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Vagabond Vol 22 Inoue

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Vagabond Vol 9 Takehiko Inoue

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Vagabond Vol 12 1st Edition Takehiko Inoue

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Vagabond Vol 13 1st Edition Takehiko Inoue

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Post Colonial Identities 1st Edition Chin Ce

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Stock Enhancement and Sea Ranching Developments Pitfalls
and Opportunities Second Edition Kenneth M. Leber

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Communication in investigative and legal contexts


integrated approaches from forensic psychology linguistics
and law enforcement 1st Edition Gavin Oxburgh
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legal-contexts-integrated-approaches-from-forensic-psychology-
linguistics-and-law-enforcement-1st-edition-gavin-oxburgh/
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Index of Leading Environmental Indicators 2006 11th


Edition Steven F. Hayward

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Comparison of Statistical Experiments 1st Edition Erik


Torgersen

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Physics and chemistry of the solar system 2nd ed Edition


John S. Lewis (Eds.)

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system-2nd-ed-edition-john-s-lewis-eds/

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Protesting Jordan Geographies of Power and Dissent 1st
Edition Jillian Schwedler

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and-dissent-1st-edition-jillian-schwedler/

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Sur trthyTakehiko noueA
Based on the novel “Musashi” by Eiji Yoshikawa
Vagabond Vol. 22
VIZ Signature Edition
Story & Art by
Takehiko Inoue
Based on the novel “Musashi” by
English Adaptation/Yuji Oniki
Touchup & Lettering/Steve Ошио
Cover 8 Graphics Design/lzumi Evers
Etitor/Andy Nakatani
Managing Editor/Annette Roman
Editorial Director/Elizabeth Kawasaki
Editor in Chief/Alvin Lu
Sr Director of Acquisitions/Rika Inouye
Sr VP of Marketing/Liza Coppola
Exec. VP of Sales and Marketing/John Easum
Publisher/Hyoe Narita
1998-200611.Planning, Inc.
Originally published in Japan in 2006 by Kodansha Ltd, Tokyo.
English translation rights arranged with IT. Planning, Inc. All rights
reserved, Although based on historical sources, the stories, charac
ters, and incidents mentioned in this publication are entirely fictional
No portion of this book may be reproduced or transmitted in any form
or by any means without written permission from the copyright hold
ers.
Printed in the USA
Published by VIZ Media, LLC
PO. Box 77010
San Francisco, CA 94107
10987654321
First printing, August 2006

VAGABOND
for mature is
readersr This volume contains recommended
graphic
violence and sexually еңісі situations.
Story€ Art hy Takehiko Inoue
Based on the novel “Musashi” byEiji Yoshikawa
PUTTING
YOUR
THATS ENTIRE
THE SELF
YOSHIOKA INTO THE
STYLE.
SEIJÜRO,
THIS WILL
BE NOTHING
LIKE
PRACTICING

PERFECTING
ONE'S
SKILLS...
CULTIVATING
ONE'S
КІ...
AN HEIR
TO THE
YOSHIOKA
CLAN.
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du nez, allons, toi le plus beau des phoques, j’irai donc avec toi ce
soir au théâtre. Mais alors dînons! tu as un bon petit dîner, tous plats
de ton goût.
—Il est bien difficile, dit Castanier, de quitter une femme comme
toi!
—Hé! bien donc, pourquoi t’en vas-tu? lui demanda-t-elle.
—Ah! pourquoi! pourquoi! il faudrait pour te l’expliquer te dire des
choses qui te prouveraient que mon amour pour toi va jusqu’à la
folie. Si tu m’as donné ton honneur, j’ai vendu le mien, nous sommes
quittes. Est-ce aimer?
—Qu’est-ce que c’est que ça? dit-elle. Allons, dis-moi que si
j’avais un amant, tu m’aimerais toujours comme un père, ce sera de
l’amour! Allons, dites-le tout de suite, et donnez la patte.
—Je te tuerais, dis Castanier en souriant.
Ils allèrent se mettre à table, et partirent pour le Gymnase après
avoir dîné. Quand la première pièce fut jouée, Castanier voulut aller
se montrer à quelques personnes de sa connaissance qu’il avait
vues dans la salle, afin de détourner le plus long-temps possible tout
soupçon sur sa fuite. Il laissa madame de La Garde dans sa loge,
qui, suivant ses habitudes modestes, était une baignoire, et il vint se
promener dans le foyer. A peine y eut-il fait quelques pas, qu’il
rencontra la figure de Melmoth dont le regard lui causa la fade
chaleur d’entrailles, la terreur qu’il avait déjà ressenties, et ils
arrivèrent en face l’un de l’autre.
—Faussaire! cria l’Anglais.
En entendant ce mot, Castanier regarda les gens qui se
promenaient. Il crut apercevoir un étonnement mêlé de curiosité sur
leurs figures, il voulut se défaire de cet Anglais à l’instant même, et
leva la main pour lui donner un soufflet; mais il se sentit le bras
paralysé par une puissance invincible qui s’empara de sa force et le
cloua sur la place; il laissa l’étranger lui prendre le bras, et tous deux
ils marchèrent ensemble dans le foyer, comme deux amis.
—Qui donc est assez fort pour me résister? lui dit l’Anglais. Ne
sais-tu pas que tout ici-bas doit m’obéir, que je puis tout? Je lis dans
les cœurs, je vois l’avenir, je sais le passé. Je suis ici, et je puis être
ailleurs! Je ne dépends ni du temps, ni de l’espace, ni de la distance.
Le monde est mon serviteur. J’ai la faculté de toujours jouir, et de
donner toujours le bonheur. Mon œil perce les murailles, voit les
trésors, et j’y puise à pleines mains. A un signe de ma tête, des
palais se bâtissent et mon architecte ne se trompe jamais. Je puis
faire éclore des fleurs sur tous les terrains, entasser des pierreries,
amonceler l’or, me procurer des femmes toujours nouvelles; enfin,
tout me cède. Je pourrais jouer à la Bourse à coup sûr, si l’homme
qui sait trouver l’or là où les avares l’enterrent avait besoin de puiser
dans la bourse des autres. Sens donc, pauvre misérable voué à la
honte, sens donc la puissance de la serre qui te tient. Essaie de faire
plier ce bras de fer! amollis ce cœur de diamant! ose t’éloigner de
moi! Quand tu serais au fond des caves qui sont sous la Seine,
n’entendrais-tu pas ma voix? Quand tu irais dans les catacombes,
ne me verrais-tu pas? Ma voix domine le bruit de la foudre, mes
yeux luttent de clarté avec le soleil, car je suis l’égal de Celui qui
porte la lumière. Castanier entendait ces terribles paroles, rien en lui
ne les contredisait, et il marchait à côté de l’Anglais sans qu’il pût
s’en éloigner.—Tu m’appartiens, tu viens de commettre un crime.
J’ai donc enfin trouvé le compagnon que je cherchais. Veux-tu savoir
ta destinée? Ha! ha! tu comptais voir un spectacle, il ne te manquera
pas, tu en auras deux. Allons, présente-moi à madame de La Garde
comme un de tes meilleurs amis. Ne suis-je pas ta dernière
espérance.
Castanier revint à sa loge suivi de l’étranger, qu’il s’empressa de
présenter à madame de La Garde, suivant l’ordre qu’il venait de
recevoir. Aquilina ne parut point surprise de voir Melmoth. L’Anglais
refusa de se mettre sur le devant de la loge, et voulut que Castanier
y restât avec sa maîtresse. Le plus simple désir de l’Anglais était un
ordre auquel il fallait obéir. La pièce qu’on allait jouer était la
dernière. Alors les petits théâtres ne donnaient que trois pièces. Le
Gymnase avait à cette époque un acteur qui lui assurait la vogue.
Perlet allait jouer le Comédien d’Étampes, vaudeville où il remplissait
quatre rôles différents. Quand la toile se leva, l’étranger étendit la
main sur la salle. Castanier poussa un cri de terreur qui s’arrêta
dans son gosier dont les parois se collèrent, car Melmoth lui montra
du doigt la scène, en lui faisant comprendre ainsi qu’il avait ordonné
de changer le spectacle. Le caissier vit le cabinet de Nucingen, son
patron y était en conférence avec un employé supérieur de la
préfecture de police qui lui expliquait la conduite de Castanier, en le
prévenant de la soustraction faite à sa caisse, du faux commis à son
préjudice et de la fuite de son caissier. Une plainte était aussitôt
dressée, signée, et transmise au procureur du roi,—«Croyez-vous
qu’il sera temps encore? disait Nucingen.—Oui, répondit l’agent, il
est au Gymnase et ne se doute de rien.»
Castanier s’agita sur sa chaise, et voulut s’en aller; mais la main
que Melmoth lui appuyait sur l’épaule le forçait à rester, par un effet
de l’horrible puissance dont nous sentons les effets dans le
cauchemar. Cet homme était le cauchemar même, et posait sur
Castanier comme une atmosphère empoisonnée. Quand le pauvre
caissier se retournait pour implorer cet Anglais, il rencontrait un
regard de feu qui vomissait des courants électriques, espèce de
pointes métalliques par lesquelles Castanier se sentait pénétré,
traversé de part en part et cloué.
—Que t’ai-je fait? disait-il dans son abattement et en haletant
comme un cerf au bord d’une fontaine, que veux-tu de moi?
—Regarde! lui cria Melmoth.
Castanier regarda ce qui se passait sur la scène. La décoration
avait été changée, le spectacle était fini, Castanier se vit lui-même
sur la scène descendant de voiture avec Aquilina; mais au moment
où il entrait dans la cour de sa maison, rue Richer, la décoration
changea subitement encore, et représenta l’intérieur de son
appartement. Jenny causait au coin du feu, dans la chambre de sa
maîtresse, avec un sous-officier d’un régiment de ligne, en garnison
à Paris.—«Il part, disait ce sergent, qui paraissait appartenir à une
famille de gens aisés. Je vais donc être heureux à mon aise. J’aime
trop Aquilina pour souffrir qu’elle appartienne à ce vieux crapaud!
Moi, j’épouserai madame de La Garde! s’écriait le sergent.»
—Vieux crapaud! se dit douloureusement Castanier.
—«Voilà madame et monsieur, cachez-vous! Tenez, mettez-vous
là, monsieur Léon, lui disait Jenny. Monsieur ne doit pas rester long-
temps.» Castanier voyait le sous-officier se mettant derrière les
robes d’Aquilina dans le cabinet de toilette. Castanier rentra bientôt
lui-même en scène, et fit ses adieux à sa maîtresse qui se moquait
de lui dans ses a parte avec Jenny, tout en lui disant les paroles les
plus douces et les plus caressantes. Elle pleurait d’un côté, riait de
l’autre. Les spectateurs faisaient répéter les couplets.
—Maudite femme! criait Castanier dans sa loge.
Aquilina riait aux larmes en s’écriant:—Mon Dieu! Perlet est-il
drôle en Anglais! Quoi! vous seuls dans la salle ne riez pas? Ris
donc, mon chat! dit-elle au caissier.
Melmoth se mit à rire d’une façon qui fit frissonner le caissier. Ce
rire anglais lui tordait les entrailles et lui travaillait la cervelle comme
si quelque chirurgien le trépanait avec un fer brûlant.
—Ils rient, ils rient, disait convulsivement Castanier.
En ce moment, au lieu de voir la pudibonde lady que représentait
si comiquement Perlet, et dont le parler anglo-français faisait pouffer
de rire toute la salle, le caissier se voyait fuyant la rue Richer,
montant dans un fiacre sur le boulevard, faisant son marché pour
aller à Versailles. La scène changeait encore. Il reconnut, au coin de
la rue de l’Orangerie et de la rue des Récollets, la petite auberge
borgne que tenait son ancien maréchal-des-logis. Il était deux
heures du matin, le plus grand silence régnait, personne ne l’épiait,
sa voiture était attelée de chevaux de poste, et venait d’une maison
de l’avenue de Paris où demeurait un Anglais pour qui elle avait été
demandée, afin de détourner les soupçons. Castanier avait ses
valeurs et ses passe-ports, il montait en voiture, il partait. Mais à la
barrière, Castanier aperçut des gendarmes à pied qui attendaient la
voiture. Il jeta un cri affreux que comprima le regard de Melmoth.
—Regarde toujours, et tais-toi! lui dit l’Anglais.
Castanier se vit en un moment jeté en prison à la Conciergerie.
Puis, au cinquième acte de ce drame intitulé le Caissier, il s’aperçut,
à trois mois de là, sortant de la Cour d’Assises, condamné à vingt
ans de travaux forcés. Il jeta un nouveau cri quand il se vit exposé
sur la place du Palais-de-Justice, et que le fer rouge du bourreau le
marqua. Enfin, à la dernière scène, il était dans la cour de Bicêtre,
parmi soixante forçats, et attendait son tour pour aller faire river ses
fers.
—Mon Dieu! je n’en puis plus de rire, disait Aquilina. Vous êtes
bien sombre, mon chat, qu’avez-vous donc? ce monsieur n’est plus
là.
—Deux mots, Castanier, lui dit Melmoth au moment où la pièce
finie madame de La Garde se faisait mettre son manteau par
l’ouvreuse.
Le corridor était encombré, toute fuite était impossible.
—Eh! bien, quoi?
—Aucune puissance humaine ne peut t’empêcher d’aller
reconduire Aquilina, d’aller à Versailles, et d’y être arrêté.
—Pourquoi?
—Parce que le bras qui te tient, dit l’Anglais, ne te lâchera point.
Castanier aurait voulu pouvoir prononcer quelques paroles pour
s’anéantir lui-même et disparaître au fond des enfers.
—Si le démon te demandait ton âme, ne la donnerais-tu pas en
échange d’une puissance égale à celle de Dieu? D’un seul mot, tu
restituerais dans la caisse du baron de Nucingen les cinq cent mille
francs que tu y as pris. Puis, en déchirant ta lettre de crédit, toute
trace de crime serait anéantie. Enfin, tu aurais de l’or à flots. Tu ne
crois guère à rien, n’est-ce pas? Hé bien! si tout cela arrive, tu
croiras au moins au diable.
—Si c’était possible! dit Castanier avec joie.
—Celui qui peut faire ceci, répondit l’Anglais, te l’affirme.
Melmoth étendit le bras au moment où Castanier, madame de La
Garde et lui se trouvaient sur le boulevard. Il tombait alors une pluie
fine, le sol était boueux, l’atmosphère était épaisse, et le ciel était
noir. Aussitôt que le bras de cet homme fut étendu, le soleil illumina
Paris. Castanier se vit, en plein midi, comme par un beau jour de
juillet. Les arbres étaient couverts de feuilles, et les Parisiens
endimanchés circulaient en deux files joyeuses. Les marchands de
coco criaient:—A boire, à la fraîche! Des équipages brillaient en
roulant sur la chaussée. Le caissier jeta un cri de terreur. A ce cri, le
boulevard redevint humide et sombre. Madame de La Garde était
montée en voiture.
—Mais dépêche-toi donc, mon ami, lui dit-elle, viens ou reste.
Vraiment, ce soir, tu es ennuyeux comme la pluie qui tombe.
—Que faut-il faire? dit Castanier à Melmoth.
—Veux-tu prendre ma place? lui demanda l’Anglais.
—Oui.
—Eh! bien, je serai chez toi dans quelques instants.
—Ah! ça, Castanier, tu n’es pas dans ton assiette ordinaire, lui
disait Aquilina. Tu médites quelque mauvais coup, tu étais trop
sombre et trop pensif pendant le spectacle. Mon cher ami, te faut-il
quelque chose que je puisse te donner? Parle.
—J’attends, pour savoir si tu m’aimes, que nous soyons arrivés à
la maison.
—Ce n’est pas la peine d’attendre, dit-elle en se jetant à son cou,
tiens!
Elle l’embrassa fort passionnément en apparence en lui faisant
de ces cajoleries qui, chez ces sortes de créatures, deviennent des
choses de métier, comme le sont les jeux de scène pour des
actrices.
—D’où vient cette musique? dit Castanier.
—Allons, voilà que tu entends de la musique, maintenant.
—De la musique céleste! reprit-il. On dirait que les sons viennent
d’en haut.
—Comment, toi qui m’as toujours refusé une baignoire aux
Italiens, sous prétexte que tu ne pouvais pas souffrir la musique, te
voilà mélomane, à cette heure! Mais tu es fou! ta musique est dans
ta caboche, vieille boule détraquée! dit-elle en lui prenant la tête et la
faisant rouler sur son épaule. Dis donc, papa, sont-ce les roues de la
voiture qui chantent?
—Écoute donc, Naqui? si les anges font de la musique au bon
Dieu, ce ne peut être que celle dont les accords m’entrent par tous
les pores autant que par les oreilles, et je ne sais comment t’en
parler, c’est suave comme de l’eau de miel!
—Mais certainement on lui fait de la musique au bon Dieu, car on
représente toujours les anges avec des harpes. Ma parole
d’honneur, il est fou, se dit-elle en voyant Castanier dans l’attitude
d’un mangeur d’opium en extase.
Ils étaient arrivés. Castanier, absorbé par tout ce qu’il venait de
voir et d’entendre, ne sachant s’il devait croire ou douter, allait
comme un homme ivre, privé de raison. Il se réveilla dans la
chambre d’Aquilina où il avait été porté, soutenu par sa maîtresse,
par le portier et par Jenny, car il s’était évanoui en sortant de sa
voiture.
—Mes amis, mes amis, il va venir, dit-il en se plongeant par un
mouvement désespéré dans sa bergère au coin du feu.
En ce moment Jenny entendit la sonnette, alla ouvrir, et annonça
l’Anglais en disant que c’était un monsieur qui avait rendez-vous
avec Castanier. Melmoth se montra soudain. Il se fit un grand
silence. Il regarda le portier, le portier s’en alla. Il regarda Jenny,
Jenny s’en alla.
—Madame, dit Melmoth à la courtisane, permettez-nous de
terminer une affaire qui ne souffre aucun retard.
Il prit Castanier par la main, et Castanier se leva. Tous deux
allèrent dans le salon sans lumière, car l’œil de Melmoth éclairait les
ténèbres les plus épaisses. Fascinée par le regard étrange de
l’inconnu, Aquilina demeura sans force, et incapable de songer à
son amant, qu’elle croyait d’ailleurs enfermé chez sa femme de
chambre, tandis que, surprise par le prompt retour de Castanier,
Jenny l’avait caché dans le cabinet de toilette, comme dans la scène
du drame joué pour Melmoth et pour sa victime. La porte de
l’appartement se ferma violemment, et bientôt Castanier reparut.
—Qu’as-tu? lui cria sa maîtresse frappée d’horreur.
La physionomie du caissier était changée. Son teint rouge avait
fait place à la pâleur étrange qui rendait l’étranger sinistre et froid.
Ses yeux jetaient un feu sombre qui blessait par un éclat
insupportable. Son attitude de bonhomie était devenue despotique et
fière. La courtisane trouva Castanier maigri, le front lui sembla
majestueusement horrible, et le dragon exhalait une influence
épouvantable qui pesait sur les autres comme une lourde
atmosphère. Aquilina se sentit pendant un moment gênée.
—Que s’est-il passé en si peu de temps entre cet homme
diabolique et toi? demanda-t-elle.
—Je lui ai vendu mon âme. Je le sens, je ne suis plus le même. Il
m’a pris mon être, et m’a donné le sien.
—Comment?
—Tu n’y comprendrais rien. Ha! dit Castanier froidement, il avait
raison, ce démon! Je vois tout et sais tout. Tu me trompais.
Ces mots glacèrent Aquilina. Castanier alla dans le cabinet de
toilette après avoir allumé un bougeoir, la pauvre fille stupéfaite l’y
suivit, et son étonnement fut grand lorsque Castanier, ayant écarté
les robes accrochées au porte-manteau, découvrit le sous-officier.
—Venez, mon cher, lui dit-il en prenant Léon par le bouton de la
redingote et l’amenant dans la chambre.
La Piémontaise, pâle, éperdue, était allée se jeter dans son
fauteuil. Castanier s’assit sur la causeuse au coin du feu, et laissa
l’amant d’Aquilina debout.
—Vous êtes ancien militaire, lui dit Léon, je suis prêt à vous
rendre raison.
—Vous êtes un niais, répondit sèchement Castanier. Je n’ai plus
besoin de me battre, je puis tuer qui je veux d’un regard. Je vais
vous dire votre fait, mon petit. Pourquoi vous tuerais-je? Vous avez
sur le cou une ligne rouge que je vois. La guillotine vous attend. Oui,
vous mourrez en place de Grève. Vous appartenez au bourreau, rien
ne peut vous sauver. Vous faites partie d’une Vente de
Charbonniers. Vous conspirez contre le gouvernement.
—Tu ne me l’avais pas dit! cria la Piémontaise à Léon.
—Vous ne savez donc pas, dit le caissier en continuant toujours,
que le ministère a décidé ce matin de poursuivre votre association?
Le procureur-général a pris vos noms. Vous êtes dénoncés par des
traîtres. On travaille en ce moment à préparer les éléments de votre
acte d’accusation.
—C’est donc toi qui l’as trahi?... dit Aquilina qui poussa un
rugissement de lionne et se leva pour venir déchirer Castanier.
—Tu me connais trop pour le croire, répondit Castanier avec un
sang-froid qui pétrifia sa maîtresse.
—Comment le sais-tu donc?
—Je l’ignorais avant d’aller dans le salon; mais, maintenant, je
vois tout, je sais tout, je peux tout.
Le sous-officier était stupéfait.
—Hé! bien, sauve-le, mon ami, s’écria la fille en se jetant aux
genoux de Castanier. Sauvez-le, puisque vous pouvez tout! Je vous
aimerai, je vous adorerai, je serai votre esclave au lieu d’être votre
maîtresse. Je me vouerai à vos caprices les plus désordonnés, tu
feras de moi tout ce que tu voudras. Oui, je trouverai plus que de
l’amour pour vous; j’aurai le dévouement d’une fille pour son père,
joint à celui d’une... mais... comprends donc, Rodolphe! Enfin,
quelque violentes que soient mes passions, je serai toujours à toi!
Qu’est-ce que je pourrais dire pour te toucher? J’inventerai les
plaisirs... Je... Mon Dieu! tiens, quand tu voudras quelque chose de
moi, comme de me faire jeter par la fenêtre, tu n’auras qu’à me dire:
—Léon! je me précipiterais alors dans l’enfer, j’accepterais tous les
tourments, toutes les maladies, tous les chagrins, tout ce que tu
m’imposerais!
Castanier resta froid. Pour toute réponse, il montra Léon en
disant avec un rire de démon:—La guillotine l’attend.
—Non, il ne sortira pas d’ici, je le sauverai, s’écria-t-elle. Oui, je
tuerai qui le touchera! Pourquoi ne veux-tu pas le sauver? criait-elle
d’une voix étincelante, l’œil en feu, les cheveux épars. Le peux-tu?
—Je puis tout.
—Pourquoi ne le sauves-tu pas?
—Pourquoi? cria Castanier dont la voix vibra jusque dans les
planchers. Hé! je me venge! C’est mon métier de mal faire.
—Mourir, reprit Aquilina, lui, mon amant, est-ce possible?
Elle bondit jusqu’à sa commode, y saisit un stylet qui était dans
une corbeille, et vint à Castanier qui se mit à rire.
—Tu sais bien que le fer ne peut plus m’atteindre.
Le bras d’Aquilina se détendit comme une corde de harpe
subitement coupée.
—Sortez, mon cher ami, dit le caissier en se retournant vers le
sous-officier; allez à vos affaires.
Il étendit la main, et le militaire fut obligé d’obéir à la force
supérieure que déployait Castanier.
—Je suis ici chez moi, je pourrais envoyer chercher le
commissaire de police et lui livrer un homme qui s’introduit dans
mon domicile, je préfère vous rendre la liberté: je suis un démon, je
ne suis pas un espion.
—Je le suivrai, dit Aquilina.
—Suis-le, dit Castanier. Jenny?...
Jenny parut.
—Envoyez le portier leur chercher un fiacre.
—Tiens, Naqui, dit Castanier en tirant de sa poche un paquet de
billets de banque, tu ne quitteras pas, comme une misérable, un
homme qui t’aime encore.
Il lui tendit trois cent mille francs, Aquilina les prit, les jeta par
terre, cracha dessus en les piétinant avec la rage du désespoir, en
lui disant:—Nous sortirons tous deux à pied, sans un sou de toi.
Reste, Jenny.
—Bonsoir! reprit le caissier en ramassant son argent. Moi, je suis
revenu de voyage.—Jenny, dit-il en regardant la femme de chambre
ébahie, tu me parais bonne fille. Te voilà sans maîtresse, viens ici?
pour ce soir, tu auras un maître.
Aquilina, se défiant de tout, s’en alla promptement avec le sous-
officier chez une de ses amies. Mais Léon était l’objet des soupçons
de la police, qui le faisait suivre partout où il allait. Aussi fut-il arrêté
quelque temps après, avec ses trois amis, comme le dirent les
journaux du temps.
Le caissier se sentit changé complétement au moral comme au
physique. Le Castanier, tour à tour enfant, jeune, amoureux,
militaire, courageux, trompé, marié, désillusionné, caissier,
passionné, criminel par amour, n’existait plus. Sa forme intérieure
avait éclaté. En un moment, son crâne s’était élargi, ses sens
avaient grandi. Sa pensée embrassa le monde, il en vit les choses
comme s’il eût été placé à une hauteur prodigieuse. Avant d’aller au
spectacle, il éprouvait pour Aquilina la passion la plus insensée,
plutôt que de renoncer à elle il aurait fermé les yeux sur ses
infidélités, ce sentiment aveugle s’était dissipé comme une nuée se
fond sous les rayons du soleil. Heureuse de succéder à sa
maîtresse, et d’en posséder la fortune, Jenny fit tout ce que voulait le
caissier. Mais Castanier, qui avait le pouvoir de lire dans les âmes,
découvrit le motif véritable de ce dévouement purement physique.
Aussi s’amusa-t-il de cette fille avec la malicieuse avidité d’un enfant
qui, après avoir exprimé le jus d’une cerise, en lance le noyau. Le
lendemain, au moment où, pendant le déjeuner, elle se croyait dame
et maîtresse au logis, Castanier lui répéta mot à mot, pensée à
pensée, ce qu’elle se disait à elle-même, en buvant son café.
—Sais-tu ce que tu penses, ma petite? lui dit-il en souriant, le
voici: «Ces beaux meubles en bois de palissandre que je désirais
tant, et ces belles robes que j’essayais, sont donc à moi! Il ne m’en a
coûté que des bêtises que madame lui refusait, je ne sais pas
pourquoi. Ma foi, pour aller en carrosse, avoir des parures, être au
spectacle dans une loge, et me faire des rentes, je lui donnerais bien
des plaisirs à l’en faire crever, s’il n’était pas fort comme un Turc. Je
n’ai jamais vu d’homme pareil!»—Est-ce bien cela? reprit-il d’une
voix qui fit pâlir Jenny. Eh! bien, oui, ma fille, tu n’y tiendrais pas, et
c’est pour ton bien que je te renvoie, tu périrais à la peine. Allons,
quittons-nous bons amis.
Et il la congédia froidement en lui donnant une fort légère
somme.
Le premier usage que Castanier s’était promis de faire du terrible
pouvoir qu’il venait d’acheter, au prix de son éternité bienheureuse,
était la satisfaction pleine et entière de ses goûts. Après avoir mis
ordre à ses affaires, et rendu facilement ses comptes à monsieur de
Nucingen qui lui donna pour successeur un bon Allemand, il voulut
une bacchanale digne des beaux jours de l’empire romain, et s’y
plongea désespérément comme Balthazar à son dernier festin. Mais,
comme Balthazar, il vit distinctivement une main pleine de lumière
qui lui traça son arrêt au milieu de ses joies, non pas sur les murs
étroits d’une salle, mais sur les parois immenses où se dessine l’arc-
en-ciel. Son festin ne fut pas en effet une orgie circonscrite aux
bornes d’un banquet, ce fut une dissipation de toutes les forces et de
toutes les jouissances. La table était en quelque sorte la terre même
qu’il sentait trembler sous ses pieds. Ce fut la dernière fête d’un
dissipateur qui ne ménage plus rien. En puisant à pleines mains
dans le trésor des voluptés humaines dont la clef lui avait été remise
par le Démon, il en atteignit promptement le fond. Cette énorme
puissance, en un instant appréhendée, fut en un instant exercée,
jugée, usée. Ce qui était tout, ne fut rien. Il arrive souvent que la
possession tue les plus immenses poèmes du désir, aux rêves
duquel l’objet possédé répond rarement. Ce triste dénoûment de
quelques passions était celui que cachait l’omnipotence de Melmoth.
L’inanité de la nature humaine fut soudain révélée à son successeur,
auquel la suprême puissance apporta le néant pour dot. Afin de bien
comprendre la situation bizarre dans laquelle se trouva Castanier, il
faudrait pouvoir en apprécier par la pensée les rapides révolutions,
et concevoir combien elles eurent peu de durée, ce dont il est
difficile de donner une idée à ceux qui restent emprisonnés par les
lois du temps, de l’espace et des distances. Ses facultés agrandies
avaient changé les rapports qui existaient auparavant entre le
monde et lui. Comme Melmoth, Castanier pouvait en quelques
instants être dans les riantes vallées de l’Hindoustan, passer sur les
ailes des démons à travers les déserts de l’Afrique, et glisser sur les
mers. De même que sa lucidité lui faisait tout pénétrer à l’instant où
sa vue se portait sur un objet matériel ou dans la pensée d’autrui, de
même sa langue happait pour ainsi dire toutes les saveurs d’un
coup. Son plaisir ressemblait au coup de hache du despotisme, qui
abat l’arbre pour en avoir les fruits. Les transitions, les alternatives
qui mesurent la joie, la souffrance, et varient toutes les jouissances
humaines, n’existaient plus pour lui. Son palais, devenu sensitif
outre mesure, s’était blasé tout à coup en se rassasiant de tout. Les
femmes et la bonne chère furent deux plaisirs si complétement
assouvis, du moment où il put les goûter de manière à se trouver au
delà du plaisir, qu’il n’eut plus envie ni de manger, ni d’aimer. Se
sachant maître de toutes les femmes qu’il souhaiterait, et se sachant
armé d’une force qui ne devait jamais faillir, il ne voulait plus de
femmes; en les trouvant par avance soumises à ses caprices les
plus désordonnés, il se sentait une horrible soif d’amour, et les
désirait plus aimantes qu’elles ne pouvaient l’être. Mais la seule
chose que lui refusait le monde, c’était la foi, la prière, ces deux
onctueuses et consolantes amours. On lui obéissait. Ce fut un
horrible état. Les torrents de douleurs, de plaisirs et de pensées qui
secouaient son corps et son âme eussent emporté la créature
humaine la plus forte; mais il y avait en lui une puissance de vie
proportionnée à la vigueur des sensations qui l’assaillaient. Il sentit
en dedans de lui quelque chose d’immense que la terre ne
satisfaisait plus. Il passait la journée à étendre ses ailes, à vouloir
traverser les sphères lumineuses dont il avait une intuition nette et
désespérante. Il se dessécha intérieurement, car il eut soif et faim de
choses qui ne se buvaient ni ne se mangeaient, mais qui l’attiraient
irrésistiblement. Ses lèvres devinrent ardentes de désir, comme
l’étaient celles de Melmoth, et il haletait après l’INCONNU, car il
connaissait tout. En voyant le principe et le mécanisme du monde, il
n’en admirait plus les résultats, et manifesta bientôt ce dédain
profond qui rend l’homme supérieur semblable à un sphinx qui sait
tout, voit tout, et garde une silencieuse immobilité. Il ne se sentait
pas la moindre velléité de communiquer sa science aux autres
hommes. Riche de toute la terre, et pouvant la franchir d’un bond, la
richesse et le pouvoir ne signifièrent plus rien pour lui. Il éprouvait
cette horrible mélancolie de la suprême puissance à laquelle Satan
et Dieu ne remédient que par une activité dont le secret n’appartient
qu’à eux. Castanier n’avait pas, comme son maître, l’inextinguible
puissance de haïr et de mal faire; il se sentait démon, mais démon à
venir, tandis que Satan est démon pour l’éternité; rien ne le peut
racheter, il le sait, et alors il se plaît à remuer avec sa triple fourche
les mondes comme un fumier, en y tracassant les desseins de Dieu.
Pour son malheur, Castanier conservait une espérance. Ainsi tout à
coup, en un moment, il put aller d’un pôle à l’autre, comme un
oiseau vole désespérément entre les deux côtés de sa cage; mais,
après avoir fait ce bond, comme l’oiseau, il vit des espaces
immenses. Il eut de l’infini une vision qui ne lui permit plus de
considérer les choses humaines comme les autres hommes les
considèrent. Les insensés qui souhaitent la puissance des démons,
la jugent avec leurs idées d’hommes, sans prévoir qu’ils endosseront
les idées du démon en prenant son pouvoir, qu’ils resteront hommes
et au milieu d’êtres qui ne peuvent plus les comprendre. Le Néron
inédit qui rêve de faire brûler Paris pour sa distraction, comme on
donne au théâtre le spectacle fictif d’un incendie, ne se doute pas
que Paris deviendra pour lui ce qu’est pour un voyageur pressé la
fourmilière qui borde un chemin. Les sciences furent pour Castanier
ce qu’est un logogriphe pour celui qui en sait le mot. Les rois, les
gouvernements lui faisaient pitié. Sa grande débauche fut donc, en
quelque sorte un déplorable adieu à sa condition d’homme. Il se
sentit à l’étroit sur la terre, car son infernale puissance le faisait
assister au spectacle de la création dont il entrevoyait les causes et
la fin. En se voyant exclus de ce que les hommes ont nommé le ciel
dans tous leurs langages, il ne pouvait plus penser qu’au ciel. Il
comprit alors le dessèchement intérieur exprimé sur la face de son
prédécesseur, il mesura l’étendue de ce regard allumé par un espoir
toujours trahi, il éprouva la soif qui brûlait cette lèvre rouge, et les
angoisses d’un combat perpétuel entre deux natures agrandies. Il
pouvait être encore un ange, il se trouvait un démon. Il ressemblait à
la suave créature emprisonnée par le mauvais vouloir d’un
enchanteur dans un corps difforme, et qui, prise sous la cloche d’un
pacte, avait besoin de la volonté d’autrui pour briser une détestable
enveloppe détestée. De même que l’homme vraiment grand n’en a
que plus d’ardeur à chercher l’infini du sentiment dans un cœur de
femme, après une déception; de même Castanier se trouva tout à
coup sous le poids d’une seule idée, idée qui peut-être était la clef
des mondes supérieurs. Par cela seul qu’il avait renoncé à son
éternité bienheureuse, il ne pensait plus qu’à l’avenir de ceux qui
prient et qui croient. Quand, au sortir de la débauche où il prit
possession de son pouvoir, il sentit l’étreinte de ce sentiment, il
connut les douleurs que les poètes sacrés, les apôtres et les grands
oracles de la foi nous ont dépeintes en des termes si gigantesques.
Harponné par l’épée flamboyante de laquelle il sentait la pointe dans
ses reins, il courut chez Melmoth, afin de voir ce qu’il advenait de
son prédécesseur. L’Anglais demeurait rue Férou, près Saint-
Sulpice, dans un hôtel sombre, noir, humide et froid. Cette rue,
ouverte au nord, comme toutes celles qui tombent
perpendiculairement sur la rive gauche de la Seine, est une des rues
les plus tristes de Paris, et son caractère réagit sur les maisons qui
la bordent. Quand Castanier fut sur le seuil de la porte, il la vit
tendue de noir, la voûte était également drapée. Sous cette voûte,
éclataient les lumières d’une chapelle ardente. On y avait élevé un
cénotaphe temporaire, de chaque côté duquel se tenait un prêtre.
—Il ne faut pas demander à monsieur pourquoi il vient, dit à
Castanier une vieille portière, vous ressemblez trop à ce pauvre cher
défunt. Si donc vous êtes son frère, vous arrivez trop tard pour lui
dire adieu. Ce brave gentilhomme est mort avant-hier dans la nuit.
—Comment est-il mort? demanda Castanier à l’un des prêtres.
—Soyez heureux, lui répondit un vieux prêtre en soulevant un
côté des draps noirs qui formaient la chapelle.
Castanier vit une de ces figures que la foi rend sublimes et par
les pores de laquelle l’âme semble sortir pour rayonner sur les
autres hommes et les échauffer par les sentiments d’une charité
persistante. Cet homme était le confesseur de sir John Melmoth.
—Monsieur votre frère, dit le prêtre en continuant, a fait une fin
digne d’envie, et qui a dû réjouir les anges. Vous savez quelle joie
répand dans les cieux la conversion d’une âme pécheresse. Les
pleurs de son repentir excités par la grâce ont coulé sans tarir, la
mort seule a pu les arrêter. L’Esprit saint était en lui. Ses paroles
ardentes et vives ont été dignes du Roi prophète. Si jamais, dans le
cours de ma vie, je n’ai entendu de confession plus horrible que
celle de ce gentilhomme irlandais, jamais aussi n’ai-je entendu de
prières plus enflammées. Quelque grandes qu’aient été ses fautes,
son repentir en a comblé l’abîme en un moment. La main de Dieu
s’est visiblement étendue sur lui, car il ne ressemblait plus à lui-
même, tant il est devenu saintement beau. Ses yeux si rigides se
sont adoucis dans les pleurs. Sa voix si vibrante, et qui effrayait, a
pris la grâce et la mollesse qui distinguent les paroles des gens
humiliés. Il édifiait tellement les auditeurs par ses discours, que les
personnes attirées par le spectacle de cette mort chrétienne, se
mettaient à genoux en écoutant glorifier Dieu, parler de ses
grandeurs infinies, et raconter les choses du ciel. S’il ne laisse rien à
sa famille, il lui a certes acquis le plus grand bien que les familles
puissent posséder, une âme sainte qui veillera sur vous tous, et vous
conduira dans la bonne voie.
Ces paroles produisirent un effet si violent sur Castanier qu’il
sortit brusquement et marcha vers l’église de Saint-Sulpice en
obéissant à une sorte de fatalité, le repentir de Melmoth l’avait
abasourdi. Vers cette époque, un homme célèbre par son éloquence
faisait, le matin, à certains jours, des conférences qui avaient pour
but de démontrer les vérités de la religion catholique à la jeunesse
de ce siècle proclamée par une autre voix non moins éloquente,
indifférente en matière de foi. La conférence devait faire place à
l’enterrement de l’Irlandais. Castanier arriva précisément au moment
où le prédicateur allait résumer avec cette onction gracieuse, avec
cette pénétrante parole qui l’ont illustré, les preuves de notre
heureux avenir. L’ancien dragon, sous la peau duquel s’était glissé le
démon, se trouvait dans les conditions voulues pour recevoir
fructueusement la semence des paroles divines commentées par le
prêtre. En effet, s’il est un phénomène constaté, n’est-ce pas le
phénomène moral que le peuple a nommé la foi du charbonnier? La
force de la croyance se trouve en raison directe du plus ou moins
d’usage que l’homme a fait de sa raison. Les gens simples et les
soldats sont de ce nombre. Ceux qui ont marché dans la vie sous la
bannière de l’instinct, sont beaucoup plus propres à recevoir la
lumière que ceux dont l’esprit et le cœur se sont lassés dans les
subtilités du monde. Depuis l’âge de seize ans, jusqu’à près de
quarante ans, Castanier, homme du midi, avait suivi le drapeau
français. Simple cavalier, obligé de se battre le jour, la veille et le
lendemain, il devait penser à son cheval avant de songer à lui-
même. Pendant son apprentissage militaire, il avait donc eu peu
d’heures pour réfléchir à l’avenir de l’homme. Officier, il s’était
occupé de ses soldats, et il avait été entraîné de champ de bataille
en champ de bataille, sans avoir jamais songé au lendemain de la
mort. La vie militaire exige peu d’idées. Les gens incapables de
s’élever à ces hautes combinaisons qui embrassent les intérêts de
nation à nation, les plans de la politique aussi bien que les plans de
campagne, la science du tacticien et celle de l’administrateur, ceux-
là vivent dans un état d’ignorance comparable à celle du paysan le
plus grossier de la province la moins avancée de France. Ils vont en
avant, obéissent passivement à l’âme qui les commande, et tuent les
hommes devant eux, comme le bûcheron abat des arbres dans une
forêt. Ils passent continuellement d’un état violent qui exige le
déploiement des forces physiques à un état de repos, pendant
lequel ils réparent leurs pertes. Ils frappent et boivent, ils frappent et
mangent, ils frappent et dorment, pour mieux frapper encore. A ce
train de tourbillon, les qualités de l’esprit s’exercent peu. Le moral
demeure dans sa simplicité naturelle. Quand ces hommes, si
énergiques sur le champ de bataille, reviennent au milieu de la
civilisation, la plupart de ceux qui sont demeurés dans les grades
inférieurs, se montrent sans idées acquises, sans facultés, sans
portée. Aussi la jeune génération s’est-elle étonnée de voir ces
membres de nos glorieuses et terribles armées, aussi nuls
d’intelligence que peut l’être un commis, et simples comme des
enfants. A peine un capitaine de la foudroyante garde impériale est-il
propre à faire les quittances d’un journal. Quand les vieux soldats
sont ainsi, leur âme vierge de raisonnement obéit aux grandes
impulsions. Le crime commis par Castanier était un de ces faits qui
soulèvent tant de questions que, pour le discuter, le moraliste aurait
demandé la division pour employer une expression du langage
parlementaire. Ce crime avait été conseillé par la passion, par une
de ces sorcelleries féminines si cruellement irrésistibles que nul
homme ne peut dire:«Je ne ferai jamais cela,» dès qu’une sirène est
admise dans la lutte et y déploiera ses hallucinations. La parole de
vie tomba donc sur une conscience neuve aux vérités religieuses
que la Révolution française et la vie militaire avaient fait négliger à
Castanier. Ce mot terrible: Vous serez heureux ou malheureux
pendant l’éternité! le frappa d’autant plus violemment qu’il avait
fatigué la terre, qu’il l’avait secouée comme un arbre sans fruit, et
que, dans l’omnipotence de ses désirs, il suffisait qu’un point de la
terre ou du ciel lui fût interdit, pour qu’il s’en occupât. S’il était permis
de comparer de si grandes choses aux niaiseries sociales, il
ressemblait à ces banquiers riches de plusieurs millions à qui rien ne
résiste dans la société; mais qui n’étant pas admis aux cercles de la
noblesse, ont pour idée fixe de s’y agréger, et ne comptent pour rien
tous les priviléges sociaux acquis par eux, du moment où il leur en
manque un. Cet homme plus puissant que ne l’étaient les rois de la
terre réunis, cet homme qui pouvait, comme Satan, lutter avec Dieu
lui-même, apparut appuyé contre un des piliers de l’église Saint-
Sulpice, courbé sous le poids d’un sentiment, et s’absorba dans une
idée d’avenir, comme Melmoth s’y était abîmé lui-même.
—Il est bien heureux, lui! s’écria Castanier, il est mort avec la
certitude d’aller au ciel.
En un moment, il s’était opéré le plus grand changement dans les
idées du caissier. Après avoir été le démon pendant quelques jours,
il n’était plus qu’un homme, image de la chute primitive consacrée
dans toutes les cosmogonies. Mais, en redevenant petit par la
forme, il avait acquis une cause de grandeur, il s’était trempé dans
l’infini. La puissance infernale lui avait révélé la puissance divine. Il
avait plus soif du ciel qu’il n’avait eu faim des voluptés terrestres si
promptement épuisées. Les jouissances que promet le démon ne
sont que celles de la terre agrandies, tandis que les voluptés
célestes sont sans bornes. Cet homme crut en Dieu. La parole qui
lui livrait les trésors du monde ne fut plus rien pour lui, et ces trésors
lui semblèrent aussi méprisables que le sont les cailloux aux yeux de
ceux qui aiment les diamants; car il les voyait comme de la
verroterie, en comparaison des beautés éternelles de l’autre vie.
Pour lui, le bien provenant de cette source était maudit. Il resta
plongé dans un abîme de ténèbres et de pensées lugubres en
écoutant le service fait pour Melmoth. Le Dies iræ l’épouvanta. Il
comprit, dans toute sa grandeur, ce cri de l’âme repentante qui
tressaille devant la majesté divine. Il fut tout à coup dévoré par
l’Esprit saint, comme le feu dévore la paille. Des larmes coulèrent de
ses yeux.
—Vous êtes un parent du mort? lui dit le bedeau.
—Son héritier, répondit Castanier.
—Pour les frais du culte, lui cria le suisse.
—Non, dit le caissier qui ne voulut pas donner à l’église l’argent
du démon.
—Pour les pauvres.
—Non.
—Pour les réparations de l’église.
—Non.
—Pour la chapelle de la Vierge.
—Non.
—Pour le séminaire.
—Non.
Castanier se retira, pour ne pas être en butte aux regards irrités
de plusieurs gens de l’église.—Pourquoi, se dit-il en contemplant
Saint-Sulpice, pourquoi les hommes auraient-ils bâti ces cathédrales
gigantesques que j’ai vues en tout pays? Ce sentiment partagé par
les masses, dans tous les temps, s’appuie nécessairement sur
quelque chose.
—Tu appelles Dieu quelque chose? lui disait sa conscience,
Dieu! Dieu! Dieu!
Ce mot répété par une voix intérieure l’écrasait, mais ses
sensations de terreur furent adoucies par les lointains accords de la
musique délicieuse qu’il avait entendue déjà vaguement. Il attribua
cette harmonie aux chants de l’église, il en mesurait le portail. Mais il
s’aperçut, en prêtant attentivement l’oreille, que les sons arrivaient à
lui de tous côtés; il regarda dans la place, et n’y vit point de
musiciens. Si cette mélodie apportait dans l’âme les poésies bleues
et les lointaines lumières de l’espérance, elle donnait aussi plus
d’activité aux remords dont était travaillé le damné qui s’en alla dans
Paris, comme vont les gens accablés de douleurs. Il regardait tout
sans rien voir, il marchait au hasard à la manière des flâneurs; il
s’arrêtait sans motif, se parlait à lui-même, et ne se fût pas dérangé
pour éviter le coup d’une planche ou la roue d’une voiture. Le
repentir le livrait insensiblement à cette grâce qui broie tout à la fois
doucement et terriblement le cœur. Il eut bientôt dans la
physionomie, comme Melmoth, quelque chose de grand, mais de
distrait; une froide expression de tristesse, semblable à celle de
l’homme au désespoir, et l’avidité haletante que donne l’espérance;
puis, par-dessus tout, il fut en proie au dégoût de tous les biens de
ce bas monde. Son regard effrayant de clarté cachait les plus
humbles prières. Il souffrait en raison de sa puissance. Son âme
violemment agitée faisait plier son corps, comme un vent impétueux
ploie de hauts sapins. Comme son prédécesseur, il ne pouvait pas
se refuser à vivre, car il ne voulait pas mourir sous le joug de l’enfer.
Son supplice lui devint insupportable. Enfin, un matin, il songea que
Melmoth le bienheureux lui avait proposé de prendre sa place, et
qu’il avait accepté; que, sans doute, d’autres hommes pourraient
l’imiter; et que, dans une époque dont la fatale indifférence en
matière de religion était proclamée par les héritiers de l’éloquence
des Pères de l’Église, il devait rencontrer facilement un homme qui
se soumît aux clauses de ce contrat pour en exercer les avantages.
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