Cours Environnement Juridique de L'entreprise
Cours Environnement Juridique de L'entreprise
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INTRODUCTION
La complexité de plus en plus croissante de l’environnement législatif oblige les managers à
une prise en considération systématique des aspects juridiques dans le cadre de leur gestion
courante.
Or, l’ignorance et la non observation des règles de droit les plus élémentaires peuvent induire
des conséquences souvent désastreuses pour les entreprises.
Le constat n’est pas nouveau. Toute loi n’est pas un code. Une cohérence interne s’impose entre
les concepts. En outre un équilibre est à trouver entre les rigidités du droit écrit et le pointillisme
d’un droit jurisprudentiel.
Plus que la métaphore de la « pyramide » des normes et des juridictions, c’est bien plutôt
l’image du « réseau » qui s’impose pour exprimer les évolutions en cours de l’espace judiciaire
Marocain.
Si l’économie est saisie par le droit dont l’activité contribue à l’élaboration du droit économique
en général, le droit est à son tour saisi par l’économie, au point de donner naissance à une
nouvelle discipline, l’économie du droit.
L’Entreprise s’inscrit dans cette démarche et son environnement économique est impacté par
le droit.
Cet environnement juridique de l’entreprise est un espace où le contrat règne, quel que soit sa
nature (contrat de partenariat, de distribution, contrat de travail, etc.). Ce contrat est un accord
de volontés destiné à produire des effets de droit. Il s’agit d’un mécanisme très présent dans les
relations dans une société donnée (Partie I).
Il constitue un outil juridique indispensable dans les rapports entre personnes physiques ou
morales.
Dans l’entreprise, il existe différentes formes de contrat : contrat de vente, de bail, de dépôt, de
société, de mandat, etc. Tous ces contrats obéissent, outre des règles spécifiques en raison de la
matière, à des règles communes qui constituent le droit commun des contrats.
Les règles du droit commun des contrats sont forgées tout au long de l’évolution de la société.
Elles ont évoluées par la jurisprudence, par un travail d’interprétation et parfois même de
création, pour les adapter à cette évolution.
L’environnement juridique de l’entreprise est définit également à travers les formes de sociétés.
Ces formes obéissent à des règles régies par des lois spéciales (Partie II).
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PLAN DU COURS
Partie I – Le contrat
SECTION I : Définitions et fondements du contrat
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Partie préliminaire – SOCIETE ET ENTREPRISE
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CJCE, 23 avril 1991, aff. Höfner et Elser : D. 1991, IR, p. 155.
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nécessaires à l’activité de l’entreprise auprès des banques, etc.). L’entreprise individuelle peut
également être exercée dans le cadre social et fiscal du régime de l’auto-entrepreneur.
Lorsque l’exploitation d’une entreprise passe par le biais d’une société dotée de la
personnalité morale, c’est la société qui est propriétaire des biens de l’entreprise et peut agir
en son propre nom, sous les traits du dirigeant de la société. Elle peut conclure les contrats
nécessaires à l’activité de l’entreprise, mener une action en justice, etc.
Partie I – Le contrat
L’étude du contrat impose une définition de celui-ci contrat, laquelle conduit à s’interroger sur
ses fondements (Section I).
La formation du contrat et ses effets sont au cœur de son étude (Section II).
I- Définitions
Le Contrat est un accord de volontés destiné à produire des effets de droit. Selon l’article
premier du dahir des obligations et contrats : « Les obligations dérivent des conventions et
autres déclarations de volonté́ , des quasi-contrats, des délits et des quasi-délits ».
Cet article ne donnant pas de définition claire du contrat, il convient de voir en droit comparé.
L’article 1101 du Code civil français dispose que « Le contrat est un accord de volontés entre
deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations».
Le contrat est défini par sa formation et par ses effets.
La formation du contrat s’opère en principe par le simple « accord de volontés », que l’on
appelle également « consentement ».
Le contrat a pour effet de « créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ». Cette
présentation est incomplète car le contrat produit d’autres effets qui ne s’analysent pas en
termes d’obligations : il peut notamment transférer un droit réel ou personnel.
En droit marocain, le dahir des obligations et contrats ne fait pas de distinction entre le contrat
et la convention. (Ex. SECTION DEUXIÉME : DE LA DÉCLARATION DE VOLONTÉ, 2-
Des conventions ou contrats, Article 19 « La convention n'est parfaite que par l'accord des
parties sur les éléments essentiels de l'obligation, ainsi que sur toutes les autres clauses licites
que les parties considèrent comme essentielles »). V. aussi : Article 128, 189, 234 du DOC.
En France, avant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le Code civil distinguait les
notions de contrat et de convention. Le contrat était défini comme un type particulier de
convention ayant pour effet spécifique la création d’obligations.
Ainsi, si tout contrat est une convention, l’inverse n’est pas vrai car il existe des conventions
qui ne créent pas d’obligations. Cette distinction a été abandonnée avec le nouvel article 1101
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issu de l’ordonnance du 10 février 2016 qui consacre une synonymie entre le contrat et la
convention.
Une question vertigineuse : Pourquoi le contrat est-il obligatoire pour les parties ?
À cette question, la doctrine classique du XIXe siècle, inspirée par la théorie de l’autonomie de
la volonté, répondait : parce que les parties l’ont voulu.
La théorie classique du contrat repose toute entière sur le principe de l’autonomie de la volonté.
On trouve sa consécration essentielle dans le Code Napoléon de 1804 en France et dans le dahir
des obligations et contrats au Maroc.
Il en découle que l’obligation contractuelle ne peut être fondée que sur la volonté des parties
qui lui sert de source et de fondement et les effets du contrats n’existent que parce qu’ils ont été
voulus.
Le principe de l’autonomie de la volonté domine en ce sens qu’il détermine aussi bien les règles
applicables à la formation du contrat que celles qui régissent ses effets.
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Puisque la volonté est la seule source de l’obligation, elle doit suffire pour donner naissance au
contrat. De ce fait, l’échange de consentement exprimant cette volonté doit suffire à faire naître
l’obligation.
Article 8 : « Jusqu’à l’immatriculation, les rapports entre les actionnaires sont régis par le
contrat de société et par les principes généraux du droit applicable aux obligations et contrats ».
Article 11 : « Les statuts de la société doivent être établis par écrit. S’ils sont établis par acte
sous seing privé, il en est dressé autant d’originaux qu’il est nécessaire pour le dépôt d’un
exemplaire au siège social et l’exécution des diverses formalités requises.
Entre actionnaires, aucun moyen de preuve n’est admis contre le contenu des statuts.
Les pactes entre actionnaires doivent être constatés par écrit ».
La Loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en
commandite par actions, la société par actions simplifiée, la société à responsabilité limitée et
la société en participation rappelle dans l’Article 1er que « Les dispositions des articles (…) 8,
11, (…) de la loi n° 17- 95 relative aux sociétés anonymes s'appliquent aux sociétés visées par
la présente loi, dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions qui leur sont
propres ».
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S’agissant de la détermination du contenu du contrat, le principe de l’autonomie de la
volonté engendre le principe de la liberté contractuelle. Ce dernier signifie que la volonté est la
seule source de l’obligation. Chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter et chacun
est libre de choisir son co-contractant. Il en découle aussi que les parties fixent librement le
contenu et déterminent, en dehors de toute contrainte, l’étendus de leurs obligations. Les parties
peuvent aussi modifier selon leur plein gré leurs engagements.
Il en résulte aussi que les parties peuvent créer à leur guise des contrats de toute nature selon
des formules contractuelles nouvelles, en toute liberté.
Il en découle en outre que la réglementation légale des contrats n’est pas impérative et qu’elle
ne représente qu’un caractère supplétif s'appliquant en l’absence de clauses contraires et
peuvent de ce fait être écartées.
Il en résulte enfin que le pouvoir étatique n’a pas à intervenir en matière contractuelle et il ne
peut ni obliger les parties à contracter ni imposer un contractant ni définir le contenu ou les
effets du contrat.
Dans le rapport entre les parties, le contrat a une force obligatoire. Ce que les parties ont
convenu et arrêté s’imposent à elles. Puisque la volonté des parties échappe à toute contrainte
extérieure, elle est soumise à son propre sphère. Les parties au contrat sont tenues donc au
respect rigoureux de leur engagement contractuel. Le contrat est considéré la loi des parties.
Cette force obligatoire du contrat s’impose également au juge. Ce dernier ne peut, en aucun cas
et sous aucun prétexte, modifier les termes de l’accord même en présence d’un évènement
rompant l’équilibre du contrat. S’il y a lieu à interprétation, le juge doit chercher la volonté
commune qui est la loi des parties.
En conclusion, ce qui a été voulu par deux volontés ne peut être altéré par une seule volonté ni
par le biais d’une intervention extérieure.
A l’égard des tiers, le contrat n’a aucun effet sur ces derniers. C’est le principe de l’effet relatif
du contrat, autre conséquence du principe de l’autonomie de la volonté. Seules les parties ont
voulu le contrat qui les lie et les tiers ne peuvent subir les effets d’un contrat qu’ils n’ont pas
voulu. Le contrat n’a pas d’effet sur les tiers, il ne peut ni les nuire ni leur profiter. L’Article
228 du DOC dispose que « Les obligations n'engagent que ceux qui ont été parties à l'acte :
elles ne nuisent point aux tiers et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la loi ».
La situation économique et sociale au XIXe siècle a montré les injustices auxquelles peuvent
conduire les excès de la doctrine économique libérale. La différence de puissance économique
entre les contractants interdit tout simplement le libre jeu des volontés individuelles.
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Le plus faible est contraint d’accepter les conditions qui lui sont imposées par le plus fort. Selon
la belle formule de Lacordaire, « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le
maître et le serviteur c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
Ces critiques ont conduit à une inflexion des principes découlant de l’autonomie de la volonté.
Les lois impératives se sont multipliées pour protéger le contractant en situation de faiblesse.
Le principe de liberté contractuelle permet aux parties de conclure librement les conventions
qu’elles souhaitent, mais cette liberté s’exerce dans les limites fixées par la loi. C’est pourquoi
certaines dispositions du DOC permettent au juge d’exercer un contrôle sur le contenu du
contrat.
Ex. Article 264 « Les dommages sont la perte effective que le créancier a éprouvée et le gain
dont il a été privé, et qui sont la conséquence directe de l'inexécution de l'obligation.
L'appréciation des circonstances spéciales de chaque espèce est remise à la prudence du tribunal
: il doit évaluer différemment la mesure des dommages-intérêts, selon qu'il s'agit de la faute du
débiteur ou de son dol. Les parties contractantes peuvent convenir des dommages-intérêts dus
au titre du préjudice que subirait le créancier en raison de l'inexécution totale ou partielle de
l'obligation initiale ou en raison du retard apporté à son exécution.
Le tribunal peut réduire le montant des dommages-intérêts convenu s'il est excessif ou
augmenter sa valeur s'il est minoré comme il peut réduire le montant des dommages-intérêts
convenu, compte tenu du profit que le créancier en aurait retiré du fait de l'exécution partielle
de l'obligation. Toute clause contraire est réputée nulle ».
Le contrôle de la conformité du contrat à l’ordre public porte sur les prestations contractuelles
et le but contractuel :
Choses inappropriables. Sont naturellement hors du commerce les choses qui ne peuvent être
appropriées, les choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous tel
que : l’air, la mer… C’est en raison de leur utilité pour tous que ces choses sont inappropriables
et qu’elles sont donc hors du commerce.
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Choses illicites. Les choses illicites sont hors du commerce juridique ; par exemple : des
stupéfiants, des marchandises contrefaites, ou encore un fichier de clients contenant des
données personnelles et n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration ou autorisation auprès de la
CNDP.
Corps humain. Le corps humain est hors du commerce. Par exemple est nulle la convention
par laquelle une personne s’engage à céder un morceau de peau tatouée pour les besoins d’un
film ( V.TGI Paris, 3 juin 1969, D. 1970, p. 136, note J. P., affaire dite de la « rose tatouée ».
Toutefois, le droit permet le don du sang et certains prélèvements d’organes (Loi n° 16-
98 relative au don, au prélèvement et à la transplantation d'organes et de tissus humains).
Clientèles civiles. La jurisprudence française a longtemps décidé que les clientèles civiles
(les clientèles des professions libérales : avocats, médecins…) étaient exclues du commerce
juridique. Mais cette exclusion était facilement contournée puisque la jurisprudence admettait
la validité du « contrat de présentation », par lequel un professionnel s’engage à présenter son
successeur à la clientèle et à ne pas se réinstaller à proximité. La jurisprudence admet désormais
la cession des clientèles civiles (Civ. 1, 7 nov. 2000, n° 98-17731, Bull. civ. I, n° 283).
Sont également hors du commerce les prestations de service contraires à l’ordre public ou aux
bonnes mœurs.
Tel est le cas, par exemple, du contrat par lequel un individu s’engage à commettre un délit, ou
du contrat de prostitution .
De même la jurisprudence a annulé un contrat par lequel une personne s’engageait à réaliser un
« strip-tease» (TGI Paris, 8 nov. 1973, D. 1975, p. 402, note M. Puech, « annule d’office la
convention de strip-tease du 16 février 1971, contraire aux bonnes mœurs dans le sens entendu
par l’article 6 du Code civil ; constate dès lors que l’acte n’a pu être source d’aucune obligation
juridique de part et d’autre… ».
Par contre, dans un arrêt de la Cour de cassation française ( Soc., 12 juin 1991, n° 88-44396,
une personne avait été engagée par un contrat de travail à durée déterminé en qualité d’« artiste
de strip-tease » ; victime d’une rupture de son contrat avant terme, elle obtient une
indemnisation pour rupture fautive de son contrat. Par le fait de sanctionner la rupture du
contrat, la Cour de cassation reconnait implicitement sa validité.
Le but du contrat, ce sont les motifs personnels du contractant, les raisons profondes qui
poussent une personne à s’engager. C’est ce que l’on appelle la cause.
Si les motifs de l’un des contractants sont illicites, le contrat lui-même est illicite et doit donc
être annulé.
Par exemple, est nul l’achat d’un immeuble pour permettre l’installation d’une maison de
prostitution ou l’exercice d’une autre activité illicite.
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Il faut noter que la jurisprudence s’est adaptée à l’évolution des mœurs en redéfinissant ce qui
atteint aux bonnes mœurs.
Par exemple, la jurisprudence a pendant longtemps décidé que les libéralités entre concubins
sont nulles « si elles ont pour cause impulsive et déterminante la formation, le maintien ou la
reprise de relations immorales » (Civ. 1, 4 nov. 1982, n° 81-15738, Bull. civ. I, n° 319). Cette
Jurisprudence est aujourd’hui abandonnée. La Cour de cassation admet que « n’est pas
contraire aux bonnes mœurs la cause de la libéralité dont l’auteur entend maintenir la relation
adultère qu’il entretient avec le bénéficiaire » (Civ. 1, 3 févr. 1999, n° 96-11946, Bull. civ. I,
n°43).
L’ordre public et les bonnes mœurs ont aussi leur place dans le monde des affaires. Par exemple,
est nul pour cause illicite le contrat ayant pour but de permettre la corruption ou le trafic
d’influence.
Sanction. L’illicéité du but porte atteinte à l’intérêt général ; elle est donc sanctionnée par la
nullité absolue du contrat.
La force obligatoire du contrat a subi ces dernières années diverses atteintes. Jusqu’à
récemment les atteintes à la force obligatoire du contrat étaient justifiées par un souci de
protection de l’une des parties.
Ex. par dérogation à l’article 128 du DOC, l’article 149 de la Loi 31-08 édictant des mesures
de protection du consommateur permettant au juge d’accorder un délai de grâce au débiteur
(Article 149 « Nonobstant les dispositions du 2e alinéa de l’article 243 du dahir du 9 ramadan
1331 (12 août 1913) formant Code des obligations et des contrats, l’exécution des obligations
du débiteur peut être, notamment en cas de licenciement ou de situation sociale imprévisible,
suspendue par ordonnance du président du tribunal compétent. L’ordonnance peut décider que,
durant le délai de grâce, les sommes dues ne produiront point intérêt. En outre, le juge peut
déterminer dans son ordonnance les modalités de paiement des sommes qui seront exigibles au
terme du délai de suspension, sans que le dernier versement puisse excéder de plus de deux ans
le terme initialement prévu pour le remboursement du prêt; il peut cependant surseoir à statuer
sur ces modalités jusqu’au terme du délai de suspension »).
Autre Ex. Article 264 du DOC permettant au juge de réviser la clause des dommages-intérêts).
Enfin, l’effet relatif du contrat a été largement épargné, même si sa sphère d’application s’est
parfois élargie.
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SECTION II : LA FORMATION DU CONTRAT
Le deuxième article du DOC dispose que « Les éléments nécessaires pour la validité des
obligations qui dérivent d'une déclaration de volonté sont :
1. La capacité de s'obliger ;
2. Une déclaration valable de volonté portant sur les éléments essentiels de
l'obligation ;
3. Un objet certain pouvant former objet d'obligation ;
4. Une cause licite de s'obliger ».
L’article 1128 du Code civil français énonce : « Sont nécessaires à la validité d’un contrat : 1°
Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un contenu licite et certain».
Quatre conditions sont requises donc pour la formation du contrat. Il faut d’abord que chacune
des parties ait la qualité pour contracter, ce qui suppose non seulement qu’elle soit capable mais
également qu’elle ait le pouvoir de passer l’acte (I). Il faut ensuite que chaque contractant
exprime un consentement libre et éclairé (II). Il faut enfin que le contrat ait un objet licite et
certain et une cause (en droit marocain) (III).
La capacité est l’aptitude à être titulaire de droits et à les exercer par soi-même. Elle constitue
la première condition de validité d’un contrat. En droit français, la capacité partage (depuis le
1er octobre 2016) une sous-section avec la représentation (§ 1 de la sous-section 2 consacrée à
la capacité et la représentation, au sein d'une section 2 intitulée « La validité du contrat »).
Au Maroc, les règles de la capacité sont traitées la première section intitulé « De la capacité »
figurant dans le Chapitre premier relatif aux obligations qui dérivent des conventions et autres
déclarations de volonté́ . La capacité constitue non pas un élément constitutif du contrat mais un
attribut de la personne du contractant, une raison pour laquelle, c’est le Code de la famille (la
Moudawana) qui édicte des différents cas de l’incapacité et fixe les règles qui les régissent.
L’aptitude à être titulaire de droits subjectifs et à les exercer est la règle, alors que l’incapacité
est une mesure d’exception qui ne peut résulter que d’une disposition légale.
1-1- L’incapacité de jouissance est lorsqu’on n’a pas l’aptitude à être titulaire de droits.
Elle constitue l’incapacité la plus grave parce qu’elle porte sur l’aptitude à être sujet de
droit et à en jouir. Lorsque l’incapacité de jouissance est générale, celui qui en est frappé
perd sa personnalité juridique et se trouve privé de toute vie juridique (cas de l’esclave).
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Lorsque l’incapacité de jouissance est spéciale, celui qui en est frappé conserve une
personnalité juridique amputée.
L’incapacité de jouissance est exceptionnelle et au Maroc, elle n’est que spéciale. C’est le cas
pour certaines sanctions de nature pénale, tel que, par exemple, l’article 87 qui dispose que
« L'interdiction d'exercer une profession, activité ou art, doit être prononcée contre les
condamnés pour crime ou délit, lorsque la juridiction constate que l'infraction commise a une
relation directe avec l'exercice de la profession, activité ou art, et qu'il y a de graves craintes
qu'en continuant à les exercer, le condamné soit un danger pour la sécurité, la santé, la
moralité ou l'épargne publiques ».
D’autres incapacités de jouissance peuvent frappées les étrangers leur interdisant l’exercice de
certaines fonctions réservées aux nationaux (ex. la presse, sécurité...).
1-2- L’incapacité d’exercice désigne l’aptitude à exercer par soi-même un droit dont on
est titulaire. L’incapable conserve sa capacité juridique, il possède un patrimoine, mais
il ne peut accéder à la vie juridique que par personnes interposées.
Pour le mineur marocain, sa capacité est régie par l’article 209 du Code du statut
personnel (La Moudawana) qui dispose que « L’âge de la majorité légale est fixé à dix-huit
années grégoriennes révolues ». Ainsi, tout marocain qui atteint l’âge de 18 ans est en mesure
d'accomplir les actes d'administration, de gestion et de disposition de son patrimoine.
Quelques exceptions ont néanmoins été prévues, permettant ainsi au mineur d’exercer
dans des conditions particulières.
Pour présenter ces exceptions, l’on peut dégager deux étapes dans la condition juridique
du mineur :
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pleine capacité pour agir dans la limite de l’autorisation qui lui a été accordée et pour ester en
justice.
A partir de 16 ans : le mineur peut être affranchi de la tutelle. Il peut donc à partir de cet
âge demander lui-même au tribunal de lui accorder l’émancipation. Son représentant légal peut
également demander, à partir de cet âge, au juge d’émanciper le mineur. L’article 218 du Code
du statut personnel prévoit à ce titre que « lorsque le mineur a atteint l’âge de seize ans, il peut
demander au tribunal de lui accorder l’émancipation. Le représentant légal peut demander au
tribunal d’émanciper le mineur qui a atteint l’âge précité, lorsqu’il constate qu’il est doué de
bon sens. La personne émancipée entre en possession de ses biens et acquiert sa pleine capacité
en ce qui concerne la faculté de gérer et de disposer de ses biens ». Il passe donc de la minorité
à la pleine capacité tout en ayant la faculté de gérer et disposer de ses biens. La différence avec
l’expérience de majorité, c’est que le mineur émancipé a la pleine capacité et aucune limite
n’est apportée à l’exercice du commerce.
B- La représentation
Lorsque la représentation est légale, ce pouvoir est confié par la loi ; c'est le cas non
seulement pour la représentation légale des mineurs (représentés par leurs administrateurs
légaux, père, mère, ou le juge-V. art. 230 du Code de la famille) ou des majeurs protégés
(représentés par leur tuteur), mais aussi pour la représentation des personnes morales (la loi
précise pour chaque type de société quel est le représentant légal de cette dernière – le gérant
pour la SARL, le directeur général ou le président directeur général pour la SA, etc. ; les sociétés
peuvent aussi leur adjoindre des représentant conventionnels).
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Lorsque la représentation est judiciaire, le pouvoir de représentation est confié par le juge
au représentant ; c'est le cas par exemple de l'administrateur judiciaire en cas de redressement
ou de liquidation judiciaires.
Dans ces deux premiers cas (représentation légale ou judiciaire), le représenté est dessaisi
pendant la durée de la représentation des pouvoirs transférés au représentant.
Tout contrat se forme selon un schéma simple, celui de l'offre et de l'acceptation ; dès qu'une
offre est émise, puis qu'elle est acceptée, le contrat existe. Le principe en droit marocain comme
en droit français est le consensualisme : aucune forme n’est requise pour la validité du contrat.
Les parties sont donc en principe libres de donner à leur contrat la forme qu’elles souhaitent.
Cependant pour certains contrats, des dispositions particulières exigent certaines formalités.
Celles-ci peuvent être requises pour la validité du contrat, ou bien seulement pour sa preuve ou
pour son opposabilité aux tiers.
Mais, ce schéma peut être plus ou moins élaboré et s'inscrire dans un processus plus ou moins
complexe. Ainsi, l'échange des consentements par l'offre et l'acceptation peut être précédé d'une
période de négociation, d'hésitation, de réflexion. Avant que l'offre ne soit émise et, a
fortiori avant qu'elle soit acceptée, les parties peuvent alimenter des pourparlers ; cette période
est précontractuelle puisqu'elle précède l'échange des consentements.
L'échange des consentements peut être simultané lorsque les parties sont présentes : une offre
est émise et son destinataire l'accepte. Le contrat est alors formé. À défaut, la situation peut se
révéler plus compliquée : si l'offre est émise, alors que les deux parties ne sont pas présentes,
le moment et le lieu de formation du contrat peuvent être affectés. Tel est le cas du contrat par
correspondance.
A- L'offre
1- Définition
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concordante, un contrat puisse jaillir de la rencontre de ces deux volontés » (Vialard A., L'offre
publique de contrat, RTD civ. 1971, p. 751).
La jurisprudence distingue clairement l'offre qui n'engage unilatéralement que son auteur et la
promesse unilatérale de vente qui est un véritable contrat liant les deux parties (Ex. Cass.
3e civ., 19 oct. 2011, n° 10-30.655, Cass. soc., 21 sept. 2017, no 16-20.103…).
Dans un arrêt de la Cour de cassation française, chambre sociale, il est considéré que « L'acte
par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date
d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, constitue
une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à
son destinataire. La rétractation de l'offre avant l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à
défaut, l'issue d'un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage
la responsabilité extra-contractuelle de son auteur.
En revanche, la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le
promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de
travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés et pour la
formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse
pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat de
travail promis » (arrêt n° 1, pourvoi n° 16-20.103, et arrêt n° 2, pourvoi n° 16-20.104)
2- Caractères de l’offre
Pour qu'il y ait juridiquement offre, il convient tout d'abord que l'offrant y ait précisément décrit
le contrat envisagé ou, à tout le moins, les éléments essentiels de celui-ci. À défaut, la
proposition s'analyse en une simple invitation à entrer en pourparlers insusceptible de se
transformer en accord par un seul acquiescement.
Pour les éléments objectivement essentiels du contrat de vente se résout sans difficulté, il
convient de se référer à l'article 488 du DOC qui affirme que « La vente est parfaite entre les
parties, dès qu'il y a consentement des contractants, l'un pour vendre, l'autre pour acheter, et
qu'ils sont d'accord sur la chose, sur le prix et sur les autres clauses du contrat » (pour une
illustration dans une vente d'immeuble : Cass. 3e civ., 16 déc. 1998, nos 96-17.730 et 96-
19.840).
Ces éléments d'objet et de prix sont également considérés à la fois comme nécessaires et
suffisants par la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de
marchandises : aux termes de son article 14, § 1er, en effet, « une proposition est suffisamment
précise lorsqu'elle désigne les marchandises et, expressément ou implicitement, fixe la quantité
et le prix ou donne des indications permettant de les déterminer ».
Pour un contrat de bail, ont été considérés comme essentiels du fait de la nature de la convention
le prix des loyers et la chose louée (Cass. 3e civ., 27 juin 1973, no 72-12.321, Bull. civ. III,
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no 446). S'agissant en revanche de la date de prise d'effet du bail, la Cour de cassation a
considéré que ce n'était pas un élément essentiel (Cass. 3e civ., 28 oct. 2009, no 08-20.224).
L’offre doit en outre être ferme. Dans ce cadre, il convient de relever les cas de réserves.
Les réserves peuvent être expressément mentionnées dans l'offre. Par exemple, une offre de
contrat peut indiquer que le pollicitant, la personne qui fait l'offre, ne sera lié par l'acceptation
qu'après agrément ou acceptation du dossier.
Par ailleurs, la proposition d'achat précisant que « le paiement sera effectué après audit du
matériel » constitue bien une réserve qui subordonne la conclusion définitive du contrat à une
nouvelle manifestation de volonté de son auteur en fonction des résultats de l'audit (Cass. com.,
25 oct. 2017, no 16-18.948). Il en va de même lorsque le vendeur précise lors des négociations
qu'il appartient à l'acquéreur potentiel de faire « une offre ferme » dont le vendeur « se réserve
le droit, à son entière discrétion de rejeter(…) sans en avoir à justifier les raisons » : pour les
juges, une telle proposition « était dénuée de fermeté, excluant ainsi toute volonté de s'engager
en cas d'acceptation » de la part du vendeur (CA Paris, pôle 4, ch. 1, 8 févr. 2019, no 18/14432,
Gaz. Pal. 7 janv. 2020, p. 27, obs. Houtcieff D.).
Il convient de faire une distinction dans ce cadre entre une réserve objective et une réserve
subjective.
une réserve objective n’altère pas la fermeté de l’offre. Il s’agit, par exemple, de l’hypothèse
d’une offre « valable dans la limite des stocks disponibles ». Tant qu’il y a des stocks, les
acceptations de l’offre formeront le contrat. Le critère est vérifiable par le juge.
Enfin, L'offre est caduque à l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l'issue d'un
délai raisonnable. L’article 29 du DOC dispose que « Celui qui a fait une offre en fixant un
délai pour l'acceptation est engagé envers l'autre partie jusqu'à expiration du délai. Il est dégagé,
si une réponse d'acceptation ne lui parvient pas dans le délai fixé ».
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Ces deux types d'offres figurent désormais dans le Code civil français, plus précisément dans
son article 1114 qui donne la définition de l'offre, sans distinguer entre les offres faites à
personne déterminée ou indéterminée : « L'offre, faite à personne déterminée ou indéterminée,
comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être
lié en cas d'acceptation ».
B- L'acceptation
L’acceptation peut se définir comme la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans
les termes de l'offre.
Afin de former valablement le contrat, l’acceptation doit être conforme à l’offre : les parties
doivent s’entendre sur les éléments essentiels du contrat qui figurent nécessairement dans
l’offre. L'acceptation non conforme à l'offre est dépourvue d'effet, sauf à constituer une offre
nouvelle ou une invitation à entrer en pourparlers.
Tant que l'acceptation n'est pas parvenue à l'offrant, elle peut être librement rétractée à condition
que la rétractation parvienne à l'offrant avant l'acceptation. Elle doit intervenir pendant la durée
d’efficacité de l’offre , c’est-à-dire à un moment où l’offre n’est ni expirée, ni caduque, ni
rétractée.
Les parties au contrat doivent donner un consentement libre et éclairé. Selon l’article 1130 du
Code civil français, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle
nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions
substantiellement différentes. L’Article 39 dispose que « est annulable le consentement donné
par erreur, surpris par dol, ou extorqué par violence ».
1- L'erreur
L’erreur peut se définir comme une fausse représentation de la réalité. Elle s’apprécie en
opérant une comparaison entre ce qu’a voulu le contractant et la réalité du contrat.
Erreur sur les qualités essentielles de la prestation : sont celles qui ont été expressément ou
tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté. L'erreur est une
cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une (vente d’un tableau dont le vendeur
ignorait le caractère authentique) ou de l'autre partie.
L'erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n'est une cause de nullité que dans les
contrats conclus en considération de la personne.
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Pour retenir l’erreur comme vice de consentement, il convient de rechercher :
Il faut noter, toutefois, que certaines erreurs sont indifférentes et n’entraînent donc pas la nullité
du contrat :
- Erreur sur les motifs : Exemple : Achat d’un appartement car la personne pensait être
mutée : si la mutation ne se réalise pas, l’acheteur ne peut invoquer une erreur vice du
consentement.
- Erreur sur la valeur : Exemple : Achat d’une voiture de 150 000 km pour 5000 € alors
qu’elle vaut 2000 € à l’argus : c’est une mauvaise affaire, mais pas une erreur
constitutive d’un vice du consentement.
2- Le dol
Le dol est défini à l’article 1137 nouveau du Code civil : « le fait pour un contractant d'obtenir
le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges.
Pour entraîner la nullité du contrat, le dol doit émaner du cocontractant ou de son représentant,
gérant d’affaires, préposé, porte-fort, ou d‘un tiers de connivence (complice).
Exemple du Dol : Cass. 3e civ., 2 oct. 1974, no 73-11.901, Bull. civ. III, n° 330, concernant une
vente immobilière à l'occasion de laquelle le vendeur avait dissimulé à l'acquéreur l'installation
prochaine, à proximité, d'un établissement insalubre.
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3- La violence
Selon l’article 46 « la violence est la contrainte exercée sans l'autorité́ de la loi, et moyennant
laquelle on amène une personne à accomplir un acte qu'elle n'a pas consenti ».
Selon l'article 39 du Dahir des obligations et contrats, les vices du consentement sont une cause
de nullité du contrat ; celle-ci est relative. Le D.O.C ne parle pas de nullité relative mais de
rescision (art. 311 à 318). Mais les deux expressions peuvent être considérée comme synonyme.
Aux termes de l’article 311 du D.O.C, la nullité relative sanctionne les vices du consentement.
Seul le contractant que la règle violée entendait protéger peut se prévaloir de la nullité relative
à l’exclusion de toute autre personne y compris le cocontractant. De ce fait, celui dont le
consentement est valable ne peut demander la nullité du contrat en se fondant sur l’erreur, le
dol ou la violence dont a été victime son cocontractant.
L'action en rescision doit être engagée dans le délai d’un an prescrit par l'article 311 du D.O.C.
Le point de départ de ce délai est le jour où le dol ou l'erreur a été découvert(e) ou encore, en
cas de violence, le jour où elle a cessé (art. 312 D.O.C).
La rescision étant une nullité relative, dite de protection, la personne protégée peut y renoncer
soit expressément en confirmant l'acte, soit tacitement, si elle est encore dans les délais pour
agir, par des actes manifestant sans équivoque que, bien qu'ayant connaissance du vice, elle
n'entend pas s'en prévaloir comme cause de nullité et qu'elle entend poursuivre l'exécution du
contrat (art. 317 et 318, D.O.C).
En cas de rescision, l’article 316 du D.O.C dispose que le contrat est censé n'avoir jamais existé
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et que les prestations exécutées donnent lieu à restitution. Les parties sont remises dans l'état
où elles étaient au moment où l’obligation a été constituée et il s'opère des restitutions
réciproques de ce qu'elles ont pu recevoir l'une de l'autre (Cf. Cass. com., 25 nov. 1960, n° 59‐
40.165, Bull. civ. IV, n° 1084).
La Cour de cassation française considère que les évaluations des juridictions sont faites
souverainement et ne sont pas contrôlées par celle-ci (Cass. 3e civ., 16 nov. 1983, n° 82-
12.659).
A titre de rappel, l’objet de l’obligation, c’est ce à quoi le débiteur s’oblige et la cause, c’est ce
pourquoi le débiteur s’engage.
Il ne suffit pas que l’objet du contrat soit licite (A), il faut encore qu’il soit certain. Cette
exigence concerne plus particulièrement la prestation qui doit être « déterminée ou
déterminable » (B).
A- L’objet
Pour la question de licéité, voir la partie du cours relative au « 2.Recul en droit positif et
déclin de la théorie classique du contrat », de « Le contenu du contrat doit satisfaire à
diverses exigences…. à Sanction. L’illicéité du but porte atteinte à l’intérêt général ; elle est
donc sanctionnée par la nullité absolue du contrat ».
1. Existence de la chose
Selon l’article 61 du DOC, « L'obligation peut avoir pour objet une chose future et incertaine,
sauf les exceptions établies par la loi ».
Le plus souvent l’obligation a pour objet une chose présente, c’est-à-dire une chose qui existe
lors de la conclusion du contrat.
Par exemple est nulle la vente d’une chose périmée ou la cession d’un brevet inexistant.
Par ailleurs, l’obligation contractuelle peut avoir pour objet une chose future, c’est-à-dire une
chose qui n’existe pas lors de la formation du contrat mais qui existera à la date de son
exécution. Par exemple, un producteur qui vend à un détaillant une chose à fabriquer, une
récolte en culture…
Toutefois, si la chose n’existe pas au moment prévu de l’exécution et sous réserve des règles
particulières applicables à certains contrats, le contrat devient caduc.
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Par exception certains contrats ne peuvent porter sur une chose future. Exemple : interdiction
des pactes sur succession future. L’article 61 du DOC dispose que « … on ne peut, à peine de
nullité absolue, renoncer à une succession non encore ouverte, ni faire aucune stipulation sur
une pareille succession, ou sur l'un des objets qui y sont compris, même avec le consentement
de celui de la succession duquel il s'agit ».
2. Détermination de la chose
Corps certain. Un corps certain est une chose qui présente une irréductible individualité et qui
ne peut donc être remplacée par une autre (un bien immobilier, une œuvre d’art). Si la chose
objet de l’obligation est un corps certain, elle doit être désignée individuellement. On ne vend
pas « un immeuble », mais « tel immeuble ».
Chose de genre. Une chose de genre est une chose fongible, appréhendée sous le rapport de
son espèce (par exemple du blé), qui se vend au poids, au compte ou à la mesure. Lorsque
l’obligation a pour objet une chose de genre, celle-ci doit être déterminée ou déterminable dans
son espèce (le genre : du blé, du riz…), dans sa quotité et dans sa qualité. S’agissant de la
qualité, si elle n’est pas déterminée ou déterminable en vertu du contrat, elle devra être de
qualité conforme aux attentes légitimes des parties en considération de sa nature, des
Usages et du montant de la contrepartie.
B- La cause
La cause est la raison que les parties ont eu de contracter. C’est le pourquoi du contrat.
Une cause objective : c’est une cause générale et abstraite. Le vendeur a vendu pour recevoir
le prix. Le bailleur a donné en location pour percevoir un loyer, le salarié fournit son travail
pour percevoir une rémunération, etc.
Une cause subjective : ce sont des motifs concrets et donc personnels qui ont déterminé un
contractant donné à conclure tel ou tel contrat. Ainsi, si un vendeur a décidé de vendre c’est
pour payer une dette, réaliser un voyage…
L’existence de la cause renvoie à la cause objective. Il s’agit du but qui a poussé une partie à
contracter mais du but impersonnel : l’assureur s’engage sur la garantie parce que l’assuré
s’engage sur le paiement de la prime. Il a ainsi été jugé qu’un contrat de cession d’un brevet
d’invention dépourvu de toute consistance ou de toute utilité pratique ou encore portant sur des
procédés parfaitement connus à la portée de tout le monde, doit être annulé.
22
Exemple : une personne loue un appartement pour y exploiter une activité de tolérance ou de
débauche.
La cause subjective permet donc de contrôler la conformité du contrat à l’ordre public, aux
bonnes mœurs et à la loi. L’article 62 du DOC dispose que « l'obligation sans cause ou fondée
sur une cause illicite est non avenue. La cause est illicite, quand elle est contraire aux bonnes
mœurs, à l'ordre public ou à la loi ».
IV- Le formalisme
La validité́ des contrats solennels est subordonnée à l'observation de formes déterminées par la
loi à défaut de laquelle le contrat est nul, sauf possible régularisation. Cette formalité́ réside
généralement dans la rédaction d'un écrit, qui sera soit authentique (contrat de mariage,
donation, hypothèque, vente immobilière), soit, plus fréquemment, sous seing privé. Cette
formalité́ résulte également de l'obligation fréquente d'insérer certaines clauses dans les actes
(ex. cession d'un fonds de commerce : C. com., art. 81 et s.).
La nullité́ du contrat sanctionne un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa
validité́ . Elle apparait comme la sanction des irrégularités qui peuvent affecter la formation du
contrat.
La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun
accord. Elle ne doit pas être confondue avec la résolution qui sanctionne l’inexécution par une
des parties d’un contrat valablement formé.
Dans ce cadre, il convient de faire la distinction entre nullités relatives et nullités absolues.
Cette distinction est essentielle pour déterminer les personnes pouvant agir en nullité, et le
délai de prescription applicable.
A- La nullité relative
Selon l’article 311 du DOC, la nullité relative (rescision en DOC) sanctionne le défaut de
capacité, les vices de consentement et la lésion. La nullité est donc relative lorsque la règle
violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt. Seule la personne que la nullité protège peut
23
agir en nullité. Elle sanctionne la violation des règles de formation du contrat destinées à
protéger les contractants (les incapables, les victimes d’un vice de consentement, les victimes
d’une lésion).
Aux termes de l’article 311 du DOC, l’action en nullité relative se prescrit par le délai d’un an.
L’article 312 du DOC diffère le point de départ du délai de prescription : « ce temps ne court,
dans le cas de violence, que du jour où elle a cessé; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où
ils ont été découverts; à l'égard des actes faits par les mineurs, du jour de leur majorité; à
l'égard des actes faits par les interdits et les incapables, du jour où l'interdiction est levée ou
du jour de leur décès, en ce qui concerne leurs héritiers, lorsque l'incapable est mort en état
d'incapacité; en cas de lésion, lorsqu'il s'agit de majeurs, du jour de la prise de possession de
la chose qui fait l'objet du contrat ».
Mais pour éviter de maintenir une menace d’une action en nullité pour une durrée illimité,
l’article 314 du DOC impose que « L'action en rescision est prescrite, dans tous les cas, par le
laps de quinze ans à partir de la date de l'acte ».
Enfin, la nullité relative est susceptible de confirmation : la personne protégée entend alors
renoncer à agir en nullité. La confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de
la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. La
confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés,
sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
A- La nullité absolue
La nullité́ est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général (par
exemple : contenu illicite). On l’appelle aussi nullité de plein droit.
Le domaine de la nullité absolue est délimitée par l’article 306 du DOC « L'obligation est nulle
de plein droit : « 1. Lorsqu'elle manque d'une des conditions substantielles de sa formation; 2.
Lorsque la loi en édicte la nullité́ dans un cas déterminé́ ». On peut dire, en référence à cet
article ainsi que l’article 311 du DOC que la nullité absolue sanctionne le défaut d’objet et
l’objet illicite, la cause illicite et tout contrat contraire à l’ordre public.
L’action en nullité absolue n’est pas soumis à des délais particuliers de prescription. Elle
s’éteint donc par la prescription de droit commun de quinze ans (Art. 375 du DOC).
La nullité́ peut être invoquée par toute personne intéressée, ainsi que par le ministère public.
Elle n'est pas susceptible de confirmation. Conformément à l’article 310 « la confirmation ou
ratification d'une obligation nulle de plein droit n'a aucun effet ».
24
SECTION III : LES EFFETS DU CONTRAT
Le principe de l’effet relatif signifie que le contrat n’est obligatoire qu’à l’égard des parties
contractantes ; il ne s’impose pas aux tiers (A). Toutefois, ce principe subit aujourd’hui des
atténuations (B).
Les parties sont les personnes qui ont pris part à la formation du contrat, soit directement soit
par représentation, avec la volonté d’être liées par ses effets.
Selon l’article 230 du DOC, « Les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu
de loi à ceux qui les ont faites, et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel
ou dans les cas prévus par la loi », ce qui signifie que les parties doivent respecter le contrat et
exécuter leurs obligations. À défaut pour le débiteur d’exécuter ses obligations, une sanction de
l’inexécution du contrat pourra être prononcée.
La force obligatoire a pour corollaire l’intangibilité des contrats. L’intangibilité s’impose d’une
part aux parties à travers le principe de l’interdiction des révisions unilatérales qui signifie
l’impossibilité de rompre ou de modifier le contrat à l’initiative d’une seule des parties ; le
contrat ne peut être modifié ou révoqué que par le consentement mutuel des parties, sauf pour
les causes que la loi autorise.
Par exemple :
Les effets du contrat ne se limitent pas à la création d’obligations. Celui-ci produit également
un effet translatif qui se substitue à l’obligation de donner.
Les contrats ayant pour objet l’aliénation de la propriété ou la cession d’un autre droit
produisent un effet translatif de droit, qui s’opère en principe dès la conclusion du contrat. Ce
transfert emporte, en principe, transfert des risques de la chose.
Après la formation du contrat, certaines personnes perdent la qualité de tiers pour devenir partie
au contrat. Ce sont les ayants cause de l’une des parties et les cessionnaires du contrat.
25
Pour le cas des ayants cause, ils prennent la suite de leur auteur dans les contrats conclus par
celui-ci. Ils acquièrent ainsi la qualité de partie après la formation du contrat.
Exemple : Art. 17 de la Loi 5-95 : « La société́ prend fin par le décès de l'un des associés, sous
réserve des dispositions ci-après. S'il a été stipulé qu'en cas de mort de l'un des associés, la
société́ continuerait avec ses héritiers ou seulement avec les associés survivants, ces
dispositions sont suivies, sauf à prévoir que pour devenir associé, l'héritier devra être agréé par
la société ».
Exceptions. Le principe de transmission des contrats aux ayants cause est écarté pour les
contrats intuitu personae.
Pour le cas de la cession de contrat, l’article 1216 du Code civil français définit la cession
de contrat comme l’opération permettant à un contractant de « céder sa qualité de partie au
contrat à un tiers ».
La cession de contrat consiste dans la substitution d’une partie par un tiers après la formation
du contrat. La cession de contrat conduit à envisager le contrat cédé comme une chose, mais
un contrat n’est pas une chose comme les autres.
Le principe de l’effet relatif s’applique aux tiers, c’est-à-dire aux personnes qui n’ont pas donné́
leur consentement au contrat. Toutefois, ce principe supporte certaines atténuations.
1- Le porte-fort de ratification
Définition. Le porte-fort est la convention par laquelle une personne, que l’on appelle porte
fort, promet « le fait d’un tiers ». Il existe deux variantes. Le porte fort peut promettre que le
tiers donnera son consentement à un contrat (c’est le porte fort de ratification), ou qu’il
exécutera un contrat (c’est le porte-fort d’exécution).
Seul le porte-fort de ratification nous intéresse ici car il permet d’atténuer les conséquences du
principe de l’effet relatif des contrats.
Effets. Le porte-fort a souscrit un engagement personnel, qui lui impose une obligation de
résultat : il doit faire en sorte que le tiers consente. Le tiers n’est nullement engagé : il n’y a
donc pas dérogation au principe de l’effet relatif.
26
La situation peut se dénouer de deux façons différentes. Le tiers peut ratifier la promesse. Si le
tiers ratifie la promesse faite par porte- fort, il est engagé par l’acte. La ratification a un
caractère rétroactif et remonte au jour de l’acte ratifié, l’obligation du tiers prenant naissance
au jour de l’engagement du porte-fort.
Le tiers peut refuser de ratifier la promesse. Dans ce cas, le contrat préparé par le porte-fort
n’aura jamais existé. Le porte fort qui a manqué à sa promesse engage sa responsabilité
contractuelle envers son cocontractant. Cette circonstance peut être de nature à influer sur la
décision du tiers et donc conduire à forcer son consentement.
La stipulation pour autrui correspond à l’opération par laquelle une personne (le stipulant)
conclut un contrat avec une autre personne (le promettant) par lequel ce dernier s’engage à
exécuter une obligation au profit d’une troisième personne (le tiers bénéficiaire).
L’effet du contrat se produit au profit d’un tiers : ce dernier devient titulaire d’un droit de
créance qui naît avant qu’il ne donne son consentement.
27
PARTIE II : LES SOCIÉTÉS COMMERCIALES
28
leur intérêt propre. Des contraintes d’ordre comptable peuvent également peser sur les
personnes qui constituent une société. Certaines sociétés sont en effet astreintes à tenir une
comptabilité, comme tout commerçant, mais également à rendre publique cette comptabilité
et ce de manière périodique, par le biais du registre du commerce. Et la fiscalité applicable
aux sociétés diffère de celle que subissent les personnes physiques.
29
Cette loi spécifique est justement l’article L. 210-1 du Code de commerce qui dispose
que « le caractère commercial d’une société est déterminé par sa forme ou par son objet » en
énumérant plusieurs sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet :
la société en nom collectif (SNC), la société en commandite simple (SCS), la société à
responsabilité limitée (SARL), et les différentes formes de sociétés par actions , à savoir la
société anonyme (SA), la société par actions simplifiée (SAS)2, la société en commandite par
actions (SCA) (et la société européenne (SE) en droit français).
En droit marocain, par contre, aucune définition de la société civile n’a été donnée par
le Dahir des obligations et contrats. L’intitulé de la première section « Dispositions générales
aux sociétés civiles et commerciales » (du Chapitre deuxième : De la société contractuelle),
ne laisse aucun doute sur la réglementation générale des deux formes de sociétés sans
distinction entre la forme civile ou commerciale.
Toutefois, il convient de noter que la société dont l’activité est civile mais qui a revêtu
l’une des formes commerciales reste une société commerciale. En outre, une société qui n’a
pas adopté l’une des formes commerciales peut tout de même avoir un caractère commercial,
en raison du fait qu’elle exerce une activité commerciale (par exemple une activité de
transport). La société est alors commerciale, même si elle a adopté la forme de société civile
régie par le D.O.C.
Il existe un autre cas : les sociétés exerçant sous une profession libérale réglementée.
Ces sociétés sont constituées pour l’exercice d’une profession libérale soumise à un statut
législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Leur activité est donc de nature civile.
Le législateur les organise cependant sous la forme des sociétés commerciales.
2
Société anonyme simplifiée en droit marocain.
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contrairement aux médecins, les avocats au Maroc ne peuvent adopter que la forme de la SCP,
laquelle est destinée aux professions libérales afin de leur permettre l’exercice collectif d’une
profession commune aux associés. Cette possibilité est reconnue aux avocats suite à la réforme
de la loi sur la profession d’avocat, par le dahir n° 1.08.102 portant la loi 29.08 du 20 octobre
2008.
2. Conséquences
Les conséquences de la qualification civile ou commerciale peuvent se résumer ainsi :
la société est soumise à un corps de règles spécifiques variant selon sa qualification ; la société
commerciale est considérée comme un commerçant.
31
Par ailleurs, est applicable la prescription légale de cinq ans en matière commerciale
pour les obligations nées à l’occasion de son commerce entre la société commerciale et un
commerçant ou un non-commerçant.
On relèvera encore, parmi les conséquences de l’assimilation de la société commerciale
à un commerçant, sa soumission à des obligations en matière comptable et à la compétence du
tribunal de commerce.
32
importante. Par ailleurs, c’est surtout l’intérêt des associés qui doit être pris en compte si la
société a un caractère contractuel.
Pour le régime fiscal des sociétés de personnes, il convient de noter que ce sont des
sociétés dites « transparentes », ce qui implique qu’elles ne sont pas elles-mêmes soumises à
l’impôt au titre des bénéfices réalisés, mais ce sont les associés qui sont imposés
personnellement au titre d’une fraction du bénéfice réalisé par la société.
Par exemple, dans la société en nom collectif SNC ou la société en commandite simple
(SCS), chaque associé est soumis à l’impôt sur le revenu en tant qu’entrepreneur individuel.
En plus, La société peut opter pour l’IR ou l’IS.
Si dans les sociétés de personnes, le risque est illimité et les associés sont tenus de
répondre indéfiniment et solidairement des dettes de la société, dans les sociétés de capitaux,
à l’inverse, les associés sont tenus au paiement de la dette sociale proportionnellement à leur
participation dans le capital social.
2. Sociétés de capitaux
Sous cette catégorie, contrairement aux sociétés de personnes, la personne de l’associé
compte moins que les capitaux qu’il apporte.
Les types de sociétés ont, généralement, un caractère plus institutionnel que contractuel.
Les associés sont des membres d’une institution (une structure dont le fonctionnement est
défini par la loi) plutôt que des parties à un contrat de société. Il en résulte que la société est
plus facilement considérée comme ayant un intérêt supérieur à celui des associés. Cela est
d’autant plus porteur de conséquences que le législateur ou le juge sont susceptibles de
composer à leur guise cet intérêt supérieur sous diverses formes comme l’intérêt de la société,
l’intérêt social, l’intérêt de l’entreprise, l’intérêt des salariés, etc.
Les sociétés de capitaux sont souvent des sociétés de taille moyenne ou de grande et les
titres qu’elles émettent sont parfois cotés sur un marché, réglementé ou non.
De plus, dans les sociétés de capitaux, la solvabilité personnelle des associés n’est pas
un élément important dans la mesure où ces sociétés ne font généralement pas peser sur leurs
associés une obligation aux dettes sociales. La responsabilité aux dettes de la société est donc
limitée à leurs apports. C’est le patrimoine de la société qui compte pour payer les créances,
une raison pour laquelle l’importance est focalisée sur le capital de ces sociétés, ce qui passe
33
notamment par l’exigence d’un capital social minimum, et par des procédures permettant
d’éviter que les associés surévaluent les biens apportés à la société.
Et contrairement aux sociétés de personnes, les sociétés de capitaux émettent des
actions, c’est-à-dire des droits sociaux qui peuvent être cédés plus facilement que des parts
sociales, par simple modification de l’inscription en compte représentative de ces droits
sociaux.
Le régime fiscal des sociétés de capitaux est également différent des sociétés de
personnes dans la mesure où les sociétés de capitaux sont elles-mêmes soumises à l’impôt, et
à un impôt particulier, qui est l’impôt sur les sociétés (IS). Cet impôt concerne les bénéfices
réalisés par la société. L’IS dans la société anonyme, par exemple, est d’un taux qui varie entre
10% à 37% selon le montant du bénéfice réalisé et la nature de l’activité (Etablissements de
crédit et assurances sont soumis à un taux de 37%).
3. Intérêt de la distinction
L’esprit qui régit les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux n’est pas le même.
Si tant les unes que les autres réunissent des associés cherchant à profiter du bénéfice réalisé
par la société ou d’une économie, la manière dont l’associé souhaite réaliser son objectif n’est
pas la même dans les deux cas. Ainsi, dans les sociétés de personnes l’importance est accordée
aux coassociés. Cette importance se justifie par la lourde charge qui pèse sur les personnes de
répondre solidairement et indéfiniment des dettes sociales de la société. De ce fait, un associé
garantira le paiement d’une dette résultant d’un préjudice qui aurait été causé par la société à
l’un de ses clients. Cette approche permet de comprendre l’intérêt qu’accorde un associé à
l’évolution des affaires.
Cet esprit n’est pas le même dans les sociétés de capitaux. Les actionnaires, dont leur
responsabilité est limitée, sont souvent distant par rapport à l’activité de la société. Ils ont
souvent l’attitude d’un simple investisseur que celle d’un associé aux affaires sociales. Cette
responsabilité limitée participe également à un désintérêt des actionnaires pour la gestion des
affaires qui sont confiées aux dirigeants, sans contrôler de très près leur gestion.
L’avantage de la distinction réside également dans le fait que sous l’une ou l’autre de
ces catégories des règles spécifiques s’appliquent et des solutions sont adoptées que pour l’une
de ces catégories. Ainsi, dans les sociétés de personnes, les solutions conférant une importance
à l’intuitu personae seront privilégiées, alors que dans les sociétés de capitaux accordant une
importance à la négociabilité des actions seraient valoir pour toute sociétés entrant dans cette
catégorie.
34
Ces distinctions permettent de voir dans les sociétés de personnes une catégorie de
sociétés dont le régime est souple et peu contraignant et dans les sociétés de capitaux une
catégorie des règles strictes et contraignantes (sans parler de la distinction, parmi ces dernières,
entre les sociétés cotées et celles qui ne sont pas cotées).
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personnalité morale correspond à celle qui est portée par le greffier du tribunal de commerce
sur la déclaration aux fins d’immatriculation présentée par la société. Sur cette déclaration, le
greffier attribue un numéro de registre chronologique et un numéro de registre analytique et
appose le cachet du tribunal.
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lorsqu’une personne morale est nommée administrateur ou membre du conseil de surveillance,
de désigner un représentant permanent qui est soumis aux mêmes conditions et obligations et
qui encourt les mêmes responsabilités civile et pénale que s’il était administrateur ou membre
du conseil en son propre nom sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne
morale qu’il représente (art. 42 ; art. 88, loi 17-95).
Ajoutons que la capacité de la société va de la responsabilité civile jusqu’à la
responsabilité pénale.
Pour la responsabilité civile, il convient de noter que la personnalité morale constitue
une façade entre la société et ses représentants en ce sens que tous les actes accomplis par ces
derniers n’engagent que la société vis-à-vis des tiers et non leur propre responsabilité. Les
engagements pris n’entrainent d’obligations et ne produisent d’effets que dans le patrimoine
–distinct- de la société. Encore faut-il que les dirigeant agissent dans le cadre de leur mandat
et de l’objet social de la société. De façon générale, la société répond des délits civils commis
par ses représentants et salariés.
Pour la responsabilité pénale, pendant longtemps les personnes morales ne pouvaient
commettre d’infractions, comme l’indique l’adage selon lequel societas non delinquere potest.
Seuls les représentants de la société peuvent être responsable pénalement. Toutefois, à nos
jours, le Code pénal marocain permet la condamnation des personnes morales. L’article 127
du Code prévoit la condamnation des personnes morales à des peines pécuniaires et aux peines
accessoires de confiscation, de dissolution et de publication de la décision de condamnation.
Les amendes payées par la société ne sont pas déductibles du résultat fiscal (art.11 I, CGI). A
noter que l’article 721 du Code de procédure civile prévoit l’instauration d’un fichier des
sociétés civiles et commerciales au Ministère de la justice destiné à centraliser les
condamnations et les sanctions prononcées contre aussi bien les personnes morales que leurs
représentants (pour des condamnations telles que fiscales, liquidation judiciaire, etc.).
II. Le patrimoine
Le patrimoine est lié à la capacité juridique. En droit français, un principe important,
dégagé par Aubry et Rau, est celui de l’unicité du patrimoine. Autrement dit, tout sujet de droit
ait un patrimoine, que tout sujet de droit n’ait qu’un seul patrimoine, et que tout patrimoine se
rattache à une personne.
Le patrimoine de la société, personne morale, est constitué d’un actif et d’un passif ; il
comprend tous les droits et obligations de la société. Ce patrimoine ne se confond pas avec
celui des associés ni avec celui des dirigeants, ce qui implique notamment que les biens qui
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figurent dans le patrimoine de la société ne pourront pas être utilisés à leur guise par les associés
ou les dirigeants : ce sont les biens d’une autre personne, la société étant un tiers par rapport à
eux. L’utilisation à des fins personnelles des biens de la société par ses associés et dirigeants
fait encourir des sanctions (délit de vol, abus de confiance, etc.).
II. Le domicile
Le domicile de la société c’est son siège social selon l’article 522 du CPC. Ce siège est
librement fixé dans les statuts et constitue une mention obligation dont l’absence permet à tout
intéressé comme au ministère public de demander en justice la régularisation sous astreinte
(art. 12, loi 17-95, applicable à toutes les sociétés commerciales).
Il peut arriver que le siège social soit fictif et ne constitue pas le lieu où la société exerce
réellement ses activités juridiques. Les raisons sont multiples, soit pour des raisons fiscales
(paradis fiscaux), soit pour échapper à la compétence de certaines juridictions ou d’une
nationalité plus intéressante. En cas de fictivité du siège social, celui-ci peut être déterminé par
le recours à certains indices comme le lieu où le compte bancaire de la société a été ouvert, lieu
de conclusion des contrats…
Les justifications du siège social sont nombreuses : certificat de propriété, contrat bail,
contrat de sous-location, attestation de domiciliation).
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