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Analyse Linéaire Scène de La Rupture Entre Des Grieux Et Son Père - Manon Lescaut

La scène de rupture entre des Grieux et son père dans 'Manon Lescaut' illustre un conflit tragique où le fils tente désespérément de toucher le cœur de son père, mais se heurte à son inflexibilité. Le père, accablé par la honte des actions de son fils, refuse de céder et prononce des mots de malédiction, marquant ainsi une séparation définitive. Cette confrontation devient le point de départ d'une tragédie, symbolisant la déchéance inévitable de des Grieux et son éloignement des valeurs paternelles.

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Analyse Linéaire Scène de La Rupture Entre Des Grieux Et Son Père - Manon Lescaut

La scène de rupture entre des Grieux et son père dans 'Manon Lescaut' illustre un conflit tragique où le fils tente désespérément de toucher le cœur de son père, mais se heurte à son inflexibilité. Le père, accablé par la honte des actions de son fils, refuse de céder et prononce des mots de malédiction, marquant ainsi une séparation définitive. Cette confrontation devient le point de départ d'une tragédie, symbolisant la déchéance inévitable de des Grieux et son éloignement des valeurs paternelles.

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Analyse linéaire scène de la rupture entre des Grieux et son père – Manon Lescaut

Dès sa parution en 1731, l’Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, 7ème tome des
aventures d’un homme de qualité de l’Abbé Prévost, fut jugé immoral et interdit pendant plusieurs
années par la censure.
La libertine Manon y pousse notamment des Grieux à escroquer avec elle le fils du riche G…M… qui
l’entretient. Malheureusement pour eux, leur plan échoue et ils vont finir en prison.
Emprisonné au Châtelet, des Grieux va y recevoir la visite de son père qui va lui pardonner tout en
envisageant de déporter Manon en Amérique. Après une nouvelle rencontre au Luxembourg, la
scène entre le père et son fils va virer au conflit.

Texte :

– Je ne te donnerais que ce que tu mérites, répliqua-t-il. Je connais bien des pères qui n’auraient pas
attendu si longtemps pour être eux-mêmes tes bourreaux, mais c’est ma bonté excessive qui t’a
perdu.
Je me jetai à ses genoux.
- Ah ! s’il vous en reste encore, lui dis-je en les embrassant, ne vous endurcissez donc pas contre mes
pleurs. Songez que je suis votre fils... Hélas ! souvenez-vous de ma mère. Vous l’aimiez si tendrement !
Auriez-vous souffert qu’on l’eût arrachée de vos bras ? Vous l’auriez défendue jusqu’à la mort. Les
autres n’ont-ils pas un cœur comme vous ? Peut-on être barbare, après avoir une fois éprouvé ce que
c’est que la tendresse et la douleur ?
– Ne me parle pas davantage de ta mère, reprit-il d’une voix irritée ; ce souvenir échauffe mon
indignation. Tes désordres la feraient mourir de douleur, si elle eût assez vécu pour les voir. Finissons
cet entretien, ajouta-t-il ; il m’importune, et ne me fera point changer de résolution. Je retourne au
logis ; je t’ordonne de me suivre.
Le ton sec et dur avec lequel il m’intima cet ordre me fit trop comprendre que son cœur était
inflexible. Je m’éloignai de quelques pas, dans la crainte qu’il ne lui prît envie de m’arrêter de ses
propres mains.
- N’augmentez pas mon désespoir, lui dis-je, en me forçant de vous désobéir. Il est impossible que je
vous suive. Il ne l’est pas moins que je vive, après la dureté avec laquelle vous me traitez. Ainsi je vous
dis un éternel adieu. Ma mort, que vous apprendrez bientôt, ajoutai-je tristement, vous fera peut-être
reprendre pour moi des sentiments de père.
Comme je me tournais pour le quitter :
- Tu refuses donc de me suivre ? s’écria-t-il avec une vive colère. Va, cours à ta perte. Adieu, fils ingrat
et rebelle.
– Adieu, lui dis-je dans mon transport, adieu, père barbare et dénaturé.

Problématique : En quoi cette confrontation entre le père et son fils est-elle le début d’une
tragédie ?

Mouvements : 1. Une tentative pleine de pathos du fils


2. L’inflexibilité du père
3. Une scène de malédiction tragique

Premier mouvement : Une tentative pleine de pathos du fils

– Je ne te donnerais que ce que tu mérites, répliqua-t-il. Je connais bien des pères qui n’auraient pas
attendu si longtemps pour être eux-mêmes tes bourreaux, mais c’est ma bonté excessive qui t’a
perdu. »
Je me jetai à ses genoux.
- Ah ! s’il vous en reste encore, lui dis-je en les embrassant, ne vous endurcissez donc pas contre mes
pleurs. Songez que je suis votre fils... Hélas ! souvenez-vous de ma mère. Vous l’aimiez si tendrement !
Auriez-vous souffert qu’on l’eût arrachée de vos bras ? Vous l’auriez défendue jusqu’à la mort. Les
autres n’ont-ils pas un cœur comme vous ? Peut-on être barbare, après avoir une fois éprouvé ce que
c’est que la tendresse et la douleur ?

Le père débute par une négation restrictive « Je ne te donnerai que ce que tu mérites » en
opposition avec la considération dont il se dit avoir toujours traité son fils alors que d’autres se
seraient comportés « en bourreaux », antithèse avec le bon père qu’il dit être.
Le temps au conditionnel passé renforce cette hypothèse (« des pères qui n’auraient pas attendu si
longtemps »).
Par le groupe nominal « ma bonté excessive » il fait comprendre à son fils qu’il est aussi responsable
de la déchéance morale et financière de son fils avec qui il a été trop généreux.
Le désespoir du Chevalier s’intensifie et vire même au pathétique lorsqu’il se jette aux pieds de son
père.
La ponctuation expressive dans sa prise de parole traduit son agitation ; il tente de persuader son
père en jouant sur les émotions. De plus il exploite le registre pathétique avec des mots qui
appartiennent au champ lexical de la souffrance : « pleurs », « Hélas », « souffert », « arrachée de vos
bras », « éprouvé », « douleur ».
Des Grieux tente ensuite d’attendrir son père avec des souvenir familiaux mais se perd dans cette
quête car il utilise l’impératif et des interjections : « Songez que je suis votre fils... Hélas ! souvenez-
vous de ma mère. Vous l’aimiez si tendrement ! ».
Viennent ensuite deux questions rhétoriques à portée générale qui compare son père aux autres :
« Les autres n’ont-ils pas un cœur comme vous ? Peut-on être barbare, après avoir une fois éprouvé
ce que c’est que la tendresse et la douleur ? ».

Deuxième mouvement : Un père inflexible

– Ne me parle pas davantage de ta mère, reprit-il d’une voix irritée ; ce souvenir échauffe mon
indignation. Tes désordres la feraient mourir de douleur, si elle eût assez vécu pour les voir. Finissons
cet entretien, ajouta-t-il ; il m’importune, et ne me fera point changer de résolution. Je retourne au
logis ; je t’ordonne de me suivre.
Le ton sec et dur avec lequel il m’intima cet ordre me fit trop comprendre que son cœur était
inflexible. Je m’éloignai de quelques pas, dans la crainte qu’il ne lui prît envie de m’arrêter de ses
propres mains.

L’attitude du père s’affirme elle aussi à l’impératif : « Ne me parle pas davantage de ta mère ».
Il semble vraiment contrarié témoin le champ lexical : « voix irritée », « échauffe », « mon
indignation », « m’importune ».
Parler de sa mère et utiliser son souvenir n’est pas pensable pour le père qui ne pense pas que celle-
ci accepterait les errements de son fils. C’est pourquoi le père utilise le conditionnel présent « Tes
désordres la feraient mourir de douleur » pour exprimer l’actualité de son indignation.
L’accélération qui suit du rythme des phrases montre la volonté du père de mettre un terme à cette
conversation. De plus, l’asyndète (le manque de mots de liaison) entre les propositions « Je retourne
au logis ; je t’ordonne de me suivre » confirme son inflexibilité.
Face à ce ton sec, le Chevalier va comprendre que sa tentative de jouer sur les émotions restera
vaine. D’ailleurs la proposition subordonnée « que son cœur était inflexible » est explicite et
témoigne qu’il a compris que la séparation entre eux deux est maintenant inévitable.
Il le confirme physiquement « Je m’éloignai de quelques pas » matérialisant symboliquement cette
distanciation physique maintenant proche.
Troisième mouvement : Une scène de malédiction tragique

- N’augmentez pas mon désespoir, lui dis-je, en me forçant de vous désobéir. Il est impossible que je
vous suive. Il ne l’est pas moins que je vive, après la dureté avec laquelle vous me traitez. Ainsi je vous
dis un éternel adieu. Ma mort, que vous apprendrez bientôt, ajoutai-je tristement, vous fera peut-être
reprendre pour moi des sentiments de père.
Comme je me tournais pour le quitter :
- Tu refuses donc de me suivre ? s’écria-t-il avec une vive colère. Va, cours à ta perte. Adieu, fils ingrat
et rebelle.
– Adieu, lui dis-je dans mon transport, adieu, père barbare et dénaturé.

Dans cette dernière tentative de prise de parole, le fils attire l’attention sur sa propre personne :
« N’augmentez pas mon désespoir ».
Il tente de s’affirmer : » Il est impossible que je vous suive. Il ne l’est pas moins que je vive, après la
dureté avec laquelle vous me traitez. Ainsi je vous dis un éternel adieu. » en utilisant des phrases à
portée grandissante.
Le registre pathétique passe maintenant au tragique puisque le Chevalier annonce sa mort
imminente : « Ma mort, que vous apprendrez bientôt ». Il utilise le futur de l’indicatif à valeur de
certitude pour tenter d’émouvoir son père.
Il confirme cette attitude en présentant sa mort comme une fatalité en utilisant un lexique propre à
la tragédie : « je vous dis un éternel adieu ».
Le père, toujours inflexible va énoncer une phrase nominale en guise de réponse : « dieu, fils ingrat
et rebelle. ». Ces adjectifs qualificatifs soulignent bien les accusations d’un père qui reconnaît avoir
failli dans son éducation.
A cet adieu, le fils va répondre par un effet miroir : « adieu, père barbare et dénaturé » utilisant des
adjectifs forts. Barbare étymologiquement était celui qui ne parlait pas grec, donc un étranger alors
que dénaturé évoque la perte de la nature paternelle. La séparation est donc consommée.

Conclusion

La rupture entre le père et le fils est intense et le plus souvent sous forme de querelle.
Des Grieux, fraîchement libéré, est plus contrarié par le futur exil de sa bien-aimée que par ce que
son père peut penser de lui ; le père, lui, n’arrive plus à raisonner son fils qui s’entête dans une
attitude fort éloignée de son éducation.
Prenant une forme théâtrale et utilisant des codes de la tragédie classique, cette rupture devient
progressivement inéluctable et marque un tournant dans la suite de l’œuvre. La déchéance du
Chevalier est désormais en marche et son éloignement du père et de ses valeurs désormais derrière
lui.

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