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Poésie Ivoirienne CM Licence 3

Le document présente un cours sur la poésie ivoirienne, abordant son évolution, ses formes et les significations qui en émergent. Il souligne la distinction entre le discours poétique et le discours scientifique, mettant en avant la créativité et la connotation dans la poésie. La poésie ivoirienne est décrite comme un mélange de traditions orales et d'influences occidentales, reflétant un dualisme culturel lié à son histoire socio-politique.

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Poésie Ivoirienne CM Licence 3

Le document présente un cours sur la poésie ivoirienne, abordant son évolution, ses formes et les significations qui en émergent. Il souligne la distinction entre le discours poétique et le discours scientifique, mettant en avant la créativité et la connotation dans la poésie. La poésie ivoirienne est décrite comme un mélange de traditions orales et d'influences occidentales, reflétant un dualisme culturel lié à son histoire socio-politique.

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Université Félix Houphouët Boigny

Département de Lettres modernes

Licence 3

Année académique : 2024-2025

LA POESIE IVOIRIENNE :
EVOLUTIONS, FORMES ET SENS

Chargée du cours :
Professeure ADOM Marie-Clémence
Professeure Titulaire

1
 Objectif général :
- Étudier la poésie ivoirienne d’expression française du point de vue de son
évolution, de ses formes et des sens qui en émergent
 Objectifs spécifiques
- Faire connaitre les tendances, auteurs et œuvres majeurs de cette poésie.
- Problématiser et ouvrir la réflexion aux enjeux esthétiques et significations de la
variabilité littéraire dans cette poésie

Bibliographie indicative :

ADOM Marie-Clémence (1995), Histoire de la poésie ivoirienne écrite, thèse pour le


doctorat du 3e cycle, 2 tomes, Abidjan, … pages
ADOM Marie-Clémence (2014), Anthologie de la poésie ivoirienne tome 1,
(re)connaitre les poètes de l’écriture, L’Harmattan, Paris,
ADOM Marie-Clémence (2014), Anthologie de la poésie ivoirienne tome 2, connaitre
les poètes des années 80, L’Harmattan, Paris, … pages
ADOM Marie-Clémence (2014), Anthologie de la poésie ivoirienne tome 3, découvrir
les poètes de la dernière décennie, L’Harmattan, Paris,
BANDAMAN Maurice, AHIZI Paul et al. (1993), Portrait des siècles meurtris,
anthologie de la poésie de Côte d’Ivoire, Paris, Editions Nouvelles du Sud, .. ; pages.
CAMPA Laurence (1998), La poétique de la poésie, Sedes, Paris, … pages
CHEVRIER, Jacques (1984), Littérature nègre, Armand Colin, Paris, … pages
DESSONS, Gérard, (2000), Introduction à la poétique, Nathan, Paris, … pages
GNAOULE Oupoh Bruno (2000), La littérature ivoirienne, Khartala/CEDA,
Abidjan/Paris, … pages
JOUBERT Jean Louis,( 1988), La poésie, A. Colin, Paris, … pages
KESTELOOT, Lilyan (1987), Anthologie de la littérature negro africaine, Marabout,
Belgique, … pages
KONE Amadou, LEZOU Gérard et MLANHORO Joseph (1983), Anthologie de la
littérature ivoirienne, Abidjan CEDA, … pages
MAKOUTA MBOUKOU, Jean-Pierre (1985), Les grands traits de la poésie negro
africaine, NEA, Abidjan/Dakar/Lomé, … pages
MOLINO, GARDES TAMINE (1988), Introduction à l’analyse de la poésie, T1et 2,
PUF, Paris, … pages
ROUCH, Gérard et CLAVREUIL, Alain (1986), Littératures nationales d’expression
française, Bordas, Paris, … pages
VAILLANT Alain (1992), La poésie (initiation aux méthodes d'analyse des textes
poétiques), Nathan, Paris,

2
Préambule : du caractère universel de la poésie
A priori, la poésie en Côte d’Ivoire est et demeure fondamentalement ce qu’elle est sous
tous les cieux. Qu’on ne s’attende donc pas à y trouver autre chose que du rythme, un bal des
mots, des images et tous les traits que l’on regroupe généralement sous diverses appellations.
Eloquence harmonieuse ou exercice de style, la poésie, qu’on l’aborde du point de vue de ses
fondements ou des différentes manifestations ou des effets qui en découlent, s’est toujours
posée et c’est encore le cas, comme une parole autre, résultat d’une attitude d’émission et de
réception face à la langue et à son fonctionnement.

De la différence entre discours poétique/discours scientifique

Le discours qui s'oppose à la poésie a pour nom le discours scientifique ; s'adressant à


notre intelligence, à notre capacité d'observer, d'analyser, de critiquer, il veut démontrer,
convaincre, faire comprendre. Cela ne signifie nullement que la poésie n'implique pas
l'intelligence. Tout ici est question de degré et de prévalence.
Alors que le discours scientifique s'adresse à la raison, le discours poétique lui, veut s'adresser
aux sens.
Le discours scientifique vise essentiellement à découvrir les lois objectives qui régissent
les êtres, les phénomènes, et les choses. Partant, il va exiger du mot qu'il lui révèle les réalités
du monde telles qu'elles sont, et non telles qu'il les imagine. Sur cette base, nous inférons que
le discours scientifique refuse délibérément de s'embarrasser de l'imaginaire ; il ne rêve pas,
alors que la poésie en général et en apparence, des querelles et imagination.
Le discours poétique veut montrer, faire sentir, émouvoir. Pour cela, il ne se contentera
jamais du sens de base des mots (qu’il considère comme un étau) ; au contraire, il brisera ce
sens de base, mettant le mot en demeure de produire des valeurs toujours nouvelles. Sur cette
base, nous inférons que le discours poétique ne prospère qu'en se libérant continuellement de
l'objectivité scientifique pour rechercher des liens toujours nouveaux entre les mots et leurs
sens.
À l'opposé, le discours scientifique lui, opère uniquement par rapport aux sens de base. On
dit alors qu'il dénote (il enlève, il fait ressortir la note), alors que le discours poétique connote
(note à côté). Son attitude à l'égard du langage n'est pas une attitude d'application des règles
logiques, mais fondamentalement, une attitude d'invention, de création, qui se situe
essentiellement au niveau du mot par rapport à son sens premier, et à ce qui s'y ajoute par
suggestion. C'est précisément à cause de cette notion de connotation qui souligne le pouvoir
suggestif du discours poétique, que le poète va être considéré comme un créateur de langage. Il
est donc poète non parce qu'il avance des idées nouvelles, mais parce qu'il importe au mot des
valeurs nouvelles, de nouvelles significations. Tout son génie réside donc dans l'intention
verbale et c'est cela qui caractérise la poésie : créer un langage nouveau, prendre par rapport à
la langue une liberté telle qu'elle se traduit par un bouleversement permanent de toutes les
structures de la langue.
Vu sous cet aspect, la poésie apparaît donc comme un acte de réécriture ; ce principe est
universel et reste valable autant pour la poésie d'Europe que pour celle d'Afrique ou d'Amérique.
Partout, l'indice qui organise la poésie, c'est l'intention inventive dirigée sur l'expression
verbale. C'est ce que d'aucuns ont appelé la fonction poétique du langage, principe qui
détermine la particularité de la littérature en général, de la poésie surtout. La fonction
poétique est donc cette manière du langage d'insister sur le message pour lui-même et non à des
fins d'information. Là est toute la différence d'avec les autres fonctions ; là également est la

3
différence entre la poésie et les autres langages: le fait poétique ne naît pas pour nous informer;
il naît pour nous injecter un tout petit noyau de message en procédant à un bouleversement des
structures officielles de la langue. Pour déterminer la nature de ce bouleversement et le
mécanisme selon lequel il s'opère, c'est dans le langage qu'il faudra rechercher afin de découvrir
à quel point précis, dans la structure complexe de la langue, apparaît le fait poétique ; comment
se forge le nœud théorique qui participe à son surgissement.
Dans la tentative de réponse à cela, Jakobson aura été le premier qui, se situant dans le
schéma général de la communication, et sous l'angle particulier de la chaîne parlée, s'est révélé
capable (en isolant la fonction poétique) de nous amener à percevoir le fait poétique en lui-
même, dans son milieu d'origine (le langage), indépendamment de toute ingérence extérieure
et subjective.
Le principe fondamental de la théorie de Jakobson dans sa caractérisation de la fonction
poétique, c'est le principe d'équivalence de l'axe des sélections et de l'axe des combinaisons.
C'est aussi ce que l'on appelle le principe de projection de l'axe des sélections (paradigmes) sur
celui des combinaisons ( syntagmes), qui a pour conséquence principale l'affaiblissement de la
sélection dans la logique et la dynamique de formation de la chaîne parlée. Grâce à lui, nous
découvrant le mécanisme, irréfutable quels que soient les lieux et/où les facteurs extérieurs, de
la fécondation poétique. Pour bien comprendre ce phénomène de formation de la poéticité, ils
conviennent d'élucider les notions d'équivalence et d'affaiblissement.
Dans un discours normal, scientifique, la formation de la chaîne parlée obéit à une
exigence de rigueur, de précision du message que l'on veut formuler. De la sorte, quiconque
veut s'exprimer est obligé, dans un souci d'intelligibilité, de sélectionner d'abord les éléments
de lexique qui correspondent à l'idée qu'il veut exprimer, à l'exclusion de tous les autres
éléments.
On dit donc que dans une dimension paradigmatique, le choix porté sur un signe quel
qu'il soit, discrimine tous les autres. En outre, l'axe des syntagmes qui est celui des
combinaisons exigent paradigme un seul mot pour chaque réalité, une place précise et
prédéterminée. La sélection se fait donc d'abord au plan paradigmatique, et ensuite seulement
au plan syntagmatique. C'est-à-dire que le choix paradigmatique précède toujours la
combinaison syntagmatique. Ce principe de rigueur est en théorie celui du discours scientifique.
Dans le discours poétique, contrairement au cas de rigueur de la sélection qui veut qu'un
signe privilégié ne soit pas mis en concurrence avec d'autres signes similaires, aucun signe d'un
ensemble paradigmatique donné n'est à l'abri de la concurrence d'un ou plusieurs signes de ce
même ensemble. De la sorte, au lieu de sélectionner un mot, le poète peut en combiner plusieurs
et générer ainsi des effets de répétition, de contradiction, d'assimilation, etc, qui prouvent que
la sélection ici n'est plus aussi rigoureuse que précédemment; d'où l'expression affaiblissement
de la sélection.
D’un autre côté, au lieu d'échelonner les étapes en sélectionnant d'abord les mots, puis
en les combinant ensuite, le poète mêle les deux; ce faisant, il déplace le paradigme sur l'axe
des syntagmes, de sorte que le choix ne précède plus la combinaison qui elle-même se retrouve
sur l'axe des sélections. Le pouvoir de l'axe syntagmatique qui, en fonction d'une combinaison
donnée, imposait un choix précis, tombe littéralement. C’est ce que l'on appelle le principe
d'équivalence des axes, promu en poésie au rang de procédé constitutif de la séquence.
La conséquence de tout cela est que l'on assiste comme à une destruction des entraves
linguistiques; ce qui a fait dire à certains que la poésie était une insurrection (du langage
s'entend).
Ainsi donc, la fonction poétique du langage consacre le principe d'équivalence des axes;
et tous les phénomènes constituant les traits distinctifs de la poéticité et dont la constance
constitue le mode de repérage de la fonction poétique, ne sont que la conséquence logique de
ces deux données (équivalence et affaiblissement) qui font de la fonction poétique cette manière

4
du langage d'insister sur le message pour lui-même et non à des fins d'information. Cette attitude
a surtout des conséquences pratiques qui vont constituer les traits pertinents de la fonction
poétique : ils tiennent surtout à la création de nouvelles relations sonores, morpho syntaxique
et sémantiques entre les mots. Ainsi ce qui de langage va privilégier les formes résonantes du
discours (anaphores, assonance, allitérations...la versification, marque la plus évidente de
la poéticité se fondre sur le principe d’équivalence métriques, doublées par des
ressemblances au niveau sonore, grammatical – nous pensons à tous les effets de
parallélisme -- sémantique). Il va sacraliser la réitération (qui débouche souvent sur des effets
de rythme), favoriser l'utilisation de formes antinomiques ou antithétiques (oxymore,
antiphrase, chiasme...).
Ne respectant pas la logique de collaboration des ensembles paradigmatiques, ce type
de langage va former en son sein d'un mode de pensée par analogie (qui fondent en théorie
l'image métaphorique et ses variantes), de même qu'un mode de pensée par contiguïté (qui
donne naissance à la métonymie et à la synecdoque qui est sa dérivée).
Partant de ce présupposé général, nous considérons donc qu'est poétique, tout texte
qui, d'une façon ou d'une autre, se révèle être une comminatoire d'équivalences régis par
une règle d'unités et de cohérence entre ses différents plans ; et le mérite de Jakobson
aura été d'une part, avoir aidé à resituer la poésie dans son milieu d'origine ( le langage)
; et d'autre part d'avoir de ce fait permis d'appréhender ce qui fait l'essence de la poésie,
son être profond : le fait poétique qui veut qu'entre la forme et le fond se manifeste une
égalité d'importance, de valeur, et de pouvoir.

5
I. DE LA POESIE EN COTE D’IVOIRE, COMME D’UNE
VARIANTE DE LA GRANDE POESIE NEGRE

(Rappels)

S’il est vrai que la poésie quelle qu’elle soit et d’où qu’elle provienne se définit par des
universaux qui la posent comme une langue autre produite par le jeu des combinaisons
linguistiques dont l’équivalence est le mode d’organisation séquentielle, il n’en demeure pas
moins qu’au fil des siècles ou des espaces, la mise en avant, et parfois même, la prise en compte
de certaines constantes a très souvent été liée à certaines déterminations socio-historiques.
Ainsi, si dans un premier temps, la poésie africaine d’aujourd’hui ne se démarque pas
fondamentalement de celle d’hier, ou d’Europe, il n’en demeure pas moins que, quittant le
terrain des universaux pour tenter une approche moins générique on découvre dans la poésie
africaine moderne une problématique particulière, qui, liée à son histoire socio politique, fait sa
spécificité.
Dans la poésie ivoirienne, on retrouvera dans un premier temps ce qui caractérise la poésie
africaine dans ce qu’elle a de particulier, à savoir une facture et une extension qui, d’une part,
lui viennent des liens tenaces et encore vivaces qu’elle entretient avec son histoire ancienne et
récente. Liens avec la tradition et l’oralité d’une part ; liens avec la domination imposée à ces
peuples par l’esclavage et la colonisation d’autre part.

Il découle de cette situation que, à l’image de l’Afrique d’aujourd’hui qu’elle reflète,


cette poésie, nouvelle, moderne, est sous le coup d’un dualisme culturel, qui fait que,
constamment, elle est double, mélange des choses d’avant (la tradition orale) et des choses
venues de l’extérieur. , en rapport avec son histoire, on observe donc dans la poésie moderne,
deux grandes tendances :
 une tendance oraliste dont fait partie la négritude au plan du style
 une tendance occidentaliste qui manifeste la rencontre de ces peuples avec
l'impérialiste blanc
on retient aussi surtout que, quelle qu’elle soit, la poésie négro africaine est d'abord et surtout
l'expression spontanée d'une réalité, celle de l'homme noir formé à l'école occidentale et qui tente
tant bien que mal d'exprimer un vécu qui est à la fois d'ordre racial social et culturel, et qui a des
causes politiques et économiques particulières, qui vont aller en se précisant et en se
particularisant au fur et à mesure que les états africains accéderont à une autonomie qui induit
progressivement les productions littéraires dans des directions différentes, nationales.

6
II. DE LA POESIE IVOIRIENNE, COMME D’UN ENSEMBLE DE
TRAITS SINGULIERS

Dans la poésie ivoirienne, on trouvera donc en principe l’essentiel de ce qui caractérise


la poésie universelle, la poésie africaine aussi, dans ce qu’elle a de particulier, à savoir une
facture et une extension qui, d’une part lui viennent des liens tenaces et encore vivaces qu’elle
entretient avec la tradition, et d’autre part, de la domination linguistique imposée à ces peuples
à un moment de leur histoire.
Il résulte de cette situation que, par deux fois au moins, cette poésie est bipolaire, bicéphale. En
Côte-d’Ivoire, à l’image de l’Afrique d’aujourd’hui qu’elle reflète, cette nouvelle poésie est
sous le coup d’un dualisme culturel.
Principale conséquence de cette situation, la bipartition de la poésie ivoirienne, que l’on
observe essentiellement à deux niveaux :

 d’une part tout l’océan de la poésie orale qui constitue sa


principale composante. (et dont vous avez eu un aperçu)
 D’autre part, sa jeunesse et sa relative insuffisance quantitative
par rapport à la poésie traditionnelle. Et c’est sur ce pan que nous
allons nous attarder

 Une poésie jeune


En Côte-d’Ivoire, la poésie écrite est relativement jeune. Il y a encore quelques années,
le premier poète ivoirien, Bernard Dadié, était encore vivant.
Mais bien plus que cela, les stigmates qui témoignent de la jeunesse de cette poésie sont surtout
présents dans ses interactions avec la société qui l’adopte et dans laquelle elle évolue.
Par rapport aux colonies, la littérature ivoirienne a émergé relativement tard (en 1950). Et si
c’est Dadié qui la révèle par le biais de la poésie, cette dernière s’affirmera avec des noms
comme Joseph Miézan Bognini, Maurice Koné, Louis Ain, Mamadou Diallo…
Mis ensemble, ces textes appellent une évolution marquée par des œuvres de rupture et des
saillies, significatives de changements qui se manifestent autant dans le discours qu’au plan de
l’écriture.
Dans sa situation, cette poésie moderne est intimement liée à l’écrit qui, dans ses
interactions avec la société ivoirienne en particulier et plus généralement avec l’Afrique,
constitue le principal trait pertinent de cette poésie ; le seul à même de fournir les bases
théoriques et conceptuelles qui plus que tout témoignent de la nature des mutations que cette
poésie introduit dans la société ivoirienne.
En Côte d’Ivoire, tous ces bouleversements se recoupent en un seul vocable, la colonisation
qui, en consacrant le passage d’une communication de style oral à une communication écrite, a
radicalement transformé les sociétés traditionnelles.
Parce que la théorie coloniale prône une forme plus ou moins déguisée d’assimilation culturelle,
où les habitudes nègres sont dévalorisées au profit de la civilisation occidentale, la poésie
ivoirienne révèle à ses débuts une grande influence des formes de la poésie française. Pouvait-
il en être autrement quand on sait que ses premiers auteurs ont été par l’intermédiaire de la
désormais célèbre école de Ponty, nourris au système d’une éducation et d’une administration
coloniale conçues, préparées et réalisées pour être solidaires de tout l’effort de colonisation.
La poésie de ce contexte est donc l’expression spontanée d’une réalité : celle de l’homme
noir formé à l’école française.

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A. 1950 : les premiers pas

En 1950, on découvre en Côte-d’Ivoire une poésie moderne, qui allie formes


traditionnelles de la poésie française et vers libres. Toutefois, le recours au vers français
n’implique pas forcément une volonté de nier son africanité : bien souvent, un fait échappe à
notre attention : formés à l’école française, ces poètes souvent très tôt arrachés à leurs milieux
traditionnels n’ont pas toujours le recul nécessaire à l’appréhension de leur culture traditionnelle
ni des spécificités et subtilités de la parole africaine. Les anomalies et particularités de cette
poésie sont avant toute chose l’écho des anomalies et particularités du système colonial
Quelquefois, dans leur écriture, les dispositions et figures de Césaire et Senghor transparaissent,
témoignant de la volonté de ces nouveaux poètes de marcher dans les sillons de leurs aînés.
Mais ce sont surtout les figures françaises qui sous-tendent la création
Au plan des préoccupations, on s’attèle surtout à poursuivre le combat des premiers
négritudiens et à l’adapter tant bien que mal au nouveau contexte qu’impose l’accession à
l’indépendance.
1950 marque ainsi les débuts de la poésie ivoirienne moderne dans une spécificité
nationale qui est à la fois le prolongement d’un combat : celui de la quête du noir engagé dans
un processus d’identisation et la manifestation d’une identité, celle du noir formé à l’école
occidentale, école coloniale qui, diffuse par eux ses modèles culturels et d’instruction.
A première vue, le poète de cette période peut paraitre écartelé, poursuivant d’une part
le vieil élan négritudien nostalgique et dénonciateur et, d’autre part, le tout nouvel élan d’une
poésie qui aime moins qu’elle n’accuse et dont Bognini et, plus tard, Amoi Fatho, seront les
porte flambeau On trouve en effet dans cette poésie de nombreuses références, implicites ou
non, à la poésie et aux grands poètes français : on cite volontiers Marot, Verlaine, on pastiche
Ronsard ; telle attitude témoignant de la volonté de ces auteurs de s’inscrire dans le sillage des
grands auteurs de la tradition poétique française. C’est le cas d’un poète comme Maurice Koné
quand il écrit Poèmes verlainiens en 1969. C’est aussi le cas de poètes comme Bamba Daouda
(Eloges et Amours, 1979), Wogny Assouma Bertin (Vagissements, 1981) ou encore, plus
récemment Yapi Doffou Clément (Les voix dans la nuit, 2003, Pleurs et rires, 2010).
D’un autre côté et parfois même au sein d’un même texte, on sent poindre une part du
souffle négritudien qui a fait les grands classiques négros africains tels Senghor, Césaire, etc.
[Les eaux du Comoë, Léon Maurice Anoma Kanié (1951), Olifant noir Barthélémy
Nguessan Kotchy (1965), La ronde des jours, Bernard Dadié (1956)]
Héritière de plusieurs traditions : l'oralité africaine d'où ils sont issus, mais surtout la
négritude et le combat politique qui est le sien, ainsi que la tradition poétique française acquise
par l'instruction coloniale, la poésie ivoirienne à ses débuts, malgré les hésitations que l'on y
perçoit au plan de l'écriture, porte en elle la marque d'une volonté inébranlable. Celle-ci tient à
l'édification d'un monde nouveau qui sorte le noir de la logique de dépréciation dans laquelle
l'ont inscrit deux siècles de colonisation et esclavage conjugués, pour lui substituer une vision
parfois idyllique d'un monde où l'amour règne en maitre. Amour de la femme, qui, loin de
s’arrêter à l’être aimé, s’étend à « toute beauté d’ébène, plus qu’un visage d’ange, une voix
harmonieuse, des lèvres sensuelles… » (Chant pour Manou, de Louis Akin) ; Amour de
l’Afrique d’une Afrique idyllique, toujours présente à l’esprit et au cœur du poète qui ne la
rappelle que pour mieux chanter « l’aurore qui point ».
La promotion, au sein de cette poésie, de l’homme noir et de sa culture, ouvre parfois la
protestation à une dimension très lyrique. [Tam-tam noir, Mamadou Diallo (1970), Chansons
païennes Jean-Baptiste Thiémélé (1969]. Elle ouvre aussi, autour des années, 70 à une
dimension très matérialiste et marxiste, avec des textes comme dont l’œuvre de Nokan en
particulier et le dernier recueil de Dadié Hommes de tous les continents, de Bernard Dadié,

8
paru en1967, ou encore La voix grave d’Ophimoi (Charles Nokan, 1970), qui inaugurent une
autre forme de la lutte.

1960 : une poésie lyrique et subversive

En 1960, au moment où parait Ce dur appel de l’espoir, l’atmosphère sociale est à


l’euphorie des indépendances, à l’élaboration de vastes projets de construction nationale et de
solidarité interafricaine. Ce qui prime alors, c’est la collectivité, tendue tout entière vers une
cité nouvelle. Les seules préoccupations qui ont et doivent avoir cours sont, semble t-il celles
qui touchent au « nous » collectif et militant, en ce qu’il dépasse et méprise toute tentation
individualiste. C’est dans ce contexte où la croyance en la capacité des peuples noirs semble ne
connaitre aucune limite, que Joseph Miézan Bognini, ignorant l’élan épique et combattant qui
meut ses devanciers, choisit d’emprunter une voie/voix autre. Jouant les oiseaux de mauvais
augure dans un ciel en apparence débarrassé de toutes contraintes et brimades de l’ère coloniale,
son recueil, Ce dur appel de l’espoir, dévoile les zones d’ombre que tentent de nier les
prétentions des nouvellement indépendants d’une part. D’autre part, en étalant les émotions
personnelles d’un « moi » qui rompt avec le nous collectif, il s’oppose de front à un courant
militant et de lutte qui, jusque-là régnait en maître incontesté dans la poésie negro africaine.
Dans un contexte où les restes d’éducation coloniale n’étant pas totalement effacés la gêne qu’il
y avait à exprimer des sentiments – qui plus est- nègres persiste, une telle débauche de
sentiments est hardie… et subversive, doublement subversive même. D’une part parce que le
simple fait de chanter des émotions personnelles équivaut à revendiquer une personnalité
propre, distincte de celle de la collectivité. Ce faisant, le poète affirme le droit de s’inscrire en
marge du mouvement général de la pensée. L’autre idéologie sournoise subversive distillée par
ce texte tient à ce que le choix d’une poésie des sentiments personnels tend aussi à montrer que
le devenir soi auquel aspire le nègre-désormais-africain-ivoirien s’accomplit aussi dans les
limites contraignantes du réalisme lucide et non plus forcément dans la dimension internationale
des grands projets panafricain.
Dans le contexte de l’ardeur combattive qui caractérise la période où elle paraît l’œuvre,
Ce dur appel de l’espoir, est appel à un autre espoir : celui d’une poésie qui invite à rechercher
dans le moi les données de la quête libertaire. Perceptible dans l’œuvre poétique de Maurice
Koné (La guirlande des verbes, Au bout du petit matin, cette tonalité discordante sera
cristallisée, dans les années 80, par les textes de Grobli Zirignon (Epaves, Dispersions ) ou
encore des œuvres comme, Labyrinthe, l’enfer géosynclinal, puis, plus tard et plus près de
nous dans le temps l’être le désêtre et le non être (2000) ou l’existence-exil (Grobli Zirignon,
2010).
A côté de cela, d’autres voix se font entendre, qui prônent un retour aux sources, comme
chemin incontournable du devenir soi de l’africain. Une poésie qui se distingue par sa volonté
de manifester la prise de conscience et le combat autrement que par le discours poétique, par
une parole poétique qui est en elle-même le discours de ce combat. Sans vraiment rompre avec
la poésie militante et militariste du courant dadiéiste, ces textes tentent (un peu maladroitement
parfois) de plonger dans le très lointain passé de l’Afrique, pour exprimer le sentiment et la
parole profonde de ce peuple. La conséquence en est qu’on y retrouve autant la nostalgie des
négritudiens (C’est le cas de Chansons païennes (1969), Herbe féconde (1973), que l’auto
centrisme qui habitait la poésie de la lutte anti coloniale. [Tam-tam noir (1970)]. Au-delà des
indécisions et autres hésitations de l’écriture, on sent dans ces œuvres (les titres et les thèmes
en témoignent), une volonté de tracer pour l’Afrique et pour la littérature, une voie nouvelle,
promesse de changements imminents

9
1970 : prémices d’un bouleversement imminent
A peine sortie d’un combat, la poésie ivoirienne se retrouve face à un autre : entamer
(sinon reprendre) la marche, interrompue par des siècles d’esclavage et de colonisation, d’une
Afrique qui tente de se remettre debout en combattant l’impérialisme occidental sous sa forme
nouvelle. Ce combat, qui fondamentalement métamorphose le contenu racial et culturel de la
lutte en contenu socio politique, a comme point d’orgue le déséquilibre inique qui caractérise
les rapports économiques existant entre les nouveaux états et leurs anciens maitres. Il puise ses
sources d’une part dans le regard nouveau que le noir pose sur lui-même : regard critique et
sans complaisance qui, tout en reconnaissant ses limites, l’invite à entrer en lutte sans se renier
et d’autre part dans une idéologie matérialiste, voire marxiste, qui touche l’intelligentsia dans
les années trente.
C’est le moment où naissent des textes comme Hommes de tous les continents (Dadié),
La voix grave d’ophimoi, Cris rouges (Nokan, Symphonie en noir et blanc (Jean Dodo), etc.
Ceci ne veut pas dire que ce sont là des poètes marxistes ; mais le marxisme a créé en
eux une idéologie dominante dont ils s’inspirent et que les textes de Nokan, même les plus
récents reflètent, même s’il s’y glisse aussi des aspects d’une poésie existentialiste qui va
exploser plus tard, en 1980, avec un auteur comme Grobli Zirignon.
A côté bien sûr, existent des œuvres de la tendance précédente (tam-tam noir, herbe
féconde …)
Le point commun à ces œuvres, qui constitue le fil d’Ariane de cette période tien à la vocation
qu’expriment ces œuvres, d’une Afrique qui ne veut point se renier (malgré les stigmates d’une
aliénation qu’elle ne peut réfuter), mais s’accomplir dans les limites de ce qu’offrent les
indépendances nouvellement acquisses.

De plus en plus, la littérature se détourne des thèmes jugés coloniaux (la beauté de
l'Afrique, la spécificité de l'être noir etc. pour aborder des préoccupations beaucoup moins
négrifiantes, tout en restant africaines. Ce renouveau transparaîtra d'abord dans le choix des
thèmes, avant de se traduire plus profondément au niveau de l'expression littéraire et artistique
Il s’agit, par l’acte littéraire, de faire basculer l’ex colonisé d’un état de passivité à la
prise en charge de son propre destin politique et de sa culture. On parle alors de promotion des
langues et modes de pensée africains, etc.
Cependant, l’événement proprement révolutionnaire est d’ordre, littéraire et il tient à
l’appropriation, par une catégorie d’écrits qui selon les mots de Tchicaya u Tam’si « prennent
leur racine dans l’oralité africaine Ici, l’événement littéraire, se situe dans l’appropriation d’une
parole artistique qui, selon les termes de Tchicaya u Tamsi, prend racine dans l’oralité africaine.

B. 1975 : le tournant oraliste


Telle qu’elle se manifeste ici, l’oralité ne signifie pas un retour en arrière qui appelle
une table rase ; elle suppose de façon nécessaire et préalable un divorce d’avec l’ordre colonial,
et d’autre part, avec l’oralité traditionnelle africaine. En fait, il s’agit ici de ruiner le mythe de
l’incompétence du colonisé au plan intellectuel et artistique, et par là même, de rétablir le
colonisé dans une continuité historique, en révélant à tous les trésors cachés de sa tradition.
Au plan de l’esthétique, on note que les œuvres de cette période puisent toutes à la
source de l’oralité africaine, utilisée ici comme prétexte à une expression nouvelle. Les résultats
obtenus au plan poétique font parler de courant oraliste, pour désigner ces productions qui, pour
s’exprimer dans les nouveaux territoires indépendants, choisissent de recourir au fonds culturel
de la tradition orale et de la parole poétique africaine.

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En Côte d’Ivoire, ceux qui révolutionnent de la sorte le langage seront révélés autour
des années 70 par des œuvres dont les plus connues sont, Les Soleils des indépendances, pour
le roman, et, dans le cas qui nous intéresse ici, Fer de Lance et D’éclairs et de foudres, pour la
poésie. Suivront après Maieto pour Zekia, Déjà vu, Zahoulides…et, beaucoup plus récemment
Manka Talèbo de Konan Langui Roger, de même que, sous certains aspects, les œuvres d’un
poète comme Toh Bi Tié Emmanuel.
La caractéristique commune à ces poètes tient à l’oralité africaine que tous, selon leur
talent s’efforcent selon les mots de Niangoranh Porquet, de « re mettre en mouvement pour la
sortir du statisme et de la torpeur dans laquelle l’avait quelque peu reléguée plus d’un demi
siècle de colonisation ». Ces poètes promeuvent l’idéologie selon laquelle l’instrument par
excellence de la réhabilitation du noir se trouve dans le patrimoine de l’Afrique traditionnelle à
laquelle tous reviennent et invitent à revenir..
Remarque :
Cet objectif, qui est celui des oralistes aujourd’hui, était aussi celui des premiers
négritudiens ; et même si parfois, les moyens utilisés divergent, de part et d’autre, l’instrument
par excellence de la réhabilitation du noir se trouve dans le patrimoine de l’Afrique
traditionnelle à laquelle tous reviennent. Au plan négro africain, on peut donc considérer que
ces poètes ont deux ancêtres, oralistes eux aussi : Césaire et Senghor et des frères jumeaux dont
les plus connus sont entre autres, Tchicaya U Tam'si, et Frédéric Pacéré Titinga.
Au plan de la thématique, les œuvres de cette période révèlent pour l’essentiel une
critique violente et acharnée des nouveaux pouvoirs en Afrique. Elle se manifeste par une
dénonciation quasi permanente de toutes les formes d’oppression dont sont victimes les peuples
africains. De ce fait, la prise de parole ici, se fait au nom de l’engagement aux côtés d’un peuple.
nokan est un auteur significatif de cette tendance (développer)
A côté de cette tendance majoritaire qui se situe pour beaucoup dans le sillage de la
grande poésie négro africaine, va se développer, autour des années 80 une littérature dans
laquelle les auteurs entreprennent tout simplement de relater leurs expériences personnelles et
intimes.

1980 : comme une renaissance des arts et de la


littérature ivoirienne (le printemps de la poésie)

Dès les années 70, observant la vie littéraire et artistique en Côte d'Ivoire, on est
particulièrement marqué par le bouillonnement intense qui caractérise cette période qui se
traduit aussi bien en littérature que dans les autres domaines de l'activité littéraire et artistique
du pays, par un accroissement considérable du nombre de publication, par la multiplication,
avec le concours des médias de masse, des émissions littéraires et radiotélévisée, des concours
et autres prix littéraires… qui déversent une multitude d’auteurs et d’œuvres aux inspirations et
écritures diverses.
A première vue, en effet, aucun dénominateur commun n’unit Véronique Tadjo, Grobli
Zirignon et Fatho Amoy, leur poésie, semble t-il ne puise pas aux mêmes sources, même si, de
part et d’autre l’écriture semble mue par des pulsions individuelles et personnelles. Au plan
stylistique, ces œuvres n’impliquent pas de rupture fondamentale, ce qui ne signifie pas qu’elles
ne présentent aucun intérêt littéraire. En fait d’écritures nouvelles, c’est plutôt d’itinéraires qu’il
faudrait parler, car ce qui distingue ces productions des précédentes et entre elles, ce n’est pas
véritablement l’écriture au plan de laquelle ces œuvres n’innovent pas réellement. Nous parlons
ici d’innovation en tant que mise en œuvre de formes inédites (à ne surtout pas prendre au sens
d’un manque de créativité qui, elle existe bel et bien, c’est pour cela, d’ailleurs qu’on les dit
poètes)

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Fatho par exemple, en tant qu’amoureux de la nature et de la langue rappelle le
mouvement parnassien dans une liberté qui, cependant l’éloigne de l’imitation observée chez
les poètes de la génération précédente.
De même dans des œuvres comme Latérite de Véronique Tadjo () ou Dispersions
(Grobli zirignon...), jamais le poète ne cherche à assujettir le mot avec la brutalité et les
contorsions observées chez les oralistes. Jamais la syntaxe ne semble rompue et pourtant là
poésie est là. Le principe poétique chez ces poète tient à l’acuité d’un moment qui réconciliée
les mots et le monde intérieur du poète qui, a priori prend le mot dans son environnement de
tous les jours.
ces œuvres rendent le monde à travers chacune des expériences personnelles et des
imaginaires individuels de leurs auteurs (la nature et la beauté des petites choses du quotidien
chez Fatho Amoy, les chemins d’initiation à l’amour et la connaissance de la terre de CI, chez
Tadjo, la connaissance de soi et l’angoisse de vivre dans un monde comme déserté par … chez
Zirignon et Anouma
A côté du déluge provoqué par la verve des oralistes, tout près de la littérature de
combat, par opposition aux habitudes d’une poésie qui, jusque là s’exprimait avec force
agitation verbale, les œuvres de cette période s’enivrent de petits riens.
l’innovation ici se situe essentiellement dans ce retour à soi (un soi singulier et
individuel) qui mène à des retrouvailles avec le moi profond de chacun.
En 1980, le changement apparaît donc plus thématique et idéologique, que stylistique et
ce Tournant pré augure pour la Côte-d’Ivoire et pour les poètes ivoiriens une ère nouvelle : celle
de la prise de conscience d’une identité proprement ivoirienne qui se construit en dehors des
sentiers africains, avec le concours de tous les partenaires de la culture, et sur les restes, autant
de la colonisation que de l’ancienne tradition orale.

Il est indéniable que 1980 marque un changement dans le ton du discours que tient la
poésie ivoirienne. Cependant, ce changement n’altérant nullement le fondement littéraire de
cette période, au sens où les auteurs n’y proposent pas de formes nouvelles, il est tout à fait
justifié que dans ce que nous considérons comme la deuxième grande période nous fassions se
côtoyer des œuvres comme Latérite ou l’enfer géosynclinal, à côté de fer de lance déjà vu,
d’éclairs et de foudres. Même période, plusieurs courants/saillies
 Le courant oraliste : Fer de lance, d’éclairs et de foudres, Maieto pour Zékia, Zakwato, Manka talèbo
 Le courant existentialiste/intimiste (et pseudo philosophique) L’enfer géosynclinal/
Dispersions/Labyrinthe /latérite/
 Le courant lyrique pro parnassien : Chaque aurore/ une poignée de main/ Yapi Doffou Clément.
La période qui s’ouvre en 75-80 est remarquable de richesse par la diversité des formes,
des thèmes et des sources l’inspiration poétique qu’on y rencontre. Elle est riche aussi par la
nature des contradictions qu’on y observe et qui font de la superstructure littéraire à cette
époque, une réalité complexe, certes, mais surtout vivante.
Elément important, on note que le discours poétique se fait entendre plus que jamais
dans divers domaines de création : on y assiste au débordement de la poésie sur d’autres genres
(chez Adiaffi et Zadi, se mêlent poésie et théâtre ;, tandis que Amoi Fatho lui, mêle poésie et
photographie ; poésie et discours philosophique chez Zirignon, etc. Enrichie de ses
contradictions, la poésie des années 75/80 diffuse le style à toute volée et tous azimuts. Sous
cette poussée, les barrières de genres et de disciplines tombent (c’est par exemple le cas quand
fatho ou … mêlent dans leur poésie, image littéraire et image visuelle), inaugurant ainsi (tout
comme la France de 1920) la contestation des modèles culturels

C. 1990 : le triomphe de la poésie en dehors des sentiers battus

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Plus que jamais, cette période est celle du débordement de la poésie sur les autres genres.
En 1990 à la faveur des événements socio politiques qui secouent le pays, la Côte-d’Ivoire
découvre une littérature d’un type nouveau, promue aussi d’un côté par la crise économique qui
atteint l’édition.
Cette conjoncture va promouvoir, non pas tant une littérature particulière, mais un circuit
parallèle, à l’intérieur duquel, progressivement, va se constituer un véritable secteur informel
de la poésie ivoirienne,
Interrogeant les caractéristiques de ces l’on découvre un champ littéraire qui se déploie entre la
chronique et la prose poétique. Une pratique qui emprunte ses sujets aux événements qui
secouent le pays
Interrogeant les caractéristiques de cette poésie, on découvre des formes à cheval sur plusieurs
modes d’expression : la prose journalistique (poèmes tracts), la chronique, la chanson, etc.

Au plan de l’écriture, la particularité de ce nouveau courant est d’allier de façon


surprenante l’urgence qui fonde l’information de type journalistique et l’essentiel des
combinaisons qui ouvrent à la fonction poétique.
Nonobstant le fait que l’événement est l’objet et le sujet principal de ces productions, il
apparaît que ce qui en fait la spécificité tient fondamentalement au fait qu’ici, c’est la
circonstance présente, l’information dans son urgence et sa nouveauté qui, en plus de susciter
ces publications, en fondent toute la trame et déterminent les modalités de la mise en texte. Loin
de s’attacher à la simple transmission de connaissances fondées sur la circonstance présente,
l’événement s’avère être ici le fondement et le stimulateur de la création langagière, au sens où,
nouant en suture l’urgent et l’essentiel, ces écrits suscitent par ces moyens mêmes, des effets
de sens parfois discrets mais importants. Jouant sur la valeur argumentative de la métaphore,
l’analogie, sous toutes ses formes, il n’est pas rare de voir ces écrits « glisser du simple ornement
qui émaille l’expression aux formes globales qui confèrent à un texte sa cohérence, sa tonalité, son
expressivité1
on retiendra surtout que dans l’histoire de la poésie ivoirienne, 1990 marque l’apparition d’un
fait littéraire entendu ici comme une (r) évolution dans la littérature ;

Génération zouglou : la poésie du nouveau millénaire

Tendance nouvelle (mais non inédite. parce que annoncée auparavant par des textes
comme Les braises de la lagune), qui tend à se cristalliser aussi bien dans la poésie écrite
qu’ailleurs, dans la poésie néo oraliste zouglou, les traits distinctifs de cette tendance : la
récupération de l’événement, politique, social, immédiat surtout, qui pousse à figer l’actualité
en une série de flashs, présentés comme autant de clichés d’un reportage journalistique. Des
auteurs comme Josué Guébo, Marie-Danielle Aka, Amichia Thomas, Henri Nkoumo, ou encore
Michel Gbagbo sous certains aspects, participent de ce courant.
Toutefois, la complexité de leurs influences et des héritages auxquels ils puisent invite
à aborder ces textes et ces auteurs avec beaucoup de précautions car au plan de l’écriture, les
auteurs qui en portent le flambeau), s’inscrivent diversement dans les sillons de catégories déjà
déterminées et existantes.
Telle est l’autre particularité de cette mouvance et pourquoi nous ne la posons pas
comme une période littéraire, tient au fait que l’homogénéité qui était déjà rompue en 1980 au
sein de la période 75/80 est ici rompue de l’intérieur même des textes, ceux-ci présentant en

1
Ce que nous nommons spécificité, littérarité, poéticité.

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leur sein des stigmates de traits relevant de diverses périodes. (Ex Michel Gbagbo, Amichia
thomas, etc.

Conclusion

On peut donc retenir dans l’évolution de la poésie ivoirienne, trois grandes périodes.
La première, qui couvre toute la période coloniale et s’étend au moins jusqu’à la
première décennie après les indépendances. Nous en fixons le point de départ connu à la date
de parution officielle de la première œuvre poétique : Afrique Debout. Au théâtre comme en
poésie, cette période est celle du prolongement des formes en vigueur dans l’ex colonie. Les
thèmes abordés sont divers, certes, et ils parlent souvent de l’Afrique, mais ce sont surtout les
formes occidentales qui sous tendent la création ; elles font quand même état de la rupture
(imminente) et du rejet des thèmes et formes négativement négrifiants.
Autour des années 1970, cette recherche d’identité se traduira par une série de débats
qui marqueront un tournant important dans le mouvement de la pensée et de la création en Côte-
d’Ivoire.
En poésie, ce courant nouveau qui marque la deuxième grande période de la poésie
ivoirienne sera visible à partir des années 1975.
Son signe distinctif est la récupération des formes africaines traditionnelles, la recherche
effrénée de nouveaux modes d’expression, le retour aux sources profondes de l’oralité africaine.
Autour des années 1980, va se dessiner un changement thématique (qui prend naissance dans
une idéologie rampante) qui, se cristallisant, va ouvrir à la révolution littéraire des années 90
Troisième période : La rupture ici tient au débordement de la poésie sur d’autres
domaines (le journalisme, puis, aujourd’hui, la chanson), avec une poésie qui de plus en plus
s’éloigne de la sphère universitaire pour rejoindre « la rue » et les faits divers et autre
événements politiques dont elle fait son vivier. En fait il s’agit d’un bouleversement plus
profond dont le maître mot tient l’élargissement du spectre de la poésie en dehors des seuls
critères (fermés) du genre et dont on va par la suite et un peu même en ce moment dans d’autres
domaines, percevoir des stigmates, notamment travers la vie littéraire et artistique, soutenue en
cela par la critique journalistique et certaines politiques gouvernementales L’intérêt réside alors
dans la façon dont ces poètes d’un genre nouveau transforment des événements banals et
passagers en faits qui comme dans toute poésie, parlent à l’âme et à la conscience des hommes.

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