Abbé Prévost, Manon Lescaut (1731)
Texte 8 : La mort de Manon
Objet d’étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle
INTRODUCTION
Contextualisation : Je vais vous présenter un extrait de Manon Lescaut. Il s'agit du passage où Manon meurt qui se situe à la
fin du roman.
Auteur : L'auteur de ce roman, l'abbé Prévost, est un romancier, journaliste et homme d'Église français. Il est né en 1697 et
est mort en 1763. Il a mené une vie aventureuse et rocambolesque et meurt criblé de dettes.
Roman : L’histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut est le septième tome des Mémoires et aventures d’un
homme de qualité. Dès sa parution en 1731, il connaît un grand succès et la censure. Dans ce Roman, le personnage de D.G.
à l'amour irrésistible de Manon, est peu à peu entraîné vers la déchéance.
Situer l'extrait : La scène rapportée est un récit mené par D.G. quelques années après la mort de Manon. Les jeunes gens
sont en Louisiane où Manon a été déportée avec un convoi de filles de joie. Cet extrait se passe dans le désert où ils ont dû
fuir pour échapper à un duel.
Lecture de l'extrait
Problématique : Nous allons nous demander comment la narration sublime-t-elle la fin du personnage de Manon.
Annonce du plan :
• Dans un premier temps, nous examinerons la rédemption de Manon
• Puis nous analyserons la mort douce de Manon
DEVELOPPEMENT
Nous commençons donc par examiner la rédemption de Manon
• Dès le début, l’amour est sublimé car Manon est décrite comme courageuse « Nous marchâmes aussi longtemps
que le courage de Manon put la soutenir ».
• Des plus, grâce aux précisions temporelles et spaciales « longtemps », « environ deux lieues », on mesure les
efforts des deux personnages et de Manon qui correspond au stéréotype de la jeune fille fragile à protéger.
• A ces marques temporelles réalistes succèdent le pathétique mis en place par des notes élogieuses et affectueuses
pour Manon, « courage », une périphrase « cette amante incomparable » Manon est formidable.
• Manon refuse d’abandonner malgré son épuisement, « refusa constamment de s’arrêter plus tôt ». Bravoure et
héroïsme idéalisent et subliment l’amour des personnages.
• La mise en scène pathétique rend leur amour parfait, l’accent est mis sur la tendresse débordante et le souci de
l’autre « Son premier soin fut de changer le linge de ma blessure, qu’elle avait pansée elle-même avant notre
départ. » .
• D.G. se déshabille pour réchauffer Manon et lui assurer un minimum de confort : « Je me dépouillai de tous mes
habits, pour lui faire trouver la terre moins dure en les étendant sous elle ».
• Le tragique s’intensifie car D.G. prie « à prier le Ciel de lui accorder un sommeil doux et paisible. Ô Dieu! Que
mes vœux étaient vifs et sincères! Et par quel rigoureux jugement aviez-vous résolu de ne les pas exaucer! ». La vie
des héros est soumise à la fatalité d’une force supérieure.
• D.G. Peine à raconter « si j’achève en peu de mots un récit qui me tue », ce qui crée un effet d'attente sur le lecteur.
• Deux périphrases se suivent chacune dans une proposition relative pour désigner le triste récit qui se prépare, « un
récit qui me tue » et « un malheur qui n’eut jamais d’exemple » : ces périphrases cherchent à atténuer la mort.
Ce qui nous amène à la deuxième partie : la mort douce de Manon
• La mort est associée au sommeil ainsi que le suggère « je croyais ma chère maîtresse endormie »
• D.G. désigne Manon par une périphrase qui l’idéalise encore une fois « ma chère maîtresse ».
• La tendresse entre les deux amants se traduit par le contact physique des mains, « en touchant ses mains », « saisir
les miennes »
• Il y a également des verbes qui suggèrent le contact « touchant », « approchai », « sentit », « échauffer »,
« saisir ».
• Les paroles de Manon sont rapportées au discours indirect « elle me dit », elle dit doucement « sa dernière heure »
ce qui est aussi une périphrase pour dire la mort.
• Du « je » à « elle », progressivement le « nous » s’efface du discours narrativisé, la mort approche pour séparer
les amants.
• La mort de Manon désignée par la périphrase « la fin de ses malheurs » qui atténue l'événement
• Les négations, « N’exigez point … ni que je vous rapporte » font apparaître la souffrance de D.G. si forte qu’elle le
réduisent au silence.
• Le registre est tragique : « fatal et déplorable événement ». La mort de Manon n’est pas décrite si ce n’est de
manière concise par l’euphémisme « je la perdis ».
CONCLUSION
• rappel du plan : Pour conclure, dans cet extrait, le lecteur assiste à la rédemption de Manon et à sa mort tranquille
• Réponse à la problématique :
➔ Cette mort, pleine des tendresses et de l'amour de D.G. clôt le roman de l’abbé Prévost de manière pathétique,
l'amour des deux personnages est sublimé par la mort.
➔ La mort de Manon est effective, D.G. Est effondré et souhaite la rejoindre dans la mort. L’histoire se termine
donc dans un récit pudique qui fait du chevalier un amant maudit.
• Ouverture : Pour finir, on peut évoquer des personnages semblables en certains points à nos deux amoureux :
Roméo et Juliette, qui eux aussi se sont dirigés vers une fatalité inévitable et une fin tragique.