FACULTE DE SCIENCES
AGRICULTURE DURABLE
HYDRAULIQUE
AGRICOLE
NOTES DE COURS COMPILEES
PAR
ABAKAR ABBA SAID
2024-2025
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A. NOTIONS DE BASE
1. Introduction
L’hydraulique est la science qui traite des problèmes posés par l’eau en mouvement ou en repos.
Généralement on la trouve dans plusieurs domaines notamment en agriculture.
L'hydraulique agricole est une discipline au sein de l'ingénierie agricole qui se concentre sur
l'utilisation de l'eau pour optimiser la production agricole. Elle comprend la gestion, la distribution et le
contrôle de l'eau dans les systèmes agricoles, et joue un rôle crucial dans l'irrigation, le drainage, et la
conservation de l'eau.
Le présent chapitre présente sommairement les lois et les notions de base d’hydraulique que
l’ingénieur ou le technicien doit connaître. Il présente la loi de la continuité, les lois et éléments
liés à l’énergie des écoulements et le concept de quantité de mouvement.
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A. EFFICIENCE HYDRAULIQUE ET ENERGETIQUE : LES
NOUVEAUX CRITERES DE PERFORMANCES POUR LES
SYSTEMES D’IRRIGATION DU FUTUR
Pour évaluer les performances des systèmes d’irrigation modernes, on a toujours utilisé des
critères de productivité ou de rentabilité économique, tout en recherchant aussi la robustesse et
la souplesse d’utilisation des équipements. Désormais, avec la tension actuelle sur les
ressources, on s’intéresse de plus en plus à l’efficience hydraulique et énergétique des systèmes
d’irrigation, pour mieux connaître l’empreinte « eau » et « énergie » des productions agricoles.
Le développement des surfaces irriguées en France et plus largement en Europe s’est accéléré
à partir des années 1950 avec l’apparition des techniques d’irrigation sous pression. En
permettant un meilleur contrôle des apports d’eau, ces techniques ont contribué
significativement à l’augmentation de la productivité agricole. Les différents systèmes
d’irrigation qui se sont développés l’ont été avec des préoccupations visant d’abord à faciliter
la tâche de l’irrigant : il s’agissait surtout de réduire la pénibilité du travail, mais aussi d’apporter
plus de souplesse pour la mise en œuvre de l’irrigation (par exemple, avec des réseaux
fonctionnant à la demande, ou bien avec l’automatisation des équipements…).
Les préoccupations économiques étaient également très présentes: en irrigation, les
investissements sont importants, même si certaines innovations techniques ont permis de les
limiter au mieux. D’un autre côté, les durées d’amortissements techniques sont souvent
longues, du moins dans le cas de l’aspersion. Mais le fonctionnement de l’irrigation pèse
également lourd dans le budget des irrigants : autrefois, c’était surtout à cause de la main
d’œuvre, aujourd’hui c’est aussi sous forme de consommation énergétique.
Enfin, sur le plan technique, la robustesse et la fiabilité des systèmes est une exigence forte des
agriculteurs, car l’apport d’eau aux cultures est très peu différable dans le temps. Depuis
quelques années, avec des contraintes ou des restrictions de plus en plus fortes sur les ressources
en eau et avec l’augmentation du coût de l’énergie, l’efficience hydraulique et l’efficience
énergétique sont en train de devenir des préoccupations majeures.
Nous examinerons ces deux critères en nous limitant au cas de l’irrigation sous pression.
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1. L’efficience de l’eau
Les quantités d’eau nécessaires aux cultures varient selon les espèces végétales et les conditions
climatiques, mais elles ne peuvent pas être réduites sans entraîner aussi une réduction de la
production agricole : afin de valoriser au mieux les investissements, on est souvent conduit à
effectuer des apports d’eau proches de l’évapotranspiration maximale (ETM) pour obtenir
une production élevée.
Outre l’amélioration de l’efficience de l’eau des plantes par le progrès génétique dont on ne
parlera pas ici, des marges de progrès sont possibles en recherchant une meilleure maîtrise
des pertes d’eau à tous les niveaux. Ces pertes sont liées pour une bonne part aux techniques
d’irrigation utilisées, et l’indicateur qui nous permet de les apprécier est l’efficience de l’eau
d’irrigation (volume d’eau d’irrigation disponible pour la plante par rapport au volume d’eau
prélevé dans la ressource).
On distingue généralement trois niveaux quand on parle de l’efficience de l’eau d’irrigation
: l’efficience du transport, l’efficience de la distribution et l’efficience de l’application
2. L’efficience du transport
C’est le volume d’eau disponible au niveau de la parcelle par rapport au volume d’eau prélevé
dans la ressource. Ce terme peut être très important pour les réseaux collectifs : on en a une
première approche par le rendement primaire, qui est le rapport entre la somme des volumes
relevés sur les compteurs individuels et le volume mesuré à la station de pompage. Ce rapport
intègre non seule- ment les pertes réelles, mais aussi la qualité du suivi et de la gestion du
réseau. On peut évaluer les pertes réelles par des tests spécifiques (test réseau fermé). Ces
pertes réelles doivent être examinées en tenant compte de la longueur du réseau et de sa durée
de fonctionnement.
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B. IRRIGATION ET DRAINAGE
1. Irrigation
L’irrigation consiste à apporter de l’eau aux plantes cultivées, par des procédés divers, afin de
permettre leur développement normal lorsque les conditions de pluviométrie naturelle sont
insuffisantes.
1.1. Pilotage de l’irrigation
Le pilotage d’irrigation consiste à répondre aux questions suivantes :
- Quand arroser ? En tenant compte : Des besoins en eau des
plantes ; Des réserves en eau du sol.
- Combien d’eau à apporter ? Pour déterminer les doses d’irrigation qu’il faut apporter en
complément.
- Comment l’apporter ? En fonction :
du mode d’irrigation ;
du type de sol ;
de la nature des cultures.
1.1.1. Besoins en eau de la plante
Dans le système sol – plante – atmosphère, l’eau est utilisée de la manière suivante :
- Une partie entre dans la composition du végétal : Eau de constitution
- Une partie est transpirée par les feuillées : Eau de végétation - Une partie est
évaporée par le sol :
Evaporation L’eau transpirée par les feuilles et celle évaporée par le sol constituent
l’évapotranspiration (ET) On distingue : Evapotranspiration Potentielle (ETP) : C’est la quantité
d’eau que cède à l’atmosphère, par évapotranspiration, une culture de végétation abondante, en
pleine croissance, couvrant totalement un sol largement pourvu d’eau.
1.1.2. Paramètres d’irrigation
i- Dose d’irrigation
La dose d’irrigation est la quantité d’eau nécessaire pour ramener l’humidité de la couche du
sol asséchée par les racines à la capacité au champ. La dose d’irrigation doit correspondre à la
RFU. Elle s’exprime par la formule suivante :
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Dose = RFU = (Hcc - Hpf) x Da x Z x f Avec f : le coefficient de la réserve utile de l’eau du sol
qu’on laisse s’épuiser avant de déclencher l’irrigation.
ii- Fréquence d’irrigation
La fréquence d’irrigation (N) est le nombre d’arrosages qu’il faut pour combler le Da. Elle se
calcule par la relation suivante : N= Da/ Dose
Le nombre de jours qui séparent 2 irrigations successives détermine la cadence d’irrigation. C=
(Dose + P) / ETMj
La durée de l’irrigation nous renseigne sur le temps que doit durer une irrigation. Elle dépend
de la perméabilité du sol et de la dose choisie. On peut la calculer ainsi : DI = Dose /
Perméabilité
1.1.3. Techniques d’irrigation
Suivant la manière dont l'eau est amenée sur le terrain puis y est distribuée, on distingue
habituellement trois grands modes d'arrosage :
l'irrigation gravitaire où l'on fait couler l'eau, par gravité sur la parcelle dans laquelle elle
s'infiltre, ou bien l'on amène l'eau dans des bassins submergés où se font les cultures
(rizières),
l'irrigation par aspersion dans laquelle l'eau est envoyée sur la parcelle par des asperseurs sous
forme d'une pluie artificielle,
l'irrigation localisée ou micro irrigation encore appelée irrigation goutte à goutte où l'eau est
distribuée par de nombreux goutteurs ayant chacun un débit très faible mais fonctionnant
longtemps. La zone humectée reste ainsi localisée.
L'irrigation localisée a été pratiquée pendant longtemps dans les jardins sous la forme de rampes
perforées. Elle a commencé à être développée en agriculture, en Israël, au début des années 60.
Comme on se contente d'humecter la motte entourant chaque groupe de racines, cette méthode
peut permettre de réduire la consommation d'eau de 20% (en moyenne) à 40% (au mieux) par
rapport à l'aspersion. Le réseau très dense de tuyaux doit être alimenté en eau sous pression,
d'où la nécessité de disposer d'une source d'énergie extérieure pas trop onéreuse.
Les sols sont bien respectés. Comme l'eau n'atteint pas les feuilles, on peut y dissoudre des
engrais solubles. La méthode s'adapte bien à l'arboriculture fruitière, à l'arrosage des plantes
dont les pieds sont bien individualisés et suffisamment écartés, à la petite et moyenne
horticulture, aux cultures sous serre. Elle est, en général, inutilisable en grande culture du fait
de la densité de distribution nécessaire et de la gêne aux opérations culturales.
1.2. L’irrigation gravitaire
Elle se pratique sous 4 formes principales :
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* Par "planches". Les parcelles sont inondées par le haut à partir d'un canal d'alimentation
qui court sur la crête. L'eau coule vers le bas et l'excédent est récolté par un fossé de colature
(qui sert souvent d'alimentation pour une rangée de parcelles situées à un niveau inférieur. En
Europe, et aux USA, les parcelles sont souvent rectangulaires et de forme allongée d'où le nom
de "planches".
* A la raie ou "par sillons". Au lieu d'inonder tout le champ pour saturer le sol et assurer
la progression du front d'eau jusqu'au bas de la parcelle, on préfère maintenant, faire descendre
l'eau dans des petits sillons régulièrement espacés de 0,60 m à quelques mètres, les "raies", à
partir desquelles l'eau s'infiltre latéralement. En bas de la parcelle un fossé de colature recueille
les eaux en excès. Les raies sont alimentées soit à partir de petits siphons puisant dans le canal
d'alimentation, soit par un tuyau en gaine souple portant des vannettes ou des manchettes
* Par bassins. Les champs sont des bassins qui peuvent être remplis d'eau soit de façon
continue (rizières), soit par arrosages successifs pour les cultures qui ne poussent pas dans l'eau.
La principale caractéristique de ces diverses techniques d'irrigation gravitaire est qu'il est
nécessaire de saturer la planche ou le bassin (c'est à dire la totalité de la surface arrosée) ou au
moins la raie. Il en résulte d'importantes pertes d'eau à la fois par la colature et par infiltration
profonde. La consommation d'eau est donc forcément forte et le rendement total de l'irrigation
ne peut être bon.
* Par contrôle de nappe. C'est une variante particulière, utilisée dans les zones déjà
drainées par fossés. Le contrôle du niveau de l'eau dans le fossé permet de faire remonter le
niveau de la nappe et d'alimenter en eau les couches supérieures dont les réserves sont épuisées.
Les systèmes gravitaires sont le plus souvent alimentés directement par des canaux qui se
ramifient progressivement en canaux plus petits d'ordre décroissant. L'eau vient en général
d'une rivière, la prise étant située suffisamment à l'amont pour que, le canal ayant une pente
moins forte, il finisse par se situer en position dominante par rapport à la zone irriguée. Le
système de distribution le plus fréquent est le "tour d'eau". Chaque agriculteur est averti qu'il a
le droit de puiser dans le canal, tel jour, à telle heure, pour une durée déterminée. Jours et heures
évoluent progressivement durant la saison pour que chacun ait un nombre d'heures de nuit
équilibré. L'eau est payée à l'abonnement en fonction du nombre d'heures d'usage.
1.3. L'irrigation par aspersion.
L'eau est envoyée sous une pression dans des appareils rotatifs munis d'ajutages qui la projettent
en pluie à une distance plus ou moins grande suivant le type de matériel.
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2. Drainage
2.1. Qu’est que le drainage ?
Le drainage est l’opération qui consiste à favoriser artificiellement l’évacuation de l’eau
présente dans la couche supérieure du sol.
Cette évacuation de l’eau stockée dans le sol peut se faire à l’aide de drains agricoles (tubes
plastiques perforées) enterrés dans le sol à une profondeur et un écartement calculés, mais
également à l’aide de fossés.
2.2. Techniques et de la conception des drainages agricoles
Figure 10. Schéma d’un réseau de drainage agricole enterré moderne
D’une façon générale, un réseau de drainage recueille l’eau du sol en excès et la conduit ensuite
à la sortie de la parcelle vers l’exutoire qui débouche sur le dispositif d’assainissement (figure
ci-dessus). L’écoulement de l’eau sous l’effet de la gravité est le principe fondamental de
conception des ouvrages, qu’ils soient à ciel ouvert ou enterrés. Des ouvrages en périphérie de
la parcelle sont parfois nécessaires pour intercepter les eaux provenant de l’extérieur de celle-
ci.
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Figure 11. Fonctionnement schématique du drainage par modelé de surface (Concaret, 1981)
Figure 12. Captage des eaux de ruissellement et de sub-surface par fossés (Concaret, 1981)
2.3. Conception des réseaux de drainage
Les projets sont précédés d’études pour dimensionner les ouvrages. Classiquement, en se basant
sur un modèle de nappe, l’écartement entre antennes (drains) est calculé à l’aide de formules
basées sur la perméabilité du sol, supposée isotrope (identique dans toutes les directions). Or
l’hétérogénéité du sol, simplement liée au labour, pose un problème d’ordre théorique, puisque
les conditions d’homogénéité et d’isotropie de la loi de Darcy (1856) sur l’écoulement de l’eau
dans un milieu poreux, qui est à la base des calculs du projet, ne sont pas remplies. Dans les cas
où une trop faible valeur de la perméabilité conduit à des écartements très petits, et donc à des
chantiers coûteux, il n’est pas rare alors de déclarer certaines parcelles « indrainables ». La
remarque de Riedel (1962), « Après échange de vues, il ne viendra plus à l'idée d'enfouir un
système onéreux de drainage au-dessous de ce niveau imperméable (...) sans adopter une
technique spéciale : l'ouverture et le maintien d'une voie d'accès préférentielle des eaux
excédentaires jusqu'aux drains classiques » semble bien être passé inaperçue à cette époque
auprès des spécialistes français du drainage. Forts de l’observation de vieux réseaux en partie
encore fonctionnels, certains agriculteurs entreprennent le drainage de ces parcelles et
constatent qu’il « marche ». Ils se posent alors des questions qui débouchent sur la prise en
compte de la structure du sol au-dessus du drain, et en conséquence sur les précautions à
prendre, tant à la conception que lors de la réalisation, pour garantir dans ces situations un bon
fonctionnement du drainage (Trouche, 1981b)
L’écartement entre drains est très souvent considéré par les praticiens comme l’élément
essentiel de la qualité du réseau. Certes, dans les cas de drainage de nappe profonde,
conformément aux formules de l’hydraulique, l’accroissement de l’écartement augmente la
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longueur du trajet de l’eau entre les antennes, ce qui fait que le toit de la nappe rabattue est alors
plus proche de la surface.
Figure 13. Différences entre les écartements nominal et réel selon l’orientation des drains par
rapport à la pente
C. NOTION DE BASE
2. Loi de la continuité
La première loi qui décrit un écoulement est la loi de la continuité
[1]
V = vitesse moyenne de l’eau (L/T)
Q = débit (L3 /T)
A = section d’écoulement (L2)
3. L’énergie
3.1. Loi de conservation de l’énergie
L’énergie par unité de poids en un point peut être décrite en terme de hauteur de colonne d’eau
:
1
0
E = Énergie potentielle + Énergie de pression + Energie cinétique [2]
[3]
α = coefficient de répartition des vitesses (1.0 - 1.3) g
= constante d’accélération gravitationnelle (L/T2)
En accord avec la loi de la conservation de l’énergie, l’énergie totale d’un point aval est égale
à l’énergie totale d’un point amont plus les pertes d’énergie par friction que cause l’écoulement
(Figure 1) et permet d’écrire la loi de la conservation de l’énergie :
[4]
hf = perte d’énergie en terme de hauteur de colonne d’eau (Aussi connu sous le nom de perte de
charge)
Figure 1. Répartition de l’énergie dans un écoulement à surface libre.
La ligne décrivant l’énergie totale en tout point est la ligne d’énergie (Figure 1) et la variation
de cette ligne correspond à la perte d’énergie absorbée par l’écoulement. Lorsque les
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1
coefficients de répartition de vitesse ”α1“ et ”α2“ égalent l’unité et que les pertes de charge “hf”
sont nulles, nous retrouvons l’équation de Bernoulli.
Dans le cas d’un écoulement uniforme où la section d’écoulement est constante, la ligne
d’énergie, la surface d’écoulement et la ligne de fond du canal sont parallèles. Dans un tel cas,
la pente du canal “S” ou “So”, le gradient hydraulique “Sw” et le gradient d’énergie sont égaux
:
[5]
3.2. Énergie spécifique
L’énergie spécifique est définie comme l’énergie par rapport à la ligne de fond du canal ou
cours d’eau. Elle s’écrit :
[6]
[7]
L’équation [7] montre que pour une section et un débit donnés, l’énergie spécifique est
uniquement fonction de la profondeur d’écoulement (la section étant fonction de la forme et de
la profondeur d’écoulement). Lorsque nous traçons la courbe d’énergie spécifique pour un débit
donné et un type de section donnée (Figure 2), nous remarquons qu’il existe deux profondeurs
d’écoulement pour un même niveau d’énergie, sauf lorsque le niveau d’énergie est minimum.
Le ressaut (Figure 3) est le cas le plus familier qui démontre l’existence de deux profondeurs
d’écoulement pour un même niveau d’énergie spécifique.
1
2
Figure 2. Courbes d’énergie spécifique
4. Régime d’écoulement
La notion de profondeur critique d’écoulement permet de classifier les différents régimes
d’écoulement uniforme (Figure 3).
4.1. Régime critique d’écoulement
Lorsque la profondeur d’écoulement égale la profondeur critique d’écoulement, ou que la pente
du canal (ou cours d’eau) égale la pente critique de l’écoulement.
4.2. Régime fluvial (subcritique)
Lorsque la profondeur d’écoulement est plus grande que la profondeur critique, ou que la pente
du cours d’eau est plus faible que la pente critique de l’écoulement.
4.3. Régime torrentiel (supercritique)
Lorsque la profondeur d’écoulement est plus faible que la profondeur critique, ou que la pente
du cours d’eau est plus grande que la pente critique de l’écoulement.
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Figure 3. Régimes d’écoulement
5. Quantité de mouvement
Nous venons de voir que dans tout phénomène hydraulique, l’énergie est conservée et il en est
de même pour la quantité de mouvement en accord avec la seconde loi de Newton. La variation
de quantité de mouvement par unité de temps d’une masse d’eau coulant dans un canal est égale
à la résultante des forces extérieures agissant sur cette masse. En appliquant ce principe à une
masse d’eau coulant sur une pente (Figure 4) nous obtenons l’équation de base suivante :
[8]
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w = poids spécifique de l’eau
ß = coefficient de la quantité de mouvement en fonction de la répartition des vitesses
(1.01-1.12)
P1 et P2 = forces de pression
W = poids de la masse d’eau
Ff = force externe de friction
Figure 4. Application du principe de conservation de la quantité de mouvement.
L’utilité de cette équation est de pouvoir évaluer la hauteur en aval de l’écoulement d’un ressaut.
La difficulté avec l’équation d’énergie [4] réside dans le fait qu’il est difficile d’évaluer la perte
d’énergie par friction interne alors que l’équation de la quantité de mouvement ne requiert que
la connaissance des forces externes.
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6. Profondeur critique d’écoulement
Figure 5 : profondeur critique d’écoulement
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7. Écoulement uniforme
Introduction
Le présent chapitre présente les équations décrivant l’écoulement uniforme, principalement
l’équation de Manning.
7.1. Principales Equations
7.1.1. Chézy
Chézy a été, en 1769, le premier à présenter une formule pour décrire les écoulements à surface
libre et uniforme dans les canaux. Elle est présentée sous la forme :
[9]
V = vitesse moyenne de l’écoulement (L/T)
Rh = rayon hydraulique (L)
S = pente hydraulique ou pente du cours d’eau (L/L)
C = coefficient de résistance (L1/2/T)
Elle est considérée comme l’équation générale en hydraulique et peut facilement être démontrée
théoriquement. Elle est basée sur les hypothèses que la force de résistance à l’écoulement est
proportionnelle au carré de la vitesse de l’écoulement et que la surface de résistance est égale
au produit du périmètre mouillé et de la longueur du canal.
Les modèles qui ont été développés par la suite, utilisent, en général, l’équation de Chézy dans
laquelle ils cherchent à mieux décrire le coefficient ”C”
7.1.2. Ganguillet et Kutter
En 1869, deux ingénieurs suisses, suite à de nombreux relevés principalement sur de grandes
rivières, présentent une équation pour décrire le coefficient ”C” de l’équation de Chézy. Elle
est connue sous le nom de formule de Kutter :
[10]
n = coefficient de rugosité
Elle a été largement utilisée en Allemagne, en Angleterre, aux U.S.A. et au Québec. Elle peut
être présentée sous forme d’abaque ou de tables.
1
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7.1.3. Manning
En 1809, un ingénieur irlandais nommé Manning présenta une formule qui, par la suite, a été
réduite à la forme que l’on connaît :
[11]
où le coefficient de Chézy a pour valeur :
[12]
V = vitesse de l’écoulement (m/s)
Rh = rayon hydraulique (m)
S = pente (m/m)
n = coefficient de rugosité de Manning
Cette formule a été dérivée des formules existantes et vérifiée par 170 relevés qui sont tirés
principalement des expériences de Bazin (Chow, 1959).
En 1936, le comité exécutif de la Third World Power Conférence recommande l’utilisation de
la formule de Manning à l’échelle internationale (Chow, 1959). Par la suite, elle est devenue la
plus usitée pour le calcul des écoulements uniformes en canaux ouverts. Les ingénieurs la
préfèrent à cause de sa simplicité et de sa facilité d’utilisation.
Plusieurs noms sont associés à la formule de Manning, soit parce qu’ils aient présenté la forme
simplifiée ou qu’ils aient obtenu une formule semblable de façon indépendante. Ces noms sont
G.H.L. Hagen en 1876, Philippe--Gaspard Gauckler en 1868 et Strickler en 1923
(Chow, 1959).
Chow (1959) rapporte que Bankhmeteff et Feodoroff ont comparé la formule de Manning,
Kutter et Bazin en utilisant les équations de distribution de vitesse. Leurs résultats montrent que
la formule de Manning est la meilleure de celles considérées.
À cause de sa simplicité, la formule de Manning peut se transposer en une abaque simple
d’utilisation (Appendice A). Pour les sections de géométrie simple, la formule de Manning
présentée sous forme de figure permet de calculer directement la profondeur normale
d’écoulement (Appendice B).
7.1.4. Autres formules
Plusieurs autres formules ont été dérivées mais elles ont connu une utilisation plutôt restreinte,
car elles possédaient souvent une précision moindre que celle de Manning ou Kutter sans être
plus simples. Les plus connues sont celles de Bazin (en 1897), Powell (en 1950).
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8
À cause de la variabilité observée de l’exposant du rayon hydraulique Rh (0,65 à 0,84), certains
hydrauliciens ont essayé de décrire cet exposant. Ces formules sont plutôt présentées comme
des cas particuliers. Elles sont rencontrées principalement dans le cas des conduites fermées
comme celles des égouts. L’écoulement uniforme peut aussi être estimé avec l’équation de
Darcy--Weisbach avec le coefficient “f”.
8. Coefficient de rugosité ”n”
Variabilité
L’une des plus grandes difficultés lors de l’utilisation de la formule de Manning ou de Kutter,
est la détermination du coefficient de rugosité ”n”. Pour les deux formules, les coefficients de
rugosité ”n” sont presqu’identiques lorsque les pentes sont supérieures à 0,0001 et que les
rayons hydrauliques sont compris entre 0,3 m et 10 m. Les coefficients de rugosité ”n” sont
identiques pour les deux formules lorsque le rayon hydraulique égale 1.0 m.
Le coefficient de rugosité ”n” est influencé par plusieurs facteurs dont voici une description
sommaire :
Rugosité du lit et des parois : La granulométrie du lit du cours d’eau ou de son périmètre
mouillé influence le coefficient de rugosité. Plus la granulométrie est grossière, plus la rugosité
est élevée.
Irrégularités dans le lit : Les irrégularités dans le fond du cours d’eau telles que les
dépressions, les lames de sable occasionnées par l’envasement, l’ensablement ou de
l’affouillement dans le cours d’eau. Le matériel transporté dans le fond du cours d’eau par
l’écoulement contribue à augmenter la rugosité.
Changement dans la section : Des changements graduels et peu fréquents dans la section du
cours d’eau ont peu d’influence sur la rugosité générale du cours d’eau. Par contre, des
changements fréquents et brusques influent sur l’écoulement d’une façon équivalente à une
augmentation de la rugosité du cours d’eau.
Obstacles : La présence d’obstacles, tels que les grosses pierres, ponceaux, freinent
l’écoulement et amènent une augmentation équivalente de la rugosité.
Végétation : La présence de végétation sur les berges (talus) et dans le fond du cours d’eau
accroît la rugosité. Lorsque cette végétation est plus basse que la demi-hauteur de l’écoulement,
les crues couchent la végétation et ramènent le coefficient de rugosité à un ordre de grandeur
de 0,05 à 0,06. Les plantes en période végétative sont plus fortes et résistent mieux à
1
9
l’écoulement. En période morte, elles sont moins résistantes; en hiver et au printemps, le
coefficient de rugosité peut être plus faible qu’en été.
Rectitude ou sinuosité du cours d’eau : Les méandres et les courbes augmentent la résistance à
l’écoulement et amènent une augmentation équivalente de la rugosité. Une courbe raide offre
une plus grande résistance à l’écoulement qu’une courbe longue et régulière. Pour une seule
courbe, l’accroissement équivalent est inférieur à 0,003.
Le coefficient de rugosité ”n” peut être déterminé selon quatre méthodes:
1. la méthode des facteurs;
2. les tableaux des valeurs typiques;
3. la comparaison avec des cours d’eau dont le coefficient de rugosité ”n” est connu;
4. l’utilisation d’équations;
5. l’approche analytique en fonction de la répartition des vitesses.
8.1. Méthode des facteurs
Compte tenu de l’influence des différents facteurs, le coefficient de rugosité est évalué en
additionnant à la valeur de rugosité du lit, l’influence des autres facteurs, de la façon suivante:
[11]
n0 = coefficient dû à la rugosité du lit n1 = coefficient dû à
l’influence des irrégularités n2 = coefficient dû à l’influence
des variations de section n3 = coefficient dû à l’influence
des obstructions n4 = coefficient dû à l’influence de la
présence de végétation n5 = coefficient dû à la sinuosité du
cours d’eau
Cette méthode est utilisable pour les petits et moyens cours d’eau, mais elle est douteuse pour
les grands cours d’eau dont le rayon hydraulique est supérieur à 4.5 m (15 pieds).
8.2. Tableaux des valeurs typiques
Les relevés de nombreux cas où les sections d’écoulement, le débit et les pentes ont été mesurés
ont permis de construire des tableaux utilisés par les ingénieurs. L’annexe C présente une
synthèse des valeurs pour les canaux en terre et les cours d’eau naturels en présence de
différentes conditions de végétation. L’annexe D présente une synthèse de valeurs
recommandées pour les canaux dont la surface est recouverte d’un revêtement.
2
0
8.3. L’examen des cours d’eau et des canaux
Chow(1959), Faskin (1963)et Barnes (1967) présentent les photographies de nombreux cours
d’eau, canaux en terre ou bétonnés dont le coefficient de rugosité ”n” a été mesuré.
L’observation de ces photographies peut donner aux débutants une bonne idée des coefficients
de rugosité. Le document de Barnes (1967) fournit des photographies en couleurs et les données
détaillées des mesures pour l’estimation des coefficients. Le document de Faskim (1963) fournit
des photographies en noir et blanc et les données détaillées des mesures pour l’estimation des
coefficients. Les cas présentés correspondent à des coefficients de rugosité variant de 0,012 à
0,125.
8.4. Équations
De nombreux chercheurs ont essayé d’établir une relation entre le facteur “n” et la grosseur des
particules formant le lit des cours d’eau, tout particulièrement pour les lits composés de matériel
granulaire. Une des formules les plus utilisée est celle de Meyer--Peter et Muller (French,1999)
:
[12]
d90 = diamètre des particules dont 90 % sont plus petites (m)
Le National Engineering Handbook 654 (2008) présente la formule de Strickler (Chang 1988,
Chow, 1959) :
[13]
d50 = diamètre des particules dont 50 % sont plus petites (m)
Ces formules sont d’intérêt lorsque le matériel du lit est grossier et que la grosseur des particules
domine par rapport aux aspérités du fond du cours d’eau.
8.5. Méthode analytique
Des méthodes analytiques ont été développées pour évaluer le coefficient de rugosité à partir de
la distribution de vitesse dans un canal et des aspérités de son périmètre mouillé. Ces méthodes
ne sont pas utilisables lors du design et leur intérêt est beaucoup plus de vérifier la validité des
lois empiriques comme celle de Manning ou les tableaux existants.
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8.6. Coefficient de rugosité de la végétation
Rôle de la végétation
Face à l’écoulement, la présence de végétation augmente considérablement le coefficient de
rugosité de Manning. Tant que la végétation n’est pas submergée, le facteur de friction peut
facilement être augmenté de dix (10) fois par rapport au sol nu (figure 6). La résistance de traînée
des tiges est le principal facteur d’accroissement du coefficient de rugosité.
Figure 6. Rugosité d’un canal enherbé (”Bermuda grass” de longueur moyenne) possédant une
pente de 5%. (Adapté de Ree, 1949).
Dans les canaux enherbés, le facteur de rugosité de Manning est variable et une relation a été
identifiée avec le produit de la vitesse et du rayon hydraulique (figure 7) et les nombreuses
expériences de Ree (1949) ont permis de préparer une synthèse (figure 8). La figure 8 a permis
de préparer des abaques de l’Annexe D (figures 3.5 à 3.8) pour calculer directement les vitesses
en fonction des différents types de résistance à l’écoulement et la formule Manning. Les types
de résistance à l’écoulement selon la végétation sont déterminés selon le tableau 1.
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Figure 7. Variation du coefficient de rugosité en fonction du produit de la vitesse et du
rayon hydraulique pour un canal enherbé de type “C” (Ree, 1949).
Figure 8. Coefficient de rugosité de la végétation en fonction de différentes classes de
résistance.
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Tableau 1 : Guide de sélection du type de résistance de la végétation (U.S. Soil Conservation
Service 1954).
Les différentes courbes de la figure 8 peuvent être représente par des équations dont celle incluse
dans la figure 8 mais limités aux valeurs de “n”< 0,2. HEC-15 (Chen et Cotton, 1998) utilise
les formules simplifiées suivantes pour les types de résistance A, B, C et D :
[14]
[15]
[16]
[17]
9. Section complexe d’écoulement
L’évaluation du coefficient de rugosité ”n” et du débit d’un cours d’eau s’écoulant dans une
plaine d’inondation (Figure 9) est plus complexe que dans le cas d’un simple canal possédant
une géométrie simple. Dans un tel cas, le cours d’eau présente plusieurs périmètres qui ont des
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coefficients de rugosité différents. Il suffit de mentionner que le lit de la rivière est en général
nu et que les berges sont couvertes d’une végétation plus ou moins abondante.
Figure 9 : Section d’un cours d’eau en période d’inondation
La méthode la plus simple divise le cours d’eau en sections d’écoulement homogène et le débit
total est égal au débit de chacune des sections (Figure 9).
[18]
[19]
et le coefficient de rugosité moyen ”n” est :
[20]
Chow (1959) présente d’autres méthodes d’évaluation qui sont semblables à celle-ci.
10. Conclusion
Ce chapitre nous a permis de connaître les principales notions d’hydraulique nécessaires à la
compréhension des phénomènes hydrauliques qui existent dans les cours d’eau. Ces
connaissances alliées à celles des procédures de design et de dimensionnement des cours d’eau
fourniront l’ossature de base pour entreprendre toute étude ou toute intervention dans les cours
d’eau.
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