Cours « Santé Mentale »
Pr Ammouri
2020/2021
LES SCHIZOPHRENIES (SCZ)
Objectifs pédagogiques
* Diagnostiquer une schizophrénie
* Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi à tous les stades de la maladie.
I. INTRODUCTION-DEFINITION
la Schizophrénie peut être définie comme : « un ensemble de troubles où dominent la
discordance, l’incohérence verbale, l’ambivalence, l’autisme, les idées délirantes, les
hallucinations mal systématisées et de profondes perturbations affectives dans le sens du
détachement et de l’étrangeté des sentiments, troubles qui ont tendance à évoluer vers un
déficit et une dissociation de la personnalité » (Henri Ey).
La schizophrénie (SCZ) est l’une des pathologies mentales les plus graves
II. DONNEES EPIDEMIOLOGIQUES
- La prévalence de la schizophrénie est de 1% en moyenne
- 90 % des patients traités pour schizophrénie sont âgés de 15 à 55 ans.
- Sex ratio : l’atteinte est identique chez les hommes et les femmes.
III. DESCRIPTION CLINIQUE :
A. Début
1. brutal
a. Accès psychotique aigu dans 10 à 20% des cas.
b. Troubles des conduites, du comportement : d’hétéro ou d’auto agressivité,
d’automutilations atypiques, de fugue ou de voyage pathologique
c. Episode maniaque, dépressif ou mixte incomplet avec symptômes atypiques
2. insidieux
a) Modification de la personnalité et de l’affectivité
b) Affaiblissement physique et psychique : clinophilie, apragmatisme, incurie, baisse du
rendement intellectuel, chute des résultats scolaires, activités bizarres nouvelles…
c) Conduites addictives uniques ou multiples à visée autothérapeutique
d) Trouble des conduites sexuelles, vécu avec détachement sur le plan des affects :
prostitution, transsexualisme…
B. Phase d’état :
La conception classique de la schizophrénie repose sur un trépied clinique essentiel
1. Les signes et symptômes positifs
! Le délire paranoïde : Caractérisé par
" Thèmes
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- Le thème de l’idée délirante correspond au sujet principal sur lequel porte cette idée.
- Les thématiques peuvent varier à l’infini, être uniques ou multiples, s’associer entre elles
de façon plus ou moins logique.
Nom du thème Définition Exemple
« Je sais bien que vous mettez
le thème central consiste pour le
des médicaments dans mon pain
sujet à être attaqué, harcelé,
Persécution pour que je me taise , vous
trompé, espionné, persécuté ou
m’espionnez par mon
victime d’une conspiration.
smartphone et les caméras. »
« Mais je suis votre directeur et
votre roi, »
un sentiment exagéré de son “je peux parler toutes les langues
Grandeur/ mégalomaniaque importance, de son pouvoir, de du monde”
son savoir, de son identité.
“je suis le plus intelligent, je peux
exercer tous les métiers, je vais
inventer les remédes de toutes
les maladies du monde!”
« Je sais que je suis le prophéte
de Dieu, et qu’il m’a confié un
Mystique le thème central est la religion.
rôle spécial sur Terre, je suis
ALMAHDI MOUNTADAR »
le sujet pense que certains « Le présentateur du journal
éléments de l’environnement télévisé s’adresse spécifiquement
De référence posséderaient une signification à moi lorsqu’il annonce qu’un
particulière pour lui, idée dans grave accident d’avion a lieu hier.
laquelle le sujet est lui-même la »
référence.
Tableau 1. Thèmes délirants les plus fréquemment retrouvés dans la schizophrénie.
" Mécanismes
- sont polymorphes, Il existe 4 types de mécanisme à l’origine des idées délirantes :
Type de mécanisme délirant Définition Exemple
« On est entré chez moi, les
Attribution d’un sens erroné à un
Interprétatif objets ont été déplacés et il y a
fait réel.
une marque sur la porte. »
Construction d’une idée
Hallucinatoire « je vous entends quand vous
délirante à partir d’une
plannifez de me tuer, »
hallucination.
Intuitif Idée fausse admise sans vérifi- « Je suis l’envoyé de Dieu, je le
cation ni raisonnement logique sais, c’est ainsi. »
en dehors de toute donnée
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objective ou sensorielle.
« Il faut arrêter les moteurs
diesel et utiliser les moteurs à
Fabulation ou invention où l’ima-
Imaginatif venin de scorpion. J’ai passé
gination est au premier plan et le
plusieurs milliards d’années à
sujet y joue un rôle central.
extraire du venin de scorpion,
c’est le mieux pour les moteurs. »
Tableau 2. Principaux mécanismes délirants retrouvés dans la schizophrénie.
" Systématisation
- Dans la schizophrénie, on retrouve dans la majorité des cas des idées délirantes non
systématisées, floues, sans logique, et incohérentes.
" Adhésion :
- Généralement totale avec absence de critique = la conviction est inébranlable,
inaccessible au raisonnement et aux critiques.
- partielle, le patient est en mesure de critiquer ses propres idées délirantes.
" La durée :
- le délire dans la schizophrénie est chronique, sa durée dépasse les 6 mois .
! Les Hallucinations
- L’hallucination est définie comme une perception sans objet à percevoir.
- Dans la schizophrénie, 75 % des patients présentent des hallucinations, notamment en
phase aiguë.
- Peuvent être psychosensorielles (auditives, visuelles, tactiles, olfactives, gustatives) ou
intra-psychiques.(automatisme mental)
2. Les signes dissociatifs ou de désorganisation :
La désorganisation correspond à la rupture de l’unité psychique, provoquant un
relâchement des processus associatifs qui permettent le fonctionnement mental normal.
! La dissociation psychique (de la pensée),
" des troubles du cours et de la forme de la pensée : flou de la pensée et
incohérence du discours (relâchement des associations idéiques), pensée
discontinue entrainant une altération du débit idéique avec barrages et
parfois fading mental.
" des troubles du langage : mutisme, réponses à côté, paralogismes,
néologismes, parfois schizophasie.
" altération raisonnement et du système logique : rationalisme morbide.
! Dissociation affective
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" athymhormie : indifférence affective ou perte de l’élan vital, du dynamisme
intellectuel et affectif. elle se traduit par un aspect froid détaché avec
indifférence émotionnelle.
" ambivalence des affects, discordance idéo- affective
" réactions émotionnelles brutales inadaptées et/ou disproportionnées.(
sourires discordants et des rires immotivés
! Dissociation comportementale
" un maniérisme gestuel
" des parakinésies : décharges motrices imprévisibles, paramimies (mimiques
qui déforment l’expression du visage)
" Un syndrome catatonique : catalepsie , négativisme ,écholalie, ou échopraxie
3. Les Signes Négatifs ou déficitaires
" émoussement des affects, une impression de froideur, de détachement et
d’indifférence.
" La pauvreté du discours : des difficultés à converser avec des réponses brèves,
évasives et parfois interrompues.
" apragmatisme, aboulie, et retrait social : peuvent entraîner une vie
relationnelle pauvre, sans recherche de contact, ainsi qu’une perte de
l’intérêt social ou retrait social.
IV. LES FORMES CLINIQUES :
1. Type paranoïde.
Classiquement, le type paranoïde de la schizophrénie se caractérise principalement par des
idées délirantes de persécution ou de grandeur, des hallucinations auditives fréquentes, et
par l’absence de comportements spécifiques caractéristiques des types désorganise et
catatonique.
2. Type désorganisé
Le type désorganisé (autrefois appelé hébéphrénique) se caractérise par une régression
marquée vers des comportements primitifs, désinhibés et désorganisés, et par l’absence de
symptômes correspondant aux critères du type catatonique
3. Type catatonique
Les caractéristiques classiques du type catatonique sont des perturbations importantes de la
fonction motrice, qui peuvent comporter stupeur, négativisme, rigidité, excitation ou
adoption de postures.
4. Type indifférencié
Les patients qui sont à l’évidence schizophrènes ne peuvent pas entrer dans l’une ou l’autre
catégorie
5. Type résiduel.
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le type résiduel se caractérise par la présence d’un trouble schizophrénique persistant, en
l’absence de l’ensemble des symptômes actifs ou d’un nombre suffisant de symptômes pour
entrer dans l’un ou l’autre type de schizophrénie.
V. DIAGNOSTIC :
A. Le diagnostic positif : voir critères diagnostiques du DSM-5
B. Diagnostics différentiels +++ :
1. Autres troubles psychotiques
- Le trouble schizophréniforme, se différencie de la schizophrénie par la durée des
symptômes qui est au moins d’un mois, mais inferieure à six mois
- Le trouble psychotique bref, est le diagnostic approprié si les symptômes ont duré au
moins un jour, mais moins d’un mois avec retour complet à l’état de fonctionnement pré
morbide.
- Le trouble schizo-affectif est le diagnostic approprié lorsqu’un syndrome maniaque ou
dépressif se développe de façon concomitante aux symptômes principaux de
schizophrénie
- Les troubles délirants. Doit être porté si des idées délirantes non bizarres ont été
présentes pendant au moins un mois en l’absence d’autres symptômes de schizophrénie
ou de troubles de l’humeur.
2. Troubles psychotiques induits par une substance :
− Intoxication aiguë ou chronique au cannabis.
− Symptômes liés à l’intoxication d’amphétaminiques et autres (anticholinergiques, LSD,
kéta- mine, phencyclidine...).
3. Troubles psychotiques dus à une affection médicale
− Neurologiques (épilepsies, tumeurs cérébrales, encéphalite herpétique, chorée de
Huntington, neurolupus, encéphalite à anticorps anti NMDA etc.).
− Endocriniennes (dysthyroïdie, altération de l’axe corticotrope, etc.).
− Métaboliques (maladie de Wilson, Niemann-Pick type C, etc.).
− Infectieuses (neurosyphilis, SIDA, etc.).
4. Troubles de la personnalité
Les personnalités schizotypiques, schizoïde et borderline sont les troubles de la personnalité
les plus proches de la schizophrénie
5. Simulation et troubles factices
La simulation ou un trouble factice peut être le diagnostic approprié chez un patient qui
imite les symptômes de schizophrénie mais n’est pas atteint réellement de ce trouble.
VI. EVOLUTION :
A- L’évolution :
- L’évolution classique de la schizophrénie est chronique, faite d’exacerbations et de
rémissions.
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A la différence des sujets atteints de troubles de l’humeur, les patients schizophrènes
-
ne retrouvent pas leur niveau de fonctionnement initial ou chaque rechute est suivie
par une nouvelle détérioration du fonctionnement de base du patient.
- Avec le temps, les symptômes positifs ont tendance à être moins graves, mais les
symptômes d`inadaptation sociale et les symptômes déficitaires augmentent en
gravité.
B- Le pronostic :
Facteurs de bon pronostic Facteurs de mauvais pronostic
1) début tardif 1) début précoce
2) facteur déclenchant évident 2) absence de facteur déclenchant
3) début aigu 3) début insidieux
4) ATCD familiaux de trouble de l’humeur 4) ATCD familiaux de SCZ
5) bonne adaptation pré morbide sur le 5) mauvaise adaptation pré morbide
plan affectivo-socio-professionnel 6) symptôme négatifs prédominants
6) symptômes dépressifs 7) célibataire, divorcé ou veuf
7) symptômes positifs 8) absence de rémission au bout de 3 ans
8) système de soutien de bonne qualité 9) nombreuses rechutes
10) système de soutien de mauvaise
qualité
VII. THEORIES ETIOPATHOGENIQUES : Modèle Bio-Psycho-Social+++
− l’hypothèse dopaminergique, le syndrome positif serait lié à une hyperactivation de la
transmission dopaminergique au niveau mésolimbique et le syndrome négatif serait
associé à une hypoactivation de la transmission dopaminergique au niveau de la voie
mésocorticale.
− L’hypothèse neurodéveloppementale, propose que la schizophrénie soit la conséquence
tardive de processus développementaux qui débutent des années avant le début de la
maladie.
− le modèle stress/vulnérabilité propose que chaque personne possède un degré de
vulnérabilité qui lui est propre, dépendant notamment de facteurs génétiques.
VIII. TRAITEMENT:
A. Hospitalisation :
− épisode aigu avec troubles graves du comportement,
− risque autoagressif, risque suicidaire ou de mise en danger,
− risque hétéro agressif
B. Le traitement pharmacologique : essentiellement les antipsychotiques +++
1. Durée du traitement
Après un épisode unique, il est recommandé de poursuivre le traitement au moins 2 ans
après avoir obtenu la rémission totale des symptômes psychotiques.
Après un second épisode ou une rechute, le traitement doit être poursuivi au moins 5 ans.
A partir du 3 episode , le traitement est chronique. A vie.
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2. Prise en charge au long cours
Au terme de l’épisode aigu, l’objectif principal est de consolider l’alliance thérapeutique et
d’assurer une transition vers la phase d’entretien avec une posologie qui permet un contrôle
optimal des symptômes et un risque minimal d’effets secondaires.
Les patients et les familles doivent être informés des effets secondaires potentiels du traite-
ment antipsychotique et conseillés sur la façon dont ils peuvent être évités ou atténués, par
des programmes d’éducation thérapeutique.
3. Surveillance et tolérance
Les recommandations préconisent un suivi régulier de l’efficacité et de la tolérance du
traitement anti- psychotique.
Les effets secondaires peuvent favoriser L’inobservance du traitement, cause de rechute ou
de récidive.
Une complication rare mais potentiellement mortelle des antipsychotiques doit
impérativement être connue : le syndrome malin des neuroleptiques
4. Traitement pharmacologique des comorbidités thymiques : le diagnostic d’un
trouble dépressif associé nécessite une prise en charge spécifique
C. Les traitements non pharmacologiques
1. place de l’électro-convulsivo-thérapie
− Elle peut être utilisée dans les schizophrénies catatoniques, lorsqu’il existe des épisodes
thymiques, ou dans les formes avec syndrome positif résistant.
− D’autres traitements physiques peuvent également être utilisés dans des situations
particulières (ex. : la stimulation magnétique transcrânienne).
2. Psychothérapie cognitivo-comportementale : en dehors de la phase aigue
La schizophrénie entraîne le plus souvent une altération importante des capacités de
communication et des compétences sociales. L’objectif de cette forme de thérapie de est de
développer ces capacités par des exercices portant sur des situations de la vie quotidienne.
Les thérapies cognitivo-comportementales visent également à modifier les erreurs de
raisonnement et surtout les conséquences émotionnelles et comportementales qui en
résultent, afin de permettre au patient de faire face de manière plus rationnelle à ses
symptômes.
3. Éducation thérapeutique
L’éducation thérapeutique vise à transmettre au patient, et éventuellement à sa famille, un
certain niveau de compréhension et de maîtrise de ses troubles
Ces programmes d’éducation thérapeutique permettent de réduire le risque de rechutes.
4. Remédiation cognitive
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Rééduquer ou « remédier » le fonctionnement cognitif, qu’il s’agisse de compétences
neuropsychologiques non spécifiques (attention, mémoire, fonction exécutive,
métacognition) ou de cognition sociale (reconnaissance des émotions, capacités
d’attribution d’intention à autrui).
5. Réadaptation psychosociale
une stratégie globale d’aide à l’accès au travail ou à des activités favorisant le maintien d’un
lien social