Manon Lescaut
PROPOSITION DE CORRIGE DE LA DISSERTATION :
Selon vous, est-ce l'immoralité des personnages de Manon et Des Grieux qui fait le
plaisir de la lecture du roman ?
Manon Lescaut de l’Abbé Prévost montre des personnages qui ne respectent pas les règles de
la morale, à la fois la morale religieuse, familiale et plus largement humaine. Le personnage
éponyme et son amant Des Grieux sont coupables de vols, mensonges, meurtre, tentative de
meurtre et séquestration : leurs comportements sont condamnés tant par la morale que par la
loi. Le sujet pose la question de la source du « plaisir de la lecture » du roman. Cette
expression désigne à la fois le fait d’être captivé, mais aussi étonné, amusé, diverti, de
ressentir des émotions diverses, d’imaginer, de voyager par le biais des personnages. On peut
donc supposer que des personnages attachants nous aideraient mieux à nous faire ressentir des
émotions agréables de lecture. A contrario, des personnages immoraux pourraient paraître
repoussants et rendre la lecture pénible. Il est paradoxal de vouloir souhaiter s’identifier à des
personnages négatifs et de vouloir voyager par le regard d’un personnage égoïste, menteur et
meurtrier. Cependant, une partie du plaisir de la lecture consiste bel et bien à suivre les actions
de anti-héros. Dans quelle mesure le plaisir de lire Manon Lescaut est-il causé par
l’immoralité de ses protagonistes ? Nous verrons dans une première partie que le plaisir de la
lecture est en partie causé par le fait que Manon et Des Grieux ne respectent pas la morale.
Puis nous analyserons d’autres causes du plaisir de lire ce roman : d’une part le plaisir de
découvrir une histoire de passion amoureuse, d’autre part l’attrait d’une narration plaisante.
I. Le plaisir de la lecture causé par deux protagonistes immoraux
1. Des personnages qui bravent la morale de la société, ce qui les conduit à
adopter un mode de vie romanesque
-Triche aux jeux, vol d’argent auprès d’autres joueurs
Le lecteur prend plaisir à voir Des Grieux réussir, alors qu’il est dans
l’illégalité et l’immoralité.
-Duperie de M. de G.M. qui déclenche un engrenage d’actes hors-la-loi :
évasion, meurtre du portier de St Lazare, séquestration.
Toutes cas actions sont présentées par DG comme des réussites et
cela provoque l’enthousiasme du lecteur.
2. Des personnages immoraux dans leur relation amoureuse
-Le couple ML et DG ne respecte pas la morale qui pèse alors sur une relation
entre un homme et une femme: concubinage interdit.
Le lecteur peut lui s’amuser de cette clandestinité, symbole de leur jeunesse
et de leur fougue et pend plaisir à suivre leur histoire d’amour.
-L’épisode avec Synnelet marque le souhait de rétablir l’ordre moral en
imposant un mariage à Manon. Or c’est bien l’amour qui pousse DG à se battre
et à mettre son duel avec Synnelet au-dessus des lois du mariage et de la
morale matrimoniale.
3. Des personnages qui se soustraient à la morale familiale et religieuse
-Ils cherchent à échapper à l’autorité parentale: Manon n’accomplira pas le
souhait de ses parents et DG refuse la trajectoire réservée à son rang de
chevalier. D’où conflits avec le père de DG, avec son frère aussi.
Le lecteur se demande si les personnages vont réussir à résister à l’autorité
familiale.
-Ils s’affranchissent aussi de la morale religieuse : Manon fuit le couvent et DG
fuit les études religieuses. Or, à cette époque l’église se doit de rééduquer et
d’enfermer les marginaux. Considérés comme tels, ils sont alors en opposition
à l’église.
II. D’autres sources de plaisirs romanesques
1. Le plaisir de découvrir une histoire de passion amoureuse
-Un récit édifiant qui instruit de lecteur sur les dangers de la passion. Voir
“l’avis de l’auteur”
-Maintes fois DG semble se déresponsabiliser en évoquant le fait que son
comportement est dicté par la passion : il se présente comme habité par ce
violent sentiment, presque aliéné.
Le plaisir peut aussi exister dans le fait de suivre l’évolution de cette
passion, de voir jusqu’où on peut aller par passion.
-La question de l’authenticité des sentiments amoureux de Manon est aussi
source de plaisir romanesque car elle conduit à poursuivre la lecture pour
obtenir une réponse : sa fin tragique et la sincérité dont elle fait alors preuve
peut elle être vue comme la réponse attendue ?
2. Le plaisir de la narration
-La construction du récit: récit cadre de Renoncour, fomme de qualité = gage
d’authenticité + réctt enchâssé de Des Grieux.
Le point de vue proposé n’est que celui de DG, donc subjectivité totale de
son récit, qui peut amener le lecteur à douter de lui, notamment lorsqu’il
cherche à se dédouaner.
-La succession de péripéties, de lieux variés, de personnages hauts en couleurs
et de divers milieux sociaux contribuent aussi à rendre la lecture entraînante,
dynamique.
-L’œuvre tout entière présentée par son auteur (cf. « l’avis de l’auteur »)
comme un « traité de morale » conduit le lecteur à réfléchir, à se demander ce
que seraient ses réactions en pareilles situations (procédé d’identification
augmenté ?).