Droit et Patrimoine, Nº 239, 1er septembre 2014
MODERNISATION DU RÉGIME DE L’APPEL PUBLIC À L’ÉPARGNE DANS L’ACTE UNIFORME
OHADA
LE RÉGIME DE L’APPEL PUBLIC À L’ÉPARGNE A ÉTÉ PROFONDÉMENT REMANIÉ À L’OCCASION DE LA RÉVISION DE L’AUSGIE. À DIVERS
ÉGARDS, CE RÉGIME ÉTAIT APPARU INADAPTÉ, RENDANT NÉCESSAIRE SA MODERNISATION POUR TENIR COMPTE, NOTAMMENT, DE
L’ÉVOLUTION DES PRATIQUES DE MARCHÉ. L’AUSCGIE RÉVISÉ INTRODUIT AINSI UNE NOUVELLE NOTION D’APPEL PUBLIC À L’ÉPARGNE, AVEC
UN CHAMP D’APPLICATION MIEUX DÉFINI AINSI QUE DES EXIGENCES NOUVELLES EN MATIÈRE D’INFORMATION DES INVESTISSEURS AFIN DE
RENFORCER LEUR PROTECTION.
JEAN-JACQUES ESSOMBÈ MOUSSIO
AVOCAT AU BARREAU DE PARIS, ASSOCIÉ, HEENAN BLAIKIE AARPI, PARIS
DIDIER LOUKAKOU
DOCTEUR EN DROIT
DIRECTEUR DES AFFAIRES JURIDIQUES ET DE LA RÉGLEMENTATION, COMMISSION DE SURVEILLANCE DU MARCHÉ
FINANCIER DE L’AFRIQUE CENTRALE (COSUMAF)
L’Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUSCGIE) du 30
janvier 2014 modifié de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) a modifié en
profondeur le régime de l’appel public à l’épargne.
L’appel public à l’épargne est une technique juridique et financière consistant, pour une société ou toute personne, à
se procurer des capitaux, notamment en fonds propres ou par endettement, en contrepartie du placement de ses
titres auprès du public. La technique permet traditionnellement aux entreprises et autres agents économiques de
disposer d’une réelle alternative aux emprunts bancaires, réduisant ainsi leur dépendance à l’égard du système
bancaire. Ayant pour substrat la mobilisation de l’épargne du public, la technique donne lieu à une extrême vigilance
des autorités de régulation financière des États parties, dont la préoccupation principale consiste à veiller à la bonne
information du public (1) .
Le travail d’actualisation des dispositions de l’AUSCGIE relatives à l’appel public à l’épargne prend en compte
l’évolution des pratiques de marché intervenue depuis 1997. Tout en respectant la spécificité des marchés boursiers
africains, les modifications apportées s’inspirent des dispositions de la directive européenne applicable en la matière,
à savoir la directive nº 2003/71/CE du 4 novembre 2003 (JOUE 31 déc., nº L 345) concernant le prospectus à
publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation
(dite directive « Prospectus »), telle que modifiée en 2010.
La volonté de modernisation du régime s’exprime d’abord à travers l’émergence d’une nouvelle notion d’appel public
à l’épargne (I). La conséquence essentielle d’un appel public à l’épargne étant l’établissement d’un document
d’information, la réforme a ensuite donné lieu à de nouvelles exigences relatives au document d’information (II).
I – UNE NOUVELLE NOTION D’APPEL PUBLIC À L’ÉPARGNE
La modernisation du régime de l’appel public à l’épargne se traduit, d’une part, par l’introduction d’une nouvelle
définition, plus adaptée au contexte actuel des marchés financiers (A) et, d’autre part, par la détermination
d’opérations non constitutives de l’appel public à l’épargne (B). En outre, l’appartenance d’États parties à un même
marché financier est prise en compte (C).
A – DÉFINITION DE L’APPEL PUBLIC À L’ÉPARGNE
Aux termes de l’article 81 nouveau de l’AUSCGIE, sont réputées faire publiquement appel à l’épargne : d’une part,
les sociétés dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur la bourse des valeurs d’un État partie, à
dater de l’admission de ces titres, et, d’autre part, les sociétés ou toute personne qui offrent au public d’un État
partie des valeurs mobilières, par un procédé de communication ou de placement, dans le cadre soit d’une émission,
soit d’une cession.
Le concept d’« appel public à l’épargne » a disparu de la quasi-totalité des systèmes juridiques européens
(notamment en France), qui n’utilisent plus que la notion d’« offre au public » telle que définie par la directive «
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Prospectus ».
Toutefois, le législateur de l’OHADA a fait le choix de conserver la notion d’appel public à l’épargne, notamment pour
des raisons de commodité terminologique et parce que le maintien de la notion semblait représenter davantage
d’intérêt pratique.
L’appel public à l’épargne, telle qu’il ressort de la réforme, porte donc sur des valeurs mobilières (1º) et comprend
deux composantes distinctes : l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur la bourse des valeurs d’un État
partie (2º), ou l’offre de valeurs mobilières au public (3º). La présomption d’appel public à l’épargne fondée sur le
nombre d’investisseurs a été abandonnée (4º). En outre, tout appel public à l’épargne irrégulier est désormais
sanctionné (5).
1º/ L’appel public à l’épargne porte sur des « valeurs mobilières »
Abandonnant le terme générique de « titres », le nouvel article 81 de l’Acte uniforme vise désormais expressé ment
les « valeurs mobilières ». Il s’agit des titres de capital ou de créance définis aux articles 744 et suivants et qui font
l’objet d’une étude séparée.
Sont ainsi concernées les actions (2) , qu’elles soient ordinaires ou de préférence (3) , les valeurs mobilières
subordonnées (4) , les obligations (5) et des valeurs mobilières composées (6) . En revanche, ne sont pas couverts
les titres du marché monétaire (tels les billets de trésorerie ou les certificats de dépôts) qui sont soumis à une
réglementation spécifique.
2º/ L’admission de valeurs mobilières aux négociations en bourse
Avant la réforme, l’AUSCGIE évoquait les sociétés dont les titres sont « inscrits » à la bourse des valeurs d’un État
partie. La notion d’« admission à la négociation » étant celle consacrée sur la plupart des marchés financiers
modernes, le législateur de l’OHADA a pris le parti de viser désormais « les valeurs mobilières admises à la
négociation (7) ) sur la bourse des valeurs d’un État partie » pour s’adapter aux standards internationaux. Ce
changement répond à un souci de pragmatisme, dans la mesure où l’admission de titres en bourse vise
essentiellement, pour leur émetteur ou offreur, à les soumettre à des transactions, autrement dit à une véritable
négociation à leur valeur boursière, et non à une simple « inscription » à la cote.
3º/ L’offre de valeurs mobilières au public
Avant la réforme, par une lecture combinée des anciens articles 81 et 83 de l’AUSCGIE, l’offre au public s’entendait
comme le recours, soit à des établissements de crédit ou agents de change (en vue du placement de titres dans le
cadre d’une émission ou d’une cession), soit à des procédés quelconques de publicité ou de démarchage.
Les éléments constitutifs d’une offre au public de valeurs mobilières sont désormais regroupés sous l’article 83.
Celle-ci est constituée dès que les investisseurs potentiels sont « sollicités » sous quelque forme et par quelque
moyen que ce soit, mais également s’il y a placement de valeurs mobilières par des intermédiaires financiers que ce
soit au stade de leur émission ou de leur cession.
Le législateur de l’OHADA a donc abandonné la référence explicite aux procédés de publicité et de démarchage et
retient un terme qui inclut tout moyen de communication susceptible d’être utilisé : publicité, démarchage, écrits,
Internet, réunions de présentation (road shows), messages téléphoniques, SMS ou autres. Il suffit que l’information
communiquée aux personnes concernées soit « suffisante » pour les mettre « en mesure d’envisager d’acheter ou
de souscrire » les valeurs mobilières objet de l’offre.
En ce qui concerne le « placement », il peut être défini comme le fait de rechercher des souscripteurs ou acquéreurs
pour le compte d’un émetteur ou d’un cédant d’instruments financiers (8) . Avant la réforme, étaient réputées faire
appel public à l’épargne les sociétés qui, pour offrir au public des titres, avaient recours « à des établissements de
crédit ou agents de change ». L’expression n’est plus adaptée à la réalité de certains marchés financiers de l’espace
OHADA. En effet, les agents de change ont disparu et se sont notamment vus substitués les sociétés
d’intermédiation en bourse, dénommées « sociétés de gestion et d’intermédiation » (SGI) en Afrique de l’Ouest et «
sociétés de bourse » en Afrique centrale. Ces intermédiaires effectuent le placement avec l’aide des établissements
de crédit. Le législateur de l’OHADA évoque donc désormais le placement par des intermédiaires financiers,
catégorie générique qui vise aussi bien les établissements de crédit que les intermédiaires en bourse.
Compte tenu de ce qui précède, toute revente de valeurs mobilières ayant déjà fait l’objet d’offres antérieures
(même non soumises au régime de l’appel public à l’épargne) est considérée comme une offre distincte et peut
constituer une offre au public si elle s’effectue en utilisant une communication ou des intermédiaires financiers (9) .
4º/ L’abandon de la présomption d’appel public à l’épargne fondée sur le nombre d’investisseurs
Avant la réforme, l’appel public à l’épargne était également réputé établi en cas de diffusion des titres au-delà d’un
cercle de cent personnes. Cette disposition de l’article 81 ancien n’a pas été maintenue dans l’AUSCGIE révisé. Il
s’agissait en effet d’un critère passif qui conduisait de nombreuses sociétés à ignorer leur situation d’émetteurs
faisant appel public à l’épargne. Ainsi, dans la zone constituée par la Communauté économique et monétaire de
l’Afrique centrale (CEMAC), par exemple, de nombreux établissements de crédit et entreprises d’assurances
comptent plus de cent actionnaires, sans avoir jamais manifesté la volonté de communiquer sur leurs activités et de
revendiquer le statut d’émetteur faisant appel public à l’épargne.
La réforme consacre une conception plus dynamique de l’appel public à l’épargne, dont les règles seront désormais
appliquées à des sociétés ou personnes qui auront fait le choix de se placer sous ce régime, en procédant à une
communication ou à une offre de valeurs mobilières au public dans les termes énoncés à l’article 83 nouveau de
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l’Acte uniforme. On ne devrait donc plus trouver, à l’avenir, des sociétés ou personnes soumises au régime de l’appel
public à l’épargne sans le vouloir, voire sans le savoir.
La disparition totale de cette présomption d’appel public à l’épargne tirée du cercle de cent personnes pourrait
toutefois nécessiter une période transitoire plus ou moins longue en fonction des marchés, étant précisé, s’agissant
de l’UEMOA, que ce critère est inscrit dans l’annexe à la Convention portant création du CREPMF (10) , et s’agissant
de la CEMAC, que la disparition de ce critère est d’ores et déjà inscrite dans la réforme en cours des textes du
marché financier de l’Afrique centrale.
5º/ Sanction des appels publics à l’épargne irréguliers
À la faveur de la révision de l’Acte uniforme, le législateur de l’OHADA a introduit une plus grande clarté dans le
traitement des appels publics à l’épargne irréguliers. Alors qu’auparavant, il était simplement interdit aux sociétés
n’y ayant pas été autorisées par l’Acte uniforme de faire appel public à l’épargne, sans qu’une quelconque sanction
soit précisée, désormais, une sanction explicite est consacrée dans l’AUSCGIE. En effet, dorénavant, l’article 82 de
l’AUSCGIE prévoit que tout appel public irrégulier, réalisé aussi bien dans le cadre d’une émission que d’une cession,
est nul.
Cette sanction dissuasive s’impose, compte tenu du caractère de gravité qui s’attache à la violation de dispositions
relevant de l’ordre public de protection, à savoir le régime de la collecte et de l’affectation de l’épargne publique.
B – OPÉRATIONS NON CONSTITUTIVES D’UNE OFFRE AU PUBLIC
Le législateur de l’OHADA a classé, parmi les opérations non constitutives d’une offre au public, celles qui en sont
exclues à raison de leur taille (1º), les opérations de placement privé (2º) et certaines reventes de valeurs
mobilières (3º).
1º/ Les opérations exclues à raison de leur taille
Si auparavant l’appel public à l’épargne reposait sur un faisceau de présomptions, désormais, l’AUSCGIE intègre des
critères dynamiques liés au volume des opérations. Ainsi, si le montant d’une opération est inférieur à un certain
seuil fixé dans l’AUSCGIE, l’offre au public ne sera pas constituée, ce qui conduit à écarter le régime de l’appel public
à l’épargne.
Un nouvel article 81-1 a été édicté dans ce sens. Il dispose : « Ne constitue pas une offre au public au sens de
l’article 83 ci-après l’offre qui porte sur des valeurs mobilières (...) dont le montant total dans les États parties est
inférieur à cinquante millions (50 000 000) de francs CFA, ce montant étant calculé sur une période de douze (12)
mois ; (...) ».
A contrario, si un placement est effectué par des intermédiaires financiers pour un montant supérieur à 50 000 000
de francs CFA, un document d’information devra être publié (11) .
2º/ Les opérations de placement privé
À la faveur de la révision de l’AUSCGIE, le législateur de l’OHADA a consacré le placement privé, en en faisant une
seconde catégorie d’opérations exclues de l’offre au public et donc du régime protecteur de l’appel public à
l’épargne. En effet, l’article 81-1 nouveau dispose : « Ne constitue pas une offre au public au sens de l’article 83 ci-
après l’offre (...) qui est adressée uniquement à des investisseurs qualifiés agissant pour compte propre, ou à moins
de cent (100) personnes physiques ou morales agissant pour compte propre, autres que des investisseurs qualifiés,
par marché boursier régional des États parties ou, pour les États parties qui ne sont pas membres d’un tel marché,
par État partie ». A contrario, en cas de placement de valeurs mobilières par des intermédiaires financiers, si ces
conditions ne sont pas réunies, ledit placement fera l’objet de la publication d’un document d’information (12) .
Ainsi, alors que le placement privé n’était encadré que par les réglementations boursières, la notion est désormais
également appréhendée par le législateur de l’OHADA. Il faut cependant craindre les divergences sur des points plus
ou moins essentiels. À cet égard, il faut saluer la création récente d’un organe de concertation réunissant,
périodiquement, les services du Secrétariat permanent de l’OHADA et les principales organisations communautaires
dotées de compétences normatives dans différentes branches du droit des affaires, afin d’éviter des interférences et
prévenir les conflits de compétences.
La participation des différentes institutions compétentes aux discussions concernant la définition de l’investisseur
qualifié a permis un consensus sur ce point (13) .
En revanche, la question du nombre d’investisseurs qualifiés à prendre en compte pour l’application du régime
soulève encore des interrogations. En effet, alors que l’AUSCGIE, à l’instar de la législation française issue de la
directive « Prospectus », exclut l’application du régime des offres au public de titres en cas d’offre adressée à des
investisseurs qualifiés, sans limitation de nombre, le règlement général de la COSUMAF (14) n’écarte l’application du
régime de l’appel public à l’épargne qu’en cas d’offre adressée à des investisseurs qualifiés dont le nombre est
inférieur ou égal à dix.
Un autre élément de rapprochement tient au fait que l’OHADA comme les autorités de régulation des marchés
financiers régionaux d’Afrique centrale et de l’Ouest énumèrent dans leurs textes un certain nombre d’organismes
considérés comme des investisseurs qualifiés. Il s’agit, dans l’ensemble, d’investisseurs ayant une activité financière
: établissements de crédit, compagnies d’assurances, intermédiaires financiers, etc.
Contrairement aux solutions consacrées dans la directive « Prospectus » (15) , l’AUSCGIE n’a pas étendu la
catégorie des investisseurs qualifiés aux personnes morales ou entités autres que celles ayant une activité
financière, ni aux personnes physiques.
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3º/ La revente de valeurs mobilières
En cas de revente de valeurs mobilières ayant déjà donné lieu à la publication d’un document d’information, aucun
autre document d’information n’est requis dès lors que le document d’information initial est valide et disponible et
qu’un accord écrit a été donné, par l’émetteur ou la personne chargée de rédiger ledit document, en vue de son
utilisation (16) .
C – LA PRISE EN COMPTE DE L’APPARTENANCE D’ÉTATS PARTIES À UN MÊME MARCHÉ FINANCIER
RÉGIONAL
Avant la réforme, les États parties étaient, pour l’application des dispositions de l’AUSCGIE, considérés isolément et
distinctement les uns des autres. L’AUSCGIE ne prenait donc pas en compte l’existence de marchés financiers
régionaux, communs à plusieurs États membres de l’OHADA, aussi bien en zone UEMOA qu’en zone CEMAC.
Dorénavant, aux termes de l’article 81 nouveau, « lorsqu’un marché financier couvre plusieurs États parties, ceux-ci
sont considérés comme constituant un seul État partie » pour l’application des dispositions sur l’appel public à
l’épargne.
Il en résulte d’importantes conséquences.
Ainsi, alors que l’AUSCGIE exigeait (17) de toute société souhaitant placer ses valeurs mobilières dans un autre État
partie, l’établissement d’un document d’information soumis au visa d’une autorité de régulation, désormais, comme
le prévoient les textes de l’UEMOA et de la CEMAC, l’AUSCGIE prévoit qu’un seul document d’information sera établi
pour les différents pays membres d’un marché financier régional.
De même, il n’est plus exigé qu’une société faisant appel public à l’épargne dans un autre État partie que celui de
son siège désigne un établissement de crédit de cet autre État partie, chargé de garantir la bonne fin de l’opération.
Il en résulte que, dans le cadre d’un marché financier régional, l’émetteur sera en droit de ne désigner qu’un
établissement de crédit en qualité de garant de l’opération sur le territoire des différents pays concernés.
Enfin, en présence d’un marché financier commun à plusieurs États parties, la réforme conduit à supprimer
l’exigence de la désignation, par l’émetteur, dans chaque État partie dont le public est sollicité, d’un commissaire
aux comptes chargé de vérifier les états financiers. Il en résulte que le ou les commissaires désignés interviendront
sur le territoire des différents pays concernés.
II – DE NOUVELLES EXIGENCES RELATIVES AU DOCUMENT D’INFORMATION
Aux termes de l’article 86 de l’AUSCGIE, les personnes ou les entités qui procèdent à un appel public à l’épargne
dans un ou plusieurs États parties doivent, au préalable, publier dans l’État partie du siège de l’émetteur et, le cas
échéant, dans les autres États parties dont le public est sollicité, un document destiné à l’information du public. Ce
document contient toutes les informations qui, compte tenu de la nature particulière de l’émetteur et des valeurs
mobilières offertes au public ou admises à la négociation sur une bourse des valeurs d’un État partie, doivent
permettre aux investisseurs de porter un jugement sur la situation d’un émetteur.
La réforme de l’AUSCGIE se traduit donc par l’introduction d’exigences nouvelles relatives au document
d’information se rapportant : à son contenu (A), à son résumé (B), à son supplément (C), à ses modalités de
diffusion (D), aux cas de dispense de l’obligation d’établir un tel document (E), et à la détermination des personnes
responsables du prospectus (F).
A – CONTENU DU DOCUMENT D’INFORMATION
En ce qui concerne le contenu du document d’information, les informations exigées doivent porter sur le patrimoine,
la situation financière, les résultats et les perspectives de l’émetteur et des garants éventuels, ainsi que les droits
attachés aux valeurs mobilières offertes.
Ces exigences ne sont pas nouvelles. En revanche, il ressort des nouvelles dispositions un souci d’éviter une
standardisation de la présentation des informations sur les émetteurs et une volonté de mettre davantage en relief
le profil particulier de l’émetteur dans le document d’information.
La réforme se traduit également, aux articles 86 et 87, alinéa 3, par un rattachement du régime des garants à celui
des émetteurs en obligeant les émetteurs à faire figurer dans le document d’information des informations de même
nature concernant les garants éventuels.
Enfin, dans un évident souci de complémentarité, l’AUSCGIE opère un renvoi à l’autorité compétente de chaque État
partie en ce qui concerne les précisions à apporter sur les informations relatives à l’émetteur et aux garants
éventuels. Ce renvoi est nouveau et constitue, indéniablement, une marque de pragmatisme du législateur de
l’OHADA. Dans le même élan, l’AUSCGIE (18) s’en remet à l’autorité compétente de chaque État partie pour ce qui
concerne l’appréciation de l’opportunité de dispenser un émetteur d’inclure dans le document d’information certaines
informations, notamment si elles n’ont qu’une importance mineure, ou si leur divulgation apparaît contraire à
l’intérêt public, ou de nature à entraîner un préjudice grave pour l’émetteur pour autant que cette omission ne
risque pas d’induire le public en erreur.
B – L’INTRODUCTION DU RÉSUMÉ DU DOCUMENT D’INFORMATION
Conformément aux dispositions de l’article 86-1 nouveau de l’AUSCGIE, le document d’information comprend un
résumé qui fournit des informations clés, dans une formulation simple et concise et dans la langue dans laquelle le
document d’information a été établi. L’exigence d’un résumé du document d’information est salutaire et obéit aux
recommandations internationales, notamment celles émanant de l’Organisation internationale des commissions de
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valeurs (OICV), qui regroupe les principales autorités de régulation financière de la planète. Cette exigence nouvelle
marque une avancée qui s’inscrit dans le cadre du renforcement de l’information des investisseurs et de leur
protection.
C – SUPPLÉMENT AU DOCUMENT D’INFORMATION
L’article 92 de l’AUSCGIE prévoit qu’en cas de survenance, après la délivrance du visa, de faits nouveaux
significatifs, d’erreurs ou d’inexactitudes substantielles de nature à avoir une incidence sur l’évaluation des valeurs
mobilières offertes, un supplément du document d’information doit être établi, qui obéit aux mêmes obligations que
le document d’information initial. Ce supplément est soumis au visa de l’autorité compétente de l’État partie.
Cette obligation nouvelle répond également au souci de renforcer la protection des investisseurs, en assurant, en
toutes circonstances, la fiabilité et la sincérité des informations sur l’émetteur et les titres offerts au public.
L’obligation de publier un supplément s’étend au résumé du document d’information. En effet, si cela s’avère
nécessaire pour tenir compte des nouvelles informations contenues dans le document d’information, l’émetteur sera
tenu de publier également un supplément du résumé.
Ces nouvelles dispositions protectrices sont d’autant plus fortes que les investisseurs se voient dotés d’un droit de
retrait. En effet, s’ils ont déjà accepté d’acheter des valeurs mobilières ou d’y souscrire avant que le supplément ne
soit publié, ils ont le droit de retirer leur acceptation dans un délai de trois jours ouvrables après la publication du
supplément.
Ce droit de retrait ou de rétractation (19) apparaît souverain. En dépit du silence du législateur, il semble que
l’investisseur peut se retirer, sans avoir à justifier de motifs ni à supporter de pénalités.
D – MODALITÉS DE DIFFUSION DU DOCUMENT D’INFORMATION
En vue d’optimiser la protection des investisseurs et d’assurer la diffusion la plus large, l’AUSCGIE révisé fait une
place de choix aux procédés de diffusion électronique du document d’information. En effet, alors qu’à l’origine, en
1997, l’AUSCGIE avait ignoré purement et simplement le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la
communication, le législateur de l’OHADA opère un véritable revirement mettant dorénavant au cœur des
mécanismes du droit des sociétés, l’Internet et les diverses ressources télématiques participant d’une meilleure
information du public.
Ainsi, il ressort désormais que le document d’information tel que visé par l’autorité compétente de l’État partie du
siège de l’émetteur devra désormais faire l’objet d’une diffusion effective sur support papier ou électronique, sous
les formes suivantes, visées à l’article 93 de l’AUSCGIE : diffusion dans les journaux habilités à recevoir des
annonces légales, mise à disposition d’une brochure pour consultation au siège de l’émetteur, mise en ligne sur les
sites Internet de l’émetteur, de la bourse des valeurs et, le cas échéant, de l’autorité compétente de l’État partie du
siège social de l’émetteur.
Si le législateur permet en principe à l’émetteur de choisir librement entre la diffusion sous forme papier ou
électronique, en revanche, lorsqu’un émetteur publie son document d’information dans des journaux habilités à
recevoir des annonces légales, ou prévoit la mise à disposition d’une brochure accessible pour consultation par toute
personne à son siège social, il doit obligatoirement, dans ces cas, mettre en ligne le document d’information sur son
propre site Internet.
E – L’EXTENSION DES CAS DE DISPENSE DE L’OBLIGATION D’ÉTABLIR UN DOCUMENT D’INFORMATION
La révision de l’AUSCGIE a donné lieu à l’extension des cas de dispense de l’obligation de publier un document
d’information. Avant la réforme, on comptait sept cas de dispense de l’obligation d’établir un document
d’information.
L’Acte uniforme révisé a supprimé la plupart des cas de dispense qui prévalaient et introduit de nouveaux cas de
dispense du document d’information. Le législateur a surtout introduit davantage de lisibilité dans ce régime,
puisque dorénavant sont distingués, d’une part, des cas de dispense visant les offres au public (art. 95) et, d’autre
part, ceux visant l’admission à la négociation sur la bourse des valeurs d’un État partie (art. 95-1).
F – PERSONNES RESPONSABLES DU DOCUMENT D’INFORMATION
L’article 96 nouveau prévoit que la responsabilité des informations fournies dans un document d’information
incombe à l’émetteur ou à l’offreur et à leur organe d’administration ou de direction et, le cas échéant, au garant.
Dans un but d’information et de protection des investisseurs, le document d’information doit désormais identifier
clairement les personnes responsables par leurs noms et fonctions ou, dans le cas des personnes morales, par leur
dénomination et leur siège social. Le document d’information devra en outre, désormais, contenir une déclaration
des personnes responsables, par laquelle elles certifient que, à leur connaissance, les données du document
d’information sont conformes à la réalité et ne comportent pas d’omissions de nature à en altérer la portée.
De même, la responsabilité civile des personnes ayant présenté le résumé pourra être engagée si le contenu du
résumé est trompeur, inexact ou contradictoire par rapport aux autres parties du document d’information, ou s’il ne
fournit pas les informations essentielles permettant d’éclairer les investisseurs lorsqu’ils envisagent d’investir en
valeurs mobilières.
(1) V. Convention portant création du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF) de l’Union économique et monétaire ouest-
africaine (UEMOA), annexe, art. 23, et Convention régissant l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC), art. 31. L’exercice de cette mission consistant
à veiller à la bonne information du public est organisé dans les règlements généraux du CREPMF et de la Commission de surveillance du marché financier
Document Lamy Liaisons soumis au respect des Conditions Générales d’Utilisation et des Conditions Générales de
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de l’Afrique centrale (COSUMAF). V. égal. B. Gourisse, L’appel public à l’épargne en France, Revue Banque Édition, 2002 ; Th. Granier, La notion d’appel
public à l’épargne, Rev. sociétés 1992, p. 687.
(2) AUSCGIE, art. 748 et s.
(3) AUSCGIE, art. 778-1 et s.
(4) AUSCGIE, art. 747-1.
(5) AUSCGIE, art. 779 et s.
(6) AUSCGIE, art. 822 et s. Cette catégorie générique de valeurs mobilières comprend notamment les obligations convertibles en actions, les obligations
échangeables contre des actions, des obligations à bons de souscription d’actions, etc.
(7) Les règles d’admission sont fixées par les autorités boursières. Elles figurent notamment, en ce qui concerne le marché financier régional de l’UEMOA, dans
le règlement général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), en ce qui concerne le marché financier de l’Afrique centrale, dans le règlement
général de la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC), et en ce qui concerne le marché financier camerounais, dans le règlement du
Douala Stock Exchange.
(8) C. mon. fin., art. D. 321-1, en France.
(9) AUSCGIE, art. 81-3, al. 1er.
(10) Convention portant création du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers de l’UEMOA, précitée, annexe, art. 19.
(11) AUSCGIE, art. 81-3, al. 2.
(12) Ibid.
(13) AUSCGIE, art. 81-2.
(14) Règl. gén. COSUMAF, art. 21.
(15) Dir. nº 2003/71/CE, 4 nov. 2003, art. 2.
(16) AUSCGIE, art. 81-3, al. 3.
(17) AUSCGIE, art. 84.
(18) AUSCGIE, art. 88.
(19) A. Couret, H. Le Nabasque, M.-L. Coquelet, Th. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine, Droit financier, Dalloz, coll. « Précis », 1re
éd., 2008, nº 294, p. 157.
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