Formule de Steiner-Minkowski
Pour les articles homonymes, voir Steiner et Minkowski.
En géométrie, les formules de Steiner-Minkowski sont des relations traitant d'un compact C d'un
espace euclidien E. On ajoute en général une condition supplémentaire sur le compact, indiquant
qu'il est soit convexe, soit de frontière homéomorphe à la sphère et paramétrable par une
fonction de classe C2 de la sphère dans l'espace euclidien.
La première formule indique que la frontière du compact est mesurable et que sa mesure est
égale à la dérivée en 0 de la fonction de R+ dans lui-même, qui à un scalaire ε associe le volume
de C + εB. Ici, R+ désigne l'ensemble des nombres réels positif, B la boule unité et le signe + la
somme de Minkowski. La mesure utilisée est celle de Lebesgue.
La deuxième formule indique que la mesure du volume de C + εB s'exprime comme un polynôme
de degré la dimension de E, si ε est suffisamment petit.
La mesure de la frontière utilisée correspond au contenu n – 1 dimensionnel de Minkowski. Dans
le cas où la frontière est paramétrable par une fonction de classe C2, le contenu se confond avec
la définition usuelle, c'est-à-dire celle obtenue avec la forme volume canonique. Dans le cas de la
dimension 2, ce contenu, dans le cas où la frontière est convexe, se confond avec la longueur de
l'arc qu'est la frontière, au sens de Jordan.
Les formules de Steiner-Minkowski sont utilisées conjointement avec le théorème de Brunn-
Minkowski, pour prouver le théorème isopérimétrique. Elles ont été ainsi nommées en l'honneur
des mathématiciens lituanien Hermann Minkowski et suisse Jakob Steiner.
Contenu de Minkowski
Une des difficultés de la première formule de Steiner-Minkowski, sous sa forme générale, est le
sens à donner au mot mesure de la frontière. Comme le montre l'article longueur d'un arc, il
existe différentes manières de définir cette mesure.
En dimension 2, si la frontière est le support d'un arc paramétré (I, f) injectif presque partout et
de classe C1, une première définition de la mesure mf de cette frontière est la suivante :
Cette définition se généralise bien, en dimension finie quelconque, si la frontière est l'ensemble
d'arrivée d'un homéomorphisme φ de classe C1 de la sphère Sn – 1. La mesure de la frontière
s'exprime comme l'intégrale sur la sphère de la valeur absolue déterminant jacobien de la
fonction φ :
Dans le cas d'un convexe compact d'un espace dimension 2, la frontière est toujours le support
d'un arc paramétrée injectif presque partout. En revanche, cet arc n'est pas nécessairement de
classe C1. Ceci n'est guère gênant, la définition de Jordan donne un sens à la longueur de l'arc,
correspondant à une mesure 1 dimensionnel dans un espace de dimension 2. Dans le cas d'une
dimension quelconque, la définition de Jordan ne se généralise pas (cf l'article Longueur d'un
arc). Une autre définition prend le relai, celle du contenu n-1 dimensionnel de Minkowski.
Le contenu p-dimensionnel de Minkowski d'un ensemble K d'un espace euclidien de
dimension n, si p est un entier plus petit que n est la limite , si elle existe, définie par1 :
Ici, μ désigne la mesure de Lebesgue, la boule unité et la boule unité d'un espace de
dimension .
Cette définition est bien cohérente avec les deux précédentes :
Soit un convexe compact de , un espace vectoriel de dimension . Si la frontière de
est l'ensemble d'arrivée d'un homéomorphisme φ de classe de la sphère , le contenu
-dimensionnel de Minkowski de vérifie l'égalité :
Soit un convexe compact de , un espace vectoriel de dimension 2. Si la frontière de
est le support de l'ensemble d'arrivée d'un lacet simple, le contenu 1-dimensionnel de
Minkowski de de est égal à la longueur du lacet simple au sens de Jordan.
Un lacet ([a, b], f) est un arc paramétré sur un segment [a, b] tel que l'image de a soit égal à
l'image de b par f. Le lacet est dit simple si la restriction de f à [a, b] est injective.
Dimension 2
Pour un polygone convexe, les
formules de Steiner-Minkowski
sont presque évidentes.
Dans ce paragraphe, K désigne un compact non vide de E, un espace euclidien de dimension 2 et
μ la mesure de Lebesgue de E. En dimension 2, les preuves sont plus aisées. La première
formule de Steiner-Minkowski s'énonce ainsi :
Si K est convexe ou si sa frontière est le support d'un lacet simple de Jordan, la mesure de K +
εB s'exprime comme un polynôme de degré 2 en ε. Ici ε désigne un nombre réel positif
suffisamment petit :
Dans le cas où K désigne un convexe, la valeur positive ε peut être choisie quelconque. La
deuxième formule de Minkowski donne une expression du périmètre de K :
Si K est convexe ou si sa frontière est le support d'un lacet simple de Jordan, la frontière de K
est le support d'un arc rectifiable au sens de Jordan et si désigne la longueur de la
frontière de K :
La deuxième formule de Minkowski indique que le coefficient p de la première formule est égal
au périmètre de K. Dans le cas d'un convexe, le coefficient q est égal à π. Si la frontière est un
lacet simple, on trouve une démonstration au paragraphe Formalisme de l'article Longueur d'un
arc.
Cas des convexes2
C désigne un compact convexe dans cette démonstration. Dans un premier temps, on établit
l'égalité de Steiner-Minkowski uniquement pour les polygones convexes.
Si P est un polygone d'aire égale à aP et de périmètre pP et si ε est un nombre réel
positif :
Dans le cas d'un polygone convexe, la deuxième formule de Steiner-Minkowski est presque
évidente, elle est illustrée par la figure en haut à droite, pour le cas d'un hexagone. On peut
décomposer l'aire en trois parties. La partie jaune correspond à l'aire aP du polygone. La partie
bleue est l'accroissement de surface au-dessus d'une arête, pour chaque arête on obtient une
surface rectangulaire d'aire la longueur de l'arête que multiplie ε. Comme la somme des
longueurs des arêtes est égale à pP, on trouve le terme εpP. Enfin, à chaque sommet, on trouve
une portion de disque de rayon ε, représentant un angle θs. Comme parcourir le polygone
revient à faire un tour complet, la somme des angles θs est égal à 2π, ce qui montre que la
somme des aires des portions de disque correspond à l'aire d'un disque complet, de rayon ε.
Dans le cas général, le terme p, intervenant dans la formule à démontrer, désigne le périmètre du
compact convexe C, il est nécessaire de montrer qu'il est fini.
La frontière de C est rectifiable :
Si l'intérieur de C est vide, trois points quelconques de C sont
alignés sinon la convexité montre que le triangle de sommets
ces trois points est inclus dans C et est d'intérieur non vide. C
est inclus dans une droite. Comme il est convexe et compact, sa
géométrie est celle d'un segment et la proposition est évidente.
Si l'intérieur de C est non vide, on considère un point O de cet
intérieur. Cette configuration est illustrée sur la figure de droite.
Comme C est compact, il existe un réel positif a tel que le disque de centre O et de rayon a
contienne C. On considère un cercle Cb de centre 0 et de rayon b strictement plus grand que a.
Ce cercle est illustré en rouge sur la figure. L'objectif est de montrer qu'un polygone P convexe
dont les sommets sont des points de la frontière de C est de périmètre plus petit que 2π.b. Le
polygone P est illustré en bleu. Pour cela, on considère l'ensemble des segments d'extrémités
le centre 0 et un point du cercle Cb frontière du disque, passant par un sommet de P. Ils sont
illustrés en vert sur la figure. Soit E l'ensemble des polygones convexes dont les sommets
sont tous sur les segments précédemment décrits. Si s est le nombre de sommets de P, on
peut identifier E à une partie de [0, b]s, sous ensemble de Rs. Cette identification permet de
munir E de la topologie induite par celle de Rs. L'ensemble E est alors un compact et la
fonction qui associe son périmètre à un convexe est continue, elle admet au moins un
maximum.
On va montrer qu'il n'existe qu'un unique maximum M, correspondant au polygone illustré en
rouge sur la figure et correspondant au point de coordonnées (b,..., b). Pour cela on montre
qu'un polygone Pc ayant au moins une coordonnée strictement inférieure à b ne peut être de
périmètre maximal dans E. Soit S2 ce sommet à une distance strictement inférieure à b de O et
soit S1 et S3 les deux sommets précédents et suivant. Soit L2 le segment vert, contenant S2 et
d'extrémité O et un point du cercle Cb. Comme les points de E correspondent à des convexes,
le sommet S2 est dans la portion L2c de L2 d'extrémités, l'intersection de L2 avec [S1, S3], et un
point du cercle. Tout polygone ayant même sommets que Pc à l'exception de S2, remplacé par
un point de L2c est élément de E. Parmi ces polygones, celui de plus grand périmètre est celui
pour lequel S2 est remplacé par un point du cercle Cb. Le polygone Pc possède un périmètre
strictement majoré, il n'est donc pas maximal. Le seul polygone de périmètre maximal
possible est M, comme par ailleurs, nous savons qu'il existe un polygone de périmètre
maximal dans E, il correspond nécessairement à M.
Le polygone P est de périmètre majoré par celui de M, lui-même majoré par 2π.b. On en déduit
que toute ligne polygonale approximant le convexe C est majoré par 2π.b, ce qui montre que la
frontière est bien rectifiable.
On appelle p le périmètre de C, qui est une grandeur finie d'après la démonstration précédente.
On montre ensuite qu'il est possible d'approcher C par un polygone compact convexe. La lettre η
désigne un réel strictement positif.
Il existe un polygone compact convexe P inclus dans C, à une distance de Hausdorff
inférieure à η de C et tel que les périmètres et les aires de C et de P diffèrent de moins
de η :
On choisit un polygone convexe dont les sommets sont des points de C et qui approxime le
périmètre de C à η près. Quitte à ajouter des points, on choisit le polygone tel qu'aucune arête
ne soit de longueur l, supérieure à 1 ou à η/(p + π). Ce polygone est noté P. La surface P + l.B
contient le convexe C, la démonstration est proposée dans l'article Théorème isopérimétrique
au paragraphe Polygone et Steiner. Ceci montre que la distance de Hausdorff entre P et C est
inférieure à η. L'aire μ(P + l.B) est plus grande que celle de C car C est contenu dans P + l.B. La
formule de mesure d'une telle aire pour un polygone et le fait que le périmètre de P soit plus
petit que celui de C montre que :
La formule est maintenant établit pour les polygones et il existe un polygone proche de C, à la
fois en surface et en périmètre. Dans la démonstration suivante, ce polygone permet de montrer
que la première formule de Steiner Minkowski est vraie aussi pour C. Si la frontière est un lacet
simple, on trouve une démonstration dans l'article Longueur d'un arc.
La première formule de Steiner-Minkowski est vraie pour C :
Soit (Pn) une suite de polygones contenus dans C tel que la distance de Haudorff entre Pn et C
soit inférieur à 1/n, et les périmètres et les aires de Pn et C diffèrent de moins de 1/n. Si on
note ap l'aire de Pn et pp son périmètre, on dispose des majorations :
On dispose ensuite des majorations, si a désigne l'aire de C :
On en déduit :
Il suffit alors de faire tendre n vers plus l'infini pour conclure.
La deuxième formule de Steiner-Minkowski est vraie pour C :
C'est une conséquence directe de la première formule de Minkowski et du fait que le
coefficient de degré 1 est égal au périmètre de la frontière.
Dimension quelconque
Énoncé de la formule
Soit , et un ensemble compact. Soit la mesure de Lebesgue (volume) de
. On définit la quantité par la formule suivante (formule de Minkowski-Steiner):
avec
désignant la boule fermée de rayon , et
est la somme de Minkowski de et , d'où
Remarques
Mesure de la surface
Pour un ensemble "suffisamment irrégulier" , la quantité ne correspond pas
nécessairement à la mesure -dimensionnelle du bord de . Voir Federer (1969)
pour un traitement complet de ce problème.
Ensembles convexes
Quand l'ensemble est convexe, la limite inférieure ci-dessus est une vraie limite et on peut
montrer
où est une fonction continue sur et désigne la mesure (ou volume) de la boulé unité de
:
avec désignant la fonction gamma.
Exemple : volume et surface d'une boule
Prenons qui donne la formule de l'aire de la sphère de rayon , :
avec défini ci-dessus.
Références
1. On trouve cette définition dans : R. Osserman The isoperimetric inequality (http://www.ams.o
rg/bull/1978-84-06/S0002-9904-1978-14553-4/S0002-9904-1978-14553-4.pdf) [archive] Bull.
Amer. Math. Soc. Vol 84 (1978) p. 1189
2. Elle provient de l'article : A. Treibergs Inequalities that Imply the Isoperimetric Inequality (htt
p://www.math.utah.edu/~treiberg/isoperim/isop.pdf) [archive] University of Utah p 14
Sources
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé
« Minkowski-Steiner formula (https://en.wikipedia.org/wiki/Minkowski-Steiner_formula?oldid=
86565509) » (voir la liste des auteurs (https://en.wikipedia.org/wiki/Minkowski-Steiner_formula?action=histor
y)).
(en) Bernard Dacorogna, Introduction to the Calculus of Variations, Londres, Imperial College
Press, 2004, 228 p., poche (ISBN 978-1-86094-508-3, LCCN 2004056946 (https://lccn.loc.gov/2004056946),
lire en ligne (https://books.google.com/books?id=ca7DOqZcGJQC&printsec=frontcover) [archive])
(en) Herbert Federer, Geometric Measure Theory, New-York, Springer-Verlag, 1969
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