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Le Juge Et Les Crises Politiques Dans La Société Anonyme

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République Tunisienne

Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

Université de Sousse
Faculté de droit et des Sciences Politiques

MÉMOIRE
EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME DE MASTÈRE DE RECHERCHE EN
DROIT PRIVÉ

Le juge et les crises politiques dans la


société anonyme

Elaboré par Directeur de recherche


Hamida Melki Pr. Hamdi Fethi

Membres du jury
Président : Pr. Boukamcha Anas
Membre : Pr. Hamdi Fethi
Membre : Pr. Barkallah Nayla

Année Universitaire : 2017-2018


Dédicaces

A l’âme de mon père,


A maman,
A mon frère et mes sœurs,
A toutes les personnes chères à mon cœur,
Et à tous ceux qui ont contribué, de près ou de loin, à l’élaboration de
ce travail.
Remerciements :

Mes remerciements s’adressent à Monsieur Fethi HAMDI, qui a


accepté de diriger, avec patience et rigueur, ce travail.

Je remercie également les membres du jury qui ont accepté de juger


ce mémoire.
La faculté n’entend donner aucune
approbation ni improbation aux opinions
émises dans ce mémoire. Ces opinions sont
considérées comme propres à leur auteur.
Liste des principales abréviations

AGA : Assemblée Générale des Actionnaires, AGE : Assemblée Générale


Extraordinaire, AGO : Assemblée Générale Ordinaire.

A.J.T : Actualités Juridiques Tunisiennes

Al : Alinéa

APE : Appel Public à l’Epargne

Art : Article

Arrêt Cass.com. : Arrêt Cassation commerciale

Bull.C.Cass : Bulletin de la Cour de Cassation

C.A : Cour d’Appel

CA : Conseil d’Administration

C. C : Code de Commerce

C.D.R : Code des Droits Réels

CMF : Conseil du Marché Financier

C.O.C : Code des Obligations et des Contrats

CPCC : Code des procédures civiles et commerciales

C.S.C : Code des Sociétés Commerciales

CS : conseil de surveillance

Ibid : Ibidem (même endroit).

JCP : La Semaine Juridique (juris-classeur périodique).

N° : Numéro

Op.cit : Opus Citatum (ouvrage citée)

P : Page
P.A : Les Petites Affiches

P.U.F : Presse Universitaire de France

REV.SOC : Revue des sociétés

RJC : Revue de Jurisprudence Commerciale

RJL : Revue de Jurisprudence et Législation

RTD : Revue Tunisienne de Droit

RTD. com : Revue Trimestrielle de Droit commercial

RTD. Civ. : Revue Trimestrielle de Droit civil

S.A : Société Anonyme

S.A.R.L : Société à Responsabilité Limitée

T : Tome

Vol : Volume

.
.
‫قائمة المختصرات باللغة العربية‬
‫ج ‪:‬جزء‬
‫ص ‪:‬صفحة‬
‫ن‪.‬م‪.‬ت ‪:‬نشرية محكمة التعقيب‬

‫م‪ .‬ق‪ .‬ت‪ :‬المجلة القانونية التونسية‬

‫م‪ .‬ق‪ .‬تش‪ :‬مجلة القضاء والتشريع‬


Plan

Première partie : Le juge et la dissolution des crises politiques dans la société


anonyme :

Chapitre premier : La dissolution des crises politiques paralysant le


fonctionnement de la société.

Chapitre deuxième : Dissolution des crises politiques nées de la prise des


décisions au sein de l’A.G.

Deuxième partie : le juge et la dissolution de la société en cas des crises


politiques insolubles :

Chapitre premier : Les alternatives de dissolution assurant la résolution des crises


politiques.

Chapitre deuxième : La dissolution judiciaire de la société.


Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Introduction
La variété des acteurs au sein d’une société assure une certaine émulation
nécessaire à son fonctionnement. En règle générale, s’y trouvent les dirigeants
sociaux, les salariés et surtout les associés qui sont les parties du contrat de société.

Puisqu’ils sont à l’origine de la constitution de la société, ils en tirent des


pouvoirs tout au long de la vie de la société issus notamment des droits politiques
intimement liés à leur qualité d’actionnaires.

Nous évoquons à cet égard le droit à l’information qui assure lui-même le


droit de participer au contrôle de la politique générale de la société.

En guise d’illustration la société anonyme est dotée d’un organe de


délibération chargé de prendre les décisions vitales pour la société, un organe
d’administration dont la mission est d’assurer la gestion du patrimoine social et
un organe de contrôle chargé de contrôler l’exploitation du patrimoine social et sa
conformité aux lois et aux stipulations statutaires assurant ensemble le
fonctionnement régulier de la société indépendamment de toute autorité
extérieure.

Or, la réalité montre l’insuffisance de ce système pour assurer le


fonctionnement sain de la société notamment en cas des mésententes entre
actionnaires mettant en péril l’existence de la société ce qui nécessite une
intervention exceptionnelle en vue d’assurer le fonctionnement des organes sans
immixtion dans la gestion de la société.

En effet, partant du fait que "le pouvoir arrête le pouvoir, l’intervention 1"
d’une autorité extérieure demeure une nécessité pour réinstaurer l’équilibre garant
du fonctionnement normal de la société.

1
MONTESQUIEU : De l’esprit des lois, relu par Jacques Robert, édition Sgherre,1992.

1
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Dans ce même ordre de réflexion, on parle du rôle du juge dans les crises
politiques dans la société anonyme.

De ce fait, l’intervention du juge ne peut avoir lieu qu’en cas de survenance


des conflits entre actionnaires aboutissant à des crises politiques que les organes
sociaux se trouvent souvent incapables de résoudre que par l’intervention d’un
organe extérieur à savoir le juge.

Néanmoins, le juge considéré comme "tout organe doté d’un organe


juridictionnel chargé de trancher un litige par le pouvoir de dire la loi, le juge 2"
sollicité pour résoudre les crises entre actionnaires se trouve investi de plusieurs
pouvoirs accordés parfois au juge de référé, et d’autrefois au tribunal.

De prime abord, il peut s’agir du juge des référé en tant que juge unique qui
rend une ordonnance provisoire tout en suivant la procédure contradictoire, il est
connu par sa rapidité et la souplesse des procédures ce qui est en harmonie avec
la rapidité que connait la vie des affaires lorsqu’il s’agit de demander seulement
la protection des droits en danger tel que la demande des mesures préventives
assurant la protection de l’intérêt social. De même, le justiciable en matière des
sociétés commerciales peut agir en référé soit sur le fondement des règles
communes prévues par les articles de 201 à 212 de CPCC ou encore les
dispositions spécifiques prévues par le CSC dans lesquelles le législateur lui
accorde la résolution des crises entravant la poursuite de l’activité sociale. C’est
pour ces raisons que le législateur lui ordonne une compétence plus étendue que
celle du juge de fond.

Ensuite, le terme "tribunal" utilisé par le législateur désigne la chambre


commerciale dans sa composition collégiale au sens de l’alinéa 5 et suivant de
l’art 40 C.P.C.C lorsqu’il s’agit des litiges nécessitant l’examen de fond de droit,

2
CORNU (G) : Vocabulaire juridique, Association H.Capitant, édition Quadrige /PUF, Paris, 9 ème édition 2012,
p 578.

2
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

de déclarer un droit ou encore de supprimer un droit (tel que la dissolution de la


société ou l’annulation des décisions sociales).

Toutefois, le code des sociétés commerciales a prévu les mesures


particulières pour la résolution des crises politiques entre actionnaires.

Par ailleurs, on entend par crises politiques celles "qui touchent le système
de fonctionnement lui-même3" ou encore "les crises nées des extravagances des
dirigeants ou les dissensions entre actionnaires affectant l’existence même de la
société4".

Il est à soulever à cet égard que la notion "crise politique" est utilisée pour
la première fois en doctrine française 1 comme étant des crises affectant le
fonctionnement de la société et même son existence5.

En revanche la doctrine tunisienne6 à l’instar de la majorité de la doctrine


française utilise le terme crise de fonctionnement ou encore crise institutionnelle
pour désigner les crises qui affectent le fonctionnement régulier de la société.

Ainsi, partant du fait que la crise est une perturbation par rapport à un
modèle préétabli, elle suppose une défaillance des mécanismes internes de la
société.

En effet, elle implique d’une part le détournement de pouvoir pour réaliser


un intérêt personnel au détriment des autres intérêts d’où on parle des crises de
"plénitude de pouvoirs abusifs 7" et l’impossibilité de prendre les décisions

3
AYARI (K) : Le référé et les sociétés commerciales à travers le code des sociétés commerciales, édition CIFEDE,
2007 p 13.
4
COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSY (F) : droit des sociétés, quatorzième édition Litec de la cour de
cassation de Paris 2007 p 157.
5
Ibidem le titre « chapitre 3 : les crises politiques » p 156 et suivant.
6
AYARI (K) : Le référé et les sociétés commerciales à travers le code des sociétés commerciales, édition CIFEDE
2007, p 13.
7
Ibidem.

3
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

sociales lorsque la mésentente fait défaut à toute tentative d’accord entre


actionnaires d’où on parle des crises "de dilution de pouvoirs. 8
"

La notion des crises politiques doit être distinguée de celle des crises
économiques. Ainsi, si les premières sont liées à un défaut de fonctionnement du
mécanisme interne, les deuxièmes touchent à l’aspect extérieur du
fonctionnement c'est-à-dire sa capacité de résister aux impératifs de la
compétitivité9.

De même, les crises politiques sont régies par le CSC alors que les crises
économiques sont régies par la loi de 29/04/2016 relative aux procédures
collectives.

Ces crises sont apparues plus dans le cadre des sociétés à responsabilité
limitée et les sociétés de capitaux, et plus particulièrement la société anonyme en
tant que société commerciale par la forme10.

Elle est définie selon l’article 160 CSC comme "une société par actions
dotée de la personnalité morale constituée par sept actionnaires au moins qui ne
sont tenus qu’à concurrence de leurs apports. La société anonyme est désignée par
une dénomination sociale précédée ou suivie de la forme de la société et du
montant du capital social".

Dans ce sens l’article 161 CSC distingue entre deux types des sociétés
anonymes.

En premier lieu, il peut s’agir des sociétés anonymes ne faisant pas appel
public à l’épargne, nommée encore société anonyme fermée qui se constitue entre
des personnes qui se connaissent et généralement ce sont des sociétés familiales,

8
COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSY (F) : droit des sociétés, op.cit, p 157.
9
AYARI (K) : Le référé et les sociétés commerciales à travers le code des sociétés commerciales, op cit, p 13.
10
L’art 7 CSC.

4
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

chacun des actionnaires fournit l’apport qu’il a souscrit pour constituer le capital
de la société.

En second lieu, il peut s’agir des sociétés faisant appel public à l’épargne
défini par l’art 162 CSC "sont réputées faisant appel public à l’épargne celles qui
émettent ou cèdent des valeurs mobilières en appelant le public à l’épargne. Il en
est de même pour toutes les sociétés désignées comme telles par des lois
spéciales".

Elles sont soumises à la loi de 14/11/1994 relative à la réorganisation du


marché financier.

Ce type de sociétés regroupe un grand nombre d’actionnaires qui ne se


connaissent pas, ils ne sont réunis que pour le regroupement du capital de la
société à laquelle ils appartiennent.

La confrontation des crises politiques dans les sociétés anonymes, dans


laquelle se conjuguent plusieurs intérêts, peut être justifiée par des exigences
juridiques et pratiques.

En ce qui concerne les exigences d’ordre juridique la société anonyme est


fondée sur la séparation des pouvoirs d’une part et la loi de la majorité d’autre
part.

En effet, le principe de séparation des pouvoirs permet de distinguer entre


les actionnaires qui contribuent à la gestion de la société et ceux qui ne participent
pas à la gestion. Ces derniers doivent exercer un contrôle sur ceux qui sont à la
fois gestionnaires et contrôleurs11.

11
AYARI (K) : Le référé et les sociétés commerciales à travers le code des sociétés commerciales, op cit, p 12.

5
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Concernant le principe majoritaire signifie que les décisions sociales


doivent être prises à la majorité des voix, elle devient un moyen pour favoriser les
intérêts des plus forts financièrement12.

Ces deux principes peuvent aboutir à des mésintelligences graves entre


majoritaires et minoritaires mettant en péril l’existence de la société.

En fait, les minoritaires qui ne peuvent influencer les décisions des


majoritaires procèdent à des procédures de blocage pour entraver la prise des
décisions.

Quant aux exigences d’ordre pratique, deux phénomènes pouvant être à


l’origine des crises politiques dans les sociétés anonymes.

D’une part, le phénomène de l’absentéisme qui règne dans les assemblées


générales des actionnaires ouvre le droit à ceux qui ne participent pas à la prise
des décisions de demander l’annulation des décisions prises ce qui engendre le
mépris de l’intérêt social.

D’autre part, l’abus des dirigeants sociaux qui parfois intentionnellement


cachent la situation réelle de la société en s’abstenant de fournir les informations
nécessaires pour les actionnaires ou encore de convoquer l’assemblée générale
des actionnaires.

Pour ces raisons, l’intervention du juge doit être en conformité avec la


spécificité des crises sociétaires puisqu’il est censé gérer ces crises en tenant
compte des différents intérêts en présence13.

A cet égard, "le juge jouit d’un rôle de première importance dans lequel il
dépasse le cadre classique où il s’agit de sanctionner une irrégularité, condamner

12
Ibidem.
13
Ibidem.

6
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

un abus ou vaincre une défaillance voire encore d’assurer une garantie prévue par
la loi. 14
"

De cette compétence étendue le juge se trouve tenu de protéger les intérêts


des parties concernées et même la poursuite de l’activité sociale.

Dans ce même ordre, il a été affirmé que "loin d’être juge de la légalité sans
être seulement juge de la légalité, le juge est aujourd’hui sollicité à opérer dans le
domaine économique des choix entre plusieurs solutions possibles15".

Historiquement, l’intervention du juge dans le fonctionnement de la société


a été consacrée dès la promulgation du COC16 en prévoyant dans l’art 1288 que «
lorsqu’il est établi dans l’acte de la société que les décisions seront prises à la
majorité, il faut entendre, en cas de doute, la majorité en nombre.

En cas de partage, l’avis des opposants doit prévaloir.

Lorsque les deux parties diffèrent quant à la décision à prendre, la décision


sera remise au tribunal qui décidera conformément à l’intérêt de la société."

De cette disposition l’intervention est autorisée en vue d’assurer la


protection de l’intérêt social par la participation à la prise des décisions sociales.

Dans le même ordre l’intervention a été maintenue pour la dissolution


judiciaire de la société pour justes motifs17 et l’exclusion de l’actionnaire donnant
lieu à la dissolution18.

Cette même perspective a été suivie par le législateur dans le code de


commerce en multipliant les cas d’intervention du juge dans le fonctionnement de
société malgré qu’ils aient été limités par cinq cas seulement19. Cette restriction

14
KOLSI (S) : « Essai sur l’intervention du juge dans la vie de la société » RTD 2003 p137 et suivant.
15
AYARI (K ) : Le gouvernement d’entreprise en droit Tunisien, info juridique n°64/65, Mars 2009 p 16.
16
Le COC constitue le texte général applicable à toutes les sociétés abstraction faite de son objet avant la
promulgation du CC en 1959 ou encore le CSC en 2000.
17
L’art 1323 COC.
18
L’art 1327 COC.
19
AYARI (K) : Le référé et les sociétés commerciales à travers le code des sociétés commerciales, op.cit p 18.

7
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

des cas d’intervention peut être justifiée par le fait que l’Etat est nouvellement
indépendant dont l’économie repose principalement sur l’agriculture et la notion
des sociétés commerciales cherchait encore à s’installer et à établir ses premiers
repères.

Par ailleurs, suite aux changements économiques que connait le pays


notamment la montée considérable du nombre des sociétés commerciales, le
législateur a pris le soin de promulguer en 2000 un code nommé code des sociétés
commerciales sensé régir les sociétés commerciales.

Poussé par le souci de protection de l’intérêt social le législateur a multiplié


les cas d’intervention judiciaire dans le fonctionnement des sociétés commerciales
et plus particulièrement la SA.

Ce code a prévu plusieurs cas adoptant l’intervention du juge pour


dissoudre les crises politiques affectant le fonctionnement de la société ou encore
résoudre les conflits en vue d’éviter la survenance des crises politiques.

Cette intervention peut être fondée sur la nature juridique de la société :

Si on considère que la société anonyme est un contrat, force est de constater


que la liberté contractuelle fait défaut à toute intervention extérieure des parties
du contrat d’où seule la volonté des parties est censée régir la conclusion,
l’exécution et la résiliation du contrat de société.

En revanche, si on considère que la société est une institution dans laquelle


se conjuguent plusieurs intérêts, elle est en même temps dotée d’organes (de
délibération, d’administration et de contrôle) chargés d’assurer le fonctionnement
régulier de la société sans besoin d’intervention extérieure.

Or, si une crise risque de mettre en péril le fonctionnement de la société


voire son existence, l’intervention judiciaire demeure le mal nécessaire pour
protéger les intérêts en présence.

8
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

De ce qui a été présenté, on doit concilier entre les deux théories avancées.
En effet, la société doit être considérée comme étant un contrat donnant naissance
à un être moral distinct des personnes qui contribuent à sa constitution et jouissant
des intérêts propres qui dépassent les intérêts privés des associés, mais aussi une
institution mettant en cause des intérêts économiques divers qui méritent d’être
protégés20 par le juge en cas de conflits entre actionnaires.

L’intervention judiciaire doit être soumise à des multiples restrictions


permettant à la société de garder une certaine liberté dans son fonctionnement tant
qu’elle "est soumise à des principes fonctionnels que l’ensemble forme un
mécanisme interne et autonome capable par ses propres moyens régulateurs de
gérer les crises et assurer l’essor économique de la société.21"

Pratiquement, la jurisprudence tunisienne a suivi cette position et tend vers


la restriction des cas d’intervention des juges dans les seuls cas où la société est
en état de crise que les organes sociaux sont souvent incapables de résoudre en
s’inspirant des principes fondamentaux notamment le principe de non immixtion
du juge et les principes tirés de l’idéologie libérale fondée sur la liberté
économique et le refus d’intervention des pouvoirs publics.

En effet, la cour de cassation tunisienne22 a déclaré que "le recours à la


justice doit être la solution ultime si les organes sociaux se trouvent impuissants
d’accomplir les tâches qui leurs incombent.23"

A cet égard, la doctrine a justifié la limitation d’intervention suivie par la


jurisprudence par la formation purement juridique des juges24 qui sont appelés à

.‫ وما بعدها‬65 ‫ ص‬1994 ‫ت‬.‫ق‬.‫ م‬،"‫ "تدخل القاضي لتحقيق األبعاد االقتصادية للشركات التجارية‬:‫توفيق بن نصر‬ 20
21
AYARI (K) : Le référé et les sociétés commerciales à travers le code des sociétés commerciales, op.cit p51.
22
Arrêt n° 1284 du 10/05/2000 ; bull de la cour de cassation 2000 partie 2 p 261.
:‫ ورد بإحدى حيثيات هذا القرار أن‬23
‫"فإن الخالف بين الشركاء ال يبرر تدخل القضاء لنصب االئتمان على هياكل الشركة و يبقى اللجوء للقضاء كأقصى حل متى استحال على هياكل‬
‫الشركة االضطالع بمهامها كاستحالة عقد الجلسة العامة أ و استحالة أخذ القرار النعدام وجود أغلبية و في كل الحاالت فغن مهمة القضاء تبقى مؤقتة‬
."‫و مقصورة على إعادة تحريك دواليب الشركة والسعي إلزالة العوامل التي أدت إلى تجميد أخذ القرار فيها‬
.69 ‫ مقال سابق الذكر ص‬،"‫ "تدخل القاضي لتحقيق األبعاد االقتصادية للشركات التجارية‬:‫ توفيق بن نصر‬24

9
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

résoudre les litiges par l’application de la loi d’une part et par le fait que le recours
excessif aux juges aboutit à assimiler ces derniers à un organe de gestion de la
société alors qu’il est un organe extérieur.

La volonté du législateur semble concilier entre deux intérêts qui demeurent


en apparence opposées mais en réalité complémentaires.

D’une part, celui de l’indépendance des organes sociaux assurant le


fonctionnement quotidien de la société.

D’autre part, la protection des intérêts de tous les intervenants par


l’intervention judiciaire en cas des crises politiques mettant en péril le
fonctionnement de la société pour l’aider à surmonter ces crises.

Ainsi, le juge se trouve tenu de prendre en considération en premier lieu


l’intérêt de la société qui se trouve doté d’une prééminence, et en second lieu les
intérêts des actionnaires, d’un côté les minoritaires qui se trouvent plus exposés à
l’abus de majorité et de l’autre côté les majoritaires qui se trouvent souvent
menacés par l’opposition des minoritaires que le législateur ne cesse de multiplier
les textes assurant sa protection.

Plus généralement, la question qui parait s’imposer est celle de savoir :


Quel est le rôle du juge dans la protection de l’intérêt social de la société
anonyme par le règlement des crises politiques ?

C’est pour ces raisons qu’il ya lieu de penser que si le juge dans certaines
crises passagères et solubles assure le fonctionnement de la société par la
dissolution des crises que connait la société en vue de préserver une entité
économique encore viable et prospère (Première Partie), il ne saurait être le cas
pour les crises politiques insolubles rendant impossible toute continuation de la
société d’où la dissolution de la société si elle est le seule issue pour dissoudre la
crise et mettre fin aux conflits entre actionnaires (Deuxième Partie).

10
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Première partie :
Le juge et la dissolution des crises politiques dans
la société anonyme :

11
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Première partie : Le juge et la diss olution des cr ises politiques dan s la s ociété anonyme

Le pouvoir de décision est une nécessité indispensable pour poursuivre


l’objet social25, reconnu en premier lieu aux assemblées générales des actionnaires
et en second lieu aux organes d’administration.

En effet, l‘assemblée générale des actionnaires conçue comme l’organe


suprême26 est chargée de prendre les décisions sociales assurant la politique de
gestion générale de la société.

En outre, les organes d’administration conçue comme mandataires 27 des


actionnaires chargés de la mise en œuvre des décisions prises par l’organe
délibérant.

Ces décisions peuvent être à l’origine des crises politiques résultantes aussi
bien des conflits au niveau du même organe à savoir l’assemblé générale d’où
l’intervention du juge est sollicitée contre les décisions sociales (chapitre 2ème)
que les conflits entre les organes eux même (les organes d’administration et
l’organe de délibération) d’où on parle d’intervention judiciaire pour résoudre les
crises politiques paralysant le fonctionnement de la société anonyme (chapitre
1er).

25
HAMDI (F) : "L’intérêt social et le droit des sociétés", thèse pour le Doctorat en droit privé, Faculté de
droit et des sciences économiques et politiques, Sousse 2009-2010, p 89.
26
OMRANE (A) :"La souveraineté de l’assemblée générale dans la société anonyme", études juridiques n°12,
2005 p67.
27
HAMDI (F) : "L’intérêt social et le droit des sociétés", thèse précité p 90.

12
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Chapitre Premier : La dissolution des crises politiques


paralysant le fonctionnement de la société :
Le pouvoir de décision est contrebalancé en droit des sociétés par le pouvoir
de contrôle conçu comme "le pouvoir reconnu à certaines personnes 28 ou à
certains organes29 de surveiller la régularité de la gestion du patrimoine social"30.

L’exercice de pouvoir de contrôle peut aboutir à des extravagances entre


actionnaires ou encore entre actionnaire et administrateurs.

Ces dissensions peuvent faire l’objet d’une intervention judiciaire avant le


dénouement des crises politiques de fonctionnement d’où on parle d’intervention
préventive (section première) ou encore l’intervention judicaire après la
survenance des crises structurelles d’où on parle de réhabilitation judiciaire des
organes sociaux (section deuxième).

Section Première : Intervention préventive du juge :


La prise des décisions à la majorité peut favoriser les majoritaires qui
tendent parfois à abuser de leurs pouvoirs, c’est pour cette raison, la loi confère
aux actionnaires minoritaires le droit d’agir en référé dans nombreuses
dispositions du CSS pour protéger leurs droits en vue d’éviter le dénouement des
crises politiques de fonctionnement et par conséquent assurer un fonctionnement
sain de la société, ces droits sont le droit à l’information (paragraphe1) et le doit
à la surveillance (paragraphe2).

28
Les actionnaires au sein de l’assemblée générale.
29
Ces organes sont :
- Les organes internes qui englobent le commissaire aux comptes, le conseil de surveillance lorsqu’il s’agit
d’une SA à conseil de surveillance et directoire, le comité permanent d’audit.
- Les organes externes y compris la banque centrale de Tunisie et le conseil de marché financier lorsqu’il
s’agit des SA faisant appel public à l’épargne.
30
HAMDI (F) : "L’intérêt social et le droit des sociétés", thèse précité p 125.

13
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Paragraphe Première : le renforcement judiciaire du doit à


l’information :
Conscient de l’importance du droit à l’information pour ceux qui ne
contribuent pas la gestion, le législateur tunisien a consacré aussi bien le droit à
l’information des minoritaires(A) que sa protection par le recours au juge des
référées (B).

A- consécration du droit à l’information :


Cité par l’art 11 CSS 31 , le droit à l’information est prévu pour que
l’actionnaire puisse être au courant du déroulement des affaires et par conséquent
une partie effective dans la prise des décisions au sein de l’AG.

Le droit à l’information peut être permanent (1) ou à l’occasion de


l’assemblée générale (2).

1. Le droit à l’information permanent :


L’associé a à tout moment de l’année soit personnellement soit par un
mandataire, le droit de consulter et de prendre copie de tous les documents
présentés aux assemblées générales tenues au cours des trois derniers exercices,
l’associée peut également obtenir copie des procès-verbaux des dits assemblées32.

Etant considérée comme le principal instrument de drainage de capitaux 33,


la SA est la forme la plus adoptée par les investisseurs tunisiens, le législateur ne
se suffit pas des règles communes, il a prévu ce droit pour la SA dans l’art 284
CSC dans son alinéa 1er, la rédaction de cet article permet de dégager certaines
observations :

31
Cet art se situe sous le « Titre Premier : Dispositions générales » du « Livre Premier : Des dispositions
communes aux différentes formes des sociétés ».
32
L’art 11 alinéa 4 CSC.
33
AYARI (K) : "Le référé et les sociétés commerciales", op.cit, p 10.

14
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’une part, ce droit est conféré pour les actionnaires minoritaires détonants
cinq pour cent (5%)34 du capital social des sociétés ne faisant pas A.P.E et 3% du
capital social des sociétés faisant A.P.E.

D’autre part, le législateur a élargi la liste des document visées par l’art 284
CSS d’où elle concernent les états financiers de la société établis conforment à la
loi relative au système comptable des entreprises, le bilan, état de cautionnement
, avals et garanties données par la société, état des suretés, les rapport des
commissaires aux comptes ,relatifs aux trois derniers exercices ,copie des procès-
verbaux et feuilles de présence des assembles tenues au cours de trois derniers
exercices .ces documents permettent aux actionnaires d’être conscient de la
situation de la société avant de prendre part au vote lors de la prise des décisions
à l’occasion d’une AG.

Il est à noter aussi que le législateur a permis aux actionnaires d’exercer ce


droit soit personnellement, soit par l’intermédiaire d’un mandataire dans le seul
but de faciliter l’accès à l’information par l’actionnaire.

2. Le droit à l’information à l’occasion de l’assemblé


générale :

Les délibérations des actionnaires ont lieu nécessairement au sein des


A.G.A. En effet, l’actionnaire ne peut voter pour ou contre une décision que
lorsqu’il soit bien informé sur la situation de la société.

De ce fait, le législateur a prévu un droit à l’information occasionnel avant


la tenue de l’AG au sein de l’art 280 CSS qui prévoit que " le conseil
d’administration ou le directoire doit mettre à la disposition des actionnaires au
siège de la société quinze jours au moins avant la date prévue pour la tenue de
l’assemblée, les documents nécessaires pour leur permettre de se prononcer en

34
La réforme de la loi 2007.

15
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

connaissance de cause et de donner leurs avis sur la gestion et le fonctionnement


de la société".

Ce droit conféré aux actionnaires est une obligation que la loi impose aux
organes d’administration en vue d’assurer l’efficacité du contrôle exercé par les
actionnaires sur la gestion de la société et par conséquent limiter les pouvoirs
conférés aux administrateurs.

B- Protection du droit à l’information :


La consécration du droit à l’information ne suffit pas seule pour assurer un
véritable équilibre entre les pouvoirs 35 dans la SA, c’est pour cette raison le
législateur a sanctionné tout transgression de ce droit.

En effet, l’art 284 alinéa 1 prévoit que "si la société refuse la


communication de la totalité au d’une partie des documents susvisées,
l’actionnaire sus-indiqué peut saisir à cet effet le juge des référées".

Ainsi, le recours au juge de référé permet à l’actionnaire demandeur de


l’information de jouir de son droit à l’information et par conséquent l’exercice de
son pouvoir de contrôle sur la gestion sociale.

Conscient de l’importance de l’information, le législateur a voulu instaurer


un équilibre entre les majoritaires détenant le pouvoir de décision et parfois le
pouvoir de direction et les minoritaires qui se qui sont besoin d’être bien informer
pour pouvoir exercer son pouvoir de contrôle c'est-à-dire équilibre entre ceux qui
gèrent et ceux qui sont gérées36.

35
Pouvoir de direction exercé par les administrateurs (le conseil d’administration ou le directoire selon le cas) et
le pouvoir de contrôle exercé principalement par les actionnaires au sein de l’AG.
36
C’est une application de la disposition prévue dans l’art 1295 COC qui dispose que « les associés non
administrateurs ont le droit de se faire rendre compte à tout moment de l’administration des affaires
sociales, et de l’état de patrimoine commun, de prendre connaissance des livres et papiers de la société,
et même de le compulser. Toute clause contraire est sans effet. Ce droit est personnel et ne peut être
exercé par l’entremise d’un mandataire ou autre représentant, sauf le cas des incapables qui sont
légalement représentés par leurs mandataires légaux, et le cas d’empêchement légitime dument justifié».
16
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Il est à noter aussi, que la loi exige dans l’alinéa 4 précité que le recours
soit au juge de référé qui est connu par la simplicité et la rapidité des procédures.
Cette exigence peut être justifiée par la rapidité que connait la vie des affaires et
que l’actionnaire doit déposer de l’information à tout moment.

Par ailleurs, le législateur a dépassé la notion d’urgence du droit civil, dont


l’art 201 du CPCC exige la nécessite et le non préjudice au fond pour élargir ses
compétences par imposer aux organes d’administration de relever les
informations nécessaires aux actionnaires.

En effet, il suffit de prouver l’abstention des organes d’administration de


fournir l’information nécessaire sans prouver une menace de leurs droits puisqu’il
s’agit d’une protection judiciaire préventive.

Dans ce même ordre, le législateur a élargi la protection au droit à la


surveillance.

Paragraphe Deuxième : le renforcement judiciaire du droit à


la surveillance :
Le droit à la surveillance étant protégé par le juge des référées englobe la
convocation de l’assemblée générale (A) et l’expertise de gestion (B).

A- La convocation de l’AG :
Partant du fait que l’assemblée générale jouit d’une souveraineté
puissance37 apparaissant à travers l’importance de ses attributions38, le législateur
a exigé dans l’art 275 C.S.C qu’elle doit se réunir au moins une fois par année.

En effet, si l’art 11 alinéa 4 du CSC dispose que tout associé a le droit de


participer aux assemblées générales, force est de constater que ce droit ne peut
être exercé qu’après la convocation des actionnaires. Ainsi, l’obligation de

37
OMRANE (A) :"La souveraineté de l’assemblée générale dans la société anonyme", article précité, p67.
38
Concernant la SA les attributions de l’AG (ordinaires ou extraordinaires) sont réglementées par les articles 274
à 313 CSC.

17
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

convocation incombe principalement aux organes d’administration (par le conseil


d’administration ou le directoire selon le type choisi) selon l’art 277 CSC.

De même, pour donner plus d’effectivité a ce droit le législateur ajoute " en


cas de nécessite elle peut être convoquée par :(…) 2) Par un mandataire nommé
par le tribunal sur demande de tout intéressé en cas d’urgence ou à la demande
d’un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 5 % du capital de la S A
lorsqu’elle ne fait pas A.P.E ou 3% lorsqu‘elle fait A.P.E".

De cette disposition, la loi exige la réunion de certaines conditions :

D’une part, ce droit n’est reconnu qu’en cas de nécessité c'est-à-dire si les
organes d’administration s’abstiennent de convoquer l’A G, à titre d’exemple
lorsque les dirigeants majoritaires négligent les droits des actionnaires
minoritaires d’être informé de la situation de la société et refusent la convocation
de l’AG, l’appréciation de la notion de nécessité est laissée au pouvoir
discrétionnaire du juge selon les faits de chaque cas d’espèce.

En effet, l’intervention du juge est sollicitée pour rétablir un


fonctionnement normal de la société, la convocation de l’AG conçue comme
organe indispensable dans la SA permette d’éviter une crise politique paralysant
le fonctionnement de la société résultant essentiellement de détournement abusif
du principe majoritaire par les dirigeants qui souhaitent échapper au contrôle
exercé par l’assemblée générale qui semble défendre l’intérêt social.

D’autre part, le recours au tribunal se limite par la nomination d’un


mandataire dont la mission est de convoquer l’AG qui reste l’organe suprême doté
d’une primauté sur les autres organes sociaux 39 pour la prise des décisions
sociales.

39
OMRANE (A) : « Souveraineté de l’AG des actionnaires dans la SA » art précité p 53.

18
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Mais la présence des actionnaires dans les A.G.A ne suffit en elle seule
si elle n’était pas en vue d’exercer un contrôle effectif sur la gestion des fonds de
la société.

- l’expertise de gestion :
Il est à rappeler que la qualité d’actionnaire n’est pas requise pour être un
membre de C A selon l’art 189 C S à moins que les statuts ne prévoient le
contraire.

Il en découle de cette idée que si l’administrateur n’a pas la qualité


d’actionnaire, cela peut faire de doute sur les actes de gestion.

De ce fait, il demeure nécessaire d’instauré une mesure de contrôle de la


gestion dont le législateur a consacré (1) et fixe les conditions (2).

1. Consécration de l’expertise de gestion :


Contrairement à son homologue français qui a consacre l’expertise de
gestion aux sociétés anonymes en 1966 40 puis en 1984 pour les sociétés à
responsabilité limité41, le législateur de 2000 n’a prévue l’expertise de gestion que
dans l’art 139 du CSS relatif à la SARL.

Par ailleurs, l’absence d’une telle disposition pour les SA ne fait pas
obstacle pour prononcer ce droit par les tribunaux42 car ils ont reconnu le droit de
recourir à l’expertise de gestion 43 sous le fondement des articles 201 et 214
C.P.C.C.

D’où, le premier a permis de statuer en référées par nécessité et sans


préjudice au fond.

40
L’art 226 de la loi Française du 24 /07/1966.
41
La loi Française de 01/03/1984.
42
Arrêt n° 35246 du 21/06/1990 publiée dans le Bull.C.Cass partie criminel p 105.
43
DAHDOUH LABASTIE (CH) et DAHDOUH (H) droit commercial, volume 2, entreprises sociétaires et
groupements privées : Règles particulières, tome 2, I HE, Edition première 2007 p

19
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Quant au deuxième a autorisé au président de tribunal de première instance


ou au juge cantonal " en cas de péril en la demeure, (..) de prescrire toute mesure
propre à sauvegarder les droits et intérêts qu’il n’est pas permis de laisser sans
protection."

Bien que la consécration d’une telle disposition est plus accrue dans les
sociétés anonymes où les droits des actionnaires sont plus exposés à l’abus de
majorité44, le législateur n’a pas consacré ce droit pour la SA que par la loi de
17/12/2007 par l’ajout de l’art 290 bis CSC dont dispose que :"Un ou plusieurs
actionnaires détenant au moins dix pour cent du capital social peuvent, soit
individuellement ou conjointement, demander au juge des référés la désignation
d’un expert ou d’un collègue d’experts qui aura pour mission de présenter un
rapport sur un ou plusieurs opérations de gestion.

Le rapport d’expertise est communiqué au demandeur ou aux demandeurs,


au ministère public, et selon le cas au conseil d’administration ou au directoire et
au conseil de surveillance, au commissaire aux comptes, et, le cas échéant, au
comité permanent d’audit, ainsi que le conseil de marché financier pour les
sociétés faisant appel public à l’épargne. Ce rapport doit être annexé au rapport
du commissaire aux comptes et mis à la disposition des actionnaires au siège
social en vue de la prochaine assemblée générale ordinaire ou extraordinaire et
ce, dans les conditions prévues à l’article 274 et suivant du présent code".

La rédaction de cet article nous permet de dégager les conditions que le


législateur exige pour la désignation d’un expert.

2. Les conditions de l’expertise de gestion :


Les conditions exigées concernent les personnes dont ce droit est reconnu,
ainsi que l’acte dont il est prévu la protection.

44
AYARI (K) « l’expertise de gestion », info juridique n° 24/25, Mai 2007 p6 et suivants.

20
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’une part, ce droit est reconnu à "Un ou plusieurs actionnaires détenant au


moins dix pour cent du capital social peuvent, soit individuellement ou
conjointement".

En effet, le législateur a exclu les tiers, le ministère public et les


commissaires aux comptes du domaine de ce droit ce qui peut être justifié qu’en
ce que l’exigence d’une telle disposition n’est prévue que pour la protection des
minoritaires face aux abus des organes de gestion.

Concernant cette disposition, la cour de cassation 45 a reconnu ce droit à


l’actionnaire membre de conseil d’administration à condition qu’il n’ait pas
participé à la prise de décision et que la décision n’était pas présentée au conseil
pour approbation46.

De ce fait, l’actionnaire qui n’a pas pris part au vote quant à la prise de
décision ne doit pas être privé de son droit puisque le recours à l’expertise de
gestion est une mesure préventive 47 permettant le renforcement de droit à la
surveillance et éviter les dommages que peut causer l’acte objet de l’expertise.

De même, la cour de cassation a bien insisté sur le rôle des juges de fond
de s’assurer des conditions réunies suivant chaque d’espèces avant d’exclure
l’actionnaire du domaine de protection de l’art 290 bis du CSC.48

45
Arrêt n° 67957 du 28/01/2012, RJL Octobre 2012 p113.
46
La cour de cassation a exigé dans son quatrième attendu que :
‫ت وردت بعبارات مطلقة فإن تفعيلها يقتضي التدقيق بالرجوع إلى بقية‬.‫ش‬.‫ مكرر م‬290 ‫"وحيث من الثابت أن الحماية المنصوص عليها بالفصل‬
‫الفصول المتعلقة بإ دارة الشركة خفية االسم فإن كان المساهم عضو بمجلس اإلدارة يشارك في األعمال و التصرفات التي تندرج في اختصاصها و‬
‫ مكرر إذ تصبح الغاية منه التهرب من المسؤولية فإن ذلك يبقى مشروطا‬290 ‫يلزم بها ويعتبر مسؤوال عنها و ال يمكنه بالتالي االستناد إلى الفصل‬
‫بعرض عملية التصرف على مجلس اإلدارة واتخاذ القرار شأنها وعليه فإن المساهم عضو مجلس اإلدارة الذي شارك في اتخاذ قرار عملية التصرف‬
‫ال يمكنه االلتجاء على القاضي اإلستعجالي لطلب إجراء االختبار ألن ذلك يتناقض مع صفته و المهام الموكولة إليه أما إذا لم يشارك في في جلسة‬
." ‫القرار لعدم عرضه على مجلس اإلدارة فإنه ال يفقد حق إجراء الرقابة ألنه يتخذ في هذه الصورة مركز الشريك العادي‬
47
Dans son sixième attendue la cour de cassation dans son arrêt précité a prévu que :
‫ مكرر من تفادي الوقوع في الضرر فالمشرع خول‬290 ‫"وحيث وخالفا لما انتهت إليه محكمة الحكم المطعون فيه فإن التأكد يتأتى على معنى الفصل‬
."‫اللجوء إلى التقاضي اإلستعجالي ألن بعض التصرفات ترهق الذمة المالية للمؤسسة وتفقدها توازنها وتزيد في مديونيتها ويصعب تالفيها الحقا‬
48
La cour ajoute dans son arrêt précité (quatrième attendu) :
‫"وعليه فإن التثبت إن كان الطاعن قد ساهم في قرار التزويق و التوسعة الخاصة بالنزل موضوع الشركة أم لم يشارك فيه و التثبت إن كان القرار‬
‫ مكرر من عدمه و كان‬290 ‫عرض على مجلس اإلدارة ألخذ رأيه من عدمه مسألتان لهما أهمية على وجه الفصل في إمكانية انتفاع الطاعن بالفصل‬
." ‫على المحكمة البحث في هذه المسألة قبل اتخاذ قرارها بإقصاء المساهم عضو مجلس اإلدارة من الحماية المنصوص عليها بالفصل المذكور‬

21
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’autre part, l’expertise de gestion porte selon l’art 290 bis CSC
essentiellement sur "un ou plusieurs actes de gestion" c'est-à-dire les actes
accomplis par les organes de gestion (qui sont selon le cas, soit le conseil
d’administration soit le directoire), ce qui exclu les actes accomplis par l’organe
délibérant49.

Bien que cette condition permette de limiter les demandes d’expertise en


référés et éviter l’encombrement des tribunaux, elle peut être un moyen par lequel
les dirigeants exonèrent leur responsabilité sous prétexte qu’ils ont soumet l’acte
à l’approbation de l’A.G.

Pour éviter ce risque, il convient au juge des référés d’apprécier l’impact


de l’acte même émanant de l’A.G sur l’intérêt de la société et des actionnaires et
la nécessité de la demande50.

Par ailleurs, l’actionnaire demandeur de l’expertise de gestion doit préciser


l’acte ou les actes qu’il a cru susceptibles ou douteux sinon sa demande peut être
rejetée par le juge saisi tant que ce dernier est sensé contrôler l’opportunité de la
demande de désignation de l’expert.

De ce fait, le demandeur doit motiver sa demande et préciser les faits sur


lesquels porte l’expertise.

Enfin, il est à noter que la mission d’expert doit faire l’objet d’un rapport
qui doit être " communiqué au demandeur ou aux demandeurs, au ministère
public, et selon le cas au conseil d’administration ou au directoire et au conseil de
surveillance, au commissaire aux comptes, et, le cas échéant, au comité permanent
d’audit, ainsi que le conseil de marché financier pour les sociétés faisant appel
public à l’épargne", en précisant l’opportunité d’une opération de gestion c'est-à-

49
OMRANE (A) : « Le droit de l’associé à l’information et à l’accès à la justice », RJL Juillet 2009 p 128.
50
La cour ajoute dans son arrêt précité(septième attendue) :
‫"وحيث أن محكمة الحكم المطعون فيه لم تراع هذه الجوانب فلم تراع مدى تأثير العملية المأذون بها سلبا على مصالح الشركة والشركاء كما لم تراع‬
‫جدية الطلب و تأكده في درء خطر اضطراب التوازن و اكتفت بالقول بانتفاء ركن التأكد تكون قد أساءت تطبيق القانون في شروط التأكد ة تعين‬
."‫نقض قرارها من هذه الناحية‬

22
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

dire la conformité ou la non-conformité de l’acte à l’intérêt de la société et à


l’intérêt des actionnaires.

Cette expertise constitue un moyen pour les minoritaires de se constituer


des preuves avant d’intenter une action en responsabilité contre les dirigeants
sociaux51 et de s’assurer du respect de l’intérêt social par les dirigeants suite à
l’accomplissement de certaines opérations vitales à la société.

Le rôle du juge de référé portant sur le renforcement des droits


fondamentaux permet d’assurer un fonctionnement sain avant le dénouement des
crises ne peut pas ignorer son rôle en cas de dénouement des crises.

Section deuxième : Réhabilitation judiciaires des organes de


fonctionnement :
Malgré la diversité des cas des crises sociétaires (paragraphe premier),
l’intervention du juge des référés se limite à la nomination d’un administrateur
judiciaire (paragraphe deuxième).

Paragraphe premier : Le cadre légal d’intervention du juge


des référés :
La défaillance structurelle qui touche l’organe d’administration à
composition collégiale ou unique est de nature à mettre en cause la poursuite de
l’activité sociale pour manquement d’organe vitale assurant la gestion de la
société. Cette défaillance résulte souvent des crises entre actionnaires et
administrateurs(A) ou encore des crises entre administrateurs eux même(B).

51
MERLE (Ph) : Droit commercial, droit des sociétés commerciales, 11 ème édition, Dalloz 2007 n°522 et
suivants.

23
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

A. Les crises politiques entre l’assemblée générale et les


administrateurs :
Les organes d’administration englobent aussi bien les organes à
composition collégiale52 ainsi que le PDG ou le président de directoire.

Il est à noter que la crise qui pose le plus des difficultés est celle qui touche
au dirigeant de la société.

En effet, si la loi53 exige que le PDG doive être une personne physique et
doit réunir deux conditions cumulatives telles que la qualité d’actionnaire et la
qualité d’un membre de conseil d’administration, elle est muette en ce qui
concerne sa révocation par l’assemblée générale puisque l’art 208 alinéa 3 dispose
que « le conseil d’administration peut le révoquer à tout moment. Toute
stipulation contraire est réputée non écrite".

Ainsi, les actionnaires peuvent suivre l’une de deux solutions suivantes :

Soit qu’ils procèdent au sein d’une assemblée à une révocation indirecte54


par la révocation en tant que membre d’un Conseil d’administration qui est une
condition exigée pour sa fonction en tant que P.D.G.

Soit qu’ils agissent en référé pour la nomination d’un administrateur


provisoire s’ils estiment que l’intérêt social et l’existence de la société l’exige.

Dans ce même ordre, la cour de cassation Tunisienne 55 a ordonné la


nomination d’un administrateur provisoire qui assure la gestion de la société
jusqu’à la résolution du litige entre les actionnaires sous le fondement de
protection de l’intérêt social56.

52
Qui sont selon le cas soit le CA ou le directoire.
53
L’art 208 CSC fixant les conditions et modalités de nomination de PDG.
.208 ‫) ص‬2011 ‫الشركة خفية االسم منشورات مجمع األطرش للكتاب المختص (تونس‬:‫ المسير في الشركات لجارية‬:‫ كمال العياري‬54
55
Arrêt de la cour de cassation n°2289 daté en 17/01/1980 publié dans R.J.L 1981 n°8 p 79.
56
Dans son deuxième attendu, la cour a prévu que :
‫"يجوز تعيين متصرف قضائي إلدارة الشركة مؤقتا ولو كانت شركة خفية االسم كما في صورة الحال شريطة ثبوت مصلحة الشركة التخاذ مثل هذه‬
‫الوسيلة التحفظية باعتبارها أنجع الوسائل لتالفي كل خطر قد يهدد كيانها ويعطل سيرها و نشاطها بما من شأنه أن يجعلها في طريق التدهور و اإلفالس‬

24
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

De cet arrêt même si la cour n’a pas ordonné expressément la révocation du


P.D.G elle le privé de toute prérogatives en les accordant à l’administrateur
provisoire car cet arrêt avait pour objet un jugement en matière de référé puisque
ce dernier n’est pas compétent pour condamner le P.D.G pour sa mauvaise gestion
ou pour abus des biens sociaux ce qui ressort de la compétence du juge de fond.

B. Les crises politiques entre administrateurs :


Les dissensions entre les organes d’administration peuvent comprendre les
crises entre les membres du conseil d’administration ou du directoire (2) ou
encore entre les membres du conseil d’administration et son président (1).

1. Les crises entre les membres du conseil d’administration


et le président directeur général :
Bien que la loi57 ait conféré le droit de révocation du PDG expressément au
membre du conseil d’administration, la jurisprudence Tunisienne58 a donné une
nouvelle lecture de la loi.

Contrairement à la doctrine qui estime que « les membres de conseil


d’administration ont librement et à tout moment et sans juste motif (ad nutum) le
droit de révoquer le PDG 60, la cour de cassation dans son arrêt du 07/01/201059"
a conditionné la révocation de PDG au respect des procédures légales relatives à
la convocation de l’assemblée de conseil d’administration dans laquelle la
décision de révocation a été prise d’une part et le respect de droit à la défense
d’autre part.

Cet arrêt n’a pas été à l’abri des critiques doctrinales61:

‫بدال من أن تكون في طريق النمو و االزدهار مع وجوب ضبط وظائف المتصرف القضائي وتحديد مسؤوليته ريثما يحسم النزاع في األصل بين‬
."‫مساهمي الشركة و ترجع المياه إلى مجاريها‬
57
L’art 208 alinéa 3 CSC.
58
Arrêt n°30306 et 30203 du 07/01/2010 publié dans RJL Juin 2010 p 165 et suivants.
.209 ‫ كمال العياري مرجع سابق الذكر ص‬59
60
Arrêt précité.
.‫ و ما بعدها‬284 ‫ ص‬2015 ‫ الوسيط في قانون الشركات التجارية منشورات مجمع األطرش للكتاب المختص طبعة ثالثة‬: ‫ أحمد الورفلي‬61

25
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

De prime abord, la cour de cassation n’a pas précisé ni le fondement légal


de sa décision, ni la partie compétente de révocation.

En second lieu, la cour a manié aux procédures de convocation de


l’assemblée de CA mais elle omet que l’art 208 a donné expressément le droit de
révocation de PDG aux membres de conseil d’administration.

De même, la cour a ajouté une condition que la loi ne prévoit pas à savoir
le droit à la défense et le droit à la confrontation.

En effet, la cour a décidé dans sa première attendue que "les


décisions l’assemblée de CA peut être annulée si elle n’a pas respecté les
procédures régissant sa réunion notamment lesquels relatives à l’ajournement et
la fixation des délais intelligibles pour que le défendeur puisse démontrer son avis
et donner ses observations".62

De sa position, la cour de cassation a suivi la position de la jurisprudence


Française63 qui a consacré le non-respect de principe de confrontation comme
condition de se constituer dommage et intérêts pour le PDG64.

Estimant que la cour de cassation Tunisienne changera bientôt sa position


en ce qui concerne la révocation puisqu’une telle position peut conduire à donner
une immunité au PDG contre toute décision de révocation ce qui peut nuire à
l’intérêt social et l’intérêt des actionnaires, elle peut en fait s’il parait que la
décision de révocation a été prise dans l’unique dessin de nuire au PDG de lui
accorder le droit à la réparation conformément aux règles communes d’abus de
droit65.

‫ "تكون قابلة لإلبطال قرا رات الجلسة العامة المنعقدة دون احترام اإلجراءات المنظمة النعقادها و بخاصة منها إجراءات االستدعاء لتلك الجلسة‬62
‫وتعيين أجال معقولة للحضور حتى يتسنى للمعني باألمر بيان موقفه وتقديم ملحوظاته تكريسا لمبدأ المواجهة وذلك بقطع النظر عن الشروط األخرى‬
."‫ت‬.‫ش‬.‫المتعلقة بنسبة الحضور و النسبة المشترطة قانونا التخاذ القرارات المنصوص عليها بم‬
63
Arrêt cass com de 26/04/1994 RJDA 8-9 de 1994 n°937 cité par :
.‫ـدد‬1‫ هامش عـ‬212 ‫ مرجع سابق الذكر ص‬،‫كمال العياري المسير في الشركات التجارية‬
64
Il est à noter que la cour de cassation Française n’a pas décidé l’annulation de révocation mais elle se suffit de
prononcer le droit à la réparation en cas de révocation abusive.
65
L’art 103 COC.

26
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

2. Les crises entre les membres du conseil


d’administration :
Ces crises sont des crises organiques ou appelées encore crises structurelles,
il s’agit de deux cas de crises.

a- Vacance d’organes d’administration.


L’administration de la SA est effectuée par un organe à composition
collégiale dont le nombre varie selon le type choisi par les actionnaires (qui est
soit le CA66, dans le cadre d’administration de type classique dont la composition
est de 3 à 12 membres selon l’art 189 CSC, soit le directoire67 sous le contrôle de
CS68, qui contrairement au directoire qui peut être assuré par une seule personne,
il doit être composé de 3 membres au moins et 12 membres au plus69.

Ainsi, l’art 195 CSC prévoit que "sous réserve des dispositions de l’art 210
du présent code, en cas de vacance d’un poste au conseil d’administration 70 suite
à un décès, une incapacité physique, une démission ou à la survenance d’une
incapacité juridique, le conseil d’administration peut entrer deux assemblées
générales procéder à des nominations à titre provisoire (…).

Lorsque le nombre des membres de conseil d’administration devient


inférieur au minimum légal, les autres doivent convoquer immédiatement
l’assemblée générale ordinaire en vue de comblement de l’insuffisance du nombre
des membres.

Lorsque le conseil d’administration omet de procéder à la nomination


requise ou de convoquer l’assemblée générale, tout actionnaire ou le commissaire
aux comptes peuvent demander au juge des référés la désignation d’un mandataire

66
Le CA est régi par les articles 189 à 223 CSC
67
Le directoire est régi par les articles 224 à 234 CSC.
68
Le CS est régi par les articles 235 et suivants du CSC.
69
L’art 236 CSC.
70
En ce qui concerne la vacance d’un poste au sein de CS l’art 243 CSC repris les mêmes dispositions de l’art 195
CSC.

27
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

chargé de convoquer l’assemblée générale en vue de procéder aux nominations


nécessaires ou de ratifier les nominations prévues à l’alinéa premier de présent
article ".

Après avoir cité les cas de vacance d’un poste (à un décès, une incapacité
physique, une démission ou à la survenance d’une incapacité juridique), le
législateur a prévu les étapes de comblement de l’insuffisance.

De prime abord, il est au CA ou au CS selon le cas de procéder à la


nomination provisoire par cooptation et ce dans le cas où l’insuffisance ne devient
pas inférieure au minimum légal, c'est-à-dire les organes restants sont du nombre
de 3 membres 71 . Cette nomination est soumise à la ratification de prochaine
assemblée générale.

En second lieu, si l’insuffisance d’organe rend les membres du conseil


inférieur au minimum légal c'est-à-dire moins de 3 membres, on passe du stade
de cooptation à la convocation immédiate de l’assemblée générale ordinaire pour
combler l’insuffisance.

Toutefois, si les organes restants omet 72 ou négligent 73 aux nominations


requises ou à la convocation de l’assemblée générale, il est à tout actionnaire ou
le commissaire aux comptes74 ou encore tout intéressé75 d’agir en référé pour la
désignation d’un mandataire provisoire chargé de convoquer l’assemblée générale
pour ratifier les nominations effectuées ou procéder à des nouvelles nominations.

De cette disposition, on peut constater que le recours au juge de référé ait un


caractère subsidiaire c'est-à-dire il ne peut avoir lieu qu’après la récalcitrance des
membres restants qui se voit par l’utilisation de terme "omet" ou "néglige".

،2007 ‫تونس‬،‫ تعليق على مجلة الشركات التجارية منشورات مركز الدراسات الجامعية والقضائية‬:‫ كمال العياري‬،‫أحمد الورفلي‬،‫ عصام األحمر‬71
.588 ‫ص‬
72
L’art 195 CSC en ce qui concerne le CA.
73
L’art 243 CSC en ce qui concerne le CS.
74
L’art 195 CSC pour le CA.
75
L’art 243 CSC pour le CS.

28
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Dans le même ordre, on peut ajouter deux cas de crises que le législateur
omet de régir.

D’un coté, c’est le cas de l’insuffisance au sein de directoire 76 qui peut


aboutir à une crise de fonctionnement.

Cette lacune légale est aussi bien marquée en droit Tunisien qu’en droit
Français.

De l’autre coté, c’est le cas ou les membres restants deviennent inférieurs


au minimum statutaire mais conforme au minimum légal.

Contrairement au droit Tunisien, le droit Français a conféré aux membres


restants la mission de combler l’insuffisance à condition de ratification de la
prochaine assemblée, et en cas de défaillance des autres organes restants tout
intéressé peut demander au juge de référé la nomination d’un administrateur
provisoire chargé de convoquer l’assemblée générale77.

b- L’encombrement des organes d’administration :


Il s’agit dans ce cas de trouver deux organes d’administration en même
temps, un organe révoqué et un organe nouvellement nommé, chacun d’entre eux
estime la loyauté de son pouvoir de gestion.

Partant de fait que la loi confère aux assemblées générales des actionnaires
le droit de révoquer à tout moment et sans juste motif les membres de CA78 et de
révoquer à tout moment après proposition du CS les membres de directoire 79, la
même assemblé peut procéder à des nouvelles nominations mais les actionnaires
n’étaient pas d’accord sur la désignation des remplaçants.

76
BRIKI (L) : « Le rôle de juge en droit des sociétés », mémoire pour l’obtention du diplôme de master en droit
des affaires, faculté du droit de sfax 2009-2010 p64 et suivant.
.589‫ ص‬،‫مرجع سابق الذكر‬، ‫ تعليق على مجلة الشركات التجارية‬:‫ كمال العياري‬،‫أحمد الورفلي‬،‫ عصام األحمر‬77
78
L’art 195 CSC.
79
L’art 227 CSC, on rappelle dans ce cadre que l’organe de directoire révoquer s’il estime que sa révocation a été
fait sans juste motif il peut se constituer partie civile pour réparation du dommages et intérêts et ce contrairement
aux membres de CA qui sont révocables à tout moment et sans juste motif.

29
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Dans ce cas de figure, la présence de deux organes rend la société "un


bateau ivre80" privé de tout organe d’administration.

Il en va de même, le cas où l’existence de deux conseils d’administration


s’est produite suite à une démission de quelques membres du CA, les organes
restants se sont complétés par cooptation alors que les organes démissionnaires
prétendent que leur démission a été conditionnelle. Face à cette crise, la Cour
d’Appel de Paris 81 a ordonnée la nomination d’un administrateur provisoire
puisqu’une telle situation a paralysé le fonctionnement de la société et entrave sa
continuation.

Ces deux cas de figure n’étant pas réglementés par le législateur Tunisien.
Mais on peut dire que ces cas de crises paralysant le fonctionnement de la société
donnent le droit à tout intéressé d’ester en référé pour la réhabilitation structurelle
de la société sur la base des dispositions générales de l’art 200 CPCC et ce après
la réunion des conditions exigibles.

Paragraphe deuxième : la dissolution des crises de


fonctionnement par la nomination d’un administrateur judiciaire :
Le CSC ne contient aucune disposition qui gère la nomination d’un
administrateur judiciaire ni la nomination du séquestre judiciaire, elles sont le fruit
d’une initiative judiciaire qui tend à préserver la société et l’aider à maintenir son
activité.

Cette nomination doit réunir les conditions communes d’agir en référées


(A) avant de présenter la spécificité d’intervention judiciaire du droit des sociétés.
(B).

80
COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSY (F) : droit des sociétés, op cit, p 171.
81
Cour d’Appel de Paris, jugement du 05/01/1939 JCP 1939.

30
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

A. Les conditions communes d’agir en référés pour la


nomination d’administrateur judiciaire :
Vu que le droit des sociétés n’a pas fixé les conditions d’agir en référé et se
suffit de consacrer ce droit d’agir, c’est au juge et à la doctrine d’en fixer les
conditions sur la base des règles communes d’agir en référé (1) avant de présenter
les prérogatives de l’administrateur judiciaire (2).

1. Les conditions de nomination de l’administrateur


judiciaire :

Selon l’art 201 CPCC tel que modifié par la loi de 03/08/2002
«dans tous les cas d’urgence, il est statué en référé par provision et sans
préjudice au fond ».

De cette disposition, on affirme que "l’urgence qui détermine


l’intervention du juge constitue le seuil de sa compétence, le préjudice
au principal constitue la limite de sa compétence.82"

a- L’urgence (la nécessité) :


La notion d’urgence n’était pas législativement définie, ni limité par des
critères, c’est pour cette raison la cour de cassation à laisser83 au juge de fond
d’apprécier la notion de nécessité selon chaque cas d’espèce sans être soumis au
contrôle de la cour de cassation à condition de justifier le jugement.

82
OMRANE (A) : « la souveraineté de l’assemblé générale des actionnaires » article précité note n°66 p66.
83
Arret de la cour de cassation n°11619 du 25/03/1976 cité par :
‫ كلية الحقوق و العلوم السياسية‬،‫ مذكرة لنيل شهادة الماجستير في قانون الشركات التجارية‬،"‫"رقابة سير الشركة خفية االسم‬: ‫وجيه التوزري‬
.13‫ و‬12 ‫ ص‬2007-2006،‫بتونس‬

31
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’une manière générale, il ya nécessité "chaque fois ou le droit nécessitant


une protection est menacé et la non intervention pour la prise des mesures
préventives peut causer un dommage irrémédiable.84"

En droit des sociétés, l’urgence s’entend d’un péril imminent menaçant les
intérêts réels de la société85.

Allant plus loin, la doctrine Française estime que la nécessité existe "à la
double condition d’une paralysie des organes sociaux et d’un péril imminent".

D’une part quand à la première condition, suivants les cas précités86, il ya


eu paralysie des organes sociaux chaque fois ou les organes sociaux ne sont pas
en état de fonctionner normalement.

En effet, toute SA suppose l’existence de trois organes 87 ; un organe de


délibération qui est l’assemblée générale, un organe de gestion qui est soit un
conseil d’administration ou un directoire et un conseil de surveillance chargé
d’assurer la gestion de la société et un organe de contrôle qui est le commissaire
aux comptes qui assure la mission de contrôle. Ainsi, le péril imminent suppose
un fonctionnement anormal au sein de la société qui peut être doublement
provoqué :

D’un coté, le fonctionnement anormal peut être constaté par l’inexistence


de l’un de ces trois organes à savoir l’impossibilité de se réunir au sein d’un
assemblé général ou l’absence d’organe de gestion.

De ce fait, toute défectuosité au niveau de ces organes paralysie le


fonctionnement de la société et compromet même son existence88 ce qui justifie
l’intervention judiciaire pour la dissolution de crise.

.11 ‫ص‬،‫ مذكرة سابقة الذكر‬،"‫"رقابة سير الشركة خفية االسم‬: ‫ وجيه التوزري‬84
85
BASTIAN (D), note au J.C.P 1948-4116, cité par Omrane (A) : « la souveraineté de l’assemblé générale des
actionnaires » article précité note p67.
86
Les crises citées sous le titre (A) le cadre légal d’intervention du juge de référé.
87
Arrêt de la cour de cassation n°1284 du 10/05/2000 ; arrêt précité .
88
OMRANE (A) : « la souveraineté de l’assemblé générale des actionnaires » article précité note p68.

32
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’un autre coté, l’existence de trois organes ne suffit pas pour le


fonctionnement régulier de la société, il faut que chaque organe exécute les taches
qu’il revient.

A titre d’exemple, il ne suffit pas que l’assemblée générale se réuni pour


que la société fonctionne, il faut que les actionnaires délibèrent sur toutes les
questions prévues à l’ordre du jour de l’assemblé générale.

Il est à rappeler à cet égard que la nécessité n’est acceptable pour la


recevabilité de la demande en référé que si elle est accompagnée par un péril
imminent.

D’autre part, quand à la deuxième condition à savoir le péril imminent


signifie un péril certain, grave et menaçant l’intérêt social tel qu’une
mésintelligence entre actionnaires pouvant entrainer la dissolution de la société89.

Contrairement aux simples dissensions entre actionnaires qui ne


suffit pas elle seule pour justifier l’intervention du juge qui reste en fait
soumise aux règles qui dominent le droit des sociétés à savoir la règle de la
majorité90.

De même, la jurisprudence exige que le péril doive être réel, grave, actuel
et pouvant compromettre l’intérêt social et l’existence même de la société 91 ,
malgré que certains arrêts aient accepté l’intervention à titre préventive pour
conjurer un péril futur mais certain92.

Il est à noter à cet égard que le péril imminent menaçant l’intérêt social
diffère selon chaque cas d’espèce et reste soumis au pouvoir discrétionnaire du
juge de fonds suivants les preuves établies par le demandeur sans préjudicier au
fond du droit.

89
COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSY (F) : droit des sociétés, op.cit, p 172.
.271 ‫ ص‬1996 ‫ مقال منشور في م ق ت‬،‫ تعليق على بعض القرارات‬،‫محمد العربي هاشم "من فقه قضاء المادة التجارية‬ 90
91
KHARROUBI (KH) : droit des sociétés commerciales, édition Latrach 2016 p 259.
92
KHARROUBI (KH) : droit des sociétés commerciales, op.cit p 258.

33
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

b- Le non préjudice au fond :


Cette deuxième condition du droit commun d’agir en référé signifie que le
juge avant d’ordonner sa décision pour prononcer la nomination de
l’administrateur judiciaire doit s’abstenir de juger le fond du droit ce qui peut être
justifié par le caractère provisoire des décisions du juge de référé puisque cette
dernière tend à protéger les droits et intérêts en péril et non pas pour juger le fond
des droits.

De ce fait, le juge de référé ne doit ni trancher le problème au fond, ni


prendre des mesures qui aurait pour effet d’éteindre les droits des parties, ni même
fonder sa décision sur des motifs tirés du fond du droit93.

A titre d’illustration, la cour de cassation Tunisienne94 a refusé la demande


de nomination d’un administrateur provisoire parce que la demande a été fondé
sur la mauvaise gestion du directeur général de la société ce qui ressort de la
compétence du juge de référé95.

De cette position, la cour a adopté le principe de non immixtion du juge


dans la gestion de la société tant que les organes de la société s’occupent des
taches qui leur incombent et aucun péril ne peut nuire au fonctionnement de la
société.

Néanmoins, une partie de la jurisprudence96 a nuancé plus au moins cette


position puisqu’elle a laissé au juge de référé le droit d’examiner l’apparence de

93
OMRANE (A) : « la souveraineté de l’assemblé générale des actionnaires » article précité note p69.
94
Arrêt n°1284 du 10/05/2000, arrêt précité.
95
La cour affirme que :
‫" وحيث أن ما أثير من طرف المعقب ضدهم من استبداد المدير العام للشركة بالتصرف وإيثاره لمصلحة شركة ثانية على مصلحة الشركة األولى‬
‫والتتبعات الجزائية المثارة ضده ال تخول للقضاء اإلستعجالي اللجوء إلى ضرب االئتمان على الشركة إذ أن تلك األمور هي من األمور الجوهرية‬
‫التي تتطلب أبحاث واستقراءات معمقة تخرج عن نطاق القضاء المستعجل إضافة إلى أن القانون خول للشركاء مدعي الضرر ممارسة حقوقهم بطرق‬
‫قانونية مختلفة دون أن يكون في ذلك مس وإضرار بمصلحة الش ركة كأداة مستقلة عن ذوات الشركاء الذين يكونونها و مؤسسة اقتصادية متعلقة بها‬
."‫مصالح أطراف مختلفة‬
96
Jugement de T.P.I d’Ariana n°14333 du 15/04/2002 inédit cité par AYARI (K) dans son article : « le référé
dans le CSC institution en quête d’une identité » RJL Mai 2005 p 78.

34
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

droit menacé sans s’exprimer sur le fond de litige ou de rendre des décisions qui
une fois appliqué influence la solution au fond97.

De ce jugement, le tribunal a avoué le principe de subordination du juge de


référé par rapport au juge de fond pour éviter en fait la création des situations
irréversibles d’une part, et éviter la divergence des jugements d’autre part car en
toute état des causes la décision du juge de référé ne lie pas le juge de fond en ce
qui concerne le fond du litige.

Il est à noter en fait que toute demande d’agir en référé doit réunir ces deux
conditions cumulatives à savoir la nécessité et le non préjudice au fond qui
demeure de moindre importance au niveau des règles spécifiques du droit des
sociétés dans lesquels le législateur présume ces deux conditions d’où on parle de
compétence d’attribution du juge de référé.

En outre, la jurisprudence ordonne la nomination d’administrateur


judiciaire au nom de protection de l’intérêt social.

De ce fait, l’intervention du juge pour la nomination d’un administrateur a


un caractère subsidiaire ou encore comme dernière solution98.

Cette solution n’est acceptable qu’après la réunion des conditions d’agir en


référé (les conditions précitées à savoir la paralysie de fonctionnement de la
société99 et le péril imminent 100 aboutissant au mépris de l’intérêt social et les
intérêts des actionnaires).

97
La cour déclare que :
‫ م م م ت وذلك رغم نظره في قضايا استعجاليه‬201‫"وحيث ال نزاع ان القاضي أالستعجالي مقيد دوما بمبدأ عدم المساس باألصل الوارد بالفصل‬
.‫يكون اختصاصه فيها محددا بالقانون‬

‫وحيث ان عدم الخوض في االصل ال يمنع القاضي أالستعجالي من تفحص المؤيدات ة االطالع عليها للتوصل للثبوت الظاهر للحق من عدمه دون ان‬
."‫يبدي رأيه فيها أو يصدر قرارات من شانها لو طبقت ان تعيق قاضي االصل و تؤثر على نظره في النزاع‬
98
La cour de cassation utilise ce terme dans l’arrêt n°1284 du 10/05/2000 arrêt précité, elle déclare que :
‫"فإن الخالف بين الشركاء ال يبرر تدخل القضاء لنصب االئتمان على هياكل الشركة و يبقى اللجوء للقضاء كأقصى حل متى استحال‬
‫على هياكل الشركة االضطالع بمهامها كاستحالة عقد الجلسة العامة أو استحالة أخذ القرار النعدام وجود أغلبية و في كل الحاالت فغن‬
."‫مهمة القضاء تبقى مؤقتة و مقصورة على إعادة تحريك دواليب الشركة والسعي إلزالة العوامل التي أدت إلى تجميد أخذ القرار فيها‬
99
Jugement de la CA de Tunis n°80764 du 26/10/1988 publié à RTD 1990 p 408.
100
Arrêt de la cour de cassation n° 1284 du 10/05/2000 arrêt précité.

35
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Toutefois, les dispositions permettant la nomination d’administrateur


judiciaire n’ont pas fixé ni son statut juridique, ni ses prérogatives, ce qui nous
fait appelle aux dispositions communes notamment la loi du 14/11/1997 relative
aux liquidateurs, mandataires de justice, syndics et administrateurs judiciaires101.

En effet, on doit distinguer entre l’administrateur provisoire et le séquestre


judiciaire102.

D’où le premier, le juge lui confère soit l’accomplissement d’une tache


précise dans la décision qu’il nomme tel que la convocation de l’assemblée
générale, soit l’administration provisoire da la société.

Alors que le deuxième, le juge lui remet la garde des biens litigieux jusqu'à
ce que le litige soit réglé au fond103.

Reste à dire que la cour de cassation104 même si elle a autorisé la nomination


d’un administrateur provisoire en cas de mésintelligence paralysant le
fonctionnement de la société, elle exige au juge du fond d’en préciser les
pouvoirs105.

1. Les pouvoirs de l’administrateur judiciaire :


Déterminé par la décision qu’il nomme les pouvoirs de l’administrateur
provisoire peuvent être tantôt extensive tantôt limité selon les cas de chaque cas
d’espèce et suivant la gravité du péril imminent menaçant l’intérêt social.

101
La loi n° 97-91 du 14/11/1997 JORT n°91 du 14/11/1997 p 2047 et suivants.
‫ كلية الحقوق و العلوم‬،‫مذكرة لنيل شهادة الماجستير بحث في قانون األعمال‬،"‫ "الحماية القانونية للمساهم ف ي الشركة خفية االسم‬:‫ يوسف مقداد‬102
.101 ‫ ص‬2013-2012 ‫السياسية بسوسة‬
103
La garde des biens litigieux donne le droit au séquestre d’assister aux assemblées générales sans avoir le droit
d’être membre de CA ou un président de CA (jugement de TPI de Sousse n°89918 du 23/08/1985 cité par M.
Larbi.Hachem, RTD 1990, article précité
104
Arrêt n°2289 du 17/01/1981, arrêt précité.
‫ "وعلىىىى هىىىذا األسىىىاس يجىىىوز تعيىىىين متصىىىرف قضىىىائي إلدارة الشىىىركة مؤقتىىىا ولىىىو كانىىىت شىىىركة خفيىىىة االسىىىم شىىىريطة ثبىىىوت مصىىىلحة‬105
‫الشىىركة التخىىاذ مثىىل هىىذه الوسىىائل التحفظيىىة باعتبارهىىا أنجىىع الوسىىائل لتالفىىي كىىل خطىىر قىىد يهىىدد كيانهىىا ويعطىىل سىىيرها و نشىىاطها مىىع وجىىوب‬
."‫ضبط وظائف المتصرف القضائي وتحديد مسؤوليته ريثما يحسم النزاع في االصل بين مساهمي الشركة‬

36
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

a- Les pouvoirs limités de l’administrateur judiciaire :


Dans certaines dispositions, la loi a limité le domaine d’intervention du juge
de référé. Cette limitation a pour fondement le respect des organes sociaux de
la société et les règles impératives d’administration d’une part, et le
caractère provisoire et exceptionnelle 106 de l’administration judiciaire d’autre
part.

A cet effet, l’art 277 CSC dispose que "en cas de nécessité, elle peut être
convoqué par : (..)

2) Un mandataire nommé par le tribunal sur demande de tout intéressé ".

De cette disposition, le législateur a autorisé le juge de nommer un


administrateur dont la seule mission est de convoquer l’assemblée générale en cas
de carence des organes de gestion.

Dans ce même ordre d’idée, l’art 195 al 4107 et l’art 243 al 4108 ont ordonné
le tribunal à "nommer un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale
en vue de procéder aux nominations nécessaires ou ratifier les nominations
réalisées". Une telle restriction peut être justifiée du fait que la nomination des
organes de gestion ait un caractère à intuitu personae et elle est de la compétence
seule de l’assemblée générale, c’est pour cette raison que la loi a limité les
pouvoirs de l’administrateur judiciaire à la convocation de l’assemblée générale.

On peut déduire de ces dispositions que l’intervention de l’administrateur


comme organe externe doit être limité quand au pouvoir et quand à la durée109
dont elle ne doit pas excédé la date de la réunion de l’assemblée générale puisque

.341 ‫ ص‬1996 ‫ م ق ت‬،1990/01/16 ‫ بتاريخ‬51214 ‫ تعليق على قرار تعقيبي عدد‬:‫ عبد المجيد عبودة‬106
107
Relatif au CA.
108
Relatif au CS.
.341‫ تعليق سابق الذكر ص‬:‫عبد المجيد عبودة‬ 109

37
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

cette dernière est tenue de résoudre les conflits et nommer l’organe manquant de
la société.

De ce fait, la mission de l’administrateur se résume à la réanimation des


organes sociaux et non pas de se substituer de l’un de ses organes.

b- Les pouvoirs étendus de l’administrateur judiciaire :


De prime abord, il est à noter que la consultation des dispositions du CSC
montre l’absence des dispositions permettant au juge la nomination d’un
administrateur chargé d’assurer la gestion de la société ou de se substituer de l’un
de ses organes, ce qui a donner naissance à une controverse jurisprudentielle.

De ce fait, la demande de nomination de l’administrateur est recevable


chaque fois où l’intérêt social est menacé d’où la mission de l’administrateur
serait de rechercher une solution110 à la crise et d’assurer la survie de la société111.

La consultation de la jurisprudence Tunisienne montre que la quasi-totalité


des arrêts considère que la nomination d’un administrateur provisoire qu’au nom
de la protection de l’intérêt social.

A titre d’illustration, la cour de cassation 112 a ordonné la nomination


d’administrateur chargé d’assurer la gestion de a société jusqu’à la résolution des
conflits entre actionnaires.

Dans un autre arrêt, la cour de cassation 113 a refusé la nomination d’un


administrateur judiciaire car les conditions d’urgence n’étaient pas prouvées par
le tribunal et aucun paralysie des organes sociaux na été constaté114.

110
GUYON (Y) :"les missions des administrateurs provisoires des sociétés ", mélange en l’honneur de Daniel
Bastian tome 1, droit des sociétés p 103 et suivant.
111
GUYON (Y) :"les missions des administrateurs provisoires des sociétés ", article précité p 111.
112
Arrêt n°2289 du 17/01/1981, arrêt précité.
113
Arrêt de la cour de cassation n° 1284 du 10/05/2000 arrêt précité.
‫ "وحيث طالما ثبت من االطالع على أوراق الملف أن هياكل الشركة مضطلعة بمهامها الموكولة لها بصفة طبيعية من التئام للجلسات العامة‬114
‫العادية السنوية واجتماع مجلس اإلدارة وإعداد مراقب الحسابات لتقاريره الدورية حول التصرف وتدقيق الحسابات فإن الخالف بين الشركاء ال يبرر‬
‫تدخل القضاء لنصب االئتمان على هياكل الشركة و يبقى اللجوء للقضاء كأقصى حل متى استحال على هياكل الشركة االضطالع بمهامها كاستحالة‬
‫عقد الجلسة العامة أو استحالة أخذ القرار النعدام وجود أغلبية و في كل الحاالت فغن مهمة القضاء تبقى مؤقتة و مقصورة على إعادة تحريك دواليب‬
."‫الشركة والسعي إلزالة العوامل التي أدت إلى تجميد أخذ القرار فيها‬

38
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Par une lecture à contrario on peut déduire que la paralysie de l’un des
organes sociaux justifie sa substitution d’un administrateur judiciaire.

En outre, le jugement portant nomination d’un administrateur judiciaire


doit préciser les motifs de nomination, ses pouvoirs et sa responsabilité115.

Généralement, les pouvoirs de l’administrateur judiciaire sont "toutes les


mesures qui s’inscrivent dans l’intérêt social et spécialement celles visant à
protéger le patrimoine social ou encore plus à l’améliorer116".

Cependant, une part de la doctrine française 117 adopte cet avis en utilisant
le terme "tout dépond de l’intérêt social" en distinguant entre deux catégories
d’actes.

D’un coté, les actes de gestion normal tel que la vente, la location, (..) qui
sont de la compétence de l’administrateur si elle est nécessaire pour réaliser
l’objet social.

D’un autre coté, les actes de gestion influençant l’avenir de la société


comme le règlement amiable, liquidation ou la dissolution de la société qui reste
soumises à l’autorisation préalable de l’assemblée générale des actionnaires et du
tribunal qui la désigné.

Il est à rappeler à cet égard que l’administrateur désigné parle juge du


référé même s’il est investi des larges pouvoirs, il ne peut pas se substituer de
l’assemblée générale, ni prendre les décisions qui relèvent de sa compétence.

115
Arrêt n°2289 du 17/01/1981, arrêt précité.
116
BEN REJEB (I) : l’administrateur judiciaire des sociétés commerciales, thèse de doctorat, faculté des sciences
juridiques politiques et sociales de Tunis 1995 p 415.
117
COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSYI (F) : droit des sociétés, ouvrage précité p 173.

39
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

A. Les conditions spécifiques justifiées par les crises


politiques :
Dans le cadre de la compétence justifiée par l’existence des crises menaçant
l’intérêt social, le législateur a dispensé le demandeur en référé de prouver la
nécessité puisque cette dernière est présumée par le législateur.

Ces dispositions concernent notamment la révocation du commissaire aux


comptes pour justes motifs118, la convocation de l’assemblée générale en cas de
nécessité119, la nomination d’un expert de gestion pour présenter un rapport sur
un ou plusieurs opérations de gestion120, ou encore la communication de certains
documents aux actionnaires dans le cadre de jouir de leur droit à l’information121.

Toutefois, le législateur Tunisien a élargi le domaine de la compétence du


juge du référé dans la résolution des crises opposant l’administration des sociétés
anonymes en vue d’assurer plus d’équilibre entre le pouvoir de direction et le
pouvoir de contrôle par la protection judiciaire du droit à l’information.

Dans ce même ordre d’idée, la reforme de 16/03/2009 faisant ajouter


l’alinéa 3 de l’art 284 CSC une nouvelle version des référées d’où elle a permis
"en cas de contentieux au fond, le demandeur peut demander au tribunal saisi la
tenue d’une audience aux fins d’audition de deux parties. Le demandeur peut
adresser des questions au défendeur ou aux défendeurs".

Donner le droit au demandeur de poser des questions devant le juge


constitue un élargissement de compétence du juge du référé d’où la doctrine la
nomme "le référé du fond122".

118
L’art 264 CSC.
119
L’art 274 CSC.
120
L’art 290 bis CSC.
121
L’art 284 CSC.
.‫ و ما بعدها‬31 ‫ ص‬2011 ‫ م ق تش جوان‬،2009/03/16 ‫"مسيرو الشركة خفية االسم و مساهموها على ضوء تعديل‬:‫هاجر الفطناسي‬ 122

40
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Cette évolution de compétence justifiée du fait que la crise n’est pas encore
survenue d’où on parle d’intervention préventive du juge en vue d’assurer un
fonctionnement sain au futur de la société.

De même, lorsqu’il s’agit d’agir en référé pour la nomination d’un


mandataire judiciaire chargé de convoquer l’assemblée générale, il suffit de
prouver la qualité d’actionnaire détenant cinq pour cent de capital social sans être
tenu de prouver la nécessité et le non préjudice au fond qui demeurent présumés
par le législateur123.

On assiste en tout état des causes que la décision rendue par le juge doit
contenir les mesures à prendre soit pour dépasser une crise déjà existante, soit
pour éviter la survenance d’une crise éventuelle.

Chapitre deuxième : Dissolution des crises politiques


nées de la prise des décisions au sein de l’A.G :
Au sein d’une SA, les décisions relatives à la politique sociale doivent être
prise au sein de l’assemblée générale des actionnaires c'est-à-dire d’une manière
collective.

Cette collectivité peut être à l’origine des divergences d’intérêt ce qui fait
appel à la recherche des fondements pour l’annulation des décisions sociales non
désirées.

Conscient de ces risques, le législateur a permis de demander l’annulation


des décisions sociales soit sous le fondement d’irrégularité formelle (section
première) lorsqu’il s’agit de non-conformité aux règles les formalités de prise des

123
La cour de cassation tunisienne affirme dans son arrêt que :
‫ في رأسمال‬%15 ‫ت لم يستوجب عنصر الضرورة و التأكد ونسبة المساهمة بأكثر من‬.‫ ش‬.‫ م‬277 ‫"وحيث أنه خالفا لما تمسك به المعقبون فإن الفصل‬
‫ يكفي لوحده لتمكين المساهمين الذين يمتلكون هذه النسبة من االلتجاء للمحكمة‬%15 ‫الشركة بصورة متالزمة بل إن توفر عضو المساهمة بأكثر من‬
".‫قصد طلب تعيين وكيل يعهد إليه الدعوة إلى عقد جلسة عامة‬
:‫ غير منشور أوردته‬،2010/03/16 ‫ـدد بتاريخ‬8140‫قرار تعقيبي مدني عـ‬
HAMMOUDA (T) : la nature juridique du droit de vote, mémoire en vue de l’obtention du diplôme de master de
recherche en droit privé, Faculté du droit de Sousse 2015-2016.

41
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

décisions soit sous le fondement du caractère abusif des décisions (section


deuxième) lorsqu’il s’agit des décisions prises à l’encontre de l’intérêt social ou
au mépris de l’intérêt des autres actionnaires.

Section Première : l’irrégularité formelle des décisions


sociales :
Malgré la diversité des cas d’irrégularité formelle (paragraphe 1), la loi
prévoit la sanction de nullité pour les décisions viciées (paragraphe 2).

Paragraphe Premier : Le cadre légal d’irrégularité formelle :


L’assemblée générale constitue l’organe suprême dans lequel s’élabore la
politique générale de la société. C’est pour cette raison que le législateur l’a régi
par les articles de 274 à 313 CSC. De ces dispositions, l’actionnaire doit être
régulièrement convoqué (A) avant de participer à la prise des décisions (B).

A. L‘irrégularité due au non respect des procédures de


convocation :
Pour être à l’abri d’annulation, la convocation de l’assemblée générale doit
être en conformité avec les dispositifs des articles 275, 276 et 277 CSC.

Ces dispositions concernent notamment la périodicité de l’assemblée


générale (1) et les formalités de convocation (2).

1. La périodicité de l’assemblée générale :


L’assemblée générale constitue le siège dans lequel l’actionnaire exerce ses
pouvoirs124 conférés par le droit de vote. Vu cet importance, l’art 275 CSC prévoit
que "l’assemblée générale ordinaire est, doit se réunir au moins une fois par année
et dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice comptable et ce pour :

124
Les pouvoirs sont le pouvoir de contrôle sur les organes d’administration et le ou les commissaires aux comptes,
et le pouvoir de décision par le vote sur les projets des décisions inscrite à l’ordre du jour.

42
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

- Contrôler les actes de gestion de la société.

- Approuver selon les cas, les comptes de l’exercice écoulé.

- Prendre les décisions relatives aux résultats après avoir pris


connaissance du rapport du conseil d’administration ou de celui du directoire et
de celui du commissaire aux comptes.

Est nulle la décision de l’assemblée générale portant approbation des états


financiers si elle n’est procédée par la présentation des rapports du ou des
commissaires aux comptes."

Contrairement à la SARL125 dans laquelle on peut se suffire de consultation écrite,


la réunion de l’assemblé générale est obligatoire au moins une fois par année.

De même, le législateur exige qu’elle doive être procédée par le rapport du


commissaire aux comptes. Ce rapport constitue un avis technique permet aux
actionnaires d’avoir une idée préalable sur la situation réelle de la société avant
d’exercer leurs pouvoirs de contrôle et de voter avec connaissance sur les
décisions.

2. Les formalités de convocation :


L’art 276 CSC dispose que " l’assemblée générale ordinaire est convoqué
par un avis publié au Journal Officiel de la République Tunisienne et dans deux
quotidiens dont l’une en langue arabe, dans le délai de quinze jours au moins avant
la date fixée pour la réunion. L’avis indiquera la date, le lieu de la tenue de la
réunion ainsi que l’ordre du jour".

L’avis doit contenir un minimum d’information tel que la date et l’ordre du


jour126.

De prime abord, la date de la réunion doive être au moins 15 jours après la


publication de l’avis.

125
L’art 126CSC.
126
Puisque les autres informations sont disponibles au siège social conformément aux articles 280 et 284 CSC.

43
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Ce délai raisonnable permet aux actionnaires de demander les informations


nécessaires ou de consulter les documents fournis par les administrateurs au siège
social127 en vue de se faire connaissance sur la situation financière de la société
avant de prendre part au vote au sein de l’assemblée générale.

De même, aviser les actionnaires 15 jours avant la tenue de l’assemblée


signifie lui donner l’opportunité de se consacrer à la réunion pour donner plus
d’effectivité au contrôle exercé au sein de l’assemblée.

En ce qui concerne l’ordre du jour de l’assemblée, il doit être arrêté par


l’auteur de la convocation 128 , il doit contenir les décisions à prendre par
l’assemblée générale telle que l’approbation des états financiers distribution des
bénéfices (…).

Il est à noter que l’assemblée générale ne doit pas se statuer sur des
questions non inscrites à l’ordre du jour à l’exception de la révocation d’un ou
plusieurs membres de conseil d’administration, du directoire ou du conseil de
surveillance et à procéder à leur remplacement129.

Dans le même cadre, tout actionnaire détenant 5% du capital social peut


demander l’inscription des projets supplémentaires des résolutions à condition
que ladite demande soit adressée à la société avant la tenue de la première
assemblée générale par lettre recommandée avec accusé de réception.

Ce même article adopte le principe de non intangibilité130 de l’ordre du jour


d’où l’alinéa 5 prévoit " l’ordre du jour ne peut être modifié à la deuxième
convocation".

127
Les articles 280 et 284 CSC.
128
L’art 283 CSC.
129
L’art 283 alinéa 4CSC.
.902 ‫ ص‬،‫مرجع سابق الذكر‬، ‫ تعليق على مجلة الشركات التجارية‬:‫ كمال العياري‬،‫أحمد الورفلي‬،‫عصام األحمر‬ 130

44
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

En effet, si une assemblée générale a été ajournée quel qu’en soit la raison
d’ajournement (défaut du quorum à titre d’exemple) l’ordre du jour reste le même
pour la deuxième convocation131.

L’avis doit être publié au Journal Officiel de la République Tunisienne et


dans deux quotidiens dont l’un est en langue arabe.

Ce moyen d’information légale constitue le moyen le plus fiable pour éviter


tout détournement fait par les administrateurs en vue d’empêcher les actionnaires
de se présenter aux assemblées. En effet, la publication au Journal Officiel de la
République Tunisienne est une présomption de connaissance de la date de la
réunion.

B. L’irrégularité due au non-respect des règles de prise des


décisions :
Le droit d’assister aux assemblées générales est un droit fondamental
accordé à tous les actionnaires abstraction fait de leur participation au capital
social132.

En effet, ce principe connait une limite prévue par l’art 279 CSC dont
prévoit " les statuts peuvent exiger un nombre minimum d’actions sans celui-ci
puisse être supérieur à dix pour participer aux assemblées générales ordinaires.
Plusieurs actionnaires peuvent se réunir pour atteindre le minimum prévu par les
statuts et se faire représenter par l’un d’eux".

Cette exception ne concerne que les assemblées générales ordinaire à


l’exclusion de l’assemblée générale extraordinaire en raison de la gravité des
décisions qu’elle peut prendre133.

131
L’art 278 alinéa 3 CSC.
132
L’art 11 alinéa 4 CSC.
133
Tel que l’augmentation du capital social (art 292 CSC), la diminution de capital social (l’art 307 CSC) ou la
modification des statuts (l’art 291 CSC).

45
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

L’assistance aux assemblées générales est soumise à des règles relatives à


la compétence (1) et d’autres relatives au quorum et majorité (2).

1. Les règles de compétence :


L’assemblée générale en tant qu’organe de délibération peut être ordinaire
(a) ou extraordinaire (b)134.

a- L’assemblée générale ordinaire :


L’assemblée générale ordinaire se réuni périodiquement une fois par année
au moins135.

Elle est d’une compétence générale, elle prend les décisions autres que
celles réservées a l’assemblée générale extraordinaire136.

Elle est compétente pour contrôler les actes de gestion de la société,


approuver les comptes de l’exercice écoulé et prendre les décisions relatives aux
résultats après avoir connaissance du rapport du conseil d’administration ou du
directoire et celui du commissaire aux comptes137.

b- L’assemblée générale extraordinaire :


L’assemblée générale extraordinaire est doté de prendre les décisions
importantes à la société tel que la modification des statuts138 augmentation139 ou
diminution140 du capital social ou encore les décisions influençant la vie de la
société141.

134
L’assemblée générale peut être aussi constitutive dans la quelle la société est encore de constitution d’où on ne
parle plus des crises politiques.
135
L’art 275 CSC.
136
L’art 278 alinéa 1 CSC.
137
L’art 275 CSC.
138
L’art 291 CSC.
139
Les articles 292 à 306 CSC (elle doit être prise à l’unanimité).
140
Les articles de 307 à 312 CSC.
141
Tel que la dissolution de la société selon l’art 387 CSC.

46
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Cette distribution de compétence entre les différents types des assemblées


doit être respectée à moins d’encourir l’annulation.

2. Les règles du quorum et de majorité :


Avant de prendre les décisions à la majorité (a) L’assemblée générale doit
attendre le quorum exigible (b).

a- Le quorum exigible :
Pour être valable toute L’assemblée générale doit respecter le quorum exigé
par la loi qui diffère selon qu’il s’agit d’une assemblée générale ordinaire ou
extraordinaire.

En ce qui concerne, L’assemblée générale extraordinaire l’art 291 alinéa 2


prévoit que " les délibérations de L’assemblée générale ne sont considérées
valables que si les actionnaires présents ou les représentées au droit de vote
détiennent au moins sur première convocation la moitié de capital et sur deuxième
convocation le tiers du capital.si ce dernier quorum n’est pas atteint, L’assemblée
générale extraordinaire se réuni après une troisième convocation sans aucun
quorum n’est exigé142.

Quand à L’assemblée générale ordinaire, elle ne délibère valablement sur


première convocation que si les actionnaires présents ou représentés détiennent le
tiers au moins des actions conférant à leur titulaire le droit de vote.

A défaut du quorum, une deuxième assemblée est tenue sans aucun quorum
n’est exigé143.

142
L’art 291 alinéa 3 CSC.
143
L’art 278 alinéas 2 et 3 CSC.

47
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

b- La majorité :
L’assemblée générale se statue sur la prise des décisions par une majorité
simple lorsqu’il s’agit d’une assemblée générale ordinaire 144 et une majorité
qualifiée lorsqu’il s’agit d’une assemblée générale extraordinaire145 des voix des
actionnaires présents ou représentés ayant droit au vote146.

La majorité est calculée par le nombre d’actions et non pas des personnes
c'est-à-dire chaque action est égale à une voix.

De même, le législateur a donné la possibilité aux actionnaires de se faire


représenter par un mandataire147 muni d’un mandat spécial ou de se voter par
correspondance à moins que le vote émis par correspondance soit adressé à la
société avant l’expiration du jour précédant la réunion de L’assemblée générale148.

Malgré que le CSC n’a pas prévu expressément la sanction de la nullité


pour l’irrégularité due au non des règles relatives à la prise des décisions, et ce
contrairement à l’art 94 CC qui affirme la nullité des décisions prises en violation
des règles relatives à la convocation des assemblées générales et au quorum de
délibération.

Paragraphe Deuxième : L’annulation des décisions viciées :


L’irrégularité quel soit due au non-respect des règles de convocation ou au
non-respect des règles relatives à la prise des décisions, une fois constaté aboutit
à la nullité des décisions (B) malgré que cette nullité soit restrictive (A).

144
L’art 278 alinéa 5 CSC.
145
L’art 291 alinéa 3 CSC.
146
A l’exception des décisions portant augmentation des engagements des actionnaires qui nécessitent l’unanimité
de tous les actionnaires.
147
L’art 11 alinéa 5 et l’art 278 alinéa 5 CSC.
148
L’art 278 alinéas 5,,6,7 et 8 CSC.

48
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

A. La sanction de nullité des décisions viciées :


Il s’agit à ce stade de présenter la preuve de la cause de nullité (1) avant
d’envisager l’action en nullité (2).

1. La preuve de la cause de la nullité :


Le demandeur de l’annulation doit soit une convocation viciée de
L’assemblée générale (a) soit l’irrégularité des règles de prise des décisions (b).

a- La preuve de la convocation viciée :


La non-conformité aux dispositions des articles 275, 276 et 278 CSC
constitue un fondement pour demander l’annulation des décisions sociales.

En effet, l’alinéa 3 de l’art 277 CSC prévoit que " toute assemblée dont la
convocation n’est pas conforme aux modalités ci-dessous mentionnées peut
annulée."

De cet article, le législateur prévoit expressément la sanction de la nullité.


A cet égard, il incombe au demandeur dans l’action en nullité de prouver que
l’organe d’administration n’a pas publié l’avis de la convocation conformément
aux dispositions de l’art 275 CSC ou que la convocation a été fait en vue
d’empêcher les actionnaires d’assister aux assemblées.

b- La preuve d’irrégularité de la prise des décisions :


La preuve d’irrégularité des règles de prise des décisions est plus facile que
celle de la convocation viciée.

En effet, l’art 282 CSC dispose que " avant de passer à l’examen de l’ordre
du jour, il sera établi une feuille de présence contenant l’énonciation des noms des
actionnaires ou de leur représentant, de leur domicile et du nombre d’actions leur
revenant ou revenants aux tiers qu’ils représentent.

49
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Les actionnaires ou leurs mandataires doivent procéder à l’émargement de


la feuille de présence certifiée par le bureau de l’assemblée générale, et déposé au
siège social principal de la société et à la disposition de tout requérant.

Sur la base de la liste établie, sera fixé la totalité du nombre des actionnaires
présents ou représentés ainsi que la totalité du capital social leur revenant tout en
déterminant la part du capital social revenant aux actionnaires bénéficiaires du
droit de vote".

Dans le même ordre, l’art 285 CSC dispose que » le procès-verbal des
délibérations de l’assemblée générale doit contenir les énonciations suivantes :

- La date et le lieu de sa tenue.

- Le mode de convocation.

- La composition du bureau.

- Le nombre d’actions participant au et le quorum atteint.

- Les documents et les rapports soumis à l’assemblée générale.

- Un résumé des débats, le texte des résolutions soumises au vote et


son résultat.

Ce procès-verbal est signé par les membres du bureau, et le refus de l’un


d’eux doit être mentionné."

Il ressort de ces dispositions que ces deux documents (la feuille de présence
et le procès-verbal) constituent un moyen de preuve permettant aux demandeurs
de la nullité de prouver que le quorum n’a pas été requis ou encore que la décision
a été prise malgré que la majorité exigé n’a pas été atteinte.

2. L’action en nullité :
La demande en nullité est un droit conféré à tout actionnaire abstraction fait
de sa participation au capital social à moins qu’il ne soit pas présent ou représenté

50
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

à l’assemblée générale149, sinon il doit chercher un autre fondement de nullité (tel


que l’abus de majorité).

Ainsi, comme toute action, l’action en nullité doit réunir les conditions
communes150 d’agir en justice à savoir la qualité, la capacité et un intérêt dans
l’exercice de l’action.

Elle est de la compétence de la chambre commerciale puisque l’art 40


alinéa7 CPCC dispose que ladite chambre du président et deux assesseurs en plus
de deux commerçant visés au paragraphe ci-dessus lorsqu’elle connait des litiges
relatifs à la constitution des sociétés ou à leurs direction ou dissolution ou
liquidation ou pour les litiges se rapportent au redressement des entreprises qui
connaissent des difficultés économiques et leur faillite, ou que lorsqu’elle statue
en tant que juridiction d’appel sur ce qui relève de sa compétence."

De ce fait, l’action en nullité sera exclue de la compétence du juge des


référés, ceci peut être justifié par l’utilisation du terme "l’action en nullité » par le
législateur dans l’art 277 alinéa 3 CSC.

Il est à rappeler à cet égard que l’irrégularité une fois constaté, le juge n’a
pas de pouvoir discrétionnaire pour déclarer la nullité, il ne doit pas par exemple
refuser l’action sous prétexte de conformité de la décision à l’intérêt social151.

B. Restriction de la sanction de la nullité :


La sanction de la nullité des décisions émane d’une nullité relative, ceci
peut être doublement justifié :

D’une part, le législateur a prévu la possibilité de régularisation dans l’art


277 alinéa 3 CSC en prévoyant que "toute assemblée dont la convocation n’est
pas conforme aux modalités ci-dessus mentionnées peut être annulée. Toutefois,

.873 ‫ ص‬،‫مرجع سابق الذكر‬، ‫ تعليق على مجلة الشركات التجارية‬:‫ كمال العياري‬،‫أحمد الورفلي‬،‫ عصام األحمر‬149
150
Les conditions exigées par l’art 19 CPCC.
.873 ‫ ص‬،‫مرجع سابق الذكر‬، ‫ تعليق على مجلة الشركات التجارية‬:‫ كمال العياري‬،‫أحمد الورفلي‬،‫ عصام األحمر‬151

51
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

l’action en nullité n’est pas recevable lorsque tous les actionnaires y étaient
présents ou représentés."

Ainsi, la présence de tous les actionnaires régularise la non-conformité et


donne une légitimité à l’action prise.

D’autre part, le droit des sociétés est dominé par la protection des tiers de
bonne foi.

Cette protection peut restreindre le domaine de la nullité sous le fondement


de la théorie de l’apparence152 selon la quelle l’annulation de la décision vicié ne
peut pas nuire aux intérêts des tiers de bonne foi qui a conclu des contrats avec la
société et qui ne connait pas au préalable les causes de la nullité de la décision
vicié.

Reste à dire que la restriction du domaine de la nullité pour l’irrégularité


formelle n’interdit pas les actionnaires de chercher un autre fondement tel que le
caractère abusif de la décision.

Section deuxième : Les crises politiques nées des décisions


sociales abusives.
Si le droit de vote est classifié parmi les droits fondamentaux cités par l’art
11 CSC et doit s’exercer librement en vue d’améliorer le rôle de l’actionnaire dans
la réalisation de la politique générale de la société, force est de constater qu’il est
comme tout droit, le droit de vote n’est pas un droit absolu, il ne doit ni nuire
l’intérêt de la société ni nuire les intérêts des autres actionnaires.

Conscient de ces abus, le législateur Tunisien a réglementé le phénomène


d’abus de majorité (paragraphe premier), malgré qu’il a omet de régir un
phénomène qui n’est de moindre importance à savoir l’abus de minorité
(paragraphe deuxième).

152
Cette théorie est prévue par l’art 197 CSC relatif aux pouvoirs des membres du conseil d’administration.

52
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Paragraphe Premier : L’abus de majorité.


Le droit des sociétés est fondé sur la loi de la majorité153 qui signifie que
"la volonté exprimée par le plus grand nombre au sein d’un groupe devient la loi
des membres de ce groupe".154

Ce principe connait une exception à savoir la limitation des pouvoirs des


majoritaires s’ils viennent de favoriser leur propre intérêt au détriment de l’intérêt
de la société.

Ainsi, l’abus de majorité trouve son assise légale dans l’art 290 CSC dont
prévoit dans son alinéa premier que "les actionnaires détenant au moins dix pour
cent du capital social peuvent demander l’annulation des décisions sociales
contraires aux statuts ou portant atteinte aux intérêts de la société, et prises dans
l’intérêt d’un ou de quelques actionnaires ou au profit d’un tiers."

De cette disposition, on détermine les éléments constitutifs d’abus de


majorité (A) avant de dégager la sanction d’abus de majorité (B).

A. Les éléments constitutifs d’abus de majorité :


L’alinéa premier de l’art 290 CSC exige la réunion de deux conditions
cumulatives155 pour la constitution d’abus de majorité à savoir la contrariété de
l’acte aux statuts ou aux intérêts de la société (1) et la rupture d’égalité entre
actionnaires (2).

1. La contrariété de l’acte aux statuts ou aux intérêts de la


société :
Dans cette condition le législateur a édicté deux critères distincts, à savoir
les statuts et l’intérêt social.

153
OMRANE (A) : Le droit de l’associé à l’information et à l’accès à la justice, RJL Juillet 2009 p 133.
154
SCHMIDT (D) : la loi de la majorité, exposé introductif, R.J.Com numéro spécial Novembre 1991 p391.
155
Ceci se voit par l’utilisation de l’adjonction "et" par le législateur dans l’alinéa 1 de l’art 290 CSC.

53
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’une part, les statuts comme contrat émanant de la volonté de la


collectivité des actionnaires doivent être respectés par ses parties comme une
loi 156 et exécutés de bonne foi conformément aux règles communes des
contrats157.

De ce fait, toute décision même si elle est prise par la majorité au sein de
l’assemblée générale ne doit pas contredise les stipulations statutaires à moins
d’encourir l’annulation.

Ainsi, la constatation de la contrariété de l’acte aux statuts se fait par le


retour aux clauses statutaires et de sa comparaison des décisions prises par
l’assemblée générale.

D’autre part, l’intérêt social comme concept standard158 échappe de toute


tentative de définition ce qui a donné naissance à une controverse.

D’un coté, une partie de la doctrine exige la contrariété de la décision à


l’intérêt social pour pouvoir demander sa nullité.

En effet, elle adopte "l’appréciation de l’intérêt social par rapport à l’objet


de la société, ce qui entraine deux conséquences :

La première est que l’objet social soit considéré comme étant la prestation
attendue par chaque associé de sa participation à la société c'est-à-dire le partage
et la distribution des bénéfices réalisés, toute décision contraire à cet objet est
abusive.

La deuxième est que l’objet social est l’activité effectivement exercée par
la société, l’intérêt social est l’intérêt propre de la personne morale, distinct de
l’addition des intérêts de chacun des membres de groupement, se résume dans le

156
L’art 242 COC.
157
L’art 243COC.
158
OMRANE (A) : « la souveraineté de l’assemblé générale des actionnairont es » article précité note p80.

54
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

développement des affaires sociales, dans la meilleure politique pour la


société159."

Cet avis à été adopté depuis longtemps par la jurisprudence Tunisienne160


en considérant que «il ya abus de majorité lorsque les associés majoritaires en
capital votant prennent des décisions sans égard à l’intérêt de la société, en vue de
favoriser leurs intérêts au détriment de ceux des minoritaires".

Force est de constater à cet égard que l’admission de l’intérêt social comme
critère pour la qualification de l’acte comme abusif ouvre la porte pour un large
pouvoir d’appréciation du juge et d’étendre son domaine d’immixtion dans les
affaires sociales ce qui contredise les principes fondamentaux du droit des sociétés
à savoir la non intervention du juge dans les affaires sociales.

D’autre coté, une deuxième partie de la doctrine161 tente d’éliminer l’intérêt


social comme condition pour l’abus de majorité.

Ainsi, elle considère que toute rupture d’égalité implique nécessairement


une atteinte à l’intérêt social en déclarant que "l’intérêt d’une société est celui de
tous les associés égaux à raison de leur participation au capital".162

Ces partisans tendent à restreindre l’abus de majorité à la seule rupture


d’égalité entre actionnaires sans faire appel à l’intérêt social.

Toutefois, cette élimination n’était pas à l’abri des critiques en se basant


sur la position de la jurisprudence Française qui exige la réunion de deux
conditions pour constater l’abus de majorité.

159
OMRANE (A) : « la souveraineté de l’assemblé générale des actionnaires » article précité note p81 et 82.
160
Jugement de tribunal de première instance de Tunis du 30/07/1973, publié en RJL n° 1,2 de 1974 p 70.
161
Parmi ses partisan SCHMIDT (M.D).
162
Note sous Cass Com du 11/05/1980, Rev.Soc, 1981 p 314.

55
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Pour en conclure, l’intérêt social comme boussole163 du droit des sociétés


doit être pris en considération pour constater l’abus de majorité sans ignorer le
deuxième critère la rupture d’égalité.

2. La rupture d’égalité entre actionnaires :


La rupture d’égalité entre actionnaires signifie que la majorité détendresse
du pouvoir de décision au sein d’une assemblée générale néglige les intérêts des
minoritaires et prend les décisions sociales favorisant son intérêt.

En fait, la rupture d’égalité fait appel à deux éléments164:

D’une part, l’élément matériel à savoir l’existence d’un préjudice subi par
les minoritaires en raison de la décision prise suivi par un avantage au profit des
majoritaires ou au profit d’un tiers.

A cet égard, le préjudice subi peut être soit un avantage retiré du minoritaire
pour favoriser les majoritaires ou encore un désavantage supporté seulement par
les minoritaires.

D’autre part, l’existence d’un élément institutionnel consiste dans


l’intention de nuire à la minorité. La constatation de cet élément est soumise au
pouvoir discrétionnaire du juge du fond selon chaque cas d’espèce.

En tout état des causes les conditions d’abus de majorité une fois constaté
doivent être sanctionnée.

B. La sanction d’abus de majorité :


L’art 290 CSC prévoit deux types de sanction pour l’abus de majorité à
savoir la sanction de nullité (1) et l’allocation des dommages et intérêts (2).

163
Ce terme est utilisé par COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSYI (F) : droit des sociétés, ouvrage précité
p 166.
164
HAMMOUDA (T) : la nature juridique du droit de vote, mémoire précité.

56
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

1. L’annulation judiciaire de la décision abusive :


Bien que le législateur a prévu la possibilité de demander l’annulation des
actes abusifs(a), il a prévu des limites permettant de restreindre le domaine de la
nullité (b).

a- L’action en nullité :
La sanction de nullité constitue la réparation en nature qui consiste dans
l’annulation de l’acte abusivement pris.

Ainsi, la nullité sanction du droit commun a un effet rétroactif permettant


de rendre les parties à leur état initial avant la prise de la décision, constitue la
solution la plus naturelle et la mieux adaptée165.

De ce fait, la nullité permet de rendre l’égalité entre actionnaires.

Il est à signaler à cet égard que le juge de fond dispose d’un large pouvoir
d’appréciation avant de déclarer la nullité des délibérations selon chaque cas
d’espèce et en respectant les limites prévues par la loi.

b- Les limites de l’action en nullité :


Certaines limites vont être posées dont les unes sont prévues par l’art 290
CSC les autres sont imposées par les principes fondamentaux du droit des
sociétés.

D’une part, l’art 290 CSC exige le respect de trois limites avant la
déclaration de nullité par le juge.

De prime abord, l’alinéa premier de l’art 290 CSC166 exige que l’action en
nullité soit conférée seulement aux actionnaires détenant 10 % du capital social.

165
OMRANE (A) : « la souveraineté de l’assemblé générale des actionnaires » article précité note p81 et 88.

166
Tel que modifié par l’article 14 de la loi n’°2007-69 du 27 décembre 2007. Le pourcentage était 20% jusqu'à
la modification par la loi du 27/Décembre/2007.

57
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Cette condition parait une limite car la pratique montre que les assemblées
générales des sociétés anonymes sont marquées par le phénomène de
l’absentéisme d’où les minoritaires se trouvent dans l’impossibilité d’intenter
l’action en nullité.

Ensuite, le législateur a autorisé le juge d’ordonner un délai pour la


régularisation de l’acte d’où l’alinéa 3 de l’art 290 CSC dispose que "le tribunal
saisi peut même d’office fixer un délai pour la régularisation."

De ce fait, la régularisation peut être accordée par le tribunal en vue de


limiter le domaine de la nullité des délibérations pour une période déterminé par
le jugement et soumise au pouvoir discrétionnaire du juge selon chaque cas
d’espèce. Le but de régularisation est de donner une chance aux majoritaires de
reculer ses décisions.

Dans ce même ordre l’art 290 ajoute dans son alinéa 4 que "les frais et
dépenses sont mises à la charge de défendeur si la régularisation est intervenue
après l’introduction de l’action". Cette disposition constitue une sanction pour les
majoritaires en raison de leurs décisions abusives.

Enfin, l’alinéa 2 de même art prévoit que "l’action en nullité se prescrit dans
un délai d’un an à partir de la décision ou de la disparition de la cause de la nullité
avant l’introduction de l’action ou avant le jugement quant au fond en premier
ressort."

Ce délai de prescription est court par rapport aux délais communs de


prescription, ce qui est en harmonie avec la vie commerciale fondée sur la rapidité.

De même, l’exigence d’un délai court de prescription nous permet de


dégager la nature relative de nullité.

De cette exigence terminologique, le législateur met fin à la crise survenue


entre actionnaires.

58
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’autre part, la limite tirée des principes fondamentaux de droit des sociétés
consiste dans le fait que la nullité n’est pas toujours possible en raison de la
protection des tiers de bonne foi qui ont conclu des contrats avec la société sans
être conscient des causes de nullité.

Ces limites n’interdisent pas le juge de réparer les dommages subis par les
minoritaires.

2. La réparation des dommages et intérêts :


Il est à rappeler d’abord que l’art 290 CSC n’a prévu la réparation par
équivalent que pour les dommages subis par la société. En ce sens, l’alinéa 5 dudit
art prévoit que" le juge des référés peut ordonner la présentation d’une caution
bancaire pour couvrir les dommages qui pourraient être causé à la société."

Cette disposition est étroitement liée à la première condition de l’abus de


majorité à savoir la contrariété de l’acte à l’intérêt de la société. De ce fait, les
dommages et intérêt seront alloués à la société.

Quant aux minoritaires, la loi est muette en ce qui concerne la réparation


par équivalence.

Ce mutisme juridique ne constitue pas un obstacle pour les minoritaires


pour se constituer partie civile. La doctrine167 a fondé le droit à la réparation sur
les règles communes de responsabilité civile tant que les actionnaires sont réunis
par un contrat, les minoritaires peuvent demander la réparation des dommages
subis sur la base de l’art 278 COC.

Cette protection des minoritaires reconnu par le législateur ne doit pas être
absolue puisqu’elle peut être elle la source de l’abus.

.946 ‫ ص‬،‫مرجع سابق الذكر‬، ‫ تعليق على مجلة الشركات التجارية‬:‫ كمال العياري‬،‫أحمد الورفلي‬،‫ عصام األحمر‬167

59
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Paragraphe deuxième : L’abus de minorité.


Contrairement à l’abus de majorité, le CSC ne contient aucune disposition
régissant l’abus de minorité, c’est à la doctrine et la jurisprudence d’en fixer les
conditions (A) et la sanction (B).

A. Les conditions d’abus de minorité :


Malgré que la notion de l’abus de minorité soit insaisissable, elle consiste
dans le fait que "les actionnaires qui sont de moindre importance, et qui par leur
vote hostile, empêchent l’adoption d’une résolution qui satisfait l’intérêt
social d’abus de minorité à. De cette définition, on peut dégager les critères 168
"
savoir la contrariété de l’usage de droit de vote à l’intérêt social (1) et l’entrave
de la volonté majoritaire (2).

1. La contrariété de l’usage du droit de vote à l’intérêt


social :
Le droit de vote est un droit fondamental doit être exercé en fonction de
l’intérêt de la société, tout détournement de cette fonction peut constituer un abus.

En fait, il ya eu lieu à l’abus de minorité chaque fois que les actionnaires


minoritaires "s’opposent à une décision mettant en cause l’existence de la
société".169

A titre d’illustration, les minoritaires s’abstiennent de voter à


l’augmentation du capital social pour répondre à une exigence légale de capital
minimum. Il s’agit dans ce cadre d’un abus négatif consistant à voter contre la
résolution ou encore s’abstenir de voter pour empêcher le quorum exigé par la loi.

168
KOLSI (S) : essai sur l’intervention du juge dans la vie des sociétés, article précité, p 145.
169
HAMDI (F) :L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse précité p112.

60
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’une manière générale, il est question d’abus de minorité l‘abstention de


prise des décisions affectant l’avenir de la société ou encore l’existence même de
la personne morale.

2. L’entrave à la volonté majoritaire :


La prise des décisions au sein des assemblées générales est présidée par la
loi de la majorité détenteur de pouvoir de décision, face à cette situation les
actionnaires minoritaires qui ne peuvent pas imposer leur pouvoir tend à entraver
la prise des décisions.

Ainsi, contrairement à l’abus de majorité qui tend à sanctionner un acte


vicié, l’abus de minorité sanctionne l’empêchement des majoritaires d’exercer
leurs pouvoirs.

L’entrave de la prise des décisions au sein de l’assemblée générale par les


minoritaires peut être à l’origine de paralysie de fonctionnement de la société ce
qui nécessite l’intervention du juge pour la répression de l’abus de minorité sous
un seul fondement à savoir l’intérêt social.

B. La sanction d’abus de minorité :


La doctrine et la jurisprudence Française170 ont donné plusieurs sanctions
pour condamner l’abus de minorité qui sont la réparation par nature (1) et la
réparation par équivalence (2).

1. La réparation par nature :


Plusieurs sanctions ont été avancées par la jurisprudence française pour la
répression d’abus de minorité.

D’abord, une partie de la doctrine fait appel au jugement valant vote pour
débloquer la prise de décisions en se fondant sur la protection de l’intérêt social.

170
Ces sanctions sont citées par :
.947‫ ص‬،‫مرجع سابق الذكر‬، ‫ تعليق على مجلة الشركات التجارية‬:‫ كمال العياري‬،‫أحمد الورفلي‬،‫عصام األحمر‬

61
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Ce jugement valant décision fait substituer le juge à la place d’organe de


délibération ce qui contredise les principes fondamentaux du droit des sociétés
fondé sur le principe de non intervention des organes externes à la vie sociale.

La jurisprudence tunisienne 171 , comme la jurisprudence française 172 ont


refusé la substitution du juge aux organes de la société pour prendre des décisions
valant vote.

Ensuite, certains tribunaux ont ordonné la nomination d’administrateur


provisoire chargé d’assister aux assemblées en se substituant à la place des
minoritaires en vue de voter pour la prise de la décision bloqué.

Or cette décision manque d’un fondement législatif la justifie et aboutit à


la substitution des organes sociaux par des organes externes puisque le vote de
l’administrateur sera dirigé vers la déclaration de la décision bloqué.

De même, le droit de vote est un droit fondamental personnel à l’actionnaire


et ne peut pas être exercé par un organe externe.

Enfin, d’autres juridictions ont fait appel à priver l’actionnaire auteur


d’abus de minorité de son droit de vote jusqu’à la résolution de la décision bloqué.

Cette sanction demeure dangereuse et sans fondement légale le justifie.

Ces sanctions contredisent le régime d’administration de la société


anonyme qui est doté de plusieurs organes chargé d’assurer sa gestion et de
résoudre les conflits entre actionnaires. Il ne reste aux actionnaires victime d’abus
de minorité que de demander la réparation par équivalence.

171
L’arrêt de la cour de cassation n°1284 du 10/05/2000 dans lequel la cour a adopté le caractère exceptionnelle
et subsidiaire de l’intervention judiciaire.
Il est à noté que certains décisions ont accepté d’appliquer le jugement valant vote pour rendre exécutoire les
résolutions bloqué (arrêt de la cour de cassation du 15/04/1985, publié à RJL 1985 p57.
172
Cass.Com, du 09/031993, Flandin, Rev. Sociétés, Janvier Mars 2000 p 36.

62
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

2. La réparation par équivalent :


Selon la doctrine Française 173 "la condamnation des minoritaires à des
dommages et intérêts ne fait pas de problème".

Cette position a été largement admise par la doctrine Tunisienne qui fait
appel à l’allocation des dommages et intérêts après demande des victimes d’abus
de minorité. Selon ce courant, la réparation constitue la sanction la plus
approprié174 et l’effet incontesté de l’abus prouvé175.

La réparation doit être déterminée par référence aux dommages subis par la
société et celle des actionnaires victimes d’abus de minorité.

Reste à cet égard à chercher le fondement légal de réparation.

La doctrine asseoit la réparation sur le dispositif des articles 273 COC176


relatif à la responsabilité contractuelle assumée en cas d’inexécution de contrat.

D’autres font appel aux règles communes d’abus de droit notamment l’art
103 COC177.

Malgré l’importance de réparation par équivalent en matière d’abus de


minorité, ladite sanction reste incapable de résoudre le problème soulevé par le
demandeur à savoir l’impossibilité de prise de décision bloquée178. Face à cette
situation, il ne reste au juge que de chercher d’autres solutions dans les dispositifs
légales pour la protection de l’intérêt social.

173
Cozian (M), Viandier (A) et deboizi (F) : droit des sociétés, ouvrage précité p 180.
174
Kolsi (S) : essai sur l’intervention du juge dans la vie des sociétés, RTD 2003 p 146.
175
HAMDI (F) :L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse précité p114.
176
KOLSI (S) : essai sur l’intervention du juge dans la vie des sociétés, RTD 2003 p 146.
.947‫ ص‬،‫مرجع سابق الذكر‬، ‫ تعليق على مجلة الشركات التجارية‬:‫ كمال العياري‬،‫أحمد الورفلي‬،‫عصام األحمر‬ 177
178
HAMDI (F) :L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse précité p115.

63
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Conclusion de la première partie :


La loi a permis l’intervention du juge dans nombreuses dispositions du
CSC.

Elle a permis au juge des référés d’intervenir tantôt pour le renforcement


du droit à l’information en vue d’assurer un contrôle effectif des actionnaires,
tantôt pour la réhabilitation de fonctionnement de la société par la nomination
d’un administrateur chargé de résoudre la crise et réanimation des organes
sociaux.

Dans le même ordre, elle a permis au juge de fond d’apprécier les décisions
sociales avant de prononcer sa nullité en cas d’irrégularité due au non-respect des
règles de convocation ou de prise des décisions, ou en cas des décisions prises
abusivement.

L’application de ces dispositions par la jurisprudence a été plus au moins


prudente, de fait que cette intervention n’est recevable qu’au nom de protection
de l’intérêt social et en vue d’assurer la pérennité de la société.

Malgré que cette intervention soit tributaire de principe de non immixtion


du juge dans les affaires sociales, le juge doit résoudre la crise en vue de protéger
l’intérêt de la société et assurer sa pérennité. A défaut de résolution de la crise, il
ne reste au tribunal que de résoudre la société si la crise demeure insoluble.

64
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Deuxième partie :
Le juge et la dissolution de la société anonymes
cas des crises politiques insolubles

Deuxième P artie : le juge et la disso lutio n de la s ociété en cas des crises polit iques inso lubles :

65
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

L’affectio societatis est un élément fondamental pour la constitution de la


société qui requière que « l’intention de chaque associé soit orientée vers la
collaboration positive et égalitaire pour réaliser les objectifs de la société.179"

Cet élément doit être présent non seulement à la phase de constitution de la


société mais aussi tout au long de la vie sociale.

Son manquement peut aboutir à un conflit d’intérêts impliquant des crises


politiques insolubles et rendant impossible toute continuation de la société ce qui
pousse l’un des actionnaires de demander la dissolution judiciaire de la société
(chapitre deuxième).

Or, cette demande vu sa gravité n’est pas toujours recevable par le juge et
reste toujours la dernière issue tant qu’il ya des solutions alternatives pouvant
mettre fin à la crise et de moindre gravité que la dissolution, d’où on parle des
palliatifs de dissolution (chapitre premier).

Chapitre Premier : Les alternatives à la dissolution assurant


la résolution des crises politiques :
L’action est un titre accordé par la société confère à son titulaire la propriété
d’une partie du capital social proportionnelle aux apports qu’il donne à la société.

Ce droit de propriété conformément au droit civil180 confère à son titulaire


"le droit exclusif d’user sa chose, d’en jouir et d’en disposer".

En effet, le pouvoir de disposer juridiquement de ces actions donne à


l’actionnaire le droit de céder librement les titres sociaux qu’il détient d’une part
et le droit de conserver la propriété de ces titres.

179
BEN REJEB (I) : cour du droit des sociétés, 3ème année de licence fondamentale en droit privé 2013-2014.
180
L’art 17 CDR.

66
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’un coté, le droit de céder librement les titres constitue l’essence même
des sociétés anonymes et plus particulièrement les sociétés anonymes faisant
appel public à l’épargne.

Ainsi, la libre négociabilité d’actions signifie que l’actionnaire peut céder


librement ses titres à tout moment sans être soumis à l’agrément des autres
actionnaires et ce contrairement aux associés des sociétés des personnes fondées
sur l’intuitu personae.

Malgré son importance, le législateur a imposé une limite à ce droit à savoir


le droit de retrait de la minorité permettant d’éviter la survenance d’une crise
politique menaçant l’existence de la société (section première).

D’un autre coté, le droit de conserver la propriété des titres sociaux signifie
que l’actionnaire jouit d’un droit acquis de ne pas être exclu de la société c'est-à-
dire le droit de rester associé.

Bien que ce droit soit prévu pour la protection de l’actionnaire, il ne doit


pas entraver le maintien de la société.

De ce fait, toute contradiction avec l’intérêt social aboutit à l’exclusion


judicaire l’actionnaire qui est une technique permettant la résolution des conflits
entre actionnaire (section deuxième).

Section première : Le droit de retrait de la minorité : un


palliatif à la dissolution :
Le droit de retrait est un droit accordé par la loi aux minoritaires
(paragraphe premier) et protégé par le juge (paragraphe deuxième).

Paragraphe premier : Le droit de retrait :


Il s’agit à cet égard de présenter la consécration du droit de la minorité (B)
après la recherche du fondement (A).

67
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

A. Fondement du droit de retrait de la minorité :


Partant du fait que les minoritaires détenant 5% du capital social demeurent
privés de toutes les prérogatives accordées par le droit de vote à savoir la
participation à la prise des décisions, l’opposition des majoritaires tant que ces
décisions sont prises légitimement181.

Face à cette situation, les minoritaires se trouvent dénués de tout pouvoir


même de vendre leurs actions qui ne confèrent aux acheteurs qu’un seul droit aux
dividendes182.

De ce fait, le législateur, et en vue de protéger les minoritaires suite au


changement du structure de vote dans la société183, a consacré le droit de retrait.
Ce droit permet d’éviter le dénouement d’une crise entre minoritaires et
majoritaires mettant en péril l’existence même de la société.

La protection des minoritaires par le droit de retrait est doublement


constatée.

De prime abord, le législateur fait obliger les majoritaires de retrait de la


minorité.

En effet, partant du fait de considérer que la société est un contrat


synallagmatique, toute rupture anticipée aboutit à l’engagement de la
responsabilité de la partie récalcitrante. Ainsi, le droit de retrait prévu par la loi
fait défaut à l’engagement de cette responsabilité puisque le minoritaire est
autorisé de quitter la société sous le fondement de droit de retrait184.

En second lieu, la loi oblige les majoritaires d’acquisition des actions


restantes pour un prix déterminé objectivement (par un expert).

181
Ces décisions doivent être prises à la majorité, la loi qui domine le droit des sociétés.
.‫ و ما بعدها‬25 ‫ ص‬2009 ‫ جويلية‬،‫تش‬.‫ق‬.‫ م‬،‫ حق األقلية في الخروج من الشركة‬:‫ كمال ألعياري‬182
.28 ‫ مقال سابق الذكر ص‬،‫ حق األقلية في الخروج من الشركة‬:‫ كمال ألعياري‬183
.27 ‫ مقال سابق الذكر ص‬،‫ حق األقلية في الخروج من الشركة‬:‫ كمال ألعياري‬184

68
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Cette obligation constitue une dérogation au principe de la liberté


contractuelle prévu par les règles communes de formation des contrats.

Malgré que le droit de retrait reflète une exclusion 185 indirecte pour les
minoritaires en vue d’assurer la pérennité de la société, reste une technique
exercée par les minoritaires dés la réunion d’une fraction du capital de 95 % au
profit de la majorité détenant le pouvoir de décision de la société sans être tenues
de prouver des abus de la part des majoritaires.

B. La consécration du droit de retrait de la minorité :


Le droit de retrait de la minorité est une prérogative accordée aux
minoritaires dont le régime juridique diffère selon qu’il s’agit des sociétés faisant
appel public à l’épargne186 ou de celles ne faisant pas appel public à l’épargne187.

D’une part, l’art 7 de la loi de 14/11/1994 portant réorganisation du marché


financier consacre le droit de retrait en prévoyant que "lorsqu’une personne,
agissant seule ou de concert et par n’importe quel moyen, vient à détenir un
nombre de titres de nature à lui conférer une part de droit de vote, supérieur à une
proportion fixée par décret, dans une société faisant appel public à l’épargne, le
conseil de marché financier peut l’ordonner soit de procéder à une offre d’achat
portant sur le reste des actions qu’il ne détient pas sous forme d’une offre publique
d’achat ou sous forme de procédure de maintien de prix fixé à condition que le
prix dans les deux cas ne soit pas inférieur au minimum prévu par le règlement
général de la bourse.

Les dispositions de l’art 40 de la présente loi s’appliquent à celui qui ne se


soumet pas à la décision du conseil de marché financier et les valeurs mobilières

185
L’exclusion indirecte se voit par l’obligation de quitter la société puisque la minorité est juridiquement forcer
de cesser de faire partie de la société en vue d’éviter tout conflit avec les minoritaires et non pas sur la base de la
libre négociabilité des actions.
186
Le droit de retrait a été accordé aux minoritaires dés la promulgation de la loi de 14/11/1994 portant
réorganisation du marché financier.
187
Pour ce type des sociétés le droit de retrait n’a été accordé aux minoritaires qu’en 2009 par la loi de 16-3 du
16/03/2009 faisant ajouter l’art 290 ter au CSC.

69
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

ainsi acquises sont privées du droit de vote par décision de conseil de marché
financier prise après audition de l’intéressé".

Cet article impose aux actionnaires majoritaires d’acheter les actions des
minoritaires dont les parts de ces derniers ne dépassant pas 40 % 188 du capital
individuellement ou de concert.

Dans le même ordre, les articles de 171 à 176 du règlement général de la


bourse relatifs aux offres publiques de retrait aux minoritaires en disposant dans
l’art 172 que "lorsqu’une personne physique ou morale ou un groupe des
personnes physiques ou morales agissant de concert arrive à détenir au moins 95
% des droit de vote d’une société dont les titres sont admis à la cote ou dont les
titres sont négociés sur le marché hors cote, tout autre détenteur de titres de vote
peut demander au CMF de requérir le dépôt par cet actionnaire ou par ce groupe
majoritaire d’un projet d’offre publique de retrait."

Aussi, l’art 163 du règlement général de la bourse prévoit que " lorsqu’une
personne physique ou morale agissant seule ou de concert, vient de détenir un
nombre de titres de nature à lui conférer le contrôle majoritaire en droits de vote
d’une société dont les titres sont admis à la cote ou négociés sur le marché hors-
cote, elle tenue d’en informer immédiatement le CMF et, le cas échéant de déposer
un projet d’offre public visant le reste du capital.

Le projet d’offre public ne peut comporter aucune clause prévoyant la


présentation nécessaire d’un nombre minimal de titres pour que l’offre ait une
suite positive."

La lecture de ces textes révèle que la technique de retrait est une


prérogative accordée au CMF en vue d’imposer aux actionnaires majoritaires
l’achat des parts restants soit par le conseil même189 soit suite à une demande des

188
Décret n°795/2006 du 23 /03/2006 relatif à l’application des articles 5,6 et 7 da la loi de14/11/1994 portant
réorganisation du marché financier.
189
L’art 7 de la loi de 14/11/1994.

70
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

minoritaires190 en vue de protéger les minoritaires en leur offrant l’opportunité de


quitter la société dans de bonnes conditions lors notamment d’un changement de
majorité au sein de la société.

D’autre part, en ce qui concerne les sociétés ne faisant pas appel public à
l’épargne l’art 290 ter CSC accorde le droit de retrait aux minoritaires en disposant
que "le ou les actionnaires détenant une fraction ne dépassant pas 5% du capital
social de la société ne faisant pas appel public à l’épargne peuvent proposer de se
retirer de la société et imposer à l’actionnaire détenant le reste du capital social
individuellement ou par concert, l’achat de leurs parts à un prix fixé par une
expertise ordonnée par le président de tribunal dans le ressort duquel se trouve le
siège de la société. En cas de désaccord de l’actionnaire détenant le reste di capital
social individuellement ou par concert sur le prix proposé dans le délai d’un mois
à compter de la notification du rapport de l’expertise, le prix est fixé par le tribunal
compétent qui détermine la valeur des actions et en ordonne le payement.

Les dispositions ci-dessus ne s’appliquent pas aux sociétés faisant appel


public à l’épargne, qui demeurent soumises à la législation en vigueur."

Dans le même ordre, l’art 407 191 alinéa 5 dispose que "chaque associé
pourra se retirer de la société lorsqu’il le jugera convenable, à moins de
convention contraire et sauf l’application de l’alinéa 3 du présent article. Il pourra
être stipulé que l’assemblée générale aura le droit de décider, à la majorité fixée
pour la modification des statuts, que l’un ou plusieurs associés cesseront de faire
partie de la société. L’associé qui cessera de faire partie de la société soit par sa
volonté soit suite de décision de l’assemblée générale, restera tenu pendant cinq
ans envers les associés et les tiers, de toutes les obligations existantes au moment

190
L’art 172 du règlement général de la bourse.
191
Cet art est applicable aux sociétés à capital variable qui ne constitue pas une forme distincte des sociétés.

71
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

de son retrait, et ce, dans la limite des sommes qui lui auront été restituées avant
son départ".

De ces dispositions, on peut constater que le droit de retrait est une


prérogative n’est accordée qu’aux seules minoritaires détenteurs de 5% du capital
social, exercée volontairement.

Une telle différence du régime juridique pose la question à propos du


fondement du droit de retrait des minoritaires.

Paragraphe deuxième : La protection judiciaire du droit de


retrait de la minorité :
Partant du fait que les minoritaires sont menacés d0’être privés de toutes
prérogatives dans la prise des décisions, le législateur a voulu les protéger
judiciairement par le droit de retrait.

De ce fait, le domaine de protection judiciaire (A) est étroitement lié à


l’exercice de l’action en retrait (B).

A. L’action en retrait :
A l’instar des autres prérogatives192 accordées aux minoritaires, le droit de
retrait est prévu pour la protection des seuls minoritaires.

En effet, les minoritaires détenant 5%du capital social ont le droit de se


retirer de la société et imposant aux autres actionnaires l’achat de leurs titres.

Contrairement aux législations comparées 193 qui prévoient le droit aux


majoritaires détenant 95%du capital social d’imposer aux minoritaires l’achat des
titres restants194, l’art 290 ter accorde ce droit aux seules minoritaires.

192
Tel que le droit à l’information par la consultation des documents sociales (l’art 284 CSC), le droit de poser des
questions au conseil d’administration (l’art 284 bis CSC), le droit de nommer un expert de gestion (l’art 290 bis
CSC).
193
Le droit Belge par la loi du 13/04/1995 et le droit anglais.
194
Malgré que cette position a été suivi par l’art 7 da la loi de 14/11/1994 qui prévoit que "lorsqu’une personne,
agissant seule ou de concert et par n’importe quel moyen, vient à détenir un nombre de titres de nature à lui conférer

72
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Ainsi pour mieux donner plus d’effectivité à cette prérogative, le législateur


a donné aux minoritaires la possibilité de recourir au juge. Néanmoins,
l’intervention judiciaire peut être préalable ou encore postérieur.

L’intervention judiciaire préalable :

L’intervention préalable se manifeste à travers la nomination d’un expert


chargé de déterminer la valeur des titres et d’en fixer les prix.

Toutefois, la nomination d’expert est ordonnée par le président du


tribunal195 dans le ressort duquel se trouve le siège de la société. Elle est effectuée
par une décision du juge de référé qui détermine l’expert nommé sa mission.

L’expert chargé de déterminer le prix doit suivre les critères universels et


non pas la valeur marchande196.

La technique d’expertise permet d’éviter l’achat des titres à un prix bas


aboutissant à sanctionner doublement les minoritaires par quitter la société à
l’encontre de leurs volontés d’un coté et par céder leurs parts à un prix ne
correspond pas à leur participation au capital social.

L’expertise doit faire l’objet d’un rapport dont doit être adressé aux
actionnaires majoritaires qui peuvent soit accepter l’achat des titres par le prix
déterminé par l’expert et de ce fait éviter un conflit d’intérêts avec les minoritaires,
soit refuser le prix, ceci donne lieu à l’intervention postérieure.

L’intervention judiciaire postérieure :

une part de droit de vote, supérieur à une proportion fixée par décret, dans une société faisant appel public à
l’épargne, le conseil de marché financier peut l’ordonner soit de procéder à une offre d’achat portant sur le reste
des actions qu’il ne détient pas sous forme d’une offre publique d’achat ou sous forme de procédure de maintien
de prix fixé à condition que le prix dans les deux cas ne soit pas inférieur au minimum prévu par le règlement
général de la bourse".
195
La loi n’a pas précisé s’il s’agit de la compétence du président du tribunal de première instance ou s’il s’agit de
la compétence du juge cantonal, vu ce silence, le président de première instance est celui qui est compétent puisque
le tribunal de première instance a une compétence générale.
.43 ‫ مقال سابق الذكر ص‬،‫ حق األقلية في الخروج من الشركة‬:‫ كمال ألعياري‬196

73
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

En cas de désaccord des actionnaires majoritaires sur le prix déterminé par


l’expert, il ne reste aux minoritaires que d’intenter une action dans un délai d’un
mois à compter de la date de notification du rapport de l’expertise.

L’action doit avoir pour objet la détermination de la valeur des actions par
le tribunal et d’imposer aux actionnaires restants le payement de prix.

B. Le domaine de protection judiciaire des minoritaires :


L’intervention du juge pour protéger les minoritaires n’est autorisée que
dans le cadre des SA ne faisant pas appel public à l’épargne sur la base de l’art
290 ter du CSC 197 . Ainsi, les dispositions 198 relatives aux sociétés anonymes
faisant appel public à l’épargne exigent l’intervention du conseil du marché
financier pour protéger le droit de retrait des minoritaires vu la spécificité du
marché financier199.

Contrairement aux législations comparées 200 qui prévoient le droit aux


majoritaires détenant 95%du capital social d’imposer aux minoritaires l’achat des
titres restants201, l’art 290 ter accorde ce droit aux seules minoritaires.

197
Cet article applicables aux sociétés ne faisant pas appel public à l’épargne exclu expressément les sociétés
faisant appel public à l’épargne en disposant dans son alinéa 2 que "Les dispositions ci-dessus ne s’appliquent
pas aux sociétés faisant appel public à l’épargne, qui demeurent soumises à la législation en vigueur."
198
Ces dispositions sont les articles 5,6 et 7de la loi du 14/11/1994 et les articles de 171 à 176 du règlement général
de la bourse.
:2009/03/16 ‫ ثالثا بمقتضى قانون‬290 ‫ ورد في شرح أسباب إضافة الفصل‬199
‫) بالمائة من رأس مال الشركة بالخروج‬5( ‫ وذلك بأن يسمح للشريك أو الشركاء المالكين لنسبة ال تتجاوز خمسة‬،‫" يقترح المشروع منح حق لألقلية‬
.‫من الشركة وإلزام األغلبية بشراء مساهمتهم بثمن يحدد بمقتضى اختبار مجرى بإذن القاضي‬
‫ يقترح المشروع إضفاء‬،‫غير أنه و مراعاة لخصوصية السوق المالية حيث يتم تداول األسهم في سوق منظمة وشفافة يمكن الرجوع إليه في كل وقت‬
‫المرونة على قواعد تحديد ثمن بيع أسهم األقلية حيث ال يوجب الرجوع إلى إجراءات االختبار بل يتم الرجوع إلى القواعد المنصوص عليها بالتشريع‬
".‫المتعلق بإعادة تنظيم السوق المالية و التراتيب المطبقة على هذه السوق‬
.882 ‫ ص‬21‫ عدد‬،2009 ‫ مارس‬03 ‫ جلسة يوم الثالثاء‬،‫ الرائد الرسمي للجمهورية التونسية‬،‫مداوالت مجلس النواب‬
200
Le droit Belge par la loi du 13/04/1995 et le droit anglais.
201
Malgré que cette position a été suivi par l’art 7 da la loi de 14/11/1994 qui prévoit que "lorsqu’une personne,
agissant seule ou de concert et par n’importe quel moyen, vient à détenir un nombre de titres de nature à lui conférer
une part de droit de vote, supérieur à une proportion fixée par décret, dans une société faisant appel public à
l’épargne, le conseil de marché financier peut l’ordonner soit de procéder à une offre d’achat portant sur le reste
des actions qu’il ne détient pas sous forme d’une offre publique d’achat ou sous forme de procédure de maintien
de prix fixé à condition que le prix dans les deux cas ne soit pas inférieur au minimum prévu par le règlement
général de la bourse".

74
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Ainsi, les minoritaires désirant jouir de la protection de droit de retrait,


doivent détenir 5%du capital social, sans être tenu de prouver des abus commis
par les majoritaires 202 , l’absence d’une telle condition peut être justifié par le
caractère préventif203 du droit de retrait, ce dernier tend à éviter la survenance
d’une crise de conflits d’intérêts entre majoritaires et minoritaires mettant en péril
l’existence de la société.

Cette souplesse quand aux conditions de retrait est une tentative de


conciliation de la part du législateur entre les différents intérêts en présence :

De prime abord, la protection est orientée en apparence aux minoritaires, la


partie faible face aux majoritaires détonants les pouvoirs au sein des assemblées
générales. En effet, le droit de retrait est le maintien de protection assurée par la
loi à la manière de l’abus de majorité204, l’expertise de gestion205 et le droit à
l’action en responsabilité contre les dirigeants sociaux206.

En second lieu, le droit de retrait assure en même temps la protection des


majoritaires contre les oppositions des minoritaires qui n’ont d‘intérêt légitime
que pour entraver la prise des décisions surtout lorsque le minoritaire est un
actionnaire d’une société concurrente et son opposition est en vue de paralyser le
fonctionnement de la société. C’est pour cette raison le législateur a facilité la
sortie des minoritaires de la société pour donner plus d’effectivité à la loi de la
majorité et en vue d’éviter un conflit d’intérêt entre minoritaires et majoritaires.

202
Schmidt (D) : les conflits d’intérêts dans la société anonyme, p370.
:‫ ثالثا انه‬290 ‫ المتعلق بإضافة الفصل‬2009/03/16 ‫ ورد بمداوالت مجلس النواب في اطار االعمال التحضيرية لتنقيح‬203
‫ ولكن هذا الفصل يختلف عن احكام‬.‫ من مجلة االلتزامات و العقود‬1323 ‫" ان إقصاء الشريك المتعسف من الشركة منصوص عليه حاليا بالفصل‬
‫ ال إلى معالجة‬،‫ التي تهدف إلى منع وقوع التعسف بصفة وقائية‬compulsory redemptionof an associate ‫الخروج الوجوبي من الشركة‬
".‫آثاره‬
.893 ‫ ص‬21‫ عدد‬،2009 ‫ مارس‬03 ‫ جلسة يوم الثالثاء‬،‫ الرائد الرسمي للجمهورية التونسية‬،‫مداوالت مجلس النواب‬
204
L’art 290 CSC.
205
L’art 290 bis CSC.
206
L’art 220 CSC.

75
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

En troisième lieu, le droit de retrait est fondé essentiellement pour la


protection de l’intérêt social 207 . Ainsi, en cas de conflits entre minoritaires et
majoritaires la société est la première à être affectée par ce conflit.

De ce fait, le droit de retrait permet d’éviter un conflit mettant en péril


l’existence de la société et préserver l’intérêt social.

En tout état des causes le droit de retrait des minoritaires est prévu par la
loi en vue d’éviter le dénouement d’une crise politique mettant en péril l’existence
de la société, et ce contrairement à l’exclusion de l’actionnaire qui est une solution
assurée en vue de résolution d’une crise politique déjà survenue.

Section Deuxième : L’exclusion judicaire de l’actionnaire : un


palliatif à la dissolution :
Bien qu’elle soit une technique radicale de résolution des crises politiques
opposant le fonctionnement de la société permet de préserver l’intérêt général de
la société, l’exclusion judiciaire de l’actionnaire reste une solution grave
puisqu’elle constitue une atteinte au droit de propriété de l’actionnaire.

En effet, faire sortir un actionnaire de la société constitue une violation du


droit de rester associé.

De ce fait, pour prononcer l’exclusion le juge est tenu de chercher les


fondements d’exclusion (paragraphe première) avant d’apprécier les conditions
d’exclusion (paragraphe deuxième).

:‫ ثالثا انه‬290 ‫ المتعلق بإضافة الفصل‬2009/03/16 ‫ ورد بمداوالت مجلس النواب في اطار االعمال التحضيرية لتنقيح‬207
‫" إجابة عما تفضل به النائب السيد علي سالمة في خصوص موقف األغلبية من الشراء وهل يمكنها رفض الشراء؟ هنا أقول أن هذا الفصل شرع‬
" ‫لحماية الشركة خاصة عندما توجد أغلبية جديدة‬
.894 ‫ ص‬21‫ عدد‬،2009 ‫ مارس‬03 ‫ جلسة يوم الثالثاء‬،‫ الرائد الرسمي للجمهورية التونسية‬،‫مداوالت مجلس النواب‬

76
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Paragraphe Premier : Les fondements de l’exclusion


judiciaires de l’actionnaire :
Le règlement de la situation conflictuelle par l’exclusion judiciaire de
l’actionnaire manque d’une disposition expresse dans le CSC, ce qui nous permet
de se demander sur le fondement légal (A) avant d’envisager l’application
jurisprudentielle (B).

A. Le fondement légal de l’exclusion judiciaire de


l’actionnaire :
La rédaction des dispositions du CSC208 montre l’absence d’assise légale
aussi bien dans les règles communes que dans les dispositions spécifiques
relatives à la société anonyme pour fonder l’exclusion de l’actionnaire.

Ainsi, la référence au COC et plus particulièrement les dispositifs du contrat


de société révèle la consécration expresse de l’exclusion judiciaire de
l’actionnaire.

En effet, l’art 1327 du COC prévoit que "dans le cas de l’article


1323209COC et dans tous les cas où la société est dissoute par la mort, l’absence,
l’interdiction, ou l’insolvabilité déclarée de l’un des associés ou par la minorité

208
Il est à rappeler que seule l’art 407 alinéa 5 prévoit la possibilité d’exclure un actionnaire de la société par
décision de l’assemblée générale sur la base d’une clause statutaire et non pas par le juge en prévoyant : "chaque
associé pourra se retirer de la société lorsqu’il le jugera convenable, à moins de convention contraire et sauf
l’application de l’alinéa 3 du présent article. Il pourra être stipulé que l’assemblée générale aura le droit de
décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts, que l’un ou plusieurs associés cesseront de faire
partie de la société. L’associé qui cessera de faire partie de la société soit par sa volonté soit suite de décision de
l’assemblée générale, restera tenu pendant cinq ans envers les associés et les tiers, de toutes les obligations
existantes au moment de son retrait, et ce, dans la limite des sommes qui lui auront été restituées avant son
départ".

209
L’art 1323 COC prévoit que " Tout associé peut poursuivre la dissolution de la société, même avant le terme
établi, s’il y a de justes motifs, tels que des mésintelligences graves survenues entre les associés, le manquement
d’un ou de plusieurs d’entre eux aux obligations résultant du contrat, l’impossibilité où ils se trouvent de les
accomplir. Les associés ne peuvent renoncer d’avance au droit de demander la dissolution dans les cas indiqués
au présent article."

77
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

des héritiers, les autres associés peuvent continuer la société entre eux, en faisant
prononcer par le tribunal l’exclusion de l’associé qui donne lieu à la dissolution".

Il ressort de cette disposition que la mésintelligence grave entre actionnaires


due au manquement aux obligations résultant du contrat ou l’impossibilité
d’exécution de ces obligations par l’un des actionnaires justifie son exclusion par
le juge.

L’application de cette disposition commune fait l’objet d’une controverse


jurisprudentielle et doctrinale d’où l’existence de deux positions, l’une est
favorable (1) à l’exclusion, l’autre il s’oppose (2).

1. Le refus d’exclusion judiciaire de l’actionnaire :


Partant du fait de considérer la société en tant que contrat210, l’inexécution
de l’un des parties de ses obligations aboutit à la résiliation du contrat c'est-à-dire
la dissolution de la société et non pas l’exclusion de l’actionnaire.

Ainsi, la position hostile à l’exclusion a fondé son refus à l’égard de


l’exclusion judiciaire de l’actionnaire sur plusieurs raisons.

D’une part, tout contrat doit être soumis au principe de la volonté


contractuelle, une convention ne peut être modifié ou résolue unilatéralement211.
Ainsi, le principe d’égalité entre actionnaire et l’absence de lien de subordination
entre eux fait défaut à l’exclusion de l’un d’eux.

De même, l’absence du pouvoir disciplinaire permettant de sanctionner


l’actionnaire défaillant justifie le refus d’exclusion de l’actionnaire du
groupement212.

Cette théorie n’était pas à l’abri des critiques, étant insuffisante en ce


qu’elle donne plus d’importance à la volonté des parties alors que le droit des

210
DURAND-LEPINE (G) :L’exclusion des actionnaires non cotées, PA n°88 du 24/07/1995 p15.
211
STORCK (P) : La continuation de la société par l’élimination d’un associé, Rev.Soc 1982 p 245.
212
STORCK (P) : La continuation de la société par l’élimination d’un associé, Rev.Soc 1982 p 245.

78
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

sociétés est fondé sur la loi de la majorité ce qui fait appel à la recherche d’un
autre fondement.

2. L’admission de l’exclusion judiciaire de l’actionnaire :


La position favorable à l’exclusion judiciaire de l’actionnaire a fondé son
admission par la qualification de la société en tant qu’institution, "un corps des
règles organisant de façon impérative et durable un groupement des personnes
autour d’un but déterminé. 213
"

En effet, le contrat de société donne naissance à un être moral distinct des


personnes qui le composent, a des droits propres qui méritent d’être protéger par
le juge.

Cette protection est assurée au nom de l’intérêt social conçue comme le


principe régulateur du droit des sociétés, doit l’emporter sur les intérêts
particuliers des associés214.

Ainsi, la pérennité de la société en tant qu’entité économique incluant


d’autres intérêts à savoir les travailleurs de l’entreprise, les fournisseurs, clients,
établissements financières et banque, justifie l’exclusion de l’actionnaire
défaillant en cas des conflits d’intérêts menaçant l’existence de la société.

A. L’application jurisprudentielle de l’exclusion :


Après une longue hésitation, l’exclusion judiciaire a été admise par la
jurisprudence Tunisienne et Française.

Malgré que la consultation de la jurisprudence tunisienne montre


l’admission de l’exclusion judiciaire de l’actionnaire dans le cadre des sociétés
des personnes et les sociétés à responsabilité limité, l’absence des décisions

213
DURAND-LEPINE (G) :L’exclusion des actionnaires non cotées, article précité p16.
214
DURAND-LEPINE (G) :L’exclusion des actionnaires non cotées, article précité p16.

79
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

concernant les sociétés anonymes ne signifie pas l’inapplicabilité des dispositions


de l’art 1327 du COC pour ces sociétés.

En effet malgré que ledit article soit situé dans le COC qui demeure
applicable pour les sociétés civiles après la promulgation du CSC par la loi de
2000, ce texte doit être conçu en tant que disposition commune applicable en cas
de mutisme des dispositions spécifiques.

A titre d’illustration, à l’occasion de la réforme de 2009, les travaux


préparatifs montrent l’admission législative de cette position en démontrant que
l’exclusion judiciaire de l’actionnaire consacrée dans dispositions de l’art 1327
COC se distingue du droit de retrait de la minorité objet de l‘art 290 ter215.

Ainsi, l’art 1327 COC constitue une disposition originelle du droit Tunisien
puisque le code civil Français manque d’une telle disposition ce qui fait de
l’exclusion judiciaire de l’actionnaire une élaboration jurisprudentielle, elle est
conçue tantôt en tant que remède à la dissolution (1) tantôt remède à l’absence de
l’affectio societatis (2).

1. L’exclusion judiciaire remède à la dissolution :


L’exclusion judiciaire en tant que palliatif de dissolution pour justes motifs
permet de préserver l’intérêt de la société en tant qu’unité de production, a été
admise par la jurisprudence Française216 en donnant la priorité à la continuation
de l’activité sociale.

:‫ ثالثا انه‬290 ‫ المتعلق بإضافة الفصل‬2009/03/16 ‫ ورد بمداوالت مجلس النواب في اطار االعمال التحضيرية لتنقيح‬215
‫ ولكن هذا الفصل يختلف عن احكام‬.‫ من مجلة االلتزامات و العقود‬1323 ‫" ان إقصاء الشريك المتعسف من الشركة منصوص عليه حاليا بالفصل‬
‫ ال إلى معالجة‬،‫ التي تهدف إلى منع وقوع التعسف بصفة وقائية‬compulsory redemptionof an associate ‫الخروج الوجوبي من الشركة‬
".‫آثاره‬
‫في نفس اإلطار عندما طرحت نائبة تساؤال عن امكانية شراء األسهم من قبل الشركة نفسها في صورة رفض األغلبية المالكة لبقية رأس المال شراء‬
:‫أسهم األغلبية كان جواب مقدمو مشروع التنقيح ما يلي‬
‫ أما إذا رغبت األغلبية في‬،‫ فإنه ال يقع شراء األسهم من قبل الشركة كشخص معنوي إذ ال مصلحة لها في ذلك‬،‫" بالنسبة إلى الجزء الثاني من السؤال‬
‫ من مجلة االلتزامات و العقود بشرط إثبات أن سلوك األقلية من شأنه أن يتسبب في حل الشركة‬1327 ‫إخراج األقلية فيمكنها القيام بدعوى طبقا للفصل‬
".‫ما لم يثم إ خراجها من الشركة‬
.893 ‫ ص‬21‫ عدد‬،2009 ‫ مارس‬03 ‫ جلسة يوم الثالثاء‬،‫ الرائد الرسمي للجمهورية التونسية‬،‫مداوالت مجلس النواب‬
216
Tribunal de commerce de Poitiers, 29 Juin 1975, RTD.Com 1976 p 373.

80
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Ainsi, malgré que la dissolution constitue un droit conféré par la loi à tout
actionnaire en cas d’inexécution de l’un des parties de ses obligations sur la base
des règles de résiliation des contrats synallagmatiques217 et ne peut être soumis à
aucune restriction statutaire218, ce droit est limité par la protection d’un intérêt
général.

Ainsi, le juge saisi d’une action en dissolution pour mésintelligences entre


actionnaires est tenu de choisir entre l’exclusion de l’actionnaire demandeur de
dissolution et la dissolution d’une entité économique mettant en cause plusieurs
intérêts.

Face à une telle situation le juge doit préserver l’intérêt social en assurant
la pérennité de la société par l’exclusion de l’actionnaire désirant dissoudre la
société.

Cette position est applicable en droit Tunisien sur la base des dispositions
des articles 1323 et 1327 du COC, ce qui n’est pas le cas en droit Français en
raison de l’absence du texte analogue de l’art 1327 dans le code civil Français .

2. L’exclusion judiciaire remède à l’absence de l’affectio


societatis :
L’affectio societatis constitue un élément essentiel pour l’existence de la
société, son manquement justifie la demande de dissolution de la société par l’un
des associés, les restants peuvent demander son exclusion et continuent la société
entre eux.

Cette démarche bien qu’acceptable en droit Tunisien sur la base des


dispositifs de l’art 1323 et 1327 COC en faisant exclure l’actionnaire perturbateur

217
DURAND-LEPINE (G) :L’exclusion des actionnaires non cotées, article précité p17.
218
L’art 1323 infinie du COC.

81
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

en contrepartie de remboursement de l’apport fourni à la société, elle ne l’est pas


en droit Français219 en raison de manque d’assise légale le justifie.

Permettant de sauver la société, l’exclusion judiciaire de l’actionnaire doit


mettre fin à une crise paralysant le fonctionnement de la société et menaçant
même son existence.

L’exclusion prévue pour préserver l’intérêt social n’est pas absolue, elle
doit être limitée par des conditions laissées au pouvoir discrétionnaire du juge.

Paragraphe Deuxième : l’appréciation judiciaire des


conditions de l’exclusion d’actionnaire :
Etant prévu en tant que technique de règlement des conflits entre
actionnaires après le dénouement d’une crise politique, l’exclusion judiciaire de
l’actionnaire n’est recevable qu’après la réunion des conditions prévues par la loi
et laissées à l’appréciation judiciaire suivant chaque cas d’espèce.

En effet, la consultation de la jurisprudence Tunisienne montre l’absence


des décisions déclaratives d’exclusion d’actionnaire au sein des sociétés
anonymes malgré l’application de cette technique de règlement de conflits entre
actionnaires lorsqu’il s’agit des SARL220 ou les sociétés des personnes.

L’absence des décisions en ce qui concerne les SA peut être justifié par
l’existence des dispositions permettant le règlement des conflits sans besoin de
recourir au juge tel que la vente des actions non libérés à la bourse221, l’existence

219
DURAND-LEPINE (G) :L’exclusion des actionnaires non cotées, article précité p18.
220
TPI de Sfax, jugement n°6048 du 15/12/2009, ajouté en annexes par Essefi Ilef : "Le juge et la pérennité de la
société ", mémoire pour l’obtention du mastère en droit des affaires, faculté du droit de Sfax 2013-2014, p 66.
221
Suivant les dispositions de l’art 325 CSC qui disposent que "A défaut par l’actionnaire de libérer aux termes
fixés par le conseil d’administration ou le directoire le reliquat du montant des actions par lui souscrites, la société
lui adresse une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception.
A l’expiration du délai d’un mois de la mise en demeure restée sans effet, la société procède à la vente à la bourse
desdits actions sans autorisation judiciaire."

82
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

de cette mesure de règlement des conflits ne fait pas obstacle à l’application des
dispositions d’exclusion d’actionnaire des sociétés anonymes par le juge.

Ainsi, l’exclusion judiciaire de l’actionnaire puisqu’elle constitue une


atteinte justifiée du droit de propriété, elle doit être sujette à des multiples
restrictions222.

Ces restrictions concernent les conditions relatives à l’exclusion que le juge


doit le respecter lors de l’appréciation de la situation de la société et la possibilité
de sa continuité société (B) d’une part, et l’appréciation de la mésintelligence
provocante de l’exclusion de l’actionnaire demandeur de la dissolution (A)
d’autre part.

A. L’appréciation judiciaire de la mésintelligence motif de


l’exclusion :
La mésintelligence entre actionnaire provocante de l’exclusion n’a pas été
définie par le législateur, ce dernier se suffit dans l’art 1323 COC de citer à titre
énonciatif223 quelques cas de conflits d’intérêts à savoir « des mésintelligences
graves survenues entre les associés, le manquement d’un ou de plusieurs d’entre
eux aux obligations résultant du contrat, l’impossibilité où ils se trouvent de les
accomplir."

Ces cas de conflits cités par l’art 1323 COC relatif à la dissolution pour
justes motifs, ils peuvent justifier l’exclusion judiciaire de l’actionnaire fautif et
ce pour deux raisons.

De prime abord, l’art 1327 COC consacre l’exclusion judiciaire de


l’actionnaire perturbateur utilise la technique de renvoie « dans les cas de l’article
1323".

222
HAMDI (F) :L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse précité p197.
223
L’utilisation du terme "tels que"

83
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Ainsi, les mésintelligences aboutissant à la dissolution de la société


justifient l’exclusion de l’actionnaire qui met en cause la dissolution de la société.

En second lieu, dans l’art 1327 COC le législateur consacre la technique


d’exclusion de l’actionnaire en tant que mesure de résolution des crises politiques
nées des conflits d’intérêts et une mesure radicale permettant de préserver l’intérêt
social par l’élimination de l’actionnaire fautif.

De ce fait, la mésintelligence même paralysant le fonctionnement de la


société ne doit pas mettre fin à un être moral viable tant que la résolution de crise
peut être cherché en dehors de la dissolution mais plutôt dans l’exclusion de
l’actionnaire fautif.

Toutefois, le juge saisi d’une demande de dissolution pour justes motifs


doit apprécier l’existence des justes motifs (1) d’apprécier le comportement de
l’actionnaire exclu (2).

1. L’existence des motifs d’exclusion :


Les justes motifs appréciés par le juge peuvent avoir pour fondements, un
fondement légale consistant dans l’art 1327 COC dans la cadre d’une action en
dissolution judiciaire et un fondement conventionnel dans le cadre d’une décision
prise par l’assemblée générale sur la base d’une clause statutaire d’exclusion.

D’une part, selon l’art 1327 l’exclusion ne peut avoir lieu que dans le cadre
d’une action en dissolution pour justes motifs intenté par l’un des actionnaires en
cas de mésintelligences graves rendant impossible toute continuité de la société.

De ce fait, il revient aux seuls défendeurs de l’action en dissolution pour


justes motifs de demander au juge l’exclusion de l’actionnaire demandeur de
dissolution et le maintien de la société entre eux.

84
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Une telle disposition permet de déduire que l’exclusion est ainsi reliée à la
dissolution.224

Toutefois, le juge saisi d’une action en dissolution est tenu de rendre une
décision portant soit sur l’exclusion de l’actionnaire si l’exclusion permet de
mettre fin à la crise et rend normal le fonctionnement de la société, soit sur la
dissolution de la société si la mésintelligence est grave et rendant impossible toute
continuité de la société ou encore sur le rejet de la demande toute entière en
laissant la mission de résoudre la crise aux organes sociaux si la crise est
passagère.

D’autre part, sur la base de la liberté contractuelle les statuts peuvent


prévoir une clause sur la base duquel l’assemblée générale peut prononcer
l’exclusion d’un ou plusieurs actionnaires entravant le maintien de l’activité
sociale en respectant les conditions et les causes mentionnées préalablement.

Le CSC manque de toute disposition générale consacrant l’exclusion de


l’actionnaire par une décision de l’assemblée générale malgré que l’art 407 alinéa
5 prévoit cette possibilité225.

Il convient de noter, que le juge est tenu dans ce cadre de vérifier que la
décision d’exclusion a été prise par le respect de certaines conditions.

224
SALMA KHALED SLAMA : "l’influence des mésintelligences entre associés (II): la protection de l’intérêt
social", info juridique n° 10/11, octobre 2006 p31.
225
L’art 407 alinéa 5 prévoit que : "chaque associé pourra se retirer de la société lorsqu’il le jugera convenable, à
moins de convention contraire et sauf l’application de l’alinéa 3 du présent article. Il pourra être stipulé que
l’assemblée générale aura le droit de décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts, que l’un
ou plusieurs associés cesseront de faire partie de la société. L’associé qui cessera de faire partie de la société
soit par sa volonté soit suite de décision de l’assemblée générale, restera tenu pendant cinq ans envers les associés
et les tiers, de toutes les obligations existantes au moment de son retrait, et ce, dans la limite des sommes qui lui
auront été restituées avant son départ".
Cet article relatif aux sociétés à capital variables qui peuvent être soit des sociétés anonymes soit des sociétés en
commandite par actions.

85
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

De prime abord, le juge doit vérifier que la décision a été prise par l’organe
compétent qui est l’assemblée générale des actionnaires226 et à la majorité fixée
par les statuts.

En second lieu, l’actionnaire exclu doit être convoqué pour la présence de


l’assemblée générale dans laquelle sera prise la décision de l’exclusion pour
pouvoir défendre ses intérêts et donner son avis sur les griefs qui lui ont été
imputés et causant son exclusion.

Ainsi, le non respect du droit de la défense peut donner lieu à l’annulation


de la décision de l’exclusion prise par l’assemblée générale.

Enfin, l’exclusion ne doit pas être abusive, elle doit être la sanction d’une
dérogation des clauses statutaires prévues préalablement et lésant les intérêts de
la société. Le juge est appeler à apprécier les motifs d’exclusion présentés par
l’assemblée générale, ces motifs doivent être objectifs 227 et déterminés avec
précision.

De ce fait, le juge est tenu d’établir la concordance entre la décision


d’exclusion et la gravité du comportement de l’actionnaire à exclure228.

L’intervention du juge pour contrôler la décision d’exclusion prise par


l’assemblée générale est une garantie permettant de préserver les droits de
l’actionnaire exclu.

2. L’actionnaire exclu :
Selon l’art 1323 COC, l’actionnaire exclu est celui qui donne lieu à la
dissolution c’est-à-dire le demandeur dans l’action en dissolution, il doit être à
l’origine du conflit paralysant le fonctionnement de la société et par conséquent
aboutissant à l’exclusion.

226
Il peut s’agir de l’AGO ou l’AGE selon la clause statutaire qui prévoit la possibilité d’exclusion.
227
Les motifs ne doivent pas être fondés sur des conflits purement personnels, ils doivent influencer l’intérêt social.
228
Essefi Ilef : "Le juge et la pérennité de la société ", mémoire précité, p 66.

86
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

La mésintelligence provocante de l’exclusion peut être à l’origine du


manquement d’un ou de plusieurs d’entre eux aux obligations résultant du
contrat229, l’impossibilité où ils se trouvent de les accomplir d’une part 230,ou la
mésintelligence entravant la prise des décisions sociales tel que l’abus de minorité
d’autre part.

Ainsi, face au mutisme législative quand à la sanction d’abus de minorité


la doctrine estime que" l’exclusion de l’associé minoritaire auteur de
comportement abusif compromettant la survie de la société constitue une sanction
méritée et efficace.231"

De ce fait, l’actionnaire qui met en cause la dissolution de la société lèse


l’intérêt de la société qui est son propre intérêt, il doit être exclu en gardant l’être
moral à condition de lui rembourser la valeur de ses droits sociaux, de cette vision
l’exclusion partielle ne se présente pas comme une atteinte directe aux droits de
l’exclu mais plutôt comme une dissolution limitée à l’exclu232.

En effet, le remboursement de l’apport de l’exclu permet de qualifier


l’exclusion en tant que traitement nécessaire des mésententes entre actionnaires
assurant la continuité de la société et non plus une sanction pour l’exclu233 puisque
ce dernier lorsqu’il demande la dissolution de la société exerce un droit prévu par
la loi à savoir le droit de demander la dissolution de la société et ne commet pas
une erreur234.

Toutefois, le droit de demander la dissolution de la société prévu par l’art


1323 COC est contrebalancé par le droit de demander l’exclusion de l’actionnaire
perturbateur par les actionnaires restants prévu par l’art 1327 COC dont le choix

229
Tel que le manquement de l’obligation de libération de l’apport à la société qui justifie l’exclusion de
l’actionnaire défaillant sur la base de l’art 325 CSC.
230
Ces deux cas de mésintelligences sont cités par l’art 1323 COC à titre énonciatif.
231
HAMDI (F) :L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse précité p197.
232
CAILLAUD (B) :l’exclusion d’un associé dans les sociétés, thèse, Paris 5éme édition, librairie Sirey 1996 p93et
suivants cité par Essefi Ilef : "Le juge et la pérennité de la société ", mémoire précitée p 69.
.89 ‫ ص‬2002 ‫ جويلية‬،‫تش‬.‫ق‬.‫ م‬،"‫ "الخالفات بين الشركاء و تأثيرها على مصير الشركة‬:‫ المنصف ذويب‬233
.90 ‫ مقال سابق الذكر ص‬،"‫ "الخالفات بين الشركاء و تأثيرها على مصير الشركة‬:‫ المنصف ذويب‬234

87
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

entre ces deux droits reste soumis au pouvoir discrétionnaire du juge selon les
circonstances de chaque cas d’espèce.

L’exclusion de l’actionnaire perturbateur ne peut être soulevé que si le


jugement prononçant la dissolution de la société n’est pas encore rendu puisque
l’’exclusion est un substitut de dissolution permettant d’éviter la disparition de
l’être social235, elle ne doit être provoqué après la déclaration de la dissolution.

B. L’appréciation judiciaire de la situation de la société :


L’exclusion judiciaire conçue comme une alternative à la dissolution pour
justes motifs est prévu dans l’unique dessin de maintenir la société si bien
évidemment celle-ci est encore économiquement viable.

De ce fait, si la mésintelligence ne paralyse que les structures sociétaires236,


il serait plus opportun de résoudre la crise par l’élimination de l’actionnaire
perturbateur que de prononcer la dissolution de la société économiquement saine.

Ainsi, l’exclusion de l’actionnaire dans une société économiquement viable


ne constitue pas une option pour le juge, il doit refuser la dissolution s’il parait
que la crise est passagère et ce sur la base de l’art 1327 COC.

En revanche, en droit Français, l‘exclusion ne peut pas être déclarée qu’à


l’existence d’une clause statutaire ou extrastatutaire prévoyant l’exclusion de
l’actionnaire perturbateur237 car le droit Français ne contient pas des dispositions
relatives à l’exclusion de l’actionnaire en cas de mésintelligence grave entre
associés ni dans le code des sociétés.

Il est à soulever à cet égard que, pour être efficace, l’exclusion judiciaire
de l’actionnaire doit mettre fin à la crise menaçant l’existence de la société c'est-
à-dire le juge doit apprécier l’opportunité de l’exclusion à la situation de la société

235
SALMA KHALED SLAMA : "l’influence des mésintelligences entre associés (II): la protection de l’intérêt
social", article précité p 32.
236
Les crises structurelles aboutissant à l’exclusion de l’actionnaire peuvent être à l’origine de l’abus de minorité.
237
COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSYI (F) : droit des sociétés, ouvrage précité p 191.

88
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

et si la sortie de l’actionnaire rend la société à sa situation initiale avant la


survenance des crises et fasse disparaitre tout risque de dissolution.

A ce propos, l’appréciation du juge doit être orientée vers la protection de


l’intérêt général en évitant la dissolution éventuelle de la société et ses
conséquences économiques considérables notamment lorsque la société est in
bonis en se basant sur la priorité de l’intérêt général de la société en tant qu’entité
économique mettant en œuvre plusieurs intérêts par rapport à l’intérêt privé de
l’actionnaire exclu238.

De même, malgré que l’exclusion de l’actionnaire perturbateur constitue


une mesure injuste puisqu’elle constitue une atteinte aux droits de l’actionnaire,
elle a des conséquences de moindre gravité que la dissolution sur la scène
économique, de cette vision le juge est sensé choisir la solution qui présente le
moindre des inconvénients239.

Dans le même ordre, l’exclusion judiciaire de l’actionnaire doit limiter les


cas de dissolution aux seules sociétés économiquement désespérées dont la
poursuite de l’activité sociale demeure impossible ou encore les sociétés qui
souffrent des crises politiques insolubles d’où l’exclusion ne suffit pas à elle seule
pour résoudre la crise et que seule la dissolution permet de mettre fin à la
mésentente.

Il ya lieu ainsi de soulever que le juge doit s’orienté sur la primauté de la


logique économique sur la logique juridique c'est-à-dire le juge doit préserver
l’intérêt de la société en tant qu’entité économique sans ignorer l’intérêt de
l’actionnaire puisque ses droits ne seront pas lésés car ses apports seront
remboursées.

238
Cette règle trouve son assise légale dans l’art 557 COC qui dispose que" Entre intérêt général et intérêt
particulier, il faut préférer l’intérêt général, s’il n’y a aucun moyen de les concilier".
239
Selon le principe posé par l’art 556 COC qui prévoit que "Entre deux inconvénients, il faut choisir le moindre."

89
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Il est à rappeler à cet égard, que la restructuration de la société peut être un


substitut à la dissolution non pas à résoudre une crise politique mais plutôt en cas
d’exclusion d’un actionnaire ou du retrait des minoritaires le nombre
d’actionnaire peut devenir inférieur au minimum légal exigé240 qui est le nombre
de sept actionnaires, la société sera tenu de régulariser sa situation soit par
compléter le nombre restant des actionnaires soit changer la forme sociale.

Pour en conclure, si ces solutions prévues par la loi ont échouée ou


insusceptibles de mener à une solution du marasme que traverse la société, la
dissolution de la société serait la seule issue pour résoudre la crise politique.

Chapitre deuxième : La dissolution judiciaire de la


société :
Partant du fait que la société anonyme est un contrat conclu entre au moins
sept actionnaires241, elle ne peut être dissoute que par la volonté de ceux qui l’ont
donné naissance.

Ainsi, la dissolution signifie la mort de l’être moral, ceci suppose une


réglementation de ses causes, ses conditions et ses effets en vue de délimiter son
domaine en cherchent la pérennité de la société en tant qu’entité économique242.

La cause de dissolution prématurée243 qui pose le plus des difficultés244 est


celui de la dissolution judiciaire.

240
L’art 160 alinéa premier.
241
L’art 160 CSC.
‫ منشورات مركز‬،2001 ‫ افريل‬6‫و‬5 ‫ ملتقى دولي حول مجلة الشركات التجارية يومي‬،"‫ "انحالل الشركات التجارية‬:‫ محمد كمال شرف الدين‬242
.2002 ‫الدراسات القانونية و القضائية تونس‬
243
BOUASSIDA Mohammed : "La mésintelligence entre associés" mémoire pour l’obtention du diplôme d’études
approfondies en droit des affaires, faculté du droit du Sfax, 2000-2001, p 76.
244
Les causes de dissolution peuvent être regroupées en trois catégories :
- Les causes liées à la volonté des actionnaires c'est-à-dire la dissolution prise par une décision de
l’assemblé générale extraordinaire (l’art 387 alinéa 2), cette cause de dissolution ne pose plus des
difficultés puisqu’elle émane de la volonté commune des actionnaires.
- Les causes imposées par la loi englobent l’expiration de la durée de la société, l’extinction de son objet
et la réunion des parts sociales entre las mains d’un seul associé. Cette cause de dissolution est de plein
droit et les associés ne peuvent pas y opposé.

90
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Toutefois, la protection de l’intérêt social par le maintien de l’activité


sociale à été suivie par la jurisprudence pour les sociétés commerciales en général
et les sociétés anonymes spécialement en raison de sa spécificité.

En effet, les juges ont fondé leur position par le caractère exceptionnelle
des règles de dissolution qui doivent s’appliquer sous réserve du principe de
l’interprétation stricte et la limitation des cas de dissolution245.

Une telle sévérité à l’égard de la dissolution dans le cadre des sociétés


anonymes246 est conçue aussi bien en ce qui concerne l’hostilité jurisprudentielle
au droit de dissolution pour justes motifs (section première), qu’en ce qui
concerne l’appréciation prudente des justes motifs de dissolution (section
deuxième).

Section Première : L’hostilité jurisprudentielle au droit à la


dissolution pour justes motifs :
La dissolution pour justes motifs n’est prévue que dans les règles
communes, d’une part l’art 1323 du COC247 qui prévoit que "tout associé peut
poursuivre la dissolution de la société, même avant le terme établi, s’il y a de
justes motifs, tels que des mésintelligences graves survenues entre les associés, le
manquement d’un ou de plusieurs d’entre eux aux obligations résultant du contrat,
l’impossibilité où ils se trouvent de les accomplir. Les associés ne peuvent
renoncer d’avance au droit de demander la dissolution dans les cas indiqués au
présent article".

- La dissolution judiciaire pour justes motifs elle pose le plus des difficultés en raison d’opposition d’un
ou plusieurs actionnaires.
:‫ صادر عن محكمة االستئناف بالمنستير غير منشور أوردته‬1994/04/24 ‫ـدد بتاريخ‬5175‫ حكم استئنافي مدني عـ‬245
Amal Mamlouk :" le capital social gage des créanciers", thèse de doctorat, faculté des sciences juridiques et
sociales de Tunis 1999, annexe n°1.
."‫" قواعد حل الشركة هي قواعد استثنائية ولذا يتحتم التعامل معها بمبدأ التأويل الضيق والتحديد من امكانية االلتجاء إلى حل الشركة‬
246
HAMDI (F) :L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse précité p 201.
247
Cet article constitue le texte général applicable en cas du mutisme du texte spécial.

91
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

D’autre part, l’art 26 du CSC 248 qui dispose que "la dissolution de toute
société peut être volontaire ou judiciaire.

La société peut être dissoute par une décision prise par les associés aux
conditions prévues par les statuts. Elle est dissoute judiciairement par un
jugement.

Dans tous les cas, tout associé peut conformément aux dispositions à
chaque société, saisir la juridiction compétente en vue de faire prononcer la
dissolution de la société pour justes motifs."

La consultation des règles spécifiques 249 de dissolution de la société


anonyme marque l’absence d’une disposition adoptant le droit à la dissolution
pour justes motifs.

Face à ce mutisme législatif, il ya lieu de se demander sur l’application


judiciaire du droit à la dissolution dans le cadre des sociétés anonymes
(paragraphe premier) avant de présenter les fondements avancés par les juges en
la matière (paragraphe deuxième).

Paragraphe Premier : l’application du droit de dissolution


judiciaire pour justes motifs dans les sociétés anonymes :
Les conflits d’intérêt entre actionnaires peuvent causer des crises politiques
menaçant l’avenir de la société, ceci ouvre droit pour demander la dissolution pour
justes motifs.

Or le législateur utilise le terme » justes motifs » 250


sans donner une
définition au sein de l’article 26 CSC et sans reprendre les exemples cités par l’art
1323 COC.

248
Cet article situé sous le "Titre Trois : La Dissolution des sociétés" sous le "Livre premier : des dispositions
communes aux différentes formes des sociétés" applicable à toutes les formes des sociétés tant qu’il n’existe pas
un texte spécial le déroge ce qui signifie son application pour les sociétés anonymes.
249
Les articles 387 et 388 CSC.
:‫ يقابلها في النص باللغة العربية‬250

92
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

De ce fait, les justes motifs sont soumis au pouvoir discrétionnaire des juges
de fonds suivant les faits de chaque cas d’espèce.

De même, selon l’art 1323 COC, le droit de demander la dissolution est un


droit personnel et intangible.

D’une part, c’est un droit personnel puisqu’il est accordé à "tout associé
abstraction fait de sa participation au capital social et n’est exercé que par les 251
"
associés, qui sont les premiers intéressés de la disparition de la société 252 ce qui
exclut les tiers et notamment les créanciers sociaux malgré qu’une partie de la
doctrine253 adopte l’exercice de ce droit par les créanciers par la voie de l’action
oblique254.

Or une telle position bien qu’elle assure une protection des créanciers
surtout lorsque la mésentente aboutit à la ruine de la situation économique de la
société, elle permet d’élargir le domaine d’application des règles de dissolution
ce qui entrave la protection de l’entité économique.

D’autre part, un droit intangible puisque l’art 1323 COC interdit toute
renonciation préalable ou restriction par une clause statutaire ou extrastatutaire.

La jurisprudence Tunisienne, malgré qu’elle a opté pour ce caractère


intangible en assimilant le droit de demander la dissolution pour justes motifs à
un droit fondamental et ne peut être renoncé par les statuts255, elle soumettait la
déclaration de dissolution à l’appréciation souveraine des juges de fond.

."‫ع عبارة "أسباب معتبرة‬.‫إ‬.‫ من م‬1323 ‫بالفصل‬


."‫ت عبارة "أسباب مشروعة‬.‫ش‬.‫ من م‬26 ‫بالفصل‬
251
Ce terme est utilisé par l’art 26 CSC et l’art 1323 COC.
252
GUYON (Y) : droit des affaires, tome 1, 9ème édition Economica 1996, n°207 p 206.
253
Cette position a été admise aussi bien par la doctrine Tunisienne que la doctrine Française :
- La doctrine Tunisienne :
.125 ‫ ص‬1996 ،‫ دار الميزان للنشر‬، "‫ " تعليق على قانون الشركات التجارية‬:‫توفيق بن نصر‬
- La doctrine Française :
MATSOPOULOU (H) : "la dissolution pour mésentente entre associés", Rev. Sociétés 1998 p35.
254
L’art 306 COC.
: ‫ قرار تعقيبي مدني عـ صادر عن الدوائر المجتمعة في‬255
‫"يعتبر المشرع أن حق الشريك في طلب فسخ الشركة ولو قبل إنتهاء مدتها بسبب معتبر أو شرعي من الحقوق األساسية التي ال يجوز إسقاطها عن‬
."‫التعاقد‬

93
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Il est à rappeler à cet égard, que le droit de demander la dissolution bien


qu’il ne peut être limité en revanche il peut être mesuré par d’autres techniques
de résolution des conflits tels que l’exclusion de l’actionnaire prévue par l’art
1327 COC ou sur la base d’une clause statutaire d’exclusion.

Alors que cette constatation est admissible en droit Tunisien, elle ne l’est
pas en droit Français puisque l’art 1844-7-5 du code civil Français ne prévoit pas
la possibilité d’exclusion d’actionnaire comme alternative de dissolution.

Ainsi, le juge saisi d’une action en dissolution rend sa décision après l’étude
des faits d’espèces, soit prononcer la dissolution de la société s’il parait que la
mésentente rend impossible toute poursuite de l’activité sociale, soit refuser la
demande tant que la crise est passagère et peut être résolue par les organes sociaux
ou que la mésentente n’influence plus le fonctionnement normal de la société qui
demeure prospéré malgré l’existence de la crise.

Il s’ensuit que l’actionnaire jouisse d’un droit intangible d’agir plutôt qu’un
droit d’obtenir la dissolution256 c’est-à-dire la dissolution n’est pas automatique,
elle est tributaire d’appréciation de juge.

Toutefois, l’organisation législative de la société anonyme permet de se


demander sur l’applicabilité de droit à la dissolution sur ce type des sociétés?

La réponse ne peut être que positive par référence aux règles spécifiques de
dissolution de la société anonyme et notamment l’art 387 CSC qui prévoit dans
son alinéa premier que "Nonobstant les cas de dissolution prévues aux articles de
21 à 27 du présent code, la société anonyme est dissoute : (..)".

Ladite disposition n’interdit pas l’application des règles communes pour la


résolution des crises politiques au sein des sociétés anonymes s’il parait que la

.72 ‫ ص‬1996 ‫ منشورات مركز الدراسات القانونية والقضائية‬،1996-1995 ‫قرارات الدوائر المجتمعة‬
256
MARTIN (D) :l’exclusion d’un actionnaire, in la stabilité du pouvoir et du capital dans les sociétés par action,
R.J.Com., numéro spécial, Novembre 1990 p 94.

94
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

mésintelligence entre actionnaires bloque le fonctionnement de la société et rend


impossible le maintien de l’activité sociale.

De surcroit, tant que "la consécration du droit à la dissolution réside dans


la volonté de mettre fin aux conflits internes qu’il était impossible de résoudre à
l’amiable",257 elle doit être appliqué comme le dernier issue pour résoudre une
crise politique menaçant l’avenir de la société.

Enfin, le jugement ordonnant la dissolution de la société doit être fondé en


raison de la gravité de la décision qui aboutit à la disparition de l’être moral.

Paragraphe Deuxième : les fondements avancés pour la


dissolution judiciaire pour justes motifs :
La société anonyme étant constituée par un contrat qui doit réunir à coté
des conditions communes de formation des contrats, l’intention active de
s’associer et d’œuvrer sur un pied d‘égalité à la réalisation de l’œuvre commune
c'est-à-dire un affectio societatis durant dés la constitution du contrat de société
jusqu’à sa disparition.

De ce fait la décision de la dissolution pour justes motifs a pour fondement


la perte de l’affectio societatis (A) qui aboutit à la résiliation du contrat de société
pour l’inexécution des obligations (B).

A. La dissolution judiciaire pour justes motifs suite à la


perte de l’affectio societatis :
La divergence d’intérêts entre actionnaires pousse chacun d’entre eux de
défendre ses propres intérêts même au détriment de l’intérêt social et au détriment
d’intérêt de ses coassociés.

257
SALMA KHALED SLAMA : L’influence de la mésintelligence entre associés sur le fonctionnement des
sociétés commerciales, info juridique n° 8/9 Septembre 2006 p 10.

95
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

En effet, la divergence d’intérêt suppose soit l’opposition entre les intérêts


personnels des associés au sein de la société tel que les intérêts d’actionnaire
membre du conseil ou de directoire et les actionnaires qui ne participent pas à la
gestion de la société ou encore conflit d’intérêt entre majoritaires et minoritaires,
soit l’opposition entre les intérêts personnels et l’intérêt de la personne morale tel
que le refus de minoritaire de participer à l’augmentation du capital social.

Ce conflit d’intérêt aboutit progressivement à la perte de l’affectio societatis


ce qui entrave le maintien de l’activité sociale.

Ainsi, vu la gravité des incidences de la dissolution sur l’unité économique,


la mésentente qui affaiblit l’affectio societatis, qui se distingue du simple
désaccord 258 , doit bloquer le fonctionnement de la société et met en péril
l’existence même de la société.

De ce fait, la mésentente doit dépasser les relations entre associés pour


influencer le fonctionnement de la société et menaçant son avenir.

B. La dissolution judiciaire pour justes motifs conséquence


de l’inexécution du contrat de société :
La mésentente entre actionnaires implique le mépris des obligations qui
découlent du contrat de société.

Ainsi, comme en droit commun des contrats l’inexécution des obligations


par l’un des parties autorise l’autre à demander la résolution du contrat à savoir la
dissolution de la société s’il s’agit d’un contrat de société.

Dans ce même ordre, l’art 1323 COC prévoit à titre d’exemple "le
manquement d’un ou de plusieurs d’entre eux aux obligations résultant du contrat,
l’impossibilité où ils se trouvent de les accomplir".

258
SALMA KHALED SLAMA : L’influence de la mésintelligence entre associés sur le fonctionnement des
sociétés commerciales, info juridique n° 8/9 Septembre 2006 p 8.

96
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

En revanche, les justes motifs de dissolution diffèrent de celui de résolution


des contrats. En effet, malgré que la résolution des contrats civils ne produise pas
ses effets que pour les parties du contrat, la résolution du contrat de société a des
incidences dépassant les parties du contrat de société tel que les employés de la
société, les fournisseurs, clients, établissements financiers et les établissements
fiscaux.

De cette raison, la résolution du contrat de société ne doit pas être


automatique, le juge doit tenir compte de la valeur de la société en tant qu’entité
économique dont les intérêts dépassant les intérêts des actionnaires qui l’ont
donné naissance 259 méritent d’être protéger par la restriction du domaine de
dissolution.

Toutefois, malgré que le droit de demander la dissolution judiciaire pour


juste motif est un droit garanti par la loi, il reçoit tant en jurisprudence qu’en
doctrine une portée limitée.

Cependant, la consultation de la jurisprudence Tunisienne montre l’absence


des décisions déclaratives de dissolution du contrat de société et ce pour plusieurs
raisons.

D’un coté, les sociétés anonymes et notamment celles faisant appel public
à l’épargne sont caractérisées par la libre négociabilité des actions, tout
actionnaire peut céder librement ses actions s’il estime que la mésentente lèse ses
propres intérêts.

De l’autre coté, les sociétés anonymes classées parmi les sociétés des
capitaux marquées par l’absence de l’intuitu personae et l’idée de confiance entre
actionnaires ne joue pas un rôle déterminant 260 , l’actionnaire demandeur de

.115 ‫ ص‬1994 ‫ت‬.‫ق‬.‫ م‬،"‫ "تدخل القاضي لتحقيق األبعاد االقتصادية للشركة‬:‫توفيق بن نصر‬ 259
260
Dahdouh (H) et (CH) : "Droit commercial, entreprises sociétaires : règles communes", vol2, t1 p261.

97
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

dissolution peut se retirer de la société en cédant ses parts sociaux à ses coassociés
ou à une autre personne étrangère.

Or, la doctrine estime que la dissolution pour justes motifs n’est applicable
que s’il s’agit des petites sociétés261.

En tout état des causes la dissolution des sociétés anonymes doit avoir un
domaine limité. Une telle limitation ne peut être conçue que par la prudence des
juge de fond quand à l’appréciation des conditions de dissolution pour justes
motifs.

Section deuxième : L’appréciation prudente des justes motifs


de dissolution :
L’art 26 CSC consacre le droit de demander la dissolution pour justes
motifs262 sans donner une définition à cette notion. Ainsi, ce mutisme exige le
recours aux règles communes prévues dans le COC et notamment l’art 1323 qui
ne donne pas une définition de la notion alors qu’il se suffit de citer à titre
indicatif263 des exemples qui représentent des justes motifs de dissolution, il s’agit
des sous-standards qui aident le juge à apprécier et à définir le standard juridique
de juste motif264.

D’une part, le premier cas de conflit concerne le manquement d’un ou de


plusieurs actionnaires aux obligations résultant du contrat, l’impossibilité où ils
se trouvent de les accomplir.

261
Merle (PH) et Fauchon (A) : "Droit commercial, sociétés commerciales", 7ème édition, p 594.
262
Elle "constitue un standard juridique dont la définition ne peut être arrêtée d’une manière définitive, c’est au
cas par cas que le juge apprécie les différentes situations" Ben Ammou (N), "société et contrat : notations sur
l’esprit contractuel du code des sociétés commerciales", colloque internationale sur le CSC du 5 et 6 avril 2001,
publication du centre d’Etudes juridiques et judiciaires, Tunis 2002, p27 et suivants.
263
L’emploi de l’expression "tel que" dans l’art 1323 COC.
264
HAMDI (F) :L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse précité note n°6 p199.

98
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

En effet, cette hypothèse ne peut pas être prise en compte par le juge pour
dissoudre la société265 tant que la référence aux règles communes du droit des
sociétés montre que l’associé n’est obligé que de fournir un apport à la société.

Or, le manquement de cette obligation dans le cadre des sociétés anonymes


donne lieu à la vente des actions revenant à l’actionnaire défaillant à la bourse266.

D’autre part, le cas des mésintelligences graves entre actionnaire, qui


constitue le juste motif le plus adopté en pratique pour dissoudre la société, c’est
"le motif le plus curieux267" ou encore "l’archétype du juste motif de dissolution
anticipée et forcée d’une société268".

Toutefois, la mésentente entre actionnaires peut comprendre plusieurs cas


des conflits mettant en péril la poursuite de l’activité sociale.

Ces mésententes sont laissées au pouvoir discrétionnaire du juge de fond


qui leur fixe les conditions liées tant à la mésintelligence cause de dissolution
(paragraphe premier) qu’à l’action en dissolution (paragraphe deuxième).

Paragraphe Premier : l’appréciation judiciaire de la


mésintelligence cause de la dissolution :
La mésintelligence grave entre associés peut être conçue comme "les
mésententes entre les associés atteignent un degré de gravité tel que le
fonctionnement de la société soit paralysé et que la société soit irrémédiablement
menée à la dégradation et la faillite".269

De cette définition pour être admise comme une cause de dissolution


judiciaire pour justes motifs, la mésentente doit être grave (A) et paralysant le
fonctionnement de la société (B).

.70 ‫ ص‬2002 ‫ جويلية‬،‫تش‬.‫ق‬.‫ م‬،"‫ "الخالفات بين الشركاء و تأثيرها على مصير الشركة‬:‫ المنصف ذويب‬265
266
L’art 325 CSC
267
RIPERT (G) et ROBLOT (R) : Traité de droit commercial, tome 1, édition LGD.J 1996, n°1102 p84.
268
CHAMPAUD (C) : note sous C.A. Paris, 29 Janvier 1993, R.T.D.Com 1993 p 666.
269
HAMDI (F) :L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse précité note n°6 p200.

99
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

A. Une mésintelligence grave :


La mésentente impliquant un désaccord ou un malentendu entre deux ou
plusieurs actionnaires est laissée à l’appréciation souveraine du juge de fond, elle
doit être juste et sérieuse de manière à rendre impossible la vie de la société.

La gravité, condition exigée explicitement par le législateur au sein de l’art


1323 COC, est conçue par le mauvais fonctionnement de la société qui est constaté
par le juge d’une manière casuistique selon les faits de chaque cas d’espèces et
suivants les preuves établies par l’actionnaire demandeur de dissolution de la
société.

D’une manière générale, la gravité se voit par les incidences que posent
l’opposition des intérêts sur le fonctionnement de la société270, elle se distingue
du simple désaccord ou du conflit passager qui ne peut pas être admis comme
juste motif de dissolution.

En d’autre terme, la mésentente doit avoir pour conséquence "une entrave


totale à la bonne marche des affaires sociales. 271"

Toutefois, la gravité est une condition nécessaire pour déclarer la


dissolution de la société mais pas suffisante en elle seule, elle doit impliquer une
situation de crise bloquant le fonctionnement et rendant impossible la résolution
du litige autrement dit la crise ne peut être résolue que par la dissolution de la
société.

270
SALMA KHALED SLAMA : L’influence de la mésintelligence entre associés sur le fonctionnement des
sociétés commerciales, info juridique n° 8/9 Septembre 2006 p 8.
271
COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSYI (F) : droit des sociétés, ouvrage précité p 191.

100
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

B. Une mésintelligence paralysant le fonctionnement de la


société :
La paralysie de fonctionnement, condition indispensable pour la dissolution
judiciaire de la société pour justes motifs, n’est pas requise par l’art 1323 COC
malgré que le projet de Santillana de code l’exige pour obtenir dissolution de la
société272, et ce contrairement au code civil Français qui la prévoit au sein de l’art
1885-7-5. Une telle condition est exigée aussi bien en jurisprudence qu’en
doctrine.

En effet, l’exigence de cette condition est en vue de protéger l’intérêt social


qui doit être prédominé sur les intérêts individuels273.

Ainsi, la notion d’intérêt social, notion utilisée par la doctrine Française274


pour faire échec à des demandes de dissolution pour mésententes entre
actionnaires275, est soumise au pouvoir discrétionnaire du juge, peut être tirée soit
de la situation économique de la société (1), soit de la situation juridique de la
société (2).

1. La mésentente affectant la situation juridique de la


société :
Il est à rappeler tout d’abord que le fonctionnement normal d’une société
anonyme suppose l’existence d’un organe de délibération, d’un organe
d’administration et un organe de contrôle chacun d’entre eux doit accomplir les
tâches qui leur incombent. Toute perturbation dans cette structure menaçant
l’exploitation ouvre droit à la dissolution de la société pour justes motifs.

.73 ‫ مقال سابق الذكر ص‬،"‫ "الخالفات بين الشركاء و تأثيرها على مصير الشركة‬:‫ المنصف ذويب‬272
273
MATSOPOULOU (H) : "la dissolution pour mésentente entre associés", article précité, p27.
274
MATSOPOULOU (H) : "la dissolution pour mésentente entre associés", article précité, p28.
275
DAHDOUH (H) et (CH) : "Droit commercial, entreprises sociétaires : règles communes", op.cit, note n°1005,
p261.

101
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Or, la paralysie des organes sociaux peut inclure plusieurs cas des conflits
et diffère selon les faits de chaque cas d’espèces, ce qui donne au juge in large
pouvoir d’appréciation.

Ainsi, pratiquement la mésentente entre actionnaires paralysant le


fonctionnement de la société peut poser différentes incidences sur la marche des
affaires.

D’abord, il peut s’agir d’un désaccord entre plusieurs actionnaires


impliquant l’impossibilité de substituer des organes sociaux. En effet, une société
dépourvue d’organe d’administration peut être menacé si le conflit entre
actionnaire persiste.

Ensuite, la mésentente entre actionnaires peut aboutir à l’impossibilité de


se réunir en assemblée, cette dernière étant dotée par la prise des décisions
sociales, le défaut de son réunion rend impossible toute poursuite de l’activité
sociale.

Enfin, la mésentente entre actionnaires peut avoir comme origine l’abus du


droit de vote tel que l’abus de minorité276 si la décision contestée est vitale pour
la société.

Il ya lieu à soulever à cet égard que la paralysie de fonctionnement doit


causer des difficultés insurmontables277 qui finissent par la ruine de la situation
économique pour dissoudre la société.

2. La mésentente affectant la situation économique de la


société :
Une telle condition n’est pas exigée par la loi ni Tunisienne ni Française, elle est requise par la
jurisprudence278 en vue de laisser en activité des entreprises économiquement viable279.

276
HAMDI (F) :L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse précité note n°6 p199 et suivants.
277
MATSOPOULOU (H) : "la dissolution pour mésentente entre associés", article précité, p31.
278
Jugement de la CA de Monastir n°5175 du 27/04/1994, jugement précité.
279
DAHDOUH (H) et (CH) : "Droit commercial, entreprises sociétaires : règles communes", op.cit, p261.

102
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

La ruine de la situation économique comme condition de dissolution judiciaire pour justes


motifs, se distinguent d’une part de la perte des fonds propres en deçà de la moitié citée comme une
cause particulière de dissolution des sociétés anonymes280, d’autre part des difficultés économiques que
peut connaitre une société281 incapable de suivre le processus concurrentiel282 tant que la première est
due à une mésentente entre actionnaires et peut aboutir à des situations économiques et financières
difficiles283 alors que les autres cas peuvent être causées par des événements liées
à l’environnement économiques et externes la volonté des actionnaires.

Toutefois, la menace de la ruine de la situation économique doit être


évidente ce qui exclu la menace éventuelle qui peut être évité par des mesures
préventives.

Dans ce cadre, pour constater l’atteinte de la situation économique de la


société, le juge doit retenir un critère économique pour défendre l’intérêt social.

En effet, le juge peut faire référence aux documents comptables 284 pour
apprécier l’incidence des mésintelligences sur la situation financière de la société
en comparant les résultats financiers dans le temps jusqu’à l’apparition de la
mésentente.

Néanmoins, le juge peut fonder sa décision sur une expertise réalisée par
un spécialiste car la formation purement juridique des juges fait défaut à la
constatation effective de la situation réelle de la société.

Vu sous cet angle, la décision déclaratif de dissolution est tributaire des


résultats réalisées par la société, si elles déficitaires la société es dissoute si elles
sont bénéficiaires en dépit de l’existence des pertes et les mésententes la

280
Régi par l’art 388 CSC.
281
Régi par la loi n°36 du 29/04 2016 relative à la procédure collective.
282
Ayari (K) : "Le référé et les sociétés commerciales", op.cit, p 13.
283
Ibid.
284
Les documents comptables permettent d’informer les juges sur les opérations effectuées par la société tel que
le paiement de ses employés, le paiement de ses dettes sociales (fournisseurs et banques), les établissements
fiscaux, les prélèvements des dettes de la caisse nationale de sécurité sociale.

103
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

dissolution doit être refusée et les associés doivent chercher d’autres solutions que
la disparition de la société pour régulariser leurs différents personnels.

En tout état des causes, la paralysie de fonctionnement normal de la société


ne peut être conçue come cause de dissolution pour mésententes entre actionnaires
que si les autres modes de résolution des crises politiques ont fait échec.

En ce sens, les juges en vue de garder l’entité économique sont séduits par
d’autres voies 285 tel que la désignation d’un administrateur ad hoc chargé de
concilier entre les parties, l’exclusion de l’administrateur provisoire ou encore
soumettre la société aux procédures de redressement si elle est encore prospérée.

Il s’ensuit que l’échec de ces mesures de règlement des conflits dans le


cadre des crises politiques rend immédiate la dissolution de la société s’il parait
au juge que cette dernière constitue la phase ultime pour résoudre définitivement
la crise au futur286.

La rigueur des juges quand à l’appréciation des conditions liées à la


mésintelligence cause de dissolution judiciaire pour justes motifs est soutenue par
la rigueur à l’égard des conditions relatives à l’action en dissolution.

Paragraphe Deuxième : l’appréciation judiciaire des


conditions liées à l’action en dissolution :
L’action en dissolution judiciaire pour justes motifs comme toute action en
justice doit faire l’objet d’une demande en dissolution (B) sans ignorer la
spécificité de l’action quand aux conditions relatives au demandeur de l’action en
dissolution (A).

285
COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSYI (F) : droit des sociétés, ouvrage précité p 191.
.113 ‫ ص‬1994 ‫ت‬.‫ق‬.‫ م‬،"‫ "تدخل القاضي لتحقيق األبعاد االقتصادية للشركة‬:‫توفيق بن نصر‬ 286

104
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

A. L’actionnaire demandeur de dissolution :


Selon l’art 1323 de COC, reconnait le droit de demander la dissolution pour
justes motifs à tout actionnaire sans aucune autre précision ou une limitation quant
au droit d’agir.

A cet égard, la jurisprudence Française exige que l’actionnaire demandeur


de dissolution ne doive pas être à l’origine de la mésentente287.

Cette condition est admissible en droit Tunisien puisque l’art 1327 COC
prévoit que "les autres associés peuvent continuer la société entre eux, en faisant
prononcer par le tribunal l’exclusion de l’associé qui donne lieu à la dissolution",
de cette disposition le législateur prévoit l’exclusion comme sanction pou celui
qui donne lieu à la dissolution.

Une telle condition demeure justifiée par le fait qu’un actionnaire ne puisse
se prévaloir de la cause qu’il a donné naissance.

En effet, "le juge n’aura pas à constater tout simplement l’existence de la


cause légale mais s’interroger sur le droit d’apprécier l’opportunité de s’en
prévaloir pour prononcer la dissolution de la sociéténe , autrement dit le juge 288"
doit pas se suffire de constater l’existence des mésintelligences rendant
impossible la poursuite de l’activité mais encore l’origine de cette mésentente.

Ainsi, s’il parait au juge que l’actionnaire demandeur de dissolution est


celui qui provoque la discorde, ceci fait défaut à la présomption de bonne foi
exigée pour l’exécution du contrat 289 de société d’où les actionnaires doivent
exercer leurs obligations régies par le droit des sociétés et celles découlant des
clauses statutaires.

287
Cass. Civ du 20/10/1980, Rev. Sociétés 1980 p 774, note VIANDIER (A).
288
Ben Rejeb (I) : l’administrateur judiciaire des sociétés commerciales, thèse précitée, p 112.
289
L’exécution des contrats de bonne foi est exigée par les dispositions de l’art 243 COC.

105
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

La constatation de présomption de bonne foi ou de son défaut de la part de


l’actionnaire est soumise à l’appréciation souveraine du juge de fond en vue de
savoir qui est à l’origine de la mésentente pour lui faire supporter les
conséquences soit sa condamnation à des dommages et intérêts soit prononcer son
exclusion si la société est encore prospérée.

Bien qu’importante avant de dissoudre la société, la mauvaise foi constitue


une recherche d’intention pour le juge. Est-elle facile à constater ?

Or, même si la recherche d’intentions est difficile pour les juges, elle n’est
pas impossible puisqu’elle incombe aux défendeurs290 de l’action en dissolution
qui désirent exclure l’actionnaire perturbateur et échappent à la dissolution.

Ils peuvent prouver l’abus de gestion de l’actionnaire demandeur de


dissolution, son abstention de voter sur les décisions vitales pour la société dans
l’unique dessin est de nuire à la société.

L’exigence d’une telle condition par la jurisprudence pose en pratique deux


difficultés.

D’une part, si la mésentente persiste dans le temps entre actionnaires, ces


derniers se renvoient des accusations réciproques ce qui rend difficile à connaitre
qui a commencé, dans ce cas il ne reste pour le juge que de prononcer la
dissolution de la société.

D’autre part, si les circonstances permet de constater que la mésentente


cause de la dissolution est à l’origine de la faute commune des actionnaires, le
juge doit ordonner la dissolution de la société si cette dernière est désespérée et
refuser la demande de dissolution si elle est encore viable.

290
Suivant les règles communes de preuve et notamment les articles 420 et 421 COC.

106
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

B. La demande de dissolution pour justes motifs :


La demande de dissolution pour mésentente entre actionnaires prend la
forme d’une action principale qui doit respecter les règles communes de
compétence prévues par le C.P.C.C.

D’une part la demande en dissolution ne peut être faite que devant le


tribunal du lieu de siège social qui est territorialement compétent.

D’autre part, l’action doit être intentée devant la chambre commerciale à


composition collégiale291, ce qui exclu toute compétence de juge de référé dont
suppose la non préjudice au fond alors que la dissolution aboutit à la disparition
de la société.

De même, la dissolution pour mésentente entre actionnaires exige l’examen


du fond du litige ce qui ressort de la compétence du juge de référé.

Comme toute action en justice, l’action en dissolution doit réunir les


conditions communes prévues par l’art 19 CPCC à savoir la capacité292, la qualité
et l’intérêt pour agir.

D’un coté, la qualité pour agir doit être requise tant de la part de demandeur
que de la part de défendeur.

En ce qui concerne le demandeur, l’action en dissolution revient aux seuls


actionnaires293 sans aucune limitation à la participation au capital social puisqu’ils
sont les premières intéressées de disparition de la société.

Quant à la qualité pour agir de la part de défendeur, l’action doit être intenté
en premier lieu contre les actionnaires et non pas la société en tant que personne

291
L’art 40 alinéa 6 CPCC.
292
Elle ne pose aucune spécificité dans le cadre de l’action en dissolution, elle reste soumise aux règles communes
prévues par l’art 19 CPCC.
293
A l’exclusion de toute autre personne et notamment les créanciers, voir la partie relative à l’application
judiciaire de droit à la dissolution pour justes motifs de ce travail.

107
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

morale294 car la mésentente est survenue entre les actionnaires eux même si elle a
des incidences sur l’intérêt social, Malgré que la jurisprudence Française 295 a
contesté cette position en exigeant la convocation de la société en la personne de
son représentant légale pour pouvoir défendre ses propres intérêts. Sa position à
été fondée sur le fait que la société est un être moral jouit des droits et intérêts
distincts de ceux appartenant aux actionnaires.

De l’autre côté, l’intérêt pour agir en dissolution pour justes motifs est celui
de mettre fin aux mésententes entre actionnaires rendant impossible toute
poursuite de l’activité sociale et qui ne sont résolue que par la seule voie de
dissolution.

Une foi déclarée, la dissolution doit être publiée au J.O.R.T et au registre


de commerce conformément à l’art 29 CSC avant de produire ses effets qui
consiste principalement à mettre en liquidation 296 la société par application de
l’art 28 CSC.

.80 ‫ مقال سابق الذكر ص‬،"‫ "الخالفات بين الشركاء و تأثيرها على مصير الشركة‬:‫ المنصف ذويب‬294
295
Cass. Civ., chambre civile n°1; Bull de la cour de cassation Française 1995, t1, n°209.
296
Elle est régie par les articles 28 et suivants de CSC.

108
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Conclusion de la deuxième partie :


L’intervention du juge est plus sollicitée si la mésintelligence entre
actionnaires atteint son sommet pour influencer négativement sur l’entité
économique tant sur son fonctionnement que sur sa situation financière ce qui
pousse le juge à dépasser les mesures habituelles de règlement des conflits pour
des mesures radicales de règlement des conflits.

Il est à appeler à ordonner des solutions aboutissant à la perte de la qualité


d’actionnaire à savoir la protection de droit de retrait des minoritaires exercées
volontairement par ceux qui désirent quitter la société ou encore l’exclusion de
l’actionnaire perturbateur s’il parait au juge que l’exclusion met fin à la crise en
gardant la société entre les restants.

Ces solutions bien que grave en ce qu’elle porte atteinte aux droits de
propriété des actionnaires, elle permet de préserver l’entité économique et profiter
de ses avantages.

Le juge est appelé aussi à dissoudre la société s’il parait que la situation
juridique caractérisé par la paralysie de fonctionnement des organes sociaux et la
situation financière caractérisé par la perte de ses fonds propres rendant
impossible toute poursuite de l‘activité sociale.

109
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

Conclusion générale :
L’intervention du juge dans le fonctionnement de la société de la société
anonyme demeure justifiée par la gravité de la crise que traverse la société.

D’une part, le juge est autorisé d’intervenir en vue d’éviter la survenance


des crises politiques entre actionnaires tantôt pour le renforcement du droit à
l’information en vue d’assurer un contrôle effectif tantôt pour la réhabilitation de
fonctionnement de la société par la nomination d’un administrateur chargé de
résoudre la crise et réanimation des organes sociaux ou encore pour résoudre des
crises qui s’avèrent passagères par le pouvoir d’apprécier des décisions sociales
avant de prononcer sa nullité en cas d’irrégularité due au non respect des règles
de convocation ou de prise des décisions, ou en cas des décisions prises
abusivement.

D’autre part, le juge est appelé à intervenir si la mésintelligence entre


actionnaires atteint son sommet pour influencer négativement sur l’entité
économique tant sur son fonctionnement que sur sa situation financière ce qui
pousse le juge à dépasser les mesures habituelles de règlement des conflits pour
des mesures radicales de règlement des conflits.

Il est tenu de prendre en considération l’intérêt de la société avant de rendre


sa décision, il peut soit résoudre la crise par le droit de retrait des minoritaires ou
encire l’exclusion de l’actionnaire perturbateur si la situation de la société est
encore prospérée soit dissoudre la société si la crise est insoluble par le seule issue
de dissolution.

110
Le juge et les crises politiques dans la société anonyme

L’application de ces dispositions par la jurisprudence a été plus au moins


prudente, de fait que cette intervention n’est recevable qu’au nom de protection
de l’intérêt social et en vue d’assurer la pérennité de la société, elle reste tributaire
de principe de non immixtion du juge dans les affaires sociales.

111
BIBLIOGRAPHIE

I-Bibliographie en langue française

1- Les ouvrages généraux :


• Cornu (G) : Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, édition
Quadrige /PUF, Paris, 9 ème édition 2012.

• COZIAN (M), VIANDIER (A) et DEBOISSY (F) : droit des sociétés,


quatorzième édition Litec de la cour de cassation de Paris 2007.

• DAHDOUH LABASTIE (CH) et DAHDOUH (H) : Droit commercial,


volume2, Entreprises sociétaires et groupement privés, T2, IHE éd, 2007.

• GUYON (Y) : droit des affaires, tome 1, 9ème édition Economica 1996.

• KHARROUBI (KH) : droit des sociétés commerciales, édition Latrach


2016.

• Merle (PH) et Fauchon (A) : "Droit commercial, sociétés commerciales",


7ème édition, p 594.

• Merle (Ph) : Droit commercial, droit des sociétés commerciales, 11 ème


édition, Dalloz 2007.

• MONTESQUIEU : De l’esprit des lois, relu par Jacques Robert, édition


Sgherre,1992.

• RIPERT (G) et ROBLOT (R) : Traité de droit commercial, tome 1, édition


LGD.J 1996.

• Schmidt (D) : les conflits d’intérêts dans la société anonyme,

112
2- Les ouvrages spéciaux
• AYARI (K) : Le référé et les sociétés commerciales à travers le code des
sociétés commerciales, édition CIFEDE, 2007.

3- Les thèses et mémoires :

a- Les thèses :
• BEN REJEB (I) : l’administration judiciaire des sociétés commerciales,
thèse de doctorat, faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis
1995.

• CAILLAUD (B) : l’exclusion d’un associé dans les sociétés, thèse, Paris
5éme édition, librairie Sirey 1996.

• HAMDI (F), L’intérêt social et le droit des sociétés, thèse pour le Doctorat
en droit privé, Faculté de droit et des sciences économiques et politiques, Sousse
2009-2010.

• MAMLOUK (A), Le capital social gage des créanciers, Thèse de doctorat


en droit privé, Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales Tunis, 1999.

b- Les mémoires :
• BOUASSIDA Mohammed : "La mésintelligence entre associés" mémoire
pour l’obtention du diplôme d’études approfondies en droit des affaires, faculté
du droit du Sfax, 2000-2001.

• BRIKI (L) : « Le rôle de juge en droit des sociétés », mémoire pour


l’obtention du diplôme de master en droit des affaires, faculté du droit de Sfax
2009-2010.

• Essefi (I) : "Le juge et la pérennité de la société ", mémoire pour l’obtention
du mastère en droit des affaires, faculté du droit de Sfax 2013-2014.

113
• HAMMOUDA (T) : la nature juridique du droit de vote, mémoire en vue
de l’obtention du diplôme de master de recherche en droit privé, Faculté du droit
de Sousse 2015-2016.

4- Les articles :
• AYARI (K) : « l’expertise de gestion », info juridique n° 24/25, Mai 2007
p6 et suivants

• AYARI (K) : Le gouvernement d’entreprise en droit Tunisien, info


juridique n°64/65, Mars 2009 p 16.

• AYARI (K) dans son article : « le référé dans le CSC institution en quête
d’une identité » RJL Mai 2005 p 78.

• GUYON (Y) :"les missions des administrateurs provisoires des sociétés ",
mélange en l’honneur de Daniel Bastian tome 1, droit des sociétés p 103 et
suivant.

• KOLSI (S) : « Essai sur l’intervention du juge dans la vie de la société »


RTD 2003 p137 et suivant.

• MATSOPOULOU (H) : "la dissolution pour mésentente entre associés",


Rev. Sociétés 1998 p35.

• MARTIN (D) : l’exclusion d’un actionnaire, in la stabilité du pouvoir et du


capital dans les sociétés par action, R.J.Com., numéro spécial, Novembre 1990 p
94.

• OMRANE (A) : « Le droit de l’associé à l’information et à l’accès à la


justice », RJL Juillet 2009 p 128.

• OMRANE (A) : « Le droit de l’associé à l’information et à l’accès à la


justice », RJL Juillet 2009 p 128.

• OMRANE (A) : "La souveraineté de l’assemblée générale dans la société


anonyme", études juridiques n°12, 2005 p67.

114
• DURAND-LEPINE (G) : L’exclusion des actionnaires non cotées, PA n°88
du 24/07/1995 p15.

• SALMA KHALED SLAMA : L’influence de la mésintelligence entre


associés sur le fonctionnement des sociétés commerciales, info juridique n° 8/9
Septembre 2006 p 10.

• SALMA KHALED SLAMA : "l’influence des mésintelligences entre


associés (II) : la protection de l’intérêt social", info juridique n° 10/11, octobre
2006 p31.

• SCHMIDT (D) : la loi de la majorité, exposé introductif, R.J. Com numéro


spécial Novembre 1991 p391.

• STORCK (P) : La continuation de la société par l’élimination d’un associé,


Rev.Soc 1982 p 245.

5- Note et observations
• Bastian (D), note au J.C.P 1948-4116.

• CHAMPAUD (C) : note sous C.A. Paris, 29 Janvier 1993, R.T.D. Com
1993 p 666.

• SCHMIDT (D) : Note sous Cass Com du 11/05/1980, Rev.Soc, 1981 p 314.

• VIANDIER (A) : Note sous Cass. Civ du 20/10/1980, Rev. Sociétés 1980 p
774.

6- Les décisions citées :


• Cour d’Appel de Paris, jugement du 05/01/1939 JCP 1939.

• Jugement de tribunal de première instance de Tunis du 30/07/1973, publié


en RJL n° 1,2 de 1974 p 70.

• Arrêt de la cour de cassation n°2289 daté en 17/01/1980 publié dans R.J.L


1981 n°8 p 79.

115
• Jugement de la SA de Tunis n°80764 du 26/10/1988 publié à RTD 1990 p
408.

• Cass.Com, du 09/03/1993, Flandin, Rev. Sociétés, Janvier Mars 2000 p 36.

• A Cass. Civ., chambre civile n°1 ; Bull de la cour de cassation Française


1995, t1, n°209.

• Arrêt n° 1284 du 10/05/2000 ; bull de la cour de cassation 2000 partie 2 p


261.

• Jugement de T.P.I d’Ariana n°14333 du 15/04/2002 inédit.

• Arrêt n° 67957 du 28/01/2012, RJL Octobre 2012 p113.

7- Les cours :

• BEN REJEB (I) : cour du droit des sociétés, 3ème année de licence
fondamentale en droit privé 2013-2014.

116
‫‪II-Bibliographie en Langue arabe :‬‬
‫المراجع العامة‪:‬‬ ‫‪-1‬‬

‫أحمد الورفلي ‪ :‬الوسيط في قانون الشركات التجارية منشورات مجمع األطرش للكتاب المختص‬ ‫•‬

‫طبعة ثالثة ‪ 2015‬ص ‪ 284‬و ما بعدها‪.‬‬

‫توفيق بن نصر‪ " :‬تعليق على قانون الشركات التجارية"‪ ،‬دار الميزان للنشر‪.1996 ،‬‬ ‫•‬

‫عصام األحمر‪،‬أحمد الورفلي‪ ،‬كمال العياري‪ :‬تعليق على مجلة الشركات التجارية ‪،‬مرجع سابق‬ ‫•‬

‫الذكر‪.‬‬

‫كمال العياري‪ :‬المسير في الشركات التجارية‪ :‬الشركة خفية االسم منشورات مجمع األطرش للكتاب‬ ‫•‬

‫‪.)2011‬‬ ‫المختص (تونس‬

‫ألطروحات والمذكرات‪:‬‬ ‫‪-2‬‬

‫وجيه التوزري‪":‬رقابة سير الشركة خفية االسم"‪ ،‬مذكرة لنيل شهادة الماجستير في قانون الشركات‬ ‫•‬

‫التجارية‪ ،‬كلية الحقوق والعلوم السياسية بتونس‪.2007-2006،‬‬

‫يوسف مقداد‪" :‬الحماية القانونية للمساهم في الشركة خفية االسم"‪ ،‬مذكرة لنيل شهادة الماجستير‬ ‫•‬

‫بحث في قانون األعمال‪ ،‬كلية الحقوق و العلوم السياسية بسوسة ‪.2013-2012‬‬

‫المقاالت‪:‬‬
‫المنصف ذويب‪" :‬الخالفات بين الشركاء و تأثيرها على مصير الشركة"‪ ،‬م‪.‬ق‪.‬تش‪ ،‬جويلية ‪2002‬‬ ‫•‬

‫ص ‪.89‬‬

‫توفيق بن نصر‪" :‬تدخل القاضي لتحقيق األبعاد االقتصادية للشركات التجارية"‪ ،‬م‪.‬ق‪.‬ت ‪ 1994‬ص‬ ‫•‬

‫‪ 65‬وما بعدها‪.‬‬

‫عبد المجيد عبودة‪ :‬تعليق على قرار تعقيبي عدد ‪ 51214‬بتاريخ ‪ ،1990/01/16‬م ق ت ‪1996‬‬ ‫•‬

‫‪.341‬‬ ‫ص‬

‫محمد العربي هاشم "من فقه قضاء المادة التجارية‪ ،‬تعليق على بعض القرارات‪ ،‬مقال منشور في‬ ‫•‬

‫م ق ت ‪ 1996‬ص ‪.271‬‬

‫محمد كمال شرف الدين‪" :‬انحالل الشركات التجارية"‪ ،‬ملتقى دولي حول مجلة الشركات التجارية‬ ‫•‬

‫يومي ‪5‬و‪ 6‬افريل ‪ ،2001‬منشورات مركز الدراسات القانونية والقضائية تونس ‪.2002‬‬
‫‪117‬‬
‫هاجر الفطناسي‪":‬مسيرو الشركة خفية االسم ومساهموها على ضوء تعديل ‪ ،2009/03/16‬م ق‬ ‫•‬

‫تش جوان ‪ 2011‬ص ‪ 31‬و ما بعدها‪.‬‬

‫كمال ألعياري‪ :‬حق األقلية في الخروج من الشركة‪ ،‬م‪.‬ق‪.‬تش‪ ،‬جويلية ‪ 2009‬ص ‪ 25‬و ما بعدها‪.‬‬ ‫•‬

‫مداوالت مجلس النواب‪ ،‬الرائد الرسمي للجمهورية التونسية‪ ،‬جلسة يوم الثالثاء ‪ 03‬مارس ‪،2009‬‬ ‫•‬

‫عدد‪ 21‬ص ‪.882‬‬

‫‪118‬‬
Table des matières

Introduction ........................................................................................................... 1
Première partie : Le juge et la dissolution des crises politiques dans la société
anonyme .............................................................................................................. 12
Chapitre Premier : La dissolution des crises politiques paralysant le
fonctionnement de la société : ............................................................................. 13
Section Première : Intervention préventive du juge : .......................................... 13
Paragraphe Première : le renforcement judiciaire du doit à l’information : ....... 14
A- consécration du droit à l’information :........................................................... 14
1. Le droit à l’information permanent :............................................................. 14
B- Protection du droit à l’information :............................................................... 16
Paragraphe Deuxième : le renforcement judiciaire du droit à la surveillance : .. 17
A- La convocation de l’AG : ............................................................................... 17
B- l’expertise de gestion :.................................................................................... 19
1. Consécration de l’expertise de gestion : ....................................................... 19
Section deuxième : Réhabilitation judiciaires des organes de fonctionnement : 23
Paragraphe premier : Le cadre légal d’intervention du juge des référés : .......... 23
A. Les crises politiques entre l’assemblée générale et les administrateurs : ..... 24
B. Les crises politiques entre administrateurs : ................................................. 25
1. Les crises entre les membres du conseil d’administration et le président
directeur général : ................................................................................................ 25
2. Les crises entre les membres du conseil d’administration : ......................... 27
a- Vacance d’organes d’administration............................................................. 27
b- L’encombrement des organes d’administration :.......................................... 29
Paragraphe deuxième : la dissolution des crises de fonctionnement par la
nomination d’un administrateur judiciaire : ........................................................ 30
A. Les conditions communes d’agir en référés pour la nomination
d’administrateur judiciaire : ................................................................................ 31
1. Les conditions de nomination de l’administrateur judiciaire : ..................... 31
a- L’urgence (la nécessité) : .............................................................................. 31
b- Le non préjudice au fond : ............................................................................ 34
1. Les pouvoirs de l’administrateur judiciaire : ................................................ 36
a- Les pouvoirs limités de l’administrateur judiciaire : .................................... 37
b- Les pouvoirs étendus de l’administrateur judiciaire : ................................... 38
A. Les conditions spécifiques justifiées par les crises politiques : .................... 40
Chapitre deuxième : Dissolution des crises politiques nées de la prise des
décisions au sein de l’A.G : ................................................................................. 41
Section Première : l’irrégularité formelle des décisions sociales : ..................... 42
Paragraphe Premier : Le cadre légal d’irrégularité formelle : ............................ 42
A. L‘irrégularité due au non respect des procédures de convocation :.............. 42
1. La périodicité de l’assemblée générale : ....................................................... 42
2. Les formalités de convocation : .................................................................... 43
B. L’irrégularité due au non-respect des règles de prise des décisions : ........... 45
1. Les règles de compétence : ........................................................................... 46
a- L’assemblée générale ordinaire : .................................................................. 46
b- L’assemblée générale extraordinaire : .......................................................... 46
2. Les règles du quorum et de majorité : ........................................................... 47
a- Le quorum exigible : ..................................................................................... 47
b- La majorité : .................................................................................................. 48
Paragraphe Deuxième : L’annulation des décisions viciées : ............................. 48
A. La sanction de nullité des décisions viciées : ............................................... 49
1. La preuve de la cause de la nullité : .............................................................. 49
a- La preuve de la convocation viciée :............................................................. 49
b- La preuve d’irrégularité de la prise des décisions : ...................................... 49
2. L’action en nullité : ....................................................................................... 50
B. Restriction de la sanction de la nullité : ........................................................ 51
Section deuxième : Les crises politiques nées des décisions sociales abusives. 52
Paragraphe Premier : L’abus de majorité. ........................................................... 53
A. Les éléments constitutifs d’abus de majorité : .............................................. 53
1. La contrariété de l’acte aux statuts ou aux intérêts de la société : ................ 53
2. La rupture d’égalité entre actionnaires : ....................................................... 56
B. La sanction d’abus de majorité : ................................................................... 56
1. L’annulation judiciaire de la décision abusive : ........................................... 57
a- L’action en nullité : ....................................................................................... 57
b- Les limites de l’action en nullité : ................................................................. 57
2. La réparation des dommages et intérêts :...................................................... 59
Paragraphe deuxième : L’abus de minorité. ........................................................ 60
A. Les conditions d’abus de minorité : .............................................................. 60
1. La contrariété de l’usage du droit de vote à l’intérêt social :........................ 60
2. L’entrave à la volonté majoritaire : ............................................................... 61
B. La sanction d’abus de minorité : ................................................................... 61
1. La réparation par nature : .............................................................................. 61
2. La réparation par équivalent : ....................................................................... 63
Conclusion de la première partie :....................................................................... 64
Chapitre Premier : Les alternatives à la dissolution assurant la résolution des
crises politiques : ................................................................................................. 66
Section première : Le droit de retrait de la minorité : un palliatif à la dissolution :
............................................................................................................................. 67
Paragraphe premier : Le droit de retrait : ............................................................ 67
A. Fondement du droit de retrait de la minorité : .............................................. 68
B. La consécration du droit de retrait de la minorité : ....................................... 69
Paragraphe deuxième : La protection judiciaire du droit de retrait de la minorité :
............................................................................................................................. 72
A. L’action en retrait : ........................................................................................ 72
B. Le domaine de protection judiciaire des minoritaires :................................. 74
Section Deuxième : L’exclusion judicaire de l’actionnaire : un palliatif à la
dissolution : ......................................................................................................... 76
Paragraphe Premier : Les fondements de l’exclusion judiciaires de l’actionnaire :
............................................................................................................................. 77
A. Le fondement légal de l’exclusion judiciaire de l’actionnaire : ................... 77
1. Le refus d’exclusion judiciaire de l’actionnaire : ......................................... 78
2. L’admission de l’exclusion judiciaire de l’actionnaire :............................... 79
A. L’application jurisprudentielle de l’exclusion : ............................................ 79
1. L’exclusion judiciaire remède à la dissolution : ........................................... 80
2. L’exclusion judiciaire remède à l’absence de l’affectio societatis : ............. 81
Paragraphe Deuxième : l’appréciation judiciaire des conditions de l’exclusion
d’actionnaire : ...................................................................................................... 82
A. L’appréciation judiciaire de la mésintelligence motif de l’exclusion : ........ 83
1. L’existence des motifs d’exclusion :............................................................. 84
2. L’actionnaire exclu : ..................................................................................... 86
B. L’appréciation judiciaire de la situation de la société : ................................ 88
Chapitre deuxième : La dissolution judiciaire de la société : ............................. 90
Section Première : L’hostilité jurisprudentielle au droit à la dissolution pour justes
motifs : ................................................................................................................. 91
Paragraphe Premier : l’application du droit de dissolution judiciaire pour justes
motifs dans les sociétés anonymes : .................................................................... 92
Paragraphe Deuxième : les fondements avancés pour la dissolution judiciaire pour
justes motifs :....................................................................................................... 95
A. La dissolution judiciaire pour justes motifs suite à la perte de l’affectio
societatis : ............................................................................................................ 95
B. La dissolution judiciaire pour justes motifs conséquence de l’inexécution du
contrat de société : ............................................................................................... 96
Section deuxième : L’appréciation prudente des justes motifs de dissolution : . 98
Paragraphe Premier : l’appréciation judiciaire de la mésintelligence cause de la
dissolution : ......................................................................................................... 99
A. Une mésintelligence grave : ........................................................................ 100
B. Une mésintelligence paralysant le fonctionnement de la société : ............. 101
1. La mésentente affectant la situation juridique de la société : ..................... 101
2. La mésentente affectant la situation économique de la société : ................ 102
Paragraphe Deuxième : l’appréciation judiciaire des conditions liées à l’action en
dissolution : ....................................................................................................... 104
A. L’actionnaire demandeur de dissolution : ................................................... 105
B. La demande de dissolution pour justes motifs : .......................................... 107
Conclusion de la deuxième partie : ................................................................... 109
Conclusion générale : ........................................................................................ 110
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................ 112

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