’s Haven Ms
1670 Buchanan Ms
1675 Heade Ms
Période maçonnique
e
XVIII siècle
1710 Dumfries N° 4 Ms
1711 Trinity College Dublin Ms
1714 -20 Kevan Ms
1717 Première Grande-Loge, dite plus tard « Grande-Loge des Moderns ».
1722 Long Livers.
*1722 Constitutions de Roberts
*1723 Constitutions d’Anderson
*1723 A Mason’s Examination.
*1724 The Whole institution of Masonry
1724 Secret History, par Briscoe
1724 The Grand Mystery of Free-Masons Discover’d
1724 The Sisterhood of Free-Sempresses
1724 A Letter from the Grand Mistress
1725 Fondation de la Grande-Loge d’Irlande
1725 Fondation de la Grande-Loge de Toute l’Angleterre, à York
1725 Premières loges françaises
*1725 Institution of Free Masons
*1725 The Whole Institution of Free-Masons Opened
1725 The Free-Masons Vindication
*1726 Graham Ms
*1726 The Grand Mystery Laid Open
*1727 A Mason’s Confession
*1727 Wilkinson Ms
1728 Woodford Ms
1728 Supreme Council Ms
1729 A Book of the Antient Constitutions, de Benjamin Cole
1730 The Mystery of Free-Masonry
*1730 Masonry Dissected, de S. Prichard
1730 The Perjur’d Free Mason Detected
222
1730 A Defence of Masonry
1730 Constitutions irlandaises, par Penell
1735 Pocket Companion
1736 Fondation de la Grande Loge d’Écosse
*1736 Constitutions, histoires, lois, charges, règlements et usages… (in LPM)
*1736 Discours de Ramsay (1er version)
*1736 Discours de Ramsay (2e version)
*1737 Réception d’un Frey-Maçon (le document « Herault »)
*1738 Constitutions d’Anderson. 2e éd.
1738 La réception mystérieuse
*1738 L’origine de la réception mystérieuse (id. ), et 1743
1740 The Chesham Ms
*1740 Dialogue between Simon and Philip
*1740 Catéchisme des francs-maçons, dédié au beau sexe…, par Léonard Gabanon (L. Travenol)
*1742 Histoire, obligations et statuts de la vénérable confraternité des Francs Maçons (La Tierce)
*1742 Le secret des Francs-Maçons de l’Abbé Pérau, pub. plus tard comme OFT
1743 L’origine et la déclaration mystérieuse des Francs-Maçons (trad. de S. Pichard).
*1743 Interrogatoire de John Coustos, par l’Inquisition portuguaise
*1744 Rituel de La Fidélité, Le Havre
*1744 Le catéchisme des Francs-Maçons (L. Travenol)
*1744 Le secret des francs-maçons mis en évidence…
*1745 L’Ordre des Francs-Maçons trahi
*1745 Le secret de l’Ordre des Francs-Maçons mis à jour par Monsieur xx (Abbé Pérau)
*1745 Le Sceau rompu, ou La Loge ouverte aux profanes par un franc-maçon
*1747 La Désolation des entrepreneurs modernes
*1747 Les Francs-Maçons écrasés, suite du livre intitulé l’Ordre… (Abbé Larudan)
*1748 Le Parfait Maçon (LPM)
*1748 La franc-maçonne (in LPM)
*1748 Le Secret des Francs-maçons, entièrement découverts à une jeune dame… (in LPM)
*1748 L’Anti-Maçon
*1748 L’École des francs-maçons (in LPM)
*1749 Le Nouveau catéchisme…
c. 1750 1750 env.Essex Ms
1751 Fondation de la Grande Loge dite des « Antients »
*1751 Le Maçon démasqué.
*1751 Les Sept Grades de la Mère-Loge écossaise de Marseille
1754 Pocket companion
1756 Constitutions irlandaises de Spratt
1756 Ahiman Rezon, Livre des Constitutions des « Antients », (L. Dermott)
1757 Le Maçon demasqué
1758 Elément de la maçonnerie (Ars Macionica)
1760 A Master Key to Free-Masonry (trad. de L’ordre des Francs-Maçons trahi)
1760 Three Distinct Knocks
1762 Jachin & Boaz
1763 Rituel du marquis de Gages
1764 Hiram
*1765 Schibboleth
1765 Mystery of Free Masonry explained, par Gordon
*1765 Rituel du prince de Clermont
1766 Mahhabone
*1766 Solomon in All His Glory (Trad. de Le Franc-Maçon Démasqué de 1751)
*1768 Manuscrit de St Jean de la Constance, Grenoble
*1768-9 Rituel de Mirecourt
1769 The Free-Mason Stripped Naked
*1770 Corps complet de maçonnerie
*1770 Système de Zinnendorf
*1770 env. Rituel du comte de la Barre
1772 Illustrations of Masonry (W. Preston)
*1774 Rituel de la Mère-Loge d’Avignon
*1774 Rituels du Rite Écossais Philosophique
1775 Illustrations of Masonry (W. Preston). 2e éd.
*1775 Rituels de la Stricte-Observance
1779 Grande Loge d’Angleterre, au Sud de la rivière Trent (Preston)
*1780 Livre des Marchés
*1780 Rituel « Rampon »
*1780 Rituel « d’Uzerche » (RF)
*1781 Recueil précieux de la maçonnerie adonhiramique
*1782 Rituels du RER
*1784 Rituels du Duc de Chartres
*1786 Manuscrits du Rite Moderne (rituel du GODF)
*1787 Manuscrit de la Bibl. Lénine, Moscou
*1788 Recueil des Trois premiers grades (RF, imprimé)
*1798 The Master Key… (J. Brown)
*1799 env. Rituel de Bristol
223
XIX
e
siècle Période maçonnique
e
XX siècle
*1901 Rituel standard d’Écosse
*1905 Rituel du RÉAA
*1910 Tout ce que doit savoir un maître maçon, Papus
*1938 Rituel « Groussier » (RF)
*1950 Rituel du RÉAA
*1955 Rituel « Groussier » rév. (RF)
*1962 Refonte du Rituel du premier Degré (RÉAA-GLDF)
*1965 Refonte du Rituel du deuxième Degré (RÉAA-GLDF)
*1965 Refonte du Rituel du troisième Degré (RÉAA-GLDF)
*1969 Rituel Émulation, imprimé par Lewis Masonic
Divers rituels en anglais, disponibles en librairie.
911
Grandes constitutions de 1786, révisées par le Convent universel des Suprêmes Conseils réunis à Lau-
sanne et adoptées dans sa séance du 22 septembre 1875
224
225
Annexe III
226
Tableau 2. Les positions du corps
Bandeau
Prière oui / non non, mais... Avt. - Serment, avant oui -
Ob 1 init
Position si oui, à genoux 1 genou à terre - genou droit - à deux genoux
Serment Serment 1 Oblig 1 - réitération Ser- - -
ment
Position debout debout debout debout - -
Pieds libres libres libres libres - -
Main G Boire - - Boire 1 - -
Main D Cœur Boire Boire - - -
OBLIGATION / SERMENT
LUMIERE
consacrée consacrée
libre volonté plein gré et consen- plein gré honneur d'homme sur parole d'honneur
tement libre
libre volonté
je jure je promets et jure je promets et jure je jure et promets je promets/ m'engage je promets et jure je m'engage
devant GA
Tableau 4. Le secret
912
Volume de la Loi Sacrée.
913
Volume de la Sainte Loi.
227
RÉAA RFT RFGO RÉR RMM RÉ RY
jamais révéler garder inviola- garder inviola- jamais révéler 914 jamais révéler 915 taire, cacher, jamais garder, cacher,
blement blement révéler jamais révéler
aucune partie ou aucun point, partie,
parcelle parcelle
aucun secret de la tous les secrets le secret ma- aucun des mystères aucun mystère, des secrets ou mys- des secrets et mys-
FM 916 çonnique secret de la FM. tères tères
confiés par cette R. plus ce que j'aurais confiés aujour-d'hui confiés aujourd’hui
Loge vu ou entendu
plus tout ce que ou à l’avenir
j'aurai vu ou enten-
du faire
ni de les tracer 917 jamais les écrire jamais rien dire jamais écrire ne pas écrire, ne pas écrire,
écrire tracer écrire par aucun écrit tracer buriner, buriner,
buriner graver gravure buriner sculpter, sculpter,
graver buriner imprimerie former aucun carac- marquer, marquer,
tère
sculpter ou parole qui pourrait dé- graver,
voiler
ou reproduire au- dans quelque langue ni tracer, tracer
trement
ou caractère ni engager à le faire,
ni ne le permettrai
+ ne pas me faire
connaître
à qui n'a pas qualité que j'en aie reçu la à moins que j'en aie à quiconque que je qu'à un F sauf à un ou plu- sauf apprenti
pour les connaître 918 permission ex- reçu l'autorisation, n'aurai pas recon- sieurs FF
presse, etc. etc. nu…
après examen après examen
bons, légitimes ou être assuré par un
Maçons 919 F. connu
dans Loge régulière ou dans une Loge sauf dans une Loge sauf dans une Loge
soumission aux
lois maç. 920
914
« Ancienne » formule du serment…, toujours en vigueur à la GLNF.
915
Franc-Maçonnerie d'autrefois.
916
Serment GLDF et GLNF.
917
Serment GLDF, uniquement.
918
Serment GLDF, uniquement.
919
Serment GLNF, uniquement.
920
Formule du Serment RÉR, prononcée par le candidat.
228
921
Tableau 5. Le secret (ancien)
jamais imprimer
jamais écrire 925 pas écrire marquer
ouvrager teindre
marquer graver
représenter faire exécuter
graver
après examen
gorge coupée gorge coupée sanctions prévues tête coupée gorge tranchée gorge tranchée gorge tranchée
entrailles arra-
chées
corps brûlé
réduit en cendres
cendres au vent cendres jetées au vent
mémoire exécrée plus de trace en mé-
moire
921
D'après les traductions des Cahiers VDH.
922
Trois Coups Distincts.
923
Demandes et réponses.
924
Obligation de l'apprenti.
925
Le serment
229
Tableau 7 : Les Pénalités modernes – 2e degré
m'arracher le cœur coeur arraché cœur arraché cœur arraché le cœur arraché, cœur arraché
de la poitrine langue arrachée poumons arrachés
brûlé
privé de la société
des honnêtes gens
926
Ce qui suit constitue les pénalités du serment de la GLDF.
927
Ce qui suit constitue les pénalités du serment de la GLNF.
230
Tableau 9. Règles communautaires et sociales. 1er degré
RÉAA RFT RFGO RÉR RMM RÉ RY
observer les prin- me conformer aux soumettre aux lois de répandre les en-
cipes de l'Ordre statuts et règle- la M seignements
ments…
travailler à la prospé- travailler avec faire respecter
rité de ma R. Loge zèle…avec constance
suivre ses travaux et régularité et chérir l'ordre
à l'œuvre maç.
aimer mes FF aimer mes FF aimer mes FF aimer mes FF considérer tous les
FM comme FF
les aider les secourir les protéger
les assister
les aider
pratiquer les vertus exemple des vertus
pratiquer la solidarité pratiquer fraternité
assistance envers les soutien du faible
faibles
justice adversaire de l'injus-
tice
dévouement pour
famille,
dévouement pour opposé à toute vio-
patrie, lence
humanité,
être digne
maintenir les prin- renouvelle mes renouvelle ma pro- me conduire en bon pas léser, tromper,
cipes appris engagements messe et fidèle Compagnon frauder une Loge
de Compagnons
aimer mes FF. ou un Compagnon
les secourir en leurs
besoins
réitère les engage- travailler à l'émanci- devoirs de la fraterni- défense de l'honneur pas tromper, frauder,
ments précédents pation té d'un MM. etc.
intellectuelle et de l'amitié
et morale pas porter préjudice pas porter préjudice règles de morale
sexuelle
de l'humanité pas faire souffrir règles de régularité
maç.
défendre sa bonne
renommée
édifier mes FF
soulager sa misère
par bonne conduite
respecter les lois défendre les lois
de la religion chré- de Dieu
tienne
de l'état de l'état
Lumière Lumière
3 Grandes Lumières
Secrets du grade
Reconnaissance
Tablier Tablier
Charité Secrets du grade
Outils Reconnaissance
Bienvenue Charité
Bienvenue
231
Serment 1 Obligation Obligation Serment Serment Serment Serment 1
pardon pardon
bandeau 2
Serment 2 Serment 2
Etoile flamb.
3 Grandes Lumières 3 Grandes Lumières 3 Grandes Lumières “objets”
3 lum secondaires 3 lum secondaires
3 dangers
pieds en équerre
Baiser fraternel Baiser fraternel Baiser fraternel
232
Tableau 13. La communication des secrets (2e partie)
RÉAA RÉmulation Rit York RMM RÉR RFGO RFT
233
Tableau 14. Les lumières majeures et mineures. Textes anciens.
234
235
Annexe IV
Ère pré-chrétienne
-IVe siècle
398 Le Canon de la B. hébraïque s’établit progressivement, d’abord les Cinq livres de la Loi (la Torah), et un peu
plus tard, les Prophètes, les Psaumes et les Hagiographes.
-IIIe siècle
285-265 B. des LXX (La Septante). C’est la traduction grecque de la Bible par des Juifs. C’est le Canon d’Alexandrie
(certains livres sont reçus comme canoniques) qui diffère du Canon palestinien.
Ère chrétienne
Ie siècle
80-100 Assemblée de Jamnia (ou Iamnia). Fixation des Autres Écrits. Il existe donc deux Canons, l’Alexandrin et le
Palestinien. Les premières communautés chrétiennes hésitent entre les deux.
IIe siècle
110 B. grecque d’Aquila, prosélyte juif (et disciple de Rabbi Aqiba) qui révise la Septante. On la considère comme
une traduction fidèle.
182 B. grecque de Théodotion, prosélyte juif d’Éphèse, qui révise la Septante.
e
III siècle
On établit les premières traductions en langue gauloise.
c. 230 Origène d’Alexandrie fait reconnaître le canon grec à Rome et en Afrique du Nord. Il remanie la Septante.
Une première traduction en latin, dite « Vieille Latine » (Vetus Latina) est établie sur la version grecque.
c. 250 Il existe une B. latine complète, à Carthage.
IVe siècle
386-420 Jérôme établit une traduction en latin, la Vulgate. Les deux « Testaments » forment la B. chrét., proche de la
Septante, tout en adoptant la liste et l’organisation du canon alexandrin.
VIIIe siècle
735 Bède le Vénérable traduit l’év. de Jean à partir de la Vulgate, juste avant de mourir.
800-1 B. d’Alcuin d’York complète (rév. de la Vulgate à la demande de Charlemagne. Il en reçoit un exemplaire pour
son couronnement).
IXe siècle
802 B. de Théodulf.
e e
XI -XII siècles
On récite la B. rimée et on compose des Bibles moralisées, sans texte mais avec des milliers d’images.
e
XIII siècle
1229 Concile de Toulouse interdisant aux laïques d’avoir la Bible. On cherche à détruire tout ce qu’on trouve.
1230 Synode de Reims, interdisant de traduire la B. en français.
1246 Concile de Béziers étendant la mesure au clergé. Cette mesure semble avoir eu peu d’effets…
1250 Première traduction de la B. en français. Elle a peu de succès, on lui préfère les Bibles historiales.
B. de Thou.
c. 1280 B. du XIIIe siècle.
1291-95 B. Historiale de Guiart de Moulins (ou Guyart Desmoulins) qui adapte l’Historia scolastica de Petrus Comestor
(Pierre le Mangeur). Elle est très populaire jusqu’au XIVe siècle, même hors de France.
XIVe siècle
Biblia pauperum (B. des pauvres) avec de nombreuses enluminures.
c. 1317-30 B. Historiale complétée. C’est le mariage entre la B. de G. Desmoulins et la B. du XIIIe siècle.
c. 1350 B. anglo-normande (Trad. en anglo-normand).
1375-82 B. de Raoul de Presles
c. 1382 B. traduite par Wycliff et N. de Hereford. Première vers. intégr. en ang. B. des Lollards, fondée sur la Vulgate.
1395-97 Révision de la B. de Wycliff par John Purvey. Le texte de Purvey est copié pendant tout le XVe siècle.
236
XVe siècle
1408 Concile provincial d’Oxford interdisant les traductions et les lectures non autorisées de la Bible.
1455-56 Première B. imprimée, par Johannes (Jean) Genfleisch, dit Gutenberg (c. 1394-1468). C’est la B. en 42 lignes
(B42) reproduisant le texte de la Vulgate, en caractères gothiques, imprimée à Mayence.
1470 Premier livre imprimé à Paris, en gothique.
1471 Première traduction en italien, par Nicolo Malermi (rééd. 1567), sur la Vulgate. Impr. à Venise.
c. 1475 B. imprimée par Jocodus Pflanzmann, à Augsbourg et illustrée de 57 bois gravés (all.).
1476 Première B. latine imprimée en France (Friburger et Co), in-f° sur deux colonnes, gothique 15 pl.
c. 1478 Bibles de Cologne, par Hans Quentell, illustrées de 113 et 123 bois (all.).
1483 B. de Koberger, imprimée à Nuremberg. 109 ill. (all.)
1485 B. de Grûninger, imprimée à Strasbourg, avec 109 bois (all.)
1490 B. de Schönsperger, imprimée à Augsbourg, avec 109 ill. (all.)
1492 Postilles, Nicolas de Lyre, publiées à Troyes.
1494 B. de Lubeck, par Steffen Arndes, 152 ill. (all.)
1495 B. de Jean de Rely
237
XVIe siècle
1507-18 Bibles d’Ottmar (Augsbourg, 109 ill., all.)
1516 Novum Instrumentum Graece, Erasme. Impr. à Bâle.
1516 Utopia, Thomas More.
1519 Les Sept Psaumes de la Pénitence, Luther.
1519-20 Introduction du luthéranisme en Angleterre.
1522 Trad. du NT par Luther. Impr. en 1523 chez Melchior Lotther, à Wittenberg, avec ill. de Lukas Cranach
l’Ancien et de ses élèves. in f°, 3000 ex.
1522 B. d’Halberstadt, avec 119 ill. (all.)
1523 Première trad. clandestine en angl., par W. Tyndale, imp. à Cologne. Le NT distribué en Angleterre est saisi et
brûlé. Autorisée en 1535 (P/Luth).NT de JLE
1524 Deuxième partie de l’AT, de Luther, chez Chr. Döring et Lucas Cranach.
1526 B. en hollandais, traduite de Luther.
1526 B. hébraïque, dite B. de Venise.
1526 Premiers exemplaires de la B. de Tyndale vendus en Angleterre.
1528 Première édition de la Vulgate par Robert Estienne. AT de JLE
1530 Première traduction complète de la B. en français, attribuée à Jacques Lefèvre d’Étaples (c. 1460-1536), et
imprimée à Anvers. Ni protestante, ni catholique, elle traduit la Vulgate. Cette version, dite B. d’Anvers, est
condamnée et en partie détruite (144 bois gravés).
1530-31 B. de Zurich (suisse all.)
1532 B. en italien, trad. par Antonio Brucioli.
1532 Édition latine d’Estienne.
1532 Pantagruel, Rabelais.
1534 *Première édition complète de la B. de Luther, chez Hans Lufft à Wittenberg, avec 184 grav. de l’atelier Cra-
nach.
1534 Première révision (et rééd.) de la B. d’Anvers, « avec les variantes de l’hébreu et de grec » (Texte de Lefèvre
d’Étaples avec une partie des illustrations de 1530, notes marginales et variantes).
1534-35 B. d’Olivétan (Robert Olivétan, 1506-1538), imprimée à Neuchâtel, à partir de la Vulgate, mais en lui compa-
rant des originaux hébreux et grecs (1er fois). Encore imprimée en caractères gothiques, en format in-folio.
Introd. du terme Éternel pour traduire le Tétragramme. Confondue avec la B. de Genève. Première trad.
protestante (P).
1535 B. de Miles Coverdale. Elle s’appuie sur la Vulgate, la B. de Luther et la B. de Tyndale. Impr. à Cologne.
1535 Matthews Bible. C’est la reprise de la B. de Tyndale et de celle de Coverdale par John Rogers.
1536 Adoption de la Réforme à Genève.
1538 Révision de la B. d’Olivétan, à Genève. C’est la Bible de Genève, qui sera maintes fois révisée.
1538 Les Frères Frellon reprennent Images de la B. d’Holbein.
1539 Révision de la Matthews B. par R. Taverner. C’est la première B. imprimée complètement en Angleterre.
1539-40 « The Great Bible », (La Grande B.). Première version complète imprimée en anglais. On l’appelle aussi B. de
Cranmer. Elle tire son nom de sa dimension. Nouv. rév. de la Matthews B. (B. de Tyndale) par Coverdale.
dédiée au Roi Henry VIII. Largement utilisée dans les églises.
1539-44 Édition de la B. hébraïque de R. Estienne.
1540 Quatrième édition de la Vulgate de R. Estienne. Elle comporte vingt bois gravés dont certains selon les indica-
tions de François Vatable (Arche d’Alliance et Temple de Salomon).
1540 B. à l’Épée. Révision de la B. d’Olivétan (BG). C’est la première B. en caractères romains (P).
1541 B. en suédois, traduite de Luther.
1541 Rééd. de la B. d’Anvers de 1534, avec les mêmes bois gravés.
1545 B. de Wittenberg (all.).
1545 B. latine d’Estienne avec illustrations didactiques (de F. Vatable).
1546 CONCILE DE TRENTE. Ce Concile demande une Vulgate authentique. On y déclare que cette version en
latin sera le texte officiel (C).
1546 Révision de la B. de Genève par Calvin.
1548 Révision de la B. de JLE par Nicolas de Leuze (Anvers)
1549 « Act of Uniformity » et « Book of Common Prayer » (P/calv).
1550 B. en danois, traduite de Luther.
1550 Correction catholique de Lefèvre d’Étaples et mise en accord avec la Vulgate par deux théologiens de Lou-
vain. Première B. de Louvain. Suspectée d’hérésie.
1551 Nouvelle révision de la B. d’Olivétan sous l’autorité de Calvin.
1552 « 2nd Act of Uniformity » et « 2nd Book of Common Prayer » (P/calv).
1553 B. de Robert Estienne en français. Révision de la B. d’Olivétan. Elle adopte la numérotation des versets, qui
gagnera les autres Bibles, et comporte de nombreuses illustrations « scientifiques » (P).
1553 Le graveur Bernard Salomon grave des Figures de la Bible pour l’imprimeur lyonnais J. de Tournes. Elles sont
reprises dans différentes éditions de la B. à travers l’Europe et imposent des modèles iconographiques.
1555 B. en français de Sébastien Castellion (P). Condannée par Calvin. En latin en 1551.
1560 Nouvelle édition revue par Henri Estienne (P). Bible de Calvin suivant Olivétan.
1560-67 *Nouvelle révision de la B. C’est la Geneva Bible, imprimée à Genève (et dédiée à Elizabeth I, qui n’a pu
empêcher sa parution). C’est la B. de Shakespeare, concurrente sérieuse de la Great Bible (P/calv). Compilée
d’après les travaux de Tyndale et de Coverdale, influencée par Calvin et Th. de Béze, par Lefèvre d’Étaples et
par Olivétan, elle sera dans les bagages des Puritains qui partiront aux Amériques.
1562 B. d’Olivétan, remaniée par Calvin (P/Calv).
238
1566 Nouv. version de la B. de Lefèvre d’Étaples par René Benoist (Cath). Condamnée par la Sorbonne l’année
suivante, pour calbinisme. Nombr. réimpressions… Première B. en français impr. à Paris.
1566 B. de René Benoist. C’est un amalgame de plusieurs versions genevoises. Condamnée l’année suivante, mais
elle sert de base à la B. de Louvain, éditée par Ch. Plantin
1568 La B. des évêques (« Bishops’ Bible », moins calviniste que la Geneva B.). Révision de la Great B. et de la
Geneva B. sous la direction de l’archevêque de Canterbury, pendant le règne d’Elizabeth II. Il y en aura 19
éditions entre 1568 et 1606. Elle sert de base à la KJV.
1568 B. bilingue de René Benoist.
1569 B. en espagnol, par Reyna.
1571 B. polyglotte d’Anvers en 8 vol.
1578 Édition de « La Sainte Bible, etc. ». C’est la B. des théologiens (ou des docteurs) de Louvain, traduite de la
Vulgate. Il y aura plus de 200 éditions jusqu’à celle de Port-Royal. C’est la B. de Pascal. (C).
1578 Première Sepmaine et Deuxième Sepmaine, de Guillaume Salluste Du Bartas.
1582 Édition du Nouveau Testament à Reims, par des jésuites anglais (C, angl.)
1580 Le graveur Pierre Woeiriot produit trente-six Images de la B. (AT), qui sont accompagnées d’un passage de la
Vulgate. Il copie parfois les illustrations de B. Salomon.
1588 Révision genevoise, importante, de la B. de Genève, d’Olivétan, par Théodore de Bèze (P/calv). B. de l’Épée.
1592 Nouvelle édition révisée, de la Vulgate, par Clément VIII. C’est la Vulgate pontificale (C).
1596 Éd. à La Rochelle de B. de Genève (P/calv).
1598 ÉDIT DE NANTES.
C. 1600 Histoire sacrée de la Bible, recueil de 450 planches de sujets bibliques provenant des éditeurs d’Anvers.
1600 Rééd. du Nouveau Testament de la B. de Genève.
239
XVIIe siècle
1601 Rééd. de la BG in-8° par J. Lertout (P).
1603 Jacques VI Stuart, roi d’Écosse devient Jacques I d’Angleterre.
1606 Rééd. de la BG à La Rochelle (P).
1607 La Faculté refuse d’autoriser l’impression de Bibles en français.
1607 La Bibbia, trad. de J. Diodati (ital.), publiée à Genève (P). C’est toujours la version protestante italienne.
1608 B. des docteurs de Louvain, rév. par P. de Besse (C).
1609-10 *B. complète, dite « Douay-Rheims Version », basée sur la Vulgate (C).
1610 Galilée publie Le Message céleste
1611 *The Holy Bible (La Sainte Bible), B. dite « King James Version », (« du Roi Jacques »), ou « Authorized
Version », (« Version autorisée »). Nouvelle trad. en anglais, toujours éditée actuellement. Elle s’inspire à 90%
du texte de Tyndale, mais aussi de la Geneva B. Cette B. mettra du temps à s’imposer, mais restera sans
concurrente pendant plus de deux siècles. Principal texte de référence des rituels anglais. C’est encore la B.
standard des Francs-Maçons de langue anglaise.
1613 B. des docteurs de Louvain, rév. par J.-C. Deville à Lyon (C.).
1614 B. de Saumur. Rééd. de la B. de Genève (P/calv).
1616 Rééd. de la BG à La Rochelle (P/calv).
1618 B. des docteurs de Louvain, rév. par C. Deville (C).
1620 Départ des Puritains pour les Amériques sur le Mayflower. Ils n’autorisent que le Geneva B. de 1560, la ver-
sion de 1611 leur semblant « libérale ».
1621 B. des docteurs de Louvain, rév. par P. Frizon (C).
1624 Rééd. de la BG à La Rochelle et à Saumur (P/calv).
1627 Icones Biblicæ de Matthaus Merian, publiées à Strasbourg (P/luth.).
1629-45 B. polyglotte de Paris, par Michel Guy Le Jay (10 vol.) (C.).
1633 Condamnation de Galilée.
1633 B. de Sedan qui est une rééd. de la BG (P/calv).
1635 Rééd. de la BG à Amsterdam (P/calv).
1637 Le Cid, de Corneille.
1641 La Sacra Bibbia, édition révisée et complétée de La Bibbia de J. Diodati (ital.), publiée à Genève (P). Cette
traduction paraît en Angleterre, en Allemagne, en Italie. Elle est toujours la B. des Protestants italiens.
1642 : Mort de Galilée.
1643 B. traduite de la Vulgate par J. Corbin (C). Rééd. en 1661.
1643 Biblia magna, compilation de Jean de la Haye, en 5 vol. (C.).
1644 La Sainte Bible, B. de Diodati en français. Rév. de la BG (P/calv).
1652 Première BG imprimée à Paris.
1656 B. de Paris-Charleston. Rééd. de la BG (P/calv).
1656 L’Imitation de Jésus-Christ, de P. Corneille.
1657 Début de la trad. de la B. de Port Royal (abbaye janséniste) ou B. de Sacy (C). -> 1696. Pascal, Robert Ar-
nauld d'Andilly, Pierre Nicole, Pierre Thomas du Fossé, avec le maître d'œuvre Louis-Isaac Lemaître de Sacy,
y ont participé.
1657 B. polyglotte de Londres, par Walton.
1659 Orbis Miraculum or the Temple of Solomon pourtrayed by Scripture-Light, de Samuel Lee.
1660 Biblia maxima versionum, de Jean de la Haye, en 19 vol. (C.).
1665 Rééd. de la BG à Leyde (P/calv).
1667 Nouveau Testament « de Mons » (Port-Royal). Paraît sous le titre Nouveau Testament de nostre Seigneur
Jesus Christ, Traduit en François Selon l’édition Vulgate, sans nom d’auteur, et avec un éditeur fictif : Gaspard
Migeot à Mons. NT à partir du grec. (Antoine et Isaac Lemaître de Sacy).
1669 *B. de Royaumont (Histoire du Vieux et du Nouveau Testament…). Cet ouvrage est illustré de nombreuses
gravures qui accompagnent des commentaires sur l’Écriture. Elles s’inspirent des Icones Biblicæ de Matthaus
Merian (C.)
1669 Réédition de BG par P. Des Hayes et A. Cellier (P/calv).
1669 B. de Des Marets. Rééd. de la BG (P/calv).
1675 Histoire de l’Ancien Testament tirée de l’Ecriture Sainte, par Robert Arnauld d’Andilly (C).
1677 Nouveau Testament de Mons.
1678 Histoire critique du Vieux Testament, de Richard Simon, Paris (C).
1681 Discours sur l’Histoire universelle, de Bossuet. C’est une histoire sainte fondée sur la Bible. .
1685 REVOCATION DE L’ÉDIT DE NANTES.
1687 BG éditée à Londres, Genève, Amsterdam.
1689 Histoire critique du texte du Nouveau Testament, par Richard Simon, Rotterdam (C.).
1687 Histoire critique des versions du Nouveau Testament, par Richard Simon (C.).
1687 Histoire critique des commentateurs du Nouveau Testament, par Richard Simon (C.).
1699 BG éditée à Amsterdam (P).
1700 *Fin de la traduct. de la B. de Lemaître de Sacy ou (de Port-Royal). Trad. de la Vulgate, utilisée jusqu’au
début du XXe (C).
1700 BG éditée à Amsterdam (P).
240
XVIIIe siècle
1701-16 Commentaire littéral sur le Nouveau Testament, inséré dans la traduction française, avec le texte latin à la
marge, par le P. de Carrières (22 vol.). Reprend la trad. de Port-Royal.
1702 BG éditée à Amsterdam.
1707-16 Commentaire littéral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament, par Dom Augustin Calmet. On
l’appelle la B. de Calmet (23 vol.) Reprend la traduct. de Port-Royal, avec variantes.
1707-24 *La Sainte Bible (révision de la BG) par David Martin, à Amsterdam. Plusieurs fois rééditée au XVIIIe siècle et
jusqu’au milieu du XIXe siècle. (P/calv)
1710 Commentaire littéral sur le Nouveau Testament de Notre Seigneur Jésus-Christ…, par L. des Carrières (C).
1714-20 Commentaire littéral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament…. 2e éd. (C).
1715-17 La Sainte B. en latin et en français avec des notes litérales, de Desprez et Desessartz. Reprend le texte du
premier Port-Royal (C).
1720 Argumens et réflexions sur l’Ecriture Sainte, par Ostervald. (P).
1724-26 Commentaire littéral sur tous les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament…. 3e éd. (C).
1724 & 1744 *La Sainte Bible, autre révision de la BG (vers. de D. Martin) par Jean-Frédéric Ostervald, à Neuchâtel. Suc-
cès exceptionnel chez les protest. francophones. Quarante rééd. jusqu’à la fin du XIXe siècle (P/calv).
1736 B. de D. Martin, revue par Pierre Roques (1685-1748), Bâle (P/calv).
1738-43 Révision du Commentaire littéral de Louis des Carrières (C.).
1739 B. de Nicolas Le Gros, dite B. de Cologne (C).
1741 Edition de la BG, par Ch. Lecène (ou Le Cène) à Amsterdam (P/calv).
1745-51 Nouvelle traduct. de la B., suivant la Vulgate, par Beauvilliers de Saint-Aignan (C).
1746 Révision de la B. de D. Martin, par Samuel Scholl, Bienne (P/calv).
1748-50 La Sainte B. en latin et en François ; avec des notes littérales, critiques et historiques, des préfaces et des
dissertations tirées du Commentaire de D. Augustin Calmet et des auteurs les plus célèbres. C’est la première
édition de la B. de Vence, élaborée par Laurent-Etienne Rondet. Elle reprend le texte de la Vulgate, la traduc-
tion de Port-Royal et les explications du P. des Carrières, avec la chronologie d’Ussher (C.).
1753 B. de Rondet, rév. de la B. de Nicolas Le Gros (C).
1764 B. des Quakers (Purver).
1772 Édition de la BG par Pierre Roques à Bâle (P/calv).
1767-73 Réédition de la B. de Vence en 17 vol. (C.).
1780 Histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament, et des Juifs, pour servir d’Introduction à l’Histoire Écclésias-
tique de M. l’Abbé Fleury, par Dom A. Calmet. 2e éd.
1781-89 La Sainte B. traduite en français…, 25 vol., avec textes de Besoigne et de Rondet.
1789-1803 B. de Port-Royal, avec illustrations.
1789-an XII La Sainte Bible…, nouv. éd., ornée de 300 fig., d’après les dessins de M. Marillier.
XIXe siècle
1822 B. de l’abbé de Genoude (Antoine Eugène Genoud), Paris, Impr. Royale.
1831-51 *B. juive de Samuel Cahen, éditée en bilingue hébreu-français (J).
1833 Version expurgée de Webster
1843 Sainte B. de J.-J. Bourassé et P. Désiré Janvier (B. de Tours), à partir de la Vulgate. (rééd. J. de Bonnot)
1859-85 *B. de John Nelson Darby. B. des “Frères de Plymouth” ou “Darbystes” (P).
1861 B. de Mackenzie. Texte parallèles (P).
1871-73 B. de l’abbé J.-B. Glaire en 4 volumes (C). Commentaires de F. Vigouroux. (Vulgate).
1872 NT de J.-Hugues Oltramare. AT de Pierre Giguet (Septante).
1873-80 *B. de Louis Segond (P). Elle s’inspire de la Version de Lausanne. Très nombreuses rééditions.
1881 Bible de Reus de Edouard Antoine Reus (inspiré des B. allemandes).
1881 B. du curé d’Ollioures (C).
1881-85 « English » Revised Version, révision de la KJV (Reprend à 80% le texte de Tyndale).
1889 *B. du Grand Rabbin Zadoc Kahn (J).
1889 B. de Glaire avec compléments de l’abbé Vigouroux. Ce sera la B. la plus répandue chez les catholiques
français jusqu’en 1904 (C).
1890 Esperanto Bible.
1890 B. Darby en anglais.
1894-1904 *B. du chanoine Crampon, première traduct. catholique française sur les originaux hébreux et grecs. Elle se
démarque en cela de la Vulgate. Ce sera la plus connue des milieux catholiques pendant un demi siècle (C).
La B. de Port-Royal et les Commentaires de Calmet sont réédités tout au long du siècle.
241
XXe siècle
1901 American Standard Vers. (à partir de la « Revised Version » 1885. Contient la plupart des suggestions faites
par les membres américains du comité de révision de la KJV de 1881-85..
1904 *B. Crampon
1909 Scofield B. (première édition américaine).
1910 *Rév. de la « Segond » par la British and Foreign B. Society. La plus connue des lecteurs francophones. Sa
notoriété concurrence la B. Crampon.
1910 *B. Synodale. Révision profonde de la B. d’Ostervald. Elle sera révisée jusqu’en 1965 (P).
1913-47 B. du Centenaire. Résultat de 40 ans de travail, prévu pour le centenaire de la Société Bibl. de Paris. Modèle à
la BJ et à la TOB (P).
1917 *B. de Vigouroux (C).
1924 *B. de Mofatt (all.).
1926 B. de Menge (all.)
1939 Complete B. Trad. américaine (E.J. Goodspeed, J.M. Powis Smith). Connue comme « Goodspeed B. ».
1944-50 B. de Knox.
1946-52 *Revised Standard Version (Vers. Standard Rév.), ss la dir. du Nat. Council of Churches of Christ. L’une des
plus sûres pour la traduction, avec l’apport de beaucoup de textes originaux.
1948 B. de Lattey (C. anglais)
1948-57 B. de Jérusalem. Première éd. en un seul vol. en 1956, par l’École biblique et archéol. de Jérusalem (C).
1949 B. de Pirot et Clamer (C).
1950 *B. de Tamisier et Amiot (C). Réed. En 1970.
1950 B. de Maredsous (C).
1950 *B. du cardinal Liénart ou B. de Lille. Elle reprend le texte de Pirot-Clamer (C).
1950 Basic English Bible (B. en anglais basique).
1956-71 *B. de La Pléiade (Éd. Dhorme), surtout intéressante par son AT. La plus proche des textes originaux.
1958 Nouveau Testament en anglais moderne, par l’écrivain anglais J. B. Philipps..
1959 Berkeley B. (ou B. de Verkyul).
1960 *Révision de la B. Crampon (C).
1964 TOB
1966 *Jerusalem B. (traduction originale de la B. de Jérusalem en anglais).
1967 Révision profonde de la Scofield B. (édition américaine)
1968 *Révision de la B. de Maredsous (C).
1970 *New English Bible. Cette traduction était destinée à remplacée la King James Version.
1970-3 *B. Osty, par Osty et Trinquet (C). Cette traduct. a demandé 25 années de travail aux auteurs.
1971 *New American Standard Bible, à partir de l’American Standard Bible.
1972 *En ce temps là, la Bible, traduction d’André Frossard, faite sur la Vulgate (C).
1972 Votre Bible, traduction de F. Amiot et R. Tamisier et all. (C).
1973 *New International Version B. (NIV).
1974-79 *La Bible, traduite par Chouraqui. Traduction, par un juif érudit, des deux Testaments.
1975 B. Scofield, avec une légère révision de la B. Segond « Nouvelle Édition de la B. » (P).
1975 *Révision de TOB (Version interconfessionnelle), conçue en 1964.
1978 *B. à la Colombe, autre révision bien connue de la B. Segond. (P).
1979 B. Segond « Édition de Genève » (P).
1979 *La Sainte Bible (Pirot-Clamer-Osty) (C).
1979 *Good News Bible. Elle est comparable à la B. en Français courant.
1981 Le journal de la vie - Aujourd’hui la Bible, de Pierre de Beaumont en un vol. (C).
1982 *B. en français courant (P).
1982 *New King James Version.
1985 *New Jerusalem Bible.
1986 *La B. d’Alexandrie (Nouvelle trad. de la LXX). Quelques Livres parus à ce jour.
1989 *Revised English Bible. Révision de la New English B. de 1970.
1992 *B. du Semeur (P).
1993 New Revised Standard Version Catholic Edition.
1993 *Traduction Liturgique de la B. Nouv. Vulgate en français (NT, Psaumes) (C).
1995 Traduction du monde nouveau (P).
1996 *New Living Translation. (P). Témoins de J.
1998 Nouv. révision de la B. de Jérusalem.
1998 *B. des peuples.
2000 *Semeur 2000.
2000 *Parole de Vie.
242
XXIe siècle
2001 *La Bible d’Alexandrie.
2001 *La Bible. Nouvelle traduction (Bayard Presse)
2002 *Nouvelle B. Segond
2003 Révision de la TOB
2004 *La Bible expliquée (en français courant)
243
Sources
Encyclopedia Britannica ;
Bible de Lemaître de Sacy (Préface) ;
Coll. La Bible de tous les temps ;
F. Tristan. Les premières images chrétiennes ;
Les Bibles en français. Histoire illustrée du Moyen Âge à nos jours, ss. la dir; de Pierre-Maurice BOGAERT. Turnhout (Belgique),
Brepols, 1991.
244
245
Annexe V
Tableau « Hocart »
246
247
Annexe VI. Tableau des éléments des légendes
1726 GHM 3 1730 MD 4 1738 CJA 2 1743 DJC 5 1744 CFM 7 1745 OFT 9 1751 MLE 10
David, Salomon S S D, S S S
Divis. classes X X X X
Nom du héros Hiram Hiram abiff Hiram Adonhiram Adoniram Hiram
Statut Maître maçon MM Architecte Archi
Époque Fin chantier Chantier fini
Récurrence Ts jours Ts j ? Ts j fin semaine
Heure C Pas de crime midi Midi soir soir
Repos x
Justif prés 1
Justif prés 2 Inspection Ordres I I I
Entrée H. O O
3 sorties T - E, O, S O, S, N S, N, E O, S, E
Nbr de comp
Noms Fils de Noé -
Raison Crim1 Mot Signe Mot (I3) Mot Sg, M, A
Raison C2 Paye Paye
Refus 1
Refus 2 Tps, patience Tps, patience Tps, patience Mérite
Outil 1 Mt Bâton Rg Bâton/Mrt Rg,
Impact 1 coup T T? T T
Outil 2 Nv Lv Rl ? Mrt
Impact 2 + fort T T T T+
Outil 3 Mss Mt Mt ? Lv
Impact 3 ++ fort T T T T ++
Succès ? Non
Transport 1 hors T, porte O Hors T hors T - non
Enterr 1 Déblais Décombres pierres pierres
Déterr 1 Minuit /repos De nuit, Nuit Nuit
Enterr 2 colline Tertre/colline hors J montagne Mt Hébron
Branche 1 — Rameau d’or/ casse B B Près arbre
Absence Jour même
Délai d’abs. 15 j 3j (3, 5) 7 j 7j 7j
Inventeurs 15 c 15 c 9 m jeunes 9m 9m
Habits ?
Sorties rech. Porte O E, S, O S, N, E O, S, E
Equipe I Trouvé par accident
Equipe II
Equipe III
Lieu assassins
Déploiement voix voix voix
Perte mot
Lieu mot sur/près sur/près
Substit Mot 1er chose 1er mot 1er mot, sg, att
Délai 9e j
Un inventeur X X X X
Fatigue 1 X X X X X
Lieu fatigue gémissements Pied colline montagne Mt Hébron
Action arrach X X X X
Obj mag. Br X X X
Terre X X X X X
Appel X X X X
Tombe X (6x6x6) X X Trouvée
Exclam 1 MDDG
Choix mot/Sg
Signes sg H
Déterr 2 X X X
Enterr 2 b X X X
Objet mag. Cassia Acacia Acacia
Choix mot/Sg X
Signes
Retour J X X X
Douleur X Slm Maçons
Sg h
Vengeance X
Groupe inv. 2 15 9 m anciens 9
Habits GT GT
Perte mot
Lieu mot
Substit Mot
Enterr 3 X
essai 1 doigt Dgt 1, Dgt 2 Dgt 1 J Dgt+J dgt 1+J
essai 2 Poignet Dgt 2 B Dgt+B dgt 2+B
essai 3 coude Pg Pg G Pg Pg,
5 points X X X
Exclam 2 XXX
Mot Subst MB MB Mb Mb Mb
Com mot murmure
Sens mot X X X X
Signes
Retour J X
Douleur Slm
Entrée Porte O Loge, près Temple
Enterr 3 SdS T T
GT
médaille Bronze, Jv ∆, or, Jv ∆, or, Jv or, ∆, MB
cercueil 7, 5, 3 marbre
Habits X GT
Mot passe Giblos
248
1757 LMD 11 1758 ELM 12 1760 TCE 13 1760 IRL 15 1763 RDG 16 1765 CLE 17 1768 SJC 18 1768-9 MIR 19
David, Salomon S S D, S S S
Divis. classes X X X X X
Nom du héros Adonhiram Hiram Hiram Hiram Hiram Hiram Hiram Hiram
Statut Archi Archi Archi Archi, métaux
Époque Fin chantier Fin chantier
Récurrence Ts j, soir Ts j Ts j Ts j Ts j ? Ts j
Heure Crime midi midi 0h Sortie des ouvr. Soir Soir
Repos X X
Justif prés. H 1 prière prière prière prière
Justif prés. H 2 s Insp. ronde Ronde
Entrée H ?
3 sorties Tp O, S, E O, S, E O, S, E S, O, E O, S, E O, S, N S, N, E S, N, E
Nbr de comp 15-12=3 15-12=3 3 3 3 3
Noms Jubal,-ol, Gablon Jubela, -o, -um
Gibloom, -os, -as
Raison Crim1 +Mot Mot Mot Sg, passe Mot> Mot Mot
Raison C2 Paye Paye Paye 1 Salaire
Refus 1 À trois ?
Refus 2 Mérite ? Tps/patience Patience Patience serm. mérite
Outil 1 Mss Rl Rg Rg Rg Lv Mrt Mrt
Impact 1 T T Gorge Gorge Ép g Ép T T
Outil 2 Mss Rl Eq Eq Mt Mrt Mt Mrt
Impact 2 T T Sein g Sein g Ép d Ptr T T
Outil 3 Mss Rl + Mt Mt Mt Lv ? Lv Mrt
Impact 3 T T T (front) T T T T T
Succès ?
Transport 1 ? hors T hors T puis fuite T
Enterr 1 pierres Décombres ? Ent. sommaire décombres pierres
Déterr 1 Nuit Fin travaux Nuit
Enterr 2 Sinaï hors T, Sinaï montagne Ebron
Branche 1 B B Acacia +EqCps Accassia posée B Agacia
Absence ? 7j X
Délai d’abs. 3e j 7j 7j
Inventeurs 9m 9m 12 c 9 m (sort) 9m 9m 9m
Habits ? GT Lavent m.
Sorties rech E, O, S E, S, O N, S, E, O S, O, E O, S, E +3
Equipe I E1 > Jaffa 9 lieues+Sinai
Equipe II E2> Jaffa
Equipe III
Lieu assassins Grotte (E2)
Déploiement
Perte mot
Lieu mot sur/près
Substit Mot x E3
Délai X
Un inventeur X X X E3 3 X
Fatigue 1 X X X E3 X X X
Lieu fatig.+ ass. Grotte X
Action arrach X X E3 X X X
Br. plantée X X X X
Terre remuée X X X X X
Appel autres X X X X X
Tombe X X 7, 3, 6 (Ass)
Exclam 1 O
Choix mot/Sg X X Sg
Signes Sg H
Déterr 2 X E3 X
Enterr 2 b
Objet mag.
Choix mot/Sg 1er Sg, 1er mt Sg F/H
Signes Sg H
Retour J X X E2, E3>
Douleur
Vengeance X X X
Groupe 2 12 c
Habits x
Perte mot X
Lieu mot X
Substit Mot 1er mot, sg, X
Enterr 3
essai 1 Att App+J Gr app Dg 1, J Dg 1, J Dgt 1
essai 2 Dgt 1, Dgt 2 Att Cp+B Gr comp Dg 1, B Dg 2, B Dgt 2
essai 3 X X Pgt Pgt
5 points accolade X X X
Exclam 2 X X
Mot Subst MB Mb Mb Mb MB
Com mot Mb X
Sens mot X X X X
X 1er mot
Signes Gd Sg Sg, Sg
Retour J X X
GT
Douleur
Entrée
Enterr 3 SdS SdS Sanctuaire T
249
1770 CCM 20 1770 ZIN 21 1774 AVI 22 1770 RCB 23 1775 RSO 24 1778 HAU 25 1780 MAR 26 1780 RAM 27
David, Salomon S S
Divis. classes X X X
Nom du héros Hiram Adoniram H/Adonhiram Hiram Hiram Hiram Hiram Hiram
Statut MM Archi Archi, métaux
Époque
Récurrence Ts j Ts j Ts j ? Ts j
Heure Crime soir 0h Sortie des ouvr. Soir
Repos
Justif prés. H 1 Prière prière
Justif prés. H 2 Insp Insp. Insp. ronde
Entrée H ?
3 sorties Tp O, N, E S, N, E E, S, O O, S, E O, S, E O, S, N S, N, E
Nbr de comp 3 3 3 3 3 3 3 3
Noms
Raison Crim1 Mot mot Parole Mot, salaire Mot Sg, passe Mot > Mot> Mot
Raison C2 Paye Paye 1 Paye Salaire
Refus 1
Refus 2 mérite Patience, travail Patience serm. mérite mérite
Outil 1 Rl Mss ? ? Rg Rg Lv Mrt
Impact 1 T T? x T Ép g T Ép T
Outil 2 Mt Mss ? ? Mt Mt Mrt Mt
Impact 2 Ép T? x T Ép d T Ptr T
Outil 3 Lv Mss ? Lv Mss ? Lv
Impact 3 Ptr T? x T T T T T
Succès ? N N
Transport 1 T T
Enterr 1 montagne Décombres décombres décombres décombres Pierres pierres
Déterr 1 Nuit Nuit Fin travaux Db j, montagne
Enterr 2 Mt Moriah Mt Hébron Colline hors T, Sinaï B (accassias) montagne
Branche 1 B (accassia) B Acacia +EqCps Accassia posée B
Absence ? X
Délai d’abs. 6+1 j 7j 7j 7e j 3e j 7j 7j
Inventeurs 9m 9m (x3) 9m 9m 9 m (sort) 9m 9m 9m
Habits ? lavent m.
Sorties rech O, N, E O, E, S O, S, E O, S, E +3
Equipe I 9 lieues+Sinai
Equipe II
Equipe III
Lieu assassins Lumière tb
Déploiement
Perte mot
Lieu mot
Substit Mot X
Délai
Un inventeur X — X 3
Fatigue 1 X X X X X
Lieu fatig.+ ass. X X
Action arrach X arbre X X X
Br. plantée X X X
Terre remuée X x X X X
Appel autres X x X X
Tombe 7, 5, 3 7, 3, 6 (Ass) X
Exclam 1 O
Choix mot/Sg X Sg H X
Signes
Déterr 2 X
Enterr 2 b
Objet mag. branche branche
Choix mot/Sg Sg F/H
Signes
Retour J X
Douleur
Vengeance X
Groupe 2
Habits X
Perte mot
Lieu mot
Substit Mot
Enterr 3
essai 1 Dg 1, J Dg 1 Index, J Dg 1, J Dg 1, J Dg 1, J Dgt 1
essai 2 Dg 2, B Dg 2 Medius, B Dg 1, B Dg 2, B Dg 2, B Dgt 2
essai 3 Mn ? Pgt Pgt Pgt
5 points X 5 pts X X X
Exclam 2
Mot Subst Mb Mb Mb Mb macabé Mb Mb
Com mot X
Sens mot X X X X
Signes
Retour J X
Douleur
Entrée
Enterr 3 Sanct. Sanctuaire T T
250
1782 RER 28 1784 RDC 29 1787 MOS 30 1788 RF88 31 1790 RDB 32 1801 RDM 33 1809 RPA 34 1805-20 GME 35
David, Salomon D, S D, S D, S
Divis. classes X X X
Nom du héros Hiram abi Hiram Adoniram Adonhiram Abiff Hiram Abi A Hiram
Statut - Archi Archi Archi
Époque Travaux avancés Fin chantier Fin chantier Fin chantier
Récurrence Ts j Ts j Ts j Ts j Ts j
Heure Crime soir Soir Soir Minuit Minuit Soir soir midi
Repos X X
Justif prés. H 1 Prière Prière prière
Justif prés. H 2 Insp Insp Insp Insp
Entrée H ? O O ,
3 sorties Tp S, N, E O, S, E E, O, S O, S, E O, S, E N, O, S S, O, E
Nbr de comp 3 3 3 3c 3 3 3 15 (-12)
Noms Jublas, -los, -lum
Raison Crim1 Mot> M, S, Att Mot Secrets Sg, mot
Raison C2 Paie Vol, paie paie>mt Paie Paie Paie
Refus 1 3 GM Mot> Règle des trois
Refus 2 Patience Patience/assiduité Travail Patience
Outil 1 Mrt Rg, Bâton Rg Rg Rg Rg 24
Impact 1 Ép g T, T/gen T/ép g T/ep T? Gorge
Outil 2 Mss Mrt, Bâton Levier Lv Rl Eq
Impact 2 Ép d Ep, T T/ép d T/nq T? Sein ?
Outil 3 Mt Lv Bâton Mt Mt Mt Mt
Impact 3 T Ptr T T T T T
Succès ? X
Transport 1 Qq dist
Enterr 1 Pierres Escalier T Décombres Fosse décombres décombres
Déterr 1 Nuit Nuit Fin jour Nuit, hors J
Enterr 2 Lieu élevé Mt Hébron colline Sinaï Moria Montagne/Liban
Branche 1 Acacia Branche verte Acacia B Acacia arbre —
Absence ?
Délai d’abs. 7j 9j 9j 3j 3, 5, 7 j
Inventeurs 9m 9m 9m 9 m (8+1) 15 c 9m 9 m jeunes 12 c, 9 m
Habits ? Laver les mains GT
Sorties rech S, N, E 3x3 3x3 N, S, O E, S, O N, O, S N, S, O, E
Déploiement voix
Equipe I Rien étoile flb Rien Une des 4
Equipe II Rien étoile flb Rien
Equipe III Lumière étoile flb vapeur X
Lieu assassins colline tertre Grotte
Perte mot
Lieu mot Sur lui, près
Substit Mot X 1er sg, 1er mot
Délai 9j
Un inventeur X X X V2
Fatigue 1 X X X X
Lieu fatig.+ ass. X X X
Action arrach X X X X X
Br. plantée X X X X
Terre remuée X X X X X X X X
Appel autres X X X X
Tombe 7, 5, 3 X 3 dimensions
Exclam 1 Lame or, ∆ ? Compas, Triangle Éq compas Éq compas
Choix mot/Sg 1er Mt, Sg
Signes Horreur X Horreur
Déterr 2
Enterr 2 b
Objet mag. Acacia Mont des acacias Acacia Acacia fleur
Choix mot/Sg
Signes
Retour J X X X X (E1, 2)
Douleur M X S M, S
Vengeance X X X X
Groupe 2
Habits X GT
Perte mot X X
Lieu mot X X
Substit Mot
Enterr 3 Dg 1
essai 1 Dg 2 Dg 1, B pouce, M ? Index, J Gr app Dg 1 J Dg J
essai 2 Pgt Dg 2, B Dg 1, B Médius, B Gr cp Dg 2 B Dg B
essai 3 Pgt Pgt, Gr lion Pgt Grippe
5 points X X X X
Exclam 2 MB
Mot Subst MB MB MBN MB MB Moabon
Com mot X X
Sens mot X X
Signes
Retour J ?
251
1812 Pyron 36 1823 RE 37 1816 NMC 38 1823 OFM 39 1823 RDE 40 1829 REAA 41 1840 REP 42 1848 TOL 43
David, Salomon D, S S S S
Divis. classes X X X X
Nom du héros Hiram Hiram=Soleil Hiram abi Hiram=Soleil Hiram=Soleil Hiram Hiram abi Hiram
Statut Archi Archi Chef
Époque Fin chantier Fin chantier Fin chantier
Récurrence Ts j Ts j fin semaine
Heure Crime midi Midi Soir Soir Soir
Repos X X X
Justif prés. H 1 prière Prière —
Justif prés. H 2 Insp I Insp
Entrée H ? Sort CdM
3 sorties Tp S, O, E S, N ?, E S, N, E S, N ?, E S, N ?, E E, S, O O, S, E O, S, E
Nbr de comp 15 (-12) 15 (-12) 3c 3c 3c
Noms Sterkin, Oterfut, — Jubelas, -os,
Abiram -um
Raison Crim1 Secrets Mot Sg, M, A 2 Mot
Raison C2 Paie Ambition 1 Paie
Refus 1 Règle des trois Règle des trois Concours des FF
Refus 2 Patience Patience Patience Mérite
Outil 1 Rg 24 Perpend Règle pesante Rg, Rg
Impact 1 Gorge T/tempe d/gg T/ép d Ép d T>ép
Outil 2 Eq fer Niveau Levier Éq Lv
Impact 2 Sein g T/tempe g/gd T/nuque T T>nuque
Outil 3 Mt Mt Mt Mrt Mt
Impact 3 T T T T T
Succès ? X X
Transport 1 Hors T Hors T
Enterr 1 décombres pierres Fosse provis.
Déterr 1 Nuit, hors J Nuit
Enterr 2 Montagne/Liban Mt Hébron
Branche 1 X X X Près arbre acacia
Absence ? appel
Délai d’abs. ? 7j
Inventeurs 12 c, 9 m 15 c (3x5) 9m 9m 9m
Habits ? GT
Sorties rech S, N, E O, S, E
Equipe I Rien N N, rien
Equipe II Succès I+II N S, rien
Equipe III I+II+III À9
Lieu assassins
Déploiement 3x5 comp voix
Perte mot X
Lieu mot Sur lui, près
Substit Mot 1er sg, 1er mot X X
Délai court Mt Hébron
Un inventeur X X X X
Fatigue 1 X X X ±
Lieu fatig.+ ass. X
Action arrach X X X
Br. plantée X X Arbre éq Cps X
Terre remuée X X X X
Appel autres X X X
Tombe X X
Exclam 1 ASMD
Choix mot/Sg Sg, att, mot 1er Sg, Mt
Signes Sg H
Déterr 2 X
Enterr 2 b
Objet mag. X Branche
Choix mot/Sg S
Signes Sg H
Retour J X X X X X X
Douleur S X M
Vengeance X (E3)
Groupe 2
Habits GT
Perte mot
Lieu mot
Substit Mot
Enterr 3
essai 1 Dg 1 B Att app Dgt 1 B dgt 1+J Dgt 1 J+H
essai 2 Dg 2 J Att comp Dgt 2 J dgt 2+B Dgt 2 B+H
essai 3 Pgt Pgt Pgt Pgt, H
5 points X X X X
Exclam 2 X
Mot Subst Mahabon Mahabone, MB Moabon MB MB
Com mot
Sens mot X
Signes
Retour J X
Douleur
Entrée
Enterr 3 T près SdS T T Enceinte trav T
médaille or, ∆, MB
cercueil
Habits GT
Mot passe
252
1858 RF 44 1859 HMD 45 1871 REA 46 1880 GLSE 47 1901 RSE 49 1910 Papus 50 Wirth 51 1950 REA 52
David Salomon S S La maçonnerie S Maçonnerie Maçonnerie Maçonnerie
Divis. classes X X X X X X
Nom du héros Hyram Hiram Hiram Hiram Hiram abi Hiram Hiram Hiram
Statut Maître Maître Archi Maître Maître Maître
Époque Fin chantier Fin chantier Fin chantier Fin chantier Fin chantier
Récurrence Ts j Ts j Ts j Ts j Ts j Ts j Ts j
Heure Crime soir Soir Soir Midi Soir Soir Soir
Repos X X? X X X X
Justif prés. H 1 Prière
Justif prés. H 2 Insp Insp Insp Insp Insp Insp
Entrée H ? Sort CdM Sort CdM Sort CdM Sort CdM Sort CdM
3 sorties Tp S, O, E E, S, O E, S, O S, O, E E, S, O E, S, O E, S, O
Nbr de comp 3c 3c 3c 3c 15 (-12) 3c 3c 3c
Noms Jubela, -o
-um
Raison Crim1 M, S, A Mot Secrets
Raison C2 Maîtrise ? Ambition Ambition Ambition Ambition Ambition
Refus 1 Concours des FF Concours des FF Règle des trois Concours des FF Concours des FF Concours des FF
Refus 2 Mérite Patience Patience Patience Patience Patience Patience
Outil 1 Rg Rg Rg Rg Perpend Rg Rg Rg
Impact 1 T>ép T/ép d T/ép d T/tempe d/gg T/ép d T/ép d T/ép d
Outil 2 Lv Eq Lv Lv Niveau Lv Lv Lv
Impact 2 T>nuque T/nuque T/nuque T/tempe g/gd T/nuque T/nuque T/nuque
Outil 3 Mt Mt Mt Mt Mt Mt Mt Mt
Impact 3 T T T T T T T
Succès ?
Transport 1 Hors J
Enterr 1 campagne Décombres gravats
Déterr 1 Nuit
Enterr 2 tertre Mt Moriah
Branche 1 acacia Branche Acacia Acacia Acacia Acacia
Absence ? Appel
Délai d’abs. 1j
Inventeurs 9m 9m 9m 9m 15 c (3x5) 9m 9m 9m
Habits ?
Sorties rech S, N, E
Equipe I N, rien 3 E/O, N/S E/O, N/S O, Rien E/O>N, O/E>S E/O>N, O/E>S E/O>N, O/E>S
Equipe II S, rien 6 S, rien
Equipe III à9
Lieu assassins
Déploiement > Jaffa
Perte mot X
Lieu mot
Substit Mot X
Délai court court court court court
Un inventeur X
Fatigue 1 X
Lieu fatig.+ ass.
Action arrach X
Br. plantée Arbre éq Cps Arbre éq Cps X Arbre éq Cps Arbre éq Cps Arbre éq Cps
Terre remuée X X X X X X X
Appel autres X
Tombe X x x x
Exclam 1 ASMD Les misérables ! AS AS AS
er
Choix mot/Sg 1 Sg, Mt Sg, att, mot
Signes Sg H
Déterr 2 X
Enterr 2 b
Objet mag. X
Choix mot/Sg X
Signes
Retour J X
Douleur M X
Vengeance X (E3)
Groupe 2 27 m
Habits
Perte mot
Lieu mot
Substit Mot
Enterr 3
essai 1 Dgt 1 B Dgt 1 B Att app Dgt 1 B Dgt 1 B Dgt 1 B
essai 2 Sembl. toucher Dgt 2 J Dgt 2 J Att comp Dgt 2 J Dgt 2 J Dgt 2 J
essai 3 Id Griffe
5 points Id X X X X X X
Exclam 2
Mot Subst X Moabon Moabon Mahabone Moabon Moabon Moabon
Com mot MBN Mb Voix basse Voix basse Voix basse Voix basse
Sens mot X X X
X
Signes
Retour J X X X X X
Douleur
Entrée
Enterr 3 SdS Enceinte trav Enceinte trav Enceinte trav
médaille Bijou ∆. Jv
cerceuil
Habits
Mot passe
253
1960 REAA 53 1960 SCH 54 18xx YOR 55 1975 AUT 56 1982 AFAM 57
David, Salomon S S S S S
Divis. classes X X X X
Nom du héros Hiram Hiram Abi Hiram abi Hiram abi Hiram abi
Statut Maître Archi Archi Archi Archi
Époque Fin chantier Fin chantier Fin chantier
Récurrence Ts j Ts j Ts j Ts j
Heure Crime Soir Midi Midi Midi Midi
Repos X X X X
Justif prés. H 1 Prière Prière Prière
Justif prés. H 2 Insp Plans Insp
Entrée H ? Sort CdM S S
3 sorties Tp S, O, E O, S, E S, O, E O, S, E E, S, O
Nbr de comp 3c 15-12=3 15 (-12) 15 (-12) 15 (-12)
Noms - Jubela, -o, -um
Raison Crim1 Mot Secrets Secrets
Raison C2
Refus 1 Concours des FF
Refus 2 Patience Patience Patience Patience Patience
Outil 1 Perpend Rg Rg Rg Rg
Impact 1 T/ép d/gd Gorge Gorge Gorge Gorge
Outil 2 Nv Éq Éq Eq Eq
Impact 2 T/ép g/gg Sein g sein S gch S gch
Outil 3 Mt Mt pointu Mt Mt Mt
Impact 3 T T T T T
Succès ?
Transport 1 Porte O
Enterr 1 Gravats décombres Gravats Gravats
Déterr 1 Colline minuit Minuit Nuit
Enterr 2 Mt Moriah Colline Montagne
Branche 1 Acacia acacia Epine Acacia
Absence ? X Appel
Délai d’abs. 1j
Inventeurs 9m 12 c 12 c 12 c 12 c
Habits ? GT GT
Sorties rech E, O, N, S E, S, O, N
Equipe I E/O>N, O/E>S 12 c O, Rien
Equipe II Qq m Grp O> Jaffa S, rien
Equipe III
Lieu assassins Grotte
Déploiement
Perte mot
Lieu mot
Substit Mot X
Délai court 15 j
Un inventeur X X X
Fatigue 1 X X X X
Lieu fatig.+ ass. X
Action arrach X X
Br. plantée Arbre éq Cps X X
Terre remuée X X X X X
Appel autres X X
Tombe x X X
Exclam 1 ASMD
Choix mot/Sg x Mot Mot
Signes
Déterr 2 9m X
Enterr 2 b
Objet mag. X
Choix mot/Sg X
Signes
Retour J X
Douleur X
Vengeance X X (E3)
Groupe 2
Habits
Perte mot
Lieu mot
Substit Mot
Enterr 3
essai 1 Dgt 1 Dgt 1, J
essai 2 Dgt 2 Dgt 2, B
essai 3
5 points X X
Exclam 2
Mot Subst Moabon MB
Com mot Voix basse
Sens mot X
Signes Sg étonnement
Retour J
Douleur
Entrée
Enterr 3 Lieu sacré ?
T
médaille Médaille, Mot ?
cercueil
Habits
Mot passe Tubal
Kain/Giblim/Cassia
254
255
Errata
page 4, ligne 11 : « 2.4.2.4 Les Etats-Unis » remplace « 2.4.2.4 Les États-unis » ;
p. 7, l. 10 : « Maurice Colignon » remplace « Maurice Coligon » ;
p. 9, l. 11 : « d’autres considérations, seront : » remplace « d’autres considérations, sera : » ;
p. 17, l. 10 : « intéressant, et précise » remplace « intéressant et précise » ;
p. 23, l. 30 : « l’on définira comme » remplace « l’on définira commes » ;
p. 24, l. 3 : « Outre la définition de ces termes » remplace « Outre les définition de ces termes » ;
p. 28, l. 5 : « mais à un défaut d’exploration en profondeur » remplace « mais un un défaut d’exploration en
profondeur » ;
p. 30, l. 29 : « certaines intentions » remplace « certains intentions » ;
p. 35, note 105 : « poussant continûment » remplace « poussant continûement » ;
p. 37, l. 4 : « la particularité rituelle de la Maçonnerie » remplace « la particularité rituelle de Maçonnerie » ;
n. 113 : « l’Université française, l’armée ou » remplace « l’Université française, dans l’armée ou » ;
p. 42, l. 7 : « proposées » remplace « proposé » ;
p. 43, n. 133 : « Marrot, 2007 » remplace « Marro, 2007 » ;
p. 44, l. 22 : « pollution intellectuelle » remplace « polution intellectuelle » ;
l. 26 : « (c’est le nom qu’on leur donne) » remplace « (ce le nom qu’on leur donne) » ;
p. 46, l. 6 : « Comme » remplace « Ccomme » ;
l. 11 : « bien que la période fût » remplace « bien que la période fut » ;
l. 16 : « moyenâgeux » remplace « moyenageux » ;
l. 22 : « considérera » remplace « considèrera »;
n. 147 : « Zumthor, 1980 » remplace « Zumther, 1980 » ;
p. 47, l. 1 : « surreprésentation » remplace « sur-représentation » ;
p. 48, l. 6 : « flanc » remplace « flan » ;
p. 49, n. 177 : « les différentes constructions bibliques » remplace « les différents constructions bibliques » ;
p. 50, l. 16 : « monarchique » remplace « monarchie » ;
p. 55, l. 21 : « d’un événement » remplace « d’une événement » ;
p. 56, l. 13 : « selon toute apparence » remplace « selon tout apparence » ;
p. 57, l. 25 : « permettant de rendre compte » remplace « permettant rendre compte » ;
p. 60, l. 28 : « événements » remplace « évènements » ;
p. 61, l. 21 : « que dégagent la plupart » remplace « que dégage la plupart » ;
p. 65, l. 15 : « avec les “outils”. Il en est » remplace « avec les “outils”. il est en » ;
l. 17 : « arme réelle serait » remplace « arme réelle, serait » ;
p. 67, l. 3 : « de cette manière » remplace « de catte manière » ;
p. 68, l. 9 : « c’est-à-dire » remplace « c’es-à-dire » ;
p. 70, l. 25 : « chevaleresque » remplace « chevalereque » ;
p. 72, l. 11 : « masques » remplace « masque » ;
p. 77, l. 23 : « Cela, médium interne, est » remplace « Cela médium interne est » ;
p. 78, l. 6 : « Cela ne peut surprendre dans » remplace « Cela ne peut surprendre pas dans » ;
p. 81, l. 11 : « hiérarchie » remplace « hiérachie » ;
p. 82, l. 33 : « la vulgate de la transition qui postule » remplace « la vulgate de la transition qui postuel » ;
p. 85, l. 5 : « bibliothèques » remplace « bibiothèques ;
l. 20 : « considérée » remplace « considéré » ;
l. 25 : « mises » remplace « mis » ;
p. 86, l. 6 : « réalisée » remplace « réalisé » ;
n. 362, l. 3 : « nous avons été contraint » remplace « nous avons été contraints » ;
p. 87, l. 5 : « de dépasser cet unique document » remplace « de dépasser cette unique document » ;
l. 20 : « elle y est située » remplace « elle est y située » ;
p. 88, l. 2 : « considérerons » remplace « considèrerons »;
p. 89, l. 3 : « révélant » remplace « révèlant » ;
l. 4 : « mais qui sont simplement » remplace « mais qui ne sont simplement » ;
p. 91, l. 27-8 : « moines écossais quittent le premier pays, » remplace « moines écossais quittent le premier, » ;
p. 92, l. 19 : « rejeter » remplace « rejetter » ;
p. 94, l. 10 : « une échelle » remplace « un échelle » ;
l. 11 : « gérera » remplace « gèrera »;
p. 95, l. 8 : « (pour celles de 1965) » remplace « (pour elles de 1965) » ;
p. 100, l. 6 : « 2.4.2.4 Les Etats-Unis » remplace « 2.4.2.4 Les États-unis » ;
l. 25 : « proche des Anciens » remplace « proches des Anciens » ;
p. 101, l. 22 : « différents » remplace « diférents » ;
p. 103, l. 22 : « un assez court libelle » remplace « une assez courte libelle » ;
p. 109, l. 11 : « assurées » remplace « assûrées » ;
l. 14 : « précédentes » remplace « précédante » ;
l. 17 : « tout à fait » remplace « tout-à-fait » ;
l. 20-21 : « inconsciente » remplace « insconsciente » ;
p. 111, l. 9 : « Destinée » remplace « Destiné » ;
p. 112, 1. 10 : « du Suprême Conseil pour la France » remplace « de la GLNF » ;
l. 16 : « dont certains sont réellement » remplace « dont certains ont réelmlement » ;
p. 113, l. 16 : « considérerons » remplace « considèrerons »;
p. 114, l. 18 : « recherche maçonnique— mais également » remplace « recherche maçonnique mais
également » ;
n. 545 : « Les réseaux maçonniques de… » remplace « Les résaux maçonnique de… » ;
et « le met hors du champ » remplace « le mettent hors du champ » ;
p. 116, l. 4 : « aiguë » remplace « aigüe » ;
p. 117, l. 1-2 : « l’incomplétude » remplace « l’ incom-plétude » ;
p. 118, l. 12 : « regrette, en conséquence, que » remplace « regrette, en conséquence, » ;
n. 566, l. 7 : « La Fédération Française du Droit Humain, La Grande Loge de France » remplace « La
fédération Française de Droit Humain, La grande Loge de France » ;
n. 567, l. 4 : « d’« un carrefour » remplace « d’un « un carrefour » ;
p. 120, l. 32 : « exégétiques » remplace « exégètiques » ;
p. 121, l. 22 : « l’exégèse » remplace « l’éxégèse » ;
n. 572 : « monographies » remplace « monigraphies » ;
p. 122, l. 1 : « confréries » remplace « conféries » ;
l. 16 : « outils personnels » remplace « outils personnles » ;
p. 123, l. 15 : « disons, au moins, » remplace « disons, au moins » ;
l.19 : « jugé utile de se faire initier » remplace « jugé utile se faire initier » ;
p. 124, l. 2 : « voisinera » remplace « voisinnera » ;
l. 10 : « encore possible de donner un nom » remplace « encore possible donner un nom » ;
p. 126, l. 9 : « séquentielle » remplace « séquencielle » ;
p. 127, l. 6 : « dans laquelle » remplace « dans lequel » ;
l. 22 : « peu de choses étaient disponibles » remplace « peu de choses était disponible » ;
p. 129, l. 13 : « dans » remplace « dns » ;
p. 131, l. 14 : « techniques rhétoriques mises en œuvre » remplace « techniques rhétoriques lises en œuvre » ;
p. 133, l. 22 : « requérait » remplace « requirait » ;
p. 138, l. 21 : « ce qui était représenté renvoyait » remplace « ce qui était représentait renvoyait » ;
p. 140, l. 5 : « considérera » remplace « considèrera »;
l. 14 : « un ouvrage plus général » remplace « un ouvrage plus gégéral » ;
l. 20 : « sans difficulté » remplace « sans difficultés » ;
p. 141, l. 15-6 : « un nouvel acteur collectif, » remplace « un autre nouvel collectif, » ;
p. 142, l. 34 : « il était » remplace « il texte était » ;
p. 143, l. 6 : « était dûe à » remplace « était dû à » ;
l. 14 : « cela a dû » remplace « cela a du » ;
l. 27 : « savants atomistes » remplace « savant atomistes » ;
p. 146, 15-16 : « reprise performantielle » remplace « reprise performantielles » ;
p. 148, l. 18 : « le fait par des moyens différents » remplace « la fait par des moyens différents » ;
p. 149, l. 6 : « qui n’a rien de compréhensible » remplace « qui n’a de compréhensible » ;
l. 12 : « penchons-nous un instant » remplace « attardons-nous un instant » ;
p. 150, l. 33 : « dont l’un des plus originaux » remplace « dont l’une des plus originaux » ;
p. 151, l. 6 : « littéraires » remplace « littéraire » ;
l. 22 : « peuvent donc être trouvés » remplace « peuvent être donc trouvés » ;
l. 23 : « qu’elles ne sont devenues » remplace « qu’elles en sont devenus » ;
l. 24 : « Ce fut aussi le cas » remplace « Ce fut ausis le cas » ;
p. 154, l. 9-10 : « en associant aveugle à » remplace « en l’associant aveugle à » ;
p. 155, l. 16 : « le discours d’origine dans sa langue » remplace « le discours d’origine sans sa langue » ;
l. 25 : « son inscription dans le Rite » remplace « son inscription de le Rite » ;
p. 158, l. 2 : « en aucun cas religieuse » remplace « en aucun, cas religieuse » ;
n. 729, l. 3 : « par la liberté, en » remplace « par la, liberté, en » ;
p. 162, l. 7 : « la christianité » remplace « le christianité » ;
n. 745 : « puisque fondée » remplace « puisque fonde » ;
p. 165, l. 25 : « considérerons » remplace « considèrerons »;
p. 166, l. 9 : « considérerons » remplace « considèrerons »;
l. 15 : « Tout cela se trouve » remplace : Tout cela trouve » ;
p. 169, l. 12 : « support » remplace « supprt » ;
l. 28 : « sur la liste » remplace « dans la liste » ;
p. 172, l. 1 : « qu’elle avait prise alors » remplace « qu’elle partie avait prise alors » ;
l. 7 : « Selon Pierre Riché » remplace « Selon Pierre riché » ;
l. 10 : « apprentissage » remplace « apprentisage » ;
l. 11 : « choquent certains esprits » remplace « choque certains esprits » ;
l. 12 : « cadencées » remplace « cadençés » ;
l. 16 : « Tout n’est pas si noir » remplace « Tout n’est si noir » ;
p. 173, l. 7 : « utilisés » remplace « utilisé » ;
l. 16 : « se fonde en même temps » remplace « se fonde ne même temps » ;
l. 24 : « portemanteaux » remplace « porte-manteaux » ;
et « méthode » remplace « méthde » ;
p. 174, l. 24 : « “Érasme, Rabelais, Montaigne” » remplace « “Érasme, Rabeais, Montaigne” » ;
p. 176, l. 18 : « rappelé » remplace « rappelés » ;
p. 179, l. 8 : « frappé » remplace « frappés » ;
p. 180, n. 858 : « techniques » remplace « tehcniques » ;
p. 183, l. 4 : « Exceptée » remplace « Excepté » ;
l. 11 : « L’objet, en conséquence, obéit » remplace « L’objet est en conséquence obéit » ;
p. 184, n. 876, l. 1 : « remplacée » remplace « replacée » ;
p. 185, l. 27-8 : « son caractère contingent » remplace « son caractère contigent » ;
p. 187, l. 18 : « domaine de l’analyse, il » remplace « domaine de l’analyse : il » ;
p. 190, l. 19 : « probables » remplace « problables » ;
l. 33 : « rétroactive » remplace « rétro-active » ;
p. 191, l. 22 : « la dialectique » remplace « le dialectique » ;
p. 193, l. 11-12 : « Ricœur, débouchant » remplace « Ricœur, débuchant » ;
p. 194, l. 3 : « désagrégation » remplace « désagrégration » ;
l. 10 : « très abondant, peut être » remplace « très abondant peut être » ;
l. 22-3 : « rien ne peut en être apprivoisé » remplace « rien en peut en être apprivoisé ».
p. 200, l. 12 : « Chevaliers élus » remplace « Chevaliers émus » ;
p. 202, l. 18 : « Phénoménologie » remplace « Phénomènologie » ;
p. 203, l. 35 : « traditionnelle » remplace « traditonnelle » ;
l. 40 : « Notre-Dame de Paris » remplace « Notre-Dame de paris » ;
p. 209, l. 27 : « Marseille » remplace « Marseilles ».