Les Émotions Mieux Les Connaître
Les Émotions Mieux Les Connaître
que la question de la cognition avait davantage attiré l’attention
des chercheurs que celle des émotions pendant la majeure
partie du XXe siècle dernier, ces dernières ont fait l’objet depuis
une trentaine d’années d’un nombre croissant de travaux dans
différentes disciplines, constituant ce qu’on appelle aujourd’hui
les sciences affectives. Le foisonnement d’ouvrages — de qualité
diverse — que l’on peut trouver sur le sujet dans les rayons des
librairies témoigne également de la place grandissante a prise
la question des émotions dans le monde contemporain. Bien qu’il
soit difficile, malgré les avancées des recherches, de proposer une
définition univoque du phénomène, les différentes fonctions des
émotions, ainsi que leur rôle dans les processus d’apprentissage
sont de mieux en mieux connus des scientifiques, tout comme les
liens étroits qu’elles entretiennent avec la motivation (Lafortune,
Doudin, Pons et Hancock, 2004 ; Weiner, 1986). Pourtant, ces
connaissances ne sont aujourd’hui que trop rarement intégrées
à la formation des enseignants nombre d’entre eux regrettent
que leur formation, principalement focalisée sur la transmission
des savoirs et sur la didactique, n’accorde pas plus d’importance
au développement émotionnel de l’élève.
6 7
En effet, à l’école, la journée d’un enfant est jalonnée pour les enseignants. Ce document de travail, élaboré dans le
d’émotions - toutes sortes, qu’elles soient liées à l’acquisition cadre du projet Erasmus+ LabSchoolsEurope, a pour vocation
de connaissances — de l’enthousiasme de la découverte à la d’y contribuer en présentant des éléments de recherche sur le
peur de se tromper — ou aux interactions avec ses pairs et avec thème des émotions. Il s’inscrit dans un dispositif de recherche-
ses enseignants et enseignantes. Indiscutablement, ainsi que action menée sous l’égide de la CARDIE de Paris avec l’équipe
fait observer L. Cosnefroy, (2011) : « la cognition ne peut être pédagogique d’une école maternelle du 19e arrondissement :
séparée de la motivation qui la génère et des émotions qui « Aide-moi à apprendre avec mes émotions ».
l’accompagnent » (2011).
Nous remercions chaleureusement Stéphanie Dubal pour
C’est pourquoi il est si important d’accompagner ses remarques et corrections concernant l’histoire contemporaine
les élèves dans la découverte de leurs émotions, afin qu’ils et la section sur la neurobiologie, ainsi que Margot Le Lepvrier,
apprennent progressivement à les identifier, à les nommer, à les qui a réalisé les illustrations et l’édition de ce travail.
réguler et à en faire le meilleur usage possible, durant l’ensemble
de leur scolarité, mais aussi plus tard, dans leur vie personnelle Créé sous licence Creative commons (Attribution-
et professionnelle. NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License), il est
destiné à être partagé et sera enrichi progressivement. Merci
Les professionnels de l’éducation se sentent parfois de nous faire part de vos remarques, corrections, critiques et
insuffisamment formés et sont démunis face à des débordements propositions pour nous permettre de l’améliorer à l’adresse
émotionnels que la seule injonction institutionnelle à la suivante : [email protected].
« bienveillance » ne permet pas d’accueillir ni de réguler.
Les émotions constituent un phénomène d’une grande
complexité. Mieux les connaître et en tenir compte pour créer
un environnement le plus favorable possible aux apprentissages
peut constituer une piste de développement professionnel
S
9
9 Qu’est-ce qu’une émotion ?
48 Émotions et apprentissages
60 Conclusion
63 Références bibliographiques
?
Qu’est-ce qu’une émotion ? Qu’est-ce qu’une émotion ?
10 11
Le mot « émotion » est un expressifs et de sentiments subjectifs onty et Dubal, 2018).
nom d’action émouvoir », Une émotion peut aussi être caractérisée, du point de vue de son
!
qui vient du latin ex-movere — le substrat neuro-physiologique, comme un pattern d’activation spécifique
préfixe ex — signifiant « au-dehors » d’un circuit neuronal, c’est-à-dire un système composé de plusieurs
et movere « bouger, ébranler, mettre unités cérébrales reliées entre elles, qui s’activent de manières
en mouvement ». Malgré plusieurs différentes selon les émotions ressenties — même si la spécificité
décennies de travaux, les chercheurs de ces circuits n’est pas encore totalement mise à jour. Outre leur
peinent aujourd’hui encore à définir de définition, la fonction adaptative des émotions et leur caractère inné
façon univoque ce qu’est une émotion. et universel ou acquis font également l’objet de questionnement et de
L’origine de ces controverses provient débats, notamment depuis la publication de L’expression des émotions
chez l’homme et chez l’animal par Charles Darwin (1872). Les émotions
« Non seulement de la confusion
qui permettent de réagir de manière appropriée dans les situations
entre les acceptions de sens
aversives se seraient ainsi développées au cours de l’évolution.
commun, de la proximité avec
Les mécanismes physiologiques qui y sont associés, comment la
d’autres concepts (affect, humeur,
modification de la fréquence cardiaque ou l’afflux de sang vers les
sentiment...), mais également de
muscles, favorisent la survie des espèces en cas de danger et jouent
la diversité des cadres théoriques
par conséquent un rôle dans le contrôle adaptatif des comportements
guidant les recherches sur les
(Mauss et Robinson, 2009).
émotions (notamment béhavioristes,
cognitivistes, psychanalytiques et
Certaines branches du savoir comme la sociologie ou
biologiques), dont les éclairages
l’anthropologie s’intéressent plus particulièrement à la place des
spécifiques accentuent l’impression
émotions en tant que fait social, aux conduites des individus et des
d’un impossible accord »
groupes, à la manière dont elles s’expriment selon les cultures, et
(Visioli, J., Petiot, O., & Ria, 2015).
même aux manifestations d’émotions dans le reste du règne animal,
en dehors de l’expérience humaine. À la différence du courant
En effet, comment une définition unique pourrait-elle correspondre à
évolutionniste, elles adoptent le plus souvent une perspective socio-
des expériences émotionnelles aussi diverses que la peur, la joie, la
constructiviste qui les amène à considérer les processus émotionnels
honte, la surprise, la culpabilité ou la fierté ?
comme des constructions socio-culturelles acquises par le biais de la
socialisation.
Dans le champ de la psychologie et des sciences cognitives,
De l’histoire à l’anthropologie en passant par la philosophie, les sciences
les chercheurs s’accordent généralement sur le fait que les émotions
de l’éducation, la psychologie ou la sociologie, toutes les disciplines
se produisent en réponse à un stimulus
des sciences humaines et sociales se sont emparées de la question,
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Même si le mot « émotion » ne fait véritablement son entrée
dans le lexique français qu’au xvie siècle — auparavant, les auteurs
parlaient plutôt de « passions » ou de « sentiments » —, les émotions
telles que la colère, la joie ou la tristesse ont toujours existé et elles
constituent un objet de réflexion pour les penseurs et philosophes
depuis l’Antiquité, aussi bien en Orient qu’en Occident. Ce n’est pas
sous l’angle de leur réalité « biologique » que l’historien aborde la
question, mais en s’intéressant à l’histoire sociale, à l’évolution des
sensibilités ou de leurs modes d’expression selon les époques, à
partir de sources aussi diverses que l’art, la littérature, la musique, les
correspondances, les traités religieux ou les chroniques. Jusqu’au xixe
siècle, c’est principalement dans le champ de la philosophie que naît
la réflexion sur les émotions (Luminet, 2008). Les années 1930 voient
naître un nouveau champ de recherche, qui se révèle particulièrement
fécond à partir des années 1980-1990 : un contexte de plus en plus
international et la rencontre entre diverses disciplines des sciences de
l’homme favorise en effet la multiplication de travaux et l’émergence
de nouveaux concepts tels que les « communautés émotionnelles »
(Barbara Rosenwein), les « régimes émotionnels » (William Reddy), ou
encore, le « capitalisme émotionnel » (Eva Illouz).
1
côté, Aristote (384-324 av. J.C.) considère les émotions comme des
« sentiments qui changent l’homme de façon à affecter son jugement
et qui sont accompagnés par la souffrance ou le plaisir » (Rhétorique II,
Chapitre 1). Il s’intéresse particulièrement à l’aspect cognitif des
émotions, qu’il considère comme largement tributaire du statut, des
Les émotions à travers les âges, en bref Les émotions à travers les âges, en bref
14 15
L’un des fondateurs de la philosophiemoderne, René Descartes (1596-
3
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l’importance du lien qu’elles entretiennent avec le discours (Luminet, 1650) s’intéresse tout particulièrement à l’aspect cognitif des « passions ».
2008). De manière générale, les auteurs de l’Antiquité grecque insistent Profondément dualiste, il oppose le corps et l’âme et souligne le
sur la nécessité de se détacher des passions pour atteindre la sérénité caractère perturbateur des émotions sur la raison
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ou ataraxie (Sartre, 2016). pas nécessaire que les émotions résident dans le corps pour que
nous puissions les percevoir. Descartes fait remarquer l’émergence de
L’importance du détachement par rapport aux émotions tendances automatiques induites par les situations émotionnelles et
traverse également les textes philosophiques de l’Inde antique. Pas également l’aspect informatif des émotions. En effet, elles donneraient
plus qu’en grec, il n’existe en sanskrit de terme parfaitement équivalent des informations sur les choses qui sont importantes pour nous. Les
au mot « émotion », mais des réflexions n’apparaissent aux environs émotions jouent par ailleurs un rôle dans la fixation des souvenirs en
du début de notre ère dans les plus anciens d’esthétique sur les mémoire, et il est possible de les réguler : « Par exemple, si la colère
sentiments ou émotions suscitées par une œuvre d’art. Exprimés par fait lever la main pour frapper, la volonté peut ordinairement la retenir ;
exemple par le jeu de l’acteur au théâtre, ils sont traditionnellement si la peur incite les gens à fuir, la volonté peut les arrêter et ainsi des
appelés Rasa, un mot qui signifie littéralement « jus », « sève », autres » (Luminet, 2008).
« essence » et qui désigne par extension une « saveur ». Les rasa sont
au nombre de huit ou neuf selon les sources : l’amour ou l’attirance, le En étudiant l’évolution de la socialisation émotionnelle
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8
dégoût ou l’aversion, la joie, la colère, la tristesse ou douleur, la peur, point de vue socio-historique, Norbert Elias ([1932] 1973) met en lumière
la tristesse, l’émerveillement et la sérénité. les variations des codes émotionnels selon les périodes historiques
et selon la position des différents groupes dans la société. Il montre
La période médiévale est le théâtre de toutes sortes de en particulier le contrôle croissant qu’exerce la société sur les codes
représentations, en particulier celui d’un âge sombre où les passions émotionnels, de la fin du Moyen — gai, où la courtoisie constituait le
et l’impulsivité auraient régné en maîtres, tandis que la religion signe distinctif de la société féodale, à la Renaissance, qui se caractérise
dominante en Occident, le Christianisme, est parfois qualifiée de par une régulation plus importante de l’affectivité, jusqu’à l’émergence
« religion du salut par les passions ». L’amour (celui de Dieu et celui au cours du dix-huitième siècle de ce qu’Elias nomme la « civilisation ».
du prochain), la honte, l’espérance y sont omniprésents. Chez les Cette dernière est marquée par une régulation des émotions de
théoriciens du Moyen âge, les sources qui nous renseignent sur les plus en plus intériorisée et un auto-contrôle croissant des individus
conceptions des émotions sont principalement de nature pastorale (Montandon, 1992).
— traités de théologie, règles monastiques, exégèse. Les émotions y
sont surtout traitées en lien avec des notions comme le « bien » et le Le milieu du dix-huitième siècle et l’époque révolutionnaire
« mal », le « vice » et la « vertu », ou encore la tentation (Pezé, 2013). se caractérisent par un « besoin inédit d’émotion » et une sensibilité
nouvelle aux émotions suscitées par la nature et les phénomènes
naturels (Corbin, 2016). À partir du dix-neuvième siècle, la question
des émotions continue à occuper une place centrale dans les arts et
Les émotions à travers les âges, en bref Les émotions à travers les âges, en bref
16 17
approches dites « catégorielles » et « dimensionnelles » développées
J
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champ des études scientifiques The Expression of à partir des années 1960 ; 2) les théories de l’évaluation cognitive
Q
the Emotions in Man and Animals (1872), le naturaliste Charles Darwin illustrées par les débats opposant d’une part William James (1942-
(1809-1882) considère que l’expression des émotions remplit une 1910) et Carl Lange (1834-1900), d’autre part Walter Cannon (1871-1945)
fonction adaptative dans la mesure où elle permet de communiquer à et Philip Bard (1898-1977) ; 3) les perspectives fonctionnalistes dans le
autrui des intentions de comportements. Les émotions jouent un rôle prolongement des travaux de Charles Darwin (Conty et Dubal, 2018).
important dans le développement des formes sociales d’organisation L’approche catégorielle se propose de caractériser les différentes
au cours de l’évolution. Son observation des manifestations d’émotions émotions, notamment à partir de l’étude des expressions faciales,
chez les humains et chez les animaux l’amène à les considérer comme en mettant l’accent sur leur caractère universel. C’est notamment
universelles, c’est-à-dire présentes dans toutes les cultures et tous dans cette tradition que s’inscrivent les travaux du psychologue Paul
les pays, une thèse qui a été remise en cause, notamment par les Ekman. Une série d’études menées à partir de photographies dans 21
anthropologues, pour qui l’expression des émotions varie selon les pays lui a permis de mettre en évidence cinq émotions « primaires »
cultures (Nugier 2009 ; Visioli, Petiot et Ria, 2015). ou « émotions simples » : la joie, la tristesse, la colère, la peur et le
dégoût. D’autres émotions ont fait l’objet de débats, comme la surprise
Au même moment, la médecine et la psychologie s’emparent ou le mépris dont l’expression n’est pas été retrouvée dans toutes
de la question et une partie des débats se concentre sur les liens les cultures. Les émotions « primaires »
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entre l’expérience émotionnelle et les réactions corporelles réaction à un stimulus, de façon automatique et involontaire ; elles
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sont associées. Sigmund Freud (1856-1939) lie notamment le corps et sont présentes chez différentes espèces animales. Chacune d’elle
l’esprit en soulignant l’importance des symptômes physiques induits se caractérise par une mimique faciale qui lui est propre. Ce groupe
par des causes mentales. Il prend en considération deux variables de d’émotions se distingue des émotions « secondaires »
M
l’émotion : les réactions comportementales et les réactions cognitives nommées « complexes » ou « mixtes », qui résulteraient d’une
et montre que les émotions sont des processus complexes, qui ne sont combinaison entre des émotions primaires et d’autres facteurs tels que
pas toujours observables ou compris (Luminet, 2008). En parallèle, les représentations mentales — de soi, d’autrui, de situations, etc. En
d’autres études sont menées sur des états émotionnels particuliers ou poursuivant ses travaux sur les différences culturelles, Ekman (1993)
sur les émotions déréglées, notamment par Jean-Martin Charcot (1825- élargit la palette des émotions recensées et élabore une théorie visant
1893). Le psychologue William James (1842-1910) est l’un des premiers à réconcilier les partisans de la thèse selon laquelle les émotions
à suggérer que les différents états émotionnels peuvent résulter de sont universelles et ceux qui soutiennent que les émotions sont
l’activation de certaines parties du système nerveux autonome. socialement et culturellement déterminées : il existerait bel et bien
une reconnaissance universelle de l’expression de certaines émotions,
L’histoire contemporaine des sciences affectives est marquée mais leur manifestation publique serait régie par des normes sociales
par différents courants théoriques. On distingue notamment 1) les variables d’une culture à l’autre. Les émotions secondaires, elles, ne
Les émotions à travers les âges, en bref Les émotions à travers les âges, en bref
18 19
pas universelles et se développeraient progressivement à partir
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Les émotions à travers les âges, en bref Les émotions à travers les âges, en bref
20 21
Le débat entre James-Lange et Cannon-Bard porte sur les Il ne faudrait cependant pas en conclure que ces points de vue
liens entre les manifestations physiologiques liées à une émotion sont totalement inconciliables. Dès la fin du XXe siècle, la sociologue
(modification du rythme cardiaque, sueur, etc.) et l’évaluation cognitive Cléopâtre Montandon (1992) a ainsi plaidé en faveur d’une approche
de la situation. Pour les premiers, les réactions corporelles précèdent intégrée des émotions prenant en compte aussi bien leur dimension
l’émotion, qui « serait déterminée par la perception d’un pattern de construction sociale que leur substrat physiologique, leurs
d’activation physiologique spécifique », tandis que pour Cannon caractéristiques objectives que le sens subjectif que leur donnent les
et Bard, l’émotion est « un phénomène cognitif qui s’accompagne individus, et en proposant d’utiliser conjointement pour les étudier
de façon aspécifique et non causale de réactions physiologiques des méthodes qualitatives et quantitatives. Plus récemment, l’historien
et somatiques » (Conty et Dubal, 2018). Enfin, les travaux de Darwin américain William Reddy (2010 ; 2019), s’appuie sur une analyse critique
ont également donné naissance à un courant de recherche qui s’est des apports de l’anthropologie et des sciences cognitives pour
intéressé plus particulièrement à la fonction adaptative des émotions. proposer un modèle plus global, en envisageant les émotions non
Considérées comme un phénomène biologiquement déterminé, pas comme des processus inconscients et spontanés ou comme des
elles permettant aux individus de répondre de façon adéquate aux réponses biologiques préprogrammées à des stimuli, mais comme des
circonstances environnementales, qu’il s’agisse d’obstacles ou habitudes cognitives intégrées, et même incorporées, qui dépendent
d’opportunités. d’apprentissages et de codes sociaux
j
entre disciplines portent leurs fruits et il revient à chacun, en fin de
À cette vision de l’émotion s’oppose une approche compte, de choisir l’angle d’approche le plus pertinent en fonction de
contemporaine radicalement différente, la perspective socio- ses besoins ou des objectifs visés, qu’il s’agisse d’élargir sa culture ou
constructiviste, qui envisage les émotions et les comportements d’utiliser ces connaissances à des fins pratiques avec des enfants, en
des êtres humains comme des constructions sociales et culturelles, classe ou dans la vie quotidienne.
refusant de les considérer comme des phénomènes biologiquement
déterminés. Dans cette perspective, les émotions sont considérées
comme le produit de la socialisation au sein d’une culture donnée ;
elles sont indissociables des rôles tenus par les individus dans cette
culture et ne peuvent être étudiées qu’en prenant en considération
leurs fonctions sociales et individuelles dans un contexte spécifique
(Nugier, 2009).
Les émotions à travers les âges, en bref Les émotions à travers les âges, en bref
22 23
Les émotions : un fait social
24 25
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émotions sont désormais reconnues comme des objets historiques
et sociaux ; les représentations que nous nous en faisons évoluent en
même temps que la société, ses codes et ses valeurs.
26 27
e est tributaire de normes qui sont internalisées dès L’idée n’est pas récente, puisque la théorie antique des tempéraments
x
l’enfance, ce qui n’empêche cependant pas la sincérité (Minner, 2019). établissait déjà un lien entre le masculin et les émotions dites
Différents facteurs, comme le sexe, la culture ou le groupe social, « chaudes et sèches » telles que la colère ou la hardiesse, et
affectent la conceptualisation et l’acceptabilité de la manifestation entre le féminin et les émotions « froides et humides » que sont
de certaines émotions (Hochschild, 1979, 2017). Ainsi, en dehors des la modestie, la douceur ou la compassion (Boquet et Lett, 2018).
émotions primaires, généralement reconnues comme universelles et Aujourd’hui encore, l’expression d’une émotion comme la colère est
transculturelles, la palette des émotions peut présenter des spécificités perçue différemment selon le sexe : considérée comme un signe de
sous certaines latitudes, comme l’illustre le cas de l’amae, qui désigne « puissance » chez l’homme, elle est assimilée que chez la femme à un
au Japon un sentiment plaisant d’attachement ou de dépendance vis- manque de contrôle de soi, voire à une manifestation « d’hystérie ».
à-vis d’un proche. L’expression d’une même émotion peut donc être vue comme
une qualité pour un sexe et comme un défaut, voire un handicap,
Les variations inter-individuelles pour l’autre sexe
|
émotions et les stéréotypes Le groupe social, enfin, a un impact sur l’expression et la régulation des
~
(Mauss et Robinson, 2009). L’un des exemples de stéréotype les plus émotions : les parents des classes moyennes et supérieures auraient
courants est celui de l’association de la raison et de la rationalité ainsi tendance à encourager davantage l’expression des émotions
avec le masculin et des émotions avec le féminin : l’homme serait que les parents de milieux populaires (Montandon, 1992).
naturellement doué d’une meilleure maîtrise de ses émotions
et d’une plus grande capacité à raisonner que la femme, qui Certaines émotions jouent un rôle de régulateur et de contrôle
serait plus sensible et plus disposée à extérioriser ses émotions. social. C’est notamment le cas de l’embarras, l’anxiété, la culpabilité
ou la honte, qui peuvent être ressenties lorsqu’un individu envisage de
transgresser une norme sociale. À l’inverse, la fierté, l’admiration ou la
gratitude jouent un rôle dans la « fabrique culturelle » des émotions
en constituant des « sanctions positives » qui motivent l’individu et
renforcent son sentiment d’appartenance au groupe (Minner, 2019).
~
socialisation : les socialisateurs — les adultes facilitent la socialisation
— et les socialisés — en l’occurrence, les enfants (Gordon, 1989).
Les émotions : un fait social
28 29
La socialisation émotionnelle des enfants se déroule principalement
à l’école et dans la sphère familiale
premier plan dans le développement émotionnel durant la petite
enfance (Coutu et Lepage, 2017). Une partie de la socialisation consiste à
apprendre aux enfants à réprimer ou à dissimuler certaines émotions :
on leur demande, par exemple, de ne pas se mettre en colère ou de ne
pas pleurer (Montandon et Osiek, 1996). Progressivement, les enfants
comprennent et anticipent les attentes sociales et les réactions face
à l’expression de telle ou telle émotion, même si tous les enfants ne
développent pas tous cette capacité de la même manière ou au même
degré (McCoy et Masters, 1985).
?
Éléments de
neurobiologie
des émotions
×ďģĊëãĔğĝģĔĭé×ďģĊëãëğĸë×ĭǺ ×ďģĊëãĔğĝģĔĭé×ďģĊëãëğĸë×ĭǺ
ĊíĎëďĩģéëďëĭğĔâýĔĊĔöýëéëģíĎĔĩýĔďģ ĊíĎëďĩģéëďëĭğĔâýĔĊĔöýëéëģíĎĔĩýĔďģ
30 31
Que se passe-t-il en nous lorsqu’une émotion survient ? Au cours d’une journée, nous sommes soumis à de nombreuses
Un processus émotionnel est constitué de différents éléments : un stimulations. Elles peuvent être, par exemple, de nature visuelle,
changement de posture ou d’expression faciale (mimique, intonation comme une araignée dans notre chambre, ou auditive, comme des
de la voix, geste, etc.), une évaluation cognitive, des réactions éclats de rire d’enfants dans la cour de récréation, et sont susceptibles
physiologiques (modification du rythme cardiaque, du flux sanguin...), de provoquer différents types d’émotions, plaisantes ou non. Toutes
des tendances à l’action (attaque, évitement, fuite...) et l’expérience les stimulations ne donnent pas naissance à une réaction émotionnelle
subjective et la manière dont nous y réagissons varie selon les personnes et selon
§
ª
des sous-systèmes du fonctionnement organique est donc concerné : le contexte.
cognition, régulation physiologique, motivation, expression motrice,
sentiment (Scherer et al., 2001). Depuis 25 ans environ, de nombreux travaux réalisés
en neurosciences notamment par le biais de la neuro-imagerie
permettent de mieux savoir ce qui se passe dans le cerveau lorsque
nous éprouvons une émotion. Les chercheurs ont notamment tenté
de mettre au jour des circuits neuronaux associés aux émotions et se
sont intéressés tout particulièrement à celui de la peur. Leurs études
ont permis de mettre en évidence le rôle fondamental de l’amygdale
cérébrale (du latin amygdala, qui signifie « amande », à ne pas
confondre avec l’amygdale située dans la gorge) dans le traitement des
émotions primaires. L’amygdale est une structure du système limbique.
Elle est connectée à d’autres structures cérébrales impliquées dans les
mécanismes émotionnels, notamment le cortex associatif — la zone
du cerveau impliquée dans le traitement de l’information. L’amygdale
joue un double rôle. Lors de la perception d’un stimulus, elle permet
la centralisation de l’information puis la renvoie à d’autres structures
cérébrales, comme le cortex cérébral ou l’hippocampe.
§
qui enclenche les réactions physiologiques permettant de réagir dans
l’urgence, par exemple un afflux de sang dans les membres inférieurs
pour favoriser la fuite ou l’attaque. L’information est également
transmise au cortex préfrontal
À
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fonctions cognitives, permet d’analyser la situation et, le cas échéant,
d’en modifier la perception.
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32 33
La peur emprunte deux circuits cérébraux. Le circuit dit « court »
où l’information va du thalamus vers l’amygdale et le circuit « long »
où l’information transite du thalamus vers le cortex sensoriel avant
de rejoindre l’amygdale. La transmission de l’information se fait en
parallèle dans les deux circuits. L’information qui passe par le circuit
court mène à une réaction plus rapide, mais sans la reconnaissance
fine du stimulus qui la déclenche. Ce circuit permet d’avoir une réaction
rapide en cas de danger. Le circuit long au contraire, de par le passage
de l’information dans le cortex sensoriel, permet de fournir une analyse
plus détaillée du stimulus (LeDoux et Bemporad, 1997 ; LeDoux, 2005).
Ò
comme l’accélération du rythme cardiaque quand nous sommes en
colère ou excités. D’autres diffèrent suivant les émotions. Par exemple
dans le cas de la honte, nous pouvons avoir une augmentation du
flux sanguin au niveau du visage qui nous fait rougir, alors qu’en cas
de peur, le flux sanguin quitte le visage pour alimenter les membres
inférieurs et c’est pourquoi l’on devient pâle lorsqu’on a peur.
Au niveau de l’activation cérébrale, l’expérience émotionnelle est associée
à un patron commun, mais chaque émotion présente des motifs particuliers
(Belzung, 2015) et elles sont diversement ressenties au niveau corporel.
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34 35
étude de 2014 réalisée avec 701 participants a ainsi permis
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désignent les zones du corps dans le corps (Boscaini & Saint-Cast, 2010). Chez certains enfants, cela
suractivées par l’émotion. peut aller jusqu’à causer des troubles du tonus musculaire (Berges, 1995).
L’expression des émotions au niveau corporel est aussi importante
Les couleurs bleues pour le développement de l’enfant
Õ
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désignent les zones du corps représentation stable de son corps et lui permet de ne pas rester
dont l’activité s’affaiblit enfermé dans ses émotions (Chadzynski, 2009). La manière dont notre
ou ralentit avec l’émotion. cerveau traite les émotions varie également selon l’âge, car les aires
cérébrales se développent et les réactions varient en fonction de la
maturité du cerveau, ainsi que nous le verrons dans le chapitre suivant.
ȝǥ×ĝğìģĊ×ǭã×ğĩëãĔğĝĔğëĊĊëéëģíĎĔĩýĔďģǮ Toutefois, exprimer ses émotions ne veut pas dire les exprimer de
ğí×Ċýģíëĝ×ğĭďëíĞĭýĝëéëãûëğãûëĭğģ̏ďĊ×ďé×ýģ
Ǚ=ĭĎĎëďĎ××ëĩ×ĊDzdzDžǃDŽLJǚ
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36 37
n’importe quelle manière il revient aux adultes d’accompagner
î
les enfants pour les aider à trouver progressivement des moyens
appropriés de les exprimer, qui permettent de les extérioriser sans se
nuire à soi-même ni nuire à autrui. Savoir ce qui se passe lorsqu’une
émotion est ressentie peut permettre de mieux comprendre nos
propre réactions et celles des autres, et par conséquent d’y réagir de
façon appropriée.
ô
participe également : les attitudes non-verbales — posture du corps,
contact visuel, mouvements, rythme de parole et timbre, volume et ton
de la voix, expression du visage — laissent transparaître nos émotions
et contribuent à la compréhension du message que l’on transmet à
hauteur de 55 % à 80 % selon les études (Barrière-Boizumault, 2013 ;
Mehrabian, 1972). L’expression corporelle des émotions se traduit
notamment par la mise en place ou l’arrêt d’une action (courir, se
figer sur place) et par des changements de postures et d’expressions
faciales qui diffèrent suivant l’émotion ressentie.
38 39
La maturation du cerveau commence dès le premier mois du
développement embryonnaire in utero, entre le 19e et le 28e jour, et se
poursuit jusqu’à 25 ans, notamment au niveau des parties préfrontales
du cerveau impliquées dans le contrôle de l’activité mentale et de
l’impulsivité. Elle s’opère à des rythmes très variables dans différentes
zones du cerveau et il est aujourd’hui admis que, contrairement à ce
qu’imaginaient les pionniers de la psychologie du développement,
le développement cognitif et socio-émotionnel de l’enfant n’est pas
linéaire, mais dynamique st, 2019).
õ
et les jeunes enfants n’ont pas encore la capacité de contrôler leurs seulement comme un « prolongement », une « annexe » de ses
émotions (Gueguen, 2018). Leurs réactions émotionnelles, le manque parents, mais comme un individu à part entière. Durant cette phase,
de tolérance à la frustration, l’impatience, la difficulté à différer la des colères peuvent survenir assez fréquemment. Elles durent
gratification, etc. ne constituent donc pas des « caprices » plus ou moins longtemps suivant l’enfant, son entourage et la
liés à cette immaturité du cerveau chez l’enfant façon dont il est accompagné dans la découverte de ses émotions.
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d’accompagner les enfants, surtout les tout-petits, dans la découverte Les compétences émotionnelles se développent, parallèlement aux
de ces phénomènes nouveaux et déroutants pour eux, de les aider à compétences cognitives et langagières, au cours de différentes phases,
nommer les émotions et les sensations corporelles qu’ils éprouvent, jusque vers l’âge de douze ans environ
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!
pour leur permettre de les apprivoiser et, progressivement, de les l’âge préscolaire, les enfants apprennent à identifier les émotions d’autrui
réguler. grâce à des indices extérieurs
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40 41
courant de recherche nomme « théorie de l’esprit » (theory of processus physiologiques liés aux émotions, attentionnels, d’états
mind) la capacité à se représenter ses états mentaux et ceux d’une motivationnels et de comportements émotionnels au bénéfice de
autre personne, qui permet aussi d’expliquer ou de prédire des l’accomplissement de buts individuels, de l’adaptation sociale ou
comportements. Elle constitue une étape importante du développement biologique » (Nader-Grosbois, Houssa, Jacobs et Mazzone, 2016). Ils
de l’enfant, notamment du point de vue des interactions sociales. recourent principalement, dans un premier temps, à des techniques
La théorie de l’esprit propose une distinction entre une dimension de régulation « comportementales », comme courir ou jeter des objets,
cognitive d’une part — la capacité à se représenter les pensées, avant de pouvoir adopter un point de vue plus réflexif sur leurs
croyances, intentions, connaissances sur le monde d’autrui — et une émotions. Vers 8 ans également, les enfants réalisent qu’une personne
dimension affective de l’autre, qui se manifeste par la capacité à peut ressentir plusieurs émotions, même contradictoires, en même
identifier les états émotionnels et les sentiments des autres dans un temps (Pons, Harris, et Rosnay, 2004). Durant l’ensemble de ces phases,
contexte social (Duval et al., 2011). Cette dernière est étroitement liée le lexique émotionnel de l’enfant se développe, en particulier jusqu’à
à la notion d’empathie. Entre trois et six ans, les enfants commencent l’âge de onze ans, où il commence à se stabiliser. La compréhension des
également à comprendre l’origine de certaines émotions chez d’autres émotions dépende non seulement des capacités cognitives verbales,
enfants et conçoivent que, dans une même situation, deux personnes mais aussi non verbales.
peuvent avoir deux émotions différentes. Ils peuvent également
commencer à se rendre compte de la différence qui peut exister entre Aider les enfants à comprendre leurs émotions et celles
l’émotion ressentie et l’émotion exprimée (Pons, Harris, et Rosnay, d’autrui leur permet aussi d’apprendre à mieux les réguler et favorise
2004). leur bien-être psychologique
;
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également positivement reliées aux relations avec les autres et aux
Une nouvelle phase du développement des compétences performances scolaires (Simoës-Perlant et Lemercier, 2018). Il est donc
émotionnelles prend place vers l’âge de sept ans. C’est à cette période essentiel d’accompagner l’apprentissage des compétences socio-
qu’ils vont commencer à comprendre le lien entre la mémoire et émotionnelles de l’enfant, notamment à l’école, pour offrir à tous et à
les émotions. Ils vont notamment se rendre compte que certains chacun la possibilité de les développer de façon optimale.
éléments ou certaines expériences peuvent réactiver des émotions
précédemment ressenties et que le temps permet de diminuer
l’intensité des émotions. À huit ans, les enfants ont totalement acquis
la valence des émotions — c’est-à-dire qu’il savent si une émotion est
« positive » ou « négative » —, mais les frontières entre les différentes
émotions restent parfois difficiles à déterminer (Simoës-Perlant et
Lemercier, 2018). Ils commencent aussi à mieux réguler leurs émotions.
La régulation émotionnelle renvoie au processus « permettant
d’initier, d’éviter, d’inhiber, de maintenir ou moduler l’occurrence,
la forme, l’intensité, la durée d’états internes de sensation, de
L’intelligence émotionnelle et
ĊëģãĔĎĝíĩëďãëģģĔãýĔǕíĎĔĩýĔďďëĊĊëģ
42 43
Compétences « psycho-sociales » ou « socio-émotionnelles »,
soft skills, ressources personnelles, « forces de caractère », compétences
de vie, compétences douces, intelligence émotionnelle… Autant de
notions et de termes souvent utilisés de manière interchangeable, qui
renvoient à un contenu encore mal défini et difficile à circonscrire, mais
qui font l’objet d’une attention croissante de la part des chercheurs
dans les champs de l’éducation, de la psychologie et de la santé
depuis quelques années (Encinar, Tessier et Shankland, 2017). Les
liens qu’entretiennent ces compétences — quel que soit le nom qu’on
leur donne — avec la santé mentale et la réussite scolaire sont de
plus en plus étudiés. Nous nous intéresserons tout particulièrement
aux concepts d’intelligence émotionnelle et de compétences psycho-
sociales ou socio-émotionnelles.
4
1990).
L’intelligence émotionnelle et L’intelligence émotionnelle et
ĊëģãĔĎĝíĩëďãëģģĔãýĔǕíĎĔĩýĔďďëĊĊëģ ĊëģãĔĎĝíĩëďãëģģĔãýĔǕíĎĔĩýĔďďëĊĊëģ
44 45
Selon Goleman, l’intelligence émotionnelle comprend cinq dimensions : Les études les plus récentes distinguent trois approches de
l’intelligence émotionnelle : la première, nommée « habileté spécifique »,
→ la connaissance de soi – la capacité à comprendre nos émotions et s’intéresse aux capacités mentales nécessaires à l’intelligence
nos sentiments émotionnelle ; la deuxième — la « connaissance émotionnelle »
→ la maîtrise du soi – la capacité qui nous permet de réguler nos — est centrée plus particulièrement sur la connaissance des
émotions expressions, des noms et des fonctions des émotions (perception
→ la motivation – qui nous permet d’être concentré sur nos objectifs et étiquetage des émotions) et la troisième est un « modèle mixte »
jusqu’à les atteindre qui regroupe différentes compétences qui dépassent la seule notion
→ l’empathie – la capacité à comprendre les émotions d’autrui d’intelligence émotionnelle, incluant, par exemple, la tolérance au
→ les aptitudes sociales – l’ensemble des capacités qui nous stress, l’estime de soi ou la pensée créative. Cette dernière approche
permettent de communiquer avec les autres et de créer du lien s’éloigne quelque peu du concept d’intelligence émotionnelle tel
que défini au départ (Encinar, Tessier et Shankland, 2017). Elle se
eman insiste notamment sur le fait que l’aptitude à reconnaître rapproche, en revanche, d’autres conceptions qui ont émergé de la
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nos propres émotions et celles des autres diffère de la capacité à les recherche, parallèlement aux travaux sur l’intelligence émotionnelle,
réguler. Comme l’avaient fait auparavant Payne ainsi que Mayer et comme les compétences psycho-sociales. L’OMS les définit comme :
Salovey, le travail de Goleman souligne l’importance de l’intelligence « la capacité d’une personne à faire face efficacement aux exigences
émotionnelle tant sur le plan individuel que, plus largement, dans la et aux épreuves de la vie quotidienne (...), à maintenir un état de bien-
société. Le niveau d’intelligence émotionnelle influence le bien-être, être mental et à le démontrer au travers d’un comportement adaptatif
la santé, la réussite scolaire, la performance au travail et les relations et positif lors de ses interactions avec les autres, sa culture et son
avec autrui ; Zeidner, Matthews, et Roberts, environnement »
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2009). Une mesure de l’intelligence émotionnelle, nommée quotient sociales subdivisées en cinq paires :
émotionnel (QE), a été développée afin d’évaluer ces cinq domaines
(Bar-On, 2004). Il n’est pas nécessairement corrélé au quotient → savoir résoudre les problèmes/savoir prendre des décisions
intellectuel (QI), qui est une mesure des habiletés cognitives au moyen → avoir une pensée créative/avoir une pensée critique
de tests psychométriques. Une personne peut en effet posséder un QI → savoir communiquer efficacement/être habile dans les relations
très élevé et un QE très faible. C’est parfois le cas, par exemple, chez les interpersonnelles
enfants « précoces » ou à « haut potentiel intellectuel » qui, malgré des → avoir conscience de soi/avoir de l’empathie pour les autres
capacités intellectuelles supérieures à la moyenne des enfants de leur → savoir gérer son stress/savoir gérer ses émotions.
âge, peuvent rencontrer des difficultés d’intégration et d’adaptation
dans un groupe ou à l’école. À l’âge adulte également, les compétences
5
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socio-émotionnelles constituent un prédicteur plus important de la qu’elles ne sont ni acquises dès la naissance, ni fixes tout au long de
réussite professionnelle que le quotient intellectuel (Feist et Barron, la vie : elles sont susceptibles d’être enseignées au même titre
1996). que n’importe quelle autre compétence, les expériences et les
apprentissages permettent donc de les faire évoluer tout au long de
la vie et al., 2014 ; Zeidner, Matthews, et Roberts, 2009).
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L’intelligence émotionnelle et L’intelligence émotionnelle et
ĊëģãĔĎĝíĩëďãëģģĔãýĔǕíĎĔĩýĔďďëĊĊëģ ĊëģãĔĎĝíĩëďãëģģĔãýĔǕíĎĔĩýĔďďëĊĊëģ
46 47
Z
compétences avec précision, car ce champ de recherche est encore cette approche permet-elle de promouvoir l’émancipation, la
récent. Or, sans instrument de mesure, il est difficile de déterminer démocratie, l’épanouissement du potentiel de chacun dans l’acceptation
quelles sont les interventions les plus efficaces selon les contextes des différences, ou est-elle, à l’inverse, au service d’une conception
et les publics qui en bénéficient. Signalons les travaux de Pierre normative de la réussite, caractéristique de la pensée néo-libérale, au
Encinar (2017) et de Béatrice Lamboy (2018). Le premier a validé un service de « l’industrie du bonheur » ? (Illouz et Cabanas, 2018 ; Chanlat,
outil de mesure des compétences émotionnelles chez l’enfant en 2003).
langue française ; la seconde propose en libre accès des supports
d’intervention clé en main, fondés sur des travaux de recherche et
destinés à des enfants de 2 à 11 ans, ainsi qu’à leurs parents.
ĎĔĩýĔďģëĩ×ĝĝğëďĩýģģ×öëģ
48 49
Les environnements scolaires sont des environnements
sociaux où prennent place toutes sortes d’interactions et où se
manifeste l’ensemble de la palette des émotions Les
e
émotions affectent les apprentissages :
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sont appréhendés, les réactions face aux difficultés ou aux obstacles,
l’anticipation des résultats de l’apprentissage (Crahay, 2010). Certaines
émotions comme la peur ou l’anxiété sont connues pour empêcher
ou limiter les apprentissages, car l’élève n’est plus en mesure de se
concentrer sur la tâche proposée par l’enseignant. À l’inverse, le
bien-être émotionnel est généralement favorable aux apprentissages
et des émotions telles que la joie et la sérénité leur sont également
bénéfiques. Une étude effectuée au Québec au début des années 2010
auprès de 242 élèves de maternelle et de première année de primaire a
ainsi montré que le fait d’aimer l’école, de se sentir bien entouré et de se
sentir compétent en tant qu’élève constituent trois facteurs impactant
le bien-être
n-être émotionnel des élèves et leurs capacités d’apprentissage
(Pharandnd et Doucet, 2013).
ĎĔĩýĔďģëĩ×ĝĝğëďĩýģģ×öëģ ĎĔĩýĔďģëĩ×ĝĝğëďĩýģģ×öëģ
50 51
|
Le rôle de l’école maternelle est d’autant plus crucial qu’il existe favorable aux apprentissages et à l’engagement des élèves présente
des corrélations entre le bien-être émotionnel des enfants à l’école notamment les caractéristiques suivantes : il est émotionnellement
maternelle et leur réussite scolaire future -Cram, Durand, et sécurisant ; il offre des expériences bien structurées et cohérentes ;
s
Warfield, 2007). Toutefois, la relation entre émotions et apprentissages il est riche du point de vue conceptuel et langagier. Un important
n’est pas univoque : les activités et exercices réalisés en classe sont travail d’adaptation de ce dispositif au contexte français a été réalisé
également source d’émotions. Cette relation bidirectionnelle explique à l’université de Grenoble par Philippe Dessus. Une introduction, des
pourquoi il est si important pour les enseignants de veiller à ce que documents, des vidéos et de nombreuses références sont disponibles
l’enfant se sente en confiance en classe et d’accompagner les enfants sur le site de l’INSPÉ de Grenoble1
dans la découverte et la régulation de leurs émotions.
Un enseignant n’est pas seulement la personne qui transmet
Le simple fait d’apprendre peut susciter de l’appréhension des connaissances, mais avant tout une personne qui noue des liens
chez certains enfants, qui redoutent de se tromper ou d’échouer. Il pédagogiques et une relation affective avec ses élèves.
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est donc essentiel de veiller à présenter l’erreur comme une partie apprentissages ne sont pas seulement façonnés par les émotions
intégrante du processus d’apprentissage la des élèves, mais aussi par le style de l’enseignant. Un enseignant
relation avec les enseignants joue un rôle clé heureux d’enseigner aura tendance à transmettre son enthousiasme
r
sur la notion d’attachement montrent que la sécurité affective est et sa motivation aux enfants, ce qui aura un effet positif sur les
fondamentale pour la construction de l’identité de l’enfant autant apprentissages et al., 2009). Ce style se traduit notamment
que pour sa réussite scolaire. Les enseignants sont les vecteurs de par le comportement non verbal de l’enseignant en classe. Les classes
ce sentiment de sécurité à l’école et la qualité des interactions entre d’enseignants au « style expressif » interactif (immediate teachers)
enseignants et élèves est déterminante, aussi bien en termes de obtiennent de meilleurs résultats que celles d’enseignants au « style
réussite scolaire que de développement des compétences sociales et expressif » peu interactif. Le premier se caractérise par des contacts
émotionnelles (Rimm-Kaufmann et Hamre, 2010). visuels fréquents avec les élèves, des gestes, des modulations vocales,
l’humour et le sourire, tandis que le second est moins dynamique :
À partir du début des années 2000, le chercheur américain usage de notes, distance induite par le fait de se tenir derrière un
Robert C. Pianta (université de Virginie) a mené d’importants bureau, ton monotone, exemples abstraits (Okon, 2011).
travaux à partir de l’hypothèse que la relation entre élèves et
enseignant constitue le fondement principal du développement Les émotions, dans leur relation bidirectionnelle avec les
et de l’apprentissage des élèves apprentissages, peuvent faciliter ou entraver ces derniers. Il est
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|
Pianta, 2001). Il a élaboré un dispositif – le Classroom Assessment important de permettre aux enfants de comprendre ces processus
Scoring System (CLASS) – qui permet de travailler sur cette relation pour qu’ils puissent être pleinement disponibles pour s’approprier les
en prenant en considération trois grands domaines : le soutien savoirs. L’enseignant joue ici un rôle clé de facilitateur.
émotionnel, l’organisation de la classe et le soutien à l’apprentissage.
1
8ëģíĎĔĩýĔďģéëģëďģëýöď×ďĩģ
52 53
À l’heure où l’évolution du système éducatif se traduit par une
complexification et une intensification du travail enseignant, savoir
travailler sur ses émotions et avec ses émotions est devenu un aspect
important de l’activité quotidienne des enseignants. En effet, les élèves
ne sont pas seuls à ressentir des émotions : c’est également le cas des
enseignants qui peuvent tantôt se réjouir des progrès de leurs élèves,
tantôt éprouver de la frustration devant un enfant dissipé qui perturbe
le fonctionnement de la classe ou de l’anxiété à l’idée d’une inspection
prochaine.
·
communicationnelle des émotions a longtemps été ignorée, mais depuis
le tournant du XXIe siècle, un nombre croissant d’auteurs cherche à
comprendre comment la communication suscite des émotions et
8ëģíĎĔĩýĔďģéëģëďģëýöď×ďĩģ 8ëģíĎĔĩýĔďģéëģëďë×ýöď×ďĩģ
54 55
comment les émotions nourrissent la communication (Lipiansky, 1998 ; Dans certains cas, c’est un élève ou un groupe d’élèves en
Livet, 2002 ; Manstead et Fisher, 2001 ; Mesquita et Ellsworth, 2001). particulier qui suscitent chez l’enseignant des émotions dont il lui est
En classe également, les émotions des enseignants se communiquent difficile de faire abstraction, par exemple, dans le cas de comportements
aux élèves qui perturbent de façon récurrente l’ensemble de la classe. Une telle
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de transmettre à ses élèves (Frenzel et al., 2009). Une étude de 2014 situation peut amener l’enseignant à focaliser une grande partie de
réalisée auprès de 149 élèves de 15 ans a montré qu’ils perçoivent son attention sur les éléments perturbateurs, au détriment d’autres
certaines émotions des enseignants et qu’ils en sont affectés à leur élèves (Sutton et Wheatley, 2003). Le soutien d’autres membres de
tour par un phénomène de « contagion émotionnelle ». En outre, les l’équipe pédagogique
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élèves arrivent en classe avec des humeurs différentes les uns des que, dans les environnements difficiles, une approche systémique
autres. Celles-ci peuvent également affecter leur perception des impliquant l’ensemble de l’établissement permet d’obtenir des
émotions. Prendre cinq minutes au début d’un cours pour proposer résultats satisfaisants. C’est ce que propose notamment l’approche
une activité de relaxation permettrait à l’état émotionnel de tous par le « Soutien au comportement positif », inspiré du dispositif nord-
les élèves de s’harmoniser et les rendrait plus disponibles pour les américain School-wide Positive Behavioral Support (Sugai et Horner,
apprentissages er et al., 2014). 2006). Adapté en français par Steve Bissonnette, il est très utilisé
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œuvre pour soutenir ces comportements. Une amélioration du climat
scolaire en résulte, qui est intimement liée au bien-être scolaire des
élèves autant que des enseignants (Marsollier, 2017).
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mettre des mots sur un aspect longtemps passé sous silence de la
profession d’enseignant.
Créer un environnement émotionnellement
õ×ĸĔğ×âĊë×ĭľ×ĝĝğëďĩýģģ×öëģ
56 57
Différents ingrédients peuvent contribuer à la création
d’un environnement sécurisant et émotionnellement favorable aux
apprentissages
à
depuis environ un demi-siècle, la théorie de l’autodétermination
(self-determination theory, Deci, 1975; Deci et Ryan, 1985) constitue un
domaine particulièrement fertile, non seulement dans le champ de
l’éducation, mais aussi dans celui de la santé ou des organisations. Elle
a été élaborée à partir des années 1970 par le chercheur en psychologie
Edward Deci, rejoint par Richard Ryan. La « grille de lecture »
qu’elle propose permet de mettre des mots sur ce que nombre de
professionnels de l’éducation font déjà spontanément ou de façon
intuitive.
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Ryan, 2009). Cette propension naturelle à l’apprentissage constitue une
ressource sur laquelle les éducateurs devraient pouvoir prendre appui,
mais les contraintes du système scolaire (programmes surchargés,
notes, évaluations, comparaison des élèves entre eux) viennent trop
souvent la contrarier et affectent la motivation et les dispositions des
élèves par rapport aux apprentissages. De nombreux travaux montrent
que lorsqu’une activité est effectuée par choix et non par obligation,
elle est associée à un niveau de bien-être plus élevé, à un meilleur
engagement et à de meilleures performances.
58 59
Le besoin d’autonomie
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celui-ci se sent libre de choisir et d’organiser lui-même ses actions.
L’autonomie renvoie au fait qu’une personne dispose d’une latitude
décisionnelle suffisante pour se percevoir comme l’agent qui décide
de réaliser une action donnée, elle ne doit pas être confondue avec
une totale liberté dénuée de cadre, avec l’indépendance ou avec
l’individualisme.
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parfois rendu en français par relation avec autrui ou affiliation sociale
— implique de développer avec autrui des relations satisfaisantes et
sécurisantes, caractérisées par le respect mutuel et par une alliance
positive (Baumeister et Leary, 1995 ; Deci et Ryan, 2002).
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se sent apte à exécuter une tâche et atteint les résultats escomptés besoins psychologiques fondamentaux.
(Deci et Ryan, 2000 ; 2002), mais aussi lorsque la réalisation de la
tâche s’accompagne d’un retour (feedback) constructif (Vallerand et
Reid, 1984 ; Deci, Vallerand, Pelletier et Ryan, 1991). Ce feedback peut
d’ailleurs être positif ou négatif selon que le résultat de l’activité a
été atteint ou non : un feedback négatif n’a pas nécessairement pour
effet de diminuer la motivation de celui qui le reçoit : tout dépend
du contexte — contrôlant ou non — dans lequel il est donné. Il est
« le véhicule par excellence de la sensation de compétence de l’élève »
(Fenouillet, 2001). Le sentiment de compétence est indissociable de
celui d’autonomie (Ryan, Mims et Koestner, 1983).
Conclusion
60 61
Malgré d’importantes avancées au cours des dernières
décennies, le champ des recherches sur les émotions est encore
loin d’être circonscrit !
et des disciplines, nous espérons avoir donné un aperçu des
différentes facettes de cet objet complexe que l’on nomme « émotion ».
Si les émotions sont universelles — tous les humains
et nombres d’animaux en ressentent —, leurs manifestations
varient considérablement selon le contexte historique, social et culturel.
62 63
De ces différents points de vue, on retiendra notamment pour Références bibliographiques
notre propos que les émotions sont constitutives du lien social
Astolfi, J. P. (2012). L’erreur, un outil pour enseigner. Paris : ESF
ainsi que le souligne le sociologue Norbert Elias (1969) « aucune Sciences Humaines.
société ne peut exister sans une canalisation des pulsions et émotions
Bar-On, R. (2004). The Bar-On Emotional Quotient Inventory (EQ-i):
individuelles, sans une régulation précise des comportements de Rationale, description and summary of psychometric properties. In G. Geher
chacun ». Pour les parents et les éducateurs, il convient dès lors de (Éd.) Measuring emotional intelligence: Common ground and controversy
s’interroger sur la manière dont sont transmis aux enfants, aux élèves, (p. 115-145). Hauppauge, New York : Nova Science Publishers.
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croyances et réalisation effective des enseignants, ressenti des effets par les
élèves. Doctorat de l’université Claude Bernard — Lyon.
Finalement, toutes ces recherches sur les émotions ne sauraient
Baumeister, R. F., & Leary, M. R. (1995). The need to belong: Desire for
se suffire à elles-mêmes ni constituer une fin en soi : elles prennent
interpersonal attachments as a fundamental human motivation. Psychological
tout leur sens dès lors qu’elles permettent de mieux comprendre Bulletin, 117(3), 497-529.
l’expérience humaine, de remettre en question certaines de nos idées Becker, E. S., Goetz, T., Morger, V., & Ranellucci, J. (2014). The
préconçues, ou encore lorsqu’elles éclairent nos décisions et guident importance of teachers’ emotions and instructional behavior for their
nos pratiques. Que nous en ayons conscience ou non, que nous le students’ emotions—An experience sampling analysis. Teaching and Teacher
voulions ou non, les émotions font partie de notre vie quotidienne, Education, 43, 15–26.
mais elles sont encore trop souvent ignorées, en particulier en Belzung, C. (2015). Neurobiologie des émotions. Uppr Éditions.
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l’adolescent (p. 659-678) Paris : Presses Universitaires de France.
— enfant ou adulte — est un cheminement dont l’itinéraire n’est pas
tracé d’avance et qu’il nous appartient d’inventer. Nous espérons que Bissonnette, S., Gauthier, C., & Castonguay, M. (2017). L’enseignement
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Paris — Avril 2020
Mise en page et illustrations :
Margot Le Lepvrier