Le Rosaire, Victoires Et Pratiques (II)
Le Rosaire, Victoires Et Pratiques (II)
Deuxième partie :
Victoires et pratique
tions en faveur de cet acte délivré, à la requête des dominicains, par Dom
Francisco Antonino de Angulo, du Conseil de Sa Majesté Catholique, son
secrétaire et premier official de la secrétairerie de la Chambre et du royal
Patronat 1.
Après avoir établi le fait historique de la remise du rosaire à saint Domi-
nique par Notre-Dame, nous avons montré le développement de cette prière
au cours des siècles jusqu’à l’apothéose de Fatima. Dans cette apparition, la
Vierge Marie nous a donné le rosaire comme le dernier remède accordé au
monde avec la dévotion à son Cœur Immaculé.
Ensuite, nous avons exposé l’enseignement des papes au sujet de cette
prière, spécialement à travers les encycliques de Léon XIII. Le rosaire est pré-
senté par le magistère comme un puissant moyen de sanctification person-
nelle et de redressement social, et le grand recours de l’Église contre tous ses
ennemis.
Voyons maintenant quelques illustrations de cette puissance du rosaire,
avant de donner quelques conseils pour mieux prier avec le chapelet.
*
* *
1 — Le Conseil Royal ou Cour Suprême dont il est fait ici mention, était nanti de cette pièce par
suite d’un procès qui se plaidait en dernier appel. La copie du testament d’Antonin Sers est conservée
aux archives généralices. Ce que nous rapportons ici est extrait du livre du père Antonin DANZAS
O.P. : Études sur les temps primitifs de l’Ordre de saint Dominique, tome IV (Bx Jourdain de Saxe),
Poitiers, Oudin, 1877, p. 428-429.
2 — Nous renvoyons ici le lecteur au Sel de la terre 38, p. 102-104.
3 — Dom GUéRANGER, Année liturgique , Temps après la Pentecôte, t. V, « Le premier dimanche
d’octobre, fête du très saint Rosaire ».
4 — Dom GUéRANGER, Institutions liturgiques, Le Mans et Paris, Fleuriot et Débécourt, 1840, t. 1,
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p. 411-412.
1 — Dom GUéRANGER, Année liturgique , Jeudi de la Sexagésime. L’Église lit, ce jour-là, aux
leçons de Matines, l’épisode du déluge et de l’arche de Noé. Dom Guéranger fait une analogie entre
le déluge et le fléau des invasions ennemies.
2 — Dans Le Sel de la terre 39, nous avons reproduit le récit détaillé qu’en a fait le père Thomas
Esser O.P.
3 — La seconde étape fut la fondation de la franc-maçonnerie en 1717, qui déclencha la
Révolution de 1789. La troisième étape fut la révolution communiste d’octobre 1917 à Moscou. Le
protestantisme chassait l’Église, la Révolution française détrônait Notre-Seigneur Jésus-Christ, le
communisme chassait Dieu du monde.
4 — On peut se reporter à L’Année dominicaine, Lyon, Jevain : – année 1883, au 25 janvier : « Le
V. père Jean-Baptiste Carré O.P., prieur du couvent du Faubourg Saint-Honoré », p. 781-782 ; – année
1884, au 14 février : « Le V. père Pierre Louvet O.P. », p. 480-481 ; – année 1891, au 31 mai : « Le
V. père Timothée Ricci », p. 832-834.
1 — « Réjouissez-vous, Vierge Marie, à vous seule vous avez exterminé les hérésies dans le
monde entier. »
2 — C’est le titre sous lequel est vénérée la statue miraculeuse de la Vierge du rosaire qui se
trouve au couvent Saint-Dominique de Quezon City (New Manila).
3 — Nous vous renvoyons au Sel de la terre 37, à l’article : « Petit catéchisme de la Contre-Église,
de la gnose et du complot », p. 129, au paragraphe : « Où la gnose s’est-elle surtout développée ? ».
Hindouisme, bouddhisme, taoïsme viennent de la gnose. C’est la raison pour laquelle l’Évangile a
autant de mal à pénétrer dans ces pays.
4 — Il faut noter que les îles Philippines n’étaient alors peuplées que de tribus sauvages païennes
idolâtres, mais les fausses religions orientales gnostiques n’y avaient pas pénétré.
5 — Les Philippines furent découvertes par Ferdinand de Magellan le 31 mars 1521, mais il fut
massacré avec ses compagnons par une tribu sauvage, pour des raisons politiques. L’évangélisation
ne put donc commencer que lorsque les Espagnols revinrent avec des religieux augustins, en 1565.
6 — Le danger n’était pas petit. A Ceylan (Sri-Lanka), en 1657, les protestants hollandais
détruiront la chrétienté de saint François-Xavier, abattant les églises, massacrant prêtres et fidèles.
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• Les martyrs
C’est le 15 août 1549 que saint François-Xavier (1506-1552) aborda à Kago-
shima, au sud du Japon. Malgré l’obstacle du bouddhisme hostile et immoral, la
première évangélisation fut assez facile. Le système de féodalité qui affaiblissait le
pouvoir central de l’empereur, permettait de s’appuyer sur les seigneurs favo-
Cinquante mille catholiques durent s’enfuir dans la jungle où le catholicisme put survivre en secret
pendant 150 ans. Pour essayer de l’anéantir encore plus complètement, les protestants firent venir des
bonzes du Siam (Thaïlande) pour réimplanter à Ceylan le bouddhisme moribond. Ils leur
construisirent des temples et des bouddhas en or. On peut se référer au magnifique ouvrage du père
DUCHAUSSOIS O.M.I., Sous les feux de Ceylan, Paris, Grasset, 1929.
1 — Message du 5 décembre 1954 au Congrès marial des Philippines.
2 — On peut se reporter à :
– Maria, Études sur la sainte Vierge sous la direction d’Hubert du Manoir S.J., Paris, Beauchesne,
1958, article « Le culte de la sainte Vierge aux Philippines », par le père J. RIOU S.J., p. 668 ;
– Année dominicaine, Lyon, Jevain, 1906, au 27 novembre, « Le V. père Jean de Conca O.P. »,
p. 811-812.
rables. D’autre part, saint François-Xavier était en présence d’un peuple religieux
et intelligent.
Ce furent les jésuites qui introduisirent le rosaire au Japon, spécialement
par la diffusion d’un ouvrage en japonais sur les quinze mystères. Malheureuse-
ment, en 1582, arriva au pouvoir un nouvel empereur, Taïco Sama, hostile au
christianisme, et qui refit l’unité politique du pays. Soutenu et encouragé par les
bonzes, il déclencha une persécution violente. Le 5 février 1597, 23 franciscains
et 3 frères jésuites furent crucifiés à Nagasaki. Cela n’empêcha pas les domini-
cains, venus des Philippines, d’aborder au Japon en 1607, profitant d’une accal-
mie. Malgré les difficultés, ils fondèrent partout des confréries du rosaire, sous
l’impulsion du bienheureux Alphonse Navarrette O.P.(1571-1617), vicaire provin-
cial au Japon 1. Les missionnaires mettaient à la tête des Confréries des chefs ou
majordomes, dont la fonction consistait à assembler régulièrement les fidèles
pour la récitation du chapelet, de leur en rappeler les mystères, de leur lire l’ex-
position qu’en avait faite le vénérable Louis de Grenade O.P., de leur renouveler
les conseils et les avis des pères de la mission.
Mais l’anglais Guillaume Adams, capitaine d’un vaisseau hollandais, dé-
nonça les missionnaires catholiques au nouvel empereur, Cubo Sama, les accu-
sant d’être les espions des Espagnols pour envahir le Japon. Un édit de 1614 gé-
néralisa la persécution. Les religieux furent massacrés, les églises détruites, le
christianisme interdit sous peine de mort. Mais rien n’ébranlait les confrères du
rosaire. Ils allaient au supplice comme à une fête, la plupart ayant revêtu l’habit
blanc et le mantelet noir de la Confrérie, et portant leur rosaire au cou ou à la
main. Lorsqu’en 1638 le Japon se coupa du monde extérieur, Rome fut persuadée
qu’il n’y avait plus de catholiques dans le pays.
1 — Il sera béatifié le 7 juillet 1867 par le bienheureux pape Pie IX qui le placera à la tête de 205
martyrs du Japon. On peut se référer à l’ouvrage Les 205 martyrs japonais, Paris, Albanel, 1868.
2 — Missions Étrangères de Paris.
3 — Notre-Seigneur a fait en sorte que les deux sacrements les plus nécessaires à la survie de
l’Église puissent être administrés en l’absence de prêtres : le baptême qui lui donne des membres, et
le mariage qui conserve la communauté de l’Église en renouvelant ses fils (III, q. 65, a. 4).
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rosaire en japonais ancien. Deux ans auparavant, des protestants avaient bâti un
temple à Nagasaki, mais n’y voyant ni crucifix ni image de saint à vénérer, les ca-
tholiques japonais comprirent que ce n’était pas la vraie religion. Ils reconnurent
les missionnaires catholiques à trois signes : la dévotion envers Notre-Dame,
l’obéissance au pape, et le célibat. « Ils sont vierges, merci ! merci ! », s’écrièrent-
ils en se prosternant à terre lorsque le père Petitjean leur dit que les prêtres ca-
tholiques ne sont pas mariés.
En souvenir de cette découverte des catholiques, une fête liturgique est cé-
lébrée chaque année au Japon le 17 mars, la fête Beata Maria Virgo de inven-
tione christianorum 1. La messe est celle du commun des fêtes de la sainte
Vierge 2.
1 — Cité par le même Louis PéROUAS, ibid. (p. 116), qui est bien obligé de reconnaître certains
faits.
2 — Marquise DE LA ROCHEJAQUELEIN, Mémoires, Paris, Mercure de France, 1984, p. 155.
3 — Père CALMEL O.P., « Le Cœur Immaculé de Marie et la paix du monde », dans Itinéraires 38,
décembre 1959, p. 24.
4 — Nous ne nous étendrons pas ici, mais il est évident que la chute du mur de Berlin en 1989
n’a pas sonné le glas du communisme. Celui-ci peut changer de tactique et de méthode selon les
circonstances, mais aujourd’hui il est loin d’être mort, aussi bien à l’Est que dans le restant du monde,
et les « institutions et mœurs de l’athéisme » qu’il a inaugurées en 1917 ne cessent de se développer.
On peut se reporter au texte de M. l’abbé Delestre La Russie répandra ses erreurs à travers le monde...
A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera, paru dans Le Sel de la terre n° 39, p. 254-258.
5 — Entretien avec le père Fuentès en 1959, Messagero del Cuore di Maria, n° 8-9, août-
septembre 1961.
6 — Apparition du 13 octobre 1917 à Fatima.
7 — Entretien de sœur Lucie de Fatima avec le père Fuentès, ibid.
8 — « A la fin, mon Cœur Immaculé triomphera ».
9 — Nous y reviendrons un peu plus loin, dans le paragraphe « Rosaire et méditation ».
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• En Autriche, en 1955
A la fin de la dernière guerre, l’Autriche avait été partagée en quatre zones
occupées par les alliés : Américains, Anglais, Français et Russes 2. Les Russes se
trouvaient dans la partie comprenant la capitale : Vienne, partie la plus riche en
ressources naturelles et en industries, donc très intéressante pour Moscou qui y
installa des troupes extrêmement nombreuses.
Le 25 novembre 1945, des élections ayant eu lieu dans tout le pays s’étaient
soldées par un échec retentissant des communistes, qui ne remportèrent que 4
sièges sur 165. Cependant, la Voix du peuple, journal du parti, écrivait : « Nous
avons perdu une bataille, mais nous ne sommes qu’au début de la guerre en Au-
triche et, cette guerre, nous la gagnerons. » En effet, la pression ne cessait d’aug-
menter dans la zone occupée, accompagnée d’ailleurs de meurtres et de pillages,
confirmant la volonté de Moscou d’annexer définitivement le pays.
C’est alors qu’intervint un prêtre franciscain, le père Petrus Pavliceck (1901-
1982). Revenant de captivité en 1946, il fit un pèlerinage d’action de grâces à
Mariazell, la Magna Mater Austriæ, la Mère très aimante de l’Autriche. Deman-
dant à Notre-Dame, dans ses prières, ce qu’il pouvait faire pour libérer son pays,
il entendit une voix intérieure lui répondre : « Faites ce que je vous dis : priez
tous les jours le rosaire, et il y aura la paix. »
Après une année de réflexion, il lança le 2 février 1947 une croisade répa-
ratrice du rosaire dans l’esprit de Fatima, avec les buts suivants : réparation des
offenses faites à Dieu, conversion des pécheurs, paix et salut du monde et
spécialement de l’Autriche.
Un an après, en 1948, 10 000 personnes étaient déjà engagées dans la croi-
sade de prière, dont le chancelier Figl, chef politique du pays 3. Les fidèles s’en-
gageaient à dire le chapelet chez eux pour la libération du pays, des récitations
publiques furent organisées dans les églises, des processions de plusieurs cen-
taines et parfois milliers de personnes récitant le rosaire, se déroulèrent dans les
villes et les villages.
En 1949, la situation devint de plus en plus critique, et l’inquiétude grandit
lorsqu’on apprit ce qui se passait dans les pays voisins : la Tchécoslovaquie et la
Hongrie étaient tombées aux mains des communistes, et l’Église y était persécu-
1955, mois du rosaire. Ce jour est désormais une fête nationale en Autriche.
Une grandiose cérémonie d’action de grâces fut alors organisée à Vienne,
sur la Place des Héros, en présence des personnalités politiques et religieuses.
Tous les discours proclamèrent que la Vierge du rosaire était la cause de la vic-
toire.
• Au Brésil, en 1964
En 1964, au Brésil, le président Joao Goulart tenta d’organiser le passage de
son pays au communisme sur le modèle cubain. Il avait réussi à noyauter les
postes-clé ainsi que les écoles et les universités de la plus grande partie du pays.
Mais, presque toute l’année précédente, le père Patrick Peyton, de la
Congrégation de la Sainte-Croix, avait prêché une croisade du rosaire, sillonnant
le pays afin de convaincre les fidèles de se tourner vers Notre-Dame. Le peuple
s’en souvint au moment du danger. Ce furent les femmes brésiliennes qui se mo-
bilisèrent les premières, défilant par millions dans les rues des villes en récitant le
chapelet. Une fois, dans la ville de Belo Horizonte, elles empêchèrent une confé-
rence de Leonel Brizola, ambassadeur de Cuba, en envahissant à trois mille la
salle où il devait parler, et en y récitant le rosaire. En ressortant, Brizola trouva
également les rues pleines, à perte de vue, de femmes en prière. Il quitta la ville
avec, en poche, l’un des discours les plus incendiaires de sa carrière... qu’il
n’avait pu prononcer.
Le 13 mars 1964, Goulart décrétait le changement de la Constitution, l’abo-
lition du Congrès et la confiscation des industries et des fermes.
Cela déclencha la riposte des femmes. Le texte suivant fut répandu dans
tout le Brésil : « Ce pays immense et merveilleux dont Dieu nous a fait don, est
dans un péril extrême. Nous avons permis à des hommes d’une ambition sans
limites, dépourvus de toute foi chrétienne et de tout scrupule, d’apporter la mi-
sère à notre peuple, de détruire notre économie, de troubler notre paix sociale,
de semer la haine et le désespoir. Ils ont noyauté notre nation, nos administra-
tions, notre armée, et même notre Église, avec les serviteurs d’un totalitarisme qui
nous est étranger et qui détruirait tout ce à quoi nous tenons. [...] Sainte Mère de
Dieu, protégez-nous du destin qui nous menace, et épargnez-nous les souf-
frances infligées aux femmes martyrisées de Cuba, de Pologne, de Hongrie et des
autres nations réduites en esclavage. »
De nouvelles et grandioses « marches du chapelet » furent organisées dans
tout le pays, auxquelles participaient hommes, femmes et jeunes gens, tandis que
Luiz Carlos Prestes, chef du parti communiste brésilien, plastronnait en déclarant :
« Le pouvoir, nous l’avons déjà. »
Mais, peu à peu, le président se sentit lâché de toutes parts. Les gouver-
neurs d’États, des députés, les généraux de l’armée, se séparèrent de lui les uns
après les autres. Le 26 mars, pour sauver le pays, les militaires prirent le pouvoir
sans qu’une goutte de sang fût versée. Goulart et les chefs communistes des syn-
*
* *
1 — Pendant les évènements, celles-ci avaient inscrit 200 000 hommes et jeunes gens dans leurs
registres, véritable armée pacifique au service de Notre-Dame.
2 — Ces informations ont été recueillies dans un supplément à Défense du foyer, n° spécial du
printemps 1965.
3 — Nous remercions cependant à l’avance les lecteurs qui pourraient nous donner d’autres
documents sur ce sujet.
4 — Paris, Seuil, 1966.
5 — Père CALMEL O.P., Le Rosaire de Notre-Dame, Grez-en-Bouère, DMM, 1 ère édition 1971,
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noncé à Fatima, sera d’ailleurs une victoire du rosaire, et non la moindre. Ayant
déjà été victorieux – chaque fois qu’il a été employé – du catharisme, de l’islam,
du protestantisme, du jansénisme, de la franc-maçonnerie, de la révolution, du
communisme et de tous les ennemis de l’Église, le rosaire libèrera l’Église du
modernisme, « égoût collecteur de toutes les hérésies 1 », et il libèrera la cité tem-
porelle des erreurs issues de 1789. « Mes chers enfants », écrivait le 21 septembre
1885 Mgr Sarto, le futur saint Pie X, « parce que de nos temps prévaut lamenta-
blement l’orgueil intellectuel qui refuse toute soumission, corrompt les cœurs et
mine la moralité chrétienne, il n’y a pas de moyen plus sûr, pour faire triompher
la foi, que la méditation des mystères du rosaire. »
Il nous reste maintenant à répondre à la question :
Après un signe de Croix bien fait (c’est la première chose que la sainte
Vierge a apprise à Bernadette à Lourdes), on récite le Credo, un Pater, trois Ave
en l’honneur de la Sainte Trinité, un Gloria Patri. Puis les dizaines d’Ave se suc-
cèdent, précédées par un Pater et terminées par un Gloria Patri, puis la prière Ô
mon Jésus enseignée par Notre-Dame à Fatima et qui est maintenant entrée dans
la coutume universelle.
• Le Credo
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort 3 dit que le Credo placé au début
du rosaire, « étant un saint raccourci et abrégé des vérités chrétiennes, est une
prière d’un grand mérite parce que la foi est la base, le fondement […] de toutes
les prières que Dieu a pour agréables. “Celui qui s’approche de Dieu doit croire”
(He 11, 6). »
• Le Pater
Nous renvoyons à un bon commentaire du Pater comme celui du Caté-
chisme du concile de Trente ou celui de saint Thomas d’Aquin 3.
Saint Louis-Marie Grignion de Montfort dit que le Pater « tient sa première
excellence de son auteur, […] contient l’abrégé de l’Évangile, surpasse […] tous
les désirs des saints, demande tout ce qui nous est nécessaire, loue Dieu d’une
manière excellente, et unit l’âme étroitement à Dieu 4. »
Le père Calmel O.P. montre bien le lien qui existe entre le Pater et les
mystères du rosaire : au Père, nous « présentons son Fils dans des mystères diffé-
rents. Et chacun de ces mystères a une manière propre de glorifier le Père, nous
configure à Jésus-Christ d’une manière spéciale pour la gloire du Père. Autant
que possible, que le Pater soit en rapport avec le mystère que l’on médite 5 ».
1 — C’est ainsi que le rosaire a permis aux catholiques du Japon de garder la foi pendant deux
siècles malgré l’absence de prêtres (supra) ; et dans la terrible crise actuelle qui secoue l’Église, alors
que la foi disparaît presque dans le monde entier, ce sont encore les personnes et les groupes restés
fidèles au chapelet qui gardent la vraie foi catholique.
2 — Père HUGON O.P., Le Rosaire et la sainteté, Paris, Lethielleux, 1948, p. 11.
3 — Saint THOMAS D’AQUIN , Le Pater et l’Ave, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1966, p. 15-153.
4 — Le Secret admirable du très saint rosaire, ibid., 12e Rose, p. 42-43.
5 — « Dignité du rosaire », article paru dans la revue Itinéraires 62, avril 1962, p. 146-147.
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• L’Ave Maria
On pourra se reporter au commentaire de l’Ave par saint Thomas d’Aquin 1
ou à celui de saint Louis-Marie Grignion de Montfort dans Le secret admirable du
très saint rosaire 2.
Dans son Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge, saint Louis-Marie dit
que « l’Ave est la plus belle de toutes les prières après le Pater ; c’est le plus par-
fait compliment que vous puissiez faire à Marie, puisque c’est celui que le Très-
Haut lui envoya faire par un archange pour gagner son cœur 3 ». Cette prière
nous gagnera donc le cœur de Marie.
Dans Le Secret admirable du très saint rosaire, le même saint ajoute que la
salutation angélique est « la joie des anges et des hommes, la terreur et la confu-
sion des démons. […] Par la salutation angélique, Dieu s’est fait Homme, une
Vierge est devenue Mère de Dieu 4 ».
• Le Gloria Patri
Placé à la fin des trois premiers Ave et au terme de chaque dizaine, le Glo-
ria Patri, chant de gloire à la Trinité, nous rappelle que le rosaire nous conduit
de Marie à Jésus, et de Jésus à la Trinité. Le père Vayssière O. P. aimait à faire
remarquer que « le rosaire est un enchaînement d’amour de Marie à la Trinité 5 ».
1 — Le Pater et l’Ave, ibid. p. 155-185. Comme nous l’avons remarqué dans l’article précédent,
seule la première partie de l’Ave existait au XIIIe siècle (« Le rosaire, histoire et doctrine », Le Sel de la
terre 38). On ne s’étonnera donc pas que saint Thomas ne commente que cette partie.
2 — Ibid., p. 51-61.
3 — Saint LOUIS-MARIE GRIGNION DE M ONTFORT, Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge,
n° [252], Paris, Seuil, p. 188-189.
4 — I D., ibid., 15 e Rose, p. 52.
5 — Marcelle DALLONI, Le Père Vayssière, Paris, Alsatia, 1957, p. 166.
6 — Frère MICHEL DE LA SAINTE T RINITé, Toute la vérité sur Fatima, Saint-Parres-lès Vaudes, CRC,
1 édition 1983, 4e édition 1986, t. I, deuxième partie, ch. 6, p. 230. Nous avons reproduit la version
ère
tima 1 ». Les trois voyants l’ont d’ailleurs comprise dans le contexte de la vision
de l’enfer qu’ils venaient d’avoir. Cette prière revenait souvent sur les lèvres de
Jacinthe, même en dehors du chapelet, ainsi qu’en témoigne sœur Lucie dans ses
Mémoires : « Jacinthe s’asseyait souvent par terre ou sur quelque pierre et, pen-
sive, commençait à dire : “Oh l’enfer ! Oh l’enfer ! Que j’ai pitié des âmes qui
vont en enfer ! Et les personnes qui sont là, vivantes, à brûler comme du bois
dans le feu !” Et, à demi tremblante, elle s’agenouillait, les mains jointes, pour ré-
citer la prière que Notre-Dame nous avait apprise : Ô mon Jésus. Maintenant,
votre Excellence comprendra pourquoi j’ai conservé l’impression que les der-
nières paroles de cette prière se rapportent aux âmes qui se trouvent dans un
plus grand ou plus imminent péril de damnation 2. »
« Le rosaire est une école de contemplation, car il nous élève peu à peu au-
dessus de la prière vocale et de la méditation raisonnée ou discursive. Les an-
ciens théologiens ont comparé ce mouvement de contemplation au mouvement
en spirale 3 que décrivent certains oiseaux comme l’hirondelle pour s’élever très
haut. Ce mouvement en spirale est aussi comme un chemin qui serpente pour
faire sans fatigue l’ascension d’une montagne 4. »
1 — Père MARIE -EUG È NE DE L’ENFANT-JéSUS O.C.D., Je veux voir Dieu, Venasque, éditions du
Carmel, 1ère édition 1949, 7 e édition 1988, p. 170-171.
2 — Le Chemin de la perfection, chapitre 26.
3 — Père GARRIGOU-L AGRANGE O.P., ibid., p. 311-312.
4 — Mgr L. Charles GAY , Entretiens sur les mystères du saint rosaire, Paris, H. Oudin, 1887, t. I,
p. 39. 41.
• Rosaire et méditation
[Dieu] était incompréhensible et inaccessible, invisible et parfaitement insaisis-
sable à la pensée. Mais il a voulu être compris, être vu, être saisi par la pensée.
Comment, direz-vous ? En se couchant dans la crèche, en reposant au giron de la
Vierge, en prêchant sur la montagne, en passant les nuits à prier, en se laissant clouer
à la croix, dans la lividité de sa mort, en règnant sur les enfers, puis en ressuscitant le
troisième jour et en montrant aux apôtres, pour preuve de sa victoire, la marque des
clous ; enfin, en montant au ciel sous leurs yeux. Chacune de ces actions appelle les
réflexions les plus sincères et les plus pieuses. Dès que j’évoque l’une d’entre elles, je
1 — Père GARRIGOU-L AGRANGE O.P., La Mère du Sauveur et notre vie intérieure, ibid., p. 312.
2 — Lettre à Mlle Maria Teresa de Cunha, le 12 avril 1970, reproduite dans l’ouvrage Fatima-
documentos publié par le père Antonio Maria MARTIN S.J., Porto, 1976.
3 — Saint LOUIS-MARIE GRIGNION DE MONTFORT , Le Secret admirable du très saint rosaire, ibid.,
44e Rose, p. 113-114.
L E RO SAIRE : VICT O IRES ET P RAT IQ UE 63
pense à Dieu, et à travers toutes il est mon Dieu. Méditer ainsi, c’est la sagesse
même, je l’ai dit, et j’estime que rien n’est plus recommandable que de se remémorer
toute la douceur de ces évènements comparable à celle des amandes ; [...] c’est cette
même douceur que Marie a puisée dans les hauteurs pour la déverser sur nous 1.
1 — Saint BERNARD , Œuvres mystiques, Paris, Seuil, 1953, « Œuvres mariales ; L’aqueduc, Sermon
pour la nativité de la bienheureuse Vierge Marie », p. 891.
2 — Ils le sont dans la mesure où c’est par ces actions de sa vie terrestre que Notre-Seigneur nous
a rachetés.
3 — On ne peut en effet mériter que lorsqu’on est sur cette terre.
4 — Dom MARMION , Le Christ dans ses mystères, Conférences préliminaires : « Les mystères du
Christ sont nos mystères, V », Maredsous, 1957, p. 18.
5 — III, q. 56, a. 2, ad 2.
morts ne meurt plus, et que la mort n’aura plus d’empire sur lui. Car, s’il est mort
pour le péché, il n’est mort qu’une fois ; et maintenant qu’il vit, il vit pour Dieu.
Ainsi, considérez-vous vous-mêmes comme morts au péché, et comme ne vivant
plus que pour Dieu en Jésus-Christ 1. »
Nous avons donc deux choses à faire pour imiter la résurrection de Jésus-Christ.
D’abord, après nous être lavés des souillures du péché, nous devons embrasser un
nouveau genre de vie, où l’on puisse voir briller la pureté des mœurs, l’innocence, la
sainteté, la modestie, la justice, la charité et l’humilité. Ensuite, il est nécessaire de
persévérer dans cette vie nouvelle, de manière à ne jamais nous écarter, avec la grâce
de Dieu, de la voie de la justice.
Or, les paroles de l’Apôtre que nous venons de citer ne nous apprennent pas
seulement que la résurrection de Jésus-Christ nous est proposée comme modèle de la
nôtre, mais qu’elle nous donne en réalité la vertu de ressusciter un jour et que, en at-
tendant, elle nous communique les lumières et les forces nécessaires pour persévérer
dans la sainteté, dans la justice et dans l’accomplissement des préceptes divins 2.
Comme le dit le pape saint Léon le Grand : « Tout ce que le Fils de Dieu a
fait aussi bien qu’enseigné en vue de la réconciliation du monde, nous ne le
connaissons pas seulement par le récit de ses actions passées, mais nous en res-
sentons aussi l’effet par la vertu de ses œuvres présentes. […] Aussi discernons-
nous en chaque fidèle, à travers la valeur de sa sainte vie, l’auteur même des
bonnes œuvres 3. »
Rosaire et eucharistie. — C’est ici que se fait le lien entre la méditation des
mystères de la vie du Christ dans le rosaire, et la sainte eucharistie. La sainte li-
turgie rapproche d’ailleurs les deux dans la postcommunion de la fête du
saint Rosaire (7 octobre) : « En cette fête du Rosaire, nous vous demandons Sei-
gneur, le secours des prières de votre très sainte Mère, pour que nous obtenions
le fruit des mystères que nous méditons, et l’effet du sacrement que nous venons
de recevoir. »
L’Imitation de Jésus-Christ dit que la méditation des mystères de la vie de
Notre-Seigneur réalise une communion spirituelle : le fidèle « communie de cette
manière [c’est-à-dire spirituellement] et se nourrit invisiblement de Jésus-Christ
toutes les fois qu’il médite avec piété les mystères de son incarnation et de sa
passion et qu’il s’enflamme de son amour 4 ».
Aussi le père Vayssière O.P. écrit-il : « Le rosaire, c’est la communion de
tout le jour, qui traduit en lumière et en résolutions fécondes la communion du
matin 5. »
La communion nous transforme en celui que nous mangeons. Le rosaire
1 — Rm 9, 10-11.
2 — Catéchisme du concile de Trente, Paris, Paris, Itinéraires, 1969, « Du symbole des apôtres »
(cinquième article), p. 70-71.
3 — Saint LéON LE G RAND, Le Mystère de l’incarnation, Paris, Cerf, 1987, XII e sermon sur la
passion, p. 81. 83.
4 — Livre IV, « Du sacrement de l’eucharistie », ch. 10, n° 6.
5 — Ibid., p. 165.
L E RO SAIRE : VICT O IRES ET P RAT IQ UE 65
nous transforme en celui que nous contemplons. Le rosaire est donc bien le pro-
longement de la sainte eucharistie.
Nous pouvons dire que les mystères de la vie du Christ, contemplés dans la
liturgie, assimilés en quelque sorte par la sainte eucharistie, continuent à être vé-
cus dans la méditation du rosaire.
1 — Il s’agit ici des événements vécus par Notre-Dame depuis l’annonciation jusqu’à la nativité à
Bethléem.
2 — Il s’agit des événements dont la Vierge Marie a été le témoin et l’acteur jusqu’au
recouvrement de l’enfant Jésus au Temple de Jérusalem. Pour l’exégèse de ces deux versets
d’Évangile, se reporter à l’annexe nº 1 à la fin de cet article.
3 — Saint JEAN EUDES, Le Cœur admirable de la très sacrée Mère de Dieu, Paris, Lethielleux, 1935,
Livre sixième, oracle XII : « Qui nous représente le très saint Cœur de la bienheureuse Vierge
comme le sacré dépositaire et le fidèle gardien des mystères merveilleux et des trésors inestimables
qui sont contenus dans la vie admirable de Notre-Seigneur », p. 385-393.
4 — Ibid., p. 165-166.
L E RO SAIRE : VICT O IRES ET P RAT IQ UE 67
• Rosaire et contemplation
La méditation passe d’une idée à l’autre. La contemplation s’arrête. C’est
1 — Père CALMEL O.P., « Dignité du rosaire », Itinéraires 62, avril 1962, p. 146.
2 — Le Secret admirable du très saint rosaire, ibid., 44e Rose, p. 112.
3 — Le Secret admirable du très saint rosaire, ibid., « Méthodes pour réciter le rosaire », première
méthode, p. 140-145.
4 — On doit se sentir très libre, cependant, au moins dans la récitation privée du chapelet, pour
attribuer tel ou tel fruit aux mystères que l’on médite. Saint Louis-Marie conseille de demander, « par
ce mystère et l’intercession de la sainte Vierge, une des vertus qui éclatent le plus dans ce mystère ou
dont vous aurez le plus besoin » (ibid., p. 112). Le rosaire reste une prière privée, et n’est donc pas
soumis à des règles aussi strictes qu’une prière liturgique.
5 — Père CALMEL O.P., « Dignité du rosaire », Itinéraires 62, p. 142.
1 — Dans son opuscule Manière courte et facile pour faire l’oraison en esprit de foi et de simple
présence de Dieu.
2 — « Le rosaire, école de la plus haute contemplation », dans la Vie spirituelle, octobre 1929,
p. 22.
3 — Le père Petitot parle maintenant d’une contemplation surnaturelle, qui ne vient pas de
l’effort humain, mais est donnée par Dieu lui-même, et qu’on appelle encore contemplation infuse.
L E RO SAIRE : VICT O IRES ET P RAT IQ UE 69
mande. Cette dernière espèce d’attention est la plus nécessaire, et même les
personnes sans instruction en sont capables. Cette attention, par laquelle l’esprit
est fixé sur Dieu, est même parfois si forte que l’esprit en oublie tout le reste 1. »
C’est en s’appuyant sur les deux premières qu’elle nous conduit à la contempla-
tion. On peut prendre la comparaison d’un violon à trois cordes : l’idéal est de
faire vibrer les trois.
Saint Thomas ajoute au même endroit que, « pour que la prière vocale soit
méritoire, il n’est point nécessaire que l’attention accompagne la prière d’un bout
à l’autre. En vertu de l’intention initiale, la prière tout entière se trouve rendue
méritoire. Mais quant à la réfection spirituelle de l’âme, elle requiert nécessaire-
ment une prière attentive. »
« Cette doctrine est consolante, dit Dom Vital Lehodey : quand nous avons
bien débuté 2 et qu’ensuite notre esprit nous échappe malgré nous, la formule
que nos lèvres ont continuée n’est pas entièrement dénuée de mérite et d’effet. Il
faut avouer cependant que, si l’âme avait su mieux se tenir appliquée, le mérite
et le fruit seraient plus grands 3. »
Repoussons donc résolument les distractions volontaires qui sont « un pé-
ché et empêchent le fruit de la prière 4 ». Quant aux distractions involontaires,
non coupables, conséquences de la fragilité de l’humaine nature, repoussons-les
doucement, patiemment, dès que nous nous en apercevons, comme on repous-
serait des mouches importunes. Elles n’enlèvent pas le fruit de la prière. Et si
elles nous assiègent tout le temps du chapelet, ne nous en inquiétons pas. Of-
frons notre misère à Notre-Seigneur et à Notre-Dame. Servons-nous en pour
mieux connaître notre néant, pour nous humilier, mais restons en paix.
Conclusion
« Je vous bénis, ô Père, Seigneur du Ciel et de la terre, de ce que vous avez caché
ces choses aux sages et aux prudents, et les avez révélées aux petits enfants. »
(Lc 10, 21.)
méditer et contempler. Pensons par exemple au pape Léon XIII qui trouvait ma-
tière chaque année à une nouvelle encyclique sur le sujet, différente des précé-
dentes. C’est pourquoi nous ne prétendons pas, par cet article, avoir épuisé tout
ce qui peut être dit sur cette prière contemplative 1. Nous y reviendrons encore
dans Le Sel de la terre. Dès maintenant, cependant, pour donner quelque idée des
perspectives immenses ouvertes par le rosaire, nous voulons citer ces très belles
lignes du père Hugon O.P. :
Le rosaire est le résumé de tout le christianisme. Le dogme tout entier se ramène
au rosaire. Le traité des Personnes divines, et celui de l’incarnation, nous les rencon-
trons dès le premier mystère. [… Le rosaire contient] le traité des sacrements [et en
particulier] le traité de l’eucharistie [puisque ] le rosaire […] est le mémorial de la
vie, de la passion, de la mort et de la résurrection de Notre-Seigneur. Le traité des
fins dernières est contenu d’une manière saisissante et pratique dans les mystères glo-
rieux. Le rosaire, c’est donc la théologie, mais la théologie qui prie, qui dit par cha-
cun de ses dogmes : Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit.
La morale, qui traite des péchés et des vertus, se ramène à notre grande dévo-
tion. On n’apprécie bien la malice infinie du péché mortel que lorsqu’on voit dans
les mystères douloureux, la justice divine s’acharner sur le Christ innocent, exiger de
lui cette effroyable rançon de la Croix, et qu’on entend Jésus s’écrier sous le poids de
nos crimes : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? » Chacun
des mystères est une sublime leçon de vertu, il y a plus que de l’héroïsme dans de tels
exemples : ce sont les plus hauts sommets de la vie mystique. Ainsi, le rosaire, c’est la
morale qui prie, qui pleure, qui expie, qui monte vers l’héroïsme en disant au
Christ : Redemisti nos Deo in sanguine tuo, et fecisti nos Deo nostro regnum et sacerdotes
2.
L’histoire se résume dans le rosaire, puisque cette dévotion contient celui qui est
le premier et le dernier mot de tous les événements, celui dont la figure radieuse
domine les deux versants de l’histoire, l’ancien Testament et le nouveau. Encore une
fois, le rosaire, c’est l’histoire qui prie, qui amène toutes les nations au Christ en di-
sant : Vous êtes l’Alpha et l’Omega, le commencement et la fin.
La question sociale elle-même est résolue par le rosaire, comme Léon XIII le
prouve éloquemment 3. Le rosaire, c’est la question sociale résolue par ce cri triom-
phant : Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat !
On voit dès lors quelle est la merveilleuse souplesse du rosaire : il s’adapte à tous
les sujets, à tous les temps, à toutes les personnes. Par sa partie matérielle et le côté
1 — Pour compléter cet article, nous vous signalons d’ailleurs les cassettes-audio que nous avons
éditées : – Qu’est-ce que le rosaire ? (4 sermons donnant l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur le rosaire
et comment le prier), 1 cassette, 6 € + port (1, 5 €) ; – Le rosaire, école de vie intérieure (conférence
au congrès marial de Lourdes en 1998), 1 cassette, 5 € + port (1, 5 €) ; – Les mystères du rosaire (16
sermons donnés au couvent), 4 cassettes, 25 € + port (4, 5 €) ; – Le rosaire avec les saints (un rosaire
entier médité), 1 cassette, 5 € + port (1, 5 €) – existe aussi en CD : 12 € + port (1, 22 €) ; – Le
rosaire médité (avec des textes du père Emmanuel et du père Calmel O.P.), 1 cassette, 5 € + port
(1, 5 €).
2 — « Vous nous avez rachetés pour Dieu par votre sang, et vous nous avez faits rois et prêtres
pour notre Dieu » (Ap 5, 9-10).
3 — Nous l’avons vu dans le Sel de la terre 38.
*
* *
Annexe I
« Marie conservait toutes ces choses dans son cœur. »
Exégèse de deux versets d’Évangile
« Maria autem conservabat omnia verba hæc, conferens in corde suo : Marie conservait
toutes ces choses (ou tous ces souvenirs), les méditant dans son cœur » (Lc 2, 19).
« Mater ejus conservabat omnia verba hæc in corde suo : Sa Mère conservait
toutes ces choses dans son cœur » (Lc 2, 51).
ment, décisions. Et l’ensemble de ces deux versets prouve [...] que c’est bien en
ce sens hébraïque que la sainte Vierge parle de son cœur. »
Le père Marc Trémeau ajoute ceci :
« Un autre terme intrigue fortement le lecteur. C’est, en latin “conferens”,
traduisant le grec “sumballousa” [sumbavllousa]. Il est du plus haut intérêt pour
nous. Il se compose en grec du préfixe sun qui évoque l’union, et du verbe
ballô, qui veut dire “jeter”. Son sens premier est donc “jeter ensemble” ; mais il
est plutôt rare. Plus souvent, il signifie “mettre en commun”, rapprocher, réunir,
d’où résulte l’idée de comparer, confronter.
« Comment le traduire en français ? La plupart des versions se contentent du
terme “méditant”. Mais on peut méditer en approfondissant simplement un fait ou
une idée, et pas nécessairement en recourant à des rapprochements et des com-
paraisons. C’est si vrai que les commentateurs ont soin de donner ces précisions
en note. Par exemple Pirot-Clamer : “Elle médite sur ces faits, compare la pro-
messe à la réalisation 1”. Ou encore Fillion : “Admirable réflexion, qui nous fait
lire au plus intime du cœur de Marie. Elle comparait ce qu’elle voyait et entendait
avec les révélations antérieures qu’elle avait reçues, et elle adorait les merveilles
du plan divin 2”. »
Les choses se précisent encore lorsqu’on note que « le substrat sémitique de
sumballô n’est pas araméen, comme on le supposait naguère, mais depuis Qum-
rân il est bien plus probable que ce substrat était hébreu ». Deux verbes hébreux
s’y rattachent (HGH [hgh] et SYH [jyc]). « Le premier signifie “murmurer, répéter,
ressasser”, et le second “méditer, s’intéresser, réfléchir” [...] Quand on est absorbé
par une idée, on y revient en la “murmurant”, en la “répétant”, en la “ressassant”.
C’est le verbe hébreu HGH. Normalement, on n’en reste pas à ce stade de la
mémoire. On passe tout naturellement au stade de la logique et de la critique :
on “réfléchit”, on “s’intéresse”, on “médite”. Et ici, nous reconnaissons le verbe
SYH. Or, si l’on se réfère au verset 19 de saint Luc, on est frappé d’y trouver
combinés les deux sens :
« 1° Avec le verbe conservabat (Marie conservait ces choses), nous sommes
au plan de la mémoire. Et c’est le sens de l’hébreu HGH, même si un autre verbe
hébreu rend encore mieux ce sens.
« 2° Avec le verbe conferens (méditant), c’est plus précisément le domaine
de l’activité inventive et critique de l’esprit, comme nous l’avons vu à partir du
grec sumballô. Et c’est le sens de l’hébreu SYH. [...] Ces données exégétiques
projettent de vives lueurs sur la vie intérieure de Marie », et peuvent nous aider à
mieux méditer avec elle les mystères de notre rosaire 3. »
1 — Louis P IROT et Albert CLAMER , La Sainte Bible, texte latin et traduction française d’après les
textes originaux avec un commentaire exégétique et théologique, Paris, Letouzey et Ané, 1950, t. X,
p. 46 (à propos de Lc 2, 19).
2 — L.- CL. FILLION , La Sainte Bible, texte latin et traduction française, commentée d’après la
Vulgate et les textes originaux, Paris, Letouzey et Ané, 1928, t. VII, p. 309 (à propos de Lc 2, 19).
3 — Le père Marc Trémeau fait d’ailleurs remarquer que cette manière de repasser dans sa
Annexe II
Un chapelet bien dit
Ce qu’on va lire est ravissant.
Anne est pieuse, elle est Enfant de Marie ; elle a dix-huit ans ; elle aime
Céline qui en a quinze, et elle s’est mis dans la tête d’apprendre à son amie l’art
de dire son chapelet.
*
C’est pendant le mois du rosaire. Dans une chambrette solitaire, toutes les deux
se sont agenouillées au pied d’une statue de la Vierge.
— Attention ! dit Anne. En vingt minutes, je vais te faire faire ton noviciat.
Demain, tu seras professe.
Et d’abord, ton chapelet est-il rosarié 1 ? Si oui, tu vas pouvoir gagner une mul-
titude d’indulgences. Si non, fais-le rosarier le plus tôt possible, sous peine de passer
bien des étés dans le purgatoire.
— Mon chapelet est rosarié, dit Céline.
— C’est bien ! reprit Anne. Il faut avoir l’intention de gagner toutes les indul-
gences attachées à ton chapelet, et les appliquer aux âmes du purgatoire. Ces pauvres
âmes nous rendront cela au centuple quand elles seront dans le paradis. Veux-tu ?
Ce soir, tu appliqueras les indulgences à ta bonne maman qui s’en est allée, et moi à
mon cher père qui m’a laissée, lui aussi. Demain, nous penserons à d’autres ; après-
demain à d’autres, et ainsi de suite ; jusqu’à ce que nous ayons parcouru le cercle
entier de nos parents et de nos amis défunts. Réglé. Commençons.
Je prends la méthode du bienheureux de Montfort. C’est la meilleure. Moi qui
la suis depuis quelque temps déjà, je la sais toute par cœur. Tu l’auras bien vite ap-
prise, toi aussi, si tu veux prendre l’habitude de la lire.
Au nom du Père... Maintenant une belle petite prière pour se recueillir, se
mettre en la présence de Dieu, de toute la cour céleste, de tous les justes de la terre :
« Je m’unis à tous les saints, à toutes les âmes fidèles, je m’unis à vous, mon Jésus. »
Bon ! Nous voilà en bonne compagnie. Notre chapelet va faire une jolie musique
mémoire les merveilles de Dieu était « un élément essentiel de la spiritualité des juifs pieux » (p. 26).
Certains psaumes sont d’ailleurs entièrement consacrés à un tel rappel. Ainsi, le psaume 135 (selon la
Vulgate). « A ces souvenirs de la mémoire, se joignait souvent une argumentation, ou une méditation,
ou toute autre activité de l’esprit, en vue d’obtenir une grâce particulière, individuelle ou collective »
(p. 24). Ainsi les psaumes 43, 76, 142. C’est le fondement biblique du rosaire dans l’ancien Testament.
Il peut être opposé – avec les versets étudiés de saint Luc – à ceux qui reprochent au rosaire sa
relative nouveauté.
1 — Lorsqu’un chapelet est rosarié, il permet d’obtenir les indulgences accordées par l’Église à
cette prière. Tout prêtre peut rosarier un chapelet. La formule se trouve dans le rituel romain
(Benedictio coronarum sacratissimi Rosarii B.M.V., Appendix : Benedictiones propriæ, nº 35).
L E RO SAIRE : VICT O IRES ET P RAT IQ UE 75
avec toutes ces voix-là. Nos petites voix à nous vont se fondre dans le concert total et
bénéficier de l’harmonie de l’ensemble.
Je crois en Dieu, Notre Père, Je vous salue, Marie. Mais, Céline, où es-tu ?
— Hélas ! dit Céline, je divague déjà. Je rêvais que je montais en voiture.
— Descends de voiture, mon amie, reprit Anne. Nous commençons la pre-
mière dizaine. Rappelle-toi que, pour gagner les indulgences du rosaire, il faut fixer
son attention, au moins un instant, sur un mystère de la vie de Notre-Seigneur. Au-
jourd’hui dimanche, nous allons prendre les mystères glorieux. Premier mystère : la
résurrection. Fixons notre regard sur Jésus-Christ sortant du tombeau.
Et maintenant, une intention particulière pour cette première dizaine. Com-
mençons par nous-mêmes et demandons, avec la vertu correspondant au mystère, la
grâce dont nous avons plus spécialement besoin. Notre Père, Je vous salue, Marie.
Pauvre Céline, je parie que te voilà encore distraite.
— Hélas ! dit Céline, j’ai pris un bateau, j’ai traversé l’océan, et me voilà rendue
en Amérique.
— Reviens d’Amérique, ma chère. Deuxième mystère glorieux. Recueillons-
nous une seconde aux pieds de Jésus montant au ciel. Intention particulière pour
cette seconde dizaine : nos parents et nos amis vivants, le bien de leur corps et le
bien de leur âme. Notre Père, Je vous salue, Marie. Eh bien ! Céline, cela marche,
n’est-ce pas ?
— Hélas ! dit Céline, cela marche trop. Voilà mon esprit qui se sauve dans les
nuages.
— A genoux dans le Cénacle, ma chère, aux pieds de Jésus envoyant l’Esprit-
Saint à ses apôtres. Intention particulière : nos parents et nos amis défunts. N’ou-
blions jamais de donner une dizaine à nos chers morts. Notre Père, Je vous salue,
Marie. Ma pauvre Céline, où es-tu rendue ?
— Hélas ! Hélas ! Me voilà montée dans la lune.
— Ne te tourmente pas, mon amie. Encore une seconde d’arrêt et recueillons-
nous aux pieds de la sainte Vierge, emportée triomphalement dans le ciel : qua-
trième mystère glorieux. Et maintenant, au large, ma chère, au large. Nous avons fait
le tour de nous-mêmes, le tour de nos parents et de nos amis. Faisons le tour de
notre paroisse, de notre diocèse, de la France, de l’Église ; prions aux intentions de
notre bon curé, de Mgr l’évêque, de notre Saint-Père le pape, pour l’épanouissement
de toutes les bonnes œuvres, le triomphe de toutes les saintes causes, la persévérance
de tous les justes. Notre Père, Je vous salue, Marie. Hé quoi ! Céline, tu es toujours
dans la lune ?
— Hélas ! dit Céline, tout allait bien jusqu’au troisième Ave Maria. A partir du
quatrième, tout a été perdu. En un instant, je me suis transportée aux bains de mer.
— Ce n’est plus la saison, ma fille. Fais tes paquets et reviens. Nous sommes à
la cinquième dizaine : Jésus couronnant Marie. Intention : les pauvres pécheurs.
D’autres prennent les pécheurs avec le filet de la parole de Dieu ; nous, ma chère,
nous pouvons faire des pêches miraculeuses avec les mailles de nos Ave Maria. C’est
un filet divin, le chapelet. Notre Père, Je vous salue Marie.
Et maintenant, terminons par la belle prière qui est à la suite de la méthode du
bienheureux de Montfort : « Je vous salue Marie, fille très aimable du Père éternel,
Mère admirable du Fils, épouse très fidèle du Saint-Esprit. Ô mon espérance, ô ma
Prières à Notre-Dame
du très saint rosaire
Prière du bienheureux Hyacinthe-Marie Cormier
aspirations de l’amour.
Je vous le demande, ô Reine du saint rosaire, par Dominique, votre fils de
prédilection, l’insigne prédicateur de vos mystères et le fidèle imitateur de vos vertus.
Ainsi soit-il.
(300 jours d’indulgence à gagner 1 fois par jour. Saint Pie X, 23 novembre 1906.)
• Secrète
Fac nos, quæsumus, Domine, his muneribus offerendis convenienter aptari ; et per
sacratissimi rosarii mysteria, sic vitam, passionem et gloriam Unigeniti tui recolere, ut
ejus digni promissionibus efficiamur.
Seigneur, faites-nous correspondre aux offrandes que nous vous présentons ; et
accordez-nous dans la récitation du très saint rosaire de méditer si bien les mystères
de la vie, de la passion et de la gloire de votre Fils unique, que nous devenions
dignes de ses promesses.
• Postcommunion
Sanctissimæ Genetricis tuæ, cujus rosarium celebramus, quæsumus, Domine, preci-
bus adjuvemur : ut et mysteriorum quæ colimus, virtus percipiatur, et sacramentorum
quæ sumpsimus obtineatur effectus.
En cette fête du Rosaire, nous vous demandons Seigneur, le secours des prières
de votre très sainte Mère, pour que nous obtenions le fruit des mystères que nous
méditons, et l’effet du sacrement que nous venons de recevoir.
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