0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
134 vues26 pages

Cours 8 Litt Contemporaine 1

Cours

Transféré par

Amani
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
134 vues26 pages

Cours 8 Litt Contemporaine 1

Cours

Transféré par

Amani
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 26

Cours /TD Semestre II Dre.

SOUAMES Amira

Littérature Française Contemporaine


« La littérature contemporaine se rétrécit : elle recule devant la grande métaphore de l'avenir,

cette alliance incroyable entre la poésie et les mathématiques ». George Steiner

Les textes littéraires appartiennent à tout le monde ; or, tout le monde n'est pas aujourd'hui en mesure de percevoir les

significations, les enjeux, les attraits des faits culturels. Cela exige une information de base, et une maîtrise suffisante de la

perspective historique."
Lectures obligatoires
Marie-Madeleine

Pascal Quignard, Le nom sur le bout de la langue, Éd. : FRAGONARD

GALLIMARD, 1995.

Ph. Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, seuil, 1975.

Laurent Jenny, « L'autofiction » [archive], sur Unige, 2003

Serge Doubrovsky , Fils, éd. Galilée, 1977.

Autofictions & autres mythomanies littéraires, éditions Tristram,

2004

Annie ERNAUX, Une Femme, ed. Folio, 2011, p. 106 Première

Publication : 1987.

Objectif :
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Dans la première partie du programme (1er semestre), nous avons insisté sur la
crise du langage liée à un contexte sociohistorique ébranlé par de nombreuses guerres
(1914-1918, guerre d’Espagne, 1940, guerres coloniales) mais qui, jusque-là, n’ont
trouvé échos dans la littérature que d’une façon détournée (dadaïsme, surréalisme).

Cette deuxième partie du programme vise donc à faire connaître les grands
courants esthétiques, du point de vue thématique et formel, dans les littératures
contemporaines. Identification de quelques grands courants littéraires du XXIe siècle,
tant du point de vue des thèmes ou des idées que du point de vue des formes ou des
modes d'expression : le néolyrisme, l'Oulipo, le réalisme magique, la nouvelle
'autobiographie l’autofiction, le postmodernisme, etc.). Les analyses de cas et les
lectures seront en fonction des corpus étudiés.

Préambule :

La littérature du XXe siècle a été profondément marquée par les crises


historiques, politiques, morales et artistiques. Le courant littéraire qui a caractérisé ce
siècle est le surréalisme, qui est surtout un renouveau de la poésie (André Breton,
Robert Desnos...), mais aussi l'existentialisme (Albert Camus, Jean-Paul Sartre), qui
représente également une nouvelle philosophie (L'existentialisme est un humanisme
de Jean-Paul Sartre). La source première chez les artistes de ce siècle est en rapport
avec les conflits politiques de l'époque. La guerre est ainsi présente aussi bien dans la
poésieque dans les romans. En France, le Nouveau Roman ne concerne que peu
d'écrivains. Après cela, plus aucun mouvement au sens strict ne réussit à émerger.

On a remarqué que beaucoup de femmes écrivains notamment Simone de


Beauvoir, Colette, Françoise Sagan ont révolutionné l’image de la femme et
permettre le féminisme. Elles dénoncent les conventions, et l’intolérance, la violence.
Elles ont abouti à libérer les femmes françaises. Que celles-ci conservent
précieusement attentivement et avec force ce pouvoir de la Liberté qu’elles nous ont
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

fait prendre. Qu’elles ne régressent pas. Qu’elles continuent de s’affirmer libres,


respectées, reconnues.

A partir des années 60, d’autres crises apparaissent un peu partout dans le monde
(mouvements de décolonisation, révolte étudiante et ouvrière 1968, guerres du
Vietnam, crise du Chili, d’Argentine, de Tchécoslovaquie, d’Afghanistan, disparition
de l’URSS) qui suscitent des mouvements de masses et des idéaux généreux.
Néanmoins, ils se rendent compte de leurs illusions et se retrouvent dans un état
d’incertitude idéologique.

Le public partagé entre une littérature d’avant-garde qui est influencée par la
littérature étrangère, de nouvelles publications des classiques littéraires du Moyen-âge
aux années 50 et une paralittérature abondante et diverse, devient de plus en plus
nombreux et change ses habitudes de lecture en fonction d’une attirance souvent
inconsciente de la culture américaine ou anglo-saxonne. D’ailleurs, les textes ne sont
pas forcément lus mais écoutés ou vus en films puisque la propagation des courants
musicaux et audiovisuels envahit les médias en masse.

C’est ainsi que beaucoup d’auteurs contemporains commencent à s’interroger sur


la fonction, l’utilité et le sens même de la littérature à travers des écrits (La Quinzaine
littéraire, le Magazine littéraire) et des émissions radiophoniques (Le Masque et la
plume) ou télévisées (Apostrophe, Bouillon de culture, Vol de nuit…etc.)

Voyons d’abord comment ce questionnement de la littérature et ces mutations


apparaissent au début du XXI ème siècle essentiellement chez les nouveaux
romanciers, choix fait pour des raisons purement méthodologiques qui ne visent pas
l’exhaustivité mais la représentabilité de toute une génération.

Ce choix de textes qui ne cherche pas l’exhaustivité mais donne à lire un très
grand nombre d’auteurs ayant écrit depuis les années quatre-vingt-dix s’ouvre sur une
préface optimiste.

Histoire littéraire et littérature contemporaine :


Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Pourquoi et comment parler de la littérature française moderne et


contemporaine ?

En ce début du XXIe siècle, ce sont les deux questions qu’on a posées. Comme le
pourquoi est plus difficile à traiter, on a tenté de répondre d’abord au comment.

Deux traditions des études littéraires ont alterné depuis le XIXe siècle en France, La
tradition théorique considère la littérature comme même, valeur éternelle et
universelle ; la tradition historique envisage l’œuvre comme autre, dans la distance de
son temps et de son lieu. On parle de synchronie (voir les œuvres du passé comme si
elles nous étaient contemporaines) et de diachronie (voir, ou tenter de voir, les œuvres
comme le public auquel elles étaient destinées). Une opposition voisine est celle de la
rhétorique ou de la poétique, et de l’histoire littéraire ou de la philologie : celles-là
s’intéressent à la littérature dans sa généralité, afin d’en tirer des règles ou même des
lois ; celles-ci s’attachent aux œuvres dans ce qu’elles ont d’unique et de
circonstanciel, et les expliquent par leur contexte.

La question du pourquoi est plus ardue. Quelle valeur peut avoir la littérature
dans la société et la culture contemporaines ? Quelle utilité ? Doit-elle être maintenue
à l’école et dans le monde ? Une réflexion sur l’usage et sur le pouvoir de la littérature
est urgente à mener : « Ma confiance dans l’avenir de la littérature, avançait Italo
Calvino1 dans ses Leçons américaines.

Aide-mémoire pour le prochain millénaire, rédigées peu avant sa mort en 1985,


repose sur le savoir qu’il y a des choses que seule la littérature peut nous donner, par

1 Italo Calvino, immense écrivain italien, est décédé en 1985. Ce n’est pas de chance, notamment pour la littérature
et pour les universitaires d’Harvard, puisque c’est justement en 1985-1986 qu’il devait tenir un cycle de
conférences sur la littérature. Il avait choisi six thèmes, six valeurs essentielles pour le lecteur et l’auteur qu’il était.
Légèreté, rapidité, exactitude, visibilité, multiplicité et consistance, voilà les valeurs qu’il voulait transmettre au
prochain millénaire. Malheureusement, le temps lui manquera pour rédiger le texte de sa sixième et dernière
conférence.

Lorsqu’il écrit les Leçons américaines, Italo Calvino est à la tête d’une œuvre conséquente et multiforme : romans,
essais, contes, autoportrait, expériences littéraires (il était membre de l’Oulipo). On peut remercier cet auteur
prévoyant et méthodique d’avoir non pas pris des notes brouillonnes et peu claires, mais rédigé bien proprement
ses travaux et les avoir organisés, ce qui nous vaut le plaisir de les lire dans une version quasi-achevée.
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

des moyens qui lui sont propres. » Puis-je reprendre à mon compte ce credo
aujourd’hui ? Ou bien la littérature est-elle remplaçable ?

On a rappelé quelques grands usages historiques de la littérature — instruire et plaire,


réunifier l’expérience du monde, réparer l’inadéquation du langage —, avant de
réfléchir à l’actualité de son rôle humaniste d’initiation morale. D’autres
représentations la concurrencent dans cette mission. Il n’est toutefois pas besoin de la
réclamer pour la littérature seule. Les biographies nous font elles aussi vivre la vie des
autres ; les films contribuent comme les romans à notre formation au récit de vie. La
littérature reste cependant plus forte pour jouer sur l’imagination, les émotions, les
croyances et l’action, en particulier dans la solitude prolongée de la lecture.

Vers une définition historique du contemporain :

Les réflexions consacrées au « contemporain » sont nombreuses depuis le début des


années 2000, notamment dans le domaine de l’art, de la philosophie et de la
littérature.

Il semble, pourtant, que ce terme se refuse à toute définition stable et univoque. En


études littéraires, par exemple, « [l]a plupart des essais français et québécois d’histoire
de la littérature contemporains s’élaborent [...] en affirmant leur propre impossibilité,
dans un mouvement qui tient de la prétérition » (André et Barraband, 2015, p. 9)2.

Qu’entend-on alors, au juste, par « contemporain » ? Les chercheurs évoqués plus


haut parlent-ils d’un même contemporain ? Si l’on considère le domaine de la
littérature, force est d’admettre que la production actuelle est marquée par le
foisonnement et l’éclectisme, ce qui peut inciter au relativisme. Pour Rabaté, il faut
pourtant assumer le « risque du contemporain » (p. 13) qui implique de choisir des
oeuvres sans savoir si elles seront marquantes et sans pouvoir s’appuyer sur la
reconnaissance de l’institution littéraire. Cette démarche prospective peut s’avérer

2Marie-Odile André et Mathilde Barraband (dir.) Fiction/Non fiction XXI DU "CONTEMPORAIN" À


L'UNIVERSITÉ
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

délicate pour les enseignants, particulièrement au Québec où « [d]es balises très larges
sont fournies pour la sélection des auteurs et des titres » (Dezutter et al., 2012, p.
112). Dans les faits, il leur incombe d’» inventer leur corpus » (André et Barraband,
2015, p. 9). Or, cette tâche n’est effectivement pas dépourvue de risques : « comment
travailler sans le recul du temps, surdes œuvres inachevées et dont on ignore la
postérité ? Comment [...] échapper aux affinités électives et aux effets de modes ? »
(ibid.) les termes « contemporain » et « présent » sont de quasi-synonymes (comme
en témoigne la récurrence de termes tels que « actuel », « maintenant », « aujourd’hui
»). Les raisons invoquées par les participants à l’enquête peuvent, à cet égard, être
interprétées comme l’effet d’un « présentisme et [d’un] regard centré sur notre
contemporain comme contemporain » (Ruffel, 2010, n. p). Toutefois, comme le
souligne Gervais (2009), « au-delà de l’assertion préliminaire que le contemporain,
c’est le présent, sa véritable portée est soumise à de multiples torsions et
interprétations » (n. p.). Il apparaît donc nécessaire de cerner plus précisément ce que
désigne le « contemporain » pour les futurs enseignants que nous avons interrogés et,
plus particulièrement, dans quel horizon temporel ils l’inscrivent.

Le travail sur la littérature contemporaine comme ensemble d’œuvres spécifiques


ne consiste pas simplement à étudier un texte récemment paru. Si l’on veut en effet
dessiner le profil de la « contemporanéité littéraire », il convient d’en circonscrire les
traits majeurs et donc de conférer un sens restreint au terme « contemporain ».

Dans la vaste production éditoriale quantitativement de plus en plus forte au fil des
années, voisinent en effet des livres de facture bien différente, dont certains n’ont
aucun trait particulièrement distinctif et se satisfont de perpétuer des pratiques
romanesques instituées de longue date. Ces ouvrages ne sont pas discriminants pour
cerner la singularité d’une époque : ils ont quelque chose d’atemporel dans leur
esthétique même, souvent très académique et traditionnelle.

Dès lors le chercheur se heurte aux difficultés de définition, de circonscription, et


de périodisation du corpus. L’expérience montre qu’une définition de la littérature
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

contemporaine ne saurait être abstraite ni conceptuelle. En effet, au-delà de la labilité


du terme « contemporain », valable pour toute période, ce qui nuit singulièrement à
son efficacité, on notera la difficulté des entreprises de conceptualisation déjà
conduites. Trois ouvrages critiques sont récemment parus sous l’intitulé Qu’est-ce que
le contemporain ? : une brève étude de Giorgio Agamben en 2008, un ouvrage
collectifdirigé par Lionel Ruffel en 2010 et un numéro spécial de la revue belge
Pylône en 2011 10. Or aucun ne paraît véritablement éclairant :

Giorgio Agamben affirme l’inactualité fondamentale du poète, et son propos


n’interroge de fait aucune œuvre véritablement contemporaine. Lionel Ruffel, dans
l’introduction qui présente les diverses contributions du sien, constate l’impossibilité
de s’en tenir à une définition et déporte la question vers l’interrogation de la «
fabrique notionnelle ». Quant à la revue Pylône, elle met en œuvre un chaos
d’approches étoilées et disparates, mêlant des fragments de créations en cours
(l’œuvre contemporaine par l’illustration en quelque sorte), des refus de définition et
autres dérobades.

Les tentatives de définitions « théoriques » font ainsi la preuve de leur impuissance.


C’était aussi le cas, au seuil de la période, lorsque Michel Chaillou a avancé la notion
d’« extrême contemporain ».

Loin de construire une définition argumentée, son texte prend la forme d’une
litanie de métaphores, plus ou moins superposables, certaines très obscures, voire
élégantes mais gratuites, d’autres, plutôt recevables et certaines, très pertinentes. Ce
recours aux métaphores

manifeste une impasse de la théorie, sinon même le congé qui lui est donné au cours
de ces années 1980 qui rompent, on le sait bien, avec les « théories de la littérature ».

La définition de la littérature contemporaine ne peut donc procéder d’un terme, «


le contemporain », et des acceptions que l’on en peut produire, mais d’une analyse des
inflexions et des insistances propres à la période considérée. C’est dire que la seule
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

approche possible est pragmatique. Elle est le fruit d’une observation des phénomènes
qui distingue les esthétiques et les enjeux nouveaux de ceux qui prévalaient
auparavant. Aussi s’agirat‑il d’une définition historique et non théorique. C’est là que
l’étude du contemporain rencontre des questions d’histoire littéraire.

Si elle est historique, cette définition doit porter sur les œuvres et sur ce qu’on y lit —
en les confrontant à ce que les œuvres de la période antérieure proposaient.

Qu’est-ce que la littérature contemporaine ?

Peut-on sérieusement imaginer donner une réponse à cette question, vaste,


complexe et particulièrement inextricable.

Tenter de répondre à cette question, c’est à la fois le pari de ces quelques heures de
cours et l’annonce immédiate de son échec. En effet, la littérature contemporaine,
comme l’art contemporain, ne saurait se réduire à une définition, une forme, une
problématique. Elle est au contraire traversée par des courants, des lignes directrices,
des errements, des singularités et des lignes de fuites.

La période contemporaine est marquée par une grande dispersion, il faut donc
affronter la pluralité. Les périodes précédentes connaissaient bien sûr une grande
pluralité mais elles étaient marquées par des lignes théoriques, des courants, des
écoles, des avant-gardes, toutes choses qui ont aujourd’hui disparu.

On pourrait à grands traits tenter une histoire de la littérature moderne et


contemporaine

On distingue trois périodes à propos du roman :

— Un premier 20ème siècle exprimant le monde et la condition humaine (assumant


souvent une fonction réaliste) : on irait de Proust, Céline à Sartre, Camus, c’est-à-dire
d’une expérimentation de la pensée dans la littérature à l’expression de l’engagement
ou de la révolte, voire une littérature qui embrasserait la totalité des éléments du réel.
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

— Un second 20ème siècle serait celui des utopies avant-gardistes dans lesquelles on
retrouverait le surréalisme, le nouveau roman, Tel Quel ou le théâtre de l’absurde, et
quelques autres.

— Enfin, un changement de paradigme s’opère depuis trente ans, depuis les années
80. On constate un épuisement des théories et des avant-gardes dans la littérature, une
plus grande dispersion des formes et des expérimentations.

Mais cet éclatement ne doit pas signifier une absence de description ou de tentative de
distinction. Ce que nous apprend d’abord la littérature contemporaine, c’est de ne plus
poser et penser la littérature au travers un système d’opposition classique
roman/poésie, lyrique/formel, lisible/illisible.

L’enjeu dans une présentation de quelques écritures et écrivains contemporains sera


tout de même de mettre en valeur une écriture qui affronte un état de la langue, une
écriture qui soit à l’écoute du monde et qui fasse l’expérience du monde. Mais de
nouvelles expériences impliquent de nouvelles formes, d’autres manières de dire le
monde (mouvements, images, espaces…), de déplacer le regard, le champ
d’investissement, et les modes d’écriture.

Dans un geste panoramique, Dominique Viart distingue trois lignes directrices pour
envisager la littérature contemporaine :

— Une littérature consentante : elle est du côté de l’imagination romanesque, elle


pioche dans un réservoir fictionnel et globalement demeure dans la répétition du
connu.

— Une littérature concertante. C’est une littérature qui serait dans les clichés du
moment, dans le bruit culturel contemporain entre scandale calibré et formules
répondant au bain du spectacle ambiant. La préoccupation n’est pas ici l’écriture, mais
plutôt le coup ou le bruit de fond médiatique.
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

— Une littérature déconcertante : c’est une littérature qui déplace l’attente, qui
échappe au préconçu, au prêt-à-penser culturel. Elle s’extrait du simple régime de la
consommation (la consommation des signes du spectacle et du spectaculaire). L’enjeu
de ces écritures, déranger les consciences d’être au monde, tenter de dire ou signifier
le réel, la violence du monde, ou de l’intimité sans céder sur les questions d’écriture :
de nouvelles significations impliquent de nouvelles formes, de nouvelles syntaxes.

La littérature contemporaine vient inventer de nouvelles adéquations du langage au


monde (proposer de nouvelles articulations entre signification des mots et visibilité
des choses) alors même la littérature vit dans l’effondrement de toute destination
finale. A partir du 19ème siècle se mettent en place les conditions de son autonomie.
Avec la modernité, la littérature ne compte plus que sur elle-même et avec elle-même.
Désormais, le rapport qu’elle entretient avec la société est un rapport de tension.

Si la littérature des années 80 s’éloigne des esthétiques des années 50-70, il demeure
une littérature inquiète qui fonde ses conditions de possibilité sur la conscience d’une
incertitude et la nécessité d’un dialogue critique.

Dès lors l’écriture déconcertante est une conscience d’une nécessité et d’une
impossibilité. Cette expression empruntée à Peter Bürger (La prose de la modernité,
Klincksieck, 1994) s’articule également à la pensée de Philippe Forest pour penser la
littérature (en générale), la contemporaine (en particulier).

Dans un récent essai, Le Roman, le réel, Philippe Forest propose une lecture moderne
et aporétique du roman.

Comment nommer la littérature contemporaine ?

L'étude de la littérature contemporaine française a désormais plus de trente ans


d‘expérience, depuis le premier colloque, sur «l'extrême contemporain», organisé en
1986 par l'Association pour la défense et l'illustration de la littérature contemporaine
(ADILC) et les articles parus en revues l'année suivante sous la plume de Jean-Pierre
Richard, rassemblés dès 1990 dans son ouvrage L'État des choses.
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Nombre de travaux ont été publiés depuis, qui analysent des œuvres singulières,
le trajet d'un écrivain, discernent des tendances, des formes esthétiques, des
problématiques transversales.

Toutes ces études ont permis d'établir peu à peu un ensemble de caractéristiques
esthétiques, de pratiques et d'enjeux littéraires discriminants, et de dessiner ainsi les
contours généraux de la «littérature contemporaine» dans notre pays, par opposition
d'une part à une littérature plus traditionnelle, d'autre part aux œuvres des dernières
avant-gardes, plus formalistes et plus strictement expérimentales.

Il est possible d'énumérer ces caractéristiques autour desquelles un relatif consensus


critique s'est finalement établi : il s'agit d'une littérature redevenue transitive, qui fait
retour aux questions du sujet, de l'Histoire, du réel, ou plutôt qui s'intéresse au sujet,
au réel, à l'histoire, au monde social comme questions, en tant qu'ils font question, et
qui propose pour cela des formes littéraires nouvelles, que nous avons, les uns et les
autres, décrites et analysées.

Il est établi aussi que cette littérature porte un regard critique, non seulement sur le
monde dont elle parle, et plus généralement sur ses objets, quels qu'ils soient, mais
aussi sur les formes autrefois sollicitées pour traiter de ces mêmes questions, et sur
celles qu'elle-même met en œuvre aujourd'hui. Elle hérite en cela de l'attention
développée par la littérature moderne sur son propre fonctionnement —et manifeste
une certaine conscience réflexive de sa position dans l'histoire littéraire.

En rompant avec l'esthétique de la table rase, la littérature contemporaine s'est reliée


avec le passé, dont elle a revisité les formes, comme celle des Vies, arrachées à
l'ancienne hagiographie ou aux biographies positivistes, pour constituer le modèle très
contemporain des «Fictions biographiques», dans lesquelles «l'auteur contemporain
[…] met explicitement en scène la relation problématique qu'il entretient avec son
double biographié».
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Nombre d'écrivains écrivent avec la littérature du passé. Cette intertextualité


nombreuse, qui prend des formes très diverses —citations, discussions, inspirations,
interrogations…— a été démontrée lors de plusieurs colloques, notamment celui sur
la relation de la littérature présente à l'Antiquité, tenu à l'École Pratique des Hautes
Études qui tarde à paraître chez Droz, et un autre plus récent organisé l'hiver dernier
avec les deux universités de Naples. La formule citée plus haut par laquelle Vincent
Descombes constatait la coexistence d'esthétiques et de formes diverses dans notre
temps se poursuit du reste par le constat que notre temps est justement celui qui met
ces esthétiques diverses en relation: «le contemporain est plutôt une relation entre tous
les ingrédients de l'actualité. Une première question à se poser sur la réalité
contemporaine est celle de savoir comment se font tous ces mélanges et si les formes
composites qu'ils produisent sont intelligibles dans le cadre des catégories
intellectuelles héritées de notre tradition».

Car cette relation au passé n'est pas un retour au passé, ni néo-traditionnalisme ni néo-
classicisme, loin de là. François Hartog a raison de le souligner. Du reste, la littérature
contemporaine dialogue tout autant avec la littérature moderne —et même avec les
Avant gardes. Nombreux sont les écrivains qui citent Flaubert, Proust, Faulkner,
Kafka, Céline, Beckett, Sarraute, Simon… parmi leurs modèles, ou parmi les
intercesseurs de leurs propres œuvres. Les rencontres de Chaminadour, organisées par
Hugues Bachelot et Pierre Michon, ont pris ces dernières années une allure qui le
montre bien, en associantpar exemple Maylis de Kérangal et Claude Simon, Mathias
Enard et Blaise Cendrars, Mathieu Riboulet et Jean Genet, ou encore Pierre Michon
lui-même et Antonin Artaud. Pour nombre d'écrivains, le travail exploratoire auquel la
modernité et les Avant-gardes se sont livrées offre ainsi une sorte de «boîte à outils»
technique, un répertoire de formes possibles, dans laquelle ils puisent allègrement,
non pour en jouer, mais pour trouver de nouvelles manières de se relier aux thèmes et
enjeux qui sont les leurs.
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Temporelle, la relation est aussi spatiale. Sans doute n'est-ce pas une nouveauté: les
littératures des périodes antérieures ont déjà largement pris en considération ce qui se
publiait au-delà de nos frontières nationales ou linguistiques. Mais le phénomène de la
mondialisation accentue considérablement la portée de ces échanges, que favorisent
en outre les politiques de traduction de plus en plus soutenues. Les écrivains français
et francophones sont largement nourris de littératures étrangères.

À tout cela s'ajoute la puissante relation que la littérature présente instaure avec les
autres disciplines de la pensée. Sa manière de revisiter l'Histoire, nourrie des
méthodes de la micro-storia et partageant le «goût des archives», a développé la forme
des romans et récits archéologiques qu'à leur tour les historiens adoptent parfois eux-
mêmes. Les échanges entre sociologie et littérature sont de plus en plus fréquents,
d'Annie Ernaux à Jean Echenoz, de Pierre Bergounioux à Édouard Louis ou Marie-
Hélène Lafon, qui empruntent des concepts à cette discipline, d'autres, plus nombreux
encore qui se penchent sur les objets qui sont les siens, s'interrogent sur des
communautés particulières, mettent en œuvre des dispositifs qui s'inspirent de leurs
méthodes et de leurs pratiques. Pascal Quignard et Gérard Macé dialoguent avec
l'ethnologie, Michon, Rouaud, Nadaud avec l'anthropologie, Mathieu Larnaudie avec
l'économie, Arno Bertina, Sony Labou Tansi, In Koli Jean Bofane avec le politique…
etc. Ce type de dialogue produit aussi un effet formel: de plus en plus les textes
entremêlent discours et récit, document et fiction, essai et forme lyrique, multipliant à
l'intérieur même du texte les relations entre les genres du discours et les savoirs.Ma
vie rouge Kubrick, de Simon Roy, va dans ce sens.

Il n'est guère possible de développer ici toutes les formes que prennent ces relations,
mais un constat, donc, s'impose : la littérature contemporaine est une littérature en
relation, largement ouverte autour d'elle à d'autres champs, d'autres disciplines,
d'autres périodes, d'autres esthétiques, d'autres littératures, d'autres arts, et mêmeà
d'autres discours sociaux, soit qu'elle s'en empare, soit qu'en joue, comme
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Emmanuelle Pireyre et Jean-Charles Masséra, soit qu'elle les mette à l'épreuve de sa


critique.

Les figures tutélaires3 :

D’abord les figures littéraires comme Beckett, ou les écrivains dont l’œuvre a
connu une forme d’apogée vers 1975. Parmi eux, Viart distingue Barthes,
Doubrovsky et Perec. D’abord parce qu’ils ont donné à la biographie,
l’autobiographie ou l’autofiction (mot inventé par Doubrovsky) une place ou un rôle
déterminants. On trouvera aussi un extrait de Dora Bruder, récit clé de Modiano,
parce que ce livre appartient à la mémoire collective.

Le rapport à l’Histoire :

Mémoire collective ou rapport avec l’Histoire qui seront très importants dans la
deuxième « période » envisagée par Viart, celle des grands inventeurs. De Jean
Echenoz pour qui le plaisir de la découverte est le moteur de l’écriture, à Annie
Ernaux, Pierre Bergounioux ou Jean Rouaud qui écrivent entre littérature et
sociologie, en passant par Pierre Michon ou Pascal Quignard dont les œuvres
semblent s’inscrire dans une tradition classique qu’ils ne cessent de subvertir, on
trouvera tous les noms qui ont fait ces années vivantes. Tous ont dû se débrouiller
avec l’héritage formel des années soixante, en préserver la meilleure part, et parler de
l’Histoire, de l’homme dans le monde4.

Innovations et libres variations :

3 Se dit d'une divinité, d'un rôle protecteurs.

On dit aussi Un esprit tutélaire (en latin spiritus tutelaris) ou divinité tutélaire est une entité héritée ou acquise
présidant à la destinée d'un individu, d'une collectivité, d'une époque, d'un lieu ou d'une ville, et cela de façon
bénéfique.

Il convient de différencier les expressions « esprit auxiliaire » (terme le plus général), « esprit tutélaire », « esprit
gardien », « esprit familier », « génie », « anges gardiens », « double », etc. qui font référence à des systèmes
culturels différents.

4 Une étude ultérieure sera présentée dans les prochains cours.


Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Culture et littérature en question (1960-1985) :

Le foisonnement extraordinaire de la littérature laisse apparaître des clivages :

Diffusion des auteurs classiques dans les filières presque exclusivement scolaires et
universitaires;

Avant-gardes ambitieuses lues par un public restreint d'intellectuels;

masse de la production littéraire pour classes moyennes produite selon les canons
du XIXe siècle (réalisme);

Paralittérature abondante, diverse et inégale, très fréquentée par les jeunes.

Entre les deux premières catégories qui se veulent Littérature et les deux dernières
réellement consommées par le grand public, les liens sont presque nuls.

Place de la littérature :

Les grandes idéologies laissent un vide, la poursuite d'idéaux généreux est souvent
suivie de rudes désillusions.

Le public change, une classe d'adolescents adopte la culture anglo-saxonne, surtout


musicale. L'enseignement des lettres et des sciences humaines a perdu une part de son
prestige, celui des arts reste proche de zéro. Dans le monde, la langue française recule
tandis que l'anglais, déformé, s'étend.

Le marché du livre constitue l'enjeu d'intérêts importants et les médias accentuent la


transformation du livre en objet de consommation.

Subsistance des innovations d'après-guerre


Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

R. Queneau (OULIPO)5 se consacre à la recherche poétique avec G. Pérec. Autres


poètes : Guillevic, Cayrol, Norge.

Les romanciers ont toujours la cote : Lanoux, Sabatier, B. Clavel, H. Troyat, R.


Merle, M. Tournier, R. Gary, M. Yourcenar. La littérature de masse vit de
l'exploitation systématique de procédés éculés (Delly, G. des Cars, S.A.S.,
Harlequin,...)

Éléments d'évolution :

Quelques auteurs utilisent les canaux populaires pour offrir :

La chanson à texte : Brel, Barbara, Ferré

Les jeux de langage : B. Lapointe, R. Devos, F. Dard (San Antonio)

Des BD engagées : Brétecher, Comès,...

La littérature s'ouvre aux problèmes du temps: C. Etcherelli, C. Rochefort, S. de


Beauvoir, M. Duras, R. Barthes, G. Perrault.

Les sciences humaines fournissent quelques maîtres à penser (Lacan, Lévi-Strauss,


Foucault, Baudrillard.) tandis que la recherche se développe grâce aux apports du
structuralisme, de la psychanalyse, de la sociologie, de la linguistique, de la
sémiologie (R. Barthes, J. Kristeva, Revue Tel Quel)6. Structuralisme : à l'origine,
terme de linguistique, puis méthode d'analyse attachée à l'étude des structures
formelles d'un système et à la recherche de réseaux et de lois de fonctionnement qui le
régissent. Claude Lévi-Strauss en est le représentant le plus connu.

Panorama de la vie littéraire au XXI ème siècle :

5 Une étude ultérieure sera présentée dans les prochains cours.

6Tel Quel est une revue de littérature française d'avant-garde, fondée en 1960 à Paris aux Éditions du Seuil par
plusieurs jeunes auteurs réunis autour de Jean-Edern Hallier et Philippe Sollers. La revue avait pour objectif de
refléter la réévaluation par l'avant-garde des classiques de l'histoire de la littérature. En dépit de son orientation
littéraire, les positions de la revue sont très caractéristiques des mouvements d'idées des années 1960 et 1970.
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Le phénomène de mondialisation peut permettre un mélange des cultures


aboutissant à de nouveaux courants littéraires, certains trouveront peut-être leurs
lettres de noblesse, comme la science-fiction. L'influence des nouvelles technologies
est en train de mener à un rapprochement entre la littérature, les autres formes d'art et
les technologies de l'information, dans de nouvelles directions. Il y a un accroissement
des possibilités d'expression et d'édition, comme on le voit avec la cyberédition7 et
les blogs.

La littérature française, en ce début XXI ème siècle, revient à des formes plus
traditionnelles, contrastant avec le foisonnement et l'innovation formelles du XXI ème
siècle. Même s'il est aujourd'hui mal-aisé de dégager ce que l'on pourrait appeler des
courants littéraires, nous pouvons tout de même repérer des tendances. Nous ne
prétendons pas à l'exhaustivité.

Le réalisme magique se distingue en ce début de XXI ème siècle, porté par des
auteurs tels que Marie N'Diaye, Véronique Ovaldé ou Sylvie Germain.

La notion de minimalisme ou de roman ludique : "Au cours des années 1980, le


terme de minimalisme est apparu puis s’est rapidement répandu pour désigner des
auteurs ayant en partage un héritage (le Nouveau Roman)." Toute une génération
d'écrivains regroupés aujourd'hui autour des Éditions de Minuit dont Jean
Echenoz,Jean-Philippe Toussaint, Laurent Mauvignier ou Eric Chevillard. Même si
l'idée de minimalisme fait encore débat, la notion de minimalisme se caractérise,
selon Marc Dambre, par un "jeu citationnel", un "réenchantement sans illusion du
monde", la "recherche d’un nouvel ordre narratif", la présence accrue du ludique, une
mise à distance de l’incongru et une manière de prendre le mot au mot. Des
caractéristiques, communes, qui ont poussé Olivier Bessard-Banquy à proposer la
dénomination de Roman ludique pour regrouper ces auteurs, l'occasion de séparer

7 La cyberédition, ou édition en ligne, désigne une forme d'édition apparue parallèlement à la popularisation de
l'Internet, à la fin des années 1990, en progression constante depuis. Le cyberéditeur diffère de l'éditeur
traditionnel en ce qu'il propose ses publications essentiellement en ligne, sous la forme de fichiers numériques,
généralement appelés livres électroniques (ebooks).
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

minimalisme et littérature ludique : "Le goût du jeu est en effet chez eux bien plus
marqué que la tentation du peu. […] C’est pourquoi l’étiquette du minimalisme — si
tant est qu’elle ait un sens — doit être réservée à des ouvrages de peu, revendiquant à
l’évidence une indigence absolue"

L'hypothèse du minimalisme positif : notion créée par Rémi Bertrand, dans son
essai "Philippe Delerm et le minimalisme positif", désigne une “littérature articulée
sur le bonheur au quotidien". Une vision de l’écriture et de la vie apparaît, dès lors, de
façon cohérente. Il s’agit de “préciser les conditions de possibilité d’une écriture du
quotidien”, de débarrasser “le quotidien et le bonheur des oripeaux de l’espérance”
tout en fondant spontanément une éthique holistique du banal; et ce, dans “une forme
brève”. Sous cette bannière du minimalisme positif Bertrand rassemble plusieurs
auteurs : Philippe Delerm, Bobin, Jean-Pierre Ostende, Pierre Michon, Visage, tous «
chantres des plaisirs simples ». Il faut tout de même noter que cette notion de
minimalisme positif est contestée par une partie de la profession notamment Pierre
Jourde : "réunir les auteurs du même type que Delerm en une sorte d’école, bref ériger
cela en phénomène littéraire revient à encourager le développement actuel de la
littérature de confort."

La littérature de ce début de siècle est également hantée par le « je », première


personne du singulier. Les auteurs tendent ainsi à donner plus de force, de vie à leurs
histoires, leurs personnages. Le genre du « roman de gare » se développe également,
notamment en France et aux États-Unis ; la littérature africaine traite, quant à elle, des
sujets tels la place de la femme, la tyrannie, le regard sur l’autre (l'Occident). En ce
début de XXI ème siècle, le concept

d'« avant-gardes » a considérablement évolué.

Il y a également une émergence des nouvelles technologies numériques dans les


pratiques artistiques et littéraires et apparition de nouveaux types d'écriture
transversales mêlant poésie, philosophie, théâtre et proses diverses.
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Si les évolutions à l'œuvre dans la société inspirent les écrivains du début du siècle,
ces derniers restent hantés par les expériences dramatiques du XXI ème siècle ,
comme le montrent par exemple le succès des Bienveillantes de Jonathan Littell et les
romans de Bret Easton Ellis.

Engagement / désengagement :

Les crises économiques, politiques et sociales de la France contemporaine –


exclusion, immigration, chômage, racisme, etc. – et l’idée de certains que la montée
de l’hégémonie américaine et de l’Europe, et la mondialisation, ont fait perdre à la
France son sens de l’identité et son prestige international, a donné lieu à ce que
certains critiques, comme Nancy Huston, ont considéré comme une nouvelle forme de
nihilisme détaché, qui n’est pas sans rappeler celui des années 1950 et 1960 chez un
Beckett ou un Cioran. Le plus connu de ces auteurs est Michel Houellebecq, dont les
Particules élémentaires (1998) ont constitué un phénomène international majeur. Ces
tendances ont également été la cible d’attaques. Dans un de ses essais, Nancy Huston
a critiqué Houellebecq pour son nihilisme et s’est livrée à une censure acerbe de ses
romans, dans sa propre œuvre, Professeurs de désespoir (2004).

Bien que le contexte social et politique contemporain transparaisse au travers


des ouvrages récents, la littérature française écrite des dernières décennies s'est dans
l’ensemble désengagée de la discussion politique explicite (contrairement aux auteurs
des années 1930 à 1940 ou de la génération de 1968) pour mettre l’accent sur l’intime
et l’anecdotique. Elle a tendu à ne plus se considérer comme moyen de critique ou de
transformation du monde, à quelques exceptions notables (comme Michel
Houellebecq ou Maurice G. Dantec).

D’autres auteurs contemporains (comme Christine Angot) ont renouvelé


consciemment le roman avec le processus d’« autofiction », inventé par Serge
Doubrovsky en 19778.

8 Notion qui sera étudiée ultérieurement.


Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Cette sorte de nouvelle autobiographie romancée n’est pas sans rappeler l’écriture des
romantiques au XXI ème siècle. Quelques autres auteurs peuvent être perçus comme
appartenant vaguement à ce groupe : Alice Ferney, Annie Ernaux, Olivia Rosenthal,
Anne Wiazemsky et Vassilis Alexakis. Dans la même veine, La Vie sexuelle de
Catherine M. de Catherine Millet (2002) a fait couler beaucoup d’encre dans la presse
pour son exploration décomplexée des expériences sexuelles de son auteure.

Nombre des œuvres en français les plus saluées au cours des dernières décennies
sont dues à la plume d’écrivains originaires des anciennes colonies françaises ou des
territoires d'outre-mer. Cette littérature francophone comprend les romans de
l'Ivoirien Ahmadou Kourouma, du Marocain Tahar ben Jelloun, du Martiniquais
Patrick Chamoiseau, du Libanais Amin Maalouf, du Tunisien Mehdi Belhaj Kacem et
de l'Algérienne Assia Djebar (Académie française). Au nombre des auteurs
contemporains, on relève également : Laurent Binet, Jonathan Littell, David
Foenkinos, Jean-Michel Espitallier, Christophe Tarkos, Olivier Cadiot, Chloé
Delaume, Patrick Bouvet, Charles Pennequin, Nathalie Quintane, Frédéric-Yves
Jeannet, Nina Bouraoui, Arno Bertina, Édouard Levé, Christophe Fiat et Tristan
Garcia.

Le prix Nobel de littérature a été attribué aux écrivains français suivants : Gao
Xingjian en 2001, Jean-Marie Gustave Le Clézio en 2008 et Patrick Modiano en
2014.

La littérature narrative et son développement au tournant du

XXIème siècle :

Pourquoi pensons-nous qu’il existe un déclin de la littérature et du roman

contemporain ?
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Il faut dans un premier temps insister sur la vitalité de la littérature et du roman

contemporain. Cette affirmation s’oppose à l’idée très répandue de déclin de la

création sur laquelle il faut revenir. En 2007, ce thème faisait la une de Time

magazine qui titrait « Mort de la culture française » et insistait sur l’absence

d’écrivains contemporains et d’œuvres littéraires récentes. La même année,

Todorov écrivait un essai : La littérature en péril. On retrouve à chaque fois les

mêmes attaques. Il y fait le procès de la littérature romanesque et de son enseignement

dans le système scolaire. Il affirme qu’il n’y a plus de littérature humaniste mais que

celle-ci est placée sous le signe du narcissisme et d’un formalisme extrême, guidé par

un nihilisme ambiant et l’absence de « mise ensemble ». Il reproche notamment à

l’enseignement français d’avoir déserté la réflexion au profit de la boîte à outils. Ce

type de discours est récurrent. Il est nécessaire de connaître les raisons de cette pensée

et de cette parole très souvent relayée.

D’où vient ce désenchantement ?

Trois raisons (si ce ne sont des causes) pour expliquer ce basculement dans un pays

où le livre a eu un rôle déterminant.

1- A partir des années 80, on assiste à une anxiété collective, très « fin de siècle ». Il

est vrai que les années 80 marquent la fin d’un certain monde pour la littérature, avec

la mort d’Aragon, de Foucault, de Sartre, de Barthes, de Genêt…Avec leur disparition

c’est la fin de penser le rôle de la littérature dans le monde ainsi que le rôle de

l’intellectuel dans la transmission de la langue et de la littérature. La figure de


Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

l’écrivain-phare, celui qui prend position, disparaît et on entre dans une autre

dynamique culturelle.

- Du textocentrisme à l’iconocentrisme :

La primauté du texte dans les différentes formes de transmission de la culture est

remise en question. Les récits ne sont-ils pas en train de migrer vers d’autres formes

de support que l’écrit ? N’assiste-t-on pas à une nouvelle césure dans la transmission

culturelle, dans les objets de l’imaginaire collectif ?

3- Un changement de statut culturel de la littérature en France.

Les années 80 marquent la fin d’une certaine exception française. Il existe depuis la

Renaissance une surdétermination de la littérature et des auteurs dans l’histoire de

France. Cela a correspondu avec une période de collusion entre un monarque lettré,

François 1er, et des auteurs, notamment ceux de la Pléiade qui se sont souciés de

diffuser et d’imposer le français comme la langue du roi. En d’autres termes, ils ont

permis à une langue qui n’est ni le latin ni un dialecte de s’établir. La langue française

est devenue la langue du droit (Ordonnance de Villers-Cotterêts, premier texte

législatif en français, rendant obligatoire entre autres choses la tenue de registres des

baptêmes) Ainsi, la littérature a été propulsée au centre de la vie culturelle française.

Ce mouvement s’est prolongé au XVIIème siècle avec Richelieu et la création de

l’Académie française, puis sous Louis XIV. A cette période apparaissent les premiers

ouvrages de linguistes, des dictionnaires (la première édition du dictionnaire de

l’Académie est publiée en 1694).


Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Au XVIIIème siècle, le mouvement des Salons permet la diffusion des idées, des

valeurs des philosophes des Lumières. De là nait un mouvement de contre-pouvoir

initié par Montesquieu et qui influencera la Révolution française. On retrouvera

d’ailleurs Saint Just, Condorcet dans cette double activité politique et littéraire.

Le XIXème siècle conforte la surexposition de certains écrivains qui profitent de ce

droit d’intervention dans la cité. C’est notamment le cas de Victor Hugo et de

Lamartine. Avec le Romantisme se développe une sorte de figure messianique de

l’écrivain : le Poète est là pour guider le peuple.

La fin du XIXème siècle voit la mise en place de l’engagement des écrivains : Zola et

l’affaire Dreyfus.

Cela continue jusque dans les années 1980 et la mort de Sartre avec deux figures qui

s’inscrivent dans l’imaginaire collectif :

La tribune de Zola en faveur de Dreyfus (1894).

La photographie de Sartre, en 1972, en train d’haranguer les ouvriers grévistes de

Renault à Boulogne-Billancourt.

Dans les années 1980, d’autres disciplines connaissent un essor. Cela va relativiser le

rôle culturel et social de la littérature. N’oublions pas que l’enseignement à la fin du

XIXème siècle a été adossé à des corpus qui étaient littéraires (les dictées, les

récitations). Ceci a concouru à la mise en place de corpus classiques.


Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Par ailleurs, il faut ajouter que le développement des médias contemporains a

également accentué ce mouvement. Désormais, les écrivains ne sont plus les autorités

sollicitées pour commenter un évènement : la télévision va par exemple solliciter plus

facilement un sportif, un artiste pour commenter tel ou tel événement. Et tout cela

donne l’impression qu’ils n’interviennent plus. Ce n’est pas un phénomène récent

puisque, déjà en 1983 à la Une du « Monde », Max Gallo était le premier à lancer ce

type de message.

Le problème de l’histoire littéraire en temps réel :

Pourtant, il n’y a jamais eu autant de romans publiés chaque année. Et c’est cela qui

donne une impression d’indistinction, de manque de visibilité. Le choix semble

tellement vaste qu’il en devient arbitraire.

Là encore, nous sommes face à un phénomène qui n’est pas récent puisqu’en 1840

déjà, Sainte-Beuve pestait contre le nombre de romans publiés. Toutefois, la société

de consommation a développé ce phénomène et rendu difficile de distinguer la

littérature de création d’une part et la littérature qui est une branche annexe de

l’industrie des loisirs, d’autre part.

Cela pose la question de la liste descriptive et de la bibliographie. Comment compose-

t-on une histoire littéraire en temps réel ?


Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

Il y a deux risques : la hiérarchisation et l’indifférenciation. Avec les 100 romans et

récits de langue française (1974-2014) (consulter la liste sur le site) qui sont proposés,

la question des critères se pose. "Qu’est ce qui justifie ce choix et qui peut donner

envie de découvrir cette littérature ? Qu’est-ce qu’on doit transmettre au groupe ?"

Trois critères pertinents se dégagent.

1. Le premier est le travail de formalisation du réel. La littérature donne à

comprendre le monde, des réalités de société. Comment ces romans interrogent-ils le

monde ? Ils nous permettent de passer de l’actualité au présent et de prendre de la

distance par rapport à ce temps que nous vivons et de découvrir les angles morts du

présent.

2. Le deuxième est le critère de la littéralité, la transposition dans l’imaginaire. Ici

c’est la technique narrative qui est en jeu dans ce qu’elle exerce de puissance

déconcertante sur notre imaginaire. Des mondes virtuels sont créés par la seule

puissance de l’écriture. Ainsi, les auteurs proposent-ils un nouveau regard par le seul

pouvoir d’évocation des mots.

3. Le troisième est le rapport à la langue. L’écriture littéraire est le lieu où la langue

s’entretient, se rétablit. On va trouver dans cette catégorie des stylistes qui seront

capables de conférer à la langue sa toute puissance. La littérature est à la fois le

conservatoire et le laboratoire de la langue ordinaire. Elle développe la souplesse, la

vivacité d’une langue. Dans ce cadre, on peut dire qu’il y a des droits de conservation
Cours /TD Semestre II Dre. SOUAMES Amira

et d’extermination de la langue. Les écrivains sont généralement dans l’un ou l’autre

des cas.

Vous aimerez peut-être aussi