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Histoire de La Philosophie Q1

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Histoire de la Philosophie: Q1

· Informations:
Il ne sera pas là lors de la cinquième séance donc il n'y en aura que 4.

Il y a des séances d'aide avec l'assistant tous les jeudis de 12h à 14h mais si on a cours on peut lui
envoyer un mail pour lui demander un autre rdv.

L'examen: 2 questions par quadrimestre. Une question ouverte sur chaque chapitre/période.

Il faut lire le dialogue de Platon: celui de Gorgias.

· Introduction et partie 1:
Qui est Platon ?

Il naît à athènes en 428/427 avant notre ère, et meurt en 348/347.

Platon est considéré comme le fondateur de la philosophie.

Il n'est pas le premier philosophe, car le premier est Thalès de Milet, même s'il n'avait pas encore cette
de discipline de philosophie.

Platon n'a pas inventé le mot philosophie, ce terme existait déjà, mais il lui a donné un sens nouveau, il
l'a institué comme discipline, il donne à ce terme un sens technique. Les autres philosophes avant lui
n'ont pas écrit grand chose, souvent 1 livre sur toute leur vie tandis qu'il a pas de lui). On a tout ce qu'il a
écrit.

Il a tracé le champ de ce que sera la philosophie occidentale et à quels problèmes elle va être confronter
dans le futur.

Platon a une influence sur Aristote, de par ses oeuvres mais également car il a créé une école de
philosophie, la première école de philosophie -> l'Académie, une institution. Il a aussi créé une autre
grande école -> le Lycée. Il est le premier à fonder une école, qui s'effacera un moment après sa mort et
qui rouvrira après sa mort, avec les néo-platoniciens.

· Pq a-t-il écrit des dialogues ?

Tout d'abord, les dialogues de Platon sont divisés en trois périodes:

La jeunesse:
L'apologie de Socrate, Criton, Euthyphron, Hippias, Lachès, Charmide, Lysis, Protagoras, Euthymède, Ion,
Ménexéne, Cratyle, Gorgias, Ménon. Cest trois derniers peuvent être considérés comme la transition
entre la jeunesse et la maturité.
La maturité:

Phédon, Banquet, Phèdre, République (II-X), Parménide, Théètète.

La vieillesse:

Sophiste, Politique, Philèbe, Timée, Critias, Lois.

Il n'est pas le seul à avoir écrit des dialogues.

Dans ses dialogues, souvent c'est Socrate le personnage principal, c'est lui qui mène. Dans d'autres, il est
toujours présent mais effacé. Dans d'autres, Socrate n'est pas là.

Platon a rencontré Socrate plus jeune et il était fasciné par celui-ci.

Socrate n'a rien écrit -> tout était oral. Il posait des questions aux gens qu'il croisait, il interrogeait parfois
même des gens importants, des hommes politiques, il les interrogait de façon à ce qu'ils avouent leur
ignorance et qu'il s'y confrontent. Il a donc commencé à gêner. Il posait ses questions sur la place
publique, il y avait donc des spectateurs dont des personnes qui étaient recommandables qui ont fini par
se rebeller. Les gens considéraient donc que tout était de sa faute, qu'il était la cause de ces soucis. Il
critiquait aussi la démocratie athénienne et le régime démocratique, ce qui a déplu. De plus, il était
proche de certains macédoniens (Sparte), qui étaient les ennemis d'Athènes.

Il a donc du subir un procès, en 399 acn, (à ce moment, il y avait une démocratie, avec un jury composé
de citoyens), officiellement car il ne croyait pas aux dieux (impiété) et corrompait la jeunesse, mais ce
n'étaient que des prétextes. Il n'était pas athé mais "indépendant" dans sa pratique. Il disait aussi avoir
un démon/génie, qui l'empêchait faire certaines choses. Il a refusé les pratiques de défenses
traditionnelles. Le procès s'est mal passé pour Socrate car il est condamné à mort. Il devra boire du
poison, de la ciguë, et meurt avec noblesse et calme (Platon a d'ailleurs fait un dialogue sur ce moment,
le Phédon).

La mort de Socrate bouleverse tous ses disciples. Ils vont vouloir perpétuer sa mémoire, le réhabiliter
(prouver que sa peine était injuste) et poursuivre son action, cette fois-ci en utilisant l'écriture.

Platon utilise le dialogue socratique pour deux raison, d'abord historique, pour perpétuer l'influence de
Socrate, et ensuite philosophique, car c'est une philosophie liée à la dialectique, le dialogue intérieur de
l'âme.

Il existe d'autres dialogues mettant Socrate en scène, mais la plupart sont perdus. Xenophon a par
exemple fait ces dialogues, et dans les siencs, Socrate est un personnage plat et bien pensant tandis que
dans les dialogues écrits par Platon, Socrate est un personnage révolutionnaire.

Les dialogues sont souvent faux, ils mettent seulement en scène Socrate, mais la plupart du temps se
sont juste inspirés d'un évènement similaire, ou sont totalement inventés. Mais le but n'est pas
journalistique. Le but est de poursuivre l'oeuvre et la mémoire de Socrate en le mettant en scène dans
les dialogues. Platon écrivait des dialogues car pour lui, si Socrate fonctionnait en questions/réponses,
c'est parce que la pensée humaine fonctionnait ainsi. Penser c'est dialoguer.

Le dialogue recherché ici n'est pas le dialogue externe, prenons par exemple les interlocuteurs de
Socrate, ils ont un point de vue différent, c'est un dialogue externe. Mais pour Platon ce n'est pas ça le
but. Il dit que le dialogue interne à l'âme, et c'est ce dialogue interne qui est recherché, c'est celui-ci le
but.

Définition de dialoguer (Platon): interroger et répondre sans sauter d'étapes, mais pas faire de longs
discours et essayer de confronter etc, mais aller de réponses en questions, qu'une questions mène à une
réponse qui soulève aussi des questions. Il n'est pas important d'arriver à une réponse arrêtée. Pour lui,
trouver une réponse c'est arrêter de penser, c'est donc l'antithèse de la philosopie.

Mais ce n'est pas quelque chose donné à tous, ce n'est pas simple, de répondre aux questions et de les
poser. C'est un art et Socrate le maîtrisait.

Le prérequis pour dialoguer, c'est de savoir de quoi on parle et préciser sa pensée.

Ce qui est important dans le dialogue, c'est le mouvement, d'une personne à l'autre.

Beaucoup comprennent mal Platon (poser des questions sur ça au prochain cours).

La raison philosophique est donc que l'extériorisation de la pensée est un dialogue.

Le titre des dialogues c'est le nom de l'interlocuteur du dialogue, mais ce n'est pas nécessairement celui
qui parle le plus ou que tout le monde retiendra.

Le dialogue que nous devons lire est le dialogue de Gorgias (donc, l'interlocuteur).

Gorgias de Léontium est un célèbre rétheur. Il est parfois associé à la sophistique, mais il se voit plutôt
comme un orateur.

La distinction entre réthorique et sophistique sera centrale dans le dialogue.

Dans le dialogue Platon le présente comme un sophiste mais il dit aussi qu'il ne l'est pas. Le terme
sophiste est devenu un terme péjoratif suite aux dialogues et au traité d'Aristote qui essaient de montrer
leur raisonnement fallacieux, mais au départ ce terme signifiait savant, saint, cela désignait quelqu'un
qui possédaient un savoir que d'autres n'avaient pas. Mais au 5e siècle acn, Platon et Aristote disent être
les seuls savants, les seuls vrais sages car ils enseignent ce qui est important.

Les sophistes se sont mis à vendre leur savoir (leçons payantes), c'est-à-dire la vertu et l'art de persuader
dans les débats publics et les tribunaux.

Gorgias dit enseigner l'art de la réthorique, comme pouvoir imposer sa parole, l'art de la parole pratique,
à utiliser pour se défendre (lors d'un proçès), maîtriser le discours,...

Gorgias lui dit n'avoir qu'un art réthorique, de la parole, que c'est un art puissant qu'il enseigne, mais
que ce n'est pas un art moral, mais se distingue des sophistes car il n'enseigne pas la vertu. Gorgias
aurait écrit des livres, dont certains perdus. Il écrivait des parodies.

Exemple de parodie: (traité du non-être, forme radicale de relativisme) Parmécide disait que l'être était
que le non-être n'était pas et qu'on ne peut pas parler du non-être et qu'il n'existe pas de devenir (passe
de l'être au non-être et inversemment). Gorgias, quant à lui, soutient que le non-être ET l'être ne sont
pas et que rien n'est et même si qqch était on ne pourrait pas l'appréhender. Et que même si on pouvait
l'appréhender, il serait impossible de le communiquer. Il dit également que le langage n'a pas vocation
référentiel, il ne parle pas du monde etc, il devient autonome et tout puissant, mais ne parle que du
langage. Que le langage devient un instrument de la réthorique. Gorgias l'utilise lorsqu'il utilise la
réthorique et défend même des causes comme avec l'éloge d'Hélène.

L'éloge d'Hélène:

Hélène est considérée comme la cause de la guerre de troie : Hélène fut séduite par Paris, habitant de
Troie. Celui-ci l'enleva (avec son consentement) et l'ammena à Troie. Son mari, dirigeant de Sparte, n'a
évidemment pas accepté ceci. Cet évènement aurait engendré une guerre traumatisante de 10 ans.

Gorgias la défend et dit qu'elle est innocente, qu'elle a été séduite par la puissance du logos de Paris,
face à qui personne ne peut résister. Finalement, il ne fait que glorifier son art; la réthorique.

Platon a surtout fait ce dialogue à cause d'un conflit avec Isocrate, qui pratique la réthorique, tandis qu'il
pratique la philosophie, la dialectique. Lorsque Platon a ouvert son école, Isocrate a ouvert la sienne.

C'est donc la confrontation entre la réthorique et la philosophie.

Le Dialogue avec Gorgias met en scène une confrontation entre ces deux méthodesn notamment par
rapport au bien.

Revenons en au dialogue: Socrate demande à Gorgias "Qu'est-ce que la réthorique?". "Qu'est-ce que"
est la question philosophique par excellence. Socrate pose toujours cette question et il arrive toujours un
moment où l'interlocuteur ne peut plus répondre et demande donc à Socrate de repondre à cette
question, Socrate répond donc qu'il ne sait pas, qu'il ne sait rien et qu'il est ignorant, et que c'est pour ça
qu'il pose la question.

C'est une méthode assez sarcastique, une méthode de réfutation: l'elenkhos, la méthode socratique.

C'était d'abord une méthode utilisée dans la justice, la contre-argumentation.

C'est un examen réfutatif visant à montrer l'incohérence de l'interlocuteur sans que Socrate ne prenne
position.

Socrate reprenait cette méthode en y retirant deux choses: Tout d'abord il n'y a pas de témoins qui
interviennent, il n'y a que lui et l'interlocuteur; et il n'y a pas de juge, le juge est en quelque sorte
l'interlocuteur qui qui se rend compte que ce qu'il dit est contradictoire. Socrate ne prend jamais
position lui-même, il ne contredit pas son interlocuteur avec ses propres opinions, car il n'en a pas. Il
montre seulement à son interlocuteur qu'il est contradictoire.

La rhétorique cherche une cohérence apparente, mais la philosophie vise une cohérence profonde,
capable d’atteindre la vérité.

Les dialogues se finissent souvent sur une difficulté car aucun des deux ne sait à la fin du dialogue, mais
au moins ils se débarassent du fait qu'ils pensaient savoir mais qu'il ne savaient pas.

Car d'après Socrate dit que savoir que l'on ne sait rien est mieux que ne pas savoir ET ne pas savoir que
l'on ne sait pas, car c'est alors une double ignorance. Socrate se débarasse donc d'une ignorance.

Donc le dialogue est un débat entre la réthorique et la philosophie.

Contre la dialectique, et en utilisant la dialectique.

La vérité ne peut se contredire elle-même, il n'y a pas de vérité sans cohérence. Ici la cohérence n'est pas
une cohérence externe entre le discours d'une personne et celui d'autres personnes autour, mais la
cohérence interne, qu'il n'y ait aucune différence entre ce que l'on dit, ce l'on fait et ce que l'on pense ->
La cohérence parfaite. Socrate dira avoir atteint cette perfection.

La réthorique, c'est la persuasion et la manipulation de l'opinion publique, souvent non-liée à la vérité.

La philosophie est une discipline qui utilise des méthodes qui permettraient d'obtenir le bien, le bien que
l'on désire, celui qui nous procurera donc le bonheur. Ce bien est obtenu via la dialectique, une méthode
où la pensée s'interroge elle-même pour atteindre la cohérence. La philosophie (pour Platon) c'est donc
la recherche de la vérité.

Qu'est-ce que le bien ? Qu'est-ce que la vertu? -> la question centrale.

La philosophie serait la seule discipline capable de répondre correctement à cette question.

Socrate propose que vivre selon le bien est la manière d’atteindre le bonheur, contrairement aux
méthodes manipulatrices de la rhétorique.

Platon identifie la philosophie non à des idées, mais à la dialectique, qui est la condition de possibilité
pour atteindre ces idées.

Le Gorgias prépare à la découverte de ces idées sans les mentionner explicitement, car elles
apparaissent dans des dialogues plus tardifs.

· Deuxième cours:
Socrate mène la discussion mais ça ne veut pas dire qu'il représente Platon.
Le dialogue commence de façon assez abrupte par Calliclès, un personnage de ce dialogue qui va très
peu intervenir au début, mais qui va avoir un rôle prépondérant dans la troisième partie du dialogue.
C'est la discussion avec Calliclès qui va conduire le dialogue à son sommet, son point de tension
maximal. Au début, ça commence calmement, même si Calliclès s'adresse déjà à Socrate en lui disant : «
Tu arrives après la bataille. » Socrate répond : « Est-ce que ça veut dire que la fête est finie ? » Et c'est
intéressant, c'est une accroche, c'est une manière de voir comment chacun des deux personnages
perçoit le dialogue. Pour Calliclès, c'est un combat, une lutte, l'enjeu est de savoir qui va gagner. Pour
Socrate, le dialogue est une fête, un moment agréable qui conduit à quelque chose de positif.

Platon en profite pour annoncer l'un des thèmes centraux du dialogue : la confrontation entre l'art
rhétorique, celui de Calliclès, élève de Gorgias, et la dialectique, c'est-à-dire la philosophie, l'art de
Socrate. Enfin, la question du bien, le rapport au bien, ce qui nous procure le bien et ce qui nous rend
heureux, sera également abordée au cours de ce dialogue.

Platon en profite pour annoncer l'un des thèmes centraux du dialogue : la confrontation entre l'art
rhétorique, celui de Calliclès, élève de Gorgias, et la dialectique, c'est-à-dire la philosophie, l'art de
Socrate. Enfin, la question du bien, le rapport au bien, ce qui nous procure le bien et ce qui nous rend
heureux, sera également abordée au cours de ce dialogue.

Donc, pour résumer, le thème central est la confrontation entre rhétorique et dialectique, en lien avec la
relation au bien, point.

Il arrive souvent que Socrate arrive en retard.

Si Calliclès dit à Socrate qu'il est en retard, c'est parce que Gorgias vient de faire une démonstration de
ses talents oratoires, *epideixis* en grec, de sa prestance et de son talent. Pas au sens logique, mais
dans le sens d'une conférence. Il a fait un grand discours qui a ébloui tout le monde.

Alors, Calliclès lui a dit que Gorgias accepterait de refaire sa démonstration pour Socrate. Mais Socrate
répond qu'il préfère discuter avec Gorgias plutôt que d'assister à une nouvelle démonstration.

Donc, on peut voir cette opposition : Socrate veut dialoguer, mais Gorgias ne pratique pas la dialectique.
Socrate pose des questions à Gorgias, ce qui tombe bien, car Gorgias prétend pouvoir répondre à toutes
les questions qu'on lui pose. L'essentiel, dans la pratique de la dialectique chez Socrate, c'est ce
mouvement qui va de la question à la réponse, puis à une autre question, puis à une autre réponse, et
ainsi de suite. Ce mouvement perpétuel, c'est la pensée. Le mouvement de Socrate vers Gorgias, et de
Gorgias vers Socrate, c'est la pensée en action.

La réponse, en revanche, n'est que l'opinion, à laquelle la philosophie s'oppose. Ce n'est donc pas la
réponse elle-même qui importe, mais le mouvement entre une réponse et une question, puis une autre
réponse et une autre question. C'est ce processus qui est crucial.

Mais ce n'est que la vision de Socrate. Pour Gorgias, ce qui compte, c'est la rhétorique. C'est le plus
important : le pouvoir d'avoir toujours un avis sur tout, d'avoir réponse à tout, de ne pas être coincé, de
ne jamais révéler la moindre ignorance. Pour Socrate, reconnaître son ignorance est le principe de ses
dialogues.

Au début, un disciple de Socrate interroge un disciple de Gorgias. Cela permet à Socrate d'expliquer une
interrogation, de clarifier l'art de Socrate et d'expliquer la dialectique telle que l'entend Socrate. Tout
d'abord, il faut définir quel est l'art de Gorgias. Il est important, dans la philosophie, de poser la question
essentielle, ici formulée en grec *ti esti*, et de demander à Gorgias quel est son art afin d'obtenir une
réponse claire. Par exemple, si l'on demande à un peintre quel est son art, il dira la peinture. Si l'on
demande à Gorgias quel est son art, il devra répondre la rhétorique.

Le disciple de Socrate s'appelle Chériphon. Une petite remarque : lorsque Socrate explique le type de
question à poser, il ne définit pas la question lui-même. Il donne des exemples. Par exemple, un médecin
dira que son art est la médecine si on lui demande quel est son art. C'est un exemple de rapport entre un
artisan et son art, c'est cela qu'il montre. Lorsqu'il définit, au final, il ne donne que des exemples sans
jamais réellement définir ce qu'il souhaite interroger, puisqu'il ne connaît pas la réponse. Ainsi, il ne peut
pas répondre à cette question.

C'est aussi une analogie au sens mathématique du terme : A est à B ce que C est à D. Par exemple,
imaginons que A soit médecin, B soit médecine, C soit peintre, et D soit peinture. Donc, A est à B ce que
C est à D.

Donc, ce n'est pas la chose qui est la même, mais c'est le rapport qui est le même. C'est une égalité
géométrique, ce qui n'est pas la même chose qu'une égalité arithmétique, qui concerne les nombres,
comme 2 plus 2 égale 4, ou la grandeur, ou la longueur. Une égalité géométrique s'applique à toutes les
autres choses. L'égalité géométrique peut aussi être entre des nombres, mais également entre des
objets, ce qui n'est pas le cas pour une égalité arithmétique.

Quel est l'intérêt ? L'intérêt est de comprendre ce qui est demandé sans avoir à préciser ce qui est
commun. A, A, B, C, D, E, F, car nous ne le connaissons pas nous-mêmes. Nous allons poser la question
seulement, mais nous n'avons pas toujours eu de réponse.

Donc, petit exemple : nous avons un artisan représenté par la lettre E. Nous allons lui demander quel est
son art. Comment obtenir sa réponse ? Comment savoir quelle réponse il est censé nous donner ? Eh
bien, nous ne donnerons pas de réponse, puisque nous ne l'avons pas, mais nous fournirons d'autres
exemples, comme A sur B et C sur D.

Ainsi, A est médecin, B est médecine ; E, imaginons que c'est écrivain, et F devrait être quoi ? Eh bien,
cela devrait être l'écriture. À ce moment-là, B est à A ce que F est à E.

Donc, on met en rapport des cas particuliers sans passer par le détour des questions, sans remonter à la
définition, sans avoir à définir. Qu'est-ce que X ? Sans avoir à dire ce qu'est X, mais seulement en
donnant des exemples.

Cette égalité géométrique va prendre de plus en plus d'importance dans le dialogue, au point qu'à la fin,
qui est le moment le plus dense du dialogue, l'égalité géométrique est toute-puissante parmi les dieux et
les hommes. C'est le sommet du système. Cela voudrait donc dire que l'égalité géométrique est, pour
Platon, le bien. Ce procédé dialectique est mobilisé pour expliquer.

Donc, Chériphon interroge Polos, qui est le disciple de Gorgias. Chériphon lui demande donc : « Qu'est-
ce que ton art ? » Polos, au lieu de répondre correctement, se lance dans un éloge de la rhétorique, en
affirmant que c'est le plus bel art, le plus puissant, et qu'il faut à tout prix l'étudier.

Socrate dit donc que Polos n'a pas compris comment répondre, car c'est bien trop long. Mais au fond, ce
n'est pas là le vrai problème. Le vrai problème dans cette réponse est qu'il ne répond pas à la question ;
il cite simplement les qualités d'un art dont on ne sait pas ce que c'est. Polos ne répond pas à la
question, tout simplement.

Alors, Socrate décide de poser la question directement à Gorgias. Il lui demande : « Quel est ton art ? »
Gorgias répond donc : « La rhétorique. ».

Ce passage révèle la différence entre la manière socratique de dialoguer et la rhétorique. Par la suite,
Socrate demande à Gorgias ce qu'est la rhétorique. Dans ce dialogue, la rhétorique n'est pas seulement
l'objet de la discussion, mais elle est également la méthode opposée à la dialectique.

Il y a deux niveaux dans ce dialogue. D'abord, la dialectique questionne la rhétorique : Socrate pose des
questions à Gorgias. Ensuite, la dialectique représente le mode de question, tandis que la rhétorique
représente le mode de réponse. Cependant, il n'y a pas vraiment de questions sur la dialectique elle-
même. Néanmoins, nous savons ce qu'est la dialectique et en quoi elle s'oppose à la rhétorique dans la
façon d'interroger.

Donc ici, nous avons une nouvelle question : qu'est-ce que la rhétorique ? Pour expliquer la manière
dont il faut répondre à cette nouvelle question, Socrate utilise à nouveau des analogies et des exemples.

Par exemple, qu'est-ce que le tissage ? C'est la confection de vêtements. Qu'est-ce que la musique ?
C'est la composition de mélodies. Donc, le tissage est à la confection de vêtements ce que la musique est
à la composition de mélodies, et ce que la rhétorique est à X, puisque nous ne savons pas encore ce que
cela représente. Socrate oriente ainsi ce qu'il dit ; il régit la réponse.

Ici, la rhétorique est donc considérée comme un art productif. Bien qu'il y ait plusieurs façons de
répondre à la question, Socrate oriente la réponse vers « la rhétorique est un art productif ». Alors, que
produit justement la rhétorique ? Gorgias va donc répondre à cette question : la rhétorique, c'est la
production de discours. Ainsi, le Logos est défini comme l'invention de discours.

Socrate cherche à préciser la définition. Il veut qu'elle devienne de plus en plus précise. Ainsi, tout
artisan peut parler de son art mieux que quiconque. En quoi la rhétorique se distingue-t-elle des autres
arts ? Il faut aller plus loin, même si la définition jusqu'ici n'est pas fausse.

Il y a d'autres arts qui produisent des discours, donc il faut différencier la rhétorique des autres arts.
Différencier, c'est définir. On commence par poser un genre qui a une certaine généralité, puis on
distingue progressivement. Pour Socrate, il n'y a pas de définition par genre ; il cherche à préciser de plus
en plus.
Alors, qu'est-ce qui différencie la rhétorique des autres arts qui produisent des discours ? C'est la
question que Socrate pose ensuite à Gorgias. Gorgias répond que la rhétorique utilise le discours comme
unique instrument. Par exemple, un médecin peut parler des maladies et produire des discours à leur
sujet autant qu'il le souhaite, mais lorsqu'il travaille, il ne se sert pas de discours ; il utilise des
médicaments, soigne, etc. Le discours n'est donc pas son instrument principal pour guérir.

Donc, cela permet de distinguer la rhétorique de certains arts, mais pas de tous. Il y a d'autres arts qui
produisent des discours et qui utilisent comme seul instrument les discours, par exemple les
mathématiques. Ce qui est développé dans ces arts est élaboré par le discours, et non manuellement.
Ainsi, nous avons pu éclairer un certain nombre d'arts, mais pas tous. Il faut donc encore faire la
différence.

Alors, Socrate demande quelle est la différence avec ces arts. Gorgias répond que la rhétorique porte sur
ce qu'il y a de plus précieux pour les humains, tandis que d'autres arts qui utilisent le discours comme
unique instrument se consacrent à des choses indifférentes à notre bien.

Socrate répond que oui, d'accord, mais d'autres artistes, d'autres artisans diront que leur art est le plus
important pour l'homme. Par exemple, un médecin dira qu'il n'y a rien de plus important que la santé.
Ainsi, qu'est-ce que Georgias entend par "meilleur" ? Socrate s'interroge sur la signification que Georgias
attribue à ce terme. Par "meilleur", il entend le plus grand bien, en grec, *megiston agathon* (pouvoir de
convaincre).

Nous avons donc introduit le lien entre la rhétorique et le bien, grâce à Georgias. C'est lui qui a introduit
cette notion, et c'est sa vision que l'on cherche à comprendre.

Socrate demande donc à Georgias ce qu'est le bien. Qu'est-ce qui est, d'après lui, la cause du bonheur ?
Qu'est-ce qui, selon la rhétorique, est la cause du bonheur ? (Car cela peut varier en fonction des
personnes et des arts.) Georgias répond alors quelque chose de très important pour la suite.

Pour Georgias, le bien, c'est le pouvoir de convaincre les autres. Pourquoi ? Parce que cela permet
d'obtenir le pouvoir et d'être libre, de faire ce que nous voulons. Si nous pouvons convaincre les autres,
nous pouvons les utiliser à nos propres fins, imposer notre point de vue, et faire ce que nous voulons.
Dans ce sens, la rhétorique devient le bien le plus précieux pour l'homme, puisqu'elle nous rend libre,
puissant, même tout-puissant, en nous permettant d'imposer notre point de vue et de ne plus
rencontrer de résistance. C'est un point crucial qui va réapparaître plus tard dans le dialogue. Ici, le bien
est lié à la toute-puissance, et la toute-puissance est liée à la liberté.

Et donc, pour Georgias, le bien serait la liberté, le fait d'être libre, puisque c'est cette liberté qui nous
apportera le bonheur. Socrate est d'accord jusqu'ici, mais ensuite, il va soulever plusieurs points.

Premier point : on est heureux seulement si on est libre. Mais maintenant, la question est de savoir dans
quelles conditions on fait vraiment ce que l'on veut. Cela implique qu'il faut d'abord comprendre ce que
l'on veut réellement. C'est là que réside un écart entre Socrate et Georgias.

Deuxième point : la liberté serait liée au pouvoir, en particulier au pouvoir exercé sur autrui.
Troisième point : qu'est-ce qu'être tout-puissant, finalement ? Pour Georgias, c'est dominer les autres
par le pouvoir de la parole, qui permet de les convaincre et de les soumettre à sa volonté.

On se rapproche donc de la définition de la rhétorique telle que Georgias l'entend. Socrate poursuit en
soulignant que le pouvoir de convaincre n'est pas spécifique à la rhétorique, mais commun à tous les
arts. Par exemple, un médecin peut convaincre sur des questions de santé, car c'est son domaine
d'expertise, mais cela ne signifie pas qu'il est tout-puissant. Le fait de maîtriser un art donne un pouvoir
de conviction auprès des personnes à qui l'on s'adresse. Ce pouvoir de conviction n'est pas toujours le
plus grand, mais il existe dans chaque art.

Socrate pousse donc Georgias à préciser sur quelles questions la rhétorique permet de convaincre.
Georgias répond que la rhétorique concerne les questions de justice et d'injustice, telles qu'elles sont
traitées dans les tribunaux et les assemblées populaires de l'époque. Socrate est alors satisfait d'avoir
obtenu une définition plus précise de la rhétorique, telle que la conçoit Georgias.

Cependant, Socrate va par la suite contester cette définition, car il ne partage pas cette vision de la
rhétorique. Mais, au moins, le cadre est posé : la rhétorique est un art qui utilise exclusivement le
discours, qui détient un pouvoir de conviction, et qui traite des questions les plus importantes en
matière de justice et d'injustice.

Dans le syllabus, il y a un schéma pour représenter ce dont je vais parler maintenant. On a procédé à un
rassemblement-division. C'est une méthode dialectique, et donc philosophique par excellence, qui va
permettre de définir la rhétorique, et c'est ce qu'a utilisé Socrate. On va remonter au genre auquel
appartient la rhétorique. C'est un art, même si Socrate n'est pas sûr que l'on puisse appeler cela un art,
mais c'est la manière dont Georgias conçoit la rhétorique. Il la conçoit comme étant un art. Donc, on a
rassemblé la rhétorique avec d'autres arts. À ce moment-là, on peut voir les éléments qui la distinguent
des autres arts, et donc la confronter à d'autres arts. À ce moment-là, on se demande quel est l'objet de
la rhétorique. La rhétorique a pour objet le discours. Ensuite, c'est bien, c'est très bien. On a su la
distinguer de certains arts, mais il y a encore d'autres arts qui utilisent le discours. Donc, qu'est-ce qui la
différencie, encore une fois ? C'est le fait que la rhétorique utilise le discours comme unique instrument.
Là aussi, nous avons distingué, mais certains arts utilisent également le discours comme unique
instrument.

Nous allons par la suite essayer de déterminer sur quoi cet art porte, ses caractéristiques, et ce qu'il
produit. Cet art a le pouvoir de convaincre. Il serait le plus grand des biens. Mais, encore une fois, tout
art peut convaincre. Il faut donc encore le distinguer des autres arts. La rhétorique porte sur des
questions de justice et d'injustice, qui sont les plus importantes et les meilleures des choses humaines.

Petite parenthèse, il existe plusieurs distinctions pour les arts qui utilisent le discours. Par exemple, les
arts manuels qui utilisent très peu de discours, les arts intermédiaires qui utilisent le discours de manière
modérée, comme l'architecte qui va à la fois utiliser des instruments et s'adresser à ses ouvriers, par
exemple. Et enfin, les arts qui utilisent le discours comme seul instrument.

Donc, la rhétorique est un art qui a pour objet les discours et dont le seul instrument est le discours,
mais un discours qui porte sur les plus importantes et meilleures choses humaines, à savoir la justice et
l'injustice. Il est donc nécessaire de diviser le genre pour garder ce qui a été choisi. Le but est de qualifier
précisément l'objet de la discussion, et cela est essentiel pour Socrate. Maintenant que la rhétorique est
définie, on peut en parler de manière plus approfondie.

Socrate pose alors deux questions. Premièrement, est-ce que cette définition est cohérente ?
Deuxièmement, est-ce que la rhétorique est bonne ou mauvaise ? Il procède ensuite à l'étape de
l'**elenchos**, c'est-à-dire la réfutation. Cependant, Socrate prend des précautions : il prévient Georgias
qu'il pourrait le réfuter, et que cela pourrait être perçu négativement, surtout en public. Il lui demande
de ne pas voir la réfutation comme un mal, mais comme une recherche de la vérité. Si les opinions sont
incohérentes, il faut s'en débarrasser. Le but, précise Socrate, n'est pas de dominer dans l'échange, mais
de chercher la vérité ensemble.

Ce passage prouve donc que le bien ne se réduit pas au plaisir. En effet, il peut être désagréable pour
une personne d’être réfutée, surtout en public, mais cela reste un bien, quelque chose qu'il est bon de
faire. Socrate revient ainsi sur l’idée maîtresse : la rhétorique est un art qui produit la conviction.
Cependant, tout art peut produire la conviction. Alors, quel est le type de conviction que produit la
rhétorique ?

Socrate distingue deux types de conviction :

1. **La conviction de savoir quelque chose qui est toujours vrai**. C'est une connaissance scientifique,
une vérité objective.

2. **La conviction de croyance**, qui repose sur la foi en quelque chose qu’on croit depuis longtemps ou
en une religion. Contrairement au savoir, la croyance peut être fausse.

La différence importante que Socrate souligne est que la croyance peut être erronée, tandis que le savoir
est toujours vrai. Ce qu’on appelle une science est, par définition, vrai. Ainsi, il existe des opinions
fausses, ce que Georgias accepte totalement. Une petite parenthèse ici : à l’époque du dialogue, un
autre sophiste célèbre, Protagoras, soutenait que toutes les opinions sont vraies, ce qui contraste avec la
position de Socrate.

Il disait donc que les opinions, c'est le fait d'exprimer ce que l'on ressent au moment même. Que si deux
personnes ont deux opinions différentes, elles expriment donc ce qu'elles ressentent, et ont donc toutes
les deux raison. Par exemple, si deux personnes sont côte à côte dans une même pièce et qu'une
personne a chaud, et l'autre personne a froid, il n'y a pas de sens à dire que l'un des deux a tort, puisque
c'est ce qu'ils ressentent. Chacun sent un vent différent. Il n'y a pas un seul vent qui ferait que l'un des
deux a raison. Pour lui, tout n'est qu'apparence. Il n'y a pas de réalité derrière les apparences. Tout est
tel qu'il nous apparaît. Tout est vrai. Il n'y a aucune différence entre opinion et savoir.

Mais Georgias admet sans problème qu'il y a des opinions vraies et des opinions fausses. Mais ce n'est
pas le thème du dialogue, c'était juste une petite parenthèse. Ensuite, Socrate cherche à savoir lequel
des deux types de convictions correspond le plus à la rhétorique. Il dit donc que ça ne peut pas être le
savoir, car avant tout, au tribunal, il y a des parties contradictoires : certaines accusent, d'autres
défendent. Le but est de convaincre les juges, et on ne peut les convaincre que par la croyance. On ne
peut pas leur apprendre ce qu'il s'est passé, à moins qu'ils aient été sur place.

Ce qui veut donc dire que ces opinions avancées dans un tribunal peuvent être vraies, mais aussi fausses.
Georgias dit donc que c'est extraordinaire, car tu n'as pas besoin d'être savant pour convaincre. Et
malgré cela, tu peux convaincre mieux qu'un savant. Il donne comme exemple qu'il a un frère qui est
médecin. Lorsque ce frère médecin rencontre des malades récalcitrants qui ne veulent pas prendre leur
traitement ou qui ne sont pas convaincus par le médecin, Georgias, qui est pourtant totalement ignorant
en médecine, arrive, par son art, à les convaincre de prendre tel ou tel traitement ou de croire en son
frère. Ainsi, par son art, il rend la médecine plus efficace, sans avoir besoin de maîtriser les autres arts.
Socrate rétorque donc que le rhéteur est très puissant en étant ignorant. La question qui se pose est :
convainc-il n'importe qui de n'importe quoi, ou n'a-t-il le pouvoir de convaincre que ceux qui sont
ignorants ? Donc, il y aurait un auditoire ignorant et un rhéteur ignorant.

Et il se pose la même question pour la justice et l'injustice. Georgias, lui, dit qu'il se fiche que quelqu'un
utilise mal son art. Il affirme que ce n'est pas son problème, en donnant l'exemple d'un professeur
d'escrime, un maître qui enseigne son art à ses élèves pour savoir se défendre, etc. Il leur apprend
l'usage de l'escrime, puis un de ses élèves irait tuer des gens en se servant de cet art. Eh bien, ce n'est
plus le problème du professeur d'escrime à ce moment-là. Ce n'est pas lui qui lui a dit d'utiliser l'art à
mauvais escient. Il dit donc qu'il enseigne la rhétorique et que c'est aux élèves, aux disciples, d'en faire
un bon usage. Socrate dit à Georgias qu'il ne pense pas ce qu'il dit. Pourquoi ? Socrate rétorque qu'il est
impossible de convaincre l'auditoire sur la justice et l'injustice sans les connaître, alors que l'on dit que
cet art de la rhétorique se base uniquement sur des questions de justice et d'injustice. Est-ce qu'un
rhéteur pourrait venir et faire un discours sans connaître la justice et l'injustice ?

Georgias répond que non, qu'il faut connaître au préalable la différence entre la justice et l'injustice, et
que si jamais un élève venait sans connaître cette différence, il lui enseignerait d'abord. Ce qui voudrait
donc dire qu'il se contredit, car il affirme ne pas enseigner la vertu, or la vertu consiste à enseigner la
différence entre le bien et le mal, entre la justice et l'injustice. Donc, il se contredit. Soit tous doivent
connaître la justice et l'injustice pour être de bons rhéteurs. Donc, lorsque l'on connaît la justice, on ne
peut qu’être juste. Mais non, on peut très bien savoir ce qu'est la justice et l'injustice, mais commettre
tout de même des injustices. Donc, c'est un discours assez simpliste que tient Socrate. Mais Platon n'est
pas naïf, et il le sait quand il écrit cela. D'après Socrate, le rhéteur ne peut jamais utiliser la rhétorique de
façon injuste, donc il n'a pas besoin de se détourner. Il y a donc un problème, et Georgias admet qu'il y a
à ce stade un problème. Le problème est que Georgias se contredit de manière interne. Voici la
réfutation : on montre qu'il y a une contradiction dans l'opinion de l'autre interlocuteur, sans dire que
cet interlocuteur a tort. On lui montre qu'il est contradictoire et que ses opinions sont fausses. On met
en lumière la contradiction en lui, ce qui implique qu'il n'y a donc pas de vérité, puisque la vérité ne doit
pas être contradictoire. Il se trompe, soit une des deux opinions est fausse, soit les deux le sont. La
cohérence est une condition non négative, sine qua non. Mais cela ne veut pas dire que, s'il n'y a pas de
contradiction, la définition est vraie. Par exemple, dans un autre dialogue, un mathématicien a fait une
faute au début d'une équation. Le développement était cohérent, mais étant donné qu'il y avait une
erreur au début de l'équation, le résultat est donc faux.

Dernier point, la rhétorique porte sur des questions de justice et d'injustice. Elle peut avoir un autre
usage légitime si elle est subordonnée à la connaissance du bien, de la justice et de la dialectique.
Georgias aurait pu utiliser cette vision pour essayer de s'en sortir, mais ce n'est pas le but, car ici on
critique la rhétorique qui se veut détachée de la dialectique et de la philosophie. Cependant, on peut
voir ici une piste de la rhétorique qui pourrait être liée à la dialectique et à la philosophie, une piste
annoncée mais non explorée, tout comme plusieurs autres pistes qui n'ont pas été approfondies dans les
dialogues de Platon.

· Troisième cours:
Ensuite, Socrate poussait Gorgias à aller plus loin dans son explication de ce qu'est la rhétorique telle
qu'il l'entend. La question du bien est abordée, et le bien, selon Gorgias, c'est la liberté conçue comme
une forme de toute-puissance, comme un pouvoir de convaincre l'autre pour en faire ce qu'il veut, selon
ses désirs. C'est un art qui repose sur le discours et qui parle de ce qu’il y a de meilleur pour l’homme : la
justice et l’injustice, avec le pouvoir de convaincre.

Et cela était utilisé dans les tribunaux. Ce n'est pas une définition absolue. Chacun a sa propre définition
du bien et de la rhétorique. Socrate, quant à lui, va démontrer que Gorgias est contradictoire, ce qui va
le pousser à reculer à un moment donné.

Gorgias explique que ce n'est pas si simple, que ce n'est pas un art facile, et qu'il y a un principe de
conviction. Même si l'on ne sait pas de quoi on parle, même si l'on ne connaît pas le domaine de la
discussion, on peut réussir à convaincre, même en étant ignorant.

Ensuite, Gorgias lui a demandé si quelqu'un venait apprendre la rhétorique sans connaître la différence
entre le bien et le mal, pourrait-il tout de même parler de ces notions ? Pourrait-il également utiliser la
rhétorique à mauvais escient ? Gorgias répond qu'il faut connaître la différence entre le bien et le mal,
mais il a aussi affirmé, à un moment donné, que la rhétorique est un instrument neutre. À partir de là,
c'est contradictoire. En tout cas, la rhétorique telle que Gorgias l'entend est contradictoire. Socrate
entreprend donc une série de réfutations contre la définition de Gorgias, ce qui le pousse à reculer.

Gorgias affirme que la rhétorique consiste à être tout-puissant, à pouvoir parler de tout et convaincre
tout le monde, même sans connaître le sujet. Il donne l'exemple de son frère, qui est médecin, et précise
que ce n'est pas de sa responsabilité si les gens utilisent cet instrument à bon ou à mauvais escient.
Cependant, la rhétorique prétend être un art qui repose sur des questions de justice et d'injustice. Est-ce
que Gorgias prétend ignorer les questions de justice et d'injustice, tout comme il est ignorant en
médecine ?

Or, Gorgias affirme qu'il sait ce qu'est la justice et l'injustice, qu'il sait faire la différence, et que si
quelqu'un venait à lui, il devrait connaître cette distinction, ou, au minimum, il devrait lui enseigner.
Voilà, tout ceci n'est qu'un rappel de ce que nous avons vu jusqu'ici.
Donc, Socrate demande à Gorgias s'il enseignerait la rhétorique à quelqu'un qui ne connaît pas la
différence entre le bien et le mal. Gorgias répond qu'il lui enseignerait cette différence, ce qui revient à
dire qu'il enseignerait la vertu, alors qu'il avait affirmé ne pas l'enseigner. Cela révèle une contradiction
dans ses propos.

Et c'est ainsi que se termine la première partie, après quoi Polos intervient. Polos, disciple de Gorgias, est
mécontent de la performance de son maître et reproche à Socrate de crier victoire trop rapidement.
Selon Polos, si Gorgias n'a pas été à la hauteur, c'est parce qu'il a craint de choquer, non pas ses disciples,
mais le public. En effet, admettre qu'il enseigne un art pouvant être utilisé de manière injuste risquait de
scandaliser l'auditoire.

Gorgias a donc préféré reculer, non pas à cause d'un manque d'arguments, mais pour éviter de heurter
les sensibilités du public, cherchant à préserver une cohérence externe entre ses paroles et ce que pense
l'auditoire. Cependant, cette cohérence externe a été maintenue au détriment de sa propre cohérence
interne. Or, pour passer le test de la dialectique socratique, il ne suffit pas de maintenir une apparence
de cohérence dans ses paroles : il faut qu'il y ait une véritable concordance entre ce que l'on dit et ce
que l'on pense.

C'est alors que Polos prend la place de Gorgias dans le débat, affirmant qu'il n'a pas peur de choquer et
qu'il se moque des réactions du public.

Donc, la rhétorique présuppose une connaissance du juste et de l'injuste. On laisse tomber ce qui a été
dit plus tôt. Polos revient à la question et veut la poser à Socrate. Il demande donc à Socrate ce qu'est la
rhétorique. Mais Polos ne pose pas de questions de la même manière que Socrate. Il ne les pose pas de
façon dialectique. Il pose des questions ambiguës, des questions rhétoriques, des questions où la
réponse est comprise dans la question, afin d'orienter la réponse et aussi pour piéger Socrate d'une
certaine manière. Polos ne sait pas poser des questions comme Socrate.

Rappelons ici que Socrate veut savoir si la rhétorique est bonne. Socrate dit à Polos qu'il ne sait pas
poser des questions comme lui. Socrate va alors faire un long discours de plusieurs pages et s'excuser à
la fin en disant que si on lui avait posé une bonne question, il aurait répondu de façon plus courte. Mais
on peut donc voir ici que le problème au début du dialogue n'était pas la longueur, mais la façon de
poser des questions et d'y répondre. Socrate va proposer une nouvelle définition de la rhétorique. Pour
Socrate, la rhétorique est un savoir-faire qui n'est pas fondé sur des règles, sur de la rationalité, mais qui
est seulement une imitation d'un art. Le savoir-faire, c'est l'imitation de l'art. Polos croit à ce moment
que c'est bon, que c'est fini, que la définition est claire. Mais non, car il y a une multiplicité de savoir-
faire, comme par exemple la cuisine. Tout d'abord, nous devons savoir quelle est la différence entre le
savoir-faire et l'art. Cette distinction sera faite plus tard, mais pour le moment, nous pouvons voir deux
différences essentielles. La première est que l'art est ce qui peut donner le logos de son objet. Le logos
ici est défini comme le fait de rendre compte, d'être capable de justifier, de fonder rationnellement ce
sur quoi l'art va porter, donc les dispositifs, et de définir cet art. Cependant, un savoir-faire ne peut pas
s'expliquer. Quelqu'un qui pratique un savoir-faire ne peut pas l'expliquer, ne peut pas dire pourquoi il
fait cela. Il ne pourra pas l'expliquer avec des expériences, etc.
Par exemple, une grand-mère peut proposer un traitement à son petit-fils, comme lui dire : « Quand tu
as mal au ventre, prends du cumin. » (Ceci est mon propre exemple, même si le professeur a également
donné celui de la grand-mère qui donne un traitement.) Donc, une grand-mère ne peut pas expliquer
pourquoi elle conseille à son petit-fils de prendre du cumin s'il a mal au ventre, mais elle sait que cela
fonctionne depuis plusieurs générations et qu'elle l'a appris ainsi. En revanche, un médecin, lorsqu'il
prescrit un traitement, peut expliquer en quoi consiste ce traitement et pourquoi il est bénéfique.

Donc, la différence réside dans notre capacité à rendre compte de ce que nous faisons, tandis que pour
un savoir-faire, on sait simplement le faire. La deuxième différence, qui est un peu implicite dans le
dialogue et n'est pas énoncée explicitement, est que pour Socrate, les arts visent toujours le bien. Leur
but est toujours le bien. Par exemple, pour un médecin, l'objectif est de soigner.

Mais par exemple, la cuisine est ce qu'on appelle un art de flatterie. C'est un savoir-faire, mais selon
Socrate, cela s'appelle un art de flatterie, qui permet de faire plaisir, de flatter, et de ne pas choquer.
C'est là que se manifeste la différence entre le bien et le plaisir : la cuisine nous procure du plaisir, tandis
que la médecine nous fait du bien. Cependant, Calliclès ne fait pas cette distinction entre le bien et le
plaisir.

(Calliclès intervient de temps en temmps dans ce dialogue, mais il interviendra surtout dans la prochaine
partie) Il nous reste donc à déterminer ce qu'est le bien et comment le distinguer, ou non, du plaisir. Car
tout s'effondre si l'on refuse la distinction entre le bien et le plaisir, du moins d'après Socrate.

Le bien ne signifie pas nécessairement ne pas ressentir de douleur, tandis que le plaisir est synonyme de
ne pas ressentir de douleur. Le bien, c'est le bonheur absolu. Cependant, le malheur est différent de la
douleur, ce qui signifie qu'on peut ressentir une douleur qui, par la suite, nous fait du bien et nous
comble de bonheur. Par exemple, lorsqu'on suit un traitement désagréable dans le but d'aller mieux et
de guérir.

Nous devons donc maintenant diviser les savoir-faire et les arts, et procéder à la division analogique que
nous avons effectuée au début, lorsque nous cherchions à définir la rhétorique. D'abord, il y a les arts de
maintien du bien et les arts de restauration qui rétablissent le bien. Le bien se situe à la fois dans le corps
et l'âme. Ainsi, on distingue les arts de maintien du bien dans le corps et l'âme, et les arts de restauration
qui rétablissent le bien dans le corps et l'âme.

Commençons par des exemples d'arts du bien de l'âme, qu'il s'agisse de maintien ou de restauration. Ils
portent un nom : l'art politique, qui s'applique aux deux cas, tant pour la restauration que pour le
maintien. Pour le maintien et l'entretien du bien de l'âme, cela se traduit par la vertu de justice, donc par
l'art de la législation, c'est-à-dire la mise en place de lois. En revanche, pour restaurer le bien de l'âme,
on parle de l'art judiciaire, qui s'exerce au sein de la société, avec à sa tête le juge, par exemple.

Les arts qui maintiennent le bien ou entretiennent le bien du corps n'ont pas de nom spécifique.
Cependant, pour l'entretien du bien du corps, il s'agit de la gymnastique, tandis que pour la restauration
du bien du corps, on fait référence à la santé, à la médecine, qui vise à soigner.
Donc ici, nous pouvons observer des rapports, c'est-à-dire qu'il existe une analogie entre la législation, la
vertu de justice, et la médecine avec la gymnastique. Ainsi, la législation est à la justice ce que la
médecine est à la gymnastique.

Donc, il y a un certain rapport entre l'âme et le corps. C'est ce rapport par analogie. C'est également une
égalité géométrique, comme nous l'avons vu au tout début. Pour le savoir-faire et la flatterie, c'est la
même division. Cependant, ici, étant donné que le savoir-faire est l'imitation de l'art, même dans le bien,
il s'agit d'imitation. Ainsi, l'imitation du bien, c'est le plaisir du corps et de l'âme. Donc, le savoir-faire
pourrait être considéré comme le plaisir. L'imitation du bien de l'entretien du corps est la cosmétique,
qui est une imitation de la gymnastique. Elle permet, au lieu d'améliorer sa condition physique, de
cacher un corps défectueux. Quant à la restauration du corps, c'est la cuisine qui nous donne
l'impression que nous nous faisons du bien.

Nous pouvons donc dire que la cosmétique est à la gymnastique ce que la cuisine est à la médecine. On
peut établir des rapprochements entre savoir-faire et art. Pour l'âme, en ce qui concerne l'entretien, le
savoir-faire est la sophistique, c'est-à-dire l'imitation de la législation. Et pour la restauration, c'est la
rhétorique, qui se pratique au sein du tribunal, une sorte de contrefaçon de la justice.

Donc, on peut dire ici que Socrate admet qu'il est possible de faire une différence entre la sophistique et
l'art rhétorique. Mais, finalement, ce n'est pas vraiment essentiel, car les deux sont considérés comme
des contrefaçons de l'art politique. Ainsi, par exemple, on pourrait établir un rapport en disant que la
sophistique est à l'art rhétorique ce que la législation est à l'art judiciaire.

Quand on dit que la rhétorique permet la restauration de l'âme, cela fait référence à la restauration du
plaisir dans une âme qui en est dépourvue. Cependant, Polos soutient que la conception de Socrate n'est
pas nécessairement mauvaise, puisque, d'après lui, c'est positif, car le savoir-faire procure du plaisir aux
gens. Par conséquent, tout plaisir est bon et produit donc du bien. Ainsi, c'est une chose positive.

Donc, Polos ne fait pas cette distinction entre le plaisir et le bien, et cela se manifeste clairement avec
l'exemple d'un chef qui serait tout-puissant. Il peut faire ce qui lui plaît, assouvir tous ses désirs. Ainsi, s'il
est tout-puissant et capable de faire tout ce qu'il veut, c'est qu'il est le plus heureux des hommes, du
moins selon Polos, puisqu'il ne fait pas cette distinction entre le bien et le plaisir.

Mais pour Socrate, c'est une mauvaise chose. Pour lui, la rhétorique, même si elle procure du plaisir, est
négative, car il fait cette distinction entre le plaisir et le bien. Afin de montrer cette distinction, il va
présenter trois paradoxes. Cependant, il faut souligner dès maintenant, même si Socrate ne le dit pas
tout de suite, que le plaisir n'est pas équivalent au bien.

La rhétorique ne permet pas d'être tout-puissant et n'est pas toute-puissante. Le rhéteur peut
convaincre son auditoire, mais il ne fait pas ce qu'il veut. En effet, son opinion ne peut pas aller à
l'encontre de l'opinion de l'auditoire, de la majorité. Il est obligé d'être en quelque sorte d'accord et de
s'en tenir à l'opinion de la majorité, et de convaincre en se basant sur celle-ci.

Pour Socrate, ce qui importe le plus n'est pas d'être d'accord avec les autres, mais avec soi-même. Ce qui
est fondamental, on le rappelle, pour Socrate, c'est la cohérence interne. Il ne s'agit pas de ce que l'on
dit et de ce que l'on dit, comme le fait Polos, mais de ce que l'on dit et de ce que l'on pense. Il ne s'agit
pas non plus de ce que l'on dit et de ce que les autres disent. La rhétorique ne vise qu'à flatter. Elle ne
fait que flatter l'auditoire, qui, en soi, est généralement d'accord avec les idées qui lui sont présentées.
Le rhéteur ne fait pas ce qu'il veut, il ne peut pas réellement contrôler les gens.

Donc, le premier paradoxe, c'est que celui qui fait ce qui lui plaît n'est pas tout-puissant et ne fait pas ce
qu'il veut. Car pour Polos, le plaisir, c'est ce qu'on veut, et donc c'est la liberté. Et la liberté serait de faire
ce que l'on veut, et être tout-puissant mènerait à être heureux, en quelque sorte. Mais il y a de
nombreux cas où faire ce qui nous plaît n'apporte pas toujours le bonheur, puisqu'il y aura des
conséquences par la suite. Par exemple, sur le moment, lorsque nous mangeons de la malbouffe, comme
des frites ou des choses mauvaises pour notre santé, cela nous fait plaisir, c'est ce qu'on veut sur le
moment. Mais, avec le temps, il y a des conséquences. Et donc, ce n'est pas toujours ce qui est le
meilleur pour nous. Cela ne va pas nécessairement nous apporter du bonheur, mais peut-être des
problèmes de santé. Cela entraîne donc le mal. Ce qui nous paraît être le meilleur n'est pas toujours ce
qui va nous rendre heureux. Et cela ne va pas nous rendre tout-puissant, car le résultat est un mal, et la
toute-puissance est censée être liée au bien. Il y a donc une différence entre ce que l'on veut et ce qui
nous plaît, et ce qui est bon pour nous.

Beaucoup de choses que nous faisons ne sont ni bien ni mal, mais simplement neutres. Par exemple,
lever un bras ou faire trois pas en avant. Cela ne nous apportera ni bonheur ni malheur, mais c'est
quelque chose que l'on fait. Et parfois, on le veut. On veut juste faire trois pas en avant ou lever le bras.
Ce sont des actions indifférentes. Il faut donc distinguer ce qui est bien, ce qui est mauvais et ce qui n'est
ni l'un ni l'autre, ce qui est neutre.

De plus, il y a beaucoup de choses que nous effectuons, non pas parce que nous le voulons sur le
moment, mais en vue d'un objectif futur. Comme je l'ai déjà dit avec les médicaments. À ce moment-là,
ce qui est important pour nous n'est pas le moyen, mais la fin : la santé. C'est ce que nous voulons. Et
pour atteindre cette fin, il faut passer par un moyen. Le plaisir peut nous sembler bon, mais il ne conduit
pas au bonheur. Faire ce qui nous plaît, rechercher le plaisir, ne nous rend ni libres ni tout-puissants. Il
est donc nécessaire de distinguer le plaisir du bonheur, et par extension, de distinguer le plaisir du bien.

Le deuxième paradoxe est que, lorsqu'une injustice est commise, le plus malheureux n'est pas celui qui
subit l'injustice, mais celui qui la commet. Par exemple, un meurtre est une injustice. Celui qui le
commet, le meurtrier, le fait de manière injuste, non pas en légitime défense, mais en infligeant une
mort injustifiée à quelqu'un. Si la personne tuée était juste de son vivant, elle ne sera pas malheureuse
après sa mort. Cependant, celui qui a commis l'injustice, c'est-à-dire le meurtrier, est plus malheureux
que celui qui a subi l'injustice. Donc, même si quelqu'un est tout-puissant, mais agit de manière injuste, il
n'est pas heureux.

Donc, le châtiment serait un garde-fou. C'est la seule chose qui nous empêche de commettre des
injustices. Cependant, Polos soutient que celui qui a le pouvoir et la capacité d'éviter le châtiment a
réussi. Il affirme que si quelqu'un peut commettre des injustices en secret, avec l'assurance qu'il ne sera
jamais pris — par exemple, une personne qui découvre une cave chez elle, où elle est certaine que
personne ne découvrira jamais ce qui s'y passe — cette personne pourra commettre les pires atrocités
sans jamais être réprimandée. Mais Socrate, quant à lui, soutient que le châtiment est non seulement un
garde-fou, mais qu'il est également bénéfique, car il purifie l'âme du mal. Ainsi, il affirme que l'injustice
rend véritablement malheureux.

Pour Polos, commettre l'injustice est mieux que subir l'injustice. Mais commettre l'injustice, ça reste
moche, laid, et ce n'est pas beau. C'est ce qu'il dit. C'est une question de beauté morale.

Socrate commence par réfuter l'idée de Polos, selon laquelle commettre l'injustice serait meilleur que de
la subir. Tout d'abord, Socrate soutient que commettre l'injustice est plus laid que la subir. Il faut ensuite
définir ce qui est beau et ce qui est bien. Polos établit une distinction entre le beau et le bien, tandis que
Socrate affirme qu'ils s'identifient. Socrate propose donc à Polos de définir le beau comme ce qui est soit
utile, soit plaisant. Cependant, l'utile, dans ce contexte, est ce qui procure le bien. Ainsi, il existe une
sorte de lien entre le bien et le beau. Ce qui est beau est donc ce qui procure du plaisir ou qui est utile.

Donc, il faut maintenant définir ce qui est laid, puisque commettre l'injustice est qualifié de laid. Ce qui
est laid, selon Socrate, est soit douloureux, soit mauvais. Or, commettre une injustice n'est pas
nécessairement douloureux, donc cela doit être mauvais, et par conséquent, inutile. Si quelque chose
est inutile, il ne peut pas apporter le bonheur, puisque ce qui est utile est ce qui procure le bien, et le
bien mène au bonheur. Ainsi, commettre une injustice conduit au malheur.

Dans ce sens, on pourrait conclure que la victime de l'injustice est heureuse, car elle a été juste tout au
long de sa vie. En supprimant la distinction entre le bien et le beau, il devient impossible de soutenir que
commettre une injustice est mieux que de la subir, car cela reviendrait à dire que commettre une
injustice est à la fois bien et laid. Or, si, selon Socrate, il n'y a pas de différence entre le bien et le beau,
une injustice ne peut pas être à la fois bonne et mauvaise. Cela serait contradictoire.

Par conséquent, commettre une injustice est mauvais et procure le malheur, tandis que la victime, qui
reste juste, peut être considérée comme heureuse.

Le troisième paradoxe est que la punition est juste, et donc, si elle est juste, c'est qu'elle est un bien.
Mais maintenant, est-elle belle ? Polos dit que oui, mais ce n'est pas nécessairement le cas. En tout cas,
ce n'est pas le cas dans le sens du plaisir, car elle ne nous procure pas réellement de plaisir, que ce soit
en infligeant la punition ou en la subissant. Cependant, elle est bonne, elle est utile, et donc elle peut
rendre heureux. Si elle est bonne et utile, c'est le bien, et le bien procure le bonheur. Ainsi, cela ne nous
fait pas plaisir, et encore une fois, nous voyons la distinction entre le bien et le plaisir. Soigner l'injustice,
c'est traiter la maladie de l'âme, ce qui nous rend moins malheureux.

Étant donné que la rhétorique sert également à éviter la punition en se défendant, cela signifie qu'une
personne qui a commis une injustice peut être défendue, voir sa peine réduite, voire ne jamais être
inculpée ou punie. Par conséquent, la rhétorique est une arme néfaste, sauf si elle est utilisée pour nous
accuser nous-mêmes lorsque nous subissons une injustice, afin de recevoir la punition et d'être guéris.
Ainsi, Socrate veut dire que si l'on souhaite faire du mal à nos ennemis, il faut éviter qu'ils ne soient
punis. À ce sens, il provoque un peu Gorgias lorsqu'il dit cela. Mais il affirme que si l'on veut nuire à nos
ennemis, il faut éviter de témoigner contre eux. En revanche, lorsqu'il s'agit de proches et que l'on
souhaite qu'ils aillent mieux, il faut les accuser pour qu'ils soient guéris de cette maladie.

Face à cette provocation, Calliclès intervient et dit à Socrate qu'il ne croit tout de même pas en ce qu'il
avance. Socrate rétorque que si, il pense totalement ce qu'il dit, et même lui, Calliclès, pense de la même
manière. Nous allons voir cela au prochain cours.

· Quatrième cours:

La conversation entre Socrate et Caliclès traite de la nature de la rhétorique et de la justice. Au départ,


Socrate discute avec Gorgias, qui voit la rhétorique comme un art permettant de convaincre sur ce qui
est juste et injuste, avec un potentiel bénéfique. Cependant, Socrate souligne une incohérence : Gorgias
dit d’un côté que la rhétorique est un simple outil, neutre et adaptable à divers buts (bons ou mauvais),
sans responsabilité morale pour le professeur, et de l'autre, il reconnaît qu’une compréhension du bien
et du mal est nécessaire pour enseigner cet art. Cela mène à une critique de Socrate qui accuse Gorgias
de ne pas être cohérent.

Pollos, élève de Gorgias, intervient pour dire que son maître a failli en cédant face aux arguments de
Socrate par peur de choquer, alors qu'il aurait dû défendre ses convictions. Pollos défend la rhétorique
comme un moyen d'obtenir ce que l’on veut, mais Socrate souligne ici une distinction : vouloir
réellement le bien diffère de faire ce qui plaît.

Socrate avance trois thèses paradoxales :

· Faire ce qui nous plaît n’équivaut pas à faire ce que nous voulons, car ce que nous voulons, c’est
le bien, tandis que ce qui plaît peut être superficiel et lié au plaisir immédiat.

· Commettre une injustice est pire que la subir, car cela affecte plus profondément l'âme, nous
rendant plus malheureux. Ici, le bonheur et le malheur sont associés aux valeurs morales du bien
et du mal.

· Commettre une injustice sans être puni est pire que de l'être, car la punition, semblable à un
remède, vise la justice et la restauration du bien de l'âme, comme la médecine rétablit la santé
du corps.

Pour Socrate, donc, la justice (comme art politique) est un bien qui vise à corriger l’injustice dans l'âme. Il
va jusqu'à suggérer que, pour vraiment nuire à un ennemi injuste, il faudrait s'assurer qu’il échappe à la
punition, assurant ainsi son malheur par la persistance de l’injustice non réparée.

Ce raisonnement déclenche une forte réaction chez Caliclès. Ce dernier défend une vision radicalement
différente : la justice n'est pas définie par le bien et le mal mais par une distinction entre nature et loi (ou
convention). Pour Caliclès, ce qui est juste par nature est basé sur la loi du plus fort observée dans la
nature : les plus forts dominent les plus faibles, et ce même principe devrait s'appliquer en société.

Ainsi, selon lui, la justice naturelle réside dans le fait que les plus puissants (ou les plus compétents)
dirigent et possèdent davantage, car ils sont naturellement supérieurs. Cela mène à une vision politique
tyrannique où un individu fort impose sa volonté aux autres.

Cependant, Caliclès admet que cette conception de la justice est insoutenable pour la majorité, qui est
généralement faible. Ces faibles, plus nombreux, s’allient pour imposer des règles protectrices, ce qui
crée les lois et conventions de la cité. Ces lois visent en réalité à limiter le pouvoir des forts, non pas en
vertu de la nature mais par un consensus social conçu pour protéger les intérêts des plus faibles contre
ceux des puissants.

Caliclès rejette donc la distinction entre le bien et le plaisir (plaisir étant pour lui synonyme de bien),
tandis que Socrate maintient cette séparation en affirmant que le vrai bien transcende le plaisir, visant au
bonheur de l'âme.

Ce passage est une exploration profonde des idées de Calliclès et de Socrate (via Platon) sur la justice, le
pouvoir, et les valeurs au sein de la cité, en particulier dans le contexte de la démocratie. La critique de
Calliclès envers la démocratie est radicale, et ses arguments reposent sur la distinction entre une justice
fondée sur la "nature" (d'où les plus forts dominent) et une justice conventionnelle (basée sur des lois
égales pour tous, comme dans un régime démocratique).

Voici un résumé des points clés abordés dans ce texte, et des éléments pour approfondir la pensée de
Calliclès :

1. Justice par nature vs justice par convention: Calliclès, dans le dialogue platonicien, considère que
la justice "naturelle" s'oppose aux normes conventionnelles de la cité démocratique. Selon lui, la
justice par nature devrait permettre aux plus forts de dominer, car cette hiérarchie reflète la
réalité naturelle du monde où les plus puissants survivent et prospèrent. À l'inverse, la justice
par convention, mise en place dans les démocraties, cherche à effacer ces différences naturelles
au nom de l'égalité, ce que Calliclès critique comme artificiel et contre-nature.

2. La position ambivalente de Calliclès sur la démocratie: Bien qu’il critique ouvertement la


démocratie pour ses valeurs d'égalité, Calliclès reste dans le système démocratique en s'en
servant comme d’un moyen pour exercer une certaine influence. Platon se sert de ce
personnage pour souligner ce qu’il considère comme la contradiction interne de la démocratie :
un régime qui valorise l’égalité mais qui permet aussi, par sa structure, aux orateurs et aux
politiciens de manipuler les masses pour leurs propres fins.

3. Différence fondamentale entre Calliclès et Socrate: Pour Calliclès, le "bien" est équivalent au
plaisir, ce qui explique son rejet de toute distinction entre le bien et le beau : tout ce qui procure
du plaisir est bon. En opposition, Socrate et Platon défendent une conception du bien comme
étant lié à l'ordre, la régularité, et la justice en tant qu’harmonie et équilibre. Cette idée fait du
bien un objectif supérieur à la simple satisfaction personnelle. Pour eux, le vrai bien transcende
les plaisirs immédiats et vise un ordre qui serait universel.

4. Le paradoxe de Socrate et la critique de Calliclès: Calliclès reproche à Socrate de profiter de


l'ambiguïté des concepts de justice pour manipuler ses interlocuteurs, alors que Socrate prône
pourtant la clarté dans la discussion philosophique. Ce reproche est l'un des fondements de
l'hostilité de Calliclès envers la philosophie, qu’il considère comme un simple jeu sans
importance pour la vie publique.

5. La philosophie vs les valeurs politiques: La confrontation entre Calliclès et Socrate souligne le


choc entre la philosophie et la politique telle que Platon la voit. Calliclès pense que la
philosophie n’a de place que comme une préparation intellectuelle, mais qu’avec l'âge, il faut
laisser de côté les idéaux philosophiques pour se consacrer aux réalités politiques et à la
recherche du pouvoir. Cette opposition montre le contraste entre une vie vouée à la recherche
de la vérité (philosophie) et une vie ancrée dans le pouvoir et l'influence (politique), les deux
voies étant ici décrites comme fondamentalement incompatibles.

Ce débat révèle les critiques sous-jacentes de Platon envers la démocratie, qu'il considère comme
vulnérable aux manipulations et à l’hypocrisie, car les citoyens y promulguent des valeurs égalitaires sans
nécessairement y croire profondément. Pour Platon, la philosophie mène à des vérités universelles et est
donc à l'opposé de la politique démocratique, qui peut être perçue comme hypocrite et instable.

Ce texte engage une réflexion profonde sur le dialogue entre Socrate et Calliclès, représentant deux
modes de vie : celui de la philosophie, incarné par Socrate, et celui de la rhétorique, incarné par Calliclès.

Voici une synthèse des idées principales abordées :

6. Confrontation entre modes de vie: La discussion entre Socrate et Calliclès se présente comme un
affrontement entre deux manières de vivre. Socrate, en tant que philosophe, valorise la
recherche du bien et de la vérité, tandis que Calliclès représente une vision plus pragmatique,
centrée sur le pouvoir et la force.

7. L'éloge de Calliclès: Socrate reconnaît en Calliclès un interlocuteur de valeur, capable d'engager


un débat sérieux. Cependant, il se positionne en tant que guide dans cette discussion, cherchant
à faire émerger la vérité par le biais de la dialectique.

8. La question du bien: Au cœur de leur échange se trouve la question fondamentale : "Comment


dois-je vivre ?" Socrate cherche à déterminer ce qui est réellement bon, en opposition aux
valeurs défendues par Calliclès, qui sont basées sur la force et le pouvoir.

9. Socrate et la dialectique: Socrate utilise la méthode dialectique pour interroger Calliclès, tentant
de l'amener à clarifier ses idées sur ce qui constitue le "meilleur". Ce processus met en lumière
les contradictions dans la pensée de Calliclès et remet en question ses valeurs.

10. La nature du pouvoir: Calliclès soutient que le plus fort est celui qui exerce le pouvoir et impose
son point de vue, mais Socrate lui demande si ce pouvoir inclut la maîtrise de soi. Cette question
soulève la distinction entre le pouvoir sur autrui et le pouvoir sur soi-même, illustrant ainsi les
deux types de vie opposés.

11. Le rôle de la philosophie: La philosophie, selon Socrate, permet d'examiner les valeurs et de
transcender les opinions. Elle devient le terrain sur lequel se joue la confrontation entre les
valeurs conventionnelles et celles qui sont perçues comme naturelles. La dialectique devient
alors un outil essentiel pour révéler les vérités cachées et guider vers le véritable bonheur.

12. Critique de la vie hédoniste: Calliclès défend une vision hédoniste de la vie, où la satisfaction des
désirs est valorisée. Socrate, en revanche, propose une vie mesurée et tempérée, illustrée par
l'image de l'âme comme un tonneau percé, insatisfait de ses désirs sans une discipline
personnelle.

En somme, ce dialogue met en évidence les tensions entre différentes conceptions de la vie, du pouvoir
et du bien. Socrate, par sa méthode dialectique, cherche à élever la discussion au-dessus des simples
opinions pour atteindre une compréhension plus profonde de ce qui constitue une vie véritablement
bonne et heureuse.

Il est question de la nature du bonheur et du plaisir, ainsi que des critiques que Socrate adresse à la
vision de Calliclès. Socrate illustre l'absurdité de certaines conceptions du bien par des métaphores
puissantes, comme celle de la vie remplie avec une passoire, symbolisant une existence qui ne peut
jamais être satisfaite ou complétée. En confrontant la philosophie de Calisthèque, qui défend l'idée que
le bien est synonyme de plaisir, Socrate souligne que cette vie, axée uniquement sur le plaisir, est
semblable à celle d'un cadavre.

Selon Socrate, vivre ainsi équivaut à être piégé dans une existence sans mouvement ni désir, réduite à
une existence stérile. Cela souligne la rhétorique employée pour choquer et interroger la conception du
bien. Calliclès, quant à lui, soutient que le plaisir est la source du bonheur, faisant de la recherche du
plaisir l'ultime objectif.

Platon observe que cette croyance n'est pas rare, même parmi les animaux, qui, par leurs
comportements, montrent qu'ils recherchent également le plaisir comme bien suprême. Il donne
l'exemple d'un chat qui ne désire qu'être caressé. Pour Platon, cette vision est commune : le bonheur
réside dans le plaisir, tandis que la souffrance est perçue comme le malheur.

Calliclès pousse cette logique à l'extrême en affirmant que tous les plaisirs sont bons et qu'il n'y a aucune
raison de ne pas rechercher le plaisir à son maximum. Socrate, en revanche, va réfuter cette position par
une série de raisonnements. Il démontre que l'on peut ressentir plaisir et douleur simultanément. Par
exemple, éprouver du plaisir en mangeant pour apaiser la douleur de la faim est une réalité courante.

La contradiction dans la pensée de Calliclès devient évidente lorsqu'on considère qu'il ne peut être à la
fois heureux et malheureux. Cette incohérence expose les limites de sa position, soulignant que les
plaisirs ne sont pas toujours synonymes de bonheur durable. Par ailleurs, Socrate questionne la
possibilité d'éprouver du plaisir en étant lâche ou insensé.
Il imagine le soldat lâche dans une situation de combat, où il pourrait éprouver du plaisir dans des
actions contraires à la bravoure. Cela met en lumière le fait que le plaisir peut exister même dans des
comportements moralement discutables, ce qui complique la définition du bien uniquement comme
plaisir.

Socrate, à travers ces réflexions, invite à une analyse plus profonde de la nature du bonheur et du plaisir,
questionnant ainsi les fondements mêmes de l'hédonisme tel que défendu par Calliclès. Cette
exploration de la morale et des désirs humains est essentielle pour comprendre la philosophie
socratique, qui va bien au-delà de la simple recherche du plaisir.

Parce qu'évidemment, comme il est lâche, il est soulagé de ne pas devoir se battre. Et dans ces
situations, non seulement il éprouve du plaisir, mais si à côté de lui, il y a quelqu'un qui découvre un jeu,
et que la raison pour laquelle il se retire, c'est que le général est lâche, alors le soldat lâche est soulagé et
très heureux. Le soldat qui, lui, est courageux, en revanche, est pris dans une sorte de dilemme : il est
censé obéir à son général, mais en même temps, à cause de cela, il va commettre un acte de lâcheté, ce
qui lui procure une grande douleur. Ainsi, dans des situations comme celles-là, il faut admettre que le
lâche non seulement peut éprouver du plaisir, mais peut éprouver davantage de plaisir que le courageux.

Or, Calliclès nous a dit que le bon, le meilleur, c'est celui qui est le plus intelligent, le plus courageux, etc.
En d'autres termes, si le courage est une qualité du bon, cela implique que la lâcheté est une propriété
du mauvais. Donc, si le courage est bon, la lâcheté est mauvaise. Il faut dès lors admettre que le lâche,
qui est donc mauvais, éprouve dans certaines circonstances davantage de plaisir que le bon, c'est-à-dire
le courageux. Mais si le plaisir est le bien, cela signifie que le lâche, donc le mauvais, à ce moment-là, a
davantage de bien que le bon.

Or, avoir en soi le bien, c'est être le plus. Donc, cela veut dire que dans ces circonstances-là, le lâche,
c'est-à-dire le mauvais, est meilleur que le courageux, c'est-à-dire le bon. Ce qui est une contradiction
manifeste. Ainsi, on voit bien comment Socrate pousse Calliclès à se contredire sur la base de ses
propres propos. C'est Calliclès qui dit que le bon, c'est le courageux, et le lâche, c'est le mauvais, etc.
Mais s'il soutient cela et qu'il admet qu'il est possible d'éprouver du plaisir en étant lâche, et même
d'éprouver davantage de plaisir en étant lâche qu'en étant courageux, alors finalement, il se contredit,
puisqu'il doit admettre que la même personne est à la fois bonne et mauvaise, et elle est d'autant plus,
d'autant meilleure qu'elle est mauvaise.

Société du plaisir, cette contradiction démontre donc que l'identité stricte entre le plaisir et le bien est
mise en question. Une fois que l'on comprend cela, les arguments deviennent en effet pertinents.

Calliclès, essayant de réfléchir, se positionne alors d'une manière qui montre que Socrate a bien compris
le but de la discussion. En effet, Calliclès dit qu'il n'a jamais voulu affirmer que tous les plaisirs sont bons.
En réalité, il y a des plaisirs bons et d'autres qui ne le sont pas, et certains plaisirs valent mieux que
d'autres. Dire cela est une toute autre affirmation que de dire que le bien est le plaisir.

Parce que, s'il y a une identité entre le bien et le plaisir, cela implique que tous les plaisirs sont bons en
tant que plaisirs. Si maintenant, on commence à dire qu'il y a des plaisirs bons et des plaisirs mauvais,
cela implique qu'il y a une distinction entre le bien et le plaisir. Ainsi, le bien n'est pas simplement une
catégorie de plaisirs, mais doit être considéré en dehors de cette identité.

Dès lors, Socrate introduit la question de l'utilité. Ce qui est utile est orienté vers le bien. En admettant
qu'il existe des plaisirs bons et d'autres mauvais, ainsi que des douleurs bonnes et des douleurs
mauvaises, il devient essentiel de distinguer les deux. Pour cela, il faut comprendre ce qu'est le bien et
posséder une certaine connaissance, ou un certain art, qui nous permet de faire cette distinction.

Les savoir-faire se concentrent sur la production de plaisir, tandis que les arts visent à produire le bien. La
distinction entre le bien et le plaisir devient alors primordiale. Socrate illustre cela à travers des exemples
simples. Un cordonnier doit créer la meilleure chaussure possible, en respectant certaines règles
d'assemblage. L'architecte doit construire une maison en suivant des normes précises, sinon celle-ci
s'écroulera.

De cette manière, le bien est toujours lié à un certain ordre, une certaine proportion et une certaine
régularité. Le bien de l'âme est analogue à la santé du corps. La santé de l'âme, c'est un ordre qui
respecte certaines lois, un principe fondamental de l'éthique socratique.

· Cinquième cours:

La rhétorique est abordée à travers une définition initiale posée par Socrate, qui interroge Gorgias. Cette
interrogation évolue vers une confrontation entre la philosophie, représentée par la dialectique
socratique, et la rhétorique. La dialectique, méthode d'interrogation, permet de clarifier les idées des
interlocuteurs, notamment Gorgias et son disciple, Polos, ce dernier étant perçu comme le plus résistant
aux arguments de Socrate.

Les deux premières discussions illustrent une opposition entre la rhétorique et la dialectique, ainsi que
des visions divergentes de la rhétorique elle-même. Gorgias affirme que la rhétorique est essentielle
pour traiter des questions fondamentales comme la justice et l'injustice, lui conférant une capacité à
exprimer des idées permettant d'atteindre le bonheur. À l'inverse, Socrate considère la rhétorique
comme une simple technique visant non pas à promouvoir le bien de l'âme, mais à offrir du plaisir.

Selon Socrate, ceux qui croient être libres en poursuivant ce qui leur plaît ne sont en réalité pas libres. La
rhétorique, en recherchant le plaisir, ne produit pas les effets escomptés, mais des résultats opposés. La
thèse paradoxale de Socrate se base sur trois assertions : premièrement, ce qui nous plaît n'est pas
forcément ce que nous voulons ; deuxièmement, le plus grand malheur n'est pas la punition, mais
l'injustice elle-même ; troisièmement, la punition pour l'injustice est un bien en soi. Ce positionnement
soulève une réaction passionnée de Callicles, qui critique l'approche paradoxale de Socrate, affirmant
que le désir humain est fondamentalement orienté vers le plaisir.

La question centrale du dialogue entre Socrate et Calliclès réside dans la relation entre le plaisir et le
bien, avec Calliclès affirmant que le bien se résume à la justice du plus fort, c'est-à-dire à l'usage de tous
les moyens possibles pour maximiser le plaisir, sans considération morale. Cette position peut être
interprétée comme une apologie de la tyrannie, où les valeurs éthiques sont subordonnées à la
recherche du plaisir.

Socrate, quant à lui, conteste cette vision en soulignant l'importance de distinguer entre le bien et le
plaisir. Pour lui, la différence entre ces deux concepts est cruciale pour comprendre la véritable nature de
l'art rhétorique, qu'il assimile à un art de la flatterie, et l'art politique, qui vise le bien de l'âme. Ainsi, il
cherche à établir que tout ce qui est bon n'est pas nécessairement plaisant, et que tout ce qui est
plaisant n'est pas nécessairement bon.

Au cours de l'entretien, Socrate démontre les contradictions dans les arguments de Calliclès, montrant
que ses affirmations sur l'identité entre le bien et le plaisir sont incompatibles. En réponse à la pression
logique de Socrate, Callicles finit par admettre qu'il y a une distinction entre le plaisir bon et le plaisir
mauvais. Cette reconnaissance implique que le bien ne peut pas être considéré comme une simple
extension du plaisir, car cela sous-entend l'existence de plaisirs de nature différente. En effet, certains
plaisirs peuvent être bons, tandis que d'autres peuvent être nuisibles.

Dès lors, la relation entre le bien et le plaisir est complexe et ne peut être réduite à une simple
équivalence. Le lien qui unit le bien et le plaisir n'est ni une catégorie de plaisir, ni une identité, mais
plutôt une différence essentielle qui distingue certains plaisirs bénéfiques d'autres plaisirs nocifs. Cela
remet en question les fondements des valeurs soutenues par Callicles et renforce la thèse socratique sur
la nécessité de rechercher le bien véritable, au-delà des plaisirs immédiats.

Socrate affirme qu'il n'y a aucune raison de penser que la distinction entre plaisir et bien ne s'applique
qu'aux plaisirs. En effet, il est également pertinent de considérer que certaines souffrances peuvent être
bénéfiques, tandis que d'autres peuvent être nocives. Par exemple, une souffrance provoquée par un
traitement médical, bien que désagréable et douloureuse, peut être jugée bonne si elle contribue à un
état de santé amélioré.

Cette réflexion conduit Socrate à définir le bien comme ce qui permet d'atteindre une "faim", c'est-à-dire
un état de satisfaction ou d'équilibre. Dans cette optique, toute chose qui contribue à cette faim peut
être considérée comme bonne, tandis que ce qui s'en éloigne est mauvais. Ainsi, il devient nécessaire de
préciser ce qu'est cette "faim" que nous visons.

Pour clarifier ce concept, Socrate utilise une méthode analogique, mettant en avant des égalités
géométriques plutôt que des égalités arithmétiques. Une égalité géométrique se concentre sur le
rapport entre différentes entités, plutôt que sur leur valeur numérique. Il illustre son propos à travers
des exemples issus de diverses professions, comme le charpentier ou le médecin.

Le charpentier, par exemple, vise un certain ordre dans son travail, respectant des règles spécifiques
pour créer une structure solide. De même, le médecin cherche à rétablir un équilibre entre les éléments
du corps, où la santé est synonyme d'harmonie et la maladie d'un déséquilibre. En ce sens, le bien est
identifié comme une forme d'ordre, que Socrate décrit même comme une "loi" — non pas au sens
conventionnel ou de la loi du plus fort, mais comme un principe d'organisation régissant le
comportement et la création.
La qualité d'une maison, par exemple, se détermine par l'ordre de ses éléments : une maison bien
construite est celle où tout est à sa place, alors qu'une maison mal faite risque de s'effondrer. Ainsi, la
différence entre le désir et le bien est clarifiée : le bien se définit par son rapport à l'ordre et à
l'harmonie, tant dans le corps que dans l'âme. Les plaisirs qui sont en accord avec cet ordre sont
considérés comme bénéfiques, tandis que ceux qui s'opposent à cet équilibre sont perçus comme
nuisibles. L'objectif ultime de l'art et de la science, en particulier de la science politique, est donc de
restaurer cet ordre dans l'âme, en guidant les individus vers un véritable bien.

À ce stade du dialogue, Calliclès, acculé par les arguments de Socrate, finit par abandonner. Il prend
conscience des incohérences de sa propre position et réalise qu'il se contredit. Cette situation est
d'autant plus pénible pour lui qu'elle se déroule en public, devant ses amis, ce qui le ridiculise et lui
cause une profonde douleur. Calitlès continue néanmoins de relier le bien au plaisir et le mal à la
douleur. Dans son esprit, Socrate lui inflige une souffrance, et puisqu'il cherche à maximiser son plaisir, il
n'a aucun intérêt à poursuivre la discussion. Il annonce alors qu'il se retire, ce qui est une réaction
cohérente avec sa conviction.

Cependant, cette décision laisse Socrate seul sur le terrain du dialogue. Malgré l'abandon de Calliclès,
Socrate ne souhaite pas laisser la conversation inachevée. Il insiste pour continuer et développer ses
idées, soutenu par les autres présents qui veulent également que la discussion trouve une conclusion.
Ainsi, Socrate se lance dans un monologue où il répond à ses propres questions, ce qui pourrait sembler
étrange, mais s'inscrit dans la vision de Platon du dialogue. Pour Platon, l'essence du dialogue ne réside
pas uniquement dans l'échange d'opinions opposées, mais dans l'entretien de l'âme avec elle-même. La
pensée, pour lui, se définit comme un dialogue intérieur.

Socrate avait précédemment souligné que Calliclès devrait pouvoir exprimer sa pensée sans crainte du
jugement public. Il avait foi en la capacité de Calitlès à affronter ses propres convictions.
Malheureusement, ce dernier finit par abandonner le débat. La scène démontre que la véritable maîtrise
de la dialectique appartient à Socrate. Dans cette conclusion, il se retrouve contraint à dialoguer seul,
mais ce dialogue reste fidèle à sa méthode. Plutôt que de faire un discours traditionnel, il engage une
série de questions-réponses avec lui-même, poursuivant ainsi le mouvement dialectique et l'exploration
de sa pensée.

Ce résultat démontre l'importance de la réflexion intérieure et du questionnement dans le processus


philosophique, révélant que même un dialogue mené en solitaire peut être significatif et productif.

Dans le dialogue, Caliclès abandonne finalement et ne parvient pas à contrer les arguments de Socrate. Il
réalise que Socrate l'a contraint à reconnaître les incohérences de sa position, ce qui le fait se sentir
ridiculisé devant ses amis et le public. Ce sentiment de ridicule engendre en lui une douleur profonde,
car il continue d'identifier le bien au plaisir et le mal à la douleur. Pour lui, Socrate lui inflige une douleur
en mettant en lumière ses contradictions, et comme il souhaite orienter son comportement vers la
recherche du plaisir, il n'a plus d'intérêt à poursuivre l'entretien.

Il est essentiel de noter que la position de Caliclès n'est pas simplement un caprice ; elle est cohérente
avec sa croyance en l'identité entre le bien et le plaisir. Même face à des arguments contraires, il persiste
dans cette idée. Cette situation laisse Socrate seul, et il propose de ne pas laisser la discussion en
suspens. Bien qu'il se retrouve à dialoguer tout seul, cela est en accord avec la conception platonicienne
du dialogue comme un entretien de l'âme avec elle-même.

Socrate, conscient que l'essence d'un dialogue ne réside pas seulement dans la confrontation d'opinions,
utilise cette opportunité pour poursuivre son raisonnement. Il formule des questions et des réponses,
continuant ainsi le mouvement dialectique de la pensée. Ce retournement souligne que Socrate, en fin
de compte, est celui qui maîtrise la dialectique, démontrant que le véritable dialogue peut également se
mener dans l'esprit d'un seul interlocuteur.

Dans cette partie du dialogue, Socrate résume les résultats de leur discussion, soulignant la différence
entre le bien et le plaisir. Il insiste sur le fait que le véritable bien est un objectif, une fin à atteindre, et
que tout ce qui y contribue est bon. Ce qui est bon peut être associé à ce qu'on appelle la vertu ou
l'excellence, en grec « ἀρετή » (aretē). Il est important de noter que lorsque l'on parle de vertu dans ce
contexte, il s'agit principalement de la vertu de l'âme, bien que ce terme puisse également s'appliquer à
des objets inanimés.

Socrate rappelle que le bien implique un certain ordre, qu'il appelle « cosmos », un terme qui renvoie à
l'arrangement approprié des choses, et qui doit être adapté à chaque situation. Par exemple, l'ordre
d'une charpente est différent de celui d'un pont, chaque chose ayant son propre ordre qui lui est propre.
Il interroge alors la nature de l'ordre et de la bonté de l'âme, une question qu'il associe à la dialectique.

Cet ordre doit également être présent dans l'âme, et Socrate le désigne par la sagesse ou la modération,
en grec « σωφροσύνη » (sōphrosynē). Ces normes de l'âme s'opposent aux dérèglements. En évoquant
cela, Socrate fait référence au débat précédent avec Caliclès, qui défendait une vie de dérèglement, se
laissant aller à ses désirs les plus débridés, en affirmant que la véritable puissance réside dans la
satisfaction des plaisirs.

Socrate utilise une métaphore pour illustrer ce point, comparant cette vie à un tonneau troué que l'on
tente de remplir avec une passoire. Pour lui, cette quête de satisfaction illustre un mode de vie qu'il
rejette. Il établit une analogie entre cet ordre de l'âme, qui est en rapport avec la modération, et ce qui
constitue le bien de l'âme, rendant ainsi cette âme bonne. La possession de cette bonté est ce qui
permet d'atteindre le bonheur.

Socrate soutient que l'âme bien ordonnée agit selon des principes et des lois, ce qui lui permet d'agir de
manière juste et courageuse, guidée par l'intelligence, appelée « ἐπιστήμη » (epistēmē) en grec. Ainsi,
une âme dotée de toutes les vertus illustre l'idée d'une unité de la vertu, car posséder une vertu
implique en réalité la présence de toutes les autres. Cette unité est garantie par la domination de la
pensée.

L'âme qui est bien ordonnée et abandonnée à la recherche du bien sera une âme bonne, c'est-à-dire
qu'elle aspirera à atteindre le véritable désir profond de l'âme, qui n'est pas identique au plaisir, mais à
un ordre conforme à la nature humaine. Cette âme, en comprenant que le bien est associé à cet ordre,
trouvera la satisfaction dans l'atteinte de ce bien. Ainsi, obtenir ce qu'elle désire, faire ce qu'elle veut,
représente la liberté véritable.

En revanche, l'âme dérégulée, qui se laisse mener par ses passions et ses désirs, croit être libre en
agissant selon ses impulsions immédiates. Cependant, cette illusion de liberté ne lui permet pas
d'accomplir ce qu'elle veut vraiment, car elle est dominée par des forces extérieures à elle-même,
notamment ses désirs et ses passions. Pour Socrate, la véritable liberté consiste à agir de manière
régulée, en conformité avec certains principes, et à s'acquitter de ce qu'il appelle notre devoir.

Cette vision de la liberté comme accomplissement du devoir peut sembler paradoxale, mais elle est
reprise tout au long de l'histoire, notamment à l'époque moderne et par des penseurs américains. L'idée
centrale est que la véritable liberté ne réside pas dans la satisfaction des désirs instantanés, mais dans la
capacité à se conformer à des valeurs et des principes universels qui transcendent les intérêts
personnels. En s'engageant sur cette voie, l'individu s'éloigne des influences aléatoires qui ne dépendent
pas de sa volonté, et se rapproche d'une vérité universelle, rendant ainsi son existence authentiquement
libre.

Ce que l'on appelle une morale déontologique repose sur le concept de devoir, un principe fondamental
qui guide l'action morale. Cette approche éthique considère que l'acte moral est celui qui s'effectue
selon des principes universels et qui respecte le devoir. Elle se distingue d'une autre forme d'éthique,
souvent assimilée à l'hédonisme, qui vise le bonheur comme finalité de l'action morale. En effet,
l'hédonisme soutient que le but ultime des actions humaines est d'atteindre le bonheur, plaçant ainsi la
satisfaction personnelle au centre de la moralité.

La position de Socrate et de Platon sur cette question est complexe. Bien qu'ils reconnaissent que le
désir fondamental de tous les êtres humains est d'être heureux, ils font également le lien entre cette
aspiration et l'accomplissement du devoir. Selon eux, le véritable bien, capable de mener à
l'épanouissement personnel, réside dans l'action conforme à des principes moraux, et non dans la
recherche des plaisirs immédiats. Ainsi, malgré les racines hédonistes de leur pensée, ils finissent par se
rapprocher d'une perspective déontologique, soulignant que la vertu et la moralité sont liées à l'ordre et
à la régulation des actions.

Socrate élargit ensuite cette réflexion sur l'ordre moral à l'univers dans son ensemble, qu'il appelle le
cosmos. Dans ce contexte, le cosmos est perçu comme un système organisé, équilibré et proportionné,
et ce qui en régule l'harmonie, c'est ce qu'il nomme l'égalité géométrique. Cette notion ne se limite pas
aux relations humaines, mais englobe également les interactions entre les dieux, la terre et le ciel.

Caliclès, quant à lui, défend une version de l'égalité géométrique qui se traduit par une justice du plus
fort, soutenant que les plus puissants méritent plus que les plus faibles. Socrate, en revanche, critique
cette vision en arguant que les « meilleurs » (ou ceux qui sont bien ordonnés et respectent la nature de
l'âme) devraient en réalité bénéficier d'un plus grand bien, car leur excellence morale les rend
véritablement heureux. Pour Socrate, le véritable mal réside dans l'injustice, car un désordre dans l'âme
conduit inévitablement à l'infortune. Ainsi, il réaffirme l'idée que la bonté et l'ordre de l'âme sont les
véritables fondements du bonheur.
La morale déontologique, dérivée du grec "deon" qui signifie "devoir", repose sur l'idée que l'acte moral
doit se conformer à des principes universels. Cette approche éthique affirme que l'action morale est
déterminée par un ensemble de règles et de devoirs, contrairement à d'autres formes de moralité qui
visent plutôt le bonheur ou le plaisir. Cette dernière, souvent appelée hédonisme, considère que le but
des actions humaines est d'atteindre le bonheur, plaçant ainsi la satisfaction personnelle au cœur de la
moralité.

La position de Socrate et de Platon sur cette question est nuancée. Ils partent du principe que tous les
hommes aspirent à être heureux, c'est-à-dire à atteindre le bien. Toutefois, ils établissent un lien entre
cette quête du bien et l'accomplissement du devoir. Pour eux, le véritable bien, susceptible de mener à
l'épanouissement personnel, réside dans l'action conforme à des principes moraux et non dans la
recherche de plaisirs immédiats. Ainsi, bien que leurs idées aient des racines hédonistes, elles
convergent vers une perspective déontologique, mettant en avant que la vertu et la moralité sont
indissociables de l'ordre et de la régulation des actions.

Socrate élargit cette réflexion au cosmos, considéré comme un univers organisé et équilibré. Il affirme
que l'harmonie du monde repose sur ce qu'il nomme l'égalité géométrique, qui s'étend aux relations
entre les hommes et les dieux, ainsi qu'à celles entre la terre et le ciel. Cette notion d'égalité
géométrique, que Caliclès conteste en soutenant la justice du plus fort, est au cœur du débat. Selon
Caliclès, les plus forts devraient recevoir davantage, tandis que les plus faibles devraient avoir moins.
Socrate, quant à lui, défend une vision où les meilleurs, ceux qui agissent avec ordre et respect,
obtiennent plus de bien. Pour lui, le véritable bien réside dans l'harmonie intérieure et le respect de
l'ordre moral, et non dans la simple satisfaction des désirs. Ainsi, le plus grand mal est commettre
l'injustice, car un désordre dans l'âme conduit à l'infortune et à la souffrance.

Dans cette discussion, Socrate souligne une distinction cruciale entre la force telle que la conçoit Caliclès
et la véritable force, qui, selon lui, réside dans la capacité à poursuivre le bien. Les individus que Caliclès
considère comme les plus forts sont, en réalité, des esclaves de leurs passions et de leurs désirs. Pour
Socrate, la véritable force se manifeste par la capacité à atteindre ce qui est réellement bon, c'est-à-dire
l'ordre et la justice. Ainsi, le plus fort est celui qui fait preuve de courage, d'endurance et de droiture,
opposé à ceux qui se laissent guider par des instincts égoïstes.

Une fois cette distinction clarifiée, Socrate pose la question fondamentale : quelle est la science capable
de produire le bien ? Il établit une logique selon laquelle celui qui possède la connaissance du bien est
également capable d'éviter le mal. Ainsi, il interroge la nature du mal et souligne que subir une injustice
n'est pas le seul mal ; le véritable mal réside dans le fait de la commettre. Socrate conclut que, pour lui,
la souffrance d'une injustice est moins grave que le fait de causer une injustice à autrui.

Il aborde alors le concept de rhétorique, souvent perçue comme une discipline permettant d'éviter de
subir des injustices, surtout dans un contexte judiciaire. Caliclès, Polos et Gorgias peuvent voir la
rhétorique comme un outil efficace pour échapper aux conséquences de leurs actions. Cependant,
Socrate soulève un paradoxe : dans un monde où l'injustice est omniprésente, comment peut-on éviter
de subir une injustice sans compromettre sa propre intégrité morale ? Il suggère qu'en cherchant à éviter
l'injustice en se pliant à la volonté des puissants, on risque de devenir complice des injustices qu'ils
commettent.

Ce raisonnement mène Socrate à conclure que, pour éviter un mal perçu, on peut en commettre un bien
plus grand. En effet, en cédant à la rhétorique pour éviter l'injustice, on finit par perdre sa propre vertu
et par nuire à autrui. Par conséquent, la rhétorique, loin d'être une science bénéfique, peut être néfaste,
car elle incite à l'immoralité au lieu de favoriser le véritable bien.

Pour Socrate, la médecine, qui vise la santé et le bien-être, se révèle être un art plus précieux que la
rhétorique. La médecine ne prétend pas atteindre un statut élevé, mais elle est intrinsèquement liée à la
préservation de la vie, tout en respectant la moralité. Ainsi, Socrate questionne la valeur de la rhétorique
et met en lumière la nécessité d'une science véritable du bien, qui transcende les apparences et les
objectifs égoïstes des individus.

Socrate établit une distinction cruciale entre la rhétorique et la véritable science du bien. Alors que la
rhétorique prétend nous aider à éviter les injustices en nous persuadant, elle risque en réalité de nous
amener à commettre des injustices. La véritable science du bien est celle qui nous aide à éviter de causer
du mal à autrui, ce qui, au niveau de l'âme, correspond à l'art politique. Cela peut être comparé à la
gymnastique pour le corps, qui entretient et restaure la santé physique.

Dans cette analogie, la rhétorique est perçue comme une forme dégradée de l'art politique, car elle
utilise le désir pour masquer la recherche du bien. Socrate rappelle que la législation est l'art de donner
des lois à l'âme, ce qui équivaut à établir l'ordre dans l'âme. Cet ordre est essentiel, car il représente le
bien de l'âme. La rhétorique, en revanche, ne se préoccupe pas de cet ordre, mais cherche simplement à
flatter les désirs immédiats des citoyens.

Ainsi, l'art politique est divisé en deux parties : la législation, qui établit les lois et l'ordre dans l'âme, et la
justice, qui rétablit cet ordre lorsque celui-ci est rompu. Le but de l'art politique n'est pas de satisfaire les
désirs passagers des citoyens, mais de répondre à leur désir profond du bien, en les guidant vers une vie
ordonnée et juste.

Cependant, Socrate critique les hommes politiques de son temps, tels que Périclès, qui, malgré leur
éloquence et leur capacité à manipuler les foules, n'ont pas réussi à rendre les Athéniens meilleurs. Leur
incapacité à promouvoir la justice parmi les citoyens se reflète dans leur fin de vie, souvent marquée par
des condamnations ou des exils. Socrate souligne qu’un homme politique qui ne parvient pas à élever la
moralité de ses concitoyens, même s’il a été condamné injustement, démontre que son art a échoué à
instaurer la justice.

En somme, Socrate insiste sur l'importance d'une véritable science du bien, qui va au-delà des
apparences et des plaisirs immédiats pour travailler à la formation et à l'amélioration des âmes des
citoyens. L'art politique, en tant que gymnastique et médecine de l'âme, doit être orienté vers la
réalisation du bien, plutôt que de céder aux caprices des désirs du moment.

Socrate, à travers ses réflexions sur l'art politique, souligne un point fondamental : aucun homme
politique, qu'il soit actuel ou passé, n'incarne véritablement cet art tel qu'il l'entend. Il semble même
affirmer qu'il est le seul à être un véritable politique, ce qui est paradoxal, car il admet ne pas être
impliqué dans les affaires institutionnelles de la cité. Cette affirmation suscite des interrogations sur la
nature même de l'art politique que Socrate défend.

Ce qu'il cherche à mettre en avant, c'est que sa propre activité, la dialectique, constitue en réalité ce
véritable art politique. En effet, la dialectique, ou philosophie, se révèle être la science du bien qui établit
l'ordre dans l'âme. Cette notion se traduit par l'idée de justice, qui consiste à rétablir l'équilibre dans une
âme désordonnée.

L'élénkos, méthode socratique d'examen des opinions, permet de mettre en lumière les contradictions
présentes dans le discours de l'interlocuteur. En révélant ces incohérences, Socrate démontre que l'âme
de son interlocuteur est en désordre, entravée par de fausses croyances ou des principes erronés. Cette
mise à jour des contradictions est une forme de guérison, car elle aide l'individu à se défaire de ce mal
intérieur.

La deuxième étape du processus consiste à établir un ordre dans l'âme. La dialectique, en permettant à
Socrate de recouper les différentes thèses discutées tout au long du dialogue, contribue à la création
d'un enchaînement cohérent et ordonné de pensées. Socrate évoque même cet enchaînement comme
étant irréfutable, soulignant la solidité de l'argumentation issue de la dialectique.

Cette mise en ordre de l'âme par la raison est comparable à la gymnastique pour le corps. Tout comme
l'exercice physique renforce le corps, la pratique dialectique renforce l'esprit. Passer du temps à
dialoguer, à questionner et à réfléchir avec diverses personnes permet d'affiner la pensée et de renforcer
cet ordre intérieur.

Ainsi, la dialectique se présente comme l'art politique par excellence, car elle non seulement expose les
désordres qui entravent l'âme, mais elle contribue également à établir un ordre durable, garantissant la
justice et le bien-être spirituel. Ce faisant, Socrate propose une vision de l'art politique qui transcende la
manipulation des foules et le charisme des orateurs, en plaçant la recherche de la vérité et de l'harmonie
intérieure au cœur de la politique.

Platon décrit Socrate comme l’homme le plus juste qu’il ait connu, affirmant que la dialectique, au-delà
de guérir une âme désordonnée, installe également l'ordre en elle. Socrate valorise la cohérence dans la
discussion, considérant l'incohérence comme le signe d'une erreur fondamentale. Cependant,
contrairement à ses interlocuteurs comme Gorgias, Polos et Calliclès, qui eux aussi cherchent une forme
de cohérence, Socrate vise une cohérence plus profonde et authentique.

Par exemple, Polos critique Gorgias pour avoir adapté son discours aux attentes du public, créant ainsi
une cohérence apparente mais superficielle, qui ne reflète pas réellement ses convictions. Cette
approche privilégie l'accord avec l'opinion publique plutôt qu'une cohérence interne, véritable, entre les
pensées et les paroles. Socrate, en revanche, cherche une cohérence intégrale qui unit non seulement ce
qu'on dit et ce qu'on fait, mais aussi ce qu'on pense. Pour lui, cette cohérence parfaite incarne le bien :
elle repose sur l’alignement des actions, des paroles et des pensées autour du désir du bien. Dans cette
perspective, le bien devient synonyme de cohérence profonde et d'intégrité.

Ainsi, pour Socrate, la dialectique est la véritable science du bien, car elle permet d'atteindre cette
cohérence qui garantit la vérité. Pourtant, cette vision suscite des objections. Par exemple, Socrate
critique les hommes politiques, affirmant qu’ils n’ont pas véritablement servi le bien de la cité puisque
celle-ci a fini par les exiler ou les condamner. Il se présente comme le seul politique authentique, même
si cela ne plaît pas aux citoyens. Paradoxalement, la cité athénienne, qu'il tente de servir par la
dialectique, finit par se retourner contre lui, l’accusant injustement et le condamnant à mort.

Ce paradoxe souligne l’idée socratique selon laquelle faire du bien ne signifie pas toujours faire plaisir.

Socrate critique les hommes politiques, bien qu’il ait lui-même fini par subir une condamnation, tout
comme certains de ses contemporains. Cependant, Platon, qui écrit après la mort de Socrate, semble
faire de Socrate une figure prophétique, consciente du danger qui l’attend. Socrate, en effet, sait que sa
philosophie risque de lui attirer des ennuis, mais il continue à défendre la dialectique comme un
véritable art politique – non pas destiné à la foule, mais aux individus. Contrairement aux politiciens, son
objectif n’est pas d'améliorer l'ensemble de la cité, mais d'aider certains individus à devenir meilleurs. Ce
paradoxe – que Socrate appelle un art politique tout en visant un cercle restreint – souligne les limites de
l’approche socratique dans le Gorgias.

Dans des dialogues ultérieurs comme La République, Platon tente de dépasser cette limite en proposant
une solution pour rendre la philosophie efficace au niveau collectif. Selon lui, pour que l’art politique
atteigne véritablement son objectif, les philosophes doivent gouverner. C’est la fameuse théorie du
philosophe-roi : soit les politiciens doivent devenir philosophes, soit les philosophes doivent être ceux
qui dirigent la cité. Platon préfère la seconde option, car il pense qu’il est plus facile pour un philosophe
de devenir roi que pour un politicien d’adopter la philosophie.

Mais même cette approche pose problème, car le nombre de philosophes aptes à gouverner est
extrêmement limité. Socrate en est un exemple unique, et il est difficile de trouver d’autres figures
similaires dans l'histoire athénienne. Ce manque de philosophes-rois constitue une limite importante,
que Platon tente de résoudre théoriquement mais qui reste complexe dans la réalité.

Par ailleurs, même dans sa démarche individuelle, Socrate a été accusé de corrompre la jeunesse.
Certains de ses disciples ont en effet suivi une voie politique néfaste pour Athènes. Parmi eux, Critias, qui
fut l'un des Trente Tyrans, a joué un rôle majeur lors de la tyrannie des Trente, un régime imposé par
Sparte après la défaite d'Athènes lors de la guerre du Péloponnèse. Sous ce régime, de nombreux
citoyens athéniens ont été exécutés. Ce type de dérive est l’une des raisons pour lesquelles Socrate a été
jugé responsable de la corruption de la jeunesse, car ses enseignements ont été perçus comme
influençant des personnages qui ont ensuite commis des actes violents et anti-démocratiques.

Socrate est accusé d’être indirectement responsable des actions de certains de ses disciples, notamment
Critias et Alcibiade. Critias, qui fut un disciple de Socrate, est devenu l’un des Trente Tyrans, responsables
d’une période sanglante de l’histoire athénienne après la défaite d’Athènes face à Sparte. Alcibiade,
quant à lui, était considéré comme l’un des hommes les plus brillants de sa génération, mais il a trahi
Athènes et a également eu une influence néfaste. Ces deux figures illustrent un argument contre
Socrate : si ses enseignements sont censés rendre meilleurs ceux qui les suivent, comment expliquer que
certains de ses disciples aient eu un impact si désastreux sur la cité ?

Platon, dans La République, répond à cette critique en explorant la question de la corruption des natures
philosophiques. Selon lui, certaines personnes ont un naturel philosophique particulièrement
prometteur, des dispositions intellectuelles et morales qui les rendent aptes à devenir philosophes.
Toutefois, si ces individus vivent dans une société corrompue, comme celle d’Athènes à l'époque de
Socrate, ils risquent d’être eux-mêmes corrompus par cet environnement. En raison de leur talent et de
leurs compétences, cette corruption peut les rendre encore plus dangereux que des individus moyens,
car leurs capacités sont détournées vers des fins destructrices plutôt que vertueuses.

Ainsi, Platon soutient que l’entretien avec Socrate ne suffit pas à contrer l’influence néfaste de
l'ensemble du système éducatif et des valeurs corrompues de la cité. Dans La République, il propose
alors une réforme éducative complète pour former des citoyens justes. Il affirme que la cité a besoin
d’un système éducatif qui permette de développer les qualités philosophiques des individus et de les
préserver des influences corruptrices. Cette éducation civique serait la pierre angulaire d’une cité juste.

Pour Platon, l’art politique ne peut se limiter aux discussions individuelles, comme celles entre Socrate et
ses interlocuteurs dans le Gorgias. Au contraire, il doit inclure une réforme de l’ensemble de la cité,
notamment par l’éducation, afin d’éviter que les futurs dirigeants, même ceux avec un potentiel
philosophique, ne deviennent des dangers pour la société. Ainsi, le Gorgias constitue une étape dans la
réflexion de Platon sur la politique, mais La République en est l'expansion, visant à montrer comment la
philosophie peut, à un niveau collectif, rendre une cité juste.

À la fin du dialogue, bien que la discussion avec Calliclès soit pratiquement achevée, Socrate raconte un
mythe pour conclure. Il explique que Calliclès pourrait le percevoir comme une simple histoire, mais
pour Socrate, ce mythe représente la vérité sur la destinée des âmes après la mort et le jugement auquel
elles sont soumises. Ce mythe, ancré dans la mythologie grecque, évoque l'évolution entre l’âge de
Kronos et celui de Zeus.

Sous le règne de Kronos, les hommes savaient à l’avance quand ils allaient mourir. Avant leur mort, ils
passaient en jugement devant des juges eux-mêmes vivants. Conscients de leur sort à venir, les hommes
pouvaient se préparer pour leur jugement. Ils se présentaient donc avec leurs plus beaux atouts,
entourés de proches qui témoignaient en leur faveur. Cette préparation permettait à certains individus
de manipuler les juges, les convainquant par de beaux discours et des témoignages biaisés, ce qui
entraînait des décisions parfois injustes.

Lors du passage à l’âge de Zeus, une réforme du système est jugée nécessaire. Zeus, en constatant que
des âmes justes subissent des peines injustes dans le Tartare tandis que des tyrans profitent des îles des
Bienheureux, décide d’intervenir. Hadès, gardien des morts, et les responsables des enfers constatent
eux aussi ces erreurs dans le jugement. La réforme de Zeus vise à instaurer un jugement plus équitable,
ne permettant plus aux individus de tromper la justice avec des apparences et des témoignages
manipulés.
Ainsi, le mythe raconté par Socrate illustre la nécessité d'une justice véritablement impartiale,
débarrassée des illusions et des faux-semblants. Pour Socrate, cette histoire est une manière de
réaffirmer l'importance de la justice et de la vertu, au-delà des discours trompeurs et des apparences.

Zeus décide de plusieurs changements majeurs pour garantir un jugement juste après la mort.
Premièrement, les hommes ne sauront plus la date de leur mort et ne pourront donc pas se préparer en
conséquence. Deuxièmement, le jugement concernera uniquement les âmes après leur décès,
dépouillées de leur corps et de tout attribut physique. Les juges, eux aussi des âmes nues et
incorruptibles, seront des enfants exceptionnels de Zeus, qui examineront les âmes sans se laisser
influencer par l’apparence, la famille ou le statut social de l’individu. Ils jugeront uniquement les
marques laissées par les actions bonnes ou mauvaises de chaque âme, visibles comme des cicatrices.

Ce nouveau système empêche toute tentative de manipulation : l’âme est seule face à ses actes et ne
peut invoquer de témoins ou faire valoir sa position sociale. Les âmes vertueuses sont envoyées aux îles
des Bienheureux, tandis que les âmes vicieuses sont condamnées au Tartare pour des punitions. Celles
qui peuvent encore être "guéries" subiront des peines temporaires avant de pouvoir éventuellement
rejoindre les îles des Bienheureux. Celles jugées irrémédiables seront punies pour l’éternité.

Socrate présente ce mythe non pas comme une simple histoire, mais comme une vérité profonde, bien
qu'il précise qu’il ne faut pas le prendre au pied de la lettre. Ce mythe est une synthèse frappante des
discussions précédentes, illustrant l’idée de justice absolue et des conséquences des actions. Le
professeur insiste sur le fait qu'il ne s’agit pas pour Platon d’effrayer ses interlocuteurs face à l’échec
d’une argumentation logique. Loin d’être une menace pour les convaincre de la justice, ce mythe incarne
un principe philosophique et offre une compréhension symbolique de la justice et de ses implications.

Dire que le mythe encourage la justice par un simple acte de foi en un jugement post-mortem serait
réduire la démarche philosophique de Socrate à une opinion, ce qui va à l'encontre de la dialectique et
de la philosophie. Pour Socrate, l'objectif n'est pas de subordonner la philosophie à une croyance
aveugle, mais d'interpréter le mythe pour en comprendre la signification profonde. Ce mythe propose en
fait une opposition entre deux conceptions de la justice : le règne de Cronos, qui symbolise un système
judiciaire imparfait et manipulable, similaire au système athénien où témoins, réputation et émotions
influencent le jugement ; et le règne de Zeus, qui représente une justice pure, où une âme nue est jugée
par une autre âme nue, sans influence extérieure.

L’âge de Zeus incarne la vision socratique de la justice et de la philosophie : un examen sincère et


profond de soi-même, une recherche de la vérité en dehors des apparences et des influences physiques.
La philosophie elle-même est définie comme un processus de séparation de l’âme et du corps, un
affranchissement des perceptions sensorielles. Socrate accepte d’ailleurs que cette quête philosophique,
cette "vie à l’envers", ressemble à une forme de mort pour les autres hommes, car elle implique un
mode de vie opposé à celui de la majorité.

Quant à la notion de punition dans le mythe, elle ne doit pas être interprétée littéralement comme des
souffrances corporelles. Puisque ce jugement se fait après la séparation de l'âme et du corps, la punition
ne concerne que l’âme elle-même. Cette douleur est alors une forme de honte, une conscience intense
et douloureuse de ses fautes morales. La véritable punition est ainsi la réalisation par l’âme de ses
erreurs, une souffrance intérieure qui l’incite à réfléchir sur sa propre moralité.

La honte qui découle de la prise de conscience de vivre dans l'incohérence est au cœur de l'énkosse
socratique, un processus de réflexion critique que Socrate met en œuvre. Cette prise de conscience
entraîne une souffrance pour l'âme, car elle se rend compte des contradictions de sa vie. Face à cette
souffrance, deux attitudes peuvent émerger : la première est celle de l'individu qui décide de changer de
vie, réalisant qu'il ne peut pas continuer ainsi. Dans ce cas, l'énkosse a atteint son objectif, agissant
comme une médecine pour l'âme, et l'individu devient récupérable.

En revanche, certains peuvent se replier sur eux-mêmes, développant un ressentiment envers Socrate et
la dialectique. Ces individus deviennent alors irrécupérables. Socrate, dans ses échanges, ne cherche pas
à convaincre tout le monde, mais il offre une occasion pour chaque interlocuteur de réfléchir sur sa
propre existence. La mise en scène du dialogue, orchestrée par Platon, permet au lecteur de s'identifier
à la situation, incitant ainsi à une introspection qui pourrait mener à un désir de changement et à une
quête de justice.

Si certains dialogues se soldent par un échec, où l'interlocuteur ne change pas, cela n'est pas
nécessairement une défaite pour Platon. Au contraire, cet échec peut provoquer une réaction chez le
lecteur, qui pourrait chercher à dépasser les erreurs de l'interlocuteur et à poursuivre une vie meilleure,
guidée par la justice.

En ce qui concerne la notion de récompense, celle-ci ne doit pas être interprétée comme une
gratification après la mort. Les philosophes, selon Platon, vivent déjà dans un état de bien-être,
comparable aux îles des bienheureux. La véritable récompense de la justice se trouve dans la pratique
même de la justice : vivre une vie juste est la source du bonheur. Ainsi, la justice, loin d’être simplement
un moyen d’obtenir une récompense après la mort, est sa propre fin. Elle représente l'état de l'âme dans
l'ici et maintenant, et c'est ce message que le dialogue cherche à transmettre.

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