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Paris Criminel 1572 (Denis Crouzet)

Livre sur la Saint Barthelemy

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©2024Sociétéd’éditionLesBellesLettres

95,bdRaspail,75006Paris
www.lesbelleslettres.com

ISBN:978-2-251-92037-5
AVANT-PROPOS

Trenteansaprès

Trenteansaprèspourraitêtreletitreoulesous-titredecelivre.
En1994eneffet,j’aipubliéunouvragesurlemêmesujet,quis’intitulaitLaNuit
de la Saint-Barthélemy. Un rêve perdu de la Renaissance. J’avais insisté sur l’idéal de
concorde néoplatonicienne qui inspirait la monarchie des derniers Valois. Le roi
devaitêtreunroiphilosophedontlavocationétaitd’entretenirsurterrelamême
harmonie que celle qui régissait le Cosmos. Il était un roi d’Amour qui devait
empêcher ses sujets de s’abandonner aux passions menaçant d’ensanglanter son
royaume, mais qui pourtant bascula dans le crime en décidant de l’exécution des
capitaineshuguenotsvenusàParisfêterlemariagedeMargueritedeValoisetdu
princeHenrideNavarre.Jem’étaisefforcéd’identifierletravaildepacificationqui
conduisit Catherine deMédicis à inventer, dès les années 1560-1563 et surtout à
partirdelafindel’été1570,unecohabitationconfessionnellequijusque-làrelevait
de l’impensable. La mère de Charles IX vivait dans la conscience de ce qu’elle
appelaitune«nécessitédestemps»exigeantquelegouvernantaccepteàlafoisde
changerlesloisetdemodifierlescadresdesonactionenfonctiondesévénements,
dans l’unique but d’empêcher que les violences des hommes ne fassent glisser le
royaumedansl’horreurinhumainedesmassacresettueries.C’étaitpar«esgardàla
saison»qu’ilfallaitchangerdecap,écrivait-elledès1562,etentrerdansunchamp
alternatif d’une raison politique exigeant que catholiques et protestants vivent
ensemblesanss’entredéchirer.Lapolitiquedevaitêtreuntravailsurunmondequi
change sans cesse, un travail sur la « malice des temps », une repensée constante
visantàlapréservationdelaconcordecivilecontrelesarmes.
L’imaginairedel’action,outrequ’ildevaitrendregloireàunDieud’amour,était
un art de l’adaptation aux circonstances, aux « occasions », une pratique de la
flexibilité du gouvernant face aux faits et aux hommes. Reine de concorde,
CatherinedeMédicisn’étaitniunediscipledeMachiavelniuneâmemonstrueuse
de duplicité et de violence. Bien au contraire. Elle n’avait qu’une « obsession » :
essayer d’entraver le déchaînement des passions humaines, jusqu’à recourir à
l’instrumentdumeurtreetdumassacrequandl’histoireluisemblasefermeràson
utopiedepaixroyale.
Quatre jours après le mariage de sa fille Marguerite de Valois et du protestant
HenrideNavarrequisymbolisaituneuniondescœursdesFrançaiscatholiqueset
protestants, la reine mère et son fils Charles IX virent l’histoire qu’ils avaient
encadréeetaccompagnéesedérobersouseux,soudain,quand,le22août1572,un
attentatciblaàParislechefhistoriquedupartihuguenot,l’AmiraldeColigny.
J’avais réagi contre l’idée d’une préméditation royale à long, moyen ou court
termedelaviolenceendéfendantl’idéequel’utopiepolitiqueavaitbasculédansla
plus grande horreur. Il s’agissait d’un « crime d’Amour », un crime destiné à
maintenir la possibilité d’une paix civile par la décapitation du protestantisme de
guerre et donc à éviter un recommencement de la guerre civile qui semblait
inéluctable.Maisj’avaisaussidémontrépourquoilerecoursàcetteviolences’était
traduit par un échec dramatique, car un imaginaire de destruction de l’hérésie
protestanteétaitvenusegreffersurcetteexécutionroyaledequaranteàsoixante-
dix nobles de guerre, et un terrifiant massacre était survenu dans Paris. Le crime
d’Amouravaitétésubvertiparcequidemeurelegrandcrimeannihilationnistede
l’histoire de France. Comme quoi le « rêve perdu » de la monarchie de la
Renaissancetardives’étaitretournécontreunegrandeespérance…
Trenteans ont passé.C’est à la foisbeaucoup et peu d’années.Le XVIesiècle des
guerresde Religiona continué à êtrel’objet de rechercheshistoriennesqui, telles
celles de Jean-Louis Bourgeon, Arlette Jouanna et Jérémie Foa, ont précisé ou
révisé la remise en perspective analytique du massacre de la Saint-Barthélemy à
laquellej’avaistentédeprocéder.
J’aidoncsouhaitémeplieràl’exerciced’humilitéquiaétéderevenirenarrièresur
l’intriguetragiquedelafindumoisd’août1572.Humilitéparceque,parfois,j’aiété
conduitàportersurl’événementunregardplusapprofondietsuspicieux.Humilité
encore parce que je demeure certain que l’événement paroxysmique qu’a été le
massacre de plusieurs milliers d’hommes, d’enfants, de femmes, de vieillards,
malgré tous les efforts des chercheurs, risque de demeurer hors du possible de
l’histoire…
Etunequestionoriginelles’estposée:lelangagenarratifn’est-ilpasmortlorsde
laSaint-Barthélemy comme il est mort àAuschwitz ? Il ne faut passe le cacher :
l’événementdesmatinesparisiennesestuninstantnonseulementoùlesensdufait
initialdel’invisibilitédescorpsvictimisésfaitnaufrage,maisaussioùl’incertitude
etl’obscuritésontsitotalesqu’ellesretirenttoutepertinenceautantàl’objectivisme
qu’au subjectivisme comme outils d’investigation ou de compréhension. Ce qui
étaitentenduen1994comme«unevéritépossible»decequis’étaitpassédansle
monde effondré du Paris d’août-septembre 1572, n’avait rien de « polémique »,
maisvoulaitrefléteruneperplexitédevantdesnarrationsqui,tropsouvent,nese
rendaientpascomptequ’ellesétaienthorsdes limitesheuristiquesdel’événement
et, au contraire, se dissimulaient à elles-mêmes leur contingence en raison du
traumatisme immédiat qui les avait nécessitées. Elles exprimaient la perplexité
devant un instant de crise du concept de « réel » mais aussi devant une aphasie
traumatiquedessurvivantsfaceàuntempsdeviehorsdelavie,dansleParisdes
lendemains des noces sanglantes de 1572. Ce temps de mort avait été d’une telle
puissance qu’il leur fut impossible de dire combien de ceux et de celles de leur
religionavaientétéassassinés,untempssidérantd’horreur.
Ne faut-il pas, en continuité de ce que j’avais tenté en 1994, partir de la
constatationqu’avantd’êtrehistoricisable,lemassacredelaSaint-Barthélemydoit
être reconnu comme un trauma, ou plus encore comme l’indice d’un travail de
l’inconscienttentantdetrouverdescausesàuneatrocité«inouïe»,impossible,et
préférant se taire ? Face au langage tétanisé et désarticulé par l’événement lui-
même, n’y a-t-il pas eu toutefois une réplique substitutive, qui aurait été, pour
reprendre le propos d’Inès Zahra, celle du traumatisme porté à ressurgir par le
truchement d’un « imaginaire théâtral de la fragmentation, de la discorde, du
deuil1»?Etdoncunrégimed’obstructionàl’écritureévitantdedirecequipouvait
êtredit?
Mais n’y eut-il pas eu aussi et surtout un non-dit inavoué, englouti dans les
conscienceset les inconscients,qui fut celui de la cristallisation et de la surgie de
représentations projetées ou encodées dans les épouvantables jeux gestuels de
violencesqui eurent lieu ? Et n’est-ce pas cette cristallisation qui peut mener à la
seule histoire susceptible d’éviter l’anachronisme, une histoire qui, au lieu de
chercher les causalités et la réalité des faits, s’emploierait à discerner ce qui se
projettesubitementdansl’advenanttumultueuxqu’estl’instantdel’événement,en
l’occurrence des imaginaires ? Et, si le massacre est un trauma, ne faut-il pas le
traiter quasi cliniquement en tant qu’effraction, blessure qui se serait cautérisée
d’elle-mêmeparvoiede«destructiondelanotiondefaitdelafactualitédufait»ou
d’unepartiedecettefactualité2?
À une échelle évidemment bien moindre, dans un moment qui, au même titre
qu’Auschwitz,et avecmoinsunedissimulationoudestructiondespreuvesqu’une
fabrication rétrospective destinée à occulter la blessure, la Saint-Barthélemy ne
marquerait-elle donc pas « les confins où la connaissance historique voit sa
compétencerécusée 3»,sielleenresteàvouloirexpliquercequiseraitinexplicable
positivementouobjectivement?Etnefaut-ilpasalors,poursortirdelatentation
d’analyse facticiste et de la sphère close dans laquelle elle tend à se déployer en
vérité«réelle»ou« plausible»,tenterderecomposer,horsdela prétentionàla
véridicité ou à la crédibilité absolue, l’histoire de la Saint-Barthélemy comme
projection de représentations dont l’accomplissement était jusque-là suspendu,
mais qui envahirent soudainement la durée et prirent possession d’acteurs se
laissantainsienvahirparleurpuissancemême?
C’est porté par cette thématique de la blessure cachée, voire niée, que j’ai tenté
danslespagesquisuiventd’allerplusenprofondeurquejenel’avaisfaiten1994,
tout d’abord en procédant à une sorte d’endoscopie de l’exercice de l’autorité
monarchique de Charles IX et Catherine de Médicis. J’ai développé l’idée qu’il y
avaiteu,aulendemaindelapaixde1570,lamiseenfonctionnementd’unpouvoir
dualdel’énigme,enconstanterechargeoubrouillagedesens,etayantpourfinde
révélerquelafindel’actionetdeladécisionpolitiquesestlaconcorde.L’énigme,
annihilant les dissensions et, à la manière du jeu de paume opposant des joueurs
jusqu’àlafindelapartiequilesvoitsereposantensemble,porteàlasérénitéetà
unevieencommunrecomposéedansunepaixmagiqueconformeauxidéauxdela
Renaissance.Ilsauraientviséunpouvoirde«l’énigmeenprophétie»,àlamanière
rabelaisienne,unpouvoir prophétiqueausens dediction dela volontédivine.Le
jeu royal, semblant mettre le roi et sa mère en opposition et brouillant ainsi les
significations, manipulait le secret pour neutraliser les haines et restaurer une
union de sujets catholiques et protestants encore traumatisés par l’intensité des
violencesdetroisguerrescivilesépouvantables.Ilcomptaitbienfairealler,contre
les vicissitudes événementielles récurrentes, l’histoire jusqu’à un mariage unissant
HenrideNavarre,protestant,etMargueritedeValois,catholique.
Et il sembla réussir, jusqu’à l’attentat, le matin du 22 août, contre l’Amiral de
Coligny;l’événementtransformaParisenunesphèreempliedemultiplesrumeurs
etcontre-rumeurs,quimettaientencauseaussibienlamaisonultra-catholiquedes
Guisequelaroyauté,toutenlaissantfiltrerl’imaginaired’unrisquedemobilisation
protestante vite transmuée en un complot. En quelques heures, la politique de
concordeentretragiquementencrise.
Ce livre défend l’hypothèse d’une opération préventive montée avec l’accord du
pouvoirroyal,d’uncontratentrelaroyautéetlamaisondeGuisepourréduirele
périlprotestantquisemblaitmonterenpuissance.Ilseseraitagi,parlamiseàmort
del’AmiraldeColignyetdescapitainesquil’entouraient,deréduirelehautrisque
d’une guerre protestante qui ferait revenir les drames récents à un niveau sans
douteplustragiquequ’auparavant.Trèsvitetoutefois,lapolitiquedel’énigmeest
réactivée, les justifications données à un crime curial par le roi et sa mère étant
contradictoires, et tous deux reprenant leur jeu mystérieux. Ainsi quand le
1er  septembre 1572, au Collège de Navarre, sont jouées « une tragédie et une
comédieenhexamètreslatinscomposéessurlamortdel’Amiraletlemeurtredes
huguenots», la reine mère et le duc d’Anjou sont présents tandis que Charles IX
brilleparsonabsence.
LavilledeParis,mimétiquementdecettepremièreviolencequiatoutl’apparence
del’exerciced’unejusticeextraordinaireuntempsmasquéeparlaprésenceduduc
de Guise, entre en action de manière irrésistible. C’est un grand pogrom qui
commencesurles 8-9heuresdu matinet quivaperdurer enune «dévastation»
humaineinédite.J’aianalysélemassacre,quejeportejusqu’àunchiffredeplusde4
000victimesauminimum,commeunegrandetuerieaccompliepartouteuneville
saisie par une hystérisation miraculeuse. Non pas, de façon trop terre à terre, un
crimedevoisinsencadrésparunpetitnombredetueursdemasse,maisunatroce
crimecommunautairequipeutsecomprendreàlalumièredesgrandspogromsde
l’histoire.
IlyaParisquiassassine;etparParisilfautentendrenonseulementleshommes
de la milice bourgeoise en armes et une partie des gardes royales et suisses, mais
aussiunlargeéventailsociétalquientuantditsonamourd’unDieudemiséricorde
etsavolontédevoirParisrestauréenunenouvelleJérusalem.Ilyaencoreceuxet
cellesquidéambulentdanslesruesetquiregardent,dansuneparticipationparles
yeuxauxmeurtres;auxquelss’ajoutentceuxquisontprudemmentcantonnéschez
eux,complicesparpassivité.
Pour moi, le massacre de la Saint-Barthélemy met en valeur une responsabilité
collectivedetouteuneville,detoutsonpeuple,toutautantquedupouvoirroyal
quisemontraincapablededisciplinersessoldatsetensuited’imposerrapidementla
fin des agressions mortifères. Cette responsabilité surgit en force dans certaines
misesàmort ritualiséespourthéâtraliserl’exterminationd’hommes etde femmes
condamnés à une éternité infernale. Comme dans les grands pogroms, cette
extermination est symbolisée par une volonté d’invisibilisation des corps ayant
pourfindelesdémémoriser,d’annihilationbibliquedesventresdesfemmesetdes
nouveau-néspourfairedisparaîtreune«race»diabolique,defêteautourdesobjets
desmortsmisenvente.
UnParisheureuxquecePariscriminel,unParisd’unitédetousettoutesdansle
désird’êtredans«l’affiliationunique»,leParisrêvéparlesprédicateurszélésavant
lemassacrequis’emplitd’uneferveurthéophanique.LaSaint-Barthélemyconsacre
le retour vers les temps de Moïse et des adorateurs du Veau d’or, et donc une
obéissance absolue exigeant que celui qui aime Dieu aille jusqu’à tuer frère, père,
mère,enfants,parents.
Paris criminel d’une des grandes atrocités de l’histoire pourtant relativisée
historiquement,maisqui,miseenfaceàfaceaveclesgrandspogromsdel’histoire,
peut être mieux restituée. Paris criminel dissimulé dans une grande blessure de
l’histoire immédiatement refermée, un traumatisme que j’ai essayé, comme on le
verradanslecoursde ladémarcherelativistequej’aisuivie, demettreaujouren
tantqu’unpossibledupassé,unpossibledel’effroyableénergiequiatué.
1.InèsZahra,«“ÔDieu,jusquesàquand?”.LetraumatismedesguerresdeReligiondanslatragédiefrançaise
de1562à1610»,Bruxelles,PeterLang,2023,p.45-50etp.105-221.
2.MarcNichanian,LaPerversionhistoriographique.Uneréflexionarménienne,Paris,Lignes,2006,p.9.
3.Jean-FrançoisLyotard,citéinJudithLyon-Caen,«Lefaitetsadestruction.Àproposde:MaximeDecout,
Fairetrace.LesécrituresdelaShoah,Paris,ÉditionsCorti»,LaViedesidées,6décembre2023.
CHAPITREI

Âmesmortes,histoireperdue

Avantdepénétrerdanslesarcanesdumassacredu24août1572,intéressons-nous
à la représentation d’un monde qui semblait être dans l’expectative de tueries
sanglantes.

Unmondeàhautrisque
Michel de Nostredame, médecin et astrophile, mourut quelques années avant la
tragédie de la Saint-Barthélemy, le 2 juillet 1566 ; mais son écriture, à partir de
1555 et par la voie des éditions successives de ses quatrains prophétiques, est
obnubilée par le fantasme récurrent du massacre qui semble planer à tous les
instantsd’unehistoireoscillantentrelepassé,leprésentetlefutur.Toutsepasse
comme si le monde humain ne faisait qu’être hanté par un risque constant de
renversement dans un mal sanglant, dans un malheur paroxysmique qui se
concrétiseraitdansdesimagesdecadavresamoncelés,mutilésetsanglants.
Nostradamusest le visionnaire detemporalités d’angoisses certessegmentées en
unesuccessiondequatrains,maisquinepeuventpasconnaîtrederépitparcequele
motif de l’extermination d’innocents revient sans cesse. Il est un prophète du
«glaivedeDieuéternel»quifrappeleshommesparlapeste,laguerreetlafamine,
pardes«mutationsderègnes»,parle«dardduciel»,parl’apparitiond’unétrange
oiseau dont la venue s’accompagnera d’une terrible famine, si grande « que
l’homme d’homme sera anthropophage ». Et, bien sûr, par des massacres
monstrueuxdecruauté.Unmouvementperpétuelparaîtanimersesmotsévoquant
les tremblements de terre, les tempêtes destructrices, les crues dévastatrices des
fleuves, les maladies, les mers sanglantes, la mort, la ruine, la « terre sèche », les
grands vents, la « loyauté rompue », le « cruel acte », ainsi que la discorde qui
projetteleshumainsdansdesviolencesextrêmesqu’ilsaccomplissentousubissent.
LacolèredeDieuplaneainsisurl’humanitéparcequeleshommestransgressentles
commandementsdivins:cruautéinouïe,férocitébarbare,maisonsetcitésbrûlées,
effusion du sang des femmes et des enfants, persécutions inhumaines et
anéantissementshumainssesuccèdent1.
Nostradamus énonça les données d’une anthropologie négative qui était
traumatogène parce qu’elle recourait à l’outil d’une énigmatique prophétique
produite par une dérégulation du langage, de sa grammaire et de sa syntaxe, et
donnant à comprendre que le mal est dans l’homme plus qu’il ne l’a jamais été
depuislestempsbibliques:cesontlesfilsquisedresserontcontrelespèrespourles
mettre à mort impitoyablement, les pères qui feront massacrer leurs fils, le jeune
neveu qui fera tuer son vieil oncle, la jeune reine qui sera emprisonnée par son
onclejusqu’àsamort.Fratricides,parricides,matricides,infanticidesrythmerontle
temps.
Dansunfutur aussibienimmédiatque distant,lespeuples serebellerontcontre
les gouvernants qui répliqueront eux-mêmes traîtreusement par des tueries
inhumaines, tandis que le tyran étranger ou barbare viendra abattre le prince
pacifique : conjurations, tueries, trahisons, supplices, crimes épouvantables se
succéderont, la scène de l’effroi étant encore occupée par l’infidèle violeur de
viergesoul’hérétiqueprofanateur,parlescorpsdesinnocentsjonchantlaterrede
cités dévastées par une cruauté extrême ; et le sang des gens d’Église coulera
« comme de l’eau en si grande abondance ». Rien ne résistera à l’infinie
prolifération du mal qui caractérisera l’humanité et qui la portera à s’entre-
massacrer : les lieux saints, les cimetières seront profanés, les villes seront
dévastées, et la paix sera toujours plus précaire. Les passions les plus mortifères
sontdoncl’avenirde l’homme: luxuredébridée,adultèreset incestes,vengeances
horribles, ingratitude démesurée, insatiable ambition, hypocrisie, cupidité, haine,
tromperie,jouissancecriminelle,atteignantleurpointd’intensitélepluseffroyable
dansdeshécatombeshorribles.Legoûtdusangseraaucœurdecequiressembleà
unsensdel’histoire.
Nostradamus paraissait raconter par anticipation un monde humain tendant à
devenirun enferterrestre. Il écrivaiten mimantles avertissementseffrayants des
prophètesbibliquesetendépeignantlesplusgrandescalamitésqui,déjàadvenues
dans le passé, allaient encore nécessairement affliger le peuple de Dieu. Il voulait
faire comprendre à ses lecteurs qu’ils devaient se tenir à distance de ceux qui,
emportés par leur prétention à détenir une vérité une et unique, étaient prêts à
persécuteroutuerleursprochainscommed’autresassassinsdemassel’avaientfait
jadis.
Mais il ne faut pas en rester là. Le prophète de Salon-de Provence recourait
implicitement à la phobie invasive du massacre afin de signifier que la violence
allaitàl’encontre dela foid’amour évangéliqueque Dieuattendait etexigeaitdes
siens. À ses yeux, les exclusivismes religieux qui opposaient les catholiques et les
protestantsentraînaient la chrétienté dans une terrifiante et sanglante impasse. Il
cherchait,enrecourantàlapuissanceinquiétantedel’énigmeprédictive,àmontrer
les dangers qui risquaient de faire oublier aux hommes le message d’amour du
Christetquilesprécipitaientdans«untempsenmiettes»relevantd’une«logique
déconstructionniste»etdoncd’unefuitedel’histoireversunefincalamiteuse2:et
c’estcequepouvait,parmid’autres,enseignerlequatrain18delacenturieIV:
Despluslettrésdessuslesfaitscelestes
Serontparprincesignorantsreprouvés:
Punisd’Édit,chassés,commescelestes,
Etmisàmortlaouseronttrouvés.

L’histoire n’était parcourue bien souvent que par des massacreurs et des
massacres,commeleprédisaitlequatrain,IX,203.Et,àproposdumassacredela
Saint-Barthélemy dont il avait été témoin à Orléans, l’étudiant allemand Johann
Wilhelm von Botzheim se rappellera que Nostradamus avait énoncé « Pris en
dormant », « Capti in dormiendo », ajoutant « Et ainsi il advint effectivement »4.
Maispartoutlesangcoulaitouallaitcouler:
DenuictviendraparlaforestdeReines,
DeuxparsvaultorteHernelapierreblanche.
LemoynenoirengrisdedansVarennes,
Esleucap.causetempeste,feu,sang,tranche.

Le sang recouvrirait encore les terres au terme d’une guerre qui durerait vingt-
sept ans et verrait « les hérétiques morts » : « Sang, corps humain, eau rougie
greslerterre»(VIII,77).Revenaientlesmotifsdela«mortconspirée»etdu«sang
d’innocencedevantsoyparremort»(VIII,87).Lamortsurviendraitaussiavecles
«Corpsmortsd’eau»,quiseraientrejetéssurlaterre,«Sperantsvainheurd’estre
làensevelis»(IV,20).Enrefletd’unbestiairenostradamiquequin’estconstituéque
de serpents, léopards, sangliers, aigles, animaux d’agressions déchirantes, de
griffures et de morsures pour la plupart, les humains ne sont que bourreaux,
monstres,ouvictimes5;ilsnetrouventjamaislapaix,ouquetrèsprovisoirement.
Ils ne sont qu’objets et sujets de violences subies ou agies. Les images sont
«tendues»,d’abordnoiresetrouges,demortetdesang6.
Nostradamus insiste sur l’instabilité des temps immédiats, soumis à un ordre de
mutations qui est le devenir des humains : mutations attachées aux pouvoirs,
depuisceuxdesroisjusqu’àceuxdesdétenteursd’officesetdesguerriers,maisaussi
mutationsdespeuples.Mutationsquideviennent«pereclitation»,découlantd’une
surmultiplication des haines, « noises », « legeretez », « infidélitez » s’emparant
aussi bien des « personnes de dignité et religion ecclesiastique par diversité de
sectes»,quedesplusgrandsetnobles.
L’antechristbientostannichilez,
Vingtetseptansdurerasaguerre,
Lesheretiquesmortz,captifz,exilez,
Sangcorpshumaineaurogiegreslerterre7.

Le lecteur d’aujourd’huipeut retirer de sa lecture des Centuries l’impressionque,
dès avant 1555, la phobie de l’annihilation de l’autre se faisait jour dans des
imaginairesquipouvaientvivreledevenirsouslapressiond’uneattentemorbideet
angoissée projetée dans des images terrifiantes. Surtout, la mort individuelle ou
collectivepouvaitsurgiràtoutinstantetentoutlieu,etvenirduparent,del’ami,
duvoisin,etdelamanièrelaplusatroce.Nostradamusnevoulait-iltoutefoispas,
dansladictiondesesfantasmesvisionnaires,donnerunsensàl’histoire,quiétait
deneplusavoirdesensetsollicitaitleshumainsdefairepreuvederuseetdenepas
se laisser prendre au piège de ce qu’elle était en mesure de pouvoir devenir ? Ne
proférait-il pas, déjà, la trame d’une succession événementielle sans histoire,
puisqu’elleétait révélée sous une forme énigmatique qui devait susciter l’humilité
deshumainsacceptantenfindenepassefairelesinstrumentsdumal;ouplutôtles
Centuries n’avaient-elles pas pour fin de donner à comprendre que seul Dieu
possèdelaconnaissancedudeveniretquelasagesseédictedenepasempiétersur
ce qui relève de son absolue transcendance ? Sous l’artifice de l’énigme se
dissimuleraituneherméneutiquedudivinassumant,seul,lavéritédufuturqueles
humainsnedevraientpass’approprier8.
C’esticiqu’ilfautréfléchirens’intéressantauquatrainI,27quiexposeque,sousle
chêne qui porte le gui et qui attire la foudre, non loin, est caché dans la terre le
trésoramassédepuisdelongssiècles.Quiletrouveraaural’œilcrevéparleressort
du coffre enterré, quand il s’essayera à l’ouvrir par la force ou à en fracturer la
serrure.Leguiestsymboled’éternitéetdefécondité,tandisquelechênequifixela
foudre signifie la puissance de Dieu. Le trésor découvert ne serait pas, en réalité,
constituédemétauxetdejoyauxprécieux;ilévoqueraitmoinslacupiditéfébrile
dudécouvreur etle fait quece dernierest immédiatementpuni, qu’une formede
folieprofanatricedelagloiredivine:
DessousdechaineGuienduCielfrappé,
Nonloingdelà,cachélethresor,
Quiparlongsieclesauoitestégrappé,
Trouuémourra,l’œilcreuéderessort.

Pour le prophète de Salon-de-Provence, celui qui tente par la force d’ouvrir le
coffreetde s’approprierpar lui-mêmeson contenusymbolisela présomptionqui
faitcroireàl’hommequelaVéritépeutêtreacquisede sapropreinitiativeetqui
l’empêchedereconnaîtrequelevraitrésorestleRoyaumedesCieux,invisibleaux
yeux humains parce que royaume d’un Dieu caché dans son Logos. Le sens du
Verbe est une énigme, tel est l’essentiel. Dans l’Épître de Paul aux Colossiens,
ChristestlemystèredeDieu,lemystèredanslequel«sontcachéstouslestrésors
delasagesseetdelascience9».Cetrésorestlafoiquel’hommemetdanslabonté
divine.Dansl’ÉvangileselonsaintMatthieu,lestrésorsdelaterresontdétruitspar
lateigneetlarouille,etdérobésparlesvoleurs10.Aucontrairedestrésorsduciel:
«Carlàoùesttontrésor,làesttoncœur.»Alorsl’œilcrevéduchercheurdetrésor
signifie l’échec du choix de la voie par laquelle l’homme empiète sur une sagesse
divine qui transcende son entendement et qui est mystère dans son énigmatique
même:«L’œilestlalampeducorps.Sitonœilestenbonétat,touttoncorpssera
éclairé ; mais si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les
ténèbres11!»
ImaginerqueleVerbedivinestaccessibleimmédiatementestlefaitdequiignore
quelagloiredeDieuestde«celareverbum».Iln’estdevraitrésorqueceluidelafoi
intérieure, le trésor de la confiance en l’œuvre de Rédemption acquise grâce à
l’«opprobre»duChrist,«plusgrandtrésorquelesrichessesdel’Égypte12 »,trésor
de l’Évangile qui ne peut être reçu que dans le sacrifice de ce qui est propre à
l’homme,saprésomption,sonamourdelui-même13 .LeDieudeNostradamusest
leDieupauliniendontlaconnaissanceest«enénigme»,leDieudelanesciencequi
nepeutsevivrequedansl’intérioritédechaquechrétien.Ledésirdesavoirparsoi-
mêmeestunimmensepérilfaceàunDieudontlesilencerésonnedansl’âmequia
foienlui.C’estcequelesProphétiessouhaitentfairecomprendre,dansleurmiseen
évidencedel’irréductibledésignifianceimmédiatedulangage.
Leparadigmesignifiantdelachasseàuntrésorquiestunleurrenedit-ilpasque
le système d’écriture des Prophéties est un piège, qu’il est volontairement miné de
l’intérieur,parce que le jeuherméneutique vise à mettrele chrétien sur une piste
signifiante qui n’est là que pour qu’il s’éprouve lui-même dans sa débilité, se
connaisselui-mêmecommeinapteàatteindrelesavoir,seperdedanslestraverses
multiplesdesmotsetdécouvrequ’iln’yapasdesensàs’approprier?Nostradamus
estunprophèteencequ’ilditetredit,enreculantlespossiblesdelacompréhension
jusqu’à l’absurde, que la présomption de savoir est un danger, que l’homme a un
devoir,faceà Dieu,de nepas s’ingéreràaller au-delàde sonpossiblede créature
pécheresse : Dieu lui a caché des choses depuis toujours, parce qu’il n’était pas
capabledelesrecevoirparlui-même.
L’écrituredes Prophétiesestenquelquesortemimétique:constituantun«savoir
enénigme»,elleestobscureparcequ’elleveutsymboliserl’obscuritéquicaractérise
celui qui la reçoit, l’obscurité d’un être voué au péché et à la mort, incapable de
connaîtreDieuparlui-même commeilest endéfinitiveincapablenon seulement
debriserlesecretd’unelangueobscureetdoncd’anticipersurletempsdumal.Elle
sedéveloppedansl’incertitudeparceque,Nostradamusl’exprimedèslespremières
lignes de la « Préface » à son fils César : « les aventures de l’humain desinement
estreincertaines».
Les Prophétiessontunenseignementdecetteimpéritieoufaiblessehumaine,par
elles-mêmesetparleurénigmatique.Celuiquicroitqu’ilpeutconnaîtrespontesuo
lesMystèresdivinsseperdlui-même,ildevientaveugleàDieuetserendainsiprêt
àparticiperd’uneviolenceinhumaine,àassumercedevenirdesangcoulantcomme
del’eauetdemassacretraitantleshommescommedesbêtesdeboucheriequeles
Centuriesdonnentàvoircommelefuturdestemps.
L’ignorance assumée, acceptée et modelée christiquement est la condition de
l’octroi de la miséricorde divine ; elle s’oppose, selon Érasme, à la religion
cérémoniellepratiquéeparceuxquiaimentlesprivations,lesveilles,les«larmes»,
les « épreuves » et les « outrages », et qui croient atteindre Dieu parce qu’ils
imaginent le connaître. La vraie piété est la simplicité, la simplicité de l’âme tout
empliedefoidansl’espérancesalvifique.ÉrasmeexpliquealorsNostradamusetson
choix d’une écriture cryptique, en donnant le sens de ce qu’est une énigme à la
Renaissance.
«NulneconnaîtlePèretelqu’ilest,exceptéleFilsetceluiàquileFilsabienvoululerévéler14.»C’est
pourquoirechercherpardesraisonnementshumainslaconnaissancedelanaturedivineestdelatémérité;
parlerdecequinepeutpointêtreexprimépardesmotsestdeladémence;ledéfinirestdel’impiété.S’il
nousestdonnédèsici-basd’encontemplerquelqueaspect,ilestcomprisparunefoisimpleplusréellement
queparlessecoursdelasagessehumaine.Etilsuffitmaintenantpouratteindrelesalutéterneldecroireau
sujetdeDieucequ’ilarévéléaugrandjourlui-mêmedanslesSainteslettres,pardeshommeschoisispour
cela,inspirésparsonesprit,cequeparlasuite,étantsurterre,iladécouvertàsesdisciplesetenfincequ’ila
daigné dévoiler par l’intermédiaire du Saint esprit aux mêmes disciples choisi pour cela. S’attacher à ces
véritésparunefoisimple,c’estlaphilosophiechrétienne;lesvénérerd’uncœurpurc’estlavraiereligion…
L’ignoranceestlavraiephilosophieduChrist,carelleaétévoulueparlui15.

SiNostradamusparleparénigme,cen’estpaspourengagerseslecteursàchercher
àdéchiffrerlesénigmesdes Prophéties,c’estpourleurdirequ’ilssontincapablesde
procéder par eux-mêmes au déchiffrement qui permettrait d’accéder au sens de
l’histoire qu’ils vivent. C’est pour leur dire aussi que les Centuries sont une
métaphore du Logos. L’énigme vaut pour leur signifier leur inaptitude à une
connaissanceautrequecelledel’ineffabilitéduLogos.Pourl’homme,iln’yapasde
véritéautrequeDieu,leleurreseraitdecroireque,parsespropresforces,l’homme
seraiten mesure dedéfaire le mystère desénigmes de la Créationdont seul Dieu
connaîtles significations et qui repose dans sa Vérité. L’écriture nostradamienne,
en apparence déconstruite mais en vérité surconstruite, veut renouer avec une
languepurequiestcelleduDieu«fabricateur»dumonde,doncavecleLogosdans
lequel le chrétien doit se perdre plutôt que de s’abandonner à sa « philautie » en
l’accommodantàlui-même.
Levraisavoirestunerencontreavecl’infinituded’unDieuquiestnéantetTout
simultanément. Il est donc un appel à entrer dans le néant de soi. Citons ici
l’analysedeJanMiernowski:«Posécommeséparé,outoutsimplementdistinct,le
moiestnéant.Laconversionconsistedonc,avanttout,enuneclaireperceptiondes
réalitésontologiques. C’est aussi pourquoi elle est une libération : le moi ne peut
être emprisonné, cerné puisqu’il n’est rien. Ce qui dans l’homme pouvait être
asservi,c’étaitson«Cuyderd’estre»,unmoded’existencecertesapparent,illusoire,
mais suffisant pour capter le moi. » De là découle que le non-être est dans le
langage, qu’il est le piège même du langage et son leurre : « Les « paroles »
humaines, les noms dont nous usons ne sont pas noms (car nom représente
quelquesubsistance)maisprivationdenom.Minéparlenéant,lelangagehumain
n’est qu’absence, tout comme le mal n’est qu’une privation de bien, la mort, une
privationdevie,etc.EnrevancheDieuseulpossèdeunnom16.»Cequeverrontet
reconnaîtrontenfinleshumainsauboutdecequelesProphétiesaugurent,ceserale
sens,Dieuomnipotent.EtilsverrontetreconnaîtrontcequeNostradamustentede
leurdiredanslesmotschargésdel’inexorablepesanteurdunon-êtrequ’ilaligneles
uns après les autres dans ses quatrains. Et procéder par énigme, c’est en
conséquencefaireacted’humilité,reconnaîtrequeDieuestlemaîtredel’histoireet
secoulerdansson «celareverbum».Cequiexpliqueraitpourquoilemassacredela
Saint-Barthélemy,danssesséquencesparoxysmiquessuccessives,auraitétépourla
monarchiel’expérimentationdel’incertitudeàtraversune écriturecontradictoire,
quiserechargeaufildesjoursdemanièretoujoursplusénigmatique.
Ce lien obligé entre violence extrême et mise en énigme se trouve comme
suractualisé aux lendemains des jours et des nuits de la Saint-Barthélemy. Il est
possibleque,par-delàleschampsimmédiatsdedilatationémotionnelledumassacre
bienvite nommé les «vêpres parisiennes » oules « noces desang », par-delà les
antagonismeshistoriographiquesirréductiblesquiprenaientprécocementdansun
étau polémique un déroulement factuel instable et imprécis, par-delà encore les
reconstructions et instrumentalisations contradictoires qui furent élaborées, le
traumatisme qui submergea les imaginaires provenait d’avoir fait l’expérience, de
prèsoudemoinsprès,delaconfrontationàunconceptd’événementn’historicisant
que des images de charniers remplis de corps assassinés et mutilés. Le devenir
déconstruit de Nostradamus était désormais devant soi17. Le langage obscur,
l’« occulte vaticination », du prophète de Salon-de-Provence s’était comme, aux
lendemainsdes«vêpresparisiennes»,emparéduréeltoutenlesubvertissantpar
l’effet d’une absence de syntaxe qui augmentait l’effet d’angoisse et
d’indéterminationduprésent.
Delàunequestionpeutsurgir:l’historien,plutôtquedes’aventureràdonnerdes
réponses positivistes aux interrogations que pose le massacre d’août 1572 et à
essayer,parexemple,d’allermêmejusquedanslesarcanesd’une«histoiredupetit,
du commun, du banal dans un événement qui assurément ne l’est pas18 », ne
devrait-il pas aborder son intrigue en termes d’énigme, en soupçonnant que ses
décideurs et acteurs auraient voulu qu’il en soit ainsi afin d’éprouver la volonté
divine,desepersuaderqu’elleétaitàleurscôtésetqu’ilsluiobéissaientetavaient
obéi ou devaient continuer à lui obéir19  ? N’escomptaient-ils pas que ce qui avait
subsistéentantquetracesdel’événementauraitlemêmeeffetdedésignifianceque
celui de « l’énigme en prophétie » que Rabelais avait proposée aux « Pauvres
humains » en 1542 dans Gargantua ? En l’occurrence que l’énoncé des calamités,
allégorisées par un feu qui brûlait et détruisait toutes les cartes ayant généré des
dissensionsentrejoueurs,avaitpourfindedésamorceroudésactualiserlemalqui
pouvaitcontinuerdecouverdansleurmondeetlesporteràs’entredéchirer?Ainsi
quel’aécritRaphaëlCappelen,«l’Énigmemontrecommentaprèslesdivisionset
lesquerelles,il estnécessaire queles anciensamis retrouventdes sentimentsplus
paisibles,mêmesiceluiquiaperduconserveunelégèreamertumedeladéfaite20».
L’énigmeproductricedepaix,deconcorde.
Sil’onneparvientpasàdiscernerune«vérité»facticistecohérentedansladurée
desjoursetnuitsdelafindumoisd’aoûtetdudébutdeceluideseptembre1572,ce
pourraitêtreparcequecelaavaitétélerésultatescompté.Danslediscoursquele
duc Ludovico de Nevers-Gonzague adressa à Charles IX au cours du mois de
septembre 1572, il est frappant de remarquer qu’il s’érigea en déchiffreur d’un
événement qui se présentait selon lui comme une énigme dont il était urgent
d’aspireràappréhenderenfincequesonobscuritédissimulaitourecouvrait.Sous
le massacre et son indétermination signifiante, il y aurait un Dieu voilé ayant
procédédanslemystèreabsoludesavolontéinaccessibleàlapenséerationnelle:
parcequ’ilétaituneénigme,l’événementde1572seraitàcomprendrecommeune
théophanie21.
Votremajestépeultdireavoireuletonnaireetruinedelaminecommancéedutempsdufeuroysonpere
etalluméedecelluydesonfrere,sanssacoulpeetfaulte.Carpuisqu’elleestoitcommancéeetallumée,il
falloitqu’elleesclatastlesmaulx etruinequ’ellea faicte.Tellementquec’est sanssacoulpetousce qu’est
advenudemalensonreaulmeetseulementparunesimplepermissiondeDieu;lequelpermectadvenir
quelquefois grandz accidens pour amener ung plus grand bien et splandeur en son Église ; laquelle il a
souvent fourbie par les heresies de peur qu’elle ne s’enroullast en l’ignorence et avarice. Ce que se voit
manifestementestrecommejeledis;parceque,oresqueDieuaytfaictnaistreetbienaugmenterl’heresie
envotreroyaulme,sussequ’iln’avoulluqu’elleserenforsastpar-dessussonÉgliseetqu’ellelasucombast,
aiantpourceconservéungboncueur,ungsainentendementetungsaintvoulloirauxpersonnesdevoz
majestezetmessieursvozfreres,pourchasseretdestruiresessuperbesetorgueilleuxquipensoinctavoir
faict,endepitdeluy,uneaultretourdeBabel.Et,[…]d’ailleurss’ilapermisquesestroublessoientadvenuz
durantvotreregne,ilavouluaussifaireaparoirquen’enestiezcause,vousaiantpourcefaictsonministre
pourlesexterminer,nonpasavecvozpuissantesforces,ainsparungvilpeupledesvillesdésarméetmis
leurspetitzcousteaulxseulement,pourdonneràcognoistrequeluyseulaestécausedecefaictetnonla
force des hommes du monde, aiant pour ce faict nestre les occasions telles qu’elle a esté poulcée par sa
volontéàfairefairecequ’elleafaict.22.

L’aconnaissance est signe et marque de ce que Dieu a été au travail dans
l’événement23.LemassacredelaSaint-Barthélemyfut,danscecontexte,pourune
partdesescontemporainsun événementconfusionnelsemblantenappeleràune
césure épistémologique puisqu’il ouvrait à une logique de déstabilisation de la
providence œuvrant dans l’histoire tout en suggérant à Michel de L’Hospital le
souhaitinspirédesSylvesdeStace,que,paradoxalement,«périsselamémoiredece
jour24».L’événementseniaitentantqueteltantildéjouaitlesréférentspassésou
immédiatsdel’histoireetqu’ilenappelaitàseréfugierdansunDieuénigme,dufait
del’excroissancefactuellemonstrueusequ’ildonnaitàmémoriseretdudésespérant
déficit d’intelligibilité qui l’enveloppait dès ses lendemains. Christophe de Thou,
alorspremierprésidentduParlement,luiaussiauraittrouvérefugedansunversde
Staceinvitantàceque«périsselamémoiredecejour 25»,afindelégitimerpour
lui-même une mise en oubli total du crime qui avait ensanglanté le royaume :
« Qu’il ne parle jamais plus de ce jour, et que les sièclesà venir ne croyent point
qu’ilaitété;etpournousgardonslesilenceetcouvronslescrimesdenotrepropre
nation,lesensevelissantdansdesprofondesténèbres.»

«etpournousgardonslesilence…»

Il ne faut pas oublier que cette tension d’assoupissement de la mémoire fut
encouragée par le pouvoir royal, à l’image de Charles IX exigeant du même
ChristophedeThou,le23mars1573,qu’ilnerendepaspublic,«parmylepeuple
etmesmementparmy lesestrangers,comme ily ena tousjoursqui semeslentde
escripre et qui pourroient prendre occasion d’y respondre », son compte rendu
personneldelaSaint-Barthélemy,nienfrançaisnienlatin26 .Laisserl’énigmeàson
mystère ! Sylvie Daubresse a rappelé que le roi sollicita alors impérativement
ChristophedeThoudenepaspublier,cequ’ilavaitpusavoiretmettreenécritde
l’événementd’août1572.Visiblement,ilfallaitfaireensortequel’aphasiequiavait
priscommeaupiègelaSaint-Barthélemyaideàapaiserl’histoireenempêchantque
ne reviennent certaines des conditions ayant présidé au déclenchement du
massacre.Notonsiciqu’undesdangersidentifiésparleroisenommele«peuple»,
touteninsistantsurlefaitqu’ilnefaudraitpas,àsesyeux,quelemassacreacquière
une totale lisibilité. Laisser l’histoire à elle-même, à son mystère et aux
contradictions qui la traversent serait alors se réfugier dans un Dieu qui, en se
dissimulant, révélerait sa Toute-puissance, un Deus incognitus et incertus, un Deus
absconditus.CharlesIXseseraitalorsvoululemaîtreetgardiendusilence,soucieux
dece que la Saint-Barthélemy ne fossilise pas plusencore les haines et ne bloque
pas l’histoire sur le cycle infini des vengeances, ce qui devait inéluctablement
arriversielleprocédaitd’évidencesappeléesàdevenirdescertitudesirrévocables.
L’histoiredevenaitainsid’autantplusuneénigmequecertainss’interdisaientd’en
parler,etelleseremplissaitd’inquiétudestoujoursplusvivespuisquelemassacreen
appelait désormais d’autres qui ne pouvaient être que plus violents encore et que
surtout la Saint-Barthélemy devenait une hantise. Ainsi que l’a écrit Mark
Greengrass, l’expérience du massacre qui avait eu lieu à Paris puis s’était comme
prolongée en province pouvait paraître « continuée, constamment revécue,
repensée et revisitée lors du passage de la mémoire à l’histoire27 ». Elle pouvait
s’étendre tragiquement à tout le devenir, d’autant que, dès les mois d’octobre-
novembre 1572, les bruits coururent d’un nouveau massacre qui aurait été
secrètement en gestation et que le président de Thou dut faire publier une
ordonnance prohibant à quiconque de répandre des bruits annonçant un second
grandmassacre.Lesoupçontombaittoutparticulièrementsurlespersonnesayant
colportédesbruitssinistresselonlesquels«ilyaentreprisedecourirsusàceuxqui
sontetontestédel’opinionnouvelle,quisontchosesinventéesetquefontpublier
de main en main aucuns perturbateurs du repos public contre l’intention de Sa
Majesté28».
SilaSaint-Barthélemyestuninstanthistoriquedecriseabsolue,c’estd’unepart
parcequedesonavènementmêmejaillituneaporiesurlescausesetlesmodalités
de perpétuation de la violence, une « destruction de la factualité » (Judith Lyon-
Caen29),etd’autrepartparcequ’elleremetencauselecaractèreprédictiblequiétait
attaché à l’histoire même et fait que la magister vitae est désormais comme
dépourvuedesafinalitéexistentielledèslorsqu’ellenesuggèreplusqueledésarroi,
l’angoisse et l’impuissance, et surtout la confrontation à une contingence qui ne
peut être qu’effrayante. Elle projette l’écriture de l’histoire dans le doute sur elle-
mêmeetdoncdansunecertainelassitudeperformativequis’étendrétroactivement
à l’appréhension de la conscience de soi qui pouvait être celle des contemporains
ayant perdu de vue les balises qui pouvaient leur permettre de s’orienter dans la
durée30. Le massacre en appelait à un travail de reconceptualisations et de
reformulations épistémologiques dont Jacques-Auguste de Thou31 et Lancelot
Voisin de la Popelinière tentèrent d’être les premiers expérimentateurs en
s’efforçantderelativiserlefaitirréductibledelasurvenueconfusionnelledupassé
d’août-septembre157232.
PourJacques-AugustedeThou,c’estquandleshommessontsanssagesse33 ,quela
Fortune prend le pouvoir sur l’histoire et lui retire la raison qui devrait lui être
inhérente et invite à une difficile procédure cognitive. L’auteur des Historiae sui
temporis, âgé alors de 19 ans, décrit dans ses Mémoires sa décision de se confiner
d’abord chez lui pour ne pas avoir à voir l’atrocité de la tuerie qui était alors en
cours,faisantlevœuque«Périsseàjamaiscejour,etpuisselapostériténepasy
croire ! Taisons-nous du moins, et laissons ensevelis dans une nuit profonde ces
crimes de notre maison 34 ». Sorti pour entendre la messe le matin du dimanche
24août,ilpréférasereplierchezluiaprèsavoirvuavec«horreur»maissansoser
« jeter une larme, traînés à la rivière les cadavres » (« jam interfectos ») de deux
huguenots,JérômeGroslot,sieurdeChampbaudouinetdeL’Isle,baillid’Orléans,
et son neveu Calixte Garrault35 . Moins un défaussement qu’une fuite devant
l’histoire.
Quand il prit la résolution de revenir au monde après avoir subi un tel effet de
sidération panique, ce fut pour comprendre que sa conscience de l’histoire avait
cesséd’êtrecequ’elleétaitdufaitmêmede«cestempsmalheureux»quiavaienteu
cours:
La fureur de ces massacres étant un peu appaisée, il alla quelques jours après voir son second frere, qui
logeoit près la porte Montmartre : celui-ci le mena sur une hauteur, d’où ils pouvoient découvrir
Montfaucon.Lepeupleyavoittraînécequirestoitducorpsdel’Amiral,etl’avoitattachéàunepiècede
bois de traverse avec une chaîne de fer. Aussitôt l’idée de ce Seigneur, qu’il avoit vû quelques jours
auparavantavecattention,seréveilladanssonesprit.IlrappelladanssamémoireceCapitainefameuxpar
tantdecombats,parlaprisedetantdeVilles,etsurlepointdetriompherdesPays-Bas:ilvoyoitalorsson
cadavre,aprèsmilleindignités,attachéàuninfâmegibet.Cesréflexionsluifirentadmirerla profondeur
des jugemens de Dieu, la foiblesse de notre condition, dont les bornes si étroites devroient bien nous
refroidirsurnosvastesprojets,etnousrenfermeràtousmomensdanslapenséedecequinousdoitarriver
unjour36 .

Faceàtousceuxquiviventencroyantquelaviolencepeutlesporterenavantde
l’histoireetlesfaires’engagerdanslesensdesdesseinsdivins,etquidoncpensent
pouvoirarticulercesdesseinsprovidentielsàleurarbitrairemarquéparlepéché,il
n’y a de clairvoyance que chez l’historien incité à remettre en question une
épistémologie de l’histoire « où tout se déroule selon un plan préalable fixé par
Dieu37»jusquedansl’énigmequiseraitinhérenteàuntelparoxysmedeviolences
humaines38 .Et,s’ilyaénigme,ilyauraitunDieuquisedissimuledanslessilences
del’histoire,ouplutôtquiveutsedissimulerainsi.
Écrire aujourd’hui sur le massacre de 1572 et sa temporalité aussi embrouillée
qu’improbable puisque se déployant d’une « sédition […] advenue par la querelle
particulière qui est dès long temps entre ces deux maisons » jusqu’à un crime de
Majestéayantdéjoué«ladétestableconspiration»deshuguenots,revientàsefixer
surleregistredessymbolisationstransgressivesquipeuventavoirétéàl’étatlatent
dansl’espaceparisiendudébutdeladécennie1570etêtrecommeprojetéesdansles
multiples gestes criminels ayant scandé les jours et les nuits des matines
parisiennes;maisc’estaussitenterd’allerau-delàdecequisedissimuleraitsousde
tellesmodalitésd’activationallant àcontresensd’une histoireimmédiatequi avait
étépolariséeautourd’ungrandrêveroyaldeconcorde.C’estencoreallerau-delàde
lasituationdecriseépistémologiquehéritéedutraumagénéréparlebasculement
dansl’inconnuquirésultaitdusurgissementdeconduiteseffroyablesdecruautéet
tenterdecomprendredel’intérieurl’indicibleenrompantaveclesultimesartifices
néopositivistes qui viennent et reviennent toujours dans le champ de l’histoire.
Paradoxalement, c’est chercher le sens dans son éclatement même, dans
l’indétermination de la factualité, dans cette énigmatique dont les contradictions
ontpoureffetdeperturbernécessairementtouteapprocheraisonnée.
Uneinterrogationseposealors:l’irrésolutionfactuelleetladébâcleconjecturale
quinimbentla temporalitédu massacredela Saint-Barthélemyne prévalent-elles
pas parce que ceux qui y ont pris part ou qui en ont été les spectateurs s’en sont
intentionnellementmisàdistanceenserepliantdanslemutismeoul’ambiguïté,en
se refusant à donner les clefs d’une énigme dont, volontairement ou
involontairement,ilsnevoulaientpasqu’ellesoitinterrogée,ouqu’ilsnepouvaient
pasinterroger?Enseplaçantdanslecoursd’unévénementsanshistoiredicible?
Etlepouvoirroyaln’a-t-ilpasoccupéuneplaceprivilégiéedansceprocessus?
Ne faudrait-il pas, pour dépasser ce seuil d’insignifiance due aussi bien à la
dynamique même de l’accomplissement factuel qu’au mode d’intériorisation de
l’histoire propre aux acteurs du moment, penser les matines d’août 1572 à la
manièredeNostradamus,commeuneénigmeouunjeudontlesensseraitdécalé
parrapportaux discoursouaux représentationsqu’ilsénoncent39?Le sensserait
alorsledéficitmêmedesensetauraitpourfindeconsacrerlaToute-puissanced’un
Dieuvoilédanslapuissancesurprenantedumassacre.
Un historien du XIXe siècle, Jules Loiseleur, qui a bien senti le problème, cita
Voltaires’élevantcontreles«absurdités»,les«sottises»,les«erreursgrossières»
quiémaillaientleslivresd’histoireoudegéographieetcontrelesquellesilvaudrait
mieux adopter une attitude pyrrhonienne. Lui-même classa la Saint-Barthélemy
commeuneénigmedel’histoire,àcôtéduMasquedefer:
Enfin, si les événements les plus intéressants, les plus terribles, qui se passent sous nos yeux, sont
enveloppés d’obscurités impénétrables, que sera-ce des événements qui ont vingt siècles d’antiquité ? Le
grandGustaveesttuédanslabatailledeLützen;onnesaits’ilaétéassassinéparundesespropresofficiers.
OntiredescoupsdefusildanslescarrossesdugrandCondé;onignoresicettemanœuvreestdelacourou
delaFronde.Plusieursprincipauxcitoyenssontassassinésdansl’HôteldeVilleencestempsmalheureux;
onn’ajamaissuquellefutlafactioncoupabledecesmeurtres.Touslesgrandsévénementsdeceglobesont
commeceglobemême,dontunemoitiéestexposéeaugrandjour,etl’autreplongéedansl’obscurité40.

Mais,pouraoût1572,iln’yapasdepartlaisséeaugrandjour,danslechampdes
décisionscommedansceluidusubivictimaire.
Plusquesurlacriseduconceptd’événement,nefaudrait-ilpasseconcentrersur
ce qui serait central dans le processus de violence et ce à quoi les historiens
continuentàêtreconfrontés,cesenstoutàlafoissuspenduetdisperséinvitantà
procéderinductivementselonlesvœuxdeNostradamusen1555,envalorisantle
rapportauMystèreauquellescontemporainsdumassacreétaientparticulièrement
sensibles?
C’est pour cette raison que j’ai pu écrire que l’histoire se heurte, lorsqu’elle se
penchesurlatragédieabsoluedelafinaoût1572,àun«événementsanshistoire»,
submergéousubvertiparlesincertitudesetlesaporiesaupointquetoutdansson
cours semble instable, silencieux, camouflé, brouillé, enfoui, indémontrable41 . La
nuit de la Saint-Barthélemy paraît perdue à l’histoire et à sa mise en écriture, et
tenterderetrouverlenœudtragiquedesonavènementàlasoudainetététanisante
reviendrait à basculer dans une virtualité contestant d’elle-même toute
épistémologierationnelle.L’histoirenepourraitêtrequepossibilistedanslamesure
où elle a été, aussi bien dans ses mises en actes qu’en discours, saturée de
contradictions et d’interrogations qui lui étaient comme fatalement inhérentes et
qui l’ont nourrie et entretenue jusqu’à aujourd’hui. Et donc un événement sans
histoire!
Ainsique l’aremarqué AnnaCarlstedt ense référantà Agrippa d’Aubignéet au
Livre«lesPrinces»des Tragiques,silemassacredelaSaint-Barthélemydemeure
aujourd’hui sans histoire, c’est aussi parce qu’il y eut une tentation partagée de
«coulerlesexecrableschoses/Danslepuitsdel’oublyetausepulchreencloses»,
afin que les temps à venir ne soient pas comme imprégnés du mal même, de ces
violencesinéditesquirisquaientàtoutinstantdefaireretour.D’où,toutefoisselon
encore d’Aubigné, la nécessité de réagir contre ce péril en montrant toute
«l’infection»decequiaeulieu,carlavertun’estpaslafilledel’ignorance.Mais,
s’ilyeut,toutdesuite,uneapparentedéroutecognitivequientravaleprocessusde
miseenrécitsfiablesetdonttémoignentlesreplisensoideMicheldeL’Hospitalet
duprésidentdeChristophedeThou,cefutparcequ’ilnefallaitpasempiétersurla
Toute-puissance d’un Dieu voilé et donc, comme l’écrivit quelques années plus
tard,selaisserprendreparcette«folefiertédelangage»quiporteleshumainsà
« ramener Dieu à leur mesure42 ». La fuite dans une histoire impossible à
approcher,masquéequ’elleétaitpardesmensongescontrairesàladocteignorance
de Nicolas de Cues, révèle peut-être aussi une angoisse face à un instant qui ne
pouvait que dissimuler l’effrayant potentiel du mal humain43. Et Michel de
L’Hospitald’écrire:«Notreespriterredanslesténèbres,aveugle,ilnepeutvoirla
vérité44.»
Pensons ici, précisément, à Montaigne dont l’éphéméride à la date du
24août1572 estdemeuréevierge. Dansles Essais, laSaint-Barthélemy,requérant
donclesilence,estcommemisesurlemêmeplanquelesautresmassacresdeson
époque et du passé45. Peut-être le silence vise-t-il à sauvegarder une liberté
intérieure précieuse, ainsi que l’a jugé Arlette Jouanna 46, voire à préserver les
ambitionssocio-politiquesdeMontaignedanslaperspectived’unattachementàla
modérationquevalorisePhilippeDesan47.SelonAlainLegros,laSaint-Barthélemy
n’a toutefois pas sa place dans les Essais, qui ont pour objet de traiter « de nos
mœursetmouvements»,brefde«l’humainecapacité»,lesfaitspetitsetgrands,
«advenusounonadvenus»,n’offrantàla«réflexionanthropologiquequ’unvivier
oùpuiserdesexemplesdel’unitéoudeladiversitéhumaine 48».Ajoutonsencore
que Montaigne stigmatise la tendance du langage humain à s’emparer de la
puissancedivineetlamodeleràsesenvies,quand«leshommesrecherchentcette
folefiertédelangage,pourramenerDieuàleurmesure[…].Etdelàs’engendrent
toutes les resveries et erreurs desquelles le monde se trouve saisi, ramenant et
poisantàsabalancechosesiesloignéedesonpoix49».
Maisilpeuts’êtreagiencoreduchoixd’unestratégiepersonnelle:ceseraitpour
exorciser les violences que Montaigne aurait décidé de ne pas se laisser aller à
s’immiscer dans l’incertitude des faits et de ne pas faire courir à sa « creance » le
risqued’êtreprisedanslepiègedemotsd’autantarbitrairesetpérilleuxqu’ilétait
impossible de savoir de façon ferme et certaine ce qui s’était passé50. Jean
Starobinskil’aécrit,auxyeuxdeMontaigne«lemondeestunthéâtretrompeur»
l’invitantà«neplusresterenscène51»:
Lacorruptiondusièclesefaictparlacontributionparticulieredechacundenous:lesunsyconferentla
trahison,lesautresl’injustice,l’irreligion,latyrannie,l’avarice,lacruauté,selonqu’ilssontpluspuissans;
les foibles y apportent la sottise, la vanité, l’oisiveté, desquels je suis. Il semble que ce soit la saison des
choses vaines quand les dommageables nous pressent. En un temps où le meschamment faire est si
commun, de ne faire qu’inutilement il est louable. Je me console que je seray des derniers sur il faudra
mettrelamain.Cependantqu’onpourvoiraauxpluspressans,j’aurayloydem’amender52.

Surtout,ilyaDieuquiseulpossèdelesavoirdesfaitsdumondehumainetauquel
il ne faut pas se risquer à se substituer par un orgueil ignorant que la créature
humaine ne doit et ne peut s’en remettre qu’à « la pure conduite du ciel ». En
filigrane,cequeledéficitdesensetlesilencequiluiseraitcorrélatifcacheraient,ce
serait précisément une émotion face à un paroxysme de la violence ouvrant au
mystèretranscendantdesonaccomplissement.
MontaignerepritlesversdeMicheldeL’Hospitaletlesfitinscriresurlespoutres
duplafonddesabibliothèque:l’esprithumain«erredanslesténèbres»etilyest
comme « aveugle », ne pouvant pas saisir « le vrai » d’autant que sa raison est
«tordue,etboiteuse,etdéhanchée».Cequiimpliqueque,demêmequel’écriture
est vouée à ne parvenir à s’inscrire que dans le transitoire et le fugitif de la
successiondesinstants dela vie, leréel estinaccessible, lasagesse consistantà ne
paschercheràs’immiscerenluiparlaforceetàlesoumettreàcequeMontaigne
nommelacrédulitétropfacilementréceptive lorsqu’ilya« tempestepublique»:
« Quoi qu’on nous prêche, quoi que nous apprenions, il faudrait toujours se
souvenir que c’est l’homme qui donne et l’homme qui reçoit ; c’est une mortelle
mainquinousleprésenteetc’estunemortellemainquil’accepte.»
En effet, dans le paroxysme de violence demeuré incompressible malgré les
commandements royaux, s’est fait jour l’évidence que, comme le chanta Ronsard,
leshommesnesontquedes«petitsanimaux»inaptesàs’immiscerdanslesarcanes
delaraisondivine?
…carDieu,quiestcaché,
Neveutquesonsegretsoitainsirecherché.
Brefnoussommesmortels,&leschosesdivines
Nesepeuventlogerennosfoiblespoictrines
Etdesaprescienceenvainnousdevisons,
Cariln’estpassujectànossottesraisons:
L’entendementhumain,tantsoitiladmirable,
DumoindrefaitdeDieu,sansgrace,n’estcapable53.

FaceàlaSaint-Barthélemy,lapenséeseseraitmiseprudemmentàl’arrêtetainsi
disposéeàeffectuerungrandécart.Elleseseraitrésolue,sansl’avouer,àresterdans
l’énigme,hors d’uneconnaissance appartenantà Dieu seul.Ne pourrait-on passe
demander, en poussant l’analyse d’Alain Legros dans ses marges 54, si Montaigne
n’exprimeraitpas,ensetaisant,uneexpériencepartagée? Ceseraitalorsuneclef
pourcomprendre la retenue ou les contradictionsdes écritures et des paroles des
temps d’après massacre55 . Son silence nous donnerait à voir une conscience
confrontée à une impossibilité du « vrai », incitant à l’adoption d’une posture de
dérobade ou, plutôt, de fuite. La politique apparaît en filigrane confrontée à un
universsicomplexequ’ilyadesmomentsoùilpourraitsemblerplusconfortable
d’accepterqu’ellen’aitriendelalisibilitéattendue:
Notrebâtiment,etpublicetprivé,estpleind’imperfection.Maisiln’ya riend’inutileennature[…].De
même,entoutepolice,ilyadesofficesnécessaires,nonseulementabjects,maisencorevicieux:lesvicesy
trouventleurrangets’emploientàlacouturedenotreliaison,commelesveninsàlaconservationdenotre
santé.S’ilsdeviennentexcusables,d’autantqu’ilsnousfontbesoinetquelanécessitécommuneeffaceleur
vraiequalité,ilfaut laisserjouercettepartieaux citoyensplusvigoureuxetmoins craintifsquisacrifient
leur honneur etleur conscience, comme ces autres anciens qui sacrifièrent leurvie pour le salut de leur
pays;nousautres,plusfaibles,prenonsdesrôlesetplusaisésetmoinshasardeux56 .

Enneparlantpasdumassacredu24août,enserefusantàporterunjugementsur
lesdrames horribles qui ont eulieu, et en ne cherchantpas à s’immiscer dans les
débats causalistes, Montaigne aurait entériné qu’il y a un au-delà des apparences
dans la politique,qui échappeà la compréhensiondes gouvernéset qui relève de
Dieu,lePrincepouvantseconfronterdirectementaumaletallantjusqu’àseglisser
en lui pour des raisons que lui seul est en mesure d’appréhender et dont il est
uniquement responsable devant Dieu57 . Et il se serait agi pour lui de bloquer
l’histoiresurl’incertain,afindenepasfaired’elleunirrémédiablevecteurdehaines
éloignantleshommesdelaconcordevoulueparDieu.
Cespenséesmefontmesouvenird’unetapisseriede1535-1545faisantpartiedela
tenture des « Fructus belli » et mettant en scène une réalité comme décalée en ce
qu’ellenereprésentepaslemomentépouvantablequ’aétélemassacredeshabitants
d’une ville, sans doute pour que les spectateurs ne succombent pas à la puissance
angoissantedelavisiondecadavresmassacrés.Cettevisionparticipedutempsque
MarkGreengrassaévoquéentermesd’« Europe’sParoxysm 58».Àmonsenset de
manière anachronique certes, puisqu’appliqué à un drame d’une quarantaine
d’années plus tardif, ce qui est cependant montré euphémise en quelque sorte
l’événementdeladévastationd’unecitéenl’allégorisantetdoncenledistanciantde
cequ’ilapuêtre:lesecondplandonneàvoireneffetunevilledétruiteetsaccagée,
enruinesfumantessymbolisantpeut-êtrel’indicibilitéoul’évanescencedecequia
étéunparoxysmedeviolences.Sontseulementvisiblesdemanièreflouequelques
petitsêtreshumainsquisemblentperdusaumilieudecechaos.C’est-à-direquela
tapisserie,certesinclusedansuncycledemomentsguerriers,pourraitêtreluehors
dececyclemême.
Le premier plan met en valeur en effet un cortège d’hommes, de femmes,
d’enfants,devieillardsquifuientlacitédésoléeetenflamméetoutenselamentant
douloureusementetenlevantlesmainsverslecielensignededésespérance.Jeme
suisdemandésicespersonnagesparticipaientd’une«vraie»réalitéquelascènese
devrait de suggérer à celui qui la regarde. Sont-ils vraiment des survivants d’une
cruauté atterrante ? Ne figureraient-ils pas plutôt les âmes mortes de ceux et de
celles qui ont été massacrés durant le sac de la ville59. Ne sont-ils pas les acteurs
d’une mise en énigme de ce qui a eu lieu, d’une histoire qui ne peut pas avoir
d’histoire ? Sur les bordures, est en effet lisible l’inscription « non sine fastidio »,
«nonsansrépulsion»ou«nonsansaversion»,quirendraitcomptedel’horreur
qui n’est pas représentée puisque l’exode des fugitifs allégoriseraitle charnier que
serait devenue la cité livrée à une violence extrême ; un charnier irreprésentable
tantilseraitépouvantableeteffrayant.Uncharnierqu’ilfaudraitinvisibiliserpour
que l’idée d’un avenir de la vie humaine qui serait autre que terrifiant puisse
subsister,dansl’espritduspectateur.Uncharnierénigme.
Lespectateurnesaitpasenoutrequelleestcettevilleetquisontcesfugitifsdont
onnepeutquedevinerladouleurd’êtredésormaisdesâmeserrantes,desspectres
incapablesdeparlerdel’atrocitéqu’ilsontsubie.Serait-ceTroie,Carthage,Rome,
Brescia ? Ou la douleur des fugitifs n’est-elle pas le symbole d’une destinée de
l’humanité toujours susceptible d’être vouée à la rencontre effrayante avec une
violenceparoxysmique,maisquiestuneénigmepuisquelesseulspersonnagesqui
figurentsurlascèneseraientdesspectrescriantleurdouleuretpourtantincapables
d’expliquer ce qui s’est passé et aussi de raconter qui ils sont ? En fin de compte,
l’aphasie des victimes serait le vrai thème de la tapisserie, qui relaterait que la
violenceparoxysmiqueestindicible,nepeutpasêtreobjetdeparoles,aussibiende
la part de ceux et celles qui l’ont endurée que de ceux et celles qui l’ont mise en
œuvreetenassumentlaresponsabilité.
Aucunedonnéen’est fournie,qui permettraitde savoirquel estl’événementqui
estreprésentéentantque «fructusbelli»danssonirreprésentabilitémême,cequi
renvoieàl’idée qu’uneviolence absolueestun défipour l’histoire,qu’ellene peut
susciter de narratif tant elle est inassimilable et insoutenable, d’autant que les
discours immédiatement produits tant par certains des acteurs que certains des
spectateurs la complexifient et l’énigmatisent encore davantage. Le seul élément
perceptible est que la violence, sous ses formes variées, ne peut que générer
souffranceetdeuil.Lecaractèreindirectdelafigurationseraitalorssymboliquede
ce que la violence extrême est d’autant plus tragique qu’elle déréalise l’histoire,
qu’ellel’emportedansl’indicibilité,qu’ellen’est pasmêmeen mesurederelaterce
pour quoi elle a été un drame effrayant puisqu’elle doit se résoudre à ne pas
entreprendre de figurer ou dépeindre l’horreur même des corps massacrés ou
torturés,ensanglantés.
L’histoire, fuyant devant elle-même, devient énigme. On pourrait
anachroniquement ici évoquer « Rêve parisien » de Baudelaire et la vision d’une
«Babeld’escaliersetd’arcades»,d’«unpalaisinfini/Pleindebassinsetdecascades
/tombantdansl’ormatetbruni».Cetuniversestcomposéd’«étangsdormants»,
de « mouvances merveilleuses » qui sont faites pour être vues dans un « terrible
paysage»,maisquinesuggèrentendéfinitivequ’«unsilenced’éternité 60».Carla
finalité de l’histoire confrontée au paroxysme violent n’est pas l’histoire, mais le
dévoilementdesessilencesheuristiques.
L’historienne britannique Nicola Mary Sutherland constatait judicieusement, en
1991,que,dufaitdela«confusionetdelapartialité»destémoignages«quisont
incontestables », il est impossible d’évaluer avec « certitude le rôle d’aucun
protagoniste » dans le temps du carnage de 1572. Et il faut avouer que, sur le
massacredu24aoûtcommesurl’attentatduvendrediprécédent,aucunehypothèse
ne peut être encore aujourd’hui vérifiée. La machine à remonter le temps ne
fonctionnepassurleparoxysmeetdoncsurl’impossible.Entémoignelefaitque,si
l’on suit les sources, l’alarme aurait été sonnée entre 1 heure 30 minutes (voire
minuit) et 5 heures du matin du dimanche 24 août ; et ce flou originel donne sa
tonalitédominanteàl’histoire,d’autantquelesgrandsacteursdudrame,dumoins
ceuxquilivrentuntémoignage,s’acharnentàbrouillerlespistes,leurobjectifétant
moins de livrer un récit des faits advenus que de se retirer ou se mettre
temporairement en marge du cours de l’histoire et donc de toute implication
personnelle.

Lesmétamorphosesd’aprèslesviolences

La violence va jusqu’à métamorphoser les individus en les défaisant
silencieusementd’eux-mêmes.
Les exemples sont nombreux, aux lendemains de la Saint-Barthélemy, de
franchissements subjectifs d’une existence de soi jusqu’à une autre, comme s’il y
avaiteulatentationdeseséparersymboliquementd’unepartdesoi-même.Toutse
passe comme si, pour certains, il ne pouvait plus être question de faire vivre
subjectivement l’altérité en soi, ou de soi 61. Comme si ce qui était au cœur de
l’humanisme,«l’expériencejoyeusedel’altérité»,nepouvaitplusêtreintérioriséet
se retrouvait chassée hors de soi et donc hors de l’avenir. Pour certains autres, si
auparavant le « comble de l’épanouissement » était, selon Michel Jeanneret,
«atteintaumomentoùlesujet,aulieudechoisir»pouvait«semultiplierdansla
simultanéité,être à la fois un etdivers, soi-même et tous les autres 62», ce temps
étaitcommerefouléloinduprésent.C’estpeut-être,àmonsens,cequ’exprimerait
égalementsymboliquementladouleurdesâmesmortesdelatapisseriedesFructus
belli, la prise de conscience que le temps passé pourrait ne plus revenir et qu’un
avenir de sang et de souffrances, ne cherchant qu’à étouffer et éliminer l’autre,
pourraitêtrelefuturhumain.
Iln’yauraitpaseuquelechoixdumutismeoudelaprisededistancepermettant
d’espérernepassubirleseffetsd’unpouvoirdel’horreur;ilyauraiteulapossibilité
d’exhiberlaruptureavecunepartdésormaispasséedesoi.Uneconversionaurait
vu la psyché s’orienter vers une « ressaisie autopoïétique », pour reprendre
l’expressiondeFélixGuattari63.
CitonslecasdeJeanDoratqui,aprèsavoircélébrépoétiquementlesvictoiresde
JarnacetdeMoncontour,etchantélafelicitasdeCharlesIX,s’étaitensuiteattachéà
multiplierlespoésieschrétiennestoutenchantantlesbienfaitsdelapaix:
Qu’estilbesoingdetantlaPaixcrier
Parlescantonsdesvillesetvillettes?
Qu’estilbesoingd’huissiersnedetrompettes
PourlaPaixfaicteenFrancepublier?

Ilvaudroitmieux,encriant,Dieuprier
Qu’illagardastdetroublesinquietes;
Ilvaudroitmieuxenchantantchansonnettes,
ViveleRoyporte-paix,s’escrier.

Sansautrebruitassezestpubliée
LaPaix,deceux,quimilleetmillefois
Ladesiransontfaictsigransaboys.

Sansautrecryassezjaestcriée
LaPaix,deceux,quil’ontsihaultpriée,
QueDieuaucielenaouylavoix.

Cependant,aprèslemassacred’août1572,Doratexprimetemporairementsajoie
extrêmede savoir qu’ontété abattusdes « barbaramonstra», des «bêtes sauvages
innommables».Cesontdes«porcs»quisontmortsenmêmetempsqueColigny.
Lepoètechantel’unitédupeuplequis’estruéaumassacre,jeunes,vieux,pèreset
mères : « urbs omnis in iras / Cum ruit. » Il exprime ensuite le souhait que les
meurtriers,pères,mères,vieux,jeunes,défilenttriomphalementpartouteslesrues
de Paris, chacun portant ses bannières : « mixta patrum matrumque, senum
juvenumqueferantur/Agmina,signiferosquaequesecutasuos.»L’Océan,ajouteDorat,
devra renvoyer les cadavres dans les « atra Caribdis », les noires profondeurs de
Charybde,d’oùnepeuventressortirceuxquiysontengloutis,oudanslesfleuves
desenfers.
La Saint-Barthélemy devient alors une nouvelle nuit de Noël ou de Pâques, un
instantsacréquienappelleàlaplusgrandeglorificationetàuneunitésalvifiquede
tousettoutes64.Elleredonneuneimpulsionsacréeàl’âmedupoèteressaisiparun
devoir de proclamer la puissance d’un Dieu jaloux plus fortement et avec plus de
virulencequ’ilnel’avaitfaitauparavant.
Lesalutdeshommesaétéopérélanuit;voiciqu’unenuitsauveencorelesbons,nuitdigned’êtreilluminée
etrendueplusclairequeleplus clairjour!Nuitbienheureuse,oùle roisaintLouisaremislui-mêmele
glaiveaux mainsdes vengeursde la religion! CeGaspard, qui blessoitMarie aété frappédans le temps
consacréàMarie,etc’estjustementquelaVierges’estvengéedanssonoctave,ainsiqueleChristavoitfait
danslasienne,quanduntrait,lancéparunemaindivine,vintfrapperunereinequiméprisoitlesmystères
duChrist(reinedeNavarremort).Soientdoncjuilletetaoûtconsacrésàjamais,juilletàcélébrerlavictoire
duChrist,aoûtcelledeMarie.

Nul ne doit échapper,parmi les hérétiques : « Vous fuyez, mais en vains faites-
vousserviràvotrefuitelavitessedeceschevauxquevousaviezpréparéspourla
guerre,lespierressaurontvousatteindre,lespierresquevouslanceralepeupledes
villes et des campagnes. Christ est une pierre, pierres sont aussi les enfants
d’Abraham,etvousdevezcraindrecespierres,chiensquevousêtes65.»
Donnonsencorel’exempledeJeandeMonluc66 qui,en1563danslecontextede
remontrancesprésentéesdevantleroiauparlementdeParis,avaitexaltéundevoir
chrétieniréniqueenaffirmantque«Dieuareservélaperfectionpourluyseul,eta
vouluqueleshommesaientlesespoirsdifférentz,cequeleplussouventilznese
puissent accorder67 ». Penny Roberts ajoute que, lorsqu’il s’exprima ensuite sur
l’édit de pacification d’Amboise, l’évêque de Valence souligna que, sans l’accord
consacréparl’édit,leroyaumevivraitsansreligion,Dieun’ayantjamaisvouluque
«religionsisainteaieestémesléeavecautantdemeschanceté68».
Lemassacrede1572métamorphosetoutefoisJeandeMonluc.SonsecrétaireJean
Choisninconstatait en 1573 que la monarchie française était ardemment mise en
causedansleprocessusayantconduitàlatuerie:
Leplusgrandempeschementqu’ilavoit,c’estoitlanouvelledeParisqu’onfaisoitrafraischirdenouveaux
advis. Toutes les sepmaines l’on apportait des peintures où l’on voyoit toute manière de mort cruelle
dépainte:l’onyvoyoitfendredesfemmespourenarracherlesenfansqu’ellesportaient.Leroyetleduc
d’Anjouyestoientdépeints[…]marrysdecequelesexécuteursn’estoientassezcruelz[…].Àcelayprint
ledict sieur [de Monluc] deux remèdes : l’un de respondre aux libelles diffamatoires, comme il avoit jà
commencé,etfairepubliersesrespons69.

ÀVarsovie,oùilestchargédefairel’apologied’unsouverainquivapérenniserla
tolérance religieuse en Pologne, Jean de Monluc dut, le 10 avril 1573, prononcer
une première harangue disculpant le roi Charles IX d’une responsabilité directe
dans la tragédie, contre tous ceux qui le stigmatisaient pour être un « Tyran tres
cruel»alorsqu’iln’yavaitenlui«aucunetracedecruauté.»Ilmettaitsurtouten
avantuneconjonction defacteursqui avaientpu jouerdansce quiavait étéà ses
yeux une bénéfique décision royale. Il y a eu l’attentat déstabilisateur contre
l’Amiral;«cequi estadvenuàParis,certainementc’estpar uncasfortuit,quil’a
faictsoudainementnaistre,sansquepersonnel’aytsçeuprevoir,contrel’esperance
etopiniondetoutlemonde:carcombienqu’ilzeussenttresgriesvementoffenséle
Roy, et qu’ils fussent lors mesme par aucuns accusez de leze Majesté, pour avoir
conjuré70».
Plusieursparamètressesontaccumulés:ladisponibilitéàla«fureur»du«peuple
excité», l’animositédu duc deGuise et deplusieurs grands seigneursà l’égardde
l’Amiral, le risque d’une guerre aux Pays-Bas qui pouvait devenir une guerre en
France même, le danger d’une prise d’armes protestante et donc d’une quatrième
guerrecivile. Le duc d’Anjou n’a joué aucun rôle dans le « meurtre de Paris », et
touteslesaccusationsdirigéescontreluisontdescalomnies,àcommencercellequi
affirmequ’ilauraitdonnéleconseildemassacrer.Lemassacren’aeudefinquede
contrerpréventivementleshuguenotsquiétaientprêtsàprendre«facilement»les
armes,«ainsiqu’ilsavoyentfaictauparavant».CharlesIXn’afaitqueréitérerceà
quoi jadis le pieux empereur Théodose avait procédé, « oubliant son humanité
accoutusmée » et ordonnant la mort de 6 000 habitants de Thessalonique, en
représailles de ce que la population de cette cité avait abattu sa statue. La
suspension exceptionnelle de la clémence s’est toutefois accompagnée, pour
Charles IX, de l’envoi de lettres en province interdisant le recours à la violence.
Ainsiunautrecheminementdansl’énigmatiqueserait-ildiscernable:ceseraitsoi-
même,danslebasculementd’unesubjectivité,quideviendraituneénigme,comme
elleledeviendraitdanscequiseraituneduplicationdelaconscience.
D’autresprocèdent,auseinmêmedecequipeutêtrecomparéàun«séisme 71»,à
undédoublementouunedissociationdelapersonnalité,àl’imagedeGuyduFaur
de Pibrac qui avait, dès le 26 août, devant le Parlement, demandé au roi de faire
cesserlesviolencesparisiennes.Danslesannéesquisuivent,enréactioncontrele
massacre, l’Avocat général cultive un irénisme néostoïcien dans ses Cinquante
Quatrains, contenant preceptes et enseignemens utiles pour la vie de l’homme dont la
publicationestinitiéeen157472.LequatrainLIIIexalteainsiunesagessedunoscete
ipsumdevantpermettreàchacundesemettreàpartdesvicissitudesangoissanteset
surtoutdesparolestrompeuses:
Pointnetechailleestrebond’apparence,
Maisbiendel’estreàpreuveetpareffect:
Contrevnfaulxbruitquelevulgairefaict,
Iln’estramparttelquelaconscience.

L’idéaldel’homme,quicombatcontrelui-mêmeetlesdangersdelacolère,etqui
seveutàdistancedescrisethurlementsdesmassacres,estcoupléàunidéaldela
royauté usant de tempérance et de clémence, loin des jours et des nuits la Saint-
Barthélemy.
Sitonamyacommisquelqueoffense,
Nevasoudaincontreluyt’irriter
Ainsdoucement,pourneledespiter,
Fayluytaplainte,etreçoysadefense.

Pibrac composa un poème en alexandrins exaltant Les Plaisirs de la vie rustique73
dontLorisPetrissoulignequ’ilviseàproposerl’idéald’unjardinsubjectifdistancié
d’unordremoral,socialet politiquedénaturé:«L’observationde lanaturevade
pair avec l’observation de soi, qui préside à une nouvelle appropriation de soi à
travers une sagesse du contentement où l’abondance de la nature incite,
paradoxalement, à la mesure et la simplicité : l’espace clos, le « verger esquarré »
florissantdevient lamétaphore du jardinintérieur nouvellementconquis par une
sagessedelaconnaissancedesoi74.»
MaisPibracvitunemanièredeschizophrénieassuméeetentretenue,enrédigeant
en1573sonOrnalissimicujusdamviriderebusGallicisadStanislaumElvidiumepistola
qui est une violente apologie du massacre construite sur le modèle des récits,
donnésparCicéronetSalluste,delaconjurationdeCatilina75.Lorsdelaréunion
duconseilroyalqui,toutenauditionnantdeprésumésdélateurs,auraitétéinvitéà
délibéreren fonction d’informations certifiant l’existence d’un complot huguenot,
le roi, sa mère et ses frères y sont montrés partisans de suivre les usages de la
procédure.Cesontles«anciens»duconseil,quisontcensésreprésenterlasagesse
et la continuité politiques, qui auraient invoqué selon Pibrac l’urgence du choix
d’une action anticipatrice : « Sont d’advis qu’es maladies extremes et tres
dangereuses, il est loisible et besoing d’user de remede prompt, extreme et
hazardeux:qu’ilfalloitincontinentallerau-devantdelaconjuration,laprevenir,et
destourner promptement sur la teste des conspirateurs, l’encombrier, et meschef
qu’ils machinoient contre le Roy et les siens, et que, sans plus tarder, sur l’heure
mesme,ilfalloitmettrelamainaux armes,etsedespecherd’eux 76.»Letempset
l’urgenceimposent auroi l’idée d’uneexécution immédiate.Charles IXse résigne
doncàunfaitdejusticeextraordinaire,maissonattitudeestcelled’unprincetriste,
donnantsonconsentementàregretetordonnantqueseulslesconspirateurssoient
châtiés77.
Pour rendre compte de la sédition populaire qui accompagne la violence royale
d’exception visant le protestantisme militaire, Guy du Faur de Pibrac évoque le
capitaldehainesquicouvaitdanslavilledeParisetquin’attendaitquelemoment
opportun pour s’exprimer. Mais l’important, dans sa démonstration, est que les
vraisresponsablesdumassacresontlesprotestantseux-mêmes,quin’onteuquece
qu’ils méritaient. S’il y a un mystère de la Saint-Barthélemy et de l’effroyable
carnagequis’estdéroulé,ilfautl’éluciderenfaisantdesvictimeslesvraisacteursde
leur mise à mort. Le sens procède par un jeu d’inversion du sens, et l’histoire est
construite en se niant afin de défendre la politique monarchique sur le plan
diplomatique. On a là un extraordinaire exemple, parmi d’autres, de dissociation
entreéthique–LorisPetrisnousindiquantqueseulement«quelquesmois»après
lemassacre,lesquatrains46 à48seront «unappellancé auroipour qu’ilusede
«clémenceetdemaîtrisedesoi78»–etdevoircourtisanquiseraensuiteretravaillé
parFrançoisdeChantelouvedans LaTragédiedefeuGasparddeColigny,surlafin
octobre157479.
Dans ce contexte de complexité des positionnements ou repositionnements
faisantsigneversunedispersionetunefluidificationdespsychésfaceàlaquestion
delavérité,ceseraitlepropredelaviolenceparvenueàunparoxysmed’intensité
que d’être un « événement sans histoire » et, par là même, une énigme. La seule
tâchepossiblequiincomberaitàl’historienseraitdechercheràpenserl’impensable
enseglissantdanssanégativitéénigmatiquemême.Cequiportel’étudeconduite
ici à aller au-devant d’« une certaine possibilité impossible de dire l’événement »
(JacquesDerrida)etdoncàsefixersurl’énigmecommeétantlaseule«vérité»de
la phénoménalité du massacre80 . Cette aporie face à une violence inédite, « c’est
l’épreuve de l’indécidable dans laquelle seule une décision peut advenir. Mais la
décisionnemetpasfinàquelquephaseaporétique81 ».
Cetempiredel’énigmatiqueenvientàenglobernombrededocumentsquisontà
la disposition de l’historien dans la mesure où ils sont parcourus par un désir
d’occultercequiseraitunpointfocalcritiquedansl’histoiredusecond XVIesiècle:
enl’occurrenceque,dèslespremièresheuresdumassacredu24août1572,lecours
événementiel sembla aux contemporains s’être perdu ou dissous dans la
contingence,aupointquelaplupartd’entreeuxsecontentèrentsoitdeneriendire
ou écrire, soit de limiter leur témoignage à une chronologie minimaliste, soit de
camper sur une position de réserve prudente tout en faisant allusion à certaines
informationsquileurseraientparvenues.C’est-à-direqu’ilyauraiteu,delapartde
ceux qui ne participaient pas directement à la tuerie, une conscience quasi
immédiate que le drame spectaculaire qui se déroulait sous leurs yeux était
originellementfloutéetquecequis’endisaitétaitbiaiséoufalsifié,etsanshorizon
autrequedeparticiperouprocéderd’uneétrangetédulangagesurgiedufaitmême
du paroxysme. Une évanescence de l’événementialité, qui rejoint l’assertion de
JacquesDerridaselonlaquelle«l’événement,c’estd’abordcequejenecomprends
pas.Mieux,l’événementc’estd’abordque jenecomprennepas.Ilconsiste[…]en
monincompréhension».
D’où pour l’historien d’aujourd’hui, il faut le redire, la Saint-Barthélemy est un
événement dont le cœur est une incompréhensibilité, ou un événement dont
l’histoire est perdue ou silencieuse parce qu’impossible, effondrée sur elle-même,
sur son sens caché, sans traces autres que celles facticement produites dans des
cadres tactiques ou polémiques, défensifs ou offensifs. Cette zone grise et
mouvante82  exclut tout dispositif de verbalisation fiable pouvant lui donner une
lisibilitéautrequecelled’uneénigmeinquiétante 83.Lemassacreestunévénement
aporétique puisque d’emblée sans issue herméneutique, un événement surgi de
l’impossible,quiestarrivé«commelavenuedel’impossible».Ceuxquisedisent
portésàécrireparundésirdetémoigneretdedépasserlasituationdramatiquedu
blocageoudel’évanescencedu sensrecourent,pourparvenirà unenarrationqui
seraitfiable, à ce quiressemble à une turbulencedu langage puisqu’émanantd’un
collagedetémoignagesdésarticulés.Ilscherchentlavéritédanscequiressembleà
son contraire, une déraison des mots, ou plutôt des mots faisant écran avec un
passédésormaisirrémédiablementinaccessible.

Destémoinssansregards
À titre d’exemple, intéressons-nous à l’humaniste Guido Lolgi, présent dans la
capitaledepuissansdoutelafindeladécennie1550entantquereprésentant/agent
duducdeParmeetdePlaisance,le cardinalAlessandroFarnèse,àquiilécritpar
deuxfoispourluifaireunrécitdes événementsdeladestructiondela«maudite
secte ». Dès sa lettre du 25 août, il dépeint les gardes du roi pourchassant les
huguenots,tuantceux qui figuraientselon luisur deslistes préétablies,pillant les
biensetlaissantcedontilsnes’emparaientpas «allegentebassadellacittà».Tout
aurait commencé au Louvre, avant de gagner les espaces parisiens à propos
desquelsilneditriendeprécissansdouteparcequ’aucuneinformationdistinctive
neluiestencoreparvenue.Ilécritque«cettebraverésolution»duroidelibérer
son royaume d’une « tanta peste » a laissé certains dans un état de très grande
stupéfactionetilsedit lui-mêmeincapabled’avoirune idéeclaireet distinctedes
conditions qui auraient impliqué le déclenchement de la violence. Ce qui ne
l’empêchepas,danslefluxmêmedesévénements,d’observerquedeuxhypothèses
luiviennentàl’esprit,entrelesquellesilnepeutpaschoisircellequiseraitlaplus
pertinenteetlamoinsimpossible.
Selonlui,planeeneffetledoutesurlaquestiondesavoirs’ilyaeupréméditation
ou si la violence est survenue « per qualque occasione ». On parle, ajoute-t-il, de
parolesmenaçanteslancéesparcertainsdesnoblesréformésaprèsl’attentatcontre
Coligny.Larumeurenfleaussid’une«conspiration»huguenotequeleroiaurait
voulue « prevenire » en profitant de la concentration dans Paris de nombreux
capitaineshuguenotsqu’ilétaitaisédemettreàmortparsurprise 84.Enbref,cette
première lettre montre qu’à chaud, l’événement est l’objet de questionnements
irrésolus tant la stupéfaction l’emporte sur la détermination d’une rationalité des
faits.
Le4septembre,Lolgireprendlaplume,insistantsur «lagrandepreda»effectuée
par les gardes du roi. Charles IX, selon lui, essaie de calmer les esprits tout en
prenant des mesures pour éviter que les huguenots ne se mobilisent en province
afinde recommencer les troubles. Comme l’a jadis analysé Charles Samaran, il se
contentededirequetoutfinirapars’éclaircir;maislagenèsemêmedel’événement
demeureautanttroubleetopaquequ’irrésoluedanssonesprit,etceladanscesdeux
lettres successives qu’il compose ainsi à chaud et qui suggèrent une sorte
d’évanescence ou désorientation du réel85. La vérité du massacre surgira dans le
futur,explique-t-il.Pourl’instant,ilaconscienced’êtrelui-mêmesousl’emprisede
mensonges ou d’informations très peu fiables et de ne pas être en mesure de
s’évaderdececarcanaporétique.
Etiln’estpasleseulàêtresaisiparundoutequienvientàamplifierledéficitde
sens de l’histoire. En effet, les témoins du massacre font preuve d’une perplexité
quasi immédiate devant cette immense incertitude, à la différence de ceux qui s’y
engouffrent, avides d’instrumentaliser la violence et surtout de la prolonger.
Commesi,etcelaadéjàétéenvisagé,elleavaitétévouluepardesacteursqui,àtous
lesniveaux,avaienteneux-mêmesunhautdegréd’incertitudesurcequ’ilsfaisaient
ouprofitaientdecetteincertitudepour,enboutdecompte,semétamorphoseren
tueurs!
Peut-être y a-t-il, en fait, des segments de durée historique durant lesquels le
principederéalités’évanouit,carlasurdensitéémotionnellesaisitdesprotagonistes
qui interviennent dans une sorte de brouillard et ne distinguent pas ou plus
pourquoiilsdeviennentdesmachinesàordonnerdetuerouàtuer!
D’autrestémoins setrouvent sous le coupd’une impuissance àdéfinir au moins
une version plausible de l’histoire et se mettent en attente d’un éclaircissement à
venir. Portons l’attention sur une déposition notariée faite à Heidelberg le
7 septembre par un bourgeois de Strasbourg qui avait quitté Paris dès le 31 août
grâceàunsauf-conduitdélivréparleducd’Aumale 86.Mêmes’ilsoutientavoirété
letémoindirectdesfaitsqu’ilrelate,sarelationsembleétonnammentcompositeet
mêmefactice,donnantàsoupçonnerqu’ilparleparcequ’ildoitsejustifierd’êtrelà
etdoncd’avoirpufacilementfuirParisalorsquelacapitalefrançaisevivaitencore
dansl’horreur desmeurtresde fidèlesde l’Évangile: s’il ditavoir «vu »l’attentat
contre Coligny, quand il évoque la visite du roi et de ses frères au blessé, « il
soulignenepasavoirétéinformé»sila«vieillereine»est«alléechezl’Amiral».
Sachronologiedesfaitsdelanuitdu24aoûtestfloue,indécise,ettientvisiblement
de bruits collationnés dans la mesure où elle fixe l’assassinat de Coligny sur les
1h30-2h00dumatinetquele«on-dit»estsasourced’information.Letocsin,
qui vaut pour un appel au secours, une alerte, a seulement sonné « vers le jour,
entretroisetquatreheures»!Et«alorsacommencélemassacrepartoutParis,de
sorte qu’il n’y avait point de ruelle, quelque petite qu’elle fût, où l’on n’en ait
assassinéquelques-uns, et le sang coulait dans les rues comme s’il avait beaucoup
plu».
Ensuite,leStrasbourgeoisaffirme avoir« vu» lecadavre del’Amiral dansl’eau,
être tiré « de nouveau » de l’eau ; « quelqu’un lui coupait une oreille, l’autre lui
crevaitunœil,d’autresencoreluicoupaientlenezetlespartiessexuelles,d’autres
enfin les orteils. Enfin il en vint un qui déclara qu’il pourrait gagner 6
000 couronnes avec sa tête ; après quoi la tête fut séparée du tronc et emportée,
bien qu’elle fût terriblement fracassée par la chute ». De cette tête, une rumeur
dominante rapporta ensuite qu’elle aurait peut-être été sectionnée dès après la
chuteducorpsdanslacourdel’hôteloùlogeaitColigny,GiovanniMariaPetrucci
certifiantqueHenrideGuise,quelquesjoursaprèslamiseàmort,l’auraitconfiée,
enmêmetempsquelesmains,àunécuyerpourqu’illesporteàRomeaucardinal
deLorraine 87.Et c’est, enoutre, un épisodecontracté en quelquesheures 88 ,alors
qu’ildura,pourcequiconcerneladépouillemartyriséedel’Amiral,plusieursjours,
puisque«desvauriensontensuitesaisilecorpsparlespieds,l’onttraînéparlaville
etpenduàMontfaucon».OnsaitquelacérémoniedependaisonàMontfauconeut
lieuseulementle27août,enprésenceduroi.
Assurément,entre le dimanche et le jeudi matin, le bourgeois de Strasbourg est
prudemment resté cloîtré dans son logis. Il faut attendre qu’il arrive au jeudi
28 août dans le cours de sa déposition, pour qu’il se remémore avoir « vu » une
comtesse d’une grande beauté, en état de grossesse très avancée, être percée de
coups sur le pont des « Moulins » [Meuniers]. Il s’agit sans doute de Madeleine
Briçonnet, veuve du maître des requêtes Thibaud de Longuejoue, seigneur
d’Iverny,alorsâgéed’unesoixantained’années!Etila«vu»aussiuncompagnon
orfèvre,sesauvantparlestoits,êtreabattupardestirsd’arquebuse.Le30août,ce
sonttroiscorpsqu’ila«vus»traînésàlarivière.Desautrescrimes,ilnesaitrien.
Levoirest,etl’impressionperdure,chezluiunvoirparprocuration,un«entendre
avoir vu ». Tout ce qu’il sait d’autre relève visiblement d’une collecte hasardeuse
d’informations,cequidonneraitàpenserqu’ilseraitplutôtdemeurédanssonlogis.
Sontémoignagevise,enfonctiondecesassertions,àleverlesdoutesquipourraient
surgiràproposdesconditionsdesafuitehorsduroyaumedeFrance.Ilracontece
qu’il n’a pas vu « de visu ». D’où le bruit selon lequel, « le dimanche, jour où le
massacreacommencé,lelundietlesjourssuivants,leroin’apointdutoutvoulu
s’enoccuper,maisajouéàlapaumeets’estlivréàd’autresdistractions,commes’il
aspiraitlui-mêmeàdonnerl’impressiondevouloirignorercequisepassait 89».Et
toujoursunévénementsanshistoire,quineditriendel’histoireetlaissecommeen
surviesonénigmatique.
Arrêtons-nous encore sur une autre lettre, rédigée par le médecin mantouan
FilippoCavriana,endatedu27août.NicolaMarySutherlandpensaitqu’ils’agissait
delasourcelaplusfiableausensoùellenecherchaitpasàdireplusquesonauteur
ne pouvaiten dire.Car Cavriana écrit d’emblée que personne n’est en mesure de
révélercequis’estpassé.Surl’attentatdelaruedesPoulies,toutlemonde«n’aen
vuequesespropresaffairesetformuledesjugementsdifférents».Pourlesuns,il
faut incriminer Guise, pour d’autres le cardinal de Lorraine ayant agi à distance,
pourd’autresencoreladuchessedeNemours,tandisque«lesplusmodérésetles
plusavertis»mettentencauseleducd’Anjou90.IlyaencoreFrançoisdeVilliers,
sieur de Chailly, « maestro di casa del Re91  », dont le frère est le majordome du
cardinalNicolasdePellevé:letueurauraitutilisésonlogisd’oùils’estenfuiaprès
l’attentat.Le«snipper»pourraitencoreêtre«unodellaguardiadellaReginaMadre
Cristissima».Maisilestimpossibled’ensavoirplusparceque «ilpercussore»apris
lafuite.Leseulrésultatdel’attentatestqueletonmonteetquelesgentilshommes
huguenotsdéclarentque,sileroinefaitpasjustice,ilslaferontdeleurmainmême.
EtCavrianasoulignequ’ilsesontlaissésalleràproférer «altreparolepuibrave»et
quec’estdansleursmotsqu’ilfaudraitchercherpourquoiilyaeu«loroeccidioed
esterminio».
Le médecin observe ensuite que la question de la vengeance aurait été discutée
entrehuguenots.C’estCharlesdeTéligny92qu’ilmetenavant,pouravoirdemandé
àun «gentillissimoamiconostro»derapporteràlareinemèreque,sijusticen’était
pas rendue, une violence vindicatoire serait mise en œuvre. Les églises
protestantes,toujoursselonCavriana93 ,ontétéalertées,et4000hommesdevaient
rentrerdansParis,quiprendraientleLouvred’assautetexécuteraienttousceuxqui
auraientétésusceptiblesd’avoirmanigancél’attentat.
On est donc passé de l’incertitude sur le responsable de l’attentat à la certitude
qu’un complot est fomenté, avec Armand de Clermont, sieur de Piles, qui
bloqueraitl’entréeduLouvre,FrançoisdeMoneinsquiseraitchargédetuerGuise
etFrançoisdeBeauvais,seigneurdeBriquemault,préposéàassassinerleducetla
duchessedeNeversavecleursenfants,lafamilleroyalepouvantêtreinclusedansce
plan.CommeledevinaitNicolaMarySutherland,Cavrianan’apasuneécriturequi
serait « pure » ; il ne fait que transcrire, en amplifiant ou dramatisant ses
composantesdansl’expositiondece«planrocambolesque»,laversionroyalequi
avaitétépubliquementargumentéedevantleParlementlaveilledelarédactionde
salettre,le26août,douzeheuresavantqu’ilnerédigesaproprerelation.Cequ’il
appelle«savoir»estunesériederumeurssurvenuesouactualiséesenappuidela
déclaration royale devant le Parlement le 26 août, dont celles valorisant les
prétenduesrévélationsd’AntoinedeBayencourt,sieurdeBouchavannes,oulacrise
delarmesdeJeandeMorvillierlorsd’undesproblématiquesconseilsnocturnesdu
samedi23août,ainsiquelefaitqueCatherinedeMédicisauraitreçutroislettres
l’avertissantdesviolenceshuguenotesquiauraientétéengestation,danslesquelles
elleetsonfilsauraientétéciblés.
LalettredeCavrianaestainsiunecollectiond’anecdotesrecueilliesparlemédecin
mantouan, mais il s’agit pour lui, en discernant des cheminements possibles de
l’événementviolent,derendrecompteàsoncorrespondant,lesecrétaireConcini,
de sa propre pertinence en tant que témoin et analyste de l’histoire. C’est alors,
selon lui, pour le mardi 28 août, que la vendetta huguenote était ainsi
programmée : il revient, dans son récit, à Téligny d’avoir sollicité à plusieurs
reprisesungentilhommedontCavriana,quiserépète,ditqu’ilestun«gentillissimo
amico nostro » pour que celui-ci prévienne la reine mère que, si justice n’était pas
rendue, la paix serait rompue et, plus loin encore dans la bravade, que
l’extermination de la famille royale serait inéluctable. Adviendrait alors un vrai
«VesperoSiciliano».
Pourcequiestdelanuitdu23au24août,CavrianaexposequeleLouvrefutmis
en étatd’alertemaximale et que Catherine de Médicis aurait annoncé savoir que,
pour la date du mardi 26, les huguenots avaient délibéré de tuer le roi et qu’elle-
même,les frères de Charles IX et « in somma tutta la corte » étaient inclusdans la
tuerie.Des lettres lui étaient parvenues,qui étaient sans équivoque. C’estdans ce
contextequeCavrianaaffirmequelesseigneurscatholiquesprirentlesarmes,que
l’exécutiondeColignyetletumultepopulaireprirentplace,etquelacourauraitété
extrêmement surprise et déroutée par ce qui était arrivé. Le roi et la reine mère
auraientalorsaffirméqu’ilsavaientétécontraintsàleurdécision «dallanecessità».
Ducôté de la populationparisienne, un changementest vite notépar le médecin
mantouan. Le massacre devient un événement collectif, « et le peuple a été
tellement rasséréné que, alors qu’il haïssait la Reine Mère, il l’appelle maintenant
MèreduRoyaumeetconservatricedunomchrétien».
Ily a dans cettemissive du médecinmantouan la projectiond’un regard qui n’a
rienvu–oupresque–etl’expressiond’unepleineréceptivitéàcequiétaitproposé
par les rumeurs qui allaient et venaient, et dont la provenance était incertaine :
Cavrianas’avèreêtreuninformateurdistanciédesfaitsqu’ilrelate,complètement
absorbé par des bruits qu’il a collationnés pour tenter de remplir le vide de son
incertitude et pouvoir malgré tout mériter son statut d’indicateur94. C’est sa
mission de rendre compte de ce qui se passe en France et à Paris, et, en
conséquence,ilprocèdeàunmontageartificieuxd’informationsreçuesdeseconde
voire de troisième main. Et d’autres lettres sont traversées par une ambiguïté
similaire, qui fait que l’historien doit les appréhender elles aussi comme des
agencementsoudescombinaisonsderumeursinvérifiéesetinvérifiables:tellecelle
del’émissaireduducd’AlbeenFrance,MonsieurdeGomicourt,quicompteRetz,
donc Albert de Gondi, parmi les morts tout en reprenant le motif des 4
000huguenotsquiauraientétéeninstanced’envahirParis.
OnpeutencoreciterlerapportdictéenEspagneparJuandeOlaegui,quiétaitle
secrétairede l’ambassadeur Diego de Zúñiga : on y reconnaît les mêmes topiques
évoquantàproposdel’attentatdu22août,d’unepart,uncommanditairepossible
auxvisagesmultiples,quipourraitavoirétéleroi,Anjou,Guise,Aumaleoumême
leducd’Albe,et,d’autrepart,desmenacesprotestantesayantétéproféréesdevant
leroienpersonne.Etilfautreleverunflouchronologique,puisqueletocsinaurait
sonnédèslanuitdu23août,doncavantminuit,etqueCharlesIXseseraitrendu
auParlementseulementle27août,unjourplustardqu’ilnel’afait!Ceflougagne
lesposturesdesacteursmêmesdumassacre,avecledétailqu’HenrideGuiseaurait
tuéColignydesespropresmains95!
L’histoiresedisperseous’effriteainsidansdesanecdotesaussicontradictoiresque
problématiques, collationnées sans doute au hasard d’informateurs eux-mêmes
probablementmoinsinformésquedésinformés;etpeut-êtreest-cepourcontrerce
systèmeinformatifàlafoisproliférantetperversqueCharlesIXécrivitunelettre
aurésidentdeFranceauxPays-Bas,ClaudedeMondoucet,le26août,commes’il
avait conscience que, depuis le 22 août, le tumulte des mots avait joué un rôle
capitaldansletumulteindomptédescorpsetqu’ilfallaitquecessecettedynamique
dévastatrice. Sans doute pouvons-nous y soupçonner qu’indirectement, en
reprenantlepouvoirsurlesmotsetlecontrôlesurlesprocéduresd’historicisation,
leroinousexpliqueraitcequiseseraitpassédurantlesheuresd’avantledébutdu
massacre : en l’occurrence qu’une hystérisation du langage aurait multiplié et
amplifiélesimpulsionspaniquesdanslesespritsaussibiendescatholiquesquedes
protestantsetquelepouvoirroyalauraitétéprislui-mêmedanscejeudedéréalité
ouvrantàtouteslesmenacesaupointdedécider,parlaviolencecibléesurColigny
etlessiens,decoupercourtàunepertedecontrôledel’histoireetd’éviterquele
massacrenesoitlacaused’unautreconflit.Voilàpourquoiilauraitcommencépar
rejeter hors de lui une violence dont, temporairement, il rendit responsable, de
manièreimplicite,unemaisondeGuiseenattentedevendetta.Etpeut-êtreétait-il
danslevrai,sil’onsuitlesrecherchesrécentesdeStéphaneHellinquiamontréque
letueurMaureverta,deuxmoisavantl’attentatetpardesactesimportantspassés
devantnotaires,anticipésondépartdesonchâteau,cettedémarcheallantpeut-être
danslesens«d’uneorganisationducomplotbienantérieureau22août157296».
Lemassacre,autermedecettepremièreapproche,estetresteuneénigme.Sans
doute parce qu’il fut immédiatement historicisé comme tel par l’effet de
contradictionsamasséeslesunessurlesautres,maisaussiparcequel’énigme,àla
Renaissance,étaitunoutilpolitique.

1.DenisCrouzet,«NostradamusSaint-Rémy-de-Provence(Bouches-du-Rhône),14décembre1503–Salon-
de-Provence (Bouches-du-Rhône), 2 juillet 1566 », Commémorations nationales 2016, Centre des monuments
nationaux,ÉditionsduPatrimoine,2015.
2.Claude-GilbertDubois,«Unimaginairedelacatastrophe:Nostradamustémoinduprésentetvisionnaire
dufutur»,inLaFindestempsII,GérardPeylet(dir.),Pessac,PressesuniversitairesdeBordeaux,2001,p.68-81.
3. Georges Dumézil, « “Le moyne noir en gris dedans Varennes”. Sotie nostradamique suivie d’un
divertissementsurlesdernièresparolesdeSocrate»,Dix-huitièmeSiècle,n°17,1985,p.451-452.
4.«LeMassacrefaitàOrléansaumoisd’août1572,duquelfuttémoinetfaillitlui-mêmeêtrevictime,Joh.
Wilh.vonBotzheim,auteurdelarelationqu’onvalire»,CharlesRead(éd.),«LaSaint-BarthélemyàOrléans
racontéeparJoh.Wilh.deBotzheimétudiantallemandettémoinoculaire1572»,Bulletinhistoriqueetlittéraire
(SHPF),vol.21,n°8,1872,p.345-392.BotzheimmodifieiciletextedelaCenturieIII,11:
«Desseptrameauxàtroisserontreduicts,
Lesplusaisnezserontsurprinsparmort,
Fratriciderlesdeuxserontseduicts,
Lesconiurezendormansserontmorts.»
5. Denis Crouzet, « Nostradamus astrologue entre deux chaires ? », in Le Bon Historien sait faire parler les
silences.HommagesàThierryWanegffelen,FabienSalesse(dir.),Toulouse,PressesuniversitairesduMidi,2012,
p.273-297.
6. Yvonne Bellanger, « Nostradamus prophète ou poète », in Marie-Thérèse Jones-Davies (dir.), Devins et
charlatans au temps de la Renaissance, Paris, Institut de recherches sur les civilisations de l’Occident moderne,
UniversitédeParis-Sorbonne,1979,p.94.
7.CenturieIII,LXXIX.
8. Daniel Martin, « L’énigme dans le recueil : le Repos de plus grand travail de Guillaume des Autelz », in
L’Énigmatique à la Renaissance : formes, significations, esthétiques. Actes du colloque organisé par l’association
Renaissance, Humanisme, Réforme (Lyon, 7-10 septembre 2005), Daniel Martin, Pierre Servet et André Tournon
(dir.),Paris,HonoréChampion,2008,p.109-120;DanielMartinetGillesPolizzi,«L’énigmeàlaRenaissance.
Orientationsbibliographiques»,inibid.,p.550-571.
9.Col2,3.
10.Mt6,19-20.
11.Mt6,22.
12.Hébreux11,26.
13.Ibid.
14.Mt11,27.
15.DenisCrouzet,CharlesQuint,Empereurd’unefindestemps,Paris,OdileJacob,2016,p.612,note953.
16. Jan Miernowski, Signes dissimilaires. La quête des noms divins dans la poésie française de la Renaissance,
Genève,1997,p.54-55.Id.,LeDieuNéant.Théologiesnégativesàl’aubedestempsmodernes,Leyde,1998.
17. Nathalie Soulam, Vérité, responsabilité et causalité. Écrire l’histoire après la Saint-Barthélémy, thèse sous la
directiondePierre-FrançoisMoreau,ENSLyon,2020.
18.JérémieFoa,Tousceuxquitombent.VisagesdumassacredelaSaint-Barthélemy,Paris,LaDécouverte,2021,
p.8.
19. Raphaël Cappellen, « L’Énigme en prophétie, entre dualité auctoriale et pluralité interprétative
(Gargantua,LVIII)»,RevuedesLittératuresetdesArts,«AgrégationLettres2018»,n°17,automne2017,p.1-24.
20.Ibid.,p.23.
21.MarcelViau,«LamétaphoredumiroirchezNicolasdeCues», Revuedessciencesreligieuses,83,2,2009,
p.257-276.
22. Ariane Boltanski, « Discours adressé par le duc de Nevers à Charles IX (septembre 1572). Une
interprétation providentielle des massacres de la Saint-Barthélemy »,Parlement [s] Revue d’histoire politique,
PressesuniversitairesdeRennes,2023/1,n°37,p.177-190.
23.RaymondEsclapez,«MontaigneetNicolasdeCuse.Lethèmedela«docteignorance»danslesEssais»,
Littératures,18,printemps1988,p.25-40.
24.Excidatilladiesaevo(Sylves,V,vers88).
25.Ibid.(Sylves,V,vers88).
26. Sur les ambiguïtés de la position de Christophe de Thou, Sylvie Daubresse, « Christophe de Thou et
CharlesIX:recherchessurlesrapportsentreleparlementdeParisetleprince(1560-1574)»,Histoire,économie
etsociété,1998,17e  année, n° 3[L’Étatcommefonctionnementsocio-symbolique],p.389-422. Ead., LeParlementde
Parisoulavoixdelaraison(1559-1589),Genève,LibrairieDroz,2005.
27.MarkGreengrass,«Introduction:returningtothemassacreofSaintBartholomew,1572-2022»,French
History,2022,XX,p.7.
28.«LettresdesroisdeFrance,desreines,princesethautspersonnagesduroyaume,auxévêques,chapitre,
gouverneur, bailli, maire, échevins, habitants et commune de Chartres 1296-1715 », Mémoires de la société
archéologiquedel’Orléanais,t.III,1855,p.126-127.
29.JudithLyon-Caen,art.cité.
30.Marie-ClartéLagrée,«C’estmoyquejepeins».Figuresdesoiàl’automnedelaRenaissance,Paris,Pressesde
l’universitéParis-Sorbonne,2012.
31. Robert Descimon, « Jacques Auguste de Thou (1553-1617) : une rupture intellectuelle, politique et
sociale»,Revuedel’histoiredesreligions,3,2009,p.485-495.
32. Brigitte Lourde, « “Sur les deux heures après la minuict…” : une écriture de la Saint-Barthélemy par
LaPopelinière»,inL’Instantfatal,ActesducolloqueinternationalorganiséparleCÉRÉdIetleGEMAS(Universitéde
laManouba,Tunis),lesjeudi13etvendredi14décembre2007,Jean-ClaudeArnould(dir.),Publicationsnumériquesdu
CÉRÉdI,«Actesdecolloquesetjournéesd’étude»,n°3,2009,enligne.
33.EstelleGrouas,«AuxoriginesdelalégendenoiredesderniersValois:l’HistoireuniverselledeJacques-Augustede
Thou»,inHommesdeloietpolitique:XVIe -XVIIIesiècles,HuguesDaussyetFrédériquePithou(dir.),Rennes,Presses
universitairesdeRennes,2007,p.77-87.
34. « Excidatilladiesaevo,neposteracredunt /Saecula:noscertetaceamus,etobrutamultà/ Noctetegipropriae
patiamurcriminagentis.»
35. Cf. Grégory Champeaud, « “Contenir le peuple en l’obéissance du Roy et la ville en paix” ? Élites
parlementairesetcrisesdesguerresdeReligion.LecasdesmassacresdelaSaint-Barthélemy»,inÉlitesetcrise
duXVI eauXXIe siècle,LaurentCoste,SylvieGuillaume(dir.),Paris,ArmandColin,2014,p.9-30;AndréThierry,
«Agrippad’AubignélecteurettraducteurdeJacques-AugustedeThou»,Albineana, Cahiersd’Aubigné,6,1995,
p.193-205.
36. MémoiresdelaviedeJacquesAugustedeThou,in Histoireuniverselle…depuis1543.Jusqu’en1607.Traduitesur
l’éditionlatinedeLondres,t.I,1543-1550,Londres,1734,p.13-14.L’Histoireuniverselle deJacques-Augustede
Thouprésentelesjeunesrois,FrançoisIIetCharlesIX,commedesprincessousinfluence,manipulésparleur
mèreetparleursplusprochesconseillers.MaisCharlesIXn’estpaspourautantexonérédelaresponsabilitéde
toussesactes.
37. Alexandre Tarrête, « Présages et prodiges chez Jacques-Auguste de Thou (1533-1617) », in Hasard et
Providence XIV e-XVII esiècles.ActesducinquantenairedelafondationduCESRetXLIXe ColloqueInternationald’Études
Humanistes,Tours, 3-9 juillet2006, Marie-Luce Demonet (dir.),Centre d’études supérieures dela Renaissance,
2007,p.93-115.
38.ArnaudWelfringer,«Preuveet parrêsiadansl’écrituredel’histoire:lesHistoriaesuitemporis deJacques-
AugustedeThou»,Littératuresclassiques,2017/3,n°94,p.127-143.
39.VoirJeanCéard, RébusdelaRenaissance:Histoiredurébus,Paris,MaisonneuveetLarose,1986;Marie-
LuceDemonet,LesVoixdusigne.NatureetoriginedulangageàlaRenaissance(1480-1580),Paris,Champion,1992.
40.Voltaire, LePyrrhonismedel’histoire,Paris,Garnier,1879 [ŒuvrescomplètesdeVoltaire],t.27,chap.XLII,
p.295-297.
41.DenisCrouzet, LaNuitdelaSaint-Barthélemy.UnrêveperdudelaRenaissance,Paris,Fayard,1994,p.27,
p.30etp.99.
42.Montaigne,Essais,II,12.
43.RaymondEsclapez,art.cité,p.25-40.
44.«NostravagaturIntenebrisneccaecapotestmenscernereverum.»VoirAdMargaritamregissororem,inMichel
deL’Hospital, Carmina,LivreII,DavidAmherdt,LaureChappuisSandoz,PerrineGalandetLorisPetris(éd.),
livreII,8,AdMargaritamregissororem,Genève,LibrairieDroz,2017.
45.AlainLegros,«Montaigne,sonéphémérideetlaSaint-Barthélemy:réflexionsautourd’unsilence»,in
Montaigne,penserentempsdeguerresdeReligion (colloquefranco-italiendanslecadredesAssisesdelaLaïcité,
Université Jean-Moulin-Lyon 3, oct. 2016), Thierry Gontier, Emiliano Ferrari, Nicola Panich (dir.), Paris,
ClassiquesGarnier,2022,p.85-99.
46.ArletteJouanna,Montaigne,Paris,Gallimard,2017,p.151.
47.PhilippeDesan,Montaigne,Unebiographiepolitique,Paris,OdileJacob,2014,p.123-131et236-238.
48.VoirAlainLegros,«Montaigne…»,art.cité; Essais,II,27:«Lavaillance…s’arrêteàvoirl’ennemiàsa
merci,maislapusillanimité[lâcheté],pourdirequ’elleestaussidelafête,n’ayantpusemêleràcepremierrôle,
prendpoursapartlesecond,dumassacreetdusang.Lesmeurtresdesvictoires,s’exercentordinairementpar
lepeuple,etparlesofficiersdubagage.Etcequifaitvoirtantdecruautésinouïesauxguerrespopulaires,c’est
quecettecanailledevulgaires’aguerritetsegendarmeàs’ensanglanterjusquesauxcoudes,etdéchiqueterun
corpsàsespieds,n’ayantressentiment[connaissance]d’autrevaillance.»
49.CitéinR.Esclapez,art.cité,p.38.
50.ArletteJouanna,«Montaignefaceàladéchirurereligieuseducorpspolitique»,inProtestantisme,nation,
identité. Hommage à Myriam Yardeni. Actes de la journée d’études du 7/10/2016, EPHE, Paris, Michelle
MagdeleineetVivianeRosen-Prest(dir.),Paris,2016,enligne.
51.JeanStarobinski,Montaigneenmouvement,Paris,Gallimard,1993,p.27-28.
52.CitationinTobiasVincentPowald,«LaChroniquedessentimentsdeAlexanderKluge:l’héritagedesEssais
deMicheldeMontaigneaprèsAuschwitzetStalingrad», TRANS-[Revuedelittératuregénéraleetcomparée],4,
2007,enligne.
53. RemonstranceaupeupledeFrance,in PierredeRonsard, ŒuvrescomplètesXI,PaulLaumonier(éd.),Paris,
Sociétédestextesfrançaismodernes,1990,p.71,v.143-146.
54.DominiqueBrancher,«Portraitd’AlainLegrosenpaumier»,BulletindelaSociétéinternationaledesamisde
Montaigne,Saveurdusavoir.MélangesAlainLegros,Paris,ClassiquesGarnier,2021,p.71-84.
55. Joanna Milstein, The Gondi. Family Strategy and Survival in Early Modern France, Ashgate, Farnham,
Burlington,2014.
56.AlexandreNicolai,«LemachiavélismedeMontaigne», B.S.I.A.M.,1957(p.11-21),1958(p.3-47)et1959
(p.2-8);etSylviaG.Sanders,«MontaigneetlesidéespolitiquesdeMachiavel», B.S.I.A.M.,avril-sept.1976,
p.85-99.
57. Géralde Nakam, Les Essais de Montaigne, miroir et procès de leur temps. Témoignage historique et création
littéraire,éditionrevue,corrigéeetmiseàjouravecunepréfaceinédite,Paris,A.G.Nizet,2001,p.217.
58. Mark Greengrass, Christendom Destroyed. Europe 1517-1678, Allen Lane-Penguin Books, Londres, 2014,
p.675.
59.AnnaCarlstedt,«“Parolesdetolérance”–stratagèmespoético-subversifsfaceauxcontroversesreligieuses
duXVIe siècle(oucommentrelireAgrippaetRonsardenSyrie)»,inLoxias-Colloques,18.Tolérance(s)II:Comment
définirlatolérance?,2021,enligne.Fructusbelli:«L’Incendie».Et«Cartond’unepiècedelatenturedesFructus
Belli (Fruits de la guerre), tissée à Bruxelles dans l’atelier de Jean Baudouyn avant 1549 pour Ferrante
Gonzague»[BenedettoPagniou JanCorneliszVermeyen],Détrempe surplusieursfeuillesdepapiercollées
bordàbordetcontre-colléessurtoile,CentredeConservationduLouvre.
60.Baudelaire,LesFleursdumal,«Rêveparisien».
61.MichelJeanneret,«Portraitdel’humanisteenProtée»,Diogène,n°174,avril-juin1996,p.111-123.
62.Ibid.,p.130.
63. Félix Guattari et John Johnston, « Vertige de l’immanence », Chimères. Revue des schizoanalyses, n° 38,
printemps2000.«Desplanssurlechaos»,p.13-30,p.16.
64.GenevièveDemerson, Doratetsontemps.Cultureclassiqueetprésenceaumonde,Clermont-Ferrand,Adosa,
1983,p.290-296.
65. Jean Dorat, Invictiss. Galliarum regis Caroli noni, piissimi justissimique principis, et acerrimi Christianae
religionis assertoris, tumulus, Jo. Aurato Poëta Regio, et alijs Clarissimis et doctissimis viris auctoribus, Ex officina
FedericiMorellitypographiregii,Paris,1574.
66. TatianaDebbagiBaranova,«Lavéritéetlesstratégiesd’accréditationdudiscourspolitiquependantles
guerresdeReligionenFrance»,in LaVérité,Jean-PhilippeGenet(dir.),Paris,ÉditionsdelaSorbonne,2015,
p.209-220.
67.PennyRoberts,«LaparoledelapaixenespaceciviqueautempsdesguerresdeReligion»,inLaParole
publique en ville, Stefano Simiz (dir.), Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2012, p. 167-
179.
68.JeandeMonluc,HarengueetadvisdeMonsieurl’EvesquedeValencesurlesremonstrancesfaictesparmessieurs
du Parlement de Paris : touchant la publication des lettres patentes de la majorité dudict Seigneur, publiées à Rouan,
1563,Ai.
69.CitéparPierreCouhault,«L’électionpolonaised’HenriIII,unmomentfondateur»,inL’HistoireàlaBnF
(2023,11mai).JeanChoisnin,«Discoursauvraydetoutcequis’estfaictetpassépourl’entièrenégociationde
l’électionduroydePolongne»,citéparIsabelleHaquet,«AuxyeuxdupeupledePolognelesportraitsd’Henri
deValois»,SeizièmeSiècle,n°14,2018,p.78.
70.JeandeMonluc,HaranguefaicteetprononceedelapartduRoyTresChrestien,le10. iourdumoisd’Avril1573,
ÀParis,ChezIeanRicherLibraire,1573,p.30.
71.DenisCrouzet,«Àproposdel’établissementdelaraisond’ÉtatetlaSaint-Barthélemy»,LesCahiersdu
CentredeRecherchesHistoriques,20,avril1998,p.49-65.
72.GuyHenry,«LesQuatrainsdePibrac», AnnalesduMidi:revuearchéologique,historiqueetphilologiquedela
Franceméridionale,t.15,n°60,1903,p.449-468.EtGuyduFaurdePibrac, LesQuatrains,LesPlaisirsdelavie
rustique,etautrespoésies,textesédités,introduitsetcommentésparLorisPetris,Genève,Droz,2004.
73.LorisPetris,«Entreunitéetvariété:éthiqueetesthétiquedansLesQuatrainsdePibrac»,Revuesuissedes
littératuresromanes,48,2004,p.49-69.
74.LorisPetris(éd.),LesQuatrains…,op.cit.,p.8-9.
75.RenéRadouant,«PibracetlaSaint-Barthélemy», Revued’HistoirelittérairedelaFrance,26 eannée,n°1,
1919,p.11-35.
76.GuyduFaurdePibrac,Traductiond’uneÉpistrelatined’unexcellentpersonnagedeceRoyaume,faicteparforme
deDiscours,suraucuneschosesdepuispeuadvenuesenFrance,ÀParis,Del’imprimeriedeFrédéricMorel,1573,
p.21(OrnatissimicujusdamviriderebusGallicisadStanislaumElvidiumepistola).
77.LorisPetrisprécisequec’estseulementen1576quel’éditiondes126quatrainsparaîtchezFrédéricMorel
àParis.
78.LorisPetris,«Entreunitéetvariété…»,art.cité,p.55.
79. François de Chantelouve, La Tragédie de feu Gaspard de Coligny, jadis Amiral de France, contenant ce qui
advintàParis le24.d’août 1572,avecle nomdespersonnages, Paris,N.Bonfons, 1575.VoirCharlotteBouteille-
Meister, « Mettre en scène le massacre du 24 août 1572 ? La Saint-Barthélemy ou l’actualité théâtrale
impossible»,Littératuresclassiques,2012/2,n°78,p.143-164.
80.GadSoussana,AlexisNoussetJacquesDerrida,Direl’événement,est-cepossible?SéminairedeMontréal,pour
JacquesDerrida,Paris,L’Harmattan,2001,p.79.
81. « Pourmoi l’indécidable est la condition de la décision, de l’événement » : Jacques Derrida, Sur Parole.
Instantanésphilosophiques,Paris,Éditionsdel’Aube,1999,p.52,citéinFrançoisRaffoul,«Derridaetl’éthiquede
l’impossible»,Revuedemétaphysiqueetdemorale,2007/1,n°53,p.73-88.
82.Commelenotaiten1972HenriDubief,«L’historiographiedelaSaint-Barthélemy»,inActesducolloque
L’AmiraldeColignyetsontemps(Paris,24-28octobre1972),Paris,SHPF,1974,p.352.
83.Surl’événement,voirClaudeRomano,L’Événementetlemonde,Paris,PUF,1998,etL’Événementetletemps,
Paris,PUF,1999.
84.AthanaseCoquerelFils,LaSaint-Barthélemy.ExtraitduPrécisdel’histoiredel’Égliseréforméepubliéeparla
NouvelleRevuedethéologie,ParisetGenève,J.Cherbuliez,1859,p.61,quicitelesRegistresdel’HôteldeVille,
en date des 25 et 26 août, deux mandements portant « que les quarteniers seuls, pour éviter émotion et
meurtres,aillententoutesles maisonsfaireauvrai etsansaucuneomission, surpeinedelavie,unrôledes
noms et surnoms des hommes, femmes et enfants, enjoignant aux maîtres et maîtresses, ou à ceux qui sont
logésèsmaisons,debiengardertouslesReligionnaires,qu’ilneleursoitfaitaucuntortnidéplaisir,aussisur
peinedelavie».
85.CharlesSamaran,«UnHumanisteitalien,GuidoLolgi,témoindelaSaint-Barthélemy»,inStudiinonore
duRiccardoFilangeri,vol.II,L’Artetipografica,Naples,1959,p.397-404.
86. « Récit d’un témoin oculaire sur la Saint-Barthélemy. Déposition notariée, faite à Heidelberg le
7septembre1572»,inRodolpheReuss(dir.),«UnnouveaurécitdelaSaint-Barthélemyparunbourgeoisde
Strasbourg»,Bulletinhistoriqueetlittéraire,SHPF,t.22,1873,p.378.
87. Guiseppe Canestrini et Abel Desjardins, Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, Paris,
Imprimerieimpériale,1865,t.III,p.855.
88.MyriamGilet,«Genèseetfortuned’unelégendedelaSaint-Barthélemy:Ladécapitationpostmortemde
l’AmiraldeColigny(1572-finduXVIIIesiècle)»,Bibliothèqued’HumanismeetRenaissance,t.81,n°2,2019,p.309-
332.
89.«Récitd’untémoinoculaire…»,art.cité,p.379.
90.NégociationsdiplomatiquesdelaFranceaveclaToscane,op.cit.,t.III,p.807:«Lesortdel’Amiralestdécidé
delonguemain.Lesunscroientqu’ilaététuésurordredonnéàM.deGuise;lesautresquecelui-ciaquittéle
palaisàl’insuduroi;lesautres,etc’estcequejecrois,queniM.d’AumaleniM.deGuisen’ysontpourrien,
maisquecelavientducardinaldeLorraine,deconcertavec leducdeSavoie,etlecomtedeRetz, etavecla
participationdeministresduroid’Espagne.»
91.Ilestmaîtred’hôtelduducd’Aumale.
92.SurlepersonnagedeCharlesdeTéligny,JulesDelaborde,«LesProtestantsàlacourdeSaint-Germain
lorsducolloquedePoissy»,Bulletinhistoriqueetlittéraire,SHPF,vol.23,n°10,1874,p.434-451.
93.NégociationsdiplomatiquesdelaFranceaveclaToscane,op.cit.,t.III,p.812-814.
94. Nicola Mary Sutherland, The Huguenot Struggle for Recognition, New Haven-London, Yale University
Press,1980,p.547-548.
95.Ibid.,p.549.
96. Stéphane Hellin, « Maurevert : étude de l’activité d’un tueur et de son entourage à partir des actes
notariés»,Revued’histoireduprotestantisme,2023,t.VIII,n°1,janv.-mars,p.11-22.
CHAPITREII

Unepolitiquedel’énigmeenprophétie1

Encollationnantlespseudo-sources-tracesdesjoursetnuitsdeSaint-Barthélemy,
l’historien se trouve confronté moins à ce qui a pu se passer qu’à ce qui rend
compte, en négatif, d’une présumée et souvent improbable logique qui aurait
déterminélebasculementdans laviolenceetl’expliquerait:uneinvasionpanique
desmots,unesubversionlangagièreviralequifaitduprésentuneénigme.Onentre
alorsdansuneduréeoppressante,dansuntempsd’événementialisationdufaux,du
recouvrement recommencé du faux par le faux. Comme si l’empilement du faux
avaitjouéaupointdedésorientertouslesacteurs,delesinsérerdansuneduréede
soupçons sans cesse reconditionnés et de les porter à se perdre dans les ruses de
l’indifférenciationdufauxetduvrai.

Gouvernerfaceàlafoliedesmots

Ici, il m’est apparu qu’il ne fallait pas en rester là, bloqué par les antinomies
généréespardesdiscourscomposésàpartirdecollagesdebruitsetrépondantàdes
jeux différents d’intentionnalités politico-religieuses. Il fallait avancer
systémiquement en procédant de l’intérieur même des jeux de déstructuration du
langage en considérant l’histoire de la Saint-Barthélemy comme une énigme par
laquellelepouvoirroyalacherchéàopérerparcontournementspouréviterqueles
pièges de l’histoire ne se referment sur lui et est intervenu par le langage en
mobilisantlapartsacréedesonêtrecontrecequ’ilestimaitêtrelafoliedesmots.
Enscrutantlesjalonstragiquesquesontlesmilliersdemortsdumassacre,jeme
suis demandé si, en remontant dans les arcanes d’un pouvoir se couvrant de la
«nécessité»pourlaissertueretdansl’imaginaired’un«peuple»parisientueuret
heureux de tuer, de faire tuer, ce n’était pas une forme de mystère qu’il fallait
identifier,un«mystère»ausenssacralquiauraitétéàl’œuvreetquicontribuerait
àl’énigmatiquedel’événement.Danslesprofondeursdumassacrecollectifcomme
desexécutionsplanifiéesdescapitainesprotestants,n’est-cepasleDieu-énigmede
l’Ancien Testament qui aurait parlé et imposé ses exigences, et dont le pouvoir
royalauraitadoptélelangagesansparoles?UnDieuquisemanifesteendépassant
l’entendement des humains et dont la manifestation expliquerait la puissance de
violence à l’œuvre dans Paris contre ceux qui étaient réputés avoir « la nuque
raide2»?UnDieudontlagloireestde«celareverbum»(Pr25,2)?
Je poserai l’hypothèse qu’il y aurait eu une mimétique sacrale, de la part de
Charles IX et Catherine de Médicis, dans le contexte de tensions extrêmes et des
débridements angoissants du langage qui suivirent l’attentat contre Coligny. Ne
riendiredestableoud’assuré,procéderparcontreditsentrele24etles26-27août,
continuerensuitedanslescontradictionsetlessilences,n’était-cepasjoueràfaire
placeà latranscendanceintervenant dansla sphèredes hommes? S’il ya énigme
surlaquestiondelaprisededécisiondedétruireleprotestantismemilitaire,c’est
quel’énigmeestlecœurdupouvoirsacrédusecondXVIesiècle.
Unindiceprécieuxpeutalorsêtremisenexergue:ils’agitd’unenotationd’Albert
de Gondi rapportant la réaction de Catherine de Médicis lorsque, le 22 août, elle
apprend la nouvelle de la tentative de meurtre de Coligny. La reine mère, selon
l’hommequil’auraitinformée,seraitdemeuréeimpassibleetnelaissarienparaître
desessentimentsousesémotions:«Gondim’aditquelapremièrepersonnequi
vintannonceràlareinemèrecommentonavaitfaitunearquebusadeàl’Amiral,la
trouvacalme,sansaucuneexpressionsursonvisage,cequisembleindiquerqu’elle
savait ce qui se faisait. Aussitôt arriva M. d’Anjou. La reine mère et le fils
s’enfermèrent dans une chambre3 . » Rien ne filtre alors de ce que mère et fils se
seraientdit.Toutefois,unenotationproblématiquemetleroidanslamêmeculture
des apparences invisibles : lorsque, sans doute le lendemain, un des présumés
huguenots conjurés lui fait part du complot tout en sollicitant son pardon,
CharlesIX«nes’espouventapasetnelaissapasdevinersapensée».
Cetteimpaviditépeutêtrepartagéeentrelamèreetlefilsesttoutàfaitfascinante.
C’estelle quiva ensuitepermettre àCatherine deMédicis dese teniren position
d’écoutedeshommesquisontconvoquéspourassisterauxconseilsquiauraientété
tenusdanslasoiréedu23aoûtetdelaisserleursparoless’exprimerjusqu’àcequ’un
glissementseproduiseverscequiauraitétéunedécisionroyale.Làencore,lamise
en énigme de soi n’eut-elle pas pour fin, dans cette dissimulation du cœur de la
reinemère,deprojeterl’histoiredansuncrimesacrérépondantàlavolontédece
Dieuretenantsaparole?Quelquesannéesplustard,ennovembre-décembre1578,
Catherine de Médicis, dans une lettre à Henri III qui est aussi une forme
d’instructionpédagogique,écritque,danslecoursdesnégociationsqu’elleconduit
alorsaveclesprotestants,uneformed’impassibilitéesttemporairementd’actualité.
Ilnefautsurtoutpasmanifesterde«grandedémonstrationeteffectextérieur».La
patienceestsynonymed’unartducontrôledesoietdesessentiments.Entoutcas,
c’est à « un aultre temps », et « comme les occasions se présenteront », qu’il est
nécessaire de remettre, « de le faire sentir à ceulx qui en sont les autheurs et
coupables 4». Ladissimulationdes émotionsetpensées est-elleiciconçue comme
unexercicedelavertudepatiencequiestdestinéeàsolliciter«l’aidedeDieu»?
Ellen’exclutentoutcaspaslerecoursàlacolère,les«cryeries»maniéescomme
un droit juste face à l’insoumission, dont se sont servis Moïse, Phinées, Élie,
Mattathias5 .
Cettemiseenénigmedesoi-mêmenes’est-ellepastrouvéedédoubléeenquelque
sortedanslepersonnagedeCharlesIXqui,rapporte-t-on,oscilladurantlanuitdu
23au24août,théâtralement,entremesureetcolère,entrelarmesetjoie,fureuret
désengagement,sansdoutepourmieux abandonnerl’histoireàun Dieuénigme?
Unroi,selonRonsard,«d’unespritpromptetvif,entredouxetcolère»?Unroi
rusé,«éloquentetdiscret»,et«Saturnienaureste»puisquesachant«cacherson
secret»àl’imageduDieudontiltientsonautorité6.CharlesIXouunsouverainde
l’introversion contrôlée comme un outil de la gestion de la chose politique et de
mobilisation de la part sacrée qu’il a face à lui-même. Et donc un roi en
complémentarité avec sa mère, réputée d’esprit jovien et concevant l’exercice du
pouvoircommeunjeudeconjonctionoucomplémentationdescontraires?
Venons-eniciàl’écritureduroi.Elleprocèdeparémiettement,aprèslapremière
séquence qu’il passa, de façon revendiquée, dès le 24 août en fin de matinée, à
désimpliquerlaroyautéd’uneviolenceimputéeàunevendettaentredeuxmaisons
aristocratiques.
Messieurs,vousaurezpuentendrecommemoncousinl’amiralfutblesséavant-hieretcommej’estoisaprès
àfairetoutcequ’ilm’estoitpossiblepourlavérificationdufaitetenfairesigrandeetpromptejusticequ’il
enfutsexemplepourtoutmonroyaume;àquoyilnes’estrienoubliédepuis.Ilestadvenuquemescousins
dela maison de Guiseet les autresseigneurs et gentilshommesqui les adhèrentn’ayant eu parten ceste
ville, comme chacun scait, ayant sceu certainement que les amis de mon dict cousin l’amiral vouloient
poursuivreetexécutersureuxvengeancedesablessurepourlessoupçonnerencestecauseetoccasion,se
sont esmus cette nuit passée si bien qu’entre les uns et les autres il s’est passé une grande et lamentable
sédition, ayant esté forcés le corps de garde qui avoit esté ordonné à l’entour de la maison du dit sieur
amiral,luituéavecquelquesautresgentilshommes,commeilenaaussiétémassacréplusieursautresenla
ville;cequiestmuavectellefuriequ’iln’aestépossibled’yapporterleremèdetelquel’oneustpudésirer,
ayanteuassésaffaireàemployerdemesgardesetautresforcespourmetenirleplusfortencechasteaudu
Louvre,affinaussidedonnerordrepartoutd’apaiserséditionquiestgrâceàDieuàcetteheure amortie,
étantadvenueparlaquerelleparticulièrequiestdèslongtempsentrecesdeuxmaisons.7

Leroinesetientpasdonclui-mêmehorsdecettehistoiresansvéritémaisils’y
insèreintentionnellemententantqueceluiquiaétécirconvenuetdésorientépar
une « sédition » qui, si elle était dirigée contre Coligny et les siens, visait aussi
implicitement sa politique. Le même jour encore, Charles IX fait usage du
subterfuge qu’il veut accréditer en France même ; il informe ainsi Bertrand de
SalignacdelaMothe-Fénelon,sonambassadeurauprèsdelareineÉlisabeth,qu’une
rixeentreceuxdeGuiseetdel’Amiral,causéeparl’accidentdu22août,n’apuêtre
niprévenueni«arrêtée8».Dèsle25aoûtetdoncavantleLitdejusticedu26août,
la version des faits est déjà réorientée ou refabriquée : une conspiration des
réformés réunis dans Paris contre le roi, ses frères et la reine mère est alléguée ;
c’estdéjàl’argumentairequereprendGuyduFaurdePibraclelendemaindevantle
Parlement.
LalettredeCharlesIX,composéele26août 9,paraîtavoirpourfindemettreun
point final à une perte de contrôle du langage par le pouvoir royal : le roi
commenceparrappelerque,levendredi22août,unearquebusadeablessél’Amiral
etilmetl’accentsurlemerveilleuxregretqu’ilaéprouvétoutdesuite,d’autantqu’il
avait le pressentiment immédiat que « tel accident seroyt suivy d’ung plus grand
mal»malgrétousleseffortsauxquelsilseraitprocédépouridentifierlescoupables
etleschâtier.L’objectifdelalettre,danslacontinuitédeladéclarationprésentéeau
Parlement le jour même, est de mettre fin aux rumeurs qui ont couru et à leur
puissance déstabilisante. Le roi n’accuse personne, et il n’est plus question de
vendetta,ilsouligneavoirapprisaprèslesamedi23aoûtquel’Amiraletlessiens,
«lesquelzestoyentfortzetengrandnombreencesteville,sedeffiantqu’ilfustfaict
justice dudit attentat, et sans avoir la patience de veoir et cognoistre les effetz de
mon intention, se deslibéroient d’en prendre eulx-mesmes la vengeance non-
seullementsurceulxdeGuise,maisaussysurtousceulxdesquelzilzestoiententrez
ensoubçon».
Directement, Charles IX met en cause un phénomène d’exaspération ou
d’inflammation du langage parmi les huguenots, une situation d’emportement
incontrôlé qui l’a contraint à laisser « ausdits de Guise » le soin de procéder à
l’exécution de l’Amiral et de « tous ses adhérens », exécution qui a été
« accompagnée d’une esmotion populaire » à l’occasion de laquelle « ce feu ainsy
alluméiracourantpartouteslesvillesdemonroyaume».Lalettreneparlepasde
complot, elle souligne que le roi a agi sous la contrainte afin de briser un
encerclementverbalquiledépossédaitdesonpouvoirdemaîtredesmotsetdonc
dedétenteurdusavoirluipermettantderégnersereinement.
L’importantestqueCharlesIX,s’iljoueaveclesmotspourcontrerleurpotentiel
crisique, écrit, le 26 août, avec une intention bien identifiable, qui biaise son
écriture:eneffet,ilsouhaitequeleducd’Albesoitmisaucourantdesesintentions
pacifiquesetnesetrompepassurcequedoiventêtrelesrelationsentrelaFranceet
l’Espagne ; il suggère que la violence massacrante du 24 août a procédé d’un
engrenagedontledéclenchementaviséàrompreladynamiqued’uneagitationou
d’une effervescence du langage périlleuse pour la paix civile et pour sa mission
mêmed’être le défenseurdu bien public.Pour prévenir l’exécutiondes projets de
Coligny et de ses adhérents contre les Guise, « il a été contraint permettre et
donner moyen à ces derniers de courir sus audit amiral, comme ils ont fait ; et
d’autantquecestediteexécutionaestéaccompagnéed’uneesmotionpopulaire,ung
très-grandnombredeceulxdelanouvellereligionontestémassacrezettaillezen
pièces…»
Dansl’ignoranceoùl’onétaitdel’identitédesauteursdel’attentatetenanticipant
sur les conclusions de l’enquête ordonnée par la royauté, les huguenots, selon
CharlesIX,se sontattribué lamaîtrise dulangageet, parlà même,de l’histoireà
laquelle ils ont voulu imposer le sens qu’ils désiraient ; et de la sorte, ils se sont
emparésdecequirevenaitauseulroi:c’est-à-diredelapuissancerégulatriced’une
éloquence10 cimentant l’unité du royaume et triomphant de la force par sa seule
pertinence.Ilssesontappropriécequirelevaitduroi,dispensateurdelavéritéet
delapaixdesâmes,parcequecequ’ilditfaitdesonrègneunrègnedelavertude
prudence11 .
CequedonneàdevinerCharlesIXàsoncorrespondantest,eneffet,quec’estla
prudencequil’aguidéetqu’ilneveutqu’être,«puisqu’ilapleuàDieuconduireles
choses és termes où elles sont », le restaurateur, si cela lui est possible, « d’un
perpétuel repos en mon royaume, mais aussi servir à la chrestienté ». Le roi, ici,
intègreleMystèredansl’événement.AuxPays-Bas,ilfautpersuaderleducd’Albe
derenvoyerenFranceleshuguenotsfaitsprisonnierslorsdeladéfaitedeGenliset
leshommesquientourentleprinced’Orange.Ilfautquelesgensdeguerrequisont
danslaplacedeMonssoienttaillésenpiècespourqu’ilsnerentrentpasenFrance
pourfomenterdestroubles.Ilfautdireetredireauducd’AlbequeleroideFrance
neveutquelapaixavecleroid’Espagneetquelesbruitsquipeuventluiparvenir
ne viennent que de ceux qui entretiennent une démence néfaste du langage.
Implicitement,CharlesIXdonneàentendrequ’ilyaune«voix»quiparleetditle
vrai, qui vient « d’en haut12 », qui unit et réunit les humains, qui apprivoise les
«hommespleinsd’effroy»enlesconjoignantgrâceaunœudqueforment«laFoi,
laLoi,leRoi».
C’estcettevoixquiestàl’originedescités.C’estlaNaturequiadonnéàl’homme
ainsileParlerquiestlefilsdel’Espritetquiporteàlaconcordeetdoncàlavertu13.
Il existe aussi une autre voix, porteuse de confusion, de discordance,
d’ensauvagement,etquine saitquedéfairel’unitédumonde.Ilestpossibleicide
citer ce que proclamera Guy Le Fèvre de La Boderie à propos de cette voix
synonyme d’une folie du langage propageant la mort et l’abomination de la
désolation14. Cette voix est telle la voix de la sorcière, désaccordée et confuse,
ensauvagée,évoquéeen1578danslaGalliade 15:
…elledesployeunevoixenrouée
Plusqu’herbesouveninspuissante,etavouée
DesEspritsinfernaux:ensongosierprofond
Unestrangemurmureellemesleetconfond,
Etfaitnaistredescrisduventdesonhaleine,
Debeaucoupdiscordantsdetoutelanguehumaine.
Elledesongosiercontrefaitmillevois,
LeshurlementsdesLoups,etdesChienslesabbois,
LeHouhoudesChouans,lecrydelaFresaye,
Lebruitougrongnementdel’OurseoudelaLaye,
LemugirdesToreaux,lerugirdesLions,
Lebarrird’Elefant,etmillemillions
Devoixdesanimauxensagorgeconjoinctes16…

Le parler est le propre de l’homme, mais, s’il n’est pas articulé en priorité pour
entretenirlacommunicationentreleshommesets’ilneproduitquedeladiscorde,
il devient un danger parce qu’il rompt l’unité des créatures faites par Dieu à son
image.Lalanguedu roi,àl’opposé, sedoitd’êtretransparentecomme l’eaud’une
source.Lorsdel’entréedansToulousequ’accomplit,le1 erfévrier1565,CharlesIX
àl’occasiondesongrandtour,ilputvoir,devantl’égliseSaint-Barthélemy,surle
piédestal d’une colonne portant une figuration de la Paix, le personnage de
Discorde « en forme de femme s’arrachant les cheveux, ayant le visage triste et
furieux, les dents rolheuses », portant une robe « toute dechirée ». Surtout elle
montrait une « langue grosse et pleine de sang » et une « bouche emplie de
dragons » symbolisant la langue dissolue et destructrice que parlent ceux qui
rompentlaconcordequandilsusentdemotsfaisantéclaterl’unionquidoitrégirle
rapport du roi à son peuple17 . Nouvel Hercule, Charles IX est pour Ronsard le
« chasse-mal, et sauveur18 », il est le détenteur de la puissance de l’éloquence qui
permet que ce qui sort de sa bouche – celle de l’Hercule gaulois – soit reçu
immédiatementparsessujetsàtraverslesymboled’unechaînerentrantdansleurs
oreilles.
Ce qui métamorphose Hercule en celui que Lucien décrivait comme ayant
accompli ses travaux « par le discours », et donc plus par la persuasion et la
prudence que par la force, est la parole synonyme de sagesse et de paideia 19. Au
point que l’on peut se demander si, sur la médaille frappée après la Saint-
Barthélemy et représentant Charles IX en Hercule portant la peau du lion de
Néméeetcombattant,avecl’épée-massueetlefeu 20,l’hydresymboliquedel’hérésie
nepeutpasêtrelueàunsecondniveaucryptique:lesquatretêtesdumonstrene
sont-ellespas à aussi les évocations de médisance,envie, ignorance, calomnie, les
vicesquipeuventsubvertirlelangageetenfairel’outildumal?Nerenvoient-elles
pasàcequeJulesCésarScaligerexprimaitdanssaPoétiqueàproposdel’allégorieet
du jeu énigmatique qu’elle objectivait : « une figure par laquelle nous disons une
choseetnousenfaisonscomprendreuneautre21»?
Ne faut-il pas deviner un hypersens qui serait celui d’un roi héros reprenant le
pouvoir sur le langage en anéantissant, par sa vertu de prudence divinement
suscitée, la mauvaise parole qu’est la parole multiple, désarticulée, affolée et
affolante,etquis’estemparéedelacouretdelaville?Neserait-cepas«mauvaise
bouche»répandant«detraction»et«susurration»,rumeursetmurmures 22,qui
serait ainsi énigmatiquement mise en accusation et dont l’éradication serait
exhibée?Une«mauvaisebouche»qui,surlafinaoût1572,auraitfaitcouriràla
res publica le risque soit d’une « grande guerre », soit d’un « incendie des plus
dangereux»,pourévoquerl’effetnocifdelaparoleaffolantedéfinieparÉrasme23 ?
Et,danscetteperspective,ne faudrait-ilpasciterMichelde L’Hospitaldéfinissant
« le mensonge, l’hypocrisie, le parjure, la trahison, la flatterie, l’imprudence, la
violence,l’iniquité,larébellionetdésobéyssanceauxmagistrats,laguerre»comme
« l’escorte, garde et satellites de l’injustice » dont le jeu pervers est de
«finablement»promouvoir«laruynepublique24 »?
La question qui s’impose alors est la suivante : dans l’affolement des bruits et
contre-bruits,danslamontéeenforced’uneparoleimpureetdangereusedurantles
journées et nuits du 22 et du 23 août, ne se serait-il pas agi pour Catherine de
MédicisetCharlesIXdese résoudreàunactecriminel pourévitercette«ruyne
publique»entraînantleroyaumedanslesspiralesinhumainesdelahaineetdela
vengeance, et donc de faire acte de prudence en faisant basculer le pouvoir royal
dans ce qui serait sa part sacrée lui permettant d’aller à la rencontre des attentes
divines,l’énigme?Maisensuitenes’est-ilpasagidelutterànouveauparl’outilde
la prudence contre les effets mêmes d’une décision qui n’avait pas de lisibilité
immédiate et qui n’en finissait pas de réamorcer l’hystérisation du langage ?
CharlesIXneprécise-t-ilpasàClaudedeMondoucet,toujoursle26août,qu’«en
telzaffairesilfaultprendregardedeprèsàtoutévénement»etdoncêtresurses
gardesàproposdetoutcequ’onpeutdireetquipeutsedire,pournepasêtrepris
aupiègeparlaductilitéoudelaperversitéinhérenteàtouténoncéfactuel?Cequi
donneàentendrequ’ilfaudraitdemeurerdansunsuspensdesmots,etdoncdans
une énigmatique qui neutralise ce potentiel négatif du langage. D’ailleurs, aucun
compterenduofficieldecequ’ilauraitditdevantleParlementnesubsiste,comme
s’ilavaitéténécessairedenepaslaisserdetracesdecequ’ilauraitrelaté25:«Sadite
majestédéclarequecequienestainsiadvenuaétéparsonexprèscommandement,
etnonpourcauseaucunedelaReligion,necontreveniràseséditsdepacification
qu’il a toujours entendu comme veut et entend observer, garder et entretenir,
[mais] pour obvier et prévenir l’exécution d’une malheureuse et détestable
conspiration faite par ledit amiral, chef et auteur d’icelle et ses adhérents et
complices. » Une source avance que, dans une conversation particulière,
ChristophedeThouauraitfaitpartauroidesesreproches:«Silaconjurationest
vraie,pourquoin’avez-vouspaspunilescoupablessuivantlesloix26 ?»Maisc’est
surlethèmeducomplotquelalégitimationducomplotestformuléedésormais.
Par-delà toutes les sources qui ont été spontanément ou intentionnellement
générées dans la proximité temporelle du massacre et qui demeurent aujourd’hui
encoredisponibles,lescausesmotricesdel’explosiondeviolenced’août1572,telles
qu’elles sont restituées par l’historiographie, n’en restent pas moins aléatoires et
contestables,malgrél’acharnementdescontemporainspuisdeshistoriensàtenter
de comprendre, de dénoncer ou légitimer, et donc de rationaliser ce qui était
advenu27.L’historienquis’appuie,mêmedemanièrecritique,surcessources,nese
retrouve-t-ilpasfatalementsous l’emprisedesconjecturespourtant inscritesdans
ce qui fut à l’origine du tragique et qui a ensuite continué à régir le champ du
discours, l’affolement du langage ? Cette obsession n’invite-t-elle pas à faire table
rased’unsystèmealternantassertionsetcontre-assertions?L’histoire,aujourd’hui
et tout autant si ce n’est plus qu’auparavant, continue à se cristalliser de manière
critique, toujours et encore, sur cet affolement des mots qui perdure après le
massacre en multipliant l’identification a posteriori de tensions virtuellement
conflictuelles et plus ou moins rémanentes mettant en cause la religion ou
l’ambition, la politique ou la peur, sur le rôle d’acteurs fixant en eux une
« responsabilité » ou tentant de mettre celle-ci à distance d’eux-mêmes en la
reportant sur d’autres personnages, sur des passions comme la vengeance ou la
convoitised’unbutinpermettantauxtueursdepayerleursdettes,des’enrichiraux
dépensdevoisinsriches28 .Nefaut-ilpasenappeleràunedéprisedetoutcequia
puêtreécritoudit,danslamesureoùchercherunevéracitéàpartird’informations
sortiesd’unlangagehystériséreviendraitàcheminerdansuneimpasse?
Ne faudrait-il pas se résoudre à inventer une historicisation de la Saint-
Barthélemy sans le recours aux mots qui ont alors submergé la sphère de la
communication et créé la spirale effrayante dont la monarchie cherchait à
débarrasser,pardesstratagèmesdelangage,l’espacepublic?CatherinedeMédicis
elle-même,danslalettrequ’ellefaitrédigeràl’intentiondePhilippeIIle29août,
exprimetoutd’abordsagratitudeenverslaProvidencepouravoiroffertauRoile
«moyendesedéfairedesessujetsrebellesàDieuetàluietdenepastombereux
tous dans leurs mains cruelles ». Elle dit tout son espoir de retirer d’un tel
événement de grands avantages, et elle se réjouit de penser que cette occasion
fortifieralesliensd’amitiéentrelacourd’Espagneetleroisonfils29.Maissalettre
estunvideinformatif,unstratagèmeénigmatiquequiluipermetdefuirdevantce
qu’elle sait ou ne sait pas, et d’essayer de préserver ce à quoi elle tient, sa
«réputation»enlaquelleelleimaginequePhilippeIIcroit.

Prudenceetstratagèmes:quedireetnepasdire?

Charles IX, le 27 août, affirme pour sa part qu’il prise si haut l’amitié de
l’Angleterre qu’il souhaite vivement que le mariage du duc d’Alençon, son frère,
avecÉlisabeths’effectue30.Etlemotifduprétenducomplotrevientinvariablement
dansseslettres.Iladû,poursegarantirdudanger,sefortifierdansleLouvreavec
sesfrèresetlareine,et«lâcherlamain»àMM.deGuise;iln’apasétépossible
ensuited’arrêterlepeuple31.Danssesrelationsaveclesliguessuisses,CharlesIXne
déviepasdecetterhétoriquequi,àsesyeux,devaitreleverdelavertudeprudence
encequ’elleavaitpourfind’anesthésierladémesurevoiredémencedesmotsqui,à
contresens de ce que la violence avait eu pour fin de produire, ne cessait de
s’amplifier;mais,cettefois,désespérantdeparveniràpersuaderlescantonssuisses
protestants que Coligny et les siens avaient conspiré, il rejette la faute sur les
auteursdel’arquebusadeetattesteque,voulantprévenirlesrésultatsdel’enquête,
«ils»s’étaientportésaulogisdel’Amiralenameutantlepeuple,qu’ilavaiteuassez
à faire, pour sa part, de se garder au Louvre avec la reine, les princes et les
princesses.C’est-à-direque,troisjoursaprèsledébutdumassacre,ilenrevientàce
qui était seulement implicite dans sa déclaration de la matinée du 24 août ! Une
vendettaayantéchouéetdonctransforméeenuneviolencepréventive!
Toutefois, Sa Majesté dit espérer, affirment les ambassadeurs, conserver « son
royaumeenbonreposquiaétédepuissondernieréditdepacification,maispour
regard des grandes levées et assemblées de gens de guerre qui se font en divers
endroits,mêmeèsPays-Bas,oùl’onnesaitencoredequelcôtéDieuferainclinerla
victoire».Leroiinsisteensuitesursontrèsvifdésirdedemeureruniaveclanation
des Ligues, de la secourir, de la faire craindre et admirer par ses voisins, quelque
grandsqu’ilssoient,etilseditlemeilleuretleplusparfaitamiquecettenationait
jamaiseu.Lapolitiqueestainsilefaitd’unroiayantintériorisélafiguredeProtée
et qui, lui-même et sans qu’il y ait besoin d’impliquer une connaissance de
Machiavel, joue de la malléabilité ou flexibilité du langage et rentre pleinement,
pour neutraliser ou enrayer le potentiel négatif des mots, dans des stratégies de
communication qu’il veut apaisées ou neutralisées. Au point de réactualiser,
soudain,sapremièredéclarationmettantencauseunevendettaaristocratique.
Charles IX ne négligea rien pour que son temps et la postérité connussent le
moinspossible,àParisetpartout,cequ’auraientétélesobscurssecretsdelaSaint-
Barthélemy. Ainsi nous transmet-il un message trop ignoré par l’histoire, c’est-à-
dire qu’il faut comprendre le massacre comme une énigme entretenue par le
pouvoirroyal à force de contradictions pourtantmaîtrisées. Le roi utilisacomme
armeslacontradictionportéeparsapropreparoleetdonclamiseenénigmequien
résultait. Nous en avons la preuve dans sa lettre un peu tardive, datée du
24 mars 1573, à Monsieur de Cesy, Achille de Harlay, membre de son Conseil
privé,etpremierprésidentauParlementdeParis:
MonsieurlePrésident,luiécrit-il,afinquecequevousavezdressédeschosespasséesàlaSaint-Barthélemy
nepuisseestrepubliéparmylepeupleetmesmemententrelesétrangers,commeilyenatoujoursquise
meslent d’escripre et qui pourroient prendre occasion d’y respondre, je vous prie qu’il n’en soit rien
impriménydufrançoisnydulatin,mais,sienavezretenuquelquechose,legarderversvouscommejefais
cequem’enavezenvoyé,quej’ayfaictseulementescripreàlamainpourm’enservirenungseulendroict32.
Leroirévèleiciqu’ilya,aucœurdesonpouvoir,uneimpossibilitésaturnienneà
dire et que donc tous ses efforts visent et ont visé à maintenir l’aporie sur
l’événementdu24août.
GrégoireXIIIreçutdirectement d’AntonioMariaSalviatila nouvellede lamort
del’Amiraletdesautresprotestants.Lesdépêchesdunonce,ellesaussi,concordent
avec celles du roi et de la reine mère, et des divers représentants des cours
étrangères à Paris. Dans sa missive qui semble datée du jour même du dimanche
24août,ilrappellequ’ilavaitécritaupapeenchiffres,cesjourspassés,quel’Amiral
s’avançaittropetqu’onfiniraitparluitaper«surlesongles»(«sulleunghie»).Ildit
sasatisfactiondesavoirquelaProvidenceavaitsibiencommencélepontificatde
SaSainteté:caravaientétéarrachéesàParisles«racinespestilentielles»avecune
grande « prudence », alors que « tous les rebelles » se trouvaient présent dans la
capitale. Des femmes catholiques portent désormais les petits enfants des
protestantsauxéglisespourlesfairebaptiser.Leroietsamèreparaissentsouhaiter
queleducd’AlbefassepérirGenlisetlesautresprisonniers,carilsontpeurqu’une
foislibérésilsaccourentpourfairelaguerrecivile!LeroideNavarreestlibreau
Louvre,etsaconversionsembleprochaine;leprincedeCondéestplusobstiné33.
Toutvadoncbien.
Le 27 août, Antonio Maria Salviati fournit au souverain Pontife des précisions
complémentaires,toutendonnantàentendrequ’ilavaiteuventd’élémentslaissant
penseràuneresponsabilitémonarchiquedansl’arquebusadedu22aoûtetdansle
choix de la violence en général. Le roi et la reine mère l’ont prié, assure-t-il,
d’expédieraupapeuncourrierassurantqu’ilsneveulentquelebiendelareligion
catholique;ilssongenttoutefoisàrenouvelerl’éditdepacificationetàconserverla
libertéduculteprotestant;ils’agitpoureuxdepréserverleroyaumeetd’empêcher
lemassacredeplusde40000personnes,quiseraitinévitablesionlaissaitdesarmes
danslesmainsdu«peuple».LaFranceseraitrempliedemeurtres,commeilena
étéàParis;lesAllemandsetlesAnglaissemobiliseraientpourapporterdusecours
aux huguenots français, le pays retomberait dans la guerre civile. Toutefois,
CatherinedeMédicisacertifiéquelavolontéroyaleestde«peuàpeu»restaurer
l’unitéreligieuseduroyaumeautermed’uneséquencequiverraitleroirevenirsur
sonéditde157034.Laprudencemonarchiqueconsistealors,onlecomprendbien,à
intégrerlepouvoirroyaldanslemassacre,àlefaireentrerdanslechampmêmede
laproliférationdesmotsetdeleurfolie.
Le 2 septembre, le nonce soutient avoir enfin reçu des précisions à apporter à
proposdel’attentatdu22août,danslecadredel’enquêtequ’ilmèneàproposdela
causedes «uccisionideliUgonotti».Ilfautremonterici,selonlui,àlaprééminence
acquise par Coligny à la cour « che quasi governa » au grand déplaisir de Jean de
Morvillier,du comtede Retzet de «altri », etsuscitant la « grande gelosia» de la
reine mère qui se concerta avec la duchesse de Nemours. D’où un accord secret
pourfairearquebuserColigny,auquel,surl’injonctiondesamère,leducdeGuise
fut partie prenante et dont fut aussi informé le duc d’Anjou. Tous sauf le roi.
CatherinedeMédicis,ayantconstatél’échecdel’attentatetprenantconsciencedu
dangerquiplanaitdésormaissurelledufaitdel’indignationdela «Ugonottaria»,
laquellen’acceptaitpasdecroirequel’arquebusadeaitpuêtretirée«dainsidiatori
mandati dal Duca d’Alba », se rendit auprès du roi pour l’exhorter « a la uccisione
seguita di tutti ». Pour l’instant, le roi a décidé de donner la vie sauve à quelques
nobleshuguenots.Etdonclenonceparticiped’unerechargedel’hystérisationdes
mots!
Mais il n’en reste pas à ces données impliquant le pouvoir monarchique. Le
22 septembre, il reconnaît que, dans ses dépêches antérieures, il a raconté
seulementcequ’ilpouvaitalorsraconter,surtoutàproposdescausesetdesdétails
de l’arquebusade ; il a bien fait connaître, ajoute-t-il, à qui il faut attribuer les
dernières résolutions relatives au massacre de tant de personnes (« di tanti ») et
quelsontétéleschefsprincipauxetlesexécuteurs.S’iln’apasfournitouslesdétails,
c’estenraisondeladifficultéqu’ilyaàdécouvrir«lavérité».Àtitred’exemplede
ceflouenquelquesorteimparable,ilrapportequeceuxquisevantentd’avoirtué
l’AmiralsontsinombreuxàParisquelaplaceNavonenelescontiendraitpas.500
hommesdupeupleontpériàRouen,augrandregretduroi,dontl’intentionétait
desedéfaireseulementdeschefs,lesquelsentraînentlesautres.Leplusimportant,
ilfautlerépéter,estpourlenonceapostoliquecettevéritéintrouvable:«Etsij’ai
laissé quelques autres détails à écrire, c’est que n’en a pas été une petite cause la
grandedifficultéqu’ilyadanscepaysàtrouverlavéritédeschoses,desortequ’ily
a tant de gens qui disent qu’ils ont tué l’Amiral de leur propre main, que si sa
chambreavaitétéPiazzaNavona,ellen’auraitpasconnudecalmedurantlamoitié
delajournée».Parmiceuxquirevendiquentl’assassinat,etparmid’autres,ilyale
dénomméPietroPaoloTosinghi,quiarboreàsoncoulachaînequel’Amiralavait
coutume de porter ; ce qui donne du poids à sa prétention. Mais nombreux sont
ceuxquisemettentenavant«avectouslesargumentsoupreuvesquipeuventêtre
dits».Ilyenad’autresquiprétendentavoirtuéBriquemaultets’envantentauprès
duroi.Unformulaireaétérédigépourlesnéobaptisés.Endéfinitive,la«vérité»
s’estompedevantunroivertueuxquiestunfidèleserviteurdel’Église.
Les12et13septembre,CatherinedeMédicis,poursapart,s’efforcederenouer
l’allianceanglaisequasirompueparlesnouvellesvenuesdeFrance.Elleveut,dit-
elle, continuer la négociation à propos du mariage avec Élisabeth. L’ambassadeur
FrancisWalsingham,avecquielleaeurécemmentuneconversationimportante,a
tort de craindre que les derniers événements ne rendent cette union désormais
impossible.LamortdeColignyneporteaucunementatteinteàl’allianceanglaise.
Quand Élisabeth a fait exécuter « ceux qui l’avaient voulu troubler et attenter à
elle»,laFrancen’aenrienchangésapolitiqueàl’égarddel’Angleterre:quandce
seraienttouslescatholiquesquiseraientvisésparunerépressionroyale,ajoute-t-
elle,«nousnevousenempêcherionsnialtérerionsaucunementl’amitiéd’entreelle
etnous».Pourcequiestduroisonfils,iladiscernéàlalecturedespapierstrouvés
dans la chambre de l’Amiral que, « par le moyen des presches et assemblées, les
religionnairesétablissaientunsecondroiensonroyaumeetfaisaientbeaucoupde
mauvaises entreprises contre luy et son estat, le tenant en sujétion » ; en
conséquence, « le roi avait résolu de ne plus leur permettre lesdits presches et
assemblées».Maistousvivrontenrepos,nulneseracontraintensareligion.Dans
unpost-scriptum,Catherineditavecadressequ’elleaprésentéàFrancisWalsingham
unelettrequeColignyavaitécriteauroietqu’ilavaitchargéCharlesdeTélignyde
montreraprèssamort.Ilyparlaittrèsmald’Élisabeth,tandisquelacourdeFrance,
observe malicieusement Catherine, a voulu en toute occasion être agréable à la
reined’Angleterre.
Onpourraitpoursuivredanscechampcommeimplosédulangageaussibienpar
l’effetd’un emballementdes mots qui auraitété apparemment incontrôlé que par
des reconstructions et réinstrumentalisations factuelles plurielles, de la part de la
monarchieoud’informateursrecueillantsesprisesdepositions.C’estunehistoire
sur-énigmatisée par le pouvoir royal qui joue sur des contradictions pour se
raconter au fil des jours et donc se joue de la vérité en pratiquant ce qui a fait
basculerParisdanslaviolence:unerhétoriquemimétiquedelafoliedesmotsquia
produitlemal,maisquidoitcontinuersontravailpourqueleroyaumeretrouvela
paix. Une politique du paradoxe, mais avec la prudence qui se voit clairement
attribué d’être l’âme du paradoxe. La folie des mots se trouve comme retournée
savammentcontreelle-mêmeetappropriéeparlamonarchiepourêtrel’outild’un
retouràl’ordre.Lesmotscontrelesmots.Lemêmecontrelemême.Ouplutôtle
mêmeparlercontreleparlerquiauraitconduitàlaSaint-Barthélemy.
Maisnefaudrait-ilpasalorsquel’historicisationdelaSaint-Barthélemyopèreun
glissementjusqu’àce quePaul Ricœurappelait une« repensée»,par rapportaux
discours et récits qui imposent à l’événement des effets de collages et de
reconstructions?Nefaudrait-ilpastenterderéimaginerla«passéité»dupasséen
mettant à distance l’événement autour duquel gravitent des perceptions plus ou
moins immédiates de sa perpétuation même, et cela en partant du postulat
méthodologiqueselonlequel« unetracene devienttracedu passéqu’aumoment
où son caractère de passé est aboli par l’acte intemporel de repenser35  » ? Ne
faudrait-il pas intervenir de façon méfiante et réservée face à la prétention de
l’historien à « produire de l’histoire dans une sorte d’état d’apesanteur socio-
culturelle » et à se vouloir être, en fonction de ce positionnement et de manière
toute-puissante,un « arbitre du sens » qu’il penserait pouvoir déduire de sources
quisecontredisentpourtantsanscesse?
Pourle massacredela Saint-Barthélemy,cela reviendraità occulterle problème
de la rémanence des dissensus narratifs consécutifs à l’effet de brouillage
immédiatementnotéparcertainscontemporainsetànepasavoirconscienceque
l’incertitude signifiante du langage aurait été le pivot même autour duquel la
décision de tuer aurait pu être enclenchée puis se serait amplifiée en un pogrom
avantd’êtreouverteàtouteslesvirtualitéspossibles.
Sil’onsuitPaulRicœureneffet,«leréelaupassérestel’énigmedontlanotionde
différence-écart, fruit du travail sur la limite, n’offre qu’une sorte de négatif,
dépouilléenoutredesaviséeproprementtemporelle».Tenterderentrerdansle
champ de la « repensée » revient alors à se placer dans une opération de
«réeffectuation»enoptantpouruneacceptationquelepasséestmortetqu’ilne
peut pas faire retour dans la mesure où travailler sur l’histoire revient ainsi à
accepter qu’il n’y ait d’intelligibilité de l’histoire que, paradoxalement, « comme
persistant dans le présent » dans les énigmes qu’il propose et non pas en
considérant que le présent doit s’infiltrer dans le passé. Le passé de la Saint-
Barthélemy n’est donc plus celui qui a été dit et mémorisé à travers de multiples
sources-tracesrévélatricesd’un affolementdesmots etd’une aspirationà replacer
ceux-ci dans des parcours signifiants. Car, s’il y a incertitude tout au long du
massacreetdanslesjoursquilesuivent,ceseraitparcequelesdécideursetacteurs
de la violence étaient innervés par une culture de la contingence qu’ils auraient
projetéedansl’événementmêmeetdansleurgestionimmédiatedel’histoire.Ilya
quelquechosed’installédansla«faceintérieure»del’histoire,quin’estpascequia
laissédestracessousformed’informationscollationnéesdanslecorpusdenarratifs
plus ou moins immédiats et toujours contradictoires. Cette « face intérieure »,
absentedesdiscours,demande,pourêtreapprochée,quel’historienneselaisseplus
hanterparl’éterneletfastidieuxretourd’unLeopoldvonRankeimaginantque,si
l’historiengommesonmoietcapitaliseleplusd’informationspossibles,lepassélui
viendra en parlant de lui-même par le truchement d’un travail critique sur les
sources36.LaSaint-Barthélemynousenseigneraitunevoiecontraire!
Ilnes’agitpasbienentendu,ici,dedénierleurspertinencesauxtémoignagesdu
fait des variables qu’ils intègrent et de prétendre que le passé des derniers jours
d’août 1572 serait inaccessible à la repensée, mais au contraire de prendre les
contradictionsouécartsdesdifférentstémoignagesetmémoirescommedesindices
de la nécessité de les désobjectiver et de les appréhender dans leur potentialité à
proposer l’histoire comme une énigme 37, sans leur imputer aucun autre sens. Ce
quisedissimuleraitderrièrelescontradictionsoulesvariablessignifiantesrendrait
comptedecequelespromoteursetacteursdumassacreétaienteux-mêmesinsérés
dansunchampd’incertitudes.
Aussinefaut-ilpastenterd’expliquerlemassacreàpartirdecequ’ilsontécritou
ditdesannéesplustard.Contrelatentationdejugerquelescepticismepuisseêtre
une fin de l’écriture de l’histoire, j’avance que, si l’histoire est comme demeurée
enfermée dans le doute38, c’est parce que le doute était consubstantiel de la
démarche cognitive de ses acteurs et décideurs, qu’il était ce qui opérait sous la
surfacedesapparencesqu’estlemassacre,qu’ilsuggéraitlepossibledelaviolence.
On est encore loin, en 1572, du temps de la « clarté » rassurante qui est le
dépassement surgi du doute même par Descartes. À cette époque, l’incertitude
dialogueaveclatentationdeviolenceafindel’exorciser.Ils’agitd’undoutenonpas
théologique39,maisexistentielsurl’aptitudeàtenterdenepassortirduchampdela
prudenceparlacréationd’unespacesubjectifaucentreduquellesensnecessepas
desedéplacer.Nousnesommesguère,ici,loindeGargantuaetdecequepourrait
signifierl’Énigmetrouvéeauxfondementsdel’abbayedesThelemites40.Neseserait-
ilpasagi,puisquel’histoires’étaitdérégléealorsqueleroijouaitaujeudepaume,
decompenserlepotentieldecrisequienavaitdécouléentransformantlelangage
même en jeu de paume, en une activité mimétique de la guerre et donc de la
violence afin de faire en sorte que, comme dans le jeu mettant aux prises des
protagonistes,lapaixrevienneaprèsleconflit?Nefaut-ilpasdevinerquejoueràla
paume,c’estrenvoyeruneballequiressembleenminiatureàla«machineronde»,
etjouerdoncavecl’histoirecommeunacteurjoueuntexte?

Unévénementcommemisenénigme

Sil’onréfléchit,les«nocesdesang»relèventd’unemiseenénigmequi,dansune
temporalité d’incertitudes, métaphorise un jeu de paume, où les joueurs se
renvoient la balle, mimant l’entrée en guerre et l’affrontement pour en fin de
compteenarriverauretournécessairedelapaix.Lejeudescontre-signifiancesqui
vontetviennentmetenscèneuneallégoriedestinéedansl’immédiatàdémontrer
«commentaprèslesdivisionsetlesquerelles»dontilaétéimpossibled’empêcher
le retour, « il est nécessaire que les anciens amis retrouvent des sentiments plus
paisibles41».OrunesourcenousrapportequeCharlesIX,danslesjoursd’acmédu
massacre, aurait joué à la paume comme il avait joué au moment de l’attentat du
22août,commesi,parlejeudesoncorps,ilavaiteulapenséemagiquedecontrer
la force des haines qui transformaient au même moment Paris en une cité
criminelle.Ne faudrait-il pas y deviner un signe « métalinguistique», le cryptage
d’unsensmétaphoriquesoulignantqu’aprèslaséquencevouéeàlaviolence,l’ordre
revient et que le politique doit demeurer ferme dans la sphère dans laquelle il se
tientenfaisantseneutraliserlaforcenégativedesmotsparelle-même?Enjouantà
faireénigmeetdoncenactivantunehistoiredevantallerverslapaix?Cequiferait
quecequel’onsaitdel’histoiredelaSaint-Barthélemyneseraitqueleproduitd’un
travailvisantàlanormalisationduprésent,àsadéconflictualisation.
Rappelons juste ici que l’énigme qui clôt dans le chapitre 58 le Gargantua est
censéeavoirétédécouvertedanslesfondationsdel’abbayedeThélème,dansune
«grandelamedebronze».
Pauvreshumains,quibonheurattendez
Levezvoscœurs,etmesditsentendez.
S’ilestpermisdecroirefermement
Queparlescorpsquisontaufirmament,
Humainespritdesoipuisseadvenir
Àprononcerleschosesàvenir;
Ousil’onpeutpardivinepuissance
Dusortfuturavoirlaconnaissance,
Tantquel’onjugeenassurédiscours
Desanslointainsladestinéeetcours,
Jefaissavoiràquileveutentendre,
Quecethiverprochainsansplusattendre
Voireplustôtencelieuoùnoussommes
Ilsortiraunemanièred’hommes,
Lasdurepos,etfâchésduséjour,
Quifranchementiront,etdepleinjour
Subornergensdetoutesqualités
Àdifférendetpartialités.
Etquivoudralescroireetécouter:
(Quoiqu’ilendoiveadveniretcoûter)
Ilsferontmettreendébatsapparents
Amisentreeuxetlesprochesparents.
Lefilshardinecraindral’impropère
Desebandercontresonproprepère,
Mêmelesgrandsdenoblelieusaillis
Deleurssujetsseverrontassaillis.
Etledevoird’honneuretrévérence
Perdrapourlorstoutordreetdifférence,
Carilsdirontquechacunàsontour
Doitallerhaut,etpuisfaireretour.
Etsurcepointauratantdemêlées,
Tantdediscords,venues,etallées,
Quenullehistoire,ousontlesgrandsmerveilles
Afaitrécitd’émotionspareilles 42.

L’énigmedépeintdonclasurrectiond’hommeshabitésparunimmensedésir de
violence,d’où ils’ensuitun dissensusabsolu, l’entréedans untemps inouïdurant
lequellavéritén’aurapasplusdepoidsquelafaussetéquiseralemoded’expression
lepluspartagépartous.Untempsdesubversionpuisquelesageseraremplacépar
l’ignorantetque«tous»selaisserontgagnerparladiscorde.Untemps,sansvérité,
untempsdemorttotale.
Lorsseverramainthommedevaleur
Parl’aiguillondejeunesseetchaleur
Etcroiretropceferventappétit
Mourirenfleur,etvivrebienpetit
Etnepourranullaissercetouvrage.
Siunefoisilymetlecourage,
Qu’iln’aitempliparnoisesetdébats
Lecieldebruit,etlaterredepas.
Alorsaurontnonmoindreautorité
Hommessansfoi,quegensdevérité:
Cartoussuivrontlacréanceetétude
Del’ignoranteetsottemultitude.
Dontlepluslourdserareçupourjuge.

Commenceraalors une durée d’angoisses, qui semblera longue,de guerres et de


violences, et qui verra la terre comme assombrie et recouverte par un déluge
ressemblantàunfluxcontinudemotsmensongerssedéfiantlesunslesautreset
emportantleshumainsverstoujoursplusdedissensions.
Ôdommageableetpénibledéluge,
Déluge(dis-je)etàbonneraison,
Carcetravailneperdrasasaison
Nin’enseradélivréelaterre:
Jusqu’àtantqu’ilensorteàgranderre
Soudaineseaux,dontlesplusattrempés
Encombattantserontprisettrempés,
Etàbondroit:carleurcœuradonné
Àcecombat,n’aurapointpardonné
Mêmeauxtroupeauxdesinnocentesbêtes
Quedeleursnerfs,etboyauxdéshonnêtes
Ilnesoitfait,nonauxdieuxsacrifice
Maisaumortelsordinaireservice.
Ormaintenantjevouslaissepenser
Commentletoutsepourradispenser.
Etquelreposennoisesiprofonde
Auralecorpsdelamachineronde.
Lesplusheureuxquiplusd’elletiendront
Moinsdelaperdreetgâters’abstiendront,
Ettâcherontenplusd’unemanière
Àl’asserviretrendreprisonnière,
Entelendroitquelapauvredéfaite
N’aurarecoursqu’àceluiquil’afaite.
Etpourlepisdesontristeaccident
Leclairsoleil,ainsqu’êtreenoccident
Lairraépandreobscuritésurelle
Plusqued’éclipse,oudenuitnaturelle.
Dontenuncoupperdrasaliberté,
Etduhautciellafaveuretclarté.
Oupourlemoinsdemeureradéserte,
Maiselleavantcetteruineetperte
Auralongtempsmontrésensiblement
Unviolentetsigrandtremblement,
QuelorsEtnanefuttantagitée,
QuandsurunfilsdeTitanfutjetée.
Etplussoudainnedoitêtreestimé
LemouvementquefitInariné
QuandTiphoeussifortsedépita,
Quedanslamerlesmontsprecipita.
Ainsiseraenpeud’heurerangée
Àtristeétat,etsisouventchangée,
Quemêmeceuxquitenuel’auront
Auxsurvenantsoccuperlalairront.
Lorsseraprèsletempsbonetpropice
Demettrefinàcelongexercice:
Carlesgrandseauxdontoyezdeviser
Ferontchacunlaretraiteaviser.
Ettoutefoisdevantlepartement
Onpourravoirenl’airapertement
L’âprechaleurd’unegrandflammeéprise,
Pourmettreàfinleseauxetl’entreprise.

La terre sera ainsi libérée des eaux, et la paix adviendra enfin au terme de cette
temporalité dramatique qui est en définitive la condition du rétablissement d’une
vie humaine durable. Le sens de l’énigme est alors qu’il faut le dissensus le plus
inquiétantetférocepourquelaconcorderetrouveunevoieassurée:
Resteenaprèscesaccidentsparfaits
Quelesélusjoyeusementrefaits
Soientdetousbiens,etdemannecéleste
Etd’abondantparrécompensehonnête
Enrichissoient.Lesautresenlafin
Soientdénués.C’estlaraison,afin
Quecetravailentelpointterminé
Unchacunaitsonsortprédestiné.
Telfutl’accord.Ôqu’estàrévérer
Cilquienfinpourrapersévérer.

Au total 108 vers composent l’énigme qui, selon Frère Jean, parlerait
allégoriquementd’unepartiedejeudepaumeentenduecommeunmimemagique
delanécessitédecedissensusquiestlaconditionsinequanon durevenirdel’unité
etdonc del’amitié.C’est cetteinterprétation quenousretiendrons,plutôtque les
autresquisontplusdépendantesdelachronologiedelapublicationdeGargantua43.
L’énigmeraconteraitledéroulementd’unepartiedejeudepaume,dontBalthasar
Castiglione avait écrit qu’il exhibait « l’harmonie du corps, la promptitude et la
souplesse de chaque membre et presque tout ce qui se révèle dans les autres
exercices 44 ». Elle peut être donc analysée comme un exercice du corps
métaphorisant une virtuosité et une sagesse de l’âme, sa capacité à supporter un
mondedevenuviolentetagressif,etàretournerl’histoirecontreelle-mêmepourla
pacifier au bout du temps incertain du jeu. Le sens de l’énigme surgit d’un
affrontementincertaindemots.
Lemoinedit:Quepensez-vousenvotreentendementêtreparceténigmedésignéetsignifié?–Quoi?dit
Gargantua le décours et maintien de vérité divine. – Par saint Goderan (dit le moine), telle n’est mon
exposition.LestyleestdeMerlinleprophète.Donnezyallégoriesetintelligencestantgravesquevoudrez.
Etyravassez,vousettoutlemondeainsiquevoudrez:demapartjen’ypenseautresensenclosqu’une
descriptiondujeudepaumesousobscuresparoles.Lessuborneursdegenssontlesfaiseursdeparties,qui
sontordinairementamis.Etaprèslesdeuxchassesfaites,sorthorslejeuceluiquiyétaitetl’autreyentre.
On croit le premier qui dit si l’éteuf45 est sur ou sous la corde. Les eaux sont les sueurs. Les cordes des
raquettessontfaitesdeboyauxdemoutonsoudechèvres.Lamachinerondeestlapeloteoul’éteuf.Après
lejeu,onserafraîchitdevantunclairfeuetchangel’ondechemise.Etvolontiersbanquettel’on,maisplus
joyeusementceuxquiontgagné.Etgrandchère.

Ilsepeutquelepouvoirroyalaitprocédéainsi.L’importantestqu’ilpeutyavoir
eu,danslecoursmêmedumassacreetlesjoursquilesuivirent,unemiseprolongée
enénigmedel’histoireetqueledésordredesmotsvisantàaccompagnerletemps
delaviolence,s’ilproduisitdel’incertitudeetdudoute,futpeut-êtredestiné,dans
le contexte d’une violence qui semblait irréductible, à réaliser ce qui était le sens
même de l’énigme rabelaisienne et donc du jeu de paume – un cheminement des
humainsversuneuniondescœursretrouvéeetuneannihilationdesfermentsdela
hainequiavaientemportéParisdansl’inhumain46 .
Les lendemains du massacre de la Saint-Barthélemy semblent une plongée dans
un univers de langage fuyant, en miettes, en dispersion, dont le contenu, comme
dans l’œuvre rabelaisienne, aurait été construit pour faire en sorte que, selon le
proposdeGérardDefaux,il«sedérobeàlaprisebeaucoupplusqu’iln’yparaît 47».
N’est-ilpaspossibledesedemandersiCharlesIX,avecsamèresetenantdansson
ombre,nejouepaslerôledulocuteurdeGargantua,MaîtreAlcofribasNasier,qui,
s’ilestl’«abstracteurdequinteessence»,n’enestpasmoinsungrandsophiste,un
des « magiciens de paroles « qui peuvent faire croire à tout ce qu’il veut faire
croire ? Plus encore, l’instrumentalisation des mots qui se partagent entre des
discours successivement contradictoires ne renvoie-t-elle pas à la moria
érasmienne?N’est-ellepasunefiguredelavraiesagessepaulinienne?
N’est-elle pas à l’image de la folie du Christ ? Charles IX serait alors un
«morosophe»disantlefauxpourfairevenirauprésent,autermed’uneséquence
horriblementenvahieparlamort,cequeseraitlebonsens?Laissonsicilaparoleà
LouisMarin:
Il faut que Thélème soit fondée sur un renversement pour qu’advienne le monde nouveau. Il faut que
Thélèmesoitdétruitepourquelemondedubonheuradvienne.Àvraidire,cettedernièreformulationest
trompeuse, car elle laisse entendre deux temps et deux moments, le temps de l’histoire et celui de la
parousie,lemomentdunégatif,delarévolutionetceluidel’affirmationsynthétiquequil’accomplitcomme
fin de l’histoire. En fait, en plaçant l’apocalypse au fondement de l’édifice, à l’« origine » du procès de
construction de la représentation utopique, tout en offrant sa lecture à la fin du discours qui la décrit,
«Rabelais»signifiequelemondenouveau,l’utopien’estpaslasynthèsequiaccomplitlemouvementd’une
dialectiquehistorique et naturelle, au prixd’une négation de la réalité, mais estl’autre de la réalité et de
l’histoire.Lerenversementestlefondement,lefondement,lerenversement 48 .

Sil’énigmedusensdutempsprésentsedéploiedansl’allégorieénigmatiquedujeu
de paume pratiqué par Charles IX au moment de l’attentat du 22 août et ensuite
continuédurantlespremiersjoursdemassacre49,ilfaudraitenconclureque,par-
delàl’évocationd’unepersécutiondesévangéliques,FrèreJeanmettraitenexergue
un pouvoir décisionnel dont l’absoluité reposerait sur le « secret », c’est-à-dire la
capacité à brouiller, jusqu’à le rendre indiscernable, le sens des événements qui
surviennent, mais au terme desquels les humains pourraient enfin se réunir dans
uneuniondescœursdéfinitivementlibérésdeleurspassionstragiques.Ilyaurait
doncunehistoirequiseraitpenséeetexorciséeparlemodeopératoiredel’énigme
rabelaisienne : la dissension qui commence par envahir le monde humain jusqu’à
un point paroxysmique de tension et est suivie par un banquet signifiant que la
communautéseressoudedansuneconcorde.
Ce n’est donc pas dans le champ discursif, dans des « sources » explicites et
implicites qui feraient « traces », que peuvent être approchés le comment et le
pourquoidelaSaint-Barthélemy,puisquelediscours,dufaitdesesdivergencesou
seshyperbolisationsconstitutives,ne diraitrien d’autreque l’impossibilitéde dire
cequiseraitle«vrai».Aucontraire,ledoute,quiémeutvoiredéstabilisetantles
historiens, exprimerait au plus fort ce qu’a pu être le processus de déportement
danslaviolence,cequ’aétélabéancedanslaquellesesontengouffréslesacteursdu
massacreparcequelaviolenceleurapparaissaitdevoirêtrel’uniquebalisepourse
raccrocheràréelàlafoisfugaceetfugitif,unréelsubvertiparlaproliférationdu
faux. En effet, dans l’optique d’une conception providentialiste de la situation de
l’homme dans la Création, l’action, confrontée à l’incertitude, doit céder le pas à
l’imprévisibilité de ce qui peut être accompli pour aller dans le sens du désir de
Dieu, portant à s’engager dans la voie la plus immédiate et la moins méditée ou
préméditéedansladurée.Lejeudepaumepratiquéouprétendumentpratiquépar
Charles IX durant le massacre serait synonyme d’un exercice de prudence, de
clairvoyance, d’aptitude à anticiper le jeu de l’adversaire, nécessaire à l’homme de
pouvoircommeaucapitainepourfairesereinementfaceàla«qualitàdeitempi50».
SuivonsiciJacquesChomaratetremontonsàÉrasmes’attardantsurlaprudence
etladissimulationduChristfaceauxpèlerinsd’Emmaüs.LeChristputlui-même
allerjusqu’àruserettromper,àtendreunpiègeauTentateur:ilpeutyavoirune
bonnetromperiechrétiennefaceaumensongediabolique,maislebonmensongea
cecideparticulierqu’iln’estexercéqueprovisoirementetestinspiréparlacharité.
Lefauxpeutêtreunoutilpositifdeluttecontrelefaux.IIfautseremémorer,écrit
Érasme,«commentleChristquinesauraitmentir,peuttromper[…];iltrompe
lesapôtres:afin d’arrachercomplètementdeleur âmetoutdésirde vengeance,il
lestrompepouruntempsparl’obscuritédesonlangage,maisilneleslaissedans
l’erreurqu’afindedétruireplussûrementetplusefficacementtouteleurpassionde
se venger ». La Tolerantia, parallèlement, ne doit pas être comprise comme « le
partage des erreurs ». Elle est une décision assumée en toute conscience de
«patiemmentsupporter»leserreursdesautresauxquellesseulDieuestenmesure
de mettre fin, « elle compte sur le temps, dans les Paraphrases, et sur la douceur
pourfairedisparaîtrel’erreur etnonsur laviolence51».Elle consisteàsemettre,
pourrait-ondire,soi-mêmeenénigmeparcequeDieuseulsaitlesensdutempset
qu’ilestdoncénigmecommeNostradamusl’avaitsuggérédanssesProphéties.
Etbiensûr,c’estl’HymneIVdeRonsard,«DetrèsillustrePrinceCharles»,qui
permetlemieuxd’approchercettecryptiquedulangagedeCharlesIX:ilaffirmela
nécessitéquelaFrancesoitguidéepar«unpiloteruzé»,d’autantquele«peuple»,
précisément,vad’une«opinionfolle»àuneautre«opinionfolle»,changeantde
jourenjouroud’instanteninstantetsetrouvantincapabledeprendreconscience
de son mal52. L’apaisement ne peut venir que de ruses déjouant « les serpens des
hideuses Fureurs » qui troublent les « cerveaux des hideuses fureurs ». C’est la
condition pour que le monde humain rebascule des maux en direction du bien,
reviveunprintempssuccédantauxrigueursdel’hiver53.
Dans l’Hymne du Printemps, la saison du printemps est dépeinte comme l’unique
saisonquelaterreconnutjadis,etcelajusqu’àcequeJupitersoitprisdejalousieen
voyantl’amourqueluiportaitFlore.ConcevantlaguerrièrePallas,leroidesdieux
créal’Été,l’Automneetl’Hyver,appelésàsesuccéderjusqu’auretourduPrintemps
et du beau soleil et de l’amour, sans fin54. La vie des États est à l’image de cette
succession des saisons : ils sont appelés à connaître, un jour, un automne et un
hiver, à passer de la vie la plus exubérante à la mort la plus calamiteuse. C’est
lorsqueleprocessusdemutationestenclenchéqu’ilpeutyavoirsurgissementd’une
conscience de la « necessité », qui est alors synonyme de ruse. Pour contrer
l’altérationdutemps,ilfautseplieràunchangementdesoi,nepassebloquersur
des positions frontales, essayer soi-même de peser sur l’histoire, de faire se jouer
l’histoireavantqu’ellenejoueelle-mêmedanslagrandetragédiequeseraitlamort
del’État.Ilfauts’approprierlelangagedeceuxquisupportentladiscordecivileet
doncdevenirunroiénigmatiqueexerçantunsagegouvernement.
Dansl’Institutionpourl’adolescenceduroytrèschrestienCharlesIX,Ronsardinvitait
le roi à exercer son pouvoir dans le secret d’une pia philosophia, reposant sur la
possessiondechoses«quiauxentendemensdetoushommessontcloses55»Toutes
lessciencesétaientditescontribueràlamiseenordredecepouvoirmystérieuxque
seul le souverain peut détenir. Outre la science du devenir qu’est l’astrologie, la
mathématique était présentée comme la science des nombres, permettant au
souveraindespéculersurlesrelationsquiunissentlemondedelacitéterrestreetle
Cosmos.Lamusique,autre sciencedesnombres,lui donnequantà elled’agirsur
les passions humaines, de rapprocher les humains de l’harmonie universelle qui
s’exprimedanslesmélodiestandisquelarhétoriquedétermineleconsentementdes
hommesetquelaphysiognomoniefaitdesonautoritéuneforcepsychologiqueen
lui ouvrant l’accès aux pensées les plus secrètes de ceux qu’il gouverne. La
connaissancedel’histoire,autreformederévélation,luidonnelaprudence.
LebonPrinceestalors,parcequ’ilsaittouteschosesetdoncparcequ’ilestjuste,le
prince de la prudence. Il ne doit jamais livrer sa pensée, tout en recourant aux
conseilsdesmeilleursetplusexpérimentésdesessujets.Lepouvoirestpouvoirde
secret, d’incertitude, et disons-le, de mise en énigme de lui-même par imitation
d’unDieudontlagloireestdanslesténèbres– «celareverbum».Etlasentence,qui
portede«celersonsecret»,etdoncd’avoiruncœurimpénétrableestessentielle.
Leprincesedoitdejoueràrefusertoutetransparence,afindedemeurerau-delàde
l’opinionhumaine et de préserver uneliberté lui permettant de faire régnerdans
sonroyaumelajusticeetlapaix.Ildoituserdesimulacrepournepasêtresousla
dépendance des simulacres, ce qui le rapproche du pouvoir de Dieu (Pr 25, 2)56.
L’Étatestleroicommelalumièreestlesoleil,etlesplanètesnefontqueréfracter
cette lumière : un État « des affaires duquel, je ne veux souffrir qu’entrepreniez
cognoissance,laquellejeréserveàmoyseul 57».LeroidelaRenaissanceestunroi
qui assume de posséder la vérité de l’histoire et qui chasse, à l’image de la galerie
François Ier  de Fontainebleau, l’ignorance aveugle aux yeux bandés en tenant un
glaive pour montrer qu’il gouverne son royaume en souverain seul initiéet donc
seulpossesseurdu sensdel’énigme qu’est,devant lui,l’histoirevers lalumière de
laquelleils’avance58 .

«…deparlerpeuetdecelersonsecret»

Le poète Jacques Tahureau dédia en 1555 au roi Henri II une Oraison de la
Grandeurdesonregne,eninsistantsurle«Deparlerpeuetdecelersonsecret»:il
stigmatisait la langue : « mal dangereux / Que c’est un mal plein de poisons
amere ». Une fois prononcée, une parole est définitive ; vain est le repentir de
l’avoir proférée. Une seule parole a causé la mort de trop nombreux hommes
remplisdebravoure:
L’hommeestvraiementetsageetvertueux
Quiseulementenluimesmessefie,
Etquitouchantquelqueaffairedouteux
Nedeclarasonsecretensavie…

Heureuxcent-fois,etcent-foisestcelui
Dequicachéeesttoutel’entreprise,
Etquin’enfaitparticipantautrui
Nonentelacasseulementsachemise:

Ilvaudroitmieuxsachemisebrûler,
Ettrançonnersalanguetropvolage,
Coupersamain,quecelafitparler:
Encontresoiquelquemauvaislangage…

Lemalquifaitdelalangueabuser
C’estbienlemaldetouslesmauxlepire,
Etlavertuquiestplusàpriser
C’estdesçavoirbeaucoupetdepeudire59 .

Songeonsaussique,dansunmondequiestunthéâtreenpermanenceconfrontéà
saremiseenquestionparlapuissanced’une Fortuna aveugleetimprévisible,ilne
fautpastropchercheràréagirrationnellement,maisbienplusàtenterdes’insérer
dans l’incompréhensibilité apparente des basculements et des retournements
virtuelsdesituation,parl’anticipationoulafuiteenavant.«Lapolitiqueneserait-
ellepasunerencontreavecl’«expériencedurisqueetdel’irrationnel»,dansune
confrontation instantanée pouvant échapper à tout moment « au contrôle des
acteurs parce qu’elle peut prendre au moins deux directions opposées60 » ? Et ne
déborderait-elle, du fait de cet empirisme, sur tout le corps social ? Lisons, à ce
propos,lesderniersversdeL’Énigmeenprophétie:
Reste,enaprèscesaccidensparfaictz
Quelesélusjoyeusementrefaictz
Soientdetousbienetdemanneceleste
Etd’abondantparrecompensehoneste
Enrichizsoient…

Pour en revenir à la politique pensée et agie comme relevant de « la grave
obscuritédel’énigme»selonlaformuledeThomasSébillet61,ilfautsepersuader
quetouteslesambiguïtésdonts’entourentleroietsamèreauraienteupourfinalité
d’exorciserlaviolence:lerecoursàl’énigmeviseàconduirel’histoireverslapaix.
Onpourraitqualifierd’occultecettepolitique62 .Tentonsalors,danscetteoptique,
desortirl’événementd’août1572decequiseraitunsensintrouvable,enmettant
en œuvre une réeffectuation qui élimine le causalisme au profit de la quête d’un
«intérieurpensé»del’événementmisenénigme.Cetteeffractionpermetseulede
contournerunnarratif«plausible,probable,contestable,breftoujoursencoursde
réécriture 63».
Ilfauttenircompte,jusquedansladominanteinvasive,danslecoursdesmatines
parisiennes, de ce qu’on pourrait nommer une déraison des incertitudes relatives
auxactionsdenombredeprotagonistes;l’historienserendalorscomptequ’ilpeut
isoler et présenter dans la distinction de plusieurs segments une chronologie
minimaliste,évitantlesinformationsàhautdegrédecontingenceoud’évanescence
factuelle,maisaussisuggérantdespistesvirtuelles:cettechronologie,restreinteà
cequisembleplausibledanslefluxévénementiel,peutporterd’abordsurlestemps
difficiles qui suivent la pacification de Saint-Germain, d’août 1570 à août 1572.
AvantdoncderéfléchirsurcequeseraitlecodegénétiquedelaSaint-Barthélemy,
ilestnécessairederetireroud’extraireducorpsmêmedesapréhistoiretoutcequi
apparaîtcomme trophypothétique, tropéquivoque ou aléatoireparce quefaisant
partie du registre d’écritures de combat ou de désengagement du déroulement
factuel.
Ajoutons encore qu’il est impossible de retracer le massacre, à très forte densité
factuelle,danssondéroulementaussibienaujourlejourqu’heureparheure.Onne
peutque lescruter dansses premièressoixante-douzeheures – circa –, ettrop de
silencesentourentlasuitedesjours.Onsaitque,le15septembre,lenonceSalviati
écrit que des rafles de huguenots continuent à avoir lieu et que, « la nuit et sans
bruit»,plusieursdizainesdehuguenotsappréhendéslejourdansdiverslieuxsont
jetésdans laSeine. Le comtede Saint-Pol, ambassadeurdu duc deSavoie, ajoute,
dansunelettredu26septembre,quelesmisesàmortsepoursuiventencoreàParis
et«ailleurs».Surtout,s’ilaunavalavecunehistoriographiequasiimmédiatequi
poursuit encore ses analyses, il a un amont qu’il faut reconstituer sous peine de
passeràcôtédesdonnéesdesjeuxmêmesdemiseenénigme.
Prenons, sans prétendre qu’il y ait là un autre objectif qu’un essai
d’expérimentationévénementielled’une repenséedel’histoire entermes d’énigme
enprophétie,commepointdedépartlapaixdeSaint-Germain-en-Laye,signéele
8août1570etpubliéeparleParlementdeParis,quimetfinàlatroisièmeguerre
deReligionaprèsaumoinssixmoisdetractationsdifficilesfaitesd’avancéesetde
reculs et marquées par des rumeurs d’empoisonnements et d’assassinats64 . Faute
d’argent et de vivres, et du fait d’un chaos régnant dans les provinces, les deux
victoiresdeJarnacetdeMoncontouravaientété«stériles»,etlamonarchien’avait
paspupoursuivreuneguerrequ’elleavaitexaltéecommedevantêtreuneguerrede
destruction de l’hérésie. La réorientation pacifiste du pouvoir s’explique par la
nouvelle qui court selon laquelle les princes protestants allemands envisageaient
d’envoyerdes renforts à Coligny désormaisinstallé à La Charité-sur-Loired’où il
menaceleBassinparisien.Lesnégociationsavaientétéouvertesparlemaréchalde
Biron,agissantaunomduroi,avecdeuxcapitainesprotestants,PhilippedelaFin,
sieurdeBeauvaisLaNocleetCharlesdeTéligny.L’Amiralavaitd’abordtraînéles
pieds,«se voyantarmé etleroi désarmé», maisavaitété ralliéau principedela
négociation parce qu’il avait été positivement impressionné par l’éloignement
volontairedesGuisedelacour.
PourCatherinedeMédicis,lapaixs’imposedufaitdescirconstances,parceque,
« avec les armes, on détruit le pays et les innocents pâtissent aussi bien que les
coupables.En temps de guerre, lenombre des huguenots va toujourscroissant ».
Selon ses mots mêmes, la paix ne pourrait que générer « quelque remede ». Les
protestants se voient accorder une liberté limitée de pratiquer leur culte dans les
lieux où ils le pratiquaient auparavant ainsi que dans les faubourgs de deux villes
pargouvernement(saufParisetlàoùlaCourséjournaitainsiquedansunespace
de 14 lieues autour de Paris). Quatre places de sûreté leur sont aussi octroyées :
LaRochelle,Cognac,Montauban,LaCharité,pourdeuxansàl’issuedesquelselles
devront être restituées. Le culte est interdit à Paris. Odet de Coligny, cardinal de
Châtillon, et Jean de Ferrières, vidame de Chartres, sont sollicités pour poser les
basesd’unrapprochementdelaFrancepacifiéeavecÉlisabethIre quiestsansdoute
d’autantplusréceptivequ’elleaétéexcommuniéele25février1570parunebulle
du pape Pie V et qu’un projet de mariage français pourrait la sortir de son
isolement.
Il n’empêche que cette paix est précaire et hypothétique : elle a laissé un goût
d’amertume aux activistes catholiques qui continuent à juger que la présence des
hérétiques dans le royaume est un signe de la colère de Dieu et que tout juste se
devrait de participer à leur extermination. C’est ce que disent et redisent les
prédicateurs. Et de critiquer ouvertement un roi qui a accepté de laisser les
hérétiquesenmesuredevivreaumilieudupeupledeDieuaurisquenonseulement
delepolluerdeleurserreursmaisaussidepréparersaruineenattendantuninstant
favorable à ce qui serait un projet de subversion violente. La paix est précaire et
hypothétiqueaussiparcequeleschefshuguenots,dèslacessationdeshostilités,se
sont retirés loin de la cour, qu’ils vivent dans le soupçon d’un piège sanglant qui
leur aurait été tendu et que tout donne à entendre qu’au moindre signe ils
pourraientêtre disposés à reprendre les armes contre le roi et l’Église catholique.
Elleestprécaireenfinparcequ’entrelesdeuxgrandesfactions,ilyalecontentieux
de l’assassinat, sur la fin février 1563, du duc François de Guise par un
gentilhomme huguenot, Poltrot de Méré, assassinat dont la maison de Guise
attribue la vraie responsabilité à l’Amiral Gaspard de Coligny, désormais chef
historique des réformés français. Ce contentieux est toujours actuel, et, pour la
maisonde Guise, justice n’a pas été rendue ; le sang appelle le sang. Le risque de
déclenchementd’unevendettasanglantequirouvriraitlaguerrecivilepeutsembler
planer. Enfin et peut-être surtout, les huguenots sont hantés par un projet de
guerreétrangèredesoutienàleursfrèresenreligionpersécutésparPhilippeIIaux
Pays-Bas et unissant leur noblesse à la noblesse catholique contre l’Espagne. Ce
projetrisquederelancerbienévidemmentlaguerrecivilefrançaiseoud’ouvrirles
hostilitésavecPhilippeII.
Lafragilitédurééquilibragepolitiquequeconstituelapaixtientenfinaufaitque
lesdeuxdernièresguerrescivilesontsanctionnéunalignementdelamonarchie–
certestemporaireetdevenuobsolèteavecl’amnistiegénéraleproclaméeparlapaix
et la réintégration des huguenots dans leurs charges et dignités –, sur une ligne
d’exterminationdela Réformefrançaisequi intervintviteen réactionau coupde
forcedelasurprisedeMeaux(26-29septembre1569)etsedurcitensuite.Aumotif
de la paix avait alors succédé bien vite celui du châtiment par voie d’une guerre
totale parfois assimilée à une croisade. Dans les jours qui suivent la tentative de
prise de contrôle de la personne du roi et surtout la bataille de Saint-Denis
(10 novembre 1567), il est certain que le pouvoir royal se laissa séduire par une
tentation radicale ; une tentation qui le porta à imaginer une destruction, par la
force,descombattantshuguenotsquiétaientpourCatherinedeMédicisetsonfils
CharlesIXdesséditieux,desennemisparcequ’ilsavaientréduitànéantuneœuvre
entreprise pour la gloire de Dieu : la concorde civile mise en place à la fin de la
premièreguerredeReligion.
Lorsque la parole se brise, la parole que la reine mère a elle-même façonnée
comme moyen de neutralisation des passions humaines, lorsque les rapports
nouveaux de force font que le champ de la communication n’existe plus, seule
demeurelasolutiondelaviolence,etlareinemèreaffirmas’yrallier,sansmarquer,
semble-t-il,beaucoupd’hésitations.Et,le7décembre1567,elleconfiaàRaymond
deFourquevaux,ambassadeurauprèsdePhilippeII 65,que«l’onpourramaintenant
juger si nous prenons les matières à cœur pour nous délivrer premièrement puis
toutelachrestientéde cestevermine66 ».La guerredésormais, visaitàla «fin de
nos maulx ». Ce langage s’aligne donc sur celui des plus zélés catholiques, puis
revient temporairement à une expression modérée dans l’entre-deuxième et
troisièmeguerredeReligion.
Mais, quand le conflit reprend pour une troisième fois sur la fin août 1569,
Catherine de Médicis va plus loin dans ce qu’elle veut donner à voir comme une
posture de radicalisation. Alors que, depuis le mois d’avril 1569, l’armée royale
cherchaitlaconfrontationdirecte,le3octobresurvientlavictoiredeMoncontour.
LareinemèreécritdeuxjoursplustardàPhilippeIIpourl’informerdelavictoire
donnéeparlagrâcedivine,«unsigrentœuvre 67».Lespoètes,surcommande,se
lancentdansuneentrepriseapologique,s’associantauximprimésoccasionnelsqui
rendentgrâceàDieud’unedéfaitedesrebellesquiestunpremierpallierversleur
extermination68 .LaurentdeBourgannoncedéjàleretourd’Astréemaintenantque
lebrasdeDieuafrappélesmutins69 .Ronsardglorifieleducd’Anjoupourcesuccès
dans « L’Hydre desfaict70 ». Il valorise aussi une perspective qui pouvait alors
s’ouvriraupouvoirdeCatherinedeMédicisetleporteràcroirequ’uneséquence
temporelleétaitdésormaisclose.L’hérésiecombattanteyestcomparéeàl’hydrede
Lerne, « aux yeux ardents, à la gueule escumeuse, / À la poictrine infecte et
venimeuse », elle est telle un serpent à trois têtes ayant dévoré les villes et les
provincesduroyaume,avantdesubirunedécapitationsanglanteàMoncontour.Le
ducd’Anjou,nouvelHercule,estinterpellépour«parfaire»l’œuvreentreprise,en
s’attaquant désormais au corps de l’adversaire. « Il faut du tout veincre son
ennemy»,allerjusqu’auboutenfindecequ’estlavolontédivine.Ronsardcompose
aussi un « Chant triomphal pour joüer sur la lyre » : Monsieur a enfin coupé le
nœudgordiendesdestinées,etlesloupspeuventdésormaisserepaîtredescadavres
sans sépulture des ennemis du roi71. Une gigantomachie a eu lieu, qui a vu les
géantsorgueilleuxêtreterrassés,etl’annihilationnepeutquesuivre.
AmadisJamyn,quantàlui,célèbrecequiestlafindel’horriblechimèredontla
gueule vomissait du feu : il donne la peinture d’une armée de « mutins »
ensanglantés, abattus les uns sur les autres, mordant la terre. Un châtiment de
l’orgueildanslavisiond’uneterresurlaquellelescadavresblanchissentdésormais
etquiressembleàlaterrequandleseauxdudélugebibliquesefurentretirées72 .Les
Titansontétévaincus.Et,dansun«Dialogue»entreunpassantetle«Génie»de
Moncontour, il est proclamé que le droit de sépulture ne peut être donné aux
méchantsquiontabolitouslesliensdenatureoudesociétéetquiontbrisé«tous
lesdroitsdeDieuetdeNature».Ilsgisentdésormaisauxenfers,pourl’éternité73 .
Exaltationdoncd’unevictoirequiestlegrandjugementdeDieutantattendu.La
personne du duc d’Anjou est mise au cœur de la victoire : c’est lui qui, la veille,
faisaitdebellesremontrancesàsestroupespourlesappeleràprendrecourageetà
abattre l’ennemi mortel de Dieu, qui allait de quartier en quartier dans son camp
pour exhorter ses hommes, puis qui se confessait au docteur en théologie de la
Sorbonne Claude de Sainctes. Le lendemain matin, sur les trois heures, le duc
assisteàlamessediteparledocteurenthéologie,puiscommunie.Lesimagessont
destinéesàfairedel’événementundonetunegrâcedeDieu.LefilsdeCatherine
deMédicisestallécombattresanss’êtrealimentéetsansavoirabsorbéuneboisson,
« en ceste foy et fiance qu’en la vertu du corps et sang de Jesuschrist Nostre
Seigneurqu’ilvenoitderecevoirausainctsacrementde l’autel,ilsurmonteroitet
vincroit l’ennemy de Dieu et dudit sacrement, du roy et le sien ». On comprend
alors que le parti protestant reste prudent même après que la paix de Saint-
Germain a été signée. La reine mère n’est plus celle des années 1560-1566, qui
mettait ses espoirs dans la solution d’une modération qu’elle nommait la
«douceur».Elleaundoublevisagedontelletentedesedébarrasserbienvite,mais
quidemeureinscritdanslamémoiredescapitaineshuguenots.
Toutel’actionengagéeparlamonarchieentrel’automne1570etl’été1572paraît
avoir visé à neutraliser comme magiquement ces tensions et tentations de
déstabilisation de la paix et à ramener les parties prenantes à la cour pour les
enserrerdanslelieumêmed’unepolitiqued’uniondescœursquiseraitactivéeau
sensd’unemagiedel’harmoniehumainemiseenconcordanceavecl’harmoniede
l’univers.Laconjonctiondescontrairessaitcontrerunrapportdesforcesquipeut
paraître toujours aléatoire. La Saint-Barthélemy semble ainsi donc avoir éclaté à
contresensdel’histoireactivéeparCharlesIXaunomdesdeuxvertusdelapiétéet
justice sous lesquelles son règne a été placé et qui sont réactualisées au cœur du
dispositifsymboliquedesonaction.
Dans cette perspective du rêve d’une paix qui semble solidifiée par un travail
persévérantdupouvoir,Ilestnécessairedereconstituerlecheminementhistorique
quiamènehuguenotsetcatholiquesàêtreprésentsdansParisàlaveilledelaSaint-
Barthélemy,sansqu’ilsserendentcomptequ’ilsparticipentd’unemiseenénigme
de l’histoire au sens où ils sont, sans le savoir distinctement, les objets d’une
manipulationmagique74.Cettemagie,invisible,faitfigured’énigmepourceuxqui
la subissent passivement : elle « produit ses effets merveilleux par l’union et
l’application qu’elle fait des différentes vertus des êtres supérieurs avec celle des
inférieurs»,commeleditHenriCorneilleAgrippa 75.
Dans un premier temps, il s’agit de ramener les huguenots aux côtés des
catholiquesàlacouretdefairedelacourlelieumêmedeladynamiquedepaix.un
signe de conciliation qui est donné à l’occasion de pourparlers secrets engagés, à
l’initiative du duc François de Montmorency, au milieu du mois de juillet 1571 à
LumignyaveclecomteLouisdeNassau,alorsaucœurdel’agencementnaissantde
l’«international Calvinism 76»,etungroupedegentilshommeshuguenotsfrançais:
lamonarchie donnel’impression d’accepterde participer àun plan d’invasiondes
Pays-Bas,quiseraitcoupléavecunsoulèvementcalvinisteetundébarquementde
soutiens anglais. La contrepartie de son adhésion à ce projet qui était centré sur
l’armement d’une flotte destinée à faire réfléchir Philippe II par le parasitage des
liensmaritimesdesPays-Basaveclapéninsuleibérique,estconnue:c’est,aprèsdes
tractationsmenéesàBlois,leretourdeColignyàlacour77 ,le12-15septembre,etla
placequilui estrendueau conseilduroi. Ceprocessusque Catherinede Médicis
définitelle-mêmecommeuntravailde«bontéethumanité»estindissociabledesa
démarcheappuyéeauprèsdesGuisequi,enréplique,avaientdésertélacour,dèsle
mois d’août, puis en novembre, pour les prier de cesser de montrer leur refus
d’adhéreràcetteconcorde.
L’Amiralreçut200000livresparunetraitesurLyon,50000livressurl’arriéréde
ses appointements et une pension de 20 000 livres prises sur les revenus d’une
abbaye.Laveuvede FrançoisdeGuise,Anned’Este,duchesse deNemours,etles
sienssontinvitésàoublierlepasséetàvenirfairepromessedepaix.Lebutestde
promouvoir, à partir du point axial d’équilibre qu’est la royauté, une coincidentia
oppositorum, une conjonction des opposés qui lèverait les ambiguïtés et les
incertitudespersistantesentreacteurscatholiquesetprotestants,compromettantle
devenir de la paix. Participe de cette stratégie peut-être plus empirique qu’il n’y
apparaît la démolition de la Croix de Gastine, qui avait été dressée sur les lieux
mêmesdelademeurededeuxbourgeoishuguenotsparisiens,raséepourcausede
tenuedeprêches,etcommémoraitleurexécutionenmarqued’expiation.
Un dysfonctionnement majeur intervient toutefois, qui entraîne un partage des
rôles dans ce théâtre : le 7 octobre 1571, la bataille de Lépante démontre
l’extraordinairepuissancedel’Espagne,savocationàêtrelapremièreforcemilitaire
européenne.Ilestpossibled’observerunemodificationdujeupolitique,quiparaît
avoirsuscitéunpartagedesrôlesetdesattitudes;toutsepassedésormaiscommesi
leroiprenaitlepartidepersisteràaccompagneretsoutenirleshuguenotsdansleur
projetmilitaristeetinternationaliste,tandisquelareinemères’yopposait.Lesmois
qui suivent, on peut en poser l’hypothèse, vont produire un théâtre du simulacre
dont l’unique fin, vue sous l’angle de vision de la royauté et de son souci de
production d’une union des contraires, aurait été de restaurer une union entre
factions, à travers la mise en avant d’une variante de son jeu politique :
l’accomplissement d’un événement programmé dans le cadre d’une culture
magique,lemariage de MargueritedeValois, princessecatholique,avec leprince
huguenot Henri de Navarre. Le 11 avril 1572 est signé le contrat de mariage
d’HenrideNavarreetdelasœurduroi,précisantqueladotserade885000livres,
et bientôt suivi par un traité d’alliance avec la monarchie anglaise le 29 avril. Le
traité établit les clauses d’une possible ligue anti-espagnole. Charles IX écrit
d’ailleurs à Louis de Nassau pour lui dire qu’il est lui-même de jour en jour plus
persuadéquesesdécisionssontpertinentesetscellentlesconditionsnécessairesà
uneguerrejuste:
Télignym’afaitentendrelesgrandsmoyensquiseprésententpourfairequelqueentreprisepourlaliberté
des Pays-Bas : on nous demande seulement que nous leur donnions la main pour les arracher de cette
oppression,choseenlaquelletoutprincegénéreuxetchrétiendoitemployerlesforcesqueDieuamisesen
sesmains,commejesuisbiendéterminédelefaire,autantquelesoccasionsladispositiondemesaffairesle
permettront78 .

La politique de mise en scène semble fonctionner : entre le 17 et le 20 avril,
GiovanniMariaPetrucci,ambassadeurdeCômedeMédicisenFrancedepuis1565,
écritqueleroiaprisunerésolutionquivacontrelavolontédesamère.Etpeut-
êtrefaudrait-ilallerplusloindansl’hypothèsedecettethéâtralisationquiauraitvisé
à désorienter ceux qui auraient cherché à comprendre la politique royale. Le
portraitdeCharlesIX quedonneraun peuplustard GiovanniMichielseraittrès
significatifd’unevolontéduroidedemeurerhorsdetoutelisibilité.Dansl’univers
renaissant imprégné de réminiscences cicéroniennes, si la physionomie est le
miroirdel’âme,lesyeuxensontletruchement.Lesyeuxparlentsansparler79,ils
sontunoutildecommunication,voiredecommunion.Silesyeuxneselaissentpas
voir,c’estlaconnaissancedel’âmedel’autrequiestimpossibleparcequ’elleesttout
entièrerepliéedéfensivementdanssonintérioritéet,pour leroisansdoute, dans
uneobsessionde«celersonsecret».
Charles IX, dans le portrait que trace de lui l’ambassadeur Marino Cavalli80,
semble tout faire pour échapper à la capture de son regard, pour ne pas laisser
percevoirsesaffectsetsesémotions,pournerienlaisserdevinerdesesréactionset
surtoutpourmaintenirl’énigmequ’estsapolitique.«Ilpassepourêtreendessous,
commelemontretrèsbiensonairsombre.Quandonluiparle,ilneregardejamais
enface,mais,avecsesépaulescourbéescommelesavaitsonpère,ilal’habitudede
baisserlatêteetlesyeux,puisdelesrelevertoutàcoup,cequ’ilsemblemêmefaire
avec peine. Et, après avoir regardé en l’air ou jeté un coup d’œil vers son
interlocuteur,illesabaissedenouveausubitement81 .»CharlesIXsemetenscène
commele contrairedu princequi se laissereconnaître plusà sonregard qu’à son
aspect. Il donne l’apparence d’un homme replié dans des secrets qu’il ne veut pas
partager. Précisément, ne retrouve-t-on pas ici un acteur politique se mettant en
scène de manière énigmatique justement parce qu’il gouverne par le recours à
l’énigme82 ? À commencer par l’énigme de lui-même qu’il montre à voir en la
couvrant d’une mélancolie qui peut avoir été de composition afin d’établir une
distance entre lui et ses sujets, une énigme qu’avait bien cernée Michelet, sans
toutefois l’intégrer dans les procédures d’autosymbolisation du roi, en postulant
qu’ilavaitétéetdemeuraitencoreune«énigmepourtousetpourlui-même83».
CharlesIXnetend-ilpasàmétaphoriserlejeuauquelilselivreavecsamère,qui
consiste à mettre en œuvre savamment une indétermination, une opacité ou
imperméabilitédestinéeàrésisteràtoutetentatived’appréhension,dèslorsqu’elle
pourrait parasiter l’avancée stratégique vers l’union des cœurs84 ? Cette politique
qui voit le roi se prendre au jeu de celare verbum est une politique de la non-
proférationdemots,derésistanceàlaconvoitisedesyeuxinquisiteursdel’autre,et
se dédouble dans une passion pour la chasse qui isole encore le roi puisqu’il lui
arrivederesterentredouzeetquinzeheuresàchevalsansmettrepiedàterre,voire
à traquer un cerf durant deux ou trois jours. L’absence durant laquelle il se rend
introuvable,etdoncinvisible,participedelamêmeimperméabilitédupouvoir,de
sonjeud’illisibilité?CharlesIXparaîtdéployerunartdecontournementdetoute
appréhension en assimilant son personnage à un joueur de paume. Ce qui
expliquerait aussi les « fatigues excessives » qu’il s’infligeait et qui étaient
«incroyables»,etaussilefaitqu’ilétaitheureuxquandonluidisaitqu’ilmontrait
des«manièresetuntempéramentdesoldat».Maisnefaudrait-ilpasimaginerque
cette mise en scène de soi, en parallèle de la valorisation d’un jeu d’acteur
apparemmentantinomiquedeceluidesamère,apourobjetdefairelaguerreàla
guerre?Etcelaensynergieavec CatherinedeMédicisqui,selonMarinoCavalli,
luiauraitdictétoutcequ’ildevaitjoueràdireetàreprésenter.
Onpeutpoursuivreschématiquementlareconstitutionévénementiellesaisiesous
l’angle d’une manipulation savante : dans le cours du mois de janvier 1572, les
GuisesontdansParisetdéposentunesuppliquedemandantjusticecontrel’Amiral,
qui est rejetée ; le duc Henri, le 14 janvier, sollicite en effet de Charles IX
l’autorisation de provoquer l’Amiral en duel ou de faire appel à un arbitrage
composédesfrèresduroietdesmaréchauxdeFrance.Luietsonlignagesontmis
en garde de ne rien tenter le 27 mars 1572, par des lettres closes déclarant que
l’honneurdela veuveet desenfantsdu ducFrançois deGuise nerelevaitpas des
poursuitesquipouvaientavoirétéengagéescontreColigny.Audébutdumoisde
mai, Gaspard de la Chastre de Nancay rend visite successivement aux Guise à
Reimset à Coligny àChatillon-sur-Loing pour leur signifierqu’ils doivent cesser
toute manifestation d’antagonisme et d’inimitié. Et les princes lorrains, le
12mai1572,prennentl’engagementdenejamaiscontrevenirauxarrêtsroyauxet
font retour à la cour, suivis en juin par Coligny. C’est un obstacle à la stratégie
monarchique qui semble désormais désamorcé, tandis que des négociations sont
engagées avec Élisabeth Ire . Mais toute cette progression semble aux « bons »
catholiquesêtreorientéedansleseulsensrépondantauxattentesdeshuguenots.
Lerésultatpositifetattendudecetravailpolitique,tenduversunévénementfinal
–lemariaged’unprinceprotestantetd’uneprincessecatholique–quiseulcompte
parcequ’illuirevientd’absorbermagiquementlesprotagonistesdansunepratique
lesdésengageantdeleurstentationsantagonistes,aétéd’abordlavenueàlacourde
Jeanne d’Albret, dès le 15 février 1572. Des tractations parallèles sont menées
difficilement, mais, grâce au soutien de Ludovic de Nassau, elles conduisent
finalement la reine de Navarre à accepter le mariage de son fils Henri avec
Marguerite, la sœur du roi, la monarchie s’engageant à faire la demande d’une
dispensepontificale.Cettedemandeesteffectuée,CatherinedeMédicischargeant
l’émissaire de cour de France de faire savoir au pape que les apparences et les
médisances ne doivent pas le tromper et qu’une rétractation en douceur de la
Réforme a enfin commencé du fait de l’exercice d’une politique de « douceur ».
Tout le système mis en place est un système de signes et de contresignes, et, au
signequevientdelancerlepartiprotestantenacceptantleprincipedecemariage,
la royauté répond par un autre signe qui va dans le sens des demandes
d’engagementmilitaireauxcôtésdesréformésdesPays-Bas:àBordeauxetNantes,
des préparatifs militaires semblent engagés, qui pourraient annoncer une
expédition navale française vers les Pays-Bas. On ne serait pas loin, ici, d’un
déroulementdeséchangesdansunepartiedejeudepaume.
Le 29 mars 1572, Coligny fait pression sur la royauté en écrivant au roi qu’il
constate « les affaires réduites en tels termes qu’il est besoin que Votre Majesté
prenneuneprompteettoutesfoisbiendigéréerésolution».IlsupplieCharlesIXde
faire le choix d’une option claire et d’accéder à la certitude que sa « grandeur et
ruine»dépendentdelacéléritéd’unengagementquinepeutplusattendre.
Alorsquetoutsemblefavoriserlapolitiquedepaixintérieuredelamonarchie,un
événement imprévu se produit, qui perturbe l’affermissement magique de la
concorde:ils’agit,danslanuitdu31marsau1er avril1572,dudébarquementd’un
contingentdeGueuxdemerquioccupentlaplacedeLaBrielle,puisrallientàleur
cause les habitants de Gorkum et de Flessingue ainsi que nombre de places de
Zélandeàl’exceptiondeMiddlebourg.LaFranceseretrouvemiseendifficultépar
cetteinitiativequiparasitesoncalendrier.Ilnes’agitpasicid’entrerdanslesdétails
de la course de vitesse qu’engagent les huguenots pour obtenir l’intervention
française contre l’Espagne ; l’important est de mettre en évidence la construction
d’un théâtre qui peut avoir été un théâtre de la simulation, un théâtre des
apparencesdanslequelleroietsamèreparaissents’êtrerépartilesrôles,l’unallant
danslesenssouhaitéparlesréformés,l’autreintervenantpours’yopposer.Et,au
seindecettepolitiquedelaprudence,viennentsegrefferdesconseilsderetenueou
d’encouragement:c’estlerésidentfrançaisàBruxellesquisolliciteleroidenepas
laisser s’échapper une « si belle occasion » qu’il se doit d’« empoigner à beaux
cheveux85»;c’estlemaréchaldeTavannesqui,suscitéprobablementparlareine
mère,adresseàCharlesIXunavisluiconseillantdenepasbougerjusqu’àcequ’il
sachedemanièrecertainesilamobilisationdescalvinistesdesPays-Basderrièrele
prince d’Orange regroupera des forces plus nombreuses que celles dont dispose
dansl’immédiatleducd’Albe.L’actiondesGueuxn’empêchepasCharlesIXdese
maintenir sur la ligne qui est la sienne face à sa mère : il demande à son
ambassadeuràConstantinopled’avertirleGrand-Seigneurque,bientôt,uneflotte
portant de douze à quinze mille hommes va prendre la mer sous le prétexte de
protectiondeslittorauxfrançaisetmaisenréalitépour«tenirdeRoycatholiqueen
cervelle»etdonnerappuiauxGueuxdésormaisinstallésenZélandeettentantde
prendre possession de la Hollande. « Toutes mes fantaisies sont bandées pour
m’opposeràlagrandeurdesEspagnols86.»
Le pouvoir, par ce bicéphalisme théâtral qui fonctionne en son centre et sur sa
périphérie, et qui veille à attendre le kairos le plus favorable à la consolidation
prudentielle de la paix, joue ce qu’il souhaite obtenir, la confusion des contraires
destinéeàconstruirel’harmonieentrelesanciensadversaires.Toutmontrequela
mère et le fils sont en communication constante et qu’ils s’échangent les lettres
qu’ils reçoivent. Il n’y a pas de secrets entre eux, et ils cherchent à faire avancer
l’histoireverslafinqu’ilsdésiraientvoiradvenir,enactivantunjeudepostureset
deparolesantinomique87.

Lemariagepourmettrefinauxhaines
Cequiestsecretestlenon-ditd’unjeuderôlesqu’ilsmaîtrisentpourdésorienter
ceuxqui voudraientle contesterou l’entraver. Dansun premiertemps, le roifait
semblantd’attendreunengagementanglaisauprèsdesinsurgés,leposantcommela
condition de sa propre mobilisation militaire. Puis, comme les chefs militaires
huguenots se font plus pressants en arguant de la nécessité urgente d’une
intervention, Charles IX semble faire le choix de laisser partir Louis de Nassau,
venuàParisauxcôtésdeJeanned’Albret,etle«Bayard»huguenot,Françoisdela
Noue,pourinvestiretoccuperlesplacesstratégiquesdeMonsetValenciennes,les
22 et 23 mai. Alors que Coligny cherche à forcer l’histoire, la politique royale
semblen’avoirpourfinquedegagnerdutempsgrâceàdessimulacres,commele
ditunmémorialistedutemps:«Iln’osoitrejetterleconseildeColigny,depeurque
ce seigneur n’entrat dans quelque défiance ; d’un autre côté il ne vouloit pas
s’avancerjusqu’àdéclareruneguerre,qu’iln’avoitaucuneenvied’entreprendre;il
necherchoitqu’àgagnerdutemps.»Gagnerdutemps,pourallerjusqu’aubutquele
pouvoirseseraitdonnéetauraitprogrammé:lemariageroyald’oùprocéderaitune
histoireenfinenruptureavecleparoxysmetragiquequis’estemparéd’elledepuis
1562.Carlapressionestaussidansl’espaceduroyaume.PastrèsloindeParis,les
tensions sont fortes et émaillent la succession des jours jusqu’au temps d’avant
massacre:ainsienmai,unnombreimportantderéforméstroyenssontincarcérés
pours’êtrerendusàunprêchehorsdulieudeculteofficiellementoctroyé88.Mais
gagnerdutemps,c’estaussirecouriràlamiseenénigmedeladécision.
Le8juin,HenrideNavarre,leprincedeCondéetlecomtedeLaRochefoucauld,
avec un cortège imposant de gentilshommes, font leur entrée dans Paris. À leur
rencontreviennentlesducsd’Anjou,d’Alençon,deNeversetd’autresgrands,mais
aussil’Amiraldéjà présentdansla capitale,avec20 cavaliersà sescôtés,ainsi que
«tout»leParlementet136archers.Cetteentréemarqualedébutd’uncyclefestif
auquel prirent part Navarre, Alençon, Condé, d’Aumale et d’autres nobles venus
pour le mariage : durant quelques jours, il y eut un tournoi dans les jardins des
Tuileries,et,aprèsd’autresréjouissances,ilfutprocédéàuncrirépététroissamedis
consécutifs d’un édit exigeant de chacun de respecter la paix civile : quiconque
l’enfreindraitetrefuseraitledevoird’oublidelaguerrepassée,encourraitunejuste
punition. Et l’espace public n’en semble pas moins avoir été troublé par des
contestations ponctuelles, puisque « plusieurs furent pendus pour avoir violé
l’édit»,surordreduducd’Anjou.
Deuxfaitsjouenten faveurde lastratégieroyale :d’unepart, lamortdeJeanne
d’Albretle9juin1572,quiprivelepartiprotestantd’unefigurehistoriqueméfiante
à l’égard de Catherine de Médicis et de son fils, et qui détermine, pour raison de
deuil et certainement pour des considérations astrologiques, un décalage de la
cérémonied’unionausamedi18août;d’autrepart,lethéâtrepolitiquesemblebien
fonctionner, dès qu’il est visible que le soulèvement massif des Flandres que
promettaientlesGueuxetLouisdeNassau,àl’appeldeGuillaumed’Orange,nese
produit pas et qu’au contraire le duc d’Albe parvient à reprendre peu à peu le
contrôle de la situation. Charles IX lui-même donne des gages de ce qui serait le
doubledelui-mêmesoussonapparentattachementàlaguerre,puisque,le16juin,
iladresseàJeandeVulcob,sieurdeSassy,ambassadeurauprèsdel’empereur,une
lettredanslaquelleilsedésolidarisedel’entreprisedeLouisdeNassauetévoquele
« juste jugement de Dieu envers ceulx qui s’eslèvent contre l’auctorité de leur
prynce».Dèsledébutjuillet,GiovanniMariaPetruccipenseque,faceàceuxqui
veulent la guerre contre l’Espagne, le roi et sa mère font désormais bloc, « parce
qu’ilssontdéjàfatiguésdestamboursetdestrompettes89».Ilestprocédétoutefois
le9juillet,àLaBrielletenueencoreparlesGueux,àl’exécutiondeseizeprêtreset
moinesemmenés depuis Gorkum, dansdes circonstances atroces, dontil faudrait
savoirsilanouvelleputparveniràParis.
Toutepromesse,danslasociétédutemps,estcependantuneaffaired’honneur,et
leproblèmeestqueColignys’estengagéàvenir enaideauxfrèrescalvinistesdes
Pays-Bas et qu’il a impliqué le parti protestant dans ce sens. Sa parole l’a engagé
crucialement auprès des siens. La royauté se doit donc de tout faire pour que
l’honneur du capitaine protestant soit préservé et ne le porte pas à décider une
mobilisation militaire anti-espagnole impliquant le seul parti huguenot dans un
conflitavecl’Espagne.Ilnedoitpasapparaîtrecommeresponsabledelarupturede
sa parole, non plus que le roi en personne ne doit passer pour être à l’origine de
l’abandon du projet de guerre qui vaudrait pour marque de défiance à l’égard de
l’Amiraletdesonparti;carcettedéfiancerévéleraitqu’iln’auraitjamaisétésincère
et aurait été un prince du mensonge. Il s’agit, sans attendre, de parvenir à une
neutralisationdelatensionbellicisteparvoied’euphémisationetdoncdemaintenir
leroidanslasphèredel’énigmatique.Onrecourtdoncàunstratagèmenormalqui
estdefairedéciderenconseilduchoixdelaguerreoudelapaix.Ladélibérationen
conseilduroiprésentedeuxavantages:elleviseàpermettreàColignydesortirdes
débats des semaines précédentes la tête haute, puisqu’elle enraie le risque de voir
transforméeenunaffrontpersonneldelamonarchieàsonégardunedécisionde
non-intervention militaire qui repose sur une sagesse commune, soit la mise en
balance argumentée par divers hommes de savoir des données positives et
négatives.Surtoutlaroyautéretirelebénéficedeparaîtreneutredansunchoixqui
est collectif, à l’issue d’une succession de prises de paroles permettant que soient
peséslepouretlecontreduprojetdeguerreanti-espagnole.Encejeudemiseen
énigmevisantàdésorienteroudéjouerlesprotagonistes,lamonarchiejouecomme
àlapaume,sanscraindreladéfaitecommeilestédictéen1555dansleTrattatodel
giocodellapallad’AntonioScaino:
Pourquenotrejoueurpuissejouerlongtempsgrâceàunefouguegaillardeetàunevigueurassurée,tirant
avantage de l’art en plus des dispositions physiques, il faut qu’il entre sur le terrain le cœur intrépide et
fougueux car l’esprit de celui qui a peur de la défaite devient lent et plein de doutes, chose qui est très
contraire à la hardiesse et à l’agilité du corps […] Il ne sera pas pressé de frapper la balle mais très
circonspect […] et il la suivra toujours fixement du regard, mais avec une certaine nonchalance de la
personne[…].Ildoittoujourstâcherdeprendrel’adversaireaudépourvuet,commel’ondit,hors-temps90.

Ledésengagement,ponctuépardesscènesaucoursdesquelleslareinemère,selon
lesrumeursquipersistent,auraitexhortésonfilsàprivilégierl’optionréalistedela
paix,sedérouleencinqtemps:unpremierconseilsetintauchâteaudeMadridle
19juin.Colignyysoulignequel’occasiond’affaiblirl’Espagneestuniqueetqu’ilne
faut pas la laisser passer, toutes les Flandres n’attendant qu’un signal d’un appui
français pour prendre les armes. Catherine de Médicis ne serait pas intervenue,
maisCharlesIXsembleavoirdonnédessignesd’accord.C’esttoutefoisunefoisle
conseillevéquelecomtedeRetzauraitfaitpartàColignydesonscepticisme.Àses
yeux, la paix était une chance qui risquait de se perdre, et il évoqua « plusieurs
regrets du malheur de la France qui avoit laissé et laissoit passer une si heureuse
occasion de rendre la monarchie proportionnée, parfaicte, accomplie, arrondie et
limitée des bornes que les montagnes, les mers et les rivières luy ont, dès le
commencement du monde, ordonné, ce semble, pour son naturel pourpris ».
Colignyaurait répliqué en affirmant que cette chance se perdra aussi si la France
dédaignelaconquêtequiseproposeàelle.Etilseraitallémêmejusqu’àavancerque
Charles IX, une fois victorieux, pourrait faire cadeau à la maison de Lorraine du
Luxembourg et de la Gueldre afin de montrer que l’association, dans la guerre à
venir, des catholiques et des huguenots pouvait être profitable à tous et qu’une
nouvellegrandeurdelaFrancepouvaitpasserparuneunionquirépéteraitcellequi
avaitfaitlapuissancedeRome;enl’occurrencecelledesRomainsetdesSabins.
Unsecondconseil,tenuencoreauchâteaudeMadrid,reprendlesdélibérationsle
26juinetvoitlepouvoirroyalrefuserdedonnersonsatisfecitauprojetdeColigny.
SelonDiegodeZúñiga,laquestionàl’ordredujourestdedéterminers’ilfautoune
fautpasrompreavecl’Espagne.Leducd’Anjouestlepremierintervenant;illitun
textedontTavannesrevendiquerad’avoirétélerédacteuretinsistesurlefaitqu’ily
atropderisquesàentrerenconflitouvertavecleroid’Espagne,unallié.Ensuite
parle le maréchal de Tavannes lui-même qui dit que le projet protestant
apparemment sous-estime l’armée du duc d’Albe et au contraire surestime
artificiellementlaforcemilitairedesGueuxdemer.Sijamaisilarrivaitqueleduc
d’Albesoitvainqueur,leroyaumedeFranceconnaîtraitdetrèsgrandesdifficultés,
et, s’il était défait, le vrai vainqueur serait le parti huguenot qui aurait de quoi
imposer sa volonté au roi. De toute manière, le choix de la guerre mettrait la
France en danger, surtout parce que les huguenots, à un moment ou l’autre,
recibleraient leurs ambitions sur le royaume et n’hésiteraient pas à le livrer aux
affresdelaguerrecivile.LaguerrequeColigny,deplus,proposenecorrespondpas
àce que doit être une guerre juste ; la paix est laseule solution, dans l’immédiat,
face à une conjoncture périlleuse. Le nerf de la guerre est l’argent, et les finances
royales sont épuisées. L’armée a périclité durant les troubles civils, etc., et, aux
difficultésintérieuresduroyaume,ilnefautpasenajouterd’autresenfaisantd’un
ami«sonennemysigrand,quevotreEstatpuissecourirfortuneàcausedetantde
necessitez».
JeandeMorvillierinsistequantàluisurlefaitqu’ilfautselaisserguidernonpas
parlafortunemaisparlaraisonquiinciteànepasallerdanslesensd’unecertitude
quelesPays-Basseraientprêtsàlarévolte,quel’AngleterresuivraitlaFrancedans
son option de guerre, que les princes allemands seraient disposés à s’associer à
l’entreprise.Enoutre,ilnefautpasnonplusselaisserbercerparl’assurancequele
rejet d’une noblesse agitée hors du royaume garantirait le repos intérieur de la
France:carleroid’Espagne,detoutefaçon,finiraitparagressermilitairementla
France. Le peuple des Flandres, en premier lieu, n’est pas fiable parce qu’il a un
naturelquiluifaitrefuserl’absolutismemonarchique.Ilfautenoutretenircompte
delasuperpuissanceespagnoleetdel’instabilitéduprinced’Orangeetdesesfrères,
dont les promesses sont sujettes à caution. Attention, est-il affirmé de manière
appuyée, à ne pas se laisser leurrer par les forces prétendues qu’ils revendiquent
d’avoirà leurscôtés.En conclusion,Jean deMorvillierreconnaît quela conquête
française des Pays-Bas serait extraordinaire pour le roi de France, mais il ajoute
qu’ellen’estpasdel’ordredupossible;ilneparvientpasàimaginerque,dansles
circonstancesprésentes,ellepuisseêtreréalisée.Lepérilseraitqueleroyaumede
Francesoitengagédansuneguerreépuisanteparcequesansfinavecl’Espagne.
Coligny,dansladéfensequ’ilprésenteensuite,s’appuiesurunmémoirerédigépar
Philippe du Plessis-Mornay : il identifie la guerre contre l’Espagne à une guerre
d’honneurcontreunennemi,PhilippeII,quin’acherchéetnecherchequ’àaffaiblir
lagrandeurdelaFrance,attendantquelesceptredeCharlesIXetsacouronnesoit
briséspours’enemparer.CharlesIXnepeutpasfairemachinearrière,cariladéjà
commencélaguerreenaccueillantenFrancedesgentilshommescommeLouisde
Nassau,quePhilippeIIconsidèrecommedesrebelles,etseposeencoreleproblème
de Genlis désormais captif. La guerre sera aisée à conduire, car « le peuple ne
demandeque les armes ». La reine Élisabethest l’alliée de laFrance, tout comme
l’Allemagne.CharlesIX doitsavoir quesessujets, désormaisdélivrésde laguerre
civile, se mobiliseront financièrement et militairement en témoignage de leur
reconnaissance. Il sera accueilli en « libérateur » aux Pays-Bas et il fera ainsi
l’acquisition, de manière aisée, d’un pays d’une grandeur, population et richesse
remarquables.Ilseraainsile«plusgrandmonarquedelachrétienté».
Tavannes aurait alors repris la parole pour remettre les pendules à l’heure à
propos des forces présumées des rebelles. La France risque d’être défaite dans le
cours de la guerre. ll faut prendre en considération que le duc d’Albe, sous peu,
pourraavoiràsadisposition«unedesplusgrandesarméesquiaitestéilyalong
tempsensemble».ll disposed’argentenabondance« pourcontinuerla guerreet
mettreleschosesàlalongue»,d’autantqu’il«tientlepaysdequoyilvivra,alors
que les troupes adverses mourront bientôt de faim ». L’hiver approchera vite,
rendant la conquête des Flandres impossible en raison des marécages et de
l’humidité des terres ; surtout la guerre entreprise par le roi de France mettra
commeàunjeudehasardledevenirduroyaume,oùilya«unsigrandnombrede
peuple»quivivantdansl’anciennereligion,devraitparticiperaufinancementdes
opérationset pourraitmenacer de serebeller : «Est ensomme porter laquerelle
d’unepoignéederebellesdedehors,pourenfaireungrandnombrededans.»
Le roi serait demeuré imperturbable face à ces prises de paroles, même si les
présuméesMémoiresdeTavannesrapportentquel’interventiondumaréchalnefut
pas bien reçue, « joinct à la vacillation de la Royne possédée d’espérance, de
timidité,etdesafillequidevoitestreroynedeNavarre,delaterreurd’uneguerre
estrangere91».Leconseilressembleplusàuneséried’exercicesdestyleévaluantla
part du positif et celle du négatif dans la guerre qui pouvait intervenir. Mais
Catherine de Médicis aurait semblé en réalité considérer que les choses sont en
quelque sorte préréglées. Elle écrit au pape le 5 juillet que le bruit d’une guerre
contrel’Espagneestsansfondementetquesonfilsestloindelasouhaiter:«Jepuis
asseurer qu’il ne la commencera jamais, si l’on ne l’y constraint par force, et ne
désire que d’establir le repos de son royaume, lequel il se promet entier par le
mariageduroydeNavarre 92.»Iln’ya,àsesyeux,aucunflottementdanslesystème
de pouvoir de Charles IX, et l’entrevue qu’elle a ensuite avec Coligny ne produit
aucuneavancéedansunsensoul’autre.Cequin’empêchepasqueCharlesIXnese
découvretoujourspas:ilenvoiesonémissaireGian GaleazzoFregoso,quiaurait
été peu auparavant à l’origine d’un plan de partage des Pays-Bas, vers Louis de
Nassau,puisversleprinced’Orange 93;cedernier, s’approchantdeValenciennes,
constate que la bannière espagnole y flotte à nouveau. Mais ne s’agit-il pas de
continueràdonnerdesgagesdebonnevolontéaupartihuguenot?D’autantque,le
7juillet,estatteintundesobjectifspermettantlaréalisationdumariage:leroide
Navarre est dans Paris. Son cortège, lors de son entrée, aurait compris 800
gentilhommesqui,commelui,portaientledeuil94.
Sinousréfléchissons,cesdiscoursqui,prononcésenconseil,auraientétédestinés
à faire jaillir une raison royale des contradictions des propositions et des faits,
renvoient à une utopie rhétorique humaniste à laquelle la reine mère est depuis
toujoursattachée.Deladiversitédesmots,deleurdissemblanceoudiscordance,de
leur énigmatique, doit et peut ressortir une sagesse à même de réparer des
antagonismesquiopposentleshommesetrisquentdelesporteràs’entretuer.Cette
utopieestfondéesurlacertitudequelaparoleaétédonnéeauxhommesnonpas
pour qu’ils s’opposent et basculent dans la violence, mais puissent se rassembler,
s’unir pour vivre loin des tentations d’inhumanité. Avant le don de la parole, les
humains vivaient dispersés, sur le qui-vive, ne se rencontrant que pour se faire
violence.Laparoleestfondatriced’unordred’amitiéentreleshommessanslequel
nullesociéténepeutsurvivreetdontlesfemmessontlesgardiennes.
Dans la conception néoplatonicienne que le « Platon françois », Loys Le Roy,
vulgariseàlacourdeCharlesIXetquiasansnuldouterencontrél’attentiondela
reinemère,lemondehumainavécuunehistoirequil’arendu«politique»ausens
oùleshommesontétéamenésàvivreensociété.IlrevientàConcordedelesavoir
soustraits à la vie sauvage qu’ils « menoient nuds et velus parmy les forests et
montaignes, és creux des arbres, et cavernes hideuses, et les a reduits en ceste
sociétéetdouceurcivile».Concordelesad’abordassemblésparlesmariages,puis
et surtout « par la communication des lettres et du langage ». C’est du fait de ce
principedemédiationqu’ilsontpurecevoirenfinl’artetlamanière«desenourrir
etvestirhonnestement,d’edifiermaisons,chasteaux,forteressesetvilles:devivre
en republique avec Loix, Magistrats, jugemens, avec tant d’arts mecaniques et
liberaux,rendantlesgensexcellentsensapience,doctrine, vertu».Toutestvenu
dulangageetdesacapacitéàréuniretàenseigner.
À l’opposé, la discorde relève pour Loys Le Roy d’une évanescence ou d’une
corruption du principe fondateur de l’échange des paroles et de la mise en
conjonctionnégativedesantinomiesverbales.Etilestfrappantdeconstaterquela
discordenecorrespondpasàunedisparitiondulangage,elleinscritsadynamique
néfaste dans le développement d’une mécanique de déplacement de la finalité
harmonique des mots, qui, loin de secréter l’amour et l’ordre entre les êtres
humains, les éveille au doute, au soupçon, les dresse les uns contre les autres, les
sépareenlesportantàvivrepoureuxseulsetnonpasenempathiesociale:«Par
discordelesgentsdemeurentdispersetvagabonds,pleinsd’erreuretdecrainte,ne
s’osansfier à lieu ne à personne quelconque.» Loys Le Roy distingue alors entre
puissancedevieetpuissancedemort:«Brief,concordeetdiscordesemblentavoir
difference telle entre elle, qu’ont la mort et la vie : naissantes toutes choses en
concorde,perseverantesetvivantes:quianeantissentetperissentendiscorde 95.»
Faceàl’universsombredeladisharmonie,lavraieparoleestunelumièrequiouvre
les êtres humains les uns aux autres et peut permettre, non pas d’occulter le
tragique d’une existence marquée par le péché, mais d’empêcher qu’elle ne glisse
dans le chaos. Vivre humainement est vivre dans l’échange des mots et dans la
modération qu’implique cet échange, vivre non pas par et pour soi, mais en
communicationavecl’autre.
Car la vraie parole ne tourne pas sur elle-même, ne vaut pas par et pour elle-
même, elle est innervée par la foi et elle est tendue vers la charité nourrie
d’espérance.Lasagessehumainen’estqu’unesagesseenpointillé,GuillaumeBudé
l’avaitprécédemmentécritdanslaPraefatioqui,dédiéeàFrançoisI er ,inaugureleDe
transitu Hellenismi ad Christianismum. La parole, pourvu qu’elle vise l’harmonie,
participed’un désir de Dieu. Si elle tend vers les vertus d’espérance et de charité,
elle est supportée par la foi dont elle est une expression. La philologie majeure,
malgrésesaspectssévères,doitêtreprivilégiéeparrapportàlaphilologiemineure
qui, usant d’artifices pour séduire, est prométhéenne en ce qu’elle est seulement
humaine.Elleacetteparticularitédes’inscriredans«unesortede chaîned’ordu
Verbe divin et céleste, dont les maillons et les nœuds sont constitués par la
successiontrèscomplexedesactesdelaProvidence,quelesAnciensappellentaussi
“économie”et“théurgie”».Elleélèveversleciellesmortels,ellelielecieletlaterre.
Harmonique est la parole qui, une fois reçue et perçue du Ciel, respirant de « la
Minervecélesteetdivine»,sedonnecommefind’opérerpourleChristsurterre.
ElleestuneparolephilosophiqueappriseduChrist:«Effectivement,cettemême
philologie,quin’estpasfondée,tellequelaphilosophieancienne,surlaconfiance
enl’esprithumain,neconsidèrepascommehommeachevéetparfaitceluiquiest
constitué seulement d’une chair vivante et d’un esprit doté d’intelligence et imbu
d’uneraisonparfaite,c’est-à-diredroiteetexacteselonlarèglephilosophique96 .»
Philologie mineure et philologie majeure doivent donc être associées dans une
grandeœuvrederenouvellementdelarhétorique.
Dansunmondechargéd’unsensdramatiquequiinspiraitgénéralementl’idéeque
le faire devait primer sur le dire, dans un monde toujours en tension
d’assombrissement sous l’effet des assauts de la mort et de la violence, une
épistémologie politique voulut tenter de proposer un apaisement, une forme de
consolationsur un mode empirique. Les langues, dans le monde, ont une unique
origine, selon ce qu’affirmait Joachim du Bellay : la fantaisie des hommes ; mais
ellesontaussiunefinalitéquitranscendeleurinfiniediversitéetlarichesseplusou
moins grande des unes et des autres : « signifier entre nous les conceptions et
intelligencesdel’esprit97»etrecréercequiaétéperduaprèslepéchéd’Adam:un
sens de la communion humaine, de la concorde. La parole de la reine mère
s’intégrerait alors dans la conception humaniste du langage cernée par Michel
Foucaultentant quela« figured’un mondeen traindese racheteretse mettant
enfin à l’écoute de la vraie parole98 ». Cette philosophie de l’esprit cherchait à
rendregrâceàl’Espritdivindansladispensationd’uneparoleàlafoisapaisanteet
unifiante.
Etce fut sur les basesd’un logocentrisme travaillant pour quel’humanité puisse
aller à la rencontre de la Croix du Christ que l’imaginaire du travail politique de
CatherinedeMédicis–etsansaucundouteaussidesonfils–cherchaàsedonner
une cohérence sur la base d’une distinction capitale entre la parole ensauvagée,
négativeparcequemultipleetdoncantagoniste,etlaparoleordonnée,dontellese
voulaitlamaîtresse.Faceàdesdiscoursdesurenchèrequibloquenttoutevéritable
communication parce qu’ils sont instrumentalisés pour menacer l’autre, pour le
faire plier, la conception de la conversation à laquelle peut être référée la culture
curialedeCatherinedeMédicisserapprochedecelledeLouiseLabé,tellequ’elle
estthéoriséedanslecoursduDebatdeFolieetd’Amour.
En face, le mauvais langage est celui qui fonctionne à sens unique, de manière
unilatérale ou systématique, sans le principe d’équilibrage dialogique. Pour bien
parler,ilfautparleràl’autreetfaireparlerl’autre,parlerensemble.L’argumentdu
Debatest le suivant.Amour et Folieentrent en disputesur leur droitrespectif de
préséance,alorsqu’ilsdoivententrerdanslepalaisdeJupiteroùilsontétéconviés.
Amour mesurant qu’il n’est pas en mesure de vaincre Folie par ses paroles lui
décocheuneflèchequinetouchepassacible.Folie,devenueinvisible,sevengeen
rendantAmouraveugle.Jupiter,ayantprisconnaissancedececonflit,désignedeux
avocatspourdébattredudroit del’uneet del’autrepartie,avantde prononcersa
sentence. Par-delà la parodie des plaidoiries dont Mercure et Apollon se font les
truchements, comme l’écrit François Rigolot, l’enjeu du Débat tournerait entre la
«recherchedel’absoludelapossession»etla«délectationdanslechaosdudésir».
Jupiterrendfinalementsonjugement,toutenmarquantquedésormaisAmouret
Foliesontliésdemanièreirrémédiable,Foliedevantguiderl’aveugleAmouràqui
sesyeuxserontrestitués,etAmourpouvantexigerd’êtreguidé«partoutoùbon
luisemblera99».
Ledialogue,construitsurlesbasesd’unéchangeentre accusationetdéfense,est
conçu comme l’élément restaurateur d’un ordre de vie en commun, sans devoir
débouchersuruneconclusionquimarqueraitlaprimautédel’undesprotagonistes
surl’autre,ouquiconsacreraitquelavéritéestd’uncôtéplutôtquedel’autre.Siles
dieux qui ont assisté au débat sont partagés, Jupiter prononce son arrêt en
soulignantqueprimele«vivreamiablementensemble».Quantàlarésolutiondu
différend,Jupiterentérinelefaitquel’affairedoitêtreremise«àtroisfois,septfois,
neuf siècles100 ». À jamais en réalité… Mais la forme, dans ce Débat, est
surdéterminée par le contenu qui chante le bonheur d’une société traversée par
l’amour des femmes, par la force civilisatrice d’un sexe initié aux sciences
vertueuses ; surtout quand Apollon se lamente sur le caractère malheureux,
misérable, de ceux qui vivent sans amour, sans la passion que les femmes
suggèrent:«Cesontgensmornes,sansesprit,quin’ontgraceaucuneàparler,une
voixrude,unallerpensif,unvisagedemauvaiserencontre,unœilbaissé,creintifs,
avares,impitoyables,avares,etn’estimanspersonne:Loupsgarous.»
Trèstôt, la reine mère seveut la réconciliatrice etla modératrice qui travailleà
apaiserlavirulencedesmots.EstiennePasquierparladeson«hautcœur».Ilfaut
iciprendrel’exempledesrelationsentrelesGuiseetleprincedeCondé,arrêtéle
31 octobre 1560 et condamné à mort pour crime de lèse-majesté, mais libéré au
lendemain de la mort de François II. Louis de Condé, qui refuse de sortir de sa
geôle avant le 20 décembre, entame alors une longue lutte pour retrouver la
plénitudedesonhonneurqu’iljugesouilléparsacaptivitéetlesaccusationsquiont
étélancéescontrelui.Ilveutetexigeunejustificationquinefassepasdesamiseen
liberté une simple mesure de grâce, et pour cela il réclame que ses accusateurs,
évidemmentlesGuise,soientdémasqués.IlsereplieenPicardie,puis,àl’issuede
tractationsmenéesparsafemmeÉléonoredeRoyeetparleConnétable,ilserend,
avecun«cortège»decentchevauxetplus,àlacour,àFontainebleau.Pournepas
donner une impression menaçante, il congédie en route son escorte et ne se
présentele12marsqu’avecFrançoisdeLaRochefoucauldetJeandeMonchy,sieur
deSénarpont, quiétait lieutenantgénéralde Picardie etproche deCondé. S’ilest
bienaccueilliparlareinemèreetleroi,lesassistantstémoignentdelafroideurde
larencontreavecleducdeGuise.Le13mars,leroiappelleleprinceàvenirdevant
son conseil qui, à l’initiative du chancelier Michel de l’Hospital, reconnaît son
innocence.Cequinesuffitpas,carCondé,contrairementàcequevoulaitlareine
mère,réclameunarrêtduparlementdeParisquiconsacreraitsondroitetl’équité
desacause.
Débutedanscecontexteuneséquencequelescontemporainsontperçuecomme
unemanièred’offensivecontrelesGuise.Derrièrelaréhabilitationsecacheraitune
reprisedujeudesfactions,àl’initiativedeCondé.Leprocèssuit,avec,d’uncôté,les
appuisparlementairesduducdeGuiseet,del’autre,AntoinedeBourbonquiessaye
defaireaccélérerleschosesenfaveurdesonfrère.Enfindecompte,Catherinede
Médicisintervient, par deux lettres des 20 et 27 mai. Effrayéepar la peur que de
nouveauxtroublesnesurviennentàl’occasiondecettemiseenscènedesdifférends
aristocratiques,elleinvitelesgensdeParlementàdonnerpromptementsatisfaction
auprince.Le13juin,lacoursedécideàdéclarerleprinceinnocentdescrimesqui
luiontétéimputés.Unefoiscetteréparationsolennelle,devantlaGrand’chambre,
obtenueparCondé,CatherinedeMédicisselancedansuneactionderéconciliation
entre Louis de Bourbon et les Guise. L’atmosphère n’en est pas moins lourde,
commeentémoigneuneétrangenotationducuréJehandelaFosse,quirelateune
rumeur dans Paris : elle rapportait « qu’on trouvoir des petits enfants morts,
lesquelsestoientfendusparlemilieu».PlusieursItalienssonttuéssurlesoupçon
d’êtreàl’originedecesrituelscriminelsfantasmés,«desortequelesdictsItaliens
avoientgranspeuretn’estoientasseurésdedansParis101».Lebruitcourtaussi,le
moissuivant,quelepapeauraitfulminéunmonitoirecontreleroienraisondeson
soutienaumariage102 .
Lareinemèreorganisealors unecérémonie,sansdouteréglée parunprotocole
qui,rédigéàl’avance,s’attachaitsurtoutàréguleretprogrammerl’ordredesmots
qui seraient dits entre les deux hommes ; une cérémonie codifiée dans laquelle
chaqueprotagonistemimelesmouvementsetlesparolesvoulusparlareinemère:
chacun doit savoir ce qu’il doit dire et ce qui lui sera répondu, à l’avance. La
cérémonie a lieu à Saint-Germain-en-Laye, le 24 août 1561. Selon l’émissaire
anglaisAntonyThrockmorton,elleauraiteupourcadrelachambreduConnétable
malade, mais elle peut s’être aussi tenue dans une salle du château, voire dans les
jardins.Tout leconseil duroi yassiste, dontles princesdu sanget le Chancelier.
L’ordre préréglé des prises de parole est destiné à restaurer l’harmonie entre les
capitaines. Le roi intervient le premier, sollicitant le duc de Guise d’éclairer le
princedeCondésur«l’opinionqu’ilenaeue».Leducsedéfendalorsden’avoir
jamais voulu offenser l’honneur du prince et d’avoir été à l’origine de son
arrestation.LouisdeCondérépliqueensoulignantqu’iltientsesaccusateurspour
des méchants. Au terme de cet échange, les deux hommes, à la demande du roi,
s’embrassentetsedonnentrituellementlapromessederesteramis.PuisCatherine
deMédicisfaitpasserlasociétédecourdel’ordredelaparoleréconciliatriceàcelui
d’ungrandfestinauquellescourtisanssontconviésetquiconsacrelebasculement
dans l’amitié retrouvée ou recréée 103 – une récréation des êtres comme l’avait
exprimé Marsile Ficin et comme Rabelais l’avait envisagé au terme de l’énigme
prophétisantlaconcorde.
Revenonsàcejeucomplexe,animéaudébutdel’été1572etactivéensuiteparune
sériedepaliersquidonneàpenseràunjeudemiseenénigme;le12juillet,comme
pour compenser ce recul tactique et gagner du temps en se maintenant dans une
certaine ambiguïté, Charles IX laisse un contingent expéditionnaire de 4 000
arquebusierset600chevauxsortirdeFrance,emmenéparJeandeHangest,sieur
deGenlis,afind’allersecourirleshommesdeFrançoisdeLaNoueetdeLouisde
Nassau désormais assiégés dans Mons en leur apportant des vivres. Au total le
corpsexpéditionnaire,rejointpardesélémentsprotestants,auraitcomprisquelque
1000gentilshommes,900chevauxet6000hommesdepied.Ensuite,le17juillet,
c’est, avec sans doute 3 000 morts, l’écrasement catastrophique de ce contingent
surprisenpleinrepasparunearméeespagnole,quireplacelepouvoirenposition
de force – relative bien sûr – pour mettre un coup d’arrêt à l’entreprise belliciste
huguenote;uncoupd’arrêtquis’avèred’autantplusnécessairequenil’Angleterre
niGuillaumedeNassau,princed’OrangeetchefduparticalvinistedesPays-Bas,ne
bougentdésormaisetquelaFrancerisquedeseretrouverseuleimpliquéedansun
conflitavecl’Espagne,dramatiquepoursesintérêts.Enoutre,danslesbagagesde
Genlis,auraitétédécouverteunelettrequiauraitétéadresséeparleroiàLouisde
Nassau et lui garantissant que tout serait fait pour libérer les Pays-Bas de la
domination espagnole. Giovanni Michiel souligna que le duc d’Albe aurait eu
recoursàlatorturepourfaireparlersesprisonniers,dontGenlis104.
Charles IX, confronté à ce désastre à haut risque, fait le dos rond et charge son
ambassadeur Jean de Vivonne, seigneur de Saint-Gouard, de féliciter Philippe II
poursavictoire. Leroi d’Espagnerépondque l’occasions’imposeà CharlesIX de
purger son royaume de « ses ennemis », d’autant que l’Amiral est dans Paris au
milieud’unpeuplecatholiquedévouéàsonsouverain.Leroidoitdoncsedéfausser
auprèsdePhilippeIIetduducd’Albedesonjeudepouvoirquiconsisteenlamise
en énigme de sa capacité décisionnelle afin de mieux neutraliser les risques du
devenir. Quant à Catherine de Médicis, elle adresse au même ambassadeur un
message attestant son plaisir à « veoir touttes choses préparées à continuer une
saincte et bonne amitié, en empeschant toutes sortes de praticques qui se
pourraient faire au contraire par la malice du temps ou par faute de ses bien
entendre 105».
Lasituationest grave,car Genlisest prisonnier,avecquelque 1150 soldatstant
GueuxqueFrançais,dontcertainsserontexécutésautourdu18août,«dontc’estoit
grand pitié de les ouyr lamenter, et maudissoient monsieur de Jenlis et les autres
seigneurs,quilesavoientenlevezdeleurpaysdeFrance106».Surtoutilyaurgence,
car le duc d’Albe affirme avoir entre les mains des lettres de créance du roi de
Francedonnantà Genlisautorité surle corpsexpéditionnairedésormais défait.Il
enrésultequel’optionpacifistealeventenpoupe.Quefaut-ilpenserduproposde
l’Amiralquicourutalors107?Faceaudésaveuunanimeduprojetqu’ilsoutenait,il
se serait adressé à Catherine de Médicis en lui exprimant ce qui aurait pu être
interprété comme un avertissement lourd de sens : « Madame, le Roi renonce à
entrerdansuneguerre;Dieuveuillequ’ilneluiensurviennepasuneautredontil
neseraitpasensonpouvoirdesesretirer108.»
S’agit-il d’une bravade d’un homme de guerre irrité par la technique
scénographiquedontausélepouvoirroyalpourallerjusqu’auboutd’unprocessus
dontlerésultat–unefinderefusdel’aventuremilitaire–révèleraitqu’ilauraitété
maîtrisé dès son point d’origine ? Ou faudrait-il y deviner que le parti protestant
auraitluiaussiparticipéd’uneculturedujeuquipouvaitintégrer,par-delàlaguerre
étrangère engagée pour la défense des frères en religion, la guerre civile comme
instrumentd’avancementdesesprojets?
Une lettre de la reine mère au pape laisse soupçonner que le jeu de rôles, loin
d’êtreuneinventionrétrospectivesousmaplume,futbienréeletdestinéàlafoisà
leurrerleshuguenotspourmaintenirunepaixciviledansleroyaumeetàdonnerà
lamonarchie,aucasoùleschosesprogresseraientenfinpositivementauxPays-Bas
dans un sens favorable, une nouvelle perspective. Catherine y soutient qu’elle
connaît parfaitement les intentions de son fils et qu’en conséquence elle peut
assurer Grégoire XIII que, pour ce qui est d’une guerre contre l’Espagne, il ne la
commencera«jeamés»,saufs’ils’ytrouvaitcontraint«parforce».CharlesIXn’a
qu’unepréoccupation,«acheverdeacomoderlededansdesonroyaume,etquel’on
luiendonnelelouisir,etleluiempechetdeestablirlerepos,quiestencomensé,yl
seprometentierparlemariageduroydeNavarre109».Jean-LouisBourgeon,sur
cepoint,araisonquandilécritqu’ilfautvoirune«habileté»delamonarchiedans
lefaitde«fairecroireàtousqu’ilexisteraitquelquezizanieentreCharlesIXetsa
mère,etsurtoutentreCharlesIXetleducd’Anjou».Lesdivergences,affirme-t-il,
sontaffichéesenpublicmaisfontpartied’unestratégieduparaîtrequeLeTocsain
contrelesmassacreursdécrypteraen1577enaffirmantque«ondisoitouvertement
que c’estoit une farce jouée à deux personnages 110 ». Disons plutôt qu’il faudrait
voirlàencoreunemiseenénigmedelapolitiqueroyaledansuncontextedurant
lequel la promotion de la concorde civile est vitale pour ceux qui gouvernent le
royaume.
Parallèlement, les capitaines protestants, derrière Coligny, renforcent leur
pression,donnantàentendreque,s’iln’yapasdeguerreétrangère,laguerrecivile
se rallumera irrésistiblement. Ils auraient même avancé, selon Tavannes,
soupçonner que l’écrasement de Genlis et de ses hommes serait dû à des
informations parvenues aux Espagnols par le biais de truchements hauts placés.
CharlesIXessaiedenoyerlepoissonfaceàunColignyqui«journellement»vient
luidemanderl’autorisationdefairemouvementverslesPays-Bas.Leroiluiaurait
mêmedemandéunmoratoirede4à5joursavantdemettreenplaceledispositif
d’implication militaire anti-espagnol. Il part chasser à Montpipeau. Catherine de
Médicis,quiétaitalléevoirsafilleClaude,duchessedeLorraine,rentrele3aoûtà
Paris, pour renforcer théâtralement ce qui relèverait toujours et encore d’une
stratégie concertée de « gagner du temps ». L’ambassadeur Zúñiga évoque sa
volontéde« faireentendreau roilelangage delaraison111».Ce langagepasseà
nouveauparletruchementdelaconfrontationrhétorique.Malgréles Mémoiresde
Tavannes,quireconstituentunescèneproblématiquedurantlaquellelareinemère
se serait plainte à son fils de se retrouver complètement marginalisée dans la
nouvelle temporalité politique et d’avoir été remplacée par l’Amiral avec lequel,
selonsesaccusations,leroitiendraitdesconseilssecrets,nefaut-ilpascontinuerà
soutenirl’idéed’unjeuderôlequiapourobjetdemaintenirdansl’illusionleplus
longtempspossibleleshuguenotsetentraverleurdésirdeguerre?
Le6août,danscecontextequisemblefaireduroienquelquesorteunobligédu
partiprotestant,leconseilestrassemblé.Colignyreditsonargumentationjustifiant
l’actiondeconquêtedesPays-Bas.Ilsembleavoirremisl’accentsurlefaitque,sans
cette guerre, ce serait dans le royaume même que de grands troubles surgiraient,
moinsd’ailleursdufaitdeshuguenotsqueparceque,sileroid’Espagnel’emporte
surlesGueux,ilvoudraenprofiterpoursevengerdeshuguenotsquiprendrontles
armespourleurdéfense.LeroyaumedeFrancerisqueainsidedevenirunterrain
d’affrontementsintensifiés.
Tavannes,seloncequesonfilsJeanavoulutransmettreàl’histoire,n’auraitpas
varié non plus dans ses arguments : il souligne que l’intervention de soutien
françaisauxPays-Bas,sielleestdécidée,neferaquedéclencheruneguerresansfin
entre le roi de France et le roi d’Espagne. Charles IX, lié par son engagement
favorableàlaguerre,seradépendantd’unefactionquiluiôteratoutevelléitédese
désengagerduconflit.Etl’avisdeColignyestrejetéparleconseil,commeleprécise
GiovanniMichiel:
IlenfuttoutautrementqueColignynel’avaitespéré…Cefurentceuxmêmesquel’Amiralavaitestimésles
plus faibles, qui se montrèrent les plus osés. Le vote étant donc unanime à réprouver ses projets, il se
tournaversleroietluidit:«Sire,puisqueVotreMajesté,del’avisdeceuxquisontici,estentraînéeàne
passaisiruneoccasionaussifavorablepoursonhonneuretsonservice,jenepuism’opposeràcequ’ellea
fait, mais j’ai l’assurance qu’elle aura lieu de s’en repentir »… Puis se tournant vers la reine mère :
«Madame,dit-il,leroirenonceàentrerdanscetteguerre.Dieuveuillequ’ilneluiensurvienneuneautre,
delaquellesansdouteilneluiserapasaussifaciledeseretirer 112.»

Cette décision, qui pourrait semble sanctionner la fin de la temporalité
énigmatiquejouéeparleroietsamère,n’empêchepasdestractationstousazimuts
secontinuer,danslesjourssuivants,lesprotestantsdonnantàentendreque,sila
France entre en guerre, l’Angleterre ne pourra que suivre. Coligny aurait accusé
ceux qui s’opposent à lui d’avoir « une croix rouge dans le ventre113  ». C’est le
momentoùleroiauraittentédesedonnerunemargedemanœuvresuggérantà
Colignyqu’ilpourraitpréparerunelevéede12000arquebusierset3000chevaux.
Il rejoue, dans ce moment de tensions maximales, l’opposition à l’influence de sa
mère, laquelle joue encore à marquer son mécontentement en se retirant au
château de Monceau. Une tradition historiographique peu fondée, établie par les
MémoiresdeGasparddeSaulxTavannes,fixedecesinstantsuneimagedelareine
mère,accompagnéeduducd’Anjou,venantrencontrersonfilsle15oule16août
dans son cabinet et lui faisant comprendre que seule la mort de l’Amiral lui
permettrait de sécuriser sa couronne, d’autant que, pour elle, « tout le parti
huguenot»tenait«enlatestedel’Amiral».
En toute logique, les 9 et 10 août, il paraît avoir été procédé, après plusieurs
auditionsfaiblementcontradictoiresdemembresduconseil,auchoixd’abandonner
le grand dessein huguenot jugé trop dangereux et hasardeux dans le contexte
immédiat.Lesavisdeshommesde guerre,Coligny,Anjou, Montpensier,Nevers,
Cossé et sans doute encore Tavannes, auraient été déterminants. Avant d’être
contréparJeandeMorvillierquiinsistasurl’isolementdiplomatiqueetmilitairede
la France et fit repousser le projet huguenot, l’Amiral aurait repris le contenu du
mémoirerédigéparPhilippeduPlessis-Mornay,quiproposaitauroideFrancede
serévéler,danslaguerrecontrel’Espagnebarbare,«leplusgrandMonarquedela
chrestienté ». Il aurait justifié en termes médicaux la guerre future et aurait
développélethèmeducorpspolitiquesouffrantd’unemaladieetnepouvantêtre
guériqueparl’expulsiondeshumeursnocives:
ChacunsçaitcommeleFrançoisquiagoustélesarmesmalaisementlespeutlaisseretcommesouventde
gaieté de cueur par faute d’ennemi il querelle son compagnon, et ami mesme. L’Italien, l’Allemand, le
Suisse,lapaixfaicte,retourneàsonmestier:leFrançoisdesprisetousautresmestiers,demeuresoldatet
parfautedepluscommodeexercice,plusieursaimentmieux,oucercherlaguerreauloin,oulafaireaux
passanssurleschemins,quedesereposerchereux.Pourvuiderdonctantdesangcorrompuetsuperflu,
quipourroitcréerquelquemaladieaucorpsdevostreestat,ilfautouseigner,oupourlemoinséventerla
veine,entreprendredis-jeuneguerre.

Il aurait déployé ensuite avec la plus grande ardeur l’argument de la barbarie
espagnole,dumasquededévotiondontlefilsdeCharlesQuintserecouvriraitpour
légitimer les plus atroces et inhumaines violences perpétrées par les Espagnols
partout dans le monde. La barbarie espagnole érigeait la guerre française en
nécessité,contrelaquelleaucuneobjectionn’étaitpertinente:
Vousnelapouvezdelaiersansperdreleprofitdelapoursuite…Autrementd’autantest-il[PhilippeII]plus
àhairqueleTurc,queplusesthaissablelechienquimangel’autrequeleloupmesme114.

IlsembleégalementqueColignyaitprésentél’actioncontrel’Espagnecommeune
questiondevieoudemortpourlaRéformefrançaise.Sonattachementàl’idéede
guerre n’aurait pas été seulement politique, et ce ne serait pas uniquement parce
que son honneur était engagé qu’il aurait cherché jusqu’aux limites du possible à
persuaderleroidubien-fondédelaluttepourlalibertédesPays-Bas.L’émissaire
anglaisFrancisWalsingham,àproposdecesconseils,écritàlareineÉlisabethque
l’obsessiondel’Amiralestd’éviterl’écrasementdescalvinistesdesPays-Bas,surtout
parceque cette défaite, sousla pression d’une Espagne revigoréedans sa croisade
pourl’unitéchrétienne,pourraitavoirdesconséquencescapitalesenFrancemême.
LadéfaitedesGueuxdemeretdeceuxquisesontsoulevésàl’appeldeGuillaume
d’Orangerisqueraitd’avoirvaleurexemplaire,endémontrantàlaroyautéfrançaise
quelaviolenceestuninstrumentqui,endéfinitive,donnedesrésultatspositifs:
Soncourageestinvincible;ilreprésenteauroicequiestàcraindre,sileprinced’Orangesuccombeous’il
estobligédetraiteràdesconditionsquilaissentlesPays-BasretombersousladominationdesEspagnols.Il
m’apriédevousdirequecen’estpointsonintérêtparticulierquilefaitagir,etqu’aprèsdesilongstroubles
il ne se mêlerait plus de rien s’il ne voyait le péril qui en général menace tousceux de la religion et, en
particulier,leRoisonmaîtreetlaReinenotremaîtresse.Dansl’étatoùsontleschosesiltrahiraitDieuetsa
patrie,s’ilnefaisaitpastoutcequidépenddeluipouréviterdesifunestessuites115 .

Undernierbaroudd’honneur,maisleprojetprotestantestabandonné,laissantla
voieouverte,déjà,àdesrumeurs:parexemple,ausortirduconseil,Colignyaurait
agitélespectrenonseulementd’uneaction,horsdetoutaccordexpliciteduroi,qui
seraitdestinéeàapporterdusecoursauxfrèresenreligiondesPays-Bas,maisaussi
d’unrisquedesoulèvementdansleroyaumedeFrance.
L’énigme inhérente au mode de gouvernance d’un pouvoir royal partagé entre
guerreetpaixpendantceslonguessemainesn’esttoutefoisplusd’actualité.Elles’est
autorésoluethéâtralementd’unemanièreenquelquesortepassive,parsimpleeffet
delaconfrontationdesdiscoursetdoncdelamagieinhérenteaulangage.
La partie de jeu de paume se conclut par un apaisement. Et tout va très vite
désormais ; une première union biconfessionnelle, symbolique de l’unité
qu’autoriselelangage,estcélébréele10août:leprinceHenrideCondéprotestant,
enprésenceduroideNavarre,épouselatroisièmefilleduducdeNevers,Mariede
Clèves,catholique,àBlandy-en-Brie,àproximitédeMelun.
L’énigme a donc été jouée et pensée comme une « énigme en prophétie » d’un
tempsdepaix.

1. Michael A. Screech, « The sense of Rabelais’s Énigme en prophétie »,Bibliothèque d’Humanisme et
Renaissance,XVIII,1956,p.392-404;FrançoisRigolot,«ÉnigmeetProphétie:leslangagesdel’hermétisme
chez Rabelais », in Œuvres et critiques, XI-1, 1986, p. 37-47 ; Jan Miernowski, « In search of a Context for
Rabelaisian Hermeneutics : “Énigme en prophétie” or How to Combine the Unnameable with the
Omninameable»,in RabelaisinContext.Proceedingsofthe1991VanderbiltConference,BarbaraC.Bowen (dir).,
Birmingham, Summa Publications, 1993, p. 67-77 ; Olivier Pot, « “L’énigme en prophétie” chez Rabelais :
naissanceetdestind’ungenre»,inL’ÉnigmatiqueàlaRenaissance…,op.cit.,p.137-154.
2.Ex3,9-10et35?
3.LettresdeCatherinedeMédicis,HectordeLaFerrièreéd.,10vol.,Paris,1890-1909,t.VIII,p.308-310.
4. Ibid., t. VIII, lettre du 8 novembre 1578, p. 111, cité in Denis Crouzet, « Une diplomatie qui se voulait
maternelle : Catherine de Médicis face aux Huguenots (1578-79) », inFemmes en diplomatie. Diplomatie de
femmes,MathieuGellard(dir.),Paris,Pedone,2024,p.94-124.
5.ChristianeRaynaud,«LacolèreduPrince»,in Jean-PierreLandryetPierreServet(dir.), LeDialoguedes
Arts,t. I,LittératureetpeintureduMoyenÂgeauXVIIIesiècle,Lyon,CEDIC,2001,p.33-66.Surcepoint,l’analyse
deLorisPetris,«Lemagistratgallicanetl’AcadémieduPalais:leDiscoursdel’ire,etcommeillafautmodérerde
GuyduFaurdePibrac(Étudeetédition)»,NouvellerevueduSeizièmeSiècle,n°22/2,2004,p.57-82.
6.Voir YannRodier, Les Raisonsde lahaine. Histoired’unepassion dansla Francedupremier XVIIe siècle (1610-
1659),Seyssel,ChampVallon,2020:lechapitreIàproposduDiscourssurl’Ire àl’AcadémieduPalaisàlafinde
l’année1575:«leschosesnettessontéternelles».
7.«LettresdesroisdeFrance,desreines,princesethautspersonnagesduroyaume…»,art.cité,p.122-123.
8.NégociationsdiplomatiquesdelaFranceaveclaToscane…,op.cit.,t.VII,p.323-325.
9. Louis-Prosper Gachard, La BibliothèqueNationale à Paris, Paris, M. Hayez, 1877, t. II, p. 522-524, cité in
Jean-LouisBourgeon,CharlesIXdevantlaSaint-Barthélemy,Genève,Droz,1995,p.99.
10. Émile Gachet, « Annexes [à ce rapport (première partie)] »,Compte rendu des séances de la commission
royaled’histoire,DeuxièmeSérie,t.4,1852.p.339-352,p.348.
11.FrancisGoyet,«D’HerculeàGargantua:l’ambivalencedesgéants», ÉtudesRabelaisiennes,tomeXXXII,
1997,p.93-106.RabelaispourleXXIe siècle,MichelSimonin(dir.)Genève,Droz(ÉtudesRabelaisiennes,XXXIII),
1998.
12.ÉmileGachet,art.cité,p.326-330.
13. Rosana Gorris Camos, « “L’Encyclie des Secrets de l’Éternité” : poésie et secret à la Renaissance », in
Dominique de Courcelles (dir.), Les Secrets : d’un principe philosophique à un genre littéraire, Paris, Champion,
2005,p.297-336.
14. Voir Pascal Quignard, « La passion de Guy Le Fèvre de la Boderie », Poésie, 3, 1977, p. 95-109, qui
s’appuie sur Encyclie des Secrets de l’Éternité, Anvers, Plantin, 1571 (Pascal Quignard, Petits traités II, Paris,
Gallimard,1997,p.243-283).
15.LaGalliadeoudelaRévolutiondesartsetsciences.ÀMonseigneurilsdeFrance,frereuniqueduRoy.ParGuyle
Févre de la Boderie, Secretaire de Monseigneur, et son Interprete aux langues peregrines. À Paris. Chez Guillaume
Chaudiere,1578.
16.RosanaGorrisCamos,art.cité,p.273-278et Ead.,«LapassionpourGuyLeFèvredeLaBoderieetla
flammesombredu“Zohar”»,StudiFrancesi,181,LXI,I,2017,p.77-91.
17. Brief Discours de la Magniicence et entrée du Tres-chrestien Roy de France Charles IX, faicte en sa ville de
Tholose,ledeuxiesmejourdefevrierMDLXV,Paris,GuillaumedeNyverd,1565.
18.Raymond Trousson, « Ronsard et la légende d’Hercule», Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance,t. 24,
1962,p.77-87.NicolasLeRoux,«Leglaiveetlachair:lepouvoiretsonincarnationautempsdesderniers
Valois»,ChrétiensetSociétés,numérospécial«LaVocationduPrince»,II,2013,p.61-83.
19. Anne-Marie Favreau-Linder, « Lucien et le mythe d’Ἡρακλῆς ὁ λόγος : le pouvoir civilisateur de
l’éloquence»,Pallas,81,2009,p.155-168;ClaudeLaCharité,«HenriIIIRhéteur,NouvelHerculeGaulois»,
in NewChaptersintheHistoryofRhetoric,vol.1,2010,p.269-286;Marc-RenéJung, Herculedanslalittérature
françaiseduXVIesiècle.Del’Herculecourtoisàl’Herculebaroque,Genève,LibrairieDroz,1966.
20.NEFERRVMTEMNATSIMVLIGNIBsOBSTO/1572.«Depeurqu’ilnedédaignel’épée,jeluioppose
enmêmetempslefeu.»
21.JulesCésarScaliger, Poeticeslibriseptem…,Lyon,A.Vincentium,1561,p.130: «figuraquaaliuddicimus,
aliudintellegimus»,citéinColetteNativel,«Rubensetlarhétorique»,inActesdu24 ecolloquedelaVillaKérylosà
Beaulieu-sur-Merles4et5octobre2013,Publicationsdel’AcadémiedesInscriptionsetBelles-Lettres,2014,p.191-
216.
22. Voir Mawy Bouchard, « À propos de la médisance, auXVIe  siècle et au-delà », inActa universitatis
Lodziensis.FoliaLitterariaRomanica15,2020,p.79-89.
23.ÉrasmeàMartinDorpius,mai1515,inÉrasme,ÉlogedelaFoliesuividelaLettred’ÉrasmeàDorpius,Paris,
Garnier-Flammarion,1964,p.97-126.
24. ŒuvresinéditesdeMichelL’Hospital,chancelierdeFranceprécédéesd’unEssaisursavieetsesouvrages, Pierre
JosephS. Duféy(éd.), 3 vol.,Paris, ChezA. Boulland etCie, 1825,t. I, p.70. DenisCrouzet, La Sagesseet le
malheur.MicheldeL’HospitalchancelierdeFrance,Seyssel,ChampVallon,1998.
25.SylvieDaubresse,«CharlesIXetleParlementdeParis:àproposdecinqdiscoursdupouvoir»,Revue
historique,t.297,2,602,avril-juin1997,p.435-455.
26.CitéinSylvieDaubresse,«ChristophedeThouetCharlesIX…»,art.cité,p.402.
27. Voir Philippe Joutard, Janine Estèbe, Élisabeth Labrousse et Jean Lecuir, La Saint-Barthelémy ou les
résonancesd’unmassacre,Neuchâtel,DelachauxetNiestlé,1976.
28.AdolpheSchaeffer,«LaSaint-Barthélemyfut-ellepréméditéedelonguemain?»,Bulletindelasociétéde
l’histoire du protestantisme français Documents historiques inédits et originaux. XVI e, XVIIe  et XVIIIe siècles, Quatrième
année,1856,p.275-313.
29.Jean-BaptisteCapefigue,Histoiredelaréforme,delaligueetdurègnedeHenriIV,7vol.,Paris,Dufey,1834,
t.III,p.207etsuiv.
30. CorrespondancediplomatiquedeBertranddeSalignacdelaMotheFénelon ambassadeurdeFranceenAngleterre
de1568à1575,7vol.,ParisetLondres,1840,t.5,p.329.
31.MémoirejustificatifdelaSt-Barth.,envoyéle26août,pourservird’instructionàl’ambassadeurauprèsdelareine,
desesministresetd’autrespersonnes,avecprièrededonneravisdecequ’onendira,p.330etsuiv.
32. Revue rétrospective ou Bibliothèque Historique, contenant des mémoires et documens authentiques, inédits et
originaux,pourserviràl’histoireproprementdite…,t.III,p.195,citéinGeorgesGandy,«LaSaint-Barthélemy.
Sesorigines,sonvraicaractère,sessuites»,RevuedesQuestionshistoriques,vol.1,1866,p.11-94etp.321-391.
33. Augustin Théiner, Annales ecclesiastici, I, Rome, Ex Typographia Tiberina, 1856, p. 330-336.
Correspondance du nonce en France Antonio Maria Salviati (1572-1578), Pierre Hurtubise et Robert Toupin (éd.)
Rome,ÉcolefrançaisedeRome-Universitépontificalegrégorienne,1973.
34.GeorgesGandy,artcit.,p.331.
35.PaulRicœur,Tempsetrécit,Paris,LeSeuil,1985,p.256etp.262.
36. Jean Walch, « Romantisme et positivisme : une rupture épistémologique dans l’historiographie ? »,
Romantisme,1978,n°21-22,p.161-172.
37. Certitude et incertitude à la Renaissance. Florence Malhomme et Marie-Thérèse Jones-Davies (dir.),
Turnhout,BrepolsPublishers,2013.
38.SabinaLoriga,«Ledoutedel’historien»,in Biographiesetrécitsdevie,KmarBendana,KatiaBoissevain,
DelphineCavallo(dir.),Tunis,InstitutderecherchesurleMaghrebcontemporain,2005,enligne.
39.Jean-Pierre Cavaillé,Croyanceetdouteaudébutdel’époquemoderne.Uneapprocheanthropologique,2018,en
ligne.
40. Il faut préciser que le titre « Énigme en prophetie » ne date que de 1542, donc après la publication de
Gargantuaen1534-1535.
41. Marie-Madeleine Fontaine, « Le jeu de paume comme modèle des échanges : quelques règles de la
sociabilité à la Renaissance », Sociabilités, Pouvoirs et Société, Presses universitaires de Rouen, n° 110, 1987,
p. 143-153, repris dans Libertés et savoirs du corps à la Renaissance, Françoise Thélamon (dir.), Orléans,
Paradigme,1993,p.99-111.
42.Lesimpropèressontunchantquiaccompagnelavénérationdelacroixaucoursdelacélébrationliturgique
duVendredisaint.
43.Pouruneinterprétationévangélique,MichaelA.Screech,art.cité.
44.BaldassareCastiglione, LeLivreduCourtisan.Présentationettraductiond’aprèslaversiondeGabrielChappuis
(1580),AlainPons(éd.),Paris,Flammarion,1991,p.49.
45.Laballe.
46.Rabelais, Gargantua,Éditioncritiquesurletextedel’éditionpubliéeen1535àLyonparFrançoisJuste,
GérardDefaux(éd.),Paris,LeLivredePoche,1994,p.484.
47.Ibid.,GérardDefaux,«Introduction»,p.14.
48.LouisMarin,«Lescorpsutopiquesrabelaisiens»,Littérature,n°21,1976,p.35-51,p.45-46.
49.Marie-MadeleineFontaine,«Lejeudepaume…»,art.cité,p.143-153.
50.AntonioScaino, Trattatodelgiuocodellapalla,Venise,GabrielGiolitode’Ferrari,1555.VoirJohnMartin,
« Inventing sincerity, refashioning prudence : the discovery of individual in Renaissance Europe », The
AmericanHistoricalReview,102-5,1997,p.1309-1352; ChiaraContinisio,«Ilreprudente.Saggiosullevirtù
politiche e sul cosmo culturale dell’Antico regime », in Ead. et Cesare Mozzarelli (dir.), Repubblica e virtù.
PensieropoliticoemonarchiacattolicafraXVIsecoloeXVIIsecolo,Rome,Bulzoni,1995;AntonellaFenechKroke,
«La palla dascanno en mots et en images : enquête sur un jeu àla Renaissance »,Revue d’histoiremoderne et
contemporaine,2014/2,n°61-2,p.61-88.
51.JacquesChomarat,GrammaireetrhétoriquechezÉrasme,2vol.,Paris,LesBellesLettres,1981,t.II,p.662:
LaprudenceduChristinviteànepasrechercherledanger:«Lorsquel’Évangileaplusàperdrequ’àgagnerpar
tamort,fuis,cache-toi…»Ilfautsavoircéderquelquefois:«Parsonacte,leChristnousavertitquequelque
foisilfautcéderàlamalicedeshommes,depeurqu’ellenes’exaspèreencoreetnecommettedespéchésplus
horribles. » Données complémentaires in Robert H. Murray, Erasmus and Luther, their Attitude to Toleration,
Londres et New York, Society For Promoting Christian Knowledge, 1920 ; Wallace K. Ferguson, « The
AttitudeofErasmustowardToleration»,in PersecutionandLiberty,EssaysinhonorofGeorgeLincolnBurr,New
York, Books for Libraries Press, 1968, p. 171-181 ; Myron P. Gilmore, « Les limites de la tolérance dans
l’œuvre polémique d’Érasme », in Colloquia Erasmiana Turonensia, vol. II, Limoges, 1972, p. 713-736. Sur le
refus érasmien de l’intolérance, Thierry Wanegffelen, L’Édit de Nantes. Une histoire européenne de la tolérance
(XVIe-XX esiècle),Paris,Librairiegénéralefrançaise,1998,p.77-87,qui,plutôtquecompassion,utilise,ensuivant
Mario Turchetti et sa très fine analyse du concept de « sygkatabasis », le motif de la « condescendance des
humanistes » (Mario Turchetti, « Une question mal posée : Érasme et la tolérance. L’idée de Sygkatabasis »,
Bibliothèqued’HumanismeetRenaissance,53(2),1991,p.379-395).
52.DanielMénager,Ronsard.LeRoi,lePoèteetlesHommes,Genève,LibrairieDroz,1979,p.199-200.
53.Ibid.,p.201-215.
54. Ronsard, Œuvres complètes, Gustave Cohen (éd.), 2 vol., Paris, Gallimard, 1938, t. II, p. 230-233, « Le
second Livre des Hymnes. À Odet de Colligny, cardinal de Chastillon. Hymne du Printemps. À Fleurimond
Robertet,seigneurd’Aluye».
55.CitéparDanielMénager, Ronsard…,op.cit.,p.151.VoirDenisCrouzet, Le«Hautcœur»deCatherinede
Médicis. Histoire d’une raison politique au temps du massacre de la Saint-Barthélemy, Paris, Albin Michel, 2005,
p.420-427.
56.JeanHeluisdeThillard,LeMirouërduprincechrestien,posésurlesdeusColonnesRoïallesdePietéetJustice:
enrichidesplusexquisornemens,etautresraressingularitez,quilepeuventseurementguideraucombled’unegrandeur
honorable,ÀParis,ChezThomasBrumen,1566,p.90.
57.LaHaranguequefeitleRoyaMessieursdelaCourtdeParlementensonPalaisaParis,estantlorsensonaage
Royal,lelundidouzièmejourdeMars,milcinqcenssoixanteetunze,s.l.,1571,aiiii-b.
58. Christine Tauber, « Disséminer la Vérité. La Grande galerie à Fontainebleau et le roi des signes,
FrançoisIer »,inLaVérité.Vérité etcrédibilité:construirelavéritédanslesystèmedecommunicationdel’Occident
(XIIIe -XVIIesiècle).ActesdelaconérenceorganiséeàRomeen2012parSASencollaborationavecl’ÉcolefrançaisedeRome,
Jean-PhilippeGenet(dir.), Éditionsdela Sorbonne,Publications del’Écolefrançaise deRome, 2015,p.237-
260.
59.JacquesTahureau,OraisonAuRoy:delagrandeurdesonregne,etdel’excellancedelalanguefrançoise.Plus
quelquesversdumesmeautheurdediezàMadameMarguerite,ÀParis,ChezlaveusveMauricedelaPorte,1555,
diii.
60.PierreHassner,«Violence,rationalité,incertitude:tendancesapocalyptiquesetiréniquesdansl’étudedes
conflitsinternationaux»,Revuefrançaisedesciencepolitique,14 eannée,n°6,1964.p.1155-1178.
61.ThomasSébillet, Art poétiquefrançais (1548), Traitésde poétiqueetde rhétoriquedelaRenaissance,Francis
Goyet(éd.),Paris,LeLivredePoche,1990,p.135.
62.RaphaëlCappellen,art.cité
63.PaulRicœur,«Lamarquedupassé», Revuedemétaphysiqueetdemorale, janv.-mars1998,p.17,citéin
François Bédarida, « Une invitation à penser l’histoire : Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire et l’oubli », Revue
historique,2001/3,n°619,p.731-739.
64. Abel Desjardins, « La paix de Saint-Germain (1570) d’après des documents entièrement inédits », in
Comptesrendusdesséancesdel’AcadémiedesInscriptionsetBelles-Lettres,9e année,1865,p.128-131.
65. Célestin Douais, Lettres de Charles IX à M. de Fourquevaux ambassadeur en Espagne (1565-1572), Paris, A.
Picard,1897.
66.LettresdeCatherinedeMédicis,HectordeLaFerrière(éd.),10vol.,1890-1909,Paris,Imprimerienationale,
t.III,p.88.
67.Ibid.,t.III,p.277.
68.DiscoursdelaBatailleetcruelzassaultz,DonnezentreMont-contourt,Hervaulx,Etdelatres-memorablevictoire
obtenue(parlagracedeDieuetdelabonneconduictedeMonsieur)lelundytroisiemejourd’octobre,MDLXIX.Ensemble
lesnomsdesrégimentsdesHuguenotzdeffaictz,Etlesnomsdeceuxquisontmortsetblessez,delapartduRoy,ÀParis,
GuillaumedeNyverd,1569,n.p.
69.LaurentdeBourg,Discourssurlavictoirequ’ilapleuàDieud’envoyerauRoy,surleshereticquesetrebelles:avec
diversespreuvesdel’assurancedenostrevictoire:jointeuneexhortationàseresituerenDieuetàlouerleschefsdeceste
guerre,etunchantd’allegresseàtoutlepeupledeFrance.ÀMonsieurdeMandelotgouverneurdeLyon,ÀParis,Par
DenisduPré,1570,Iiii-Iiiii.
70.Ronsard, Œuvres…, op. cit.,Gustave Cohen (éd.),t. II, p. 625-629: « L’Hydre desfaictou la louange de
MonseigneurleDucd’Anjou,FrèreduRoy,àpresentRoydeFrance»,originellementpubliéeen1569dansles
Paeanessive hymni in triplicemvictoriam, felicitateCaroli IX. : Galliarvmregis inuictissimi, &Henrici fratris, ducis
Andegauensisvirtutepartam,Paris,ChezJehanCharron,1569.
71.«Chanttriomphalpourjoüersurlalyre:Surl’insignevictoirequ’ilapleuàDieudonneràmonseigneur
frereduroi»,inrecueilsanstitre,BNF,8°PieceYe5977,quicontientdespiècesserapportantauxvictoiresde
latroisièmeguerredereligionetaussiàlaSaint-Barthelémy,d’auteursaussidiversqueChristofledeBordeaux,
ArtusDesiré,FrèreLegierBon-tempsetenfinRonsard,letoutimpriméaprèslemassacred’août1572.
72.AmadisJamyn,LesŒuvrespoétiques.PremièrespoésiesetLivrepremier,SamuelM.Carrington(éd.),Genève,
Droz,1978:«CantiquedelavictoiredeMonseigneurleDucd’Anjou,frèreduRoy»,p.67-72.
73.Ibid.,«Dialogue.LePassantetleGéniedeMoncontour»,p.213-214.
74.JeanServier,LesTroislivresdelaphilosophieocculteoumagie,Paris,BergInternational,1981-1982.
75. Henri Corneille Agrippa de Nettesheim, La Philosophie occulte ou la magie, Livre I, Paris, Éditions
traditionnelles,1979,p.3-5.
76.Selon le titredu livre éditépar Menna Prestwich, International Calvinism, 1541-1715,Oxford, Clarendon
Press,1985.
77. Coligny rentre dans Paris, dès le jour de la Fête-Dieu, le 5 juin, avec 300 gentilshommes (?) et va
directementauchâteaudeMadridsaluerleroi.
78.LucienRomier,«LaSaint-Barthélemy,lesévénementsdeRomeetlapréméditationdumassacre»,Revue
duSeizièmeSiècle,t.1,1913,p.529-560,p.543-544.
79.Deoratore,III,22;FernandDelarue,«Cicéronetl’inventionduregard», L’Informationlittéraire,2004/4,
vol.56,p.32-41.
80.MarinoCavalli,inLe RelazionidegliambasciatorivenetialSenatoraccolte,annotateededitedaEugenioAlberi,
Florence,Societàeditricefiorentina,1839,p.67.
81.LaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise.RelationsdesambassadeursGiovanniMichieletSigismondCavalli,
WilliamMartin(éd.),Paris,1872,p.54.
82.ValérieHayaert,compterendude MiroirsdeCharlesIX.Images,imaginaires,symbolique,LuisaCapodieci,
Estelle Leutrat, et Rebecca Zorach (dir.), Genève, Librairie Droz, 2018, Cahiers de recherches médiévales et
humanistes,2021,enligne.
83.CitéparJacquesBailbé,«LaSaint-Barthélemydanslalittératurefrançaise»,Revued’Histoirelittérairedela
France,73e année,n°5,sept.-oct.1973,p.771-777.
84.VoirJérémieFoa,«Banalitéducorps.Laprison,l’exiletlamarchecommecommunautéd’expériences
huguenotesautempsdesguerresdeReligion»,inMédialitéetinterprétationcontemporainedespremièresguerres
deReligion,GabrieleHaug-MoritzetLotharSchilling(dir.),DeGruyterOldenbourg,2014,p.127.
85.Claude de Mondoucet, cité in Hector de La Ferrière, La Saint-Barthélemy :la veille, le jour, lelendemain,
Paris,C.Lévy,1892,p.47.
86.GustaveBaguenaultdePuchesse,JeandeMorvillier,évêqued’Orléans,gardedesSceauxdeFrance:étudesurla
politiquefrançaiseauXVIesiècled’aprèsdesdocumentsinédits,Paris,DidieretCie,1870,p.241.
87. Joseph Bruno M. C. Kervyn de Lettenhove, Les Huguenots et les Gueux : études historiques sur vingt-cinq
annéesduXVIesiècle(1560-1585),6vol.,Bruges,Beyaert-Storie,1885,t.2,p.474.
88.ÀTroyes,lesprotestantsserontagressésàlafinduprêchedel’Islepardescatholiques,aprèsunbaptême,
le 10 août. Ils sont assaillis au faubourg de Groncels et poursuivis à coups de pierres, l’enfant nouvellement
baptiséétanttuédanslesbrasdesamère.Aucunepoursuiteneseraengagée,semble-t-il.
89.NégociationsdiplomatiquesdelaFranceaveclaToscane,op.cit.,t.III,p.788.
90. Antonio Scaino, Trattato del gioco della palla, op. cit., cité in Antonella Fenech Kroke, « La palla da
scanno…»,art.cité.
91.GasparddeSaulx,seigneurdeTavannes,Mémoires,ClaudeBernardPetitot(éd.),Collectioncomplètedes
mémoiresrelatifsàl’HistoiredeFrance,Paris,1822,t.23-24-25,t.III,p.280.
92.J.B.M.C.KervyndeLettenhove,op.cit.,t.II,p.468.
93.Hugues Daussy,« Louisde Nassau etle partihuguenot », inEntre calvinisteset catholiques: Les relations
religieuses entre la France et les Pays-Bas du Nord (XVIe-XVIIIe siècle), Yves Krumenacker (dir.), Rennes, Presses
universitairesdeRennes,2010,p.31-43.
94. Mémoires et autres écrits de Marguerite de Valois, la reine Margot, Yves Cazaux (éd.), Paris, Mercure de
France,1986,p.52-53.
95. Loys le Roy, Exhortation aux François pour vivre en concorde, et jouir du bien de la Paix…, À Paris, De
l’imprimeriedeFedericMorel,1570,p.18-19.
96.GuillaumeBudé,LePassagedel’hellénismeauchristianisme.DetransituHellenismiadChristianismum,Marie-
MadeleinedelaGaranderieetDanielFranklinPenham(éd.),Paris,LesBellesLettres,1993,p.4-6.
97.JoachimduBellay,«Ladeffenseetillustrationdelalanguefrançoyse(1549)»,inJosianeRieu,L’Esthétique
deduBellay,Paris,Sedes,1995,p.161.Onpeut,pourcesquestionsessentielles,sereporteraussiàMarie-Luce
Demonet, op. cit., à Claude-Gilbert Dubois, Mythe et langage au XVI e siècle, Paris, Eurédit, 2010, et à Kees
Meerhof,RhétoriqueetpoétiqueauXVIesiècleenFrance,Leyde,E.J.Brill,1986.
98.MichelFoucault,LesMotsetleschoses.Unearchéologiedesscienceshumaines,Paris,1966,p.52:«Leslangues
sontaveclemondedansunrapportd’analogieplusquedesignification;ouplutôtleurvaleurdesigneetleur
fonction de redoublement se superposent ; elles disent le ciel et la terre dont elles sont l’image ; elles
reproduisent dans leur architecture la plus matérielle la croix dont elles annoncent l’avènement, – cet
avènementquiàsontours’établitparl’ÉcritureetlaParole.Ilyaunefonctionsymboliquedanslelangage:
maisdepuisle désastredeBabel ilnefaut pluslachercher –àde raresexceptionsprès –dansles motseux-
mêmes mais bien dans l’existence du langage, dans son rapport total à la totalité du monde, dans
l’entrecroisementdesonespaceavecleslieuxetlesfiguresducosmos.»
99.François Rigolot, «Préface », in LouiseLabé, Œuvres complètes.Sonnets. Élégies. Débatde Folie etAmour,
Paris,Flammarion,1986,p.12-15.
100. Ibid.,p.103.F.Rigolotinsistecependantsur l’indéterminationdu« partoutoùbonluisemblera»,le
«lui»pouvantdésignerautantAmourqueFolie!
101.JeandeLaFosse,Journald’uncuréligueurdeParissouslestroisderniersValois,suividuJournaldusecrétaire
dePhilippeduBec,archevêquedeReims,de1588à1605,ÉdouarddeBarthélemy(éd.),Paris,Didier,1866,p.144.
102.Ibid.,p.146.
103.Voir Jean-Marie Le Gall et Claude Michaud, Les Rencontres princièresen Europe, 1494-1788, Paris, PUF,
2023.
104.LaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise…,op.cit.,p.8.
105.7août1572,inJ.B.M.C.KervyndeLettenhove,op.cit.,t.II,p.501.
106.« Relation de la défaite prèsde Mons, des protestants françaissous la charge de Monsieurde Genlis.
1572»,AnnuaireBulletindel’HistoiredeFrance,1866,t.VI,p.203-207.
107.Cf.PierredeBourdeille, Œuvrescomplètes dePierredeBourdeille,seigneurdeBrantôme,publiéesd’aprèsles
manuscritsavecvariantesetfragmentsinéditspourlaSociété del’histoiredeFrance,LudovicLalanne(éd.),11vol.,
Paris,VeuveRenouard,1864-1882,t.IV(Viesdesgrandscapitainesestrangersetfrançais),p.299.
108.JosephdeCroze, LesGuise,lesValois,etPhilippeII,2vol.,Paris,Librairied’Amyot,1866,t.1,p.193,qui
s’appuiesurlesRelationsdesambassadeursvénitiensauSénat.
109. Catherine de Médicis évoque la demande de dispense de consanguinité ; Edgar Boutaric, « La Saint-
Barthélemyd’aprèslesarchivesduVatican»,inBibliothèquedel’ÉcoledesChartes,1862,t.23,p.1-27,p.7-8.
110.Jean-LouisBourgeon,CharlesIX…,op.cit.,p.19.
111.J.B.M.C.KervyndeLettenhove,op.cit.,t.II,p.507.
112.Ibid.,p.510-511.
113.GasparddeSaulx,op.cit.,t.III,p.257.
114. DiscoursauroiCharlesIXpourentreprendrelaguerrecontrel’EspagnolespaïsBas– ilfutescritparMonsieur
duPlessislorsaagéde23ansenl’an1572etparluimisesmainsdemonsieurl’AdmiraldeChastillonquileprésentaau
Roy,in MemoiresdemessirePhilippesdeMornay,seigneurduPlessisMarli,barondelaForestsurSevre…Contenans
diversdiscovrs,instructions,lettres,etdepeschesparluidressees,ouescritesauxrois…depuisl’anMDLXXII.jusquesa
l’anMDLXXXIX;ensemblequelqueslettresdesdessusditsauditsieurduPlessis,JeanDaillé,1624,t.I,p.18.
115.LettredeFrancisWalsingham,10août1572,inJulesDelaborde, GasparddeColigny, AmiraldeFrance,
3vol.,Paris,G.Fischbacher,1882,t.III,p.407et425.
CHAPITREIII

Laconcordeetlesdangersdulangage

Le mariage royal put ainsi avoir lieu le lundi 18 août1, selon un cérémonial qui
voitcatholiquesetprotestantsalleràlarencontrelesunsdesautresdansunefusion
des contraires restaurant dans le royaume l’harmonie que l’anima mundi diffuse
danslesdifférentessphèresdel’univers.

Dansl’énergiedel’animamundi

L’entouragedeMargueriteporteunvêtementtissédefilsd’or,etlesprochesde
HenrideNavarreunvêtementtissédefilsd’argent.Cettemiseenscèneauraitvisé
àattirerlespuissancesoccultesdusoleiletdelalune,dujouretdelanuit,delavie
etdelamort,enunissantl’oretl’argent,etdoncensolidifiantune«identitéluni-
solaire»duroyaume2.Lemariagereflétaitdoncl’ordredelaCréationetlefaisait
commeadhéreraumonded’ici-basqu’étaitleroyaumedeFrancepouruneéternité
quisetraduiraitparunretourprophétiquedel’ætasaurea.
Ledimanche17août,lesfiançailles,béniesparleCardinaldeBourbon,ontlieu
dans la Salle Haute du Louvre, suivies par un souper et un bal. Marguerite est
ensuite conduite à l’évêché, pour y passer la nuit. Le 18 août, Henri de Navarre
vient la chercher ; sur les 3-4 heures, a lieu la cérémonie de mariage d’Henri de
Navarre,quineportedoncplusledeuildesamère,etdeMargueritedeValoisqui
estprésentéeparsonfrèreetquiest«habilléeàlaroyaleaveclacouronneetcouet
d’herminemouchetée,quisemetau-devantducorps,toutebrillantedespierreries
delacouronne,etlegrandmanteaubleuàquatreaulnesdequeueportéepartrois
princesses 3 ». L’union est célébrée par Pierre de Gondi, évêque de Paris, sur une
estradedresséedevantNotre-Dame,etlabénédictionestdonnéeparlecardinalde
Bourbon4 .
Cet ordonnancement ne doit pas surprendre, car il s’agit d’un rituel qui était
observépourles fillesdesrois.Des échafaudstendusde drapd’or étaientdressés,
«selonlacoustumedesnopcesdesfillesdeFrance,quiallaientdel’évêchéàNotre-
Dame et qui sont empruntés par les mariés et toute la cour ». Henri de Navarre
conduit son épousée dans la cathédrale, puis se retire. Pour bien marquer que le
rituel est catholique et non pas évangélique, deux cierges brûlent sur l’estrade
durant toute la durée de la cérémonie. Le marié n’assiste pas à la messe qui est
chantéedanslechœurdelacathédrale;ilestinstallédanslasacristie.Unefoisla
messe chantée, Henri de Navarre se présente devant la grande porte de la
cathédrale,afindeconduiresonépouseauPalaisdejustice.Ilestdifficiled’évaluer
laréceptionparisiennedelacérémonieetdesavoirsielleauraitétéboudéeparles
zéléscatholiquesdemanièredémonstrative.
LucGeizkofleraffirmetoutefoisquelepeupleestmassivementprésentetqu’àla
findelacérémoniedesmédaillesd’orfurentlancéesaupeuple:surl’aversdel’une,
HENRICUS BORBONIUS REX NAVARRAE et MARGARETA VALESIA REGINA
NAVARRAE ;surlereversunagneaupascal avecSECURITASPACIS,CONSTRICTA
HOC DISCORDIA VINCLO5. Une autre médaille portait sur l’avers VOBIS
ANNUNCIOPACEMINCERTOVENERIT…,tandisquesurlereversétaitfiguréun
prêtre auprès d’un autel enflammé avec les lettres M. H. D’autres pièces,
bimétalliques, or/argent furent jetées en direction des spectateurs : sur l’avers or,
une femme modestement vêtue tenait un serpent ouroboros au-dessus d’un autel
couvert d’un brasier, tandis que sur l’avers argenté était gravé ÆTERNA QUÆ
MuNDA [la puretÉ est Éternelle]6 . On serait loin de l’affirmation de Jean-Louis
Bourgeonsignalantunecathédrale«déserte»parceque«lesplushautesautorités
civilesetreligieuses»auraientboudélacérémonie7 .
Cettefêteexpliqueraitpourquoilamonarchieatoutfaitpourquecettecérémonie
aitlieu,pourque Colignyetlessiens, auxcôtésdesgrands seigneurscatholiques,
expriment leur adhésion à la cérémonie nuptiale et à l’ordre de concorde qu’elle
consacre. Car la beauté féminine est, dans l’œuvre de Marsile Ficin comme dans
une vision développée par Pontus de Tyard dans ses Erreurs amoureuses de 1548,
l’« image de la beauté divine ». Le visage de la femme est l’ordre de l’harmonie
spirituellequidoitpénétrerlemondehumain,ilestl’idéedel’unitécosmiqueetde
la félicité éternelle : « sous ton haut front, qui le cler Ciel ressemble ». Il est la
perfection appréhendée grâce à l’œuvre de « Nature divine », de l’« idée
universelle»quiestlafinetlecommencementdetouteschoses.Levisageféminin
quiappelleparsabeautél’Amourestl’idéedel’Espritdivinetdelapaix.Catherine
de Médicis ne fait qu’activer la force magique qu’elle revendique depuis toujours
pourelle-même,ladouceurféminine.
L’amour entre deux êtres, que solennise le mariage royal, n’est que l’événement
qui convoque à une contemplation de la Beauté puis invite, consciemment ou
inconsciemment, à une mimétique collective d’adhésion à l’harmonie céleste.
MargueritedeValoisestnéele14mai1553,etAmadisJamynévoqueleprintemps
quirégnaitalorsetqu’ellecontinueàincarner;elleestbellecommeunprintemps.
Ellefigurece printempsdu mondequi doitreveniraprèsles tempsdifficiles d’un
automne et d’un hiver. Elle est la perle et la fleur du royaume. Ses grâces sont
souveraines,au-dessusdeshumains.LepoètelacompareàsatanteMargueritede
Savoie, qui, du temps du roi Henri II, « dessauvagea le siècle encore sauvage : /
Combatit l’Ignorance et luy donna frayeur 8 ». L’œil ne peut pas se lasser de
contempler Marguerite. Vouloir, comme Apelle, peindre la beauté de la sœur du
roiest impossible.Elleest unastre dela France.Le poèterapproche sonunion à
HenrideNavarredelachaînequiretintMarsetVénusensemble.C’estunamour
que rien ne pourra rompre, un amour qui symbolise les bienfaits de l’union des
contraires:
QuandNatureliadanssavoutureronde
Lespremierselemensdontestbastilemonde,
Dontnoussommesbastis,ettoutcequiestné,
Quilamatieresuitdontilestfaçonné
Marsestdessimplescorpslapremierediscorde,
Venusdessimplescorpslapremiereconcorde:
CarlaHaineetlaPaixjoignentleselemens,
L’unàl’autreattachezparleursenchaisnemens9 .

Il faut que les Français se joignent les uns les autres par une chaîne identique à
cellequelacérémoniedu18août1572asolennisée.AutantlaHaineestunprincipe
de corruption, autant la Paix recompose et ressoude les éléments dissociés, parce
qu’ilyalachaîneforgéeparVulcain,unechaînequiestlefeud’amour,uneflamme
qui,enunissantMarsetVénusd’un«nœudferme»,vientcontraindrelesPrinces
àoubliercetteguerrequiavaitensauvagéleursesprits.Letempsestainsivenuque
secalmentlestumultes,autourdecesdeuxcœursbrûlésd’unamourvertueuxqui
fait le bonheur de la France et qui doit aspirer le royaume dans l’espérance d’un
renouvellementdestemps.
Dumariagedecelledontlagrâceseuleestenmesured’anéantirlaforceguerrière
deMars,decellequiestlevisagemêmedel’amour,«perled’honneur»,ressortent
uneabsolueperfectionetdoncunemagienaturelle,carlepoètedépeintl’amourqui
est en Marguerite comme blessant naturellement les hommes par sa force
universelle,embrasantleurscœursetlesemportanthorsdespassions.Lemariage
etsescérémoniesfestivessontplusqu’unesymboliquedelaconcorderestaurée,ils
sont des rituels de destruction du mal, d’inclusion des hommes dans un univers
ficiniend’amour,tantparlacontemplationdelaprincessequiestdonnéeàadmirer
àtouslesassistantsqueparl’auditiond’unemusiquequiestl’encyclopédiedetoutes
lesconnaissances;cettemusiquequidoitlespurgerdeleurspassionsapourtrois
effets de « serrer, desserer, acoyser les espritz passionez et afectionez ». La
perfection,offerteencontemplationauxhuguenotscommeauxcatholiques,convie
au retour de l’ordre, à la mise en conformité du temps humain avec l’ordre du
cosmos,parcequ’elleincite«cequiestbasàsetournerverscequiestmeilleuret
plushaut».Elleestlesensmêmed’unepolitiquedemiseenénigme.
Leroiest,lorsdelacérémonienuptiale,autantOrphéequeMercureouApollon,
ilestceluiquiviseàredonnerauxhommesl’idéedel’harmoniedel’universenleur
faisant voir et écouter l’harmonie même, celui qui cherche à les charmer pour
mieux les débarrasser de leurs pulsions de violence. Il est celui qui, sans qu’ils en
aient conscience, leur parle de l’amour, de la sérénité, celui qui investit leurs
pensées d’une immense espérance. L’union ficinienne de Vénus et de Mars,
l’assoupissement des désirs violents de l’homme par la séduction de la beauté
féminineestcequidoitsedéroulerenchaqueFrançais.
Tout l’acharnement du pouvoir à négocier avec la reine de Navarre l’union de
Marguerite de Valois et d’Henri de Navarre prend sens à cet instant. Les
gentilshommeshuguenots,obsédésparl’idéequelesortdesPays-Basetl’avenirde
la réforme française dépendaient d’une entreprise guerrière que la royauté ne
pourrait plus leur refuser au lendemain de la cérémonie de mariage, furent pris
dans une histoire qui les dépassait, une histoire dont ils ne soupçonnaient pas la
trame magique et dont pourtant, tout comme les gentilshommes catholiques, ils
étaient les objets, les cibles vivantes. Il y eut préméditation le 18 août, mais
préméditation d’inclusion dans un rituel d’Amour qui devait, précisément, leur
fairecomprendremagiquement,àtous,quelapaixétaitleseulavenirduroyaume.
Lapolitiquemonarchiquefutunepolitiquemagicienne.
LacapitaleduroyaumeestdoncenferméedanslemondeidéaldesnocesdeMars
etdeVénus,dansuneutopiedubonheuretdel’âged’or,danslelangagemagique
d’une énigme qui attire le monde des hommes vers l’esprit divin de paix. C’est
CharlesIX quil’écrit lui-même à FrançoisRougier, baronde Ferals, évidemment
pour lui donner un argument destiné à contrer les réticences du pape : Henri de
Navarre,unefoismariéàMargueritedeValois,pourraêtreramenésurlechemin
del’Églisecatholiqueetromaine,commel’ajadisétésonpèreAntoinedeBourbon.
Lemariagedu18aoûtn’adesensques’ilpréfigure,danslacapacitédedeuxêtresà
l’amour, une réunion des Français dans l’unique religion qui est celle de l’Église,
dansuntermeindéterminé,maiscertaind’advenir10.
Tout est alors fait pour créer une dynamique de l’adhésion parisienne, après un
banquet donné par le roi auquel sont invités à prendre part non seulement les
princesetprincesses,lesprélats,etnobles,maisaussileprévôtdesMarchands,les
échevins,conseillers,quartenierset«bourgeois»delavilledeParis.Lesnocessont
suiviesparquatrejoursdefêtesetdemascaradesdanslegrandpalaisduParlement,
dont le Vénitien Giovanni Michiel observe qu’elles furent « magnifiques » et
attirèrent un « tel concours de peuple et de noblesse11 ». Une fête est d’abord
organisée,au cours de laquelle défilent des chars de triomphe à la mode romaine
«antique»:surl’un,onvoitleroideFrancepersonnifiantSaturne,encompagnie
desesdeuxfrères.Lemotifduroisaturnien,alorsattribuéàHenriII,avaitdéjàété
exploité lors de l’entrée de Rouen quand un arc triomphal avait été orné d’un
Saturned’orinstallésuruncroissantlunairesoutenuparlasibylledeCumesetla
sibylle tiburtine et tenant un écriteau. Il y déclarait qu’il était « l’âge d’or »
redonnantvieaumonde12 .Saturneprotecteurdelaprospéritédesroyaumes13.Un
autrecharreprésenteleMontParnassesurlequelsetiennentApollonetlesMuses
quichantenttoutenjouantd’instrumentsàcordes.Cettemiseenscènetraduitle
souci d’attirer magiquement, dans le monde humain, l’harmonie que la lyre
d’Apollonfaitentendre,uneharmoniequidoitdescendredessphèreshiérarchisées
quiconstituentlecosmos.Lerègnedel’Amourdoitadveniraprèsqueledieuatué
le serpent Python symbole de discorde et de violence, comme, dans une
chronologiesansdouteproche,lereprésenteleLimougeaudPierreCourteysdans
unplatovaleconservéaumuséeduLouvre.
SuitlaséquencedefestinquiattendlesmariésetlesinvitésauPalais,leParlement
ayantétésollicitédesiégeraucouventdesAugustins.LucGeizkofleraainsivule
roiprendreplaceàtableencompagniedelamariée,deladuchessedeLorraineet
deses deux frères: « le roi deNavarre se tint auprès,debout », sansdoute parce
qu’illuirevenait,àlafoispardéférenceetpardistinction,derendrehonneurauroi
en le servant à table. Puis suivent des danses auxquelles les huguenots n’auraient
pasprispaspart.Lafêteduretard,aupointquelesinvitésneselevèrentquevers
uneheuredel’après-midilelendemain!
Le 20 août, le gouverneur de Paris et de l’Île-de-France, le duc François de
Montmorency, se retire à Chantilly sous le prétexte d’aller à la chasse14 . Mais je
souhaiteattirericil’attentionsurunépisodedemeuréinétudiésansdouteparceque
problématique,maisquisymbolisepeut-êtrefortementcequiétaitencausedansle
travail énigmatique du pouvoir royal : des comédiens italiens jouent en effet une
comédie,Zodiacusvitæhumanae,devantlacouret«grandeaffluencedepeuple».
Nefaut-ilpasimaginerquecette«comédie»auraitétél’adaptationthéâtraled’un
poèmeendouzechantsquifutcomposéenlatinetdédiéauducdeFerrareHercule
II, époux de Renée de France, sans doute en 1535 par le présumé médecin
Marcellus Palingenius Stellatus15 et qui, édité à Venise dès 1536 sous le titre de
Zodiacus vitae pulcherrimum opus atque utilissimum 16, a eu ensuite de multiples
éditions en Europe, dont à Lyon dès 1552 puis en 155617. Il s’agit d’un poème à
composantes à la fois didactiques et satiriques, avec des moqueries contre la
mythologiegrecque,contreleclergésoumisàsonappétitderichessesmondaineset
deplaisirs charnels.Sousla successiondes signesastrologiques, c’estune manière
positive,selonJacquesChomarat,devivredanslasagesseetdoncdanslesouverain
bienqu’estDieuetdans«lapaixintérieureéloignantl’hommedeserreurspouvant
leséduire,quiestenseignée».
LafinalitéduZodiacusestde«cultiverl’âme»dansuneoptiquenéoplatonicienne
et de signifier qu’il faut prendre garde au monde où règnent le mal, l’injustice, le
malheuretlaviolence.Lamiseenscènefestiveapourfind’énoncerlarésolution
de l’énigme qu’a été le débat entre désir de guerre et attachement à la paix. Le
mondeestunecomédiedangereuse,«unthéâtredesotsetuneboutiqued’erreurs»
danslaquelle figurent le clergé, les grands, lesprofesseurs incompétents. Dieu est
« le père et auteur des choses », Dieu qui « crée tout ce qui est bien et beau », à
commencerparlesformesincorporellesquisont«là-haut»où«lesguerressont
absentes».
Ilsnesouffrentpasdehaineoud’envie.
Unepaixéternelleestenvigueur;
Laconcordeesttrèsgrande,
Etl’amourmutuelestchezeuxpermanent18 …

Le Zodiacus est un appel à prendre conscience du fait que, plus une sphère du
cosmosest«basse»,pluslemalestpuissantparcequ’yrègnel’obsessiondel’orqui
dressel’uncontrel’autre:«C’estpourcelaquelesoldatcourtaudacieusementàde
furieux combats. » Chacun s’adonne aux ruses, aux vols et à la violence pour
acquérirdesbiensterrestres.Lemondehumainestcaractériséparla«démence»
qui fait oublier Dieu et cloue au sol les âmes de « la foule à l’esprit épais19 ». La
discordeestdénoncéeparcequ’ellebouleverse«parundésordreinsensé[…]toutes
choses », et les spectateurs devaient saisir l’allusion quand il était proclamé
qu’«aujourd’huionseplaîtàêtremenaçant,àdéchirerlesloisavecl’épée.Lajustice
c’estd’avoirétéplusfort20 ».L’hommemauvaisbouillonnecommeleStromboliau
milieu des flots, alors que la concorde est synonyme d’une « amitié » sereine et
partagée«quirègnedanslessphèressupérieures».Lesalutexigeleméprisdela
«terre»,etl’animamundi attireàellelesâmeshumaines,toujoursplusfortement.
Lapaixest«filledel’amour»quirègnedanslesplushautscieuxet«elleestleplus
rareprésentdesCieux»parcequetouslesêtresdel’univers«nesontformezque
parlaPaix»quiestdoncleurfinabsolue.
EnlisantetrelisantattentivementleZodiacus,onpeutsedemanders’iln’apasété
effectivementjouédansuneversionsimplifiéepourfaireconnaîtrecequevisaitle
mariageprincier,c’est-à-direlapérennisationmagiquedelapaix:«C’estpendant
leregnedelapaixquelesAbeillesproduisentleurplusdouceAmbroisie;queles
Troupeaux se multiplient : que les Campagnes sont cultivées et qu’elles rendent
dansla rocheAutomne les abondantesMoissons dela blonde Ceres; le Laitplus
doux que le Nectar coule dans des vases. Bacchus fournit sa seduisante Liqueur,
c’estdanscetemsheureuxqu’onexprimel’huile,richepresentdel’ArbredePallas.
Les Jeux et les ris marchent sur les traces de la Paix et le champêtre Chalumeau
excitelesdansesrustiques.»LaPaix donneauxhommesl’idéede cequefutl’âge
d’orsaturnien,d’autantéloignéque,maintenant,«ladiscordeparsesmouvemens
tumultueux, étonne, frappe, renverse ; rien ne resiste à ses fureurs. La cruauté
devientnecessaire.OnenfraintlesLoixlesplussaintes:laJusticeneseregleque
parlepouvoirarbitraire.Ons’armedesSerpentsetdesFlambeauxdesFuries;les
habitans de l’Univers semblent autant de Bacchantes : les cruelles Érinyes, enfin,
ébranlent les États et les Monarchies, par les plus violentes secousses. Pourquoi,
miserables Mortels, hâtez-vous votre mort par d’inhumains combats ? » Le
Zodiacus, s’il a été ainsi joué, à Paris en 1572, aurait été une invitation à la
conversionàlapaix,àuntempsordonnépar«l’amitié»etparlamodération21 .
Les festivités se poursuivent, centrées sur une série de divertissements dont le
premierestdestinéàmarquercombienleroiestau-dessusdesessujets,etqueson
rirefaitpartiedesamajesté.Ànouveau,LucGeizkoflerpeutservirdeguide,caril
estleseulàtémoignerdecetteculturecérémonielle.Leroifaitconduiredansune
courtroisanimaux:unlion,unbœufd’unetailleimpressionnanteetungrosours
blanc qui avait récemment été capturé par un Suisse, qui sont exhibés devant la
foule.Maisl’oursparvientàselibérerdesesliens,déclenchantunepaniqueparmi
les spectateurs qui prennent leurs jambes à leur cou, abandonnant sur place
manteaux et chapeaux. Le roi, installé à distance sur une galerie en hauteur, se
montreraviduspectacleaupointqu’ilestpossibledesedemandersicen’étaitpas
sursonordrequelabêtesauvageavaitétémalattachée22 ets’ilnesignifiepasainsi
sonplaisird’êtreleroidelapaixens’amusantàjouerlefou,ensemoquantdelui-
mêmeetdesonautoritéainsiquedesessujets.
C’estensuiteauducd’Anjouqu’ilrevientd’offriràHenrideNavarre,àMarguerite
etaux invitésun grandbanquet. Estdonné, selon lesmots deLuc Geizkofler, un
« beau spectacle et tournoi dans la grande salle divisée en deux », qui combine
danse, chant et musique23. Le « Paradis d’amour24  », une fête 1minutieusement
conceptualisée et réglée, est mis en représentation à l’hôtel du Petit-Bourbon (la
résidenceducardinaldeBourbon)sansdoutele20août1572,quatrejoursavantle
massacredelaSaint-Barthélemy.Ilapoursensdesymboliseretd’exalterlaréussite
d’une action royale qui a travaillé sans relâche à préserver la paix, malgré les
obstacles et dangers. « Premièrement, en ladite salle à main droite, il y avait le
paradis»oudemeuredesespritscélestes.L’entréeduquelétaitdéfenduepartrois
chevaliers armés de toutes pièces, qui étaient Charles IX et ses frères. À main
gauche, était l’enfer, dans lequel il avait un grand nombre de diables et de petits
diablotaux, faisant infinies singeries et tintamarres, avec une « grande roue
tournantedansleditenfer,touteenvironnéedeclochettes».LeroideNavarrese
trouve avec les siens dans ce lieu. « Le paradis et l’enfer étaient séparés par une
rivière,quiétaitentredeuxsurlaquelleilyavoirunebarqueconduiteparCaron,
nautonier d’enfer. » Un tournoi oppose les deux groupes protagonistes, qui tous
portaientdesplendidesarmuresdorées.
Àl’undesboutsdelasalle,etderrièreleparadisétaientlesChamps-Élysées,àsavoirunjardinembellide
verdureetdetoutessortesdefleurs;etlecielempirée,quiétaitunegranderoueaveclesdouzesignesdu
zodiaque,lesseptplanètesetuneinfinitédepetitesétoilesfaitesàjour,rendantunegrandelueuretclarté
parle moyendes lampeset flambeauxquiétaient artistementaccommodéspar derrière.Cette roueétait
dans un continuel mouvement, faisant aussi tourner un jardin dans lequel étaient douze nymphes fort
richementparées.
Danslasalleseprésentèrentplusieurstroupesdechevalierserrants(c’étaientdesseigneursdelareligion,
qu’onavaitchoisisexprès),ilsétaientarmésdetoutespièces,vêtusdediverseslivréesetconduitsparleurs
princes(leroideNavarreetleprincedeCondé),touslesquelstachantdegagnerceparadis,pourensuite
allerquérircesnymphes,enétaientempêchésparlestroischevaliersquienavaientlagarde:lesquels,l’un
aprèsl’autre,seprésentaientàlalice,etayantrompulapiquecontrelesditsassaillantsetdonnélecoupde
coutelas, les renvoyaient vers l’enfer où ils étaient traînés par des diables et diablotaux. Cette forme de
combat dura jusqu’à ce que les chevaliers errants eussent été combattus et traînés un à un dans l’enfer,
lequelfutensuiteclosetfermé.
Àl’instantdescendirentducielMercureetCupidon,portéssuruncoq.LeMercureétaitcetÉtienneleRoi,
chantre tant renommé, lequel, étant à terre, se vint présenter aux trois chevaliers, et, après un chant
mélodieux,leurfituneharangueetremontaensuiteaucielsursoncoqtoujourschantant.Alorslestrois
chevaliersselevèrentdeleurssièges,traversèrentleParadis,allèrentauxChamps-Élyséesquérirlesdouze
nymphesetlesamenèrentaumilieudelasalle,oùellessemirentàdanserunballetfortdiversifié,etqui
duraunegrosseheure.Leballetachevé,leschevaliersquiétaientdansl’enferfurentdélivrésetsemirentà
combattre en foule et à rompre des piques. Le combat fini, on mit le feu à des traînées de poudre, qui
étaientautourd’unefontainedresséepresqueaumilieudelasalle,d’oùs’élevaunbruitetunefuméequifit
retirerchacun.

Cettegrandechorégraphieétaitprobablementpenséecommeunaboutissement,
uneformedefind’histoirequ’ellescandaitcommes’ilfallaitdonnersasignification
à la durée qui prenait forme du fait du mariage, comme s’il fallait projeter
scéniquement et donc magiquement ce qui advenait désormais dans un raccourci
symboliqueallantdupasséauprésentetdoncaufutur:elleétaitunthéâtredela
forcedel’amourressuscitéparle travaildelapolitiquede concordemonarchique
qui délivrait de l’enfer les forces qui, symboliquement, incarnaient les passions et
leshainesgénératricesdeviolences,etquiinstauraitunordredurabledepaix.Le
roiétaitceluiquisuivaitleconseildumessagerdesdieuxMercure,dispensateurde
la volonté et de la connaissance divine, et donc inventeur de l’harmonie, et de
Cupidon,lelieutenantdeVénus,déessedel’amouret «vinculum»ducosmos 25.Il
était celui qui réintégrait, comme malgré elles mais par l’exorcisme gestuel d’une
lutte magique, les forces contraires dans l’équilibre du royaume microcosme de
l’univers et faisait jouer la concordia discors ou la discordia concors pour qu’elles
pérennisentunerefondationpolitique.
Leritueldeceballetenfaisaitplusqu’unereprésentationdecouràfinalitéfestive.
En effet, la danse à la Renaissance, outre qu’elle fait basculer les corps dans une
harmonie gestuelle reflétant une harmonie spirituelle, reproduisait dans les
mouvements des pieds des danseurs et danseuses les mouvements des planètes et
visaitàfairedescendresurterrel’ordreéterneletharmoniquedelaCréationdivine
etdoncàréinsufflerl’âmedumondedanslapetitesphèredelaviehumaine,enun
influxmagique,pourlapaix,etparlafermeturedel’enferquiclôtlascènesousun
zodiaque dessiné un ciel. Cette danse des nymphes consacre un changement de
temporalité,lebasculementversunrègned’absoluitéquiverralafindelabarbarie,
unâged’or deréconciliationpuisqueceux quisebattaientsont désormaishappés
dans l’apaisement de leurs passions. Disons-le de manière appuyée : le Paradis
d’amour ne peut se comprendre que dans la perspective des jeux de signifiances
animésparleroietsamère:ildonneàceuxquiassisteàlafêtelesclefspermettant
decomprendre l’énigmesavammentconçue qu’aété lapolitique dela monarchie,
sanscesserepensée,sesambivalencesetinfirmations,sesavancéesetsesreculs,ses
dits et ses contredits. Et surtout son intelligence ayant permis d’assoupir et de
neutraliser les passions humaines. L’énigme de la politique royale est dévoilée au
sensd’unequêtedel’amourretrouvéentrelesFrançais.
Le jeu de coïncidences entre une conjonction symbolique des opposés – le
masculin et le féminin, le martial et la douceur, le catholicisme et le
protestantisme–nevisait-ilpasàdéfaireletropismedelaguerreetàlaisserrentrer
le royaume dans une transparence retrouvée des jeux politiques ? Les noces ne
mimaient-ellespascellesdeMarsetVénusdanslecoursd’unprintempsquiavaitle
sens d’un recommencement, d’une recréation ou d’un revenir d’une harmonie de
l’ordre universel du monde et de l’ordre politique du royaume ? Ne doit-on pas
identifier dans le travail de la monarchie d’avant la Saint-Barthélemy le projet
d’accomplissementd’unrêved’unâged’orrestauré,parlamanipulationsavantedes
forces antinomiques afin de les désengager du devenir politico-religieux du
royaume ? L’important alors ne tint-il pas à ce que l’attentat du 22 août contre
l’Amiral dérégula et rendit inopérante toute une magie politique qui tentait de
remettre le royaume de France au diapason d’un ordre de la Création synonyme
d’harmoniedivine?
Le motif du jardin de Catherine de Médicis est surthéâtralisé en un espace
signifiant le triomphe de l’amour, un « paradis » qui annonce le devenir que le
royaume de France va désormais connaître. Mercure prend la parole pour dire
qu’avec la libération des nymphes, les tourments des jours passés sont désormais
terminés:«unbeaujardin,ainçois/unparadis,desdéliceslechois/,oùfleurset
fruicts en abondance naissent, / et à l’envy l’une sur l’autre croissent » doit
désormais se voir sur terre. Un hymne à la concorde. Le but de la fête est de
signifierque la paix et la sérénitépropres à l’âme de Catherinede Médicis,ayant
neutralisélesvirtualitésdedésordrepassionnelgrâceàsasagesseetàcelledeson
fils, s’étendent, à travers le mariage royal de Henri de Navarre et Marguerite de
Valois, à tout le royaume en instance de devenir un jardin d’amour, et donc de
concorde.LaFranceentreenunprintempsdel’histoireouverteauretourd’unâge
d’or, grâce à un roi-mage distributeur de paix des âmes, un roi musicien sachant
que l’âme du monde recèle en elle une « structure numérique harmonieuse » et
qu’ellepeutpénétrerdanslesâmeshumaines26 .
On est ici, loin de l’univers d’un déchaînement violent, au cœur de l’idéalité
politiquedelareinemèretellequeBrantômel’aidentifiéeetquiestunestratégie
d’exorcisme magique : « Et notez que toutes ces inventions ne venoient d’autre
boutique ny d’autre esprit que de la royne ; car elle y estoit maistresse et fort
inventive en toutes choses ; elle avoit cela que, quelques magnificiences qui se
fissentàlacour,lasiennepassoittouteslesautres 27.»
Lejeudi21août,auLouvre,cesontencoreleroi,sesfrères,leducdeGuiseetle
chevalierd’Angoulêmequi,déguisésenAmazones28,combattentleroideNavarre
etsescompagnons,travestisenTurcsportantde«grandesrobbesdedrapd’or»et
coiffés de grands turbans29. Il y a aussi le prince de Condé et le jeune La
Rochefoucauldquisonthabillésàl’estradiotte,enrobesdedrapd’or 30.Aprèsdeux
ou trois courses dans la lice, parce qu’il était tard, la « partie » est remise au
lendemain. Les rues de Paris sont fleuries, et une foule nombreuse s’associe aux
fêtes,dontonpeutsedemandersiellesnevisentpasàretarderlaprisededécision
officielle des huguenots de partir en direction des Pays-Bas, et cela pour la
neutraliser, d’autant qu’un autre programme festif aurait été prévu au château de
Fontainebleau pour les jours d’après. Ne pas y prendre part aurait pu apparaître
comme une forme de défi à l’autorité du roi, comme une manière de se
désolidariser de la mise en ordre de la concorde, d’autant que des bruits
rapportaient que l’Amiral aurait adressé un ordre de mobilisation à ceux de la
religion et qu’il pouvait compter, dans un bref délai, sur un appui de trente ou
quarantemillehommes.Certainshommesdeguerre,selonlarumeur,auraientété
vus déjà à Soissons et, plus à l’est, à Morfontaine. Des préparatifs sont un peu
partoutrapportés–en Picardie,enChampagne–, tandisquedes bruitsévoquent
desremontéesdegensdeguerredepuislemidi.Decetteinflationderumeurson
peutsedemandersiellenefutpaségalemententretenueparColignyetlessiens,
dansleurdésirdemettrelamonarchieaupieddumuretdeluiôtertoutemargede
manœuvrequandils’agiraitderetravaillerlaquestiondelaguerreauxPays-Bas.

Pietasetjustitia:verslerègnedel’Amour

Pour mieux assimiler le sens de l’union de Marguerite de Valois et de Henri de
Navarre, il nous faut revenir sur ce qui est au cœur de l’action politique de
Catherine de Médicis et, sans doute, de son fils : le rêve de l’établissement d’une
royauté néoplatonicienne. Ce fut dès après la mort de Henri II l’objet du travail
iconographiqued’AntoineCaronquis’employaàidentifierCatherinedeMédicisà
lareineArtémisedeCarie,veuveduroiMausole,dansuntableauquimontreque
lesdeuxcolonnesdela puissanceroyalesontlajustice etlapiété, pietaset justitia,
devise de Charles IX, et qui réalise la transcription multiscénique d’un
recommencement magique de cycles de temps à travers l’action de personnages
rejouant l’action de personnages du passé. Pour illustrer ce recommencement,
citons le moment de la remise du Livre et de l’Épée, dans lequel le jeune roi
Charles IX, nouveau Lygdamis, se tient dans l’ombre de sa mère protectrice,
nouvelle Artémise. Suivi par un groupe d’hommes qui incarnent sans doute les
différentes sciences, un vieillard s’avance sur la gauche et lui remet un livre,
symbole de ce savoir que seul l’élu de Dieu peut posséder mais qui s’acquiert par
l’éducation. Cette fraction de la scène est dominée par une statue triomphale
d’Athéna, la déesse de la sagesse, une allégorie de cette connaissance qui est
synonyme de piété parce que connaître est se connaître soi-même et donc
connaître Dieu puisque l’homme est un petit monde et que le monde est l’idée
harmonique de Dieu. À droite, décentrés et comme secondarisés, deux autres
personnagesentenuemilitaires’apprêtentàdonneràl’enfant-roil’épée,lebouclier
etlecasque, symbolesde forceet dejusticeplus quede guerreet deviolence. En
effet,eux-mêmesetceuxquilesentourentontdéposéleursarmesetsetiennentau
piedd’unestatuecolossaledeMarstenantsonépéerangéeaufourreau.Ilyaaussi
un homme qui supporte entre ses mains un globe, présage de domination
universelle.Destabletteshoroscopiquessontposéesenévidenceaupremierplan,
commepourtémoignerquecetteprisedepouvoirparleprince-enfantn’estpensée
qu’enfonctiondelatotalitédel’univers,n’adesignificationquedansunequêtede
l’harmonieuniverselle.
Lechoixdelapersonned’ArtémisedeCariepourfigurerlareinemèren’estpas
innocent.DanslesystèmephilosophiquedeMarsileFicin,laveuveduroiMausole
est le paradigme de l’Amour sensible ouvrant naturellement sur l’Amour divin et
donc d’une royauté aspirant en elle l’harmonie de l’univers. Au-delà de ses
dimensionsesthétiques,lasimilaritévisaitàproduireunmouvementderevenirde
l’histoire,àfaireensortequecequis’étaitpasséjadis,lasurvieduroyaumeduroi
Mausole grâce à l’attention de tous les instants de sa veuve et grâce à la sage
éducation donnée à l’enfant-roi, se répète dans le présent. Le rêve d’une royauté
philosophiquedeCharlesIXestàrelieràuneconceptionmagiciennedupolitique,
danslaquellel’histoiren’estpaslinéaire,maisaucontrairepeut,parl’intervention
humaine, être contrôlée et réactiver un cycle du passé qui a consacré une paix
retrouvée.
Cetteroyautéduroi-philosopheetdel’histoirecycliquenefutpasqu’undiscours
ouuneutopie.Ellesetraduisitaussidansl’exercicedupouvoir,d’unepart,àtravers
la création, à l’initiative de Charles IX, d’une académie de musique et poésie.
Fondée en 157031, elle comptait bien, par la recréation de genres perdus de
l’Antiquité, faire résonner dans les sphères inférieures du monde sensible des
œuvres qui, conjoignant mélodie et poésie, permettraient de lutter contre la
barbarieetlechaosenfaisantentendrel’harmonieauxhommesetenleurdonnant
ainsil’idéedelaBeautéspirituellequiordonnel’univers.Pourleroi,ils’agissaitde
saisir,dansletempsdel’exercicedesonpouvoir,lemagistèredupoèteinspirépar
unefuriedivine etdumusicien recréantlessonoritésantiquespour ressusciterle
temps virgilien de l’Âge d’or. Dans cette nouvelle pax romana, il serait un nouvel
Auguste, et Ronsard et Baïf tiendraient la place de Virgile. Au sein de cette
académie, Claude Lejeune élabora la véritable renovatio musicale que fut Le
printemps. D’autre part, Catherine de Médicis inscrivit dans ce cadre complexe et
compliqué d’une science festive d’inspiration néoplatonicienne ses efforts pour
intégrerplusintimementencorelaroyautédanslegrandmystèredel’universetde
sonordred’éternité.
LetableauditleTriomphedel’hiver,peintparAntoineCaron,peut-êtreentre1564
et 1568, ou plus sûrement entre 1570 et 1572, relate cette tentative en
l’immobilisant dans une imagerie rituelle qui exige un décodage. Ronsard en fut
sans doute l’initiateur puisque Caron semble s’être inspiré de son « Hymne à
l’Hiver » dédié à Monsieur Bourdin. Le centre signifiant est un temple circulaire
quisedétachesurunfonddeneigeimmaculéeetdecielsombre,symboledeDieu
et d’éternité,ainsi que de pureté,devant lequel se tiennent plusieurs personnages
pourlaplupartféminins.Parmieux,dansunepénombrelunaire,sedistingueune
femmevêtuedenoir,CatherinedeMédicis,quiparaîtprésideràlacérémonie.Le
Dieu Janus aux deux visages, figure de cette science permettant au monarque de
connaîtrecequiestpasséetdeprévoircequivaadvenir,marcheendirectionde
cet édifice cosmique et donc de la reine mère. Il joue dans la fête royale son rôle
d’ordonnateurdelaviehumaineparceque,filsd’Apollonetd’Hécate,filsdusoleil
etdelalune,etdoncdumouvementrégulierdelavie,iltientunegrandeclefd’or
ets’apprêteàouvriruneportedutemplepoursansdoutelarefermer.Songestequi
s’ébauchesignifiequ’une année estsur lepoint de recommencerquand uneautre
s’apprêteàfinir,qu’uncycledutempsesteninstancedes’acheveretqu’unautreva
débuter.Que,parconséquent,riennepeutarrêterlecoursdelavieduroyaumeni
l’histoire du reste, puisqu’en vertu de l’ordonnancement qui a été voulu par la
sciencepolitiquedusouverainetdesamère,untempsnouveauvadébuter,celuidu
printemps de la vie, l’âge d’or. Le roi est en effet présent en un autre plan,
accueillantdeshommesetfemmesquimontentversluisurdesembarcationsetqui
vont,sansdoute,ensuiteprendrelechemindutempledeJanus.
La France, dans son centre qu’est la cour du roi, se voyait ainsi magiquement
réglée par l’action royale sur le mode de l’univers. Les troubles, qui ont pu la
secouer et faire croire que sa fin était proche, appartenaient à une normalité
puisqu’il est normal qu’une fois l’an, après les tempêtes de l’automne, la terre se
recouvrede neige etque l’hiver s’installeavant que nerecommence une nouvelle
ère temporelle et que la vie n’emplisse la nature de forces nouvelles. Janus est le
guidedesâmes,celuiquidoitlesemmenerdesrégionsinférieuresverslesrégions
supérieures, de la sphère sensible vers la sphère intelligible, de la corporéité vers
l’ordrespirituel.Ilestceluiquilesamèneversuneessenceabsentedelascène,mais
dont tout annonce le triomphe, l’Amour : en effet, il est lui-même précédé et
escorté par plusieurs putti. Et tous ceux qu’il entraîne forment un mystérieux
cortègedivinenpassederecevoirlarévélationorphiquedel’avènementd’unrègne
dePietasetjustitiatriomphantdespassions.
Àcôtéd’unprêtreporteurdufeuéternelquibientôtvaréchaufferlanatureetqui
éclairelacérémonie,ilyad’abordApollonquidonnesonmouvementaucortège
enjouantd’unelyre,symboleenvoûtantdel’accordetdelajusticequi,désormais,
règnent justement entre les hommes et vont permettre la renaissance à l’Amour,
danscettesaisonau coursde laquellelavie sembles’êtrearrêtée, pétrifiéesousla
neige, la glace et le froid. Il y a aussi Athéna, divinité de la force pacifique, de la
fortitudo, de la philosophie spéculative en ce qu’elle a déposé les armes, le laid
Vulcainquis’avancepacifiquemententenantlefoudre,précédépartroiscyclopes
forgerons. Ensuite, c’est peut-être une figuration de Pluton qui pourrait être
discernéedansunsombrehommepresquenu,marchantlesyeuxfixésausol
Toutefois, une divinité olympienne retient l’attention au sein de cette ronde.
Entre Apollon et Athéna, les conduisant en direction de Janus, avance Hermès-
Mercure, dieu de la prudence et de la sapience, et surtout dieu de paix, esprit de
Vérité et de sagessepour les néoplatoniciens; le dieu tient devant lui le caducée,
symboledelaconcordeentreleshommes.C’esteneffetautourdecettevergeque
s’enroulent deux serpents qui sont ici, explicitement, les serpents de la discorde
passéeentrecatholiquesetprotestants.Lebonheurestbientôtpossible,semble-t-il
proclamer, parce que c’est par la puissance du pouvoir royal que l’équilibre des
contrairesestenvoied’êtreaccompli.
Unestructure ficinienne présideà la composition de cettescène magique qui se
donneàcontemplercomme uneréalisationde laconcordedu mondeàtravers la
captation, l’ordonnancement et la personnalisation d’influences célestes qui, dans
l’harmonie de leurs mouvements, ne peuvent être que bénéfiques au royaume
terrestredeFrance.Enreprésentantlesquatrevertusnéoplatoniciennes,prudence,
justice,tempérance,fortitude,quidoiventrégnerdanslacitéparfaite,enaccordant
donclecentreactifdel’Étatàl’intellectdel’universetdesonmouvementordonné,
en livrant la cour à une fureur divine que produisent danse,chant et musique, la
fêtetentededéporteretfixerl’harmoniecosmiquedanslatotalitéduroyaume.Elle
a pour fin d’attirer les ordres sociaux dans la représentation magique de paix
retrouvéeàlaquelleelleintroduit.C’estl’imagedel’harmoniefaisantretouraprèsle
tempsdeladiscorde,l’imaged’unciel«meuharmoniquement»,«parmouvemens
etsonsharmoniques»quiestreprésentée,imagedubeau,del’ordreuniverseldes
choses,duvouloiréterneldeDieu.
Lafêteestunemétaphoredelapolitiquedepaixrégulée parl’Espritdivininfus
dans la personne royale et par la stratégie de mise en énigme. En réalité, ces
divinitésnefontqueprécéderladivinitélunairedel’hiver,unevieillefemmevêtue
d’unerobeblanchebrodéedefilsd’or,assisesurunchardetriomphetirépardes
grues. La danse des dieux qui précède sa progression triomphale retrace
précisémentquelapaix,quiparaîtuntempséprouvantetangoissantcommel’estla
saisond’hiverlorsqu’elleabatsesfrimassurlesterres,n’estqu’uninstanttransitoire
quiprépareunerenaissanceàlavie,l’exubérancevitaled’unprintempsduroyaume
aucoursduqueltousleshommesdébuterontunenouvelleèredevieencommun.
Et, effectivement, le tableau suivant du cycle peint par Caron sera celui du
triompheduprintemps,d’uneviedébordantedejeunessequivoitVénussoumettre
Mars,figuredespassions,àlaforcedel’amourvitalquiagagnélemondehumain
etl’entraînerdanslecortèged’unedivinitéprintanière.
Cette scénographie symbolique n’était pas seulement le rêve d’une reine et d’un
roiadmirant une miseen allégorie de leurpolitique ou unmoment ludique pour
ses acteurs, qu’elle aurait simplement cherché à emmener hors du monde
inquiétant qui les entourait, en une sorte de fable mysticisante ou en un théâtre
mythologique. Le Triomphe de l’hiver est, à proprement parler et pour reprendre
uneidéedeFrancesYates,lespectacled’unefêtetalismanique,inspiréedesthéories
néoplatoniciennes et hermétiques du spiritus, telles que Marsile Ficin avait pu les
développer à partir du Pimandre (attribué à la révélation d’Hermès Trismégiste).
Pour l’humaniste florentin, le divin imprègne la matière, et l’art de la magie
naturelle consiste à capter et diriger l’influx du spiritus divin vers les formes
sensibles,dansunvéritable«cerclemagiquedesesprits»,selonl’historienEugenio
Garin32 .
Ainsise découvrele projet quiest au cœur decette fête réelleou imaginairede
cour:opéreruneactionmagique,fairedescendrelesinfluencesmagiquesdesastres
par la grande incantation de ce cortège chantant et dansant, et donc produisant
l’harmonie même de l’univers dans la beauté des corps et des sons, par le
mouvementversl’éternitédelapaixuniverselle,etlesrépercuterversceroyaume
de France dont la cour n’est jamais que le petit monde. Le Triomphe de l’hiver est
ainsilatranscriptionscéniqued’unedesarticulationscentralesdelaphilosophiede
MarsileFicin
La politique royale, au temps des troubles de Religion, aurait été une gestuelle
ésotériquefondéesurleprincipeselonlequeltouteschosespeuventreveniràl’Être,
à la paix, parce que l’Être est dans toutes choses, dans chaque homme, et que
surtoutleroipeutattirerses sujets,peut-êtremalgréeux,verscette régénération
quiestunerenaissanceàl’Êtredel’univers,àl’harmonie.

Lamagierompue

Il est possible de percevoir cette dimension originale dans le sens que la
propagande royale donna publiquement à la pacification du mois d’août 1570.
L’histoire des mois qui précèdent le massacre de la Saint-Barthélemy semble
calquée sur l’enchaînement mythique qui préside au passage de l’hiver au
printemps.Le travail royal paraît consister en un travail de glissement des forces
politico-religieusesduroyaumed’untempsdansunautre.C’est,eneffet,àl’instant
delapaixdu8août1570quetransparaît,delamanièrelapluspatente,lelienqui
unitundesgrandsidéologuesdutemps,LoysLeRoy,àlapolitiquedelaroyauté.
Depuis Saint-Germain-en-Laye où il affirme se trouver, le « Platon françoys »
dédicaceauroiuneExhortationauxfrancoispourvivreenconcorde,etjouirdubiende
la paix, un véritable texte de propagande monarchique qui actualise, dès ses
premièreslignes,lethèmevirgiliendel’Âged’or33 .Lapaixyestdécritecommeune
révolutiondansl’ordredestemps,elleclôtuneépoquequiavuleschampsdélaissés
enfriche,lesvillagesetlesbourgsdésertés,lesvillespilléesetbrûlées,leshorreurs
de la sédition. Maintenant, affirme Loys Le Roy en s’adressant aux « seigneurs »
français,ilfautprendreconfiancedanslanaturesalutairedelaconcordeetoublier
lescraintesethaines,touteslescraintesettoutesleshaines:«letempsrevient»,
ajoute-t-il, reprenant ainsi le motif central de la Florence de Laurent de Médicis,
«iltemposirinuova».
Cette royauté d’Amour mettant en mouvement une révolution temporelle va à
l’encontre de l’hypothèse que la Saint-Barthélemy aurait été préméditée ou
programmée par la monarchie. Charles IX appelait la pacification de Saint-
Germain«sontraitéetsapaix»,etillaconsidéraitcommeunegrâcedivinequilui
avait été concédée. Toute la pratique du pouvoir ne visait alors qu’à préserver la
concorde,malgrélesméfiancesdesdeuxpartisreligieux.Lapaixqu’ils’acharnaità
protéger devait au contraire aboutir à bannir la force et la violence du champ de
l’actionpolitiqueetreligieuse.Etc’esttoutlecontrairequiseproduisit,entraînant
unedésénigmatisationdupouvoir.
Carl’histoire,subitement,brutalement,voitseromprelamagie.Lesrumeurssont
capitales dans le déclenchement des conflits, et il se pourrait qu’avant même
l’attentat de la rue des Poulies soit déjà perceptible la montée en puissance, en
attente, d’un désir de tuer l’autre dans le Paris catholique34. Pour être plus
évocateur, suivons ici l’analyse donnée par Gérard Heuzé à propos du conflit
musulmano-hindoude1993:«Lesrumeursquicorrespondentàdessituationsde
conflitintensesontdesimagescondenséesetexaspéréesdel’Autre.Concrètement,
ce sont des phrases lapidaires, presque des cris, parfois suivies d’explications
nombreuses et contradictoires sur lesquelles il est permis de broder : chaque
transmissiondelarumeurrajoutequelquechose.Ellesreprennentunegrandepart
ducapitaldereprésentationsdéveloppéesdanslaperspectivehistorico-culturelleet
àtraverslesstéréotypes,maisl’universd’«images-forces»delarumeuresttoutà
faitparticulier.Lapropagationsansfreindesfauxbruitssupposed’abordunétatde
chocdanslapopulationetlatransformationdesmilieuxsociauxenmassesouen
foulesàlastructurationlâcheoutotalementabsent».Quandlarumeurs’emparede
l’espacede communication,c’est le signed’une ambivalence,dans la mesureoù la
rumeurditàlafoislespeursetlesdésirs.«Trèssouvent,leschosesquel’oncraint
leplussontcellesquel’onaimeraitfairesubiràl’autre.»
Arrêtons-nousdésormais, et de manière précise dans la mesure du possible, sur
lesdeuxjoursquiprécèdentlatuerie:le22août,vers11heuresdumatinoupeut-
êtreunpeuplustard(«versl’heuredudîner»),seproduitunattentatdirigécontre
lechefhistoriquedelaRéforme,l’AmiraldeColigny.Letireur,parlasuiteidentifié
souslenomdeCharlesdeLouviers,sieurdeMaurevertdontleducdeGuiseestle
principal protecteur35, embusqué dans la maison de François de Pilla, sieur de
Villemur, qui aurait été un ancien précepteur de la maison de Guise, parvient à
prendrelafuiteetàquitterParis36 .Lamaisonestfouilléetoutdesuite,maisonn’y
aurait découvert que quatre vieilles femmes 37 et des arquebuses chargées ; les
femmesdéclarentqueletireur,aidéparunhommequiauraitpréparétroischevaux
depostesurl’arrièredulogis,avaitprislafuite38.L’armedu«snipper»auraitété
chargée,selonlenonceSalviati,detroisballesdebronze,plusgrossesquelesballes
ordinaires,ou,selonunerelationadresséeàl’évêquedeNeustadtLambertGruter,
detroisballesdecuivredontl’unepercelamaindroitedel’Amiral«au-dessousde
l’index,et les deux autres le bras gauche». Ambroise Paré devra couper un doigt
pouréviterlagangrène.
GiovanniMichielessaiederendrecomptedel’échecdel’opérationqui,enréalité,
auraitviséàtoucherl’Amiralenpleinepoitrine39.Lechefdupartihuguenotétait
accompagnéd’une douzaine de gentilshommes parmi les plus actifs etengagés de
son parti, dont Edme de Régnier, sieur de Guerchy, René de Sorbiers, sieur des
Pruneaux, qui l’encadraient, Charles de Téligny, Pierre de Malras, baron d’Yolet,
ArmanddeClermont,seigneurdePiles,FrançoisdeMonneins,LouisdeMoustier,
PierredelaGelière,seigneurdeCornaton,JacquesPape,seigneurdeSaint-Auban,
RenédeValsergues,seigneurdeGéré,etNicolasBarnaud.Ilportait,auxpieds,des
pantoufles trop larges qui entravaient sa marche. Il aurait pris l’initiative de les
retirerpourlesdonneràunpagequilesuivait.Ilseseraitpenchéversl’arrière,en
sortequelaballe,aprèsluiavoirarrachéundoigt,frappasonbrasdroitauniveau
du poignet et le traversa jusqu’au coude 40. Selon le récit du capitaine suisse
originaire de Saint-Gall Josué Studer von Winkelbach, l’Amiral aurait été touché
alorsqu’ilmarchaitenlisantunmémoirequivenaitdeluiêtreremis,etlanouvelle
de l’attentat41, en se répandant, aurait aussitôt suscité « de grands cris et une
émeute»,pointde détailnoncorroboréparune autresource42.Letireurs’enfuit
aussitôtparuneportesurl’arrièredelamaison,làoùunchevalgarnidepistolesà
l’arçon de la selle l’attendait, et se serait dirigé vers la Porte Saint-Antoine où un
genetd’Espagneauraitétééquipépourassurerlerelais.
Le premier à rendre visite à l’Amiral aurait été le roi de Navarre, venu en
compagnieduprincedeCondésuividenombreuxgentilshommes43 .Dansl’après-
midi,leroi serend àl’hôtel dePonthieu,rue del’Arbre-Sec, aucoin dela ruede
Béthisy,auchevetdublessédontlamaindroiteestmutiléeetlebrasgauchebrisé;
certains des huguenots réclament justice et auraient déjà parlé de manière très
revendicative.Accompagnédesamèreetsesdeuxfrères,ducardinaldeBourbon,
duducdeBouillon,dumaréchaldeCossé,CharlesIXauraitjurédefairevengeance
del’agressionetpromisunejusticeimpartiale.Touteslesportesdelacapitale,sauf
deux, sont fermées. Selon le secrétaire du roi Jules Gassot, l’attentat inspire à la
monarchie des étalages d’affliction : « Leurs Majestez firent une grande
démonstration d’estre marrys de l’accident de M. l’admiral 44. » Les présidents de
Parlement Christophe de Thou et Bernard Prévost et le conseiller Jacques Viole
sontensuitedésignéspourentreprendrelarecherchedescoupables 45.Faceauroi
qui aurait fait démonstration, selon Agrippa d’Aubigné, à la fois de colère et de
peine,Coligny,desoncôté,auraitdonnélarépliqueenréexposantsuccinctement
lanécessitédel’engagementroyaldanslaguerredesoutienauxGueux.Etaussi,il
aurait,selonSimonGoulard,prononcéunréquisitoirecontrel’Espagne,etsurtout
auraitdénoncél’inapplicationdel’éditdepacification:«Vousavezjurédegarderla
paixpromiseàceuxdelaReligion.Maisonnesauroitdireencombiend’endroits
de vostre Royaume, ceste promesse est vilainement violée, non seulement par
quelques particuliers, mais aussi par vos gouverneurs et officiers. » Il présente
implicitementl’attentatcommeunrévélateurdulaxismedelapolitiqueroyalequ’il
met ici quasiment mise en accusation46. On n’a pas assez insisté sur cet échange
entreleroietleblessé,qui,enquelquesmots,peutavoirsembléromprelamagie
politique du pouvoir royal. Ou du moins remettre en cause ce que les conseils
avaient suggéré. L’attentat est bien une rupture, dans la mesure où Coligny se
retrouve en position offensive et paraît vouloir instrumentaliser sa blessure au
profitdupartiprotestant.
Ilfautnoterqueledispositifsymboliquedel’attentatn’étaitpassansreleverd’un
jeude réitérationqui pourraitavoir été destinéà signifierque lesang nepouvait
êtrevengéqueparlesangdanslecadred’uneinfrajusticemimétique:toutsepasse
comme si les Guise, ou ceux qui auraient prémédité l’attentat, avaient voulu
répéter, à travers la scénographie choisie par Maurevert, les circonstances de la
mortduducFrançoisdevantOrléans,tuéparletireurembusquéPoltrotdeMéré.
Entoutcas,selonunedépêchevénitienneendatedu25août,c’estimmédiatement
que«tousceuxdelaReligionsemontraienttrèsirritéscontreM.deGuise,tenant
pourcertainquelecoupavaitététirésursonordre47 ».Untemps,lebruitcourut
quel’assassinseraitrestéenville,Cavrianaconfirmantpoursapartqu’ilyaeuune
balledebronzetirée,«moltogrossa»,etretrouvéefichéedansunmur 48.
Ce qui n’empêche pas que Giovanni Michiel évoque un point de vue
contradictoiredanssarelation:déjàauraientcirculédessoupçonsmettantencause
lareinemèrequiauraiteudepuis«lontemps»la«pensée»detirer«vengeance»
de ceux de la religion ; ce qui s’est passé ne serait pas accidentel mais relèverait
d’une préméditation. Dans l’immédiat, les protestants n’auraient pas caché pas ce
qu’ils pensaient, ils parlent et ils auraient trop parlé – selon Giovanni Michiel49.
Certainsd’entreeuxseraientvenustrouverleroilorsdesondîner,etdonc,dèsle
22août,letonseraitmontéenmilieudejournée.Ils’enseraitmanquédepeupour
qu’ils se rendent aussi en armes trouver Henri de Guise dans la chambre dont il
disposait au Louvre. À l’opposé, une contre-rumeur est activée, affirmant que le
ducdeGuiseneseraitpourriendansl’attentat,selonleVénitienquidéveloppeune
analysealambiquée,«cariln’auraitpaseul’audaced’enveniràunetelleextrémitéà
la face du roi, parce que l’injure aurait été faite au roi lui-même, et quand même
celui-ciauraitfeintdenepaslaressentirsurlemoment,ilauraitpus’ensouvenir
plustardaugranddommagedecemêmeGuiseendesamaison,enl’excluantdeses
serviceset le privant de ses faveurs ». Et pourtant, la pièce dans laquelle le tueur
s’est embusqué était une dépendance du logis de la duchesse de Nemours, dont
certains avancent qu’elle avait été laissée vacante intentionnellement pour que
l’attentat,inspirépar lesGuise, puisseêtresoigneusement préparé50.On estdonc
immédiatementdansunesituationd’ébullitiondiscursive.Ouplutôtons’yretrouve
comme quelques semaines auparavant quand il s’était agi de peser le pour et le
contred’uneexpéditionauxPays-Bas.Ettoujoursdonc,danslaprofusiondesmots
qui redevient dramatiquement d’actualité, les conditions de production d’un
événementsanshistoire.
Est-ce une rumeur qui se serait diffusée alors dans la capitale que Josué Studer
introduitdanssonrécit,lorsqu’ilrapportequ’unconseilsecretseseraitréuni,qui
aurait vu des huguenots en nombre significatif se conjurer autour d’un projet de
réplique prévoyant les assassinats du roi, de sa mère, de ses frères et d’autres
seigneurs51 .Ledébridementdulangagesuitunepenteascendante:lecrimedevait
avoirlieulemardi26août,maislarumeur,venuesansdoutedezéléscatholiques,
semble avoir couru qu’un des conjurateurs aurait dénoncé le projet au roi. Bien
évidemment, on ne peut que douter de la réalité de cette entreprise. Mais, à cet
instantoùsedéfontlescertitudesetsemultiplientlesbruits,larumeurpeutavoir
participé de la dynamique de l’exécration des huguenots qui étaient, dans la ville,
toujours plus présentés comme suivant une ligne politique subversive parce que
dissidente. Comme l’a affirmé jadis Édouard Forestié, la monarchie est enserrée
dansunfaisceaudemotsincontrôlablesetincontrôlésquinepeuventquelaporter
à tenter de se replacer, face à toutes les virtualités qui semblent se présenter, au
centredel’histoireet,surtout,denepassubirunpossibleenchaînementfactuelqui
emporteraitParisdanslaviolence.Lesmotsreprennentleuragitation,etlafoliedu
langage, pourtant neutralisée lors du mariage, resurgit de manière aussi brutale
qu’immédiate.
En outre, le temps semble très court dans ce contexte de profusion discursive.
L’interventionagressivedeJeandeSégur,sieuretbarondePardaillan,soutenupar
quelques autres seigneurs huguenots, aurait donné à penser alors, selon ce que
rapportera Marguerite de Valois52, que l’« accident » de l’attentat « avoit mis les
affaires en tels termes que si l’on ne prevenoit pas leur dessein, la nuit même ils
attenteroientcontreleroi»etlareinemère.Lesoupçonquiauraitsurgiest«qu’ils
avoient quelque mauvaise intention ». D’où, selon Marguerite, déjà l’idée d’une
action préventive, même si, dans la lettre qui est adressée en fin de journée à
Bertrand de Salignac de la Mothe-Fénelon et que celui-ci montrera à la reine
Élisabeth,leroinecherchepasàcontournercequiluisembleévidentenmettant
encausel’inimitiédesGuiseàl’égarddelamaisondeChâtillon.Cetteinformation
dontrien negarantit lavéracité participeencore dela dynamiquede la peur: les
huguenotsauraientadresséàleurséglisesetàcertainsdeleurscoreligionnairesdes
lettresinterceptéespardesbonscatholiques:ilétaitquestionde«setenirprêtsà
défendre leur religion et leur vie » et de se mobiliser pour, tous, converger vers
Paris53.
On apprend aussi que, selon Tomasso Sasseti, le sieur de Piles aurait parlé à
Marguerite sur un ton très agressif alors qu’elle déjeunait avec sa mère, laquelle
auraitétéainsiindirectementpriseàpartie:
Madame,sileRoi,votrefrère,nefaitpasunprocèsrigoureuxetnerendpasunejusticesévèrecontreles
responsablesde cette action honteuse, ainsi que contre les personnesimpliquées, nous serons obligés de
nousvenger,cequineserapasenviolationdel’éditdepaixetdebien-être,puisqu’iladéjàétéenfreintpar
nos adversaires. Et si votre mari, sa majesté le roi, n’intercède pas en notre faveur, nous passerons par-
dessuslatêtedes autres,qu’ilen coûtelavieà trentemillegentilshommes.Et ilsadressèrentdesparoles
semblablesàlaReine-mère,quiétaitencompagniedespersonnessuivantes:M.d’Anjou,leducdeGuise,
le duc de Nevers, M. de Tavannes, le comte de Rets et le chancelier Birague et d’autres qu’il présumait
complices;ilajoutaque,si l’onneremédiaitpasimmédiatementà lasituation,lesangcouleraitdansles
ruesdeParis,enplusd’autresparolesimpertinentes 54.

Lesmots,toujourslesmots,quisemblentprendrelepouvoiretemporterlacour
dans une spirale incontrôlée. L’enfer des mots. La magie du langage en crise. On
comprendalorsqueCharlesIXprendlesoind’écriredeslettresstandardiséesaux
gouverneurs de province et aux magistrats des principales villes pour entraver la
dynamique subversive des rumeurs. À François de Mandelot, gouverneur du
Lyonnais, par exemple, il écrit en revendiquant d’avoir mis en place un système
d’interceptiondutueurdelaruedesPouliesafindepunirun«actesiméchant»:
Etd’autantquelanouvellepourroitesmouvoirplusieursdemessubjectsd’unepartetd’autre,jevousprie,
M.deMandelot, que,faisantentendreès lieuxdevotre gouvernementoùverrez qu’ilysera debesoing,
comme le faict est advenu, vous admonestiez et assuriez ung chacun que mon intention est de garder
inviolablement mon édict de pacification, et chastier les contrevenans si estroictement que l’on jugera
quelleestlasincéritédemavolonté.

À son ambassadeur auprès de la reine Élisabeth, il exprime sa totale volonté de
maintenir son édit de pacification : « Je ne veux oublier de vous dire que ce
méchantacte procèdede l’inimitiéd’entre samaison et ceuxde Guyze; et sauray
biendonnerordrequ’ilsnemeslerontriendemessubjectsenleursquerelles:carje
veuxquemonédictdepacificationsoitdepointenpointobservé55.»
CatherinedeMédicisauraitcraintque,lanuitmêmeduvendrediausamedi,les
huguenotsn’entreprennentuneaction.Surles9ou10heuresdusoir,lemaréchal
de Retz aurait été envoyé pour rendre compte au souverain qu’il était en danger,
avec l’argument que les soupçons réformés se portaient sur sa mère et son frère
Anjouetque,malgrétoutessesmanifestationsd’«affection»pourleroi,Coligny
serait toujours un danger pour la paix civile de l’État56. Selon Retz, l’échec de
l’arquebusadedeMaurevelmettaitCatherinedeMédicisenpositiondifficiledans
lecadredel’inflationdesrumeurspuisquelamenacepesaitsurelledereprésailles
huguenotessurdessoupçonsdecollusionavecladuchessedeNemours,laveuvede
FrançoisdeGuise.Lanuitquidébutaitétaitàhautsrisques.Onpeutsedemander
si,écrivantses Mémoiresplustard,àunmomentoùellesouffred’unedésaffection
de sa mère, Marguerite de Valois ne règle pas ses comptes en la rendant
responsabledumassacreetenavançantque,dèslanuitduvendrediausamedi,elle
aurait réagi à l’effervescence toujours plus intense des rumeurs en optant pour la
possibilitéd’uneviolenceanticipatrice.Entoutcas,elleconfirmeunesecondefois
l’état d’irritation extrême des gentilshommes protestants ; elle rapporte avoir
trouvé autour du lit du roi de Navarre entre trente et quarante « huguenots » :
«Toutelanuictilsnefirentqueparlerdel’accidentquiestoitadvenuàmonsieur
l’admiral, se resolvants, dès qu’il seroit jour, de demander justice au roy de
monsieurdeGuise,etque,sionnelaleurfaisoit,ilsselaferoienteux-mesmes.»
SelonGiovanniMichiel,plustard,«peus’enfallut»quedescapitainesprotestants
« n’allassent au Louvre et qu’ils ne dispersassent les gardes sous prétexte d’y
chercher les Guise ; et s’il en eut été ainsi, le frère du roi et le roi lui-même
n’eussentpeut-êtrepaséchappéàleurfurie».
Leclimatdetensionsetdesoupçonsquisemetainsienplacenes’apaisepasavec
lanuitpuisque,departetd’autre,desrumeurscomplotistescommencentàcirculer
etàserenforcer:ducôtécatholique,s’accroîtlaphobied’uneactionsubversivedes
huguenots qui serait destinée à venger la tentative d’assassinat de l’Amiral et se
trouverait polarisée autour du fantasme d’un projet régicide et peut-être, d’une
tentative armée de prise de contrôle de Paris. Le bruit aurait aussi couru que les
réformésenvisageaientuneinterventionsécessionnisteengageantunilatéralement
leprotestantisme de guerredans une expéditionaux Pays-Bas, ce quiéquivalait à
une rupture ouverte avec le pouvoir royal. Dès le samedi matin probablement,
après un conseil tenu autour de l’Amiral, Charles de Téligny, François de La
Rochefoucauld et Armand de Piles seraient venus au Louvre en compagnie de
« tous les chefs huguenots » et n’auraient pas hésité à faire publiquement « mille
bravades»devantleroietsamère,«déclarantàgrandscrisetdanslestermesles
plussuperbesque,s’ilneleurétaitpasfaitjusticedanslesvingt-quatreheures,ils
avaientlesmoyensdeselafaireeux-mêmes;quesil’Amiralavaitperduunbras,
mille autres se lèveraient qui feraient un tel massacre que toutes les rivières
rouleraientdusangetqu’ilssauraientbienfrapperleurscoupsenbonslieux57».
Lasphèredesmotsestenbouillonnement,bienquel’onpuisseaussisedemander
si ce ne sont pas des incidents recréés après le massacre afin de lui donner une
manière d’explication rétrospective. Avec peut-être un point de fixation
inquiétant : c’est ce que Jules Gassot a, pour sa part, entendu puis noté
consciencieusement, qui donnerait à entendre une tentation sécessionniste de la
partdesHuguenotsquiseraitunpréludeàuneprised’armes 58:ils«murmuroient
merveilleusement contre les personnes et l’honneur de Leurs Majestez avecq
grossesinjuresetmenaces:etavoitondisposéunelictierepourl’emmenerensa
maison de Chastillon, où ilz n’eussent pas failly de faire de beaux complots et
machinationsàladestructionduroyaulme».MicheldeWaelearaisond’amplifier
cette phobie d’une conspiration protestante « imaginée » dans le cadre d’un
débridement d’un langage incontrôlé ou insoumis retirant au roi son autorité de
maître des mots. Pour lui, les fantasmes d’après attentat du 22 août viennent se
télescopersurunemémoiretraumatiséeetdoncd’autantréceptive:
Depuis le début des troubles de religion, Paris se trouvait presque continuellement en état d’alerte. Ses
habitants se croyaient ciblés par les protestants, et les pouvoirs royal et municipal les confortaient
régulièrement dans leur conviction. Cette crainte « temporelle » quasi permanente d’un assaut extérieur
jumeléàlatrahisondeconcitoyenscontribueaudéveloppementdel’étatd’espritsanslequellesviolences
populairesdelaSaint-Barthélemyn’auraientpusedéchaîner.Eneffet,desévénementsviolentsquipeuvent
paraîtrespontanéssontbiensouventl’aboutissementd’unprocessuss’étendantsurplusieursannées.

Cetteanalysepermetdemieuxcomprendrecequiauraitpuemporterlepouvoir
monarchique,nourriparlaprisedeconscience–peut-êtreelle-mêmeaffolée–du
piège destructeur que fabriquaient les mots, à finir par faire le choix d’une
exécutioncibléesurlescapitainesprotestantsdontilredoutaitqu’ilsnerallumentla
guerre civile dans le royaume ou qu’ils ne dévastent Paris. Des gentilshommes
huguenots étant venus réitérer au roi les exigences de justice de leur parti,
CharlesIXauraitdemandéauxGuisevenuslevoirauLouvreenfindematinéede
quitter Paris, sans doute pour éviter que la capitale ne devienne l’espace d’une
grandevendetta.Ceux-cisemblentobtempérer,maissereplientdansleurhôtel.
L’histoiresembles’enfoncericidans toutessesvirtualités:il yala rumeur,plus
préciseque lesprécédentes, quiaurait véhiculéun ordresecret de rassemblement
deshuguenotsdeguerreàMeaux,pourle5septembre.Ilnes’agiraitpas,rapporte
encore Giovanni Michiel qui fait le choix d’une dramatisation accentuée, d’une
mobilisation pour aller faire la guerre à l’Espagne aux Pays-Bas, mais d’une
déclaration de guerre contre le roi Charles IX. Or cette mobilisation serait
périlleuse parce que la monarchie, jusqu’alors concentrée sur sa politique de
concorde, n’était pas préparée militairement à un affrontement immédiat : « Se
fairerendreraisonparlesarmes59.»Plusdramatiqueencore,uneréunionseserait
tenue et aurait fomenté un complot visant à tuer le roi, sa mère, sa sœur
Marguerite,sesfrèreslesducsd’Anjouetd’Alençon,lechevalierd’Angoulêmeetles
principauxmembresde lamaison deGuise. LeLouvre devaitêtre investigrâce à
l’intervention des « 600 » gentilshommes présents dans Paris et armés, qui
recevraient le lundi 25 au soir ou le mardi 26 au matin le renfort des 3 à 4
000hommesjusque-làsecrètementcampésdanslesenvironsdelacapitale.
L’Amiralauraitdit,durantceconseil,qu’ilneluirestaitpaslongtempsàvivreet
qu’ilsouhaitaitqueleroideNavarreluisuccèdeentantquechefduparti.DonJuan
deZúñigaécritàPhilippeIIpourluirapportercequiauraitétéledernierpropos
tenuparColignylorsdeceprésuméconseil:«Maisilfautfairepérirlesauteursde
cettetrahison60.»Unsecondconseil,selonGiovanniMariaPetrucci,seseraittenu
après le dîner, qui aurait décidé d’anticiper la saisie du Louvre au lendemain
24 août, vers 4 heures du matin, avec une organisation bien structurée visant à
prendrelecontrôledeParis:LaRochefoucauld,Briquemaultetd’autrescapitaines
setiendraientauprèsdeColigny,«poreseguirlacongiura»,tandisqueMontgomery
etlevidame deChartres investiraientle faubourgSaint-Germain.Il reviendraità
Beauvoir, Pardaillan, Piles et Monneins de présider à l’investissement du Louvre
avecquatre-vingtsgentilshommes,surleprétextedevenirrendrehonneurauroi
deNavarreetauprincedeCondé:lesgardesseraienttués,etlesportesouvertesà
des renforts. Monneins serait chargé d’assassiner le duc de Guise, et Briquemault
auraiteupourcibleleducdeNevers.PuislesportesdeParisseraientouvertespour
laisser rentrer des troupes de soutien opérationnel. Henri de Navarre serait
proclaméroideFrance61.
Si de tels bruits sont parvenus au Louvre ou aux Tuileries, ne faudrait-il pas
prendre en considération le fait que la monarchie s’est trouvée confrontée, à une
vitessevertigineuse,àcequiétaitpourellel’adversairedesapolitiquedeconcorde,
l’adversaire qu’un effort constant depuis 1570 avait cherché à neutraliser ? Un
retourtragiqueàlacasedépart?Maisonpeutaussisuggérerquecesbruitspeuvent
avoirétéunefabricationrétrospectivejustifiantlatuerie.
Toujours dans le même univers d’informations plus ou moins sujettes à
manipulations, Giovanni Michiel ira jusqu’à se targuer d’avoir recueilli les
confidencesdugardedesSceauxRenédeBirague,quiluiauraitconfiéquel’Amiral,
enquatresemaines,auraitétéenmesurederassembler7à8000cavalierset25à30
000fantassins;unprojetdegouvernementrépublicainduroyaumeauraitétédéjà
en gestation62 ! Bien évidemment, on est ici dans une histoire dévertébrée, qui,
écrite à chaud ou une fois les esprits apaisés, cherche à remplir des cases pour
expliqueroulégitimerrétroactivementcequis’estdéroulélesjourssuivants.Dans
cette histoire autant fantasmée que fantasmatique, le seul fait « réel » qui
subsisterait tiendrait dans l’effrayante subversion du langage, sous la pression des
rumeursetcontre-rumeurs.
Ilestimpossibledesavoirsil’argumentducomplotaétéfabriquéetvéhiculédès
avant l’intervention armée dans Paris dans la nuit du 23 au 24 août ou s’il a été
élaboréetdiffusédurantlespremièresheuresdumassacre,afinderendrecompte
auxParisiensdesexécutionsdegentilshommeshuguenotsquisedéroulaientdans
Paris : la version la plus détaillée est recueillie ou refaçonnée par les diplomates
florentins, avec quelques précisions ou variantes par rapport aux versions
précédemment rapportées, en un récit édulcoré dans le sens d’une plus grande
précisiondesrumeursquiauraientétéencirculationdèsle22-23août:
Ilsfirentdireàleurscoreligionnairesdesetenirprêts,et,àunjourfixé,quiseraitlepremiermardid’après,
c’est-à-dire le 26, un certain nombre de cavaliers devaient arriver à Paris, qui, joints à ceux qui s’y
trouvaientdéjà,devaientcompléterlenombredequatremille.Leurintentionétaitdes’emparerduLouvre
etdeselaverlesmainsdanslesangdesauteursducrime,conseillers,complicesetmeurtriers:c’étaitpour
eux comme un devoir. Piles, le spadassin, devait s’emparer de la porte ; Monino [Monneins] assassinait
Guise;BriquemaultégorgeaitNevers,safemmeetsesfils.Aprèss’êtreainsipartagélatâche,ilsfaisaientde
nouvellesVêpressiciliennes;ilyalieudecroirequ’ilsn’auraientpasmêmerespectélesangroyal,puisque
c’étaitMonseigneur(d’Anjou)etlaReinequ’ilsredoutaientleplus63 .

Il faut écrire ici totalement au conditionnel, tant tout est biaisé par l’hystérie
agressiveoupaniquequisévitautourdeColignyetauLouvre,ainsiqueparlefait
que les indices consécutifs à l’attentat relèvent pour presque tous d’écritures
postérieuresàlamortdel’Amiral:uneformedeputschauraitétéplanifiéepourle
24aoûtàquatreheuresdumatin.Toutcequitoucheàlavirtuelleprogrammation
de l’opération huguenote, analysée dans une lettre du Siennois Giovanni Maria
Petrucci,datéedu27août,estdoncplusquesujetàcautionmêmesisonauteurest
un adversaire de l’idée de préméditation. L’information qu’il transcrit, à quelques
différences près, est la même que celle qui est envoyée à Florence, donnant à
comprendre qu’il y a eu un travail concerté pour fournir un argument en faveur
d’une violence visant à anticiper sur une conjuration. Il aurait été prévu qu’un
centre de commandement réunirait Coligny, Briquemault et d’autres chefs, « per
eseguirlacongiuraloro».LaprisedecontrôledufaubourgSaint-Germainauraitété
confiée à Montgomery et au vidame de Chartes. Pardaillan, Beauvoir, Piles et
Monneinsauraientreçulamissiondes’infiltrerdansleLouvreetdetuerlesgardes
pourpermettrel’entréeenmassed’hommesarmés.
«Cosicompartitelecarichetraloro,facevanounVesperoSiciliano»; «edèdacredere
che non averiano perdonato al sangue regio », surtout à la reine mère et au duc
d’Anjou.FrançoisdeLaRochefoucauld,renforcéde200gentilshommesetsecondé
par Gabriel de Montgomery, aurait quadrillé la capitale pour contenir la milice
bourgeoiseetpourtenirouverteslesportesdeParisetainsiassurerlelibrepassage
à des renforts attendus64. Sans doute l’historien est-il ici confronté à une post-
rumeurdestinéeàappuyerlastigmatisationparleroi,le26août,d’une«cause»
protestante impliquée dans une conjuration de grande ampleur qu’il aurait fallu
prévenir non seulement parce qu’elle menaçait la monarchie mais aussi parce
qu’ellenepouvaitqueromprel’œuvremagiquedecettedernièreetressusciterles
fantômesdelaguerrecivile.
Mais ne serait-il pas envisageable que l’imaginaire du complot ait participé de
l’effervescencedulangagedanslesheurescritiquesdelafindejournéedu23août
etaitcontribuéàimpulserlescrimesdelanuit?Etn’aurait-ilpasétéessentieldans
lechoix,parlamonarchie,d’unestratégiecriminelledestinéeàbriser,avantqu’elle
nefassebasculerlaréformefrançaisedansunelutteouvertecontrelaroyauté,une
révolte qui pouvait avoir des implications catastrophiques pour le pouvoir de
CharlesIX?

1.Lecontratestpasséle17août.
2.LuisaCapodieci, Medicæa Medæa.Art,astreset pouvoiràlaCour deCatherinede Médicis,Genève,Librairie
Droz,2011p.533.
3.MémoiresdeMargueritedeValois…,op.cit.,p.55-56.
4.Enfindejournée,vers6heuresselonLucGeizkofler.
5. Mémoires de Luc Geizkofler, tyrolien (1550-1620), Jules-Guillaume Fick (éd.), Genève, Imprimerie Jules-
GuillaumeFick,1892,p.53.
6.JohannWilhelmvonBotzheim,CyclopicaillaatqueinauditahactenusdetestandaatqueexecrandiLaniena,quae
factaestlutetia,Aureliis,LugdunialiisqueinlocisGalliae,subCarolo IX,infestoBartholomei,annoChristi1572…,in
FriedrichW.Ebeling,ArchivalischeBeiträgezurGeschichteFrankreichsunterKarlIX,mitAnmerkungen…,Leipzig,
VerlagvonIm.Tr.Wöller,1872.
7.Jean-LouisBourgeon,CharlesIX…,op.cit.,p32.
8. AmadisJamyn, « Sur le jour de naissance de Margueritede France, Royne de Navarre », in Les Œuvres
poétiques.Premièrespoésies…,op.cit.,p.194-202.
9.AmadisJamyn,«Épithalame,PourleRoyet laRoynedeNavarre.ImitéduLatindeJ. Dorat»,in ibid.,
p.202-209.
10.LettresdeCatherinedeMédicis,op.cit.,t.IV,XXXVIII.
11.LaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise…,op.cit.,p.18.
12.LuisaCapodieci,op.cit.,p.482-484.
13.Ibid.,p.549.
14. Alphonse de Ruble, « François de Montmorency, gouverneur de Paris et de l’Île-de-France », Mémoires de la
Sociétédel’histoiredeParisetdel’Île-de-France,Paris,HonoréChampion,t.6,1879,p.200-289.
15.Pier-AngeloManzoli,néprèsdeFerrareàlaStellata.
16. Palingène (Pier-Angelo Manzolli, dit Marzello Palingenio Stellato, Marcellus Palingenius Stellatus), Le
Zodiaque de la vie (Zodiacus Vitae, 1534), texte latin établi, traduit et annoté par Jacques Chomarat, Genève,
LibrairieDroz,1996.
17. Marcelli Palingenii Stellati poëtae doctissimi zodiacus vitae, hoc est, de hominis vita, studio, ac moribus optime
instituendis libri XII : cum indice locupletissimo, Lugduni, apud Ioan. Tornaesium et Guil. Gazeium, 1552 ;
Marcellus Palingenius Stellatus, Zodiacus vitae, Lyon, Jean de Tournes et Guillaume Gazeau, 1556 ; Marcelli
PalingeniiStellatiPoëtaedoctissimiZodiacusvitaehocest,Dehominivita,studio,acmoribusoptimeinstituendislibri
XII,Lugduni,apudJoannemTornaesiumTypogr.Regium,1559et1567.
18. Marcello Palingenio Stellato, Le Zodiaque de la vie (Zodiacus vitae)…, op. cit., p. 480-482, le « Livre des
poissons».
19.Ibid.,p.493.
20.Ibid.,p.124.
21.Ibid.,p.124-134,inLeZodiaquedelavieouPréceptespourdirigerlaConduiteetlesMœursdesHommes.Traduit
duPoëmeLatindeMarcelPalingen,célèbrePoëtedelaStelladaParM.delaMonnerie,ÀLaHaye,chezSwart,1731.
22.OlivierSpina,«Delacouràlaville:lescombatsd’animauxsauvagesàLondressouslesderniersTudor»,
inCorinneBecketFabriceGuizard(dir.), LaBêtecaptiveauMoyenÂgeetàl’époquemoderne,Amiens,Encrage
Université,2012,p.93-107.
23.MarkFranko,DanceasText:IdeologiesoftheBaroqueBody,Oxford,OxfordUniversityPress,2015,p.201.
24.LauraNaudeix,«Quiestl’auteurd’unballetdecour?DuParadisd’amour(1572)auxFâcheux(1661)»,in
Écrirepour la scène (XVe-XVIIIe siècle), Sabine Chaouche, EstelleDoudet et Olivier Spina (dir.),Paris, Classiques
Garnier,2017,p.97-113.
25.LuisaCapodieci,op.cit.,p.581.
26.Ibid.,p.571-573.
27.Brantôme,citéinibid.,p.91.
28.Ana Iriarte, « Athénaet les Amazones sur l’Acropole», in Femmes médiatriceset ambivalentes. Mytheset
imaginaires,AnnaCaiozzoetNathalieErnoult(dir.),Paris,ArmandColin,2012,p.293-306.
29.ConcettaCavallini,« DelaMascaradeau Balletdecourdans lasecondemoitiédu XVI esiècle.Lesfêtes
entreenjeuxsociauxettransformationsdegenre»,LeVerger–bouquetXIII,oct.2018,enligne,p.8.
30.SimonGoulard,Mémoiresdel’estatdeFrancesousCharlesneufiesmecontenantleschoseslesplusnotables,faictes
etpubliées tant par les catholiquesque par ceux de laReligion, depuis le troisiesme édict de pacification faitau mois
d’aoust1570jusquesauregnedeHenritroisiesmeetreduitsentroisvolumes,ParHeinrichWolf,Meidelbourg,1758,
p.271.
31.ÉdouardFremy,L’AcadémiedesderniersValois:Académiedepoésieetdemusique1570-1576,AcadémieduPalais
1576-1582,d’aprèsdesdocumentsnouveauxetinédits,Paris,ErnestLeroux,[1887].FrancesA.Yates,LesAcadémies
enFranceauXVIe siècle,Paris,PUF,1996.
32.EugenioGarin,LeZodiaquedelavie.PolémiquesastrologiquesàlaRenaissance,Paris,LesBellesLettres,1991,
p.58.
33.LoysLeRoy,ExhortationauxFrançoispourvivreenconcorde…,op.cit.
34.GérardHeuzé,«Rumeurs,images,échosduconflithindou-musulmanàBombay(1993)»,inAltéritéet
identité, Jackie Assayag et Gilles Tarabout (dir.), Paris, Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences
Sociales,1997,p.333-336.Voiraussiid.,«Bombayenflammes»,LesTempsmodernes,49,563,1993,p.75-103.
35.StéphaneHellin,«Maurevert:lespaiementsd’untueurprofessionnelautempsdelaSaint-Barthélemy»,
Revued’histoireduprotestantisme.7,3,oct.2022,p.309-341.
36.Id.,«DeuxfidèlesdesGuisecomplicesdeMaurevert»,ibid.,p.343-368.
37.Ouuneuniquevieillefemme.
38.MémoiresdeLucGeizkofler…,op.cit.,p.49.
39.LechevalierCavriana,dansunelettreadresséeausecrétaired’ÉtatConcini,àFlorence,donnedesdétails
à peu près semblables : « Le bonheur de l’Amiral voulut qu’il eût aux pieds des mules qui l’empêchaient de
marcheràsonaise.Pendant qu’ilbattaitlaterredu pieddroitpourles mieuxenfonceret qu’ilsedisposaità
fairedemarnedupiedgauche,ils’envintàreculerunpeu,etcommeilretiratoutsoncorpsenarrière,ilarriva
quelesbrasreçurentetrelevèrentlecoupqui,sanslaposenouvellequ’ilavaitprise,arrivaitdroitaumilieudu
corps»(NégociationsdiplomatiquesdelaFranceaveclaToscane,op.cit.,t.III,p.812).
40.Ibid.,p.23.
41.LaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise…,op.cit.,p.19.
42. Josué Studer, Récit et rapport sommaire des faits…, cité in Édouard Forestié, Corbeyran de Cardaillac-
Sarlabous:mestredecampgouverneurdeDunbar(Écosse)etdu Havre-de-Grace,Paris,H.Champion,1897,p.139-
140.
43.JosephBrunoM.C.KervyndeLettenhove,op.cit.,t.II,p.582.
44. SommairemémorialdeJulesGassot,PierreChampion(éd.),Paris,Champion,1934,p.97-98.Avecl’ajout
p. 102 : « … que l’on se print garde qu’aucun tort ne desplaisir fut faict à ceulx de la Religion, mais fussent
maintenus soubz le benefice et la protection de l’Édict. Offrirent leurs Majestez audict sieur admiral et le
prierentdevenirlogerauLouvre:dontillesremercia,suppliantnéanmoinsLeursMajesteztrouverbonque
lesprincipauxdesacompagnieetreligion,quiestoientdispersezçàetlàpartouteslesruesdelaville,etencore
auxfauxbourgs,vinssentlogerauprèsdeluyenlaruedeBetizy».
45.SylvieDaubresse,«ChristophedeThouetCharlesIX:recherchessurlesrapports…»,art.cité,p.417.
46.SimonGoulard,Memoiresdel’estatdeFrance…,op.cit.,t.III,p.277-278.
47.Dépêche,inLaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise…,op.cit.,p.89.
48.NégociationsdiplomatiquesdelaFranceaveclaToscane,op.cit.,t.III,p.813
49.LaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise…,op.cit.,p.20.
50.Ibid.,p.36.
51.Ilfutditque,danslespapiersdeColigny,onauraittrouvéuncommentairedel’Amiralécritàl’imitation
deCésar, touchant toute l’histoireà laquelle il avaitpris part ; et deuxécrits, l’un sur l’attaque,l’autre sur la
défenseduroyaume.
52.MémoiresdeMargueritedeValois…,op.cit.,p.55-56.
53. John Tedeschi (éd.), « Tomasso Sassetti’s Account of the St. Bartholomew’s Day Massacre », in The
MassacreofStBartholomewReappraisalsandDocuments,AlfredSoman(dir.),LaHaye,Nijhoff,1974,p.6.
54.Ibid.,p.3-5.
55.CorrespondancediplomatiquedeBertranddeSalignacdelaMotheFénelon…,op.cit.,t.VII,p.322-323.
56.MémoiresdeMargueritedeValois…,op.cit.,p.55.
57.NégociationsdiplomatiquesdelaFranceaveclaToscane,op.cit.,t.III,p.823.
58.SommairemémorialdeJulesGassot…,op.cit.,p.102-103.
59.LaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise…,op.cit.,p.37.
60.J.B.M.C.KervyndeLettenhove,op.cit.,t.II,p.565.
61.Ilestfortpossiblequecetterumeuraitétéparerreuridentifiéeau23août.
62.LaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise…,op.cit.,p.47.
63.NégociationsdiplomatiquesdelaFranceaveclaToscane,op.cit.,t.III,p.814;p.812-822etp.827-832.
64.J.B.M.C.KervyndeLettenhove,op.cit.,t.2,p.548-557.
CHAPITREIV

Ombresetpénombresàlacour

Dans ce cours factuel submergé par les bruits, il faut isoler un épisode dont
témoignentaumoinsdeuxsources.Ilestpréciséle26août,dansunelettredestinée
à François de Médicis, que le baron de Pardaillan serait allé loin dans la
provocation,déclarant que, « si l’Amiralperdait un bras, il en restaitune infinité
d’autres qui feraient perdre la vie à tant de gens que les rivières du royaume
rouleraientdesflotsdesang1».

Lerenoncementàl’espérance

CettevirulenceestconfirméeparMargueritedeValoisquis’attardesurlefaitque
Pardaillanaurait réitéré ses menaces « au souperde la reine ma mère » et donné
plus de précisions sur « la mauvaise intention des huguenots ». On serait
probablementalorssurlafindelajournéedu23août,quandPardaillanetquelques
autrescapitainesdelareligionauraientréussiàfranchirpareffractionledispositif
desécuritémisenplaceautourduchâteaudesTuileries:Ilsauraientététrouverla
reinemèreaucoursdesonrepasdusoiretluiauraientparlédemanièreagressive,
aupointdeluidonneràsongerque,désormais,ilsauraientétéanimésde«quelque
mauvaise intention2 ». Là encore, que penser d’indices intégrés tardivement dans
lesnarratifscentréssurlapré-Saint-Barthélemy,montrantdeshuguenotsqui,par
exempleselonBrantôme,auraientrecouruàdesparolesvéhémentesetleurfaisant
direqu’ilsn’auraient decesse,pour sevenger, defrapper ettuer3? «Parole troppi
insolente»adresséesàlareinemère,conclut-il.
Les proscriptions peut-être planifiées dans la nuit du 23 au 24 août
s’expliqueraient-elles, dans ces circonstances, en termes de réplique d’extrême
urgenceconditionnéeparlapeur?Rappelonseneffetunpointimportant:lareine
mèreavoululaconstructiondesTuileriescommeunanti-signedansunmondequi
avait basculé dans la guerre, dans des turbulences qu’elle qualifiait
d’« inhumanités ». Elle voulait insérer dans la capitale une demeure de plaisance,
d’otiumet depaix, un« paradis »qui avaitsans doutepour find’exorciser, parsa
beautéformelle,ledésordredespassionsqui,depuis1559,entraînaientlesFrançais
às’entretueretàravagerunroyaumequesonfils,CharlesIX,avaitreçudeDieu,
aveclamissiondelegouverner.Cetanti-signeactifdevaitopérercommeunoutil
conjuratoiredesviolences,parcequelaRenaissancesereprésentaitlaconstruction
architecturale,dufaitdesessupportsunissantmathématiqueetgéométrie,comme
une projection de l’harmonie cosmique et lui donnait donc pour fin de faire
descendrel’ordredelaCréationvoulueparDieudanslasphèredelaviehumaine,
del’installerencontrepoidsdespassionsenvahissantlescorpsetlesâmes,dansune
formedemagie.Ilyauneconcordanceévidenteentrel’attachementdeCatherine
de Médicis à une politique de modération reposant sur la vertu féminine de
«douceur»qu’ellerevendiquaitdeposséderetladécisiondeconstruireunédifice
palatialmonumentalisantla concorde qu’ellesouhaitaitimposer aux sujetsdu roi.
Cesymboled’uneunionharmoniquedescœursagissantcontreleurstentationsde
violences,ellevoulaitcommelegreffersurParis,enavantdelaPorteSaint-Honoré
etdelaPorteNeuvequibordaitlaSeineaveclatourdeBlois,dansl’intentionde
recréer la ville en lui donnant un autre centre nerveux, qui figurerait la vertu
devantaimanterlessujets duroià l’actionpolitiquede modérationetd’humanité
quis’incarnaitgrâceàelle.
Leshistoriensontétéfrappésparunfait:iln’yapasdeparallélismedesTuileries
parrapportauLouvre,maisaucontraireuneorientationdebiaisquidémontrerait
qu’àl’originelareinemèren’envisageaitpasdeliaisonaveclevieuxpalaisetavait
conçu sa future résidence comme un monument palatial à part, et cela avant que
Henri IV ne la relie par une galerie longeant la Seine. En outre, il ne faut pas
oublierquelareinemère,s’identifiantaprèslamortd’HenriIIàArtémisedeCarie,
laveuveduroiMausole,cherchaitlesmoyensd’affermirl’autoritéroyalequandelle
programma les travaux de construction des Tuileries. Un des instruments qu’elle
utilisa pour mener à bien l’action pacificatrice et restauratrice après la première
guerre de Religion était la reconstitution d’une vie de cour où se croiseraient
protestantsetcatholiques,unesociabilitédefêtes,dereprésentationsthéâtrales,de
protectionsaccordéesauxpoètesetmusiciens,de«civileconversation»entretenue
etcontinuéeentretouslessujetsduroi.
Ilfallaitdoncunlieuquin’eûtpasenlui,entresesmurs,lamémoiredeshainesdu
passé, un lieu vierge d’histoire et de ses fantômes inquiétants. Le nouveau palais
devaitêtreunespacedecommunicationentreleshommesetlesfemmes,parceque
laculturedelaRenaissancefaisaitduparlerlemoyenparexcellenced’apaisement
des passions et aussi d’endiguement des calomnies et des mensonges qui
subvertissaient facilement les esprits des hommes et les portaient ensuite à
s’entredéchirer. Les Tuileries devaient être l’espace voué à la magie de la parole,
autour de la reine mère, et contribuer à une neutralisation, par le langage, des
tentationsnégatives.Contrelesflatteurs,leprinceetsesconseillerssedevaientde
fairedelacourunlieude«franchise».
CatherinedeMédicissembleavoirjouéàattirerlesprotagonistesdujeupolitique
dans un lieu spécifique contigu de son palais, le jardin. Cet espace d’ordre
symbolisaitla totalité de la natureet du cosmos, lieu de l’amourdivinet donc de
transparence, dans lequel les barrières entre humains étaient transcendées par
l’amitié. Les cœurs devaient s’y ouvrir, et l’intime se livrer parce que les défenses
individuellestombaient dansle cours apaisantdes conversations.D’où les poésies
laudativescomposéesàl’occasiondecertainesfêtesdecourcommecellequ’offritle
cardinaldeLorraineàl’occasiondesnocesdudauphinFrançoisetdeMarieStuart:
lareineyétaitprésentéecommecellequinoueetentretient,dansleroyaume,«les
amitiés parfaictes / De ceux qui ont par vous et leurs vertuz / Leurs ennemis et
vostresabatuz».
CatherinedeMédicispouvaitsepromenertrèslongtemps,trèslongtemps,etelle
pouvait,danslesnégociationsauxquelleselleprenaitpart,usersespartenairespar
son opiniâtreté. Ce fut sans doute grâce à sa ténacité qu’au printemps 1572, elle
parvintenfinàobtenirdeJeanned’Albretsonralliementauprojetdemariagedu
princeHenrideNavarreaveclaprincesseMarguerite,safille4.
Le jardin des Tuileries était tel un éden verdoyant, récréatif, s’étirant sur une
longueurde500mètresdelongsur300mètresdelarge,orientéd’estenouest,dans
l’axedelaconstructiondupalais.Ils’organisaitautourdesixlonguesalléesdroites
parallèlesàlaSeine,traverséesparhuitalléesperpendiculaires.Chaquecroisement
délimitaitdes«parquets»plantésdebosquets,departerresdefleurs,devignesou
de légumes. Il constituait un grand verger qui faisait de lui comme une
encyclopédiedelanaturearbustivedumonde.500arbresfruitiersyétaientplantés,
poiriers,amandiers,pruniers,cerisiers,cohabitantavecdestilleuls,desormes,des
sapins,desmerisiers,desbuistaillés«enfleursdelys»,desifs.Signalonsaussides
fraisiers, des pelouses, des bois, des simples – le myrte, le thym, le serpolet, le
romarin, la lavande, la camomille, le persil et l’oseille sans doute mis en culture
selonlespréconisationsdel’apothicaireNicolasHouel.Enoutre,lejardinageestà
la Renaissance un exercice de sagesse et une « sainte délectation et honnête
occupationdecorpsetd’esprit»selonlestermesmêmesdeBernardPalissy.
Àquois’ajoutaitunlabyrinthefaitdesaules,decyprès,decerisiersetdefontaines,
qui était destiné à inciter le promeneur à méditer sur la complexité ou la
contradictionqui, seule, permettrait à l’être humain d’atteindre la Vérité : « Il s’y
trouveunlabyrinthetracéavectantd’artqu’unefoisentréonensortdifficilement.
On y voit des tables faites de branches et de feuilles, des lits, etc. Ce qui est
étonnant,c’estquecelabyrintheestpresqueenentierformédecerisierscourbés.»
Le labyrinthe végétal symbolisait la difficile progression de la vie jusqu’à la
rencontreaveclafigureinvisibledeDieu;ilreprésentaitlanécessitéd’erranceset
de méditations de l’esprit avant l’accession à la Connaissance, la démarche
raisonnéeetmédiatiséedel’intellectprimantsurl’immédiatetédusurgissementdes
passions. Et c’était un art de la décision qu’il suggérait. Ou plutôt un art du
cheminement de la politique par énigmes, qui finissaient toutes par se résoudre
grâceàunepatiencetenantpourbeaucoupdel’obstination!
Ilyavaitencoredesstatues,uncadransolaireetlunaire,plusieursfontainesdont
l’une se trouvait dans une grotte travaillée par Bernard Palissy, et dont le projet
datait sans doute de 1565. Cette grotte détruite durant le siège de Paris par
Henri IV, comprenait un « rocher » orné de terres cuites figurant des serpents,
crapauds, tortues et limaces, de coquillages, de guirlandes de fruits. Les
ambassadeurssuissesquil’ontdécritsedisaientimpressionnésparl’ouvrage,selon
euxleplus«remarquable»dujardin:
Dansce jardinsont plusieursfontainesavec desnymphes etdes faunesqui tiennentdes urnesd’où l’eau
s’échappe. Une surtout est remarquable. C’est un rocher sur lequel courent divers reptiles, serpents,
limaçons,tortues,lézards,crapauds,grenouilles,ettouteespèced’animauxaquatiques.Euxaussiversaient
del’eau.Mêmeoneûtditquedurocherlui-mêmesuintaitdel’eau.C’estàgrandsfraisetavecbeaucoup
d’habileté qu’on est parvenu à faire tout cela. Et pourtant, parce que personne n’en prend soin, la
destructionenestimminente.

Ils’agissaitdesymboliserlapuissanced’unenatureàlafoisvégétaleetanimalequi
résumait en elle la Création comme ordre divin dont l’homme peut donc avoir
l’idéeenlacontemplantdansunrefletminiaturisé.DansleBanquetreligieux(1522),
Érasme avait insisté sur la métaphysique du jardin, car « loin d’être muette, la
naturetoutentièreparle,etenseignebeaucoupàl’hommequilacontemple,s’ilest
attentif et se laisse instruire ». Le jardin des Tuileries apparaît donc comme un
espacesacré,permettantàlareinemèredeméditeretpréméditersereinementses
choixpolitiquesensesituantelle-mêmeaucœurd’unmicrocosmed’uneCréation
danslaquelleselisait,enunemanièredeprojection,laToute-puissancedeDieu.
Pourquoicetexcursushorsdusuivi,presqueheureparheure,delamiseenfolie
desmotsquiadvientdanslesruesdeParisetàlacour?J’aivoulu,enanalysantce
que symbolisaient les Tuileries, préciser que château et jardin étaient pour
Catherine de Médicis une représentation en relief de ce qui la faisait vivre, son
attachement à une royauté porteuse d’espoir de paix civile dans un temps de
délitementdel’unitéreligieuseetderêvessanglants.Etl’incidentdu23aoûtetces
gentilshommesprotestantsquiseraientparvenu,dansuncoupdeforce,àréussirà
s’introduiredansunespacequiétaitunemétaphored’elle-même,n’aurait-ilpasété
reçu comme une forme de viol de ce qu’elle voulait préserver et protéger ? Le
massacredelanuitdu24aoûtneserait-ilpastapidanscesinstantscruciaux,parce
qu’ilsmettaientencauseetagressaientunepolitiqueconstruitesurlesecret?
La reine mère pensait que le secret était la condition d’accomplissement d’un
pouvoir de paix et de ses prises de décision. Le jardin, par l’isolement qu’il
favorisait,parlasérénitéquiémanaitd’unenatureordonnée,parlacontiguïtéde
ceuxquiparlaientensembleavecl’intentionnalitédivinecréatricedelavie,étaitle
cadre d’une pratique du secret à laquelle il offrait de fonctionner sur le mode de
l’harmonie universelle condensée en lui et évitant la contradiction que susciterait
unepublicisation.Par exemple, cefut dansle jardin qu’ellerencontra ensecret le
12 mars 1571 l’émissaire personnel d’Élisabeth d’Angleterre, Lord Buckinghust. Il
s’agissaitdediscuter,suruneinitiativeanglaise,d’unmariagedufrèreduroialors
soupçonnéd’êtretropprochedesGuiseetdelareineÉlisabeth,danslecadred’une
offensive diplomatique dirigée contre Philippe II. Margaret Mc Gowan a relevé
qu’entre les 13 et 20 juin 1572, en liaison avec la ratification du traité d’alliance
défenseetoffensiveentrelaFranceetl’Angleterre–dittraitédeBlois–,l’émissaire
anglais, l’High Admiral Edward Clinton, comte de Lincoln, après un banquet au
Louvre,futconduitparleroiauxTuileriesoùilrencontral’AmiraldeColigny.
Le jardin des Tuileries fut aussi le théâtre d’un banquet auquel participèrent
FrancisWalsinghametThomasSmithetquidonnalieu,semble-t-il,àunéchange
decadeaux.Mais,danscepremiercasdefigure,lestémoignagesanglaispermettent
de voir que les Tuileries furent appropriés par le roi Charles IX, qui utilisa
l’appareillagesymboliqueélaboréparsamèrepourconduiresonjeudiplomatique
visant à isoler l’Espagne et par là même affaiblir en France l’ultracatholicisme
militantetlamaisondeGuisehostilesàlapolitiquedeconcorde.LesTuileriesn’en
restaient pas moins au centre de la politique de conciliation dont la fin était la
réalisation du mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois qui devait
ramenerenFrancelaconcordepar-delàlesdivisionsdereligion.
On ne peut, je l’ai affirmé et réaffirmé, tenter de se déplacer dans les heures et
jours de la Saint-Barthélemy qu’en acceptant que l’histoire soit sans histoire et
qu’elle échappe à toute certitude. Ou plutôt qu’il est nécessaire de chercher à
comblerlesfaillesoulesvidesquilarendentincernableetindiscernableàlafois,en
se mettant en quête d’indices symboliques dont la lisibilité n’est accessible que de
manière internaliste, au-delà de la surface événementielle même. Il est donc
intéressantdesuspectericiunfacteurdéclenchant,aveccescapitaines,deshommes
de guerre, envahissant le haut lieu de la reine mère et le dévitalisant en quelque
sorte de sa magie. Car une évidence doit être mise en valeur : ce fut après les
« noces de sang » que Catherine de Médicis renonça à poursuivre son projet de
bâtirunpalaisquidevaitêtreunedesmerveillesdumonde.Unrêved’harmonieet
de paix brisé, l’indice d’un échec ressenti subjectivement de façon dramatique. La
reinemèren’habitapluslesTuileries,ellenevoulutplusyrésideretn’yrésidaplus.
Danscedésinvestissementroyal,n’yaurait-ilpasl’indicequelapremièretueriede
la Saint-Barthélemy fut autant l’expression d’une crise du langage que la
conséquenced’undésamouràl’égardd’unlieudanslequellareinemèreavaitmis
toutessesespérances,toutesapsyché,etquiavaitétécommesouilléetdésacralisé
dufaitdel’intrusionhuguenote?
Enoutre,lefaitderenonceràcequiétaitlecœurdesoncœurpourunedemeure
parisienne beaucoup plus modeste ne renverrait-il pas à une forme de culpabilité
rétroactive,àunesecondesouilluredanslaquelleelleauraitpuêtreimpliquéeparla
force des faits ? J’aimerais avancer l’hypothèse que ce serait dans le palais ou son
jardin qu’elle aurait été conduite par la « nécessité » à aller dans le sens d’une
décision totalement contraire à cette « douceur » qui caractérisait son esprit de
reinemèreetdefemme.LerejetdesTuileries,ledésenchantementdeCatherinede
Médicisàl’égardd’unespacequiavaitpoursensderendresapolitiqueefficaceet
effective,nedécoulerait-ilpasdecequ’ilseraitdevenu,par-delàtoutcequ’elleavait
projeté, au contraire criminogène ? D’autant que, déjà en début d’après-midi, la
reinemèreaurapeut-êtretenuconseildanslejardindesonpalaisetenvisagéalors
uneexécutiondecapitaineshuguenotsjugéstropmenaçantspourl’Étatroyal–en
réactionàcertainesaccusationsquiauraientcouruàproposd’uneimplicationdela
reinemèreoudesonfilsHenrid’Anjoudansl’attentatcontreColigny.

L’extrêmefragilitédetouslespossibles

Ilestpossible,jedisetredisbien«possible»,puisquerienn’estsûrdanscesjours
defermentationdulangage,queleLouvreaitétéensuitel’épicentreoùauraitété
priseladécisiondetuer.LessourcesproblématiquesquesontlesMémoiresdel’estat
de France sous Charles IX, ou le De furoribus Gallicis5, toutes deux de facture
huguenote, iraient en ce sens. On pourrait même être tenté de faire l’économie
d’une enquête sur ce qui se serait passé avant la mise à mort de Coligny tant
l’histoire est nimbée d’incertitudes et de contradictions. Revenons ici sur la
chronologie possibiliste qui a été déjà été proposée précédemment. Auraient été
présents, à une heure indéterminée de la fin de l’après-midi ou de la soirée, à un
conseilvirtuellementtenuauLouvreenl’absenceduroi,lemaréchaldeTavannes,
lecomtedeRetz,leducdeNevers,lechancelierdeBiragueetleducHenrid’Anjou.
Ilreviendraitàceshommesd’avoirpromulechoix,préventif,delaviolence,pour
déjouercequiseraitensuiteprésentécommeun«complot»huguenot,maisqui,
dans l’immédiat, tiendrait plutôt de l’exercice d’une justice extraordinaire. Aurait
été établie une liste de nobles de guerre protestants – entre une vingtaine et une
cinquantaine,voireencoreunevingtainedeplus–àéliminer.Unautreconseilse
seraitréunidenouveauversonzeheureslesoir,toujoursauLouvre,cettefoisen
présence du roi à qui la reine mère aurait révélé l’existence d’un « complot »
huguenotcontresapersonne,pourlecontraindred’accepterleprincipedelamiseà
mortd’uncertainnombredechefsdupartiréformé.Uneultimeréunionauraiteu
lieu, peu avant minuit, pour donner des instructions aux capitaines catholiques,
dont Henri de Guise qui aurait auparavant posé ses exigences en des termes plus
qu’explicites, et pour organiser la mobilisation des Suisses et de la milice
bourgeoise. Mais redisons-le, aussi bien pour le conseil qui se serait tenu aux
TuileriesquepourceuxquiauraientétéconvoquésauLouvrejusquetarddansla
nuit,iln’yariend’assuré.
L’histoireestcommecapturéeàlafoisparlesrumeurspaniquesd’avanttuerieet
lesreconstitutionsorientéesd’aprèsmassacre.Touslesrécitssontimpurs,surtout
parcequelesilencearégné.Etceuxquipeuventavoirétérécritsrécemmentlesont
aussi. Même quand, avec Jean-Louis Bourgeon qui a valorisé l’hypothèse d’un
forcingd’HenrideGuisepourcontraindrelaroyautéàlaisserfaireuneviolencede
grande amplitude, il faut reconnaître en Charles IX un maître du mensonge,
feignantune«singulièredétresse»alorsque,peut-être,ilseseraitagipourluide
continueràmettreenœuvreunpouvoirdel’énigmeayantpourobjectifdelaisser
sedéfairelestensionsd’elles-mêmes 6.
Dans ce contexte, il est difficile de savoir quand le pouvoir peut avoir choisi
l’optiondelaviolenceetdans quellesituationdecontrainteils’yestrésolu :sans
douteest-cebientardivement,peut-êtreaprèslesouperquiauraitétéperturbépar
les capitaines protestants ; mais la décision fut prise dans un temps très court. Il
n’en reste pas moins que l’on est dans un brouillard épais. Je trouve tout à fait
judicieuse une réflexion avancée par Adolphe Schaeffer en 1856, posant qu’« il
résulte de toutes les relations que nous avons de la Saint-Barthélemy que les
différentsévénementsquiprécédèrentimmédiatementlesmassacresdu24aoûtse
trouvèrent tellement enchaînés les uns aux autres, et que, encore le 22 au matin
(pournepointremonterplushaut),Catherinesavaitsipeucommenttourneraient
leschoses,qu’ilseraittoutàfait absurdedesupposerqu’elleaitpu prévoir,dèsle
mois de juin, que l’Amiral et tous les huguenots présentsà Paris en même temps
queluiseraientmassacrésle247 ».D’oùl’onpeutsupposerquele22août,lareine
mèreetsonfilssesontsoudainretrouvésconfrontésàunehistoirequidevaitêtre
recomposéedetouteurgence.
Ilendécoulequelesdifférentsessaisdereconstitutionexplicativeprésententune
très grande fragilitéinhérente, dans la mesure où comme on l’a supposé, tout est
théâtredansunsystèmecurialquiestsavantdanslesdiscoursqu’ilproduitetoùles
indiceslaissésàproposduprocessusdécisionnelnepeuventavoirétéquedesoutils
devantpermettredemontrerquec’estcontreelle-mêmequelamonarchieseserait
résolueàmettreenœuvrecequiestprésentécommeune«exécution».Peut-être
nefaut-il pastomber dansle piège quis’ouvre dansles sources? Il ya donc d’un
côtélareinemèreetsesconseillersitaliensdontJérômeGondi8 ,quiauraientopté
dans l’urgence pour la violence, et, de l’autre, le roi demeurant le plus longtemps
possible fidèle à « sa » paix ainsi que cela a été analysé, et dont les documents
montrentqu’ilarésistéàtouteslespressionsavantdecomprendrequ’ilenallaitde
lasurvied’unÉtatadhérentàunordrequiletranscende.
N’est-onpasencoreetànouveau,danscetécartentrelamèreetlefils,aucœur
d’un système politique qui ressemble à un jeu de rôles bien orchestré et dont la
finalitéestlaquêtedel’efficacitéd’unepratiquedel’Étatroyalquisepenseàl’image
de l’univers et peut donc entrer en rupture avec lui-même quand la nécessité
s’impose?Maisaussiunjeudanslequellefuturimmédiatpassepourreleverdela
même virtualité que des événements passés ayant mis jadis en péril la royauté, à
l’imagedelaconjurationd’AmboiseetdelasurprisedeMeaux,ouquedestensions
récentestellesquecellessuscitéesparlaguerreauxPays-Bas.
Et,sileroiestrapportéavoirrésistéuneheureetdemieàtouteslespressions,de
samèreetdeses conseillers,c’estsansdoutepourpréserverl’imaged’un pouvoir
qui n’arriverait pas à croire que ceux en qui il avait mis sa confiance en les
réintégrant dans sa gestion politique auraient basculé dans un projet subversif de
sonautoritésacrée.Outrelesargumentsmisenavantparsamèrepourdéterminer
son inflexion, il y aurait le capitaine Piles qui se serait, à nouveau, présenté au
Louvre pour y rejoindre le roi de Navarre ; il aurait été accompagné de 800 (!)
gentilshommes et aurait menacé, si justice n’était pas faite, de rendre une justice
plussanglanteencore,selonuneassertionbiensûrtardivedeScipionDupleix9 .
Leréalisme,dansl’analysehistorique,n’arienàvoiraveclenégationnismequinie
laréalitédesfaitsmêmes.Onnesaurajamaissilesdifférentsconseilsévoquésdans
les correspondances et récits se sont réellement déroulés et s’ils se sont déroulés
comme ils ont été racontés. Ceux qui revendiquent d’en avoir été les témoins et
acteurs,etquiontrelatélesdébatsquiseseraientsuccédéontcherchéavanttoutà
se dégager de toute responsabilité dans la décision de tuer – si cette décision a
véritablementétéprise.Laseule donnéequipourraitavoir uncertainbien-fondé
aumilieud’indicesaussiproblématiquesseraitque,danscesinstantsdecriseaurait
étéréactivéel’ambivalencedupouvoir,sonjeud’apparencesmettantauxprisesun
roi jouant une carte favorable au parti protestant et sa mère rétive à laisser
l’autoritéroyalesubirl’emprisedeceparti.D’oùunroiquiauraitprisl’apparence
d’un souverain en larmes quand il lui aurait fallu capituler devant son conseil et
entériner le fait de la tuerie des capitaines protestants, et sa mère ne supportant
aucunfreinàcequiauraitétésavolontédepréserverlapaixcivileenrecourantau
crime.CommelorsdesdiscussionsàproposdelaguerreauxPays-Bas,onpeutse
demandersilamèreetlefilsn’auraientpasconçuunpartagedesrôlespermettant
en fin de compte de neutraliser les hésitations, les doutes, et de rendre
l’inacceptableacceptable,ouplutôtl’impossiblepossible.
Onsaitencore que,le samedi,dansla matinée,Guisese présentaau Louvre,en
compagnie de son oncle le duc d’Aumale. Selon la source problématique qu’est le
DiscoursduroyHenritroisième,l’entrevueauraitportésurlaquestionduretraitdes
membres de la maison de Guise dans leurs terres. Mais les ducs de Guise et
d’Aumalesereplièrentensuitedansleurshôtels,avantderessurgirséparémenten
soiréeau Louvre et deconstater que le roi auraitdonné son consentementà une
actiondejusticeextraordinaire,dansuncontextedesoupçontoujoursaccrud’une
insurrectionhuguenoteimminenteetdoncdecoursedevitesseavecletempsqui
passeetquiverraitlePariscatholiqueêtredisposéàs’armerpourdéfendresafoi.
Leshistoriens,depuistoujours,sesontappuyéssurunechronologiereconstituée
àpartir de donnéeséparses etd’une fiabilité touterelative. Ceque l’on peutjuste
considérer comme probable serait que Charles IX aurait fini par sortir de son
énigmatique en se ralliant au principe d’une tuerie d’urgence de gentilshommes
protestantsprécédemment listés.Ce serait doncdurant cette fintardive de soirée
du23aoûtqu’auraitétépriseladécisiondes’accorderaveclesGuiseetdoncavec
l’aristocratie zélée, de manière improvisée et parce que la monarchie risquait de
perdrelecontrôledelasituation–etpeut-êtreplusencored’êtresubvertieparles
bruitscommedansunemissiveadresséeàGasparddeSchomberg,l’envoyéduroi
enAllemagne,danslaquelleildéclareque«cequiestadvenu»aétéfait«augrand
regret de sa dicte Majesté », mais en réplique « pour l’occasion qu’ils en ont eux
mesmesdonnélespremiers».Cequin’empêchepasquelamonarchiedisposaitdes
outilsintellectuelspouropérercebasculementetavaitconstruitlacertitudequela
violencen’étaitqu’unbiaispermettantdemaintenirlapaixcivileduroyaume.On
nesaitriendesrencontresaucoursdesquellesdesinstructionsauraientétédonnées
aux nobles catholiques, dont Henri de Guise, pour procéder à la répartition des
opérations d’exécutions des capitaines huguenots. Il aurait été convenu que
l’intervention débuterait au tout petit matin, une heure avant le jour, au son du
tocsinquibattraitàlatourdel’horlogeduPalaisdejustice.
D’aucuns10sesontinterrogéssurunepossiblepréméditationauseindelamaison
de Guise. Dans la société ancienne, le sang appelle le sang, et ne pas venger une
mortd’undessiensquiaétél’objetd’unacteassimiléàuncrime,c’estdéshonorer
son sang et se déshonorer soi-même en se désolidarisant de la chaîne de ses
ancêtres.L’honneurpossèdeunedimensionsacrée,ilcouledanslesangdulignage
quiestnobleparcequel’aptitudeàlavertuqueDieuluiadonnéeestsupérieureà
cellequ’ilattribueauxautreshommes.Celuiquinevengepasl’honneurnerépond
pasàl’attentedeDieuquiestoffenséparl’inaction.
PourlamaisondeGuise,l’ombredeColignyquiauraitpousséPoltrotdeMéréà
tuer François de Guise pèse sur chacun de ses membres, à commencer son fils
Henri. Selon Lucien Romier, ce serait au mois d’avril 1572, le 15 avril, que le
cardinaldeLorraine,leducClauded’AumaleetleducHenrideGuise,auraientpris
leur décision et que la délibération de tuer ou faire tuer l’Amiral aurait été prise,
couplée avec la réactualisation d’un projet d’extermination de ceux qui étaient les
ennemisdeDieuetduroi.Iln’apeut-êtrepastort,maisJean-HippolyteMariéjol
luiréponditqu’aucune pièced’archivesn’autorisait àsupposerque lesGuise aient
puestimerqu’illeurétaitpossibledepenseràprépareràl’avancecequiauraitété
uncoupd’État.Estprésentéenoutreuncontre-indice:surlafinavril1572,lefrère
cadetdeHenrideGuise,âgédedix-septans,lemarquisduMaine,sanseninformer
Charles IX qui réprouvait tout engagement militaire contre une puissance
secrètementalliée,quitteleroyaumeavecquatre-vingtsgentilshommes.Ilvoulait
participeràlaguerreengagéeparlesVénitienscontrelesTurcs11 .ArrivéàVenise
audébutdumoisdejuin,ilobtientdepouvoirpoursuivresonvoyageendirection
duLevant.Peut-êtres’agissait-ilpourluidenepasêtrecontraintàprendrepartà
une guerre contre l’Espagne qui serait conduite par des protestants ? Mais cet
engagement du jeune marquis va à l’encontre de l’hypothèse d’une préméditation
quiauraitnécessitélamobilisationdetoutelaMaisondeGuise.

L’histoirecommeinstrumentdeveillefaceauxpérils

Ilfaudraiticisuspendrecesuivichronologiquedont lafragilitéestindéniableet
poser une hypothèse sur ce jeu de rôles antinomiques qui voit en Charles IX un
princequiauraitétéattachéjusqu’auderniermomentoupresqueàunrefusdela
violenceetdistingueaucontraireensamèrelaplanificatricedumassacreàveniret
rapproche cette mise en scène d’une œuvre de Loys Le Roy : la Consideration sur
l’histoirefrançoiseetl’universelledecetempspubliéeàParisen1567-1568.L’idéologue
delamonarchieythéorisaituneépistémologiedel’histoirequiintégraitlemonde
humaindanslesmouvementsducosmosetédictaitunepédagogieetuneéthique
du pouvoir. Le monde inférieur obéit au monde supérieur et est placé sous le
gouvernementrégulateurdecedernier.
Ilne fautpas selaisser allerà imaginerque l’histoiredes hommesrépond à une
téléologie de la dégénérescence ou de l’empirement, car le monde humain est
interdépendant de l’ordre cosmique, et, dans cet ordre, il y a une cyclicité
temporellefaisantallerdumieuxaupire,del’humanitéàl’inhumanitédeshommes,
dumalheuraubonheur,delahaineàl’amour,ducataclysmeàlarégénérescence,et
vice versa. « Tellement que selon espactz, oppositions, conjonctions, distances,
apparences, cachemens des astres, descendent ça-bas diverses influences, rendans
leshommesplusdisposezenl’unesaisonqu’enl’autreàlavertuauxlettresetaux
armes. » Le temps est ontologiquement mobile, et les hommes, et donc les
gouvernants, ne doivent pas s’attacher à l’illusion d’une aptitude à maîtriser
l’histoire à laquelle au contraire ils ne doivent pas tenter de résister. En effet,
LeRoyajoutaitqu’ilyavaituneformedenormalitéàcequeletempsdelavertu
basculedansletempsdumalheuravantdefaireretouraumondehumain:«Puis
sortansde la mesme cause celeste grandset espovantables evenemens de guerres,
famines, pestes, inondations, temblemens alterer tous cas humains par certaines
revolutionsdel’univers,selonquelespartiesducieletdelaterrecorrespondent,et
quelamatiereyestdisposée12 .»
Dans ce contexte d’invasion maléficiente, le Prince doit le premier rompre avec
une politique axée sur la concorde et se régler sur le principe de la nécessité qui,
seul, peut lui permettre de maintenir à flot le navire de l’État et de préserver le
vivreencommundesessujetspourque,leplusvitepossible,ilspuissentéloigner
d’eux le spectre de la destruction par la guerre civile. La question se pose :
l’étonnantjeuderôlesquiauraittrouvésonexutoireaprèslesouperdeCatherine
deMédicisetauraitvulareinemèreetsonfilsfinir,dansladouleur,pars’accorder
suruneadhésionàunprojetdepréventiondecequ’ilspouvaientcraindreêtrele
basculement imminent dans une guerre civile ne serait-il pas à référer à une
idéologienéoplatoniciennedelaprudence?
L’histoiren’estpasàsensunique.Ilestcertesirréalisted’imaginer,observaitLoys
Le Roy, qu’il puisse y avoir sur terre un règne parfait, universel et unique sur le
modèle du règne divin. Il est impossible que tant de pays divers puissent être
unifiés,carladissemblancefaitpartiedel’univers,etmêmedumicrocosmequ’est
l’homme où chaque membre du corps possède un « office » différent que l’âme
accorde.Maiscequinepeutêtrefaitàl’échelledumondeetdesonimmensitépeut,
«àtoutlemoins»,êtreréaliséàcelled’une«chacunegrandeprovince»delaterre,
oùl’utilitécommunedemandequel’unioncivile,au-delàdesdifférencesdefoi,soit
préservée.Legarantdecetteunion,sanslaquelleiln’yauraquechaosetsang,ruine
etdécadence,est«unChef13».
Si l’on part de l’idée selon laquelle Catherine de Médicis adhère à cette vision
néoplatonicienne,qu’ellelasuggèreaussicommeinstrumentd’autolégitimationde
sonaction,etsil’onacceptequesonfilsCharlesIXait,parcequ’ildevaitêtreunroi
philosophe, participé de la même sagesse de la concordia discors que Loys Le Roy
avaitvaloriséedès1558entraduisantenfrançaisLeSymposedePlaton,oudel’Amour
et de beauté14, il y aurait un lien, à ne pas négliger, entre une représentation du
monde et de son histoire entendue comme une perpétuelle déconstruction
autorisant un recommencement, et l’exigence de la possession et défense du
pouvoir.SeullePrincequidétientl’autoritépeutêtreenmesuredeprocéderàun
jeu assumant la contradiction universelle pour l’endiguer, la maîtriser, ou plutôt
l’intégrerdanslesmécanismesmêmesdufonctionnementdel’autorité.CharlesIX
devaitêtrelenouvelAugustequiramèneraitl’âged’orvirgiliensonroyaume,grâce
auxoutilsphilosophiquesexposésparLoysLeRoy.
Cen’auraitpasétéalorsunhasardsiCatherinedeMédicis,autournantde1560,
recommanda au cardinal François de Tournon, alors à Rome, de se renseigner à
propos d’un Adonis, « qui est si beau » et dont elle a entendu dire que son
propriétaire,unmédecin,avaitenviedelevendresansavoirtrouvé,pourl’instant,
unacheteur.Ilfautlesonderetessayerd’avoiruneidéeduprixqu’ildemande,sans
quepourautantilsoitamenéàsoupçonnerquec’estCatherinedeMédicisquiena
envie.
Pourquoi Adonis ? Peut-être parce qu’Adonis symbolise ce principe de
contradiction qui doit à tout instant être intériorisé et géré par l’acteur du jeu
politique.Perséphone,àquiAphroditeconfiaAdonisnéd’unarbre,s’épritdeluiet
ne voulut pas le rendre à la divinité de l’amour quand celle-ci en émit le désir. Il
revint à Zeus d’arbitrer le débat entre les deux déesses et de décider qu’Adonis
vivrait un tiers de l’année avec la divinité du monde souterrain, un tiers avec
Aphrodite et un tiers là où il voudrait. Il se déroba à cette sentence puisqu’il
consacra deux tiers de son temps à la déesse de l’amour avant d’être tué par un
sangliersuscitéparArtémisouparMars.Maislemythetraduituneconsciencede
ladurée,danslaquelleletempsestscindéentreunprincipenégatif,l’obscuritédes
ténèbres qui s’abattent sur le monde, et un principe positif, la lumière et la
végétation, l’amour qui finit toujours, par-delà les vicissitudes, par-delà la mort
même,parreprendreledessus.
Ronsards’étaitappropriélemytheen1563,aprèsClémentMarot,pourrappeler
quetoutplaisirestmêlédedouleur.Adonis estlui-mêmecontradiction,carilest
bergeretchasseurtoutàlafois,ilestvieetsimulacredevieencore,carsabeautéle
fait ressembler à des images, et il causa le bonheur et le malheur de Vénus. Il
ressembleàunpréfleuri«quelePrintempsnouveau[…]/Etladouceroséeensa
verdeur nourrissent15 ». Sa beauté rendit Vénus « furieuse » d’amour, oublieuse
d’elle-même, du Ciel et des honneurs divins. La déesse de l’amour ne pense plus
qu’auchasseurauxcheveuxd’or,quilarendàsongréselonsoncapricesoitjoyeuse,
soit courroucée. Elle devient sa compagne de tous les jours, chasse avec lui et
conduit ses troupeaux en sa compagnie, dormant à même le sol. Vénus met en
garde Adonis contre le danger qu’il court dans les forêts à poursuivre les bêtes
sauvages. Elle le prévient de ne pas s’attaquer aux sangliers, tigres et ours, et de
toujours préférer les daims, lièvres et chèvres. Elle dit à son amant que sa mort
seraitsapropremort.Mars,alors,estprisdedésespoir,dejalousieetdecolèretout
àlafois.Ilappelleàl’aidesasœurDiane,luidemandantdevengersonamourparla
mortd’Adonis.Sarequêteluiestaccordée.
Lelendemain,alorsquele«chasseurboccager»courtdebuissonenbuissondans
lesforêts,unsanglierenvoyéparDianesurgit,figuredumalheur,figuredel’hiver,
aux yeux de feu et au dos hérissé, les narines remplies d’écume, et charge le
chasseur,luiplantantsesdéfensesdansl’aine.Adonissuccombe,etVénusnepeut
qu’accourirpourcontemplerlecorpsfroiddesonamourets’évanouir.Puis,ayant
repris ses sens, elle entame une complainte scandée d’une anaphore de vers par
laquelle elle s’adresse à son amant : « Helas ! pauvre Adonis, tous les Amours te
pleurent, / Par ta mort, Adonis, toutes delices meurent. » Douleur de se sentir
commeveuve,douleurdesesavoirrevêtuedésormaisdenoir,douleurdevoirque
lesfleursblanchessontdevenuesrouges,douleurquilafaiterrerparlesboistoute
échevelée,piedsnus,laissantleschardonsetlesépineségratignersabellepoitrine
etsadoucepeau.Sadouleurinfinieluifaitenvisagerlavoiedusuicide.Ladéesse
appellealorssescygnesàprendreleurenvolpourallerparlemonderaconteraux
fleursqueVénusaverséautantdelarmesqu’Adonisdesang:
Dusanglabellefleur
Delarosevermeilleaportraitsacouleur,
Etdutendrecrystaldemeslarmesmenues
Lesfleursdescoqueretsblanchessontdevenues…

Vénus,aprèsavoirinvitélespetitsamoursàprendreledeuiletàfairelatoilette
funérairedumort,baiselabouched’Adonisdont«desormaisjouïraProserpine».
Mais,unefoiscelongchantlamentatifdéclamé,ladéesseabandonneauventson
regretetpasseàd’autresamours.C’est-à-direquelemythed’Adonissymboliserait
une forme de mouvement éternel, de passage de la mort à la vie et de la vie à la
mort,de lacontradiction commeélément vitalde toutevie. L’amourest douleur,
larmes, mais aussi promesse de reviviscence et de plaisir. L’amour, ainsi, est
principedetout,ilestunrésumédetoutelaCréation,deceque,commelechanta
AmadisJamyn:
Toutechosenaissantehasoncommencement
Desprincipesdiversenqualitécontraire:
Rienn’estsimpleicybas,dontilestnecessaire
Quetoutsoitcomposédecontraireelement16 .

Ilyaunenécessitédel’antinomie,dansl’ordredetoutechose,detoutepensée,de
toute histoire, de tout être, une nécessité qui peut aller en conséquence jusqu’à
irriguerlapolitiqueetfaireensorteque,danscertainsmomentscruciaux,quandla
parolen’estplusenmesuredejouersonrôleapaisant,legouvernantsedémarque
par rapport à sa volonté de « doulceur » pour faire, temporairement, le choix de
soncontraire,laviolencedonc.Etvivre,c’estassumercettenécessitéavectoutce
qu’ellepeutimpliquerdetragique.L’amourpeuttemporairementsefondredansla
mort,laviolence,pournepasseperdreetdisparaître.
Le désir de Catherine de Médicis d’acheter ce tableau d’Adonis, de pouvoir se
l’approprierpour être en mesure de contempler cette nécessité existentielle,de la
méditer, de l’avoir toujours en mémoire, de peut-être s’en inspirer quand les
circonstancesexigeraientuneréflexionsurladécisionetsespossibles,neseraitpas
qu’esthétique,maisrenverraitàuneautrenécessité,celledechercherl’inspiration
desapolitiquedansuneimage-symboledecequelaviepasseparlamort,deceque
chaque être doit « en soy » savoir qu’il « loge son adversaire » et que, en
conséquence,ilpeutêtreappeléàjouerêtrecetadversaire,temporairement,pour
nepasseperdreàlui-mêmeetàl’histoire.Àdoncdonnerlamortpourempêcher
qu’elleneprenneledessussurlavie.
LaculturephilosophiquepartagéeparCatherinedeMédicisetsonfilsneserait-
ellepaslaclefdel’événementdelaSaint-Barthélemy?Nelesaurait-ellepasportés
tousdeuxàassumerunjeu,quiseseraitfiniparl’acceptationdelamiseàmortdes
capitainesprotestants,autermed’unemiseenénigmeprolongéejusquedurantles
ultimesconseilsdelafindelajournéedu23août?
Ladécisionauraitété,selonlesenvoyésdeFlorenceetdeVenise,prise«soudain
etnonde longuemain »,et GiovanniMariaPetrucci soulignedèsle 25août que
«lanécessitéatoutamenéàl’improviste»sansdouteparcequelaprised’armesdes
huguenots qui était crainte aurait été accompagnée de l’exécution de grands
personnagesetpeut-êtremêmecelle«duducd’Anjouetdelareinemère».Tout
pourrait confirmer que, pris dans la tourmente des bruits et des rumeurs, le
pouvoirmonarchiqueauraitvouluprendredecourtcequ’ilimaginaitpouvoirêtre
une action huguenote qui aurait eu pour but de faire justice d’une violence que
l’autoritéroyalenesemblaitpasapteàchâtieretquipouvaitmêmevenird’elle.
C’estcequeFilippoCavrianaaffirmele27août.DonJuandeZúñiga,poursapart
et dès le 24 août, paraît estimer que ce fut de manière défensive que la décision
royalefutpriseaprèsunattentatquiauraitmêmeétévouluparlepouvoirroyal:
«Silessouverains,aprèslablessuredeColigny,avaientlaissépasserdeuxjours,on
eûtexécutécontreeuxcequ’ilsontexécutéeux-mêmes.»Ilestaussipossiblequela
présence aux portes du Louvre, de huguenots armés ait accéléré le processus
décisionneldelamonarchie,avantbiensûrlesexécutionsdesgentilshommeslogés
auLouvre.C’estcequ’asubodoréavecintensitéJean-LouisBourgeon17.
Ilestentoutcascertainque,danslasoiréedu23août,l’histoiresedérobe;ellene
peutplussedirequedansunconditionnelplusaccentuéencore,quiinsistesurla
nature hypothétique des analyses qui s’en tiendraient à la sphère des discours et
écrits d’autant que certaines informations peuvent être interprétées de manière
ambivalente : ainsi l’ordre de mobilisation de la milice bourgeoise, donné vers
11heures-minuit,auprévôtdesmarchandsJehanLeCharronetàl’ancienprévôt
Claude Marcel convoqués au Louvre à cette fin, ainsi l’hypothétique
commandementdefairefermerlesportesdelacapitale,detendredeschaînessurla
Seine et dans certains points axiaux parisiens, et enfin d’installer des pièces
d’artillerieenplacedeGrève.Ilestcependantimpossibledesavoirsicedispositif,
s’il a existé, aurait eu une finalité préventive – pour empêcher une sédition qui
aurait pu être aussi bien catholique que protestante – ou aurait participé de la
préparationetdel’organisationd’uneopérationspéciale,pourreprendreunterme
contemporain18 , qui aurait été destinée à contrer, comme le pouvoir royal le
reconnutdèsle25août,uncomplotdeColignyetdessiens.

Lesspectresd’unpasséquidevientprésent

Onpeutsedemandersileshistoriens,àforced’avoirtentéderejeterdemanière
argumentée et critique le motif de la préméditation et d’avoir insisté sur le
déclenchement, dans le cours d’une durée plus ou moins brève, d’une mécanique
simultanément contrôlée et incontrôlable, n’auraient pas fermé la voie à une
réflexion alternative ; c’est-à-dire à une enquête gravitant autour de la mise en
exergue d’une pulsion de destructivité 19, une pulsion « à haïr et anéantir ». Il y
avait,dansl’amontdesconsciencescuriales,unecultureducrimeoudel’exécution
politiquequitrouvaitdesprécédentshistoriquesdansdesinstantsd’exerciced’une
justiceextraordinaire.C’esticiqu’ilfautfairesurgiraupremierplanCatherinede
Médicis, princesse de la douceur féminine, mais aussi de la mémoire longue :
n’avait-elle pas dans son patrimoine subjectif la réplique hyperviolente et
scéniquement humiliatrice orchestrée par Laurent de Médicis, après l’échec de la
conjurationdu26avril1478,etl’exécutionthéâtraledesPazziensuiteexposésaux
fenêtres du Palazzo della Signoria ou du Palazzo del Podestà de Florence ? Les
fugitifsn’avaient-ilspasétépourchassésdanstoutel’Italieetplusloin,puisramenés
à Florence et pendus, après avoir subi l’énucléation, à l’image de Bernardo di
Bandino Barroncelli, l’assassin de Giuliano de Médicis, pourtant réfugié à
ConstantinoplemaislivréparleSultan?
Cemodèlerépressifnefut-ilpasadoptéensuiteàSienneetdansd’autresvillesde
lapéninsulecommeFerrare 20?N’yavait-ilpas,latent,unesortedepré-encodage
d’unejusticespectacleextraordinairequi,calquéesurdesmodèlesantiques,servait
àdésignerlasouillure,laquelledevaitêtreexposéepourêtreéradiquée21 ?Ainsides
carcassesmutiléesdevictimesabandonnéesdanslesruesoutraînéespouramuser
le peuple, des morceaux de chairs portées sur des lances au cri pro-médicéen de
«Palle!Palle!»etdel’invocationàcequepérissenttouslestraîtres22 …
Ilfauticisedemandersilesimaginairesnesontpaspeuplésdespectresquiyvont
et viennent et qui peuvent, au cours de dialogues sans paroles, aider les acteurs
politiquesàrésoudreleursquestionnements.N’est-cepassurcematériaujudiciaire
d’exception que l’on pourrait poser l’hypothèse que la violence existerait au
préalable dans la pensée et pourrait être activée dans l’immédiateté de tensions
hyperboliques?Nefaudrait-ilpassoulignerquelaculturedesacteurslesportaità
savoir qu’il était nécessaire à chacun d’être sur la défensive, dans un monde dont
Salluste avait affirmé qu’il n’était habité que par des humains cultivant la
dissimulationetl’hypocrisie–«Autreestcequ’ilsont,toutprêt,enbouche;autre
cequ’ilsont,caché,dansleurcœur 23»?CommeCatilinaetsescomplices,lesPazzi
et leurs complices avaient été assimilés à des hommes cherchant à pallier leur
déchéance financière par une conquête et confiscation du pouvoir révélatrices de
leurfuroretdeleurinsania?DanssonPactianaeconiurationiscommentarium24,Ange
Politienavait formalisé un réemploi du récit deSalluste, le Bellum Catilinae, en le
paraphrasant ponctuellement pour stigmatiser les Pazzi et leurs associés, et
présenter Laurent de Médicis comme le sauveur de Florence, le défenseur de la
«florentina libertas25 ». C’estdans cetouvragequ’il avaitmis envaleur l’idéede la
nécessitédu recoursàlaviolence,danslamesureoùildépeignaitJacopode’Pazzi
commeunnouveauCatilina,punidemanièrejuste26.Ilincarnaitlesvicesetétait
poussé à agir par le désir de « rerum novarum », donc de susciter une révolution
dans une ville dont Laurent Le Magnifique peut être dit après avoir été le
sauveur27.Précisonsqu’unetraductionfrançaise,parLouisMeigret28,deL’histoire
touchantlaconjurationdeL.SergeCatelin,aveclapremiereharanguedeM.TulleCiceron
contreluy:ensemblelaguerreJugurthine,etlaharanguedePortiusLatrocontreCatelin:
traduittesdeLatinenFrançoisdeSallusteavaitétédisponibledèsdécembre154629.
N’yavait-ilpas,aucœurdesimaginaires,l’évidencepessimiste,inspiréedeCicéron,
que«lesloissetaisentparmilesarmes.Lefilss’enquiertavantl’heuredesannées
quirestentàvivreàsonpère.L’hôten’estpasensûretéavecl’hôte,nilebeau-père
avec son gendre, entre frères même, l’affection se fait rare. L’homme est un loup
pourl’hommeetiln’estpasdepestesidétestablequinenaissedel’hommeàl’égard
del’homme30 »?
CatherinedeMédicis,parcequ’elleavaitapprisl’histoiredeFlorencedutempsde
Laurent de Médicis, son arrière-grand-père, ne pouvait-elle pas avoir en tête le
paradigme d’une violence pouvant être anticipée sur une durée très courte31 ?
D’autantqu’elleavaitégalementluetassimilécetteidéeàtraversles Catilinairesde
Cicéron, qui montrent la concordance entre la violence devenant un spectacle
répressif et le sauvetage d’une sphère politique en danger 32. La construction du
parcours postmortemdeColignynereproduit-ellepasceluiquesubitlecadavrede
JacopoPazzi,rapportédanslanarrationd’AngePolitien 33?
Plus encore, ne faudrait-il pas porter l’attention sur un portrait composite de la
reine mère, dessiné autour de 1560-1561 par François Clouet34 ? Catherine de
Médicis y figure en veuve, après son adoption de la devise « Ardorem extincta
testanturvivereflamma35»?Elleestreprésentéedansunmédaillonentourépardeux
vertus:ilyad’unepartlaRenomméequibranditunepalmeetunetrompette36 et
d’autrepartlaprudencequitientdanssamaindroiteunlivreetarbore,enrouléà
son bras gauche, un serpent, faisant référence à Matthieu X, 1637 . Cette
représentationrappellelesymboledelaprudencequiseraiten1559,selonGabriel
Symeoni, propre à la reine mère : un serpent en forme d’anneau entourant une
étoile,symboledeperfectionetdoncd’éternité38 .Laprudence,représentéeparle
serpent,estsignificativederuse,subtilité,défianceetméfianceparantàtoutesles
menacesetpouvantsecombineraveclaforce39 .Ilyalàunevariantedumiroirque
tient Prudentiadans unmédaillon ovaleconçu parPierre Courteysen 155940,qui
exprimecependantl’idéeque,pourêtreprudent,ilfautavoirintériorisélessecrets
delaconnaissancequisontlesmystèresd’uneCréationdanslaquellelamortetla
vievontdepair.Lesavoir,aucœurduquelsetientl’histoire,estuneconditionsine
quanondelaprudenceparcequ’ildonnelesoutilspourl’appréhensiondetoutesles
situationspossiblesetdoncdelacomplexitédumondehumain,desespiègesetde
sesrisques.Lelivresymbolisedonclaconnaissancedumaletdubien.
Catherine de Médicis apparaît comme une nouvelle Minerve, détentrice d’une
sagesseluidonnantlaforcedetriompherdesloupsquihantentlemondehumainet
veulentinstaurer lechaos, laviolence, la haine.Cette nouvelleMinerve, oscillant
entreviolenceetpaix,estprêteàanticipersurlesviolencesqu’ellepeutdevineren
gestationparmilesprotagonistesdujeupolitiqueet nedoutepasderecourir àla
violencesila situationrend celle-cinécessaire.L’identificationà Pallas,qui faisait
de Catherine de Médicis l’incarnation de la raison, de la vertu de justice, de la
sagesse, avait été suggérée dès 1548 par Vasquin Philieul qui avait rapproché
CatherinedeMédicisdelaLaureaiméedePétrarque 41;etelleperdurepuisque,le
1er janvier1565,lesconsulsdeBéziersoffrentauroiune Pallasd’argentciseléequi
pourraitbien être une invitation à suivre la vertu de samère, tandis que la reine
mèrereçoitunecouped’argentpleinedemédaillesd’or.
Le premier dessin de L’Histoire de la royne Arthemise représente Catherine de
Médicis entourée des arts libéraux et, dans un médaillon surmonté de l’effigie de
Minerve, dispensatrice à son fils du savoir parler pour faire reculer les passions
humaines.Dans L’HistoireFrançoysedenostretemps,elleest«ainsiqu’unePallas»,
quiachassé«lediscorddeFrance».Lelogos,maîtriséparlesavoir,estsynonyme
delaraisonquipeutguérirlemalhumainetéloignerd’euxlemalheur;laraison
telle « La flamme par l’obscure nuit / Plus belle et profitable éclaire42  ». Cette
communion d’espérance, partagée par Catherine de Médicis et par la sœur de
François Ier , les aurait portées toutes deux à croire que la rhétorique, dans ses
variables littérales ou allégoriques, privées et publiques, possédait en elle une
puissancesacrée43.
Les poètes n’hésitent pas à chanter en 1571 la gloire de celle dont le langage
permetmêmedecomprendrelamission,parlamiseenvaleurd’unehomophonie
quiconcernesonprénom.Unereinequiallégoriselesensmêmedesonœuvrequi
aétéuneœuvrede«longuepatience»etde«prudence» 44.Cefutellequi,«par
fataleinfluence»,futappeléeàvenirlibérerlesFrançais«insensez»deleursluttes
civiles. Elle a été la purificatrice, « par destin », qui a purgé la France avec une
«grande,bonneetsagemédecine»danslaquelleselitsaparole.Cefutellequia
éteintl’«ardeur»quibrûlaitleroyaume.DeCatherineàcatharsis…
Pallasestlaguideduroi,elleleprotègeetveillesurlui.Dansledessin«Allégorie
desguerresreligieuses»,leroiestaupremierplan,tandisqu’ausecondplanonvoit
une bataille qui se déroule et des cadavres accumulés. À côté du roi est mise en
valeurunefigureféminine casquéeetarmée,une nouvelledéessedela prudence,
évoquéeparunsonnet:«PartaPallasessainctementguidé/Enlasuivanttute
verrasaydée/DelaVertualencontreduVice45.»Ladéessepeutaussiparticiper
d’unhommageàlavertuquelareinemèreincarnaitpourlessujetsduroi:onsait
qu’en 1578 elle donna à la ville de Clermont l’hôtel de Boulogne dont la
municipalité voulut faire un nouvel hôtel de ville. Pour le portail d’entrée, en
façade,dansuneniche,LéonardSarsonfutchargéderéaliserunestatuedePallasde
1,85mdehauteurquifutinauguréeen1582,entouréed’unécussonauxarmesde
Catherine de Médicis, de deux caryatides, de fleurs 46. Pallas, accompagnée d’une
chouette, ce qui pouvait constituer un appel symbolique à ce que la reine mère,
comtessed’Auvergne,continueàêtrelaprotectricedelacité,tenaitdanssamain
droiteun bouclieroù étaitfigurée latête deMéduse. Elleportait aussiune lance,
unearmure,uncasqueàcrinière.
L’identification à Pallas va parfois dans le sens d’une prudence offensive : par
exempleen1586,souslaplumedupoèteduroi,JeanDuprat,laSaint-Barthélemy
est exaltée comme une violence nécessaire durant laquelle les exploits d’Ulysse
avaientétédépassés,puisqu’auboutdedixannéeslehérosdel’Odysséen’avaitpas
pris Troie ni n’avait été confronté aux prétendants : « Par le conseil d’une autre
Pallas,voiciPergamerenversée,ParismortavecGaspard,etgisantsdanslecarnage
ceux qui prétendoientnon à la main de Pénélope, mais à la couronne, ô roi, à ta
couronne,qu’ilsvouloientarracheràtoi,àtonfrère,auxprincesdetonsang.Leurs
détestables embûches ont été dévoilées, et leurs perfidies prévenues. Ces
prétendantsontétéécorchéscommedesporcs47.»
Prudenceetanticipation,alorssynonymes,peuventporteràlaconceptualisation,
dans l’urgence, de répliques intégrant la violence contre la violence. Le couplage
Prudence/Renommée s’explique : la Renommée est inséparable de l’utilitas
communisqu’elleconsacreetquiœuvreàlaconcorde48.Cequisignifiequelagloire
vient, par sa vertu, à celui ou celle qui s’engage pour l’utilité publique 49 et lui
permet d’être victorieux de la mort comme les palmes le symbolisent. Le serpent
quetientPrudencerenvoiesansdouteàCicéronetsoulignequelaprévoyance,la
finesse, la connaissance de soi, l’anticipation des situations, la ruse et la
circonspection, la méfiance, sont nécessaires à qui ne veut pas se laisser dominer
par les passions humaines. Plus encore, nous aurions ici la mise en image d’une
souplesseouflexibilité dela consciencecapablesans cessedese repenserdans les
moyens de ses fins et de s’adapter aux circonstances, embûches et occasions pour
quelaraisonopératricedelaconcordetriomphemalgrétout.
Le serpent tenu par Prudence qui apparaît comme un double de Catherine de
Médicis signifie que la pratique politique n’est pas linéaire, qu’elle peut, dans
certaines circonstances de mise sous tension, se plier à des réorientations
contradictoires quand la nécessité s’en impose, c’est-à-dire quand le pouvoir sent
qu’il perd toute marge de manœuvre. De même que le pardon fait partie de la
gestiondupolitique,demêmelavertudeprudencepeut-ellesuggérerlaviolence
entantqu’ultime ratio.Contrelepotentieldedestructivitédelaviolence,ilpeuty
avoiruneviolenceconservatricequiestunecontre-violence.
Ce que Catherine de Médicis put avoir à l’esprit, c’est ce qu’elle avait vu
auparavant : corps déchirés, lynchés et surtout une menace radicale pesant sur
l’autoritéqu’ellejugeaitdéléguéepar Dieuàsonfils CharlesIX.Faceà l’irruption
d’un possible qui semblait inéluctable, elle put être assaillie par un fantasme
d’horreur.Ets’imposala«forceéruptivedudroit»pourciterDerrida50.Letabou
d’un État fonctionnant sur la non-violence est suspendu dans la mesure où la
perpétuationdelachosepubliqueassurantlasurviedelacommunautéestenjeuet
où,surtout,lecimentdulienduprinceàsessujetssemblesurlepointdesebriser.
Lebasculementhorsdel’éthiqueafindecontrerl’imprévisibilitéetlacontingence
estlepropredelaphronêsisaristotélicienne51.
Surtout, ne doit-on pas porter l’attention au fait même d’un échange constant
entredeuxconfigurationssubjectivesopérantdanslesujet,laconfigurationréelle
et la configuration idéelle ? Le sujet n’est-il pas, comme l’a présupposé Hannah
Arendt52 , un « deux-en-un » au sein duquel le moi subit par effet de fascination
quasi hypnotique le pouvoir de l’idéalité de soi qui lui est dicté par autant des
imagesquedesdiscoursetselaisseguiderdanssesdécisionsparcequeluiditcet
idéel?L’autredesoinetend-ilpasàcommandercequ’ildoitpenseretfaire?

Lesrémanencesd’unefablecomplotiste
Ne devrait-on pas, dans ces conditions, attribuer une certaine pertinence à la
fictiond’un complot huguenotqui aurait joué dans la psyché de la reine mère de
manière décisive ? Et ne serait-il pas nécessaire de s’intéresser au fait que le
complotisme et ses fantasmes sont au cœur de la psyché collective du temps des
troublesreligieux,réamorçantsanscesseleshainesetlesenviesdepoursuivreles
guerres ? C’est ce que Tomasso Sasseti, qui se trouvait alors à Lyon, semblerait
rapporter sur la base d’informations peut-être collectées auprès de l’ambassadeur
FrancisWalsinghamdeuxsemainesaprèslemassacre.Selonlui,laviolencesubie
parColignyrenvoieàcellequeCondéavaitenduréequelquesannéesauparavant,
et plus en amont à la tentative de saisie du roi lors de la Saint-Michel 1567, que
Catherine de Médicis aurait considéré comme impardonnable. C’est ce que la
lecture de Guy du Faur de Pibrac peut suggérer, dans la mesure où, après
l’événement même, il introduit le motif que Marc Venard a lu comme une
« réplique » d’un instant de la conjuration de Catilina : « On vint advertir le roy
qu’au logis de l’amiral on avoit fait une conjuration et conspiration de tuer sa
Majesté,laroynesamère,sesfrèresettouslesprincesdusang,etchangerl’État,ou
transférerlacouronneailleurs53 .»Enhistoire,cequicompte,c’estques’imaginent
lesacteursetnonpascequiseraitréel…
D’où une interrogation à propos de cette science de la société civile que le
gouvernant doit intérioriser : quels textes se cachent-ils dans l’inventaire des
manuscrits de Catherine de Médicis sous la nomination « Sallustius54  » ? Nous
serions ici invités à deviner ou soupçonner que la pratique du politique par
Catherine de Médicis ne serait en rien empirique ou soumise au gré des
circonstances et occasions, mais relèverait bien au contraire d’un savoir qu’elle
aurait intériorisé comme un patrimoine transmis qu’elle se devait à la fois
d’entretenir et, dans des circonstances dramatiques, d’activer. Il faut, ici, s’arrêter
sur l’ouvrage rédigé par le Florentin Migliore Cresci au début des années 1550,
I Doveridelprincipe,etdédiéàCômeducdeFlorence.L’auteuryinsistesurlefait
que le prince ne doit pas oublier de prendre conseil des hommes savants en la
science de l’astrologie, « dans laquelle fut très versé l’empereur Adrien ainsi que
plusieurs pontifes célèbres, et qui fut aussi une vertu exaltée par Laurent le
Magnifiqueetpard’autresprinces55».
Si Catherine de Médicis fut attentive à la science des astres au point de faire
édifier en 1574 dans la cour de son hôtel parisien une colonne au sommet de
laquelleilluiauraitétépossibledecontemplerlecielastral,n’est-cepasenpartieen
référence à cette possibilité qui était reconnue à cette science de prévoir les faits
positifsàveniretdepermettred’éviterdesaccidentscontraires?Laquestionqu’il
fautposeralorsseraitlasuivante:cettesensibilitéastrologiquen’est-ellepaspour
CatherinedeMédicisuntémoignagedesoninscriptiondansunehistoirefamiliale
qui doit, dans la persona qu’elle incarne, se prolonger et qu’elle a le devoir de
perpétuerenusantcertainsdesoutilsquiluiontgarantiunepérennité?
Ceneseraitdoncpasdumilieudu XVII esièclequeremonteraitl’idéederuinedes
monarchiessuscitant«unevéritableangoisse»desgouvernants56,maisilfaudrait
la situer dans l’éthos de Catherine de Médicis hantée par l’histoire florentine
récenteetdoncportéeàintervenirdansunemimétiquedeceuxdontlesangcoule
enelle,LaurentetCôme!Àproposdecedernieràquiilsrendenthommageparce
qu’ilasu«réunirsespeuplesenunseulcorps»etempêcherquelesfermentsdela
divisionnedétruisentcetteunité,sesapologistesontinsistésurleslocicommunesde
sesqualités,Prudence,AstuceouRuse,Diligence,Bonjugement,Clémence,Vertu,
Sagesse, Magnanimité et Constance. Selon le Ritratto du Padouan Lucio Paolo
Rosello57,lasagacitéduprinceleporteàtoujourschercheràidentifiersesennemis
et à prévenir leur malignité. Dans la salle de Jupiter du Palazzo Vecchio, Giorgio
Vasari a représenté l’Astuce pour signifier que la loyauté peut être dans certaines
circonstances délaissée parce qu’il faut que le prince s’adapte à la « qualité des
temps».Lebonprinceestdétenteurdesmystèresdupouvoir,lesarcanaimperii,et
lesecretdoitguidersonaction.
Lareinemèrepourraitbienavoireuaccèsàlatraductiondes Politiquesd’Aristote
queLoysLeRoydonnaen1568avecuncommentairesavantetqu’ildédiaàHenri
d’Anjou58;sonobjectifétaitdecloreenfinlaséquencedetroublesayantdébutéen
1562etd’ouvriràune renovatioiréniquedel’État.LoysLeRoyquialuMachiavel
l’utilise tout en le critiquant vivement comme « autheur sans conscience, et sans
religion regardant seulement à la puissance et gloire mondaine, qui deçoit
beaucoupdegens59»eteninvitantàlirele Princeavec«grandediscretion».Les
conseilsdu Princefontpartiedes«causesquiruinentlesroyaumesettyrannies».
LeRoyestungrandlecteurd’Érasme,etlamodérationquecedernierpréconise,à
ladifférencedeMachiavel,estàsesyeuxlefildirecteurquedoitsuivrelepouvoir
duPrinced’autantquelatyrannieroyaledoitêtredénoncéeencequ’ellerecoureà
«tousactesséveres60».
Toute une partie du champ des bonnes lettres s’intéresse depuis le début des
années 1540 à investiguer et proposer des voies permettant d’assurer le maintien
desrégimespolitiques soumisà destensions déstabilisatrices:c’est ainsique Jean
Charrier, avant de publier L’Art de la Guerre, composé par Nicolas Machiavelli, en
1546, avait traduit en 1544 le Des Magistratz et République de Venise, de Gasparo
Contarini.Danslesdeuxouvrages,ilproposaitauxlecteursdetrouverunethérapie
auxdangersauxquelslarespublicapouvaitêtreconfrontéeentoutelogiquepuisque
lavieestfaited’opposésquinecessentdelatroubler.LoysLeRoyintervintdansle
mêmesillage,commeMariaElenaSeverinil’aremarqué,ausensoùlaguerreetla
politiques’entre-expliquent.LeboncapitaineestlemiroirdubonPrincequidoit
travailler à la manutention de la res publica dans le contexte d’une mutabilité et
instabilité inhérentes à la vie mondaine. La politique est une guerre, et la guerre
mimelapolitique.
Pour remonter un peu dans le temps, comment ne pas être tenté d’établir le
parallèleentrecequiseraitunescèneoriginellederéactionàuncrimepréméditéet
lespendusdutumulted’Amboise,accrochésle17mars1560auxcréneauxdestours
etportesduchâteauquiavaitvuconvergercivilsetsoldatshuguenots?Comment
ne pas discerner dans le théâtre des mises à mort des huguenots la logique
sanctionnantun « crimede lèse-majesté »dont se défendent d’ailleursensuite les
libellesprotestants61?La«tresmeschante»conjurationn’avait-ellepaspourobjet
depromouvoirla«subversionduroyaume»,selonlesmotsmêmesd’unelettrede
FrançoisIIauconnétableAnnedeMontmorencyendatedu25février1560,etles
accusationsquiysontportéesd’«attenteràlapersonnedelaRoynemamère,età
celles de mes frères, et des principaulx de ceulx qui sont auprès de moy » ne
laissent-ellespassoupçonnerla main deCatherinede Médicis62? AndreaZorzi a
remarquéquelapendaisondesPazzietdeleursamis,quirésultaitdel’applicationà
des personnages de haut rang de Florence d’un châtiment alors réservé à des
hommesdesbassescouchessocialesdelacité,ainauguréunepeineassociéeàpartir
de ce moment au « crimen laesae maiestatis 63 ». Catherine de Médicis aurait ainsi
voulu, en instrumentalisant les Guise, mettre en spectacle à Amboise un théâtre
symboliquequireproduisaitceluiduchâtimentdesPazzietdeleursamis.
Nepourrait-onpasincluredanscecrimenletraitementsubiparlecadavredeJean
duBarry,sieurdelaRenaudie,tuéle18marsetensuiterituellementpendudevant
lavilled’AmboisesurlepontsurlaLoire,avecunécriteauattachéaucousurlequel
étaitinscrit«LaRenaudiese faisantappelerLaForest,auteur delaconspiration,
chefetconducteurdes rebelles 64»? Onpeut alorsdouterque lespendaisonsaux
créneauxdelaterrassesurplombantlaruellequidonnaitaccèsauchâteauaienteu
seulement pour fin d’« estonner » les autres conjurés qui pouvaient encore errer
danslevoisinage 65etqu’ilfaudraitsecontenterd’yvoiruneinitiativedeFrançois
deGuise réagissantcontre deshommes dénonçant sa« tyrannie66» ! Et,ensuite,
que penser des nombreuses exécutions par noyade dont le châtiment frappa ceux
quiavaiententreprisla«ruined’estat»?
Avantmêmel’éditdeRomorantin,finmai1560,n’est-ilpascruciald’analyserla
violence telle qu’elle aurait été conceptualisée comme une punition de séditieux
coupablesd’uncrimedelèse-majesté 67parcequ’ilssepréparaientàagirouavaient
déjà agi contre « l’estat et repos » d’un royaume gouverné par un roi tenant son
autoritédeDieu68?Jepensequ’ilfautdistinguericil’influenced’uneCatherinede
Médicisirritéeetveillantàceque,commedanslaFlorencede1498,lecrimesoit
châtié par une peine dégradante assimilant les criminels à la lie de la société. La
répression,le22mars,touchevingtgentilshommes,pendusoudécapités,ainsique
cinquanteroturiersquisontjetésdanslaLoire.
La société de cour du temps des derniers Valois avait encore dans son capital
mémoriel le paradigme des proscriptions de l’Antiquité romaine, avec les têtes
décapitéesdescapitainesRaunay,Mazères,quiavaientconduitdeshommesvenus
du Béarn, et du baron de Castelnau, et placées sur le portereau du château
d’Amboise. La « préméditation », sans être assumée voire pensée comme l’outil
d’unenormalitédel’action,feraitainsipartied’unensembledemesuresalternatives
auquelilpeutêtrerecourudanscertainesconditionsd’urgence,c’est-à-direchaque
foisquesefaitsentirlebesoind’undispositifsymboliqueévoquantlatrahison,et
qu’ilestquestionderépliqueràcequiestinterprétécommelèse-majesté?Pierrede
Vaissière a jadis attiré l’attention sur le fait que, dès les lendemains de la paix
d’Amboise, courut le bruit d’une entreprise dirigée contre l’Amiral Coligny, son
frèreAndelotetLouisdeCondé,quiauraitviséà«lesfairemourirtoustroisenun
seuljour».L’avertissementmettaitencause JacquesPrévost,seigneurdeCharry,
un proche de la reine mère et Corbeyran de Cardaillac, seigneur de Sarlabous69.
Mêmesil’onsaitque,lorsdel’entrevuedeBayonne,ilauraitétéopposéunefinde
non-recevoirauducd’Albeetàsonconseild’éliminerleschefsdupartiprotestant,
dansunemissivedu10mai1567,donJuandeZúñigarapportedepuisRomequele
papeluiaconfiésouslesceaudusecretque«lesmaîtresdelaFranceméditentune
chosequejenepuisniconseiller,niapprouveretquelaconscienceréprouve;ils
veulentfairepérirparpratiquesleprincedeCondéetl’Amiral70»!
Lafablecomplotisterevientsanscesseaussibiendanslepartiprotestantquedans
les cercles de combat catholique. Que penser de la tentative conduite entre fin
juilletetdébutaoût1568parlemaréchaldeTavannespourinvestirleschâteauxde
Tanlay et de Noyers où se réunissaient Condé, d’Andelot et Coligny, et de la
réactionparanticipationdeschefsprotestantsquirépondaientaupossibledanger
ens’enfuyantàLaRochelle,avantmêmequ’HenryNorrisn’aitconfirméqueleur
vieavaitétéendanger71?Sil’onveutréintégrerlanotiondepréméditationdans
l’histoire des troubles de religion, il faudrait l’appréhender en tant qu’une
composantenécessairedelapsychédesacteursetdesesfantasmes.Parexemple,le
cardinalOdetdeChatillonauraitétéaverti,alorsqu’ilsetrouvaitaudébutdumois
deseptembre1568àSenarpont,del’imminenced’uneexécutiondontildevaitêtre
la cible. Le 5 septembre, il écrivit au roi qu’il avait pris connaissance du projet
crimineldelabouchemêmedeceuxquiavaientétéenvoyéspourletuerpar«ceux
quisesontdelonguemaindéclarésmesennemisetceuxdetouslesmiens»,etqui
ont«aujourd’huileglaivedelapuissanceenlamain72».Dèslafinseptembre1568,
Henry Norris rapporte une confidence d’un protestant, qui lui a affirmé que
cinquante Italiens parcouraient le royaume dans le but d’empoisonner vins et
victuailles des huguenots. Bien sûr, on est ici dans le champ de la rumeur, mais
celle-cipourrait,danssesréitérations,refléterunfantasmedeculturecollective.
Que penser encore de l’exécution de sang-froid de Louis de Bourbon, prince de
Condé,lorsdelabatailledeJarnacle13mars1569,parlecapitainedesgardesdu
duc d’Anjou, Joseph François de Montesquiou, alors que, immobilisé sous son
chevaltué,ilétaitdansl’incapacitédesemouvoir?Soncadavrefutensuiteemporté
hors du champ de bataille les « jambes pendantes » sur une vieille ânesse, avant
d’êtreexposé,selonAgrippad’Aubigné,surunepierrecontreunpilierdelagalerie
deJarnacpuisd’êtreconduitdeCognacjusqu’àChâteauneuf73 .Ceritueldedérision
mettaitenscèneunprincequiavaitvoulujoueràfaireleroi,voiresefaireroi,et
qui sortait de ce lieu du jugement divin qu’avait été la bataille sur une monture
rappelant à l’envers que le Christ, pour sa part, est entré triomphalement dans
Jérusalem sur un ânon symbolisant la paix et l’humilité. Et l’exhibition, au pied
d’unecolonne,ducadavresurunepierrequiressemblaitàuneclaie,eutpoursens
dedireetdemémoriserl’infamiequiavaitjustifiélamiseàmort.
Quepenser en outre de la mise à mort d’autres gentilshommes faits prisonniers
lorsde la même bataille, dontHonorat de Chastelier-Pourtautde Latour, au titre
qu’il avait, cinq ans auparavant, pris part à l’assassinat du capitaine Charry ?
J’aimeraisciterici,carelleesttrèsévocatrice,unelettredeFrancésdeAlava,écrite
le7avril1569,quirapportequelareinemèreluiauraitconfiésesangoissesd’après
la victoire de Jarnac, dont celle de savoir si l’Amiral aurait le projet, après avoir
reconstitué ses forces, de tuer son fils Anjou. La missive va plus loin dans la
projectionphobiquefixéesurlareinemèrequi,précisel’auteur,s’estalorsvantée
d’avoirdéjàfaitsonnerleglascontreColigny,AndelotetLaRochefoucauld,c’est-à-
dire d’avoir fait mettre leurs têtes à prix. Il s’agit d’une mesure que, déjà sept ans
auparavant,elleavaitrésolude prendre,mais« certains»l’enempêchèrentalors,
«quis’ensontrepentisdepuis».«Surcepoint,ellem’aparuextrêmementdécidée,
montrantunejoievéritabledecequ’onl’enapprouvait,ajoutantquelàétaitleseul
remèdeàtoutecetteaffaire74 .»
Lareinemèrefaiticiréférenceàl’arrêtduParlementdu13septembre1569,qui
fut«exécutépar figure,lesarmoiries traynéesparles carreffoursdecesteville et
faulxbourgsde Paris, à queuesde chevaulx, et rompuespar l’exécuteurs de haulte
justice », l’Amiral ayant été déclaré criminel de lèse-majesté, « perturbateur et
violateur de la paix, ennemy de repos, tranquillité et seureté publique, chef
principal,autheuret conducteurdela rébellion,conspirationet conjurationqui a
estéfaictecontreleRoyetsonEstat».Coligny,privédesestitres,capturé«mort
ouvif»selonlaprécisiondonnéeparleprésidentdeThouauroi75,étaitcondamné
àmortparétranglementàunepotencequidevraitêtredresséeenplacedeGrève,
devantl’Hôteldeville.Son corpsouson effigiedevraitydemeurer pendudurant
vingt-quatre heures avant d’être emporté au gibet de Montfaucon pour y être
suspendu.Sesarmoiriesetenseignesseraienttraînéespardeschevauxdanstoutela
villeetfaubourgsdeParis,puisseraientbriséesparl’exécuteurdehautejustice,«en
signed’ignominieperpétuelle,tandisquesesbiensserontconfisquésetsesenfants
déchus de toute noblesse. Commandement est fait à toutes personnes de ne pas
donner aide de quelque sorte à Coligny ». Au contraire il leur est « enjoinct le
dénoncer et mettre ès mains de justice, sur peyne d’estre déclarez faulteurs et
complices dudict de Colligny, rebelles au Roy et crimineulx de majesté ». La
promesse,parunarrêtdu28septembre,estrenduepublique,d’unesommede50
000 écus d’or à ceux qui livreront l’Amiral mort ou vif à la justice, ainsi que de
l’octroi d’un pardon au cas où ils auraient adhéré à la rébellion et conspiration
contreleroietsonroyaume.
Des précisions furent apportées peu après dans l’arrêt du Parlement de Paris en
date du 28 septembre 1569 qui réitérait la condamnation à mort de l’Amiral par
contumace,maisenajoutantque,«àceluyouceuxquirendrontoureprésenteront
ledict de Coligny au Roy ou justice, vif ou mort, de quelque qualité, condition,
nationoupartyqu’ilzsoient,subjectzduRoyouestrangers,domestiques,familliers
ounondudictdeColligny»,lapromessededélivrancedelasommede50000écus
d’or était confirmée 76. On sait que furent en outre rendues publiques les mises à
prix,pour20000écusd’or,delatêtedeFrançoisd’Andelot,et,pour30000écus
d’or,celledeFrançoisdeLaRochefoucauld 77 .Leshuguenotsauraientdénoncéune
coïncidence avec ces mises à prix quand François d’Andelot meurt. Une rumeur
rapportant qu’un Italien s’était vanté d’être le responsable de la mort du frère de
Coligny se répandit. Cela n’empêche pas que d’autres rumeurs circulent, qui font
croirequeFrançoisd’Andelotaétéempoisonné,tandisquelareinemèreseserait,
pour sa part, réjouie de l’événement, en affirmant espérer que « Dieu fera aux
autres,àlafin,recevoirlemêmetraitementqu’ilsméritent78 »!
Enjuin1569,donFrancésdeAlavaseprévautd’uneinformationquiconcerneun
Italien qui avait, selon lui, proposé à la reine mère de tuer Condé, Coligny et
d’Andelot,etquiseseraitmisautravaildèslemoisdedécembre1568:«Enfin,on
a accordé un tel crédit audit Italien, qu’il y a six mois, il a été enfermé en une
chambre avec un ouvrier allemand que ledit Italien a amené de Strasbourg. Cet
Allemand a fait faire trois figures d’hommes de bronze, de la taille du prince de
Condé,del’Amiraletded’Andelot,pleinesdevisauxjointuresetàlapoitrine,pour
lesouvriretfermer,etpourtenirlesdeuxbrasfortementadhérents,ainsiqueles
cuisses, le visage regardant en haut, les cheveux très longs et les pointes des
cheveux dressées. Tous les jours, ledit Italien ne fait que regarder la nativité des
troispersonnagessusditsetsonastrolabe,etserreretdessererlesvis 79.»Aprèsle
décèsdeCondé, «on ditqu’ona vudes marquesnettesà sacuisse, dèsqu’ilétait
mort».
Desfantasmes d’assassinat courent de manièrerécurrente : Henry Norris écrit à
sir William Cecil le 18 juillet 1569 que c’est un capitaine nommé Hayz, un
Allemand,quiauraitétémissionnépourempoisonnerl’Amiraletqu’illuiauraitété
promis«pourcelalemêmeprixqu’auxautresprécédemmentpourlesemblable».
DonFrancésdeAlava,le8août,estreçuenaudienceparCharlesIXetsamère,et
illeurditavoiraccueillidanssonlogisunAllemandvenuducampdel’Amiral,qui
affirmait savoir que « la mort de l’Amiral était combinée ». Il rapporte que
CatherinedeMédicisetsonfilsl’invitèrentàpasserdansuncabinetafinqu’iln’yait
aucuntémoindelaconversationquisuivit:«Etmedirentque,aunomdeDieu,je
n’en parlasse à personne parce qu’ils attendaient à chaque instant une bonne
nouvelle à ce sujet ; cela fut dit avec une joie d’où il résulte clairement qu’ils ont
combiné cette mort. Ils considéraient si bien cette mort comme faite, que je leur
demandaisic’étaientdesAllemandsquidevaienttuerl’Amiral 80.»
Un mois plus tard environ, Norris transmet l’information selon laquelle des
empoisonneurs ont tenté d’agir, dont un domestique de l’Amiral, Dominique
d’Alba, qui subit huit interrogatoires et est condamné à la pendaison après avoir
avouéavoirreçudel’argentainsiqu’unepoudreblanchedesmainsducapitainedes
gardesfrançaisesduducd’Anjou,JeandeLaRivièreetdeSeignelay81.DonFrancés
deAlavapoursuitsonenquêteenécrivantquel’envoûtementdemeurepratiqué:
Onditqu’on.Avuilyaquinzejours,àlastatuedel’amiral,lesmêmesmarques[quecellesvisualiséespour
Condé et Andelot]. De là peut-être venu le bruit qui s’est répandu ces jours-ci qu’il était mort, et
maintenantqu’onvoitquec’étaitunefarce,attenduqu’onsaitqu’ilestvivantetenbonnesanté,lesauteurs
decettebonneœuvredonnentàentendrequeladitestatueoufiguren’apasmontrélesmarquesdemort
comme firent cellesde Condé et de d’Andelot ; elle n’a fait qu’indiquer la maladie dangereuse qu’asubie
l’Amiraletsignifierlamortdesonfilsaîné[…]etlesortilègerecommenceengrandsecret,etl’espérance
renaît[…].Quandlareineestpartiedecetteville[Paris]pourlecampdeLimoges,elleaécritaucardinal
deLorraineetàl’évêquedeSensquedanstrèspeudetempsilsapprendraientunenouvellequicauseraitau
papeetàlachrétientélaplusgrandejoiequ’ilsaientéprouvéedepuisvingtans.Cedoitêtrelebonespoir
qu’onadeseffetsduditsortilège.

Les 9-10 octobre, c’est à Fernando Alavarez de Toledo y Pimentael, duc d’Albe,
que don Francés de Alava relate la nouvelle qu’il a apprise et selon laquelle six
hommesontgagnélecampdel’Amiral«pourytuerleschefsparordreduRoi».
Élisabeth elle-même serait ciblée par cette opération tout comme William Cecil,
danslamesureoùNorrisditavoirapprisquelecardinaldeLorraineaenvoyéen
Angleterre deux de ses proches, un Italien nommé Giovanni Battista, et un
apothicaireportantunepetitebarberousseetayantunetête«likecoloured».Puisil
faudraitencoreévoquerl’assassinatdurégentMorayenjanvier1570enÉcosse.
Uneculturecriminellepréexistaitdoncaumassacrede1572,quipouvaitêtrede
l’ordreàlafoisdufantasmeetd’unenécessitéderéplique.CatherinedeMédicisput
elleaussirecouriraucrimecommeoutildesortied’unesituationàhautpéril,son
filsCharlesIXentrantdanssonjeuenparticipantd’uneremiseenscèned’unjeude
l’énigme.

1.NégociationsdiplomatiquesdelaFranceaveclaToscane,op.cit.,t.III,p.823.
2.ÉdouardForestié,op.cit.,p.132.MémoiresdeMargueritedeValois…,op.cit.,p.55-56.
3.PierredeBourdeille,op.cit.,t.IV,p.301.
4.UneJeanneAlbretdésorientéeetépuiséeparcequ’ellecraignaitdepercevoircommedessimulacres,quand
CatherinedeMédicisjouaitalternativementdel’indignationetdelasollicitude.
5.FrançoisHotman(?), DefuroribusGallicis, horrendaetindignaamiralliiCastillionei,nobiliumatqueillustrium
virorum caede, scelerata ac inaudita piorum strage passim edita per conplures Galliae civitates, sine ullo discrimine
generis,sexus,aetatisetconditionishominum:veraetsimplexnarratio.ErnestoVaramundoFrisioauctore…,àBâlepar
ThomasGuérin,1573.
6.Jean-LouisBourgeon,CharlesIX…,op.cit.,p.15.
7.AdolpheSchaeffer,art.cité,p.288-289.SchaefferpartdesthèsesdeG.W.Soldan.IlétaitpasteuràColmar
et est l’auteur de Les Huguenots du XVI e siècle, Paris, J. Cherbuliez, Grassart et Meyrueis, 1870, qui se veut en
quelquesorteunlivresurl’ADNréforméfrançais,débutant:«Jemeproposedefairerevivreungrandpeuple:
lesHuguenotsduXVIesiècle.»
8. Sur Gondi, Stéphane Hellin, « Espionnage et contre-espionnage en France au temps de la Saint-
Barthélemy:lerôledeJérômeGondi»,Revuehistorique,2008/2,n°646,p.279-313.
9.J.B.M.C.KervyndeLettenhove,op.cit.,t.II,p.569.
10.LucienRomier,art.cité,p.529-561.
11.Ibid.,p.539-540.
12. Loys le Roy, Consideration sur l’histoire françoise et l’universelle de ce Temps, dont les merveilles sont
succintement recitées, Lyon, Benoist Rigaud, 1568, p. 9-11. Sur ce texte, voir Danièle Duport, « Histoire et
éducationdansl’universdeLoysLeRoy»,Écrirel’histoire,6,2010,p.39-46.
13.Ibid.,eii.
14.LeSymposedePlaton,oudel’Amouretdebeauté,traduitdegrecenfrançois,avectroislivresdeCommentaires
extraictz de toute philosophie et recueillis des meilleurs autheurs tant grecz que latins et autres, par Loys Le Roy, dit
Regius. Au Roy Dauphin et à la Royne Dauphine. Plusieurs passages des meilleurs poëtes grecs et latins, citez aux
commentaires,misenversfrançoisparJoachimDuBellayAngevin,Paris,VincentSertenas,JehanLongisetRobert
leMangnyer, 1558. Voir Jean-MarieFlamand, « Loys LeRoy, traducteur etcommentateur du Symposede Platon
(1558)»,inLoysLeRoy,renaissanceetvicissitudedumonde,Caen,PressesuniversitairesdeCaen,2011,p.31-50.
15.Ronsard, « Les élégies à très-vertueux seigneur Anne de Joyeuse,Admiral de France », « Adonis », in
Œuvres.Textede1587,IsidoreSilver(éd.),8vol.,Paris-Toronto,1970,t.II,p.25-33.
16.AmadisJamyn,Œuvres,op.cit.,t.I,p.142.
17.Jean-LouisBourgeon,Charles…,op.cit.,p.30.
18.AthanaseCoquerelFils,op.cit.,p.105:«Cejourd’huySamedyXXIIIjourd’Aoustaudictanmilcinqcent
soixantedouze,ledictsieurPrésidentLeCharron,Prévostdesmarchans,aestémandéparleRoyestantenson
chastelduLouvreausoirbientard,auquelsieurPrévostdesmarchanssaMajestéauroitdéclaréenlaprésence
de la Royne sa mère et de Monseigneur le Duc d’Anjou son frère et autres princes et seigneurs avoir esté
advertyqueceulxdelanouvellereligionsevoulloientesleverparconspirationcontresadicteMajestéetcontre
sonestat ettroubler lerepos de sessubjects etde sadicte villede Paris ;ce quesa dicteMajesté auroitplus
amplementetparticullièrementfaitentendreàicelluyPrévostdesmarchans…»
19.DenisRibas,«Pourquoilapaix?»,Revuefrançaisedepsychanalyse,2016/1,vol.80,p.15-26.
20.Andrea Zorzi, «La politique criminelleen Italie(XIII e-XVIIIesiècles) », in Crime, histoireet société, II/ 2,
1998,p.91-110.
21.Jean-LouisVoisin,«Pendus,crucifiésetoscilladanslaRomepaïenne»,Latomus38,1979,p.422-450.
22. Marwin E. Wolfgang, « Political Crimes and Punishments in Renaissance », Journal of Criminal Law,
CriminologyandPoliceScience,vol.44,5,1954,p.555-581. «Palle»faitréférenceàl’emblèmedesMédicis,les
boules;NicholasScottBaker,«Forreasonsofstate:PoliticalExecutions,Republicanism,andtheMediciin
Florence,1480-1560»,RenaissanceQuarterly62(2),2009,p.444-478.
23.CitéinStéphaneGal,GrenobleautempsdelaLigue;Étudepolitique,socialeetreligieused’unecitéencrise(vers
1562-vers1598),Grenoble,PressesuniversitairesdeGrenoble,2000,p.581.
24. Angelo Poliziano, Pactianae coniurationis commentarium (La congiura dei Pazzi), Alessandro Perosa (éd.),
Padoue,Antenore,1958.
25.DonatellaBisconti,«“Vesanaconstantia”.Leportraitduconjuré:stéréotypesetcontradictions»,Arzanà.
Cahiersdelittératureitalienne,20,1,p.91-109.
26.Jenesuispasicil’hypothèsedeThierryMénissier,«LaSaint-Barthélemyauprismedumachiavélisme:
massacregénéraliséetintentionnalitépolitique»,LesCahiersdelaJustice,2011/1,n°1,p.15-28.
27.ÉmilieSéris,«LeConiurationisPactianaeCommentariumd’AngePolitien(1478)»,in LaLyreetlapourpre:
Poésielatineetpolitiquedel’AntiquitétardiveàlaRenaissance,NathalieCatellani-DufrêneetMichelPerrin(dir.),
Rennes,PressesuniversitairesdeRennes,2012,p.207-219.
28.CrispeSalustedelaconjuraciondeL.SergeCatilin.AveclapremièreharenguedeMarcTulleCiceroncontreicelui:
ensembledelaguerreIugurthine,avecl’invectivedePorciusLatrocontreleditCatilin,ÀLion,ParJeandeTournes,
1546[réédition1556].
29.LouisMeigretproposesatraductiondixansaprèslapublicationdePierreSaliat,L’OraisonquefeitCrispe
Saluste contre Mar. Tul. Ciceron. Plus l’oraison de Mar. Tul. Ciceron responsiue a celle de Saluste. Auec deux aultres
oraisonsdudictCrispeSalusteaIulesCesar,affinderedresserlaRepubliqueRomaine.Letouttranslaténouuellementde
Latin en Francoys, par Pierre Saliat, Paris, Simon de Colines, 1537. Voir Stefania Vignali, « L’épître « Aux
Lecteurs»del’oraisonquefeitCrispeSalustecontreMar.Tul.CicerondePierreSaliat(1537).Unevéritable
«illustration»delalanguefrançaise»,CorpusEve,enligne.
30.StéphaneGal,«MalaiseetutopieparlementairesautempsdelaLigue:les“moyenneurs”duparlementde
Dauphiné»,Revuehistorique,2001/2,n°618,p.403-431.
31. « Dont s’en suivrait l’entière ruyne de ce royaume… » ; Anna Carlstedt, « Stratégies rhétoriques de la
tolérance : relecture d’une lettre à Catherine de Médicis sur les massacres de la Saint-Barthélemy », in
Narrations fabuleuses. Mélanges en l’honneur de Mireille Huchon, Isabelle Garnier, Claude La Charité, Romain
Menini, Anne-Pascale Pouey-Mounou, Anne Réach-Ngô, Trung Tran, Nora Viet (dir.), Paris, Classiques
Garnier,2022,p.785-797.
32.ArnaldoMarcone,« Catilinaelasua(s)fortunainToscanaallafinedelMedioevo»,in Lecarteeidiscepoli.
StudiinonorediClaudioGriggio,FabianadiBrazzà,IlvanoCaliaro,RobertoNorbedo,RenzoRabbonietMatteo
Venier(dir.),Udine,Forum,2016,p.33-41.
33. Angelo Poliziano, Pactianae coniurationis commentarium, op. cit., p. 59-60, cité in Donatella Bisconti, art.
cité,p.91-109.«Lejoursuivant,cequiparutunévénementextraordinaire,unegrandemultituded’enfants,
commesielleavaitétéexcitéed’unecertainefaçonparlestisonsmystérieuxdesFuries,déterrentànouveaule
cadavre et il s’en fallut de peu qu’ils ne lapident une personne qui essayait de les en empêcher. Puis ils le
saisissentparlenœudcoulantaveclequelilavaitétépenduetavecforceinvectivesetrailleriesletraînentdans
touteslesruesdelacité.»
34.EtBaptistePellerin.
35.«Les gouttesd’eauet delarmesmonstrent bienleurardeur, encor’quelaflamme soitestaincte.»Voir
ThierryWanegffelen, CatherinedeMédicis.Lepouvoirauféminin,Paris,Payot,2005,p.161.L’eaun’éteintpas
soncontraire,lachauxvive,maislaravive.Cf.FrankLestringant,«CatherinedeMédicis,oulesimplecorps
delareine»,inLeBonhistoriensaitfaireparlerlessilences…,op.cit.,p.53-40.
36.AlexandraZvereva,PortraitsdessinésdelacourdesValois:lesClouetdeCatherinedeMédicis,Paris,Arthena,
2011. Ead., LesClouet deCatherine deMédicis :chefs-d’œuvre graphiquesdu muséeCondé, Catalogued’exposition,
MuséeCondé,Chantilly(25septembre2002-6janvier2003),Paris,Somogy,Chantilly,MuséeCondé,2002.
37.«Soyezprudentscommelesserpentsetsimplescommelescolombes.»
38.GuydeTervarent,Attributsetsymbolesdansl’artprofane:Dictionnaired’unlangageperdu(1450-1600),
Genève,Librairie Droz, 1997, p.397. Voir Négociations,lettres et piècesdiverses relatives au règnede François II
tiréesduportefeuilledeSébastiendeL’AubespineévêquedeLimoges,LouisParis(éd.),Paris,Imprimerieroyale,1841,
etSophieTéjedor,«CatherinedeMédicisfaceau“jourd’après”»,inMélangesdel’ÉcolefrançaisedeRome–Italie
etMéditerranéemodernesetcontemporaines,132-1|2020,p.35-45.Onpeutreleverque,dansletableaufigurant
laprudenceetpeintparAntonioPollaiuoloen1469-1472(GaleriedesOffices,Florence),lamaindroitedela
vertu tient un miroir tandis que la main gauche serre un serpent qui n’est pas enroulé autour du bras, la
clairvoyanceévoquantlefaitqu’ilfautseconnaîtresoi-mêmepourentretenirlaprudenceensoi.
39. « Le serpent, la remore, le dragon », in La Vertu de prudence entre Moyen Âge et Âge classique, Évelyne
Berriot-Salvadore,CatherinePascal,FrançoisRoudautetTrungTran(dir.),Paris,ClassiquesGarnier,p.968-
978.
40.Châteaud’Écouen.
41. Daniel Maira, « Catherine de Médicis, dédicataire allégorique de la « Laure d’Avignon » de Vasquin
Philieul(1548)»,StudiFrancesi,147(XLX|III),2005,p.517-526.VoirLaured’AvignonextraitdupoêtePetrarque
misenfrançoisparVasquinPhilieul,aunometadveudeCatherinedeMedicis,roynedeFrance,Paris,Gazeau,1548.
42.Jean-AntoinedeBaïf,LePremierlivredespoèmes,GuyDemerson(éd.),Grenoble,Pressesuniversitairesde
Grenoble,1973,p.53-55.
43.MargueritedeNavarre,elleaussi,avaitétéunenouvellePallaspourlespoètesdesontemps.Pallascertes,
mais Pallas héritée de la Florence médicéenne et dominant, dans le tableau peint par Botticelli, le Centaure
symboledel’ignorance,delabestialité,delaviolence.
44.AmadisJamyn,Œuvres…,op.cit.,p.46,«PourlaJunonnopcièreàlamêmeentrée»(1571).
45.VoirJulesGuiffrey, LesDessinsdel’HistoiredesroisdeFrance,parNicolasHouel,Paris,ÉdouardChampion,
1920 ; Barbara Gaehtgens, « Gouverner avec des images. L’image du roi présentée par la reine régente, de
CatherinedeMédicisàAnned’Autriche»,inL’ImageduroideFrançoisI eràLouisXIV,Thomas-W.Gaehtgenset
NicoleHochner(dir.),Paris,ÉditionsdelaMaisondessciencesdel’homme,2006,p.77-110.
46.SusannBroomhall,TheIdentitiesofCatherinede’Medici,Leyde,Brill,2021,p.270.
47. ŒuvrespoétiquesdeJ.Dorat,poeteetinterpreteduroy,CharlesMarty-Lavaux(éd.),1875,Slatkinereprints,
1974;GenevièveDemerson,Dorat…,op.cit.,p.65.
48. Jean-Marc Chatelain, « L’espace politique de la renommée d’Érasme à Juste Lipse (1530-1570) »,
Médiévales,n°24,1993,p.117-129.
49.FrançoiseJoukovsky,LaGloiredanslapoésiefrançaiseetnéo-latinedu XVIe siècle:desrhétoriqueursàAgrippa
d’Aubigné,Genève,LibrairieDroz,2015,p.498-511.
50.JacquesDerrida,Forcedeloi:le«Fondementmystiquedel’autorité»,Paris,Galilée,1994,p.59.
51.PierreAubenque,LaPrudencechezAristote,Paris,PUF,1963.
52.VoirHannahArendt,«Questionsdephilosophiemorale»,inResponsabilitéetJugement,Payot,Paris,2009.
53. Marc Venard, « Arrêtez le massacre ! », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, 1992, 39-4, oct.-déc.
1992,p.645-661.
54. Edmond Bonaffé, Inventaire des meubles de Catherine de Médicis en 1589 : mobilier, tableaux, objets d’art,
manuscrits,Paris,A.Aubry,1874,p.197.
55. Sandro Landi, « La découverte de la censure », in Naissance de l’opinion publique dans l’Italie moderne :
SagessedupeupleetsavoirdegouvernementdeMachiavelauxLumières,Rennes,PressesuniversitairesdeRennes,
2006, p. 59-98. Cf. Lucio Paolo Rosello, Della providenza di Dio Sermoni dieci di Teodoreto, vescovo di Giro,
nuovamente di greca in volgare lingua tradotti per Lucio Paolo Rosello Padoano. Alla Serenissima Reina di Francia,
Venetia,appressoBartholomeoCesano,1551.
56.BrunoTribout,«Révolutionstemporellesetconspirationspolitiques:lafigurationdutempshistorique
dansquelquesrécitsdeconjurationsousLouisXIV»,Dix-SeptièmeSiècle,2005,4,n°229,p.693-712.
57.Lucio Paolo Rosello, Il Ritratto del verogoverno del prencipe, dal l’essempiovivo del gran Cosimo de Medici.
CompostodaLucioPaoloRoselloPadoano,condueorationid’Isocrateconformiall’istessamateria,tradottedalmedesimo
diGrecoinVolgareitaliano,Venise,1552.VoirAntonellaFenechKroke,«CosimoIde’Medicietl’idéalisation
duprinceparlalittératureetlesarts»,inLeMiroiretl’espaceduprincedansl’artitaliendelaRenaissance,Philippe
Morel(dir.),Tours,PressesuniversitairesFrançois-Rabelais,2012,p.219-253.
58.DanièleDuport,«Préfaces,épîtres,opusculeset Delavicissitudeouvariétédeschosesenl’universdeLoys
LeRoy:lalanguedansl’histoire»,2015,CorpusEve,enligne.PhilippedeLajarte,«Entrelogiquenaturelleet
logiqueprovidentielle:lesressortsdel’Histoired’aprèsletraitéDelavicissitudeouvariétédeschosesenl’universde
LoysLeRoy»,SeizièmeSiècle,n°10,2014,p.245-260;IrinaFalkovskaya,«L’irénismedeLouisLeRoy:Entre
philosophiegrecque et réalité française », in Nicolas Breton, ThomasGuillemin et Frédéric Lunel (dir.), Les
Dialoguesinterreligieux:Lieuxetacteurs(XVIe-XXI e siècle),Rennes,PressesuniversitairesdeRennes,2018,p.107-
118. Loys Le Roy, Exhortation aux François pour vivre en concorde…, op. cit., comprend une définition de la
sédition,p.8:«…jedyqu’ilnepourroitadvenirpirecalamitéàtoutestatpubliquepourquelquecausequ’elle
soit excitee : d’où procede toute sorte de maulx, voire les plus pernicieux, comme irreverence envers Dieu,
desobeissance aux magistrats, corruption des meurs, changemens de Loix, mespris de Justice, abolition des
Lettres,vengeanceshorribles,mescognoissancedeconsanguinitéetparentage,oublianced’amitié,extorsions,
violences,pilleries,rançonnements,ruinesdepaïs,saccagementsdevilles,bruslementsd’edifices,confiscations,
fuites, bannissements, proscriptions cruelles, meurtres inhumains, alterations de polices, avec autres infinis
excezetmiseresinsupportables,piteusesàvoirettristesàraconter.ParquoyPythagorastresillustrePhilosophe
disoit, qu’il failloit en toute manière oster maladie du corps, ignorance de l’ame et seditions de la cité,
corruptionadvenantésRepubliquesopulentespourrendrelesgrandsEmpiresmortels:ainsiqu’enTiteLivre
parleMarcValeredictateur.CequiameuledivinPlatond’affermer,n’yavoirpiremalenlacitéqueceluyqui
ladivise,etd’uneenfaictdeux:nerienmeilleurquecequilalieetunitensemble».
59.MariaElenaSeverini,«LePrinceetleCapitaine:échosdeMachiavelchezLoysleRoyetFrançoisdela
Noue», SeizièmeSiècle,n°9,2013,p.247-259,quicomplèteA.HenriBecker, Unhumanisteau XVIe siècle:Louis
LeRoy(LodovicusRegius)deCoutance,Paris,OudinetCie,1896;WernerL.Gundersheimer,TheLifeandWorks
ofLouisLeRoy,Genève,Droz,1966;EnzoSciacca,UmanesimoescienzapoliticanellaFranciadelCinquecento.Loys
LeRoypensieropolitico,Florence,Olschki,2007.
60.Éditionde1568,p.789.Etp.374dansl’éditionde1576parMicheldeVascosan.
61. « Histoire du tumulte d’Amboise », in Archives curieuses de l’Histoire de France depuis Louis XI jusqu’à
Louis XIII, Louis Cimber et Félix Danjou (éd.), Paris, Beauvais, 1835, 1re série, t. IV, p. 33. Henri Naëf, La
Conjurationd’AmboiseetGenève,Genève-Paris,A.Jullien,G.etEd.Champion,1922.
62.«Lettredu Royau connestabledeMontmorency,parlaquelleilluymandedeluyenvoyerlesieurdeSoucelleset
levicomtedeSaint-Aignan,prisonniersauboisdeVincennes,etRobertStuart,Escossois,prisonnieràlaConciergeriedu
Palais,soubçonnesd’estrecomplicesdelaconspirationd’Amboise»,inibid.,p.32-33.
63.AndreaZorzi,«Ritualidiviolenza,cerimonialipenali,rappresentazionidellagiustizianellecittàitalianecentro-
settentrionali (secoli XIII-XV) », in Le forme della propaganda politica nel Due e nel Trecento, relazioni tenute al
convegno internazionale di Trieste (2-5 marzo 1993), Rome, École française de Rome, 1994, p. 395-425,
p.408-421.MarioSbriccoli,Crimenlaesaemaiestatis.Ilproblemadelreatopoliticoallesogliedellascienzapenalistica
moderna,Milan,Giuffrè,1974;MartaCelati,ConspiracyLiteratureinEarlyRenaissanceItaly:Historiographyand
PrincelyIdeology,Oxford,OxfordUniversityPress,2021.
64.LucienRomier,LaConjurationd’Amboise.L’Auroresanglantedelalibertédeconscience.Lerègneetlamortde
FrançoisII,Paris,LibrairieacadémiquePerrin,1923,p.115-116.
65.MémoiresdeMicheldeCastelnau,ClaudeBernardPetitot(éd.),Paris,Foucault,1823,p.50-52.
66.Ibid.,p.50.
67.BenjaminDeruelle,«Aupréjudicedelafidélité,dudroitetdelanature.Lesusagesdelalèse-majestédans
le discours monarchique à la noblesse de France (1560-1598) », Revue d’histoire moderne et contemporaine,
2020/1,n°67-1,p.167-189.
68.JérémieFoa,«Lesdroitsfragiles.L’insécuritéjuridiquedeshuguenotsautempsdesguerresdeReligion»,
Revued’histoiremoderneetcontemporaine,2017/2,n°64-2,p.93-108.
69.PierredeVaissière,Récitsdutempsdestroubles(XVIesiècle).Dequelquesassassins:JeanPoltrot,seigneurdeMéré,
CharlesdeLouviers,seigneurdeMaurevert,JeanYanowitz,ditBesme,Henry IIIetlesQuarante-cinq,JacquesClément,
Paris,Émile-PaulÉditeur,1912,p.96.
70.Ibid.,p.96,quis’appuiesurJ.B.M.C.KervyndeLettenhove,op.cit.,1876,t.II,p.369.
71. Junko Shimizu, Conflict of Loyalties : Politics and Religion in the Career of Gaspard de Coligny, Admiral of
France,1519-1572,Genève,LibrairieDroz,1970.
72.CorrespondanceducardinaldeChâtillon,LéonMarlet(éd.),Paris,Picard,1885,p.89et90.
73.VoirOlivierMartin,Undéfenseurdelacauseprotestantesurlascèneeuropéenne.L’ambassadeuranglaisHenri
Norrisàla courfrançaise durantlatroisième guerrecivile(1568-1570) [MémoireduDépartement d’histoirede la
faculté des lettres de l’Université Laval, 2009] ; Anne-Marie Cocula, « Dreux, Jarnac, Coutras : le
rebondissementdelavendettadesGrands»,in Avènementd’HenriIV.QuatrièmeCentenaire.I,Pau,J&D,1988,
p.17-37.
74.PierredeVaissière,op.cit.,p.99.
75.SylvieDaubresse,LeParlementdeParis…,op.cit.,p.183-184.
76.PierreChampion, La JeunessedeHenri III1551-1571,Paris, BernardGrasset,1941,p. 176etNicolaMary
Sutherland,TheMassacreofSt.BartholomewandtheEuropeanConflict:1559-1572,Londres,TheMacmillanPress,
1972,p.101.
77. Sylvie Daubresse, Le Parlementde Paris…, op. cit., p. 182. Arrest de la court de Parlement contre Gaspartde
Colligny, qui fut Admiral de France, mis en huict langues, à sçavoir, François, Latin, Italien, Espagnol, Allemant,
Flament,AngloisetEscoçois,Paris,ParJeanDallierlibraire,1569,inArchivescurieusesdel’HistoiredeFrancedepuis
LouisXIjusqu’àLouisXIII,LouisCimberetFélixDanjou(éd.),Paris,Beauvais,1835,1resérie,t.VI,p.375-380.
78.LettresdeCatherinedeMédicis,op.cit.,t.III,p.211.
79. Eugène Defrance, Catherine de Médicis, ses astrologues et ses magiciens-envoûteurs. Documents inédits sur la
diplomatie et les sciences occultes du XVIe siècle, Paris, Mercure de France, 1911, p. 154-155 : Dépêche de Don
FrancésdeAlava,ambassadeurd’EspagneàParis,auroid’Espagne,Paris,8juin1569.
80.Ibid.,p.167-168:DépêchededonFrancésdeAlavaauroid’Espagne,8août1569.
81.SentencereproduiteparJulesDelaborde,op.cit.,t.III,p.565à567.
CHAPITREV

La«nécessité»criminelle

Examinonsdésormaiscequiauraitpusepasserauseind’unecourquiauraitfait
lechoixducrime.

L’assassinatdu«plusgrandcapitainedelaChrestienté»

L’exécutiondeColignyfutreçuedansl’Europeprotestantecommeundesgrands
crimesdel’histoire.J’enveuxpourpreuveunépisodequi,selonBrantôme,seserait
déroulé durant le voyage du duc Henri d’Anjou vers la Pologne : lors d’une
rencontreavecl’électeurpalatin,cedernierauraitmontréàceluiqu’ilaccueillaitun
portraitdel’Amiralqu’ilconservaitdanssoncabinet1.Ettoutsepassecommesile
capitaine huguenot prenait indirectement la parole par son truchement : « Vous
cognoissezbiencethomme,monsieur;vousavezfaitmourirenluyleplusgrand
capitainedela Chrestienté:et neledeviez pas,car ilvouseust faictetau royde
très-grandzservices2 .»
Essayons de reconstituer les circonstances de la mort de l’Amiral. Une réponse
positive, qui put endormir temporairement la méfiance du parti huguenot après
l’attentatdelaruedesPoulies,estdonnéeàlademandedeColignyquesoitétabli
auprèsdeluiunglacisdeprotectioncontretouteentreprisemenaçanteetquesoit
empêchée la tenue de rassemblements hostiles. Jean de Montlezun, sieur de
Cosseins,maîtredecampsdescompagniesdegensgascons,reçoitl’ordred’investir
l’hôteldePonthieuavec50arquebusiersetdesSuissesdelagardeduducd’Anjou
qui sont cantonnés dans deux boutiques voisines du logis de l’Amiral, tandis que
cinqSuissesdelagarded’HenrideNavarres’installentdansla«basse-cour»même
de ce logis, au plus près de l’Amiral. Le calme semble régner encore vers minuit,
puisque le bourgeois de Strasbourg assure que, traversant alors le quartier du
Louvre,ilapuregagnersonlogement«trèstranquillementetsansencombre3 ».
Un petit groupe de fidèles serait demeuré auprès du capitaine huguenot : son
gendre Charles de Téligny, et sa fille Louise, Pierre de la Gelière, seigneur de
Cornaton, Pierre de Malras, seigneur d’Yolet, le secrétaire Belon, le contrôleur
Pruneau, Ambroise Paré, le chirurgien Thomas, le pasteur Pierre Merlin,
l’interprèteNicolasMuss,etl’étudiantSalomonCerton.Cantonnésdansunepièce
voisine,ilsauraientétélestémoinspassifsdel’assassinat.
Undéroulésynthétique,mais aminima,desfaitsdelanuitdu23au24aoûtpeut
êtresuggéré:Guise,éclairépardes«flambeaux»etsuiviparlesducsd’Angoulême
etd’Aumale, parvientrue deBéthisy avecles hommesqu’il amobilisés,renforcés
encheminsoitde300capitainesetsoldats,soitde«cinquanteousoixantechevaux
etdecinq ousixcapitaines desrégimentsde gensdepied, suivisd’autresgens de
guerre».Ensecondeligneetàdistance,aucasoùunappuiauraitéténécessaire,ily
avait1200hommesquiauraientétéenattenteencasderésistancecollective.Aux
côtésdeFrançoisdeGuisesetiennentencoreNicolasdeHalwin,seigneurd’Atin,
FrançoisdeCazilhac,barondeCessac,Edmed’Hautefort,jadismaîtredecampen
Piémont, le Florentin Pier-Paolo Tosinghi, gentilhomme de la chambre du Roi,
chevalierdel’ordre,etsonfils,leSiennoisAchillePetruzzi,JeandeBiron,seigneur
de Goas, et Jan Yanowitz, dit Besme. La Bonne, maître d’hôtel de Coligny, est
requis,aunomduroi,d’ouvrirlaportedelacouretobtempère.
Cosseinsseseraitprécipitésur lui,l’auraitpoignardé,pénétrantde forcedansla
cour avec ses hommes, tandis que les Suisses du roi de Navarre sont bousculés :
deuxsont tués. Les Suisses de la garde du duc d’Anjou sont à l’offensive. Ce sont
alors dix hommes qui forcent toute résistance et entrent dans la chambre de
l’Amiral. Coligny est tué selon des modalités d’autant plus incertaines que les
hommes qui sont venus jusqu’à lui vont ensuite, pour la plupart, revendiquer la
gloiredel’avoirmisàmort.
Peut-être la version la plus plausible serait-elle celle que Scipion Dupleix
transcrira dans son Histoire générale de France, en soutenant la tenir d’un
domestique4 : l’Amiral se serait tenu, ayant quitté son lit, debout en robe de
chambre,etlestueurs«s’acharnèrentd’abordsurluiavectantdeforcequ’iln’eut
que le temps de dire ces quatre mots : “Que me demandez-vous, Messieurs ?” ».
Frappé probablement de multiples coups d’épée, de dagues et de pieux, il aurait
encorerespiréquandGuise,Aumaleetlechevalierd’Angoulême,setenantdansla
cour,auraientexigéqu’onl’achèveetqu’onjettesurlepavésoncadavre,sansdoute
dépouillédesesvêtementsdenuit,parunefenêtre,etqu’ilsoitpeut-êtredécapité.
Àtitredecomplément,nousdisposonsdurécitdeJulesGassotdanssonSommaire
mémorial:
CarsurlestroisàquatreheuresdumatinMonsieurd’AumalleetlejeuneMonsieurdeGuysesortirentde
l’hostel d’Aumalle, près du Louvre, avecq cinquante ou soixante chevaux et cinq ou six cappitaines des
regimensdegensdepied,suivizd’aultresgensdeguerre,etallèrentàlaportedulogisdudictadmiral,rue
de Betizy, laquelle porte ilz firent enfoncer avecq des bûches. Et entra dans la chambre de l’admiral ung
nomméBesme,Allemand,quiaultrefoisavoitestépaigedeMonsieurdeGuyse,etletuadanssonlict,ou
peus’enfalloit:et demandansceulxquiestoientàlacour etcrianssic’estoitfaict,ilzle jetterentparles
fenestres sur les carreaux d’en bas. Et s’est longtemps veu sur lesdictes fenestres de son sang. […] Il fut
incontinenttrainéparlesruesdanslariviere,etpuisretiréetencoreretrainé;onluycouppalesmembres
etlateste,etpuisonlemenapendreparlespiedsàMontfaucon5.

D’autresadaptationsscénographiquesducrimecirculent,mettantenvaleurtelou
telprotagoniste:l’Amiral,dansleRécitvéridiqueetdescriptiondel’assassinatcommis
enFranceen1572,auraitétéfrappéàmortd’uncoupdehallebardeparlefourrierdu
ducd’Anjou,leFribourgeoisMartinKoch,maislecoupfatalseraitvenudeMoritz
Grünenfelder,deNiederurnendanslecantondeGlaris,qui,voyantl’Amiralencore
vivant, aurait enfoncé son petit couteau dans sa bouche. Quant à Josué Studer, il
affirme que ce fut vers 4 ou 5 heures du matin (!) que la hallebarde de Moritz
GrünenfelderportalepremiercoupàColignyquiétaiten«robedenuit»,tandis
queMartinKochletransperçaensuitedesapiqueetjetalecadavreparlafenêtre.
Àce «signal »,le grand« tumulte» seserait déclenché.On disposeencore dela
lettrerédigée le 24 août même par un proche du capitaine Josué Studer, Joachim
Opser,deWyl,etadresséeàl’abbédeSaint-Gall 6:c’estd’undesprotagonistesdu
crime,enl’occurrenceceluiquiauraitportéletroisièmecoupavecsahached’arme,
queJoachimOpserdittenirlenomdutueur,unnomméConradBürgqu’ilconnaît
dutempsoùilétaitpalefrenieràWyl.ÀMartinKoch,ilreviendraitd’avoirporté
le premier coup avec sa hallebarde, le second coup étant porté par Besme, et le
troisièmeparConradBürg.Maiscenefutqu’auseptièmequeColignyseraittombé
mort,Guisedonnantordredepuislacourencontrebasquesoncadavresoitjetépar
lafenêtreavantd’êtretraîné,unecordeaucou,«commeàunmalfaiteur».
Cet assassinat qui ouvre au temps du massacre parisien n’est-il pas symbolique,
dansl’identificationincertainedutueurdel’Amiral,d’unévénementd’autantsans
histoire qu’il se dérobe à toute certitude dans son moment décisif ? Outre le fait
qu’ilseseraitpassédansuncréneautemporelquelquepeuflou?
Ilestdifficiledesavoirsiletocsinasonnéavantouaprèscettepremièreopération
qui aurait peut-être débuté autour de deux heures du matin, un peu avant ou un
peuaprès.CeseraitCatherinedeMédicis,effrayéeselonAgrippad’Aubignéparla
venue bien tardive au Louvre de huguenots inquiets des bruits qui couraient et
cherchant à se renseigner sur ce qui se passait, qui aurait fait avancer l’heure du
crimeenfaisantsonnerletocsindeSaint-Germainl’Auxerrois–l’égliseétantd’un
accès plus aisé que le Palais –, vers 2 heures et demie du matin, et donc avant le
tocsin de l’horloge du Palais qui, vers 3 heures, devait consacrer l’enclenchement
d’unmomentdejusticeroyaleextraordinaire 7.Disonsqu’Agrippad’Aubignédonne
cette version parce qu’elle lui permet de charger la reine mère de l’indiscutable
responsabilitéd’ordonnatricedece quiaurait étéalorsmoins uncoup deMajesté
qu’un crime voulu par une Italienne perverse et assoiffée de pouvoir. On peut se
demandertoutefoissicen’estpas Guisequiauraitprogramméletocsin deSaint-
Germain l’Auxerrois, soit pour prévenir un possible revirement du roi, soit pour
être assuré de ne pas voir son effet de surprise affaibli par les inquiétudes et
préventions des réformés mêmes. En tout cas, l’alarme semble s’être étendue à
d’autresclochersparisiens,Sullyserappelantavoirétéréveillé«surlestroisheures
dumatin[…]aubruitdeplusieurscrisdepeuples,etdesallarmesquel’onsonnoit
danstouslesclochers8».

Dansladémesureviolente:lavilleetlaCour

L’historienJoseph Bruno M. C. Kervyn de Lettenhove soutint que ce furent les
six conseillers réunis durant la nuit du 23 au 24 août qui auraient planifié
l’opérationselonune progressionsystématique: lamise àmort deColigny aurait
été le premier jalon d’un anéantissement qui aurait initialement été limité au
protestantisme politico-militaire considéré comme une menace vitale pour l’État
royal.Laprioritéauraitdoncétéimmédiatementdonnéeàlatraqueetl’exécution
desgentilshommeshuguenotsdispersésdansParis,leurslogementsétantidentifiés
grâceà des listesdistribuées auxtueurs quiavaient reçu aupréalable les nomsde
leurs cibles. Ensuite, la troisième priorité aurait été assignée à l’exécution des
capitainesprésentsauLouvreparcequ’ilsydormaient.Enfinuneinterventionétait
programméecontreleshommesdeguerrelogésaufaubourgSaint-Germain9 .
Sans doute la milice parisienne joue-t-elle originellement un rôle de garde-fou,
forte de sa mission de neutraliser, au cas où cela serait nécessaire, une sédition
protestante dans la capitale. Comme on l’a entrevu en effet, le prévôt des
marchandsMarcelauraitreçuversminuitl’ordredesuperviserlamobilisationdela
miliceparisiennedontlesinstancesdecommandementetlesbourgeoisdevaientse
tenirdisponibles,avecleursarmesetdestorches,àintervenirencasdetroubles.Il
yavaitdequois’inquiéter.Sieneffetleroidisposaitdes1200arquebusiersrentrés
dans Paris le 16 août, des archers de la garde, des Suisses royaux qui étaient
originairesdespetitscantonscatholiquesetdesgensd’armesduducdeGuiseainsi
quedesasuite,PierreMatthieu,danssonHistoiredeFrance10 ,affirmequeColigny
était en mesure d’aligner, en cas de conflit ouvert dans la capitale, quelque
800 gentilshommes réformés ainsi que leurs serviteurs, auxquels pouvaient
s’ajouterlesbourgeoisetartisansparisiensdelareligionquiauraientpuêtrejusqu’à
8000.Onpeutsedemandersilebasculementprécoced’unepartiedelamilicedans
uneentreprisedetuerienerenvoiepasàlapréventiond’unaffrontementquifaisait
partiedes événements possiblesdu petit matin ;et à une pratique mimétiquedes
violences auxquelles les soldats accompagnant Guise et les autres capitaines
catholiquess’étaientlivrés.
LessourcessontcependantmuettessurcequiseseraitpasséentreleroietHenri
deGuise.Leprincelorrainauraitétéintégrédansledispositif,maissansquel’on
parvienneàsavoirsilegranddéclenchementcrimineleutlieusurunultimatumde
sa part ou sur un accord conclu avec Charles IX. Il pourrait avoir été le maître
régisseurdel’opérationetdisposerpourcefaired’unegrandelibertédemanœuvre,
selonlerécitfourniparJacques-AugustedeThoucitéparJean-LouisBourgeon11.
Il aurait pris de court la monarchie et contraint ainsi le roi à un laisser-faire qui
auraitété une capitulationdevant lamenace qu’il auraitreprésentée. Ce seraitlui
qui aurait réuni « quelques Capitaines des Suisses Catholiques des cinq petits
cantonsetquelquesColonelsdescompagniesFrançoises»,leurdisantquel’instant
étaitvenuetqu’ilnefallaitpasmanquerl’occasiondeprendrevengeancede«toute
lafactiondesrebelles»,que«lavictoireétaitfacile»etqu’unbutinimportantétait
assuré.
Pour Jean-Louis Bourgeon, Henri de Guise a déclenché cette mobilisation de
manièreautonomeet doncsubversive,et ila obtenuleralliement contraintdela
monarchiemisedevantlefaitaccompli desaperted’autoritésur unepartiedesa
soldatesque.Ily aurait eu« débauchage» des «gardes mêmesdu roi, françaisou
suisses»,et,sanscetteopération,«laSaint-Barthélemyn’étaitpasconcevable 12».
Maisyeut-ilvraimentuncoupdeforceguisard,etnepeut-onpassoupçonnerune
collusion préliminaire, dans la mesure où les indices donnent à penser que le roi
aurait donné son accord, pour ce qui est du Louvre, à l’assassinat des nobles de
guerreprotestantsquiypassaientlanuit?Entoutcas,cetassassinatsembleavoir
étéimpossiblesanssonaccord!Nefaut-ilpasmettreenexergueaussileconceptde
« coup de majesté » que Catherine de Médicis, ainsi qu’on vient de le voir, peut
avoirimposéàl’histoire?
Onnesaitpasàpartirdequelleheuredelanuitoudutrèspetitmatinlefilsde
FrançoisdeGuise auraitété présentauLouvre. Dansla mesureoù onsait quele
sangappellelesang,ilestpossiblequ’ilaitdemandéd’ouvrirletempsdelaviolence
contreleshuguenotsdeguerreendirigeantleshommesquiavaientcommeobjectif
laruedesPoulies.Ilfautnoterquedeshommesquiluisontliéssontprésentssoità
sescôtésdèsletoutdébutdumassacre,soitactifsdanslecadredesmisesàmorts
programméesetciblées.Cequisignifieraitqu’ilsavaient reçuplustôtlaconsigne
d’êtreprêtspouruneopérationdeguerrequidutêtreplanifiéedanslaplusgrande
discrétion. Un des clients de la maison de Guise, Raymond de Laguo, sieur de
Meritens, paraît être venu, à l’occasion du mariage royal, de Caen dont il était
gouverneur;ilestaussitrèsliéàCharlesIXdepuis1562-156313etilconfirmedès
le25août,dansunelettreécriteaumaréchaldeMatignon,quelemassacreaurait
répondu à un état d’esprit du roi qui aurait pris la décision d’une intervention.
« Vous aurez vu comme le roy a délibéré de traiter ceux de ce parti-là ; qui me
garderavousenfairepluslongdiscours.»Laguoprendpartauxpremiersactesde
la tuerie parisienne, intégré dans des commandos devant cibler certains des
capitaineshuguenots,et,pourlui,ilsembleraitquel’allégeanceàHenrideGuiseet
l’obéissanceauroisoientalléesdepair.
SelonunelettrerédigéeparFilippoCavriana,ceseraitaveccinqautreshommes
armés qu’il aurait eu la mission de prendre part à l’exécution de François de La
Rochefoucauld.Puis leplanning qui lui auraitété donné sembleavoir prévu qu’il
s’occupe de François-Antoine de Marafin, qu’il croise parce qu’il s’était levé à la
premièrerumeur,aveccinqdessiens,pourserendreauprèsdel’Amiral:Laguolui
ferme le passage avec une broche à la main. Mais tout peut avoir été plus
complexe:sesmissionsaccomplies,LaguoauraitfiléàCaenoùilseraitarrivédèsle
28août,dansunecitéoùlelieutenantgénéraldeBailliageJeanVauquelintentait
rapidement d’appliquer le modèle d’une recatholicisation par abjuration des
religionnaires et par emprisonnement des ministres calvinistes. Il n’est pas
inintéressantdeconstaterque,danssalettreaumaréchaldeMatignon,le25août,il
incrimineuneresponsabilitéduroienannonçantqu’ilserendtoutefoisàCaense
fairelavoixd’unsouverainquisouhaitequelesvillesduroyaumerestentàl’écart
de l’épidémie tueuse qui s’est étendue dans la capitale14 . N’aurait-on pas, avec
l’engagement de ce capitaine, un indice de ce que certains des tueurs ont attendu
d’êtreassurésdeprendrepartàuneexécutionàlafoisvoulueparCharlesIXetpar
Henri de Guise pour commencer à quadriller Paris et à assassiner ou traquer des
victimesprédésignées?
Au Louvre comme dans les rues de Paris, c’est à un véritable carnage que se
livrentlesgardesfrançaisesetsuissesduroi.OnnevoitpascommentCharlesIX
n’est pas partie prenante de ce plan d’exécutions systématiques. Certains
gentilshommes,commel’ancienprécepteurd’HenrideNavarreBeauvoir,paralysé
parunecrisedegoutte,sonttuésdansleurlit.Maislaplupartdesgentilshommes
qui avaient été invités à dormir dans les appartements du prince de Condé et
d’Henri de Navarre sont réveillés, invités à déposer leurs armes sans opposer de
résistance;etconduits,aprèsquetouteslesgaleriesettouslescouloirsainsiqueles
appartementsetchambresontétéinspectésminutieusementpardesarchersmenés
par le duc de Montpensier, dans la grande cour. Ils sont préliminairement
désarmés, puis massacrés à coups de piques, le maître de camp du régiment des
gardes,Françoisd’O,seigneurdeFresneetdeMaillebois,ayantformédeuxhaies
de Suisses. Jean de Ségur-Pardaillan, Brion, qui était le gouverneur du frère de
Condé,AntoinedeClermontd’Amboise,marquisdeRenel,GaliotdeCrussol,sieur
de Beaudiné, Charles de Quellenec, baron du Pons et de Soubise, et Armand de
ClermontdePiles,quiestéviscéré,figurentparmilesvictimeslesplustitrées.Dans
le cours de ce carnage qui donnera lieu à un rituel d’exposition des cadavres
dépouillés de tous leurs vêtements, la présence du roi est évoquée dans certaines
sources, mais invérifiable. La lettre que Cavriana envoie au secrétaire Concini,
datéedu27août,observequ’auLouvrelecriétaitgénéral:«Tue!Tue!»,«che
vuoldireAmazza!Amazza,ondeilrumorefugrande,etmaggioreilmacello15».Ilest
impossiblede savoir si cemassacre se déroula en mêmetemps que l’exécution de
l’Amiral ou la précéda par précaution, ou encore la suivit. L’évaluation de
200victimesfournieparLucGeizkoflerestinvérifiable.
Une damnatiomemoriaepourlèse-majesté,précédantl’annihilationdescorpsjetés
danslaSeine,futmiseenplace,àl’imagedescadavresdeTiberiusGracchusetde
ses partisans précipités dans le Tibre comme des déchets. Un rituel de
déshonneur16, ce qui est important sur le plan symbolique, car ce rituel signifiait
quelesmorts étaientdes criminels,moinspour cequ’ils avaientpufaire jusqu’en
1570 que par leur implication immédiate dans un projet qui aurait visé à la
subversion d’une monarchie sacrée17. Songeons ici à l’immense pogrom
anticommuniste qui ensanglanta l’Indonésie lors de l’automne 196518 et à la
pratiquedel’expositioncollectivedescadavres,avecousanstête,àmêmelaterre
ou mis à la rivière, liés les uns aux autres pour constituer une sorte de radeau
flottant;uneexhibition« faitepourredoublerl’effroi »etsignifierque lesmorts
étaientdestraîtresàlapatrie19 .
L’acteultimemaisleplusprolongéetmortifèreauraitétéjouépar certainesdes
compagniesdelamilicebourgeoise,chargéesdecontrôlerdurantlanuitlesplaces
et les ponts et les portes de la capitale. Des mandements auraient été portés aux
quarteniers, archers, arquebusiers de « fort bon matin20  ». De Thou, suivi par
d’Aubigné,souligne que «les capitaines etdixainiers excitoyentleurs bourgeois à
une triste et horrible face partout21  ». Et alors se pose la question sur laquelle il
faudra revenir de manière détaillée : pourquoi le « peuple », pour reprendre le
termedeGiovanniMichel,est-ilintervenu?Sil’onsuitGiovanniMichiel,ceserait
parcequelanouvelleseseraitrépandued’unordredonnéparleroiquiappelaità
« massacrer et piller les autres huguenots22 ». Dans une lettre du seigneur de
Gomicourtévoquantune«boucherie»,chaque«traître»devaitsubirlaviolence
qui devait être appliquée aux autres huguenots coupables eux aussi de trahison.
C’estle«peuple,quiestoit sienraigécontreledictAmiral »quis’emparede son
cadavre disposé sur une claye pour être emmené à Montfaucon et pendu par les
pieds23:lerécitestalorsfantaisiste,puisqu’ilrelatequ’àdeuxmaisonsdesonlogis,
unhommeluicoupelatêteetlafixesursonépaule,pourlaporteràchevalparles
ruesdeParisencriantàhautevoix:«Voicylemeschanttraistrequiavoulutuerle
royetaperdulaFranceetatantfaitdemalàlavilledeParis24.»
Le roi serait plus impliqué que sa mère dans l’exécution de Coligny et des
capitaines huguenots : le Discours du Roy Henry III un personnage d’honneur et de
qualité estant près de sa Majesté Cracovie, des causes et motifs de la Sainct Barthelemy
souligneque tout s’estpassé au Louvre àl’initiative de CharlesIX ! De même les
Mémoires de Marguerite de Valois insistent-elles sur le caractère rationnel de la
décision prise par Charles IX, à l’issue d’une discussion contradictoire et
argumentée qui faisait partie du déroulement ritualisé du conseil, pour préserver
«l’État»menacéparlarivalitédedeuxpuissantesfactions.Elleattribueàsonfrère
la vertu première des rois, la prudence, qui lui permet de « prendre résolution »
après avoir écouté son principal conseiller, Retz. Son récit met en lumière une
structure pyramidale de la délibération : ce sont plusieurs « avis » des proches
conseillers (Guise et Anjou, puis Retz) qui auraient motivé la « résolution » des
décideurs,CatherinepuissonfilsCharles:laresponsabilitéestpartagée,maisc’est
bienleroiqui,loind’êtremanipulé,auraitprisladécisionfinale.
EntrelesTuileriesdelareinemère,l’hôteloùGuiseetAumalesetenaient,etle
Louvredesonfils,onnevoitguèreoùauraitétél’épicentredecequiauraitétéla
mise en œuvre d’un processus décisionnel. Et on ne sait pas, par-delà le quitus
donnéprobablementparCharlesIX,voire uneprogrammationquiauraitpuêtre
établie par le conseil du roi en connivence avec Henri de Guise, s’il y a eu une
pressionexercéesurlui,sicettepressionvirtuelleestvenuedesamère,deGuise,
d’un front commun de Catherine de Médicis et d’Henri de Guise, des conseillers
italiens. On devine juste une cour submergée par les bruits rendant totalement
instable la situation et donc ouvrant à une pluralité d’initiatives possibles et,
finalement,aubasculementdansuntempsdephobiespuisdetueries.Etonpeutse
laisseralleràsoupçonnerunsouverainsoudainsaisiparl’obsessiond’unepertede
contrôle de son autorité sacrale, en une phobie qui se serait cristallisée sur les
exigences provocatrices de quelques gentilshommes huguenots et sur les
inquiétudes de certains des membres de son conseil, soucieux de ne pas voir la
Majesté royale être mise en cause et prise en défaut par la force qu’auraient
représentéeces600ou800gentilshommesdelareligionpossiblementprésentset
logésdanslacapitale25.
Il est ainsi légitime de se demander si la mise à mort de Coligny par voie d’une
justiceextraordinaire,unejusticepréventiveface auchoixpossiblede l’Amiralde
quitter la capitale et de mener de manière autonome une expédition militaire en
directiondesPays-Bas,n’auraitpasétéungagedonnéàl’Espagnedenon-agression
aux Pays-Bas et un moyen de désamorcer le processus belliciste anti-espagnol en
arguant d’une « malheureuse et détestable conspiration que le feu amyral et ses
adhérans et complices faisoient contre moy26 ». Si l’on suit Jean-François
Labourdette,l’EspagneestpourCharlesIXl’ennemihistorique27 ,maissonoption
estun«niguerrecivileniguerreavecl’Espagne28».Dèsle28août,Catherinede
Médicisreprendàsoncomptedansunelettrelemotifdel’actionpréventived’une
conspirationetl’«occasion»quis’estprésentéeetqui«augmenteral’amitiéentre
lesdeuxcouronnes».Parallèlement,ellefaitpartàMonsieurdeSaint-Gouardde
ses défiances à l’égard de Philippe II, parce qu’à ses yeux la situation s’est
complexifiée:
Jesaisbienqueceuxdepardelàsontmalaisésdeémouvoir,sinonentantqu’ilscognoissentyallerdeleur
profit.L’onestimequelacrainte qu’ilsavoientqueleRoymon filsfavorisâtlestroublesdeFlandres,les
inviteroitplustôtànonseulemententretenir;maisàfortifieretestreindreamitiéavecnousquetoutautre
respect;maintenant,commeàcausedecettemutation,noussommesembarquésàcourirpareillefortune
qu’eux,ilestàcroirequ’ilsnesedonnerontaujourd’huiautantdepeinederecherchernotreamitié,comme
ilseussentfait,s’ilseneussenteubesoinpourlaconservationdeleurpays.

D’oùl’idéedetenterdesuggéreràPhilippeIIunmariageduducd’Anjouavecsa
filleaînée;cequipermettraitplustard,àlamortduroi,àlaFrancedecontrôler
l’Espagne.

Écrire,malgrésoi,letragiquesurlevif

N’est-ilpasfrappantd’observerquelanouvelledelamortdes«tyrans»estreçue
àMadrid,selonJeandeVivonne,seigneurdeSaint-Gouard,comme«leremèdeà
toutes sortes de dangiers de maulx qui apparaissoient » ? Philippe II exhibe à
l’ambassadeur français un discours où il loue la dissimulation de Charles IX qui
mérite désormais son titre de Roi très chrétien. Mais l’ambassadeur Zúñiga lui
certifiequelemassacre,quiaétéuneréactionimpromptueàunemontéeenforce
soudained’unpérilprotestant,n’apasétéprémédité.«Ilsnevoulaientquelamort
del’Amiraletl’imputerauducdeGuise;maisl’Amiraln’ayantpasététuéducoup
d’arquebuseetsachantd’oùilpartait».Cefutparcraintederessentirleseffetsdela
vengeance du blessé que le roi et ses conseillers « se sont décidés à ce qu’ils ont
fait».
À Madrid, dès la seconde semaine de septembre, il est patent que personne ne
croit, pour interpréter le 24 août, en une politique de Charles IX qui aurait été
pensée sur un long terme. Charles IX est mécontent, et son mécontentement
perdureencoreenfévrier1573,d’autantqu’ilestcertainquelapolitiqueespagnole
est centrée sur une volonté d’isoler diplomatiquement la France : « Ils publient,
écrit-il à son ambassadeur, que le tout a esté plutost exécutté par hasard que
deslibéracion préveue et meurement considérée, et n’y a aulcune espèce
d’imposturedontilsnes’aydentpourmenuyre 29.»Pourquoidanscesconditions
nepasfaireavancerl’idéequeceseraitlamonarchiequiauraitprisladécisionde
neutraliserleprotestantismemilitaireenéradiquantseschefs?
Entoutcas,cequiévidentetsurquoil’attentionadéjàétéportée,c’estqueleroi
CharlesIXlui-même,relayéparsonfrère,samèreousesdiplomates,passed’une
version à une autre, comme s’il avait conçu une stratégie du glissement d’une
argumentation à une contre-argumentation, donc d’une recomposition constante
du discours s’adaptant aux aléas de la conjoncture à partir du 25 août, puis
confirmée le 26 août devant le Parlement de Paris et enfin le 27 août par une
déclarationroyale.Lapolitiquemonarchiquedéstabiliséeparl’attentatdelaruedes
Poulies,le22août,auraitd’abordcherchéànepasselaisserdéborderparlanature
instableetmenaçantedeladurée,maisauraittoujoursœuvréàseréaccommoderà
elleà l’image d’un cosmosparcouru par un soufflevital dont il faut maintenirles
effetspositifssurunroyaumeenconstantdangerdebasculerdansledissensus.Il
s’agit«d’attireruneintelligencesidérale»,une«matièrecéleste»pleined’«énergie
vivifiante»etsurtoutd’éviterquecette«intelligence»neseperdeparcequ’iln’en
résulteraitqu’unchaosgénéraliséetuneinhumanitéeffroyable.
Luisa Capodieci a mis en évidence l’obsession de Catherine de Médicis pour les
« thèmes de l’imitation du ciel et de la captation théurgique du flux divin30 » et
aussisa volonté en tant que nouvelle Junon d’assumer le devoir de protectiondu
royaumeetdecultiverlavertudeprudencereprésentéeparlesymboleduserpent
rappelantl’Horapollonetsadéfinitiondutempsdanslequel«leprinciperejointla
fin et le mouvemente » et « apporte les choses et les enlève31 ». Un serpent
ouroboros, ailé et tenant sa queue dans sa bouche. Et le temps de recharge d’une
politiquedel’énigme?
Il faut ici se référer à l’une des devises qui composent Les Regrets et deuil de
CatherinedeMédicissurlamortdeHenriII,deHermannTaffinsieurdeTorsay:Fato
prudentiamaiorestassociéen 1559àune image:le squelettedelareine mèreest
étendu, mais en signe d’éternité s’élèvent au-dessus d’elle deux serpents enlacés
remémorantune vie qui aété conduite dansl’exercice d’une prudence attentiveà
l’ordreducosmos32 .Prudenceetéternitésontalorssynonymespuisquetoutcequi
aétéinitiéparlacréaturehumaineaviséunefinquiétaituncommencementeta
donc été une projection de la vie éternelle du monde 33. En réalité, c’est
précocement que Catherine de Médicis se fait attribuer une devise codifiant ce
qu’ellesedoitd’êtreetqu’elleenconfiel’ornementationàGabrieleSymeonidontLe
ImpreseHeroicheetMoralisontenfinpubliéesàLyonparGuillaumeRovilleen1559
quandelleentamesonveuvage:ils’agitdelareprésentationd’uneétoileaucentre
d’un«serpentcouronnéquisemordlaqueueaveccesmots:FATOPRUDENTIA
MAJOR»etestsurmontéd’unecouronne.Cequisignifietoutd’abordquelareine
est placée sous une influence astrale favorable dans la mesure où elle est née des
illustres duc d’Urbino et de madame de Boulogne, nièce du grand pape
ClémentVII,épousedu«sigenereuxetinvaincuroiHenriII»et«mèred’aussi
beaux et royaux enfants ». Mais surtout elle est, grâce à sa modestie
« incomparable », sa patience « extreme » et son « honnêteté sans faille, la plus
aimée et honorée de toutes les reines de France ». C’est-à-dire que Catherine de
Médicis est montrée, par sa devise, la juste héritière de la maison des Médicis et
d’une pratique de la vertu de prudence synonyme d’éternité. La prudence est une
vertu de médiation entre deux postures rhétoriques extrêmes qui s’opposent à la
folie,ensortequ’il«fautsavoirtantôtfrapper(pugnere),tantôtlécher(leccare)34».
Danslanuitdu23au 24août,neseserait-ilpasagi dedonnertemporairement
maisdécisivementledessusau«pugnere»?
Entoutcas,àLondresoùlanouvelleseraitarrivéeles28-30août,lasituationest
difficilepourBertranddeSalignac,d’autantqu’unecertaineconfusionrègnesurce
quis’estpasséàParis:l’amitiépourlaFrances’estconvertiesoudainementenune
«extrêmeindignation,etunemerveilleusehaynecontrelesFrançoys,reprochans,
touthault,la foyrompue, avecgrande exécrationde l’excèsetavec tantde sortes
d’outrages ». Ceux qui veulent affirmer le contraire sont mis en difficulté, et la
fureuretl’exagérationsontcommunes,lePapeetPhilippeIIétantaccusésd’avoir
rallumélefeudelaguerreciviledansleroyaume.Ilfauttroisjoursd’attenteavant
quelediplomatefrançaisobtienneenfinuneentrevueàOxfordavecÉlisabeth,qui
luiprésenteunvisage«tristeetsévère».Salignacconfie,danssalettreendatedu
14septembre,avoirarguéquelaquestionaétécelledelavieduroi,desamèreet
desesfrèresd’uncôté,etdel’autred’uninévitablerecommencementdestroubles,
piresqueparlepassé.Leroiaétécontraint,àson«plusquemorteldeplaysir»,à
laisserexécutersur l’Amiral etles siens« cequ’ils preparoient». Ila réagi contre
l’«ingratitude»etla«perverseintentiondeshuguenots».L’argumentdeSalignac
est que le roi a accepté de se laisser couper un bras, « pour saulver le reste du
corps35 ». Élisabeth déclare que ce motif de la conspiration huguenote ne
correspondpasàcequeFrancisWalsinghamluiarapporté.Ellesaitenplusquele
roiafaitapprouversadécisionparleparlement.Salignacrevientàl’offensive,en
suppliantÉlisabethdeprendreencomptequeleroiauraitvouluprocéderparvoie
dejustice,maisquecelaluiétaitimpossible:«etqu’àdeuxdangersquiestoientsi
pressantz,quel’irrésolutiond’uneheure»signifiaitlaruinedelavieduroietdes
siens,etl’entièredésolationdesonroyaume.Élisabethdemandeavecinsistanceque
l’éditsoitmaintenupourceuxdesprotestantsquisontencoreenvie.
Lepremiertempsestceluidela«querelleparticulière»etdumaintiendel’éditde
Saint-Germain.Deuxièmetemps:le26août,Guiseestditavoiragisousl’autorité
du roi, et cette déclaration est inscrite dans les registres du parlement tandis que
l’interdiction de tuer et piller est publiée à tous les carrefours. Troisième temps :
uneversionmoyenne,le27août,parlaquelleleroiaffirmeavoirpeurqu’«aucuns,
se couvrant de ce pretexte, ne veulent executer leur vengeance » et, en
conséquence,exigequetoutsoitfaitdansleroyaumepourqu’«ydemeureenrepos
etseuretésansprendrelesarmesnis’offenserl’unl’aultre,souspeinedelavie»;
complémentairement, le 28 août, une autre déclaration royale est publiée qui
promet toute liberté aux protestants et, pour entraver tout processus de crise,
interdit toutes assemblées sur peine de la vie, ordonnant également de relâcher
ceux qui se trouveraient encore emprisonnés, sauf s’ils pouvaient être identifiés
comme complices de la conspiration récente. Quatrième temps, le 30 août, les
ordres verbaux et écrits donnés précédemment sont révoqués ; ce qui signifie un
basculement dans une rhétorique de protection des huguenots survivants :
«Quelquecommandementquenousayonspufaireàceuxquenousavonsenvoyés,
lorsquenousavionsjustecausedecraindrequelquesinistreévénement,nousavons
révoqué et révoquons tout cela, ne voulant pas que par vous ou autres, en soit
aucunechoseexécutée36.»
Mais tout le problème est qu’un temps peut cohabiter avec un autre, puisque le
lendemain 31 août, ce qui vaut pour le royaume de France ne vaut pas pour les
Flandres, ainsi que le précise une lettre de Charles IX à son représentant à
Bruxelles,ClaudedeMondoucet.Cettelettreconcernel’attitudeduducd’Albeface
auxsujetsrebellesduroideFrancetoujoursinstallésdansMonsetl’exigencequ’ils
soient punis : si le duc ne procède pas avec la rigueur qui s’impose, l’envoyé de
CharlesIXdoitcertifierauducd’AlbequeleroideFranceauraunmotifgravede
seplaindredelui.Ildoitseulementexécuterleshuguenotsquisontprisonnierset
tuer ceux qui sont encore dans Mons : « Vous luy direz que c’est ce qu’il doibt
faire ». À l’ambassadeur du duc de Toscane, Catherine de Médicis parle un autre
langage tout en ajoutant ne l’avoir avoué à personne explicitement : « Il valait
mieuxque celatombât sureux quesur nous» ; àAlphonse Delbène,l’envoyé du
duc de Savoie, elle concède que « ce qui a été fait était plus que nécessaire »,
ajoutantqueleducnedoitpasavoiréprouvéderegretsfaceàlamortdel’Amiral,
parcequecedernier«nel’aimoitguerre».
Une missivedu roi à Arnaud du Ferrier, son ambassadeurà Venise, articule un
argumentaire,rédigéàchaudaulendemaindel’attentatetconfirmantquel’Amiral
a été blessé, qu’il en est maintenant triste et qu’il espère qu’il n’y aura pas de
conséquencesfâcheusesàcetincident.CharlesIXajoutetoutefoisunpost-scriptum
dans lequel il soutient avoir retardé l’envoi de sa lettre « pour parler plus
certainement et à la vérité, comme les choses succederoient de cette émotion
dernièrementadvenueencetteville».C’est-à-direqu’ilveutmaintenantévoquerle
massacredu24aoûtet«direcequienest»commeill’afait«entendrepartousles
gouvernementsetprovinces»desonroyaume:ilyaeucomplotdeColignyetdes
siens,quiontconspirécontrelui,contresesfrères,samère,lesprincesetleroide
Navarre.CharlesIXinsistesurunpoint:cen’estpasàl’improvistequ’ila donné
ordre de tuer les conjurés : c’est au contraire « après avoir bien et diligemment
esclaircylavéritéetprissurcebonadvisetconseil»qu’illesafaitstous«tailleren
pièces » pour prévenir l’exécution du complot37 . Cela s’est fait par « son exprès
commandement38».
La violence a été donc préventive de la part d’une monarchie qui se savait en
instanced’êtreagressée.Maistoujoursetencore,cequeditleroiviseàmettreen
valeur non pas les faits, mais sa vertu de prudence qui le conduit à édicter une
vulgatedel’histoiredumassacreayantpourfinrétrospectived’exalterlajusticede
sonpouvoir.
On comprend alors le point de vue de l’ambassadeur Marino Cavalli, présent à
Paris, « L’on commit tant d’erreurs, l’on prit tant de décisions contraires qu’il fut
faciledereconnaîtrequecetteexécutionavaitétérésolueàl’improvisteetnonpas
préparéedelonguemain,commejel’aitoujourscru.»

L’«aspreté»deCharlesIXetlerevenirdel’énigme
Essayonsdecomprendrecommentleroietdoncsamère,etGuiseetsessoutiens,
auraientpus’accorderpourfairedeParisunespacevouéàdesexécutionscapitales.
Pour user d’un terme moderne, il faudrait entrevoir l’existence d’un « deal », un
« contrat» entre Charles IX et sa mère d’une part, et le clan lorrain d’autrepart.
C’estd’ailleurslaversiondesfaits,endatedu31août,queGianGaleazzoFregoso
estchargéd’apporterdelapartduroideFranceàGuillaumed’Orange.Àl’origine
dumassacresetrouveunedéclaration,issuedesmilieuxprotestants,qu’ilyaurait
prised’armessijusticedelablessuredel’amiraldeColignyn’étaitpasrenduedans
lesdeuxjours;d’oùl’existenced’unimmense«danger»pourlaroyauté.SaMajesté
aalorsété«contraintedelâcherlamainàmessieursdelamaisondeGuisequi,le
vingt-quatrièmede ce mois d’août, avec quelque petit nombre de soldats, ont tué
leditamiraletquelquesautresgentilshommesdesafaction».D’autrepart,dansune
lettre adressée à Nicolas de Neuville, sieur de Villeroy, et transcrite par Mark
Greengrass,treizeannées plustard,en novembre1585, HenriIIIdévoile quelque
peule secret de la Saint-Barthélemy.Il se trouve alors lui-même confrontéà une
crise politique catastrophique, le pouvoir monarchique étant pris dans l’étau des
factionsligueuses,huguenotesetpolitiques.LeLanguedoc,tenuparlemaréchalde
Damville,«letraistreseigneur»,menaced’êtreperdu.HenriIIIaffirmeàVilleroy
qu’ilaprisladécisionderéagirenenvoyantdestroupesauplusviteetqu’ilsaitque
l’ondiraqu’ilest«violant».Mais,etc’esticiquelesmotssontlourdsdesouvenir,
cetteviolence«estchosenaturelle».EtlefrèredeCharlesIXdeconfierqu’iln’a
pas été pas lui-même assez violent et que les choses se seraient peut-être mieux
passéess’ilavaitadoptélamêmelignedeconduitequesonfrèreen1572:«Etsije
m’enfeussemyeulxtrouvésij’eussesuivyl’aspretédufeuroymonfrèredevantsa
mort39.» Le motâpreté dit beaucoupde ce qu’apu ressentir CharlesIX dans ces
instantscruciauxdurantlesquelsl’histoirepouvaitparaîtredevoirbasculer…
Pour ce qui est du 24 août 1572, il y aurait eu un « contrat », dont les clauses
seraientimmédiatementtombéesendésuétudeenraisondel’indisciplineimprévue
delasoldatesqueabandonnéeàelle-mêmeetdel’irruptionspontanéeetinattendue,
aumatin, d’unesecondeSaint-Barthélemy quiest celledu «peuple ».Le pouvoir
royal, pour ne pas se mettre en marge de l’enthousiasme massacreur du peuple
catholiqueet pour ne pas se placer en situation de rupture par rapport à l’œuvre
sacraledepurificationquisedéroulait,auraitétélogiquementcontraintàassumer
cequi,àl’origine,nedevaitêtresupportéqueparGuiseetlessienssoucieuxautant
d’accomplirleurvendettaquedeporteruncoupdécisifauprotestantisme.Et,dans
larelationqu’emporteavecluilesieurdelaMothe-Fénélon,lemytheducomplot
huguenotauraitpermisdedonnerunelogiqueàcetartderattraperl’histoire:
S’étantl’émotiongrandementaccrueparmilepeuple,pourêtrejàimbudelasusditeconspiration,etbien
fortirritéd’avoirvuSaditeMajesté,contrainteaveclaReine,samère,messeigneurssesfrères,etleditRoi
deNavarre,deseresserrerdedanssonchâteauduLouvreavecleursgardes,etdetenirleursportesfermées,
pour s’assurer contre la force et violence que l’on leur voulait faire ; et pour laquelle exécuter aucuns
gentilshommesde lafaction dudict Admiral,Pilleset Mouny40 ,ses principauxfactieux, avoientpassé la
nuictdedansledictchasteau,cachésendeschambrespourayderàceulxquidebvoientvenirdudehorsen
plusgrandnombreetforcerlesportesdudictchasteauetexécuterleurentreprinse:cequifutdescouvert
degrandmatin,etlesdictsgentilshommesdéchassésdudictchasteau41 .

Le prétexte du complot huguenot intervint comme la justification de la mise à
mort,d’autantqu’ilyauraitlàlavéritablecausede«lasédition»collectiveetdesa
puissance d’agression, écrit Charles IX à son représentant auprès de la reine
d’Angleterre : tout en regrettant que l’« émotion » advenue la veille, « dès le
matin », ne soit pas encore apaisée, le roi avance que c’est parce que « l’on a
commencéàdescouvrirlaconspirationqueceuxdelareligionprétandueréformée
avoientfaictecontremoymesmes».C’estdèsle25,celaaétédit,quelethèmedela
conjurationhuguenotetendàsesubstitueràcelui,originel,delavengeanceprivée
guisarde. C’est que le « contrat » n’a désormais plus de sens tant la force qui
parcourt Paris a eu d’effets destructeurs. Guise a sans doute la conscience d’avoir
accomplilerôlequilui avaitétéimpartien échangedesaprise deresponsabilité.
Maisl’histoireadépasséetsubverti,danssadynamiqueimprévue,lepartageinitial
des rôles et des attitudes, elle l’a rendu absurde pour le duc comme pour le roi.
Selon les Mémoires de l’estat de France en effet, il aurait été décidé que, dès le jour
mêmedel’exécution del’Amiral etdescapitaines réformés,leduc deGuise etles
siensquitteraientParis;leurrepliauraiteupourfindedonnerl’illusion«àtoutela
Franceetauxrégionsvoisinesquec’estoyentceuxdeGuisequiavoyentfaitletout,
sanslesceuduRoy,pourvengersurl’amiraletautreshuguenotslamortduvieux
ducdeGuise,quePoltrotavaittuéauxpremierstroublesdeFrance».
Grâce à cette mise en scène programmée, la monarchie aurait pu se proclamer
pureetinnocenteducrimequ’elleauraitpourtantmanipulé.Elleauraitpuespérer
avoir gagné sur tous les tableaux ; le mariage royal ayant eu lieu, Coligny et ses
lieutenants ayant disparu, les Guise satisfaits mais repoussés loin de la cour, les
huguenots n’auraient eu aucune justification pour rompre la paix civile. Malgré
l’effet déstabilisateur de l’attentat du 22 août, le Triomphe du printemps aurait pu
demeurerd’actualité;etlapolitiquedel’Âged’orauraitpeut-êtrepusecontinuer,
d’autantquelafactionréforméeauraitétéconsidérablementaffaiblie.
Dans cette machination qui reposait sur des simulacres en chaîne, la violence
n’aurait pas empêché la magie de la concorde de poursuivre son action rêvée par
Charles IX et sa mère, du moins tous deux ont-ils peut-être pu le croire dans les
instantsdifficiles d’un choixqui aurait été celuid’une mise à mort préventive.La
stratégie de l’énigme en prophétie aurait retrouvé sa pertinence. Si les choses
s’étaientdérouléesainsi,lediscourspolitiquenerompaitpasaveclesengagements
du passé tout en laissant l’avenir ouvert à une perpétuation de l’œuvre d’Amour
néoplatonicienne voulue par Catherine de Médicis. Il concrétisait le « savio
consiglio42 »parlequellareinemèrea«longuementgouverné,prévoyantleschoses
futureset pourvoyant aux affaires présentes du mieux qu’elle a pu ». Et, de toute
manière, le « repos » du royaume serait resté d’actualité, car « poco a poco se yria
remediandotodo43 ».
MaislafuiteducomteGabrieldeMontgomery,arrivédansParisdèsle7juillet,
auraittoutdéréglé.Unengagementestunengagement.LesGuiseauraientchoisi
delepoursuivre,luietsescompagnonsd’armes,pourpouvoirmeneràbienleplan
dedécapitationdelaforcemilitairehuguenoteetaussipourexclurelasurvied’un
homme qui aurait pu diffuser une autre vérité que celle qui devait se trouver
enfouie dans le prétexte de la « vengeance particulière ». De plus, le meurtrier
accidenteld’HenriIIentretenaitdepuislongtempsdesrelationsétroitesaveclacour
d’Angleterre.Montgomerydevaitmourir,parcequeCatherinedeMédicisvoulait
absolumentpoursuivrelesnégociationsdemariageentrelareineÉlisabethetleduc
Françoisd’Alençon.Àleurretourenville,lespoursuivantsauraientétésaisispar
l’ampleurquasisismiquedumassacre,quin’avaitplusrienàvoiravecl’opérationde
policeque,laveille,ilsauraientmontéepourleroi:
Voyans l’atrocité du fait avenu et considérans qu’ils attiroyent sur eux et leur postérité l’ire de tous les
hommes à qui l’humaine société est chère, et par conséquent se mettoyent en butte à laquelle chascun
viseroit, comme sur les seuls autheurs et coulpables ; prévoyans, di-je, le mal qui leur pourroit avenir,
estansretournezdansParis,n’envoulurentsortirn’abandonnerlacour,demandansaucontrairequeleRoy
advouastletout44.

Un second « contrat » aurait donc été conclu entre la monarchie et les princes
lorrains:leroiauraitétécontraintd’«advouertoutcequis’estoitpassé».Ilaurait
étéenserrédansunerusedel’histoire,contraintpeut-êtremalgréluidereconnaître
ce qu’il aurait voulu réellement laisser faire sans l’avouer. Un piège se serait
refermé.Leroyaumedel’Amourficinienn’estplus,pourl’instant,àl’ordredujour,
tantlahaineaprisledessus.L’irréparables’estproduit,aveclesmilliersdemorts
quelaSeineaemportés.LepeupledeParisafaitdégénérerl’«exécution»enun
massacredemasse,parcequ’ils’estautopersuadéqu’ilyavaitcommandementroyal
pourquesoitparachevécequiavaitcommencéaveclescapitaineshuguenots.
Ilestévidentque,pourCharlesIX,leseulmoyendefairecessercetempsdemort,
qui ne veut pas s’arrêter, est de s’en déclarer lui-même l’instigateur, l’unique
responsable ayant agi sous l’emprise d’une divine inspiration. Il y avait absolue
urgence à ce que le roi se sacrifie en quelque sorte face à l’histoire, qu’il se livre
pleinement au désir de ceux contre les passions desquels il n’avait cessé avec sa
mère,depuisdesannées,devouertoussesefforts.Lediscourssurlaviolenceroyale
estautantuneprisedepositiontactiquequ’unacted’Amoursedissimulantsousle
voiled’unevolontédeviolence.ReprendrelepouvoirdansParis,c’estdirequele
massacre a été pleinement acte de pouvoir, révélation christique du mystère
monarchique,c’estaccepteretendosserpubliquementlemalentendud’originepour
empêcher que l’horreur ne gagne la province et n’engloutisse tout un peuple
innocent.Malgrétouteslessimulationsettouslessimulacres,lafindelaroyauté,
l’Amour,futlemoyenoccultédelarestaurationdelapaixcivile.
La tuerie devient vers huit heures sans doute un massacre qui s’étend à tout le
protestantisme parisien. Henri de Guise déserte la capitale en se lançant à la
poursuite des gentilshommes logés au faubourg Saint-Germain, qui avaient été
prévenus par un homme ayant traversé la Seine à la nage. Dès les 11 heures du
matin du dimanche 24, probablement parce qu’il sait que les exécutions
programméessont effectives etqu’il y a un haut risquede débordement vers une
grande pulsion massacrante, le roi tente d’arrêter les violences qui se sont
épouvantablement intensifiées en faisant publier un mandement selon lequel la
mort de l’Amiral et de ses lieutenants n’est pas de son initiative, qu’elle a été
programmée sur le motif d’une vengeance particulière qui n’est pas sans évoquer
uneinitiativeguisarde.LeprévôtdesmarchandsestconvoquéauLouvreetreçoit
l’ordre de faire cesser la tuerie, mais sans résultat. Des potences auraient été
dressées à certains carrefours de Paris45. Selon les versions, ce serait soit le duc
d’Anjou,soitleducdeNeversetlechevalierHenrid’Angoulêmequiauraientreçu
lamissiondefairecesserlemassacre,tandisquecertainesrelationslesmontrentau
contraireentraind’encourageretdefédérerdesmassacreursautourd’eux.
Les violences se poursuivent et s’intensifient dans le cours de la matinée du
24 août. En cours de journée, Charles IX « fit faire deffenses à son de trompe
qu’autresque ceux de la garde et les officiers de la ville, ne prinsent les armes ne
prisonnier, sur la vie. Ains que tous à l’avenir fussent mis ez mains de justice, et
qu’ils se retirassent en leurs maisons clauses46  ». La Popelinière estime qu’il
s’agissait,pourCharlesIX,autantd’apaiser«lafureurdupeuple»quedepermettre
auxhuguenotsdequitterParisoudetrouverdesrefugessécurisés.Maisildécritle
problèmeenrecourantàunethéoriedeshumeurs:«Carcommelabesteunefois
eschaufféeneserapaisepourlepremiermoyenqu’onveutteniràl’adoucir:Aussi
un tel peuple composé de si differens humeurs : une fois mis en furie pour telle
occasionmesmemantquedessus,nesepeuvoitsitostreconoistre.Ainssialterédu
sang Huguenot ne cerchoit que les moyens de donner une autre pinsade aux
rechapez de la première chaleur. » La violence du « peuple » se recharge d’elle-
même, même en présence du « miracle christique » qui advint, vers 7-8 heures,
dans le cœur vivant de la capitale, le cimetière des Saints-Innocents : le
refleurissement,àcontre-saison,d’uneaubépinedesséchéedepuistroisans,surles
feuillesdesquellesauraientenoutreperlédesgouttesdesang.Ausondescloches,
les fidèles seraient accourus en grand nombre pour prier et demander au Dieu
vivantsamiséricorde.LaPopelinièreajoutequelerefleurissementdel’aubépine47
eut pour effet « d’eschauffer le peuple d’avantage » et donc explique pourquoi le
« peuple » se porta au logis de l’Amiral dont il s’empara du cadavre, le déchirant
avantdeledécapiteretémasculer.
Partout, selon Giovanni Michiel, « une furie qui dépasse l’imagination48  ». Et
l’affirmationcourtque«leroiayantordonnéaupeupledetueretdepiller,cequi
fut fait avec un déploiement extrême de rage et de fureur 49 ». Entre chansons et
poésies, la volonté de conserver la mémoire de l’événement qui remplissait Paris
d’unefélicitéchristiquesemanifestaabondammentetstimulale«peuplemutiné»
àrepartirdanslaviolencecontreleshuguenots.Uninstantsacré:
« Aucuns malades languissans, ayans ouy ce miracle, se firent porter audit cymetière pour veoir ladite
espine;lesquelz,estanslàavecfermefoy,firentleurprièreàDieuenl’honneurdenostredamelaVierge
Marieetdevantsonymagequiestenladittechapelle,pourrecouvrerleursanté,etaprèsleuroraisonfaicte
s’enretournèrentenleursmaisonssainsetguérisdeleurmaladie,chosetrèsvéritableetbienapprouvée.Il
semblaqueDieu,parcemiracle,approuvasteteustpouragréablelaséditioncatholicqueetlamortdeson
grandennemil’admiraletdessiensquiavoienttantetsiaudacieusementdepuis12ans,deschirésarobbe
sanscouturequi estsavraye Égliseetson espouse,etconculqué etgastéles sainctzsacrementsd’icelle…
Après les quinze ou vingt jours passez, laditte espine s’en retourna à son premier estat de seicheresse et
d’aridité».

Danslasoiréedudimancheettoutaulongdelajournéedulendemain25août,
Charles IX et sa mère adressent aux gouverneurs de province des lettres dans
lesquellesils dénienttoute responsabilité dansce qui est arrivédans la capitale et
dans cette violence qu’ils sont impuissants à arrêter. Probablement entre 400 et
600maisonsontétéattaquéesetpillées,etlemassacres’estétenduàtoutelaville,
ainsiqu’aux faubourgs. Le roi et sa mère, cherchant probablement à devancer un
parasitagedeleurautoritépardeszéléscatholiquesquiprésentaitlatueriecomme
un devoir de tous les bons sujets du roi, demandent que tout soit fait dans les
gouvernementsduroyaumepourquelaviedeshuguenotssoitpréservéeetqueles
clauses de l’édit de pacification de 1570 continuent à être appliquées. L’instant
capital a toutefois lieu au cours de la journée du mardi 26, alors que Paris est
toujoursensédition etque rienne semblemettrefin aumassacre :le roise rend
solennellementauParlement,et,aucoursd’unLitdejusticeoud’uneséanceroyale,
il change complètement son argumentation puisqu’il déclare que tout ce qui s’est
passél’aétédesavolonté:c’estlui-même,proclame-t-il,quiaprisladécisionde
faire exécuter les huguenots et leur chefs parce qu’ils complotaient contre lui, sa
familleetl’État.
Onpeutsedemander,àcemomentdudéveloppementhistorique,siCharlesIX,
enprenantenchargelaviolencecollective,nerejoignaitpassimplementlarumeur
mêmedelacapitalequimassacraitdepuisledébutaunomdesavolontéetdecelle
d’unDieuexigeantuneobéissanceabsoluedesesfidèlesUn.Ilordonne,d’unepart,
lafindesviolences50 ,quinecesserontquequelquesjoursplustard,le29aoûtsans
doute,maissepoursuivrontponctuellement,leplussouventàlafaveurdelanuit,
jusque vers le 15 septembre : et, d’autre part, il réitère son mandement de
reconduction de son édit de paix du 8 août 1570, paradoxe sur lequel on n’a pas
assezréfléchi.EnsortantdelachambredoréeduPalais,leroi,sesfrères,samèreet
lesPrincesdusangvontassisteràlamessedanslaSainte-Chapelle.
Deux jours plus tard, le roi envoie aux gouverneurs de province des lettres qui
reprennentlecontenudesondiscoursdevantsacourdeParlement–que«seulil
estoitl’auteurdetoutcequiestoitadvenu».Ildédoublecetenvoid’unedéclaration
destinéeàempêcherquedesbruitsmalfondésn’altèrentlavérité:l’«exécution»a
eupourfindeprévenirune conspirationdel’Amiraletdescapitainesprotestants
contresapersonne,sonÉtat,lareine,lareinemère,sesfrères,leroideNavarre,les
princeset seigneurs de sa cour. Les réformés doivent savoir que le pouvoir royal
souhaiteetveutqu’ilsviventdans leursmaisons,avecfemmes,enfantset famille,
entoutesûreté,etils’engageàleurdonnersaprotection,ordonnantquelapeine
de mort soit appliquée à ceux qui iraient contre sa volonté en participant à la
poursuitedesviolencesquisesontdérouléesetcontinuentàsedérouler.Tousceux
quiontétéincarcérésdoiventêtreremisenliberté.L’exerciceduculteréforméest
suspendu partout, sous le prétexte de ne pas donner d’occasions aux zélés
catholiquesderéitérerleursviolences.Parallèlement,pourtenterde«donnerdes
gagesdebonnevolontéauxcatholiqueslesplusdurs»,selonSylvieDaubresse,le
28 août, l’avocat général Guy du Faur de Pibrac présente devant la chambre des
Tournelles des lettres de rémission concernant « plusieurs pauvres gens qui ont
estébannyzpourlefaictdelacroixdeGastine51 ».
Cequidonneraitàpenserquelepouvoirroyalauraitétéconscientque,sousles
violencesquiperdurentàmoindreintensitédésormaisdansParis,rythméesparle
cride«ViveDieuetleRoi»,ilpourraityavoiruncontentieuxquicouvedepuisla
publication de la paix de Saint-Germain. C’est pourquoi le procès des deux
protestants, Arnaud de Cavaignes et François de Beauvais, sieur de Briquemault,
débute alors et vient comme officialiser l’implication de la justice du roi dans les
nocesdesangetl’intégrerdanslesviolencescollectivespourmieuxluirestituerle
contrôle de la situation. C’est-à-dire que la Cour souveraine, par souci d’ordre et
aussi parce qu’elle aurait été ciblée par certains séditieux depuis l’émotion de la
CroixdeGastine,accorde«sonappuiauroi»etàsonentreprisedefabricationde
lathèseducomplotetd’affirmationdelanécessitéduretouràlapaixcivile52 .Le
30août,c’estunMémoireetinstruction…quipréciseencorecequeleroiadécidé,et,
le18septembre,CharlesIXprocèdeàunedernièremiseaupointparlapublication
d’unédit.
Ilresteàmettreenvaleurcequiauraitétécentraldanslesystèmedujeupolitique
de Catherine de Médicis et, sans doute, de son fils Charles IX, à savoir la
«nécessité»,sanslaquelleriennesecomprendrait.Larevendicationd’unemaîtrise
du langage, pouvant aller jusqu’à la construction d’une énigme, comme tekhnè
élémentaire du pouvoir, s’articulerait à l’aptitude du pouvoir à manier la
« nécessité ». La reine mère s’attache, dans ce cadre, à souligner qu’il y a une
«superficiedesaffaires 53».C’est-à-direqu’elledonneàentendrequ’ilya,dansla
conduite de l’État, comme un domaine dérobé, invisible aux esprits communs et
construitsurlapossessiondela«vérité»,surunsavoirdesfaitsetdeshommesqui
estinaccessibleau plusgrandnombre.Ilyaunesphèredelamaîtrisedu langage
dont seule la monarchie détient le sens. Ronsard, dans l’Institution qu’il versifie,
détailleralesconditionsd’accessionduPrinceàcettemaîtrisequiletransformeen
un roi-philosophe à la manière platonicienne54. L’autorité est souveraine, parce
qu’elleestlesavoirdecequiestcachéaucommundesmortelsetquelesouverain
détientgrâce à une vertu unique quilui est donnée par Dieu. Pour répondre aux
exigences du service de Dieu, elle doit être en mesure d’accéder au secret des
mystèresdel’univers,aulangagedelaCréationmême.C’estdanscetteoptiqueque
lareinemèrejustifieparexemplel’éditdejanvieretsapolitiquedeconcorde.Sielle
s’estrésolueàentérinerl’idéed’unelibertédecultedonnéeauxreligionnaires,c’est
envertudecequ’ellenommela«nécessitédestemps».
Le monde a changé, et il n’est plus possible de gouverner comme avant. Il faut
plierdevantlechangement,avanttoutpouréviterl’explosiondelaviolence,mais,
en pliant ainsi devant le temps, le pouvoir monarchique n’abdique pas de son
autorité. Au contraire, il se replace au centre des enjeux, comme instance
médiatrice divinement initiée aux secrets du devenir, car la cohabitation des
religionsdoitpermettreauxhommesd’attendrelepardondivinpourlesfautesqui
leur ont valu le châtiment de la division religieuse. Et c’est là où surgit l’idée de
«nécessité»aucœurdudispositifintellectueldelamonarchieetdelapenséed’une
reinemèreaffirmantqu’«ilvalaitmieuxquecelatombâtsureuxquesurnous».

La«nécessité»faceàla«malicedutemps»

QuandlareinemèresollicitemonsieurdeRennes,BernardinBochetel,afinqu’il
justifieauprèsdel’empereurl’inflexionqu’opèrel’éditdejanvier1562,elleélabore
sonargumentationendeuxpoints:d’abordellen’agitquepourlaconservationde
«nostre»religion,etlapolitiquequ’ellemènen’estpas«entièrement»cellequ’elle
voudraitmener.Ensuite,ilfautl’excuser,carelleagitsouslacontrainte,ellefaitce
qu’elle peut dans des circonstances qui exigent d’elle l’accommodation ; elle doit
s’adapter parce qu’il ne peut en être autrement : « J’ay tant de choses qui s’y
opposent.»Savolonté,peut-ondire,estunevolontéquiseditcontrainteetsemble
accepter de l’être, de manière « positive », puisque cette contrainte doit éviter la
guerre. C’est « la malice du temps et necessité de l’affaire55  » qui ont pesé
lourdementsursadécisiondepublierl’éditquiconcèdeauxhuguenotslalibertéde
culteetquidressecontrelepouvoirroyalunepartiedelapopulationparisienne.Et
une autre manière de dire ce suivi des contingences, qui révulse ceux qui n’ont
accèsqu’àla«superficie desaffaires»,estd’invoquer «letempstel qu’ilayst56 »,
une réalité d’aujourd’hui qui n’est pas la réalité d’hier et face à laquelle l’unique
recoursestdeprocéderparajustement,de paraîtrechangersoi-mêmecequel’on
pense et ce que l’on veut sans cesser de se situer toujours dans le registre de la
vertu 57.
La«necessité»,CatherinedeMédicisenparleaussiàdonFrancésdeAlava,dès
sonarrivéeàlacour,enfévrier1564.CederniervientenFrancepourremplacer
ThomasPerrenot,comtedeChantonnay,àquilareinenepardonnepassavolonté,
qu’ellejugeintransigeanteet«malévolente»,delacalomnierauprèsdePhilippeII.
Le nouvel ambassadeur a reçu des instructions : il doit essayer de sonder les
véritables intentions de la régente, et, si elle ne se découvre pas, il devra aller
jusqu’à lui faire peur. Sur le soir, après un échange rituel de propos bien étudiés,
CatherinedeMédicisentraînedansunepromenadel’ambassadeurquiluifaitpart
desinquiétudesdePhilippeII,desonangoisse,pourcequiestdelareligion,quela
temporisationetladissimulationnefassentallerleschosesdemalenpisenFrance.
Laréponsedesoninterlocutriceestque«leschosesdelareligionestoiententels
termesqu’ilnes’ypouvoitfairenymieux,nypis».Elleévoquedoncsapolitiquede
paix comme une sorte de point d’équilibre minimal, de neutralisation, voire de
suspensiondel’histoire.Etlaraisonqu’elleendonne,précisément,estlacontrainte
delanécessité:nécessitédelaconservationduroyaumequirendcomptedel’édit
d’Amboise de mars 1563, qui a mis fin à la guerre civile. Mais nécessité qui s’est
transmuéeenuneutilité,laquelle,désormais,lerendinviolable,parceque,grâceà
la paix qui est ainsi assurée, « partye du royaume avoit esté saulvé et par là il le
falloit conserver ; d’aultre part que demeurant le royaume, la religion seroit
conservée, et le ruynant, l’on n’auroit quie faire se soucyer de religion58 ». La
nécessité, en conséquence, cesse d’être seulement une contrainte simultanément
subieetacceptéeparlegouvernant,quandelleserévèleprofitable;etcequeveut
direCatherinedeMédicisestqu’elleaétépositivepourlareligioncatholique.Qu’il
y a comme une sorte d’ironie, un développement ludique de l’histoire. Et
désormais, écrit-elle quelques jours plus tard à monsieur de Rennes, il faut faire
savoir que cette nécessité de la paix a pour cause l’épreuve pratique même de la
guerrequivientdeseterminer,lepeude«proffict»quienaété«experimenté».
Une lettre du 31 janvier 1561, également adressée à Sébastien de L’Aubespine,
seraitàinterprétercommeuneexpressiondelaconsciencepolitiquedeCatherine
deMédicis.Cetteconscience,engestationaufildesévénements,opèredoncdans
la«doulceur».LareinemèrecommenceparévoquerlaclôturedesÉtatsd’Orléans,
puiselleexposelesgrandeslignesdelapolitiquequ’elleafaitesienne,reprenantà
soncompted’ailleursouaccommodantlibrementlesargumentsquiavaientététout
récemmentdéveloppésparlechancelierdel’Hospital.Pourcequiestdelareligion,
les exemples récents ont prouvé qu’un unique remède n’était pas apte à guérir le
maldontsouffreleroyaume.Selonles«nouveauxaccidens»,ilfautchanger,écrit-
elle, de médicament jusqu’à ce que soit découvert celui qui pourra donner la
guérison.Lapolitiquedoitdoncêtreplastique,mouvante,hybride.Depuisvingtou
trenteans,c’est parlacautérisationque l’ona cruentraverla contagiondes idées
nouvelles,maislaviolenceduremèdeaétéinopérante:lespeinesrépressivesn’ont
eu pour effet que de confirmer dans l’opinion nouvelle « une infinité de pauvre
peuple ». La mort des adeptes des nouvelles opinions – et il y a là comme une
paraphrase ou un écho de la parole irénique de Michel de L’Hospital –, loin de
détourner l’attention des hommes et des femmes du royaume, n’a fait que les
fortifier dans la foi calviniste. Les choses en sont venues à un point tel que le
royaume n’a plus été qu’une grande sédition, heureusement apaisée pour l’instant
parla grâcedeDieu. Siun nouveau remède aété testéaprès celui dela violence,
cela a été, selon la reine, sur l’avis de tous les princes du sang, et des princes et
seigneurs du conseil du roi. Il fallait faire d’autant plus attention que Charles IX
étaitmineuretsurtoutquelescendresdufeudelaséditionvenaientdes’éteindre,
qu’ellesétaientencore chaudeset que lamoindre étincellepouvait lesranimer en
unplusgrandflamboiementquejamaisiln’avaitété.
C’est donc par « esgard à la saison » qu’il a fallu changer de cap. Catherine de
MédicissorticidelalogiquedudiscoursdeMicheldeL’Hospitalpours’aventurer
dansd’autresperspectivesqueleseulalignementsurlamétaphored’unemédecine
alternative. Il a fallu entrer dans un autre champ de la rationalité politique, celui
danslequelonnepénètreque«quelquesfoys»,souslacontraintedesévénements,
etoùonestcommeforcéde«dissimulerbeaucoupdechosesqueenaultretemps
l’on n’endureroyt pas ». Catherine de Médicis définit empiriquement, ici, la
politiquecommeunapprentissagedeladifférence,commeuntravailsurunmonde
qui change, un travail sur la « malice des temps », une aptitude à toujours se
repenseren fonctiondu présent et deses potentialités,et donc à nepas hésiterà
entrer dans la contradiction par rapport à ce qui, précédemment, a été voulu ou
accompli.
Leremèdenouveauestunremèded’exception,quin’aétéadoptéquedemanière
transitoireet qui a exigé que soit désormaissuivie « la voye de doulceur ». Cette
voie,précisément,acecidespécifiquequ’elleestbaliséepardestentativesdeprises
de parole : « honnestes remonstrances, exhortations et prédications » destinées à
ramener ceux qui errent dans la foi59. C’est la volonté de « doulceur » qui
revendiqueicid’êtrel’impératifd’unepolitiquequiconfèreànouveauleprimatàla
parole. Le 31 mars 1561, cette voie devient celle qu’impose « la necessité du
temps60»,unenecessitéqui,le20juin,devientdeplusenplusforte,carelle«nous
presseetcontrainctdefasonquenousnepouvonsfairemoingsquecela 61».
Cependant,dansunsecondtemps,essentielestqu’ilyeutuneautredécouvertede
la«necessité»,toujourssansdoutepenséeempiriquementenfonctiondelaraison
des temps et des hommes. Il est évident qu’après la surprise de Meaux, après
l’incompréhension–feinteouréelle–despremièresheures,CatherinedeMédicis
donneàsavoirqu’elleachangésafaçondevoir;quesespersonnages,dedoubles
outriples,deviennentencoreplusnombreux.C’estàcemomentquelareinemère
laissesoupçonneruncertaindésarroi.Danslanuitdu28au29septembre1567,elle
informe avec brièveté monsieur de Fourquevaux de l’« infâme entreprise » qui
vientd’avoirlieuetdontelleespèrequeDieu«nous»préservera.Elleécritainsi,
dès le 29 septembre, au duc de Savoie, de sa propre main à la fin de la missive
rédigée par le secrétaire Robertet, visiblement dans l’urgence : Dieu « nous » a
donnésonaidepouréchapper«delaplusgrandeméchancetédumonde62».
C’est là où Catherine de Médicis, après cette tentative de concertation, modifie
son attitude, comme si elle jugeait que la fin de non-recevoir donnée à ses
propositions d’amnistie constituait une rupture unilatérale de la situation de
communication qu’elle s’était efforcée de rétablir après la surprise de Meaux.
Comme si l’ordre de l’utopie de la parole était brisé par la volonté de surenchère
huguenoteetparleurprised’armes,etdoncn’étaitplusfiable.Elleditn’entrevoir
aucun moyen pour pacifier les remuements, d’autant qu’elle a reçu l’information
quedesvilles importantescommeNîmes, Orléans,ontété prises.Elleréclame de
l’aideàtouslesgrands,Tavannes,Nevers,etmêmeauducEmmanuelPhilibertde
Savoie.
Il y a, dans cette séquence précise, un moment où, quand des limites ont été
outrepasséesetquandleprocessusdialogiquecessedefonctionner,quandunedes
parties dénie à la reine mère son rôle de modératrice et de dispensatrice d’une
parole de concertation, le pouvoir monarchique accepte la violence comme le
symbole même de son autorité bafouée, comme une revanche et une réplique de
cetteparoled’amitiéqu’ilsouhaitecultiverpourrétablirouentretenirlaconcorde.
C’est Michel de L’Hospital qui, alors, se voit accusé d’être responsable de la crise
présente,àcausedesonattachementàunepolitiquedemodérationrefusanttout
correctif.
NonseulementCatherinedeMédicisassumasansdoutelacritiquevirulentedes
huguenotsàl’égarddesItaliensdesonentouragecommeundéfiàelle-même,mais
elle opta soudain pour un raidissement. Elle fait donc écrire par Charles IX à
BertranddeSimianedeGordes,lieutenantgénéralduroienDauphiné63 ,afinqu’il
empêcheleshuguenotsdefairelemoindreremuementenDauphiné.S’ilconstate
qu’ils s’apprêtent à partir pour se rendre à l’armée huguenote, elle exige qu’il les
fasse tailler en pièces, « sans espargner un seul, car tant plus de morts, moins
d’ennemis64 ». Il s’agit sans doute d’une lettre type comme en reçurent tous les
gouverneurs et lieutenants généraux. Avec Philippe II, elle est plus directe dans
l’expressiondesonindignation:elleparledelaméchancetédeshuguenots,quiont
voulucapturerleurroisansraisonetquiontaccompliune«peuretréyson65 ».Au
ducdeSavoie,elledécritlesévénementscommelamanifestationd’unimpensable,
cedontellen’auraitpaspusedouteretquinetendqu’àlasubversiondel’Étatetà
la mise en danger des vies de ses enfants et d’elle-même. Au duc de Nevers, elle
parlede«mechanseté».Onnepeutqu’êtrefrappéparlefaitqu’elleparaîtneplus
tergiverser, qu’elle est extrêmement virulente dans sa dénonciation des pratiques
dupartihuguenot.Elleneparle plusdepaix,maisde châtiment,semettantcette
fois-cicommeaudiapasondesappelsdelarhétoriquepapisteàuneguerretotale66.
Le10novembre1567,l’arméeroyaleestdéployéedanslaplainedeSaint-Denis.
LeConnétableAnnedeMontmorencyesttuédurantlescombats.Cefutnonpasla
défaitedel’arméeprotestante,maissondécrochementquiconclutlarencontreet,
pour la première fois, Catherine de Médicis laisse percer une attitude différente
face à la guerre. Le lendemain en effet, elle écrit à monsieur de Gordes que, si le
soleil ne s’était pas couché, la victoire aurait été totale67. Après que Charles de
Télignytente,aunomduprincedeCondé,deparlementer,leshuguenotsdélogent
deSaint-Denisle14novembre.
La reine mère se prend alors à rêver d’une seconde bataille qui réglerait le
problèmedupartihuguenot.Decettesecondevictoire,ellefaitpartàPhilippeII,
auducdeNevers,auducdeFerrare.Elles’émerveilled’une«forthonteusefuite».
Et elle dit prier Dieu pour qu’après la violence de l’engagement dramatique qui a
coûté la vie à son « compère » le Connétable, il octroie bientôt « la fin de toust
cesi».EllechargemonsieurdeFourquevauxdefairesavoirauroid’Espagnequele
tempsestproche,«quandnousauronsnettoyélemalquiestennous»etqu’alors
lui-mêmepourra plus aisément se faireobéir dans ses pays où la «vermine » est
actuellement active68. Encore le 3 décembre, elle évoque, pour presser le duc de
Neversderejoindrel’arméeroyaleavecseshommes,unevictoirequiseraitlafinde
« nos maulx69 ». Le vocabulaire de ses lettres témoigne d’une radicalisation. De
mêmequelapaixselégitimaitenvertudutempsquichangel’ordredeshommeset
deschoses,laguerreàoutrancepeutsejustifierparlescirconstancesmodifiées.
Lareinemèreentrevoitdonc,danscetempsoù,parlaforcedeschosesetsurtout
la désobéissance des huguenots, il n’est plus pour elle question de politique de
concorde,quelaviolencepourraitêtrel’outilqui,décisivementetnécessairement,
mettra fin à l’instabilité. Il ne faut donc pas limiter le déchiffrement de la figure
politique de Catherine de Médicis aux pratiques qui ont été isolées durant la
premièreguerrecivile.
Au gré des événements, la reine mère invente une position réactive nouvelle.
Comme on l’a vu, dans les jours qui suivent la surprise de Meaux et surtout la
bataille de Saint-Denis, il est certain qu’elle se laisse séduire par une tentation
radicale qui la porte à imaginer brièvement une destruction, par la force, des
combattants huguenots qui sont pour elle des séditieux, des ennemis parce qu’ils
ontréduitànéantsonœuvreentreprisepourlagloiredeDieuetlafraternitédes
hommes.
Lorsqu’elle apprend la victoire de Jarnac, le 13 mars 1569, c’est un de ces
retournementsdel’histoirequ’elleperçoitetquil’inclineàrepositionnersonpoint
de vue dans le sens d’un durcissement accentué. À la quête recommencée d’une
uniondesprincessouverains,ellesubstituelapolitiquedel’offensiveàoutranceen
laquelleelleavaitdéjàcruen1567.Ilya,alors,unesortedespiraledelanécessité
qui exerce sa force d’attraction. D’ailleurs, la bataille de Jarnac n’est pas qu’une
victoire 70:elleexprimebienl’ambiguïtéoulescontradictionsdelapolitiqueroyale,
s’insinuant toujours dans ce qu’elle nomme la « necessité » et qui renvoie à sa
capacité de s’adapter aux réalités immédiates des rapports de force, de les faire
jouer.LeprincedeCondé,probablementsurordreduducd’Anjou,futexécutépar
le sieur de Montesquiou alors qu’il s’était rendu aux seigneurs d’Argences et de
Saint-Jean.Deuxcapitaineshuguenotsquis’étaientillustréspardesactesréclamant
vengeancesontaussituésdesang-froid:lesieurChâtellier-Portault,quiavaitjadis
assassinésurlePont-Neufunprochedelareinemère,lecapitaineJacquesPrévost,
sieur de Charry, et l’Écossais Robert Stuart, meurtrier du connétable de
Montmorency lors de la bataille de Saint-Denis71 . Il s’agit symboliquement de
fermer une page d’histoire, en décapitant le protestantisme militaire, pour le
réduire à la négociation, voire l’éradiquer. Jean Dorat compose un « Paean ou
hymnedevictoire72 ».IlévoquelefaitqueCondéseseraitfaitsaluercommeroi.
GenevièveDemersonconsidèrequelapolitiqueduprince,depuis1567,auraitfait
basculerunhommemodérécommeDoratdansundiscoursexaltantdésormaisles
piabelladel’arméeroyaleetlacolèredivines’abattantsurdesrebellesquisontdes
coupables 73.Mais lavision de lareine mère estplus sûrementà l’origine decette
volontédedécriresouslestraitsd’uneguerresainteuneguerredirigéecontreles
ennemisduroi.
Ilyalàl’émergenceoul’inventiond’unetechniquepolitiquealternativeàlavoie
traditionnelledelapaixobtenueparlanégociationetdoncparlejeudelaparole.
CatherinedeMédicisselaissemêmeallerjusqu’àdéclareràdonFrancésdeAlava,
débutavril,qu’elleauraitdécidé « lasonaria»,lemassacreausondescloches,des
chefs militaires de la réforme, de fortes récompenses étant promises à qui tuerait
l’Amiral,d’AndelotetlecomtedeLaRochefoucauld74.Quand,quelquesmoisplus
tard,elleestinforméedelamortdeFrançoisd’Andelot,danslanuitdu6mai,elle
nepeuts’empêcherd’écrirequ’elles’enréjouitetqu’elleespère«queDieuferaaux
autres à la fin recevoir le traitement qu’ils méritent75 ». Comme si la peste avait
poursuivi le travail accompli par le sieur de Montesquiou. Une tempête s’était
abattue sur la tête des ennemis du roi, chante Amadis Jamyn, et ils ont été enfin
foudroyés76.
Alors que, depuis le mois d’avril 1569, l’armée royale cherchait la confrontation
directe,le3octobre,c’estlavictoiredeMoncontour.Lareinemèreécritdeuxjours
plustardàPhilippeIIpourl’informerd’«unsigrentœuvre 77»donnéparlagrâce
divine.Lespoètes decour selancent dansune entrepriseapologétique78.Laurent
deBourgannoncedéjàleretourd’Astrée–maintenantquelebrasdeDieuafrappé
les mutins79 . Ronsard glorifie le duc d’Anjou pour ce succès dans « L’Hydre
desfaict80».Lesimagessontdestinéesàfairedel’événementundonetunegrâcede
Dieu81 . Le duc est allé combattre sans s’être alimenté et sans avoir absorbé une
boisson,«encestefoyetfiancequ’enlavertuducorpsetsangdeJesuschristNostre
Seigneurqu’ilvenoitderecevoirausainctsacrementde l’autel,ilsurmonteroitet
vincroitl’ennemydeDieuetduditsacrement,duroyetlesien».
La mémoire compte au moins autant. La mémoire de la peur et de l’offense, la
mémoiredesémotionsqu’ilnefautpasoublieretquines’oublientpas.Durantces
années difficiles, Catherine de Médicis a peut-être expérimenté les limites de son
utopierhétoriqueenconstatantlabrisuredelaparoleàlasuitedecequ’ellepouvait
considérercommeunerupturedefoi,pardeuxfois,delapartdeshuguenots.Ellea
peut-êtreexpérimentéque, dans certainesconjoncturescritiques, quandsa parole
nepouvaitplusrienetquel’enjeudevenaitl’autoritémêmedelamonarchiesacrale
desonfils,illuifallaits’engagerdansuneautrehistoire,tendueverslaréduction
violentedel’adversaire.
Elle explora probablement une approche plus savante du concept de nécessité,
découvrantsespotentialitésdanslaconfrontationavecladuretémêmedel’histoire,
etconçutquelaviolencepouvaitdevenirunealternativeàlapolitiquedemesureet
depaixquandcelle-cisemblaitdépasséeouinopérantefaceàunprotagonistesans
loi. Dans la culture politique de la monarchie des derniers Valois coexistaient
probablement l’aspiration à l’harmonie néoplatonicienne et un pragmatisme de la
raison.
Quand,en août 1570, la «paix mal assise »est enfin signée, la complexitéde la
situations’accroît.Desparamètres,dontceluid’unemémoired’uncontentieuxavec
le protestantisme militaire, non seulement tenté par la rébellion mais aussi
soupçonnéde projetssubversifs oucriminels àl’égard de lamonarchie, jouentde
façonlatente.Ilyasurtoutcetteflexibilitédesespritsauchangement,àlamutation
qui semble ne plus poser de problèmes même aux plus engagés dans les rêves
iréniques.Lerapportàl’absoluitépolitiques’engagedansunemutation,quidébuta
sansdouteaprèslasurprisedeMeauxetconnutsonpointd’accomplissementlors
de la Saint-Barthélemy, comme l’a laissé envisager la lettre de Charles IX
précédemmentanalysée.
Undocumentpeutpermettred’allerencoreplusloindansl’histoiredesrapports
teintésd’ambiguïtédupouvoirroyaletdelaviolence,danslecadredelaméthode
«immersive » queje metsen place ici,essayant deretrouver une raisondes faits
dansunenvironnementtextuellargeetcomposite 82.Ilproposeeneffetuneanalyse
assez poussée et particularisée de ce qui s’est passé dans le Paris de la seconde
quinzained’août.Il s’agitd’untexte irénique,mystérieusementsigné P.D., publié
enoctobre1576parunimprimeurprochedupouvoir,RobertLeMangnier83 .Ilest
dédié à l’humaniste Guy du Faur de Pibrac, lui-même négociateur de la paix
récemment conclue à Étigny puis confirmée par la promulgation de l’Édit de
Beaulieu84:AmiableAccusationetcharitableexcuse,desmausetevenemensdelaFrance,
pourmonstrerquelapaisetreüniondessubjetsn’estmoinsnecessaireàl’estat,qu’elleest
souhaitableàchacunenparticulier.
Chacunyexpose,aprèsledîner,sonpointdevueparticulierdansundiscoursqui
a l’apparence d’une harangue. Un des trois orateurs se nomme Ambroise. Son
discoursposeunrapporttrèsparticularisédupouvoiràceuxqu’ilrégitetconstruit
sasystématisationsurlapenséedeGuichardin:ilconseilleauxFrançais,eneffet,
de regarder sans aigreur ceux qui sont en charge de l’administration des affaires.
Nulautreque lePrince, ensembleavecceux quil’entourentau plusprès,n’est en
mesuredepouvoirdonnerunjugement–positifcommenégatif–surl’exercicedu
pouvoir même et, par extension, sur « les particuliers evenemens de nostre
Tragedie Françoise » dans lesquels se devine la Saint-Barthélemy85. Cette clôture
du pouvoir sur lui-même ainsi dessinée renvoie à une conception de l’autorité
inscritedansunesphèredistinctedecelledesgouvernés.Ilya,là,lareconnaissance
d’unécartontologiquedusujetparrapportauPrince,quitientd’unesituationde
méconnaissance du politique et aussi de l’immense distance entre le privé et le
public.Lesouverainsetienthorsdujugementdesessujets.Uneautreapprochede
la«necessité»del’Étatsurgitici,uneapprochepositivequiinverseleprincipede
la contrainte : le souverain exerce la plénitude de son autorité non pas en
contraignant la volonté de ses sujets, mais en contraignant volontairement sa
proprevolontépourempêchersonÉtatdebasculerdansl’anarchieetpréserverle
biencommun.Mais,lorsqu’ilvientàexercerlaviolence,c’estqu’unpoint-limitea
étéatteint,quin’auraitpasdûl’être…Ilendécoulequ’ilnerevientpasauxsujetsde
savoircequeleprinceavoulu.Lavolontédecedernierestparessencesecrète,car
luiseulconnaîtlaraisondesesactesetdécisions:
Comme a dit Guiciardin en l’un de ses conseils, les hommes privez ne peuvent bien louer ou blamer
beaucoupcequefontlesPrinces,nonseulementpourignorerl’estatdesaffaires,etquel’onnesçaitcequi
lestoucheetqu’ilsprojettent,maisaussipourcequeladifferenceestgrandequigistentrelaprudenceet
volontédesPrinces,etcelledel’hommeprivé[…].aussijepenseroyraisonnablequ’unPrinceéschosesqui
sontproprementdelaroyauté,nedevroitavoirquedesroyspourjuges,ouceuxquilesrepresentent,et
nondespersonnesprivées,dontlapetitessenepeutmesurerqu’àveuedepayscequiestdelagrandeur86 .

Oncomprendicimieuxleblack-outsurlesinformationsqu’asembléimposerle
pouvoirroyalet,enparallèle,l’effortimmédiatpourdiluerlesfaitsdansdesécrits
contradictoires.
Le Prince agit et décide dans le cadre de ce qu’Ambroise appelle « le secret de
l’estat87»,les«secrettesnecessitésdel’estat88».S’ilyauneabsoluitédupouvoirà
laRenaissancetardive,elleconsisteraitencetteindicibilité.Alorsquejusqu’alorsle
pouvoirétaittravailetexercicedelangage,qu’ilsecaractérisaitparlefaitqu’ilétait
unpouvoirenmots,unpouvoirparlant,ildevientunpouvoirsansmot,silencieux
parcequ’ontologiquementilestmystère.LePrinceestetdoitêtrepoursessujets,
dansl’idéalquiesticianalysé,unsouveraindel’énigme,unPrincedontlaformedu
pouvoir est l’énigme. Ce qu’il décide et révèle de ses décisions propres est
indépendantdecequ’ilestauthentiquement,voiredecequ’iladécidéréellement.
C’estce qu’il faut savoir. La cour et le royaume sont effectivement parcourus par
l’ambitiondesgrands,parunjeudeforcesdanslequelcesdernierscherchentsans
cesse à accroître leur puissance et à se quereller, et le Prince doit lui-même
« tousiours estre en action89 », et cela pour ne pas se laisser prendre dans les
menaces d’un devenir inconstant, pour ne pas, en dévoilant ses projets et ses
décisionsà ses sujets,se présenter en positionde faiblesse faceaux ambitions des
grands. Il doit se vouer à un véritable travail d’anticipation sur l’histoire à venir.
L’utilisationdeGuichardinestloindedébouchersuruneapologiedel’étatismeet
delaraisond’Étatmodernetellequ’ellefutpenséedurantlespremièresdécennies
du XVIIe siècle. C’est une autre raison qui intervient dans l’exercice de style
développé d’Ambroise : la raison non pas justifiant la force comme expédient
extraordinaire du pouvoir, mais démontrant par la négative que la force est
l’antinomie du pouvoir juste, ce à quoi il ne peut être contraint que malgré lui,
quandlespartialitésetlesambitionsvontau-delàdecertainesbornesetmenacent
larespublica.
Ambroisefaitalorsunrécitinéditdesévénementsdu24août1572,montrantque
leroi,s’ilaétéimpliquédansladécisiondemiseàmortdel’Amiral,aeusavolonté
contrainte. Il replace l’événement dans une durée plus longue qui est celle d’un
mode vertueux de gouvernement cherchant, à imposer aux sujets, malgré leurs
volontésantagonistes,unordrepolitiqueparletruchementd’unesciencedusecret.
Il nous permet peut-être de soupçonner que l’idée des « secrettes necessités de
l’estat » s’ancre dans tout un jeu savant de manipulations et dépasse la seule
définition cicéronienne du salut de l’État. Charles IX devient, dans ce récit, un
souverain qui s’est trouvé forcé à la violence, qu’il n’a jamais voulue ni méditée,
mêmequandils’estrésoluàlacautionnerdanslecadred’un«deal»,danslanuitdu
24août,etaussilesjourssuivants.Tout,auxyeuxd’Ambroise,aeupourorigine,
précisément,l’ambitiondesgrandsetleshainesquiopposaientcertainsd’entreeux.
Leroi,ajoute-t-il,n’arieneuàvoiravecl’attentatdirigécontrel’AmiraldeColigny
le 18 août ; d’où découle que ce qui s’est passé après, dans la nuit du 24 août,
n’impliquepassaresponsabilitévéritable.Cequiadéprogrammélapolitiqueroyale
de paix et déclenché les matines parisiennes, c’est la loi de la vengeance entre les
grandsseigneurs,celledela«diversitédevolontez».Làsontlemaletlemalheur,
issusdu«venindelabilerouge»ayantfinipars’épancherhorsdelatumeurquila
dissimulait,maisoùelleétaitcommeenattented’exploser.
Dansunfragmentdesondiscoursparticulièrementcomplexe,parcequ’ilobligele
lecteuràseréféreràdifférentesséquencesdupasséetsurtoutàtenterdecernerce
que sa pensée contient d’implicite, Ambroise compare « la bleceure du feu
Admiral » à la mort du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, qui eut lieu le
10 septembre 1419 à Montereau et qui fut le fait de Tanneguy du Châtel90  ; il
affirme être certain que, comme jadis, « l’aveu et consentement du Roy » ne
précédèrent pas, mais au contraire suivirent le développement de la trame
historique qui prit sa dynamique après l’attentat de Maurevert : Charles IX s’est,
selon Ambroise, inséré dans le cours incertain des événements, par une décision
soudaineetextraordinairequinerépondaitqu’audésirdetirerpartiaumieux–ou
aumoinspire–d’unattentatdontiln’étaitpasresponsableetd’unedétermination
vengeressedesennemisdel’Amiraldontilsavaitlaforce:
Pource que, d’un costé, le premier coup donné ayant assez manifestement pour auteurs les ennemis du
blecé, quelque reconciliation qui semblast avoir esteint la souvenance de leur pere occis [François de
Guise],etcestehainequelesaffairesavointrenduehereditaireentreleursmaisons,jen’estimepointqu’il
soitbesoinpourtrouverlaveritédelachose,dejoindreàl’entreprise[lamiseàmortdeColigny,le24août
aupetitmatin]lapersonneduRoymesme,quiayantoresdesavouépuisavouélefait,nemonstrepointy
avoirapportéunelongueetcertainepensée,ainsunconseilprissurlechampseloncequ’ilfutpersuadé,et
pensadevoirmieuxreüssirpourlebien,etasseurancedesesaffaires.

Laviolenceaétéimposéeparlanécessité,l’utilité.L’assassinatdel’Amiral,aupetit
matin du dimanche 24 août, fut une décision d’exception, non préméditée, non
référée à des maximes machiavéliennes, elle fut volontairement et consciemment
prise contre ce qui était la volonté même du roi, son rêve de paix. C’est que
l’histoires’étaitcommeferméesurelle-mêmeetquelaviolencepouvaitpeut-être,à
courtoumoyenterme,jouerpourrestabiliserladynamiquedepaix.Les«secrettes
necessités de l’Estat » dont Ambroise fait part à ses amis se tiennent dans cette
reconnaissanceparleroidelanécessitéderecouriràcequiestlepluscontraireàsa
volontépolitiquemême,danslebutderedonnerunemargedemanœuvreàcette
politique.

Undéveloppementhistoriquevirtuel
L’enclenchementducycleévénementielestdoncdûàlapratiqued’unevengeance
qui est la seule vérité de ce qui a suivi. Régner, en ce sens, c’est aussi jouer avec
l’histoire,êtreen mouvementdans lafixitémême, seplier auxvirtualitésles plus
contraignantesdudevenirpourruseraveclemalheurquimenaced’autantplusqu’il
acommencéàétendresonombredangereusesurleprésent.Oudumoinsc’esten
ces termes qu’Ambroise recompose la trame de l’événement d’août 1572. Le
pouvoirestabsoluquandiltravaillesurlerelatif,quandilacceptederecouriràce
quiestlecontrairedesonoutillagepolitique:laviolence.
CharlesIX,arguantd’uncomplotdontilestimpossibledesavoirs’ilétaitpourlui
fictif ou réel, s’est vu obligé le 26 août devant sa cour souveraine non seulement
d’assumeruneviolencecollectivequ’iln’avaitpasvouluemaisaussidecouvrirles
ressortssecretsd’unévénementàl’origineduquelilyavaitl’initiativecriminelledes
Guise(l’attentatdu22août)etquiaétélethéâtredelafureurpopulaire:
PourcequelePrinceaestéforcéquelquefoisparlessecrettesnecessitésdel’estat,d’avouer,ouclorel’œilà
cequiestoitfaitcontrelerepospublic,etl’observationdesesedits:tellementqueleshommesquiontesté
esloignez des affaires, et qui moins y ont entendu, ont estimé que toutes choses se passoient par
dissimulation,haineetconspiration :etay veuqu’iln’yavoit sortededessain siestrangeetmalheureux,
dontlebruitnefutreceucommedechosepleined’apparence:pourcequetoutcequisefaitaquelques
bornesderaisonetdiscours,maiscequisecraintn’enapoint91.

C’est donc une autre définition du pouvoir politique qui est présentée ici –
critiquée:celled’unpouvoirdusecret,pousséàse«rendrepartisan»parlaforce
des pressions aristocratiques et aussi à camoufler partiellement la vérité des
responsabilités qui sont les siennes ; un pouvoir qui, malgré les buts qu’il s’était
fixés,etsurtoutparcequ’ilétaitenfermédansunehistoiretragique,abasculédans
lemal.
Latensiond’uneprisedeconsciencedela«nécessité»,quiestautravailsurelle-
mêmetoutaulongdesannéestragiquesquivontdelamortd’HenriIIauxmatines
parisiennes d’août 1572, joue donc un rôle capital dans le processus de sortie du
champ de la modération. Certes, par la magie du langage, le réel peut être attiré
dansl’ordredu désird’harmonie éternellequi traversela Création,mais,face àla
temporalitéetàsaméchanceté,lepouvoirétabliparDieuparmileshommesdoit
aussi user de moyens à la fois pragmatiques et empiriques. Catherine de Médicis
auraitété,danslaFrancedutempsdesguerresdeReligion,l’artisaned’unesortede
découverteprogressivedescontraintesquilesévénementsetleshommesimposent
parfois à la volonté politique et des conséquences que cette dernière doit être
amenée à en tirer : d’où la concession aux huguenot de la liberté de culte et de
conscience, la constatation qu’il faut accepter l’inacceptable parce qu’il est
impossibleàquiveutpréserverl’humanitéd’uneviecommunedessujetsduroide
Franceetaussil’autoritédel’Étatdefaireautrement.
Catherine de Médicis aurait été confrontée une première fois à l’usage de la
nécessitédansl’histoirequandelledutmesurerleprimatd’uneapprochepositive.
Maisilsemble,jel’aianalysé,quecesoitaprèslarévélationdelasurprisedeMeaux
qu’elle ait progressivement découvert le potentiel du concept de nécessité et ait
doncapprisàenvaloriseruneacceptionnégative.Faceàla«malicedestemps»,
toutsepassecommesilareinemèreenétaitvenueàenvisagerquel’histoirepuisse
aussiêtreinfléchieparlaviolence,parlecrime,quelaquêtedelapaixcivilepuisse
sefaireparlerecoursàl’outilantinomiquemêmedelapaix,laviolence,lecrime,et
cela, dans des circonstances particularisées et de manière limitée. Nous sommes
toujours dans la perspective d’un ordre du monde régi par la contradiction, dans
lequelladisharmoniepeutêtreréduiteparladisharmoniemême.Lapolitiquedela
nécessité aurait donc été traversée par deux usages contradictoires, auquel il
pouvaitêtrerecourualternativement,enfonctiondesaccidentsoulesoccasionsde
l’histoire. Et l’un de ces usages aurait entraîné la reine à oblitérer l’écart entre le
BienetleMal,ànepluspenserleMaletleBiendansunrapportd’antagonisme.
LemassacredelaSaint-Barthélemypourraitbiendécoulerdecettedécouverteou
inventionconceptuelle:quandl’énergiepacificatriceetmodératricedelaparoleet
de la magie se brise après l’attentat contre Coligny, quand les rapports de forces
deviennenttelsquelaroyautésetrouveprisedansunétau,ilneseraitplusrestéà
Catherine de Médicis et à son fils qu’à tenter d’éliminer un des protagonistes de
cettehistoirequin’étaitplus,apparemment,qu’ouvertequ’aumalheuretàlahaine;
en l’occurrence les chefs du protestantisme militaire par qui la guerre pouvait se
déclencheràtoutinstantetquiavaient,durantlesdeuxièmeettroisièmeguerresde
Religion, donné des indices de leur adhésion à une culture subversive de la
rébellion.Iln’estpasquestionicide«Realpolitik»,maisd’unevolontécontrainte
par l’histoire. Ce serait peut-être à ce contexte que Montaigne fera savamment
allusion dans le chapitre XLVII du Livre I des Essais, lorsqu’il affirmera que la
nécessitéestune«violentemaistressed’escole»etqu’elleestd’autantplusviolente
qu’elleestauxabois:«gravissimisuntmorsusirritatænecessitatis92».
Pour redonner une chance à court ou moyen terme à la politique de l’Amour,
neutraliserleretourmaléfiquedespartialités,ouêtreenmesuredereconstituerun
ordre du langage dans les temps à venir, et surtout parce qu’aucune solution
alternativenepouvaitêtreproposée,unaccordseraitintervenuaveclesGuise,au
termeduquellaresponsabilitédesmeurtresleurauraitétéattribuéenéchangede
l’accomplissementdeleurvengeancedesang;puisl’expansiondes violencesàun
grand massacre sacral dans la matinée du 24 août aurait déterminé une
surinterventiondel’idéedenécessité.Pouressayerd’endiguerlavaguedeviolences
éradicatrices qui submergeait Paris, le pouvoir aurait dû contraindre sa volonté
politique une seconde fois, en acceptant d’assumer la responsabilité du massacre
parisien en vertu d’un complot présumé de la faction huguenote. Telle serait la
logique virtuelle de l’histoire de la Saint-Barthélemy et du surgissement d’une
conception alternative de l’absoluité : une violence décidée par la royauté contre
elle-même,puisassuméedanssaglobalitésousl’indéniablepressiondestorrentsde
sang;quicoulaientdansunevilledeParisemportéedansunrêvemystique.Mais
paspardésirde violenceouselonles calculsd’uneconsciencefroideassimilantle
pouvoiràlaforceetdoncàlaterreurquepouvaitimposerlacruauté.Ledésirde
paix et d’humanité n’a cessé de primer, car la paix et l’humanité étaient la fin de
l’histoirepourCatherinedeMédicis.
Iln’enrestepasmoinsque,dansl’histoire,ilfautaccepterquelapartaccidentelle
puissejouer.Etc’estpeut-êtrecequis’estpasséaprèsl’assassinatdel’Amiral.Pour
comprendrecommentParisabasculéd’uncrimedenécessitévouluparlepouvoir
àuncrimecollectif,pourdéterminercommentun«peuple»apus’approprierle
droitetledevoirdetuerparetcommentlecrimedecourabasculédansunetuerie
de masse, plusieurs indices peuvent être sollicités : le miracle de l’aubépine, qui
symboliselaréconciliationdeDieuaveclacapitaleduroyaumedeFrancepurifiée
delasouillureprotestante;lecadavredeColigny,traînépardescentainesdepetits
enfantsdanslesbouesdelavilleentémoignaged’unaccomplissementdel’attente
christique ; plus une donnée circonstancielle mais sans doute décisive : une fois
l’Amiralmisàmort,toutindiquequ’HenrideGuiseetseshommesavaientplanifié
de rejoindre à cheval le faubourg Saint-Germain afin d’exterminer les nombreux
capitainesréformésquis’yétaientlogés.OrPariss’estréveilléausondesarmeset
des cris, et les rues ont été vite encombrées, au point que Guise doit faire crier,
pour avancer vers la rive gauche, l’exigence qu’on le laisse passer sans qu’il soit
retardé, au nom d’un commandement royal. C’est là peut-être qu’il faut évoquer
unesurinterprétationcollectiverelevantd’uneattenteducatholicismeparisienaux
yeuxduquellamiseàmortdel’Amiral,aunomduroi,enappelled’autresquine
peuventpasêtreremisesparcequeleroilecommande.«Tueztout.»Guise«sort
delaportedulogisaveclesautres,ets’escriantdit:“Courage,soldats,nousavons
heureusementcommencé,allonsauxautres.”Incontinentaprès,l’horlogedupalais
sonna, et commença-on à crier que les Huguenots estoyent en armes, et se
mettoyenteneffortdetuerleRoi93.»
Lescatholiquesparisiensontpucroireadvenulemomentd’unerévélation,àson
peuple,d’unroirejoignantlesplusgrandesfiguresdel’AncienTestament,«entre
autres, Moyse, Phinées, les Juges, Samuël, Asa et Josaphat, Roy de Juda, Ioiada
sacrificateur,JehuRoyd’Israël,EzechiasRoydeJuda,lepeupledeJuda,Mattathias
sacrificateur:lesquelsparglaiveougibet,ont faitmourirceuxquiontdelaisséle
servicedeuàDieu.LepropheteÉlieetJosiasRoydeJudaparglaiveetfeuenont
fait iustice. Quant est des exemples sous la loy évangélique, je ne vueil pour le
presentinsérersinoncelledespremiersEmpereursChrestiens94».
Cela aura cependant été un grand malentendu : Guise s’adressait à ses hommes,
rien de plus, pour les inciter à le suivre dans sa marche qui devait le conduire
jusqu’aux principaux chefs réformés dont les noms auraient figuré sur une liste
peut-être établie au cours du conseil tenu au Louvre au cours de la nuit : « Et
répétoitsouventàhautevoixcesparoles:LeRoylecommande;c’estlavolontédu
Roy, c’est son expres commandement. » Mais il y avait une telle attente d’une
violenceroyalequececommandementfutpossiblementcompriscommeappelant
au massacre de tous les réformés. D’où le basculement dans la fureur de tuer.
Quelquesmotsditsetreditsaurontsuffiaupassaged’unpremiercrimesansdoute
décidéencouràuncrimedemasse.PourciterWilhelmGottliebSoldan,«cene
sontpaslesordrespartisdel’Hôteldeville,c’estuniquementl’exempledestroupes
royalesquientraînalapopulaceaupillageetaumeurtre95».Maisilyeutaussiune
surinterprétationdesparolesdeGuise,quivoulaitfaireviteetavaitbesoinqueles
ruesdeParisleconduisentvitelàoùsasecondemissiondevaits’accomplir.
Un«coupd’estat»avantlescoupsd’État?

Malgré toutes les réserves qu’inspire légitimement un texte rédigé quelques
décenniesaprèslesfaitsparunhommeaigriparl’échecdelaLigueparisiennedont
il fut un des acteurs importants, j’ai cherché un complément d’explication dans
plusieurssourcespeufréquentéesparleshistoriens.Lapremièreévoqueunescène
tardivedel’année1572.Lorsquel’ambassadeurflorentin,VincenzioAlamanni,est
reçu en première audience par la reine mère, le 11 novembre, il trouve cette
dernièreencompagniedesafille,laduchessedeLorraine,delareinedeNavarreet
deplusieursautres «grandame».Laconversationtourneunmomentautourdela
Saint-Barthélemy:surlaquestiondel’«esecuzione(massacrodegliugonotti)»,lamère
deCharlesIXauraitaffirméque«SaMajestéavaitétécontrainte(«forzata»)àfaire
cequ’elle avait fait pour la sauvegardeet la protection de sonroyaume et que les
faits étaient allés dans ce sens96 ». Pour aller plus en profondeur dans ce que ces
parolespouvaientimpliquer,j’airecouruàunmanuscritconservéàlaBibliothèque
nationale,uneHistoiredesoriginesdelaLigue.Sonauteurestunedesgrandesfigures
dumilitantismeultra-catholiquedesannées1585-1594,l’avocatLouisDorléans,né
en1542-154397.Il étaitdans Parislors dumassacre de1572, etil n’apas manqué
d’aller contempler le cadavre de l’Amiral, et a relaté dans un poème ce qu’il avait
vu:
Celuiqu’onquevivantmesyeuxn’ontvouluvoir,
Irritezqu’ilbravoitparaudacenouvele
MonDieutroppatient,monRoypartropfidele,
Monpaïstropbeninpoursesfaitsrecevoir,
Depuisetantmeurtry,etcontresonespoir,
Aiantaveclesangvomil’amecruele,
Mesieuxl’ontvouluvoir,pourremarqueéternelle
Del’irequemonDieusursateteafaitchoir.

Jel’aidoncveüpendu,sanschef,sansmains,sansbras,
Lafabledesenfans,descorbeauslerepas,
Laterreurdesmechansetdesbonsl’asseurance.

Danssonhistoiremanuscrite,LouisDorléansreconstitued’abordlesraisonsqui
ontpermisaucalvinismedegagnerenforcedansleroyaume.Passantrapidement
enrevuelestroispremièresguerresdeReligion,ilénumère,d’unepart,lesinfinies
etimmenses«cruautez»deshérétiquesquiontétéselonluisuscitéesparlediable,
et,d’autrepart,lesgrandesvictoiresqueDieuadonnéesauxcatholiques.Mais,en
réalité, c’est dans les dernières lignes de cette histoire inachevée qu’il livre sa
réflexionpersonnellesurl’origineréelledesmalheursduroyaumedontl’hérésiea
étélaconséquence:cesontlespéchésdesFrançais,et,parmicespéchés,ilenisole
deuxquiontattirélechâtimentdivin,l’allianceturquenégociéeparFrançoisIer et
la confédération avec princes protestants de l’Empire faite par Henri II. Louis
Dorléans n’est pas fondamentalement hostile à Catherine de Médicis, bien qu’il
affirmequ’elle aurait été un temps séduitepar les livres réformés et qu’elle aurait
assistéanonymement,le4septembre1557,àl’assembléedelarueSaint-Jacques.Il
prend même sa défense contre ce qu’il appelle les « plumes impudentes et
mensongeres de Geneve ». Il décrit son bel esprit, soutient que le mal vint de ce
qu’elle fut mal conseillée, surtout au temps du colloque de Poissy, épisode
catastrophique à ses yeux, et dont il impute la responsabilité au chancelier de
L’Hospital, ancêtre et inspirateur, « pere et patron », des Politiques du présent98.
«Ellereconnutlafauteparapres,maisilestoittroptardpouryaporterremede.»
L’historien Dorléans n’est pas non plus, initialement, défavorable à Charles IX,
mêmes’ilrapportel’événementdumariageprincierde1572enracontantcombien
lacérémonieparut«étrange»auxFrançais:«Caronnepouvoitgouter,qu’unroi
deFrancetres-chrestien,etfilsainédel’Églize,donatsasœuraunheretique,veula
defensedessaintscanons,lesfunestesissuesdetelsmariages,etlesexperiancesque
la france avoit eu en Clovide fille de Clovis. » Et, comme à la décharge de
CharlesIX,ilciteuneconversationquecedernierauraiteueaveclenonceSalviati
etqui,selonlui,dévoilequ’enversetcontretoutepressionilétaitdévouéàl’Église
corps et âme : « Il le pria d’ecrire à sa sainteté de sa part, qu’il ne vouloit et
n’entendoit jamais, non pas pour mille morts, se separer de l’eglize : et pour
asseurancetirasonaneaudesondoigt,qu’illuiprezanta:maisMonsieurleNonce
s’excuza de le prendre, lui dizant, qu’il n’y avoit gage, qui s’egalat a sa parole. »
Visiblement,àsesyeux,leroiaétéloindesecontredire,parcequ’ilaétél’auteurde
laSaint-Barthélemy.
PourLouisDorléans,iln’yaaucundouteàavoirsurles«mensonges»dontles
calvinistesontnoircileursécrits.C’est,eneffet,CharlesIXqui,«enunenuit[…]
fittuerleshuguenotsvenusauxnocesduroideNavarre,etlesfitjeterenunefosse
aupré aus clercs;ce qui fut suiviaux autres villeset provinces ». Puisvient une
énumération longue, apparemment inspirée par les articles mêmes du jugement
prononcécontrel’Amiralaprèssamort,desraisonsquiontpousséleroiàagir.Ily
a,d’abord,lafautedel’AmiralColigny,«hommeremuantetdevifjugement,mais
méchant », pour lequel le roi éprouvait de la haine. Le passif était lourd :
« heretique », d’une part, Coligny avait « fait meurtrir en trahizon, et contre la
naturellegenerozitédesFrançois,leDuc deGuizesonlieutenant general,lorsdu
siege de la ville d’Orleans ». L’image de l’Amiral, telle qu’elle existait dans la
conscienceroyale selon Louis Dorléans, était essentiellement celle d’un traître : il
étaitl’hommequiavaitvenduleHavredeGrâceàÉlisabethd’Angleterre,quiavait
noué de « grandes intelligences avec les anciens ennemis de la couronne ». Il est
ensuiteunfactieux,quia«soutenu,suscité,etfomentélafactionheretique,distrait
les Princes du sang de l’obeïssance du roi, rompu en deux parts son Estat, fait
plusieursliguesaveclesLutheriensd’Alemaigne».
Maissurtout,Colignyétaitl’hommed’orgueilquiavaitportéatteinteàlaMajesté
royaleparsaparole,le22août1572,etquiauraitainsiinduitleroiàagircontrelui
de manière préventive : il aurait « peu auparavant menacé le Roi, qui le vizitoit,
blesséqu’ilavoitestéd’uncoupd’harquebuzeaubras,tiréd’unefenetreprochede
sonlogis(laveritéestqu’onessaioitaletuer,poursoninsolenceettemerité)dizant
auRoiCharlesneusieme,ques’ilavoitlebrasofensé,ilavoitl’espritsain,pouren
avoirsaraizon».Etcetteparoleagressiveetmenaçanten’étaitvenuequ’auterme
d’unelonguesériedeparolesqui,toutes,visaientàexercerunepressionsurleroi,
en usant de la menace de la guerre civile. Pour Louis Dorléans, Coligny, comme
touslessiens,étaitunhommedeviolence:
J’adjouterai que les Heretiques, et lui sur tous, estoient si orgueilleus, et avoient tant ulceré le Roi par
bravades,parimportunitez,parparolesoutrageuzes,quelesplussagesjugeoient,queleRoileurferoitun
mauvaistour;carleRoiseantensonconseil,ilfitplaiderparRobertAdvocathuguenot,quela maison
d’Orleans,dont leRoi estoitissu,n’avoit faitque dumal enFrance :dont leroi irritémit lamain ason
poignard,pourluiendonner:dontilfutretenu;etleditAdmiralditauConseil,qu’ilfaloitluiacorderce
qu’ildeziroitetdemandoitpourlesHeretiques:oubienilfaut,dizoitil,ilfautrevenirauxarmes.

LaSaint-BarthélemysembleainsiavoirétéunevengeanceduPrince,exercéeen
vertudesajusticepourrestaurersonhonneuretsaMajesté,etchâtieruncriminel
quiavaitattentéàl’intégritédesonpeupleetàl’honneurdecertainsdesessujets.
LapaixdeSaint-Germain,sielleavaitfiniàl’automne1571parautoriserleretour
des capitaines huguenots à la Cour, avait eu pour autre résultat, de placer le roi
dansunenvironnementdeprécaritéquidécoulaitdel’agressivitéhuguenote:
Et qui ne sait les bravades, les importunitez, les arrogances, dont cet Admiral, le Prince de Condé,
Cavaignes,Piles,Briquemaut,deLagny,etautrestelsfrelonsHeretiquespiquoientsanscesse,etpressoient
lajeunessedecepauvreprince?LeshuguenotsprenoienttelleautoritédansleConseilduroi,ets’estoient
desjarendussiredoutables:quesilemoindredesleursprezantoitquelqueresquesteauroi,pourobtenir
quelquechoze, et il estoitrefuzé : ils nemenacoient le roi, derien moins, que de laprize des armes, du
retentissement de leurs harnois, et du fouragement des provinces. C’est ce que le dit Admiral avoit dit
auparavanttouthaut,enunecauzequiseplaidoitpourleshabitansdesaintLeonardenLimozin,contrele
capitainePilles,pourquatremilescus…

Enfin,dansl’espritdeCharlesIX,lepassifdel’Amiraletdessiensprenaitlevisage
delacruautéqu’ilsavaientdéployéedanslesviolencesdesguerrescivilescontreses
sujets et l’Église et qui avait atteint le roi au plus profond de lui-même. Surgit
l’imaged’unsouverainqui,sansriendire,asupportélesoffenses,quis’estsentisans
cesse agressé. Et c’est sur une confidence inédite faite à un homme qui était
pourtant un des artisans de la politique de concorde que cette détestation de
CharlesIXàl’égarddescalvinistesestmiseenvaleur.LouisDorléanss’adresseici
directementàceuxqu’ilinterpelleenlesnommantleshérétiques:
C’est cette cruauté plus que barbare, que vous reprochoit souvent le Roi Charles : car parlant a
MonsieurdeMonlucÉvequedeValance,s’ilsavoient,dit-il,moncœur,ilsledevoreroient,etenferoient
curee,commefontmeschiensd’uncerfabatu:encoren’enseroient-ilspassaouls.Àlaverité,nel’aianspeu
devorer vivant, apres l’avoir depouillé d’une partie de son Estat, et couru en la campagne de Meaux, et
donné quatre ou cinq batailles, vous l’avez dechiré apres sa mort avec vos sales plumes de medizances ;
aiantsfaitcommeleslievres,quivoiansmortunjeunelion,quinepouvoitpluslesfairefuir,luitiroientles
barbesparvengeance,etsemoquoientdelui,etdesaredoutablegenerozitéquin’estoitplus.

Et alors, pour l’homme qui, près de trente ans après, revient sur le mois
d’août 1572, ce fut la conjonction du choix de la trahison, d’un tempérament
factieux, d’un naturel orgueilleux, « qui occasionna le Roi, de se rezoudre a une
saint Barthelemi (apelée les matines pariziennes, comme on dizoit les vespres
Siciliennes)poureviterledangerouilestoit:considerélaforceetlesintelligences
qu’avoientlesHeretiquesenlavilledeParisetensonRoiaume».Ilyavaitpéril,et
LouisDorléansreflètel’universd’angoissequipouvaitêtreceluidescatholiquesde
lacapitale,soudainementenvahieparlesbruitsetlesrumeurs.Danssaperspective,
laviolence,qu’ilditroyale,nesupporteaucuneréprobation,parceque,commandée
parunroidevengeancehumaineetdivine,elleaétélégitimementexercéecontre
deshommesqui étaientdesrebelles etparcequ’elle étaituneréplique justeàune
immensecruautéquiavaitauparavantjonchélaterredeFrancedecadavresetde
ruinesetquiaétélaplus«espouvantable»etplus«sanglante»del’histoire:une
cruautédépassantcelledesroisBusirisetThyeste,voiredesbêtesbrutes.
Etiln’estpasindifférentderemarquerquecetteidéedevengeanceroyalen’estpas
nouvelle : elle avait déjà été énoncée, par exemple, par des apologistes de
l’engagement monarchique dans la guerre contre les réformés entreprise en 1567
après la surprise de Meaux. Le roi avait été exalté comme le vengeur de son
royaume, le glaive de la vengeance de Dieu contre ceux qui oppressaient son
royaume,détruisaientl’Égliseetavaientrompuleurfoi.Ilestfortpossiblequecette
idée de vengeance ait été à l’origine de l’entreprise de Tavannes sur Condé-sur-
Noyers et surtout de l’exécution du prince de Condé ainsi que des capitaines et
soldatshuguenotsfaitsprisonniersàJarnac.
Aprèsavoirévoquécequ’ilestimeavoirpousséleroiàuserdelaviolence,Louis
Dorléans va très significativement au-delà d’une explication par la seule causalité
humaine. La Saint-Barthélemy est avant tout l’œuvre de Dieu, elle est advenue
parcequ’ellenepouvaitqu’advenir.Elleaétél’instantd’uneréalisationprophétique
deDieu.«CejourremarquabledelasaintBarthelemi»asurtoutété«lejourdela
vengeanceduSeigneur,ouplusieursrenardshuguenotslaisserentnonseulementla
queuë,maisaussilapeau:etdontlescharognesinfecterentlepréauxClercs,qui
leurfutdonnépourcimetiere.»Jamais,enconséquence,uncatholiquenepourra
condamner«unechoze,enlaquellelanecessité,laraison,l’utilité,etl’honeuront
une liaizon tres etroite. Vraiment, Messieurs les calvinistes, je vous demande, s’il
estbienseantaunhuguenot,crueletinhumaindenature,deprecherauxcatoliques
ladouceuretl’honeteté:etquelui,quiestrebelleasonRoi,nousrecommandele
respectquelondoital’autoritéduRoi».LaSaint-BarthélemyprofèreDieu:
Cejourestant,commeditleProfete,unjourdecourous,detribulation,etd’angustie,jourdecalamitéetde
mizere,jourdetenebresetd’obscurité,jourdenuagesetdetonnerre,pourabaisserl’orgueil,etchatierles
insolancesdesHeretiques;c’estoitcejourqueMalachieavoitpredit,qu’ilviendroitunjouralumécomme
ungrandfeu,auqueltouslessuperbesettouslesmechansseroientdevorezcommepaille99.

LouisDorléansproposeuneimmersiondans unelecturetotalementbibliquedu
massacre qui se surimpose ainsi à l’évidence de la « haine royale » : il y a eu un
« sacrifice » présenté à Dieu, et c’est en termes de « propice holocauste », offert
pourtouslespéchésdelaFrance,quelaviolenceestrelatée,lesimpiesdel’Ancien
Testament devenant les hérétiques du présent. Il y a eu une immolation de
méchantesâmesquinevivaientquedansunimaginairedesang.Leproblèmeest
que, précisément, cette offrande est restée inachevée, incomplète. L’univers de
l’instantdelaSaint-Barthélemyestainsirevécusousunangledavidique;touts’est
passécommesil’espritdeDavidavaitétéprésentdansParis.LouisDorléansditet
répète que la vengeance a eu lieu et que l’événement n’est pas réductible au seul
«desirdeshommes».Ilrapporteunprodigequi,advenudanslesjoursquivoient
lafindumassacre,signifielesgrâcesdeDieusurParis:encequ’ilmarqualapart
« qu’il prenoit au chatiment des Heretiques, c’est que l’on executa Briquemaut et
Cavaignes,combienqu’ilfutforttart,etquechacunpensatlesoleilestrecouché:si
est-cequesoudainillançaunraion,afindevoirmourircesdeusgarnemens,vrais
piliersetetançonsdelacausedeSathan,etlesdeusennemisconjurezduroietdu
roiaume».
L’important est que Charles IX a assumé pleinement et publiquement la Saint-
Barthélemy,parcequ’ilavaitétélui-mêmeoffensédanssonhonneuretsaMajesté:
Parmilesfaitsquiontpesédansladécisionroyale,ajouteLouisDorléans,ilyaeu
le dévoilement d’une conjuration. L’historien reprend donc une justification
donnéeparlamonarchieelle-mêmeetrelatel’espritdevengeancequianimaitles
gentilshommes calvinistes après l’attentat contre l’Amiral et qui les portait à dire
quelesbrasdespécheurs«seraientbrisez»etquelesjustesseraientconfirméspar
Dieu. La conjuration visait à tuer le roi, sa mère, ses frères, les princes. L’Amiral
lui-même, par ailleurs, n’avait pas hésité à parler à Charles IX de l’esprit de
vengeance qui était en lui : « L’Admiral dizoit-il pas au roi mesme, bien qu’il le
pensatauteurdel’assassinatcommisensapersonne,ques’ilestoitblesséaubras,il
avoitl’espritbiensainpourvengersablessure.»
Face à cette conjuration manifeste, Louis Dorléans ne fait preuve d’aucune
originalité,parrapportàunapologisteroyaldelaSaint-BarthélemycommeGuydu
FaurdePibrac :le roia agidans sonpleindroit, etil avaitderrièrelui touteune
longue mémoire qui, depuis les temps bibliques, depuis l’Antiquité grecque et
romaineetjusqu’àlaFrancemérovingienne,racontaitcommentlessouverainsont
toujoursrecouruàlaviolencecontreceuxquimenaçaientleurvieetleurpeuple.Il
rappelle alors les articulations fondamentales d’une culture politique de la justice
extraordinaire. La Saint-Barthélemy s’est inscrite dans une longue succession
d’actesdejusticesouveraine,quifontd’elleuneexpressionpleineettotaledudroit,
et qui lui donnent une entière et incontestable légitimité : « On ne peut donc
denier, que le Roi a deu prevenir ces assassins, qu’il a deu en les prevenant
empecherlesentreprizesqu’ilsavoientsursapersone;siVespaziann’eutprevenu
Marcellus,il perdoitet l’Empire etla vie : Autanten fut-ilavenu à Constantinle
grand,s’iln’eutprovenuLicinius.»
Il y a en conséquence erreur, comme le font les calvinistes, à prétendre que le
massacre d’août 1573 renverrait à une pratique politique inspirée par Machiavel,
carilexisteune«foule»d’exemplesd’actionspréventivesparlesquelleslePrincea
défendu sa vie et son État par la violence : de tout temps, et face aux mêmes
« maux », un remède semblable a été utilisé contre les hérétiques. Bien avant
Machiavel,le droit a permis de les punir, d’autant que la marque qui distingue le
vrai chrétien, souligne Louis Dorléans, a été et est toujours d’avoir en lui la
«haine»del’hérésie.Cettehaine«àmort»adeuximplications:premièrement,
l’hérésie«se doittraiter seulementpar lecouteau, commesa naturellecure »,et,
deuxièmement,le chrétienn’est pastenu de respecterla «foi », laparole donnée
aux hérétiques, surtout si ces derniers, les premiers, n’ont cessé de la violer
auparavant,commecela aétéle casavecles huguenots,ets’apprêtentencore àla
violer,commecelaaétéaussilecasdel’AmiralColigny.
Louis Dorléans reprend l’argumentation d’inspiration cicéronienne qui fut
présentéeparCharlesIXdurantleLitdejusticedu26août1572.Maisl’important
pour nous est que la Saint-Barthélemy est identifiée à « un coup d’estat », une
action durant laquelle Dieu a fait « conoitre viziblement aus hommes, qu’il
cherissoit le roiaume de France d’un amour plus tendre, que tous les autres
Roiaumes de la terre ». C’est dans ce « coup » d’État que se trouve résolu le
problème de compréhension que pourrait susciter la double impulsion
précédemment décrite par Louis Dorléans, divine et royale, du massacre. Le
massacreest l’œuvre providentielleet simultanée de Dieu etdu roi, et, du fait de
cetteconjonction,dansl’actionmême,dedeuxacteurs,ilimpliqueunmystère.Par
«coupd’estat»,LouisDorléansveutsignifierquelesmatinesparisiennesrenvoient
à l’œuvre de la toute-puissance divine qui est immanente dans la personne du
Prince : l’ordre politique possède, par là même, ontologiquement, un champ
d’indicibilitéd’où,dansdescirconstancesextraordinaires,peutprocéderl’essencede
lasouveraineté.
Le problème est alors de comprendre vraiment ce qui est entendu par l’idée de
« coup d’État », un néologisme qui pourrait évoquer le mouvement brutal par
lequel l’État est restauré, replacé dans son authenticité fondatrice100 . Louis
Dorléans,bienplustard,en1622,publiedesNovaecogitationesinlibrosAnnaliumC.
CorneliiTacitiquiexstant,etilestfortpossibleque,parmileslivresdanslesquelsil
rapportes’êtreplongédanssonexil,ilyaiteulesAnnales101,cequirendraitcompte
desonusageoudesoninventiond’unconceptquin’apparaît,danslevocabulaire
delaFrancemoderne,quelongtempsaprèslaSaint-Barthélemy.Maisilnefautpas
en rester là : la praxis violente peut avoir précédé la théorisation, et, alors
effectivement,LouisDorléansnousdiraitquelaSaint-Barthélemyauraitétéunde
ces«coupsdemajesté»surlesquelsYves-MarieBercés’estpenché,undesmodes
d’expressiondelasouverainetéroyalejoignantunepratiqueconjuguéedusecretà
uneffetd’étonnementdel’opinionparlerecoursàlaforce102.Danscesystème,face
àceux qu’il soupçonnecomploter contrelui, le Prince comploteau nom du droit
qu’il est le seul à détenir et de la mission qu’il estime avoir divinement reçue. Le
«coupd’État»nepeutpasavoiruneorigineexterneàl’État,ilestlefaitdel’État,il
estl’actionbrutaleparlaquellel’Étatrefaçonneourestauresaplénitudesacrée.
LouisDorléanscaractériseuneroyautédel’actionpréventive,del’implicationdu
Princedansunchampd’initiativesqui,enfonctiond’unesituationconjoncturelle,
s’inséreraient dans une réflexion contemporaine sur les différentes formes de
respublica, sur leurs corruptions, les processus de leur décadence. Il faudrait, ici,
avoir recours aux Considérations politiques sur les coups d’État de Gabriel Naudé
(1639), parce que son articulation étatiste se fixe elle-même en perspective de la
Saint-Barthélemy : pour Naudé, la violence du Prince n’est qu’illusoirement une
anomalie institutionnelle, ce qui est peu éloigné de la pensée de Louis Dorléans,
pour qui l’histoire établissait une sorte de code de fonctionnement du pouvoir à
travers les exemples de mises à mort légitimées par le simple effet des décisions
princières.PourNaudé,telquel’aanalyséLouisMarin,«lecoupd’Étatduprince,
c’estlepouvoird’Étatfaisantenquelquesorterégressionàlavaleuroriginairedesa
fondation, à son fondement de force103  ». La compréhension des matines
parisiennespasseraitdoncparl’appréhensiondupouvoirdeCharlesIX,àl’instant
de la décision, comme une « épiphanie foudroyante », révélant que, d’une part,
l’Étatestmystèreetque,d’autrepart,leprincegouverneparlesecretpours’inscrire
danslavolontédivine104.
Replacerladécisiondelanuitdu24aoûtdansuneperspectivedecontinuitéallant
de LouisDorléans à Gabriel Naudé permet d’assimiler pourquoi l’historien en est
réduitauconstatqueseuleunehistoireplausibledelaSaint-Barthélemypeutêtre
écrite:l’«épiphanie»delaviolenceroyale,structurellementpourrait-ondire,pose
l’histoire comme indicible. La capacité du pouvoir à avoir savamment agencé la
violencecomme un « coup d’État » serait symbolisée par l’impossible véritéde la
Saint-Barthélemy,lemystèreétantl’expressionmêmedelapartdel’Étatdansson
aptitude à se repositionner comme le centre du politique pris dans l’étau des
incertitudes. Ce serait dans ce cadre que Charles IX, avec ses conseillers, aurait
montéun«stratagème»dontlesressortsidéologiquessontdifficilesàdeviner.Ily
auraitd’abordletacitisme.
Onpeuttoutefoisfaireremonterlachronologiedel’imaginairepré-étatistejusque
vers 1560-1570105, même si les choses sont plus compliquées qu’on ne tend à le
penser dans l’historiographie : outre le travail accompli par Michel de l’Hospital,
dontlesbasessontd’abordcicéroniennes,leshommesdecesannéesdedébutdela
crisecivileavaientàleurdispositionuncertainnombred’instrumentsquipeuvent
leuravoirfaitconnaîtrelesenseignementsdelaprudentiatellequ’elleétaitfaçonnée
enItalie:ainsi,latraductionfrançaisedela Storiad’ItaliadeGuichardin,imprimée
en Italie en 1561, est-elle dédiée en 1568 par Jérôme Chomedey à la reine mère,
après qu’une version latine eut été adressée à Charles IX106 . En outre, le texte
italien devait circuler à la cour. La Storia d’Italia enseignait la nécessité pour le
Prince d’être aux aguets face la fortune et à son cours imprévisible, et surtout
promouvait une approche relativement pessimiste du politique, notamment dans
l’avertissement lourd de sens par lequel elle annonçait qu’elle allait décrire les
accidentsadvenusenItalieàlasuitedel’invasionfrançaisede1494:
Carilapparoistraclairementparinnumerablesexemples,àcombiendemutations(ainsiqu’unemeragitée
desvents)leschoseshumainessontexposées:combiensontpernicieuxpresquetousjoursàeuxmesmes,
maistousjoursauxpeuples,lesmalmesurésconseilsdesPrinces:lorsqu’ayantsseulementdevantlesyeux,
ouleursfollesfantasies,ouleursconvoitisespresentes,sansaucunsouvenirdesordinaireschangementsde
lafortune:ettournansaudommaged’autruy,lapuissancequileuraestébailléepourlesalutcommun:ils
serendent,ouparfautedeprudence,oupartropd’ambitions,autheursdenouveauxtroubles107.

Ilseraiterroné,malgrécettedualitéidéologiquequi,parexemple,encesannées
d’avantla Saint-Barthélemy,oppose certains fuorusciti commeJacopo Corbinellià
Loys Le Roy108 , de préjuger qu’il y a eu une véritable concurrence entre une
définitionnéoplatoniciennedel’État distributeurde laconcordeet unedéfinition
tacitiste d’un État dans lequel la science du Prince consiste à se couler, en cas de
nécessité, dans le mystère d’une sphère de violence correctrice des risques de
désordre.Richard Tuck adémontré que Corbinelli etles dissidents florentinsqui
lui sont associés, après avoir supporté la politique de concorde de Michel de
L’Hospital,ontproposéunenouvellepolitiquequiseréféraitàTaciteetàlaleçon
en matière de techniques de manipulation que pouvaient constituer les Annales
surtout109.
Ilnefautpasenvisagerl’imaginairepolitiquedanscesannéesdecriseentermes
de ligne droite que le Prince suivrait et par rapport à laquelle il refuserait
absolumentdedivaguer.Bienaucontraire,dansununiversqu’ilsaitgouvernépar
la Fortuna,l’inconstance,lePrincepeutàtoutmomentfairelechoixdecequi,en
apparence, est le contraire de la politique qu’il suit mais doit lui permettre
d’effectuerunrepositionnement.Etc’estsansdoutepourcetteraisonquelaSaint-
Barthélemyapuêtreun«coup»initiéparCharlesIX,temporairementounon,de
manièreévidenteounon,poursedésaxerdesaproprepolitique.
Rienn’est impossible enmatièrede mutabilité du gouvernant,parce que l’ordre
mêmede la vie politique est fondé sur l’inconstanceet l’incertitude ; et le Prince,
pour répondre à cet ordre, doit lui-même composer sa politique en tant
qu’inconstance et incertitude, secret. L’absence de transparence est le principe
moteurdel’exercicedel’autorité,etc’estpourquoilescontemporainspeuventavoir
authentifié un point de conjonction, qui autorisait de possibles échanges entre le
tacitisme,lenéoplatonisme,leguichardinisme,voirelemachiavélismeconvoquant
lafigured’unPrinceduqui-viveetdusoupçon,quipouvaitêtrelemêmeetl’autre
de lui-même tout à la fois et qui comptait sur cette ambiguïté pour perpétuer
l’exercicedesasouveraineté.
Revenons plus précisément à la Saint-Barthélemy. Dans un monde qui vit dans
l’angoissedesmutationsdelafortune,silePrinceestcontraintàmettreenavant
les«secrettesnécessitésdel’État»,cen’estpeut-êtrepasseulementparlaforcedes
événements, mais aussi parce qu’il vit dans le soupçon et que le soupçon peut le
porteràdonneruneréponseviolenteauxtensionsquesapolitiquesubitourisque
de subir. À partir du moment où le royaume tendait à imploser dans des luttes
fratricides que rien ne semblait pouvoir arrêter, l’autorité royale accéda à la
conscienceaiguëdecequ’uncorpspolitiqueétaituncorpsvivant,quipouvaitaller
delavieàlamortàtoutinstant.Onpeutsedemandersiellen’auraitpasbasculé
danscequiseraplustardnomméun«coupd’État»:uneactionviolentedirigée
contrelestêtesduprotestantismemilitaire,plusieursdizainesdecapitaines,parce
qu’elle se sentait déstabilisé par les bruits d’un complot huguenot. Il n’y a pas eu
biensûruncomplotdela«cause»,malgrécequ’enditLouisDorléans,ainsiquele
roilui-mêmeetsonapologistePibrac,maisl’importantestquelepouvoiraitpule
croire possible, dans un contexte de prolifération débridée d’informations et de
parolesentenduesousurtoutrapportées.
MichelSimoninamontréquelebruitapucourirdeceque,le26août,plusieurs
milliersdenobleshuguenotspourraientsetrouverprèsdeParisetqueleLouvre
seraitlacibledeleurrassemblement.Ilyauraiteucroisementou chevauchement
entrelefantasmepolitiqueetlavisionmêmedupolitiquequeTacitepouvaitalors
permettredefaçonner.SelonMichelSimonin,«l’informationn’estsansdoutepas
pureintoxication»,etl’onpeutajouterquelaconjurationd’Amboiseapuservirde
modèleàlaconstructiond’unfantasmepaniqueauLouvre.S’il estcependantpeu
vraisemblable que « le délai indiqué, trois à quatre jours après le soir de
l’arquebusade,correspondautempsnécessaireàNassauetàseshommespourêtre
informés et gagner Paris », il n’en est pas moins vrai que la monarchie pouvait
craindrequeleplan,prêtéàColigny,departirpourlesFlandres,aprèslesfêtesdu
mariage,avecuncorpsexpéditionnairehuguenot,nesoitenmesuredeluifournir
les hommes disponibles à un possible investissement de Paris. L’important est
moinslaréalitédecepassageenforce110quesavirtualité,sapuissanceimmédiate
dedésorientationetdoncderéorientationdelapolitiqueroyale.Leshistoriensont
trop tendance à mettre les faits de mémoire à distance de ce qui détermine la
décision.Onsaitquelatentativedesurprise,enpleinepaix,parleprincedeCondé,
delafamilleroyaleàMeauxfut unchocpourCatherinedeMédicisetqu’elleeut
pour conséquence un raidissement de sa part face aux calvinistes. Denis Richet
estimaitqu’ellefut àl’origine del’engagement royaldans unestratégiequi n’avait
pluspourbutlaconcorde,maisl’éradicationduprotestantisme.Etilestcertainque
les deuxième et troisième guerres de Religion voient la royauté opter pour une
solutiondelutteàoutrance,certestemporaire,contrelaRéforme.
Onsaitencore quelafiction ducomplothuguenot visantà tuerleroi étaitdéjà
présentevers1567-1568dansl’imaginairemonarchique,etilyeut,certainement,
uneréflexionsurlesmoyensdirectsetindirectspourleréduire.Citonsànouveau
icil’exécutionàfroidduprincedeCondésurlechampdebatailledeMoncontour,
qui participe d’une réorientation radicale de la royauté, dont témoigne encore
Ronsard dans l’hymne de victoire qu’il composa et qui chanta l’hydre de l’hérésie
enfinmorte.Cetengagementactifdansunchoixd’éradications’opposeàlafoisàla
politique de concorde des années antérieures mais aussi au revirement qui s’était
traduitparleretouràuneinitiativedélibéréedepaixetàl’ÉditdeSaint-Germain:
signe que la politique est synonyme de contingence, ne se pense que comme
contingenteetsoumiseauxaléasdelafortune.
Lorsque se fait jour l’opportunité de bloquer un glissement de l’histoire vers la
guerre civile, la monarchie semble ne pas hésiter à s’y engouffrer. Lorsque cette
ouverturehistoriquesereferme,CharlesIXfaitensortederefaçonnersonchoix,
en se réadaptant par un discours sur l’harmonie des contraires comme en 1570.
C’est ce qui explique l’immense méfiance de Coligny et des siens après la paix de
Saint-Germainetleurprisededistancefaceàlacour.Redisons-le,lapolitiqueau
tempsdesderniersValoisestavanttoutl’exercicedelavirtualité,etc’estpourcette
raisonquel’historiensetrouvelui-mêmeconfrontéàunehistoiredontilnepeut
décrypter les ressorts qu’en tant que jeu sur des possibles, d’autant que la science
néoplatonicienneduPrinceetdesesconseillersaconsistéàvivrelapolitiquehors
de toute lisibilité, dans un théâtre dont eux seuls connaissaient les règles et qui
devait,àtoutinstant,leurredonnerlamaîtrisedudevenir,leurlaisserlafacultéde
ne pas être pris dans le piège de circonstances évolutives et de manipulations
présuméesdangereuses.
Charles IX, placé devant un océan d’incertitudes et de dangers, aurait pu être
porté à agencer l’histoire en l’intégrant dans l’incertitude de son pouvoir, dans la
mesure où il savait que toute action de violence, à chaque instant, pouvait être
retournée,auprofitdeceluiquil’adécidée,enuneactiondepaixetque,dansun
royaume divisé, le Prince devait gouverner en scindant et rescindant sans cesse
l’image de sa souveraineté qu’il possédait en lui et projetait. C’est cette image
fractionnéequisurgitdesesécrits:leroiestuntechniciendesareprésentationet
dessignificationsdecettereprésentation,et,pourcetteraison,ilselaissevoirsous
plusieurs angles, celui du roi qui n’a pu qu’être spectateur d’une vendetta
aristocratique,celui du roi quia agi contre un complot huguenot,celui du roi de
vengeance,celuid’unroisoumisàlavolontédesamère.S’ilyaeudécisionroyale,
cettedécisionn’entendaitpasoriginellementclorel’histoiresuruneéradicationdes
capitaines calvinistes : elle n’avait qu’un but, détruire le protestantisme français
comme force militaire en faisant endosser la responsabilité des meurtres des
capitainesprotestantsparlesGuise,afinquelaroyautésoitensuiteensituationde
renouer,àcourtoumoyenterme,ledialogueaveclesÉglisescalvinistes,affaiblies,
etderelancerunepolitiquedeconcordesurdesbasesnouvelles.C’estenfonction
de l’évolution du massacre même de la Saint-Barthélemy que le roi laisse ensuite
certainsdeslibellistesénoncer,sur untonplusradical,quelavolontédupouvoir
estdemettrefinàladivisionreligieuse,etd’autrescontinueràdiffusersonchoix
devoirl’applicationdel’éditdeSaint-Germainêtrepoursuivie.
Le«coupd’estat»formaliséparLouisDorléansneseraitjamaisquel’expression
moderniséedela«nécessité»,souslacontraintedesévénements,pourlePrince,
deseresituerentantquelieud’originedumouvementdel’histoire,d’êtreàlafois
danscemouvementethorsdecemouvement,enétantdoncsimultanémentdans
touslespossiblesdecettehistoire.Cetteremiseensituationnepouvaitpaspasser
par les moyens ordinairesde la politique,parce que ces moyensplacent le Prince
sous la contrainte des hommes et de leurs passions. Le seul recours aurait été le
« coup d’estat », entendu comme action dont l’origine est l’État même, dont
l’instrumentestlaviolenceetdontlavisibilitéest,d’unepart,implacableenraison
desaforceet,d’autrepart,incompréhensible.
Tout, dans l’attitude de Charles IX comme de sa mère, semble empreint de
théâtralité et dévoile la construction d’un système de temporalités et de
significations virtuelles, un système destiné à produire un double effet : la
résolutiond’unesituationbloquée,maisaussiladésorientationdescontemporains.
Lesdéssontsansdoutejetésaudébutdelanuitdu23au24août,sil’onencroitun
manuscrit conservé à la bibliothèque nationale. Tout est allé très vite en effet, à
l’issued’uneultimeréunion:«Lareinemerepeuapreslaminuitdusamedypassée,
fut veue entrer dans la chambre du Roy, n’aiant avec elle qu’une femme de
chambre:quelquesseigneursquiyfurentmandez.Yrestapeu.maisjenesaypas
pourquoy.Ilestvrayquedeuxheuresaprèsletocsin111.»L’auteuranonymedevine
qu’ilsetrouvedevantdescontradictionsquiposentproblème,carilparleàlafois
de«ladesloyauté»duroietdesa«bizarrerie»Cette«bizarrerie»marquerait,en
définitive, le système de création du coup d’État112 , qu’il ne parvient à expliquer
qu’en évoquant une présumée coalition du duc d’Anjou, « un boute feu », et de
Catherinede Médicis qui se seraient associés pour parvenir à persuader le roi du
bien-fondé d’un massacre des calvinistes. Venus trouver ensemble le roi, « ilz le
prioient qu’il fasse l’execution de leur entreprise, qu’ilz savoient bien que si ceste
occasion se perdoit ilz ne la trouveroyt jamais telle ». Ils auraient fondé leur
argumentation, ajoute l’auteur du Recueil d’un dialogue…, sur La Franciade de
Ronsard, à partir de l’exemple que leur fournissait le meurtre intenté par Bodille
sur Childéric. Mais le roi, dans ce document, n’est pas qu’un acteur contraint,
puisquec’esttrèstôtlematindu24aoûteneffetqu’ilseseraitfaitamener«leRoy
deNavarreetCondéauRoy:lequellesvoyant,leurdit,qu’iln’entendoitsupporter
doresnavantensonroyaumeplusqu’unereligion».
Il ne faut pas oublier que l’Amiral faisait figure d’irréductible. C’est Estienne
Pasquier qui, très significativement, dans ce qu’il appelle « une saillie », se
remémore que Coligny avait ce trait de ne jamais perdre le « cœur » face aux
vicissitudes de la fortune, de demeurer obstiné dans l’espérance113  : une défaite
comme celle de 1569 ne l’empêcha pas d’être prêt à reprendre le combat dès le
lendemain, « comme le jour precedent ». Une faculté de toujours s’adapter et se
réadapterauxcirconstancessembleavoircaractérisél’Amiraletfaisaitsaforceaux
yeuxautantdessiensquedesesadversaires,etilestpossiblequelaroyautéaittenu
comptedecetteobstination.Ilétaitl’hommequi,«lequellesayantlaisséescouler,
sçavoittoutesfoisradoubersesfautessiàpropos,qu’ilsembloitn’avoirrienperdu
de l’occasion114  ». Il était aussi le capitaine qui avait suscité le mécontentement
royal par ses prises d’armes et qui s’était livré à « plusieurs grands hazards de
guerre115  ». La royauté avait en outre conscience du risque de voir s’ouvrir une
guerre dans des perspectives très négatives pour elle, dans la mesure où, si
Charles IX ne rendait pas justice, elle pouvait se transformer en une guerre
révolutionnairecontrelatyrannie.
Dès l’automne 1571, c’est un système de leurres et de simulacres qui est édifié
patiemment par la monarchie, dans lequel le roi et sa mère se partagent les rôles
afindedisposerd’unemaîtrisedutempsgrâceàl’incertitudepolitiqueainsiétablie.
Iln’yapasderaisonàcequecesystèmen’aitpascontinuéàfonctionnerdurantles
jourset les nuits qui suivirentl’attentat du 22 août.Il faut au contraireprésumer
quelapluralitédesdiscoursroyauxsurlemassacreavaitpourfindeprolongerce
partagedesrôlesaupointqueCharlesIX,danslanuitdu23au24août,putjouerà
être hostile à la décision de mettre à mort l’Amiral, laissant son frère et sa mère
s’impliquerdansl’organisationetlemontageducrimeaveclesGuise,etceladans
l’espérance que, plus tard, malgré la mort de Coligny, il pourrait demeurer
l’interlocuteur obligé des calvinistes de son royaume. D’où la première série de
lettresetdéclarationsdanslesquellesCharlesIXaffirmeavoirétéprisaudépourvu
par l’initiative guisarde et n’avoir de projet que le maintien de l’édit de Saint-
Germain.Enbref,onnepeutpassavoir,danscettehistoire,quiestmanipuléetqui
manipule.Toutestaffairedejeux,dedéplacementsdupouvoirdansunthéâtreoù
sontbrouilléslesdifférentsplansdemiseenreprésentations.
Commel’asoulignérécemmentÉlianeViennot,iln’yapasderaisondemettreen
doutelanarrationqueMargueritedeValoisdonnedansses Mémoires.Lasœurdu
roiinsistesurlacraintedeCatherinedeMédicisdevoirleshuguenotsattenter«la
nuictmesme»contreleroietsapersonne.Toutpourraitalorss’êtrepassédansun
climatdepaniqueetd’improvisation,danslequeltouslesarguments,dontceluide
lacomplicitéduducd’Anjouetdelareinemèredansl’attentatdu22août,peuvent
avoir été présentés au roi pour le convaincre 116. Et puis il y aurait eu, peut-être,
une rixe préliminaire entre gardes du roi et gentilshommes huguenots auprès du
Louvre, qui a pu, bien que le conseil secret ait déjà eu lieu, donner une force
nouvelleàlapolitiquedusoupçon.
Il est encore fort possible que le roi et sa mère, dans cet univers d’incertitude,
aient eux-mêmes vécu comme enveloppés dans un brouillard durant les jours du
massacre, ce qui les aurait portés à remodeler sciemment leur argumentation. Ce
serait lorsqu’ils auraient discerné leur propre échec, puisque l’exécution d’un
nombrelimitédecapitaineshuguenotss’esttransforméeenuncrimecollectifque
riennesemblaitpouvoirarrêter,queCharlesIXauraitprisladécisiond’assumerla
totalitédelaviolencedevantleParlementetdoncd’amplifiercequirelèveraitdesa
«bizarrerie».Cettedécisionseraitunsacrificequ’ilauraitaccomplifaceàl’histoire,
mais aussi une tentative d’adaptation consciente et délibérée à l’effet même du
massacre.Etilestfondamentalde constaterquecetterationalisationcontinuéeet
mouvante du discours royal est l’objet de l’analyse des Mémoires de Gaspard de
Saulx-Tavannes,quiendécritlesscansionsdefaçonprécise,aprèsavoir rapporté
que la résolution d’origine de la royauté et de son conseil avait été dépassée par
l’irruptiond’uneviolenceintensedu «peuple» mettantàmort« indifferemment
hommes, femmes et enfants huguenots », « ne pouvant le Roy ny lesdicts
conseilliers retenir les armes qu’ils avoient debridées 117 ». Le roi, à partir de là,
aurait cherché à épouser le mouvement de l’histoire par un enchâssement de
discoursqui devaientlui permettre dedemeurer le maîtredu langage, etdonc de
l’histoire ; il est, à travers ses mots qui doivent dispenser l’information, le roi
rhéteur. Et le « coup d’estat » serait avant tout, dans cette ultime séquence, un
exercicedelangage.
Cecoupfaict,lacolererefroidie,leperilpassé,l’acteparoistplusgrand,plusformidableauxespritsrassis;
lesangespandublecelesconsciences.L’executiondel’acteavoitoccupélesentendements,tellementqu’ils
vacilloient aux pretextes, plusieurs fois changez selon les occurrences ; monstre qu’il n’y avoit rien de
premedité,etdeschargelesHuguenotsdel’accusationdel’entrepriseàeuxdepuisimputée.Lespremieres
lettresduRoycontenoientauxprincesestrangersetambassadeurs,quelablesseuredel’Admiralavoitesté
commiseparceuxdeGuise,sesennemis;lestilenestchangéapreslemeurtregeneraldesHuguenots,les
mesmes villes et ambassadeurs advertis par le Roy que c’estoient ceux de Guise qui avoient faict ce
massacre;bruitquieustcontinuésilesditssieursdeGuise,plusfins,cognoissansletemps,queleurrefus
nepouvoit retarder l’executionjà acheminée,n’eussent dit etpublié que cen’estoit eux,ains Sa Majesté,
qu’ils supplioient ne les vouloir mettre en bute à tous les heretiques de la chrestienté ; que puis que Sa
majestéen avoit peur,par plus forteraison lesdevoient-ils craindre. Leconseil r’assemblé,la foy violée,
l’himenarrousédesang,contraintd’inventeruntroisiesmemensonge.LesHuguenotssontaccusezd’avoir
voulutuerLeurs Majestez,dontla forcen’avoit donnétempsny moyend’user delaformalité dejustice,
avoitcontraintdelasupersederjusquesapresl’executionpourmieuxprevenirlaleur;qu’iln’yavoitdanger
dementirenlesaccusant,puisqu’enl’entreprisedeMeauxilsavoientfeintquel’oneustentreprissureux
pourprendre le Roy. Sa Majestéadvoüe l’acte assisen sa cour de parlement; l’Admiral traisné, penduà
Montfauconparlespieds,satesteenvoyéeàRome,lesprocessionsgeneralessefont.LesieurdeTavannes
separe les quartiers de la ville à plusieurs seigneurs, par le commandement du Roy, pour faire cesser le
meurtreetlepillage.

Ainsiquel’aévoquéFrançoisBillacois,l’effetmêmedudéchaînementdumassacre
collectifputêtreune«surprise»royaledevantcetteviolenceinattendue,maisune
surprise « divine » qui pouvait être récupérée. Non seulement elle affaiblissait
considérablement la Réforme française, mais en outre, comme le dira plus tard
Ludovico de Nevers-Gonzague, elle ne pouvait découler, aux yeux des
contemporains, que de l’accomplissement d’un mystère divin. Charles IX, en
assumant par sa parole la totalité du massacre, s’engouffrait dans un ordre
théophanique dont il pouvait espérer qu’il impliquerait non seulement une
adhésionplusdenseausystèmedelamonarchieabsoluequeMicheldeL’Hospital
avaitdéfinimaisaussiunreplivoireuneréductiondel’hérésie–cequed’ailleursles
nombreusesabjurations de la fin août et du début septembre semblèrent pouvoir
confirmer.Ildevint,souslaplumed’AmadisJamyn,«Charlessçavant,victorieuxet
sage118  », et un libelle publié par Pierre Luillier, un imprimeur proche de la
monarchieetquiparaîtavoirété,aprèslemassacre,l’outildediffusiondudiscours
de justification, le présenta comme le roi qui confirmait de façon spectaculaire la
vertudefoidetoussesancêtres,depuisClovis,«lepremierRoyquireceutenson
amelaReligionChrestienne,etquilepremierlaplantaenlaFrance».Clovisestle
roi qui, devenu chrétien, se rendit immédiatement « admirable persecuteur des
ennemisdelaFoyChrestienne,etdeceuxquiparimpuresetheretiquesopinions,
et par nouvelles sectes la voulloient polluer et souiller 119 ». Charles IX est figuré
commeleroiquiacherché,depuislecommencementdesonrègne,àguérirlaplaie
ouverteparlefaitmêmedeladiversitédereligion.D’unepart,ilamisfaceàface
dansdescolloquesetdesconférenceslesthéologienscatholiquesetcalvinistesetila
aussi promulgué des édits provisionnels qui permettaient aux réformés de vivre
dansleslibertésdeconscienceetdeculte.D’autrepart,c’estpardesactesdejustice
oudes guerres qu’il a agià leur égard. Mais c’estselon une déterminationdouble
qu’ilestditavoirpensésapolitiquefaceauxreligionnaires:celledela«necessité
dutemps»etcelledel’«avisdesonconseil».
LelibelleveutdoncassurerqueCharlesIXatouttentéavantlaSaint-Barthélemy
etqu’auboutdecettehistoire,ilyaeularencontreobligéeavectouslessouverains
quil’ontprécédé:pourlereposdesonroyaumeetl’unitédel’Église,ilaaccomplila
«justeexécution»deshérétiquesrebelles,«quiavoientconjurécontresavieetson
estat,ayantenunjourgaignéplusieursbataillesetplusfaitquecinqousixbatailles
n’avoientpeufaire,etrenduàl’ÉglisedelaFrancesonpremierhonneur,ungrand
reposàsessubjectzCatholiques,etlalibertédevivreseurementenleurreligion,et
àlaChrestientéunbontesmoignagedelasyncereetsainteaffectionenversDieuet
soneglise».Leroiestainsimisenscèneparletruchementdel’allégoriedubonet
savant chirurgien, qui a tenté les « onguents » doux avant d’être placé sous la
contrainted’userduferetdecouper«lachairmorte,afinquelaplayen’ayantrien
quilagaste,sepuisseconsolideretqu’ilnedemeureenicelleaucunepourriture».
Cetusagedelaviolencelui estvenud’une« saincteinspiration»dontDieului a
fait la grâce, et de cette victoire obtenue contre les ennemis de l’Église, il est
rapportéavoir remerciéDieu pardes jeûnes,des vœux,des jubilés,des aumônes,
desprièresetdesprocessionsgénérales120.
Encela,CharlesIXseraitlegouvernantquinerègnequeparlemouvementetse
réorienteconstammentenfonctiondel’«occasion121 ».C’estainsiquel’onpourrait
définir le « coup d’estat » royal, la faculté d’être et de ne pas être l’acteur de la
décision, parce qu’en définitive seul Dieu a été l’auteur de l’événement et en
connaît, dans son omniscience, les secrets. Pierre Luillier publie dans la même
tranche chronologique un Discours sur les causes de l’execution faite és personnes de
ceux qui avoient conjuré contre le Roy et son Estat, où il développe une approche de
l’histoire un peu différente, moins centrée sur les filiations pluriséculaires du roi
trèschrétienquesurlavisionpersonnellequil’aconduitàserésoudreaumassacre,
autermed’uneséquencedetreizeannéesquiavaientvusonroyaumeêtreagitéet
troublépresquecontinuellementdeguerrescivilesayantprocédédeladiversitéde
religion. Ce léger décalage par rapport au libelle précédent est intéressant, parce
qu’il révèle, au sein du même système de légitimation, des propositions de sens
sensiblementdifférenciées.Leshuguenotssontceuxquin’onteudecessed’attenter
«contrel’ÉtatetlaviedeleursPrinces»enserecouvrantdumanteaudeReligion
ou du « voile de piété ». Ils sont ainsi des hommes de la violence et de la
destruction,dela«fureur»,faceauxquelsleroiCharlesIXalongtempsexercésa
libéralitéetsapatience.Àleur«orgueiletsuperbe»,àleur«mauvaiseintention»,
partroisfois,ilaopposéles«doucesvoyes»,maissansrencontrerdegratitude.La
paixde1570n’apasapaisélemalquiétaiteneux:
Maisse sont tellement eslevezen orgueil et superbe…,ont tué les Catholiqueslà où ils ont estéles plus
forts:leurontempeschél’exercicedeleurReligion:ontsouventenpleinconseil,etmesmesenparticulier,
bravé le Roy par menasses de guerres, par importunscayers, et par fascheuses, injurieuses et picquantes
Remonstrantces,etparsuperbesRequestesetplaidoyers:jusquesàdire:sivousnefaictescela,vousaurez
laguerre:Sivousnenousfaictesjustice,nouslanousferons:etontuséd’autressemblablesfaçonsdefaire
etdeparlerpleinesdebraveirieetderebellion.

L’attentat du 22 août relève, alors, non pas d’un complot, mais du seul fait d’un
hommequel’Amiralauraitauparavantmenacédefairependre,et,commedansle
récitultérieurdeLouisDorléans,vientl’imaged’unsouverainqui,venuauchevet
dublessépourluidiresavolontédefairejustice,seheurteàlaviolencedelaparole
decedernier:«L’Admiral,quiparsablessureavoitdavantageulcerésoncourage
et ses desseins, et qui se sentoit plus offensé au cueur qu’au bras, pensant
faulsement que le Roy l’eust fait blesser pour le tuer et que Messieurs de Guise,
assistezdesamajesté,eussentpratiquéceluiquileblessa,seresolutdesevengeren
un mesme temps et d’un coup, du Roy et desicts seigneurs, et de les faire
massacrer.»Lesmenacessontprononcées,queleroi,d’abord,neveutpasprendre
ausérieux:«Silebrasestblessé,latestenel’estpas:s’ilmefaultcoupperlebras,
j’auray la teste de ceux qui en sont cause : ils pensoient me tuer, mais je les
previendray. » Dans ce libelle qui pourrait avoir été une préversion de la grande
fable qu’est le pamphlet de Guy du Faur de Pibrac, c’est après le déjeuner qu’un
conseil est secrètement réuni autour de l’Amiral et qu’est, le samedi, prise la
décisiondetuerleroi.Cen’estqu’ausoirquecedernierestprévenu.CharlesIX,
ici,estseul:
Il pensa qu’il falloit donner un prompt, souverain et rigoureux remède à une si prompte et cruelle
conspirationetentreprise,delaquellel’advertissementestoitasseuré,sanss’amuseràenfaireplusgrande
enqueste: car enmatiere d’advertissemens quiconcernent la vie,ou l’Estat desPrinces, dés qu’onen est
asseurément adverty, il fault venir à l’execution et punitions, devant que venir aux informations,
procedures et jugemens, ce que ne se fait en autres matieres d’advertissemens, ausquelles les jugemens
precedent les executions ; mais en celles-cy les executions doivent marcher les premiers, quand la
conjurationestmanifeste,puislesjugemensfontleurdevoiretesclarcissentcequiaestéfaict.

D’où l’ordre de punition exemplaire, donné le dimanche matin, à l’aube. À sept
heures,l’Admiraletlesprincipauxdesafactiononttousétéexécutésparcequia
étéun«justejugementdeDieu[…].Dieutardifàpunirlesmeschans,leurgardant
auciel ceste lentepunition, a choisynostre Roy pourministre et executeurde sa
fureur et ire, et luy a donné la volonté prompte et un moyen prompt de les
exterminer».Vintensuiteletempsdupeuple,quiparamourpoursonroi,aexercé
saviolenceetsa«fureur122».
Ces imprimés engagés sont importants : ils émanent de la sphère royale et ils
prouvent que le pouvoir a cherché avant tout, dans les jours qui suivirent le
massacre,àprocédertactiquementenobjectivantunelogiquedelaviolenceeten
diffusant une information structurée et cohérente centrée sur le mythe d’une
menace huguenote et sur l’évidence d’une action de salut de l’État divinement
inspirée. Mais, là encore, cette disponibilité de la monarchie à se plier aux
circonstancesenditlongsurcequiauraitpulaporterdanslanuitdu23-24août,
parcequ’ilfallaitrépondreàdespressionscontradictoires,àglisserd’unepolitique
deconcordeauchoixd’uneviolence,relevantdeceque,plustard,PhilipBenedict
nommera une « Realpolitik », et qui, dans ce livre, est nommé une politique de
l’énigme.

1.KatherineMacDonald,«Colorerlesfaits:lestatutduportraitgraphiquechezBrantôme»,SeizièmeSiècle,
n°3,2007,p.207-223.
2.Viesdesgrandscapitainesestrangersetfrançais,LudovicLalanne(éd.),t.1à5,inŒuvrescomplètesdePierrede
Bourdeille,seigneurdeBrantôme,publiéesd’aprèslesmanuscritsavecvariantesetfragmentsinéditspourlaSociétéde
l’histoiredeFrance,Paris,VveJulesRenouard,1864-1882,11vol.
3.«Dépositionnotariée,faiteàHeidelbergle7septembre1572»,op.cit.,p.377-381.
4. Scipion Dupleix, Histoire générale de France Avec l’Estat de l’Église et de l’Empire : Contenant l’histoire depuis
LouisXI,jusquesàHenryIII,3vol.,ÀParis,ChezClaudeSonnius,1637,t.III,p.745.
5.SommairemémorialdeJulesGassot,op.cit.,p.104-105.
6. Lettre de Joachim Opser à l’abbé de Saint-Gall, 26 août 1572, in « Deux lettres de couvent à couvent :
écritesdeParis,pendantlemassacredelaSaint-Barthélemy(lejourmêmeetlesurlendemain,25et26août)
parJoachim Opserde Wyl, jésuite,sous proviseurdu collège deClermont, à Paris,1572 »,Henri Martinet
F.JoachimOpser(éd.),BulletindelaSociétédel’histoireduprotestantismefrançais,vol.8,n°6/7,juin-juil.,p.284-
294.ÉdouardForestié,op.cit.,p.147-150.
7.PierredeVaissière,op.cit.,p.205.
8.CitéinJean-LouisBourgeon,L’AssassinatdeColigny,Genève,LibrairieDroz,1992,p.114.
9.Tavannesditquesurlepetitnombredecatholiquesparisiensqu’onavaitcommandés,lamoitiémanqua,
quoiquel’ordredes’armerémanât duroilui-même,il n’attribuequ’àlapeurcettedéfection. Brantômeparle
aussi des difficultés que firent les principaux de Paris, difficultés dont on ne vint à bout qu’en menaçant les
récalcitrantsdelesfairependre.
10.PierreMatthieu,Histoirede FrancesoubslesregnesdeFrançoisI,HenryII,FrançoisII,CharlesIX,HenryIII,
HenryIV,LouisXIII,3vol.,ÀParis,ClaudeSonnius,1631,t.I,p.344.
11.Jean-LouisBourgeon,L’Assassinat…,op.cit.,p.95.
12.Ibid.,p.96.
13.AntoineDauvin,«RaymonddeLaguo,capitainebéarnaisetgouverneurdeCaenpendantlesguerresde
Religion(1563-1578)»,RevuedePauetduBéarn,2016,p.17-51.
14.Voirlathèseinédited’AntoineDauvinsousladirectiond’AlainHugon,NormandieUniversité,2021,Un
mythedeconcordeurbaine?LecorpsdevilledeCaen,legouverneuretleroidurantlesguerresdeReligion(1557-1594),
p.220.
15.LettredeCavriana,27août1572, Revuedel’AunisetdelaSaintonge,3 eannée,1866,p.757-763.En1866,
Gabriel-Léopold Delayant, conservateur à la bibliothèque publique de La Rochelle, proposa la traduction
suivante:«LecapitaineLaguo,Basque,eutlachargedetuerLarochefoucauld,cequ’ilfitaussitôt,etilpritson
filsâgédedix-huitans,nédelasœurducomtedelaMirandole,àquileroiadonnélavieaveclesbiensdeson
père.Ilpromettaitseizemilleécusàcecapitaine,s’ilvoulaitluisauverlavie;maiscelaneluiréussitpas,leroi
voulaitjusticeetnondesrichesses.Guerqui[Guerchy],enseignedel’Amiral,réveilléparlebruitaveccinqdes
siens,sortitnudesamaisonpourserendreàlamaisondel’Amiral,maisLaguoluibarralepassageunépieuen
main,ill’entraversadepartenpartbienqueGuerquisedéfenditavecsonépéeetsonpoignard.»
16. Claire Laborde-Menjaud, « La seconde mort de l’ennemi. Dégradation de cadavre, interdiction de
sépultureetdestructiondesresteshumainsdanslaRomeantique»,Droitetcultures,82,2021/2,enligne.
17.MicheldeWaele,art.cité,p.97-115.
18.Jean-LouisMargolin,«Indonésie1965:unmassacreoublié», Revueinternationaledepolitiquecomparée,
vol.8[«L’utilisationpolitiquedesmassacres»],n°1,printemps2001,p.59-92.
19.Leradeauconfectionnéavecdescadavresdecatholiquesd’Orangeliéspardescordesestégalementunfait
despremièresguerresdeReligion.
20. Registres des délibérations du Bureau de la Ville de Paris, François Bonnardot (éd.), Paris, Imprimerie
nationale,1893,t.VII,p.10-11.
21. Agrippa d’Aubigné, Histoireuniverselle, Alphonse de Ruble (éd.), Paris, Librairie Renouard, 1889, t. III,
p.328-329.
22.LaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise,op.cit.,p.46.
23.Auboutdequinzeàvingtjoursd’expositionpublique,lecorpsdeColignyauraitétésecrètementenlevé
dugibetparlessoinsdesoncousin,lemaréchaldeMontmorency.
24.J.B.M.C.KervyndeLettenhove,op.cit.,t.II,p.610,etLouis-ProsperGachard,op.cit.,p.580.
25. Hugues Daussy, Le Parti huguenot. Chronique d’une désillusion 1557-1572, Genève, Librairie Droz, 2014,
p.761.
26. Lettre à Arnaud du Ferrier en date du 24 août, de deux jours antérieure à la déclaration devant le
Parlement,inJean-FrançoisLabourdette,CharlesIXetlapuissanceespagnole:diplomatieetguerresciviles:1563-
1574,ParisHonoréChampion,2013,p.447-448.
27.Ibid.,p.483.
28.Ibid.,p.482-483.
29.CitéinJean-MichelRibera,Diplomatieetespionnage.LesambassadeursduroideFranceauprèsdePhilippeII.
DutraitéduCateau-Cambrésis(1559)àlamortdeHenriIII(1589),Paris,ClassiquesGarnier,2018,p.327-328.
30.LuisaCapodieci,op.cit.,p.22.
31.Ibid.,p.199.
32.Ibid.,p.202-203.
33.IlariaTaddei,LaPrudenceaupouvoir.Florence, XIVe-XVe siècles,Paris,ClassiquesGarnier,2022,p.252-255,
surlemotif duserpentassocié àceluidu miroir.SurFlorence, citédela prudencepartagée,p.333-348. Sur
prudenceetdissimulation,p. 376-382.VoiraussiPhilippe Morel,«Virtù, Providenceetarcanesdu pouvoir
dans la salle des Audiences du Palazzo Vecchio », in Le Miroir et l’espace du prince dans l’art italien de la
Renaissance,PhilippeMorel(dir.),Tours,PressesuniversitairesFrançois-Rabelais,2012,p.195-218.
34.IlariaTaddei,op.cit.,p.390.
35.CorrespondancediplomatiquedeBertranddeSalignacdelaMotheFénelon…,op.cit.,t.5,ParisetLondres,1840,
p.122-123.
36.Paulin Paris, Correspondance du roiCharles IX et du sieurde Mandelot,gouverneur de Lyon,pendant l’année
1572,époquedumassacredelaSaint-Barthélemy,Paris,ChezCrapelet,1830.
37.«Tous»ausensdescapitaineshuguenots.
38.CitéparGeorgesGandy,art.cité,p.416.
39. Jacqueline Boucher, « Les lettres de Henri III au secrétaire d’État Villeroy : expression personnelle ou
politique?»,inL’ÉpistolaireauXVIesiècle,CahiersV.L.Saulnier,n°18,Paris,ÉditionsRued’Ulm,2001,p.207,
citéinNicolasLeRoux,«Leglaiveetlachair:lepouvoiretsonincarnationautempsdesderniersValois»,
Chrétiensetsociétés,NumérospécialII,-1,p.61-83.
40.LireMonneins.
41.SupplémentàlaCorrespondancediplomatiquedeBertranddeSalignacdelaMotheFénelon.Lettresadresséesde
laCouràl’Ambassadeur,ParisetLeipzig,BrockhausetAvenarius,1840,t.VII,p.330-333.
42.«LetteradelSenatoVeneto…,12diSettembre1572»,citéinDenisCrouzet,LaNuit…,op.cit.,p.455.
43.DonFrancésdeAlava,citéinibid.,p.308.
44. Jean de Serres, Inventaire general de l’Histoire de France, depuis Pharamond jusqu’à présent, À Paris, Chez
PierreMettayer,1627,p.716-719,citéinibid.,p.455.
45.SommairemémorialdeJulesGassot,op.cit.,p.107.
46. Lancelot-Voisin de La Popelinière, L’Histoire de France, Enrichie des plus notables occurrances survenues en
Provincesdel’Europe&paysvoisins,soitenPaixsoitenGuerre:tantpourlefaitSeculierqu’Ecclesiastic: Depuisl’an
1550jusquesàcestemps,2vol.,[Paris?],Del’imprimeriedeAbrahamH.,1581,t.2(liv.29),p.67.
47.Ilajoutequece«miracle»futl’artificed’uncordelier«pourfairecroirequelaFrancerecouvroitsabelle
fleurperduëcontretoutespoirhumain»,p.67.
48.LaSaint-BarthélemydevantleSénatdeVenise,op.cit.,p.24.
49.ClaudeHaton, op.cit.,FélixBourquelot(éd.),t.II,p.681-684,observequ’«ilnefaultlaisserenarrièrele
miraclequeDieudesmonstradedanslavilledeParis,aucymetièredeSaint-Innocent,lesjoursetnuictzdela
séditionsusditteetsaccagementduditadmiraletlessiens,quifuttelqu’ils’ensuit.Faultnoteretcroirequant-
et-quant,quededanslecymetièredemons.Saint-InnocentdeParis,yaunepetitechapelette,dedanslaquelle
est une ymage de la vierge Marie nostre dame, devant laquelle tous catholicques qui passent par là font la
révérenceet plusieurs semettent à genoux pourprier Dieu enl’honneur de la viergeMarie, mère deJésus-
Christ, et pour l’utilité des pauvres trépassez ; devant laquelle chapelle et ymage y avoit une espine blanche
plantée,quiaultresfoisavoitestéverteetbienreprinse,portantparplusieursannéesfeuilles,fleursetfruictz,
et quiestoit devenue morte et sèche il y avoit plus de quatre ans auparavantceste présente, sans avoir jetté
feuilles,fleursnifruictz,etn’enfaisoit-onaultrecasqued’unarbremortetsec.Lequelarbreouespine,dèsle
matin du saccagement ou sédition, fust veue reverdir de feuilles et fleurir de fleurs belles et blanches, ayans
pareille odeur que les fleurs d’espine blanche qui fleurissent au mois de may, et dura ce miracle l’espace de
quinze jours entiers, au veu etau sceu de tout le monde de Paris et aultres lieux qui y estoient et furent de
toutesparts durant ce temps.Icelle espine fust par toutespersonnes touchée et visitéeen son escorce, boys,
feuilles et fleurs, pour veoir si c’estoit point ung abus qui eust esté faict par art magicque ou enchantement
d’enchanteurs,sorciersouVaudois,etfuttrouvéquenon,maisquec’estoitlavertudeDieuquiyopéroit.»
50.LaPopelinière,op.cit.,t.II,p.68-69.«Ilcommandequesurl’heureonailledeffendreàsondetrompeetà
peine de la mort en tous les cantons de la ville : qu’aucun ne fust si hardi de tuer ame vivante, de piller ne
tourmenteraucunforsceuxquiserontordonnezpourcefaire.»
51.Ibid.,p.198.
52.Ibid.,p.199.
53.LettresdeCatherinedeMédicis,op.cit.,t.I,p.228-229.
54.RobertAulotte,«Ronsardetl’Institutionpourl’adolescencedeCharlesIX»,inFrenchRenaissanceStudies
inHonorofIsidoreSilver,FriedaS.Brown(dir.)[KentuckyRomanceQuarterly,vol.XXI,n°2],1974,p.29-38,qui
insistesurlesparallélismesavecMicheldeL’Hospital,danslesmodèlesd’Achab,deCharlemagneetdeDavid,
etlerefusdelaforcebrutaleparlePrinceayantpourpointdecompensationledevoird’obéissanceabsolue.
55.LettresdeCatherinedeMédicis,op.cit.,t.I,p.275.
56.Ibid.,t.I,p.282-283.
57.Pourlepassédecettepolitiquequiaccepteetintègreladissimulationcommeexpressiondelavertude
prudence, voir les développements in Denis Crouzet, Charles de Bourbon, connétable de France, Paris, Fayard,
2003,p.115-238.
58. Lettres de Catherinede Médicis…, op.cit., t. II, p.150-151. Est publiéla même année untexte qui semble
d’inspiration très érasmienne, Les Louanges et recommandations de la Paix, extraites de l’escriture saincte. Plus est
monstréquecestchose fortdeshonnestequeles Chrestiensayentguerreensemble.Avecune suasionàfairela Paix,au
regarddugrandtravailqu’ilfautsouffriràmenerlaguerre,etdesgransfraizqu’ilyfautfaire,ParJeanSaugrain,À
Lyon,1563,quidéfinitlepouvoirpolitiquecommeunpouvoird’amitiéetdeconcorde,etlafoicommetendant
àl’amitiéetàlacharité.Êtrechrétien,c’estparticiper«d’unmesmechef,quiestIesusChrist,ayansunmesme
pereéscieux,estansvisitezetconservezd’unmesmeesprit,ayantfaictlaprofesssiond’unemesmefoy,estans
rachetezd’unmesmesang,regenerezd’unmesmebaptesme…».Laguerreestlemal,n’apportantquemalheur,
donnantlagloireàdeshommesn’accomplissantquedesforfaits,faisantdel’injusticelajustice,rabaissantles
Chrétiensàsemontrerpiresquelespaïens.Cequel’onappelleledroitdelaguerreest«ledroictduDiable».
59.LettresdeCatherinedeMédicis…,op.cit.,t.I,p.577.
60.Ibid.,t.I,p.587.
61.Ibid.,t.I,p.599-600.
62.Ibid.,t.III,p.63.
63. BertranddeGordes,lieutenant généralduroienDauphiné, Correspondancereçue(1572),StéphaneGal, Mark
GreengrassetThierryRentet(éd.),Grenoble,PUG,2017.
64.LettresdeCatherinedeMédicis…,op.cit.,t.III,XI.
65.Ibid.,t.III,p.62.
66.Àtitred’exemple,FrèreThomasBeaux-amis,Remonstrancesalutaireauxdevoyezqu’iln’estpaspermisaux
subjects,sousquelquepretextequecesoit,leverlesarmescontreleurPrinceetRoy,letoutprouvéparl’escrituresaincte,À
Paris,ChezGuillaumeChaudiere,1567.
67.LettresdeCatherinedeMédicis…,op.cit.,t.III,p.73.
68.Ibid.,t.III,p.75.
69.Ibid.,t.III,p.84.
70.LevrayDiscoursdelabatailledonnée(parMonsieur)le13.jourdeMars,1569:(oùesttombémortleprincede
Condé).Avecleroolledesmortz,prisonniersetblessez,ParGuillaumeNyverd,ÀParis,1569.
71.CedernierfutexécutéparlemarquisdeVillars,dontleConnétableétaitlebeau-père.
72.JeanDorat,ŒuvrespoétiquesdeJeanDorat,poèteetinterprèteduRoy,op.cit.,p.35-39.
73.GenevièveDemerson,op.cit.,p.275-277.Doratneferaretourversl’idéaldepaixqu’aveclapaixdeSaint-
Germain,qu’ilchanteracommeunevictoiredelaclémenceroyale.
74.PierreChampion,LaJeunessedeHenriIII…,op.cit.,p.176.
75.LettresdeCatherinedeMédicis…,op.cit.,t.III,xlvii.
76.AmadisJamyn, ŒuvrespoétiquesPremierlivre, op.cit.,«Ode,sur labatailledeJarnac,àMonsieurBelot,
MaistredesRequestes»,p.210-213.
77.LettresdeCatherinedeMédicis…,op.cit.,t.III,p.277.
78.DiscoursdelaBatailleetcruelzassaultz,DonnezentreMont-contourt,Hervaulx,op.cit.
79.LaurentdeBourg,Discourssurlavictoirequ’ilapleuàDieud’envoyerauRoy…,op.cit.,Iiii-Iiiii.
80.Ronsard,Œuvrescomplètes,GustaveCohen(éd.),op.cit.,t.II,p.625-629,«L’Hydredesfaictoulalouange
deMonseigneurleDucd’Anjou,FrèreduRoy,àprésentRoydeFrance».Unepiècequifutpubliéeen1569
dansles Pænessive hymniin triplicemvictoriam,felicitate CaroliIX. Galliarvmregisinuictissimi, &Henrici fratris,
ducis Andegauensis virtute partam, Paris, in aedibus Ioannis Aurat, 1569. Voir Denis Crouzet, « Langages de
l’absoluité royale (1560-1576) », in Absolutismus, ein unersetzliches Forschungskonzept ? Eine deutsch-französische
Bilanz.L’Absolutisme,unconceptirremplaçable?Unemiseaupointfranco-allemande,LotharSchilling(dir.),Institut
historiqueallemand,Munich,2008,p.107-139.
81.NuccioOrdine,GiordanoBruno,Ronsardetlareligion,Paris,AlbinMichel,2004,p.93.
82. Voir Lambert Wiesing, « Virtuelle Realität : die Angleichung des Bildes an die Imagination », in id.,
ArtifiziellePräsenz.StudienzurPhilosophiedesBildes,Francfort-sur-le-Main,Suhrkamp,2005,p.107-124.
83.Il estsignificatifde voir quece texteest contemporainde lacritique anti-machiavavélienned’Innocent
Gentillet,Discourssurlesmoyensdebiengouverneretmaintenirenbonnepaixunroyaulmeouuneprincipaulté,divisé
entroisparties,àsavoir,duConseil,delareligion,etPolicequedoittenirunPrince,contreNicolasMachiavelFlorentin,
s.l.1576.InnocentGentilletadhèreaugroupedesMalcontents.MaiscommeonleverraP.D.s’attaqueàcequi
estlachevilleouvrièredeladémonstrationdeGentilletetaussidesmonarchomaques,c’est-à-direlathèsedela
préméditationetdel’influencedesmauvaiscourtisansteintésdemachiavélisme.C’estaussien1576queJean
BodindonneenfrançaislesSixlivresdelaRépubliqueavantl’éditionlatinede1586,DeRepublicalibrisex…
84.Surcettepaix,DiscoursdelapaixpubliéeaucampdeSetignyetàsensetdepuisaussiàParis,leRoyseantensa
courdeParlement,ÀParis,ParDenisduPré,[mai]1576,p.9-10.
85.AmiableaccusationetcharitableexcusedesmausetevenemensdelaFrance,pourmonstrerquelapaisetreunion
dessubjectsn’estmoinsnecessaireàl’Estatqu’elleestsouhaitableàchacunenparticulier,ÀParis,RobertLeMangnier,
1576, p. 49. Voir aussi François Secret, Postel revisité. Nouvelles recherches sur Guillaume Postel et son milieu.
[Premièresérie],Paris-Milan,Arché,1998,chap.VIII,«PierredeDampmartinetFrançoisd’Alençon»,p.51-
61,FrançoisBerriot,«EntrePlutarqueetMontaigne:PierredeDampmartindanssaConnoissanceetmerveilles
dumondeetdel’homme »,inFrançoisBerriot(dir.), Spiritualités,hétérodoxiesetimaginaires.ÉtudessurleMoyen
Âge et la Renaissance, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1994, p. 275-286 ; Mack
P. Holt, The Duke of Anjou and the Politique Struggle during the Wars of Religion, Cambridge, Cambridge
UniversityPress,1986,p.101et109.VoiraussiPierredeDampmartin,Delaconnaissanceetmerveillesdumonde
etdel’hommedediéauroytres-chrestienHenryIII.RoydeFranceetdePologne,ÀParis,ChezThomasPerier,1585.
86. Ibid., p. 51-54. Avec cette précision : « … le feu Roy, quoy qu’on le die avoir esté aspre et enclin à se
courroucer…»
87.Ibid.,p.68.
88.Ibid.,p.89.
89.Ibid.,p.63.
90. Un libelle, Remonstrance d’un bon Catholique françois, aux Trois estats de France, Qui s’assembleront à Blois,
suyvantleslettresdesaMajestéduVI.D’Aoust,presenteannée(M.D.L.XXVI.),s.l.,1576;àl’opposé, Advertissement
auxtroisestatsdelaFrance,surl’entretenementdelaPaix.AuRoytres-chrestienHenryIII.DunomRoydeFranceetde
Poulongne, À Paris, Pour François Tabert, 1576. Briesve remonstrance à la noblesse de France, sur le faict de la
DeclarationdeMonseigneurleDucd’Alençon,s.l.,1576,p.53-54.
91.PierredeDampmartindoitêtrecitéànouveau,dansunouvragequiluiesttardivementattribuéetquiest
intitulésignificativementLaFortunedecour…,Paris,chezNicolasdeSercy,1642(unepremièreéditionen1592,
àAnvers,sous letitre Du bonheurdela cour,etvraie felicitédumonde).Au coursdeson développement,ilen
vient à s’intéresser à nouveau au massacre de 1572 et reprend le principe d’une décision royale : la mort de
Colignyestlefaitd’uneactionaristocratiqueréunissantlesducsdeGuiseetd’Aumale,lebâtardd’Angoulême,
leducdeNeversetaussilessieursdeTavannesetdeLansac.Toutpartduroi,maisensuite,ilestimpossiblede
savoir pourquoi le roi a fait l’acte de violence. Toutes les hypothèses, pour lui, qui pourraient expliquer les
raisonsdece«coupd’État»,serévèlenttellementcontradictoiresqu’ilnedemeurequelemystèreinsondable
del’acte…
92.Montaigne,LesEssais,MauriceRat(éd.),2vol.,Paris,1962,t.I,p.314,unecitationdePorcusLatroqui
peut être traduite ainsi : « les morsures de la nécessité aux abois sont très graves ». Voir Robert J. Collins,
«Montaigne’srejectionofReasonofStatein“Del’utileetdel’honneste”»,SixteenthCenturyJournal,t.XXXIII,
n°1,p.71-94.
93. Jean Crespin, Histoire des martyrs persécutez et mis à mort pour la vérité de l’Évangile de puis le temps des
Apostresjusquesàprésent(1619),D.BenoitetM.Lelièvre(éd.),Toulouse,1889,4°H80(3),p.667.
94.Discourssurlavictoirequ’ilapleuàDieud’envoyerauroy,surleshéréticquesetrebelles:avecdiversespreuvesde
l’assurancedenostrevictoire:jointeuneexhortationàseresiouyrenDieuetàlouerleschefsdecesteguerre,etunchant
d’allégresseàtoutlepeupledeFrance.ÀMonsieurdeMandelotgouverneurdeLyon,ÀParis,ParDenisduPré,1570,
p.27.
95.WilhelmGottliebSoldan,LaFranceetlaSaint-Barthélemy,Paris,LibrairiedeCh.Meyrueisetcomp.,1855,
p.57.
96.AbelDesjardins, op. cit.,t.III, LettredeVincenzoAlamanni àFrançoisde Médicis,11novembre1572,
p.859.
97.LouisDorléans,Histoiredel’originedelaLigue,BnF,Msfr.4922,microfilm352,fol.1-71.
98. Cette situation clé du colloque de Poissy est déjà présente dans Louis Dorléans, Advertissement des
CatholiquesangloisauxFrançoisCatholiques,dudangeroùilssontdeperdreleurReligion,etd’expérimenter,commeen
Angleterre,lacruautédesMinistress’ilsreçoiventàlacouronneunRoyquisoitHeretique,1586/1588,p.17.
99.Laréférence,ici,estMalachieIII,19.
100.Ontrouvelenéologismeaussi,avantPierreCharron,dansEstiennePasquier,Lettreshistoriquespourles
années 1556-1594, Dorothy Thickett (éd.), Genève-Paris, Librairie Droz, 1966, Lettre VI, Livre XIII, « À
Monsieur Airault », p. 368, à propos de l’assassinat du duc de Guise : « Or comme cette mort est un coup
d’Estat…»IlestpossiblequecettelettreaitétérécriteparPasquierdisposantdumatériauintellectueldu«coup
d’estat».Surleconceptderaisond’Étatetsespremiersusages,MarcelGauchet,«L’Étataumiroirdelaraison
d’État:laFranceetlachrétienté»,inYves-CharlesZarka(dir.),Raisonetdéraisond’État,Paris,PUF,1994.
101.AnalysebrèvedecetexteinÉtienneThuau,Raisond’Étatetpenséepolitiqueàl’époquedeRichelieu,Athènes,
Institut français d’Athènes, 1966, p. 38-39, rééd. Paris, Albin Michel, « Bibliothèque de l’Évolution de
l’humanité », 2000. Sur l’essor de la pensée tacitiste à la Renaissance, Kenneth C. Schellhase, Tacitus in
RenaissancePoliticalThought,Chicago-Londres,UniversityofChicagoPress,1976.
102. Yves-Marie Bercé, « Les coups de majesté des rois de France, 1588, 1617, 1661 », in Complots et
conjurations dans l’Europe moderne. Actes du colloque international, Rome, 30 septembre-2 octobre 1993, Yves-
MarieBercéetElenaFasano-Guarini(dir.),Rome,ÉcolefrançaisedeRome,1996,p.491-505.
103.Gabriel Naudé, Considérations politiquessur les coups d’État.Précédé de Pour une théoriebaroque de l’action
politique,LouisMarin(dir.),Paris,LesÉditionsdeParis,1988,p.18.
104.Ibid.,p.20.
105.Voirsurcepoint,Jean-LouisFournel,«LecturesdeGuichardin.Véritéshistoriquesetébauchesd’une
raisond’Étatà lafrançaise »,in LaCirculation deshommeset desœuvres entrela Franceetl’Italie àl’époque dela
Renaissance,JoséGuidietal.(dir.),Paris,UniversitédelaSorbonneNouvelle,1992,p.165-187.
106.HierosmeChomedeyestletraducteurdeSalluste,L’HistoiredelaconjurationdeCatilin,ÀParis,PourAbel
l’Angelier,1575.Aveccetavertissement:«Ceuxquiusurperontleglaive,perirontparleglaive.»
107. François Guichardin, Histoire des guerres d’Italie. Écritte en Italien… et traduitte en François par Hierosme
Chomdey,GentilhommeetConseillerdelavilledeParis,Paris,ChezMichelSonnius,1577,p.1.
108.GuillaumeCardascia,«UnlecteurdeMachiavelàlacourdeFrance:JacopoCorbinelli»,Humanismeet
Renaissance,IV,1938,p.445-452.
109. Richard Tuck, Philosophy and Government 1572-1651, Cambridge, Cambridge University Press, 1993,
p.39-45.
110.MichelSimonin,CharlesIX,Paris,Fayard,1995,p.327-328.
111.BnF,Msfr.4897,Recueild’undialogue,auquelestintroduiteAlythie,c’estàdireverité,laquelleestlogéeences
quartiersdelaHongrie,quiestsouzlapuissanceduTurc,parl’Autheurquiestmeconnu:sicen’estqu’aucunsl’attribuent
ausrduPlessis,delamaisondeBouy,Huguenot,fol.58.
112.Ibid.,fol.72.
113.EstiennePasquier,op.cit.,p.208.
114.Ibid.,p.211.
115.Ibid.,p.370.
116.ÉlianeViennot,«ÀproposdelaSaint-BarthélemyetdesMémoiresdeMargueritedeValois», Revue
d’HistoirelittérairedelaFrance,sept.-oct.1996,n°5,p.894-917,icip.898.
117.GuillaumedeSaulx…,op.cit.,t.3/25,p.298-299.
118.CitéparM.Simonin,op.cit.,p.357.
119. De la religion catholique et foy chrestienne des Roys de France. Œuvre par lequel est monstrée la devotion, et
l’affectiondesdictsRoysenversleschosessainctesetlapunitionpareuxfaictedesheretiquesetdesrebelles,ÀParis,à
l’OlivierdePierreLuillier,1572,Aiii.
120.Ibid.,H-Hii.
121.VoirsurcepointBnF,CinqcentsdeColbert,Ms7,fol.425-6,MémoiredonnéauseigneurChangyallant
trouverlesieurdeVilliersle27aoust1572(VilliersLespaulx).
122.Discourssurlescausesdel’executionfaicteéspersonnesdeceuxquiavoientconiurécontreleRoyetsonEstat,À
Paris,Àl’OlivierdeP.L’Huillier,1572.
CHAPITREVI

Unetrèsgrandetuerieparuntoutpetitnombre?

Tout récemment, une voie nouvelle a été empruntée dans un travail de haute
tenueheuristiquequiacherchéàredéfinirlescontoursd’unehistoirealternative.
Ils’esteneffetagidecontourner,avecunescientificitéexigeante,laquestiondu
« sens » en changeant d’angle d’appréhension et en basculant dans une approche
microfactuelleconçuecommeunoutilpertinentpourcomprendrel’extraordinaire
ampleurdelaviolenced’août1572etparveniràlaréhistoriciser.Ouplutôtd’une
conception déterministe de la causalité qui régirait les configurations sociales en
laissant«parler»lesseulsfaits–icidesmicro-faits–,selonlaformulationcritique
de Max Weber, et donc en les dotant d’une faculté d’élocution outrepassant les
écartstemporels.

Quandladonnedel’écriturehistoriquechange

AvecTousceuxquitombent,JérémieFoaaeneffetchangéladonnedel’écriturede
l’histoiredesmatines parisiennes:il choisitdedéporterl’analysehors delaquête
d’une intelligibilité de l’engrenage qui aurait généré la tuerie effroyable d’août-
septembre1572;horsdoncd’unerecherchesurcequiauraitétélefonctionnement
d’une machine infernale. À ses yeux, les questionnements traditionnels ne sont
désormaisplusnécessairesdanslamesureoùonensauraitassezsurlebackground
même du crime ainsi que sur ses mécanismes : « Pourquoi dès lors s’échiner à
bêchercesterroirsdudéjà-luetdusibiendit?»CatherinedeMédicis,danscette
optique, n’est plus une « matrone abusive et sanguinaire », et « de nombreux
historiensontpointédesresponsabilitésautresquecelledelareinemère:[…]le
poids des ingérences internationales et […] le rôle décisif de la milice parisienne
danslesviolences».
Jérémie Foa construit une sociographie compréhensive des gestes criminels de
tueurs parisiens nominalement identifiés, et la déconnecte intentionnellement de
l’examen des dynamiques pouvant avoir conditionné le basculement généralisé
d’une cité de plus de 280 000-300 000 habitants dans la violence la plus
dévastatrice1 . Ce seraient 3 000 huguenots qui auraient été assassinés, selon les
évaluationsentérinéesparJérémieFoa,dontilesttoutefoispossiblequ’ellessoient
minimalistes. Mais « plutôt qu’une autre histoire de la Saint-Barthélemy », il
souligne avoir voulu écrire une histoire par le « bas », celle « des autres dans la
Saint-Barthélemy » : « Une histoire du petit, du commun, du banal dans un
événement qui assurément ne l’est guère », qui « tourne donc le dos au Louvre,
délaisselemonarque,lesGuiseetleursintrigues,ignorelongtempsColignyoula
reine mère 2 », sans pourtant oublier d’intégrer l’émotion devant les drames
particularisés qui peuvent être reconstitués. Cette histoire gravite autour d’un
double questionnement portant sur des « vies minuscules »3  : d’une part,
« comment des hommes ordinaires ont-ils pu soudain égorger leurs voisins de
toujours?»,et,d’autrepart,commentunpetitnombredetueursdemassea-t-ilpu
exécuterunactecriminelaussiterrible?
D’où, malgré tout, une interrogation qui vient d’emblée au lecteur : n’est-ce pas
une facilité de laisser en arrière ce qui serait une histoire « par le haut », sans
laquellel’histoire«parlebas»n’auraitcertainementpaseulieuet,surtout,n’aurait
pas pris une si épouvantable ampleur ? N’y aurait-il pas, en conséquence, une
situationdedéficitheuristiquequiseraitinhérenteàladémonstrationetàsonparti
pris,àlaquellesesuperposeraitlepetitnombredescasétudiés?L’historienpeut-il
scinderl’histoireentrele«haut»etle«bas»,etpeut-ilseprévaloird’unpouvoirsi
absolu qui le mettrait en mesure de « passer le passé à l’ultraviolet – retrouver
quelque chose des disparus », sans intégrer dans sa démarche les processus de
violencesquiseraientvenusdu«haut»?
Le massacre impliquerait, toujours selon Jérémie Foa, un savoir et surtout une
actualisationd’«habituscohérents»,quiattesteraientdela«troublantecontinuité
entre l’avant et l’instant du crime ». Il donnerait à penser à une planification
mortifèrecertesimproviséedanslaplusgrandeurgence,maisréutilisantdesacquis
accumulés durant les années antérieures et autorisant une connaissance
systématisée, par avance, de ses cibles. Selon Jérémie Foa, la temporalité
d’exceptionquis’ouvreautrèspetitmatindu24aoûtfaitremonteràlasurfacede
consciencesengagéesdepuislongtempsdansladéfensedelafoicatholiquetoutun
passif sociétal, allant de conflits ou de contentieux intrafamiliaux ou
intraprofessionnels, de frustrations ou de jalousies sociales ou économiques à un
mécontentementmilitantdevantlespaixdereligionautermedesquelles,àchaque
occasion depuis 1563, une politique de l’oubliance des méfaits, « tors et injures
passées»deshuguenotsavaitétéentérinéeparlepouvoirroyal.PourJérémieFoa,
« le massacre de la Saint-Barthélemy est l’histoire d’une longue lassitude des
catholiquesdevantlespromessesnontenues.Dixfoislesplustenacesontétéjetés
enprison,ontjurédevivrebonscatholiques.Dixfoisonlesaarrêtés»etsanscesse
«ilsontétélibérésenpromettantunebonneconduite4».
Quelqueshommesauraientcapitaliséunsavoiraufildesannées,un«butin»qui
auraitétéun«l’annuaireduprotestantismeparisien».Troisd’entreeux,danscette
perspective,sontresponsablesdelamoitiédes504incarcérationspourhérésieàla
Conciergerieentreoctobre1567etaoût15705.«Sanseux,pas demassacre.Très
vite, ils ont pu, grâce au charisme durement acquis dans les rues de la capitale,
mobiliser leurs amis, leurs collègues, fidèles ou gros bras prêts à tous les coups
tordus6.»Des compagnonsde tueriebienfantomatiques puisqu’aucund’euxn’est
cité avec précision ! Jérémie Foa dévoile des cas symptomatiques d’une violence
désinhibante grâce à des recherches paléographiques aussi pointues qu’inédites :
MaryeRobertestpeut-êtreunevictimedesonmari,àcausedesonprotestantisme
qui avait pu avoir socialement pénalisé ce dernier redevenu bon catholique, mais
aussiparce que sa mort lui permet de se remarier bien vite avec une veuve, avec
laquelleilauraitentretenupeut-êtredès auparavantuneliaison7.Ladémarchede
Jérémie Foa recoupe alors les Mémoires de l’estat de France sous Charles Neufiesme,
contenansleschosesplusnotables,faitesetpubliéestantparlesCatholiquesqueparceuxde
la religion…, du pasteur Simon Goulard8  (1576-1577) et de l’Histoire des martyrs
persecutezetmisàmortpourlavéritédel’Évangile(1582-1619)9 , dontlesrécitsdela
Saint-Barthélemy dépeignent souvent l’action mortifère de voisins ou de proches
pourdémontrer que le crime collectif se seraitcouvert du manteau de la religion
alors qu’en réalité, selon le paradigme des massacres de l’Antiquité romaine, les
pirespassionsintimesagitaientlestueurs.
Le projet de Jérémie Foa a donc été le suivant : « Repeupler le massacre,
singularisersesprotagonistes,c’estainsisedonnerlesmoyensdesavoirsilatuerie
abienété«manifestementmotivéeparlareligion»ousimplementlégitiméepar
ellemaisexercée«pourdetoutautresmotifs»?Est-ilpossibledesavoirsileurs
motivations furent uniques ou plurielles, religieuses ou séculières, conscientes ou
inconscientes10 ?»Estdépeinteunesociétéquientreenviolencepoursepurgerde
sestensionsinternesdontlapluparttiennentcertesàunehainedereligioncouplée
à des passions particulières, mais aussi qui ont pour fin de tirer des bénéfices
matériels des décès que l’occasion rendrait enfin possibles11. Ce qui a intéressé
Jérémie Foa est moins le massacre en tant qu’interrogation herméneutique sur le
rapportentre la transcendanceet la violence que lesmassacrés, dont l’échantillon
est cependant trop réduit pour ne pas laisser le lecteur sur sa faim. La
démonstration procède par la voie d’une imputation causaliste qui est fragile
épistémologiquement puisqu’elle repose sur les données d’une psychologie
conflictuellequiseraitinhérenteàdesrapportssociauxdeproximité.
L’analyseaurait ceci de novateurqu’elle ne limite pas lemassacre à un crime de
foule tuant à l’aveugle ceux et celles qui se laissent immédiatement identifier
commeméconnaissantlesrudimentsde la« vraiereligion».Le massacreestune
tuerievouluepardesParisiensquisaventquiilsdoiventtuer,quiconnaissentleurs
victimes dans un contexte où la vie continue tout autour d’eux, qui les ont
clairementidentifiéesdepuis1562.Cependant,ilfautledire,lesexemplesmettant
en scène et en actes un groupe au sein duquel se distinguent les porteurs de la
châssedesainteGenevièvesontdérisoirementpeunombreuxparrapportauxplus
de4000victimes,voireplus,protestantes.
Ces tueurs de la fin août 1572 auraient été « une poignée », une vingtaine de
«bons »ou «vrais »catholiquespeut-être, entraînantdansleur sillagemortifère
certainsbourgeoisdelamiliceenarmes.Lepillageauraitétélefaitdeprofiteursde
leurscrimes,entrés dansles 400à 600maisonsinvesties auparavantparceux qui
onttoutde «serialkillers»procédantàuneopérationsystématiquedepurification
del’espaceparisien.Onpourraitrajouterquecesvraistueursavaientétédepuisdes
années à l’écoute des prédicateurs eschatologiques dont la parole saturait l’espace
public,ilsauraientétédesParisiensangoisséspourleursalutetauxaguetsfaceàla
menacequi,àleursyeux,minaitdel’intérieurleurcité.Ilsauraientétéintensément
dansl’attentequelegrandjouradviennepourexhiberdansParisl’intensitédeleur
foi en faisant couler le sang impur de religionnaires qui avaient pris part
auparavant,directementouindirectement,àdestueriesdeprêtresoudemoines,à
des profanations et destructions iconoclastes, et qui honoraient un dieu ennemi
d’une Église romaine qu’ils voulaient voir anéantie. Des « religionnaires » qui
profanaientlagloiredivineenseprésumantprédestinésausalutetensouillantde
leurserreursetmensongeslavilledeParis.
Les assassins de Jérémie Foa étaient des hommes en nombre restreint, qui « se
connaissaient»;et,commeilsavaientpersécutélesdissidentsparisiensdelafoide
manièreparalégaleauparavant,ilsavaientdoncacquiscequiauraitété«unsavoir-
faire»qu’ilneleurauraitpasétédifficiledemobiliserdurantlespremièresheures
dudimanche24août.Lapulsionde violenceauraitpréexistédansl’imaginairede
ceshommesquiseprécipitentdanslafaillequis’ouvresoudaindevanteuxaprèsle
meurtredel’AmiraldeColignyetleurpermetdemettreenfinàmortceuxetcelles
avecquiilsonteu«unecertaineintimité»etunefamiliarité.Ilyauraiteuaussià
leurscôtés,auseinde«l’infiniegammedesmotivationsalternativesàlareligion»,
les«opportunistesqui profitentdesviolencespour réglerdescomptes, selibérer
d’ennemisoudeconcurrentsvoired’épousesencombrantes».
D’oùunegénéralisationpeut-êtretropaventureuse:«Ilnemesemblepasjustifié
d’attribuer la majorité des assassinats de la Saint-Barthélemy à une « foule », ni
même peut-être à un collectif, tant nombre d’assassinats ont été commis les yeux
danslesyeux,pardesindividusprécissurdesindividusprécis.»PourJérémieFoa,
ce n’est pas l’anonymat de la foule qui rendrait compte de la toute-puissance
criminelle d’août 1572 ainsi possiblement désinhibée : « Il me semble qu’au
contraire,lefaitquelestueursconnaissaientlestuésafavorisénonseulementleur
mise à mort mais aussi la violence avec laquelle les bourreaux ont œuvré, a
posteriori,àdéshumaniserleursvictimes.»Lestueursnesontdoncpasune«foule
anonyme » s’attaquant à des cibles également « anonymes » : « Il y a des
interconnaissances très fortes entre les tueurs et les tués. Ce sont ces
interconnaissances qui ont permis précisément le massacre. » La vingtaine de
tueurs de masse auraient, par leurs actions perçues comme exemplaires et justes,
livré le Paris protestant au pillage ou au saccage par ceux qui sont alertés et
accourent pour prendre part à un événement basculant alors des meurtres à la
curée : « coffres effondrés, bahuts renversés, chambres et placards fouillés. L’or,
l’argenterie,leschevaux,l’argent,touts’envole.»
PourJérémieFoa,«lamiliceestaucentredetout»,etilnefautpasimpliquerce
qu’ilnomme« lechaoscollectif,irresponsable,aveugle etanonyme» qui«a bon
dos12».Cetteaffirmationposeévidemmentunproblèmecapital:nefaudrait-ilpas
distinguerdes responsabilitésen chaîne, celle des soldats du pouvoir et de Guise,
quiouvrentletempsdelaviolenceendonnantl’impressionquetuerestordonné
parleroi,celle,ensuite,delamilicequicibledesprotestantsparmid’autresetqui
contribueàexemplariserundevoirdeviolence,etenfin«lepeuple»quis’empare
intensémentdecedevoircommec’estsouventlecasdansnombredepogroms–et
qui«fait»laSaint-Barthélemy.
Certes,JérémieFoaafaitladécouvertedesourcesdanslesquellessontnommésà
plusieurs reprises des tueurs de masse, les Pezou, Croizier, Chenet, Tanchou, qui
semblentavoirétélespromoteursdecertainesactionscriminelleslaissantentrevoir
leur rôle qui, hypothétiquement, aurait été déterminant : « le groupe d’hommes
motivésetorganisés,quiontmisenœuvrelesmassacres,tandisquelamajoritéde
leurs voisins catholiques faisaient autre chose, vaquaient à leurs occupations,
vivaient leur vie ». Dans cette optique, est adressée au lecteur une déclaration
d’intention,parlaquelleilaffirme«refuserdepointerenbloclesParisiens,pire,le
« peuple », trop souvent accusé des pires tueries, pour mieux s’arrêter sur ceux,
bonsbourgeois,capables,entempsvoulu,d’organiserunimpitoyablemassacrede
civils13 ». Une question taraude le lecteur : pourquoi le « peuple », à la fois de
voisinset de curieux motivés par leur foi, ne peut-il pas avoir pris part au crime
alorsquenombredetémoignagesledésignent?

Leparadigmed’unmassacredevoisins
C’est le modèle du « massacre de proximité » des Tutsi développé en 2014 par
HélèneDumasquiesttransposérétrospectivementdanslecoursdel’étéparisiende
157214 ,unmodèlecoupléàceluide«micrologiques»quisontcellesdelarueou
duquartier.Êtreuntueur,c’estallerauplusprèsdesoi,dansl’espacedufoyeroude
la famille ou encore du métier et donc de la rue, pour régler des conflits de
différentstypesoudeshainesrecuitesquipeuventviserlafemme,leneveu,l’oncle,
latante,levoisindumêmemétier,lecollègue,afindemettrelamainsurdesbiens
matériels,del’argent…
Unevisionpsychologisante,quioublielapartinsistantedudevoirreligieux,ouce
qu’auraitétélerapportd’unefoiviveàcetteprédationimplacable.Et,quienoutre
neprécisepasbiencequ’ilfautentendrepar«voisins»danslemondeparisiendu
secondXVIesiècle,nedéfinitpascequepeutavoirétél’expérienceduvoisinage,ses
limitesetsesextensionsvirtuellesspécifiquesdansunetrèsgrandecitéquin’estpas
un gros bourg du Rwanda. Qu’est-ce qu’habiter à Paris, donc dans un univers
élastique et interactif, en 1572, qu’est-ce que faire relation, qu’est-ce qu’être dans
unecohabitancedansuntempsdeconflits,quelleestladifférenceentrevoisinage
et interconnaissance ? En bref, les « voisins » de Jérémie Foa ne sont-ils pas des
acteurstrèsflousdesVêpresparisiennesetsont-ilssi«voisins»qu’ilestavancéde
leursvictimes?
Lesassassinsde1572sontdesbourgeoisoudesartisans,desmembresdelamilice
bourgeoise, et c’est un petit noyau distinctif qui peut alors être repéré, à l’image
d’un de ceux qui ont été mémorisés dans les rares notations de contemporains :
Thomas Croizier, le tireur d’or qui était un des porteurs de la chasse de sainte
Genevièveetquihabitait,danslaValléedeMisère,uneruellevoisinedupontdes
Meuniers, une maison à la porte peinte en rouge dans laquelle auraient été
assassinésplusde500à600protestantsetprotestantes15.Unchrétienfréquentant
l’égliseSaint-JacquesdelaBoucherie,activistedemini-terreursparisiennesdurant
lesdeuxièmeettroisièmeguerresciviles,etquiaurait,seloncequiestrevenuaux
oreillesdeTomassoSasseti,tuédesamainplusde400huguenotsets’envantait!
Jérémie Foa démontre que ces tueurs n’ont jamais été pénalisés par le pouvoir
royal,etmêmeThomasCroizierrachètelamaisond’undeceuxqu’ilaassassinés,
l’orfèvreMathurinLussault,etymeurtbiendesannéesplustard.DansleParisde
l’été 1572 et des années qui suivent, « tout le monde connaît les coupables car,
commeàParisouàLyon,lestueriesontétépilotéesparunepoignéedenotables
qui ne se cachent pas ». Jérémie Foa rejoint ici indirectement Agrippa d’Aubigné
qui avança qu’un des théâtres du massacre aurait eu effectivement pour cadre la
maison de la Vallée de Misère, qui aurait servi de quartier général durant les
premiers jours de la violence à de présumés tueurs en série, « ou tous ou partie
d’eux»:leursvictimesétaiententraînéesjusqu’àlaported’entréepeinteenrouge,
puisjetéesdanslaSeine.
Etles coulpables ont conté que levendredi ils avoyent poignardé etprécipité une femme, de laquelle ils
avoyent voulu voir les cheveux avant la tuer, et que ses cheveux s’estoyent entortillez en une cheville,
suspendans le corps en l’eau jusques aux mammelles, qui ne pût tomber pour quelques pierres qu’ils lui
jettèrent,etautrescorpsprécipitezenmesmelieu,maisque,ledimanche,sonmari,amenéetrecogneupar
aucunsd’eux,despeschéenmesmeplace,tombadesdeuxbrassurlecoldesafemmeetl’emporta16 .

Maisil«nesuffitpasdedétesterpourtuer»,sedoit-ond’ajouterensuivantpasà
pasJérémieFoa.Lespassionssont-ellesd’ailleursunobjethistorique?Nedoit-on
pasêtreprudentensuivanticiMaxWeber,observantquelafinalitéd’unescience
dela«vieculturellehumaine»est«d’ouvrirlacompréhensionintellectuelleaux
idéespourlesquellesleshommesontluttéetcontinuentdeluttersoitenréalitésoit
enapparence17».Des«idées»etdoncdesimaginaires,etnonpasunemécanique
passionnelle!
En marge de la démonstration de Jérémie Foa, il convient de s’interroger sur le
systèmedesymbolisationquipourraitressortirdelaporterougedusinistrelogis
du tireur d’or Croizier. Serait-ce une allusion à la Passion du Christ, comme la
porterougequiouvraitaunordsurlechœurdeNotre-DamedeParisetquiserait
liée au symbolisme du cerf luttant contre les serpents et donc une image de
l’homme saint cherchant Dieu et luttant contre le péché, Christ cerf entre les
cerfs18 ? Car le rouge peut avoir été une couleur de défi à la foi réformée19  qui
l’associait à la luxure, l’orgueil ou la colère. N’y aurait-il pas une forme de
déclarationdefoichristiqueaffichéeàl’entréedulieuprésuméduchâtiment?Une
porte rouge comme le sang du Christ, comme ses plaies20 ? Une porte qui
rappelleraitlanécessitéd’unevengeancedesangcontredeshérétiquesaccuséspar
la polémique catholique d’avoir, depuis 1562, par leurs atrocités iconoclastes et
leurstueriesdeprêtres,recrucifiéleChristenbrisantlescrucifixouenpiétinantles
hosties?Uneportequipeutnousinviteràsoupçonnerqueletueurensérieaurait
puêtreanimé,demanièreexhibitionnisteetproclaméesymboliquement,d’unefoi
bibliqueluicommandantdemettreimplacablementàmortceuxquiparticipaientà
sesyeuxd’ungrandprojetdedestructiondelafoi?
Cette porte rouge n’avait-elle pas, pour le tireur d’or, la finalité symbolique de
protéger contre l’Ange de la Mort et ne renvoyait-elle pas à Hébreux 2, 28 et à
l’institution de la Pâque par Moïse ordonnant d’enduire de sang les portes des
maisons,afinquel’Exterminateurnetuepaslesfilspremiers-nésdesHébreux21?
Dans ce cas, Thomas Croizier aurait été plus un guerrier de Dieu à l’image des
fidèlesparisiensdelareligiontraditionnellequ’unparanoïaqueplanificateurde la
violence.Etsamaisonauraitétémémoriséedufaitdelahauteexpressivitédeson
pouvoirsymbolique.Cependant,pourJérémieFoa,lecritèredécisifestceluid’une
violenced’abordvicinicide22:cen’estpaslecas,cependant,ducapitaineMichelqui
entrechezleprésidentPierredelaPlacearméd’unearquebuseetd’unepistoleen
proclamant«quelesieurdeGuiseavoittuéparlecommandementduroil’Amiral
etd’autresseigneurshuguenots» etajouteque lavolontédu roiestque «toutle
restedesHuguenotsdequelquequalitéqu’ilsfussent,estoyentdestinezàlamort».
Puis,leprésidentestvisitéparNicolasdeBauffremont,barondeSennecey,prévôt
del’Hôtel,quirevientlelendemain25aoûtavecdesarchers,etlivréensuiteàdes
tueurs probablement apostés par le boucher Pezou rue de la Verrerie (« certains
meurtriersquil’attendoyentlà»).Ilestassassinéàcoupsdedagues,soncorpsétant
emporté jusqu’à une étable dépendant de l’Hôtel de ville : là, « la face lui fut
couvertedefiens,etlelendemainmatinfuttraînéàlarivière».Lestueurstuenten
seplaçantsousleregarddeDieu.Lamortaiciunesignificationthéophaniqueau
sensoùelleétablitunevéritéendisantqueleprésidentavaitétéaveugletoutesa
viedurantetquesonsavoirn’étaitquenéantfaceàlajusticedeDieu.
Ilyabieneu uneviolencebourgeoisequiestcelledes commissaires,capitaines,
quarteniersetdizeniersdeParisqui«alloyentavecleursgensdemaisonetmaison,
làoùilscuidoyenttrouverdesHuguenots23 »etquipouvaientavoirdeslistes,rue
par rue, des maisons où habitaient les ennemis de Dieu. D’autres capitaines de
quartierapparaissentenunepremièrelignecriminelle,commeChoquart,mercier
du palais, et Cosme Carré, papetier. Mais ne faut-il pas tenir compte, aussi et
fondamentalement, de ceux qui surgissent en avant de la violence, « les
crocheteurs,belistresetbatteursdepavé»,detousceuxdoncquin’ontpaslaisséde
nomsetqui,parlàmême,échappentàtoutrecensementetcadrage?Surtout,les
tueursdeJérémieFoanesuffisentpasàfairequelemassacreaitétéunetueriede
masse. Il est évident que des anonymes se sont aussi mobilisés pour mettre en
fonctionnementleprocessusassassin:citonslecasdeCharlesPerrierleJeune,fils
du libraire Charles Perier installé dans la rue Jean de Beauvais, qui réussit à
successivementéchapperàplusieursassassinsenquêtedeproies,maisqui,avecson
pèreetundesesjeunesfrères,futidentifiéetcapturésurlePont-au-Change.Ilfut
conduitauprévôtClaudeMarcel,quidonnal’ordrequ’onl’emmèneàlaprisonde
laConciergerie24 .«Etcommecejeunehommeeustrequisd’estremenéàCosme
Carré papetier, et Capitaine du quartier, auquel il avoir conoissance, à cause du
trafic de papier pour la librairie, ce capitaine ne luy voulut aider aucunement,
tellementqu’ilfuttrainésurlepontauxmusniers,daguédeplusieurscoups,jetté
enl’eaueetachevéparlesmariniers 25.»Lestueurssemblentavoirtentéd’avoirun
blanc-seing de celui qui avait sous son autorité la milice, puis d’un capitaine de
celle-ci,etilsfinissentpartuerenquelquesortecommepardépit.
Jérémie Foa décrit une morphogénèse plausible du crime, mais, dans son
interprétation, la dimension d’activisme gestuel collectif est limitée à une micro-
minorité militante de Dieu appliquant froidement une logique annihilatrice
demeurant,àmonsens,horsdupossiblephysiquedetueursmêmeshyper-motivés.
D’où une interrogation : cette approche n’est-elle pas trop réductive dans ses
propositions explicatives d’un massacre dont une chanson catholique
contemporaine marqua non seulement l’ampleur quasi innumérable des victimes,
maisaussilefaitqu’ilétaitéprouvécommesalvifiqueparlesParisiensreprésentés
chantantunanimementleurjoie?Saréalitédépassaitladictiondesesacteursetde
sesvictimesdanslamesureoùc’étaitun«nous»quirevendiquaitd’enavoirexercé
laresponsabilité.Etpasuntoutpetitnombre!Maisbienplutôtuntriomphedela
Transcendance:
Descavojrnombrertesmorts
C’estunechoseimpossible;
Sansfin,sanscesse,lescorps,
Pendantlafureurterrible,
Tantdesmallesquefemelles
Estoyenttousjettezdansl’eau
Pouremporterlesnouvelles
JusquesaRouensansbateau.
Endépitdel’Antechrist
Catholiques,jevousprie,
ServonstousjoursJesus-Christ
AussilaviergeMarie,
EnsuivonslasaincteÉglise
DeJesus-Christtoutpuissant
Afinquenouspuissionsestre
DeParadisJouissans26 .

Et, évidemment, se repose ici la question, déjà envisagée et d’ordre simplement
pratique, de savoir comment ce « petit nombre », au sein duquel certains
revendiquentoucaptentlagloired’avoirétédesassassinsdemasse,apuaccomplir
une tuerie d’une aussi grande ampleur en seulement quelques jours. Seraient-ils
devenusdessurhommesdotésd’uneforceextraordinairepourquadrillerParisavec
leursacolytes,traînerlesvivantsjusqu’àuncoupe-gorgeetytueràlachaîneleurs
victimes?D’autantqueleshuguenotsethuguenotesamenésparleurstortionnaires
sur les rives de la Seine ou sur un des ponts proches, et assommés ou percés de
coupsavantd’êtrejetésdansleseauxsemblentavoirététrèsnombreux.Iln’enest
pasmoinscertainque lessourcesinforment dece quebeaucoupde victimessont
misesàmortdansleurrue,etjetéessurlepavé.
Disons-ledemanièreappuyée:pourtuer,ilfautconnaîtrequiilfauttuerouêtre
guidé vers ceux qu’il faut tuer, et alors le fait de la violence de vicinité, dans une
dynamiquecumulative,seraituneconditionsinequanondel’ampleurdumassacre;
et Jérémie Foa aurait raison d’aborder la violence de 1572 sous cet angle : « Les
ressourcesdesmassacreurssontd’unetroublantebanalité:cequisertàtuer,c’estla
connaissanceduvisagedesvoisins,laconnaissancedeleuradresse,deleurnom–
savoirpatiemmentacquisentempsdepaixdanslarue,autravail,auxhalles.»
Ladémonstrationestséduisante,tropséduisantecertainement.Sestueursensérie
sont des hommes ayant acquis durant les troubles de religion un « savoir » qui,
peut-être, leur a permis de lister ceux et celles qui étaient hérétiques et qui ne
méritaient que la mort parce qu’ils offensaient Dieu. Mais, si nous réfléchissons
sereinement, est-il besoin d’être un bourgeois de la milice pour disposer d’un tel
savoir ? Tout Parisien peut avoir ce savoir. Le protestant de l’Évangile n’est pas
invisibledansParis,surtoutenpériodedepaix.Ilnepratiquepaslenicodémisme,
bienaucontraire:ilmontre,voireexhibesonobéissanceauxcommandementsde
Dieu,entravaillantdanssonatelierledimanche,ennesesignantpasquandilpasse
devantuneimagesainteapposéesurunmur,enquittantlacapitalepourserendre
au prêche dominical, en portant des vêtements qui répondent aux exigences de
« modération » de Calvin. Il n’y a pas besoin d’être un Thomas Croizier ou de
fréquentersamaisonàproximitédelaValléedeMisèrepourêtreenmesured’être
untueurdepersonnesquiontétévues,croisées,dévisagées,identifiéesaugrédes
déambulations ou déplacements individuelles dans Paris. Au quotidien, les
protestants sont là, car leur foi en un Dieu de miséricorde les accompagne dans
touteslesheuresdeleursvies,lesportantànepascacherleurreligionquiest,pour
eux, celle des premiers temps d’après la Passion, restituée après des siècles
d’enténèbrementsvoulusetentretenusparl’Égliseromaine.ToutParisienpeutêtre
un tueur au matin du 24 août, dans son voisinage immédiat, mais aussi plus loin
encore,parcequ’ilsaitoùilpeutobéiràl’appeldivinquiretentitdanslacapitale.
Est-il nécessaire de circonscrire de manière aussi restrictive la sphère de la
violenceàcelled’une«sociétédeproches»,uneviolenceperpétrée«enmétriques
pédestres par leurs voisins sur leurs voisins27 ». La micro-histoire peut être un
piège enfermant l’historien dans un monde artificiel. Certes il peut y avoir des
donnéesautorisantle croisementdes gestesde 1572avec ceuxaccomplisdans les
villagesduRwandad’avril-juillet1994ou,auparavant,danslesvillagesukrainiens
des années 1918-1921. Mais Paris est une très grande ville, et ses quartiers
comptent, pour certains, jusqu’à plus de 20 000 habitants. Est-ce la configuration
adaptéepouropéreruntransfertdumodèleruralvaloriséparHélèneDumaspour
leRwandaetdesmodalitésd’interconnaissancequiyrègne?Ilyaeusansdoutele
faitduvicinicide,ilfautlereconnaître,maisilyaeuplusetpeut-êtrepluspuissant
si l’on pense anthropologiquement en termes de sollicitation à devenir un
meurtrieroùquel’onsetrouve,prèsouloindechezsoi.LaSaint-Barthélemyn’a-t-
ellepasétéuneeffroyabletueriecollectiveparcequeleshabitantsdelacapitaleont
étéportésàserendrelàoùdescrisetdeshurlementss’entendaient…?L’appeldu
vacarme, de la douleur, des paroles de haine, du fracas des coups, la voix
confusément atroce de ce qui était imaginé être la voix de la justice du roi et de
Dieu–queSimonGoulardtentaplustarddefairerésonnerdanslesespritsdeses
lecteurs pour les aider à comprendre le basculement des Parisiens dans un crime
n’ayantcesséplusieursjoursetnuitsdemultipliersesvictimes–n’ont-ilspasexercé
unesorted’envoûtementincitatifàsejoindreàlafureurlàoùelleétaitàl’œuvre?
Lepapierpleureroitsijerecitoislesblasphemeshorriblesquifurentprononcezparcesmonstres,etdiables
encharnez, pendant la fureur de tant de massacres. La tempeste, le son continuel des harquebouzes et
pistoles,les cris lamentables eteffroyables de ceux qu’onbourreloit, les hurlemens deces meurtriers, les
corpsjettezparlesfenestres,trainezparlesfangesavecdeshuéesetsifflemensestranges,lesbrisemensdes
portes et des fenestres,les cailloux qu’on faisoit voler contre, et les pillages de plus de six cens maisons,
continuanslonguement28…

Une anecdote donne à réfléchir : elle concerne le boucher Nicolas Pezou qui,
devantCharlesIX,seseraitglorifiéd’avoirlui-même,durantuneseulejournée,mis
àmort120 hommeset femmeset d’enavoirle mêmenombre enréserve pourle
lendemain29! Si le roi estdépeint se mettant àrire face à ce quiressemble à une
forfanterieouuneaffabulation,neserait-ced’ailleurspasparcequ’iln’auraitpasété
duped’uneparoled’auto-exaltationmeurtrièredestinéeàretenirsonattentionsur
un homme qui se met en scène comme ayant exercé une violence paroxysmique
dontilimaginequ’elleledésigneraitcommeunserviteurexemplairedesonroiet
devantrecevoirunerécompensedelapartdecedernier30?
En allant au-delà de la démonstration horizontale de Jérémie Foa, on peut
déplacer le regard en constatant que la ritualisation des violences, en août 1572,
sursignifie dramatiquement l’hérétique en l’exhibant publiquement dans sa mort
même comme ayant rompu avec Dieu et subissant un châtiment répondant aux
exigencesdelaParoledeDieu.Unpeucommelesnazisformatésparl’idéalitéd’une
Rassenbiologieprétendaientreconnaîtrequiétaitde«sangjuif»etexprimaientdans
leurs violences mêmes la projection-spectacle d’une idéologie raciste représentant
les Juifs comme des « vermines parasites » dont la destruction était censée avoir
une portée salvifique pour une « race aryenne » hantée par la menace d’une
impuretécorrompantsonsangsupérieur.Unpeuencorecommel’idéologieraciste
des Hutus faisait qu’ils donnaient la mort aux Tutsi par des rituels publics de
purificationtelsquelesincendiesmeurtriersdeséglisesoùilss’étaientréfugiés;des
églisesquipouvaient,avantd’êtrebrûlées,avoirétédesabattoirsexprimant,sousle
regardimmédiatdeDieu,labestialitédeceuxquimouraient,leurnatureparasitaire
parvoie d’identification à la vermine, auxcancrelats, aux serpents, etc.Ils étaient
dénudés, puis dépecés et donc projetés dans l’imaginaire d’animalité biblique que
plaquaientsureuxlestueurs.Laviolencesemblealorsavoirétéunjeusymbolisant
le retour à un âge d’or d’abondance alimentaire qui allait être consécutif de la
disparitiondeceuxquiperturbaientparleurprésuméeavariceetcupiditél’ordrede
la Création. Si l’on part alors de la clef analytique de la sur-signification,
l’interrogationsurlemassacredoitporterplussurlasymboliquedesgestestueurs
quesurlesprésuméstueurs.

Unequestiond’adéquationàlaviolencepogromique
À mon sens, ce serait plutôt dans l’univers des pogroms urbains qu’il faudrait
enquêter pour essayer de comprendre une logique de la violence qui mobilise
toutes les strates de la société, par-delà les interconnaissances, le voisinage, les
antagonismes de personnes. La violence, en 1572 comme durant les XIX e-
XXIe siècles, ne surgit pas plus de réactions instinctives que d’une déraison

improbable, mais elle participe d’une culture intériorisée au fil des années, d’une
maturation ou d’un mûrissement dans une psyché collective progressivement
formatée à la négation de l’autre qui fait partie, en toute logique, de l’espace du
voisinage, surtout dans une grande ville comme Paris. Au point qu’on peut se
demandersilevicinicideestlanécessitéoriginelledelaviolenceextrême,s’iln’ya
pas une « normalité » à ce que tout massacre cible de manière privilégiée les
voisins.Ontued’abordceuxqu’onconnaîtetqu’onsaitappartenantàunealtérité
qu’ilfautdetouteurgenceréduireavantd’allerplusloindanslaviolence.
C’estcequiressortdesanalysesdonnéesàproposdestueriesquiontfaitautour
de 1 000-2 000 victimes musulmanes dans l’état du Gujarat, en février-
mars200231:corpsmutilésetsouventbrûlésvifsenmanièrededénonciationdece
quelesmusulmansneprocèdentpasàlacrémationdeleursmorts,aprèsavoirété
préalablement torturés et violés comme s’il avait fallu retarder le plus possible
l’instant même de la mort. Or il est frappant de noter qu’une organisation
extrémiste nationale-hindoue avait diffusé, bien avant les tueries, un manuel
invitant à ruiner toute trace de l’islam, à commencer par les mosquées et les
mausoléesdesaintsmusulmans,etquelesmassacresontétéorchestrésinitialement
par des responsables politiques du BJP32 ou par des autorités religieuses, avec le
supportdelapoliceet,cequinousintéresseici,lacollaborationdelabureaucratie
locale : celle-ci a fourni les documents, listes électorales ou liste de l’assiette de
l’impôt,permettantdelocaliserdefaçonprécisesleshabitationsdesmusulmans,de
leslister,cellesdeshindousétantpréventivementmarquésdelasvastikaensigne
de protection33. Une justice et, surtout, une police aux ordres, et des voisins qui
tuent ensuite leurs voisins mais appuyés par le renfort de foules venues des
quartiers ou de villages environnants… La violence est donc produite par un
conglomératcomposited’acteurs.L’impulsionpremièreestpolitique;s’yengouffre
ensuite un « nous » qui semble signifier que la dynamique est prioritairement
collective.
Un des planificateurs des inhumanités advenues dans deux quartiers
d’Ahmedabad, Babu Bajrangi, qui était le chef de la branche gujaratie du Bajrang
Dal, put ensuite se targuer lui-même de pratiques de cruauté qui font écho aux
grandsrituelseuropéensd’annihilation,dontceluide157234 ,ainsiqued’uneparole
apologiquedelui-même:
«ÀNaroda[Gam]etNarodaPatiya,nousn’avonsépargnéaucunmagasinmusulman,nouslesavonstous
brûlésettués…Nouslesavonsbrûlésparcequecesbâtardsdisentqu’ilsneveulentpasêtreincinérés,ils
ontpeurdeça…Ilestécritdansmonacted’accusation…ilyavaitunefemmeenceinte,jel’aiéventrée…
[Je]leuraimontrédequeltypedevengeancenoussommescapablessilesnôtressonttués…Jenesuispas
unchétifmangeurderiz.Jen’aiépargnépersonne…Ilsnedevraientpasavoirledroitdesereproduire…Je
le dis aujourd’hui encore… Quel qu’il soit, femme, enfant… Il n’y a rien d’autre à faire d’eux que de les
découper.Lesécraser,lestrancher,lesbrûler,cesbâtards…JemesentaiscommeRanaPratap,quej’avais
faitquelquechosecommeMaharanaPratap35 .»

Etpeut-être,commedansleParisde1572,yeut-ilunmassacred’Étatquinesedit
pas dès lors que la figure manipulatrice de Narendra Modi se dessine en arrière-
plan, un massacre d’État surdimensionné en un massacre de foule ? Le parallèle
serait d’autant plus frappant qu’en amont de la violence il y avait eu, à Godhra,
l’incendie de la voiture S6 du Sabarmarti Express transportant des pèlerins
nationalistes hindous. On accusa des musulmans, sur un montage documentaire
peut-être fabriqué de toutes pièces, mais aux effets dévastateurs parce qu’ayant
légitimélerecoursàlaviolence36 .
Certainesdesplaintesquipurentêtreenregistréesmontrentbienquelaviolence
collective,sielle estarticulée demanière apparenteau vicinicide,dépend d’autres
facteursensonorigineetensondéroulement;néanmoins,lesmatinesparisiennes,
si elles virent l’intervention des voisins, sont difficiles à réduire à ce paramètre
premier. Une femme enceinte de cinq mois, victime d’un viol collectif dans son
villageduGujaratdurantlesémeutesdu3mars2002,rapportaqu’elleavaitassisté
auvioldetroisdesesparentsetàl’assassinatdesapetitefillepardesvoisinsqu’elle
connaissaitbien.Dansunautredistrict,l’interconnaissancemassacreurs-massacrés
apourcadrelevillageetlesviolencesquis’ydéroulentontpourprotagonistesdes
voisinsdesvictimes,oudesHindousdesvillagesproches.LetémoignagedeRania,
àproposdesmicro-quartiersd’Ahmedabadmême,recoupelerécitdelaplupartdes
victimes quant au degré d’interconnaissances liant attaquants et attaqués : « Les
gensquiontdétruitmamaison,jelesconnais.»
Lesvoisinsontdoncfourniunélémentclédupogrom:laconnaissancedeslieux
et, dès lors, la possibilité de cibler efficacement les musulmans. Mais les faits
dénotent une certaine complexité : c’est ainsi que Rahil souligne que « les
attaquantsétaientd’icietdel’extérieur»;«ceuxdel’extérieurdonnaientlesarmes
etencourageaientleslocauxàagirentenantdesdiscourshaineux».Puisildétaille
les « soixante-dix maisons brûlées, une centaine, détruites, plus de quatre cents
pillées».Et desfemmes ontétééviscérées dansune symboliqued’annihilationde
l’altérité,d’autresétantexploséesde l’intérieuravecdesmèches placéesdansleurs
partiesintimes37.Leshommes,pourleurpart,ontétécastrésoumêmebrûlésvifs
aprèsavoirétépourcertainsviolés.L’Étatalaisséfaire,aveclecasparadigmatique
d’une ministre guidant un groupe d’attaquants vers le quartier de Naroda Patya,
tandis que le massacre de 97 personnes se déroulait à proximité immédiate du
commissariatlocalsanssusciterl’interventiondelapolice.IlyeutcequeCharlotte
Thomas note comme une « ingénierie locale de la violence » plus complexe que
cellequeJérémieFoavoitenfonctionnementen1572,quiaimantenonseulement
les voisins mais une foule des rues proches et moins proches ou des villages ou
quartierspeuéloignés.Cequinousindiqueraitquelalogiqueinterned’unpogrom
dépendrait d’une concaténation de trois types de tueurs : d’abord une autorité
politique impliquée de manière distanciée, ensuite des voisins, et enfin une
«foule»quijouelerôlemoteurdelatueriedemasse.
JérémieFoas’appuiesurlamortdePierreBaillet,marchandteinturierdemeurant
rueSaint-Denis,pour donnerun exempletypede vicinicide.Le récit,collationné
par Simon Goulard et édité en 1579, rapporte que, sur la minuit, l’attention du
marchandestretenuepar«lebruitdesarmesparlarue»etqu’ildemandeàunde
sesserviteursdesortirpoursavoirdequoiilressort.Des«voisinsarmez»donnent
l’ordre au serviteur de rentrer et de dire à son maître qu’il « se tinst quoi ». Ils
ajoutent qu’ils sont mobilisés parce que le bruit court d’un projet consécutif à
l’assassinatdel’Amiraletqu’«ilsestoyentenarmespour empescherlasédition».
Onpeutsedemandersices«voisins»sontd’ailleursdesvoisinssiimmédiatsqu’il
paraît,s’ilsnesontpasdesmiliciensenchargeduguetderuesoudeplacesproches,
donc connus dans le microquartier où vit et travaille Pierre Baillet. On peut
imaginer,sanstrops’avancer,quecesontdeshommesdelamilicebourgeoisequi
ont été mobilisés à la demande du roi par le prévôt Le Charron pour quadriller
Paris durant la nuit et éviter tout débordement. Dans la deuxième séquence, la
narrationexemplariseunemortconformeàunefoiaxéesurl’absoluemiséricorde
de Dieu. Pierre Baillet, « entendant ces nouvelles, connut que c’estoit fait de sa
vie». Ilréveille sa femmeet sessept enfants,et tous prient.Troisième séquence,
dontGoulardneditpasàquelleheureellesedéroule:onsonneàla«clochette»
delademeure.Safemmeouvrelaporteetestsouffletée.Etalorsl’histoiredevient
une illustration d’un protestantisme travaillé par le motif stoïcien du mépris du
monde à travers la figure sacrificielle du marchand teinturier s’improvisant pater
familias.Iln’estplusquestioncettefois-cidevoisins,maisde«meurtriers»:«[…]
descendit promptement, et d’une parole ferme dit qu’on laissast sa femme pour
gouverner ses petits enfans, qu’il estoit le chef de la maison pour respondre à ce
qu’on voudroit demander ». L’ultime séquence voit ses visiteurs le conduire à la
prisondel’abbayeSaint-Magloireetl’incarcérer«quelquetemps»enexigeantune
rançon qu’il dit ne pas être en mesure de leur donner au prétexte « qu’il n’avoit
grandsmoyens».C’estdevantlaportedelaprisonqu’ilestalorsassomméettué,
devantdeuxdesesfils.Lestueurssontanonymes,cequidonneraitàsupposerqu’ils
n’auraientpasétédesvoisins.
LespogromsdelaRussiedelafindu XIX esiècleetdudébutdu XXesièclerévèlent
deuxparadigmes:ilyeutd’aborddespogroms,plutôtspontanés,quiintervinrent
danslecadredecommunautésdevoisinsetsuivirentl’assassinatdutsarAlexandre
II, le 1 er mars 1881 ou le meurtre d’un garçonnet à Dubossary en Moldavie en
avril1903,fantasméenmeurtrerituel,stimulésparlapassivitéoulacomplicitédes
forcesdel’ordre.Le6avril,premierjourdesPâqueschrétiennes,desbandesd’entre
vingt-trente hommes, prennent le contrôle de la ville de Kischinev, attaquant et
pillantoudémolissantlesmaisonsdesJuifs,puismassacranttoutenbénéficiantde
l’inaction de la police38 . Nicolas Werth a démontré qu’il y eut un autre
fonctionnement de la violence durant la Grande Guerre, débutant par des
expulsionsdeJuifsdeszonesvoisinesdelaguerreetdespogromsquiatteignirent
leurintensitémaximaleen1917:
Lespogromsétaientleplussouventinitiéspardesbandesdedéserteursoudessoldatsdegarnisondevenus
maîtresdepetitesvillesoùplusaucuneautoritén’étaitenmesured’assurerl’ordrepublic.LesJuifsétaient
attaquéssousleprétexteque,selivrantaucommerce,ilsspéculaientsurlespénuriesetfaisaientmonterles
prix;enréalité,l’occasionétaittropbelledeselivrerimpunémentaupillageetauxprofanations.Lesplus
grandspogromseurentlieuenseptembreetoctobre1917,àTambov,Roslavl,Gomel,BobrouïsketNesvij.
Cespillages,accompagnésd’exactions(misesàsacdesynagogues,profanationsdecimetières),deviolsetde
massacres,s’inscrivaientclairementdansleprolongementdepratiquesmisesenœuvre,demanièrecertes
plus«ordonnée»,parl’arméerusseaucoursdesdeuxannéesprécédentes39.

Et donc plus des soldats ou d’opportunistes et moins des voisins ! Avec le
détonateur que jouèrent sans doute des tracts alors mis en circulation pour
annoncerquelaRussiecouraitlerisquededevenirunenouvelleJudée:«Puisqu’il
enestainsi,mesfrères,crionsàl’occasiondenotregrandeFêteaunomduSauveur
quiversasonsangpournous,crions:ÀbaslesJuifs!Tuezcesinfâmesdégénérés,
cesbuveursdesang,quis’enivrentdenotresangrusse.»
Ilpeutyavoirfusionentrelemodèledesvoisinsetceluidessoldats,aveclepillage
et les meurtres « en seconde ligne » qui sont accomplis par les voisins subissant
l’attraction des maisons pillées, des tueries accomplies et entrant en lice. On ne
serait peut-être ici guère loin de la Saint-Barthélemy, avec les soldats, la milice
bourgeoise, les voisins et le « peuple40 ». Limiter le massacre de 1572 à un
vicinicide,ensuivantl’exempledeMariePassart,estpeut-êtrefaireduparticulierle
général.Certes«l’ineffaçableblessured’uneressemblanceentrelesmortsàveniret
les vivants qui les précipitent explique l’acharnement avec lequel les coups
pleuvent, et pourquoi ils sont souvent portés au visage des victimes41 ». Mais la
modélisation du massacre ainsi proposée n’est-elle pas trompeuse ? Paris est une
ville immense, et sans doute faut-il imaginer l’interconnaissance de manière plus
limitativeou,plutôt,lesprofilssociauxdesmassacreursplusvariés.
Enoutre, lepogrom, danssa typologieplurielle, meten actionsouvent, en plus
des voisins, des acteurs externes à la communauté, qui font certes partie d’un
environnement géographique, mais à distance. Le vendredi 4 avril 1920, jour de
«grandeprière»,unefoulede600pèlerinsrentredansJérusalemet,excitéeparle
mairedelaville,scande:«NousboironslesangdesJuifs»,«ÉgorgezlesJuifs».
S’ensuiventquatrejoursdeviolences,durantlesquelsdesJuifssonttuésoumutilés
et leurs biens saccagés et pillés, de nombreuses femmes étant violées. Toujours à
Jérusalem,levendredi23août1929,jourdela«grandeprière»,c’estune«foule
arabe»quivientennombredanslavillesainte.Aprèslaprisedeparoledel’imam,
ausortirdelamosquée,l’assautestdonnéauxespacesdeviejuive.Pasdesvoisins,
maisdeshommesarmésdesabres,gourdins,massuesetfourchesquidévastentle
quartierdelavieillevillejouxtantl’esplanadedesMosquées,puissedirigentversle
quartierdeMéaShéarim.LaviolencegagneTel-Aviv,Haïfa,tandisque60%des
villagesjuifsdePalestinesontattaqués.ÀHébron,lelendemain,soixante-septJuifs
sonttués,dontdouzefemmesettroisenfants,etlacommunautéjuivequittedeux
jours plus tard la ville dans l’urgence, tétanisée par les atrocités qui avaient
accompagnélamobilisationarabe,racontéesparAlbertLondresdansLeJuiferrant
estarrivé : « Ils coupèrent desmains, ils coupèrent des doigts,ils maintinrent des
têtesau-dessusd’unréchaud,ilspratiquèrentl’énucléationdesyeux.[…]Onmutile
leshommes.Lesfillesde13ans,lesmèresetlesgrands-mères,onlesbousculadans
le sang et on les viola en chœur 42. » Mais pas de signe de vicinicide, ce qui est,
logique,puisquelesJuifsvivaientdansdesespacesparticularisés.Etunequestion:
cespogromsnesont-ilspasprochesdestueriesdelaSaint-Barthélemy?
Lesvoisinsjoueraienttoutefois,sil’onconsidèreavecattentionlecasduGujarat
en2002,unrôledestimuli.Ilsprocèdentaumontagedescènesquiseraientàlafois
excitativesetfédérantesparcequ’ellesportentenellesunemémoireexemplarisant
ledevoirdetuer.Ilssontdespédagoguesdudevoirdetuer43.Maislaplupartdes
assassinats sont un fait communautaire dépassant le seuil d’une violence de
voisinage.Ils’agitd’unestratégiedepurificationcollectivequirenvoieàunefoule
criminellestimuléeparunmotd’ordreobsessionnel:«Nousnevoulonspaslaisser
un seul musulman vivant au Gujarat. […] Éliminez les musulmans de l’Inde
[Bharat] […]. Lorsqu’ils régnaient en maître, les rois musulmans forçaient leurs
frèreshindousàseconvertiretcommettaientlespiresatrocitésàleurégard.Etil
enseraainsitantquelesmusulmansneserontpasexterminés[…].Ilesttempsque
les hindous des villages fassent cause commune avec les hindous des villes et
parachèventl’œuvred’anéantissementdesmusulmans44.»Lesrécitsdessurvivants
montrent que les agressions répondent à l’exultation d’une foule qui assiège les
maisonsoulesenvahit,lesinondepourélectrocuterleshabitants,oucontraintdes
enfantsàboiredukérozèneavantdelanceruneallumettedansleursbouches.Les
voisinssontsansdoutelà,maisaumilieud’unefouleàquiontétédistribuéesdes
listes de maisons à attaquer. Un des tracts mis en circulation appelait les
« hindous » à procéder tous à l’anéantissement des « miyas », et le chef de
l’organisationnationalisteVishwaHinduParishad(VHP)déclaraensuitequecequi
avaiteulieuétait«lapremièreréponsedonnéeaufondamentalismemusulmanpar
les Hindous en mille ans de temps. » Et donc une « mass violence » d’autant plus
intensequelapolicerefusedevenirenaideàceuxquisontciblésetqu’elleintègre
des « voisins attaquant des voisins dans le cadre de la violence collective » elle-
mêmesansdoutepréparée45.Lesvoisinssegreffentalorssurl’événement,sansen
être les acteurs déterminants. 97 musulmans sont tués durant le massacre de
Naroda Patiya, au cours d’une « mob of approximately 5 000 people » régie par le
Bajrang Dal, un courant du Vishwa Hindu Parishad ayant fait allégeance au
Bharatija Janata Party de Narenda Mody. Et donc la question : durant la Saint-
Barthélemy,nedevrait-onpasreléguerausecondplanl’hypothèsed’unvicinicide
face à une omniprésence récurrente de la foule ? Ne devrait-on pas inscrire les
noces de sang d’août 1572 dans la perspective d’une anthropologie parallèle des
crimesintracommunautaires.

Enreveniràlaviolencecollective

Les crimes d’août 1572 paraissent avoir été des spectacles que l’on vient voir et
applaudir ou à proximité desquels on erre dans l’espoir de pouvoir récupérer un
vêtementouunobjettoutenparticipantàdesoccasionsmeurtrières.Sansdoutey
a-t-ildes assassinatsdont lapremière séquenceest le sondes coups depoing aux
portesàl’initiativedecousins,deneveux,devoisinsdumêmemétier,maislelieu
de la violence est, de manière nécessaire, un lieu de convergence sociale,
d’excitationpartagéeàlavuedusangquicoule,deperceptiondescrisdedouleur,
de suivi ou d’accompagnement des corps tirés vers la Seine, et, en conséquence,
d’inclusiondansun «tumultus»libérateurparcequesotériologiquepourtousceux
quiseveulentêtreles«vraiscatholiques»parisiens.D’autantquelesrécitsdonnés
par Simon Goulard procèdent d’une logique pastorale : ne valorisent-ils pas le
vicinicide afin d’illustrer de la manière la plus pédagogique la foi sacrificielle des
huguenotsconfrontée au pire de ce que peut être l’humain quand c’est le proche,
l’ami,quiassassineetquidoncsedressecontreDieu…
La séquence historique du génocide arménien renforce mon interprétation : en
effet, si les tueurs peuvent avoir été initialement des militaires ou des
paramilitaires, des membres de tribus kurdes, turkmènes ou circassiennes se
joignirent à eux, ainsi que des citadins ou des paysans qui se trouvaient associés
volontairementauxmeurtres.«Enplusd’uneoccasion,d’ailleurs,lesvictimessont
torturées et battues à mort dans le cadre de spectacles qui associent des
communautés entières dans une ambiance de fête46. » Le paradigme arménien
enseignequeleclivageentretueursetvoyeurs,quiseréunissentautourdebûchers
collectifs ou de crucifixions parodiques, est artificiel ou illusoire. Il ne faut pas se
laisser prendre au piège d’une dichotomie artificielle47. Il y a des tueurs
identifiables,maisaussi desanonymesqui seretrouvent soudainlibérés detoutes
leurs inhibitions et se laissent volontairement aspirer dans la production festive
qu’est le meurtre de masse dont ils deviennent, du fait de leur nombre, les
protagonistes les plus impliqués. Ne pas avoir de noms au milieu d’une foule
criminelleaideàs’improvisertueuretànepas,pourautant,sesentirunassassin.
Laviolenceestcollective,dynamiséesansdoutedemanièretransocialeparledésir
de tous de prendre part à un événement refondateur ou défenseur de ce qu’ils
pensentouimaginentêtre.Disons-lealors,l’identiténeseréduitpasàlaconscience
de rapports de voisinages dans lesquels l’individu est impliqué : elle relève
d’affiliationshiérarchiséesetdoncdifférenciéesetdistanciées…
En 1572, le « vicinicide » n’exclut pas non plus une multiplicité d’interventions
individuellesquinesontpasfacilesàidentifiermaisquisurgissentdèsle24aoûtau
hasarddesnarrations:ainsiestsignificativel’aventureduministreAntoineHuyard
sieurdePresles48 ,venuàParispourlesaffairesdel’ÉgliseréforméedeTroyes,qui
sevoit«lejourdecepiteuxetcruelmassacreenunextremedanger.Caruncertain
caporal de Paris […], qui estoit au mesme lieu pour les affayres des catholiques
contreceuxdelareligion,s’enalladèslematinaulogisdeJeanGrosderriereSaint-
Pierre-aux-Bœufs,oùestoitlogéHuyardettroysouquatreautresdelareligion,et
commanda à l’hoste qu’il s’asseurast de la personne dudit Huyard, attendant qu’il
receustplusamplecommandementdecequ’ilauroitàfayre».Ledangervientici
en même temps d’une connaissance arrivée à Paris et d’un logeur mis devant sa
responsabilitédeboncatholique:cen’estdoncpaslalogiqueprésuméedominante
du vicinicide qui joue. Antoine Huyard se retrouve enfermé dans une chambre
communeaveclesieurdeMussy,unnommédeVilliersetunChampenoisappelé
GeorgesCapitain.Leurpremièreréactionestdeseprépareràsedéfendre;puisils
décident de négocier avec leur hôte qui les envoie vers la maison d’un frère ou
procheparent,maisqui,changeantensuited’avis,refusedelesaccueillirplusavant.
Huyardseretrouveàlarueetserendchezuncousingermainauprèsdequiilest
d’abordbienreçu,«maysaussytostqu’ilyeutmitzlepied,onlerenvoyacommeil
estoitvenu».ChezungentilhommedeChampagne,MonsieurdesBoriessieurde
Contenant, il est d’abord bien accueilli, mais « tost après, deux personnages qui
estoient au service dudit de Contenan, quoy que ce soyt en sa compagnie,
s’adresserentàHuyard,etluydirenttoutàtracqu’ilfailloitqu’ilcrachastaubassin,
autrementqu’ildeliberastdepasserlepascommelesautresdesaqualité».Effrayé
etnedisposantpasdel’argentexigé,Huyardparvientàs’enfuirgrâceàl’aided’un
deceuxquilegardent;maisl’hommel’abandonneensuiteàsonsort.Gênéparsa
mauvaise vue et dépourvu de chandelle pour s’orienter dans la nuit, il se heurte
alorsà un corps de garde et, bien qu’il justifie sa présence dans la capitale du fait
d’unprocèsetdises’appelerPierreClivier,procureuraubailliagedeChaumont,il
est reconnu, puis enfermé au Châtelet, d’où il rapporte avoir été redevable à la
providence divine d’échapper à la mort. Libéré, il doit la vie à un « certain
moynne » de sa connaissance qui l’héberge « pourvu qu’il voulust aller à la
messe49 ».LesmonstressesuccèdentdansParis.Samésaventurenouslivrel’image
angoisséed’unecapitalequilaissepeudepossibilitédesurvieauxprotestants,tant
ellemultiplielesembûcheshorsdetouteprogrammationpréexistante,jusqu’àceux
quipourraientêtredesaidesmaisserévèlentdescomplicesd’ungrandcrime.Mais
ceuxquisurviventàl’épreuveontlamissiondeglorifierlaprovidencedivine.
Ilnes’agitpasalorsdefaireunehistoirecomparéeàl’anciennequiseraitunnon-
sensépistémologique,maisdepartird’autresexemplesdemassacresdemassepour
mieux saisir l’implicite de la violence d’août 1572 et donc dépasser ce qui nous
sembleêtrel’impassedeladonnée,quiseraitprééminente,duvicinicide.Lestrous
des narrations peuvent être comblés par des données, aussi bien micro- que
macrofactuellesintervenuesdansdespogromsd’avantoud’après1572.
Je crois utile, à propos d’une ville toute mobilisée pour faire la chasse aux
huguenots, de rappeler la « matanza », l’« abattage », de Séville. Après un
préliminaire de quelques jours, avant la semaine sainte, au cours desquels
l’archidiacredeEcijaetchanoinedelacathédraledeSéville,FerranMartinez,lança
des appels à la haine et proclama qu’il n’était pas criminel de tuer les Juifs 50, le
pogrom débute le 6 juin 1391 avant de gagner toute l’Andalousie, la Vieille et la
Nouvelle Castille, le Léon, la Navarre et la Catalogne et les Baléares. Plus de
70 villes. Neuf semaines d’une immense tragédie dont l’acteur principal est un
« vaste mouvement social 51 » enraciné dans une obsidionalité judéophobe
véhiculée par des prédications passionnelles qui intégraient les fantasmes du
déicide, de la profanation des crucifix et des hosties consacrées, de l’usure, des
meurtresrituels,desempoisonnementsdepuits52 .
Le judaïsme, dans ce contexte de stigmatisationhystérisée, ne faisait que mener
ceuxquilepratiquaientàunevietoutentièredirigéecontreDieu,etexigeaitune
conversionrapideetunepénitenceintensequidevaientdésarmerl’Antéchristdans
son travail de destruction de la foi par l’instrument qu’était l’idolâtrie53 . Il y eut
peut-être des centaines et des centaines de morts, jusqu’à même 4 000 selon une
tradition, à Séville, et des conversions forcées, deux des trois synagogues étant
immédiatement converties en églises. Le massacre se fonda en partie sur
l’argumentaireselonlequellesJuifsminaientdel’intérieurlarelationauChristen
tentantd’attireràeuxdeschrétiensdontlesâmescouraientlerisqued’êtreperdues
àDieu54 .Ilétaitnécessaire,detouteurgence,soitqu’ilsseconvertissent,soitqu’ils
périssentparcequ’ilsétaientdestraîtresoffensantlagloiredeDieuetsouillantson
peuple. Les prédications avaient comme figé dans les imaginaires cette urgence
eschatologique annihilatrice qui put donner aux survivants le pressentiment que
Dieuavaitcachédésormaissafaceet«nousadonnésennourritureauxoiseauxdes
cieuxetbêtesdelaterre55 ».
La Juderia devint, le 6 juin, un véritable sas interdisant toute possibilité de fuite
vers l’extérieur puisque les portes étaient contrôlées par des hommes qui tuaient,
pillaient, incendiaient – comme le seront les portes de Paris qui resteront closes
jusqu’au mercredi 27 août. Les cris qui rythmaient les violences étaient « la
conversion ou la mort pour les Juifs », dont l’élimination était présentée comme
uneexigenceabsoluedeDieu56.ÀValencecefutunemêmeinvitationchristiqueà
latueriedemasse,etlemassacrefutinitiéparuneprocessiondecinquanteenfants
figurant l’innocence christique du peuple de Dieu, encerclant le quartier juif, qui
fonctionna un peu comme le simulacre de procession des petits enfants parisiens
tirant par les rues et les carrefours le cadavre de Coligny au matin du tumulte
d’août 157257. Mais, si l’on considère que « pogrom » est synonyme de
« destruction » de toute ou partie d’une communauté humaine, consciemment
voulue et effectuée par un collectif le plus souvent informel d’individus, on peut
sansdifficultéyassimilerlaSaint-Barthélemy,elleaussipréparéeouaccommodée
par une parole homilétique impitoyable et initiée par l’action d’hommes armés
provoquantunsurenclenchementmimétiqueetuneeuphoriecriminellecollective
qui associaient bourgeois, artisans et prolétariats de la ville 58. La notion de
surenclenchementmimétiquemeparaîtapplicableauPariszélédelafinaoût1572.
Elleprésente l’avantage de changer lesdonnées du problème en laissant imaginer
quelesassassinsfurentbeaucoupplusnombreuxqueTousceuxquitombentleveut.
Ne devrait-on pas corréler le fait que le miracle de l’aubépine, qui refleurit le
premier matin même du massacre d’août 1572 devant une image de la mère du
Christ, se déroule près de l’église des Saints-Innocents où étaient conservées les
reliquesde l’adolescent Richard prétendument tué et crucifiéà la Pâque 1163 (ou
1171) par des Juifs de Pontoise ? Le saint Innocent Richard, martyr, dont les
intercessions donnaient lieu à miracles et à qui une passio composée par Robert
Gaguin redonna en 1498 une actualité en déplaçant le lieu même du martyre à
Paris59, rappelle que la judéophobie parisienne était intégrée dans la sacralité de
l’espace de la capitale. Les violences d’août 1572 l’ont peut-être projetée
inconsciemment dans les figures des protestants, accusés mimétiquement d’avoir
profanélagloiredeDieuenprocédantàdescrucifixionsdeprêtres,d’avoirétédes
empoisonneurs de la foi en proférant des paroles inspirées par Satan et d’avoir
séduitdesâmesainsiportéesàserebellercontreDieu.
Une anthropologie de rapprochement ne s’impose-t-elle pas pour mieux
comprendrecequipeutavoirjouésubconsciemment,voireinconsciemment,dans
leParisdel’été1572?Jem’appuieicisurunindicedonnéparJohannWilhelmvon
BotzheimprécisantqueColignyfutpenduàMontfauconparlespieds«utJudaeus
quidam60  », c’est-à-dire comme un traître à Christ, à la fois pécheur désespéré et
rebelle,symbolisantalorscequ’estl’hérésiepourles«bons»catholiques,uncrime
déicide61 .
Il faut alors en revenir à la violence comme fait collectif total, en partant à la
recherchedesinvariantsquilastructureraient.

Àlarecherchedesinvariants

Pour explorer l’hypothèse d’une continuité entre un grand crime collectif et les
pogromsmédiévauxetmodernes,jesuivraiiciladémarchedeStéphaneAudouin-
Rouzeau se référant à Françoise Héritier et donc à une anthropologie ayant la
missionde«découvrirdesinvariants,oumêmedesimplesloisd’agencement,qui
[…]permettraientdecomprendrenonseulementdescomportementsmaisaussiet
plus profondément les systèmes de représentation ou les systèmes sociaux 62 ». Il
s’agitpourmoi,enconséquence,demettreenévidence,en1572,des«invariants»
qui sont « des modules, des matrices en quelque sorte, formant des cadres
conceptuels, constitués par des associations obligées de concepts, qui ne peuvent
pasne pas être faites, mais qui sont meublées de façon différente par les diverses
culturesetsesituentdansdeschampsdontleslimitespeuventêtretracéesgrâceà
l’expérience ethnologique qui décrit et rassemble ce qui existe, ou grâce au
raisonnementlogiquequienvisagetouslespossiblesmêmesicertainsn’ontjamais
vulejour63 ».Cesontcesinvariantsquinientl’altéritéetportentàsadestruction,à
sapersécutioncollective:«Soussesformeslesplusévidentesquisontl’exclusion
ou l’annihilation de groupes entiers, l’intolérance est toujours profondément
l’expression d’une volonté d’assurer la cohésion de ce qui est considéré comme
relevant du soi, l’identique à soi, en détruisant tout ce qui s’oppose à cette
prééminenceabsolue.»Jeretienscommesymptômedecequedesinvariantssontà
l’œuvre«l’euphorieduracisme,dufanatismeetdel’intolérance».
L’étude menée dans les pages qui suivent tentera de comprendre le massacre de
1572enprojetant,commeclefd’interprétationdesacriminogenèsecollective,ces
invariantsquipermettentdevoir,dansle«bonheurdelahaine»quis’exprimepar
lesviolences,unestratégieréparatricedel’angoissefaceàunêtrecollectifhantépar
l’impureté et donc par la damnation. Dans une longue histoire tragique, le
marqueurdesinvariantsdestueriesdemasseseraitunoutilpouréviterlespièges
tendusparunpassétragiquementaphasique.
Rappelons tout d’abord que les calvinistes furent identifiés à de nouveaux Juifs
dont ils reproduisaient, selon les polémistes ou prédicateurs catholiques, les
agressionsapocalyptiquescontreleChrist(Ap2,9et3,9).UneOdespirituellecontre
lesfauxÉvangéliquesrédigéeparlebénédictinLégerBontemps,dès1560,lesdécrit
commeconstituantla«SynagogueimmondedeSathan»quiseraruinéebientôt64.
Et, en 1566, le curé René Benoist affirme que ceux qui se vantent de suivre « la
religion Chrestienne reformée » et prétendent « estre les esleuz de Dieu et son
peuple fidele », alors qu’ils sont des schismatiques et corrompus et suivent une
« doctrine sophisticquée et fondée en raisons humaines », sont des « enfans de
Belial » formant « la synagogue de Satan, auquel ils servent, et aucunement à
Dieu65 »,lasynagogueapocalyptique 66.Lesprotestantsétaient,fantasmatiquement
biensûr,«commeJuifsennemisduSeigneur»:nonseulementilsarquebusaient
ou brûlaient des crucifix, mais ils flagellaient aussi à mort des prêtres comme les
JuifsflagellèrentleChrist67.Ilsétaient,danslecadred’unrecyclageplusoumoins
implicitedelafigureduJuif 68,denouveauxenfantsdudiablepuisqueleuridolâtrie
lesidentifiaitaux«sacrificateursdeBaal»etfaisaitd’eux,selonSimonVigor,des
disciples du Diable qui est le singe de Dieu et dont ils miment les méfaits en se
faisantles«singesdel’Église69».Danslachasseaux« rasés»,prêtresetmoines,
queleshuguenotsmirentenpratiqueàpartirdespremiersjoursdel’été1562,les
catholiquesvirentl’œuvrede«tyrans»qui portaientlemaldansleurpoitrineet
dontchacunpouvaits’êtrerévélé«commeJuifennemiduseigneur»enétantallé
jusqu’àcrucifierunprêtre 70.
Ces textes permettent de penser que le sur-enclenchement mimétique aurait
travaillélesParisiensdèslepremiermatindu24aoûtenfaisantresurgireneuxdes
pulsionsannihilatricesquiremontaientàdesfantasmesd’agressionjudéophobiques
du passé. Myriam Yardeni a démontré que Calvin n’a jamais parlé de « peuple
déicide » à propos des Juifs et qu’il fut lui-même accusé d’être « judaïsant » : il
appelaitleschrétiensàsedéfairedetoute«arroganceetconfiancetéméraire»en
leurpropre«vertu»etdoncànepasinsulterlesJuifs,«desquelsnousavonsesté
substituezenlaplace 71»etaveclesquelsilyaunecontinuitépositiveàreleversur
laprédestination72 .Mais,pourledocteurenthéologieSimonVigor,cequifaitle
calviniste est qu’il a en horreur le nom de Jésus, tandis que, pour Gilbert
Génébrard,uneproximitédoitêtredétectéeentreJuifsetprotestants,parexemple
parcequ’ils «veullent qu’onnous enterrecomme bestesdans chantni lumière ni
prestresenquoiilsjudaisentcarlesministresdes juifznialloientpoint[…].Ilsy
envoyoientdesscribespour fairel’office(Levit.28)73».PourleprêtreGabrielde
Saconay,lesréforméssontdenouveauxJuifsdontlesactesdisentlemalabsoluqui
leshabite.L’espacelyonnaisravagéen1562devientlelangagemêmedumal,ille
révèledanslanaturesataniquedescrimesperpétrésparles«nouveauxchrétiens»:
c’est le Christ, outre ses saints, qui a été visé par les religionnaires, la tête de
l’organisme mystique qu’est la cité de Dieu ; un Christ qui a comme subi une
secondePassiondansles«horribles»profanationsdontilaétévictime:
Davantageaestécommisunpeschéforténorme(pouvons-nousdireaveccebonOptatus),quivoussemble
toutesfois fort legier : c’est que toutes choses sacrées ont esté violées par voz ministres, jusques à
commanderquel’Eucharistiefustgettéeauxchiens,nonsanssigneévidentdujugementdeDieu(dit-il);
car les mesmes chiens, esguillonnez de rage, ont deschiré leurs maistresà belles dens, comme larrons et
punissablespour l’offense faictecontre le corps deJésus Christ. Enquoi vous avoit offenséJésus-Christ,
dequel(parcertainintervalle)lecorpsetsanghabitaitlà?Pendantquemalheureusementvousperséquutez
nozmainslàoù habitoitJésus-Christ,voussouillezlesvostres.ParcemoyenvousensuivezlesJuifs: car
commeilsontmislesmainsenJésus-Christsurlacroix,vouslesmettezenluysurl’autel.

Les huguenots sont allés encore plus loin que ceux dont ils reproduisent
l’engeancemaléfique,ilsontdécapitédestêtesduSauveurencroix,ilsontpiétiné
des hostiessaintes ou les ont jetées dans la fange74 . Le transfert antisémite,on le
constate, procède ici par condensation et transposition. En conséquence, ne
faudrait-il pas considérer les tueurs en série de Jérémie Foa non pas comme les
interprètes privilégiés d’une histoire prenant sens à partir de leur obsession
vicinicide,deleur«savoir-faire»etdeleurpulsionannihilationnistedel’hérésie,
mais comme des pièces parmi d’autres d’un puzzle beaucoup plus vaste incluant
même une part d’inconscient ? Ce puzzle ne pourrait prendre forme que dans la
perspectived’uneanthropologiedesinvariantsdeladéshumanisationdel’autre.Le
grand problème de la Saint-Barthélemy, comme d’autres grandes tragédies
pogromiques, serait alors celui de l’invisibilité des morts, qui serait corrélative
d’uneinvisibilitédesassassinsetquiobligeraitàremettreencausetouteentreprise
facticiste puisque l’événement serait alors désignifié par ceux qui le mettent en
scènedefaçonquelesmortsdemeurentdanslesilencedeleurpropredéshumain75.
Eticinouspouvonsbienapprécier,ennousappuyantsurlestravauxdeChristian
Ingrao et de Johann Chapoutot, combien l’histoire rejoue ses tragédies sur des
matriceslatentes.PensonsaujuristeKurtTrampler,qui,en1934,construisitune
argumentationsurl’idéequ’ilyavaitdes«frontièresraciales»quinedevaientpas
être déplacées et que chaque peuple conçu comme une « unité naturelle » devait
vivre dans « son espace racial inaliénable ». La race était une « communauté de
destin » qui ne devait pas être polluée par des intrusions externes76. Elle devait
demeurer pure. De même, ce qui se passe dans le Paris d’août-septembre 1572 a
visé à restaurer ce qui était une communauté des destins fidèles à la religion
romaine en l’épurant des protestants qui la souillaient par leur présence
déshumaine dans l’espace collectif. Ils étaient une « race » – le mot revient –
soumiseàSatan,etilfallaitlesextirperpourqu’ilsnebrisentpasl’unionmystique
dupeuplecatholiqueavecsonDieu.Etleursmortsdevaientbasculerdanslesilence
etdoncl’absenceàl’histoire.
L’invariant de l’antisémitisme se fait jour au Rwanda, dont l’histoire est saturée
d’ombresquiparticipentdelacohérenced’unedémonologieenactes.Parexemple,
larevue Kangura (Réveille-le)77reprendàsoncomptedès1997lesthématiquesdes
Protocoles des sages de Sion en projetant l’imaginaire du complot juif dans un
prétenduprojetd’asservissementdespopulationsafricainesparlesTutsi,«affublés
detouslestraitsprêtésauxJuifs–calculateurs,fourbesetmenteurs78»etenoutre
accusés d’être des « assoiffés de sang et de pouvoir » et ourdissant un projet
suprématiste79.Ilyaencore,biensûrlaRadiodesmillecollinesappelantàbrûlerles
« cafards », les « rats ». Dans le discours anti-tutsi précédant la « révolution
sociale»de1959,laquestionsocialeestprésentéecommedécoulantdirectementde
la différenciation raciale hamite-tutsi/bantou-hutu, et l’on voit surgir les
thématiques typiques du discours antisémite européen des années 1930 : censés
exceller dans l’administration et les positions de commandement (auxquelles ils
n’ontpourtantplusqu’unaccèsfortlimitédepuis1959),lesTutsi«monopolisent»
les secteurs synonymes d’argent et de pouvoir. Investis dans le commerce,
«avides»et«rusés»,ilspillentlesrichessesdupayspourlesinvestiràl’étranger,
avec l’aide du puissant « réseau » que la diaspora rwandaise tutsie est supposée
entretenir.CommelefaitremarquerJean-PierreChrétien,«toutsepassecomme
silesimagesdel’antisémitismedudébutdu XXe siècleavaientétéprojetéessurun
groupe est-africain supposé d’origine orientale et identifié comme « hamito-
sémitique80 ».LesTutsiappréhendéscommelesJuifsdel’Afrique;etleurgénocide
misenactionàpartirl’extensiond’uneappréhensioncriminellestéréotypéeàtoute
unepopulation,commeonadevinéqu’ilenavaitétépourlesprotestantsenquise
devinaientdenouveauxJuifsdansl’imaginairecatholiquede1572.
Mais le problème est alors celui du paradigme possible des violences extrêmes
subies par les Juifs, non seulement durant la Shoah81 , mais dans le cadre de
dynamiquesd’annihilationayantopérédurantd’autrespériodesdel’histoire:lemal
est,par-delàlesdistancestemporelles,localisécommeétant«racialement»dansle
sang et progressant grâce aux femmes et à l’argent. Il ne faut pas procéder par
comparaison,maisparidentificationanthropologiquedelapuissancedelahaine,et
doncdesamorphogenèse 82.Chaquecrimegénocidaireason«esprit»sil’onpeut
employerlemot,maisilpeutaussiêtreconceptualisédemanièreréférente:ainsi
dans le fait que les acteurs et témoins vivent sur le plan de l’indifférenciation la
sécurisation que signifie pour eux la violence, ou plutôt la « logique de
l’anéantissement83».
Dans le cadre d’enjeux et de référents différents, et tout en tenant compte de la
« plasticité » des « répertoires de violence 84 » ainsi que de la distinction entre
violence et cruauté à laquelle invite Stéphane Audouin-Rouzeau, l’historien peut
voirsurgir,àdistancedequatresiècles,lamêmephobieidentifiantl’autreàunsang
impur qui exigeait, Hitler le proclama, « une violence absolue85 », tout comme
SimonVigorl’avaitédictédanssessermons.Ildoitseulementsepersuader,pourne
pas être enserré dans une anthropologie systémique réductive par effet
d’anachronisme, que ce « même » est un langage ancré dans des temporalités
spécifiques et donc fonctionnant, si l’on suit encore Stéphane Audouin-Rouzeau,
surdesgrammairesetdessyntaxesparticularisées.

1.Évaluationdonnéepour1565parJean-PierreBabelon,NouvelleHistoiredeParis:Parisau XVI esiècle,Paris,


Associationpourla publicationd’uneHistoire deParis, Hachette,1986,p. 160-156.C’estJean Jacquartquia
rabattulechiffreà270000habitants,sansdouteavecraison:JeanJacquart,«LepoidsdémographiquedeParis
etdel’Île-de-FranceauXVIe siècle»,Annalesdedémographiehistorique,1980,n°1,p.87-96.
2.JérémieFoa,Tousceuxquitombent…,op.cit. VoirlecompterenduparPaulVo-Ha,Annales.Histoire,Sciences
Sociales2022/4(77eannée),p.808-811.
3.Id.,p.85.
4.Ibid.,p.136-137.
5. Ibid., p. 34. Cette corrélation avec le massacre pose toutefois problème, comme me l’a confié Mark
Greengrass.Combiend’emprisonnésde1567-1570pourraientêtreretrouvésdanslecours desénumérations
demassacrésdonnéesdansleMartyrologedeCrespinetl’HistoiredeSimonGoulard?Lecalculn’estpasdifficile
àfaire.Àmonsens,bienpeu,d’autantqu’ilyapuyavoireudesdépartsversdesrefugessuisses,allemands,
anglais!Cequin’estpassansmettreencauselaquestiondu«savoir»etdu«savoir-faire»destueurs!Onne
peutpas,àmonsens,fairel’histoiresurquelquesexemplesetsurlaprétentionbiblicisantedecertainstueursà
multiplier leurs victimes jusqu’à donner des chiffres ahurissants et projeter sur la scène des rumeurs leur
mythomanie.
6.Ibid.,p.36-37.
7.Ibid.,p.11-23.
8.CécileHuchard,D’encreetdesang:SimonGoulartetlaSaint-Barthélemy,Paris,HonoréChampion,2007.
9.Histoire des Martyrspersecutez et mis amort pour la veritéde l’Évangile, depuisle temps des apostresjusques a
present(1619),Genève,P.Aubert,1619,rééd.parDanielBenoîtetaccompagnéedenotesparMatthieuLelièvre,
Toulouse,SociétédesLivresreligieux,1885-1888,3vol.;voirDavidElKenz,«L’Histoiredesmartyrs (1554-
1619) de Jean Crespin : un témoignage du légalisme juridique de la minorité protestante », in Justice et
protestantisme,DidierBoissonetYvesKrumenacker(dir.),nouvelleédition,Lyon,LARHRA,2011.
10.TatianaDebbagi-Baranova,«LapoésiedénonciatricependantlesguerresdeReligion.“Faitesfondresur
luyvoscarmessatyriques”»,Revuefrançaised’histoiredesidéespolitiques,2007/2(n°26),p.24-67.
11.JérémieFoa,Tousceuxquitombent…,op.cit.
12.Ibid.,p.98-100.
13.Ibid.,p.128.
14.HélèneDumas,LeMassacreauvillage.LegénocidedesTutsiauRwanda,Paris,LeSeuil,2014.
15.JérémieFoa,Tousceuxquitombent…,op.cit.
16.Ils’agitsansdoutedeMadeleineBriçonnetquiavaittentédes’échapperhabilléeenreligieuse.
17.MaxWeber,Essaisurlathéoriedelascience,citéinGiovanniBerthoudetGiovanniBusino,Pratiquessocialeset
théories.Lesdiscordesdesuniversitaires,Genève,LibrairieDroz,1995,p.135.
18.Jean Bayet, « LeSymbolisme du cerf etdu centaure à laporte rouge de Notre-Damede Paris », Revue
archéologique,Sixièmesérie,t.44,juill.-déc.1954,p.21-68.
19.MichelPastoureau, Rouge.Histoire d’unecouleur,Paris, LeSeuil, 2016,le rougecomme faisantpartie du
registredela«théâtralitépapistique».
20. Rappelons ensuite que, lors du mariage royal, les réformés entourant Henri de Navarre qui avaient
accompagnéMargueritedeValoisdansNotre-Damesortirentparla«porterouge»!
21.GabrieldeSaconay,DiscoursdespremierstroublesadvenusàLyon…,LyonparMichelJove,1569,inArchives
curieuses de l’Histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XIII, Louis Cimber et Félix Danjou (éd.), Paris,
Beauvais,1835,1resérie,t.IV,p.217-342.
22. Voir Jérémie Foa, « Warum tötet man seinen Nachbarn. Der Fall der Bartholomäusnacht (August-
Oktober 1572) », Francia, vol. 50, 2023, p. 561-576, et Thomas Maissen, « Das Vizinizid als historisches
PhänomenundhistoriographischesParadigma»,ibid.,p.512-527.
23.Histoiredesmartyrspersecutezetmisàmort pourlavéritédel’Évangiledepuisletemps desApostresjusquesà
présent(1619),3vol.,Toulouse,Sociétédeslivresreligieux,1889,t.III,p.669.
24.SelonSimonGoulard,Mémoiresdel’estatdeFrancesousCharlesIX…,op.cit.,ilseseraitagidumotduguet
signifiantquel’individuconcernédevaitêtrenoyédanslaSeine,uneinformationsujetteàcaution.
25.Ibid.,p.223.
26. 8 000 victimes pour Nathanaël Weiss, « La Seine et le nombre des victimes parisiennes de la Saint-
Barthélemy », Bulletin historique et littéraire (Société de l’histoire du protestantisme français), vol. 46, n° 8/9,
août-sept.1897,p.474-481.
27.JérémieFoa,Tousceuxqui…,op.cit.,p.8.
28. Cité par Cécile Huchard, « Simon Goulart et Agrippa d’Aubigné : comment raconter la Saint-
Barthélemy?»,Albineana,Cahiersd’Aubigné,19,2007,p.153-172,p.163.
29.Voirl’imaginaireromantiquedeséchangesentreleroietlestueurs,inSaint-Esteben,LaMortdeColigny,
ouLanuitdeSaint-Barthélemy,1572:scèneshistoriques,Paris,H.FournierJeune,1830,p.256-263.
30. Sur le chapitre « Sans chagrin ni pitié » du livre de Jérémie Foa, Tous ceux qui tombent, op. cit., je suis
sceptiquesurlesraisonsquiontfaitquelestueursont«jouid’unetotaleamnistie»etont,«vingtansdurant,
étésoutenus, choyés,accompagnés,gratifiés parles derniersValois etleurs interchangeablesreprésentants»
(p.263-279).
31.SiddharthVaradarajan(dir.),Gujarat.TheMakingofaTragedy,NewDelhi-Londres,PenguinBooks,2002.
32.BharatiyaJanataParty.
33.JackieAssayag,«Lafaceobscuredelamodernité.Anthropologieetgénocides»,L’Homme,2004/2,n°170,
p.232-243.
34.BabuBajrangi,quiestrapportéavoirarrachélefœtusd’unefemmemusulmaneetl’avoirbrandiaubout
desonépéelorsdugénocideduGujaraten2002…afiniparêtreacquittéavec68activistesdel’Hindutva(The
IndianExpress,21avril2023).
35.ChristopheJaffrelot,«Quellejusticepourlesvictimesdesviolencesde2002auGujarat?WhatJusticefor
the Victims of the 2002 Violence in Gujarat ? », in Christophe Jaffrelot et Aminah Mohammad-Arif (dir.),
PolitiqueetreligionsenAsieduSud:Lesécularismedanstoussesétats?Paris,Éditionsdel’EHESS,2012,p.185-213.
MaharanaPratap,roideMewar,luttacontrel’expansionnismemogholenrésistantauxarméesd’Akbarjusqu’à
samorten1597.
36.GuillaumeGandelin,«Inde:lesémeutesduGujarat,quinzeansd’uneaffaired’État», Asyalist,2017,en
ligne.
37. Charlotte Thomas, « Territorialiser la domination ethnique : le ghetto musulman de Juhapura à
Ahmedabad(Inde)»,L’Espacepolitique,42,2020-3,enligne.
38.«LespogromsdeKichinev»,LeMondejuif,vol.32-33,n°1-2,1963,p.63-67.
39.NicolasWerth,«Dansl’ombredelaShoah:lespogromsdesguerrescivilesrusses(1918-1921)»,Revue
d’histoiredelaShoah,2008,2,n°189,p.319-357.
40. Marie Moutier-Bitan, Champs de la Shoah. L’extermination des Juifs en Union soviétique occupée, 1941-1944,
Paris,Passéscomposés,2020.
41.JérémieFoa,Tousceuxqui…,op.cit.,p.43-45.
42.GeorgesBensoussan,LesPogromsenPalestineavantlacréationdel’Étatd’Israël(1830-1948),Paris,Fondation
pourl’innovationpolitique,2024.
43.AshutoshVarshney,EthnicConflictandCivicLife.HindusandMuslimsinIndia,NewHeaven/Londres,Yale
University Press, 2002, et Parvis Ghassem-Fachandi, Pogrom in Gujarat : Hindu Nationalism and Anti-Muslim
ViolenceinIndia,Princeton,PrincetonUniversityPress,2012.
44. Cité in Christophe Jaffrelot, « Les violences entre hindous et musulmans au Gujarat (Inde) en 2002 :
émeutesd’état,pogromsetréactionantijihadiste»,RevueTiersMonde,2003/2,n°174,p.345-367.
45.RaheelDhattiwala,«Mappingtheself:challengesofinsiderresearchinariot-affectedcityandstrategies
toimprovedataquality»,ContemporarySouthAsia,25(1),2017,p.7-22.
46.MarkLevene,«Levisagemouvantdumeurtredemasse:massacre,génocideet“post-génocide”»,Revue
internationaledessciencessociales,2002/4,n°174,p.493-503,p.497.
47. Christopher J. Walker, Armenia. The Survival of a Nation, New York, St Martin’s Press, 1980, p. 16 ;
AbrahamH.Hartunian,NeithertoLaughNortoWeep:AMemoiroftheArmenianGenocide,Boston,BeaconPress,
1968, p. 64-65 ; Alexandre Adossidès, Arméniens et Jeunes Turcs. Les massacres de Cilicie, Stock Éditeur, Paris,
1910.Surlafêteetlaviolenceentretueurs,voirEdwardB.Westermann,DrinkonGenocide.AlcoholandMass
MurderinNaziGermany,Ithaca,CornellUniversityPress,2021.
48. Penny Roberts, A City in Conflict : Troyes during the French Wars of Religion, Manchester, Manchester
University Press, 1996 ; et « “This beautiful appearance… has gradually transformed and become altogether
monstrous”:themassacreatTroyesasaforeseeabletragedy»,FrenchHistory,vol.36,4,déc.2022,p.413-427.
49.LaChroniquedeTroyesetdelaChampagnedeNicolasPithou,untémoignageprotestantsurl’ÉgliseduXVI esiècle,
laRéformeetlesguerresdeReligion,Pierre-EugèneLeroy(éd.),Centretroyenderechercheetd’étudesPierreet
Nicolas Pithou, Reims, Presses universitaires de Reims, 1998. Jérémie Foa, Tous ceux qui tombent…, op. cit.,
p.193-202.
50. Henry Charles Lea, « Ferrand Martinez and the Massacres of 1391 », The American Historical Review,
vol.1,n°2,janv.1896,p.209-219.
51.MichèleEscamilla,«L’unitépolitiqueauxdépensdujudaïsmepéninsulaireenEspagne,àl’aubedestemps
modernes»,in Jean-ChristopheAttias(dir.), L’EuropeetlesJuifs,Genève,LaboretFides,2002,p.34-35.Voir
aussiMaurice Kriegel, Les Juifs àla fin du Moyen Âge dansl’Europe méditerranéenne, Paris, Hachette,1979. La
notionde mouvementsocial est développéepar JacquelineGuiral-Hadziiossif,Meurtre dans lacathédrale :Les
débutsdel’Inquisitionespagnole,Paris,ÉditionsBouchène,2012.Pouruneapprochescientifiqueglobale,Esther
BenbassaetAronRodrigue,SephardiJewry.AHistoryoftheJudeo-SpanishCommunity,14 th-20 th Centuries,Berkeley,
LosAngelesetLondres,UniversityofCaliforniaPress,1993.
52. Jeremy Cohen, The Friars and the Jews : The Evolution of Medieval Anti-Judaism, Ithaca-Londres, Cornell
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53. Moisés Orfali, « La prédication chrétienne sur les Juifs dans l’Espagne du bas Moyen Âge », Revue de
l’histoiredesreligions,1,2012,p.31-52.
54.NuriaCorralSánchez,«Elpogromode1391enlasCronicasdePeroLopezdeAyala»,Revistadigitalpara
estudiantesdeHistoria,année5,n°10,2014,p.61-75.
55.MauriceKriegel,«PauldeBurgosetProfiatDurandéchiffrent1391»,inTheJewsofEuropearound1400.
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56. Emilio Mitre Fernandez, Los Judíos de Castilla en tiempo de Enrique III. El pogrom de 1391, Valladolid,
UniversitédeValladolid,1994.
57.DavidNirenberg,«Unesociétéfaceàl’altérité.JuifsetchrétiensdanslapéninsuleIbérique1391-1449»,
Annales.Histoire,SciencesSociales,2007,4,62e année,p.755-790.
58.Surlaviolencegénocidaireetla«jouissance»,ChristianIngrao,Croireetdétruire.Lesintellectuelsdansla
machinedeguerreSS,Paris,Fayard,2010,p.348.Etp.304surlaviolence«extirpatrice».
59. Axelle Neyrinck, « Richard de Pontoise. Le “saint Innocent” parisien », Histoire urbaine, 2021/1, n° 60,
p.51-69.
60.Johann-WilhlemvonBotzheim,«LaSaint-BarthélemyàOrléans…»,art.cité,p.113.
61. Nicolas Boffy, « L’image du suicide Judas en France à l’époque moderne »,Arte cristiana. Rivista
Internationaledistoriadell’arteediartiliturgiche,2017,105e année(898),p.69-76.SurlaquestiondeJudaspendu
parlespieds,EdmondLocard,«LamortdeJudasIscariote(étudecritiqued’exégèseetdemédecinelégalesur
uncasdependaisoncélèbre)»,BulletindelaSociétéd’AnthropologiedeLyon,t.24,1905,p.104-130.
62.FrançoiseHéritier,DelaviolenceI.SéminairedeFrançoiseHéritier-Augé,Paris,OdileJacob,2005.
63.FrançoiseHéritier,«Lesmatricesdel’intoléranceetdelaviolence»,in Ead.,DelaviolenceII,Paris,Odile
Jacob,2005,p.321-343.Ead.,«Lesfondementsdelaviolence.Analyseanthropologique»,inMélangesdel’École
françaisedeRome.ItalieetMéditerranée,t.115,n°1,2003.p.399-419.
64.Odespirituelle,contrelesfauxEuangeliquesetProtestans.ExtraictedelaresponsedeF.LegerBon-temps.Mercià
Tatiana Debaggi Baranova qui m’a signalé la Chanson spirituelle contre les lutheriens et calvinistes, heretiques de
nostretemps.Lyon,BenoîtRigaud,1560.«SynagoguedeSatan»estaussiprésentdanslaPréfacedel’édition
catholiquedeLesActesdelaconférencetenueàParisesmoysdejuilletetAoust,1566.EntredeuxDocteursdeSorbonne
etdeuxMinistresdeCalvin,ÀParis,chezClaudeFremy,1568,p.14,ausensoùhorsdel’Égliseromainetoute
assembléeestsynagoguedeSatanetdoncapocalyptique.
65. René Benoist, Response à ceux qui appellent idolatres, les Chrestiens et vrays adorateurs, Paris, Nicolas
Chesneau,1564,«Épistre»,n.p.
66.Ap2,9et3,9.Cesontceuxquimententenseprétendantjuifs.
67. Thierry Wanegffelen, « Le condamné et le refoulé. Le geste iconoclaste au début des guerres de
Religion», LesCahiers demédiologie,2002/1,n°13, p.67-77.Surla« Synagoguehérétique»représentée par
RichardVerstegan,voirlecommentairedonnéparFrankLestringant,décrivantlaréuniondedocteurs«en
robe fourrée, aux longues barbes et aux profils nettement judaïques » : Frank Lestringant, « Minorité et
martyre: les huguenots en Franceau temps des guerres deReligion », Études théologiqueset religieuses, t.74,
1999/1,p.21-34.
68.La notionde «recyclage » estici empruntéeà NinaValbousquet, «Tradition catholiqueet matricede
l’antisémitisme à l’époque contemporaine », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2015, 2-3, n° 62-2/3,
p.63-88.
69.SimonVigor,SermonscatholiquesduS.Sacrementdel’autelaccommodezpourtouslesjoursdesoctavesdelaFeste
Dieu,recueillisfidèlementselonqu’ilsontestéprononcez,présentleroy,enl’égliseNostre-DamedeParis,parfeu…Simon
Vigor…MisenlumièreetreveusparM.JeanCristi,Paris,chezGuillaumedeLaNoue,1596,p.7-8.VoirBarbara
Diefendorf, « Simon Vigor : A Radical Preacher in Sixteenth-Century Paris », The Sixteenth Century Journal,
Autumn1987,vol.18,n°3,p.399-410.
70.DavidElKenz,«LavictimecatholiqueautempsdesguerresdeReligion.Lasacralisationduprêtre», in
Les Victimes, des oubliées de l’histoire ?, Benoît Garnot (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2000,
p. 191-199, et Denis Crouzet, « Théâtres de la cruauté. Hypothèses pour une anthropologie de la violence
paroxystiqueautempsdesguerresdeReligion»,Sensibilités,2017/2,n°3,p.24-36.
71. InstitutiondelareligionchrétiennecitéeparMyriamYardeni, HuguenotsetJuifs,Paris,HonoréChampion,
2008,p.31.
72.Ibid.,p.38.VoiraussiBernardCottret,«Antijudaïsmeetphilosémitisme,deLutheràCalvin», LeGenre
humain,vol.56-57,n°1-2,2016,p.121-131.
73.ThierryAmalou,«Deuxfrèresennemis,deuxsensibilitéscatholiques:lesprédicationsdeRenéBenoistet
deGilbertGénébrardàParispendantlaLigue(1591-1592)»,inLaPériodedesguerresdeReligion:historiographie
ethistoiredesidéespolitiques,colloquedes7et8avril2006organiséparleCentred’étudesurlarhétorique,la
philosophieetl’histoiredesidées,ÉcolenormalesupérieuredeLyon–CNRSUMR5037,IsabelleBouvignies,
FrédéricGabrieletMarioPenzi(dir.),Lyon,ENSÉditions,2006.
74.GabrieldeSaconay,DiscoursdespremierstroublesadvenusàLyon.Avecl’apologiepourlavilledeLyon,contrele
libellefaucementintitulé,LajusteetsainctedefencedelavilledeLyon,ÀLyon,parMichelJove,1569,p.337-340,
quiajoute:«etnepeut-onpenserl’occasiond’unetellerage,sinonqu’elleaytestéfaicteenvindictedeslivres
escritsparledictSainctIrénéecontrel’hérétiqueValentin,duquelCalvinautheurdelasecteetdecestumultesa
prisplusieurserreursquiontestéamplementdecritsetconfutezparledictsainctIrenéeetÉpiphane».
75. Alexia Jacques et Noémie Girard, « Corps et souffrances génocidaires. Plongée dans l’univers de la
déshumanisation»,Dialogue,vol.197,n°3,2012,p.31-41.
76. Pierre-André Taguieff, Criminaliser les Juifs : Le mythe du “meurtre rituel” et ses avatars (antijudaïsme,
antisémitisme,antisionisme),Paris,ÉditionsHermann,2020.
77. Jean-Pierre Chrétien, « “Presse libre” et propagande raciste au Rwanda : Kangura et “les
10commandementsduHutu”»,Politiqueafricaine,no42,2001,p.109-120.
78. Régine Waintrater, « La ségrégation comme prélude à l’extermination : le génocide des Tutsi au
Rwanda»,Cliniquesméditerranéennes,2016/2,n°94,p.93-102,p.100.
79.Kangura,décembre1990,p.8.
80.Jean-PierreChrétien,«LegénocideauRwanda»,art.cité,p.16.
81.ChristianIngrao,«Conquérir,aménager,exterminer.RecherchesrécentessurlaShoah», AnnalesHSS,
mars-avril2003,p.417-438;MichaelR.Marrus, L’Holocaustedansl’histoire, Paris,Eschel,1990,etDanDiner,
BeyondtheConceivable:StudiesonGermany,NazismandtheHolocaust,Berkeley,UniversityofCaliforniaPress,
1994.
82.StéphaneAudouin-Rouzeau,«Lesviolencesextrêmes…»,art.cité,p.137-151.
83.GötzAlyetSuzanneHeim,LesArchitectesdel’extermination.Auschwitzetlalogiquedel’anéantissement,Paris,
Calmann-Lévy/MémorialdelaShoah,2006.
84. Stéphane Audouin-Rouzeau, « Les violences extrêmes du XX e siècle à l’aune de l’histoire et de
l’anthropologie.LegénocidedesTutsiduRwanda»,Revued’histoiredelaShoah,2009/1,n°190,p.137-151.
85.JohannChapoutot,LaLoidusang.Penseretagirennazi,Paris,Gallimard,2014,p.463-466etp.488.
CHAPITREVII

Mortssanscorps,vivantseuphoriques

La convergence entre phobie judéophobe et terreur antiprotestante peut nous
inciteràreprendrenotrecheminementdansunehistoirepossibiliste,encherchant
à évaluer si d’autres violences de masse présentent certains invariants communs
avec la Saint-Barthélemy et à décrire un type de violence qui ne peut prendre de
l’ampleurqueparcequele«peuple»yprendpartdemanièredécisiveetyimpose
samarquesanspourautantoccuperledevantdelascène.

L’eaupurificatrice?Uninconscientde1572

On vient de le voir : le huguenot cache un Juif en lui dans le tumulte des
représentations catholiques zélées du second XVIe siècle. Dans ces conditions, la
judéophobie ne fournirait-elle pas une logique de la violence lors de la Saint-
Barthélemy, et le basculement dans un épouvantable massacre ne s’est-il pas
produit parce que la figure fantasmée du Juif déicide aurait été inconsciemment
projetéedansl’êtremêmequivitdansl’Évangilerestitué?
Lemodèledemassacres,peut-êtrelepluspertinentpourlaSaint-Barthélemy,se
trouvedansunterritoiredelaCouronned’Aragondelafindu XIVesiècle,etplus
spécifiquementàBarcelonedontlestroubless’inscriventdanslacontinuitédeceux
deSéville.En1320,lavilleauraitcomptépeut-êtrejusqu’à5000habitantsjuifs.Ily
avait alors quatre synagogues, ce qui reflétait une communauté prospère. Le
Conseil municipal, dans un premier temps, prend des mesures préventives pour
protégerlacommunauté juive,l’Aljama, mais, dèsle 5août 1491une centainede
Juifssontassassinésparunebandedanslaquelleilyauraiteudesmarinscastillans
et étrangers, les portes d’El Call, le quartier juif, ayant été forcées. Sans doute
250 morts. El Call est incendié, et les survivants trouvent refuge dans une tour
fortifiée, placée sous la protection de soldats réquisitionnés par le gouverneur de
ville.Dixprésumésmarinsayantétécondamnésàlapendaison,uneémeuteobtient
leurlibérationtandisquelesJuifsréfugiésdanslatouroùilsavaientreçuledroitde
seréfugiersonttuésoubaptisésdeforce.
CitonsiciletémoignagedonnéparlerabbinHasdaïCrescasquinouspermetde
soupçonnerquelesacteursdelatuerieétaient,commeilsleserontultérieurement
lors de la Saint-Barthélemy, des habitants de la ville de toutes origines sociales :
« Alors la masse des simples gens rugit et se dressa contre les gouverneurs, et ils
combattirent les Juifs réfugiés dans la tour, armés d’arcs et de catapultes. […]
Beaucouppérirentenmartyre[…].Beaucoupd’entreeuxsesuicidèrent,certainsen
se jetant du haut de la tour et ils étaient déjà déchiquetés avant même d’avoir
parcouru la moitié de leur chute. […] Les autres furent convertis au
christianisme1.»Lesviolentssontqualifiésde«mauvaisespersonnes»,etilyeut,
semble-t-il, de nombreuses conversions forcées 2. Une Histoire des sultans
mamelouks, du copte Moufazzal ibn Abil-Fazail, donne un détail supplémentaire :
lesJuifsauraientétéjetésdanslamerquiseseraitmiseàrépandrejusqu’enÉgypte
uneodeurdepourritureintense3 !Entoutcas,lesviolencesontétécommisespar
l’entitésocialeanonymiséequ’estle«peuple»,lestueursn’ayantpasdenom,cequi
estsignificatif.Quantàlapuanteur,elleseraitsymboliquedecequelesJuifssont
censésavoireneux,enfinrévélédansleurmiseàmort.LemytheduFoetorJudaicus
incarnantjusquedanssamortunealtéritéradicale!
Avançons un peu dans le temps pour aller plus loin dans la détection de cet
invariant que put être l’invisibilité approchée comme ce qui se tient au cœur de
«l’ordrecachédeschoses»,pourciterFrançoiseHéritier.Parlonsdesmassacresde
Lisbonne, durant la semaine sainte de 1506, qui présentent, à des siècles de
distance,dessimilitudesfrappantes:denombreuxcorpssemblentavoirétébrûlés
surdesbûchersimprovisés,desnouveau-néssontcoupésenmorceauxoufrappésà
mortcontredesmurs.
Le7avril1919,leBaronGuinzbourg,partideKiev,estinterceptépardeshommes
del’AtamanIlyaTimoseievitchStroukopérantpourl’arméeblancheauxcris«Les
Juifsd’uncôté,lesRussesdel’autre»et«lesfemmesàpart».Puislesfemmessont
jetées dans le Dniepr, tout comme les hommes accusés d’être des communistes.
L’uned’entreellessurvitet,cachéedansunvillage,elleentendceuxqu’ellenomme
danssadépositiondes«bandits»,qui«tiraient,hurlaient,jouaientdel’accordéon
et chantaient à tue-tête jusque tard dans la nuit ». Quant à Basia Isaakovna
Makovskaia, une autre femme cachée, qui a vu, dans un autre village, le jour de
Pâques, son mari déshabillé, roué de coups, rançonné puis tué d’un coup qui lui
fendlecrâne,elle entendlesassassinsdire :«Il fautretrouverla vieille.Elledoit
être quelque part ici. Cela serait bien de l’attraper pour qu’elle traîne son mari
jusqu’au fleuve, puis nous la noierons. » Le thème répété de l’eau permet de
soupçonnerquecetélémentfaitpartied’unesymboliquerituelleobligée,commeil
semble l’avoir été en 1572 pour les tueurs parisiens : c’est le boutiquier Moïssei
DavidoKhatoutskii,dontlaboutiqueestd’abordpilléedefondencomblepardes
hommesdeStrouk,puisquidoitdonner200roublesqu’ilavaitsurlui,avantque,
pardeuxfois,sestortionnaireslejettentdansl’eaupourlenoyer4.
Pour nombre de Juifs, l’eau est un agent de l’invisibilisation victimaire. Ainsi à
Séville,oùlescadavresontétéimmergésen1491;ainsi,entre1917-1922,c’estpar
la noyade, une fois dénudés et battus à coups de crosse, que les Juifs trouvent la
mort:«Onnousretiranoschaussuresetnosmanteauxetonnouspoussadansla
rivière5 .»Ilnes’agitpasicid’unvicinicide,maisd’uneviolencepratiquéepardes
formations armées de toutes origines politico-ethniques appuyées spontanément
par des paysans des environs qui surviennent occasionnellement. Il y eut des
pogromsblancs,d’autresrouges.Aupremierplandelagesteassassine,ilyaalors
l’arméeukrainienne,etensuitedeschefsdeguerre,l’arméedeDenikine,desunités
del’Arméerougeetdesbandesprofitantdudésordre.Commeen1572,lescadavres
pouvaientaussiêtreemportésdansdesfossescommunescreuséesdanslecimetière
juif6 –lecasextrêmeétant,les29et30septembre1941,celuiduravindeBabiYar
ou«ravindelavieillefemme»,quisertdefossecommuneaux33771JuifsdeKiev
contraintspourcertainsàsedéshabillerpuisépouvantablementmisàmortparles
fusillades des Einsatzgruppen. Ces cadavres immédiatement invisibles
métaphorisaientet annonçaient le devenir de tous les Juifs ainsi réduits à néant :
personne ne viendrait se prosterner sur leurs tombes ni ne réciterait le kaddish
pourlapaixdeleursâmes7.
L’eaucommesépulcredesmassacrésrevientdemanièrecertesdiscontinue,mais
très significative : entre le 18 juillet et le 25 juillet 1941, les Allemands, qui
occupaient la ville de Vitebsk, semblèrent vouloir déplacer les Juifs, sans doute
quelquesmilliersquiétaientinstalléssurlarivegauchedufleuveDvina,verslarive
droite.Comme le pont permettant de passerle fleuve avait été détruit,ils durent
monter sur des radeaux et dans des barques, que les hommes de la Wehrmacht
firentensuitechavirer.Ceuxetcellesquinesavaientpasnagersenoyèrent,tandis
quelesautresfurenttuéspardescoupsderames,oupardestirsd’armesàfeu.Près
de20000JuifsdughettodeBudapestontensuitepérifusillésen1944,surlesbords
duDanube, après avoir été précipitésdans l’eau. Les tueurs,qui appartenaient au
partides Croix fléchées, commandèrent aux Juifsqu’ils avaient rassemblés sur les
rives d’enlever leurs chaussures, peut-être pour symboliser qu’ils n’étaient rien
sociétalement et que donc leur basculement dans les profondeurs aquatiques
épuraitlemondehumaindeleurnéant.
L’eausertàinvisibiliserparcequel’invisibilisationconsacrelenéantdel’autre,fait
qu’il n’est plus l’autre puisqu’il n’existe plus. Elle a une fonction à la fois
invisibilisante et purificatrice pour les tueurs du génocide arménien :
précédemment, en juin 1915, des notables arméniens arrêtés à Trébizonde sont
noyéslelendemainaulargeduportdelaville,Platana,et,quelquessemainesplus
tard, à Erzincan, deux chariots chargés de petits garçons sont précipités dans
l’Euphrate. Des bébés sont aussi entassés dans des sacs et noyés. Ce sont encore
plusieursdizainesdemilliersd’Arméniensd’Erzincan,quidéportés,sontjetésaux
alentoursdu28mai1915danslesgorgesvertigineusesdeKemah,«siteabattoir8 ».
Deuxjoursplustard,unepartiedeshommesde41villagesarméniensdukazade
Tercansontassassinésetjetésdanslesmêmesgorges.
L’eaudelaSeineauraitengloutiaumoinslamoitiédesvictimesde1572,sil’on
suitlepasteurNathanaëlWeiss.Elleauraitparticipédel’expulsiondunéantd’être
qui offense la gloire divine, et donc de la mise en oubli des morts et de ce mal
angoissantqui a nécessité leurassassinat. Elle est l’enferd’oùils sont sortis. Dans
unepassionjouéeàFrancfortàlafindu XVesiècle,l’enfern’estpaslocalisédansla
bouchedémoniaqued’undragonfumant,maisdansuncoursd’eauquis’écouleen
contrebasd’undescôtésdelaplacesurlaquellelareprésentationestdonnée;Satan
ensurgit,avantdegravirlaberge9 .
L’eau,sielleaunevocationlustrale,estaussiunsymboledelamortetdel’enfer.
Renvoyantàun engloutissementdévorateur,elle estl’élémentdans lequeltoutse
perd et s’oublie, tout est emporté et comme dévoré. Dans la tentation de saint
AntoinequedessinePieterBrueghelen1556,lesaintestreprésentéagenouillésur
la terre, tournant son visage à l’opposé d’une rivière sur laquelle s’agitent de
multiplesêtresdifformes,hybridesd’humains,d’animaux,depoissonsetd’objetsdu
quotidien, autour d’une tête démesurée qui flotte et qui a la bouche ouverte et
fumante,surmontéed’unénormebrochetauventrecrevé.Lestentationsviennent
de l’eau, les démons essayant de grimper sur la berge pour capter l’attention du
saint, qui conserve pieusement les yeux fixés sur les Écritures. L’eau est
démoniaque, et qui y est noyé est imaginé comme immédiatement absorbé ou
dévoréparSatan.
Le prêtre Gabriel de Saconay se prit un jour à rêver mélancoliquement d’une
peinesacralepourleshérétiques,touscoupablesdevouloirtuerlevraiChrist,une
peine qui, si elle avait été appliquée, « si une douzaine, ou moins encores, des
habitants de Lyon eussent esté par justice jetés dans un sac en la rivière », aurait
préservésaville,Lyon,detouslestroublesetcalamitésqu’elleaconnusdepuisla
finavril1562.L’eauinstruitd’unengloutissementenenfer.Letestamentsatirique
de«MartinLeuter»,précocement,confirmacepointdevue,quandl’hérésiarque
confiaitaulecteurl’impatiencedesonâmen’attendantplusqu’enfinde«dessendre
èssombrestenebreuses;Tousmesespritsdefureursontravis:CardePlutonmon
corpsserarepris.Etsubmergéèsondesrabieuses10».
Danslesviolencesmêmes,leliendel’hérétiqueàSatanestassuréparlesupplice
de l’eau infligé, en 1562, à une femme huguenote, enfermée dans un sac par des
« garnemens », qui l’appelaient, en la contemplant s’enfoncer dans la rivière, « la
mèreaudiablevert11».Undiablefaisantpenseràl’effrayantdiablevertpeintpar
MichelPacherseconfrontantàsaintAugustin12!ÀParis,Sens,Angers,Orléans,
Lyon,Toulouse,danslesgrandescommelespetitesvilles,onnoieleshuguenots,
ou on plonge leurs cadavres dans l’élément aquatique. Alors qu’à Paris ce fut par
milliers que la Seine reçut les hérétiques, à Meaux, en 1572, ce furent vingt-cinq
victimes, qui, en groupe, furent amenées au moulin de la Juiverie et précipitées
dans la Marne. Et là encore, court une mémoire longue – ou une structure – de
l’invisibilisation : lors de la crise des Cabochiens en 1413 puis des massacres
d’Armagnacs en 1418, on constate que contre ceux qui sont nommés les
« malfaicteurs », outre la peine du gibet, on recourut à la noyade13. L’eau est
présente en enfer, et les visions montrent certains des réprouvés subissant une
peineéternellequiressemblefortàuneimmersioncontrainte,àlaquellelesâmes
damnéesinvitentl’âmedeLacomplaintedoloreuse…àvenirprendrepart:
Avecquesnousvousbaignerez
Icyetaccompaigneres
Pourcequenousaccompaignates
Dupechéetvousbaignates 14.

La descente de saint Paul en enfer témoigne de ce que ceux qui n’auront pas
écoutélaParoledeDieuserontimmergésjusqu’auxlèvresdansunbaind’eauàla
fois glacé et brûlant. Dans la vision de Tondale, une des séquences les plus
pathétiquesestcelleaucoursdelaquellelesâmesarpententunpontextrêmement
étroit, en surplomb d’un fleuve (ou d’un lac immense) agité par une tempête et
grouillant de bêtes démoniaques prêtes à déchirer les âmes qui tomberaient, en
l’occurrence les âmes des sacrilèges 15. L’action de jeter les corps dans les rivières
participed’uneconscienceprophétiquelibératrice,quiagitdansl’obéissanceàDieu
etquiprécipitelesréprouvésdansleséjourdesmortsoùlaParoledeDieuaénoncé
qu’ils seront relégués pour l’éternité, dans le non-être d’où ils ne doivent surtout
pasrevenir. Un séjouréternel de souffrancequi est au fondd’un gouffre situé au
cœur de l’océan. L’abandon des corps à l’eau des fleuves et rivières est encore un
abandonàlapourritureetàlapuanteurquiestunepeinespécifiquedespéchésde
lachairprécédantleurcombustionéternelle,etunabandonàdesmonstresvivant
danslepuitsdepuanteuretprêtsàlesdévorer 16.

L’invariantdel’invisibilisationdesennemisdeDieu

Ilresteraitàidentifierpourquoil’eau,enmêmetempsquelefeuou laterre,est
nécessaire aux violences paroxysmiques, tant celles des catholiques de la Saint-
BarthélemyprécipitantlesprotestantsmortsouvivantsdanslaSeinequecellesdes
antisémites du XXe  siècle17. En tout cas, ce qui ressort, c’est la volonté de faire
disparaître le Juif considéré comme impur, de le rendre invisible, englouti dans
l’eau purifiante ou sous la terre qui est alors censée l’absorber, l’annihiler en
pourritureautermeparfoisd’une«Jugenjagd18».Lorsdupogromdu4juillet1946,
qui se déroule à Kielce, au cours duquel quarante Juifs rescapés des camps furent
tués, nombre des hommes des femmes et des enfants sont noyés dans la rivière
Silnica. Ce rituel aurait visé surtout à dire qu’ils n’avaient jamais existé en tant
qu’êtres humains, qu’ils n’étaient rien parce qu’ils n’avaient jamais été humains et
qu’ilsallaientverslenéantqu’ilsétaientdanslesfantasmesdeleursassassins.
Uneautregrandetragédiehistoriqueautoriseunelectureprochedumassacrede
1572. Il s’agit du Farhoud dont fut, au début du mois de juin 1941, victime la
communautéjuivedeBagdad,quireprésentaitprobablement20%delapopulation
delaville.Lapropagandenazie,relayéeparlegrandmuftideJérusalemMohamed
HadjAminalHusseini,avaitexacerbélestensionsenarticulantlemotifd’unelutte
contrel’impérialismebritanniqueàunantisémitismequiaccusaitlesJuifsd’êtredes
traîtresàleurpatrie.Làencore,laviolencerelèved’unpréconditionnementqui,ici,
mêlelereligieuxetlepolitique.Noussommesdoncenprésenced’une«matrice»,
etmêmed’unestructure,sil’onsuitFrançoiseHéritier19.
Lesmatricessontenquelquesorte,decepointdevue,égalementdesstructures,dessystèmesquiencadrent
de façon précise des contenus diversement agencés etapriori discernables,nomenclaturables.Partant du
principequelastructures’imposeàdesensemblesdesignificationdéjà-là,entantqueréalitéspréexistantes,
ce sont ces ensembles de signification les plus voilés, les plus enfouis, qu’il nous faut saisir : ces choses
cachéesfondamentales,quisontderrièrelesapparencesdescomportementsetdesmots,quivontsemettre
àexisterenassociation,enentrelacs,defaçonstructurée,matricielleaupremiersensduterme.

Le dimanche 1er  juin 1941 était pour les Juifs de Bagdad jour de Chavouot, une
fêteàl’occasiondelaquellelacoutumeétaitdeporterdesvêtementsblancsetd’aller
en pèlerinage sur les tombes des prophètes. Et tout commence alors du fait de
soldatsqui,àlalisièredelaville,tuentunJuifetenblessentseizeautresquifurent
conduitsparlapoliceàl’hôpitalgouvernemental.Lapoliceydisperseunefoulequi
s’étaitmasséepourexigerqueluisoientlivréslesemployésjuifsdel’établissement.
Onconstatelerôlepremierdel’arméedanslesmomentsquiprécèdentcequipeut
avoirétéunsurenclenchementmimétiquecollectif.
Lemassacredébuteensuitedansuneruetraversantle quartierjuifoùunefoule
interceptebusetautos,ettueoumaltraitelespassagersjuifs.Untémoinassisteà
un rituel collectif de mise à mort qui n’est pas, dans les manières de tuer, sans
rappelerles crimesde la Saint-Barthélemy: « J’aivuune grande fouleet environ
huitautobusgarés.ToutJuifquisetrouvaitdansunautobusétaittraînéetégorgé
avecdespoignardsetdeskandjars.UnedizainedeJuifsontététirésdesautobuset
massacrés. Je me trouvais à six ou sept mètres des personnes assassinées. » Les
troubless’étendantgéographiquementetlapolicesecontentantdetirerenl’air,ce
sontlesmaisonsdesJuifsquisontenvahies,«lesportes[…]briséesetarrachées»,
pardeshommes quimassacrentceuxet cellesquin’ont pasletempsde tenterde
fuirparlestoits,etquipillentlesintérieurstandisquelafoule,dehors,lesapplaudit
etlesacclame.Unefouleunieetsolidaire,lesagressionsmortifèresétantrythmées
parlescrisdeceuxquiregardentlesviolences.Ladésindividuationinhérenteàla
foule semble signifier, par effet de miroir, que ses cibles n’existent pas en tant
qu’êtres humains, qu’elles sont néant et doivent faire retour au néant. L’espace-
tempsinformel créé par lacacophonie des hurlementsde douleur des victimeset
des cris terrorisants des tueurs nie l’humanité de ceux et celles qui sont voués à
mourirdecequiest,pourlafoule,leurinhumanitémême 20.Entoutcas,retenons
l’invariant d’une « grande foule » qui ici comme précédemment aurait été une
conditiondelaritualisationcollectivedelaviolence.
Lamatriced’uneSaint-Barthélemyayantviséàinvisibilisersesvictimesetdoncà
lesretirerdel’histoireseretrouvedanslerécitd’unjeunehabitantduquartierde
Tatran,quirapporteuneambiancenocturneeffrayanteeteffroyable:
Cefutunelonguenuitd’angoisseàTatranetdanslesenvirons.Àlamaison,nousentendionsparfaitement
lescrisdedétresseprovenantdel’unedesmaisonsvoisines.Ilss’affaiblirentauboutdequelquesminutes,
maisreprirentetnecessèrentplus,revenantavecunerégularitéeffrayantedetouteslesdirections.Nous
entendionsleshurlementset,intérieurement,noushurlionsavecceuxquicriaient,pleurionsavecceuxqui
pleuraientet,silencieusement,totalementimpuissants,nousattendionsnotretour.Jen’oublieraijamaisces
crisdeterreur21.

Lesfemmesetlesenfantsnesontpasépargnés.Aumatin,desBédouinsentrent
enville,etlatueries’étendencoreàdenombreusesmaisonsetàdesmagasinsjuifs
situéshorsduquartierjuif,quisontpillés.Lestémoignagesparlentd’«émeutiers»
et,ànouveau,d’«unegrandefoule»qui envahitetpillelesmaisonsjuives,etde
tueursquiutilisentdespoignardsetdeskandjarspourmassacrer.Despoliciersse
joignentalorsàcette«foule»:
« Vers vingt et une heures, les mêmes policiers qui avaient reçu de l’argent arrivèrent avec la foule et
pillèrentmamaison.J’aivulespillardscasserlaportedemamaisonetypénétrer.Ilsonttoutemporté.Ma
familleetmoi-mêmeavonsfuiparletoitdenosvoisinsquin’avaientpasétépillés.Lelendemainmatin,je
suissortietj’aivuquetouteslesmaisonsdesJuifsdeTatranetdeAbouSifinavaientétépillées.Lesportes
étaientbriséesouarrachées22.»

Cettefoulequibriselesportes,tue,viole,mutilejusqu’auxfemmesenceintesqui
sont éventrées et jusqu’à des corps d’enfants qui sont fracassés rappelle la
configuration de la Saint-Barthélemy, scindée qu’elle est en de multiples groupes
qui investissent les maisons et dont les acteurs n’ont pas de noms, tandis que les
nomsdesvictimesdemeurentpourtoujoursperdus.Ilfautquedessoldatsappelés
enrenforttirentàballesréellessurlesassassinspourquelesmeurtrescessent.
Pourlessurvivants,saisisparlapeurd’inhumerleursmorts,survintletempsdu
silence.Commeen1572,cesmortsfurentsansnom,sanssépulture,sansmémoire;
ils basculèrent dans l’inexistence, puisque les autorités décidèrent qu’ils devaient
êtreinhumésdansunefossecommune.Autotal,durantlesdeuxjours,entre150et
169, voire 180 Juifs furent assassinés, et 600 autres blessés. Et on compta 1
500boutiquesetmaisonspillées;àcebilanilfaudraitajouterlesviolsdefemmeset
les enlèvements de jeunes filles. Du côté des tueurs, il s’agissait d’un collectif
informelincluantdessoldatsetdesmembresdebataillonsdejeunesse,rejointspar
unmondedepauvresoudemoinspauvres,etparfoisguidésparcertainshabitants
chrétiens de Bagdad. Le massacre semble avoir été socialement instructuré et
diffus;ilparaîtagiparunagrégatincertain,informe,presqueinvisiblepourrait-on
dire,auseinduquelilpeuts’avérervainouartificield’identifierdes«leaders».Au-
delàdesfiguresincitatricesouexcitatricesengagéesaudébutducycledeviolence,
unecertainevolatilitédesacteursestperceptible.
La temporalité pogromique serait donc caractérisée par un certain paradoxe de
l’invisibilisation:laviolenceinvisibiliselesmassacrésquisontdesmortssansnom
parceque,pourlestueurs,ilsnerelèventpasdel’humain;maisellefaitdemême
pour les tueurs dont l’euphorie atroce s’expliquerait peut-être précisément par le
faitqu’iln’yapersonne pourlesidentifier.Ilsnesontpour laplupartd’entreeux
quedesinvisiblesdel’histoire,perdusdansune«foule»quiencadrelemassacre.
Onpeutalorscomprendrepourquoilafouleseraitalorsàlafoisprésenteetabsente
danslemassacredelaSaint-Barthélemy,etpourquoionnepeutenfairel’histoire
quepardéduction,àlalumièred’événementstoutaussitragiques.Ilseraitinhérent
auxtemporalitésdesmassacresdefairebasculerlesmassacrésdansl’absence,dans
lenon-être.
Laviolence,enlesnoyant,enfendantlesventresdesmères,encassantlestêtes,
déshistoricise et produit une invisibilité d’autant plus totale que les corps et les
visagesnesontplusidentifiablesàforcedecoupsreçus.Etalors,lerisqueestdese
laisser manipuler par les documents, en pensant que les noms d’une dizaine ou
vingtaine de mythomanes affabulateurs peuvent permettre d’appréhender la
dynamiquedumassacre.L’accomplissementd’unprojetgénocidairepasseparlejeu
dramatique d’un « nous » qui se nourrit de « la haine du différent », de « la
constructiondelarépulsiondeladifférence»quisetraduitparla«constitutionde
l’Autre en radicalement Autre », à la manière de ce que déclara Himmler en
avril1943dansundesesdiscours:«L’antisémitisme,c’estcommel’épouillement.
Sedébarrasserdespoux,cen’estpasunequestiondephilosophie,c’estuneaffaire
de propreté […]. Nous serons bientôt épouillés, il ne nous reste plus que 20
000pouxetnousenauronsfinipourtoutel’Allemagne23 .»
Je voudrais, pour tenter d’expliquer le pourquoi des non-dits des crimes d’août-
septembre1572,meréféreràunpogromadvenuenRoumanieàlafinjuin1941,
dans la ville de Jassy – Iasi – dont plus du tiers si ce n’est la moitié des 100
000habitantsétaientjuifsetquiétaitundesfoyersdel’antisémitismeroumainau
tempsdeladictaturepronaziedeIonAntonescu.Le22juin1941,desaffichessont
placardéesenvilleappelantàtuerlesJuifs,assimilésàdescommunistesetdoncà
destraîtres.«L’heuredelavengeanceasonné»,telestlemotd’ordre.Le25juin,
pour éviter tout risque de confusion, les maisons habitées par des Roumains
chrétiens sont marquées d’une croix24 , tandis que de fausses attaques contre des
soldats roumains sont mises en scène pour renforcer l’accusation ambiante d’une
culpabilité juive opérant aux ordres de Moscou. Après une phase préparatoire au
coursdelaquelledejeunesJuifsréquisitionnéssontcontraintsàcreuserdeuxfosses
communes dans le cimetière juif de Jassy et qui voit déjà des pillages de maisons
juives,lematindu29juin,desgradésdel’arméeetdelagendarmeriemobilisentles
troupes : des gendarmes, des policiers, des officiers et des soldats roumains et
allemandsforcentlesJuifsàabandonnerleursdemeuresetlesconduisentlesmains
en l’air, sous les insultes, les crachats et les coups, jusqu’à la Chestura, le quartier
généraldelapolice.Surlechemin,certainssonttués.
Lafoule,composéed’ouvriers,depetitsfonctionnaires,denégociants,dejeunes,
defemmes,dontcertainsfournissentlesadressesdesJuifsparceque,sansdoute,ils
les connaissent, semble avoir à nouveau été un agrégat transsociétal. Jean Ancel,
aprèsavoiridentifiédanssonanalysedes«grandscriminels»,distingueceuxqu’il
appelleles«petitscriminels»:deslycéens,despetitsfonctionnaires,desartisans,
des commerçants, des intellectuels, des cadres de banque, des ingénieurs, des
retraités. Les voisins des Juifs jouent un rôle certain, n’hésitant pas à donner des
coupsetattendantparfoisl’occasiondepiller.«Cesontbiensouventles voisinsdes
Juifs,ceuxquilesconnaissaientde près,quifurentleurspiresennemis,quifirent
preuveduplusgrandzèleafinquepasunn’échappeausortquiluiétaitdestiné.»
Maisilnefautpasselaisserprendreàcethèmedu«voisin»,card’autres«petits
criminels»,ennombre,surgissentdèsqu’ilsperçoiventquelesJuifssontdésormais
rejetésrituellementhorsdel’humain:domestiques,cochers,balayeurs,apprentis…
Tousces«petitscriminels»sontmassivementimpliquésdanslatuerie:«Armés
degourdinsetdehaches,ilsfrappaient,fracassaientlescrânes,vidaientlespoches,
allaientmêmejusqu’àdépouillerlesJuifsdeleursvêtementsetdeleurschaussures.
Infirmiers, secouristes volontaires, engagés dans la défense passive, employés des
servicesdepropretéurbaine–bref,toutcequiportaitbrassard–prêtèrentmain-
forte aux patrouilles venues chasser le Juif, et leur apportèrent une contribution
précieuse.Chacuntravaillaitpourlebutcommun,toutenpillantpoursonpropre
compte.»Lepogromimpliquedoncunemultiplicitéd’intervenantsrépondantàun
projet génocidaire ; il procède par une succession désordonnée de greffes
individuellesoucollectives.
Laviolenceestd’abord exercéeàcoups debarresde ferquivisent lestêtesafin,
peut-onimaginer, demettre enreprésentation demanière persuasivele non-être
de Juifs qui sont hors de l’humain, mais c’est dans la soirée qu’un massacre a lieu
danslacourdelaChestura:unefusilladeàl’aveugleestdéclenchée,sansdouteen
réponseàun motd’ordre.Lesdeuxjourssuivants,lesmeurtressepoursuiventet
font des milliers de morts. La plupart des cadavres sont dépouillés de leurs
vêtements,commedansleParisd’août1572,puishissésdansdescharrettesoudes
camionsetemmenésverslesgrandesfossescreuséesdanslecimetièredePacurari.
En 1948, le procès du massacre porta le nombre des victimes à 14 850. Certes, il
faut désigner la responsabilité de l’État roumain (armée, gendarmerie, police,
servicessecrets,etc.)etcelledeschefsexécutantsquisontdehautsresponsablesde
l’armée25 et rappeler la décision politique du massacre sans aucun doute prise à
Bucarest,maislapopulationcivilenedoitpasêtreexonéréedenombred’atrocités
commedestortures,desviols etdesmeurtres,despillages26.Etdonc,toujourset
encore, comme dans le massacre génocidaire des Arméniens, l’invariant d’une
violence partagée et invisibilisant l’ennemi en le sortant de l’histoire même.
Comme,àParisen1572,desfossescommunes.
Onretrouvelavolonté 27defairedisparaîtrelesmortsdevenusnonseulementdes
sanscorps, mais aussi et surtout des sans nom. Le pogrom déshumanise puisqu’il
oblitère ce qui fut la vie de ceux qu’il fait mourir et disparaître. Mais, comme il
participed’unprogrammenommé«Grandplan»parAntonescu,«depurification
de la nation roumaine28  », ce qui semble relever d’un empirisme sanglant fut
programmétoutenétantrelayéparunehainecollectivequiadésignéetrassemblé
les Juifs, les a frappés tout en assistant à leur mort, du moins pour ceux qui
périssentdanslacourdeChestura.Eneffet,ledictateurpronazi,arrivéaupouvoir
enseptembre 1940,avait instrumentalisél’antisémitisme« ordinaire» à partirde
l’entréeen guerrede la Roumanie contrel’URSS en1941. Le pogromse déroule,
danslasubjectivitédeceuxquiyontprispart,enfonctiondelaconstructionetde
la diffusion d’un mythe du complot : en l’occurrence la définition du Juif comme
traîtreauservicedel’URSS,quicachedesarmesetdesmunitionsdansl’attentede
donner un soutien à l’Armée rouge ou collabore avec l’ennemi en signalant aux
avions russes les cibles au sol à bombarder et en dissimulant des parachutistes
ennemis.
Retenonsicil’élémentsansdoutecrucialqu’estcemythedelatrahison,par-delà
l’identificationdesJuifsàuncorpsétrangeretnocifdontlepeupleroumaindoitse
purgerdetouteurgence.LeJuif estuntraître,commele protestantde1572était
accusédel’êtreàl’imageemblématiquedel’Amiral.Leshuguenotssontdesimpurs
qu’ilfautannihilerjusqu’audernier,etlapratiquede«l’outrageaucadavre29»,qui
débutesurl’AmiraldeColignyavantdes’étendreàl’ensembledumondeprotestant
parisien,possèdeunedimensiondecrimecollectif.La«sortiedel’être»activéesur
les victimes constitue une « désintégration ontologique 30 » et une invisibilisation
quilesretiredel’histoiremême,desonprésentetsurtoutdesonfutur.Lahainede
l’autre est bien matricielle. L’invisibilisation joue comme une invariance dans les
violencesetaidedoncàpercevoircequesontcelles-cistructuralement31 .
Unsecondmomentd’atrocitésdébutelorsquedesJuifssurvivantssontconduitsà
la gare et chargés dans des wagons à marchandises sans aération. Ce train de la
mort surtout par asphyxie ou déshydratation est suivi par un second train qui
fonctionnedemême,pourun totaldesansdoute 7000morts.Cette violenceest
d’autant plus déshumanisante qu’elle n’est pas le fait direct d’actions meurtrières
humaines. L’enfouissement des cadavres dans des sépulcres collectifs disséminés
spatialementsuggèrequelepropredelatueriede masseestderendreimpossible
autantl’identificationdesmortsquel’estimationdeleurnombre.Nepasprocéderà
une comptabilité qui laisserait une trace renvoie à l’invisibilité et donc à
l’invisibilisation.
Pour ce qui est de la Saint-Barthélemy, je propose, dans cette optique, de
rehausserlechiffragedesvictimeset,sansallerjusqu’aux10000«tuésounoyés»
proposés dès le 29 août par le jésuite Gregor Fabius, de le rapprocher des 7
000 morts suggérés par Claude Haton dans le cadre de ce qu’il désignait
significativement comme un « saccagement32  ». On y reviendra de façon plus
précise.

Desvictimesplusnombreusesqu’iln’estprésumé

Si la Saint-Barthélemy présente des similitudes avec les tueries effrayantes qui
viennent d’être brièvement analysées, nous sommes confrontés à une question
complémentaire.Peut-onpenser,ensuivantlemodèleétabliparJérémieFoa,que
laviolenced’août1572etsesmilliersdevictimesauraientpuêtregérées,contrôlées
etassuméesparuntoutpetitnombred’acteursdontonpeutdevinerqu’ilssontdes
mythomanes cherchant à se composer des figures de zélés serviteurs de Dieu ?
Commentune«poignée»detueursa-t-ellepuavoir,dansuneséquencedetemps
aussibrèvequecelledestrois-septpremiersjours,laforcephysiquedetuerautant
etdetireroufairetirerautantdecadavresjusqu’aufleuve?LaSeinefutcomparée
aussitôtàunegrandelouvebuveusedesang,qu’ilsaientétéengloutisparlesflots
ou emportés plus loin pour annoncer à leur passage le miracle de la victoire
parisiennesurle«monstre»abominabledel’hérésie.Cefurentaumoins1800à2
000cadavresquelesfossoyeursducimetièredesSaints-Innocentsdurentrécupérer
en aval de Paris, sur les berges de la Seine, entre Passy, Saint-Cloud, Auteuil et
Chaillot,etinhumersansplusattendreafind’éviteruneinfectiondel’airparisien.
Mais tous les massacrés ne vinrent pas s’échouer au bord du fleuve. D’autres,
possiblement, continuèrent leur cheminement aquatique vers l’aval ou les
profondeurs!
Dans Paris et ses faubourgs, de très larges franges de ce qui était une société
protestantedisparurentainsientrele24etle31août1572,etpasseulementcelles
dont la richesse attira les pilleurs et que les historiens du temps ont très
partiellement gardées en mémoire33. La société de l’Évangile assassinée était sans
doutebienplusnombreusequelescadavresquis’échouèrentenavaldespontsde
Paris. Cette humanité est perdue à l’histoire, parce que les meurtriers voulaient
précisément qu’il ne subsiste plus rien de ce qu’elle avait été34. Le pasteur érudit
Nathanaël Weiss s’est bien sûr heurté au problème épineux des chiffres quand il
chercha à savoir ce qui s’était passé dans les derniers jours d’août 1572. Il estima
qu’il fallait doubler le nombre des corps jetés dans les eaux – dont je rappelle
l’estimationentre1800et2000–etdoncparvenirà4000morts,auxquelsilajouta
4 000 victimes mises en terre dans l’ensemble de la capitale et de ses banlieues35.
Exagérait-il ? Rappelons que toute une ville fut en action. Juan de Olaegui écrit
qu’unefoisl’alarmesonnéeà«3heuresdumatin»,«touslesParisiens»semirent
àmassacrer36.CharlesIXlui-mêmeparlad’un«peuple»acteurdelatransgression
violente.
Enréalité,àcôtédesélitesdel’argent,dusavoir,delahautetechnicitéartisanale,
une partie de la base populaire du monde protestant parisien fut éliminée, mais
oubliéeparcequ’impossibleàrecenserdansle Martyrologe.Elleconstitueunefoule
anonymiséedanssamortetdoncsanshistoirecommelefutlemassacremême,un
mondede«sanstombeaux»abandonnésàladévorationparlespoissons,comme
ironisèrent les zélés catholiques dans certaines poésies 37. Une chanson, mise en
valeur par Tatiana Debbagi-Baranova en raison de la glorification du massacre
qu’elle faisait entonner aux Parisiens, porte l’attention sur un protestantisme
populaireainsivictimisé:
Lemenupopulaire,
Frerefutiloccis?
Ouyfreresansnul’grace
Sanspitiénemercy,
Varletzetchambrieres
Iettezdanslariuiere,
Touschaussezetvestuz
Noussommestousperduz38.

Un Discourssurlamortinsisteégalement,dansunespaceurbaincomme«repavé
demortz»quin’ontpasétéépargnés,sur«lespluspetisetpauvresdelaterre»qui
ont péri. Le poète invite à chanter une suite comme infinie de morts sans nom
ayant suivi dans le trépas les nobles de guerre qui, quant à eux, ont droit à être
nommés:
RochefouquaultdeSoubiseetdePille
DeTheligni,Rayneletencoremille
Lesontaccompagnant
Etmilleencoredecepeuplerebelle
Quiontpasséalabarquemortelle
Quelenoiresttaignant.

Il y a là, sous l’écriture, une histoire égarée, impossibilisée, et d’autant plus
tragiquequ’elleprivelesmortsdeleurspropresmorts.C’étaitl’objectifmêmedes
massacreurs que d’enclencher une durée dont était exclue toute remémoration
pouvant faire revivre dans un avenir plus ou moins proche ce qui avait été un
tempsdemalédiction,etleurvolontéqued’effacerunpassépourqu’ilnepuissepas
revenir.L’invisibilisationestunestratégiedesuppressiondel’autrephysique,mais
aussiexistentielleetdonceschatologique.
Cet invariant décisif a ceci d’important qu’il nous rappelle que le crime
annihilationniste, malgré les silences qui peuvent entraver sa reconstitution
historique,estd’aborduneœuvrecollective.D’autresvictimesfurentprobablement
emportées plus loin que l’île Maquerelle et ses alentours. Mais surtout, dans ce
contexte,ilfauttenircompted’unelettredel’agenttoscanFilippoCavrianaendate
du27août,quiarecueillil’informationdesecondemainselonlaquellelaSeinen’est
pasleseulsépulcredesmorts:lescadavresfurentaussiportésauPré-aux-Clercs,là
où il était de tradition de jeter les « bestes mortes » et donc les charognes
pourrissantes.Cepointdedétail,quiestloind’enêtreun,envérité,estconfirmé
par l’avocat Louis Dorléans dans son Histoire de la Ligue exaltant « Ce jour
remarquable de la saint Barthelemi », qui a été « le jour de la vengeance du
Seigneur,ouplusieursrenardshuguenotslaisserentnonseulementlaqueuë,mais
aussilapeau:etdontlescharognesinfecterentlepréauxClercs,quileurfutdonné
pourcimetiere».
Il y aurait eu des fosses communes creusées dans l’urgence à peu de distance de
l’enceintedelacapitale,ainsiqued’autres,aménagéesdanslesfaubourgs,prèsdes
portes septentrionales de Paris, également hors de l’enceinte. Et même peut-être
intramuros.Unecroixdefer,scelléeaumurdel’égliseSaint-Gervais,auraitrappelé
lesouvenird’uneinhumation,effectuéedansl’urgence,de475huguenots39 quedes
travaux de réparation, en 1851, parurent confirmer, quand des ossements furent
découverts. C’est la mort qui produit des « tas de morts », des cadavres sans
rédemption d’autant qu’ils sont comme engloutis sous terre40. Des cadavres
invisibilisés dans l’urgence sur le prétexte de la menace que leur pourrissement à
l’airlibrepouvaitconstituer.Descadavres,surtout,commemauditspourl’éternité
etofferts ausilence dunéant. Maisil y aaussi lesinhumations effectuéesau plus
secretdeslieuxdes crimes.OudinPetit auraitétémis enterre danssacave après
avoirreçuvingt-septcoupsdepistolesetdehallebardes41 .Sesassassinsauraientété
l’hôtedelaBelleImageetd’«autresgarnemens»quilesuivaient,envoyésparson
proprebeau-père,lelibraireJacquesKerver«àraisond’uneinimitiéqu’ilseurent
ensembleenunpartageapreslamortdelamereduditPetit».
LepasteurNathanaëlWeissaprobablementvujustequandilécrivitquelaSeine
n’auraitattiréàellequelamoitiédel’ensembledescadavresparisiens.«LaSeinene
reçutdoncvraisemblablementquelescadavres,souventàdemimorts,deceuxqui
furenttuésàproximitédesesrives,auxenvironsduLouvre,del’HôteldeNeslequi
était en face, et surtout les victimes des ponts, alors couverts de boutiques et de
maisons élevées, de la Cité et de ses alentours immédiats, c’est-à-dire de ce qui
constituait en somme le cœur du Paris du XVIe  siècle42 . » Les morts furent plus
nombreuxqu’iln’estpossibledel’évaluerens’appuyantsurlesseulsdocumentsque
l’histoiremetàdisposition.L’objectifdestueursfutd’ensevelirlamémoirequeles
huguenotsreprésentaientetainsiderompredéfinitivementlecoursd’unehistoire
qui avait vu, dans leur système de représentations, des traîtres au roi et à Dieu
tenterd’imposerauroyaumetrèschrétienunefoiinspiréeparSatan.Commecefut
l’objectif des acteurs ou des voyeurs des tueries de masse de l’Europe de jadis :
invisibiliser pour parfaire l’anéantissement et aussi pour dire qu’il devait se
continuerenunegrandefêtecollective.

L’invariantdel’altérisation43
Rappelonsiciquel’imaginairequiprogrammeetproduitlagestuelledeviolence
est valorisé, depuis le tournant de 1560, par des rituels d’animalisation qui
actualisentlesparoleschristiquesannonçantqu’auxderniersTemps,danslebutde
détruire l’Église, les loups se déguiseront en brebis, « corrompus ainsi que bestes
brutes»parcequemortsspirituellementcommeleproclameunlibelleprophétique
dutemps.L’animalisationveutdécaperlavéritéd’uncorpsbestial,rendantvisible
que l’hérétique fait partie de ceux dont Jésus a prophétisé qu’ils viendront aux
derniers Temps avec la Bête assaillir son Église sainte. Récurrents sont les textes
quidisentquelescatholiquestraitentleursvictimes«commedesbestes».Cesont
les petits enfants de Provins attachant une corde aux pieds d’un hérétique et le
tirantainsidecarrefourencarrefourparlesruesdelaville«commeonfaitd’une
beste morte », d’un être sans âme parce qu’en se détournant de Dieu il a tué son
âme,l’amiseàmortenlalivrantàlamortéternelle.Cesontencoredeschassesaux
huguenots, coursés par l’espace communautaire comme des bêtes, qui sont
organisées.ÊtrequiaperdusonâmeenladonnantàSatan,lehuguenotestainsi
appelé à rejoindre au Pré-aux-Clercs les lieux où les charognes animales étaient
enterrées.UneâmepourrissantepuisqueséparéedeDieu,uneâmemorteàDieuet
nepouvantplus,unefoisengloutieparlaterre,continueràvivredansl’obéissance
àSatan44 .
SilaviolenceestvécueetexaltéecommeuneœuvredejusticevoulueparDieu,
unemanièrederetourdeDieuparmisonpeuple,c’estparcequetoutuntravailde
paroledesprêtresetdesmoinesacertifiéquelehuguenotnedoitpas,nepeutpas
être considéré comme un vivant parmi les autres : il n’est qu’un corps sans âme,
qu’ilfautdonctraitersanspitiéaucuneetdontilfautabolirjusqu’àlamémoire.Ila
la mort en lui, et donc le tuer, c’est l’envoyer vers ce qu’il est déjà. Son histoire
cristallise la nécessité de son altérisation et donc de sa mise hors de l’humain. Le
disciple de Calvin, parce qu’il est censé vénérer un dieu qui n’est qu’une illusion
diabolique,n’estplusqu’uneapparencedel’imagecrééeparDieuàsaressemblance.
Aucunehésitation ne doit, aux yeuxdes prédicateurs et des polémistesde l’Église
romaine, s’interposer entre l’exigence divine d’extermination et l’acte de mise à
mort. Tuer n’est pas pécher, c’est au contraire aimer Dieu, aller au-devant d’un
désirdeDieu.Êtrehérétique,c’ests’êtredéplacédel’humainverslenon-humainet
appeler immanquablement sur soi le châtiment que Dieu a commandé
bibliquement à son peuple d’appliquer sans nulle pitié à celui qui le reniera en
adorantMolochouBaal.«Nilesexe,nil’âgedespersonnesn’ontétépardonnés,et
le peuple a été ainsi consolé. » Les mots sont importants : il y a le peuple, et de
l’accomplissementviolentauquelilprendpart,lepeuplereçoituneconsolation,un
apaisement de ses angoisses face à un Dieu dont les commandements avaient été
oubliés et qui avait été irrité par les abominations perpétrées45. Dans chaque
assassinat de la Saint-Barthélemy, c’est la figure d’une idole, honorée au fond du
cœur de l’hérétique, qui est symboliquement abattue ou brisée, et donc c’est le
commandementdel’Éternelquis’accomplit:
AinsiparleleSeigneur,l’Éternel,
Auxmontagnesetauxcollines,
Auxravinsetauxvallées:
Voici,jefaisvenirl’épéecontrevous,
Etjedétruiraivoshautslieux.
Vosautelsserontdévastés,
Vosstatuesdusoleilserontbrisées,
Etjeferaitombervosmortsdevantvosidoles.
Jemettrailescadavresdesenfantsd’Israëldevantleursidoles,
Etjedisperseraivosossementsautourdevosautels46 .

Les meurtriers, par leurs propres gestes, se trouvent introduits dans
l’accomplissementdelaviolencedivinedesderniersTempsdumonde.Récurrents
sontlestextesquidisentque,depuislafindesannées1550,lescatholiquestraitent
leurs victimes comme des « bestes47  » et c’est ce qu’ils font durant les matines
parisiennes. Ce sont de telles exhortations décisives qu’il faut prendre en compte
dans la reconstitution virtuelle de la « scène intérieure » propre aux « bons
catholiques»decesannéesdesangetplusprécisémentdesjoursetdesnuitsdela
Saint-Barthélemy.Unescènequiexigel’invisibilisationdel’autrequ’estl’hérétique,
samétamorphoseencenéantd’êtrequ’ildissimule.Unestructuresedégageici.
Il y a en effet obligation de violence annihilationniste parce que Dieu veut une
violencequin’épargnepersonneetdontlagestuellerépètelesatrocitésdupasséet
du futur. Et l’obligation est celle de chaque fidèle de Dieu quand il est référé à
l’énoncé biblique édictant que tout séducteur, qui détournerait le peuple des
commandementsdivins,doitêtrelapidé,dansl’oublidesliensmêmesdelachairet
dusang48.Àl’originedelapulsiondeviolence,ilyauncapitaldereprésentations
qui appelle les « devotz Chrestiens vrays Catholiques49 » à se replacer dans les
traces du peuple de la première Alliance. Dieu est exalté dans les sermons pour
avoir donné le droit de tuer à ceux qui sont membres de son corps mystique. La
défense de l’Église commande d’urgence la mort de ceux dont la présence est
représentée sous la forme d’un assaut ultime de Satan. C’est un véritable combat
contrelemalquechaquefidèlecatholiqueestainsiincitéàmener,pourempêcher,
est-il dit, que les saints temples soient mis à bas et que les saints prêtres soient
massacrés:l’hérétiqueestlediable,calomniateurensesparolesetsurtouthomicide
parsafaussetéquifaitsanscesseglisserd’autresâmesverslamortspirituelleque
signifiel’adorationidolâtred’unfauxdieu.Toutestabominationenlui,etletuer
n’estpascrime,maispurejustice,« médecine»dupeuple purifiantlecorpsdela
chrétienté.LeprêtreArtusDésiréallajusqu’àavancerquelepardonestunpéché
enuntempsoùiln’estplusquestiondetergiverseraveclemal,parcequechaque
instantaugmentelapuissancedeSatan.Lecombatestnécessaire,jusqu’ausacrifice
desoipourlagloiredeDieu:
Ceulxquirespandrontleursang
Pourcestecausejusteetbonne,
SontasseurezqueDieuleurdonne
Plainpardondetousleurspéchez…
Etsinouspardonnonsaumoindre,
Dieunousextermineratous50 .

La mise à mort des protestants de l’Évangile, impies et hérétiques, doit être
assuméepartousquandlepouvoirpolitiquesemontretropconciliant.Toutepaix,
quandleshérétiquescontaminentparleurprésencelacommunautédesfidèles,est
unefaussepaix,etlaguerred’exterminationestlesalutL’obéissanceàDieuprime,
et les prédicateurs allèguent tous les exemples bibliques de violence, entre autres
celui de Moïse qui commanda à tous ceux qui aimaient véritablement Dieu de
massacrer, ou celui ordonnant au frère fidèle de tuer le frère infidèle, de le faire
disparaîtredelaterre,delerendreinvisible,parcequ’ilestundiablesecachantsous
l’apparencehumaine51.L’altérisation,commel’invisibilisation,joueunrôlecapital.
Ilenrésulte,finaoût1572,unehauteintensitémortifèredanslamesureoù,sil’on
suitencorelarelationdeTomassoSasseti,ilsuffisaitd’êtredésignéaucri«voyez
voilà un huguenot » pour être pris pour cible. Et ceci jusque dans les villages
environnants de la capitale. C’est ainsi que d’aucuns, comme François Eudes de
Mézeray52 ou l’ambassadeur de Portugal à Paris Ruy Gomez da Silva, arrivent au
nombrede5000morts.Iln’yapasdecomptabilitéprécisedecettezonedeforte
dynamique tueuse qu’est l’Université, pour laquelle l’anonyme bourgeois de
Strasbourgpréciseque«beaucoupd’étudiantsetdejeunesgarçons,doncnombre
d’Allemands,ontétélàégorgés».Etilyacequisepassaitdanslesecretdesgeôles;
le sieur Huyard, quand il est incarcéré au Châtelet, est informé peu après son
arrivéeparunautredétenuquelasituationn’estpasfavorable:«C’estpitiédevoir
etentendrelespauvretezquis’exercentcontreceuxdelareligion.Quandviendra
surlaminuict,vousn’entendrezquecrisethurlemenslamentables,deceuxqu’on
esgorgera,etpuisjetteral’onlescorpsmortsenlarivière.»
On tue encore après le 10 septembre, de manière ponctuelle sans doute mais
signaléeparlenonceAntonioMariaSalviati:«Souventonjettedanslarivière,la
nuitetsansbruit,quelquesdizainesdeprotestantsquel’ontraîneàlarivière.»Àla
date du 14 septembre, le curé Jean de la Fosse souligne que la recherche des
huguenotssecontinueenville,visantàlesemprisonneret «estoientexécutésde
nuict par le bourreau ceux qui demeuroient obstinés53  ». Des morts toujours et
encoresans nom, et donc en quelque sorte sanscorps. Quant au comte de Saint-
Pol,ambassadeurduducdeSavoie,le16septembre,ilécritquel’oncontinue«une
grandeexécution,maisdenuit, etsontjettésdans larivièresansestre cogneus».
Dixjoursplustard,ilconstateque«onfaittoujoursmourirdeshuguenots,tantà
Parisqu’ailleurs54».
Que penser des 7 000 morts sur lesquels Claude Haton s’attarde ? Ceux qui ont
« vu » l’événement parisien se disent avoir été véritablement impressionnés par
l’effet, horripilant du fait du nombre, des corps assassinés et amoncelés : alors
résidant au collège jésuite de Clermont, Joachim Opser, après s’être limité le
24 août à évoquer l’« allégresse des Parisiens » et les cadavres des chefs du parti
huguenots,dépouilléset exposéssur lesplaces deParis, observele 26août qu’ila
assistéàcequ’ilnommeun«immensecarnage».Ilconfiequ’ilaétémarquéparce
qu’ilacontempléaprèsavoirprobablementdescendularueSaint-Jacquesjusqu’àla
Seine:«J’aifrémiàlavuedecetterivièrepleinedecadavresnusethorriblement
maltraités55. » Les nouvelles ont couru vite dans la capitale et contribuent à
renforcerladimensionexterminatricedumassacre:«Tousleslibraireshérétiques
qu’onaputrouverontétémassacrésetjetésnusdanslesflots.Ramus,quis’était
élancédesachambreàcoucher,assezélevée,estencoreétendusansvêtementssur
lerivage,percédenombreuxcoupsdepoignards.Enunmot,iln’yapersonne,sans
mêmeexcepterlesfemmes,quinesoittuéoublessé.»N’ya-t-ilpaslàl’indiced’une
tueriedemassed’uneplusgrandeamplitudequecellequel’historiographieatendu
àentérinerenselimitantdemanièreprivilégiéeauxfossescreuséespourlescorps
déposéslelongdesrivesdelaSeine,enavaldeParis56?
Arrêtons-nousicisurunpointdedétailquiestrécurrentdurantlemassacreetqui
iraitenrenforcementdenotredémonstration:Ramus,commebeaucoupd’autres
protestants,péritassassinédemultiplescoupsdepoignardoudague,soitdesarmes
quinesontpascellesqueportentlesgensdelamilice,desépées,desarquebuses,
desmousquets,desfusils.LudovicodeNevers-Gonzagueattribueainsilemassacre
à«ungvilpeupledesvilles»,sansarmesmaismuniprovidentiellementde«petitz
cousteaulx57 ». Nous pourrions tendre en effet à penser que ce serait, outre les
gentilshommeshuguenotsvenusàParisàl’occasiondumariagedu18aoûtetaussi
tousceux présents pour affaires, une part majeurede la communauté protestante
parisiennequi aurait été anéantie. Selon une affirmation de Joachim Opser, Paris
bruissedenouvellesrelatantlesnomsdesprotestantsassassinésetlesconditionsde
leursmisesàmort.Lestueursneseraientpasdemeurésdansl’ombre,ilsauraient
parlé aussitôt de ce qui s’était passé, et au regard porté par ceux qui vont voir le
spectaclesemblents’êtresurimposéslesmotsdetémoinsouacteurs.Maiscesmots
n’ontpasététranscrits,àl’exceptiondetémoignagescollationnésàGenève.
Une violence de très forte magnitude est ainsi soupçonnable, qui inclinerait à
supputer une mortalité criminelle élevée et dépassant les 3 000 tués. En
conséquence, un chiffrage d’au-delà des 4 000 assassinés, précédemment suggéré,
neseraitpasabsurde.Ilnes’agitpasdefairedelasurenchère,maisd’avoirlesouci
dedonnerexistenceàdesmortssansnoms,sanscorps,intentionnellementprivés
d’histoire.
Lesrarescatholiquesqui,peut-être,auraientpufournirdesinformationsprécises,
pourleurpartsontrestésmuets,souvents’abritantderrièreunpremiereffroiqu’ils
dirent avoir ressenti et dont ils n’auraient pas voulu surimpressionner leur
mémoire.Onl’avu,Christophede Thous’enfermetrèstemporairementchezlui,
pournepascontinueràvoird’autresatrocités,etdepeurdenepouvoircontenir
sonémotion face auxmassacreurs. Celane l’empêche pasd’être présent auLit de
justicedu26aoûtetdedirecequ’ilnesouhaitaitsansdoutepasdire!Le31août,à
Limoges,cefutlemaîtred’hôtelduseigneurde Lossequi,àsonarrivéedeParis,
dans le plus grand secret, s’adressa à un des consuls de la ville et l’informa du
«grandetsanglantmassacre»commencéledimanche«uneheureaprèsminuit».
Son interlocuteur l’emmena alors devant une assemblée extraordinaire réunissant
la plupart des consuls en charge et des notables de la ville. Là, il raconta ce qu’il
avait vu, et, pour tous les auditeurs, ce fut la stupeur, le sentiment qu’ils étaient
projetés dans un autre univers, subitement : « Les premières et plus qu’estranges
nouvelles dung si soubdain et inopiné changement estoient tant eslongnées de la
pensée et jugement des hommes qu’elles ressembloient plutost la mémoire dung
songequeàungvrayrécitethistoiredevérité58.»Unestupeurtotalequiiraitdans
le sens d’une évaluation haute des morts reflétant la puissance du processus
d’altérisationayantétéautravaildansleParisdesmoisetdessemainesd’avantle
massacre.

Le«peuple»enpuissancedetuer

Le«peuple»d’août1572estuneforceportéeàtuerpourrépondreàundésirde
Dieu, et il ne se réduit pas à des assassins en petit nombre même entourés
d’hommesdemain.Ilprésentelamêmedynamiquesocialecriminellequecellede
tumultes antérieurs, comme celui de l’église Saint-Médard sur la fin de l’année
1561,lesamedi27décembre:ceseraitalorsle«séditieuxpopulaire»quiauraitété
àl’œuvre59 ,qu’unlibellehuguenotnommepolémiquement«cestespouvantailde
peuple et appeau de sedition », formé de « nombre de prestres et autres mutins
embastonnezd’espées,rondelles,longsbois,grospavezetarbalestres,faisansarmes
àtouteoutranceetcruelleresistence 60».Etc’estlemêmepeuplequi,stimulépar
SimonVigor,semobilisalorsdelaséditionquisuivitledéplacementdelaCroixde
Gastine au cimetière des Saint-Innocents durant la nuit du 19 au
20décembre157161 .Aumatin,c’estl’«émotion»,«unepopulace»passantdevant
lePalaisetydéclenchantunepanique.Deuxmaisons,cellesduMarteaud’OretLa
Perle,sontdévastéessurlepontNotre-Dame,tandisqu’aumêmemomentquelques
bandes sont en action dans certaines des rues de Paris62  ; et la répression donna
lieu,selonlecuréJeandelaFosse,àlapendaisond’undesémeutiers,unvendeurde
fruits,enplacedeGrèvetandisque«unglundyfurentfouettésdespauvresgens,
lesquels avoient bruslé et mis le feu aux maisons des huguenots 63 ». Un « menu
peuple64  » qui pille et vole et aussi65 , des « petitz et menuz peuples », des
«manœuvres,femmesetenfanssansarmesayansseullementpierresetbastonsde
bois », que le roi soupçonne d’être encouragés par des « gros66 ». Ces « pauvres
gens » ne seraient-ils pas à nouveau en action durant les journées de la fin
août1572 afin de laisser exploser,cette fois-ci dans uncadre qu’ils pensent licite,
leurhaineannihilatricedel’hérésie?
Le jeune Maximilien de Béthune rapporte avoir été réveillé sur les trois heures
aprèsminuit « au bruit de plusieurs cris de peuples, et des alarmes qu’on sonnait
dans tous les clochers ». L’expression « cris de peuples » évoque de nombreuses
présences activistes. Paris s’éveille à la fois dans un vacarme vocal et au son des
cloches.Ilcomprendque songouverneur,le sieurde Saint-Julien,etsonvalet de
chambre sont sortis pour aller aux nouvelles ; il ne saura jamais ce qu’ils sont
devenus, probablement parce qu’ils font partie des morts sans nom des toutes
premières heures du massacre. Il est seul et il veut survivre67. Malgré les
suggestionsdesonhôtequiestprotestantetquilepressed’alleravecluiàlamesse,
ilrevêtsatenued’écoliertouten«prenantungroslivred’heuressoussonbras»
pour s’en faire une sorte de passeport. Son projet est de se rendre au Collège de
Bourgogne.
Le témoignage de Sully est précieux, car il permet d’identifier de manière plus
certaine une ville vite devenue criminelle par effet du nombre de ceux qui sont
dehors. Il est alors « saisi d’horreur », raconte-t-il ; en sortant dans la rue et en
voyant « des furieux qui couraient de toutes parts, et enfonçaient les maisons en
criant : tue, tue, massacre les huguenots ». Le sang coulait partout sous ses yeux68.
Parissembleavoirétéunespacesaturédeviolencesetsurtoutdeviolentsquivont
etviennent.Lavisionqu’ilaretenueestcelled’uneséditionàlafoisprogramméeet
spontanée,entreceuxquiarpententlesruesdelacapitaleensemblantserépartir
les tâches et en sachant où ils doivent porter leur action, et ceux qui paraissent
intervenirempiriquement 69.Dehors,ettoutseul,ilcroisetroiscorpsdegardemis
en place pour intercepter et contrôler les passants, successivement dans la rue
Saint-Jacquesoùilestarrêtéet«rudoyé»,danslaruedelaHarpe,etenfindevant
laporteducloîtreSaint-Benoît.
Cequ’ilvoitencoursdecheminressembleàuneactioncollectivededévastation
ou d’extermination, à une ruée meurtrière dans le cours de laquelle les mêmes
gestes et les mêmes mots sont réitérés, suscitant ou entretenant une sorte
d’émulation partagée : « Enfoncer et piller des maisons, massacrer hommes,
femmesetenfants,avec lescrisde tue, tue,ôhuguenot, ôhuguenot.» Difficilement,
grâceauprincipal GeoffroydeLa Fayeet alorsquele nombredes «furieux »lui
paraîtnepascesserd’augmenter,laporteduCollègedeBourgogneluiestouverte,
etilestalorscachédansunechambresecrète,malgrécequeracontaientalorsdeux
ecclésiastiquesquiaffirmaientêtre informésd’un« desseinformé detuertous les
huguenots jusqu’aux enfants à la mamelle, et ce à l’exemple des Vêpres
siciliennes70».AvecSully,nousdisposonsd’untémoinoculairequinousassureque
ceseraient des tueurs en nombre impressionnant, qui seraientintervenus dans la
capitaleprécocementencematindedimanche.
La«populace», lemotrevient tropsouventpourque laviolenceait étéleseul
faitd’unemicro-élitebourgeoisezélée etsecréditant,par lasurmultiplicationdes
assassinats71, d’une réalisation des attentes du roi et de Dieu. Même Estienne
Pasquier consacre un développement anecdotique à l’un des rares protestants
parisiens à avoir tenté de résister aux tueurs en se barricadant dans sa maison
durant huit ou neuf heures. Il s’agissait du lieutenant de la Maréchaussée et
procureurenlacourdeParlement,unhommederobelongue,PierredeTaverny,
quitinttêteainsiàla«populace»jusqu’àmourirencombattant72.Unepopulace
qui n’est pas ainsi réduite à des hommes de la milice bourgeoise menée par des
capitaines ou des lieutenants 73. Le narrateur strasbourgeois, dans sa déposition,
s’attardesurunautrecasderésistance:«Ledimanche,autoutcommencementdu
massacre,troisgentilshommesetunedamequilogeaientàl’aubergedesTrois-Rois
se sont retirés, à travers une écurie, dans une chapelle appelée chapelle des
Orfèvres;là,ilssesontdéfendusaussilongtempsqu’ilsonteudelapoudreetdes
balles, et en tirant au dehors et blessant beaucoup d’assaillants. Mais lorsqu’ils
n’eurentplusdemunitions,onaforcélesportesdelachapelle,etilsfurenttaillés
enpièces.»
Ne peut-on pas alors induire de l’usage des mots mêmes que la violence s’ancre
dansunehistoirelonguecristalliséeautourdecrisesayantpourfinlapurification
de la communauté parisienne ? Car les séquences massacrantes de la révolte
cabochienneetdelamiseàmortdesArmagnacsontétéactivéespardes«menus
gens»selonPierredeFenin,des«gensdepetitestat»,parune«foulefurieuseet
insensée»etune«cohuedelapopulace»ainsiquelesouligneThomasBasin 74.Ne
doit-on pas ici suivre Bronislaw Geremek et son insistance sur la présence d’un
«Lumpenproletariat»jouantunrôleexcitatifdans«l’anarchiedesdécisions»mais
n’excluant pas une part activiste jouée par des bourgeois75  ? Le Paris criminel de
1572 s’ancre dans un passé des tumultes parisiens. On ne peut qu’être frappé et
hantéparlesmotsqu’emploiedansunelettredatéedeParis,le27août,leFlorentin
JacopoCorbinelli,lorsqu’ilparledutempsquisuivitlamortdeColigny,abandonné
« à la licence populaire76 ». Tout, dans ce temps où la « bouche » de Cerbère est
ouverteet oùles huguenotssont « précipitésà la rivière», donneun sentimentde
dépassementinédit : « Combien de pillages, combien demorts! Quel triumvirat ! Quel
spectacle surpassant tout mémoire. » Il aura été donné libre cours « à la licence
populaireetàlapassiondupeupledeParis»longtempscontenue,maisayantdela
sortepuassouvir«safureur»commeentémoignelavision«d’unetellemultitude
decorpsmassacrésetnuds77»
Un bruit assourdissant a envahi l’espace parisien, et dans ce grand nombre de
tueursarmésetdisséminésdanslaville,onpeutdistingueràlafoisdes«soldats»
etdescivils.Unautretémoin,certeslogénonloindel’épicentredumassacrequ’a
étélelogisdel’Amiral,sesouvintque,depuissachambre,ilputentendre«legrand
bruictettumultequiestoitdanslarue,etlerompementdesportes,mesmecelledu
logisdeM.L’Admiral78».JacquesNompardeCaumontaconservélesouvenirde
bateaux«remplisde soldatsqui,soudain qu’ilsabordoient– surlarive gauche–,
couloientlelongdelaruedeSeine».AprèsavoirpensérejoindrelePré-aux-Clercs
quiétaitcenséservirdepointderalliementàlanoblessehuguenote,luietsonpère
parviennentaulogisoùsonfrèreaîné,affaibliparunegravemaladie,demeurait79.
Là,cesontplusieurs«soldats»quifrappentàlaportetoutencriantàtrèshaute
voix,«Ouvre,ouvre,avecbeaucoupdeblasphèmes».Uneservanteestenvoyéepour
déverrouillerlaporte,etalors«labasse-courseremplitaussitôtdesoldatsconduits
par un capitaine, lesquelsmontentà la chambre, l’épée à la main, et se mettent à
crier:tue,tue».Unefoisleursépéesconfisquées,lecapitaine,nomméMartin,dità
sonpère : «Prie Dieu, situ veux, caril te fautmourir80! » FrançoisNompar de
Caumontdemandealorspitiépoursesjeunesenfantsetpromet,enéchangedeleur
viesauve,unerançon.Laphasedepillageparlessoldatsdébutealors,maiscomme
les clefs des coffres ont été emportées par un valet qui a pris la fuite, bahuts et
armoires sont traînés au milieu de la chambre, et enfoncés avec les chenets de la
cheminée.Toutestvolé,argent,vaisselle,meubles,habits.
Lecapitaineetsescompagnons,àcemoment,seréfèrent«avecblasphèmes»,à
un mot d’ordre dont la provenance n’est pas précisée : « Qu’ils avoient
commandementdetuertoutsansrienépargner.»Sansdouteest-celemotd’ordre
autogénéré par l’assassinat de l’Amiral ? Tout se passe comme si on se trouvait
confrontéàun «pattern»deviolenceantiprotestantedetype«pogrom»,avecdes
tueursquinientl’humanitédeleursvictimesetquiappliquentcequ’ilspensentêtre
unlégitimedevoird’extermination.Mais,attiréparlapromessederançon,Martin
décide d’équiper le père et les deux fils, ainsi qu’un page et un valet de chambre,
d’une croix faite avec un mouchoir déchiré qu’il attache sur les chapeaux ou
bonnetsetdeleurfaireretrousserlamanchedubrasdroitjusqu’auhautdel’épaule,
ensigneduservicedeDieu.Labandeemprunteuncheminquilafaitpasserdevant
leLouvre,oùilspeuventvoiràmêmelepavédenombreuxcadavres,dontceluidu
sieur de Piles. Ils rejoignent la rue des Petits-Champs, où habitait le capitaine
Martin. François de Caumont fait alors une double promesse : donner la rançon
dansdeuxjoursetresterdanslamaisonavecsesenfants.DeuxSuissessontlaissés
engardetandisquelevaletGastestenvoyéauprèsdeMadamedeGontaut,labelle-
sœurdumaréchaldeBiron,quiprometd’êtreenmesurederéuniretdélivrerles2
000livresderançonpourlemardi26août.Toutseseraitpeut-êtrebienpassési,le
26 au matin, la maison n’avait pas été investie par Annibal de Coconas et 40 à
50soldatssuissesetfrançais.Lecomtearguequ’ilvientchercherlepèreetsesfils
surordreduducd’Anjou,prévenuqu’ilssontendétentionetquiveutleurparler.
Maisvite,aumomentdepartir,laconfigurationchange:lesmanteaux,chapeaux
et bonnets sont retirés aux prisonniers, qui l’interprètent comme l’indice d’une
mortimminentemalgrélapromessederançonquiaétéfaite.Lepèreetsesdeux
fils doivent sortir de la maison et marcher vers le « fond » de la rue des Petits-
Champs.Là,les soldatscrient «Tue, tue! ».Le filsaîné estle premierfrappé de
coups de poignard, puis c’est le père qui tombe « percé de coups ». Jacques de
Caumont,éclabousséparlesang,selaissetomberàterreentresonpèreetsonfrère
qui continuent à recevoir de nombreux coups de poignard. Les meurtriers
dépouillent leurs victimes de leurs vêtements et les laissent nus à terre sans se
rendrecomptequel’uned’ellesestvivante.Lepèremetlongtempsàexpirer,etle
fils peut écouter ses sanglots, en de longs moments de souffrance. Il est en outre
conscientqu’illuiseradésormaisquasimentimpossiblede«sesauveretsegarantir
de la furie enragée d’un peuple mutiné ». On voit ici que la temporalité violente
met donc en scène deux acteurs, des professionnels de la violence qui sont sans
doutedessoldats,etle«peuple»quiparaîtlessuivreouaccompagner.Ensuite,sur
les4heuresdel’après-midi,deshabitantsdesmaisonsvoisinessortentdechezeux:
«UnmarqueurdujeudepaumedelarueVerdelet,voulantluiarracherunbasde
toilequiluiétoitrestéàunejambe,leretourne,carilavoirlevisagecontreterre,et
levoyantsijeune,s’écria:“Hélas!celui-cin’estqu’unpauvreenfant:n’est-cepas
granddommage?Quelmalpouvoit-ilfaire?”»
L’homme prend ses distances, car les tueurs sont encore dans les parages, puis
revintluimettresurlesépaules«unméchantmanteau»etlefaitmarcherdevant
luiendonnantl’impressionqu’illuidonnedescoups.Auvoisinquil’interroge,ilse
justifieendisantqu’ilfouettesonpetit-neveuquiestivre.Ill’emmènechezlui,tout
enpassantplusieurscorpsdegarde:c’esttoutelacapitalequiestainsiquadrillée,
précise-t-il(«carilyenavoitencoreàtouslescoinsderue»).Cachédanslapaille
d’unlit,ildoitdonnertouteslesbaguesqu’ilportaitauxdoigts,devantmêmeplier,
pour obtenir à manger, devant la femme du marqueur qui exige le diamant qu’il
tenait de sa mère. Il demande à être conduit au Louvre, où se trouvait sa sœur
remariée à Nicolas de Grémonville, sieur de Larchant, capitaine des gardes de
CharlesIX.Lemarqueurrefuse,arguantquepouryarriver«yatantdecorpsde
gardeàpasserquequelqu’unvousreconnoitroitetqu’onnoustueroittousdeux».
Le lendemain matin très tôt, Jacques de Caumont doit enfiler des chausses et un
pourpointde toile crasseuse,ainsi que lemanteau prêté la veille,et mettre sur sa
têteun«méchantbonnetrouge»ornéd’unecroixdeplomb.Auleverdujour,il
parvient ainsi à l’Arsenal et réussit à trouver sa tante, madame de Brisambourg.
L’aventuren’estpasfinie,carilfautlecacher,avantdel’exfiltrerchezFrançoisde
Guillon,sieurdeRichebourg,contrôleurgénéraldel’artillerie,chezquiilrestehuit
joursavantdeparveniràsortirdeParis.
Surlechemin,dansuneauberge,ilvoitun détrousseurdecadavresquiportela
robe de chambre de son frère et qui fait preuve d’une exaltation affirmée, « ne
faisantdurantlesouperqueloueràmerveillelagénéreuserésolutionduRoideles
avoir exterminés », tout en ajoutant son contentement de savoir que François
Nomparde Caumont et sesfils avaient étémis à mort. Jacquesde Caumont aura
besoin de huit jours pour rejoindre le Périgord et y retrouver son oncle lui aussi
fugitifdeParis… Cequ’il avuest uneville danslaquelledes soldatsquisemblent
pourcertainsêtredesSuissesduroituentourançonnentcertes,maisoùégalement
se sont spontanément mobilisés des individus qui traquent les protestants ou
profitentdelasituationpours’approprierdesvêtements…
AjoutonsletémoignagedeCharlotteArbalestedeLaBorde,alorsveuvedusieur
de Feuquières : réveillée tôt le matin du dimanche 24 août dans son lit par une
servante qui était de la religion et qui vient lui dire que « l’on tuoit tout », elle
regardeparlesfenêtresetvoitdanslagranderueSaint-Antoineàlafois«toutle
mondefortesmeu»etplusieurscorpsdegarde,chaquehommeportantunecroix
blancheàsonchapeau81.Seloncedontellesesouvientavecémotion,c’estdansles
rues mêmes que tuent les massacreurs, qu’elle évoque sous le terme générique de
« ceste populace82 », agissant dans le cadre de ce qui est « une sédition qui
s’esmouvoitfort».Surleshuitheuresdumatinseulement,elleapprendl’assassinat
del’Amiral«etdetantdeseigneursetgentilshommes».Ellerecourtànouveauau
mot « sédition » pour qualifier ce qui se passe. Son logis est pillé par des
domestiquesduducdeGuise.Préventivementelleatrouvérefugechezunmaître
desrequêtes,MonsieurdePerreuse,avecsafilleâgéedetroisansetdemi.Plusde
quarantepersonnessontcachéeschezlui;cequilecontraintàfairechercherdes
vivres«àunaultreboutdelaville»,pouréviterlessoupçons,tandisqu’ildoitse
tenir sur le seuil de sa porte, pour saluer les M. de Guise ou M. de Nevers, et
« aultres seigneurs qui passoient et repassoient par là, et aussy aux capitaines de
Paris, qui pilloient les maisons voisines de ceulx de la religion ». Des capitaines,
dont Robert Descimon a souligné qu’ils étaient pour beaucoup de « bons
marchands», maisaussi et en moindre nombre des gens de métier ou même des
gensdeloi83.
Réfugiée dans une « voûte creuse » du grenier, le mardi 26 août, elle peut
entendre « de si estranges cris d’hommes, femmes et enfants qu’on massacroit
parmylesrues»,commesilaviolence,devaitêtrevueetentendue,sousleregard
du Dieu jaloux de Moïse. Comme s’il fallait qu’elle envahisse de manière sonore
l’espaceparisienpourproclamerquel’AngedeDieuétaitenactiondanslaville.La
situationsetenddufaitl’annonced’unevisiteimminentedecapitainesdelamilice
qui se livrent au pillage des demeures voisines. Charlotte Arbaleste garde en
mémoire une immense angoisse qui l’étreignit : « J’entray en telle perplexité et
quasidésespoirquesanslacraintequej’avoisd’offenserDieu,j’eusseayméplustost
meprécipiterquedetomberviveentrelesmainsdecestepopulaceetdevoirma
fillemassacréequejecraignoisplusquemamort.»Entoutcas,c’esticidésormais
la«populace»quitue:une«furiequiadvient».Lesoir,elleparvientàtrouverun
hébergementchezun maréchal-ferrantmariéà l’unede sesfemmes dechambres,
«hommeséditieuxetquiestoitCapitainedesonquartier»,enluipromettantune
gratification notable. Cette perspective n’empêche pas son hôte de ne faire que
«mesdiredeshuguenots»,tandisquel’onnecessepasd’apporterchezluidubutin
pillédanslesmaisonsdeceuxdelareligion84 .
CharlotteArbaleste parvient enfin à quitter Paris, après avoir été hébergée cinq
jourschezunmarchanddeblé.Lemercredi3septembre,ellemontedansunbateau
se dirigeant vers Sens, qui est toutefois vite intercepté au niveau de l’Hôtel des
Tournelles. Parce qu’elle n’a pas de passeport sur elle, elle est débarquée. Elle
demandeàêtreconduiteàlamaisond’unauditeurdesComptes«quiestoitdemes
amys» et qui sedonne garant de sacatholicité sanstoutefois déclarer êtreassuré
qu’elle soit toujours une fidèle de l’Église romaine, deux « soldats » montant la
gardeàlaportepourl’empêcherdefuir.Elleserafinalementsauvée.
Les rescapés protestants et les planqués catholiques semblent avoir retenu du
massacre le même fond sonore et visuel : ainsi Jacques Auguste de Thou qui
rapportaque«lavillen’estplusqu’unspectacled’horreur;touteslesplaces,toutes
lesruesretentissentdubruitdecesenragésquituentetpillentdetouscôtés,etdes
hurlementsdesgensqu’onégorge;partoutdescorpsmortsjetésparlesfenêtres,et
les cours des maisons pleines de cadavres que l’on traîne dans la fange des
carrefours ; partout des lacs et des ruisseaux de sang85 ». Et « l’air résonnoit des
hurlements des mourants ou de ceux qu’on despouilloit à la mort. Les corps
destranchez tomboyent des fenestres ; les portes cochères et autres estoyent
bouchéesdecorpsachevezoulanguissans[…].onnepouvoitnombrerlamultitude
des morts, hommes, femmes, et enfans, quelques-uns sortans du ventre des
mères 86».Ilyadoncindéniablement,danslesruesdelacapitale,la«populace»,
queJérémieFoalaisseàl’écartdudéroulementfactuel.Unequestionsepose:que
faut-ilentendreparcette«populace»récurrente?Laréponselaplussimpleserait
« la basse partie du peuple », le « menu peuple » ou la « multitude ». Le champ
occurrentiel du XVIe siècle évoque un « vil Populasse enragé 87 », un « mutin
populace88 », une « simple populace 89 », un « confus populace90 », un « grossier
populasse91  », un « rude populace92  », un « populace effrené 93 », un « gros
populas94 », un « populace insensé 95 ». La populace est donc une figure à la fois
d’irraison et de désordre, et aussi de confusion sociale. Pour autant, selon le duc
Ludovico de Nevers, la violence qui a libéré en 1572 le royaume de la menace
diabolique ne peut toutefois pas être seulement celle de cette foule qu’il a vue à
l’œuvre:elle relèved’un miracle.C’estDieu quiaagi parelle, dansledécryptage
textuelquedonneArianeBoltanski,pourpurifiersonroyaumeetfairedisparaître
lesennemisdelafoi96 .Dieuautiliséla«populace»pourfaireensortequeParis
soitdélivréede l’hérésiequila souillait.Et laSaint-Barthélemyn’a pusedérouler
queparcequ’ilamobiliséla«populace»pourexercersavengeance.
Remontonsicidequelquesdécennies;dansunrécitdonnédelaGrandeRebeyne,
la sédition lyonnaise des 18-27 avril 1529, survenue en période de cherté pour
caused’unimpôtsurl’entréedesvinsetblésenville,«ungrandtasdetaverniers,
etpetitsartisans»,trouvaleprojetsi«mauvais»«qu’ilsconcitèrentlapopulaceà
faire et esmovoir une grosse sedition comme vous scavez que à ce ils sont tant
faciles97 ». La « populace » est assimilée à une force sociale bigarrée, et même
plastique, susceptible d’être instrumentalisée parce qu’elle est composite et
désarticulée,forméedegensdemultiplesoriginesetactivités.Elleestunpointde
rencontre indéfini, à la différence du « peuple » qui peut recouvrir toutes les
composantes du spectre social. Et surtout, comme l’écrit Lancelot Voisin de La
PopelinièreaprèslemassacredelaSaint-Barthélemy,ellepeutparnatureserévéler
disponibleà«uneextremeviolence»etdoncselivrerà«toutecruauté»:«etne
garde moyen, ni mesure quelconque »98 . Paris semble, dans les narrations la
dépeignant livrée à une violence paroxystique, saisi par « l’inéluctabilité d’un au-
delàdupolitique,frangeinassignable,incompréhensible,scandaleuse,inorganisée,
intransformable,delaviesocialequ’elleentraînetoutentièredanssondéséquilibre
etdanssondésordre99».LancelotVoisindelaPopelinièren’est-ilpasfiablequand
ilrappelleque la proclamationroyalede la matinéedu 24août futde nuleffet et
observequelaviolenceestlefaitdu«peuple»quicontinuaàtuersansrienécouter
decequiluiétaitcommandé100 ?Ilfautleciterici:«Auxpoursuivislepeuplene
paroissoit rien quicter de sa fureur ; encor qu’à diverses fois le roy iterast ces
premieres deffenses à tout homme, sous peine de la vie, de prendre armes ny
prisonnierssans son congé. Si bien que le presque dernier jour de la semaine fut
peumoins remarqué de meurtres particuliers qu’avoient étéles autres. » Et il y a
aussiSalviati,lenoncepontifical,quisignalequedanslesruestrèsnombreuxsont
ceuxquel’oncroiseportantlacroixblancheàleurschapeauxoubonnetsetdisant
que«celaestd’unbienboneffet»;lagrandeactricedutempssubversiffutàses
yeux « la populace » qui a forcé les maisons des huguenots « avec une avidité
incroyable»,aupointque«telcesoirferaladépensepourseschevaux,remisera
son coche, mangera et boira dans de la vaisselle d’argent, qui de sa vie n’y avait
songé»101.
LemassacrefaitàToursparlapopulaceaumoisdejuillet1562,danslareprésentation
donnéeparJacquesTortoreletdeJeanPerissin102,renvoieàcequeDavidElKenz
appelleune«miseenscènemédiatique»auseindelaquellela«populace»,formée
àlafoisd’hommesarmésetcasqués,etdecivilséquipésd’armesblanches,assassine
de manière atrocement variée 103 ; les tueurs constituent une sorte de magma
indifférencié socialement au sein duquel ils n’ont pas de nom104 . L’estampe, que
donnevers1590FranzHogenberg,campeunefouled’anonymesdisperséesurles
rives et sur le pont de Loire. Elle est intitulée : « La populace de Tours s’esleve
contreceux de laReligion reformée, et enmassacrent iusqueau nombre de deux
cents ou environ, les tirants premièrement d’une Église, ou on les avoit miz
prisonniers,auxfaulbourgsdelariche,etfaictdemeurersansboirenimangerdeux
ou trois jours, puis les tuent et noyent, mesme ayants attaché le President
Bourgeois, à un arbre, luy arrachent le cœur et les entrailles105. » Une multitude
hétéroclitemenéeparuneobsessionmeurtrièrequilafédère.
Citons encore, plus proche de la Saint-Barthélemy parisienne, De la puissance
légitimedupeuple,etdupeuplesurleprince…,le VindiciacontratyrannospubliéàBâle
en1579etattribuéàHubertLanguet,quiidentifiela«populasse»,à«cestebeste
qui porte un million de testes, se mutine et accoure en desordre pour donner
ordre»etquiestune«multitudedesbridée»àlapsychéimprévisibleparcequ’elle
n’existe que par sa forme flottante ou indifférenciée106, relevant de greffes
sociétalesdiverses,dontlespauvresetles«nonincorporés 107»,voirelesaisés,qui
ycoexistent,fût-cetrèstemporairement108.La«populasse»,loind’êtreseulement
la « masse », la « canaille » ou les gueux, est assimilée à un rassemblement aussi
hybridequemomentané.
Lorsqu’il est question de « peuple », bien souvent le terme renvoie à une
population parisienne envisagée dans la hiérarchie de notabilités qui, à la fois, la
représententetlagèrent.Référons-nousiciànouveauàStephanusJuniusBrutus:
lepeupleestsynonymede«ceuxquiontenmainl’autoritédeparlepeuple,asavoir
lesMagistratsquisontinférieursauRoy,etquelepeupleadeleguez,ouestablisen
quelquesorte que ce soit, comme conforts de l’empire et controlleurs des Rois et
qui représentent tout le corps du peuple. Nous entendons aussi les Estats qui ne
sont autre chose que l’épitome ou brief recueil du royaume, ausquels tous afaires
publicsserapportent.[…]PuisapresleschefsougouverneursdesProvinces.Item,
les Juges et Prevosts des villes, les capitaines de mille hommes, les Centeniers et
autres qui commandoyent sur les familles : les plus vaillans, nobles et autres
personnages notables, desquels estait composé le corps des Estats, assemblés
beaucoup de fois, selon qu’il appert par les mots de l’Histoire saincte. » Mais le
«peuple» peut parfoissurgirdans unsens plusenglobant :quand Gargantuaest
parvenuàParisetqu’ilentreprenddevisiterlaville,c’est«toutlemonde»quile
regardeavecunegrandeadmiration.Etle«peuple»n’estpassansressembleràla
«populace»:«CarlepeupledeParisesttantsot,ettantineptedenature,qu’un
basteleur, un porteur de rogatons, un mulet avec ses cymbales, un vielleux au
milieu d’un carrefour assemblera plus de gens que ne feroit un bon prescheur
évangélique. » Le peuple est une assemblée de « marroufles », c’est-à-dire de
vauriens disponibles à toutes les peurs et rumeurs et donc prêts à toutes les
violences109.Ilest,selonRabelais,unvidedepensée,unpleindesuperstitions,ilne
réfléchitpas,ilsemetenséditionpourunrien:ainsi,quandunebulleautoriseà
manger des œufs en temps de carême et que, sur protestation de la faculté de
théologie,la bulle est brûlée en placede Grève au milieu des « cris de joie et des
dansesdupeuple».
Orilsemblequec’estcettesecondeacceptiondu«peuple»quiestàl’œuvredans
Parisle24août,s’engouffrantsansdoutedanslavoiecriminelleouverteparceux
de la milice bourgeoisequi ont basculédans la violence. Dans le bref récit que le
Troyen Nicolas Pithou consacre au massacre, après que le corps de Coligny a été
défenestré,c’estla«populace»quiintervienthystériquement:«Lesmainsetles
partieshonteusesluifurentcouspéesparlapopulace,etlecorpstraisnél’espacede
troysjourspartoutelaville.»C’estlamêmehystériequ’àTroyes,quandlafemme
de Colin le Brodeur est transpercée de coups de dagues : « La populace voyant
qu’elleneluypouvoitpisfaire,etn’avoitplusmoyend’escumersaragesurlecorps
decestefemmequis’enalloitàvald’eau,s’attaquaàsonsangetàquelquescheveux
quiestoientdemourezsurlaplaceoùelleavoittestémassacrée,ets’amuserentlong
tempsàlafouillerettriperauxpieds.»
Mais peut-être faudrait-il être plus analytique en se référant à Hegel et en
dissociant la « populace », « der Pöbel », d’une situation économique et sociale
prédéfiniequil’enfermeraitdansdesstratesinférieuresdelasociétéurbaine.Mieux
vaudraitdéfinirlapopulaceentermesde«consciencedel’absencedudroitsousla
prédisposition du droit 110 », et donc d’une aptitude spontanée à la violence dans
l’appropriationoulacaptationd’un«non-droit»:elleestune«mentalité»,«faite
de défiance et d’emportement contre les institutions existantes ». Elle est alors
irreprésentable111 dans la mesure où elle est une contingence interne et externe,
l’indétermination même de ce qu’elle est, une présence qui n’existe
qu’occasionnellement puisqu’elle se constitue dans des situations conjoncturelles
émotionnelles et donc imprévisibles et fugitives112. Elle n’existe que dans les
instantsdesonactualisationetestloindeseréduireauxexclusouauxdésocialisés
delasociété.Commeelleestdotéed’unanonymatcollectif,ellen’ad’existenceque
virtuelle puisqu’elle n’est jamais identique dans la succession des instants de son
parcours violent. De cette irreprésentabilité pourrait découler son exclusion
quelquepeufaciledelascènecriminellede1572dansTousceuxquitombent…
Cette « populace » fuyante et récurrente ne renverrait-elle pas – et sur ce plan
Jean-LouisBourgeonseraitdanslejuste–àcequenoteLucGeizkofleraprèsavoir
raconté le déroulement des noces du 18 août et des fêtes des jours suivants ? Il y
auraitunedissonanceentrel’événementdumariageorchestréetscénographiépar
lamonarchie,etle«seditiosuspopuluslutetianus113 »qui«murmuroit»toutense
laissantalleràdire«queleroideFranceétaitsurlepointdesefairehuguenot».
Ce«populus»senourritalorsdecertitudesquilesoutiennentdanssonhostilitéàla
politique royale ; toujours selon l’étudiant tyrolien Luc Geizkofler, la rumeur
courait que le roi venait d’attribuer à l’Amiral et à sa famille les revenus d’une
abbaye,etavaitordonnédeslevéesimportantesdesoldatsquidevaientpermetteau
chefhuguenotdemarchercontreleducd’AlbeauxPays-Bas.Etensuite,aufuretà
mesurequelesrumeurscroissentàParisetàOrléans,c’estlaviolencequicouve:
elle est qualifiée de « tumultus » des âmes hantées par la volonté d’altérisation, et
c’estle«populusomnis»qui«inflammabatur».
RevenonsiciauparcoursdeCharlotteArbalestedansunParisensédition,quand
ellesetrouvefaceàfaceavecdeshommesenarmes.Ledialoguequis’établitalors
révèlequecourteffectivementdansParislemotd’ordrede«Tuez-lestous»:une
femme,arrivéesurleslieux,interrogelessoldatssurce«qu’ilzmevouloientfaire
[…]ilzluidirent:«Pardieu,c’estunehuguenotequ’ilfautnoyercarnousvoyons
combien elle est effrayée »114  ». Charlotte Arbaleste tente de réagir en affirmant
qu’elle va tous les jours à la messe, mais qu’elle est tellement effrayée que depuis
huitjoursellesesentfiévreuse.Etl’undessoldatsrépliquequeluiaussiressentun
effroi,aupointd’enavoirle«bectoutgaleux»etdesesentirluiaussifébrilefaceà
cequ’ilvoitetàcequ’onluiacommandédefaire.Cetépisodetendraitàmettresur
lapisted’unautreressortdelaviolence,lapeurdenepasprendrepartàlachasse
auxhuguenotsetd’êtresoi-mêmesoupçonnédenepasêtreunvraifidèleobéissant
sans réserve au mot d’ordre asséné collectivement. Plus encore peut-être, la peur
d’une attaque huguenote – « the contagious quality of fear », selon la formule de
Barbara Diefendorf – peut avoir joué au plus profond des imaginaires civiques
catholiques.
Il faut se rappeler ce qui s’était passé cinq ans plus tôt, lorsque les huguenots
avaient illuminé le ciel avec des moulins à vent en feu. L’ampleur de la violence
était moindre durant cette première occasion, mais le schéma de la réaction
populaire était sensiblement le même. À cette occasion également, les Parisiens
s’étaient retournés contre leurs voisins protestants, les imaginant complices de
troupesillusoiresquisemassaienthorsdesmurs 115.
L’automnede1567étaitrestégravédanslesmémoires,quandlapeur,entretenue
par les rumeurs, faisait craindre aux Parisiens que l’armée huguenote ne prît la
capitale avec le soutien d’une cinquième colonne protestante… Et si l’on tue par
milliers les huguenots et huguenotes en août-septembre 1572, c’est par effet d’un
retour des fantasmes qui s’étaient surdéveloppés après la surprise de Meaux : le
Pariscatholiques’imaginetravailléparunprotestantismeocculteprêtàouvrirles
portes de la ville à une armée mobilisée pour détruire ses sanctuaires et tuer ses
prêtres. Des traîtres cachés, comme le bruit avait couru dans les jours d’avant le
24 août. L’altérisation est décisive, car elle procède par fixation d’intentions
maléficientes dans la société protestante de la capitale et débouche sur l’exercice
d’unejusticeassuméeimmédiatement.

Joursetnuitsdefête

Un autre invariant court sous les silences du massacre de 1572 : la violence
commeeuphorisantcollectif;laviolencecommeleplaisird’unefoulequiselibère
de seshantises. Revenons au récit de Charlotte Arbaleste, raccompagnéejusqu’au
bateau.Ausoir,ledînersepassesoustension,carlesdeuxmoines,leprêtreetles
deux marchands avec qui elle avait embarqué à Paris « ne font que parler en
réjouissance de ce qu’ilz avoient veu à Paris 116 ». Le massacre est un plaisir qui
apparaîticipartagéentretueursettémoins,uneallégressequiréduitl’écartentrela
joiedetueretcelledesavoirqu’ilyatuerie.
LaSaint-Barthélemyestlefaitdetueursparprocuration,destueursqui,sanstuer,
prennentpartàuneexultationcollective.AinsidujésuiteGregorFabiusprenantla
plumepour direqu’il ya eu «un miraclemanifeste deDieu »et que l’Amiralest
mort, « avec de nombreuses blessures et le corps mutilé, sous les sarcasmes de la
foule, traîné par des garçons jusqu’à la potence ». Quant au jésuite Bernardin
Gastorius, dans le rapport qu’il rédige à la demande du recteur du collège de
Clermont,OliveriusManareus,ilexaltelabontédivinequiadonnéenfinl’espoir
auroyaumedeFrance.Cequiaeulieuestlefaitdelamiséricordedivine:«Celaa
donné à tous les catholiques une grande joie et un soulagement pour leurs
souffrances. » Le temps qui s’ouvre est à la « consolation » après toutes les
tribulationsendurées et surtout, peut-être, la peur générée par les rumeurs d’une
tentative de réplique huguenote à l’attentat du 22 août par une prise d’armes qui
aurait eu lieu dans Paris même. Consolation, parce que soulagement dans la joie
massacrante dans laquelle même les petits enfants auraient eu leur part, selon le
témoignage de Luc Geizkofler relatant que dans plusieurs collèges on donna des
représentations mettant en scène la mort de l’Amiral. Neuf Hymnes furent
composésàproposdesmeurtresdeshuguenots,«quedesadultesnonseulement,
maisaussidesenfants,incitésparleursparents,chantentdanslesgrandesrues117».
En tout cas, tout confirme que Paris est, en ce dimanche 24 août et durant les
jourssuivants,unespacedontlesParisiensontprisunepleinepossessionetqueles
tueurssontnombreux:selonlarelationproblématiquementattribuéeaumaréchal
deTavannesetquiestenréalitél’œuvredesonfilsJean,«onnerencontroitque
des gens qui fuyoient, et d’autres qui les poursuivoient en criant “Tue ! tue !” ».
Parisressembleàunevillemiseàsac,àcommencerparleshommesduducd’Anjou
etceuxduroi,etaussiparl’agrégatindistinctetvitemobiliséqu’estla«populace»
peut-être reproduisant les premiers gestes assassins de quelques tueurs de masse.
Unevillequiressembleàunecitéconquisemilitairement.Et,«augrandregretdes
conseillers du roi » qui n’auraient envisagé que la mise à mort des « chefs et
factieux » du parti protestant, « au contraire tous Huguenots, femmes et enfans,
sont tuez indifféremment du peuple, ne pouvant le Roy ni lesdicts conseillers
retenirlesarmesqu’ilsavoientdebridées118».Agrippad’Aubigné,poursapart,se
feraplustardl’observateurd’unespaceurbainensituationd’émotioncollective,et
ceciselonluitrèstôt:«Lesruesestoyentdesjàpleinesdegensarmez»quandle
tocsinduPalaissonne119.«Sibienqueparlebruyt,lesreniementsdeceuxquise
rencontroyent au meurtre et à la proye on ne s’entendoit point par les rues. »
S’ajoutaientleshurlementsdesmourantsetdeceuxqu’on«despouilloitàlamort»,
lefracasdescorpsprécipitéssurlepavédepuislesfenêtres.Maisaussi,sansdoute,
lescrisdejoiedestueurs…
Et peut-être faudrait-il s’éloigner temporairement des exaltations parisiennes
pourimaginerquecequipeuts’êtrepassédurantlaSaint-Barthélemyorléanaise,et
querapporteJohannWilhelmvonBotzheim,peutaussiavoireucoursàParis.Ilen
estdelaSaint-BarthélemydeParissansdoutecommedecelled’Orléansoùlafête
faitpleinementpartiedutempsdelaviolence,commeentémoignentlesétudiants
allemandsréfugiésdansuneauberge:
Pourenreveniraurefugeoùnousétionsétablis,ilfallaitaumilieudecesbrigands,decesassassins,deces
bourreaux,êtreencoreaveceuxgais,libertins,licencieux.Ilfallaitrireaudîneretausouper,quandchacun
racontaitsesexploits.Ontuaitdelasortesansombredepitié,avecladernièrebarbarie,etc’estainsique
l’onprocédaitengénéral.D’abordd’uncoupdepistolet,onvousperçaitd’uneballe;puis,libreàtousles
assistantsdefrapper avecleursglaivesensanglantés etdemassacrer àleurguise ;celafait, onallaitvous
précipiterdanslarivière…

Les massacreurs viennent dîner et souper, et raconter alors leurs exploits, en
réclamantdesapplaudissementsdelapartdupublic:
… Celui-ci disait connaître, encore des retraites où certains huguenots se tenaient cachés, et il irait les
égorgeraprès dîner ; celui-làse targuait d’en avoir tuétant et tant le jourmême ; un autre racontaiten
détailcommenttelsettelsavaientétéoccisetcoupésendeux.Etilnefallaitpasseulementmangeretboire
avec ces gueux et veiller à ce que la table fût bien pourvue ; nous devions encore les égayer par de la
musique,enjouantdelaguitare,duluth,etlesdivertirpardesdanses.Ilvenaitaussidesfemmes,aumilieu
delanuit,quandnosgensétaientaulit(pastous,carilyenavaitdeuxquiétaientobligésdecoucherpar
terre),etl’onsemettaitàchanterdeschansonsobscènes;etiln’yavaitpointdefinàcetteviededébauche.
Unejoieeffrénées’étaitemparéed’eux,parsuitedecettevictoiresurleshuguenots;toussefélicitaient,se
réjouissaientd’avoirenrichileursdemeuresdesbiensdeshuguenotsetdelesavoirenoutreoccispresque
nous120 …

Decettefête,ladimensiontragiquepeutêtremieuxidentifiéesionlarapproche
du JournaldePonary,deKazimierzSakowicz121,qui,racontecomment,en1941,à
moinsdedixkilomètresdeVilna,destueurstiraientdesheuresdurantsurlesJuifs
depuis le haut des fosses avant de revendre le dimanche matin après la messe les
vêtements, chaussures, bijoux contre la vodka, du lard, des espèces. « Il compte,
jour après jour, parfois plusieurs fois par jour, et même la nuit, le nombre de
victimes assassinées, la façon dont elles sont conduites, déshabillées, frappées à
coupsdefouetoudecrossejusqu’àlafosse.»Sakowicz,cachédanssongrenierou
derrière une palissade fermant son jardin, décrit les Lituaniens portant les
uniformesnoirsdelaGestapo, «quidémembrentlesnourrissons, puislesjettent
danslesfosses,quiviolentlesjeunesfillesetlesabattentensuite,quimarchentsur
lesvictimes,encorevivantes,pourégaliserlesamoncellementsdecorpsetjeterune
mincecouchedesabledessus.Leursbottesdégoulinentdesang,etilsrigolent.Les
feuillesdesarbressontrecouvertesdecervellesd’enfants.Ilssontheureuxquandle
tasdevêtementsestimportantetdebonnequalité.Lespaysanslesattendentsurla
routeetachètenttoutcequ’ilspeuventseprocurer.C’estlemarché.Iln’estpasrare
qu’ilsemmènentleurfamillevoircommentontuelesJuifs.Unechiennearracheles
intestins des cadavres et les rapporte à la fermière. Elle les accroche sur une
palissade.Toutlemondeestvraimentàlafête!Ledimanche,pouralleràlamesse,
lesfemmesetlesenfantssepavanentdanslesvêtementsdesvictimes122 ».
Ilne faut pas oublier que la violence d’août1572 est réjouissance et qu’il y aun
plaisird’êtredansl’horreur,aveccestueursdontDanielJonahGoldhagenamontré
que leur antisémitisme éliminationniste les faisait rire des atrocités qu’ils
accomplissaientetprendreplaisirdessituationsqu’ilscréaientdansunthéâtredela
haine. Ainsi d’un policier s’amusant des traces de cervelles qui constellaient son
uniforme;ilenfaisaitunefacétie,«unejoieouverte,enfantine123».
Lajoiecriminellevadanslesensd’uneidéedéveloppéeparHannahArendtselon
laquelle « la mort ne fait qu’entériner le fait que l’individu n’a jamais vraiment
existé ». Le rire ritualisé est purificateur parce qu’il transforme le Juif en non-
humain, par exemple quand le rieur le force à ingérer des selles, des crachats ou
encorelavomissuredechiens,etàboiredel’urine.LeJuifdevientencoreunjouet
carnavalesque quand les déportés sont contraints de plonger leurs têtes dans une
auge à cochons124. La joie est au cœur des non-dits des récits de la Saint-
Barthélemy,maisaussid’unépisodeexceptionneld’atrocité:laviolencedespetits
enfantsparisiensvenusruedeBéthisydepuislecimetièredesSaints-Innocentsau
matindu24aoûtparticipeainsid’uneintentionludique.Ellesedonnelavocation
de faire comprendre aux Parisiens que la violence qu’ils ont désormais le devoir
d’exercerserasurhumaine.PlacéesousleseulsignedeDieu,elleseramiraculeuse,
merveilleuse – et donc une fête. Les petits enfants agissant sous le regard de
bystandersmettentlecadavreaucontactd’éléments,laboue,l’eau,lefeu,l’air,qui
ontautantunefonction purificatricequ’ilsfigurentune violenceenacte deDieu,
unejoiedeDieuquinepeutquesecommuniquerauxhumainsquiluisontfidèles.
LaComplainteetRegretzdeColignylechanteraàlafoispieusementetjoyeusement:
c’est Dieu qui a fait sentir sa justice au chef de la « Cause ». Et l’amiral, ayant
comprisenfinqu’ils’était durantsatriste viedressécontreDieu etquec’est Dieu
qui, miraculeusement, vient de le punir dans une terrible colère, d’inviter les
catholiquesàchâtierdelasorte,sanscompassionmaisenexultantdeliesse,tousses
complices hérétiques ; tous ceux qui l’ont suivi dans son entreprise diabolique
doiventimpérativementmourir,punispourleurtrahison.
Claude Haton affirme que nombre de Parisiens entourent les enfants sans
marquerlamoindreréprobation,aucontraire,commes’ilyavaitdanslecoursdu
rituel une forme de révélation jubilatoire : « À veoir faire ce procès et trainer ce
corps mort par lesditz enfans, […] prenoient plaisir beaucoup de gens jeunes et
vielz,lesquelzbailloientcourageausditzenfans,approuvanscequ’ilzfaisoient 125.»
Coligny était un traître au peuple de France et à son roi, et vengeance a été
perpétréecontreluiparlesélémentsd’uneCréationquiestl’œuvredeDieuetdonc
exprimelajoiedeDieu:
Etvostretrahisonméritequ’entoutlieu
Onvousfacesentir,etleferetlefeu,
Oul’eaue,commemoncorpsasentylapuissance
Dufeu,dufer,del’eau,etlagrandevengeance
Delamaindeceluyquiaupoixdesesloix,
Balancelesdésirs,etœuvres,etdesRoys,
Etdesgrandsetpetits,lequelparsajustice
AdeffaitColigny,etchastiélevice
DesperversHuguenots,accablansleursdesseins,
Leursforces,etdésirs,etleurliantlesmains126.

Tout semble certifier que la violence a atteint un tel degré d’allégresse qu’elle
inviteàconclurequ’unepuissancespontanéedetuerauraitprislerelaisdesmisesà
mortsdesnoblesdeguerreparunesoldatesqueobéissantauxconsignesduLouvre
tout en les subvertissant. Même le châtiment de l’Amiral est un « spectacle
terrible », selon Bernardin Gastorius qui rajoute qu’après un parcours effrayant
danslacapitalelecorpsdel’Amiralavaitétédéposélelongdumurdelaprisonoù
« seule son image avait été accrochée les années précédentes ». Il avait « la tête
tournéeverslebas,qu’iln’avaitplus,lespiedsenl’air»,etc’étaitpourquilevoyait
un«spectacleagréableetenmêmetempsunspectacleterrible».Parisestuneville
dontles habitantsdeviennent «peuple »pour redevenirle peuple deDieu quise
doit de tuer ou d’assister aux violences de ce que François Hotman qualifie de
«boucherie127».Unevilleenexultationetexaltationparcequ’enviolenceagieou
contemplée.Unevilleenfêtecommeplustardd’autresvillesdurantlaShoah128.
Partoutilyadoncdescorpsdegarde,sesouvientJacquesNompardeCaumont.
Des hommes armés, comme les « peuples » de Paris, sont partout. Et il y a aussi
«danstouteslesrues,auxportesdeséglises,desmoinesetdesprêtresquisontlà
pourvendre“àhautprix”croix,deplomb,decuivreoud’argent129».Entoutcas,la
capitaleduroyaumesembleinvestiepardeshommes–etdesfemmes?–quivont
et viennent. Plus expressif encore, Luc Geizkofler souligne que c’est tout l’espace
parisienquiestenvahipardestueursindifférenciésquiopèrentenlequadrillantde
manière spontanée, hors d’une programmation régulatrice : « Par les rues, une
bande succédait à une autre bande, sans interruption surtout au quartier des
libraires130».«Plusieursdecesderniersfurentprécipitésduhautdeleursmaisons
danslefeuoùflamboyaientleurslivres.Lesfemmes,avecleursenfantsdontelles
nevoulaientpasseséparer,étaienttraînéesverslaSeine,percéesdecoupsetjetées
danslefleuveensigrandnombrequel’eauseteignitderouge.Onvoyaitflotterdes
milliersdecadavres, unvent violentlesramenait aubord, lapopulaceet lajeune
canaille les repoussaient au large : il fallait, disaient-ils, envoyer ces poissons à
Rouenetautreslieuxhabitésparleshérétiques.»
Geizkofler a été donc le témoin de ces va-et-vient des groupes de tueurs et de
leurs possiblesaccompagnateurs attirés par le goût du sang ou l’attrait du pillage.
Avecplusieursdesescondisciplesallemands,ilaprispensionetlogementchezun
prêtre qui donne à tous la recommandation de ne pas se montrer, se tenant lui-
mêmesurleseuildesamaisonen«costumedeprêtreetbonnetcarré».Surtout
«pasuneheurenes’écouloitsansqu’unenouvellecohortenevintdemanders’ily
avoit dans la maison des oiseaux huguenots à dénicher131  ». Geizkofler peut voir
tout ce qui se passe, à partir d’une fenêtre ouverte sur le toit de la maison qui se
trouvaitàl’angledetroisruesdanslesquellesdeslibrairesétaientinstallés.Ilassiste
ainsi au brûlement de livres « pour plusieurs milliers de couronnes ». Il voit la
femmed’unrelieurqui,alorsqu’ellepriaitenfrançaischezelle,estappréhendéepar
« une troupe » qui l’emmène jusqu’à la Seine avec ses enfants qu’elle refuse
d’abandonner. Les tueurs croisent alors d’autres tueurs, ce qui n’est pas sans
indiquer, toujours et encore, qu’ils sont en grand nombre : « vers la Seine, on
rencontrad’autreségorgeurs;ilss’écrièrentquecettefemmeétaitarchi-huguenote,
bref ils la jetèrent à l’eau ainsi que ses enfants132 ». Geizkofler parle
significativement,ilfautyinsister,de «furorpopuli»pourqualifierlaviolencequi
estencoursle24aoûtetlesjoursquisuivent.
C’estunevillecollectivementcriminellequiestdépeinte.Lajoiecommeinvariant
d’un crime communautaire. Camillo Capilupi, qui pour sa part écrit à longue
distance de Paris, à Rome133 , donne à la demande du cardinal de Lorraine une
explication à cette mobilisation qui marque de son empreinte sanglante l’espace
parisien, affirmant que le massacre, eut lieu un jour de fête, le dimanche ; ce qui
donna«meilleurecommodité»au«peuple»pourtueretpilleretdejoueràtirerà
coupsd’arquebusessurlesfuyardsquiselaissaientvoirsurlestoits 134.Etcommela
violenceestunefête, lejourférié sepoursuitlesjours suivants!Quant aunonce
Salviati,ilprécisaque«toutelavilleaprislesarmes»,etqu’elleestenémotion135 .
La violence demeure ici articulée à l’invariant des pogroms de l’histoire, le
«peuple»,etàsoneuphorie.
C’estcequeconfirmeCharlotteArbalesteracontantlespérégrinationsdePhilippe
du Plessis-Mornay : ce dernier, logé au Compas d’or, rue Saint-Jacques, chez
l’apothicaire Pierre Poret qui était le correspondant parisien de Christophe
Plantin136,estprévenuparunAllemandqu’ilavaitenvoyéaulogisdel’Amiral,vers
cinq heures du matin, d’un « fracas qui se faisait ». Il brûle tous ses papiers, et
renonce à se rendre au logis de l’Amiral tout en se dissimulant entre deux toits
quanddes«rechercheurs»approchent.Malgréquelquesmauvaisesrencontres,il
parvient à rejoindre la rue Saint-Martin, puis la rue Trousse-Vache où il trouve
l’huissierGirardquilefaits’assoirdanssonétude:«ilsemetàécrirecommeles
autresclercs»,maisestrepéré:«quifutcausequelecapitaineduquartiermandala
nuitl’huissier»enexigeantquecelui-ciluiremetteauplusvite «celuiqu’ilavait
chezlui».C’estbienicilamilicebourgeoisequiopère.Tôtlematin,undesclercs
se propose en affirmant qu’il pouvait l’aider à sortir de Paris par la Porte Saint-
Martin,grâceauxrelationsqu’ilyavait,ayant«étédegardeordinaireautrefois».
DuPlessis-Mornayacceptelapropositionsansfairetropattentionaufaitqu’iln’a
auxpiedsquedespantouflespeudestinéesàunlongvoyage.MaislaporteSaint-
Martinestclosecematinsurordreroyal,commelapresquetotalitédesportesdela
capitale,etilluifautsedirigerverslaporteSaint-Denis,oùleclercneconnaissait
personne.Aprèsdespalabres,onlelaissetoutefoispasser.
Toutefoislespantouflesqu’ilporteàsespiedssuscitentensuiteundouteparmiles
soldatsetilestrattrapésurlecheminmenantàSaint-Denis,prèsdelaVillette,par
quatrearquebusiers.Unefouleprolétairequiesttoutàlafoismasculineetféminine
surgitimmédiatementcommeellesurgitsansdoutepourd’autresmalheureuxdans
Paris:«Soudainaccoururentchartiers,carreyeursetplastriersdufauxbourgetdes
plastrièresetcarrièresprochainesengrantfurie.»Laprécisionesticicapitalepour
l’historien qui cherche ce que peut avoir été le « peuple » parisien en ces jours
effrayants,ets’interrogepoursavoirs’ilestvéritablementmobilisé.Laréponseest
sans appel : le « peuple » est en action, et cette fois-ci, il y a la participation,
impréciséedanslesautrestémoignages,defemmes.C’estla«foule»despogroms.
DuPlessis-Mornaysevoiteninstanced’êtretiréàlarivière,maissurl’intervention
de son compagnon, il est emmené sous bonne garde dans un cabaret où il fait
apporterpourtousàdéjeunersansparvenirpourautantàdétendrel’atmosphère:
«Lesplusgracieusesparoles,c’estoientmenacesdelenoyer.Ilfustsurlepointde
se jeter par une fenestre. » « Par ce aussi qu’il se disait clerc (comme les idiots
appellent les doctes en leur [langue] vulgaire), firent apporter un Bréviaire pour
voirs’ilentendaitlatin,etvoyantqu’oui,disaientque c’étaientassezpourinfecter
toute la ville de Rouen et qu’il s’en fallait défaire. Pour éviter toutes ces
importunités,illeurditqu’ilnerépondraitplusàchosequ’ilsdemandassent,ques’il
n’eûtriensu,ilseussentmalpensédelui,etmaintenant,letrouvantsavoirquelque
chose,qu’ilsenfaisaientpis,qu’ilvoyaitbienqu’ilsn’étaientgensderaison,etqu’ils
fissentcequebonleursemblerait.»Cen’est,selonCharlotteArbaleste,quegrâceà
laprovidencedivinequ’ilparvientàsesortirdecemauvaispaset,enpassantpar
Saint-Deniset L’Isle-Adam, rejoindre Chantilly où il peut rencontrer le maréchal
deMontmorency.
La foule, qui est en tumultus, tue toujours et encore : ainsi dans une requête
présentée le 6 septembre, un marchand de Toulouse, Claude Puget, dénonce
Anthoine d’Astorg, seigneur de Montbartier, pour avoir tenté de le faire tuer le
25aoûtenrecourantàunanciencuisinierd’AntoinedeCavaignesetenl’accusant
faussement, selon ce qu’il soutient, d’être huguenot : sans l’aide de Dieu et la
protection d’un capitaine de Paris qui l’avait reconnu, il aurait été tué par « le
peupleès mainsduquel ilestoit »« etqui l’emmenaità la Seine137 ». L’affaireest
plusquelouche etpourraitdissimuler danssesreplisune vendetta,selon Jérémie
Foa,etsurtoutune«décivilisationdesmœurs».Maisànouveaule«peuple»est
en première ligne, même si Jérémie Foa précise que le pouvoir de décider
appartientà la milice dans le contexte même de la violence. Une force collective,
qui s’identifie dans les Mémoires de Sully à « la fureur populaire138 », et qui se
distingue des archers, arquebusiers ou des soldats qui eux aussi participent au
massacre,mais sont sansdoute encadrés par descapitaines, des lieutenantset des
dizeniersquandilsnesontpasdeshommesduroioudesonfrèreleducd’Anjou.
Cesindicesmontrantunecapitaleinvestiepardes«bandes»ou«groupes»du
tueurs-pilleurssontprécieux.Parisestunegrandecitéetpeut-être,commecelaa
été proposé précédemment, un chiffrage d’au moins 4 ou 5 000 victimes serait
vraisemblable139. Et on comprendrait alors mieux ce que l’Histoire de Jacques
Auguste de Thou affirme : « En fin il y eut une multitude innombrable de
personnes massacrées : hommes, femmes, enfans et beaucoup de femmes
grosses140. » J’avoue que je dois faire, trente ans plus tard, mon mea culpa, ayant
jadisévaluélesvictimesdumassacreà2500-3000morts.Notonstoutefoisqu’ilest
trèsdifficilededénombrerlesprotestantsparisiensen1572,d’autantqueselaissent
deviner des nicodémites qui, selon Théodore de Bèze, en 1565 « se couvrent
faussement»pournepasêtreexposésauxsoupçonspapistes141 .

1. Hasdaï Crescas, Lumière de l’Éternel, traduit de l’hébreu, Éric Smilévitch (éd.), Paris, Hermann/Ruben
Éditions,2010,p.21.
2.Ibid.,citéinClaireSoussen,«Unconflitd’autorités:lesortdelacommunautéjuivedeBarceloneaprèsles
massacresde1391»,in Figuresdel’autoritémédiévale:MélangesoffertsàMichelZimmermann, PierreChastang,
PatrickHenrietetClaireSoussen(dir.),Paris,ÉditionsdelaSorbonne,2016,p.361-377.
3.«Onrapportequelesventsentraînèrentl’odeurdeleurscadavresjusqu’enÉgypte,provoquantunmalqui
frappa nombre de ses habitants. Rares furent ceux qui y échappèrent. Celui qui était sain se sentait malade
pendant deux ou trois jours, puis il guérissait. La plupart des gens, au moment où ils en étaient frappés,
tombaient brutalement à terre. Les gens désignaient ce mal sous le nom de al-laýýāš (“celui qui donne un
soufflet”)», cité in René Lavenant, « Lemassacre des Juifs de Barcelone en1320 d’après l’Histoire des sultans
mamelouks de Mufaal b. Abí l-Faā’il », halshs-00136281. Les Juifs auraient été ainsi accusés d’être des
dispensateursdelapestenoiredansleurscorpsmortsmêmes.
4.LeLivredespogroms.Antichambred’ungénocide.Ukraine,Russie,Biélorussie,1917-1922,LiliaMiliakova(dir.)et
NicolasWerth(trad.),MémorialdelaShoah-Calmann-Lévy,2010.
5.NicolasWerth,«Dansl’ombredelaShoah…»,art.cité,p.319-357.
6.C’estlecasdesJuifstuéslorsdupogromdeTàrrega,avecquatrefossescommunes(entrele29maietle
24 juillet 1438), en relation avec la peste noire arrivée en ville et attribuée par « les gens du peuple » aux
«péchésdeJacob».300morts.JosepXavierMuntané,«Aucarrefourdesdocuments:laPesteNoireàTàrrega
(Catalogne)etsesconséquencespourlesJuifsdelaville»,inFrançoisClément(dir.),Épidémies,épizooties:Des
représentationsanciennesauxapprochesactuelles,Rennes,PressesuniversitairesdeRennes,2017,p.73-82.
7.«XII.Trisk»,Revued’histoiredelaShoah,2014/1,n°200,p.495-514.
8. Serpouhi Hovaghian, Seule la terre viendra à notre secours. Journal d’une déportée du génocide arménien,
MaximilienGirardet RaymondKévorkian(dir.), Paris,BnFÉditions,2021 ;HilmarKaiser, «Financingthe
Ruling Party and Its Militants in Wartime : The Armenian Genocide and the Kemah Massacres of 1915 »,
Étudesarméniennescontemporaines,12,2019,p.7-31.
9.LaViethéâtraleautempsdelaRenaissance,Paris,Institutpédagogiquenationaléd.,1963,p.13.
10.«Rabieux»ausensdetumultueux.«LetestamentdeMartinLeuter»,inAnatoledeMontaiglon,Recueil
depoésiesfrançaisesdes XV eet XVIe sièclesmorales, facétieuses,historiques,Paris,P. Jannet,1855-1876,t.I, p.195.
Textedontlatraductionfrançaisedatede1532-1534.
11. Jean Crespin, Histoire des martyrs, persecutez et mis à mort pour la verité de l’Évangile, depuis le temps des
apostresjusquesal’an 1597:comprinseendouzelivres,contenantlesActesmemorablesduSeigneurenl’infirmitédes
siens, non seulement contre les efforts du monde, mais aussi contre diverses sortes d’assaux et heresies monstrueuses,
Héritiersd’EustacheVignon,1597,p.710.Le«diablevert»avaitprêchéauparavant.
12.AltePinakothek(Munich).
13. Pierre-Henri Guittoneau, Les Rituels de violence à Paris pendant la guerre civile entre les Armagnacs et les
Bourguignons,mémoiredemastersousladirectiond’ÉlisabethCrouzet-Pavan,SorbonneUniversité,juin2003,
p.134:«Ainsi,lescorpssontsoitmissurdescharrettesoudestombereauxsoitattachésparlespiedsàune
corde–c’estlecasdel’évêquedeSenlis–quel’ontire«parlavillejusqueshorsdesportesetlàonleslaissoit».
Estsignaléeaussil’éventrationdesfemmes,p.136,lesmeurtriersdisantalors«Regardezcepetitchienquise
remue».Estencorepréciséelaconnotationinfâmantedutombereau.
14. La Complainte doloreuse de lame damnée et les regrets quelle a au lit de la mort…, s.l., s.d., in Anatole de
Montaiglon,RecueildepoésiesfrançaisesdesXV eetXVI esièclesmorales,facétieuses,historiques,Paris,P.Jannet,1855-
1876,t.VII,p.91.
15.VisiondeTondalus;récitmystiqueduXIIe siècle,OctaveDelepierre(éd.),Mons,1837.
16. Jérôme Baschet, Les Justices de l’au-delà. Les représentations de l’enfer en France et en Italie (XII e-XVe siècle),
Rome,ÉcolefrançaisedeRome,1993,p.95-97.
17.MichaelaChrist,«Lesespacesdelaviolence.UneétudedecassurlemeurtredesJuifsenUkraine(1941-
1944)», Émulations, 12 – Anthropologie historique des violencesde masse, 2013, p.51-65. À Berditschew, oùles
non-Juifsclouentdes croixenbois surleursportes etposentdes icônesàleurs fenêtres,cinqgrandes fosses
furentcreusées,lesJuifsétantcontraintsdesedévêtir.12000Juifsfurentabattusle15septembre1941,leurs
corpsrecouvertsdeterreetenfouiscommedesdéchets.
18. Christopher R. Browning, Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la
solutionfinaleenPologne,Paris,LesBellesLettres,1994.
19. Françoise Héritier, « Les fondements de la violence. Analyse anthropologique »,Mélanges de l’École
françaisedeRome.ItalieetMéditerranée,t.115,n°1,2003,p.399-419.
20.EstherMéir-Glitzenstein,«LeFarhoud:pogromàBagdad»,Revued’histoiredelaShoah,2016/2,n°205,
p.511-533.«Farhoud»ausensde«dépossessionviolente».
21.Ibid.,p.521.
22.Ibid.,p.520.
23.CitéinFrançoiseHéritier,«Quelsfondementsdelaviolence?», Cahiersdugenre,n°35,2003,p.21-44:
«Àpartirdusoubassementdesbesoinsfondamentaux,nousavonsvunaîtredesinvariantsdelaconstitution
del’AutreenradicalementAutre,ausensd’ensemblesconceptuelsvéritablementconstruits;ilestautreparle
regardportésurlui,unAutrequ’iln’estpaspossibled’assimileràsoiparcequ’ilrelèvedel’animalou,dansune
métaphore organiciste, parce qu’il est sale et impur, donc dangereux, et par là même envieux, haineux,
caractéristiquesquiautorisentd’emblée sonévictionsocialeetmêmeparfoissonéliminationphysique.Cette
constructionidéologique peutêtre celled’une différenciationinterne statutairepropre àune sociétédonnée,
comme dans le cas hindou, ou du discours élaboré volontairement du système nazi ou de ceux, tout aussi
idéologiques,desguerresdeReligionoudesentreprisesdeconquêtecoloniale.»Laviolenceestprésentéepar
FrançoisHéritiercommeune«constructionidéologiquedontlessociétésnepeuventsedéprendrequeparune
pédagogiepositivedelafiguredel’autre».
24.DavidBall,« Despouxet deshommes: la«solutionfinale »dansles quotidiensen1942», LesTemps
modernes,n°591,déc.-janv.1997,p.146-173.
25.MatatiasCarp, Carteaneagra.LeLivrenoirdeladestructiondesJuifsdeRoumanie,1940-1944,Paris,Denoël,
2009.
26. Carol Iancu, « Le pogrom de Iași (2830 juin 1941) », Histoire et mémoire. Témoigner. Entre histoire et
mémoire,135,2022,p.86-97.
27. Gérard Dédéyan et Carol Iancu (dir.), Du Génocide des Arméniens à la Shoah. Typologie des massacres du
XXesiècle,Toulouse,ÉditionsPrivat,2017.
28. Jean Ancel, « Le pogrom de Iasi. Sur la responsabilité des autorités de l’État roumain dans la mise en
scène,lapréparationet l’exécutiondupogromdeIasi etsurl’établissementdunombre desvictimes»,Revue
d’histoiredelaShoah,2011,1,n°194,p.143-171.
29.MicheldeWaele,art.cité,p.97-115.
30.DidierDurmarque,Phénoménologiedelachambreàgaz,Paris,L’Âged’homme,2018;Jean-ClaudePressac,
LesChambresàgazd’Auschwitz.Lamachineriedumeurtredemasse,Paris,CNRSÉditions,1993.
31.FrançoiseHéritier,Delaviolence,Paris,OdileJacob,1996.
32. Claude Haton, op. cit., t. II, Félix Bourquelot (éd.), p. 460-461. Ce chiffre n’inclut pas selon Haton les
«aultresquifurentjettezdedanslarivièrequinefurentcognus».
33.Registresdel’HôteldeVille,citésparNathanaëlWeiss,«LaSeineetlenombredesvictimesparisiennes…»,
art.cité,p.474-481,allocation,le15septembre,d’unesommede15livres,puis,le23septembre,de20livres,
cettefois-cipouravoirenterré,«depuishuitjours,onzecentscorpsmorts…».
34.FrançoiseHéritier,Delaviolence,op.cit.
35.NathanaëlWeiss,art.cité,p.474-481.
36.LouisProsperGachard,«ParticularitésinéditessurlaSaint-Barthélemy»,Bulletinsdel’Académieroyalede
Belgique,Bruxelles,1949,t.16,1repartie,p.235-242.
37. Madeleine Csécsy, « Poésie populaire de Paris : avant la Saint-Barthélemy »,Bulletin de la Société de
l’histoireduprotestantismefrançais,oct.-nov.-déc.1972,vol.118,p.697-710.
38. Discours sur la mort de Gaspart de Coligny, qui fut admiral de France, et de ses complices, le jour Sainct
Berthélémy, vingt-quatriesme jour d’aoust, à très haut et très vertueux seigneur, messire René de Vayer, chevalier de
l’ordreduroy,baillydeTouraine,vicontedePaulmyetdelaRocheIanes,seigneurd’Argenson,laBaillolière,lePlessiset
Chastres.ParI.S.P,1572,dédiéaubaillideTouraineRenédeVayer.VoiraussiTatianaDebaggiBaranova,«La
poésiedénonciatrice…»,art.cité,p.24-67.
39.AthanaseCoquerelFils,op.cit.,p.62.Lesossementsfurentdécouvertsàl’occasiondetravauxdansl’église,
en1851.
40. Voir Marie-Madeleine Fragonard, « L’établissement de la raison d’État et la Saint-Barthélemy »,Les
Cahiersducentrederechercheshistoriques,Miroirsdelaraisond’État,20|1998,enligne.
41.AthanaseCoquerelFils,op.cit.,p.129-130.
42.NathanaëlWeiss,art.cité,p.474-477.
43.«L’altérisationestdoncunprocessusquimèneàlanégationdel’humanitédesautresetquisoutientles
inégalités, les discriminations et les persécutions. Le concept d’altérisation est plus commun et intuitif en
anglaisoùilsetraduitparothering,littéralement“rendreautre”»(Muséedel’HolocaustedeMontréal).
44.VoirDenisCrouzet,LesGuerriersdeDieu…,op.cit.,t.I.
45.Ézéchiel16,41-43.
46.Ézéchiel6,4-8.
47. Mémoires d’un calviniste de Millau, Jean-Louis Rigal (éd.), [Archives historiques du Rouergue II,
DocumentssurlaRéforme],Rodez,1911,p.26.
48.Ibid.,p.27-28et12-13.
49.CantiquegeneraldesCatholiques,surlamortdeGasparddeColligny,jadisadmiraldeFrance,advenueàParisle
XXIIII.Jourd’Aoust1572.QuipeutêtrechantésurlechantDamesd’honneurjevouspriemainsjoinctes,s.l.,s.d.
50. Artus Desiré, Le Contrepoison des cinquante deux chansons de Clement Marot, faulsement intitulées par luy
Psalme de David, faict et composé de plusieurs bonnes doctrines et sentences preservatives d’Heresie. À tres hault, tres
puissantetmagnanimeSeigneurMonseigneurlePrincedePiedmontDucdeSavoye[…].Adjoustédenouveaucertains
lieuxetpassagesdesœuvresdudictMarot,parlesquelzl’oncognoistral’heresieetl’erreurd’iceluy,ÀParis,ParPierre
Gaultier,1562,n.p.
51.ClaudedeSainctes,DiscourssurlesaccagementdesÉglisesCatholiques,parlesHeretiquesanciens,etnouveaux
Calvinistes,enl’an1562.ÀMonseigneurl’IllustrisimeCardinaldeLorraine,ÀParis,ChezClaudeFremy,1563,p.2-
3.
52.JeanPillard, Mémoiresdecequis’estpassédanslavilledeLaRochefoucaulddutempsdestroublesdereligion,
EusèbeCastaigne(éd.),Angoulême,Lefraise,1853.
53.JeandeLaFosse,op.cit.,p.151-152.
54.AthanaseCoquerelFils,op.cit.,p.204.
55.«Deuxlettresdecouventàcouvent[JoachimOpser]»,art.cité,p.284-294.
56. Nathanaël Weiss, « Le protestantisme à Auteuil, Passy et Billancourt », Bulletin historique et littéraire
(SHPF),vol.38,n°2,15février1889,p.103-107:«Cescadavres,aunombrede1827,furentjetés,icietlà,dans
de grandes fosses. C’est une de ces fosses communes qui fut découverte lorsqu’on creusa le fossé des
fortificationsauPoint-du-Jour,àAuteuil.Lenombredesossementsentassésyétaittrèsconsidérable.»
57.ArianeBoltanski,«Discours…»,art.cité,p.185-186.
58. Annales manuscrites de la ville de Limoges dites manuscrit de 1638, Émile Ruben, Félix Achard, Paul
Ducourtieux(éd.),Limoges,1872,t.I,p.387.
59.DenisRichet,«Aspectssocio-culturelsdesconflitsreligieuxàParisdanslasecondemoitiéduXVIe siècle»,
Annales.Économies,sociétés,civilisations,1977,32-4,p.764-789,p.769.
60. Histoire veritable de la mutinerie, tumulte et sedition faite par les prestres Sainct-Medard contre les fidèles, le
samedyXXVII.jourdedecembre1561,1561.
61.LéoMouton,«L’affairedelacroixdeGastine»,BulletindelaSociétédel’histoiredeParisetdel’Île-de-France,
t.56,1929,p.102-113.
62. DiscoursdecequiadvinttouchantlacroixdeGastine,l’an1571,versNoel,in Archivescurieusesdel’Histoirede
FrancedepuisLouisXIjusqu’àLouisXIII,LouisCimberetFélixDanjou(éd.),Paris,Beauvais,1835,1resérie,t.VI,
p.475.VoirSylvieDaubresse,LeParlementdeParis…,op.cit.,p.188-195.
63.JehandeLaFosse,op.cit.,p.107.
64.Discoursdecequiadvint…,op.cit.,p.476.
65. Barbara Diefendorf, Beneath the Cross : Catholics and Huguenots in Sixteenth-Century Paris, New York,
OxfordUniversityPress,1991,p.184-87.
66.SylvieDaubresse,LeParlementdeParis…,op.cit.,p.190.
67.JérémieFoa,«Enfiniraveclacoexistence.SurvivreaumassacredelaSaint-Barthélemy(1572)»,inLa
Coexistence confessionnelle en France et en Europe germanique et orientale : du Moyen Âge à nos jours, Catherine
Vincent(dir.),Lyon,LARHRA,2015,enligne.
68.CitéinCharlesdeLacretelle, HistoiredeFrancependantlesguerresdeReligion,4vol.,Paris,Maresq,1844,
t.II,p.343.
69.VoirlapeinturedeJean-AugusteDubouloz,SullyéchappantaumassacredelaSaint-Barthélemy.
70.Surlesenfantsobjetsdelatuerie,HélèneDumas,Sanscielniterre.ParolesorphelinesdugénocidedesTutsi
(1994-2006),Paris,LaDécouverte,2024.
71. ChristianIngrao, « Violence de guerre et génocide. Les pratiques d’agression des Einsatzgruppen », in
StéphaneAudoin-Rouzeau,AnnetteBecker,ChristianIngraoetHenryRousso(dir.),LaViolencedeguerre1914-
1918.Approchescomparéesdesdeuxconlitsmondiaux,Bruxelles,ÉditionsComplexe,2002,p.566-573.
72.EstiennePasquier, Lettreshistoriquespourlesannées1556-1594,DonaldThickett(éd.),Genève,Droz,1966.
p.207.
73.«Récitd’untémoinoculaire…»,art.cité,p.377-381.
74.Pierre-HenriGuittoneau,thèsecitée,p.101-102.
75.Ibid.,p.105.
76.PioRajna,«JacopoCorbinellielastragediS.Bartolomeo»,Archiviostoricoitaliano,1898,t.XXI,p.71.
77.Ibid.,Lettredu8octobre1572,deParis,p.65-81.
78. Mémoires de Jean de Mergey, in Collection complètes des mémoires relatifs à l’histoire de France, 34, Claude
BernardPetitot(éd.),Paris,Foucault,1823,p.69.
79.Cf.LePré-aux-Clercs,opéradeHérolscrééàl’Opéra-Comiqueen1832etinspirédeMérimée.
80.MémoiresauthentiquesdeJacquesNompardeCaumont…,op.cit.,t.I,p.10-37.
81. Sommaire mémorial de Jules Gassot, op. cit., p. 107 : « Ceux qui alloient par la ville pour faires telles
exécutionsportoientsurleurschapeauxdesmouchouersblancsetaultresbandesoulingesoubiendepapiers
faictsencroix.»
82. Charlotte Duplessis-Mornay, Les Mémoires de Madame de Mornay, Nadine Kuperty-Tsur (éd.), Paris,
Champion,2010,p.108-109.
83.RobertDescimon,«LescapitainesdelamilicebourgeoiseàParis(1589-1651):pouruneprosopographie
del’espacesocialparisien»,inL’Étatmoderneetlesélites.XIII e-XVIIIe:Apportsetlimitesdelaméthodeprosopographique ,Jean-PhilippeGenet
etGüntherLottes(dir.),Paris,ÉditionsdelaSorbonne,1996,p.189-216; Id.,«Solidaritécommunautaireet
sociabilité armée : les compagnies de la milice bourgeoise à Paris (XVIe -XVIIe siècles) », Sociabilité, pouvoir et
société,FrançoiseThélamon(dir.),Rouen,1987,p.599-610.
84.CharlotteDuplessis-Mornay,op.cit.,p.110.
85.JacquesAugustedeThou,Histoireuniverselle,op.cit.,t.I,p.105,et«LesvictimesdelaSaint-Barthélemyà
Paris. Essai d’une topographie et d’une nomenclature des massacres d’après les documents contemporains.
1572»,Bulletindelasociétédel’Histoireduprotestantismefrançais,9eannée,Paris,1860,p.38.
86.Agrippad’Aubigné,Histoireuniverselle,op.cit.,t.III,p.328-329.
87.OlivierdeMagny,LesOdes,Paris,chezAndréWechel,1559,p.42-43.
88.EstiennePasquier,ExhortationauxprincesetseigneursduConseilprivéduRoy,pourobvierauxséditionsqui
semblentnousmenacer pourlefait delaReligion,1561,in Mémoires deCondé,ou Recueilpourservir àl’Histoirede
Francecontenantcequis’estpassédeplusmémorabledansleroyaume,souslerègnedeFrançoisII.&sousunepartie
deceluideCharlesIX…,3vol.,duBosseetNillor,1711,t.I,p.915-918.
89. Satyre Menippée de la vertu du Catholicon d’Espagne et de la tenue des estats de Paris, 2 vol., Paris, Chez
N.DelangleetchezDalibon,1824,t.II,p.40.
90.GeorgesPelissier,LaVieetlesœuvresdeDuBartas,[1883],Genève,Slatkinereprint,1969,p.196.
91.Ibid.
92.EstienneJodelle, L’Eugène,comédie,1552,inÉdouardFournier, LeThéâtrefrançaisau XVIeetau XVIIesiècle…,
Paris,Laplace,SanchezetCie,s.d.,p.7.
93.JeanBodin,inAntonelladelPrete,Menupeuple,multitude,populace:considerazionisulvocabolariopolitico-
socialediJeanBodin,Laboratoriodell’ISPF.Rivistaelettronicaditesti,saggiestrumenti,2008,p.4-27;Michel
Glatigny, « Prince et peuple dans quelques chapitres de la République et de la Gaule Françoise : étude
lexicologique»,in JeanBodin.ActesduColloqueInterdisciplinaired’Angers,Angers,Pressesdel’Université,1985,
2vol.,t.I,p.157-169.
94.EstiennedeLaBoétie,Discoursdelaservitudevolontaire,PaulBonnefon(éd.),Paris,Bossard,1922,p.75:
«Cesontvolontiersceluxlàqui,ayantsl’entendementnetetl’espritclairvoyant,nesecontententpas,comme
legrospopulas,deregardercequiestdevantleurspieds,s’iln’advisentetderriereetdevant,etne…ce sont
ceulxquiayantslateste,d’eulxmêmes,bienfaicte,l’ontencorespolieparl’estudeetlesçavoir…»
95.PhilippeDesan,«LeDiscoursdelaservitudevolontaireetlacauseprotestante:lesparadoxesdelaréception
de La Boétie », Studi francesi, 182, LXI, II, 2017, p. 211-222. Évocationde Luther à propos de « la populace
insensée».
96.ArianeBoltanski,«Discoursadressé…»,art.cité,p.177-191.
97.Il s’agit de la GrandeRebeyne, évoquée par Guillaume Paradin, Mémoires de l’Histoire deLyon, À Lyon,
AntoineGryphius,1573,p.282-284,etétudiéeparHenriHauser,«ÉtudecritiquesurlaRebeyne(1529)»,in
Revuehistorique,1896,t.61,p.265-307etparRichardGascon,Grandcommerceetvieurbaineau XVIesiècle.Lyon
etsesmarchands,2vol.,Paris-LaHaye,Mouton,1971.
98.HenriLancelotVoisindeLaPopelinière,L’HistoiredeFrance,enrichiedesplusnotablesoccurrencessuruenues
èsprovincesdel’Europeetpaysvoisins,soitenpaix,soitenguerre,tantpourlefaitséculierqueecclésiastic,depuisl’an
1550jusquesàcestemps,2vol.,Genève,J.Chouet,1582,t.II,livreXXIX,p.153-154.
99. Pierre Macherey : présentation de l’ouvrage d’Étienne Balibar Violence et civilité, 21 mai 2010 ; La
philosophieausenslarge,enligne,https://doi.org/10.58079/su6m.
100.ClaudeGaignebetetOdileRicoux,«LeCombatdeCarnavaletdeCarême»,inPierGiovannid’Ayalet
MartineBoiteux(dir.),CarnavalsetMascarades,Paris,Bordas,1988,p.18.
101.«LesvictimesdelaSaint-Barthélemy…»,art.cité,p.36.
102.PhilipBenedict, GraphicHistory.The «Wars,Massacresand Troubles»ofTortorel andPerrissin,Genève,
LibrairieDroz,2007.
103. David El Kenz, « La mise en scène médiatique du massacre des huguenots au temps des guerres de
Religion:théologieoupolitique?»,Senspublic,2006.
104.SurlagravuredeTortoreletPerrissin,deslettrescommentantchacunedesscènespermetdediscerner
cequisepasse:B.Lepontdeladitevilleiusduquelplusieursdelareligionfurentgettezenlariuièreparlapopulace.
105. Franz Hogenbergh,Musée Carnavalet : B. Le pont de ladite ville ius duquel plusieurs de la religion furent
gettezenlariuièreparlapopulace.
106.Delapuissancelegitimeduprincesurlepeuple,etdupeuplesurlePrince.Traitétres-utileetdignedelectureence
temps, escrit en Latin par Estienne Iunius Brutus, & nouvellement traduit en François, 1581, reproduction en fac-
similé,Genève,LibrairieDroz,1979,p.61-62.
107.Letermede«nonincorporés»estreprisdeJeffryKaplow,«LapopulationflottantedeParisàlafinde
l’AncienRégime»,AnnaleshistoriquesdelaRévolutionfrançaise,1967,187,p.1-14.
108. Alphonse Dupront, « Problèmes et méthodes d’une histoire de la psychologie collective », Annales.
Économies,sociétés,civilisations,1961,16-1,p.3-11.
109. Myriam Marrache-Gouraud, « Maroufles et marauds Des anonymes en (bas)-relief », L’Année
rabelaisienne,2017,n°1,p.335-348.
110.CitéinLouisCarré,«Populace, multitude, populus.FiguresdupeupledanslaPhilosophiedudroit de
Hegel»,Tumultes,2013/1,n°40,p.89-107.
111. Bertrand Ogilvie, « Violence et représentation. La production de l’homme jetable », in id., L’Homme
jetable.Essaisurl’exterminismeetlaviolenceextrême,Paris,ÉditionsAmsterdam,2012,p.72.
112. Julia Christ, « Nous sommes tous de la populace. Réflexions hégéliennes à partir d’un aphorisme
d’Adorno»,Tumultes,2013/1,n°40,p.109-128.
113.JohannWilhelmvonBotzheim,Cyclopicaillaatque…,op.cit.,p.98-101.
114.CarolineTrotot,«CharlotteDuplessis-Mornay(1548-1606).Singularitédel’écrivaineaumiroirdumari
élu », in Femmes à l’œuvre dans la construction des savoirs. Paradoxes de la visibilité et de l’invisibilité, Caroline
Trotot,IsabelleMornatetClaireDelahaye(dir.),Champs-sur-Marne,Lisaaéditeur,2020,p.235-252.
115.BarbaraDiefendorf,BeneaththeCross…,op.cit.,p.98-99.
116. Son errance la conduit ensuite non loin du Vignay où Michel de L’Hospital habite lors de la Saint-
Barthélemy, où elle peut constater que les Suisses de la reine Élisabeth ratissent les villages pour tenter de
«trouverquelquepauvrehuguenot».
117.CitéparÉricSyssau,art.cité,p.183.Peut-êtres’agit-ildel’HymnetrionfalauRoy,susl’equitableiusticeque
saMaiestéfeitdesrebelleslaveille&iourdeSainctLoys,dontTatianaDebaggi-Baranova,«Lapoésie…»,art.cité,
p. 255, observe qu’il fut donné à imprimer par le bénédictin Claude-Étienne de Nouvellet, contenant entre
autresdespiècesexaltéesdeJeanDorat…etsansdoutel’OdetriomphaleauRoydecedernier.Voirid.,«Hymne
trionfal…surlaSaint-Barthélemy(1572)avecnoticeetnotesdeM.JulesManecy»,Mémoiresetdocumentsdela
sociétésavoisienned’histoireetd’archéologie,1900,t.XXXIX,p.459-496.
118.GasparddeSaulx-Tavannes,Mémoires…,op.cit.,t.III,p.298.
119.Agrippad’Aubigné,Histoireuniverselle,AlphonsedeRuble(éd.),10vol.,Paris,1886-1909,t.III,p.329.
120.CharlesRead(dir.),LaSaint-BarthélemyàOrléans…,op.cit.,p.383-384.
121.KazimierczSakowicz,JournaldePonary,1941-1943,Paris,Grasset,2021.
122. Myriam Anissimov, « Ponary ou l’extermination des Juifs lituaniens par leurs voisins », Nonfiction
Histoire,25janvier2022,enligne.
123.DanielJonahGoldhagen,LesBourreauxvolontairesdeHitler:LesAllemandsordinairesetl’Holocauste,Paris,
LeSeuil,1996,p.226.
124. Patrick Bruneteaux, « Figures du dédoublement : la mort lente ou le travail de divinisation du
bourreau»,ERESSud/Nord,2003,1,n°18,p.39-76,p.26.VoirDenisCrouzetetJean-MarieLeGall,Aurisque
desguerresdeReligion,Paris,PUF,2015etDenisCrouzet, LesEnfantsbourreauxautempsdesguerresdeReligion,
Paris,AlbinMichel,2020.
125.ClaudeHaton,op.cit.,LaurentBourquin(éd.),vol.2,p.461
126.ComplainteetregretzdeGasparddeColignyquifutadmiraldeFrance,ÀLyon,ParBenoistRigaud,n.p.
127. Nathanaël Weiss, « La Saint-Barthélemy. Nouveaux textes et notes bibliographiques », Bulletin de la
Sociétédel’histoireduprotestantismefrançais,t.43,1894,p.426-444.
128. Edward B. Westermann, « Alcool, mangeailles et rituels festifs sur les sites de massacres », Revue
d’histoiredelaShoah,213,2021,p.45-64.
129.JohannWilhelmvonBotzheim,«LaSaint-BarthélemyàOrléans…»,art.cité,p.70.
130.DenisPallier,«LesvictimesdelaSaint-Barthélemydanslemondedulivreparisien.Documents»,inLe
Livre et l’historien, Frédéric Barbier, François Dupuigrenet Desroussilles et al. (dir.), Genève, Librairie Droz,
1997p.141-163;DanielRégnier-Roux,«NotessurlesdernièresannéesdeJacquesBesson(1534?-1573?)»,
Réforme,Humanisme,Renaissance,n°77,2013.p.199-213.
131.JohannWilhelmvonBotzheim,«LaSaint-BarthélemyàOrléans…»,art.cité,p.67.
132. Mémoires de Luc Geizkofler…, op. cit., ajoute : p. 69 : « Un de ces hommes cependant, touché de
compassion, entra dans un bateau et sauva les deuxjeunes êtres, au déplaisir d’un parent et proche héritier,
lequel,d’ailleurs,futtuélui-mêmeparcequ’ilétaitriche.»
133. Stratagemadi CarloIX redi Franciacontro gliUgonottirebelli diDio etsuoi, etmandato diRomaal signor
AlfonzoCapilupi.Cestratagemeestcyapresmisenfrançoisavecunavertissementaulecteur,Rome,JacobStoer,1572.
134.CitéinAthanaseCoquerelFils,op.cit.,p.49.
135.Abbé LadislasLefortier, LaSaint-Barthélemy etles premièresguerres deReligion en France: leurcaractère,
leurscauses,leursauteurs,Paris,VictorPalméetBruxellesJ.Albanel,1879,p.296.
136.PierrePorethébergeaaussiJacquesBessonquiperditseslivresdemachines,Theatruminstrumentorum.
137.JérémieFoa,«Untueuràgages»,inTousceuxquitombent…,op.cit.,p.193-203.
138. LesOeconomiesroyalesdeSully,DavidBuisseretetBernardBarbiche(éd.),Paris,Klincksieck,1970,t.I,
p.18-19,aveclesproposduroiàAmbroiseParé,disantàcedernierqu’ilvoitdesfantômes…
139.ClaudeHaton,Mémoires,L.Bourquin,(éd.),2003,t.2,p.460.
140.JacquesAugustedeThou,Histoireuniverselle,op.cit.,t.VI,p.408.
141. Craig Koslofsky, « Nicodème et la nuit dans le protestantisme moderne », in Les Protestants à l’époque
moderne:Uneapprocheanthropologique,Rennes,PressesuniversitairesdeRennes,2017,p.305-316.
CHAPITREVIII

Lagrande«illusionsolitariste»

En vertu de quel préconditionnement non seulement des bons bourgeois, mais
aussi le « peuple » ont-ils pu se métamorphoser en tueurs animés d’une volonté
d’anéantissement biblique ? Un autre invariant complémentaire surgit, après
l’invisibilitéetl’euphorie.

Lesalutdans«l’affiliationunique»
Partons d’une constatation d’Amartya Sen qui, à propos de « l’affrontement
sectaire » auquel il assista dans ses jeunes années, pendant la Partition, évoque le
fantasmed’uneidentitéunique,«l’illusionsolitariste»qu’ilimputeaubasculement
dans«l’incarcérationcivilisationnelle»ou«l’affiliationunique1»,etdoncdansle
désirdeviolence2 .
L’enfantquej’étaissesouvientencoredesémeutes quiopposèrentleshindousetlesmusulmansdansles
années1940,aumomentduprocessusdeséparationdel’IndeetduPakistan.Jemesouviensdelavitesseà
laquellelespersonnesouvertesetgénéreusesaumoisdejanviersesontchangées,dèslemoisdejuillet,en
hindoussanspitiéetmusulmansféroces.Descentainesdemilliersd’êtreshumainsontpérisouslescoups
deceuxqui,menésparlesinstigateursdecescarnages,tuaientlesautres«aunomdesleurs».Laviolence
naîtde cesidentitéssingulières etbelliqueuses,imposées àdes espritscrédules,cornaqués parles habiles
artisansdelaterreur3 .

Aupetitmatinparisiend’août1572,c’estégalementunbasculementfulgurantde
rapidité qui semble s’être produit, dans ce Paris catholique exalté par sa
disponibilitéàcequ’ilvivaitcommeundevoirdetuer.Laviolence,durantlaSaint-
Barthélemy4etcommedanslesubcontinentindiendelaPartition 5,seproclame,se
crie,s’exige,etserevendique:JohannWilhelmvonBotzheimcitelevoisindeson
logeur orléanais Jean Gyot, qui pénètre de force dans la maison de ce dernier le
mercredi 27 août en jurant « par tous les dieux » que, s’il le trouvait, « il lui
passeraitlefildesonépéedansleventre6».Toutvatrèsvitedanslesmobilisations
pogromiques,sansdouteparcequ’ellesréalisentundésiretdesfrustrationserrant
depuis longtemps dans le conscient comme dans l’inconscient. Sans doute encore
parce que le « vacarme » noté par des témoignages put avoir un effet excitatoire
oscillantentrepeuretjoie.
Ilestproblématiquequelesassassins,constituantungroupesoudéparunefidélité
aucatholicismelepluszéléetaussipar«desréseauxprofessionnelsoufamiliaux»,
aient été un nombre relativement réduit d’acteurs conduits et incités par des
criminelsdemasserevendiquant,pourcertains,d’avoirmisàmortplusde100ou
200personnesdesdeuxsexeschacun,voirejusqu’à400.CesontlesNicolasPezou,
le boucher réputé avoir assommé ses victimes à coups de maillet et se glorifiant
devant le roi d’avoir un jour jeté dans l’eau 120 huguenots, Thomas Croizier qui
prétendaitàdespalmarèsde80tuésdesamainenunseuljour7,etde400autotal
quandlemassacreestparachevéseloncequerapporteJacquesAugustedeThou8 .Il
y a encore le brodeur Claude Chenet, qui aurait été un proche des Guise, et le
lieutenantcriminelderobecourteJeanTanchou,ainsiquel’avocatetcapitainede
la milice Jehan Ferrier, que Pierre de l’Estoile désigne. Ce sont ces hommes dont
JérémieFoa fait des tueurs en série pouvantalléguer à eux seuls d’avoir été, avec
quelquesautres,lesprincipauxacteursdelatueries’appuyantsurdesarchersquiles
accompagnent dans leurs parcours mortifères. Dans certains cas, on peut trouver
l’informationd’unmeurtrespécifiquementattribuéàl’undestueursdemasse:ainsi
AntoineMerlanchon,sansdouteancienoudiacredel’ÉglisedeParisetprécepteur
des enfants de la dame de Piquigny, aurait-il été tué dans une maison ayant sans
doute appartenu au fou Brusquet, à proximité de la porte Saint-Michel, par Jean
Tanchouenpersonne9.Maislaisseràceshommeslemonopoledesgestesassassins
nerevient-ilpasàfaussercequiestl’histoired’unPariscatholiqueeuphoriséparce
quiétaitpensécomme,pourtousettoutes,undevoiretdoncundroitdetuer,les
appelantàselaisseraspirerdansungrand«tumulte»salvifiquequisurvientsans
doutetrèsvite10 ?
Doit-on les croire dans leurs revendications d’avoir été des tueurs de masse ?
N’ont-ils pas à cette occasion, parlé la « langue des assassins » qui, durant le
nazisme,étaientsatisfaitsderaconterlesatrocitésauxquellesilsavaientprispartou
assisté. Saul Friedländer rapporte des données de cette parole recourant à une
rhétoriquedesurenchèrecriminelle :« Lessoldatsn’utilisaientpas depériphrase.
Ilsétaienttrèscontentsderacontercequ’ilsavaientàraconter.Ilyenaunquidit:
“Sivousnemecroyezpas,quandj’arriveraienpermission,j’amèneraidesphotoset,
alors,vousme croirez11”.»Ils étaientcontentscomme l’avaientétédes tueursen
1572.L’aventurenazieestl’aventured’unejouissancedefairesouffrir.N’ya-t-ilpas
alors un danger à se fier à ce qu’ont raconté d’eux-mêmes certains assassins
d’août 1572 ? Et à ignorer d’autres témoignages d’un rapport au plaisir dans la
violence,parexemplequandonrapportequedesSSsesontdivertisavecdel’alcool
et de la musique, alors qu’autour d’eux « le sol était jonché d’innombrables
corps12»?Ilyauneimpudicitévolontairedestueurs,heureuxd’eux-mêmes.
PourlepèreGregorFabius,danssonrapportdu29aoûtauSupérieurdesjésuites
deCologne,ilyabieneuun«miraclemanifestedeDieuayantjouéàlafoissurle
roietsursonpeupleparisienl’effetd’unappeldivin»:«Eneffet,danslecimetière
desinnocents,unarbre,quin’avaitpasbougédepuisdesannées,commençaitàse
flétrir,un arbre desséché devant lesimages de la bienheureuse Marie». Le roi et
son frère sont venus, après avoir fait une offrande, prier devant l’arbre qui « a
commencéàfleurirlejourmêmeoùleroicommençaàtuerleshérétiques,pourla
Francerenaissante.Ily asur toutesceschosesmerveilleuses uncalendrieret une
prophétie.C’estainsiqueDieusait,parl’intermédiairedel’ânessedeBalaam,parle
etprophétise13.Desprocessionsgénéralesontlieu,auxquellesparticipentleroi,le
roi de Navarre et tout le peuple ». S’adressant au jésuite Pierre Canisius, Gregor
Fabiusl’appelle,le5septembre,àrendregrâceauSeigneurpouravoirdonnéune
glorieuse victoire aux siens en France « où les nuques des calvinistes ont été
brisées. » Tout se passe comme si l’« illusion solitariste » s’était nourrie, dès les
premières heures du massacre et plus encore dans les jours suivants, d’une
allégresse d’être dans un temps de prodiges mettant fin aux malheurs qui se sont
succédédepuisquel’hérésieestprésentedansleroyaume.Il éprouveunvéritable
ravissementdesavoirquel’archangesaintMichelaprisenchargelecombatcontre
Satan puisque le fort vent qui souffle alors sur Paris est attribué au battement
joyeuxdesesailes14 .
L’illusion solitariste et la forfanterie ont partie liée. Tomasso Sassetti, dans sa
relationécritele13septembre1572,ajoutelesnomsd’autreszélésquisevantèrent
d’avoir fait encore mieux que les personnages inventoriés par Jérémie Foa et qui
semblent, jusque dans leur frénésie, avoir basculé dans l’identité lévitique et
deutéronomiqueques’étaientappropriéelesthéologiensdelaSorbonnescrutéspar
Thierry Amalou15. Un prêtre nommé Potri aurait assassiné « plus de
500 personnes, comme on me l’a affirmé ». Le « permis de tuer », concédé aux
fidèlesde l’Église depuis plusieursdécennies par les tenants d’un« sacerdotalisme
lévitique»,n’explique-t-ilpasdetellesrevendicationshyperboliques?Esteneffet
évoquéunautreprêtrequirevendiqued’avoirtuéd’unepartdesespropresmains
plusde700personnes«danssonquartier»etd’autrepart,encompagnied’autres
tueurs,plusde400autres.Nes’agit-ilpasd’uneformedecourseàlasaintetédansla
mesure où ces proclamations auraient visé, dans le contexte du massacre, à
rapprocherlesplusinspirésbibliquementdecequ’ilsimaginaientêtredesexigences
dictéesparDieu?Etcetterhétoriqueexaltéedeschiffresnedoit-ellepasinviteràla
méfiancedanslamesureoùilsuffiraitalorsdeseptouhuittueurspourarriverau
nombre de victimes des estimations minimalistes (2 000-3 000 morts) ? Surtout,
ellefaitpenserausentimentd’autosatisfactionqueErichvondemBach-Zelewski,
commandantenchefdanslazonedeVarsovie,relatedanssonjournal:«Sitoutse
passebien, j’aurai encore sauvéla vie à des milliersde femmes et d’enfants [dela
racearyenne].JesaismaintenantpourquoileSeigneurm’agardéenréserve.Ence
temps effroyable de sang et de larmes, je dois tenir haut l’attitude humaine. Cela
m’emplitd’unprofondbonheurqu’ilmesoitpermisdefaireautantdebien16.»Un
criminelgénocidairen’est-ilpasbiensouventunhommequis’exaltedesescrimes
dansdeslettresadresséesàsafamille?Ainsiquandl’unécrit:«Jepeuxmaintenant
comprendrel’expression“ivressedesang”[…]:lesnourrissonsvolaientengrands
arcsdecercleetnousleséclationsenvol17 .»Laviolenceestgaieettriomphalisteet
elle secrète une jouissance à la fois chez les tueurs et les spectateurs durant le
génocidearménien18.Untémoinoculaireallemandconstataquelessoldatsriaient
et « prenaient plaisir à entendre » les cris des adultes et des enfants arméniens
brûlésvifsdansleursmaisons.Ungendarmerapportaàdesrésidentsétrangersles
atrocités qui étaient infligées aux Arméniens durant les marches de la mort. À la
questiondesavoirpourquoiilsn’étaientpasmisàmortimmédiatementdansleurs
villages,laréponsefut:«C’estmieuxainsi.Ilfautlesfairesouffrir.»Leparoxysme
assassinpeutaussiêtreunparoxysmedeparole.
Eneffet, etil faut le diresans détour, dansles lendemainsdu massacre reconnu
comme conduit par la providence divine, les plus zélés des zélés cultivèrent une
forme exhibitionniste de « forfanterie », selon le mot habile de Marc Venard19 ,
s’affirmant ainsi comme des guerriers bibliques de Dieu, à leurs propres yeux et
pour un monde parisien fasciné par l’accomplissement théophanique qui se
déroulait alors. N’étaient-ils pas des bourreaux glorieux affichant leur exaltation
mythomaniaque d’eux-mêmes, des bourreaux qui riaient en tuant et qui
continuaientà rire en portant à laconnaissance publique des chiffresinventés de
victimes20 ?N’ont-ilspaspratiquéici«lalanguedesassassins»,pourreprendrela
formule de Saul Friedländer définissant d’autres violents, ceux et celles qui
appliquaientàlalettreledevoirquileuravaitétéenseignéouinculquédedétruire
lesJuifsetquilerevendiquaientpardesfanfaronnadesetdesvantardises,dansles
camps et hors des camps ? Dès 1875, un bon historien, professeur d’histoire
militaire à Saint-Cyr, n’avait-il pas dénoncé la prétention de Thomas Croizier à
avoirtué400personnesenunseuljourentermesd’«audacieusementerie21»?Le
tireur d’or, on l’a vu, « se vantoit publiquement des grandz meurtres qu’il faisoit
journellementdeshuguenotzetd’enavoirtuédesamainjusquesàquatrevingtz».
Onal’impressionquepluslemensongeestgros,plusaujourd’huiilpeutavoirde
pouvoirsurlesamateursd’histoire.Lesmeurtriersparisiensn’ont-ilspasvécu,en
proclamant leurs assassinats, eux aussi, et avant les atroces guerriers d’une future
« grande paix raciale » devant durer mille ans, une exultation d’être les acteurs
participantd’une« eschatologiepositive» dontils sevoulaient lesagentsles plus
méritoires22etquiexigeaitaussiqu’ilssoient,parl’invisibilisationdeleursvictimes,
devraisguerriersdeDieu?Ouplutôtcequenousnommeronshistoriquementdes
« assassins de la mémoire », en reprenant le titre d’un livre de Pierre Vidal-
Naquet23 ? Et n’a-t-il pas été tendu, par un Pierre de L’Estoile, gourmand de
collectionner des figures incarnant un paroxysme de péché humain et amateur
d’anecdotes«dontl’authenticitéesttrèscontestable»24,unpiègeàl’histoireenlui
proposant de glisser dans une variante de l’« empire du mensonge », pour
reprendre le titre de la revue Le Genre humain consacré au génocide des Tutsi du
Rwanda25?

Unetuerieprophétique

Ilmeparaîtnécessaired’associercetinvariantqu’estl’«illusionsolitariste»àune
emprise du divin et à une volonté d’en appeler au divin pour que ce qui a
commencé perdure jusqu’à la fin absolue de l’hérésie ? Ne faut-il pas mettre en
avantunemontéeenpuissanced’unetensiondequasi-saisiesacralepermettantaux
Parisiens de se savoir inscrits dans les attentes de Dieu ? L’« illusion solitariste »
n’est-ellepasalorsuneillusiondeDieudéposantenfinsagrâceensoioudonnant
sachanceàchacundelarecevoir? Etn’est-cepasdanscecontextequesetrouve
enclenchée la compétition mythomaniaque entre tueurs ? Certaines chansons
évoquent le massacre en termes de « déluge des huguenots »… N’est-ce pas un
délugemortelqu’appelleàchanterJacquesCoppierdeVelay?L’allégressedutueur
est pour lui un moyen de ravaler son adversaire, de lui prouver que la force qui
l’assassineestsupérieureàl’agir humainetnepeut êtrequevouluepar Dieutant
elle a été puissante ? Et peut-être aussi de proclamer au monde cette prétention
d’investissement,ensoi,quiestimaginéesacrale?
De la même façon, le 7 octobre 2024, les tueurs venus de Gaza, en exécutant
atrocement leurs victimes aux cris de « Allahou Akbar, Allahou Akbar »
« Massacrez les Juifs, Massacrez les Juifs », étaient comme portés à tuer par la
nomination même de l’opération à laquelle ils participaient, Amaliyyat Ṭūfān al-
Aqṣā – « Opération Déluge d’al-Aqsa ». Leurs actes illustrent une submersion
extrême,undélugedel’extrémitéquisignifiaituneviolencevoulueetcommandée
parDieu.Iln’yaetn’yauraplusdesécuritépourceuxetcellesquihabitentlaterre
d’Israël,direntlestueursdansunmessageeuphorique,etl’archedesurviedesJuifs
deviendradésormaisunsarcophage,uncercueil.Toutsepassacommesilestueurs
avaientparlédeleursviolencessurunmodeironique,voiresatiriqueouparodique,
puisqu’au milieu du déluge qui avait commencé l’arche juive serait sans devenir,
sanscapacitédesurvivrepardenouvellesnaissances,lesfemmesassassinéesetles
fœtus et enfants tués. Et, ils présentèrent les atrocités commises – les femmes
violéesetassassinéesetlesfœtusetenfantstués,lelancementd’unepluiede5000
roquettes depuis la bande de Gaza – comme une préfiguration parodique de
l’engloutissement à venir d’Israël et des Juifs quand, de la mer au Jourdain, ils
aurontétéchassés26 .L’horreurest,danslesespritsdeceuxquilacommettentetla
mettentenspectacle,commeunappelàDieu,pourqu’illafassetotale.
Outrelefaitquelesmassacres,historiquement,voientlestueurs,portésparleur
rêvedepuretéetdoncd’extirpationvétérotestamentairedetoutealtéritéreligieuse,
cibler les enfants parce qu’ils symbolisent une perpétuation d’une « génération
corrompueet perverse», née deSatan, quidoit être annihilée,pour lesactivistes
catholiquesde1572,iln’yaplusd’innocenceenfantinequandilstuentceuxqu’ils
perçoivent comme des ennemis de Dieu parce que nés d’un sang corrompu. La
violence qui éventre les femmes enceintes est peut-être une réminiscence de
l’annonce par Éphraïm de la colère de Dieu contre Samarie27  ou contre la race
impuredesBabyloniens 28ouseulementunegestuelledecoïncidencesymbolique:
le 18 mai 1562, à Gaillac, « et mesmes aux fames qui estoient enseintes ils
murtrirentlespetitsenfans»,tandisqu’àManosqueles«meschans»,aprèsavoir
assassiné la femme d’un couturier, piétinent son ventre « pour luy faire sortir
l’enfantdesoncorps».Une femmeestencorefendueviveprès deMontaubanla
mêmeannée;sonbébéestaussitôtmassacré.
La femme hérétique est censée s’être vautrée dans l’immondicité de ses désirs
charnelsquil’ontmenéeàuneconnaissancespirituelledeSatan,et,bibliquement,
lefruitqueportel’impiedanssesentraillesetquiestlefruitdesaperversiténepeut
être qu’ordure et donc engeance diabolique29 : et les enfants à naître d’une
malheureuse,quiestfenduevive,sontainsiextirpésdesonventre,«vifs,trainez,
etaprèsdonnezàmangerauxpourceaux».L’analogiedeNahum3,10(lesbébésde
Ninive«écrasésàtouslescarrefours»),oudelaSagessedeSalomon12,1(«car
c’étaituneracemauditedèsl’origine»)etdelaviolencecatholiqueétaitfrappante
lorsque, selon l’Histoire ecclésiastique des églises réformées au royaume de France…, à
Meaux,en1563,unenfantavaitétéarrachédesbrasdesamèreet«froissécontre
lamurailleenprononçantcesmots:parlamortDieu,ilnousfautperdrelaracede
ces huguenots30 ». Ces gestes et ces paroles qui se répètent reviennent lors du
massacrede1572etexprimentuninfini désird’annihilationdeceuxetcellesque
l’imaginaireaccused’avoirpaillardéenselivrantàl’étreintelubriquedeSatanetde
vouloirinstaurerunroyaumedeténèbresenFrance.
Sil’onveutcomprendrelesressortsdecettepulsiond’agressioncontrelescorps
despetitsenfants,ilfautlarattacheràuneculturespécifiqueproduisantunevision
intensémentdramatiquedeceluiquivitdansladifférencereligieuseetquipeutêtre
rapprochéedes«vieuxdémons»duracismeévoquéparClaudeLévi-Strauss31.Le
huguenotn’estqu’uncorpssansâme,uneillusiond’humanité;ilfautdoncletraiter
sanspitiéetsurtoutl’empêcherdesereproduireetdefairerevivrelerisqued’une
contamination satanique du corps mystique du Christ qu’est le peuple chrétien.
SimonVigorproclamequelediableacettepuissanceangoissantedesereproduire
et de se multiplier et qu’il faut en finir avec cette invasion subversive en tuant,
écrasant, noyant, mutilant, égorgeant. Le cumul des vices dans les figures
hérétiques vient alors assurer de l’urgence eschatologique de mettre fin à une
«race»impure.ArtusDésiré,danscetteoptique,énumère«lescausesetraisons
pourquoylesheretiquesontlaissélacitédeDieu»etontprislesarmescontreelle:
en premier lieu cela a été pour « vivre à leur mondain plaisir/ Selon la chair de
fornication»,leur«ordepaillardiselesportantàêtreneplusnemoinsquepouvres
genssauvages».Lavoluptéestlapremièretentationquiadétournéles«nouveaux
chrétiens»delacitéterrestredeDieuetadonnélavolontédemettre«àbas»:
Etmesmement,monsieursainctPolescript
Qu’auderniertemps,oumaintenantnoussommes
S’esleverontplusieursmalheureuxhommes,
Fortdangereux,etmateursd’euxmesmes
Pleinsdescandaleetinfamesblasphemes,
Haultains,ireux,ingratz,malicieux,
Superbesgens,fortavaricieux
Sansreverenceetsansbenignité
Gransamateursdetoutevolupté.

Au total,d’après les comptes de Luc Geizkofler, autour de 500 femmes auraient
été assassinées32 , et selon Johann Wilhelm von Botzheim, la plupart par
défénestration33 et « in aquam dejectae ». Un chiffre considérable mais peut-être
révélateur. La grossesse est loin, bien au contraire, d’émouvoir les tueurs, elle les
porteversunenécessitédemiseàmortetellelesstimuledetouteévidence:ainsi
l’épouse du plumassier de roi, qui habitait sur le pont Notre-Dame et qui était la
filledusieurdePopincourt,est-elleconfrontéesurlesquatreheuresdumatindu
dimanche24aoûtàdeshommesayantforcélaportedesamaison.Ellelesimplore
de tenir compte de sa grossesse et d’épargner l’enfant qui devait bientôt naître ;
mais les tueurs suivent un mot d’ordre auquel ils se doivent d’obéir et qu’ils
profèrent pour justifier leur refus de lui laisser la vie sauve : il faut « tout
exterminer », et elle est poignardée, puis jetée par une fenêtre dans la Seine.
«C’estoitunedesbellesethonnestesdamesdeParis».Sachevelureluirecouvrait
toutlecorpsetduranttroisjoursellel’accrochaauxpiliersdupont34 .Sontcitésles
casdefamillesdontles parentssonttuéssimultanémentavec leursenfants:ainsi
celle du marchand Nicolas le Mercier. Mais l’attention est aussi portée sur les
femmesenceintestuéesetprécipitéesdansl’eau:l’époused’AntoineSaunier,celle
du jeune (Michel ?) Tamponnet, celle d’un brodeur, celle de l’orfèvre Nicolas du
Puy;etrueSaint-Martin,unefemmeeninstanced’accoucher,alertéeparlesbruits
etayanttentédeprendrelafuiteparletoitdesamaison,esttuée,sonventreétant
ouvert,etsonenfantétant«jetéetbrisé»contrelesmurailles,bibliquement.Une
femmeenceinteencore,avecsafille,ruedelaHuchette,àl’enseignedel’Estoile.
QuandilécritauLandgravedeHessele6octobre1572,FrançoisHotman,insiste
surunnombre,soussaplumevisiblementexponentiel,demorts,50000personnes
quiauraient été assassinésen huit jours et quiconcrétiseraient selon lui leseffets
néfastes du concile de Trente ainsi qu’une France désormais peuplée de
« monstres ». Mais parmi les horreurs qui se sont déroulées et qu’il souhaite
dénoncerparcequ’ilyalààsesyeuxunrappeldumassacredesInnocents,ilyales
berceaux avec les petits enfants qui, à Paris, ont été lancés depuis les fenêtres et
aussides«choseshonteuses[…]projetéesdanslabouchedesfemmes35 ».Onest
icidansledoublesensdu Delugedeshuguenotzavecleurtumbeau, etlesnomsdeschefs
et principaux, punis à Paris le XXIIII. e jour d’Aoust, et autres jours ensuyvans, 157236.
Une dérision de ceux qui se croyaient, au milieu d’un monde humain qu’ils
pensaient vivre dans l’oubli de Dieu, des fidèles de l’Évangile ayant résisté à
l’infidélitéetconstituantunearched’espérancebénieetprotégéeparDieu:
Etcontretousjedypourepilogue:
Fyd’heretiques,fydesmastins,
Fyd’habandonnezliberteins,
FydeCalvin,fydetousschismes,
Fydesesnouveauxcathéchismes,
Fydescouvertztemporiseurs,
Fydegrandzflatteursabuseurs,
Fydesrebelles,fydetoustrahistres,
Fydecesfaulsesfacestristres
Quivouloyentmettreendésarroy
CegrandCHARLES,nostrebonRoy
Mauspourlesbons,toutaucontraire,
Nousexalteronsleurmémoire,
Etdironstousd’unbonneunyon:
Vivelacatholicquereligion,
ViveleRoyetlesbonsparroyssiens,
VivefidellesParisiens,
Etjusquesàtantn’ayonscesse
Quechascunailleàlamesse.
UNDIEU,UNEFOY,UNROY.

Lesscènessemblentserépéter;aveclemarietlafemmetuésdansleurmaison,et
leurstoutpetitsenfantsmisdansunehotteportéedémonstrativementàtraversla
ville,puisvidéedesonchargementdepuisunpontdanslaSeine.C’estencoreune
petitefilledumaîtreduMarteaud’orquiestbaignéetoutenuedanslesangdeson
pèreetdesamère,dansunesortedeparodiedebaptême,«avechorriblesmenaces,
que si elle estoit jamais huguenotte, on luy en feroit autant ». Ce peut être des
garçons (pueri)âgésdeneufoudixansquitraînentludiquement«unpetitenfant
aumaillotenletirantavecuneceinturenouéeàsoncou37 ».Doiventêtreencore
citéslesecrétairedefeu leprinceLouisde Condé,MartialParenteau,mis àmort
avec sa femme Marie de Moucheron qui était enceinte, un marchand de soie, sa
femmeettroisdeleursenfants,toustuésàlaCorne-de-Cerf,laveuveMarquette,
chaperonnièredelarueSaint-Martin,etdeuxdesesenfantsmisàmortàlaCroix-
de-fer,unefemmeenceinteetsafilleassassinéesruedelaHuchette,uncordonnier
deSaint-Marceautuéavecsafemmeetleurstroisenfants,l’hôtedelaMarguerite,
avecsesdeuxenfants38.
Lecombatcontrel’hérétiquequechaquecatholiquedevaitmenerdans l’urgence
était un véritable combat contre le diable, car l’hérétique mimait le diable dont il
étaitleserviteur,undiablecalomniateurensesparolesetsurtouthomicideparses
mensongesquifaisaientsanscesseglisserd’autresâmesverslamortspirituelleque
signifiel’adorationidolâtred’unfauxdieu.Toutétaitabominationenlui,etletuer
n’était pas un crime. Il était aussi un destructeur comme le proclamait le prêtre
Gentian Hervet : « Ne sçait on pas bien ce qu’ilz ont faict, et font encor en ces
prochainsvillages,etpresqu’à nozportes.Ontils paspilléleseglises,meporté et
prophanélescilices,abbatuetdemolilesimagesetlesautelz:voire,etquiestbien
pis,ontilspasbrusléleseglisesmesmessipresdeRheims,quequiyeustunpeu
prinsgarde,ileneustbienpossiblepeuvoirlafumée?»Ilestunpersécuteur,quia
commerecrucifiéleChristunesecondefois:
Maisqu’est-cequel’autel,sinonlesiègeducorpsetdusangdeJésus-Christ?Vostrefureurlesatousou
razés,outransportés.Quesi,parjugementpleind’envie,nousvoussemblionspolluzetindignes,qu’est-ce
queDieuvousavoitfaitqu’onaaccoustuméd’invoquersurlesautelz?EnquoivousavoitoffenséJésus-
Christ, dequel (par certain intervalle) le corps et sang habitait là ? Pendant que malheureusement vous
perséquuteznozmainslàoùhabitoitJésus-Christ,voussouillezlesvostres.Parcemoyenvousensuivezles
Juifs:carcommeilsontmislesmainsenJésus-Christsurlacroix,vouslesmettezenluysurl’autel.

Le«collectifassassin»,pourreprendreuneformulejudicieusedeJérémieFoa,ne
fut-il pas le 24 août 1572 en action, mais dilué ou dispersé dans de multiples
interventions massacrantes quadrillant l’espace parisien et qui impliquèrent le
«peuplefurieuxetempressé39»deceuxqui,commelerapporteencoreTomasso
Sassetti, s’approprièrent « la licence des armes » au moment où il suffisait que
«quelqu’uncrie“regardez,voilàunhuguenot!”pourqu’unpauvremalheureuxsoit
massacré » ? Un déluge de corps. Il est, reconnaissons-le à nouveau, absolument
nécessaire de réviser à la hausse la quantification des victimes, d’autant qu’il y a
nombredetuésquiontétéimmédiatementinvisibiliséssanssubirlanoyadedansla
Seine.« Dans lefaubourg Saint-Germain, quelquespersonnes ontété tuées, mais
beaucoupontétéfaitesprisonnièresetincarcéréesdanslaprisonpublique.C’estlà
qu’ils ont été tués après avoir été examinés et tourmentés, et le tout de la main
desditsbouchersdupeuple,parcequeleministredelajusticearefusédelefaire,
ayantétéappelé,disantqu’ilnevoulaitpasexécutersansavoirétéconvaincuetjugé
desindividusdignesdecemartyre40 ».Ilyeutsansdouteunautredélugedecorps,
danslescampagnesautourdeParis,lescorpsdeceuxetcellesquiavaientréussià
fuir la capitale mais furent interceptés. La mort a été pour beaucoup sans doute
silencieuseetsolitairequandelleestsurvenue.
L’identité des hérétiques est perçue comme une atteinte à la dimension sacrale
d’unespacequiacommeétéprofané.Laviolencequesubissentlescorpshuguenots
visedoncàremettrelecorpsurbaindanslesdesseinseschatologiquesdeDieu,mais
aussi à restituer sa pureté à l’espace. Les gestes visant à infernaliser le corps de
l’hérétique, en inscrivant sur lui des marques qui rappellent les peines que les
diables font et feront souffrir en enfer, pour l’éternité, aux réprouvés, sont une
autreexpressiondelaviolenceentenduecommeaccomplissementprophétique.On
nepeutqu’êtrefrappéparlafréquencedesmutilationspratiquéessurlesvisagesdes
massacrés:énucléation,sectionnementdunezetdeslèvres,essorillement:lamort
de l’hérétique semble comme théâtralement anticiper sur l’enfer, faisant glisser le
tempsterrestreversletempseschatologique;elleparticipeduJugementdeDieuau
termeduquelleChristàlalanguedefeuprécipiteraverslesbéancesinfernalesles
damnés.Onnoteralacoïncidenceavecladescriptiond’unepeineinfernaledonnée
encomplémentd’undesgrandstextesdelafinduXVe siècle,leGrandKalendrierdes
bergiers:lavisiondeserpentsetcrapaudsrongeantlesmains,nez,oreillesetyeux
desdamnés.Lanéantisationdescorpscontribueàcettemiseenscèneinfernalequi
s’applique à ceux qui ont sciemment voulu ignorer que la doctrine de l’Église
romaine était l’unique vraie doctrine. Selon Simon Vigor, Dieu n’a jamais voulu
qu’il«fustmémoiredesmeschans».«Trouvezvousaujourd’huylescorps,os,et
sepulchres d’un Arrius, d’un Donatus, d’un Nestorius, d’un Manicheus. Où sont
ajourd’huy les monumens, où estoient les plus anciens Heretiques ? comme d’un
Marcion,d’un Valentinus ? vous n’en sçauriez monstrer pance de a41. » Le néant
caractériseledevenirdel’hérétiquequiestétrangeràlabontédeDieu,sansoset
doncetsanscorpspourl’éternité.Iln’yaquedelamortenlui.
Lestueurssontdoncdeshommesquinecachentpasleurscrimes,quilesaffichent
autantgestuellementqueverbalementetquipeut-êtrecherchent,pourmieuxs’en
glorifier, à les surdimensionner, à l’image du comte de Annibal de Coconas. Car
Pierredel’EstoiletranscrivitunproposattribuéàCharlesIXausujetd’unhomme
qu’iltenaitàlafoiscommeun«vaillanthommeetbravecapitaine,maisméchant,
voireundesplusméchants»:«Ilmesouvientluiavoirouïdireentr’autreschoses,
sevantantdelaSaint-Barthélemy,qu’ilavaitrachetédesmainsdupeuplejusquesà
trentehuguenotspourlemoins,pouravoirlecontentementdelesfairemourirà
sonplaisir,quiétaitdeleurfairerenierleurreligion,soussafoietpromessedeleur
sauverlavie:cequ’ayantfait,illespoignardaitetfaisaitlanguiretmouriràpetits
coupstrèscruellement42.»Laviolenceensérieestaussilefaitdemythomaniaques
del’obéissanceàunroiquiseraitunnouveauDavidetd’hommesrevendiquantune
joied’avoircapturélespetitsenfantsdeBabyloneetdelesavoirfroissés«contreles
pierres 43 ».Direlegrandnombredeceuxquel’onatués,c’estproclamerquel’on
est un bien-aimé de Dieu et chanter la gloire de l’Éternel en tenant « des épées
affiléesàdeuxtranchantsdans[la]main44 ».Ils’agitpeut-êtreaussi,parcetteauto‐
glorification en paroles, de se faire entendre de Dieu afin qu’il laisse un peuple
ayant retrouvé la foi aller jusqu’au bout de l’œuvre qui a commencé. Paris tue et
regardetuertandisquecertainscherchentàtirergloiredecettepassionmortifère
qu’ilsrêventqu’ellelesrapprochedeDieu.NombredeParisienssontdehorspour
prendre part, activement ou passivement, à la grande fête théophanique tout en
cherchantàsecoulerdansl’universdeforfanteriesassassinesquipeutdéjàêtresous
leursyeux.Ilssefondentdansletempsd’unriredeDieuqui«seritduméchant»
quandil«voitquesontempsarrive45 ».Et,habitésparleriredeDieuquilesfait
accumulerlessévicesetmutilationssurlescorpsdeleursvictimes,ilsrientcomme
DieudontilsprophétisentainsilavictoiresurSatan.
Onnepeutdoncpasenresteràlaseuleévidenced’unmassacredevoisinsetde
proches, du moins seulement de voisins et de proches, dans le cours duquel les
passionslesplusdiversesauraientétéàl’œuvre,àcommencercellesquivisentles
biens matériels, l’argent, les charges ou les héritages, celles qui relèvent de
contentieux non réglés, etc.46. Mais aussi, et existentiellement, est perceptible la
métamorphosedel’individu,abandonnantsonactivitédetouslesjoursetbasculant
dans la haine la plus intense. Cette transformation de soi, si on la rattache à
l’hypothèse du surgissement d’une temporalité épiphanique, expliquerait le désir
meurtrierdu«peuple»deParis.
L’artisanparcemonstrealaissésabouticque,
Saneflemarinier,safoirelemarchand,
Etparluileprud’hommeestdevenuméchant47 .
Decetteviolencedelaquellenul,enfant,vieillard,homme,femme,n’estépargné,
il semble découler que ne sont exemptés que ceux qui portent sur le front ou au
braslesignedeTau.LaréférenceesticiÉzéchiel9,4,quandleSeigneurcommande
quedansJérusalemsoientmarquésduThaulesfrontsde ceux«quigémissentet
qui soupirent à cause de toutes les abominations qui se commettent au dedans
d’elle».SimonVigordéploielamêmeréférencedansunsermonpourleVendredi
Saint : « Semblablement en Ézéchiel il est dit que Dieu demanda à l’Ange, va
marquerlesbonsquisontdesplaisansdesabominationsquisefontaumilieud’eux,
dusignedeT,enleursfrons,àcellefinqu’ilssoyentsauvez:cequisignifioitaussi
lafiguredelaCroix48 .»LeTauestla«lettrefinale»chezlesHébreux,quisignifie
donc fin, c’est-à-dire consommation finale de l’hérésie, victoire définitive de la
Croix dans la violence qui vient d’avoir lieu. Il convient de rappeler ici que la
lettre T, placée à droite de la couronne royale, évoquait la croix de Jésus-Christ
dontleroiétaitdoncditêtreledéfenseursurterreparcequ’ilvenaitd’endéfendre
lamémoirecontresesennemis 49.Aveclaréférencecapitale:«Etl’Éternelluidit:
Traverselaville,Jérusalem,etfaisunemarque[tau]surlefrontdeshommesqui
gémissentetquisoupirent»(Ézéchiel9,4).LeTausignifiel’accomplissementdela
Parole de Dieu, la lettre qui dit qui est un vrai serviteur de Dieu en ce qu’il a
entreprisd’obéiraucommandementdemettreàmorttousceuxettoutescellesqui
accomplissent des actes abominables, « les vieillards, les jeunes gens, les jeunes
filles,lesenfants,lesfemmes».
PourlesParisiensquisontcertainsd’êtresurlecœurd’uneautreTerrepromise
au centre de laquelle il y a une nouvelle Jérusalem, s’impose le devoir de faire en
sorte que Jérusalem inflige une punition inhumaine parce que les impies doivent
mourir 50. C’est bien une forme de subconscient, voire d’inconscient
vétérotestamentairequiest à l’œuvre,inspirée parexemple d’Ézéchiel9, 5-10 qui
appelleàmassacrerenoccultantensoitoutelapartquirelèvedel’humain.Àmoins
que ce ne soit le basculement dans la violence annihilationniste qui produise un
effetdestructure 51.LeserviteurdelagloiredeDieudoitsedéshumaniser:«Et,à
mesoreilles,ilditauxautres:Passezaprèsluidanslaville,etfrappez;quevotre
œilsoitsanspitié,etn’ayezpointdemiséricorde!Tuez,détruisezlesvieillards,les
jeunes hommes, les vierges, les enfants et les femmes ; mais n’approchez pas de
quiconque aura sur lui la marque ; et commencez par mon sanctuaire ! Ils
commencèrentparlesanciensquiétaientdevantlamaison.Illeurdit:Souillezla
maison, et remplissez de morts les parvis ! […] Sortez ! […] Ils sortirent, et ils
frappèrent dans la ville. » Le figurisme biblique entre Hébreux et Français avait
gagné en légitimité depuis les années 155052 . Simon Vigor n’avait pas cessé de
rappelerqueladestructiondesennemisdeDieuétaitlaconditionsinequanonpour
queceuxqui,aujourd’hui,étaient«lesvraisIsraélitesnonseulementselonlachair
mais selon l’esprit », demeurent les « héritiers du royaume céleste ». Le
3mars1572,ilavaitproclaméqu’«ilyaunRoypar-dessuslaloyquiestDieu:que
s’ilcommande à quelqu’un de tuerune personne comme il fita Abraham de tuer
sonfils,ilfautqu’illetue».
Les femmes enceintes et les nouveau-nés sont les objets de traitements à haut
degré de signifiance vétérotestamentaire, qui peut être de l’ordre du conscient
commedel’inconscient.SilelapidaireOlivierdeMontaultesttuédanssonlit,sa
femme qui avait ouvert la porte à ceux qui frappaient, et qui était enceinte,
demandelaviesauvepoursonenfantde18moiset«qu’aumoinsl’oneustpitiédu
fruictdesonventre».Maislestueursseconcentrentsurceventre,quiestfendu
d’un coup d’épée, « tellement que par l’espace de quelques heures on vid l’enfant
qu’elle portoit respirer, puis mourir53 ». Même rituel pour l’épouse d’un autre
marchand lapidaire, Philippe le Doux, qui est sur le point d’accoucher quand les
meurtriers, sans doute conduits par Claude Chenet54, tapent à sa porte. Elle leur
ouvre et ils commencent par tuer son mari dans son lit avant de se mettre en
recherches d’espèces sonnantes et trébuchantes. La sage-femme sollicite que la
femmenesoitpastuéetoutdesuiteetqu’onlalaisseaccoucher«l’enfantquiestoit
le vingtuniesme que Dieu luy avoit donné ». Cette suggestion n’émeut pas les
tueurs,quiselivrentalorsàunritueldontlaportéesymboliqueestl’extermination
d’une«race»hérétiquequi nedoitpassereproduire parcequ’elleoffenseDieu:
«Aprèsavoir contestéquelquepeu detemps là-dessus,ilsprindrent cestepauvre
creature mi-morte de frayeur, et luy fourrerent un poignard jusques aux gardes
dans le fondement. Elle se sentant blessée à mort et desireuse neantmoins de
produiresonfruict,s’enfuitenungrenieroùilslapoursuivirent,etluydonnèrent
un autre coup de poignard dans le ventre. » Et, ensuite, ils jettent le corps ainsi
saccagéparlafenêtredanslarueoùl’onpeutvoirlefœtuscherchantàsortirsatête
du corps éventré, « et baailloit 55  ». Cette scène suit 1 Samuel 15. 3-3, quand le
SeigneurcommandeàSaületauxsiensdefaireàAmaleketauxAmalécitescequ’ils
ont fait à Israël : « Tu ne l’épargneras pas et tu feras mourir hommes, enfants et
bébés,bœufs.»SegreffesurcedevoirlaconstatationproclaméeparSimonVigor
que l’hérétique ressemble au loup et au chien enragé ayant goûté au sang de la
brebisetnepouvantplusdésormaisquecontinueràs’alimentervoracementdece
sang. Il faut l’exterminer et accepter soi-même de perdre la vie en donnant son
soutienàl’Église,parcequec’estle«plusgrandhonneurquipourroitadveniràun
homme».
Onvoitlàcequis’estdérouléauRwandadanslecontexted’uneautrealtérisation,
avecdesfemmeséventréesetlesfœtusarrachésdeleursentrailles,desnouveau-nés
lancés contre des murs ou démembrés56, des corps précipités vivants dans des
fosses communes et ensuite recouverts de terre, des animalisations dans
l’identificationparlestueursdeleuractionàune«chasse»oudanslapratiqued’un
dépeçage des victimes à la machette, des enfants atrocement mis à mort devant
leursparents,avec,enarrière-scène,l’obsessionselonlaquellelesTutsiseraientdes
représentantssurterredudiablequisereproduitpareuxenuneraceperverseet
souillée. À travers les corps assassinés des femmes et de leurs enfants, c’est un
exorcismeauquelilestprocédépourqueDieusoitréconciliéavecsonpeuplequi
estlepeuplehutu,aveccommeciblelamatriceféminine:«Silesexterminations
n’oublientjamaisdans leur programme,à côtéde l’exécutiondes hommes,le viol
desfemmesvoirel’éventrementdesfemmesenceintesoulamutilationdesparties
génitales des deux sexes, c’est qu’au-delà de la destruction visible des vies, elles
ambitionnent surtout celle, invisible et secrète du lieu de fécondation, de l’espace
intérieuroùgermentlavieetlapensée.L’anéantissementdel’aireculturelle,induit
par l’assassinat et la disparition des hommes, projette en fait, au dehors, cette
dévastation de l’intériorité de la mère, dévastation de la femme en elle57 . » Et il
s’agissait, à travers la déshumanisation des femmes, de dire et redire que tous les
Tutsiétaientdesimpurs,appartenantàune«mauvaiserace».Levioldesfemmes
participait du processus de destruction ethnique, « dans sa globalité58 ». Tout
commelamiseàmortdesnouveau-nés.
Citons ici une analyse décryptant le langage symbolique auquel recoururent les
assassins:«Lorsquelegénocideauneviséeprincipalementterritorialecommece
futlecasenex-YougoslavieouauRwandaen1994,commec’estencorelecasau
Congo,l’exhibitionduvioldemasseetlemassacredesfemmesetdesenfants,qui
constitue une partie substantielle de l’anéantissement de l’ennemi, revêtent
également une dimension symbolique : d’une part, l’appareil reproducteur, la
matrice du peuple est atteinte à travers les femmes, d’autre part, la descendance,
l’avenirdupeupleestdéniéàtraverslesenfants59.»Lamortdesnouveau-nésétait
miseenscèneafindeprouverleurappartenanceàuneracedevantêtreexterminée.
Leviolestunearmedesouillureetdenégationdesfemmesdestinéesàproduireun
basculement dans le silence, dans l’impossibilité de dire ce qui s’est passé : « La
cruauté et l’humiliation n’ont pas seulement marqué les tueries, elles ont
accompagné les victimes jusqu’au bout. Toujours dans l’intention de salir les
victimesetleurmémoire60.»Lessurvivants,incapablesdesavoiroùsontlescorps,
sontsoumisàunehantisejusqu’àlafindeleursviesdenepasavoirprocédéàleur
inhumation.
Etquiditviolenceextrême61ditpresquetoujoursviolencesacrale,ainsiaccomplie
dans les lieux consacrés dans lesquelles les Tutsi se sont rassemblés62. Certes le
génocide n’a pas eu lieu pour des raisons immédiatement religieuses, mais le
discours raciste hutu faisait de la haine contre les Tutsi un devoir de foi, dans la
perspectived’unedémonologieniantqueleurDieuexisteouaffirmantqu’ilestle
diable. Ou encore les assimilant eux-mêmes au diable. Ainsi « Mika a pris une
machette et il l’a… il a dépecé cette femme du sein jusqu’à son sexe pour voir
commentl’enfantquiestdansleseindesamèresecomporte.Etilaenlevélebébé.
Le bébé a crié un petit instant et jusqu’à ce qu’il […] est mort. Par la suite, les
assaillants […] ont découpé les bras de sa mère et ils ont taillé un pieu qu’ils ont
enfoncé dans son sexe… qu’ils ont enfoncé dans son bras. » La violence
exorcistique63devientunefêtequifaitquel’onboitetmangepourtueretentuant.
Et l’on put aller jusqu’à manger les cœurs rôtis des victimes ou, après ce qui
ressemble à une battue, jusqu’à livrer les cadavres aux dents des chiens ou des
charognards,afindemettreenreprésentationlabêtequiesteneuxetquinemérite
qu’unemanducationanimale.Lorsqueleséglisessontincendiéesavectousceuxet
toutes celles qui s’y sont réfugiés, il n’y a pas, encore une fois, de partage entre
acteursetspectateurs:tous,parmillierssouvent,communientdansladésécration
desdémonstutsietdanslacertitudequelamortdela«vermine»estpoursoiune
garantiedemaintiendansl’amourdivin.
Même signification « raciste » dont il faut reparler, avec les agressions des
militantsduHamasdu7octobre2023:femmestuéesn’ayantplusdevisagesafin,
précisément,denierleurféminité,mèreenceinteéventréeetsonbébépoignardé,
enfants décapités ou assassinés par balles les mains attachées dans le dos, jeunes
filles violées et mutilées. Les viols et les meurtres avaient aussi comme fonction
d’annoncer l’histoire à venir : les femmes étaient visées comme génitrices d’un
peupled’Israël,incarnantetsymbolisantdoncsonexistencequidevaitcesserd’être
quandilseraitchassé«dufleuvejusqu’àlamer».L’atrocitéénonçaitcequidevait
inéluctablement arriver, dans une sorte de préliminaire magique qui fera que la
destructiondes Juifsne pourraqu’advenir. Elle estprophétique etelle recoupece
queJacquesSémelinditdela«spiraledeladestructivitédescorps»secontinuant
aprèslamort:«Bienquedépourvusdevie,lescorpspeuventencoreressemblerà
ceux des vivants. Aussi s’agit-il encore de les scalper, de les ratatiner, de les
écrabouiller,pour qu’ils ne ressemblentplus à rien. À moinsqu’on ne les dispose
dans des positions grotesques, toutes plus abjectes les unes que les autres, qu’on
découpelescadavresenmorceaux,pourenfairedesdéchetssinondesordures64.»
Leslatrines, tantpubliquesque privées, sontles lieuxprivilégiés oùles victimes
tutsies ont été jetées, comme la voierie le fut en 1572. Beaucoup d’autres ont été
précipitées dans les rivières et les lacs, mortes ou vivantes, pour que leurs corps
soientemportésàjamais.Lescorpsquiontéchappéàdetelsgouffresontétéjetés
dans des fosses communes ou précipités, de façon dispersée, dans d’autres
endroits65Unedésymbolisationabsoluepuisquel’enterrementetdonclesritesde
deuilétaientdésormaisimpossibles66.Etunregistredelégitimationancrédansles
imaginaires, du fait, par exemple, de la circulation de textes comme Les Dix
commandements des Hutus, de 1990, qui n’avaient cessé d’insister sur le devoir de
rompretoutlienaveclesfemmestutsi.Ellesportaientenelleuneindignitémorale
etdes attributsdémoniaques,tels lalascivité,le mensonge,la traîtriseet lafausse
beauté. Le rôle d’une pseudo-théorie hamitique est alors décisif. Les tueurs
assistaient,pourleurpart,parfoisàdesmessesavantdecommettrelesassassinats.
En1572,c’estaussicequientreencomptedanslesviolencesquiprojettentune
tension magique, avec le haut sens que prennent les puéricides. Tuer les enfants,
c’est signifier, comme le criaient les Hutus à leurs victimes, que le Dieu des
huguenots est mort 67. « Tuez-les tous » est synonyme de mise à mort du Dieu
ennemietdevictoireduvraiDieuquireconnaîtralessiens68.Revenonsdanscette
perspectiveaugénocidetutsietauxtémoignagesrecueillisparHélèneDumas.Les
petitsenfantssemblentalorsaucœurdudispositifsymboliquedestueursquidisent
en les massacrant qu’il en est fini de leur Dieu parce que celui-ci ne peut pas les
protéger parce que, en même temps qu’ils meurent comme des serpents, l’ordre
sacré du monde fait retour : « À cet instant, ils se sont jetés sur nous en disant :
«Nous netrouvons pasleurs nuquespour lescouper. Quecelui quipeut donner
descoupsàcespetitsenfantsserpents[utwotwanatwinzoka]lefasse!Queceluiqui
peutcoupercoupeleplusprochedelui!»Celas’estpasséainsi:ilsontcommencé
à lancer dans les airs les nourrissons [utwanatw’impinja] qui se trouvaient parmi
nous;ilsleslançaientenl’airetilsretombaientsurlamachette.Ilsétaientcoupés
endeux»69 .CommeleditunHutu,lesenfantstutsisontdes«espritsmalfaisants»
ou des « satans ». Et sans doute aurait joué la réminiscence, consciente ou
inconsciente,deÉzéchiel9,6:«Vieillards,jeunesgens,vierges,enfantsetfemmes,
tuez-les tousjusqu’à extermination; maisn’approchezpas de quiconqueporterala
marque, et commencez. » Tuer, c’est aussi faire une offrande à Dieu pour qu’il
reconnaisse les siens… Tuer, c’est entrer soi-même dans un mouvement de
libérationdesaculpabilité…
Là encore, il y a l’évidence d’un « acharnement » sur la matrice avec les cas
répétitifsdepiétinementdesventresquicontinuentaprèslamortdesfemmes,car
«euxdisaientquelesserpentspassaientleurtempsàfairesemblantdemouriralors
qu’ilsn’étaientpasmorts70 ».Noussommesen1994,maislesatrocitésdesguerres
deReligionsemblentparticiperd’unmêmelangagesymbolique.L’enfantestalors
une figure sursymbolique, parce qu’en instance de devenir un « antéchrist », le
diable71 quirisque,s’ilsurvitetgrandit,defairevengeancedeceuxquisontmorts.
De la même manière, les viols ont pour fin d’annihiler le sang de la femme, de
signifier qu’elle ne vit pour satisfaire ses appétits charnels et engendrer une
progéniture diabolique. Ils la détruisent ludiquement comme créature humaine72.
LetempsprésentmétamorphoselesennemisdeDieudansleshabitantsdeSamarie
destinée bibliquement à être punie pour s’être révoltée contre Dieu : « Ils
tomberontparl’épée.Leurspetitsenfantsserontécrasés.Etl’onfendraleventrede
leursfemmesenceintes73.»
Danscecrimecollectifsacralqu’estlaSaint-Barthélemy,touslestueursettousles
habitantsd’une cité en instance d’avoir retrouvé l’amour divin dans l’annihilation
des hérétiques sont consacrés par une bénédiction divine. La violence est, pour
citer Alphonse Dupront, « acte pur » de réconciliation deutéronomique De ces
violences,le justene pourraque seréjouir, carelles actualisentle Psaume58, 11,
parce qu’il « lavera ses mains au sang du mechant » et donc brandira le néant de
celuiqu’ilamisàmort.LescrimesparlentDieu.Dansunefamille,dansunmétier,
dansl’espaced’unerue,l’impuretéd’unoud’uneseul(e)nerejaillit-ellepassurtous
ettoutes?TuerleprofanateurdelagloiredeDieurevientàsemettresoi-mêmeà
distancedelacolèredeDieu,àmériterdelamiséricordedivineens’éprouvantsoi-
mêmedevantDieu.L’exterminationdeceuxetcellesquisouillentdeleurinfidélité
une vie communautaire vouée à honorer unanimement Dieu ne vise-t-elle pas à
obtenirlepardondivin,enactualisantenun«actepur»lepassageversunabsolu
desoi74?Versdoncles mirabiliadel’existencehumaineenmouvementversDieu?
Et la violence n’est-elle pas rencontre et présence tout à la fois,
«communication» ?N’est-elle pas«salutifère »,dans lamesure oùtuer estaller
au-delàdesoi-mêmeetestdoncunau-delàdel’illusion«solitariste»,ouplutôtson
pleinaccomplissement75?
JacquesCoppierdeVellay 76exprimadanssesversuneémotionsacralepartagée
devant la vengeance divine perpétrée contre les traîtres à Dieu et à leur roi
désormais«trempezenlaflammeinfernalle»:
L’ÉternelDieuveritable
Quidescouvretouslessecretz
Apermisdedroictequitable
Lesperfidesestremassacrez.
Carledimanchevingt-quatriesme
Dususdictmoyssurladiane
Furenttuezplusd’unecentiesme
Faulteursdelaloycalviniane.
Despuysonacontinué
Depunirlesplusvicieux
Deceuxquiavoientremué
Toutelaterre,voirelescieux.

Le « voir tuer » est aussi salvifique que le tuer même. Et c’est un rêve d’unité
retrouvée qui surgit de la mort même des ennemis de Dieu et du roi, incitant à
exalterlamémoiredes«bons»etàcrier:
…d’unebonneunyon
VivelaCatholicquereligion,
ViveleRoy,etsesbonsparroyssiens,
ViventfidellesParisiens,
Etiusquesàtantnayonscesse
QuechascunailleàlaMesse.

Undétailcapitalnedoitpasêtre,àcepropos,négligé:à11heuresdumatindu
dimanche24août,lenouveauprévôtdesmarchandsJeanleCharron,élule16août
et réputé proche de Catherine de Médicis77 , vint avec les échevins parisiens
présenterauroidesremontrances: ilsignalalespillagesetassassinatsquiétaient
commis autant par les gentilshommes, les archers et soldats de la garde, que par
«toutessortesdegensetpeuplesmêlésparmietsousleurombre78»;etc’estpour
cetteraisonqu’unmandementfutpubliéinterdisantaussitôtàlafoisdetueretde
procéder à des actes de prédation, sans résultat d’ailleurs79. Essentielle serait ici
cette prise de parole qui nous enseigne que le massacre est bien assimilable à un
pogrom, qu’il fut tel une fête transsociale unissant des gens de guerre, la
bourgeoisieetle«peuple»deParis–voireleclergé–dansl’invariantde«l’illusion
solitariste».Avec,commebiensouventdanslespogroms,l’initiativepremièrede
soldats80.

Ceuxetcellesquisontdanslesruesetquiregardent
Dès 1991, Barbara Diefendorf a très judicieusement mis en avant le cas de la
massedes«bystanders»ayantapprouvélemassacresanspourautantyprendrepart
directement81.Laseuleprésencesurleslieuxdescrimesdecespassantsetpassantes
seraitsigned’acquiescementvoiredesoulagementjubilatoire!Unpeucommeles
populations qui, voyant passer des convois d’Arméniens affamés et épuisés,
contemplaient avec indifférence ou impassibilité les atrocités qui se déroulaient
sous leurs yeux. Sans doute leur fallait-il obéir aux interdictions officielles de
donnerdel’aideauxdéportés,maisc’étaitaussilerésultatdelapropagandeenmots
ou en images diffusée par le pouvoir Jeune-Turc accusant les Arméniens d’avoir
préparé des attentats, de vouloir détruire l’islam, de collaborer avec l’ennemi, les
comparant à des microbes dangereux et les renvoyant donc au non-humain. Les
Arméniensétaientdespresque-mortsqui,ilfautl’imaginer,suscitaientuneforme
d’exultation, et ceux qui les voyaient passer criaient et les qualifiaient de « porcs
d’Arméniens », « à l’abattoir ». Pour Barbara Diefendorf encore, la Saint-
Barthélemyestlefaitd’une«populaceagressive»quelesofficiersdel’Hôteldeville
n’ontpaseulesmoyensdecontrer.«Lecommandementdeposerlesarmesetde
rentreràlamaison,maintesfoisrépété,restesanseffet.»Lemassacreestaffairede
« l’impuissance des autorités civiles82 ». Et la part de la milice bourgeoise serait,
malgré les apparences, à restreindre, surtout parce que les militants de la
persécution antiprotestante entre octobre 1567 et octobre 1572 ne
constituent qu’« une petite minorité de la milice83  ». « Une partie maligne de la
miliceabienprêtélamainàlaSaint-Barthélemy,maisonnedoitpasconfondreces
radicaux avec la milice tout entière, non plus qu’avec toute la bourgeoisie
parisienne.»
Le terrible drame arménien aide à comprendre l’événement de la fin du mois
d’août1572etàcomblersesvidesinformatifs;lapassivité,durantl’annéetragique
1915,nousparaîttotalementcriminelle;commentétait-ilpossibledenepasvoir
l’horreur, les routes étant jonchées de chaque côté de cadavres carbonisés par le
soleil…Orc’estunfait:lescolonnesdedéportésquiavançaientenconvoisversle
désert syrien non seulement ne recevaient rien de ce qui aurait pu les aider à
continueràmarcheretpeut-êtreàsurvivre,maisellesétaientdesurcroîtlescibles
de coups et d’injures, et les populations qui étaient les témoins de leur infini
malheur n’hésitaient pas à leur jeter des pierres. Ces marches de la mort
contribuèrentfortementàl’annihilationdesdeuxtiersdelapopulationarménienne
vivantenAnatolie.Leprocessusgénocidairedéployatoutl’arsenaldesviols,corps
ligotés ensemble et brûlés vifs, femmes éventrées, enfants entassés dans des
tonneauxetprécipitésdansl’Euphrate,bébésmisdansdessacsetnoyés,hommes
égorgésdansdesfossescreuséesauparavantoujetésdansdesciternessouterraines
etdespuits,outuésàlahachedevantleursenfants,tousleshabitantsd’unvillage
rassemblés dans une grange et brûlés84 , le tout sous le regard complaisant de
spectateurs sans doute fascinés de plaisir à la vue du jeu auquel se livraient des
tortionnaires. L’absence de sépulture ajoutait une dimension d’ignominie dans la
mesureoùlecorpsnoyéestatroce,gonflé,noirci,puantavantdesedécomposeret
d’être englouti dans les profondeurs85. Enfin, le massacre des Arméniens est
marqué par le syndrome de l’invariance du crime de masse : faire disparaître les
corpsetdonclamémoireducrimemême.En1572,s’ilyadanscettefouleivrede
sonœuvresotériologiquedesParisiensetdesParisiennesquisauvent,parintérêt
oupargénérosité,deshommesetdesfemmesetdesenfantsenfuite86 ,ilya,avant
tout, Paris qui est dehors et qui assiste aux mises à mort ou regarde les cadavres
jetés depuis des fenêtres et tirés jusqu’à la Seine, ou accompagne du regard
l’incarcérationdesuspectsquineréapparaîtrontplus.
Etalors, il faut revenir sur la tuerie analysée par Jérémie Foa. Cette tuerie a un
sens théophanique, au-delà des passions particulières qui pourraient l’avoir
suscitée comme d’ailleurs toutes une série de saynètes collationnées dans le
MartyrologedeJeanCrespinoudansles Mémoiresdel’estatdeFranceledonnaientà
appréhender. Être un tueur, c’est non seulement être depuis longtemps sous
l’emprise d’un tenace désir d’éradication de la souillure que signifie l’hérésie dans
une cité qui se veut la tête du royaume le plus chrétien de la chrétienté et qui
souffre de savoir qu’un désamour de Dieu lui vaut d’avoir en elle des suppôts de
Satan et d’être possiblement dans l’imminence d’un châtiment divin dont les
calvinistes seraient les instruments. Mais c’est aussi savoir que, dans des
circonstancesparticulières,Dieuéprouvelessiensafindesavoirs’ilssontbienles
siens. Tuer ou faire tuer son proche, frère, cousin, oncle, beau-père, au nom de
Dieu,nepeut êtreque ceque nous,historiensd’un autresiècle, malgrétoutes les
atrocités qui peuvent encore aujourd’hui nous environner, rencontrons de plus
arduàassimiler.EtlerisquemesemblegranddetenirDieuàl’écartdel’imaginaire
assassin… Ceci parce que Dieu, dès avant la scission religieuse, avait dit que Son
peuple ne lui était plus fidèle, et que donc il faudrait deviner dans le massacre
comme une explosion libératoire et festive d’une angoisse de long temps ancrée
dans la psyché collective… L’histoire de la Saint-Barthélemy semble ainsi plus
longue que celle que Jérémie Foa met en valeur à travers les quelques figures
psychologiquesdesestueursremplisd’arrogancecriminelle.
LesParisiens,onlesretrouveencoreunisetréunissousleregarddeDieuetsans
compassion dans la ville qui se transforme en une grande brocante, une vaste
«bootfair », une braderieoù de multiplesobjets et biens provenantdu pillage des
maisonsoulogisdesprotestantssontmisenventeentouteimpunitéetoùonpeut
devinerqu’unefouledebadaudsoude «bystanders»serendpourmettreenvente
oupourachetercequiaétépillé.LucGeizkoflernousindiquequechaquejourde
septembre qui passe donne lieu à la vente en public de grandes quantités
d’ustensiles,delinges,detapisseriesrazziésdanslesmaisonsdesassassinés.S’ilya
vente,c’estqu’ilyadesacheteursetquedoncParisparticipedel’occasionquiluiest
donnéedeprofiterdupillage.
Le13septembre,unelettred’unSuisserelèveque:«EsistzuParismitpflündern
grosgewonnen.»«Lespillagesontrapportébeaucoupd’argentàParis.»LesSuisses,
est-ilajouté,onteuleurpart,etilssont«devenusriches»,àcommencerparceux
du roi qui auraient reçu le sac et le droit de pillage de la maison de l’orfèvre et
lapidaire Thierry Baduère. La rumeur parvient jusqu’à François Hotman qui en
retire la certitude que les Suisses ont été hyperactifs dans le massacre et la
prédation: «DieschweizerischeLeibwachehatbeiderBlutarbeitdiePalmeerrungen»;
ce qui signifie que les gardes suisses ont remporté la palme pour ce qui est du
«travaildusang».Undesesparents,GuillaumePrevost,aététuédanslamaison
mêmeducomtedeLaRochefoucauld.Deschiffressontdonnésàproposdubutin:
Martin Koch, 10 000 couronnes volées lors de l’assassinat de l’Amiral, 2
000couronnes pourMoritz Klein, uncheval d’Espagne pourDiethelm Forster,1
500couronnesdonnéesparleducd’AlençonàJosuéStuder,10couronnesoffertes
par Charles IX à chacun des Suisses de sa garde en cadeau d’honneur
(«Ehrengeschenk»),ConradBurg,80florinsd’orvolésàunprotestant87.
Le pillage est aussi d’ordre vestimentaire, opéré sur les cadavres mêmes, selon
SimonGoulard,par«lescrocheteurs,belistresetbateursdepavévoulansavoirles
habillemens88 ».Ilpourraits’agird’unesortedevengeancequiauraitétéàl’œuvre
contredes huguenotsparisiens accusés d’avoir, à la faveur des trois guerres qu’ils
avaientfaitsubirdepuis1562auroyaume,accumuléetthésaurisélesproduitsdes
pillages effectués de leur parti. La prédation d’argent ou de bijoux comme de
meublesou devêtements auraitété unemanière dejustice immédiate,avec, dans
l’ombre des imaginaires, le transfert aux huguenots de l’image des Juifs usuriers.
C’est ce que le Stratagème de Charles IX… donnera à comprendre aux lecteurs : le
pillage des demeures des calvinistes parisiens rendit un butin « presque
incroyable », « eux qui, pendant l’espace de plus de onze années, avaient pillé la
Franceetparticulièrement leségliseset leslieux saints,d’oùils avaientenlevé les
objetslesplusprécieux89».
LesParisienssontencoreunisenmassedansdesprocessionsrendantgrâceàDieu
pourlatueriesacréequivientd’avoirlieu.Unemanièredeprolongationducrime
peut sembler ici à l’œuvre : le 4 septembre, a lieu une grande procession
d’implorationdelaprotectiondivine.Leroi,samère,sesfrèresetlaCour,ettoutle
clergé marchent derrière le Saint-Sacrement et les saintes reliques90 . Le jésuite
Gastoriusobservequ’ilyeutuneaffluencedepeupletellequ’«ellenepouvaitêtre
plusgrande».Leroietsamèrefurentexhortéspubliquementpardesprédicateurs
à implorer par des prières l’aide du ciel afin que la religion chrétienne, qui s’était
affaiblieenFrancedufaitdel’hérésie,reprennetoutesaforce.
Plus encore révélateur d’une capitale autofascinée par le massacre qui a été
perpétré,ilyalemiraclemarialdel’aubépinequiperdure,prolongeantuneffetde
transfertdel’imaginairedesParisiensdansunesur-duréequirejoignaitlesprodiges
salvifiquesdel’histoirepostexilique.Revenonsunpeuenarrière,aupetitmatindu
24août,audébutdesactionsmeurtrièresexécutéespardescommandosqui,après
l’assassinat de Coligny, tuèrent plusieurs dizaines de capitaines protestants dans
Paris. Le « miracle » christique du refleurissement de l’aubépine desséchée et des
gouttes de sang perlant sur ses feuilles ne joue-t-il pas un rôle dans le
déclenchementdu crime collectifen liaison avec le fantasmed’une présence de la
transcendance et d’une diction sacrale du devoir de tuer ? La foule vint adorer la
spina quoque arida qui refleurit, et le roi et la reine mère seraient, selon Johann
WilhelmvonBotzheim,venusenpersonnerendrehonneurausignemerveilleux
quidisaitlavictoiredeDieusurl’hérésie.Auxmarquessanglantesquelessoldatset
civils tueurs impriment dans l’espace de la cité pour la rendre à une plénitude
d’obéissancedivine, Dieu lui-même mêlait sa propresignature ; celle de son sang
quijadisetpourl’éternitéacoulépourlaRédemptiondel’humanitépécheresse.
Ladévotionpaniqueimmédiateàl’aubépinemiraculeusenouspermetd’effacerla
cloisonentreacteursetspectateurs:ceuxquipriaientdevantlemiraclenetuaient
peut-êtrepas,ilsnemettaientpasàmortleshuguenots,maisilsimploraientDieu
pour que cesse la division de religion, pour que donc la violence libère Paris
d’hérétiques qui « polluaient » la gloire de Dieu. Selon les Mémoires de l’estat de
France…,lapressedu«peuple»,ausondesclochesquicarillonnaientàtoutevolée,
étaittellequ’ilfallutdisposerdesgardestoutautourdel’aubépinepourempêcherle
« peuple » d’approcher trop près. La France allait selon le peuple retrouver « sa
belle fleur et splendeur perdue ». Ce serait après avoir contemplé le « miracle »
qu’un«peuple»seseraitrenduaulogisdel’Amiraldécédé,et,ayantrencontréson
cadavre,l’auraittraînédanslesrues91.
Et,simultanément,ungrandventselevasurlacapitaletandisquerésonnaitune
forte clameur exaltant le souverain, « Vivat rex » : c’était, dit-on, l’archange saint
Michel qui battait des ailes de joie, en témoignage de sa satisfaction de voir le
peuple de Paris s’être placé sous la « vraye enseigne des militans en l’Église
chrestienne, portée depuis le vingtquatriesme jour, pour signal ès chappeaux des
bons Catholiques et vrais subjects du Roy, comme Ezechiel la vid marquer par
l’Angeésfronsdesfidelles 92».
L’important,pournous,estquecettepiétécommémorantlaPassionperduredans
lesjoursd’aprèsviolence,continuantàattirerlesParisiensquiviennentprier,dans
untempsdétestable,devantlaViergedel’aubépinereverdielematindu24août!
Et, tandis que des prêtres clament que s’il arrive que des sceptiques fassent de la
provocation en avançant ironiquement que le refleurissement se serait produit
quelques jours avant le 24 août, ils sont immédiatement lapidés et jetés dans la
Seine93.
L’onchantealorssansaucundoutelemiracledésormaisversifié.LeprêtreBlandis
soutient face à Luc Geizkofler que, si l’arbre s’était auparavant desséché, c’était à
l’image du royaume de France comme dépourvu de vie du fait de la tolérance
concédée aux huguenots. Il ajoute que, comme ils étaient désormais anéantis, le
royaumeallaitretrouverprospérité,tell’arbrerefleurissant,etqu’ilen seraitainsi
aussi longtemps que la religion catholique serait honorée94. Quant à Joachim
Opser, qui était proche du capitaine Josué Studer de Winkelbach95 , un Suisse
originaire de Saint-Gall et présent lors de l’assassinat de l’Amiral, il écrit avoir
approché son chapelet de l’aubépine sainte qui est pour lui miraculeuse96 . Selon
JacquesCarorguy,lemiracleauraitétévupar«100000»personnes,etlui-même
quil’avaitvuesècheauparavantavaitpuconstaterdepuis devisuqu’elleproduisait
desfruitsappelés«senelles97»etquel’arbreétaitdoncpleindevie.
Lerefleurissementestaussiinstrumentalisépourexalterlamystiqueroyale.Dans
la réédition, par les presses de Vincent Normant, de son Discours sur l’heur des
présages advenus de nostre tems signifiant felicité du regne de nostre Roy Charles
neusviesme tres-chrestien, François de Belleforest, quelques semaines après le
massacre, fait fond du miracle de l’aubépine pour authentifier la protection
providentielle qui est attachée à la monarchie de Charles IX : « Quel plus grand
signe en asseurée preuve en veux tu peuple chrestien, de voir, dans le jour que
Coligny fust massacré, ceste epine blanche auparavant seche et demye morte
reverdir, produire feuilles et fleurs au mois d’Août et outre la saison que les
Aubepinesfleurissent,àlaveuedetoutlemonde 98.»
Claude Haton précise que le « miracle perdura 15 jours, parfumant l’air
environnantdelamêmeodeurquediffusentlesfleursblanchesquifleurissenten
temps normal en mai. » Et surtout « Aucuns malades languissans, ayans ouy ce
miracle,sefirentporteraucymetierepourveoirladitteespine;lesquelzestanslà
avec ferme foy firent leur priere à Dieu en l’honneur de Nostre Dame la Vierge
Marie,etdevantsonymagequiestenladitechapelle,pourrecouvrerlasanté».Et
une fois dite leur oraison, Haton affirme qu’ils purent retourner chez eux guéris,
«chose tres veritableet approuvée »,et il y voitun grand signe del’approbation
divine99 . Paris semble, en continuité miraculeuse, vouloir se placer sous la
protection de la Mère du Christ, car une dispute est organisée en Sorbonne, qui
gravite autour d’une proposition de modification de la salutation angélique : il
s’agissaitdesubstituerà Ave,Maria,graciaplena,enraisondesbénédictionsquela
ViergeavaitmultipliéessurParistoutrécemment «AveMaria,gratiamater».Luc
Geizkofler a vu, pour sa part, la reine mère, en personne, devant l’aubépine
miraculeuse qui glorifiait la victoire sur l’hérésie et prophétisait la nécessité de la
violence. L’on chante aussi le miracle désormais versifié 100. Une chanson fut
composéedèsle25aoûtdevait,sansdoutepourêtreentonnéedanslajoiedeceux
quiserendaientaucimetièredesSaints-Innocents:
Ônobleetfrancheépine,oviergetresbenigne,
Quientonbenoistventreasperletantdigne,
TouslesdevotzChrestienstesupplienthumblement
Quel’heresieenFrancepreignedeffinement.

D’uneespinepoignantjaseicheetadmortye
Miraculeusementfueilleenfleurestsortye;
Parcestœuvredivinnousestsignificance
QuelafoycatholiquerefloriraenFrance.

PierredeL’Estoileobservaqueceseraitaprèsavoircontemplél’aubépineque«le
peuple de Paris », alerté par le son du tocsin et accouru de « toutes parts en si
grande foule », se porta vers le logis de l’Amiral pour procéder à des mutilations
corporellessursoncadavre.Cepointdedétailnedoitpasêtrenégligé,carilpermet
d’envisagerqu’enparallèledesbrefspréparatifsvouésàlamobilisationdesoldats,il
yauraiteu unemiseen scènedestinéeà enchanterlesParisiens.En mêmetemps
que la ville catholique est impliquée dans la tuerie on observe une extraordinaire
montéeenénergiemystiquedelafoiparisienne:TomassoSasseticonstatequeles
églisessontpleines,lesfrèresetlesprêtresprofitantdumassacrepourfaire«leurs
vendanges»defidèles,aupointque«bienmalinceluiquipeutavoirlapremière
placeaupieddel’autel».Chacun,lorsqueleprêtreélèvel’hostie,metunemainsur
lapoitrineetuneautresursabouche,enunprofondressentisubjectifdumiracle
christiquequiestàl’œuvredanslecoursdelatueriequiperdureencore.Parisest
pleindeDieu,unDieudemiséricordedanslecœurdesParisiens.

QuandleSacrés’installedansParis

Carle«peuple»n’estpasrentréchezlui,ilesttoujoursdehorsenattented’autres
signatures sacrées ; il continue à mettre en scène sa piété sous le regard de Dieu
quand, le 27 octobre, le chevalier François de Beauvais, sieur de Briquemault,
appréhendé alors qu’il se dissimulait sous l’habit de charbonnier ou d’un boucher
dans les étables de l’ambassade d’Angleterre, et le président à la cour des Aides
Arnaud de Cavaignes, sont traînés sur une claie depuis le Parlement jusqu’à
Montfauconet,là,sontpendusàunepotence«croisée»surles6heuresdusoir101 .
Deux mois après le massacre, la criminogénie parisienne est temporairement
réactivée puisqu’« une grand foule de peuple » assiste à leur exécution par
strangulationetpendaisonquiseseraitdérouléeenplacedeGrèveenprésencedu
roi, les corps étant ensuite dépendus et traînés par les rues 102 avant d’être
rituellement émasculés par « le peuple » en marque de trahison. Luc Geizkofler
consignequedesmilliersdepersonnes–«unegrandefouledepeuple»–étaient
présentesetquel’exécutiondutsetermineràlalueurde«centainesdetorches103 ».
En outre, le Parlement avait impliqué Coligny dans le procès des deux hommes,
puisqu’ilavaitordonnéquesoneffigieseraitsuspendueàunepotencedelaplacede
Grève devant l’Hôtel de ville, à côté de celles des deux condamnés, qu’elle y
demeureraitvingt-quatreheures,puisseraittraînéeàlaqueued’unchevalparles
ruesdeParisetattachéeaugibetdeMontfaucon;toussesportraitsdevraientêtre
brisés et foulés aux pieds par le bourreau, ses biens confisqués, ses armoiries
rompues,sesenfantsproclamésroturiers.SamaisondeChâtillon-sur-Loingdevait
êtreraséeetensonlieuetplacedevraitêtredresséunpiliersupportantuneplaque
de cuivre sur laquelle serait inscrit l’arrêt de condamnation ; chaque année, des
prières publiques et des processions solennelles auraient lieu, le 24 août, pour
rendregrâcesàDieudeladécouvertedesacriminelleconspiration 104.Ils’agiticide
fairesecontinuerlatemporalitémiraculeusedumassacretoutenlaplaçantsousle
contrôledelamonarchie.
Quand la violence, que François de Belleforest attribuera à la « main du
peuple105 »,aeneffetenfindécrusignificativement,le11septembre,estorganisée
unegrandeprocessionsolennelleàlaquelleprennentpartleroi,sesfrères,lareine
mère,sasœurMarguerite,leParlement;HenrideNavarrebrilleparsonabsence.
Et l’image de sainte Geneviève et nombre de reliques et d’autres images sorties
d’églisesanciennesdelacapitalesillonnentlacapitale106.LucGeizkoflersesouvient
avoir été surpris de « l’ardeur du populaire » à se masser devant la sainte en une
piétémystiqueetaccompagnerlaprotectiondelasaintesurlacapitaleduroyaume
en étant présent dans les rues où le massacre se déroulait. « Chacun vouloit la
toucherou,toutaumoins,mettreencontactavecelleunchapeau,uneceinture,un
objetquelconque.»Cesontplusieurscentainesdetrabans,suissesetfrançais,qui
doiventaiderlasainte,queGeizkoflercompareàlaDianehonoréeparlespaïens
d’AthènesetmentionnéedanslesActesdesApôtres,àavancerparmilafoule.Les
porteurs, au nombre de plus de vingt107, fendaient difficilement la presse. On
pourrait soupçonner que les grands tueurs de masse des jours précédents font
partie de ces hommes, prolongeant en eux, ainsi, la mise en représentation de
l’emprisesacralesouslaquelleilsrevendiquaientd’avoiragi.
La ville s’identifie ici aux acteurs les plus criminels du massacre de la Saint-
Barthélemy. Elle est criminelle en quelque sorte par procuration en rendant
honneuràlasaintequiestcenséeavoirprotégélafoicatholiqueparletruchement
dumassacredeshérétiquesetdoncparsonimplicationdansdesrituelssolennisant
la justice divine qui s’est exercée par la violence. Il y a véritablement une foule
euphoriquesurlepassagedelaprocession,carilfautplusieurscentainesdegardes
suisses et français pour canaliser la foule pénitente et permettre à la sainte
d’avancer.LaprocessionunanimistederrièrelasainteprotectricedeParisconfirme
l’hypothèsed’unPariscriminelnonseulementdanstoutson«peuple»etdanssa
sociétécléricale,maisaussidanssesstructuresdepouvoir108 .
Enoutre,lavillefitfrapperdesmédaillesdecommémorationdumassacre:ilfut
payé à Aubin Olivier, « demeurant à Paris », 85 livres : dont « pour quinze
médailles d’argent, quarante-cinq livres ; pour avoir refait le sceu et cachet de
laditte ville, cinq livres ; pour avoir refait les piles pour les jettons d’argent et de
laitons,trentelivres,desquellesmédaillesquiontestéfaitespourmémoiredujour
deSaint-Barthélemy.Etaestédistribuéàmesditssieursleprevostdesmarchands,
eschevins, procureur, receveur et greffier d’icelle ville109 ». Et ensuite des
gratificationsfurentaccordéesauxarchersdelavilleetàleurschefs.L’emprisede
Dieune cesse pasdans l’imaginaire de ceuxet celles qui sepouvaient se ressentir
enfindélivrésdel’angoissedepenserqueleurvilleestsouslamenacedelacolère
divine,commeplustard,enjanvier1589,aprèslasurvenuedesnouvellesdedouble
meurtrede Blois, ellesaisira par dizainesde milliers les Parisiensprocessionnant,
encadrés ou spontanément, pénitentiellement pour appeler sur le « Tyran de
Blois»lavengeancedelajusticedivine.
LemassacresembleavoirsecrétéunprofonddésirdecommunionavecleSacré,
chaqueParisiensouhaitantprolongerl’épiphaniedesjoursetdesnuitsdemassacre.
Lelendemain,le12septembre,cesontencoredevieillesfemmesquivendentdes
chapelets et des petites croix dont le prix a augmenté, parce que, lors de la
procession,on leur avait faittoucher la statuede sainte Geneviève, et quiétaient
réputéesprotégerdesmaladiesetautrespérils.LeprêtreBlandis,sonlogeur,assure
à Geizkofler que la vente a été si profitable et abondante qu’elle a rapporté au
clergé,dansleseulquartierdel’Université,plusde100000francs.
Le même 12 septembre, comme Éric Syssau l’a découvert en relisant Luc
Geizkofler, une nouvelle pièce de théâtre est jouée au collège de Navarre110 .
Charles IX est présenté comme ayant été partisan d’une politique d’hostilité aux
réformés,àladifférencedesamère,n’ayantpasperdudevue,alorsquelapaixde
Saint-Germainavaitétéconclueparopportunité,lepossibled’uneéliminationdes
réformés. C’est un roi mélancolique qui en assez d’une vie compliquée par des
huguenotsquiontdepuis1562dévastésonroyaumeetaveclesquelsilafaitlapaix
souslapressiondesamère,unepaixquilui vautlesreprochesdescatholiqueset
qu’il pense à rompre. Un dialogue s’engage, Catherine de Médicis se justifiant en
affirmantqu’elleavoululapaixpourqueleroyaumereprennedesforces.«C’estle
propredusagedetoujoursseplierauxcirconstances.Etlescirconstancesactuelles
offrentl’occasionderompre ànouveau lapaix,d’attaquer parsurpriseles princes
huguenotsrassemblésàParisetdelestuer;elleneledissuadepasdelefaire,mais
avertitleroiensortequ’ilnefasserieninconsidérémentetparpassion…»Suitun
développement qui met en valeur deux postures antithétiques : le roi et sa mère
voulaient en finir avec le parti huguenot, alors que les huguenots souhaitaient
affaiblirleparticatholiquetoutens’organisantdéfensivementafindesemettreen
positiondeforce.L’objectifdelareprésentationétaitclair:ilyavaitdonc,avantle
22août,unpouvoirquiétaitdéjàtentéparuneoptionviolenteetqui,delasorteet
implicitement,nepeutpasêtresoumisàlacritiquepoursapolitiquedeconcorde.
Mais l’attentat du 22 août survint, déterminant un exercice de dissimulation
affirméede lapart du couplemonarchique, des« politessesfeintes », alorsque le
partiprotestantdénonçaitlaresponsabilitédeHenrideGuiseetparlaitdeletuer
tout en présentant des exigences politiques exagérées donnant à penser qu’il
pourraitseprépareràunenouvelleguerre.Àquois’ajoutauneconfidencefaitepar
HenrideNavarreàMargueritedeValoisetrapportéeparcettedernièreàsonfrère
et sa mère, selon laquelle Coligny, se sentant près de sa fin à cause des balles
empoisonnéestiréesparMaurevert,luiauraitlaisséen«héritage»leroyaumede
France.
Dans ce contexte, c’est à Charles IX que revint la décision de « tuer les
huguenots»,souslapressiondesducsd’Anjou,d’Angoulême,deGuiseetd’Aumale
qui« pressent le roi, pour qu’ilse charge de les tuer sansretard, de peur que, s’il
reporteaulendemain,ilsoitempoisonnéparleshuguenots,commesonfrèreleroi
FrançoisII ». C’est aux Guise que la tuerie de « tous » les huguenots fut confiée.
Charles IX est ainsi dépeint comme ayant souhaité une extermination totale des
protestants et demandant ensuite qu’on lui montre les cadavres de l’Amiral, de
Téligny, de Piles et des autres grands nobles huguenots. Il reçoit ensuite les
congratulations de la ville de Paris et distribue les dépouilles aux soldats qui, en
perpétrantlesmeurtres,avaientexécutéaveczèleetempressementleurouvrage,et
les engage à respecter et révérer chaque jour davantage le duc de Guise, « très
habileàlaguerreettrèsdiligentexécuteursdesordresduroi».
Estainsiproposéunscénariodel’événementquimetenaccordleroi,samère,ses
frères, la maison de Guise, les autorités parisiennes, les soldats mobilisés, et cette
lecture avait bien sûr pour objectif de gommer toute part de doute sur les
intentionsetlerôledesunsetdesautresauseind’unemiseenintriguequiutilise
certainesrumeursd’avanttuerieetenrecréed’autres.Pourl’auteur,lemassacreest
unmassacredécidéàlacour,agiàlacour,etillaissesignificativementhorsscènele
déchaînementdelaviolencecollectiveparisienne.
Danslecourantdumoisdeseptembre,l’évêquedeParismitaupointunsystème
contrôlé d’abjurations : les hérétiques devaient prendre contact avec le curé de la
paroisseoùilshabitaient.Cedernierrédigeaitun«certificat»quiétaittransmisau
Pénitencierdel’Églisede Paris.Cestadepassé, l’hérétiquepénitentdevait,devant
l’official, faire profession de sa foi, après avoir abjuré et anathématisé toutes les
hérésiescontrairesàlareligioncatholique,apostoliqueetromaine;ildevaitavoir
aussijurésurlessaintsÉvangilesde«tenir,garderetconserverjusquesendernier
soupirdesavie»lafoidel’ÉglisedeRome.
Les conversions qui se multiplient s’expliquent par « l’aspect cumulatif » des
persécutions, selon l’expression de Denis Richet ; elles sont une « réaction de
désespoir » des protestants survivants qui sont comme aspirés dans l’exaltation
sacralemiseenscènedansleParisdutempsdepost-massacre.Lemarchanddrapier
JeanRouillé adresseà deux marchandsd’Albiune lettre trèssignificative, endate
du 22 septembre 1572, dans laquelle il affirme que le roy « a rendu fort ample
temoignagecommeilveultetentendqu’iln’yaitenceroyaulmequeunefoy,ung
Dieu et ung roy ». Et Charles IX, dans ce but, a « exterminé et mis à mort tous
ceulx qui, à ce faire, luy ont donné empeschement ». Rouillé, qui a signé tout
récemment un formulaire d’abjuration, affirme qu’il n’est plus temps de
tergiverser:sesdeuxcorrespondantsdoiventdetouteurgencefaireprofessionde
la foi catholique. À Paris, « plus de cinq mille hommes » se seraient, selon lui,
résolusàrevenirdansl’Églisedeleursancêtres,«cariln’yaqueceseulmoyenpour
segarantiretsauversavieetsonbien111 ».
Cela n’empêche pas que, le 19 septembre, le Siennois Giovanni Maria Petrucci
écritàFrançoisdeMédicisquele«populo»deParisestencoreenémotion:chaque
jour sont encore appréhendés de nouveaux huguenots, qui sont précipités la nuit
dansleSeine;ettoutsembleindiquerque«parlavillesepréparentdenouvelles
exécutions, parce que des fourches (forche) ont été disposées dans tous li luoghi
pubblicidella città112». Les25 septembre,les mêmesmises àmort sepoursuivent,
«horsdetouteprocédurejudiciaire».
Revenons donc à Barbara Diefendorf en nous intéressant à son application du
concept de « trahison des élites » : « Quand le bureau de la ville donna l’ordre
d’appeler la milice, délibérément ou non, il se fit complice du crime de la Saint-
Barthélemy. Quand le Parlement accepta sans protestation la déclaration du roi
confirmantqu’ilavaitordonnélemassacre,lesmagistratsdelacoursouverainese
firentcompliceaussiducrime 113.»
Quelquesjoursplustard,àproximitédel’égliseSaint-Hilaireetdoncnonloinde
l’Université,l’extraordinaireresurgit:unevieillefemmefaitpleureruneimagede
laViergequiexprimedelasortequ’elleasouffertdanslestempsrécentsjusqu’àce
que Paris exprime son amour pour son Fils. Miséricordieuse, c’est une mater
dolorosa qui appelle désormais à la conversion114, se donnant à voir en mère
protectrice qui prie en direction du Ciel pour que son Fils pardonne à toute une
villepurifiéeparseslarmesdupouvoirdel’enferaprèss’êtretoutentière,comme
enuneoffrandedesoi,purifiéedel’ignominiehérétique115 .PourunevilledeParis
qui s’imagine avoir retrouvé le Christ, un prolongement miraculeux se fait jour
danscettecompassionmarialeetdanscetteconfirmationd’unpardonquidécoule
de la violence même. Les larmes d’amour expriment la certitude d’une présence
sacrale et disent aussi que le temps est enfin forclos qui avait vu les hérétiques
remettreenquestiontoutepossibilitéd’immanenceetdoncd’entendementdansles
imagesfaitesdelamainhumaine116 .Letempsdesmiraclessembleainsirevenu,qui
estletempsdeDieuprésentparmisonpeupleensignesetenprodiges117.Letemps
d’une madone qui, comme dans le Liban des années de guerres civiles 1975-
1988118 , redit que les vrais fidèles ne doivent pas se laisser submerger par le
désespoiretquelesmalheursdeshommesrésultentdeleuroublideDieu.Letemps
dumiracledoitsecontinuer,puisqueceslacrimationsrappellentcellesdelaVierge
au pied de la Croix, disant son amour, mais aussi montrant que le chemin de la
pénitenceesttracédésormaispourqueParisn’oublieplusjamaissonSauveur.
On pourrait achever la chronologie de cette séquence parisienne, qui semble
unanimiste dans la glorification jubilatoire d’une violence sanctifiante faisant
revenirleChristparmisonpeuple,parcequivoudraitclore,àl’initiativeduroi,un
ordrerituel ayantoscilléentre violenceet euphorie.Le 29septembre, CharlesIX
créedansNotre-DamedeParisdenouveauxchevaliersdel’ordredesaintMichel.
En tête de cortège marchent les nouveaux chevaliers dont six d’entre eux avaient
pris part au massacre, suivis des anciens chevaliers, les maréchaux de France, les
chevaliers de sang royal, avec Condé, Navarre et le duc de Guise. À la fin de la
cérémonie,undînerestoffertparl’évêquedeParis,aucoursduquellesconvivesse
jettent au visage des boulettes de pain, des pelures de pommes, des raisins, des
sucreries humides. Charles IX n’est pas de reste puisqu’il participe à la dérision
rituelleentrempantsaserviette dansduvin etenlalançant auvisaged’unvieux
gentilhomme,entrelesdeuxyeux.CitonsiciRenaudVillard,pourqui«dérisionet
politique semblent ainsi antithétiques, mais de façon plus complexe qu’il n’y
semblerait»:ladérisionpermetderestaurer«ladignitédupolitique,enchassant
de son champ le non-humain, la bête qui avait usurpé sa place […] ; la dérision,
comme exclusion du champ politique (et du champ humain en général), entend
restaurer l’intégrité souveraine, en ôtant de son champ l’inhumain, le monstre
dissimuléquiyavaitprisplace»119.
Peuaprèset commesansdoute ilétaitde coutume,sur invitationleroi serend
avecleducd’AnjouaucouventdesCordeliers,oùl’accueillentquelque500frères.
C’estluiquisembleavoirprisl’initiativedemettreenscèneunautrejeudedérision
avecceuxetcellesquil’ontaccompagné:ilprendlaparolepourdireque,demême
qu’il venait de créer de nouveaux chevaliers choisis en fonction de leur habilité à
jouteret à combattreavec une lance defer acérée, il avaitle projet d’instituerun
nouvelordre accueillantceux quifaisaient preuvede vaillance virileavec la lance
charnelle.Commeilétaitvenuavecdesjeunesfemmescamoufléesenpages,illes
aurait encouragées à s’enfermer dans des « cabinets » avec certains des frères ou,
doit-on imaginer, des faux frères. Un roi du rire qui devient comme son propre
bouffon. Lors de cette dérision étaient présents les gens de cour, mais aussi
Catherinede Médicis et ses dames. Lesconnaissances de Luc Geizkofler reçurent
assurance que les « moines désignés pour la joute étoient si pressés, qu’ils ne
songeoient pas à quitter leur robe », mais qu’ils acceptèrent de mettre « de
méchants habits » afin de « se présenter avec plus de hardiesse120 ». Puis le roi,
accompagnéde son frère bâtard, réunit toutle monde dans une salle, les femmes
ayantrevêtudeshabitsdefillesdejoie.
C’estuneparodiecérémonialedel’ordredesaintMichelquisedéploiealors,dans
latraditiondesjeuxindécentsquiavaientcoursdanslescollègesdel’universitéde
Paris,avecunsimulacredemarcheouverteparles«ruffiens»etvaletsdechambre
du roi, dont l’un, vêtu en costume de héraut d’armes, prononça un discours sur
l’amour;ensuite,chaquedameoffritunecouronneàceluiquil’avaitméritée,etily
eutunbaiseréchangé.Pourfinir,l’assembléedansa,etunecollationfutservieaux
membresdela nouvellechevalerie, dits« lescompagnonsde Vénus». Peuaprès,
dansNotre-Dame,leroietleschevaliersdesaintMichelprirentpartàuneséance
solennelle. Ensuite, on se rendit au Collège de Navarre où on joua, comme il se
devait,d’abordunecomédiepuisunetragédie121 .
Le motif du travestissement serait sans doute à un premier niveau de lisibilité
satirique:l’habitnefaitpaslemoine.Maisonpeutsedemanders’iln’engagepas
unesignifiancespirituelle;unordredeforceetunordred’amoursontmisenscène
successivement,àtraverslalancedeguerreetlalancecharnelle,commesil’objectif
de la mise en scène royale était de dire qu’après l’ultra-violence du massacre, le
tempsrecommençaitetquedésormaisétaitrestauréela coincidentiaoppositorumsur
laquellereposel’unitédeshommes.MarsetVénusretrouvéscommeavantlaSaint-
Barthélemy…Unrègnedel’amourquiestderetour…
Àl’opposédel’analysequelquepeu,ilfautledire,illusionnistedeJérémieFoa,ne
faudrait-il donc pas restituer aux matines parisiennes leur dimension de grand
crime collectif, de « dévastation » humaine ? Ne faudrait-il pas en revenir à un
crimedu«peuple»deParispouvantavoird’ailleursétéautantactifquepassif,et
quicatalyseraitunlongprocessusdeconditionnementsotériologiqueautorisantla
surgie soudaine d’un état de quasi-possession sacrée par l’effet double d’une
obéissance aux commandements divins ? N’y a-t-il pas la dépêche en date du
26août, rédigéepar unanonyme toscanquiexprime sonimmense contentement
faceau «Mattutinparigino»,facedoncàcequiasuivileleverdusoleildufaitde
«questopopolazzoparigiano»,quiavectantd’ardeuretd’entrainamisenpièceset
noyéceuxqu’ilsavaitêtre«rebellesàJésusChristetauprince».Un«popolazzo»
parisienayantmassacréetunroiCharlesquiestdigned’êtrenommé«Charles-le-
Grand»,soutenuparsa«trèsglorieusemère»,etsesfrères,les«deuxCésars122 ».
C’estun témoinqui écrit doncles lignes suivantes: « Soitmille fois louéle Dieu
Tout Puissant, qui me donne occasion de vous transmettre d’aussi célestes
nouvelles ! Et soit mille fois béni le triomphant St-Barthélemy, qui, le jour de sa
fête, a remis aux mains des siens son couteau si bien affilé, pour accomplir un si
beausacrifice.»

Unehypnoseheureusedel’inhumanité
Revenons aux assassins. Ils paraissent opérer en état de quasi-hypnose, fascinés
parledevoirmortifèrequ’ilsaccomplissent.Ilyatousceuxquisontnommés«les
meurtriers » et qui forment un groupe hybride résistant à toute analyse
sociologique, mais exprimant parfois significativement une culture de dérision
carnavalesquedeceluioucellequiestl’ennemi(e)deDieuetduroi.Ceciàl’image
des hommes qui découvrent Françoise Baillet, la femme de Mathurin Lussault,
ayant eu les deux jambes brisées dans une tentative de fuite et réfugiée chez un
voisinquifinitparlalivreràceuxquisonttoutjustedésignéssousl’appellationde
ses«meurtriers»:«lorslaprindrentettrainèrentparlescheveuxfortloinparles
rues, et apercevans des brasselets d’or en ses bras, sans avoir patience de les lui
destacher, lui coupèrent les deux poings. » Au sein de la bande massacreuse, se
distinguealorsunrôtisseurqui«luyfourraunebrocheàtraverslecorps,laquelley
demeurafichée:puis,quelquesheuresaprès,cecorpsainsimutiléfuttrainéenla
rivière.Lesdeuxmainsdemeurèrentplusieursjourssurle pavéetfurentrongées
parleschiens123».Laviolencesanctionneraitlecrimed’avoirmangégrasentemps
decarême;enabandonnantàlamanducationdeschienslesmainsquiontcuisiné
et mangé la viande, elle voudrait révéler que celui ou celle qui a transgressé
l’interdit divin n’est pas humain, n’est donc qu’une bête à l’image des chiens qui
s’attaquent à lui… Une violence qui rappelle que Carnaval, peint par Brueghel
l’Ancien, chevauche un tonneau de vin la tête surmontée d’un plat de soupe au
poulet et brandit une broche sur laquelle sont visibles une tête de cochon et un
corpsdepoulet.Maissurtout, peut-être,lemeurtrethéâtraliserait-iluneviolence
rappelantque«celuidelamaisondeJéroboamquimourradanslavilleseramangé
par les chiens124  ». Jéroboam adorateur d’un veau d’or ! Ajoutons que le fait de
traînerparlescheveuxsuggèrel’impudicitédelafemme,lapunitiond’uneliberté
sexuelle qui ferait d’elle une « traînée » et qui l’aurait portée à fréquenter les
assemblées cultuelles huguenotes 125 ! Mais les assassins jouent également, et sans
nuldoute,sousl’emprised’unehypnoseludique.
Onpeut, àla lecture del’Histoire desmartyrs persecutez…comme des Mémoiresde
l’estat de France…, constater que les massacreurs forment des groupes parfois
nombreux, comme les hommes qui viennent auprès du grand médecin et
chirurgienAntoineSylvius-Dubois,quilogeaitdansunechambregarniedonnant
sur les fossés Saint-Germain l’Auxerrois : ils sont quarante individus qui
envahissentsachambre.Illeurpromet,pourrépondreàleursexigences,300écus
en échange de la vie sauve. L’ayant fait sortir de la maison à la demande de son
hôtesse,ils se partagent la sommetandis que l’un d’entre eux le met à mort alors
quelesautres«n’enfirentautresemblant» 126.Quaranteencore,c’estlechiffredes
agresseursqui,surles9heuresdusoir,le28oule29août,malgrélesdéfensesde
tuerlesfemmesetlespetitsenfants,serendentchezunmarchandchandelierqu’ils
soupçonnentdecacherlaveuvedeRichardGastinejadispendule30juin1569.Ils
rançonnent celle-ci, puis lui mettent sur les épaules un manteau d’homme et un
chapeausurlatêtepourdissimulerqu’elleestunefemme,etlaconduisentjusqu’au
pont des Meuniers. Là, « après l’avoir outrageusement battue en chemin, […] la
daguent et jettent en l’eau ». Parallèlement, certaines maisons sont les cadres de
micromassacres dont on devine qu’ils ont mobilisé une troupe de tueurs
nombreux:entre25et30personnestuéesauBahutroyal,àlaCoutellerie.Etprès
de la Croix du Tiroir, à la Bannière de France, tous les hommes, femmes, petits
enfants, serviteurs et servantes qui s’y trouvaient sans doute réfugiés. Même
schéma au Lion noir, rue Saint-Honoré. Un point de forte intensité surgit : la
maisondelaPerle,àcôtéduMarteaud’or,surlepontNotre-Dame,où«tousles
hommes,femmes,enfansetservantesfurentjettezparlesfenestresenl’eau».Des
maisons qui, peut-être, auraient été les cibles d’une extermination rappelant ce
qu’avaientjadisaccompliles80soldatsdeJéhurentrantàSamarieetmassacrantles
adorateursdeBaaldanslademeureoùilss’étaientrassemblés127.Unehypnosedela
réitérationbiblique!
Lemotd’ordresous-jacentquisembleavoirétémisenpratiqueest,unefoisun
protestantappréhendé,deproclamerqu’ildevaitêtreconduitàlaConciergerie:ce
quiauraitpusignifier,pareffetdedérision,qu’ildevaitêtretraînéàlaSeineetjeté
dansl’eau.Lesassassinsjouentets’amusent.Ilspeuventencoreêtredesmariniers
interceptant un homme jeté à l’eau et nageant pour échapper aux coups ou
achevant l’homme qu’un capitaine de la milice a « dagué de plusieurs coups » et
précipitédanslaSeine.Ouencoreachevantunmalheureuxauparavantpoignardé.
IlyaaussilecasdeMadeleineBriçonnet,veuvedumaîtredesrequêtesThibaudde
Longuejoued’Yverni et nièce du cardinal Briçonnet, interceptéedans sa fuite par
desindividusquil’identifientgrâceàuncotillontropfindépassantdelarobequila
déguisaitenfemmedupeuple,quilafrappentdeplusieurscoupsd’épieuetenfin,à
demi morte, la jettent dans la Seine depuis le Pont des Meuniers. Là, des
«bateliers»,selondeThou,«voyantqu’elleflottaitsurl’eau,ycoururentcommeà
unchienenragéetluidonnèrentlentement,avecunplaisirbarbare,centcoupsde
crocpourlafairealleraufond128».Coupsdebâtondonnésàlatête,etaussicoups
multiplesdénotantunacharnementjoyeusementcollectifcommec’estlecaspour
le marchand libraire de la rue Saint-Jacques Oudin Petit, qui, nous l’avons déjà
rapporté,auraitététuédevingt-septcoupsdepistolesetdehallebardes129.
De plus, la tuerie de 1572 demande visiblement souvent un accompagnement
rituelquisemblemobiliserplusieurshommes:ilpeutyavoirlamiseàmortréduite
àdescoups dedague oude poignard.Maiselle peutavoirexigé descoups portés
dans « toutes les parties du corps », une mutilation des membres, et avoir été
accompagnés de paroles moqueuses et humiliantes, de « huées et sifflemens
estranges».Letempsdelamortn’estdoncpascourt,ildemandedutempsetilfaut
deshommesennombrepourqueleparcoursdeviolenceprennelesensvouluqui
est l’obéissance à un désir divin, d’autant qu’il est rythmé aussi par le pillage. Un
collectifdecriminelsbasculantdansunehypnosebiblique.
Ilyaceuxquisontdesbourreauxetceuxquiregardentagircesderniersdansune
sorte de fascination leur faisant prendre part par le regard aux gestes assassins et
donc à la transgression qu’est la mise à mort de victimes. Tous les acteurs de la
foulecriminelle,qu’ilssoientpassifsetactifsoulesdeuxtoutàlafois,subissentla
mêmeemprisequiest,danscesecondXVIe siècle,d’êtremisenpriseimmédiateavec
le Sacré. On peut être un criminel sans tuer mais en se confondant dans l’ordre
consensueld’unecitétueusequiimaginerevivrebibliquement.Onpeutencoreêtre
uncrimineldistanciéàl’instardeceuxquiseprésententteljouraulieuordinaire
pour postuler aux charges et offices proclamés vacants le 4 septembre vacants du
faitdelamortdeleursdétenteursdepuisle24août;ouonpeutl’êtrecommeles
théologiensdela Sorbonne,avec d’autresecclésiastiques,qui,le 5septembre, s’en
vontperquisitionnerdansl’Universitéetfontbrûlerun«grandnombre»delivres
réputés suspects, parachevant ainsi le travail de ceux qui, ayant massacré les
libraires et imprimeurs, ont synchroniquement jeté dans des brasiers les livres
conservéschezeux.
Maisseposela questiondesavoiroù commencelaresponsabilitéquandelle est
inscrite dans le théâtre collectif du « peuple », voire de la « populace ». Doit-on
raccorder la Saint-Barthélemy, en suivant Karl Jaspers 130, au concept de
«responsabilitémétaphysique»procédantdeceque,devantDieu,«ilyasolidarité
entreleshommescommemembresdugenrehumainquirendenttoutunchacun
responsable de toute injustice commise dans le monde en particulier des crimes
commisensaprésenceouluilesachant»?Pourexpliquercequiauraitétél’assise
des crimes nazis, il faudrait remonter jusqu’à certains idéaux romantiques et à la
völkische Ideologie tout en descendant jusqu’à l’obsession, dans les esprits
d’Allemands « ordinaires », d’un antisémitisme « rédempteur131 ». Même si les
Allemandsn’étaientpastousobnubilésparunehainedesJuifs,iln’enestpasmoins
possiblequelefaitd’avoirdétournéleursregardsdespersécutionsquidébutèrent
précocement et qu’ils ne pouvaient que pressentir rien qu’en écoutant Hitler132 ,
feraitquel’histoiredunazismepourraitparaîtreainsicoscénariséeparHitleretle
«peuple»allemand.
Daniel Jonah Goldhagen133 a ainsi posé l’hypothèse d’un État criminel allemand
ayant développé une politique éliminationniste à laquelle les Allemands auraient
adhéré134:àlalimite,lesoutienàHitlerauraitétéintrinsèquementlaconditionde
réalisation de la Shoah. Même la passivité distanciée aurait rendu possible le
génocideauxyeuxde Goldhagenquiaffirmeque, sidetrès nombreuxAllemands
nefurentpasimpliquésdanslaShoah,«celatientuniquementaufaitqu’onneleur
avait pas demandé de l’être. Si tel avait été le cas, ils auraient tué avec autant de
plaisir que les 500 000 autres Allemands directement impliqués dans
l’holocauste135 ».Iln’yauraitpaseuquel’impressionnanteetzéléebureaucratiedu
régime nazi à mettre en œuvre son idéologie épouvantable impliquant un
«processusdedestruction136 ».Sicependantlathèsed’HannahArendtaunbien-
fondé permettant de pas subir l’ascendance séduisante d’une telle démarche
maximaliste,c’estquandelledémontrequ’AdolfEichmannsedéfinitpar«l’absence
depensée»,levidesubjectif,labêtise137.Ilyaunparadoxeducriminel,celuid’être
un«responsableirresponsable»,écrit-elledansPenserl’événement138,unparadoxe
qui pourrait s’appliquer aux Parisiens de 1572. Le nazisme n’a-t-il pas créé une
communauténationaleducrimequiinclutlesactifsbiensûr,maisaussilespassifs?
Une«complicitégénérale»fixéesurleJuif,ennemimétahistorique?Labanalité
dumalnepourrait-ellepasêtreétendueàtousceuxquinesavaientpasparcequ’ils
nevoulaientpassavoiretétaientdanslevidesubjectif139?
SaulFriedländeradémontréquelapsychosefutcollective 140etqu’ilnefautpasse
laisserleurrerparl’irénisme.Ilyeutdanslescampsetailleursdesassassinsquise
glorifiaientdeleurscrimes.Maisilyeutaussiundésircollectifdepurifierl’espace
allemand, et beaucoup d’Allemands, petits fonctionnaires, policiers, cheminots,
soldats, etc., savaient ou pouvaient soupçonner qu’il se passait un drame
monstrueux141.
On sait que, dans la réflexion de Paul Tillich142, l’important est de faire la
différenceentrelaculpabilité«diabolique»deceuxquifontvolontairementlemal
et la culpabilité « tragique » qui consiste à continuer à vivre comme si rien de
criminelnesepassait,parindifférenceouinertie,voireapathie.Celan’empêchepas
que « l’individu porte une part de responsabilité dans la manière dont l’État est
dirigé ». Plus encore, « tous les individus d’une nation sont responsables de
l’existencedugroupequilesgouverne 143».Enbref,onpeutêtreuncriminel,dans
certainscontextes,parcequ’àlamanièredeJacques-AugustedeThou,onsemetà
distancedecequel’onsaitêtreentraindesepasser.
D’oùunequestion144 :laSaint-Barthélemy,avantlelaboratoiredel’identification
duconcept deculpabilité collectiveattaché aunazisme età la Shoah,ne peut-elle
passuggéreràl’historien,quifaitletravaild’imaginerlesruesdeParisrempliesde
Parisiens assistant à la tuerie ou même vaquant à leurs occupations, la voyant de
leurs yeux ou faisant semblant de ne pas la voir, de penser qu’il y eut en 1572
commeunepréhistoirebiblicisantedesfoulescriminellesdespogromsmonstrueux
desXXe etXXIe siècles?Une«complicitégénéraleenglobantceuxquineveulentpas
voircequisepasse,ceuxquitournentlatêtepournepasassisterauxcrimes,etqui
peuventparaîtrel’assumeroulajustifierquandilsnesemobilisentpasensuiveurs
pourtueroupiller».
Danscetteperspective,nefaudrait-ilpasalleràl’enversdel’histoireetfairesurgir
lesombresdestueursdeJuifsdelaLituanieoudel’EstoniedelaSecondeGuerre
mondiale entourés de spectateurs qui, probablement venus du voisinage proche,
observèrent les scènes criminelles photographiées par l’un d’entre eux, et avec
complaisance?DansleRwandagénocidairedeplusde800000hommes,femmeset
enfants,lepartage entreceux quituent etles spectateurssemble avoirété sexuel,
maisdemanièreartificieuse:«Leshommesicituaient,maislesfemmes,vraiment,
c’était comme si elles venaient assister à une fête de mariage. Elles, elles ne
s’inquiétaientderien,carelles savaientquec’étaitles Tutsisquel’onchassait,pas
les Hutus. Les hommes finalement venaient abattre les vaches, et les femmes
venaientprendrelaviande.Jeconnaisplusieursfemmesquiontditàd’autres:«Ah
toi!Tonmariestentraind’abattrelesvaches,detenourrir,ettoitunefaisrien.
Tudois faire quelque chose. » Je me souviensd’un jour où on m’a emmenée à la
rivière,ilyavaitaumoinsunmillierdefemmesderrièremoi.[…]Comprenezalors
queleurrôleétaitdemontreràquelpointellesétaientheureusesdevoircequise
passait,et excitées par cela. » Il y a donc les criminels de sang, et les femmes qui
suivent les parcours mortifères des hommes, contemplent les mises à mort,
déshabillent les morts, se moquent des cadavres, pillent les maisons
ensanglantées145, et, ce faisant, authentifient symboliquement le sens même du
massacre qui est d’annihiler festivement ceux qui meurent, de faire en sorte que
riennesubsisted’eux.
On se trouve alors devant la même interrogation que celle qui s’attache à la
perception historiographique du nazisme et de sa politique d’extermination
antisémite. Continuons à interroger un autre passé que celui d’août 1572 pour
tenterdecomprendrelaSaint-Barthélemypardeseffetsderapprochementsoude
miroirs. Y eut-il adhésion volontariste du « Volk » allemand, entraîné par le
charisme d’Hitler et par un enfermement dans les filets d’une propagande
suramplifiantlahainedesJuifsquis’enracinaitdansunelongueduréeetfavorisant
uneadhésionàunprogrammed’invisibilisationconcentrationnaire?Ouyeut-ilun
processusd’indifférence,voiredecécitésubjective?AvancerquelePariscriminel
de 1572 n’est pas tout le Paris catholique ou presque ne revient-il pas à réduire ou
minimiserl’ampleurdelaviolencemême?L’exterminationdesJuifsn’a-t-ellepas
été un fait social global, par-delà le fait qu’elle a eu ses praticiens hyperactifs, SS
dans les Konzentrationslageret soldats de tous grades et Einsatzgruppen dans les
terresparcouruespar la Wehrmacht,et aussile faitdes Allemands« ordinaires»
que l’on voit photographiés entourant les SA, les SD et SS lors de la Nuit de
Cristal?Nedoit-onpasaccepterl’idéed’uneresponsabilitécollectivefaçonnéesur
les bases d’une culture éliminationniste qui était à l’œuvre dans un imaginaire
collectifformaté?Commeellel’étaitdanslesfantasmesdes«vrais»ou«bons»
catholiquesde1572arpentantdèstôtlematindu24aoûtlesruesetlescarrefours
deParis?
PourcequiestprécisémentdelaNuitdeCristal,ellepourraitévoqueruneSaint-
Barthélemydisséminéedansl’espace–deVienneàNurembergetBerlin–etdans
letemps,entrele9-10novembre1938etlessemainesquisuivent,avecsansdoute
d’abordplusieurscentainesdevictimesavantles25à30000déportésquidevaient
être,pourlaplupart,bientôtassassinésdansdescamps,avecdesnazisenuniformes
ou en tenue civile se consacrant au pillage des biens. Mais, là encore, ceux qui
saccagent les magasins et agressent les familles juives ne sont pas seuls : autour
d’eux,des passants, pour certainsbien habillés, et pasnécessairement des voisins,
contemplentleurœuvre,affluantlàoùrésonnelefracasdesvitrinesbriséesetoù
lespropriétairesjuifssontimmédiatementbrutalisésetinjuriés.Lepogromestune
fête collective unissant acteurs et spectateurs dans une communion dont la
significationetlaconditionsontladéshumanisationdesJuifs.Legrandnombrede
photosconservéestendraitàindiquerquelespersonnesphotographiéesvoulaient
conserver un souvenir de ce qui, pour elles, aurait pu être une manière de fête
libératrice d’un fantasme d’impureté. Joseph Goebbels lui-même commenta
l’événementenaffirmantquelesJuifsdevaient«sentirpourunefoislacolèredu
peupleallemand».
Onpourraitaussicorrélerlesévénementsd’août1572àcequisepassaenPologne
en 1941 avant l’arrivée des troupes allemandes quand « les populations locales »
agissant de leur « plein gré » réalisèrent une tuerie des Juifs des villes et des
campagnes, anticipant en quelque sorte la politique nazie d’extermination qui est
ensuite intervenue. Le cas de la petite ville de Jedwabne et du pogrom advenu le
10 juillet 1941 a été scruté très attentivement par Jan Thomas Gross 146 : les
autorités locales convoquèrent d’abord les non-Juifs à l’Hôtel de ville et leur
distribuèrentdesfouetset desgourdins.Tous lesJuifs furentensuiteappelésà se
rassembler sur la place de la ville où une partie d’entre eux fut assassinée. 1
600Juifs,hommes,femmes, enfants,vieillardsfurent alorssoitégorgés,décapités
ounoyés,soitenfermésdansunegrangequifutincendiéecommecelas’étaitpassé
quelquesjoursplustôtdansungrosvillageproche.Lesauteursdelatuerieétaient
les chrétiens habitants à côté d’eux. Il s’agit d’un exemple parmi d’autres, mais il
illustrebiencequeJanThomasGrossnomme«l’implicationàgrandeéchelled’une
population dans un meurtre » et dans des actes festifs de pillage visant
l’appropriationd’unmythique«or»juif.Làencore,ilyeutsansdoute,d’unepart,
les tueurs et, d’autre part, ceux qui accompagnaient leurs gestes de leurs regards.
Des estimations prouvent l’implication collective des Polonais chrétiens dans un
meurtre de masse à grande échelle – 200 000 des 3 000 000 de Juifs de Pologne
auraientététuéspardesPolonais,des«hommesordinaires»selonl’expressionde
Christopher Browning, qui eurent à leurs côtés des spectateurs complaisants et
donccomplicesparleseulfaitd’uneadhésiondesregards.
Lemassacrede1572nepeutpasavoirété,danscetteperspective,quelemassacre
réaliséenquelquesjoursparla«poignéed’hommes».LaSaint-Barthélemyestune
fête ou une célébration collective. Une ivresse collective portant à tuer comme
mécaniquement. Un moment liminaire est à évoquer, quand des petits enfants,
figures de l’innocence sainte, sont venus s’emparer du cadavre de Coligny sans
doutevers7-8heuresdumatin,etletraînentparlesruesdeParisdanslesboues,le
jettent sur des brasiers, en mettant en scène le désir de violence de Dieu contre
celui qui a fait la guerre aux Siens au nom d’un faux Dieu. Là aussi, il y a un
spectacle à haute signification. N’est-on pas ici dans des phénomènes
d’autosuggestion collective autorisant une mise en situation biblique et donc une
légitimation de la violence répondant à un désir de voir se rejouer une scène
primitiveparadigmatique?Nefaudrait-ilpasciterExode34,10pourdéduirequela
Saint-BarthélemyaeulieuafinderéaliseroumêmethéâtraliserlesparolesdeDieu,
delesaccomplirdansunmeurtrecollectifquiestuneréconciliationtantattendue–
«L’Éternelrépondit:Voici,jetraiteunealliance.Jeferai,enprésencedetoutton
peuple, des prodiges qui n’ont eu lieu dans aucun pays et chez aucunes nations :
tout le peuple qui t’environne verra l’œuvre de l’Éternel, et c’est par toi que
j’accompliraideschosesterribles»?Lemiracledujugementdivin,decettevenue
salvatriceduChristparmilessiens,auxcôtésdessiens,nepeutqueseparachever
en une fin d’histoire, dans le rétablissement d’une société unie par l’adoration du
seul et vrai Dieu. Et, pour glorifier ce moment merveilleux de joie, il faut lancer
verslecieldescantiquesd’infiniegratitude:
ChantonsdévotzChrestiensvraysCatholiques,
DecebonDieulesœuvresmagnifiques,
LequelnousapréservédesLyens,
Dontnousvouloientliercesmauditzchiens

DonnonsàDieulouangeséternelles
Quiabrisélechefdecesrebelles
CeCatylinceSymondesloyal,
CeproditeurcepuniqueAdmiral

Chantonschantonslaruineetdeffaicte
Decestetrouppeorgueilleuseetinfecte,
D’erreurcombléeetdesédition,
Quinecherchoitquenostreéversion147…

1.AmartyaSen,Identitéetviolence.L’illusiondudestin,Paris,OdileJacob,2015,p.242-245.
2.Ibid.,p.72-101.
3.Ibid.,p.24.
4. Cf. L’histoire du tumulte d’Amboyse advenu au moys de Mars, M. D. LX. Ensemble un advertissement et une
complainteaupeupleFrançois,s.l.;AlphonsedeRuble,«L’ArrestationdeJeandeHansetletumultedeSaint-
Médard(décembre 1561) », Nogent-le-Rotrou,impr. de Daupeley-Gouverneur, 1886; Histoire véritable de la
mutinerie, tumulte et sédition faicte par les prestres de Sainct-Médard, (1562), in Archives curieuses de l’Histoire de
FrancedepuisLouisXIjusqu’àLouisXIII,LouisCimberetFélixDanjou(éd.),Paris,Beauvais,1835,1resérie,t.IV,
1835,p.89;Louis-RaymondLefèvre,LeTumulted’Amboise,Paris,NRF,1949.
5.LaPartitionseraimmédiatementcomparéeenFranceàune«immenseSaint-Barthélemy».Cf. LaCroix,
11septembre1947.
6.JohannWilhelmvonBotzheim,«LaSaint-BarthélemyàOrléans…»,art.cité,p.358.Ontrouvelamême
forfanterieàOrléansaveclesieurFermineauquisevantaitd’avoirunpalmarèsde50tuésdesapropremain.
7.PierredeL’Estoile, JournalpourlerègnedeHenriIVetledébutdurègnedeLouisXIII.Œuvresdiverses,André
Martin (éd.), Paris, Gallimard, 1960, t. IV, p. 475, qui ajoute que Croizier s’exhibait en mangeant
«ordinairementaveclesmainsetbrastoutsanglants,disantqueceluiétaithonneur,pourcequecesangétait
sangd’hérétique…Cequiseraitmalaiséàcroiresionnel’avaitvuetentendudesaproprebouche».
8.JacquesAugustedeThourapportel’anecdoteàproposde Crucé-Croizier,«àfigurepatibulaire»,qu’ildit
«avoirvubiendesfoissevanterenmontrantinsolemmentsonbrasnud,quecebrasavoitégorgécejour-là
plusdequatrecentspersonnes».Ilyadeuxobservationsàprésenterselonl’historientrèscatholiqueJacques
B.deSaint-Victor, TableauHistoriqueetpittoresquedeParisdepuislesGauloisjusqu’ànosjours,Paris,àlalibrairie
classique élémentaire, t. 3, 1823, p. 204 : « La première, c’est qu’il est physiquement impossible qu’un seul
homme, dansl’espace de quelques dizaines d’heures, aitpu commettre quatre cents meurtres surdes individus
qu’ilfalloitallerappréhenderlesunsaprèslesautresdansleursmaisons,danslesquellesilfalloitchercherceux
quisecachaient,vaincrelesrésistancesqueleuropposoitledésespoirdeleursvictimes,etc.Laseconde,c’est
qu’ensupposantmêmelachosepossible, sicethommeeneût tuéquatrecentspoursapart, iln’auroitlaissé
presquerienàfaireàsescompagnons,qu’ilfautsupposeralorsuniquementchargésdesesaisirdesgensetde
lesluiamenerpourqu’illesexpédiât.»
9.«LesvictimesdelaSaint-Barthélemy,àParis…»,art.cité,p.38.
10. Cf. L’histoire du tumulte d’Amboyse advenu au moys de Mars, M. D. LX. Ensemble un advertissement et une
complainteaupeupleFrançois,s.l. ;AlphonsedeRuble,« L’ArrestationdeJeande Hansetle tumulte deSaint-
Médard(décembre 1561) », Nogent-le-Rotrou,impr. de Daupeley-Gouverneur, 1886; Histoire véritable de la
mutinerie, tumulte et sédition faicte par les prestres de Sainct-Médard, (1562), in Archives curieuses de l’Histoire de
FrancedepuisLouisXIjusqu’àLouisXIII,LouisCimberetFélixDanjou(éd.),Paris,Beauvais,1835,1resérie,t.IV,
1835,p.89;Louis-RaymondLefèvre,LeTumulted’Amboise,Paris,NRF,1949.
11. « Langue des bourreaux, langue des victimes. Rencontre avec Saul Friedländer et Pierre-Emmanuel
Dauzat»,parYvanJablonka,inLaViedesIdées.fr,le4avril2008.
12.LetémoignagedeLéonWells,citéinEdwardWestermann,«I.2/Alcool,mangeaillesetrituelsfestifssur
lessitesdemassacres»,Revued’histoiredelaShoah,2021/1,n°213,p.45-64.
13.LejésuiteapossiblementenmémoireNombres22,1-40;23,1-30;24,1-25.
14.RomainDoucet,Souslesailesdel’archange.SaintMichelàl’épreuvedel’histoire(France,XVe-XVIIe siècle),Thèse
dedoctoratsousladirectiondeDenisCrouzet,CentreRolandMousnier,SorbonneUniversité,déc.2023.
15.ThierryAmalou,LaSorbonneenguerredeReligion(1551-1589).Autoritéuniversitaire,censureetpouvoirroyal
en France, Genève, Librairie Droz, [à paraître] ; id., « Holy War or Sedition ? The Prophetism of Parisian
Preachers and Catholic Militancy (1558-1588) », French Historical Studies, n° 38, sept. 2015, p. 611-631 ; id.,
« L’imaginaire biblique de la guerre sainte pendant les guerres de Religion. Le rôle des théologiens de
Sorbonne»,in Violenzasacra.1.Formeemanifestazioninellaprimaetàmoderna,LuciaFelici(dir.), Rome,Viella,
p.53-83.
16.HaraldWelzer,LesExécuteurs,Paris,Gallimard,2007,p.60.
17. Cité in Christian Ingrao, Croire et détruire, Paris, Le Seuil, 2010. Voir Hélène Oppenheim-Gluckman,
«Destructivitéetmeurtresdemasse»,LesLettresdelaSPF,vol.42,n°2,2019,p.211-221.
18.StefanIonescu,« Perpetrators,bystanders,andrescuers: popularattitudestowardsOttomanchristians
duringtheArmeniangenocide»,StudiaPolitica:RomanianPoliticalScienceReview,vol.XI,(2),2011,p.328-344
et337-338:«Cen’estqu’ainsiquel’onpeutinterpréterlesacteshorriblesetgratuitsdetortureetdemutilation
descorps,ainsiquel’atmosphèredegaieté,lesriresetl’humeurjoyeusequilesaccompagnent.»
19.MarcVenard,art.cité,p.656-657.
20.KlausTheweleit,LeRiredesbourreaux.Essaisurleplaisirdetuer,Paris,LeSeuil,2019.
21.ÉdouarddeLaBarre-Duparc,HistoiredeCharlesIX,Paris,Auxfraisdel’auteur,1875,p.369.
22.JohannChapoutot,«L’historiciténazie.Tempsdelanatureetabolitiondel’histoire»,VingtièmeSiècle.
Revued’histoire,2013,n°117,p.43-55.
23. Pierre Vidal-Naquet, Les Assassins de la mémoire : « Un Eichmann de papier » et autres essais sur le
révisionnisme,Paris,LaDécouverte,2005.
24. Adolphe Schaeffer, « La Saint-Barthélemy fut-elle préméditée de longue main ? », BSHPF, t. IV, 1856,
p.286.
25.LeGenrehumain,numéro62,LeSeuil.
26.AnneSimon,«Pogrom,DélugeetArche»,K.LesJuifs,l’Europe,leXXesiècle,28février2024,enligne.
27.Osée14,1.
28.Ps136,8-9.
29.Ésaïe13,18.
30. Théodore de Bèze, Histoire ecclésiastique des eglises réformées au Royaume de France, en la quelle est
descrite au vray la renaissance et accroissement d’icelles depuis l’an M.D.XXI. jusques en l’année M.D.LXIII. leur
reiglement ou discipline, Synodes, persecutions tant generales que particuliers, noms et labeurs de ceux qui ont
heureusementtravaillé,villesetlieuxoùellesontestédressees,aveclediscoursdespremierstroublesouguerresciviles,
desquelleslavrayecauseestaussideclaree,3vol.,Del’ImprimeriedeJeanRemy,ÀAnvers,1580,t.II,p.356.
31.ClaudeLévi-Strauss,RaceetHistoire.RaceetCulture,Paris,AlbinMichel,2001,p.162.
32.MémoiresdeLucGeizkofler…,op.cit.,p.119.
33.JohannWilhelmvonBotzheim,Cyclopicaillaatqueinaudita…,op.cit.,p.119.
34.SimonGoulard,Mémoiresdel’estatdeFrance…,op.cit.,t.I,p.222.
35.NathanaëlWeiss,«LaSaint-Barthélemy.Nouveauxtextes…»,art.cité,p.426-444.
36.JacquesCoppierdeVellay,Delugedeshuguenotzavecleurtumbeau,etlesnomsdeschefsetprincipaux,punisà
ParisleXXIIII.ejourd’Aoust,etautresjoursensuyvans,1572,ÀParis,ParJeanDallier,1572,AvecPrivilege.
37.SimonGoulard,Mémoiresdel’estatdeFrance…,op.cit.,t.I,p.225-226.
38.«LesvictimesdelaSaint-BarthélemyàParis…»,art.cité,p.34-44.
39.JohnTedeschi(éd.),«TomassoSassetti’sAccount…», op.cit.,p.143:«Àtelpointquelepeuple,furieux
etpressé,reçutl’autorisationdeprendrelesarmesetquedesactesinouïsdescélératessefurentcommis…»
40. Par « bouchers du peuple », il faut entendre les greffiers qui sont accusés d’« écorcher le peuple » en
allongeantleparcheminparsuperfluitédelangage…
41.SimonVigor,Sermonsetprédicationschrétiennesetcatholiques,pourtouslesjoursdeCaresmeetfériesdePâques,
2vol.,ÀParis,ChezNicolasChesneau,1582,t.2,p.272.«Onneferaunepansedeacontrevous»signifie
qu’iln’yaura«riend’écritcontrevous.»
42.PierredeL’Estoile,JournalpourlerègnedeHenriIVetle…,op.cit., t.IV,p.482,CharlesIXajoutant:«Du
depuis,disaitleroi,jen’aijamaisaiméCoconnas,etencorequejen’aimasseguèreleshuguenots,jel’aitoujours
tenupourunméchanthommeetdignedelafinqu’ilaeue.»
43.Ps137,9.
44.Ps149,5-9.
45.Ps37,13.
46.L’explicationestpeut-êtreiciliéeàlalectureàl’antiqueàlaquelleleshistoriensprotestantsontprocédéet
qui se retrouve dans la démarche de Jérémie Foa. On peut toutefois se poser la question suivante qui est
complémentaire : les historiens protestants des atrocités de 1572 n’ont-ils pas suivi ou reproduit un modèle
narratifintégrantprécisémentdesparadigmesdeviolencessegreffantsurletempsdumassacre,d’autantque
lesmassacresperpétrésparlestriumvirsAntoine,OctavienetLépideontétédenombreusesfoisreprésentésau
cours des années 1550, inspirés par le récit de l’historien Appien qui avait évoqué les cas d’hommes et les
femmes ayant subi un sort pitoyable s’expliquant parfois par le jeu de données affectives ? N’y a-t-il pas eu
focalisationenfonctiond’unetypologiepréexistantedel’écrituredumassacre?Ilyeutainsi,citéeparAppien,
l’épousedeSeptimiusquiétaitamoureused’unamid’Antoine.Impatientedepasserdecetamouraumariage,
ellesollicitaAntoineparsonamantdeladébarrasserdesonmari.Septimiusimmédiatementfutmissurlaliste
desproscrits.Quandill’apprit,ignorantcettetrahisonfamiliale,ilsesauvadanslamaisondesonépouse.Elle,
commesielles’inquiétaitaffectueusementpourlui,fermalesportesetleretintjusqu’àl’arrivéedesmeurtriers.
Lejourmêmedelamortdesonmari,elleseremaria.Onn’estpasloinicidel’histoiredeMaryeRobert.On
pourraitencoreévoquerlecasdeFulviussesauvantchezuneservantequiavaitétésamaîtresseetàquiilavait
donnélalibertéetunedotpoursonmariage.Bienqu’ill’eûtbientraitée,elleletrahit,jalousequ’elleétaitdela
femmeavecquiFulviuss’étaitmarié.Appienévoqueencorelesenfantsorphelinstuéspourleurrichesse.Unde
cesderniers,quiallaitàl’école,futassassiné,ainsiquesonprécepteur,quientouraitdesesbraslegarçonetne
voulaitpaslelâcher.D’oùunequestion:les crimesintrafamiliauxoudevoisinscontredesvoisins,s’ilssont
patents,nesont-ilspasunpiègetenduàl’historienpareffetdefocalisationetdemimétiqued’écriture?
47.Ronsard,Discoursdesmisèresdutemps…,(1562),115-125.
48.SimonVigor,SermonscatholiquespourtouslesjoursdeCaresmeetFeriesdePasques,faitsenl’ÉgliseS.Estienne
duMontàParis…,àLyon,pourPaulFrellon,etAbrahamCloquemin,1593,p.368.
49.DenisCrouzet,LaNuitdelaSaint-Barthélemy…,op.cit.,p.535.
50.AnnaCarlstedt,«“Parolesdetolérance”…»,art.cité,enligne.
51. Sur l’idée d’un suivi ou repérage de ces temporalités crisiques, on peut regretter qu’Edgar Morin soit
absentdesréférencements.PourMorin,lasituationcrisiqueconditionnel’apparitionetlaprisedeconscience
de la complexité épistémologique dont elle est la surdétermination. La crise est alors une fracture dans un
continuum, une fracture qui projette dans la complexité et donc dans un abîme ayant englouti les parts du
conscient et de l’inconscient. Ce qui invite à se demander si la Saint-Barthélemy est une fracture dans un
continuum ou un continuum exacerbé de violences migrant d’un point de gestation à un autre. Les
temporalitéscrisiquesdesguerresdeReligionneseraient-ellespaslesséquencesd’émergenced’untempslong
auseinduquellacriseperdureetsemeut,etquiestcelled’undoutesurgiàlafinduXV esièclesurlacapacitédu
chrétienànepasselaisserconquérirparlediable,oucraindred’êtreplusdiaboliquequelediablelui-même?
Neserait-cepaslacomplexitéépistémologiqued’EdgarMorinqu’ilfaudraitcherchericiàidentifierdansunede
sestensionsderésolutiondramatiquequ’estlemassacredelaSaint-Barthélemy?Pourquoiyeut-ilsurlafindu
XVe  siècle la répétition d’épidémies localisées de suicides, de possessions individuelles comme collectives, de
projectionssorcellairesfixatricesdel’angoissedudémonenpassedes’emparerdesoi?TuerpourDieuen1572
nerevenait-ilpasàcombattredanslesprocéduresdevictimisationdesréforméscettetensionlatentedeperte
decontrôledesoi,àsortird’undoutelancinantautravaildansl’imaginairedepuisdesdécennies?Lesconflits
neseraientpasalorsdescrises,maisdesprocéduresderésolutionagiesdansdiversesdirectionsetproduisant
une inhumanité de tueurs atrocement oppressés par une urgence de se libérer d’eux-mêmes à travers leurs
victimes?CerteslaSaint-Barthélemyestunmassacrequin’ariendespontané,mais,ilfutparadoxalementune
manière d’exorcisme de soi au terme duquel l’histoire de la violence même changea. Et pas seulement l’effet
d’unehainedeceuxquipensaientavoirretrouvéunefoiévangéliqueperdue,unehainecultivéeaurythmedes
événementsdelascissionreligieuse.
52.CitéinJean-LouisBourgeon,L’Assassinat…,op.cit.,p.38.SimonVigor,Sermonsetprédicationschrétienneset
catholiques…,op.cit.,t.1,p.110-111.
53.Ibid.,p.222-222.
54.JérémieFoa,Tousceuxqui…,op.cit.,p.97.
55.L’undestueursestditêtre«lebrodeurcompagnondutireurd’or»,c’est-à-diredeCroizier.
56.ElHadjTouré,«Au-delàdesfondementspolitiquesdugénociderwandais:uneconstructionhistorico-
socioculturelledel’ethnisme»,DévianceetSociété,2013,4,vol.37,p.463-485.ClaudineVidal,«Rwanda1994:
L’imaginairetraditionnelpervertiparlegénocide»,L’Homme,n°163,juill.-sept.2002,p.205-215.
57. Janine Altounian, La Survivance, traduire le trauma collectif, Paris, Dunod, 2000, p. 73, cité in Patrick
Rwagatare et Jean-Luc Brackelaire, « Génocide des Tutsis au Rwanda : quand le viol des femmes est utilisé
pourannihilerl’originemêmedelavieetdelapensée»,Cahiersdepsychologieclinique,2015,n°45,p.165-189.
58. « Tribunal pénal international pour le Rwanda (1998) Jugement, Procureur contre Akayesu, affaire
n°ICTR-96-4-T,2septembre»,inBridgetNievinski,«Uneanalyseintersectionnelledelaviolencesexuelleet
baséesurlegenredansleconflitdelarégiondesGrandsLacsd’Afriquedepuis1994:Lesviolencessexuelles
durantlegénociderwandaisde1994»,InstitutduGenreenGéopolitique,2022,enligne.
59. Renée Fregosi, « La dimension génocidaire, angle mort des massacres du 7 octobre », 3 janvier 2024,
https://www.telos-eu.com/fr/politique.
60.HélèneDumas,LeGénocideauvillage…,op.cit.
61.DavidElKenz,«LesviolencesextrêmesauxXVIeetXVII esiècles»,inViolencesdemasse,violencesextrêmes:
miseenperspective,enligne,www.parabaino.fr
62.Jean-PierreChrétienetRafikiUbaldo,«L’églisedeKibehoauRwanda,lieudeculteoulieudemémoire
dugénocidede1994?»,Revued’histoiredelaShoah,181,avril2004,p.277-290.
63.JulienSeroussi,«Lesdiablesdesmillecollines.FictionsracialesetreligieusesdanslegénocidedesTutsi»,
LaViedesidées,27octobre2015.
64.JacquesSémelin,Purifieretdétruire.Usagespolitiquesdesmassacresetgénocides,LeSeuil,2000,p.352.
65.PhilippeBasabose,«GénocidecontrelesTutsiduRwanda:(sur)vivreaveclamort»,Frontières,27(1-2),
2015,p.24.StéphaneAudouin-RouzeauetHélèneDumas,«LegénocidedesTutsirwandaisvingtansaprès.
Réflexionsintroductives»,VingtièmeSiècle.Revued’histoire,vol.2,no122,p.3-16.
66.HélèneDumas,LeGénocideauvillage…,op.cit.,p.49.
67.HélèneDumas,Sanscielniterre…,op.cit.,p.90-91.
68.Ibid.,p.94-95.Ézéchiel9,6.
69.Ibid.p.115.
70.Ibid.,p.126.
71. Timothée Brunet-Lefèvre, Le Père Seromba destructeur de l’église de Nyange. Rwanda 1994, Paris, Éditions
Hoosc,2021,p.170.
72.GérardHeuzé,«Laviolenceindienneauxprisesavecl’imaginaire», RevueTiersMonde,2003/4,n°176,
p.771-802.
73.Osée13,16et2Rois8,12.
74.AlphonseDupront,DuSacré.Croisadesetpèlerinages.Imagesetlangages,Paris,Gallimard,1987,p.260.
75.LemotestempruntéàAlphonseDupront,«Tourismeetpèlerinage»,Communications,10,1967,p.97-
121,p.103.
76.JacquesCoppierdeVellay,DelugeDesHuguenotz,avecleurtumbeau,&lesnomsdesChefs&principaux,punis
àParislexxiiij.iourd’Aoust,etautresioursenfuyuans,1572,Lyon,ParMichelJove,1572.Autreédition,Paris,
JeanDallier,3octobre1572.
77. Jean-Louis Bourgeon, L’Attentat…, op. cit., p. 81 ; Thierry Amalou, « L’imaginaire biblique de la guerre
sainte…»,art.cité,p.53-83.
78.MarioCamilleAlbertde Meaux,LesLuttesreligieusesenFranceau XVIesiècle,Paris,E.Plon etCie,1879,
p.155.
79. Registres des délibérations du bureau de la ville de Paris, op. cit., t. 7, p. 24, un mandement du matin du
24août:«IlestexpressementcommandéauxPrevostdesMarchandseteschevinsdecestevilleetQuarteniers
d’icelle,qu’ilsn’ayent aulcunementàsouffrirque aulcunssoldats,soitde lagardede saMajestéou aultre,ne
pillent…»
80. Barbara Diefendorf, « La Saint-Barthélemy… », art. cité, p. 341-352. Sur lesbystanders, Raul Hilberg,
Perpetrators,Victims,Bystanders:theJewishCatastrophe1933-1945,NewYork,AaronAsherBooks,1992.
81.Ead.,BeneaththeCross…,op.cit.,p.105.
82.Ead.,«LaSaint-Barthélemy…»,art.cité,p.349-350.
83.Ibid.,p.370.
84.ArsènePapazian,«LeGénocidedesArméniens.24avril1915-24avril2015:uncentenaireexemplaire»,
Hegel,2015/2,n°2,p.136-141;RaymondH.Kévorkian,LeGénocidedesArméniens,Paris,OdileJacob,2006;id.,
«L’exterminationdesArméniensparlerégimeJeuneTurc(1915-1916)»,inMassViolenceandResistance,2010,
en ligne; Hilmar Kaiser, «A Scene from the Inferno,The Armenians of Erzerum andthe Genocide, 1915-
1916 », in Hans Lukas Kieser et Dominik J. Schaller (dir.), Der Völkermord an den Armeniern und die Shoah,
Zurich, Chronos, 2002 ; James L. Barton, « Turkish Atrocities ». Statements of American Missionaries on the
Destruction of Christian Communities in Ottoman Turkey, 1915-1917, Ann Arbor, Gomidas Inst., 1998 ; Donald
Bloxham, The Great Game of Genocide : Imperialism, Nationalism, and the Destruction of Ottoman Armenians,
Oxford,OxfordUniversityPress,2007.
85.LaurenceMoulinier,«LanoyadeetsonappréhensionauMoyenÂge:unaperçudesquestionssoulevées
par certains “corps flottants” », in Corps submergés, corps engloutis. Une histoire des noyés et de la noyade de
l’Antiquitéànosjours,FrédéricChauvaud(dir.),Paris,Grâne,2007,p.35-53.
86.JérémieFoa,«Enfiniraveclacoexistence…»,art.cité,p.269-284.
87.MartinBundi,«ZumAnteilvonSchweizerSöldnernamMordgeschehenderBartholomäusnachtinParis
(24.August1572)»,SchweizerischeZeitschriftfürGeschichte,t.65,2,2015,p.287-310.
88.MathildeBernard,«L’objetducrime.LespillagesdanslesrécitsdumassacredelaSaint-Barthélemy»,
Albineana,Cahiersd’Aubigné,32,2020,p.101-109.
89.CamilloCapilupi,LeStratagèmedeCharlesIX,roideFrance,contreleshuguenots,rebellesàDieuetàlui,ou
relationdumassacredelaSaint-Barthélemi,traduitdel’italien,octobre1572,p.175,citéinMathildeBernard,art.
cité,p.107.
90. La Saint-Barthélemy devant leSénat de Venise, op. cit.,p. 94 : Giovanni Michiel,lettre du 5 septembre, la
lettresuivantechargeantlesambassadeursdeféliciterleroi,etc.
91.SimonGoulard,Mémoiresdel’estatdeFrance…,op.cit.,p.229.
92.RomainDoucet,thèsecitée,t.I,p.530d’aprèsNicolasFavyer, Figureetexpositiondespourtraicz etdictons
contenuz es medailles de la conspiration des Rebelles en France, opprimee et estaincte par le Roy Tres-Chrestien
CharlesIX.le24.Jourd’Aoust1572,ÀParis,chezJeanDallier,1572;voiraussisupra,p.XXX.
93.PioRajna,art.cité,p.34.
94.MémoiresdeLucGeizkofler…,op.cit.,p.92-93.
95.« DieSchweizerin derBartholomäusnacht »,in PhilippeAnton vonSegesser, LudwigPfyfferund seine
Zeit.EinStückfranzösischerundschweizerischerGeschichteim16.Jahrhundert,vol.3,Berne,K.J.Wyss,p.178-192.
96.ÉdouardForestié,op.cit.,p.147.
97. Jacques Carorguy, Mémoires de Jacques Carorguy, greffier de Bar-sur-Seine, 1582-1595, Edmond Bruwaert
(éd.),Paris,Picard,1880,p.92.
98.SophieHoudard,«Delaprophétieauxmotionsducœur.Spirituelsdecœuretdecourdanslapremière
moitié du XVIIe  siècle », in La Prophétie comme arme de guerre des pouvoirs, XV e-XVIIe  siècles, Augustin Redondo
(dir.),Paris,PressesdelaSorbonneNouvelle,2000,p.419.
99.ClaudeHatonop.cit.,LaurentBouquin(éd.),t.2,p.462-463.
100.Chanson nouuelle du miracle aduenu à Paris,c’est à sçauoir vne Espinequiest florie dedans le Cymetiere des
sainctz Innocens, le lendemeain de l’occision de l’Admiral, et de ses alliez. Et se chante sur le chant, Passez la riuiere,
p.30-31.MerciàTatianaDebaggi-Baranovadem’avoirfaitconnaîtreletexte.
«LeRoyayantpermis
Demettreàmortsanscrainte,
Lechefdesennemis
Del’Églisetressaincte,
L’espineiollye
Estsoudainflorie,
ParvoulloirdeDieu,
Quiestvnmiracle,
Grandetadmirable
Aduenuencebaslieu.
Commeonvoitl’espine
Precieuseetdigne
FlorieàParis.»
101.LesregretsetcomplainctesdeBriquemault.AuecsonÉpitaphe,ÀParis,AumontSainctHilaire…,1572.
102.Letexteestécriten1609ouachevéd’écrire…
103.MémoiresdeLucGeizkofler…,op.cit.,p.101.
104.Lesarrestsdederniereexecution.ContreGaspardeCollignyquifutadmiraldeFrance,FrançoisBriquemault,et
RenaulddeCauaignes,ParMichelJove,àl’enseigneduIesus,1573.
105.AliciaViaud,«FrançoisdeBelleforestetla«contraintedugenre»historique:prudencecourtisaneou
vérité partisane ? »,Albineana, Cahiersd’Aubigné,31,2019 [Paradoxesd’historiens:les enjeuxdel’écriture de
l’histoire en France (1560-1630)], p. 65-88, qui cite François de Belleforest, Discours sur l’heur des presages
advenuzdenostretempssignifiantzlafelicitéduregnedenostreRoyCharlesneufiesmetreschrestien,ÀParis,Vincent
Norment,1572,p.30.DansFrançoisdeBelleforest,LesgrandesannalesethistoiregénéraledeFrance,dèslavenue
desFrancsenGaulejusquesaurègneduroytrès-chrestienHenryIII,2vol.,ÀParis,GabrielBuon,1579,t.I.,aii,
sontnotéesdeprésumées«parolesmenaçantesdevantsamajesté»prononcéespardeshuguenots(suggérant
qu’ils pourraient s’en prendre aux Guise ou à l’entourage du roi, voire à Charles IX lui-même. Belleforest
justifielesinquiétudesduroifaceàdeshommesqui,selonlui,ontdéjàprovoqué«degrandestragedies»parle
passé,maisrappellequelesouverainsouhaite«nourrirlapaix».Parcequel’agitationserenforceendépitdes
promessesdeCharlesIX,l’entourageroyalacquiertlacertitudequ’un«complotdesAdmiralistes»seprépare,
qu’ilfautdevancer parl’exécutiondeschefs militaires,présentéecomme une«défaite »àla foispolitiqueet
militaire. Belleforest dit ensuite vouloir laisser de côté le massacre populaire qui fait suite aux assassinats
politiques. Il occulte une description détaillée des mises à mort, qui aurait pu montrer les protestants en
positiondevictimesdignesdecompassion.
106.MosheSluhovsky,PatronessofParis:RitualsofDevotioninEarlyModernFrance,Leyde,Brill,1998,p.118.
Maria-Carmen Gras, « Les processions en l’honneur de sainte Geneviève à Paris. Miroir d’une société (XVe -
XVIIIesiècles)»,Histoireurbaine,2011/3,n°32,p.5-30;Jean-MarieLeGalletIsabelleBrian,«Lesprocessions
desainteGenevièveàParis»,inLaViereligieuseenFranceXVI e-XVIIIesiècle,Jean-MarieLeGalletIsabelleBrian
(dir.),Paris,ArmandColin,1999,p.147-151.
107.LaConfrérieaétéinstituéeen1524;sesstatutslimitaientlenombredesporteursàtrentepuisquarante
«bonsBourgeoisetnatifsdelavilledeParis,sansreproche,d’unevieexemplaireetdunombredessixCorps
desMarchands».
108.Premièreédition:HistoiredesdernierstroublesdeFrancesoubslesrègnesdesRoistrès-chrestiensHenryIIIRoy
deFranceetdePologneetHenryIIIIroydeFranceetdeNavarre[parPierreMatthieu],contenanttoutcequis’estpassé
durant lesderniers troubles jusques à la paixfaite entre les rois de France et d’Espagne,avec un recueil des édicts et
articlesaccordezparleroyHenryIIIIpourlaréuniondesessubjects,ÀLyon,1594.Secondeéditionen1600,revue
etaugmentéede l’HistoiredesguerresentrelesmaisonsdeFranceetd’Espagne… :àproposdu«peuple»parisien
« fort catholique et fort affectionné au roi » et persuadé d’une « conspiration » huguenote contre l’autorité
monarchique, qui se serait rué « sur tous ceux qui étaient reconnus huguenots, tant à la ville qu’aux
faubourgs».
109.Cité inFrançois Rittiez,L’Hôtel deville etla bourgeoisiede Paris: origines,mœurs,coutumes etinstitutions
municipales,depuislestempslesplusreculésjusqu’à1789,Paris,Durand,1862,p.325.
110.ÉricSyssau,art.cité,p.183-197.
111.DenisRichet,art.cité,p.777.
112. Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane, op. cit., p. 841. Ces fourches ont sans doute été
disposéesaucontrairepouravertirlesviolentsdesrisquesqu’ilsprennent.
113.BarbaraDiefendorf,BeneaththeCross…,op.cit.,p.173.
114.MémoiresdeLucGeizkofler…,op.cit.,p.92.
115. Le prêtre Blandis, toutefois, assure à Geizkofler que la Madone pleure sur l’endurcissement des
hérétiques.
116. Voir, à propos de la Vierge en larmes, Jean-Marie Sansterre, « La imagen activada por su prototipo
celestial:milagrosoccidentalesanterioresamediadosdelsigloXIII»,CodexAquilarensis,29,2013,p.7798. Id.,
«L’imageblessée,l’imagesouffrante:quelquesrécitsdemiraclesentreOrientetOccident(VI e-XIIesiècle)»,in
LesImagesdanslessociétés médiévales:pourunehistoirecomparée, Jean-MarieSansterreetJean-ClaudeSchmitt
(dir.),«BruxellesetRome»,Bulletindel’InstituthistoriquebelgedeRome,69,1999,p.113130,icip.116122.
117. Id.,«Vivantesoucommevivantes:l’animationmiraculeused’imagesdelaViergeentreMoyenÂgeet
époquemoderne»,Revuedel’histoiredesreligions,2,2015,p.155-182.JeremercieMarielleLamypoursonaide.
118.FadiaNassif,«Unsacréinterventionniste:lesrumeursreligieuses1975-1988»,inLesRumeursdansla
guerreduLiban:Lesmotsdelaviolence,Paris,CNRSÉditions,1998,p.107-138.
119.RenaudVillard,«Laqueuedel’âne.DérisiondupolitiqueetviolenceenItaliedanslasecondemoitiédu
XVe  siècle », in La Dérision au Moyen Âge. De la pratique sociale au rituel politique, Élisabeth Crouzet-Pavan et
JacquesVerger(dir.),Paris,PUPS,2007,p.205-224.
120.MémoiresdeLucGeizkofler…,op.cit.,p.95-96.
121.JulesVodoz,LeThéâtreLatindeRavisiusTextor,1470-1524,SlatkineReprints,1970,p.41.EtsurtoutÉric
Syssau,«LesprotestantssurlascèneducollègedeNavarre(Paris,1533-1572)»,inThéâtreetguerresdeReligion
(Revued’HistoireduThéâtre),no 287,2020,p.81-106; LeThéâtreaucollège,EstelleDoudet,MathieuFerrandet
ÉricSyssau(dir.),Paris,ClassiquesGarnier,EuropeanDramaandPerformanceStudiesn°11,2018.AbelSouris
etJeanRose,TragédieslatinescomposéesaucollègedeNavarre(Paris,1557-1558),ÉricSyssau(éd.),Paris,Classiques
Garnier, 2020. À compléter, pour le collège de Navarre, par Charlotte Bouteille-Meister, « Catherine de
Médicis,puissanteparcequemère?DelaBergeriedeRonsardàLaGuisiadedePierreMatthieu:misesenscène
du pouvoir d’une reine mère au royaume de France », inFemmes et pouvoir dans le théâtre européen de la
Renaissance, Frédérique Fouassier et Juan Carlos Garrot Zambrana (dir.), 2021, en ligne, qui insiste sur la
duplicitédeCatherinedeMédicisdanscesreprésentations.
122.AbelDesjardins,CharlesIX.Deuxannéesderègne,1570-1572.Cinqmémoireshistoriquesd’aprèslesdocuments
inédits,Douai,L.Crépin,1872,p.489.
123.Ibid.,p.675.
124.1Rois14,11.
125.MyriamRolland-Perrin,Blondecommel’or:LachevelureféminineauMoyenÂge,Aix-en-Provence,Presses
universitairesdeProvence,2010,p.173-273.
126.AbelDesjardins,CharlesIX…op.cit.,p.576.
127.2Rois,24-25.
128.AbelDesjardins,CharlesIX…op.cit.,p.678.
129.SimonGoulard,Mémoiresdel’estatdeFrance…,op.cit.,t.I,p.221.
130.KarlJaspers, LaSituationspirituelledenotreépoque,ParisetLouvain,DescléedeBrouwer/Nauwelaerts,
1966. Id., LaCulpabilitéallemande,Paris,ÉditionsdeMinuit,1948.AndréGounelle,«Quelleculpabilité?Les
AllemandsetlenazismeselonArendt,JaspersetTillich»,Bulletindel’AcadémiedesSciencesLettresdeMontpellier,
vol.48,2017,p.1-8;id.,«PouroucontreHitler?LedébatentreHirschetTillichen1934»,Revued’histoireet
dephilosophiereligieuses,1994/4,p.411-429.
131.SaulFriedländer,L’AllemagnenazieetlesJuifs,1933-1939,lesannéesdepersécution,Paris,LeSeuil,1977.
132. JeanSolchany, « La lente dissipation d’une légende : la « Wehrmacht » sous le regard de l’histoire »,
Revued’histoiremoderneetcontemporaine,vol.47,n°2,avril-juin2000[Laviolencenazie],p.323-353.
133. Daniel Jonah Goldhagen, Les Bourreaux volontaires de Hitler…, op. cit. Et la critique par Ian Kershaw,
Qu’est-cequelenazisme?:Problèmesetperspectivesd’interprétation,Paris,Gallimard,1997.
134.ChristopherR.Browning,DesHommesordinaires…,op.cit.,p.234-235.
135. Cf. la synthèse de Henri Minczeles, « Quelques réflexions sur la responsabilité collective des
Allemands»,Revued’histoiredelaShoah,1999/3,n°167,p.102-131.
136.CequiseraitlathèsedeRaulHilberg,LaDestructiondesJuifsd’Europe,2vol.,Paris,Fayard,1988.
137.VoirAndréGounelle,«Quelleculpabilité…?»,art.cité
138.HannahArendt,Penserlibrement,Paris,Payot,2021,p.30et22-27.
139.GéraldineMuhlmann,«Lecomportementdesagentsdela “solutionfinale”,HannahArendtfaceàses
contradicteurs»,Revued’histoiredelaShoah,n°164,sept.-déc.1998,p.25-52.
140.SaulFriedländer,L’Antisémitismenazi.Histoired’unepsychosecollective,Paris,LeSeuil,1971.Id.,LesAnnées
d’extermination.L’AllemagnenazieetlesJuifs,1939-1945,Paris,LeSeuil,2008.
141. Raul Hilberg, op. cit., t. II, p. 896. Id., Exécuteurs, victimes, témoins. La catastrophe juive, 1933-1945, Paris,
Gallimard,1994.
142.AndréGounelle,«PouroucontreHitler?…»,art.cité
143. Paul Ricœur, « Culpabilité tragique et culpabilité biblique », Revue d’histoire et de philosophie religieuses,
1953,vol.33,4,p.285-307:«Lathéologiejudéo-chrétiennedupéchéoscilleainsientrel’inculpationtotalede
l’homme,premierpécheurdanslacréation,etlaconstructiond’unefigure-limitedumaldontl’hommeseraitla
première victime. Mais cette figure-limite reste liée à l’anthropologie ; elle est l’Autre de mon péché ; une
“spéculation”surSatan,horsdel’anthropologiedumal,estimpossible.Endehorsdelaséductiondel’homme,
endehorsdelastructurequasiextérieureetquasi“tragique”delatentation,laquelleestencoreunestructuredu
péchédel’homme,jenesaispascequ’estSatan,quiestSatan,nimêmesic’estQuelqu’un.»
144.LesAmbiguïtésdelavieselonPaulTillich:TravauxissusduXXIeColloqueinternationaldel’AssociationPaul
Tillichd’expressionfrançaise,MarcDumas,JeanRichardetBryanWagoner(dir.),DeGruyter,Berlin-Boston,
2017.
145.VivianeBaraduc,«Tueraucœurdelafamille.Lesfemmesenrelais»,VingtièmeSiècle.Revued’Histoire,
2014/2,n°122,p.63-74.
146.JanT.Gross,LesVoisins.10juillet1941,unmassacredeJuifsenPologne,Paris,LesBellesLettres,2019.
147.Cantiquegénéraldescatholiques,surlamortdeGasparddeColligny…,op.cit.
CHAPITREIX

Enavaldela«scèneoriginelle»

La lecture de l’œuvre de Jan Assmann, plus précisément de Moïse l’Égyptien. Un
essaid’histoiredelamémoire,inviteàréfléchirsurlesupportvétérotestamentairede
larelationentre«monothéismeexclusif»etviolencesacrée:lathèseselonlaquelle
la religion serait un principe suractif de séparation opérant sur une promesse de
rédemption,peutêtreintégréedansuneétudedumassacreparisiende15721.

Août1572dansla«distinctionmosaïque»

N’est-il pas en effet frappant de constater que le récit événementiel gravitant
autourduVeaud’or 2etanalyséparJanAssmannentantque«lascèneoriginelle»
de la violence « intérieure » est fréquemment récurrent ou sous-jacent dans les
prisesdeparolesdesprédicateursoudansleursécritspolémiquesdurantlesannées
1550-1572?Parsonconceptde«distinctionmosaïque»quiaffirmel’unicitéetla
transcendancedeDieu,excluanttouteautrepossibilitédemanifestationetdoncde
vénération théophanique, Jan Assmann assure qu’il ne peut plus y avoir alors
qu’uneuniqueformederelationaudivin: l’allianceduDieuUnavecsonpeuple,
qui détermine un régime d’exclusivisme absolu dont les implications majeures et
interagissantessontlafidélitédupeupleetlajalousiedivine.
ParcequeDieuadonnésonamouretsamiséricordeauxhumainsquil’ontchoisi
etqu’ilachoisis,ilregardedemanièrepermanenteenleurdirection,etlafidélité,
decefait,luiestduedansunetotaleabsoluité.PourAssmann,cettevisionn’aurait
pasétéprésentedansl’écriturebibliquedèssesdébuts,maiselles’imposaàpartirde
lafuiteverslaTerrepromiseetdecequiauraitétéunbouleversement,voireune
révolutiondanslasubjectivitéhébraïquequeJanAssmanndécritainsi:
DanslelivredelaGenèse,iln’estpasquestiond’aminid’ennemi,etencoremoinsdecolèreoudejalousie
deDieu,mêmes’ilyestsouventquestiondeviolencepunitive,àcommencerparl’expulsionduparadisetle
déluge jusqu’à la destruction de Sodome et Gomorrhe, en passant par la confusion des langues – durant
toutescesinterventionsviolentes,jamaisn’éclatelacolèredeDieu.Celasepoursuitdelamêmemanière
danslelivredel’Exode.DerrièrelesdixplaiesqueDieufaittombersurl’Égypte,onnetrouvepasdecolère
enflammée, mais le souhait d’envoyer des signes et de démontrer sa puissance. La colère et la jalousie
appartiennentseulementàlasémantiquedel’alliancequiestnouéedansleSinaï,etlerécitduveaud’ora
pourobjetderendrecelaclairetévident.

La« distinctionmosaïque » n’opposeraitdonc pas «le dieu uniqueet des dieux


multiples»,maisserait«entrelevraietlefauxdanslareligion,entrelevraidieuet
lesfauxdieux,levraidogmeetlesdogmeserronés,entrelesavoiretledéfautde
savoir, la croyance et le défaut de croyance3  ». « Die mosaische Unterscheidung »
auraitouvertleSacréàuneimplacablelogiquedelaviolencenécessairecontrequi
nesuitpaslechemintracéparlaParoledeDieu.LeproposdeJanAssmannpeut
éclairerl’histoiredestroublesdereligionetplusspécifiquementdumassacredela
Saint-Barthélemy.Ilnousporteàpenserqu’entre1550et1572 (circa) l’imaginaire
religieuxauraitconstruit,àpartirdela«scèneoriginelle»duVeaud’or,lafigure
d’un Dieu vétérotestamentaire exigeant une absolue obéissance et ne tolérant pas
qu’un autre Dieu soit honoré par son peuple. Le désir intense de violences qui
aurait résulté de cet apprentissage ou de ce conditionnement collectif se serait
ensuiteaccomplidansl’épouvantabletueriedeParisetsesmilliersdevictimes.
Il faut distinguer ici deux séquences : dans un premier temps, nous avons une
prédicationarticuléeautourdelagestedeMoïsequiprésentifiaitleVerbed’après
lafuitehorsd’Égypteetmettaitsoustensiond’angoissel’attentesotériologiquedes
« bons catholiques » des années 1550-1572. Cette perspective permet de
reconstituerleslignesdeforced’unprophétismequiexigeaitdupeupledeDieuune
déshumanisationdesoietdefaireainsilelienentrela«scèneoriginelle»etl’infini
désir de tuer qui hantait l’imaginaire catholique des années 1550-1572 et qui se
réalisedanslesnuitsetjoursdumassacredelaSaint-Barthélemy.Lesecondtemps
estcelui du paroxysme de violences qu’aété le massacre de 1572 : il témoignede
l’intensité extrême du désir des Parisiens de projeter dans le présent la « scène
originelle»qu’aétélemassacredesadorateursduVeaud’oretdeleurintentionde
l’instituer comme le fondement sacré de la psyché de chaque chrétien. La tuerie
parisienneauraitprocédéd’ungrandfantasmederéconciliationavecDieuinvitant
à rejouer l’acte pur qu’est dans l’Ancien Testament la violence exercée contre les
adorateursduVeaud’or.
Silestueursde1572ontpuconsidérerqueleurviolenceétaitàlafoisuneœuvre
dejusticevoulueparDieuetd’obéissanceàDieu,c’estparcequelafiguredeMoïse
faisait partie de leur quotidien, non seulement dans les broderies, tapisseries,
émaux,céramiques, peintures,sculptures, maissurtout dans letravail élocutifdes
prêtresetdesmoinesquivoulaientdéfendrelareligiontraditionnelleetassénaient
qu’ilétaitdudevoirdechaquecatholiquedeprendrel’épéeetdetuerfrère,amiet
parentsouspeined’encourirlamalédictionetlechâtiment,etcelapouractualiserla
parole du Dieu d’Israël commandant par la voix de Moïse à chacun de prendre
l’épée et de tuer frère, ami et parent sous peine d’encourir la malédiction et le
châtiment.Laviolenceprocéderaitainsid’unetranssubjectivisationobsidionaledu
Verbemosaïque.
Face au crime qu’est l’offense à Dieu, le Logos exige que soit brisé l’écart entre
l’ici-bas et l’Au-delà, entre le jadis et le maintenant, que les hommes se laissent
envahir par le désir de Dieu qui est celui que Moïse transfusa dans les Hébreux
restés fidèles à Yahvé lorsqu’il descendit du Sinaï et constata qu’une partie du
peupleavaitprofitéde sonabsencepour adorerleVeau d’or 4.Lethème duVeau
d’oresteneffetomniprésent,ainsidansunfantasmed’intériorisation:lechanoine
JeanTalpin,onl’aentrevu,dévoilequel’hérétiqueaenluiuneidolequ’iladoreet
quiressembleàunegrandestatuequelecerveauhumainainventée 5.Cenouveau
Veaud’or,invisiblemaishabitantchaquereligionnaire,doitêtrebrisépartousceux
quiaimentetdéfendentlevraiDieu.Fracasserl’idole,l’annihiler,c’estconsacrerses
mainsetdoncsonêtreauSeigneur;c’estaimerDieu,allerau-devantd’undésirde
Dieu et rendre effective la « distinction mosaïque » dont parle Jan Assmann.
Commentcette«scèneoriginelle»,diteetredite,expliquéeetcommentéeparles
théologiens dans le cours de leurs prédications, a-t-elle pu s’être si intensément
déposéedanslespsychésdeceuxquisenommaientles«bonscatholiques»?Pour
répondre à cette interrogation, il faut partir de l’imaginaire même de la parole
homélitiqueetdelarelationqu’ellepeutavoirentretenueaveclaviolence,ainsique
delareprésentationquiestdonnéeduprédicateur.
C’estdèslesjourssuivantl’assembléeduPré-aux-Clercsqui,le13mai1558,voit
des milliers de huguenots chanter publiquement des psaumes, que se construit la
relationentrelaviolencecollectiveetlaparoledeshommesdeDieuqui,enchaire,
« donnoient congé de tuer le premier Lutherien qui seroit rencontré : ce qui fut
causedegrandesinsolences».Puis,àpartirde1560,iln’estquestiondansl’Histoire
ecclésiastiquedeséglisesréforméesauroyaumedeFrance…deThéodoredeBèzequede
prédicateurs ne cessant « d’enflammer » le peuple contre ceux de la religion de
l’Évangile,àunpointtelqueles condamnéssontarrachésdesmainsdubourreau
« pour accroistre leur tourment6  ». Lors du carême 1561, à Toulouse, selon un
calvinistedeMillau,«iavoictunprecheurcordellerquetoutzsessermonsestoient
pleinsdeseditions,cartoutgorn,parlantmalcontrecesUguenaus,lequelinduisoit
lapopulaceàcefaire7».Oùonvoitdéjàquel’acteurcollectif,possédéparledésir
detuer,senommedéjà«populace».
La prédication est deutéronomique autant par son corpus référentiel que par le
fait que les théologiens, durant leurs prises de parole, se reconnaissaient et se
mettaientenscènecommedenouveauxLévitescontinuateursdeceuxqui,parmi
les enfants d’Israël, avaient mis à mort les idolâtres après que Moïse eut brisé les
Tables8 .Ils«recoururent sisouventàla sacralisationdelaviolence parlaLoi de
l’Ancien Testament9 », dont une des bases aurait été l’actualisation, par l’outil
homélitique, de la législation antiblasphématoire vétérotestamentaire, à
commencer par le Lévitique qui vouait à la mort les blasphémateurs par
lapidation10. Le Lévitique « ancrait le discours antihérétique dans une théologie
vétérotestamentaire de l’Alliance permettant de distinguer les faux des vrais
prophètes11 », c’est-à-dire dans la « scène originelle » et dans l’obligation de tuer
l’ennemi de Dieu. Il y eut autour de la figure des prédicateurs une manière
d’invasion ou d’exaspération mosaïque telle que, identifiés à des ambassadeurs de
Dieu, ils se voyaient attribuer ce qui semble relever de l’appréhension d’une
présencedansl’êtremêmedeceluiquiestidentifiéàunambassadeurdeDieu,d’une
sainteté qui est sotériologique par tous ceux et toutes celles qui adhéraient à leur
messageetàleurdictiond’undevoird’éradicationdequis’opposeàDieu.
UnepuissancedeviolencedécouledelaprisedeparoledesministresdeDieuet
de sa transsubjectivation. Or ils ne peuvent s’en déprendre sous peine de ne plus
êtredesserviteursdeDieu.C’estcequecertifielethéologienSimonVigordansun
sermon pour le vingt-deuxième dimanche après la Trinité, composé peut-être
durantlesannées1567-1568,lorsqu’ilexalteuneassimilationpresquetotaleentre
laprédicationetun donde prophétiequifait parlerDieudans labouchede ceux
quisevouentàl’enseignementdupeuple;citanteneffetsaintJeanChrysostome,
Vigordéclare toutd’abordque prêcher signifieannoncer publiquementla Vérité,
«tellementqueleprédicateurestlatrompettedeJesusChrist,pourfaireentendre
levouloirdeDieuàtoutlemonde 12».Cen’estpasl’hommequiparleenlui,c’est
l’Esprit du Père qui s’adresse au peuple chrétien comme il s’adressait jadis au
«peuple deJuda ». Ousurtout, peut-onajouter, quand,descendant desa nuée,il
parlaitàMoïse13 .SaparoleluiestimmédiatementdonnéedeDieu,etilnedoitpas
tenircomptedesmenacesquepeutfairepesersurluil’ordredumonde.
Laprédication,entantquepuissanced’absoluité,renvoiedoncimplicitementàla
figure de Moïse fait comme présent parmi le peuple de Dieu et lui parlant Dieu.
C’estDieuqui,eneffet,estimmédiatementenlaboucheduprédicateurcommeil
l’étaitlorsqu’ilestdescenduduSinaï,tandisqu’aucunepuissanceterriennenepeut
être comparée à la puissance de Vérité qui s’exprime en lui et qui l’autorise à
admonestertouslespécheurs,dequelquestatutsocialoupolitiquequ’ilssoient.Le
Prince doit se plier aux commandements divins et donc aussi à la voix du
prédicateur. Car la puissance princière est inférieure, selon Vigor, à celle du
prédicateur,danslaboucheduquelDieuparle.LedonderévélationduMystèreest
communiquéauxhommesquisontdeDieu,reprendVigordanssonsermonpour
le dimanche de l’octave de Toussaint ; et de s’appuyer sur l’exemple de
Nabuchodonosor, le roi de Babylone, appelant auprès de lui l’Hébreu Daniel afin
qu’il lui interprète le songe qu’il avait oublié : « Or ça est il plus interieur qu’un
songe?toutesfoisDieule revelaàDaniel, quiveutl’expliquerà Nabuchodonosor
motà mot […] Ce n’est donc chose estrangedire, que Dieu revèle le secretde sa
pensée » (Daniel 2, 22-47). Ce don de communication ou communion avec le
Verbe divin justifie une prééminence absolue du magistère clérical
(Nabuchodonosor ne se prosterne-t-il pas devant Daniel ?) et l’exigence d’une
soumissiondel’autoritétemporelleàlaParolequeDieuinspire14.
Enoutre,laparole,quiétaitcenséeposséderunepuissancethéophaniquecapable
des’infiltrerdanslesconsciencesdesauditeurs,formataitetreformataitsanscesse
une«scèneoriginelle»auseindelaquellel’Égypteestlesymboledelanécessitéde
ruptureparl’effetd’une«contre-religion».Ainsilediscourshomilétiqueest-ilune
invitation à chaque chrétien du royaume de France à entrer dans la mémoire de
l’histoired’Israël,etparlàmêmeàsavoirquecequiaétéjadisdoitêtrerevécu.
LethéologienlibellisteJeandeLaVacqueriedésigneen1560FrançoisLePicart
(1504-1556)commel’undeceuxquiontleplusprécocementrendupubliccequ’il
nommaitlanature immondedela corruptiondes hérétiques.Ilestainsi rapporté
avoir encouru le risque, alors qu’il prêchait dans l’église parisienne de Saint-
Jacques-de-la-Boucherie(àune date nonprécisée), d’êtreétranglé par l’und’entre
eux(«n’eustestequ’ilfutempeschédupeuple,quiestoitautourdelachaire,quile
jecta hors de l’eglise et le tua en sa commotion »)15. Le grand polémiste Artus
Désiré,aprèslamortdeLePicartle17septembre1556,luiconsacreLesRegretset
complainctes de Passe partout et Bruitquicourt. Il chante la sainteté du prédicateur et
décritsesobsèques,quifurentsuiviesparplusde20000Parisiensen«larmes»,en
« pleurs »16. Mais de l’immense affliction parisienne (il y a des services funèbres
dans toutes les églises et paroisses de la capitale) se dégage la vénération d’un
Mystère dans le corps du prêtre prédicateur qui est une bénédiction générale des
chrétiens:
Astupointvulesnoblesdames
Fillesetautrepovresfemmes,
Lesquellesd’uneaffection
Faisoientpargranddevotion
Treshonorablementtoucher
Leurspatenostresàsachair?

Troisouquatreheuresaprèssamort,LePicartfutexposé,levisagedécouvertet
lesmainsjointes,aumilieudelacourdesonlogis;lesParisiensavaientaffluétrès
nombreux pour venir le contempler, « et les pauvres et simples gens qui
consideroientsasaintetédevieet dedoctrine,faisoienttoucheràses mainsleurs
livresetpatenostres 17».IlétaitcenséavoirétédésignéparDieupourannoncerque
lesdernierstempsétaientimminentsparcequ’ilavaitsureconnaîtredanslevingt-
quatrième chapitre de l’Évangile selon saint Matthieu la « vraye description du
temps present », caractérisée par la venue de séducteurs qui se diront Christ,
l’élévationdenationcontrenation,lesfamines,lespestilences,lestremblementsde
terre.Laconversionpassed’abordparlacompréhensionque,silafindesTempsse
rapproche de manière effroyablement inquiétante, c’est avant tout parce que les
fidèles de Dieu laissent grouiller autour d’eux les adorateurs d’un faux Dieu et
demeurentinactifsfaceaumalquirongel’Église.Lafauteendoitêtreimputéeàla
fois à ceux qui offensent le vrai Dieu comme jadis les Hébreux l’ont offensé en
adorant le Veau d’or, et à ceux qui, demeurant passifs face une même situation
dramatique,sonttoutaussicoupables.Iln’estalorsd’issuequedansunmouvement
derégressionjusqu’àl’instantprimitifqu’aétélemassacredesadorateursduVeau
d’or,voilàcequelesprédicateursetlespolémistesdisentetredisentdanslesillage
deLePicart.Conversionetviolencesontsynonymes,etlaviolenceest,danscette
perspective, une épreuve puisqu’elle passe par le dépassement ou l’oubli du plus
intime des liens sociétaux, celui qui lie à ceux et celles du même sang que soi.
L’épreuveesturgente.
Le Picart a sans doute été un précurseur d’un conditionnement des imaginaires
polariséautourd’uneobsessiond’unrevenirdela«scèneoriginelle».Letoucher
desoncorpsneprépare-t-ilpasunautretoucher,violentcettefois,celuiducorps
massacrédel’hérétique.Parexemple,lorsducarêmede1560,àl’issuedusermon
traitantdel’histoiredelafemmeadultère18duminimeJeandeHansquiavaitsans
douterappelélaprescriptionmosaïquedelapidation,uneséditionseproduitdans
l’église des Saints-Innocents. Un homme, soupçonné d’être « luthérien », est
massacrédevantleportaildusanctuaire19 .«Iln’yavoitsipetitquineluybaillast
soncoup:etmettoyentmesmesleursmainsdedanslesplayes,puisleseslevoient,
seglorifiantdelesavoirtainctesdusangd’unlutherien.»Laviolencecollectivene
surgit-ellepasauboutd’unechaînequimèneleshommesdel’écouted’uneparole
inspiréedeDieuàunepulsiongestuellemosaïque?Etn’évoque-t-ellepas,dansun
autreimaginairereligieux,lesmainsrougesdesassassinsdesdeuxsoldatsjuifstués
àRamallahle12octobre2000?
Les exemples de cette communication verbale créant une empathie gestuelle ou
untransfertviolentsontnombreux.AveclavenueàProvins,pourlecarême1561,
dujacobin Pierre Dyvolé,un point d’apogée estatteint, du moinsdans ce que les
sources permettent de distinguer. Le prédicateur recourt à une rhétorique
prophétique, dans le but de faire comprendre à ses auditeurs qu’ils doivent
désormaiss’accoutumeràl’idéed’uneviolencesotériologiquequi,seule,peutpallier
la malédiction de l’ire de Dieu. C’est un prophète lévitique que Claude Haton a
entendu, un homme qui parle en communion avec la Parole des prophètes de
l’Ancien Testament et qui exprime un lien sacral de présence : « Et davantage
predist le mal prochain, que, en brief temps, seroit faict par eulx en la France ;
comme ilz s’esleveroientpar armes et sedition contre le roy, son estat et le repos
public, desolant les villes, saccageant les eglises et les temples, maltraitant les
prebstres, taschant à abolir toute vraye religion, toutes lois ecclesiastiques,
politicquesetcivilles,toussacremensetservicesdivin;commentparleurorgueil
ilz prendroient les armes au poing pour exterminer le roy et son estat, ensemble
toutlepeuplecatholique20 .»C’estparcequel’hérétiqueesthabitéparunetension
de violence niant les commandements divins que les catholiques doivent se
résoudre à prendre préventivement « les armes deffensives ». Le prophétisme de
1560-1561exigeque,pourDieuetconformémentàlavolontémosaïquedeDieu,
les hommes rompent immédiatement avec leur présent et inaugurent une
réconciliation avec Dieu qui passe nécessairement par l’action violente et une
manièrederétroprojectioncollectivedansuneduréemosaïque.

RetrouverMoïseetlepeupledel’Alliance
Un des motifs homilétiques obsessionnels est celui de l’absolue nécessité de
l’occultation deutéronomique des liens du sang : tout séducteur, qui détourne le
peupledescommandementsdivins,doitêtrelapidé,dansl’oublidesliensmêmesde
la chair qui est exigé dans Deutéronome 13, 6. La violence sera la manifestation
saintederetrouvaillesaveclavolontédivine;libéréedescontingencesimmédiates
etrevenantauxtempsoùlepeuplehébreusortaitdelaterredetourmentsqu’était
l’Égypte, elle est pleinement déculpabilisée : « Et qu’en ce faisant ne pescheront
aulcunement, selon le tesmoignage de l’escriture, non plus qu’avoient faict
Abraham,Moïse,Davidetlepeupled’Israel,lesquelz,pourladeffensedel’honneur
de Dieu et de la religion, avoient prins les armes contre les Philistins et les
incirconcis, armés pour l’extermination de tous sacrifices, sacrificateurs et peuple
fidèle de la circoncision. » L’extermination est un devoir, mais pas seulement un
devoir.L’incitationàlaviolencesedoubled’unanathèmeprophétiquelancésurle
royaume,quiprojettel’Ecclésiaste10,16dansunprésentbientôtlivréàlafuriedes
nouveauxidolâtress’il n’estpas procédéà leurmise àmort : «Il predistle temps
auquel ilz devoient prendre les armes et de quel orgueil ilz chemineroient et se
comporteroiententouslieus…»
Àla lecturede cesparoles prophétiques,ne met-onpas mieuxen perspectivela
brutalité ou la brutalisation extraordinaire de la réaction catholique face au
soulèvement protestant de 1562 ? La violence, en prolongeant une annonce qui
venait de Dieu par la bouche de prédicateurs inspirés, ne se coulait-elle pas dans
une durée extraordinaire d’immanence retrouvée dans le cours de laquelle une
interaction Dieu-peuple de Dieu était mise en scène ? La parole prophétique ne
permet-ellepas,enoutre,demieuxcomprendrecettecaractéristiquedelaviolence
catholiquequeseraitl’immédiation?Onnepeutquenoteruneprojection,dansla
psyché des acteurs des tueries ou massacres de 1562 comme de 1572, de cette
configuration quand la violence procède par une manière d’effacement du corps,
parunmouvementrituelquihabilled’ordurececorpsdontilfautextérioriserl’état
de pourriture intérieure. L’immondicité spirituelle est représentée par le
truchement de la mise en contact avec l’immondicité de la matière, ou
l’enfouissementdanscetteimmondicitéquirendsonhumanitéinvisibleetdoncla
projette dans le néant. C’est ainsi qu’à Gaillac, le 17 mai 1562, « les uns furent
traînésparlesboues 21».L’âmequiadivorcéd’avecDieuestmorte,carunhomme
quinevitplusparl’âme,quiestl’êtredeDieuenlui,nevitplusdeDieu,n’estqu’un
sinistresépulcrerenfermantunepourriture.Sonâmen’estplus,parcequ’elles’est
donnée à une idole et qu’elle honore celle-ci en l’ayant en quelque sorte installée
dans son propre corps. C’est un double diabolique qui est en l’hérétique, sous sa
peau,etlaviolence,enl’amenantensurfaceducorps,dumêmecouplefixedansla
véritéqu’ilévitaitd’exhiberparcequ’ilvénéraitunfauxDieuetquel’illusionestce
parquoileVeaud’orensoitendàexercerunepuissancenéfasted’illusion.
La violence défigure et déchire par des blessures multiples pour signifier que la
créature,quial’apparenced’êtreunecréationdeDieuàSonimage,n’estpluscette
image, qu’elle est l’image effroyable d’une idole signifiant le mépris du vrai Dieu.
Maissurtoutellemetenreprésentationl’actualitédeladifférencemosaïquequeles
prédicateurs profèrent obsessionnellement. Sans cesse reviennent, dans les récits,
les « infinis coups » d’épées ou de bâtons, qui précèdent ou suivent la séquence
rituelle de souillure22. Le théologien Antoine de Mouchy cite en conséquence le
Lévitique20,26,lecommandementdivinprescrivantdepunirparlejetdespierres
l’idolâtrequiauraconsacrésesenfantsàMoloch:«Lepeupledelaterrelelapidera
de pierres. Je mettray ma face à l’encontre de cet homme, et l’extermineray du
milieudesonpeuple.CariladonnédesagenerationauditMoloch,poursouiller
mon sanctuaire et mon sainct nom. Que si le peuple de la terre est nonchallant
d’entendreàl’hommequiadonnédesagénérationàMoloch,nelemettantpointà
mort, je mettray ma face contre cest homme, et contre sa famille, le faisant
exterminer du milieu de son peuple, avecques tous ceux qui ont fait fornication
avecMoloch.»IlrappelleégalementDeutéronome13,1-5,quienjointdetuerpuis
de lapider le prophète ou songeur de songes23. Chaque instant de la vie des
hérétiques est un blasphème lancé vers Dieu, Moïse l’a dit : « La punition des
hérétiques est juste, partant qu’il est escript : qui prendra la fille et la mère, soit
bruslé.Etquandla filledusacrificateurviendra àpaillarder,ellecontaminera son
père : pour ce elle sera bruslée au feu. Ces sentences conviennent bien à nostre
propos : parce que tous Chrestiens sont enfans du sacrificateur Jésus Christ.
Parquoys’ilsviennentàpaillarderetdélaisserDieuetlareligionchrestienne,pour
lagrandeinjurequifontàleurpèreJésusChrist,ilsméritentestrebruslez24 .»
Les sermons de Carême de Simon Vigor, dans leur publication potentiellement
expurgée de 1588, permettent de distinguer d’autres articulations de cette parole
mosaïque par laquelle le Saint Esprit incite les auditeurs à prendre la défense de
l’Église. Le principe à partir duquel peut intervenir la dénonciation de la paix
contraireàlavolontédivineestl’affirmationévangéliquequetoutroyaumedivisé
estvouéàladestruction(Matthieu12,25-26).Ladiversitédefoienunroyaumene
peutavoirpourcorrélatqueladivisionetladissension.Leshuguenots,parcequ’ils
sesontséparésdel’Égliseromaine,sontsanscessesurlequi-viveetnesubsistent
que dans la crainte ; la division impliquedonc la violence. L’évocation de
Genèse 3, 15 renforce l’idée que la paix qui imaginerait la cohabitation de deux
religions serait pure absurdité. Dieu ne pourra être que fureur à l’égard du
souverainquiauraédictésaloicontrelaLoi:«Jemettrayinimitiéentretoyetta
femme,etentretasemenceetcelledelafemme.»Laprophétieestdécryptéedela
manièresuivante:«Lasemencedudiable,cesontlesheretiques:etlasemencede
lafemme,lesenfansdel’Église25 .»
Cettethématiqueestradicaliséedansunsermonprononcélejourdel’Ascension
1570 (?), une semaine après la paix de Saint-Germain, un sermon qui peut avoir
présidé plus immédiatement encore au préformatage sotériologique des
massacreursd’août-septembre1572:Vigordéclarequelapaixestd’autantplusun
signe d’infidélité à Dieu qu’elle est contraire à Sa Vérité même, qui est d’être
commencementindivisibledetouteschoses.Dieuestditn’avoirprocédédepuisla
Création que par l’UN, à la fois tant parce que n’a été créé qu’un monde, qu’un
homme,queparcequ’Iladitquel’hommeetlafemme «eruntduoincarneuna»,et
parcequ’Iln’aéluqu’ununiquepeuple,«neluyabailléqu’unseulguideMoyse,un
seulroiSaul»etn’adonnéaumondequ’unseulRédempteur.Accepterladivision
defoi,c’estimmédiatementêtrehorsdecequiestdeDieu,entrerdanslemalheur
et le temps de malédiction. La paix, dans un royaume qui connaît cette division,
« ne merite pas le nom de paix ». Elle annonce une fin, « c’est une torche, qui
allumeraunfeusigrandqu’ilconsummeratoutleRoyaumedeFrance:voirequi
sera pour consummer tout le monde ». C’est non seulement l’histoire proche qui
enseigneque,faceàdeshommesdeperfidieetdetrahisontelsquelesadorateurs
d’unfauxDieu,lapaixestuneillusionquilieaudiableceuxquilapromulguentou
l’acceptent, mais aussi c’est Dieu qui commande de la refuser, Dieu qui appelle à
« hayr » les huguenots « mortellement » et donc, pour rentrer dans la logique
assmannienne,àthéâtralisersansplusattendrela«scèneoriginelle»dansl’histoire
duprésent.
Il y a obligation de violence parce que Dieu ne tolère pas que les siens laissent
vivreparmieuxceuxquinientsaMajesté.PourVigor,nulnedoitsehasarder,àla
fréquentationde ceux qui sontdes hérétiques, souspeine d’encourir l’indignation
divine.VivreenfamilleouenvoisinageavecdesennemisdeDieumetenpérille
salut du chrétien qui doit s’imposer de prendre le glaive contre ceux qui ainsi le
mettentàdistancedescommandementsdeDieu:
Orvousvoyezcommenoussommesenuntempsmiserable,etestbienàcraindrequ’ilnenousadvienne
commedutempsd’Osias.NousvoyonslesheretiquesmeslezaveclesCatholiquesetceparedict.Ilssont
receuzauxcitez,auxmaisons,voirepourfairelepirequ’ilspourront…Ôlegrandmalheur!sidieuaesté
tant courroucé contre un royaume, pour avoir laissé un lepreux vivre en une ville contre son
commandement et sa volonté : regardez combien d’avantage il le sera, quand on laissera les lepreux
spirituelsésvilles,ésparlemens,auconseilduRoy.Enpunitiondecestefaute,tantqu’ilavescu,n’yaeu
Prophetes en Israël. Hélas pour la mesme faute nous sommes en danger avoir faute de predicateurs en
France.

Le drame est qu’il a un risque de « famine spirituelle » et que, si le peuple ne
s’amende pas, « je m’asseure que Dieu frappera un bon coup, et exterminera
tout26».Ilnefautpasavoirpeurdemourirencombattantl’hérétiqueetensuivant
Davidallantcourageusementaffronter Goliath27.Ilfaut exterminertousceuxqui
nedonnentaucuneespérancedes’amenderetquisontcommeunmembrepourri.
PourVigor,l’importantestdepasserpar-dessusla«conjonctioncharnelle»etde
privilégier absolument la conjonction spirituelle, ce qui se réfère implicitement à
Deutéronome1.Nepas«frapperleshuguenots»,c’estnepasavoirdereligionet
fairelapaixaveceux,c’estmépriserDieu,Dieuquicommandedehaïrettuerses
ennemis28. Et alors, n’est-ce pas de manière prioritaire ce dépassement quasi
mystiquedesoiquiauraitjouédanslapsychédestueurs?

AnnihilerlesnouveauxCananéens

Et,là,onconstatequ’estsous-jacentl’anticananéismequeJanAssmannévoqueen
soulignant que le Deutéronome pose les bases d’une foi articulée de manière
impérativementsotériologiqueàunevolontéd’absolueexterminationdetousceux
qui n’obéissent à la Loi de Dieu. À l’origine donc de la pulsion de violence qui
explose en 1572, il y a, ancré dans les consciences de ceux qui se veulent des
«zélés»,unsavoirsacréquigénèreuneconfusionduprésentetdupassé,etqui,
quand il est supporté par le paradigme auquel recourent les prédicateurs en
proclamant que les hérétiques sont de nouveaux Cananéens vautrés dans leur
bestialité,relèved’unetensionquenouspourrionsqualifieranachroniquementde
« génocidaire » puisque les adversaires de Dieu appartiennent à une « race
mauldite ». Le prêtre Artus Désiré, pour sa part, imagine en effet dès 1551 un
combatd’argumentsentrel’AntipapisteetlePapistequiinterpellaitsonadversaire
danslestermessuivants:
Ôfiermastincananeen,
Produitdesangcananeiste,
Tun’espasderacebeneite
MaisplustostdecelledeCam…

L’interprétation eschatologique donnée par Artus Désiré vise à contraindre les


fidèles à adopter une posture de résistance active remémorant celle que Moïse a
édictée aux Hébreux face aux adorateurs du Veau d’or : Dieu a communiqué au
prêtreprophètequelesévénementsdutempsprésentouvrentleTempsdelafindu
monde.Resterpassif,c’estselaisserglisserducôtédeceuxquicombattentDieuet
quiendureront sa colèreirrémissible. Lutter pourque l’Église ne soitpas souillée
jusqu’àdisparaîtredumonde,lutterenallantjusqu’àtuerceuxquisontdesapropre
chairetonteneuxlemêmesangquesoi-même,c’estpromouvoirsonsalut.Delà,
ils’ensuitquelestueursde1572étaientsansdoutecommesubjectivementàlafois
obnubilés et hallucinés par les projections discursives qu’ils avaient reçues et
capitaliséesauparavant,etquel’autre,l’hérétique,existaitpoureuxdansunendeçà
del’humain.Cepointpeutporterl’analyseàinsistersurunautreinvariant;c’est-à-
diresurl’hypothèsequelestueriesgénocidairesrelèventd’unrapportautempsqui
est rémanent en ce qu’elles signifient une mise en mouvement dans une
transtemporalité. En 1572, cette mise en mouvement n’emmène-t-elle pas
inconsciemmentversl’événementorigineldelaconfrontationauVeaud’or,etne
suggère-t-elle pas de revivre en actes l’adhésion des Hébreux fidèles à Moïse à la
volontéexclusivedeDieuenexterminantquelque3000idolâtres?N’est-ellepasla
condition même de l’accomplissement d’une fantasmatique au sein de laquelle la
guerresainteopèrelatransitiondel’impuraupurdansunedramaturgiequirejoue
la « scène originelle » projetant dans un « monothéisme de la fidélité » qui est
libératoireparcequepromessederédemptionparDieu?
Ilestdoncnécessairederelativiserl’analyseobjectivistedeJérémieFoaégalement
sur la base de cet anticananéismeprophétique. N’est-on pas dans la continuité de
l’appesantissementd’unmoded’emprisesacrée?Certes,onl’aditetredit,ilpeuty
avoir eu l’arrière-plan de la cupidité, de la vengeance, de l’envie sociale, de la
facilitationdupillage,et doncdemultiples configurationspossiblesquijouèrent ;
maisnepeut-onpassoupçonnerqu’ilyeutsurtoutl’adhésionàl’exigencedivinede
nepaslaisserdans leseinfamilialou vicinal,voiredans unevillede Parisdevant
avoirunhorizonhiérusalémitepournepasêtresujetteàlacolèredeDieu,survivre
celui ou celle qui honore un nouveau Veau d’or. Être passif, c’est participer soi-
mêmed’unrefus dela gloiredeDieu etse condamneràla damnation,etmériter
cettemortque Moïseaaffirmé devoirêtredonnée àceuxet cellesquise laissent
aller à honorer un faux Dieu. La Saint-Barthélemy, dans son extraordinaire et
terrifiantespontanéitéviolentedynamiséeparlemotifd’unedécisionroyale,serait
àcomprendrecommeuneprojectiongestuelledela«scèneoriginelle»intériorisée
depuis des années par les « bons catholiques parisiens », un débridement des
retenuesquiavaientpumaintenircettescènecommeensuspension,enattente,en
désir. La croix portée au vêtement ou au chapeau ne serait pas seulement une
marquesécurisante,elletraduiraitunassujettissementàlavolontéexclusivisted’un
Dieumosaïque.
Revenonssur undes faitsde violence quisuivent l’exécutionde Coligny,quand
soncorpsesttraînéparlesbouesdesruesdeParisparungroupedepetitsenfants
qui,àplusieurscarrefours,lejettentdansunbrasieravantdel’abandonnerdansles
eaux de la Seine. Cette enfance s’approprie une diction prophétique, prédisant
gestuellement que le devoir de chaque chrétien est d’anéantir l’ennemi de Dieu
adorateur de l’idole qu’est sa chair. Dans le mode de symbolisation qu’est le
simulacredeprocessiondel’enfancechristique,n’est-ilpasproclaméqu’iln’estde
foi que dans l’obéissance mosaïque ? Ne faudrait-il pas citer Exode 34, 10 pour
déduirequelaSaint-Barthélemyaeulieudanslelongmomentd’unappelàréaliser
les Paroles de Dieu, de les accomplir dans un meurtre collectif qui est une
réconciliationtantattendue:«L’Éternelrépondit:Voici,jetraiteunealliance.Je
ferai,enprésencedetouttonpeuple,desprodigesquin’onteulieudansaucunpays
etchezaucunesnations:toutlepeuplequit’environneverral’œuvredel’Éternel,
et c’est par toi que j’accomplirai des choses terribles » ? Et donc Coligny serait
commeunefigurationduVeaud’ordanslasuitemêmedesexactionsquesoncorps
subit, des exactions qui voient les quatre éléments de la Création le punir
effroyablement?
Massacrerensituationderévélationthéophanique

Reconstituons synthétiquement le cheminement possible vers le massacre. Le


premier étage du massacre fut celui du pouvoir royal sans doute en concertation
aveclesGuiseetleurssupportsparisiensetl’appuidesducsdeNeversetd’Anjou,
ainsi que du chevalier d’Angoulême ; il se serait agi d’annihiler la menace que
constituait pour les jours à venir le protestantisme militaire en éliminant les
capitainesvenusdanslacapitaleàl’occasiondumariageroyal;etpeut-êtremême
dedonnerungageàunpeuplecatholiqueenébullitioneteninstancepossiblede
passerspontanémentàunstadeviolent,mêmesionpeutpenserquelerôledévolu
àlamilicen’auraitétéquedesécuriserlesponts,carrefoursetportesdelacapitale
ainsiquedecontrôlerlesprincipalesmaisonsprotestantes.
Mais, dynamisé par la rumeur d’une décision royale enfin advenue après des
années d’incertitude et par la fiction d’un « Tuez-les tous » en provenance du
Louvre,lesecondétageestceluidel’accomplissementdel’imaginaired’unetoute-
puissancedeDieudésormaisàl’œuvreetdevantêtreaccompagnéeparles«bons
catholiques»delacapitale.Onsaitquelepouvoirestincapable,le24aoûtenfinde
matinée,defairearrêterlesviolencesquisefontensonnom,aprèsqueleducde
GuisesefutfrayéunchemindansParisaucriqu’onlelaissepasserparceque«le
roilecommande».Lestueursd’après8heuresdumatinsontsansdoutedestueurs
fantasmant l’accomplissement d’un retournement providentiel du roi vers la
violenceexclusiveettotalisantequ’ilsmettentalorsenœuvredanslesruesdeParis
oùlesprotestantssontinstallés.Lesprédicateurs,toutendénonçantdepuis1560,la
tentationrécurrented’unepolitiquedeconcordedupouvoirroyal,avaientprojeté
unefigurederoibibliquedanslapersonnedeCharlesIX.LePrince,vouluetélu
parDieu,estainsiauthentifiécommeuneimagevive,unsimulacreparfaitdeDieu
qui lui a donné l’« esprit », et il doit suivre le conseil de David, qui est de servir
DieuetdetremblerdevantsaMajesté,n’avoirdefinqued’honorerlagloiredivine
enprotégeantparsajusticel’unité defoideson royaumeetdoncen poursuivant
tous ceux qui se sont séparés du vrai Dieu. Et Charles IX a semblé soudain être
devenuleroibibliquetantattendu.Unroidu«Tuez-lestous»quiferareconnaître
àDieulesSiens!
Le souverain, malgré lui ou peut-être parce qu’il ne put que s’introduire
stratégiquement dans la temporalité d’un retour de la « scène originelle », devint
parlaforcedesattentesvéhiculéesparcesimages,parlapuissancedesdésirsdele
voirvenu àl’obéissance de Dieu,un roimassacreur au nomduquel on sedoit de
massacrer bibliquement ; au point qu’il entérine, le 26 août durant une séance
royale, qu’il avait fait acte de vengeance, au nom de Dieu, pour Dieu, par Dieu,
contre ceux qui n’avaient eu de cesse de profaner la gloire divine en complotant
pourletuerets’emparerdel’État.Aupointencorequ’ilfitgraverle3septembre
une médaille, avec une reformulation, d’inspiration peut-être mosaïque, de la
deviseroyale (Pietasetjustitia)en Pietasexcitavitjustitiam,«c’estàdirequelapiété
envers Dieu et la vraie religion a esmeu le glaive de la justice Royalle ». Il y est
représenté assis sur son trône tenant dans une main le sceptre et dans l’autre un
glaive entouré d’une branche de palme « dénotant la victoire ». Sa tête porte la
couronneclose. Sous ses pieds, étendus nus chaotiquement, les corps des rebelles
sont figurés. C’est Charles IX donc qui se fait et s’accepte pleinement roi de
violence, roi de toute la violence du massacre des huguenots. L’inscription
explicativedésignela virtusroyalecommelaforcequiapermisauroides’opposer
victorieusementà ses ennemisconjurés, une forcedivine qui le metau-dessus de
l’humanité. Charles IX se proclamait ainsi le roi de l’obéissance absolue,
l’ordonnateurdelathéophanieanticananéennequ’ilcaptaitàsonprofitpournepas
apparaître comme ayant été indifférent à la volonté divine. Fondamentalement
alors,lalettreT,placéeàdroitedelacouronneroyale,évoquaitlacroixdeJésus-
Christdontleroiétaitditêtreledéfenseursurterreparcequ’ilvenaitd’endéfendre
lamémoirecontresesennemis29.
Les « Noces de sang », dans ce contexte, deviennent l’œuvre de Dieu qui a
éprouvélafidélitédesonpeuple,elles sonteneffetadvenuesselonl’avocatLouis
Dorléans parce qu’elles ne pouvaient qu’advenir30. Elles ont été l’instant d’une
réalisationprophétiquedeDieu,de«lavengeanceduSeigneur».Ilfautlesglorifier
parce qu’elles sont la gloire de Dieu. Jamais, en conséquence, un catholique ne
pourra accepter de condamner « une choze, en laquelle la necessité, la raison,
l’utilité, et l’honneur ont une liaizon tres etroite. Vraiment, Messieurs les
calvinistes,jevousdemande,s’ilestbienseantaunhuguenot,crueletinhumainde
nature,deprecherauxcatoliquesladouceuretl’honeteté:etquelui,quiestrebelle
asonRoi,nousrecommandelerespectquelondoital’autoritéduRoi».
LaSaint-Barthélemyseraitprimordialementuninstantdetensionthéophanique.
Elleseraitàréférerd’undésirdetranscriptiongestuelle,dansl’espaceparisien,de
l’Ancien Testament, qui serait une autre des « structures » du crime. Elle est
divinementsalvifique,etc’estDieuquiaparléetagiàtraverslesgestestueursdans
cequiestunretouràla«scèneoriginelle»fondésurJoël2,2:«Cejourestant,
comme dit le Profete, un jour de courous, de tribulation, et d’angustie, jour de
calamitéetdemizere,jourdetenebresetd’obscurité,jourdenuagesetdetonnerre,
pourabaisserl’orgueil,etchatierlesinsolancesdesHeretiques;c’estoitcejourque
Malachieavoitpredit,qu’ilviendroitunjouralumercommeungrandfeu,auquel
touslessuperbesettouslesmechansseroientdevorezcommepaille.»Ilyaeuun
«sacrifice»présentéàDieu,etc’estentermesd’un«propiceholocauste»,quiaété
offertpourtouslespéchésdelaFrance,quelaviolenceesthistoricisée,lesimpies
de l’Ancien Testament devenant les hérétiques du présent. Chaque mot est
importantetc’estencoreMoïsequisetienticidansl’ombre,parletruchementdu
Lévitique 1, 1-17 relatant le sacrifice exigé par Dieu et symbolique d’une volonté
d’être«agréableàl’Éternel»;ilyaeuuneimmolation,symboliquedel’éradication
desméchantesâmesquinevivaientquedansunimaginairedesang,dedévoration,
dehaineduvraiDieu.
Touts’est passé aussi commesi l’esprit de David avait étéprésent dans Paris, et
c’est le psaume LXII, 10-12 (LXIII), ponctuellement réinterprété selon une
traductionorientée,quiestcitéparl’avocatligueur.
C’estenvainqu’ilsontfaitamonamelaguerre,
Carilsserontjetezauprofonddelaterre,
Onlesverratomberautranchantducouteau,
Enmorceauxdesrenardsontailleralapeau;
EtleRoiquiverramerveillessiestranges,
S’ejouissantenDieu,publiraseslouanges:
Onprizeratousceuxquienluiontjuré,
Caralorsdesmechanslebecseramuré.

La vengeance a eu lieu, et l’événement n’est pas réductible au « desir des
hommes », comme le dit Louis Dorléans. Dans les jours qui voient la fin de la
tension parisienne d’agression massacrante et sa captation par le pouvoir
monarchique,estrapportéunprodigequisignifielesgrâcesdeDieurevenuessur
Paris:«Etcequireinemèrelapartqu’ilprenoitauchatimentdesHeretiques,c’est
que l’on executa Briquemault et Cavaignes, combien qu’il fut fort tart, et que
chacunpensatlesoleilestrecouché:siest-cequesoudainillançaunraion,afinde
voirmourircesdeusgarnemens,vraispiliersetetançonsdelacausedeSathan,et
les deux ennemis conjurez du roi et du roiaume. » N’est-ce pas alors le soleil de
justice de Malachie qui éclaira la scène ? Ou plutôt ce rayon ultime mais
sotériologiquene met-il pas fin, dans l’imaginaire, à uneséquence trouble durant
laquelle les prodiges n’annonçaient que des dangers pour le royaume de France ?
Paris,audébutdel’année1572,avaitétéeneffetsignificativementlethéâtred’une
de ces violences au ciel qui pouvaient annoncer un péril d’agression protestante.
Ainsi,le15janvier1572,danslaprofondeurobscured’unenuitsanslune,ilyavait
eulavisionsoudained’une«clartéaussigrandeques’ileustestélapleinelune».
Deux heures durant, tous les Parisiens avaient assisté à un prodige qui prédisait
que,souspeu,leshommesatteindraientuntempsdeconflitsexacerbés.Desscènes
decombatsetdeguerresavaient étévuesparlesParisiensencore éveillésdansle
ciel,desscènesdontilsnepouvaientalorssavoirsiellesprésageaientletriomphe
delafoicatholiquesurl’hérésieoulavictoiredeSatansurceuxquisedisaientles
vrais catholiques : « Récitèrent que au ciel ilz veirent deux troupes d’hommes en
assez grand nombre, fiers et orgueilleux, une troupe contre l’aultre, de chascune
desquellessortitunghommequibaillèrentlecombatl’ungàl’aultre,lesaultresles
regardans 31. » Plus immédiatement, il y avait eu le fait sensible du prophétisme
d’une«nonneoubéguine»ayanterrédanslacapitaleautourdu15août1572et
ayant prédit l’anéantissement de Paris si ses habitants ne tuaient pas tous les
hérétiques;ilyavaiteuencoredespublicationsprophétiquescommel’Histoiredes
persécutionsde l’Églisechrestienneetcatholiquefaisantunamplediscoursdesmerveilleux
combatzqu’elleasoustenues…quePierreBoiastuauavaitéditéeenjanvier1572pour
inviter le lecteur à prendre connaissance de la vanité de la « gigantomachie des
tyrans et heretiques » face à l’extermination que le « Dieu des vengeances » a
toujours pratiquée ça à l’égard de ceux qui se ralliaient à Satan : annonce d’un
châtiment de Dieu imminent, appel à ce qu’il extermine les méchants et
désobéissants.
Revenonsàlaporterougedelamaisondutireurd’or:cetteporten’aurait-ellepas
été,pourceluiquiauraitétéunzélémassacreur,uneprotectioncontrel’Angedela
Mort ? N’aurait-elle pas proclamé aussi le devoir de sang contre des huguenots
accusésd’avoir,parleursatrocitésiconoclastesetlestueriesdeprêtres,recrucifiéle
Christ en brisant des autels qui étaient le « siège du corps et du sang de Jésus-
Christ32  » ? N’aurait-elle pas été, au cœur de Paris, un signe appelant à
l’actualisation prophétique de la « scène originelle » et à l’accomplissement d’un
devoirderachatdesâmesfidèlesparlesangdesennemisdeDieuquiontverséle
sangduChristendécapitantdescrucifix,enpiétinantdeshostiessaintesouenles
jetant dans la fange ? Ne faudrait-il pas alors imaginer que cette porte rouge
évoqueraitl’AlliancesurleMontSinaï(Exode24,2),lesymboled’uneespérancede
régressionmiraculeusejusqu’àl’instantd’avantlascèneoriginelle?«Moïsepritla
moitiédusangetlamitdansdesbassines,etavecl’autremoitiéilaspergeal’autel.Il
pritlelivredel’allianceetlelutenprésencedupeuple.Ilsdirent:«Nousferons
toutcequel’Éterneladit,nousyobéirons.»Moïsepritlesangetenaspergeale
peupleendisant:«Voicilesangdel’alliancequel’Éternelaconclueavecvoussur
labasedetoutescesparoles».»Laporterougedelamaisond’untueurdelaSaint-
Barthélemyseraitl’emblèmedelascèneoriginellequ’estlaconfrontationdeMoïse
auVeaud’oretsymboliseraitledevoirdebasculementdechacundanslemassacre,
allant,s’illefaut,jusqu’àfrapperceluietcellequiestauplusprochedesonpropre
sang. Elle vaudrait donc prière pour que revienne le temps des bénédictions
divines:«Moïsevitquelepeupleétaitenpleindésordreetqu’Aaronl’avaitlaissé
dans ce désordre, exposé au déshonneur parmi ses ennemis. Moïse se plaça à
l’entréeducampetdit:“Quiestpourl’Éternel?Qu’ilvienne”,etilleurannonça:
”Voicicequeditl’Éternel,leDieud’Israël:Quechacundevousmettesonépéeau
côté.Traversez et parcourezle camp d’uneentrée à l’autre etque chacun tueson
frère,sonprochain,sonvoisin”33 .»

Desdésirsdetuersurgisdel’imaginaire
Le mieux serait alors de conclure autour de deux petits épisodes : il y a d’abord
une donnée factuelle qui concerne l’arrivée à Paris de la nouvelle du massacre
advenu à Vassy le 1er mars 1562 et qui confirmerait la structure que semble être
l’invariant assmannien : les ministres protestants dénoncent immédiatement une
« impiété la plus grande et la plus cruelle du monde » tandis que la reine mère
reçoitplaintessurplaintesprovenantdeschefsdupartihuguenot.C’estparcetacte
ques’ouvresoudainletempsd’uneviolenceparisienneabsolumentnécessaire,agie
sousuneemprisemosaïque:
Lespredicateurscatholiquessoustenoientquecen’estoitpointdecruauté,lachoseestantadvenuëpourle
zeledelareligioncatholique:etalleguoientl’exempledeMoyse,quicommandaàtousceuxquiaymoient
Dieu,detuersansexceptiondepersonnetousceuxquiavoientpliélesgenouxdevantl’imaged’or,pourluy
fairehonneur,etaprèsqu’ilseneurenttuétroismille,ilditqu’illeurdonnoitsabenediction,etlaPrelature
detoutlepeuple,pouravoirconsacréleursmainsausangdeleursfrerespourleservicedeDieu34.

Nous sommes ici au tournant liminal des premières violences collectives
parisiennesetdudébutdelaguerrecivile,etleVeaud’orestlà,devantlepeuplede
Paris!Lesprédicateursaffirmaientenoutre 35que«JehuRoydeSamariefitmourir
pourmesme zele deuxRois et centdouze Princesde leur sang,et fit mangeraux
chienslaRoineJesabel,etayantfaitassemblertouslesPrestresidolatres,feignant
estredeleurReligion,illesfittoustuerdansleTempleparlecommandementde
Dieu : dequoy il reçût sa benediction, et ses enfans heritiers du Roy jusques à la
quatriesmegeneration,pouravoirvengél’honneurdeDieu36 ».
Unesecondedonnéedoitêtremiseenexergue.Le7janvier1558,doncbienavant
lesVêpresparisiennes,unprivilègeduroiavaitétédonnépourlapublication,chez
l’imprimeurClaudeFremy,delaResponceàquelqueapologiequelesheretiquescesiours
passésontmisenauantsouscetiltre:Apologieoudeffensedesbonschrestienscontreles
ennemisdel’Églisecatholique.AuteurAntoinedeMonchi,surnomméDemocharesdocteur
en théologie à la Sorbonne. Cet ouvrage fixait pour ainsi dire les règles du jeu qui
devaientêtreintérioriséesparles«bonschrestiens»encestempspérilleuxoùils
voient les « vrays heretiques » se multiplier pour la plus grande joie de la
« puissance du diable » : « Le blasphémateur du nom du Seigneur est digne de
mort»,ditAntoinedeMouchyencitantLévitique24,16,avantdepoursuivresa
démonstrationenlaisserparlerMoïseparletruchementdeDeutéronome13,1-5
rendantl’instantbibliquedramatiquementprésent:
Siaumilieudetoys’esleveunprophete,ousongeurdesonges,lequeltedonnersigneoumiracle.Etquele
signeoumiraclequit’apredict,advienne:etqu’iltedise:cheminonsapresd’autresdieux,lesquelsvous
n’avezcongneu, et servons à iceux: tu n’escouteraspas les parolles dece prophete, ou dece songeur de
songes.CarleSeigneurvostreDieuvoustente,poursçavoirsivousaymezleSeigneurvostreDieudetout
vostre cueur,et de toute vostre ame. Vous cheminerez apresle Seigneur vostre Dieu, et le craindrez, et
garderezsescommandements,etobeirezàsavoix,etleservirez,etvousadioindrezàluy.Maisceprophete
là,oùcesongeurdesonge,seramisàmort:carilaparlépourvousdestournerduSeigneurvostreDieu
(quivousatirédupaïsd’Égypte,ett’arachetédelamaisondeservitude)etpourtepoulserhorsdelavoie,
laquelletonSeigneurDieut’acommandéepourycheminer.

LedocteurdeSorbonnerêvedéjàd’ungrandholocaustequirépondraitàl’amour
exclusifexigéparDieu:sidansunedescitésqueDieuadonnéespourydemeurer
auxsiens,ilapparaîtquedescitoyensontétéséduitspardes«hommespervers»,
« tu battras griesvement les citoyens de ceste cité au tranchant de l’espée et tu
destruirasentierement ladicte cité, et tout ce qui y est, et le bestiald’icelle, par le
tranchant du glaive ». Et la cité sera brûlée. Et également l’enfant arrogant qui,
contrelavolontédesesparents,transgresseralecommandementdeDieu,méritera
la mort. Surtout Antoine de Mouchy en vient à citer Exode 32, évoquant Moïse
commandantdetuerlesidolâtresenproclamant:«QuiestduSeigneur,vienneà
moy.EttouslesenfansdeLevi,s’assemblerentversluy,auxquelsildit:Ainsiditle
seigneur aux enfans d’Israel : Mette un chacun son espée sur sa cuisse : passez et
repassezdeporteenporteaucamp,etchacundevoustuësonfrere,sonami,etson
prochain.EtlesenfansdeLevifeirentselonlaparolledeMoyse:etencejourlà
tombèrent du peuple, environ trois mille hommes. Et Moyse dit : Vous avez
aujourd’huyconsacrévozmainsauSeigneur,unchacunsursonfilsetsursonfrere,
àfinqu’aujourd’huyvoussoitdonnéebenediction37.»
Toute l’écriture d’Antoine de Mouchy est ici un immense dispositif de
justification de l’annihilation des hérétiques38. Dès 1558, il produit un intense
travail de publicisation dans ce tournant capital d’avant-guerre de religion :
réédition de la Response à quelque apologie en 1560 chez Claude Fremy, et surtout
intégrationdumêmetexteensuited’uneHistoirecatholiquedenostretemps,touchant
l’estat de la religion Chrestienne, de Simon Fontaine, en 1558 et 156039. Et d’autres
opuscules savants défendant la présence réelle, l’institution de la messe 40, une
éditionduDecretdeGratien,leConciledeTrenteauquelilaprisparten1562dans
lasuiteducardinaldeLorraine.
Un instant décisif venait donc, dès avant que la guerre de Religion ne débute,
comme au-devant des hommes ; tel semble, encore et toujours, être le contexte
paniqued’uneSaint-Barthélemyàlaquelletousles«bonscatholiques»,animéspar
uneculpabilitépousséeàl’extrême,devaients’êtrepréparésenimaginationdepuis
delongsmois,encouragésparcesopusculesetd’autres,commelelibelleL’origineet
sourcedetouslesmauxdecemonde.
Sonauteur,leprêtreArtusDésiré,s’appesantitsurlareprésentationd’uneFrance
envahie par la surabondance des vices et des péchés, dénaturée par des
déguisements qui, inversant l’ordre même de la Création, font prendre la femme
pourl’homme et l’homme pour la femme. Tout estnoir et diabolique dans la vie
humaine,uneviecaractériséeparl’impudicité,l’orgueildesenfants,lapropension
immodérée de tous au péché charnel. Les hommes se perdent dans un « temps
misérable que tous les diables sont déchaignez par tout nostre Royaume de
France », et ils doivent en prendre conscience s’ils ne veulent pas être engloutis
collectivementparlafureurlégitimedeDieu.ArtusDésirécomparel’indifférence
présentedupeupleauxnombreuxavertissementsqueDieuluiaadressés,depuisla
mort d’Henri II à celle de Pharaon, jadis insensible aux admonitions de Moïse et
puni par l’engloutissement de sa puissante armée dans les flots tumultueux de la
merRouge.
Etpourtantlescalamitésn’ontcessédeparleràtous,grandsetpetits,delacolère
deDieu,s’exclamelepolémiste-prophète;ellessontlamaindeDieuirritéparles
blasphèmes,leshérésiesetparl’infidélitétoujoursplusgrandeàSaLoi.Froidures
et famines que le royaume a connues et vient de connaître s’interprètent à la
lumièredesparolessaintesdeJérémie:«Pource(dict-il)quevousavezdélaisséma
loy,etn’avezvoulucheminerenicelle,aulieudepainjevousferaymangeralluyne
trèspuanteetamère,etvousdonneraypourbreuvage,eaüed’amertumeetdefiel,
ce que nous avons veu en ce règne misérable et calamiteux, de plusieurs pauvres
gens,quiontestécontraintsparladictefamine,manger(commedictest)lagraine
d’ivrayeetautresherbeschampestres41 .»
Lagrandequestionestcelledesraisonsdel’iredivine.ArtusDésiréyrépondaiten
soutenantquedansletempsprésent,contrelavolontédeDieu,lesméchantssont
exaltés,àcommencerparleshuguenotsschismatiquesquiattirentsurlepeuplela
malédictiondeDieuetquiontlapermissiondevivreauxcôtésdesbons.Maisles
hérétiques ne sont pas toute l’abjection d’une humanité impie, ils ne sont pas sa
plénitude de mal. La colère de Dieu est dirigée aussi contre les prélats qui ne
mènentpasuneviesainte,contrelesroisquinesuiventpaslesconseilsdel’Église
catholique, contre les nobles, les marchands, les artisans et les laboureurs, les
enfants. Est décrite une société sans charité, sans amour du prochain, mue
uniquement par l’orgueil et l’ambition et agitée par la haine de Dieu, est décrite.
TouslesÉtatssontremplisd’abusetd’impiétés.Lafaute,donttémoignelacolère
divine, ne pourra se résorber que dans l’extermination des hérétiques, première
phased’unegrandeœuvrederéformationdeshommesaudésirdeDieu.
Laprisedeparoled’ArtusDésirésefaitalorsprophétique,quandilrevendiquede
laisser parler le petit prophète Joël prédisant l’imminence du Jour de Dieu et
appelantlepeupled’IsraëlàcrierversDieusarepentance:«Lespèresmangeront
degrand rage et famineleurs propres enfans.» Les tribulationset angoisses sont
destinéesàfaireprendreconsciencedelanécessitédel’amendement.Ilfautqueles
fidèles se décident enfin, sous peine de damnation éternelle, à sortir de leur
sommeilàDieuenrompantaveclepéché,etilfautque,danslemêmetempscourt,
danslamêmeéchéancetrèsbrève,le«brasdejustice»duroicorrigeetréprime
décisivement et sans compromission « les grandes blasphèmes et hérésies de son
Royaume».
L’intéressant n’est-il pas, ici, cette césure immédiate que Dieu, celui que David
nommeleDieudesvengeances,exige,etquidoitaccorderuneviolencecollectiveà
uneviolenceroyale?PourArtusDésiré,letriomphedeDieus’approche,et,onle
voit,pourluiaussi,toutledevenirgraviteautourdel’attented’uneviolencequine
peutqu’arriver.
C’est dire que les Parisiens furent peut-être moins surpris qu’on ne le pense
d’entendre,autoutpetitmatindelaSaint-Barthélemy,cescrisquileurparaissaient
proclamer que le roi commandait de tuer tous les hérétiques et qui ne pouvaient
quelesappeleràsejoindreàcetteœuvredivine.
Peut-être furent-ils même plutôt soulagés de savoir que le temps angoissant de
l’attente était fini et que, dans les gestes que le roi semblait leur ordonner à tous
d’accomplir,enfinilsallaientpouvoirdireàDieudirectementleurextrêmefidélité
et leur retournement intense d’amour à lui. Un phénomène de fermentation
prophétique, de crispation collective autour d’un pressentiment diffus et
angoissant,auraitpropulséouhappélasociétémilitantedeDieudanslaviolence.
Silemassacrefutsansdoute«improvisé»,pourreprendrelaformuledeNicolas
LeRoux,il étaitnéanmoins commepréjoué danslespsychés angoisséesd’unbon
nombre de catholiques parisiens, disponibles à projeter les prémonitions et les
attentes qu’ils vivaient intérieurement dans un théâtre gestuel sanglant et à
surmonter leurs angoisses sotériologiques en devenant des guerriers de Dieu
vainqueursd’undiableidolâtrépardeshérétiquescommejadisleVeaud’or42.Des
guerriers opérant dans une ville qui portait en elle le mythe d’une nouvelle
Jérusalem, des guerriers s’abandonnant à ce qu’ils imaginaient être leur devoir de
foidansunPariscriminel?
En histoire, ne faut-il pas distinguer deux scènes latentes dans le cours de
l’événement-panique en instance de perpétuation, la première étant celle des
fantasmesetdesangoisses,lasecondecelledeleursprojectionscriminelles?Deux
scènes que l’on peut deviner s’être emboîtées lors des plus grandes tragédies du
passé, mais disponibles à participer aux drames encore inaccomplis du présent
commedufutur.

1.JanAssmann,Moïsel’Égyptien.Unessaid’histoiredelamémoire,Paris,Aubier,2001.
2.Exode32,26-29.
3. Id., Le Prix du monothéisme, Paris, Aubier, 2007, p. 9. Une approche que Jan Assmann a nuancée dans
l’ouvrageprécédemmentcité.
4.AntoinedeMouchy,Responseaquelqueapologie…,op.cit.,p.9.
5.JeanTalpin,RemonstranceàtousChrestiensquisesontseparezdel’ÉgliseRomaineparopinionqu’ellen’estpointla
vraye Église : Et qui pour crainte d’avoir faict le serment et profession de la nouvelle pretendue religion, n’osent s’en
retirerneretourner,Paris,NicolasChesneau,1567,p.108.
6.ThéodoredeBèze,op.cit.,t.I,p.248.
7.Mémoiresd’uncalvinistedeMillau,op.cit.,p.14.
8.ThierryAmalou,«L’imaginairedelaguerresainte…»,art.cité,p.54.
9.Ibid.,p.55.
10.Ibid.,p.60.
11.Ibid.,p.63.
12. Simon Vigor, Sermons catholiques sur les Dimanches et festes depuis l’onziesme après la Trinité jusques au
Caresme…,2vol.,Paris,NicolasduFossé,1597,t.II,p.393.
13.Nombres11,25.
14.SimonVigor,SermonscatholiquessurlesDimanchesetfestesdepuis…,op.cit.,t.II,p.342-344.
15.JeandelaVacquerie,RemonstranceaddresseeauRoy,auxprincescatholiques,etatousmagistratsetgouverneurs
deRepubliques,touchantl’abolitiondestroublesetemotionsquisefontaujourd’huyenFrance,causezparlesheresiesqui
yregnentetparlaChrestienté,Lyon,BenoitRigaud,1574(premièreédition,1560),p.36-37.
16.ArtusDesiré,LesRegretsetcomplainctesdePassepartoutetBruitquicourt…,Paris,PierreGaultier,1557,n.p.
17.FrèreHilarion deCoste, LeParfaitecclésiastique oul’Histoirede lavie etdela mortde FrançoisLe Picart…,
Paris,SebastienCramoisyetGabrielCramoisy,1658,p.30-39.
18.Dt22,22-24.
19.Th.deBèze,op.cit.,t.I,p.166.
20.ClaudeHaton,op.cit.,F.Bourquelot(éd.),t.I,p.137-140.
21.Th.DeBèze,op.cit.,t.III,p.69.
22.Pierre Dyvolé, Dixsermons de la sainctemesse et ceremoniesdicelle. Recueillissous feu de bonnemémoire M.
PierreDyvolé,docteurenthéologie,del’ordresainctDominique,ainsiqu’illesaprononcezàChartres, Paris,Nicolas
Chesneau,1577,n.p.
23.AntoinedeMouchy,Responseaquelqueapologie…,op.cit.,p.10-13.
24.Lévitique21,9.
25.SimonVigor,Sermons…CaresmeetFéries…,op.cit.,t.II,p.155-156.
26.Ibid.,t.II,p.74-88.
27.Ibid.,t.II,p.306.
28.Ibid.,t.II,p.26.
29.DenisCrouzet,LaNuitdelaSaint-Barthélemy…,op.cit.,p.535.
30. Denis Crouzet, « Louis Dorléans ou le massacre de la Saint-Barthélemy comme un “coup d’estat” : à
proposd’unmanuscritinédit»,inConflitspolitiques,controversesreligieuses.Essaisd’histoireeuropéenneaux XVI e-
XVIIIe siècles. MélangesoffertsàMyriamYardeni,OuziElyadaetJacquesLeBrun(dir.),ParisetHaïfa,Éditionsde
l’EHESS,2002,p.77-99.
31.ClaudeHaton,op.cit.,t.I,p.973.
32.GabrieldeSaconay,DiscoursdespremierstroublesadvenusàLyon…,parMichelJove,Lyon,1569,inArchives
curieuses de l’Histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XIII, Louis Cimber et Félix Danjou (éd.), Paris,
Beauvais, 1835, 1re série, t. IV, p. 217-342. « Vostre fureur les a tous ou razés, ou transportés. Que si, par
jugement plein d’envie, nous vous semblions polluz et indignes, qu’est-ce que Dieu vous avoit fait qu’on a
accoustuméd’invoquersurlesautelz?EnquoivousavoitoffenséJésus-Christ,dequel(parcertainintervalle)le
corps et sang habitait là ? Pendant que malheureusement vous perséquutez noz mains là où habitoit Jésus-
Christ,voussouillezlesvostres?»
33.Citationd’Exode32,27.
34. Michel de Castelnau, cité in Laurent Ropp, « Des tueries horribles. Les violences religieuses dans la
France du XVI e siècle selon les mémorialistes », Cahiers de l’équipe de recherche Arts, civilisation et histoire de
l’Europe,2019,14-15,p.39-57,p.42.
35.3Rois10-12.
36. Les memoires de Messire Michel de Castelnau : seigneur de Mauvissiere, illustrez et augmentez de plusieurs
commentaires&manuscrits,servansàdonnerlaveritédel’histoiredesregnesdeFrançoisII.CharlesIX.&Henry III.&
de la regence & du gouvernement de Catherine de Medicis avec les eloges des rois, reines, princes & autres personnes
illustres de l’une et de l’autre réligion sous ces trois regnes, l’histoire genealogique de la maison de Castelnau, et les
genealogiesdeplusieursmaisons,ÀBruxelles,chezJeanLeonard,1731,p.82.
37. Antoine de Mouchy, Histoire catholique de nostre temps, touchant l’estat de la religion Chrestienne, par S.
FontainedocteurenTheologie.AvecuneresponseàquelqueApologiequelesheretiquescesjourspassezontmisenavant,
ÀParis,chezClaudeFremy,1558.
38. Denis Crouzet, « Le devoir d’obéissance à Dieu : imaginaires du pouvoir royal »,Nouvelle revue du
XVI esiècle,2004,vol.22,p.19-47.
39.AntoinedeMouchy,Histoirecatholiquedenostretemps…,op.cit.,p.10-15.
40. Thierry Amalou, « Les listes épiscopales d’Antoine de Mouchy : enseignement, autorité doctrinale et
controversesreligieusesenSorbonneau XVIe siècle»,inLeTempsdeslistes.Représenter,savoiretcroireàl’époque
moderne,GregorioSalineroetMiguelAngelMelonJimenez(dir.),Bruxelles,PeterLang,2018,p.469-497.
41.Alluynepourabsinthe,amertume,«…Etletroisièmeangesonna…Alorstombaducielungrandastre,
commeunglobedefeu.Iltombasurletiersdesfleuvesetlessources;l’astresenommeAbsinthe:letiersdes
eauxse changeadonc en absinthe,et biendes gensmoururent de ceseaux devenuesamères », Ap 8, 10-12,
l’annoncedeladévastationd’Israël.
42.NicolasLeRoux,LesGuerresdeReligion,Paris,Belin,2022,p.153.
CONCLUSION

Anachroniserpourcomprendre

Je souhaite fermer ce livre en évoquant un texte rédigé outre-Manche il y a un
peu moins de deux siècles. En février 1836, La Revue britannique publiait en effet
danssa rubrique« Histoire »un article trèsérudit sur «Le massacre dela Saint-
Barthélemy1 », qui reprenait les grandes lignes d’une contribution parue en 1826
dansl’EdinburghRevieworCriticalJournal,unerevuepolitico-littérairedesensibilité
whig.L’auteur,JohnAllen,masterduCollegeofGod’sGiftdeDulwich,selivraità
unecritique férocede la réflexion conduitepar le prêtrecatholique JohnLingard
danslevolumeVIIdesonHistoryofEngland2quin’étaitrienmoins,selonlui,qu’un
tissu d’erreurs reposant sur des documents surinterprétés ou ne faisant pas le tri
parmidetropnombreusesfalsificationsfactuelles.L’articlecommençaitparattirer
l’attention des lecteurs sur l’ancienneté d’un débat touchant aux causes d’un
massacreayantmarquél’histoirefrançaiseetcontinuantàlamarquer;undébatqui
ne cessait d’être en effet réactualisé et rediscuté avec virulence. Le problème que
l’histoire,selonJohnAllen,auto-fabriquaitetsur-valorisaitdanslecasdelaSaint-
Barthélemy était celui de l’indiscernabilité du vrai et du faux, du fait de l’effet
perversd’unprimatdonnéaulangageet,biensouvent,d’unevolontédemontrer
qu’au XVIe siècle les idées réformées avaient été partout une catastrophe ! La
multiplication des ouvrages généraux ou des contributions ponctuelles ne faisait
querecréerinlassablementduconflitdanscequiavaitétéuneterrifiantetragédie
agonale, comme si l’histoire ne pouvait être mise sous tension de restitution que
dans une mimétique de son objet même, une tension de destruction ou de
dévastationdelafacticitéetdesa«vérité».
Surtout, mettant l’accent sur ce qui était à ses yeux une spécificité du travail
d’historicisation de l’événement des Vêpres parisiennes, soit l’impossibilité de
laisserlesvictimesreposerenpaixenleurvolantenquelquesorteleurdroitàun
repos serein, le texte paru dans La Revue britannique se proposait d’exprimer une
désillusion liée à un effet pervers : tout se passait comme si la mort, que les
assassinésde1572avaitépouvantablementsubieàPariscommeenprovince,leur
était refusée obsessionnellement, dans la mesure où elle ne parvenait à être
expliquée que dans des cadres divergents et conflictuels au cœur desquels était
poséelaquestionanachroniquedubienoudumalinhérentàlaRéforme.
Ainsileurmortn’étaitpas«leurmort»,elleneleurappartenaitpaspuisqueleurs
cadavres continuaient à être métaphoriquement déchirés par la zizanie
d’explicationsdiscordantes,qu’ellesviennentdeceuxquiavaientdéclenchéousubi
l’entreprise mortifère du massacre ou des récits partisans de ceux qui avaient
raconté l’événement après coup, depuis ses lendemains jusqu’à encore tout
récemment dans les premières décennies du XIX e siècle. Dès lors que la mort qui
s’était déchaînée dans Paris ne s’expliquait pas, les massacrés se voyaient interdit
l’accèsaureposultimequiauraitdécoulépoureuxdesavoirpourquoi,parqui,et
comment avait été programmée et exécutée la violence dont ils avaient été les
victimes.
La Revue britannique concluait que « le massacre de la Saint-Barthélemy était
encore un problème historique. Jamais événement ne justifia davantage le
scepticismedansl’histoire».L’histoire,était-ilpréciséparJohnAllenquis’avérait
icisansdouteunlecteurdeHumeencequ’ilinsistaitsurlafaillibilitédelaraison,
se retrouvait, quoi qu’il arrive et malgré toutes les tentatives concurrentes des
historiens, bloquée au bout d’impasses successives qui faisaient que tout ce qui
pouvaitêtreécritétaitaussitôtremisencauseetquedoncles«restes»decetemps
du passé, évoqués sous forme de témoignages apparents ou de fabrications
polémiques par les sources d’époque, étaient comme désignifiés et dépouillés de
toute vérité du fait du jeu incessant d’une tectonique des plaques
historiographiques.Onlevoit,laSaint-Barthélemy,danscetteoptique,pourraitse
retrouver incluse dans « une catégorie historiographique » dont elle devenait un
paradigme,«qui,d’unemanièregénérale,peutsedéfinircommelerefusraisonné
detouteconnaissancedetypehistorique,danslamesureoùcelles-cisefondentsur
desdonnéesintrinsèquementsujettesàcautionparcequ’elleséchappentàlafoisà
l’expériencesensibleetàl’évidencemathématique3».
Le dissensus régnait depuis toujours et souvent de manière agressive, parmi les
historiens,et necessait denier ou de réduireà néant touteffort de miseen récit
cohérentd’autantquelesocledocumentairedemeuraitinstableetavaitététoutde
suite,dèssaformation,sapédanssesfondations:«Remontezauxsources,écoutez
lescontemporains:ilsnes’entendentsuraucunpoint4 .»L’histoireparaissaitainsi
encombréede chimériques mensongeset de rémanentes obscuritésqui cachaient,
«presquetoujours», «lesmobiles desactionshumainesdansles profondeursles
plus abstruses ». Elle était comme égarée ou dissoute dans la multiplication des
reconstitutionset«detantderomans»ayantentouréde«leursnuages»unpassé
devenu comme introuvable parce que soumis à des logiques hypercritiques ou
surimaginatives5 .L’histoirerisquaitdenerienpouvoirdiredepertinentpuisqu’elle
avaitsubidepuisledébutetcontinuaitdesubirunecorrosionimplacableparl’effet
d’elle-même.
On pourrait être aujourd’hui aussi pessimiste que l’historien anglais. Mais il est
nécessaired’allerunpeudel’avantetdemarquerdesdistancesparrapportàcequi
seraitlatentationdudoute.Enachevantmarecherche,jen’aienaucunemanière
voulu faire l’apologie du pyrrhonisme en parlant d’histoire « possible ». J’ai juste
tentédedireque,pourtraceruncheminementdansl’ombredesnuitsetdesjours
de la Saint-Barthélemy, il fallait dépasser l’épistémologie facticiste, enfermée sur
elle-même et sur une critique sans fin des sources, en tentant de recomposer de
manière « immersive » et émotionnelle le puzzle des imaginaires individuels et
collectifs et en sachant par avance que le résultat ne serait qu’incomplet et donc
probabiliste6.
J’ai alors rencontré, avec des glissements dans l’effroi, un monde intensément
criminel,aussibienàlaCourqu’àlaVille,unmonded’assassins,lesunsemportés
vers le crime par une attention donnée à la « nécessité du temps » et à une
philosophe de l’Amour, les autres se soumettant au devoir de tuer que la
Transcendance semblait leur ordonner et se présentant pour certains comme des
saints.
Mais, en un temps où montent toujours plus en puissance le refus haineux de
l’autreetl’hystérisationnarcissique desoi-même,il n’estpeut-êtrepas absurdede
promener un récit d’histoire du XVI e siècle, de la fabrication d’une « illusion
solitariste»jusquedanslesextrêmeslespluscriminelsoùpeutavoirjadisemmené
lanégationdel’humain.Toutcommeiln’estpasinconséquent,ainsiquecelivrea
aspiré à le montrer, d’observer que l’histoire est scandée de recommencements
effrayants, terriblement proches de nous, et qu’un massacre tel que celui qui
ensanglantaParissurlafinaoût1572peutsecomprendredanslecadredynamique
d’autres événements criminels s’étant déroulés dans d’autres cadres
spatiotemporels : ainsi, au plus proche de nous, doit être cité le pogrom de Lviv
(Lwów)7, qui intervint du fait de l’abandon de la ville par les Soviétiques et de
l’occupationallemandequisuivitdèsle30juin1941.Ilyeutladécouverte,surtout
dans une des principales prisons, de fosses dans lesquelles avaient été inhumés
plusieursmilliers d’Ukrainiens assassinés sommairement par le NKVD. L’hystérie
desmots,àl’initiativedesAllemands,prendalorslepouvoirenville,attribuantpar
letruchementdelarumeur,auxJuifsdeLvivlaresponsabilitédelatuerieenvertu
d’une rhétorique amalgamant le Juif, traître à l’Ukraine, et le bolchevique
envahisseuretoppresseur.
Cequisuscitasansdouteleprocessusdedéclenchementdupogromfutlamiseen
visibilité des présumés coupables qui durent, encadrés non seulement par des
Einsatzgruppen, mais encore par des miliciens membres de l’organisation
nationalisteukrainienne laplus radicale (OUN-B),exhumer les corpset les sortir
delaprisonsouslesyeuxd’unefouleappeléeàserassembler…Cettetechniquede
communicationfaisaitdel’antisémitismeuneémotionexigeantvengeanceàtravers
unmontagescéniquequidésignaitpubliquementceuxquidevaientêtrereconnus
commedescoupablesetsubirunchâtimentexemplaire.
Etensuite,filméouphotographiépardessoldatsetofficiersallemands,letemps
estàlaviolencecollectivequiperdureentrele30juinetle2juillet1941,suiviepar
une seconde scansion du 25 au 29 juillet, encadrée par des militants ukrainiens
agissantsouslecontrôlenazi,maispasseulement.
Thomas Chopard, en s’appuyant sur des photos complaisamment prises par des
spectateurspour mémoriserce quiétait un châtimentglorieux etnécessaire dela
culpabilitéjuive,nousrapproched’uneSaint-Barthélemydanslaquellenousavons
vouludistinguerunmassacredefoule:«Onnoteraaussiquesurlaphotographie
lesautreshommesquifrappentlavictimeaucentredel’imagenesemblepasporter
debrassardoudesignedistinctif.C’estlaparticularitéd’unpogromcommeceluide
Lviven1941:quiconquepeutyparticiper.L’absenced’arme,lecaractèrechaotique
delascènelaissetoutelatitudeauxpassantsdesetransformerenpogromiste.Sur
d’autres clichés, des enfants ou des femmes participent activement aux violences
antisémites. » La foule est là et entoure les femmes déshabillées par leurs
tortionnairesquilescouvrentde coupsetfont coulerleursang enlesflagellantà
coups de nerfs de bœuf, tirant aussi des corps d’hommes par les cheveux ou les
piedsetentassantdescadavresdansdestombereauxoucharrettes.Rejointepardes
élémentsdelapopulationpolonaisedelaville,c’estencorelafoulequiencourageet
applauditunenfantfrappantàcoupsdebalaiunJuif,sansdouteavantque,horsde
lavilleoudanslesprisons,desassassinatsdemasseaientlieu:4000victimes.
Comme l’a analysé Marie Moutier-Bittan, « on assiste non pas à des pogroms
spontanés, mais à des pogroms à la fois « spontanés » et planifiés. Il y a une
organisation qui les rend possibles. Une organisation et une histoire8 ». Ce qui
invite à poser l’hypothèse d’un paradigme du pogrom dans lequel, malgré l’écart
temporel,onpeutreconnaîtrelaSaint-Barthélemy,par-delàlareligiondestueurs
et celle des tués : il s’agit d’un désir collectif qui fait surgir la foule et la
métamorphoseenl’actriced’uncrime«incitéparlesAllemands,coordonnéparla
miliceukrainienne,etréaliséavecleconcoursdeshabitants».Etilyasurtoutune
judéophobiegravéedanslesconsciencesdepuisdelonguesdécennies,quiselibère
etsedésinhibesoudaindanslesrassemblementsd’hommesetdefemmesautourde
victimesjuivesisoléesaumilieud’unpeuplehurlantetvociférant.
Onsaitquedescomitésmunicipauxsesontforméslocalementdèsledépartdes
Soviétiques, dont les éléments structurants sont souvent l’instituteur et le prêtre
uniate, et qui comprennent aussi des femmes. On sait encore qu’il y a une
disponibilité collective préexistante à ce que le « peuple » se greffe sur les
démonstrationsdehainejudéophobiqueetbasculedansl’euphorieassassine.
Carlesphotosmettentenscèneunefoulequiritdeschâtimentsquisontimposés
auxhommescommeauxfemmescontraintsdes’agenouiller,jetésàterreetbattus
decoupsde bâtonoude maillet.Une foulequis’amuse decontemplerles visages
déchirésparlasouffranceouensanglantés,voire,onledevine,d’assisteràdesviols
publicsquand il est procédé à des chasses de femmes à moitié déshabillées et aux
regardsperdusdepeurdanslaruePompierska.
J’aimeraisciter ici le témoignage d’un survivant, mettant en exergue un homme
portantunechemisebrodéeetbattantlesJuifsavecunecanneenmétal:«Aufur
etàmesure,ilnefrappaitplusquelestêtes.Àchaquecoup,ilarrachaitdesbandes
de peau. Il a fait sortir les yeux de certaines personnes, et arraché des oreilles.
Lorsque sa canne a éclaté, il a immédiatement attrapé un gros morceau de bois
carboniséetfracassélatêtedemonvoisin.Lecrâneaéclatéetlecerveauaéclaté,
éclaboussantdanstouteslesdirections9 .»Probablement,lerelaisest-ilprisquand
les Juifs ayant survécu aux coups de pied, de poing ou de massue, sont conduits
horsdelavilleetassassinéspardesEinsatzkommandos.
Pourquoi achever ce livre sur ce pogrom, qui connaît une terrible réitération
quand, le 25 juillet 1941, ce sont des paysans des villages environnants qui
pénètrent en ville armés de maillets et de haches, et traînent, sous le regard
complaisantdelapolice,detrèsnombreuxJuifsaucimetièreisraélitepourselivrer
àunegrandetueriedemasseetsansdouteaccompagnésparlesprotagonistesdes
atrocitésrécentes?
Maréponse estque parfoisl’anachronisme peutpermettre decombler des vides
dans des temps engloutis de l’histoire et de réagir contre l’esprit de facilité
schématiquequiprésideauxsurinterprétations.LemassacredelaSaint-Barthélemy
est sous-documenté, et les raisons de cette aphasie, parmi lesquelles se laissent
deviner peut-être une culpabilité inconsciente, sont nombreuses. Nous ne
disposonsquedetrèspeudedonnéesfiablesàproposdecequis’estpassédurant
lesmatinesparisiennesetnoussommesbiensouventréduitsàunereconstitution
hypothéticodéductive. Le massacre est indissociable d’une chape de silence qui
concerneaussibienlestueursquelestués.Unmassacresanshistoire,ouàl’histoire
impossible. Les photographies et le film retrouvé par les Américains dans une
caserneSSd’Augsbourg10 ,aprèslaguerre,peuventdoncservirdepalliatif,mêmesi
une chape de silence s’est aussi étendue sur la Galicie orientale, où les fosses
communes creusées à l’issue des pogroms se multiplièrent dans les villages et
demeurentpourbeaucoupdépourvuesdemémorial.
Le recours à l’anachronisme11 peut venir en soutien d’une compréhension
plausible de ce qu’a été la Saint-Barthélemy du « peuple de Paris », une tuerie
acharnéemaisrestéetropsilencieuse,qu’onnepeutpasréduireà unmassacrede
voisins, géré par un petit nombre de tueurs en série. Il ne faut pas enlever aux
morts leurs destinées tragiques d’avoir été les victimes d’un « peuple » dont ils
faisaientpartiemaisquis’estacharnésureuxdansl’absolueetterrifiantecertitude
qu’ilfaisaitsonsalut.Ilnefautpasdénaturerlecrimede1572ensevoilantlesyeux
etdonc enréduisant sondéchaînement d’intensitéassassineinouïe ayantporté le
«peuple»parisienàtuer,àregardertuer,voiremêmeàattendreàdistancequela
furiepasse.Etl’anachronisme,ilfautleredire,peutaiderparadoxalementàdéfaire
lerisqueanachronistiquequineporteàlirelepasséquedanssasuperficie.
Surcertainesphotographiesprisesdurantcesjoursdel’année1941,ondistingue
unefoulemasséeenrangsserréslelongd’uneruedeLviv,contemplantavecune
évidente fascination des hommes qui frappent un Juif qui est à terre. Cette
configurationnepourrait-ellepasavoirétécelled’unPariscrimineloscillantentre
voyeurisme et assassinat ? D’autant que d’autres clichés montrent une autre foule
cette fois-ci encerclant des Juifs ou Juives de manière aussi physiquement
oppressanteque jubilatoire et les regardant subir des coups de pied, de bâton, ou
encore être piétinés… Est-ce que ce peuple de Lviv, ainsi figé dans des instants
dramatiquesde juin-juillet 1941 et par l’effet de la « levée d’écrou » découlantdu
recours à l’anachronisme12, ne peut pas aider à appréhender ce qui a emporté en
août 1572 Paris dans une des grandes atrocités de l’histoire française ? L’atrocité
terrifiantedumassacrenepeut-ellepasresurgirdecesphotosprisessurlethéâtre
d’uncrime d’un autre temps et d’un autre lieu,et donc déjouer l’œuvre de tueurs
ayant voulu que leurs victimes, enfants, vieillards, femmes, hommes, riches,
pauvres, disparaissent pour toujours sans qu’on puisse relater ce qui a pu leur
arriver?
Et ne faut-il pas accepter d’impliquer, dans la compréhension historique de
l’événementdesVêpresparisiennes,unepartd’imaginationsubstituantaumutisme
documentaireunpossibledel’histoireet,cequiestundevoirdel’historien,rendant
lesmortsàleursmorts…?Doncenprocédantàunelecturedupasséqui«arrache
l’objethistoriqueaucontinuumducoursdel’histoire13»?
Faire parler des événements dans le cours d’une manière de conversation
commune afin de les doter de la signifiance de l’inconscient d’un Mal qui sourd
aujourd’hui autour de nous, c’est ce que j’ai tenté de faire en fouillant dans les
silencesdelaSaint-Barthélemy.

1.Lesgrandeslignesdudéveloppementiciprésentésontempruntéesàuntexteantérieurementéditédansle
volume XLVl de l’Edinburgh Review or Critical Journal (juin-septembre 1826, p. 96-156). Il s’agit d’un texte
critique, sans nom d’auteur, des travaux développés dans John Lingard, A History of England from the first
InvasionoftheRomans,14vol.,Londres,J.Mawman,1825-1831,t.VII,p.94-156,quiavaitadoptélathèsedela
préméditationlongueets’étaitappesantisurlafiguredeCharlesIXentantqu’ordonnateurdumassacreayant
toutefoiseuunpetitmomentdeflottement.L’auteurdelarecensionestl’historienJohnAllen(1771-1843),qui
futmasterofDulwichSchool(CollegeofGod’sGift).
2.«Nousn’avonstrouvédanssonrécitdecettetransactionaucunemarquedediligenceouderecherche,et
de nombreuses indications évidentes de négligence et de hâte, d’apprentissage emprunté et d’indifférence
inexcusable à l’égard de l’exactitude historique. S’il avait lu avec attention, ou lu tout court, les ouvrages
auxquelsilfaitappel,iln’auraitpaspumallesinterpréteroulesprésenterdemanièreerronéecommeill’afait.
S’ilavaitprislapeined’examinerlesautoritésqu’ilcite,iln’auraitpaspurenvoyerseslecteursàdespassagesqui
prouventlecontrairedecequ’ilssontcensésétablir.S’ilavaitmêmeparcouruavecunsoinordinairelesauteurs
qu’ilsembleavoirconsultés,iln’auraitpaspurisquerlesaffirmationsqu’ilafaites,ou,danssondésirdedonner
un effet dramatique à une scène particulière de son récit, se risquer à la coloration qu’il a employée à cet
endroit. La vision que le Dr Lingard a donnée de la Saint-Barthélemy est tirée de l’abbé de Caveyrac, un
écrivaincontroversédusiècledernier,quiaannexéàuneapologiedelarévocationdel’éditdeNantes,publiée
en1758,unedissertationsurcemassacre…»(ils’agitdeApologiedeLouisXIVetdesonConseil,surlarévocation
del’éditdeNantes,pourservirderéponseàlaLettred’unpatriotesurlatoléranceciviledesprotestantsdeFrance;Avec
uneDissertationsurlajournéedelaSaint-Barthélemi,s.l.,1758,del’abbéNovideCaveyrac).
3. Mouza Raskolnikoff, Histoire romaine et critique historique dans l’Europe des Lumières. La naissance de
l’hypercritiquedansl’historiographiedelaRomeantique,Rome,ÉcolefrançaisedeRome,1992,p.16-17.
4. Revue britannique ou choix d’articles traduits des meilleurs écrits périodiques de la Grande-Bretagne, par
MM.L. Galibert, directeurs…, t.I, Quatrième série, 1836,Au bureau de la Revue,rue des Bons-Enfans, 21,
1836,p.201-202.
5.Ibid.,p.229.
6.J’emploieici«probabiliste»pournepasdérangerdansseshautescertitudesunhistorienqui,jadis,donna
un compte rendu de mon livre de 1994 en avançant que tout historien fait de l’histoire « virtuelle » « en
reconstituantlepassé».Ilajoutaitquel’interprétationquej’avaisdonnée«estaussivraie–ouaussifausse–
que peut l’être l’image virtuelle comparée à l’image réelle ». Très finement toujours, cet auteur concluait
magistralement dans un total hors champ de ce que j’avais mis en œuvre : « … appliquée à l’histoire
événementielle,cette histoire“virtuelle”aboutit àune simpletautologie :tout événementest laconséquence
d’unévénementantérieurquil’annonceetanticipedesévénementsfuturs.C’est,sommetoute,unrésultatassez
mincepourunouvrageaussiépais.»
7.ThomasChopard,«LepogromdeLviv,juin1941»,Encyclopédied’histoirenumériquedel’Europe,enligne.
8. Citée in Stéphane Bou et Elenan Guritanu, « Juin 1941, les débuts de la Shoah en Galicie Orientale :
histoired’unpassageàl’acte»,K,LesJuifs,l’Europe,le XXIe siècle,27septembre2023,enligne,àproposdeMarie
Moutier-Bittan, LePacteantisémite. LedébutdelaShoahenGalicieorientale.Paris,Passéscomposés,2023.Voir
John Paul Himka, « The Lviv Pogrom of 1941 : The Germans, Ukrainian Nationalists, and the Carnival
Crowd»,CanadianSlavonicPapers/RevueCanadiennedesSlavistes,vol.53,no.2/4,2011,p.209-243.
9.CitationdonnéeparOlivierBerruyer,«LesNazisetl’Ukraine(5).LesortdesJuifsenGalicie(1/2)»,Les
Crises,23juin2014,enligne.
10.NationalArchivesandRecordsAdministration(NARA);etUnitedStatesHolocaustMemorialMuseum.
11. Nicole Loraux, « Éloge de l’anachronisme en histoire », inLeGenre Humain,Paris, Le Seuil,juin 1993,
p.23-39.
12.LaformuleestdeFrançoisDosse,«Del’usageraisonnédel’anachronisme»,EspacesTemps,87-88,2005,
p.156-171.
13.WalterBenjamin,thèseXIVn,«Surleconceptd’histoire»,ŒuvreIII,Paris,Gallimard,2000,p.349.
Sources

AdvertissementauxtroisestatsdelaFrance,surl’entretenementdelaPaix.AuRoytres-
chrestien Henry III. Du nom Roy de France et de Poulongne, A Paris, Pour François
Tabert,1576.
AnnalesmanuscritesdelavilledeLimogesditesmanuscritde1638,EmileRuben,Félix
Achard,PaulDucourtieux(éd.),Limoges,1872,t.I.
ArrestdelacourtdeParlementcontreGaspartdeColligny,quifutAdmiraldeFrance,mis
enhuictlangues,àsçavoir,François,Latin,Italien,Espagnol,Allemant,Flament,Anglois
etEscoçois,Paris,ParJeanDallierlibraire,1569,inArchivescurieusesdel’Histoirede
FrancedepuisLouisXIjusqu’àLouisXIII,LouisCimberetFélixDanjou(éd.),Paris,
Beauvais,1835,1resérie,t.IV,p.375-380.
Aubigné, Agrippa d’, Histoire universelle, Alphonse de Ruble (éd.), Paris, Librairie
Renouard,1889,t.III.
Baïf,Jean-Antoinede, LePremierlivredespoèmes,GuyDemerson(éd.),Grenoble,
PressesuniversitairesdeGrenoble,1973.
Bellay,Joachimdu,«Ladeffenseetillustrationdelalanguefrançoyse(1549)»,in
JosianeRieu,L’EsthétiquededuBellay,Paris,Sedes,1995.
Belleforest, François de, Discours sur l’heur des presages advenuz de nostre
temps signifiantzlafelicitédu regnedenostreRoy Charlesneufiesmetres chrestien,A
Paris,VincentNorment,1572.
Belleforest, François de, Les Grandes Annales, et histoire générale de France, dès la
venue des Francs en Gaule jusques au règne du roy très-chrestien Henry III, 2 vol., A
Paris,GabrielBuon,1579,t.I.
Benoist,René,Responseàceuxquiappellentidolatres,lesChrestiensetvraysadorateurs,
Paris,NicolasChesneau,1564.
Bèze,Théodorede,HistoireecclesiastiquedeseglisesréforméesauRoyaumedeFrance,
en la quelle est descrite au vray la renaissance et accroissement d’icelles depuis l’an
M.D.XXI. jusques en l’année M.D.LXIII. leur reiglement ou discipline, Synodes,
persecutionstantgeneralesqueparticuliers,nomsetlabeursdeceuxquiontheureusement
travaillé,villesetlieuxoùellesontestédressees,aveclediscoursdespremierstroublesou
guerresciviles,desquelleslavrayecauseestaussideclaree,3vol.,Del’Imprimeriede
JeanRemy,AAnvers,1580,t.II.
BourdeillePierrede,Viesdesgrandscapitainesestrangersetfrançais,LudovicLalanne
éd.), t. 1 à 5, inŒuvres complètes de Pierre de Bourdeille, seigneur de Brantôme,
publiées d’aprèsles manuscrits avec variantes et fragments inédits pour la Société de
l’histoiredeFrance,Paris,VveJulesRenouard,1864-1882,11vol.
Bourdeille,Pierrede,ŒuvrescomplètesdePierredeBourdeille,seigneurdeBrantôme,
publiées d’après les manuscrits avec variantes et fragments inédits pour la Société de
l’histoire de France, Ludovic Lalanne (éd.), 11 vol., Paris, Vve Renouard, 1864-
1882,t.IV(Viesdesgrandscapitainesestrangersetfrançais).
Bourg,Laurentde,Discourssurlavictoirequ’ilapleuàDieud’envoyerauRoy,surles
hereticquesetrebelles:avecdiversespreuvesdel’assurancedenostrevictoire:jointeune
exhortation à se resituer en Dieu et à louer les chefs de ceste guerre, et un chant
d’allegresseàtoutlepeupledeFrance.AMonsieurdeMandelotgouverneurdeLyon,A
Paris,ParDenisduPré,1570.
BriefDiscoursde laMagniicenceet entréeduTres-chrestien RoydeFrance CharlesIX,
faicteensavilledeTholose,ledeuxiesmejourdefevrierMDLXV,Paris,Guillaumede
Nyverd,1565.
BriesveremonstranceàlanoblessedeFrance,surlefaictdelaDeclarationdeMonseigneur
leDucd’Alençon,s.l.,1576.
Canestrini,Guiseppe,etDesjardins,Abel,NégociationsdiplomatiquesdelaFranceavec
laToscane,Paris,Imprimerieimpériale,1865,t.III.
Capilupi, Camillo, Le Stratagème de CharlesIX, roi de France, contre les huguenots,
rebellesàDieuetàlui,ourelationdumassacredelaSaint-Barthélemi,octobre1572.
Carorguy,Jacques, Mémoiresde JacquesCarorguy,greffierdeBar-sur-Seine,1582-1595,
EdmondBruwaert(éd.),Paris,Picard,1880.
Chanson nouuelle du miracle aduenu à Paris, c’est à sçauoir vne Espine qui est florie
dedansleCymetieredessainctzInnocens,lelendemeaindel’occisiondel’Admiral,etde
sesalliez.Etsechantesurlechant,Passezlariuiere,[1572].
Chanson spirituelle contre les lutheriens et calvinistes, heretiques de nostre temps. Lyon,
BenoîtRigaud,1560.
Chanttriomphalpourjoüersurlalyre:Surl’insignevictoirequ’ilapleuàDieudonnerà
monseigneurfrereduroi,s.l.,s.d.
Chantelouve, François de, La Tragédie de feu Gaspard de Coligny, jadis Amiral de
France,contenantcequiadvintàParisle24.d’août1572,aveclenomdespersonnages,
Paris,N.Bonfons,1575.
Complainte et regretz de Gaspard de Coligny qui fut admiral de France, A Lyon, Par
BenoistRigaud,,s.l.,s.d.
Coppier de Vellay, Jacques, Deluge Des Huguenotz, avec leur tumbeau, & les noms des
Chefs&principaux,punisàParislexxiiij.iourd’Aoust,etautresioursenfuyuans,1572,
Lyon,ParMichelJove,1572.
CorrespondancediplomatiquedeBertrand deSalignacde laMotheFénélon ambassadeur
deFranceenAngleterrede1568à1575,7vol.,ParisetLondres,1840.
Crescas,Hasdaï,Lumièredel’Éternel,traduitdel’hébreu,ÉricSmilévitch(éd.),Paris,
Hermann/RubenÉditions,2010.
Crespin,Jean,HistoiredesMartyrspersecutezetmisamortpourlaveritédel’Evangile,
depuisletemps desapostresjusques apresent(1619), Genève,P. Aubert,1619,rééd.
par Daniel Benoît et accompagnée de notes par Matthieu Lelièvre, Toulouse,
SociétédesLivresreligieux,1885-1888,3vol.
Crespin,Jean,Histoiredesmartyrspersecutezetmisàmortpourlavéritédel’Evangile
depuis le temps des Apostres jusques à présent (1619), 3 vol., Toulouse, Société des
livresreligieux,1889.
Crespin,Jean,Histoiredesmartyrs,persecutezetmisàmortpourlaveritédel’Evangile,
depuisletempsdesapostresjusquesal’an1597:comprinseendouzelivres,contenantles
ActesmemorablesduSeigneurenl’infirmitédessiens,nonseulementcontreleseffortsdu
monde, mais aussi contre diverses sortes d’assaux et heresies monstrueuses, Héritiers
d’EustacheVignon,1597.
Dampmartin,Pierrede,Amiableaccusationetcharitableexcusedesmausetevenemens
delaFrance, pourmonstrer quela paisetreunion dessubjectsn’est moinsnecessaireà
l’Estat qu’elle est souhaitable à chacun en particulier, A Paris, Robert Le Mangnier,
1576.
Dampmartin,Pierrede,Delaconnaissanceetmerveillesdumondeetdel’hommededié
au roy tres-chrestien Henry III. Roy de France et de Pologne, A Paris, Chez Thomas
Perier,1585.
Dampmartin,Pierrede,Dubonheurdelacour,etvraiefelicitédumonde,Anvers,s.d.
Dampmartin,Pierrede,Lafortunedecour…,Paris,chezNicolasdeSercy,1642.
Delapuissancelegitimeduprincesurlepeuple,etdupeuplesurlePrince.Traitétres-utile
etdignedelectureencetemps,escritenLatinparEstienneIuniusBrutus,&nouvellement
traduit en François, 1581, reproduction en fac-similé, Genève, Librairie Droz,
1979.
De la religion catholique et foy chrestienne des Roys de France. Œuvre par lequel est
monstréeladevotion,etl’affectiondesdictsRoysenversleschosessainctesetlapunition
pareuxfaictedesheretiquesetdesrebelles,AParis,àl’OlivierdePierreLuillier,1572.
Désiré,Artus, La grandetrahison etvoleriedu royGuillot princeetseigneurdetousles
larrons,bandolliers,sacrilèges,voleursetbrigansduroyaumedeFrance,s.l.,s.d.
Désiré, Artus, Le Contrepoison des cinquante deux chansons de Clement Marot,
faulsement intitulées par luy Psalme de David, faict et composé de plusieurs bonnes
doctrines et sentences preservatives d’Heresie. A tres hault, tres puissant et magnanime
Seigneur Monseigneur le Prince de Piedmont Duc de Savoye (…) Adjousté de nouveau
certainslieuxetpassagesdesœuvresdudictMarot,parlesquelzl’oncognoistral’heresieet
l’erreurd’iceluy,AParis,ParPierreGaultier,1562.
Désiré, Artus, Les regrets et complainctes de Passe partout et Bruitquicourt…, Paris,
PierreGaultier,1557.
« Deux lettres de couvent à couvent : écrites de Paris, pendant le massacre de la
Saint-Barthélemy (le jour même et le surlendemain, 25 et 26 août) par Joachim
Opser de Wyl, jésuite, sous proviseur du collège de Clermont, à Paris, 1572 »,
Henri Martin et F. Joachim Opser (éd.), in Bulletin de la Société de l’Histoire du
ProtestantismeFrançais,vol.8,n°6/7,juin-juil.,p.284-294.
DiscoursauroiCharlesIXpourentreprendrelaguerrecontrel’EspagnolespaïsBas-ilfut
escritparMonsieurduPlessislorsaagéde23ansenl’an1572etparluimisesmainsde
monsieur l’Admiral de Chastillon qui le présenta au Roy, in Memoires de messire
PhilippesdeMornay,seigneurduPlessisMarli,barondelaForestsurSevre…Contenans
divers discovrs, instructions, lettres, et depesches par lui dressees, ou escrites aux rois…
depuis l’an MDLXXII. jusques a l’an MDLXXXIX ; ensemble quelques lettres des
dessusditsauditsieurduPlessis,JeanDaillé,1624,t.I.
Discours de ce qui advint touchant la croix de Gastine, l’an 1571, vers Noel, in Archives
curieuses de l’Histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XIII, Louis Cimber et
FélixDanjou(éd.),Paris,Beauvais,1835,1resérie,t.VI,p.475-476.
DiscoursdelaBatailleetcruelzassaultz,DonnezentreMont-contourt,Hervaulx,Etdela
tres-memorable victoire obtenue (par la grace de Dieu et de la bonne conduicte de
Monsieur)lelundytroisiemejourd’octobre,MDLXIX.Ensemblelesnomsdesrégiments
desHuguenotzdeffaictz,Etlesnomsdeceuxquisontmortsetblessez,delapartduRoy,
AParis,GuillaumedeNyverd,1569.
Discours de la paix publiée au camp de Setigny et à sens et depuis aussi à Paris, le Roy
seantensacourdeParlement,AParis,ParDenisduPré,[mai]1576.
DiscourssurlamortdeGaspartdeColigny,quifutadmiraldeFrance,etdesescomplices,
le jour Sainct Berthélémy, vingt-quatriesme jour d’aoust, à très haut et très vertueux
seigneur,messireRenédeVayer,chevalierdel’ordreduroy,baillydeTouraine,viconte
dePaulmyetdelaRocheIanes,seigneurd’Argenson,laBaillolière,lePlessisetChastres.
ParI.S.P,1572.
Discourssurlescausesdel’executionfaicte éspersonnesdeceuxquiavoientconiurécontre
leRoyetsonEstat,AParis,Al’OlivierdeP.L’Huillier,1572.
Dorat, Jean, Œuvres poétiques de J. Dorat, poete et interprete du roy, Charles Marty-
Lavaux(éd.),1875,Slatkinereprints,1974.
Dorat,Jean, Paeanes sivehymniintriplicemvictoriam, felicitateCaroliIX.:Galliarvm
regis inuictissimi, & Henrici fratris, ducis Andegauensis virtute partam, Paris, Chez
JehanCharron,1569.
Dorat, Jean, Invictiss. Galliarum regis Caroli noni, piissimi justissimique principis, et
acerrimi Christianae religionis assertoris, tumulus, Jo. Aurato Poëta Regio, et alijs
Clarissimis et doctissimis viris auctoribus. Ex officina Federici Morelli typographi
regii,Paris,1574.
Dorléans,Louis,Histoiredel’originedelaLigue,BnF,MsFr.4922,microfilm352.
Dorléans, Louis, Advertissement des Catholiques anglois aux François Catholiques, du
danger où ils sont de perdre leur Religion, et d’expérimenter, comme en Angleterre, la
cruautédesMinistress’ilsreçoiventàlacouronneunRoyquisoitHeretique,1586/1588.
Douais, Célestin, Lettres de Charles IX à M. de Fourquevaux ambassadeur en Espagne
(1565-1572),Paris,A.Picard,1897.
Dyvolé,PierreDixsermonsdelasainctemesseetceremoniesdicelle.Recueillissousfeude
bonnemémoireM.PierreDyvolé,docteurenthéologie,del’ordresainctDominique,ainsi
qu’illesaprononcezàChartres,Paris,NicolasChesneau,1577,n.p.
Erasme, Eloge de la Folie suivi de la Lettre d’Erasme à Dorpius, Paris, Garnier-
Flammarion,1964.
Fabre,Pierre,ResponseaucrueletpermicieuxconsieldePierreCharpentier,chiquaneur,
tendant à fin d’empescher la paix et nous laisser dans la guerre. Traitté duquel on
apprendraenquelcasestpermisàl’hommechrestiendeporterlesarmes,24mai1575,
s.l.
Gentillet, Innocent, Discours sur les moyens de bien gouverner et maintenir en bonne
paixunroyaulmeouuneprincipaulté,diviséentroisparties,àsavoir,duConseil,dela
religion,etPolicequedoittenirunPrince,contreNicolasMachiavelFlorentin,s.l.,1576.
Goulard, Simon, Mémoires de l’estat de France sous Charles neufiesme contenant les
choses les plus notables, faictes et publiées tant par les catholiques que par ceux de la
Religion,depuisletroisiesme édict depacificationfaitau moisd’aoust1570 jusquesau
regne de Henri troisiesme et reduits en trois volumes, Par Heinrich Wolf,
Meidelbourg,1758.
Guichardin, Francesco, Histoire des guerres d’Italie. Ecritte en Italien… et traduitte en
FrançoisparHierosmeChomdey,GentilhommeetConseillerdelavilledeParis,Paris,
ChezMichelSonnius,1577.
Haton,Claude, MémoiresdeClaude Haton :contenantlerécitdesévénementsaccomplis
de1553à1582,principalementdanslaChampagneetlaBrie,FélixBourquelot(éd.),2
vol.,Paris,Imprimerieimpériale,1857.
Haton,Claude, Mémoires,éditionintégralesousladirectiondeLaurentBourquin,
Paris,Comitédestravauxhistoriquesetscientifiques,2001-2007,4vol.,t.2.
«Histoiredutumulted’Amboise»,inArchivescurieusesdel’HistoiredeFrancedepuis
Louis XI jusqu’à Louis XIII, Louis Cimber et Félix Danjou (éd.), Paris, Beauvais,
1835,1re série,t.IV.
Histoire véritable de la mutinerie, tumulte et sédition faicte par les prestres de Sainct-
Médard, (1562), in Archives curieuses de l’Histoire de France depuis Louis XI jusqu’à
LouisXIII,LouisCimberetFélixDanjou(éd.),Paris,Beauvais,1835,1ère série,t.
IV.
Histoireveritabledelamutinerie,tumulteetseditionfaiteparlesprestresSainct-Medard
contrelesfidèles,lesamedyXXVII.jourdedecembre1561,1561.
Nouvellet, Claude Estienne, « Hymne trionfal… sur la Saint-Barthélemy (1572)
avec notice et notes de M. Jules Manecy », in Mémoires et documents de la société
savoisienned’histoireetd’archéologie,1900,t.XXXIX,p.459-496.
Jamyn, Amadis, Les Œuvres poétiques. Premières poésies et Livre premier, Samuel M.
Carrington(éd.),Genève,Droz,1978.
Jodelle,Estienne, L’Eugène,comédie,1552,inFournier,Edouard, LeThéâtrefrançais
auXVIe etauXVIIesiècle…,Paris,Laplace,SanchezetCie,s.d.
JohannWilhelmvonBotzheim,Cyclopicaillaatqueinauditahactenusdetestandaatque
execrandiLaniena,quaefactaestlutetia, Aureliis,LugdunialiisqueinlocisGalliae,sub
Carolo IX, in festo Bartholomei, anno Christi 1572…, in Friedrich W. Ebeling,
Archivalische Beiträge zur Geschichte Frankreichs unter Karl IX, mit Anmerkungen…,
Leipzig,VerlagvonIm.Tr.Wöller,1872.
L’Estoile,Pierrede,JournalpourlerègnedeHenriIVetledébutdurègnedeLouisXIII.
Œuvresdiverses,AndréMartin(éd.),Paris,Gallimard,1960,t.IV.
L’histoire du tumulte d’Amboyse advenu au moys de Mars, M. D. LX. Ensemble un
advertissementetunecomplainteaupeupleFrançois,s.l.,s.d.
L’Hospital,Michelde, Carmina,LivreII,DavidAmherdt,LaureChappuisSandoz,
PerrineGalandetLorisPetris(éd.),Genève,LibrairieDroz,2017.
L’Hospital, Michel de, Œuvres inédites de Michel L’Hospital, chancelier de France
précédées d’un Essai sur sa vie et ses ouvrages, Pierre Joseph S. Duféy (éd.), 3 vol.,
Paris,ChezA.BoullandetCie,1825.
La Boderie, Guy le Fèvre de, La Galliade ou de la Révolution des arts et sciences. A
Monseigneur ils de France, frere unique du Roy. Par Guy le Févre de la Boderie,
Secretaire de Monseigneur, et son Interprete aux langues peregrines. À Paris. Chez
GuillaumeChaudiere,1578.
LaBoétie,Estiennede,Discoursdelaservitudevolontaire,PaulBonnefon(éd.),Paris,
Bossard,1922.
LaFosse,Jeande,Journald’uncuréligueurdeParissouslestroisderniersValois,suivi
du Journal du secrétaire de Philippe du Bec, archevêque de Reims, de 1588 à 1605,
EdouarddeBarthélemy(éd.),Paris,Didier,1866.
LaHaranguequefeitleRoyaMessieursdelaCourtdeParlementensonPalaisaParis,
estantlorsensonaageRoyal,lelundidouzièmejourdeMars,milcinqcenssoixanteet
unze,s.l.,1571.
La Popelinière, Henri Lancelot-Voisin de, L’Histoire de France, enrichie des plus
notablesoccurrencessuruenuesèsprovincesdel’Europeetpaysvoisins,soitenpaix,soit
enguerre,tantpourlefaitséculierqueecclésiastic,depuisl’an1550jusquesàcestemps,2
vol.,Genève,J.Chouet,1582.
La Popelinière, Henri Lancelot-Voisin de, L’Histoire de France, Enrichie des plus
notablesoccurrancessurvenuesenProvincesdel’Europe&paysvoisins,soitenPaixsoit
enGuerre:tantpourlefaitSeculierqu’Ecclesiastic:Depuislan1550jusquesàcestemps,
2vol.[Paris?],Del’imprimeriedeAbrahamH.,1581,t.2.
La Saint-Barthélemy devant le Sénat de Venise. Relations des ambassadeurs Giovanni
MichieletSigismondCavalli,WilliamMartin(éd.),Paris,1872.
Laured’AvignonextraitdupoêtePetrarquemisenfrançoisparVasquinPhilieul,aunom
etadveudeCatherinedeMedicis,roynedeFrance,Paris,Gazeau,1548.
Le Fèvre de la Boderie, Guy, Encyclie des Secrets de l’éternité, Anvers, Christofle
Plantin,1571.
«LeMassacre faitàOrléans aumois d’août1572,duquel futtémoin etfaillitlui-
mêmeêtrevictime,Joh.Wilh.vonBotzheim,auteurdelarelationqu’onvalire
Botzhzeim », Charles Read (éd.), « La Saint-Barthélemy à Orléans racontée par
Joh.Wilh.de Botzheimétudiant allemandet témoinoculaire 1572», inBulletin
historiqueetlittéraire(SHPF),vol.21,n°8,1872,p.345-392.
«LettresdesroisdeFrance,desreines,princesethautspersonnagesduroyaume,
auxévêques,chapitre,gouverneur,bailli,maire,échevins,habitantsetcommune
deChartres1296-1715»,in Mémoiresdelasociétéarchéologiquedel’Orléanais,t.III,
1855.
Le Relazioni degli ambasciatori veneti al Senato raccolte, annotate ed edite da Eugenio
Alberi,Florence,Societàeditricefiorentina,1839.
LeRoy,Loys,Considerationsurl’histoirefrançoiseetl’universelledeceTemps,dontles
merveillessontsuccintementrecitées,Lyon,BenoistRigaud,1568.
LeRoy,Loys,ExhortationauxFrançoispourvivreenconcordeetjouirdubiendelapaix
parLoysLeRoy. ProjectoudesseinduRoyaumedeFrance,pourenrepresenterendix
Livresl’estatentier,soubslebonplaisirduRoy.Les MonarchiquesdeLoysleRoy,oude
laMonarchieetdeschosesrequisesàsonestablissementetconservation,aveclaconference
des Royaumes et Empires plus celebres du monde ancien et moderne, en leurs
commencemens progrez, accroissement, estendues, revenus, forces par mer et par terre,
diversitez de guerroyer, Trains et Cours de Princes, Conseils souverains, Polices,
Judicatures,Lois,Magistrats,durées, decadence,etruine, AParis,De l’imprimeriede
FedericMorel,1570(autreéditionàParischezJaquesduPuisl’an1570).
Le Roy, Loys, Le Sympose de Platon, ou de l’Amour et de beauté, traduit de grec en
françois,avectroislivresdeCommentairesextraictzdetoutephilosophieetrecueillisdes
meilleursautheurstantgreczquelatinset autres,parLoysLeRoy, ditRegius.AuRoy
DauphinetàlaRoyneDauphine.Plusieurspassagesdesmeilleurspoëtesgrecsetlatins,
citez aux commentaires, mis en vers françois par Joachim Du Bellay Angevin, Paris,
VincentSertenas,JehanLongisetRobertleMangnyer,1558.
Les Actes de la conférence tenue à Paris es moys de juillet et Aoust, 1566. Entre deux
DocteursdeSorbonneetdeuxMinistresdeCalvin,AParis,chezClaudeFremy,1568.
Les arrests de derniere execution. Contre Gaspar de Colligny qui fut admiral de France,
François Briquemault, et Renauld de Cauaignes, Par Michel Jove, à l’enseigne du
Iesus,1573.
Les louanges et recommandations de la Paix, extraites de l’escriture saincte. Plus est
monstré que cest chose fort deshonneste que les Chrestiens ayent guerre ensemble. Avec
une suasion à faire la Paix, au regard du grand travail qu’il faut souffrir à mener la
guerre,etdesgransfraizqu’ilyfautfaire,ParJeanSaugrain,ALyon,1563.
Les memoires de Messire Michel de Castelnau : seigneur de Mauvissiere, illustrez et
augmentez de plusieurs commentaires & manuscrits, servans à donner la verité de
l’histoire des regnes de François II. Charles IX. & Henry III. & de la regence & du
gouvernementde Catherine de Medicis avec leseloges des rois, reines, princes & autres
personnes illustres de l’une et de l’autre réligion sous ces trois regnes, l’histoire
genealogique de la maison de Castelnau, et les genealogies de plusieurs maisons, A
Bruxelles,chezJeanLeonard,1731,p.82.
Les Œconomies royales de Sully, David Buisseret et Bernard Barbiche (éd.), 4 vol.,
Paris,Klincksieck,1970,t.I.
LesregretsetcomplainctesdeBriquemault.AuecsonEpitaphe,AParis,AumontSainct
Hilaire…,1572.
LetocsaincontrelesmassacreursetauteursdesconfusionsenFrance.parlequel,lasource
etoriginedetouslesmaux,quidelongtempstravaillentlaFrance,estdescouverte.Afin
d’inciteretesmouvoirtouslesPrincesfidelles,des’employerpourleretrenchementd’icelle.
AdresséàtouslesPrincesChrestiens,AReims,del’imprimeriedeJeanMartin,1579,
in Archives curieuses de l’Histoire de France depuis Louis XI jusqu’à Louis XIII, Louis
CimberetFélixDanjou(éd.),Paris,Beauvais,1835,1resérie,t.7,p.1-76.
Magny,Olivierde,LesOdes,Paris,chezAndréWechel,1559.
MarcelliPalingeniiStellatiPoëtaedoctissimiZodiacusvitaehocest,Dehominivita,studio,
a c moribus optime instituendis libri XII, Lugduni, apud Joannem Tornaesium
Typogr.Regium,1559et1567.
MarcelliPalingeniiStellatipoëtaedoctissimizodiacusvitae,hocest,dehominisvita,studio,
ac moribus optime instituendis libri XII : cum indice locupletissimo, Lugduni, apud
Ioan.TornaesiumetGuil.Gazeium,1552.
Matthieu,Pierre,HistoiredeFrancesoubslesregnesdeFrançoisI,HenryII,FrançoisII,
CharlesIX,HenryIII,HenryIV,LouisXIII,3vol.,AParis,ClaudeSonnius,1631,t.I.
Matthieu,Pierre,HistoiredesdernierstroublesdeFrancesoubslesrègnesdesRoistrès-
chrestiensHenryIIIRoydeFranceetdePologneetHenryIIIIroydeFranceetdeNavarre
[parPierreMatthieu],contenanttoutcequis’estpassédurantlesdernierstroublesjusques
àlapaixfaiteentrelesroisdeFranceetd’Espagne,avecunrecueildesédictsetarticles
accordezparleroyHenryIIIIpourlaréuniondesessubjects,ALyon,1594.
Mémoiresd’un calviniste de Millau, Jean-LouisRigal (éd.), [Archives historiquesdu
RouergueII,DocumentssurlaRéforme],Rodez,1911.
MémoiresdeJeandeMergey,in Collectioncomplètesdesmémoiresrelatifsà,l’histoirede
France,34,ClaudeBernardPetitot(éd.),Paris,Foucault,1823.
Mémoires de la vie de Jacques Auguste de Thou, in Histoire universelle… depuis 1543.
Jusqu’en1607.Traduitesurl’éditionlatinedeLondres,t.I,1543-1550,Londres,1734.
MémoiresdeLucGeizkofler,tyrolien(1550-1620),Jules-GuillaumeFick(éd.),Genève,
ImprimerieIules-GuillaumeFick,1892,p.53.
Mémoire donné au seigneur Changy allant trouver le sieur de Villiers le 27 aoust 1572
(VilliersLespaulx),BnF,CinqcentsdeColbert,Ms7,fol.425-6.
MémoiresetautresécritsdeMargueritedeValois,la reineMargot,YvesCazaux(éd.),
Paris,MercuredeFrance,1986.
Monluc,Jeande,Haranguefaicteetprononceedelapart duRoyTresChrestien,le10.
iourdumoisd’Avril1573,AParis,ChezIeanRicherLibraire,1573.
Monluc, Jean de, Harengue et advis de Monsieur l’Evesque de Valence sur les
remonstrancesfaictesparmessieursduParlementdeParis: touchantlapublicationdes
lettrespatentesdelamajoritédudictSeigneur,publiéesàRouan,1563.
Montaigne,Michelde,LesEssais,MauriceRat(éd.),2vol.,Paris,1962.
Mouchy,Antoinede, Histoirecatholiquedenostretemps,touchantl’estatdelareligion
Chrestienne,parS.FontainedocteurenTheologie.AvecuneresponseàquelqueApologie
quelesheretiquescesjourspassezontmisenavant,AParis,chezClaudeFremy,1558.
Mouchy, Antoine de, Response a quelque apologie que les hérétiques ont mis en avant
sous ce titre : Apologie ou deffense des bons Chrestiens contre les ennemis de l’Eglise
catholique,AParis,ParClaudeFremy,1560.
Négociations,lettresetpiècesdiversesrelativesaurègnedeFrançoisIItiréesduportefeuille
de Sébastien de L’Aubespine évêque de Limoges, Louis Paris (éd.), Paris, Imprimerie
royale,1841.
Naudé,Gabriel, Considérations politiques surles coups d’Etat. Précédé Pour une théorie
baroquedel’actionpolitique,LouisMarin(éd.),Paris,LesÉditionsdeParis,1988.
NompardeCaumont,Jacques,MémoiresauthentiquesdeJacquesNompardeCaumont,
ducdelaForce,maréchaldeFrance,etdesesdeuxfils,lesmarquisdeMontpouillanetde
Castelnaut, depuis la Saint-Barthélemy jusqu’à la Fronde, pour faire suite à toutes les
collectionsdemémoiressurl’histoiredeFrance, publiésparlemarquisdeLaGrange,4
vol.,Paris,Charpentier,1843,t.1.
Ode spirituelle, contre les faux Euangeliques et Protestans. Extraicte de la response de F.
LegerBon-temps,s.l.,s.d.
Pænessivehymniintriplicemvictoriam,Paris,ChezJehanCharron,1569.
Palingenio Stellato, Le Zodiaque de la vie ou Préceptes pour diriger la Conduite et les
Mœurs des Hommes. Traduit du Poëme Latin de Marcel Palingen, célèbre Poëte de la
StelladaParMrdelaMonnerie,AlaHaye,chezSwart,1731.
PalingenioStellato,Marcello, LeZodiaquedelavie(ZodiacusVitae,1534),textelatin
établi,traduitetannotéparJacquesChomarat,Genève,LibrairieDroz,1996.
PalingeniusStellatus,Marcellus,Zodiacusvitae,Lyon,JeandeTournesetGuillaume
Gazeau,1556.
Pasquier,Estienne,ExhortationauxprincesetseigneursduConseilprivéduRoy,pour
obvier aux séditions qui semblent nous menacer pour le fait de la Religion, 1561, in
Mémoiresde Condé,ou Recueil pourservir àl’Histoire de Francecontenant cequi s’est
passé de plus mémorable dans le royaume, sous le règne de François II. et sous une
partiedeceluideCharlesIX…,3vol.,duBosseetNillor,1711,t.I,p.915-918.
Pasquier, Estienne, Lettres historiques pour les années 1556-1594, Donald Thickett
(éd.),Genève,Droz,1966.
Pibrac,GuyduFaurde, LesQuatrains,LesPlaisirsdelavierustique,etautrespoésies,
textesédités,introduitsetcommentésparLorisPetris,Genève,Droz,2004.
Pibrac,GuyduFaurde,Traductiond’uneEpistrelatined’unexcellentpersonnagedece
Royaume, faicte par forme de Discours, sur aucunes choses depuis peu advenues en
France,AParis,Del’imprimeriedeFedericMorel,1573.
Pillard,Jean,Mémoiresdecequis’estpassédanslavilledeLaRochefoucaulddutempsdes
troublesdereligion,EusèbeCastaigne(éd.),Angoulême,Lefraise,1853.
Pithou, Nicolas, La Chronique de Troyes et de la Champagne de Nicolas Pithou, un
témoignage protestant sur l’Eglise du XVIe siècle, la Réforme et les guerres de religion,
Pierre-Eugène Leroy (éd.), Centre troyen de recherche et d’études Pierre et
NicolasPithou,Reims,PressesUniversitairesdeReims,1998.
Poliziano, Angelo, Pactianae coniurationis commentarium (La congiura dei Pazzi),
AlessandroPerosa(éd.),Padoue,Antenore,1958.
Rabelais, Gargantua, Editioncritiquesurletextedel’éditionpubliéeen1535àLyonpar
FrançoisJuste,GérardDefaux(éd.),Paris,LeLivredePoche,1994.
«Récit d’un témoin oculairesur la Saint-Barthélemy. Dépositionnotariée, faite à
Heidelbergle7septembre1572»,inRodolpheReuss(éd.),«Unnouveaurécitde
la Saint-Barthélemy par un bourgeois de Strasbourg », inBulletin historique et
littéraire,SHPF,t.22,1873.
Recueild’undialogue,auquelestintroduiteAlythie,c’estàdireverité,laquelleestlogéeen
ces quartieers de la Hongrie, qui est souz la puissance du Turc, par l’Autheur qui est
meconnu: si ce n’est qu’aucuns l’attribuent au sr du Plessis, de la maison de Bouy,
Huguenot,BnF,Msfr.4897.
Registres des délibérations du Bureau de la Ville de Paris, François Bonnardot (éd.),
Paris,Imprimerienationale,1893,t.VII.
Relationde la défaite près de Mons, des protestants français sous la chargede Monsieur
deGenlis.1572,inAnnuaireBulletindel’HistoiredeFrance,1866,t.VI,p.203-207.
Remonstrance au peuple de France, in Pierre de Ronsard, Œuvres complètes XI, Paul
Laumonier(éd.),Paris,Sociétédestextesfrançaismodernes,1990,p.71,v.143-
146.
Remonstranced’unbonCatholiquefrançois,auxTroisestatsdeFrance,Quis’assembleront
àBlois,suyvantleslettresdesaMajestéduVI.D’Aoust,presenteannée(M.D.L.XXVI.),
s.l.,1576.
Revue rétrospective ou Bibliothèque Historique, contenant des mémoires et documens
authentiques,inéditsetoriginaux,pourserviràl’histoireproprementdite…,t.III.
Ronsard,Œuvrescomplètes,GustaveCohen(éd.),2vol.,Paris,Gallimard,1938.
Rosello, Lucio Paolo, Della providenza di Dio Sermoni dieci di Teodoreto, vescovo di
Giro, nuovamente di greca in volgare lingua tradotti per Lucio Paolo Rosello Padoano.
AllaSerenissimaReinadiFrancia,Venetia,appressoBartholomeoCesano,1551.
 Rosello, Lucio Paolo, Il Ritratto del vero governo del prencipe, dal l’essempio vivo del
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présentleroy,enl’égliseNostre-DamedeParis,parfeu…SimonVigor… Misenlumière
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Vigor,Simon,Sermonscatholiquespourtous lesjoursdeCaresmeet FeriesdePasques,
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Cetteéditionélectroniquedulivre
Pariscriminel
deDenisCrouzet
aétéréaliséele4octobre2024
parFlexedo.
Ellereposesurl’éditionpapierdumêmeouvrage
(ISBN978-2-251-45611-9).

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