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LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2

STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE

L’étude de l’écriture du texte de théâtre sera la perspective privilégiée ce semestre pour l’approche
stylistique. Le cours de l'UE10 est le cours du tronc commun obligatoire pour tous les étudiant·e·s,
quel que soit le parcours.

OBJECTIFS
Ce cours a pour objectif
- d’amener les étudiants à être capables de conduire une étude stylistique d’un texte théâtral,
notamment mais non exclusivement en tenant compte au plus près de sa spécificité
générique ;
- de maîtriser les éléments linguistiques nécessaires à cette analyse ;
- de leur permettre ainsi l’approche d’un aspect du style d’un texte de manière plus large.
À l’issue de ce cours, les étudiants devront avoir acquis ces compétences :
- pouvoir définir et mettre en œuvre les notions relatives à l’écriture théâtrale : à l’acte
d’énonciation ainsi qu’à ses marques formelles ;
- approcher le style d’un texte proposé en extrait depuis des entrées spécifiques.

DESCRIPTION DU COURS
Ce cours comporte :
- une approche des textes et auteurs fondateurs pour l’étude de l’écriture théâtrale ;
- une définition de notions clés pour l’analyse stylistique d’un texte théâtral ;
- des exercices d’étude stylistique ponctuelle s’intéressant à des textes théâtraux.

MODALITÉS DE CONTRÔLE DES CONNAISSANCES


Ce cours est associé à deux évaluations :
- à la session 1, un examen terminal anticipé de 2 heures consistant en questions de cours et
d’analyse ponctuelle,
- à la session 2, un examen terminal anticipé de 2 heures consistant en questions de cours et
d’analyse ponctuelle.

PLAN DU COURS
1. LES ILLUSIONS THÉÂTRALES
1.1. DEUX MODES D’IMITATION PROPRES À L’ART LITTÉRAIRE
1.1.1. L’imitation directe ou la représentation des êtres humains en action – mimesis
1.1.2. L’imitation indirecte par le récit de ces actions – diegesis
1.2. DEUX SORTES D’ILLUSION EN JEU
1.2.1. L’illusion référentielle
1.2.2. L’illusion de la spontanéité
2. L’ÉNONCIATION DU GENRE THÉÂTRAL
2.1. DÉFINITIONS
2.1.1. L’énonciation
2.1.2. L’énoncé et la parole
2.1.3. L’énonciateur
2.2. LE DIALOGUE THÉÂTRAL

1
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
2.2.1. Une énonciation de dialogue
2.2.2. Une énonciation de discours
2.2.3. Une énonciation double
EXERCICES
3. LES ENJEUX DE L’ÉCHANGE AU THÉÂTRE
3.1. LA PAROLE-ACTE
3.1.1. Le sens donné par la situation d’énonciation
3.1.2. Les actes de parole
3.2. L’ART DE PERSUADER
3.2.1. Les structures de l’art oratoire
3.2.2. Les moyens de persuasion
3.2.3. Les fondements de la persuasion dans le théâtre classique
EXERCICE
4. LES RÈGLES DE L’ÉCHANGE
4.1. LA PRÉSUPPOSITION
4.1.1. Le présupposé
4.1.2. Les sous-entendus
4.1.3. L’implicite dans la représentation
4.2. LES LOIS CONVERSATIONNELLES
4.2.1. La théorie de Paul Grice
4.2.2. Les lois conversationnelles et le dialogue de théâtre
4.2.3. La face positive et la face négative de l’individu
EXERCICE
5. LES FORMES DE L’ÉCHANGE AU THÉÂTRE
5.1. LES TYPES DE DISCOURS SELON LA SITUATION D’ÉNONCIATION
5.1.1. Le personnage est seul sur scène
EXERCICES
5.1.2. Deux personnages sont présents sur scène
5.1.3. Plus de deux personnages sont présents sur scène
5.2. LES MODES DE L’ÉCHANGE SELON LEUR RYTHME
5.2.1. La stichomythie
EXERCICES
5.2.2. La tirade et le discours
EXERCICE
5.2.3. Les discours alternés
EXERCICE
EXERCICE
6. LES ÉLÉMENTS PARAVERBAUX DU LANGAGE DRAMATIQUE
6.1. LES DIDASCALIES
6.1.1. Leur définition
6.1.2. Les types de didascalies
6.1.3. Les fonctions des didascalies
EXERCICE
6.2. LA PROSODIE
6.2.1. Les intonations, la mélodie et les inflexions
6.2.2. Le rythme
6.2.3. La voix

2
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE

BIBLIOGRAPHIE DU COURS

BENVENISTE É., « De la subjectivité dans le langage », in Problèmes de linguistique générale, Gallimard,


coll. « Tel », Paris, t. II, 1966, p. 258-266. BU de l’UPPA : salle LLSH, 410 BEN
EIGENMANN É., 2003, « Le mode dramatique », Genève: Dpt de français moderne. Consultable à cette
adresse :
https://www.unige.ch/lettres/framo/enseignements/methodes/modedramatique/md014400.html
[consulté en janvier 2023]
GRICE P. H., « Logique et conversation », in Communications n° 30, La Conversation, 1979, p. 57-72. URL :
www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1979_num_30_1_1446 [consulté en janvier 2023]
JAKOBSON R., « Linguistique et poétique », Essais de linguistique générale, Paris, Minuit, (1re éd. 1963),
2003, p. 209-248. BU de l’UPPA : salle LLSH : 410 JAK
KERBRAT-ORECCHIONI C., « Dialogue théâtral vs conversations ordinaires », in Cahiers de praxématique [En
ligne], n° 26, 1996. URL : http://journals.openedition.org/praxematique/2977 [consulté en janvier
2023]
KERBRAT-ORECCHIONI C., « Pour une approche pragmatique du dialogue théâtral », in L’écriture théâtrale,
Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n° 41, 1984. L'écriture théâtrale, p. 46-62. URL :
www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_1984_num_41_1_1297 [consulté en janvier 2023]
LARTHOMAS P., Le Langage dramatique, PUF, coll. « Quadrige manuels », Paris, [1972] 2016. BU de l’UPPA :
salle LLLSH, 809.2 LAR
PAVIS P., Dictionnaire du théâtre, Paris, Dunod, (4e éd. ; 1re éd. 1980) 2003. BU de l’UPPA : salle LLSH,
B09.2 PAV
PETITJEAN A., « La conversation au théâtre », in L’écriture théâtrale, Pratiques : linguistique, littérature,
didactique, n° 41, 1984. p. 63-88. URL : www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_1984_num_41_1_1298
[consulté en janvier 2023]
ROULET E., « Modalité et illocution », in Anne-Marie Diller (dir.), Les actes de discours, Communications,
n° 32, 1980, p. 216-239. URL : www.persee.fr/doc/comm_0588-8018_1980_num_32_1_1486 [consulté
en janvier 2023]
RULLIER-THEURET F., Le Texte de théâtre, Hachette supérieur, coll. « Ancrages Lettres », Paris, 2003. BU de
l’UPPA : salle LLSH, 809.2 RUL
RYNGAERT J.-P., Introduction à l’analyse du théâtre, Armand Colin, coll. « Cursus » (3e édition ; 1re édition
Bordas, 1991), 2008. BU de l’UPPA : salle LLSH, 809.2 RYN
UBERSFLED A., Lire le théâtre, Belin, Paris, 1996 (notamment Lire le théâtre III, Le dialogue de théâtre). BU de
l’UPPA : salle LLSH, 809.2 UBE

1. LES ILLUSIONS THÉÂTRALES

1.1. Deux modes d’imitation propres à l’art littéraire

1.1.1. L’imitation directe ou la représentation des êtres humains en action – mimesis

1.1.2. L’imitation indirecte par le récit de ces actions – diegesis

1.2. Deux sortes d’illusion en jeu

1.2.1. L’illusion référentielle

3
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
Il me semble déjà que ces murs, que ces voûtes
Vont prendre la parole et prêts à m’accuser,
Attendent mon époux pour le désabuser.
Racine, Phèdre, 1677, III, 3

J’ai laissé mon armée aux mains de Théagène


Pour voler en ces lieux au secours de ma reine.
Vous en aviez besoin, Madame, et je le vois
Puisque Flaminius obsède encore le roi.
Corneille, Nicomède, 1651, I, 1

1.2.2. L’illusion de la spontanéité

2. L’ÉNONCIATION DU GENRE THÉÂTRAL

2.1. Définitions

2.1.1. L’énonciation

L’énonciation est cette mise en fonctionnement de la langue par un acte individuel d’utilisation. 1

Conçue extensivement, la linguistique de l’énonciation a pour but de décrire les relations qui se
tissent entre l’énoncé et les différents éléments constitutifs du cadre énonciatif, à savoir :
- les protagonistes du discours : émetteur et destinataire[s] ;
- la situation de communication ;
o circonstances spatio-temporelles ;
o conditions générales de la production / réception du message : nature du canal, contexte
socio-historique, contraintes de l’univers de discours, etc... 2

2.1.2. L’énoncé et la parole

L’énoncé est un maillon dans la chaîne de l’échange verbal ; il représente l’instance active du
locuteur dans telle ou telle sphère de l’objet du sens.3

Les frontières de cet énoncé se déterminent par l’alternance des sujets parlants. Les énoncés ne
sont pas indifférents les uns aux autres et ils ne suffisent pas à eux-mêmes ; ils se connaissent les uns les
autres, se reflètent les uns les autres [...]. Un énoncé est rempli des échos et des rappels d’autres énoncés,
auxquels il est relié à l’intérieur d’une sphère commune de l’échange verbal.4

2.1.3. L’énonciateur

2.2. Le dialogue théâtral

1
Émile BENVENISTE, Problèmes de linguistique générale, tome II, Gallimard, Bibliothèque des Sciences Humaines, 1974,
p. 80.
2
Catherine KERBRAT-ORECCHIONI, L’Énonciation. De la subjectivité dans le langage, Armand Colin, coll. « U ».
3
Mikhaël BAKHTINE, Esthétique de la création verbale, 1984 [1979], Paris, Seuil, p. 301.
4
Ibid.

4
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE

2.2.1. Une énonciation de dialogue

2.2.2. Une énonciation de discours

On appelle déictique tout élément linguistique qui dans un énoncé fait référence 1) à la situation
dans laquelle cet énoncé est produit, 2) au moment de l’énoncé (temps et aspect du verbe), 3) au sujet
parlant ; ainsi les démonstratifs, les adverbes de lieu et de temps, les pronoms personnels, les articles sont
des déictiques. Cette définition est particulièrement pertinente pour l’étude du texte dramatique puisqu’il
est surtout fait de dialogues où les déictiques sont nombreux.5

2.2.3. Une énonciation double

Voilà de ces grands Dieux la suprême justice !


Jusques au bord du crime ils conduisent nos pas ;
Ils nous le font commettre, et ne l’excusent pas !
Racine, La Thébaïde, 1664, III, 2

L’ANNONCIER. – Fixons, je vous prie, mes frères, les yeux sur ce point de l’Océan Atlantique qui est à
quelques degrés au-dessous de la Ligne à égale distance de l’Ancien et du Nouveau Continent.
Claudel, Le Soulier de Satin, 1929

On tire un rideau et on voit tous les comédiens qui partagent leur argent.
PRIMADANT. – Que vois-je ? chez les morts compte-t-on l’argent ? […]
ALCANDRE. – Ainsi tous les acteurs d’une troupe comique.
Leur poème récité partagent leur pratique. […]
Corneille, L’Illusion comique, 1635, Acte V, scène 6

AMPHITRYON. – En moi, belle et charmante Alcmène,


Vous voyez un mari, vous voyez un amant :
Mais l’amant seul me touche, à parler franchement ;
Et je sens près de vous que le mari le gêne.
Molière, Amphitryon, 1668, I, 3

EXERCICES

EXERCICE 1
1. Qu’a entendu le spectateur que n’a pas entendu Ottavio ?
2. Que voit le spectateur que ne voit pas Florindo ?
FLORINDO, seul. — Le voici cet adorable balcon auquel s’accoude ma bien-aimée. Si elle y venait
maintenant, il me semble que j’oserais lui dire quelques mots. Je lui dirais par exemple... (Ottavio arrive du
côté opposé au balcon et s’immobilise pour observer Florindo.) Oui, je lui dirais : « Madame, je vous aime
tendrement ; sans vous je ne puis vivre ; vous êtes mon âme, ma vie. Oh, mon cher ange, je vous en
supplie, ayez pitié de moi ! » (Il se retourne et voit Ottavio. À part :) Ciel ! je ne voudrais pas qu’il m’ait vu.
(À Ottavio :) Cher ami, que dites-vous de la belle architecture de ce balcon ?

5
Roman JAKOBSON, Essai de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Double », 1981, p. 178.
5
Jean DUBOIS et alii, Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris, Larousse, 1994.

5
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE

EXERCICE 2
Voici la fin d’une farce du Moyen Âge. Repérez le moment où le personnage s’adresse
directement au public. Quel est le sens de cette adresse ?
1 CALBAIN. — Que je sois envers Dieu infâme,
Si jamais je me fie à femme !
En elle il n’est qu’altercation.
Or, pour toute conclusion,
5 Tel sonne de la trompe au loin
Anonyme, Le Savetier, fin du XVe siècle, trad. A. Tissier

EXERCICE 3
Repérez dans le dialogue suivant les passages où l’un des personnages ne parle plus à l’autre
personnage, mais s’adresse directement au public. Comment cela se traduit-il grammaticalement ?
1 M. MOREL. — Oh ! Dis ! Appuyez !
M. SALADIN. — J’appuie !
M. MOREL. — Appuyez !
M. SALADIN. — J’appuie !
5 M. MOREL. — Il appuie pas. Mais appuyez ! Il appuie pas ! Appuyez !
M. SALADIN. — J’appuie, mais c’est quand j’enlève le doigt...
Jérôme Deschamps, Macha Makeieff, extrait du spectacle Les Pieds dans l’eau, 1992, Actes Sud,
1995

3. LES ENJEUX DE L’ÉCHANGE AU THÉÂTRE

3.1. La parole-acte

C’est, dit Ducrot, que la personne qui a reçu l’ordre se trouve devant une situation tout à fait
nouvelle, devant une alternative – obéir ou désobéir – directement issue de l’énonciation, on pourrait
même dire créée par l’énonciation.6

Laodice – Votre frère, son fils, depuis de retour...


Nicomède – Je le sais, ma princesse, et qu’il vous fait la cour.
Corneille, Nicomède, 1651, I, 1

Mais il me reste un fils. Vous saurez quelque jour,


Madame, pour un fils jusqu’où va notre amour ;
Mais vous ne saurez pas, du moins je le souhaite,
En quel trouble mortel son intérêt nous jette,
Lorsque de tant de biens qui pouvaient nous flatter,
C’est le seul qui nous reste, et qu’on veut nous l’ôter. »
Racine, Andromaque, 1667, III, 4

Vous saurez quelque jour [= puisque vous allez épouser Pyrrhus]


Madame, pour un fils jusqu’où va notre amour ;

6
Oswald DUCROT, « Introduction », in John R. SEARLE, Les Actes de langage, Essai de philosophie du langage, Paris,
Hermann, 1988.

6
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
Mais vous ne saurez pas, du moins je le souhaite [= mon exemple devrait vous instruire]
En quel trouble mortel son intérêt nous jette [...]
Racine, Andromaque, 1667, v. 867-970

3.1.1. Le sens donné par la situation d’énonciation

3.1.2. Les actes de parole

3.2. L’art de persuader

3.2.1. Les structures de l’art oratoire

Tandis que la structure d’ensemble [d’une tragédie] ressortit au genre judiciaire (accusation ou
disculpation devant un public juge), que de nombreuses scènes ressortissent au genre délibératif, certains
passages, dénués de conflits ou de décisions à prendre, appartiennent au genre démonstratif.7

3.2.2. Les moyens de persuasion

3.2.3. Les fondements de la persuasion dans le théâtre classique

EXERCICE

EXERCICE 4
1. Relevez, dans le texte de Ruy Blas de Victor Hugo, les éléments qui vous semblent relever de la
convention.
2. Le dénouement vous paraît-t-il vraisemblable (une autre fin était-elle possible ?), complet ?

1 LA REINE. —
Que voulez-vous ?
RUY BLAS, joignant les mains.
Que vous me pardonniez, madame !
5 LA REINE. —
Jamais.
RUY BLAS
Jamais !
Ilse lève et marche lentement vers la table.
10 Bien sûr ?
LA REINE. —
Non, jamais!
RUY BLAS. —
Il prend la fiole posée sur la table, la porte à ses lèvres et la vide d’un trait.
15 Triste flamme,
Éteins-toi !
LA REINE, se levant et courant à lui.
Que fait-il ?
RUY BLAS. —

7
Georges FORESTIER, Introduction à l’analyse des textes classiques, Nathan Université, coll. « 128 », 1993, p. 48.

7
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
20 Rien. Mes maux sont finis.
Rien. Vous me maudissez, et moi je vous bénis.
Voilà tout.
LA REINE, éperdue.
Don César!
25 RUY BLAS. —
Quand je pense, pauvre ange,
Que vous m’avez aimé !
LA REINE. —
Quel est ce philtre étrange ?
30 Qu’avez-vous fait ? Dis-moi ! Réponds-moi ! parle-moi !
César ! Je te pardonne et t’aime et je te crois !
RUY BLAS. —
Je m’appelle Ruy Blas.
LA REINE, l’entourant de ses bras.
35 Ruy Blas, je vous pardonne!
Mais qu’avez-vous fait là ? Parle, je te l’ordonne !
Ce n’est pas du poison, cette affreuse liqueur ?
Dis ?
RUY BLAS. —
40 Si ! c’est du poison. Mais j’en ai la joie au cœur.
Tenant la reine embrassée et levant les yeux au ciel.
Permettez, ô mon Dieu ! justice souveraine !
Que ce pauvre laquais bénisse cette reine,
Car elle a consolé mon cœur crucifié,
45 Vivant, par son amour, mourant, par sa pitié !
LA REINE. —
Du poison ! Dieu ! c’est moi qui l’ai tué ! Je t’aime !
Si j’avais pardonné ?...
RUY BLAS, défaillant. —
50 J’aurais agi de même.
Sa voix s’éteint. La reine le soutient dans ses bras.
Je ne pouvais plus vivre. Adieu !
Montrant la porte.
Fuyez d’ici !
55 - Tout restera secret. – Je meurs !
Il tombe.
LA REINE, se jetant sur son corps. —
Ruy Blas !
RUY BLAS, qui allait mourir se réveille à son nom prononcé par la reine. —
60 Merci !

4. LES RÈGLES DE L’ÉCHANGE

ROXANE – Songez-vous que je tiens les portes du Palais,


Que je puis vous l’ouvrir ou fermer pour jamais,
Que j’ai sur votre vie un empire suprême,
Que vous ne respirez qu’autant que je vous aime ?

8
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
Racine, Bajazet, 1672, II, 1

4.1. La présupposition

4.1.1. Le présupposé

Nous considérerons comme présupposées toutes les informations qui sans être ouvertement posées
(i.e. sans constituer en principe le véritable objet du message à transmettre) sont cependant
automatiquement entraînées par la formulation de l’énoncé sans lequel elles se trouvent intrinsèquement
inscrites, quelle que soit la spécificité du cadre énonciatif.8

Ariane, ma sœur ! de quel amour blessée,


Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !
Racine, Phèdre, 1677, I, 3

4.1.2. Les sous-entendus

4.1.3. L’implicite dans la représentation

4.2. Les lois conversationnelles

4.2.1. La théorie de Paul Grice

Nos échanges de paroles ne se réduisent pas en temps normal à une suite de remarques décousues,
et ne seraient pas rationnels, si tel était le cas. Ils sont le résultat, jusqu’à un certain point du moins,
d’efforts de coopération.
[…]
Nous pourrions ainsi formuler en première approximation un principe général qu’on s’attendra à
voir respecté par tous les participants : que votre contribution corresponde à ce qui est exigé de vous [...]
par le but ou la direction acceptés de l’échange dans lequel vous êtes engagé. Ce qu’on pourrait appeler
PRINCIPE DE COOPÉRATION (coopérative principale) [...].
Et il distingue
quatre catégories entre lesquelles se répartissent des règles et des sous-règles plus spécifiques [...].
En écho à Kant, j’appellerai ces catégories Quantité, Qualité, Relation et Modalité.
La catégorie de QUANTITÉ concerne la quantité d’information qui doit être fournie et on peut y
rattacher les règles suivantes :
1. Que votre contribution contienne autant d’information qu’il est requis (pour les visées
conjoncturelles de l’échange) ;
2. Que votre contribution ne contienne pas plus d’information qu’il n’est requis.
[...]
À la catégorie de QUALITÉ on peut rattacher la règle primordiale : « Que votre contribution soit
véridique » et deux règles plus spécifiques :
— « N’affirmez pas ce que vous croyez être faux. »
— « N’affirmez pas ce pour quoi vous manquez de preuves. »
À la catégorie RELATION je rattache une seule règle :
« Parlez à propos » (Be relevant) [...]

8
Catherine KERBRAT-ORECCHIONI, L’Implicite, Paris, Armand Colin, 1986, p. 25.

9
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
Enfin, à la catégorie de MODALITÉ, qui ne concerne pas, contrairement aux précédentes, ce qui est
dit, mais plutôt comment on doit dire ce que l’on dit, je rattache la règle essentielle : « soyez clair »
(perspicious) :
— « Évitez de vous exprimer avec obscurité »
— « Évitez d’être ambigu ».9

Il y a, bien sûr, d’autres règles (esthétiques, sociales ou morales), du genre « soyez poli », que les
participants observent normalement dans les échanges palés.10

4.2.2. Les lois conversationnelles et le dialogue de théâtre

Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature,


Sans admirer en vous l’auteur de la nature.
Molière, Tartuffe, 1669, III, 3

Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable,


Un malheureux pécheur, tout plein d’iniquité,
Le plus grand scélérat qui jamais ait été ;
Chaque instant de ma vie est chargé de souillures ;
Elle n’est qu’un amas de crimes et d’ordures ;
[...].
Molière, Tartuffe, 1669, III, 6

LE ROI. – Et maintenant, Hamlet, où est Polonius ?


HAMLET. – À souper.
LE ROI. – À souper ! Où ?
HAMLET. – Non où l’on mange, mais où l’on est mangé. Certain congrès de vers politiques s’en prend
à lui. À ce régime, le vers est empereur. [...]
LE ROI. – Où est Polonius ?
HAMLET. – Au ciel. Envoyez-y voir. Si votre messager ne l’y trouve pas, cherchez-le vous-même dans
l’autre place. Mais, si vous ne l’avez pas trouvé avant la fin du mois, vous le sentirez à plein nez en
montant l’escalier de la galerie.
Shakespeare, Hamlet, 1603, IV, 3

Les richesses font les riches, les riches ne sont pas pauvres ; les pauvres ont de la nécessité ;
nécessité n’a point de loi ; qui n’a point de loi vit en bête brute et, par conséquent, vous serez damné à
tous les diables.
Molière, Dom Juan, 1665, V, 3

DON SALLUSTE, au marquis del Basto. – Souffrez qu’à votre grâce


Je présente, marquis, mon cousin don César,
Comte de Garofa, près de Velecazar.
RUY BLAS, à part. – Ciel !
DON SALLUSTE, bas, à Ruy Blas. – Taisez-vous !

9
Paul H. GRICE, « Logique et conversation », in Communications n° 30, 1980, trad. de l’américain, Logic and Conversation in
Syntax and Semantics, III, Academic Press, 1975, p. 57-72, p. 61.
10
Ibid.

10
LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
LE MARQUIS DEL BASTO, à Ruy Blas. – Monsieur… charmé…
Hugo, Ruy Blas, 1838, I, 5

4.2.3. La face positive et la face négative de l’individu

À la suite de Goffman, Brown et Levinson partent de l’hypothèse que tout individu dans l’interaction
sociale tient avant tout à sauver la face : ils distinguent la “face négative”, qui est le besoin de défendre le
territoire de son moi, et la “face positive”, c’est-à-dire le besoin d’être reconnu et apprécié par autrui. En
principe, il est de l’intérêt de chacun des interlocuteurs de maintenir la face de l’autre afin de ne pas
mettre en danger la sienne propre11.

BÉLINE. – Vous êtes si sotte, qu’on ne saurait plus vous souffrir.


ANGÉLIQUE. – Vous voudriez bien, Madame, m’obliger à vous répondre quelque impertinence ; mais
je vous avertis que vous n’aurez pas cet avantage.
BÉLINE. – Il n’est rien d’égal à votre insolence.
ANGÉLIQUE. – Non, Madame, vous avez beau dire.
Molière, Le Malade imaginaire, 1673, II, 6

EXERCICE

EXERCICE 5
Dans cet extrait de Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute, vous étudierez:
1. les indications de jeux de scène véhiculées par le dialogue
2. les procédés d’enchaînement des répliques
3. le respect des maximes conversationnelles

1 H.2, piteusement : Je te dis : ce n’est rien qu’on puisse dire... rien dont il soit
permis de parler...
H.1 : Allons, vas-y…
H.2 : Eh bien, c’est juste des mots...
5 H.1 : Des mots ? Entre nous ? Ne me dis pas qu’on a eu des mots... ce n’est pas
possible... et je m’en serais souvenu...
H.2 : Non, pas des mots comme ça… d’autres mots... pas ceux dont on dit qu’on les a
«eus»... Des mots qu’on n’a pas «eus», justement... On ne sait pas comment ils vous
viennent...
10 H.1 : Lesquels ? Quels mots ? Tu me fais languir... tu me taquines...
H.2 : Mais non, je ne te taquine pas... Mais si je te les dis...
H.1 : Alors ? Qu’est-ce qui se passera ? Tu me dis que ce n’est rien...
H.2 : Mais justement, ce n’est rien... Et c’est à cause de ce rien...
H.1 : Ah on y arrive... C’est à cause de ce rien que tu t’es éloigné ? Que tu as voulu
15 rompre avec moi ?
H.2, soupire : Oui... C’est à cause de ça... Tu ne comprendras jamais... Personne, du
reste, ne pourra comprendre...
H.1 : Essaie toujours... Je ne suis pas si obtus...
H.2 : Oh si... pour ça, tu l’es. Vous l’êtes tous, du reste.

11
Eddy ROULET, « Modalité et illocution », in Anne-Marie DILLER (dir.), Les Actes de discours, Communications, n° 32, 1980,
p. 216-239.

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STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
20 H. 1 : Alors, chiche... on verra...
H.2 : Eh bien... tu m’as dit il y a quelque temps... tu m’as dit... quand je me suis vanté
de je ne sais plus quoi... de je ne sais plus quel succès... oui... dérisoire... quand je t’en
ai parlé... tu m’as dit : « C’est bien.., ça...»

5. LES FORMES DE L’ÉCHANGE AU THÉÂTRE

5.1. Les types de discours selon la situation d’énonciation

SGANARELLE. — [...] Ah ! dame, interrompez-moi donc si vous voulez : je ne saurais disputer si l’on ne
m’interrompt ; vous vous taisez exprès et me laissez parler par belle malice.
DOM JUAN. — J’attends que ton raisonnement soit fini.
Molière, Dom Juan, 1665, III, 1

5.1.1. Le personnage est seul sur scène

Il perd le sentiment. Amis, le temps nous presse :


Ménageons les moments que ce transport nous laisse.
Sauvons-le. Nos efforts deviendraient impuissants
S’il reprenait ici sa rage avec ses dents
Racine, Andromaque, 1667, scène finale

Non, non, encore un coup : laissons agir Oreste.


Qu’il meure, puisqu’enfin il a dû le prévoir,
Et puisqu’il m’a forcée enfin à le vouloir.
Racine, Andromaque, 1667, V, 1

Quoi ! Pyrrhus, je te rencontre encore ?


Trouverai-je partout un rival que j’abhorre ?
Percé de tant de coups, comment t’es-tu sauvé ?
Racine, Andromaque, 1667, dernière scène

Mais quelle est ma fureur ? et qu’est-ce que je dis ?


Tu vas sacrifier, qui ? malheureux ! Ton fils !
Racine, Mithridate, 1672, IV, 5

Ô toi, qui vois la honte où je suis descendue,


Implacable Vénus, suis-je assez confondue ?
Racine, Phèdre, 1677, III, 2

Il y a des critiques sévères qui condamnent tous les sentiments aparté. En effet ils pèchent contre la
justesse de la vraisemblance. Néanmoins ils sont excusables, pourvu qu’ils soient courts, par la nécessité
qu’on d’en user.
Dictionnaire de Furetière

Voilà, friponne, à quoi l’écriture te sert ;


Et contre mon dessin l’art t’en fut découvert.
L’École des femmes, 1662, III, 4

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STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE

MARCELINE, au comte. - Ne l’ordonnez pas [le mariage], Monseigneur ! Attendez de lui faire grâce, vous
nous devez justice. Il a des engagements avec moi.
LE COMTE, à part. - Voilà ma vengeance arrivée.
Le Mariage de Figaro, 1778, II, 22

DOM CÉSAR (À part). — Il a la prunelle allumée.


LE LAQUAIS. — Suffit, mon prince.
(Il se dirige vers la porte en faisant des zigzags.)
DOM CÉSAR, le regardant. (À part).
— Il est effroyablement ivre.
Ruy Blas, 1838, IV, 3

Ah ! je vois clair dans mon cœur »


Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, 1730, II, 12

Un aparté doit être régulièrement fort court et contenir fort peu de paroles, surtout quand les deux
acteurs se voient et s’entendent au reste de l’entretien.
D’Aubignac, La Pratique du théâtre, éd. Martino, p. 256

Ô ciel ! de mes transports puis-je être ici le maître ?


mais le second anormalement long :
Ciel ! rien de plus cruel peut-il être inventé ?
Et jamais cœur fut-i de la sorte traité ?
Quoi ! d’un juste courroux je suis ému contre elle,
C’est moi qui me viens plaindre, et c’est moi qu’on querelle !
On pousse ma douleur et mes soupçons à bout,
On me laisse tout croire, on fait gloire de tout,
Et cependant mon cœur est encore assez lâche
Pour ne pouvoir briser la chaîne qui l’attache,
Et pour ne pas s’armer d’un généreux mépris
Contre l’ingrat objet dont il est trop épris !
Le Misanthrope, 1666, IV, 3

GÉRONTE. — L’invention est bonne.


SCAPIN. — La meilleure du monde. Vous allez voir. (À part) : Tu me payeras l’imposture.
GÉRONTE. — Eh ?
SCAPIN. — Je dis que vos ennemis seront bien attrapés.
Les Fourberies de Scapin, 1671, III, 2

EXERCICES

EXERCICE 6
1. Ce monologue fait-il avancer l’action ?
2. Quelle modalité (déclarative, interrogative, exclamative, impérative) et quel mode dominent dans
le premier temps du monologue ? Que révèlent-ils du personnage ?

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STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
3. Dans le deuxième temps, relevez les marques négatives. Quelle tonalité donnent-elles à ce
passage ?
Cœlio est amoureux de Marianne, mais il n’a pas osé se déclarer et a demandé l’aide de son ami Octave.
1 CŒLIO — Ah ! que je fusse né dans le temps des tournois et des batailles ! Qu’il
m’eût été permis de porter les couleurs de Marianne et de les teindre de mon sang !
Qu’on m’eût donné un rival à combattre, une armée entière à défier ! Que le
sacrifice de ma vie eût pu lui être utile ! Je sais agir, mais je ne puis lui parler. Ma
5 langue ne sert point mon cœur, et je mourrai sans m’être fait comprendre, comme
un muet dans une prison.
Les Caprices de Marianne, 1833, II, 2

EXERCICE 7
1. Relevez quatre apartés qui ne sont pas indiqués.
2. Pourquoi ces apartés étaient-ils nécessaires ?
3. Quel aparté paraît particulièrement artificiel ? Serait-il plus naturel dans un roman ?
Mademoiselle Eurydice élégamment vêtue vient chercher son châle de dentelle qu’elle a donné à réparer.
Edmond Gombert, le mari de la dentellière, la reçoit dans une chambre mansardée, très pauvrement
meublée.
1 MLLE EURYDICE. — Un pot de fleurs sur la fenêtre. Il faut prendre garde de se cogner
la tête. Un miroir fêlé. C’est là le bonheur. (Se décidant à apercevoir Edmond
Gombert.) Bonjour monsieur. Qui êtes-vous ?
EDMOND GOMBERT. — Je suis chez moi, madame.
5 MLLE EURYDICE. — Je le vois bien. Mais qui êtes-vous ?
EDMOND GOMBERT. — Un ouvrier. Et vous, madame ?
MLLE EURYDICE. — Vous êtes curieux.
EDMOND GOMBERT, à part. — Qu’elle est belle ! C’est l’entrée d’un éblouissement.
Elle est trop belle ! Oh ! le grand monde. Je le hais.
10 MLLE EURYDICE. — Nique, noc, nac, muche. (À Edmond Gombert.) Je viens chercher
mon châle de dentelle. Est-il raccommodé ?
EDMOND GOMBERT. — Ah ! c’est la personne au châle. — Le voici, madame, il est
prêt. — Quelle drôle de chanson elle chante. Mais c’est égal, elle est bien jolie. Je
ne sais pas ce que j’ai.
15 MLLE EURYDICE, à part. — Tiens, il n’est pas mal, ce garçon-là. De grosses mains qui
travaillent, un sarreau de coutil, il est beau tout de même. Il me plaît. Ça me
reposerait de tous mes petits vicomtes qui sont si bêtes. Dans ma jeunesse, ô mon
Dieu — voilà que j’ai tout à l’heure vingt-cinq ans — dans ma jeunesse, j’ai été
paysanne. Je remordrais bien dans le pain bis. (Haut, examinant le châle.) Il est
20 supérieurement réparé, ce châle. C’est très bien fait.

5.1.2. Deux personnages sont présents sur scène

RODRIGUE. — Ô miracle d’amour !


CHIMÈNE. — Comble de misères !
RODRIGUE. — Que de maux et de pleurs nous coûteront nos pères !
CHIMÈNE. — Rodrigue, qui l’eût cru ?
RODRIGUE. — Chimène, qui l’eût dit ?
CHIMÈNE. — Que notre heur fût si proche et sitôt se perdît ?
RODRIGUE. — Et que si près du port, contre toute espérance,

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STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
Un orage si prompt brisât notre espérance ?
CHIMÈNE. — Ah ! mortelles douleurs !
RODRIGUE. — Ah ! regrets superflus ! »
Corneille, Le Cid, 1637, III, 4

Poursuis, Néron, avec de tels ministres.


Par des faits glorieux tu te vas signaler.
Racine, Britannicus, 1669, V, 6

ELMIRE, après avoir encore toussé. — Enfin Je vois qu’il faut se résoudre à céder,
Qu’il faut que je consente à vous tout accorder,
Et qu’à moins de cela je ne dois point prétendre
Qu’on puisse être content, et qu’on veuille se rendre.
Molière, Tartuffe, 1669, IV, 5

NÉRON. — Caché près de ces lieux, je vous verrai, Madame,


Renfermez votre amour dans le fond de votre âme.
Vous n’aurez point pour moi de langages secrets :
J’entendrai des regards que vous croirez muets ;
Et sa perte sera l’infaillible salaire
D’un geste ou d’un soupir échappé pour lui plaire. »
Racine, Britannicus, 1669, II, 3

5.1.3. Plus de deux personnages sont présents sur scène

Un échange communicatif se déroulant au sein d’une triade, c’est-à-dire d’un ensemble de trois personnes
existant en chair et en os (trois « locuteurs », donc, plutôt que trois « énonciateurs », ces locuteurs
pouvant tout de même à l’occasion se présenter comme des instances collectives, mais fonctionnellement
homogènes (le chœur antique par exemple).12

Il est de fait que dans notre culture, nombreux sont les modèles qui se sont édifiés sur un schéma
ternaire : philosophie dialectique (d’Héraclite à Hegel et Marx), sémiotique (et son fameux triangle),
psychanalyse (et ses diverses triades), sans parler de la Sainte Trinité de la théologie chrétienne.13

5.2. Les modes de l’échange selon leur rythme

5.2.1. La stichomythie

LE COMTE. — Ce que je méritais, vous l’avez emporté.


DON DIÈGUE. — Qui l’a gagné sur vous l’avait mieux mérité, [...]
LE COMTE. — Et par là cet honneur n’était dû qu’à mon bras.
DON DIÈGUE. — Qui n’a pu l’obtenir ne le méritait pas.
LE COMTE. — Ne le méritait pas ! moi ?
DON DIÈGUE. — Vous.

12
Le Trilogue. Linguistique et Sémiologie, Catherine KERBRAT-ORECCHIONI et Christian PLANTIN (dir.), Presses Universitaires de
Lyon, 1995, p. 1-3.
13
Ibid.

15
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STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
LE COMTE. — Ton imprudence,
Téméraire vieillard, aura sa récompense. (Il lui donne un soufflet.)
Corneille, Le Cid, 1637, I, 4

CLYTEMNESTRE. — Victorieux, que crois-tu que Priam aurait fait ?


AGAMEMNON. — Je crois qu’il eût marché sur des tissus brodés.
CLYTEMNESTRE. — De quoi donc as-tu peur ? Du blâme des mortels ?
AGAMEMNON. — De la voix de mon peuple : grande en est la puissance.
Eschyle, Agamemnon, 458 av. J.-C.

EXERCICES

EXERCICE 8
1. Repérez les parallélismes de construction, les effets sonores qui rythment cet échange.
2. De quelle façon Figaro met-il fin à ce jeu ?
Figaro et Bazile sont tous deux au service du Comte. Mais depuis longtemps, ils sont ennemis.
1 FIGARO. — Nous, amis !
BASILE. — Quelle erreur !
FIGARO, vite. — Parce qu’il fait de plats airs de chapelle ?
BASILE, vite. — Et lui, des vers comme un journal ?
5 FIGARO, vite. — Un musicien de guinguette !
BASILE, vite. — Un postillon de gazette !
FIGARO, vite. — Cuistre d’oratorio !
BASILE, vite. — Jockey diplomatique !
Le Comte, assis. — Insolents tous les deux !
10 BASILE. — Il me manque en toute occasion.
FIGARO. — C’est bien dit ; si cela se pouvait !
BASILE. — Disant partout que je ne suis qu’un sot.
FIGARO. — Vous me prenez donc pour un écho ?
BASILE. — Tandis qu’il n’est pas un chanteur que mon talent n’ait fait briller.
15 FIGARO. — Brailler.
BASILE. — Il le répète !
FIGARO. — Et pourquoi non, si cela est vrai ? Es-tu un prince, pour qu’on te flagorne ?

Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1778, IV, 10

EXERCICE 9
1. Quel effet produit le rythme de l’échange ?
2. Quelles antithèses et quel parallélisme renforcent l’affrontement ?
3. Par quelles formules se montre la désinvolture méprisante de Médée ?
4. Que suggère Hypsipyle pour blesser Médée ?
Hypsipyle et Médée se disputent le cœur de Jason. Celui-ci, pour conquérir la Toison d’or, a besoin de
Médée et de ses pouvoirs magiques, ses charmes.
1 HYPSIPYLE. — Moi, je n’en sais pas tant ; mai j’avoue entre nous
Que s’il faut qu’il me quitte, il a besoin de vous.
MÉDÉE. — Ce que vous en pensez me donne peu d’alarmes.
HYPSIPYLE. — Je n’ai que des attraits, et vous avez des charmes.

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STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
5 MÉDÉE. — C’est beaucoup en amour que de savoir charmer.
HYPSIPYLE. — Et c’est beaucoup aussi que de se faire aimer.
MÉDÉE. — Si vous en avez l’art, j’ai celui d’y contraindre.
HYPSIPYLE. — À faute d’être aimée, on peut se faire craindre.
MÉDÉE. — Il vous aima jadis ?
10 HYPSIPYLE. — Peut-être il m’aime encor,
Moins que vous toutefois, ou que la toison d’or.
Corneille, La Conquête de la Toison d’or, 1660, III, 4

5.2.2. La tirade et le discours

Qu’est-ce qui nous affecte dans le spectacle de l’homme animé de quelque grande passion ? Sont-ce ses
discours ? Quelquefois. Mais ce qui émeut toujours, ce sont ses cris, des mots inarticulés, des voix
rompues, quelques monosyllables qui s’échappent par intervalles, je ne sais quel murmure dans la gorge,
entre les dents...
Entretiens sur Le Fils naturel, second entretien, éd. Assézat, p. 105-106

EXERCICE

EXERCICE 10
1. Quelle réplique ressemble à une tirade ? Pourquoi ?
2. En quoi la tirade est-elle surprenante ?
3. Sur quel ton est-elle prononcée ?
Le Général s’adresse à son fils Toto que le fils du laitier vient de terrifier en jouant au rodéo.
1 LE GÉNÉRAL. — Il te fait peut, le fils du laitier ?
TOTO. — Oui.
LE GÉNÉRAL. — Et qu’est-ce que tu fais quand tu as peur ?
TOTO. — Je me sauve.
5 LE GÉNÉRAL. — Dans quelle direction ?
TOTO. — Par-derrière.
LE GÉNÉRAl. — Écoute-moi bien, ce n’est pas difficile. La prochaine fois, quand tu
auras peur, au lieu de te sauver par-derrière, sauve-toi par-devant. Devant ou
derrière, qu’est-ce que ça peut bien te faire à toi, pourvu que tu coures ?...
10 Seulement, comme ça, c’est lui qui aura peur. Il n’y a pas d’autre secret. Au
combat, tout le monde a peur. La seule différence est dans la direction qu’on
prend pour courir.
TOTO. — Et s’il n’a pas peur ?
LE GÉNÉRAL. — Si tu cours vite, il aura sûrement peur.
Jean Anouilh, L’Hurluberlu, 1959, I

5.2.3. Les discours alternés

EXERCICE

EXERCICE 11
1. Quel type de parole utilise l’auteur pour traduire le conflit ?
2. Qui pose les questions ?

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STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
3. Qui clôt la rime ?
Expliquez en quoi cela traduit le rapport de force ?
1 CLARIMOND. — Juste Ciel ! et que doit-je espérer désormais ?
DAPHNIS. — Que je ne suis pas fille à vous aimer jamais.
CLARIMOND. — C’est donc perdre mon temps que de plus y prétendre ?
DAPHNIS. — Comme je perds ici le mien à vous entendre.
5 CLARIMOND. — Me quittez-vous si tôt sans me vouloir guérir ?
DAPHNIS. — Clarimond sans Daphnis, peut et vivre et mourir.

MME SMITH. — Tiens, il est neuf heures. Nous avons mangé de la soupe, du poisson ; des pommes de terre
au lard, de la salade anglaise. Les enfants ont bu de l’eau anglaise. Nous avons bien langé, ce soir. C’est
parce que nous habitons dans les environs de Londres et que notre nom est Smith.
Ionesco, La Cantatrice chauve, scène d’exposition, 1950

EXERCICE

EXERCICE 12
Dans cette ouverture des Mains sales (1948) de Jean-Paul Sartre, vous vous demanderez :
1. quels sont les éléments informatifs apportés.
2. comment les informations sont mises en scène et à qui elles sont adressées.
3. si cette mise en scène vous paraît toujours vraisemblable.
4. quels sont les déficits informationnels les plus flagrants.
5. quels sont les deux modes de construction des personnages.

1 Olga, seule, assise devant un poste de TSE, manœuvre les boutons de la radio. Brouillage, puis
une voix assez distincte.
SPEAKER. — Les armées allemandes battent en retraite sur toute la largeur du front. Les armées
soviétiques se sont emparées de Kischnar à quarante kilomètres de la frontière illyrienne.
5 Partout où elles le peuvent les troupes illyriennes refusent le combat ; de nombreux
transfuges sont déjà passés du côté des Alliés. Illyriens, nous savons qu’on vous a contraints de
prendre les armes contre l’U.R.S.S., nous connaissons les sentiments profondément
démocratiques de la population illyrienne et nous...
Olga tourne le bouton, la voix s’arrête. Olga reste immobile, les yeux fixes. Un temps. On
10 frappe. Elle sursaute. On frappe encore. Elle va lentement à la porte. On frappe de nouveau.
OLGA. — Qui est-ce ?
VOIX DE HUGO. — Hugo.
OLGA. — Qui ?
VOIX DE HUGO. — Hugo Barine.
15 Olga a un bref sursaut, puis elle reste immobile devant la porte.
Tu ne reconnais pas ma voix ? Ouvre, voyons ! Ouvre-moi.
Olga va rapidement vers la commode... prend un objet de la main gauche, dans le tiroir,
s’entoure la main gauche d’une serviette, va ouvrir la porte, en se rejetant vivement en arrière,
pour éviter les surprises. Un grand garçon de 23 ans se tient sur le seuil.
20

6. LES ÉLÉMENTS PARAVERBAUX DU LANGAGE DRAMATIQUE

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LICENCE DE LETTRES — SEMESTRE 4 — TRONC COMMUN — UE10 — EC2
STYLISTIQUE DE L’ÉCRITURE DU TEXTE DE THÉÂTRE
6.1. Les didascalies

6.1.1. Leur définition

6.1.2. Les types de didascalies

6.1.3. Les fonctions des didascalies

1 SCÈNE PREMIÈRE. – LUCILE, UN LAQUAIS


LUCILE est assise à une table, et plie une lettre ; un laquais est devant elle, à qui elle
dit.– Qu'on aille dire à Lisette qu'elle vienne. (Le laquais part. Elle se lève.) Damis
serait un étrange homme, si cette lettre ne rompt pas le projet qu'on fait de nous
5 marier.
Lisette entre.
SCÈNE II. – LUCILE, LISETTE
LUCILE. – Ah! te voilà. Lisette, approche ; je viens d'apprendre que Damis est arrivé
hier de Paris, qu'il est actuellement chez son père ; et voici une lettre qu'il faut que tu
10 lui rendes, en vertu de laquelle j'espère que je ne l'épouserai point.
LISETTE. – Quoi ! cette idée-là vous dure encore ? Non, madame, je ne ferai point votre
message ; Damis est l'époux qu'on vous destine [...].
Marivaux, Serments indiscrets, 1732, I, 1

EXERCICE

EXERCICE 13
1. Quelles indications sont destinées uniquement au lecteur et ne peuvent être représentées ?
2. Quelles didascalies ont été retenues par le metteur en scène, le décorateur et le costumier ?
Lesquelles ont été négligées ?
3. Quelle interprétation vous semble la plus proche des intentions de l’auteur ?
1 Intérieur bourgeois anglais, avec des fauteuils. Soirée anglaise, M. Smith, Anglais,
dans son fauteuil anglais et ses pantoufles anglaises, fume sa pipe anglaise et lit un
journal anglais, près d’un feu anglais. Il a des lunettes anglaises, une petite
moustache grise, anglaise. À côté de lui, dans un autre fauteuil anglais, Mme
5 Smith, Anglais, raccommode des chaussettes anglaises. Un long moment de silence
anglais. La pendule anglaise frappe dix-sept coups anglais.
Eugène Ionesco, La Cantatrice chauve, 1950

6.2. La prosodie

6.2.1. Les intonations, la mélodie et les inflexions

SILVIA – Oui, dans le portrait que tu en fais, et on dit qu’il y ressemble, mais c’est un on-dit, et je pourrais
bien n’être pas de ce sentiment-là, moi...
Marivaux, Le Jeu de l’amour et du hasard, 1781, I, 1

6.2.2. Le rythme

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M. JOURDAIN. — Mamamouchi, c’est-à-dire en notre langue Paladin.
MME JOURDAIN. — Baladin ! Êtes-vous en âge de danser des ballets
M. JOURDAIN. — Quelle ignorante ! Je dis Paladin.
Molière, Le Bourgeois gentilhomme, 1670, V, 1

La duchesse s’exclame.
Une place... J’adore cette expression. Cette petite est ravissante.
Elle vient lui répéter sous le nez :
Ravissante.
Anouilh, Léocadia, 1940, I

La division en vers que j’ai adoptée, fondée sur les reprises de la respiration et découpant pour ainsi dire la
phrase en unités non pas logiques, mais émotives... Je me défie de tout ce qui dans le débit serait trop
violent, trop saccadé, trop abrupt.
Claudel, Correspondance avec Lugné-Poe, Cahiers Paul Claudel, 1890, V, p. 186

Mais voilà que, comme je marchais, tout à coup


Je sentis ma vie à moi, cette chose
Qu’aucune femme n’épouse, qu’aucune mère
Ne berce, qu’aucun contrat n’engage ; elle veillait en dedans, les yeux ouverts.
Tête d’or, 1re version, Théâtre, t. I, éd. de la Pléiade, p. 37

Dans un petit Couvent, loin de toute pratique,


Je la fis élever selon ma politique
C’est-à-dire /// ordonnant quels soins on emploierait
Pour la rendre idiote autant qu’il se pourroit.
Molière, L’École des femmes, 1662, I, 1

6.2.3. La voix

Quoi ? lorsque vous voyez périr votre patrie...


Racine, Esther, 1689, I, 3

20

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