Memoire de Recherches Maitrise Silue Alama - 240219 - 171727
Memoire de Recherches Maitrise Silue Alama - 240219 - 171727
(UCAO)
UNITE UNIVERSITAIRE d’ABIDJAN
(UUA)
--------------------------
FACULTE DE DROIT CIVIL
------------------------
Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de Maitrise en droit
OPTION : Relations Diplomatiques et Consulaires
THEME
------------------------
Mémoire en vue de l’obtention du diplôme de Maitrise en droit
OPTION : Relations Diplomatiques et Consulaires
THEME
DEDICACES
A mon père dont la bénédiction ne cesse de me fortifier.
Page i
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
REMERCIEMENTS
Nous rendons grâce au Dieu trinitaire de nous avoir donné l’intelligence et la force
nécessaire à la réalisation de ce travail.
Particulièrement :
Page i
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
AVERTISSEMENT
Page ii
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
ABREVIATIONS
A.P.D. : Aide Publique au Développement
J.-C. : Jésus-Christ
Page iii
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Rec. : Recueil
Vol.: Volume
Page iv
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
SOMMAIRE
INTRODUCTION .............................................................................................................. 1
PREMIERE PARTIE : LA BONNE FOI, UNE EXIGENCE DANS LE DROIT DES
TRAITES ............................................................................................................................. 7
CHAPITRE I : LA PLACE DE CHOIX DE LA BONNE FOI DANS
L’ETABLISSAMENT DU TRAITE ................................................................................ 9
SECTION I : LA BONNE FOI DANS LA PROCEDURE D’ELABORATION DU
TRAITE. ......................................................................................................................... 9
SECTION II : LA BONNE FOI, FACTEUR DE VALIDITE DU TRAITE. ................. 20
CHAPITRE II : ...... LA BONNE FOI, BALISE DE LA MISE EN ŒUVRE DU TRAITE
30
SECTION I : L’APPLICATION DU TRAITE. ............................................................ 31
SECTION II : L’INTERPRETATION DU TRAITE. .................................................... 41
DEUXIEME PARTIE :LA PORTEE DE LA BONNE FOI DANS LE DROIT DES
TRAITES 52
CHAPITRE I : LES NOBLES FINALITES DE LA BONNE FOI DANS LES
RELATIONS INTERNATIOANLES ............................................................................ 54
SECTION I : LA RUPTURE D’AVEC L’ERE TUMULTUEUSE DES RELATIONS
INTERNATIONALES. ................................................................................................. 54
SECTION II : L’INSTAURATION DE L’ERE PACIFIQUE DES RELATIONS
INTERNATIONALES. ................................................................................................. 65
CHAPITRE II : LA SANCTION DU DEFAUT DE LA BONNE FOI........................... 77
SECTION I : LA SANCTION DU DEFAUT DE BONNE FOI DANS
L’ETABLISSEMENT DU TRAITE : LA NULLITE. .................................................... 77
SECTION II : LA SANCTION DU DEFAUT DE BONNE FOI DANS LA MISE EN
ŒUVRE DU TRAITE : LA RESPONSABILITE INTERNATIONALE. ....................... 87
CONCLUSION ................................................................................................................. 96
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................... 100
ANNEXES ....................................................................................................................... 106
TABLE DES MATIERES ............................................................................................. 113
Page v
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
INTRODUCTION
« Pacta sunt servanda » : tout accord lie les Etats qui doivent l’exécuter de bonne
foi. Ce principe général de droit1, qui ceinture le droit des obligations en droit interne,
est valable en ce qui concerne la source la plus usitée du droit international public
notamment les traités. Aussi, ce principe de coopération entre les sujets de droit
international tente-t-il fort bien d’expliquer les bases de l’établissement des relations
amicales entre les peuples du monde. A vrai dire, il nous est donné d’assister à une
floraison de relations courtoises et de plus en plus profondes entre ces Etats.
L’accélération et l’élargissement des échanges internationaux ont milité en faveur d’un
ensemble de normes juridiques différentes de celles du droit interne de chacun de ces
Etats. C’est le droit international.
Le droit international est constitué par l’ensemble des règles de droit qui
s’appliquent aux sujets de la société internationale, c’est-à-dire normalement aux Etats
et aux Organisations Internationales et exceptionnellement aux individus. C’est donc
l’ensemble des normes juridiques qui régulent les relations internationales, c’est-à-dire
des normes prescriptives, prohibitives ou permissives2.
1
Selon Robert KOLB, la bonne foi doit être vu comme tel. Voir « La bonne foi en droit international public.
Contribution à l'étude des principes généraux de droit » sur http://www.amazon.fr/international-public-
contribution-principes-généraux/dp.
Aussi, en droit international public, les « principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées » sont-
ils considérés comme une source de droit, conformément à l'article 38.1 (c) du Statut de la Cour Internationale de
Justice. Traditionnellement, la place des principes généraux du droit est très réduite dans le droit civil, qui est
essentiellement codifié, et beaucoup plus large dans le droit administratif, qui est largement jurisprudentiel, car
pendant très longtemps, il n'a existé que très peu de textes de portée générale s'appliquant à l'ensemble des
activités de l'administration ou à une partie substantielle de celles-ci.
2
David RUZIÉ, Droit international public, Paris, Dalloz, Mémentos, 15e édition, 2000, p.1
Page 1
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
principaux créateurs du droit. Au nombre des sources du droit international, l’on note
le traité.
De façon assez simple, le traité s’entend d’un accord international. Mais cette
définition ne saurait satisfaire le juriste. Ainsi définir clairement le traité, nous oblige
à considérer deux approches cumulatives dudit acte juridique : la définition
coutumière et la définition conventionnelle. Selon la définition coutumière, le traité
désigne tout accord entre deux ou plusieurs sujets de droit international destiné, à
produire des effets de droit et régi par le droit international. Cette définition est
complétée par la Convention de Vienne en son article 2 paragraphe 1.a qui dispose
que : « l’expression traité s’entend d’un accord international conclu par écrit et régit
par le droit international qu’il soit consigné dans un ou plusieurs instruments
connexes et quelque soit sa dénomination particulière ». De cette définition, il ressort
deux aspects du traité : l’aspect structurel et l’aspect terminologique. Ainsi donc un
traité peut contenir un ou plusieurs instruments sans que cela n’affecte sa qualification.
Aussi parle-t-on indifféremment de traité, d’accord, de convention, de communiqué
conjoint, de concorda, de protocole3.
3
Voir C.I.J. 19 Décembre 1978, Affaire du Plateau continental de la Mer Egée.
4
Dictionnaire encyclopédie, Hachette, 1992, p.514
5
Lexique des termes juridiques, Dalloz, 14è édition, 2003, p.78
6
Idem.
Page 2
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. ».
Plus précis, plus sûr, et mieux adapté à l’extrême mobilité des situations
contemporaines, le traité s’est imposé naturellement, sans pour autant marginaliser la
coutume, les actes unilatéraux et les principes généraux du droit, qui demeurent
comme lui les sources principales du droit international. Aujourd’hui encore, le traité
continue d’être le mécanisme d’élaboration des normes internationales le plus prisé ce
qui est bien entendu à son avantage. Cette effervescence autour des traités a lentement,
sûrement et définitivement donné naissance à un droit des traités c’est-à-dire un
ensemble de règles juridiques relatives aux traités10. Et c’est la Convention de Vienne
sur le droit des traités du 23 mai 1969. Elle codifie le droit des traités. Cet acte
contient, en outre, les règles les plus couramment admises en matière de droit des
traités et dont beaucoup pouvaient être considérées, au moment où elle fut négociée,
7
Selon le lexique des termes juridiques, la bonne foi subjective est la croyance erronée et non fautive en
l’existence d’un fait, d’un droit ou d’une règle de droit. Quant à la bonne foi objective, elle serait la loyauté dans
la conclusion et l’exécution des actes juridiques. Dalloz, 14è édition, 2003, p.79.
8
Robert KOLB, La bonne foi en droit international public. Contribution à l'étude des principes généraux de
droit, P.U.F., Paris, 2000, page 429.
10
Quant à leur élaboration, application, interprétation etc.…
Page 3
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
comme possédant déjà valeur de droit positif au titre de normes coutumières 11. La
C.V.D.T. est un traité-loi qui a codifié les coutumes internationales en matière de
traités entre États, et qui a aussi développé le droit. Cependant ce traité se doit être
respecté entre les États parties. De plus, il fournit essentiellement des règles
supplétives puisque chaque traité peut établir son propre régime juridique. Sachons,
enfin, que la Convention de Vienne sur le droit des traités ne s'applique qu'aux traités
conclus par écrit entre États. Cette convention servira les buts des Nations Unies
énoncés dans la Charte qui sont de maintenir la paix et la sécurité internationales, de
développer entre les nations des relations amicales et de réaliser la coopération
internationale12.
11
Depuis son adoption, il a fallu attendre que 35 États consentent à être liés à cette convention internationale
pour qu'elle entre en vigueur. Entré en vigueur le 27 janvier 1980, ce texte essentiel a été voté par 79 délégations
tandis que 19 Etats s'abstenaient et que la France votait contre. Elle marquait ainsi son opposition à la
consécration de la notion de jus cogens.
12
Charte des Nations Unies, Article 1er, Chapitre1 : Buts et principes.
13
Paragraphe 4 du préambule de la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 4
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Ce sujet est d’actualité certaine, même s’il a déjà été visité par la doctrine15.en
ce sens que l’on assiste à une redéfinition des rapports internationaux essentiellement
fondés sur les traités. En outre, cette problématique permet de comprendre quelque peu
les relations tumultueuses entre certains Etats et celles qualifiées de saines et
fraternelles entre d’autres. En plus de cela, elle met en avant la « puissance » de la
bonne foi dans la consistance des traités. Enfin, ce sujet promeut un type nouveau de
rapports interétatiques épurés et basés sur un instrument saint. Surtout dans un
environnement international marqué par la mondialisation, la globalisation et toutes
sortes de concepts rassembleurs. L’insertion de la bonne foi dans les traités laisse
apparaître la volonté manifeste des Etats de définir autrement les relations
internationales.
14
Quelle est l’approche définitionnelle du droit des traités relativement à la bonne foi ? Quelles en sont les
éléments constitutifs ? Quelle est sa place dans le droit des traités ? Quel est la pertinence de la présence de la
bonne foi dans ce droit ? Quelles sont les finalités de l’existence de la bonne foi dans l’ordonnancement
juridique des traités ? Enfin quelles sont les conséquences de la violation du principe de la bonne foi tant sur
l’Etat fautif que sur les autres Etats parties ?
15
Voir Robert KOLB, La bonne foi en droit international public. Contribution à l'étude des principes généraux
de droit, P.U.F., Paris, 2000, 748 pages et Romain YAKEMTCHOUK, La bonne foi dans la conduite
internationale des États, Paris, Éditions techniques et économiques, 2002, 264pages.
Page 5
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
16
Droit international public Lexique du partim I, http://www.student.ulg.ac.be/aed 1, consulté le 08 Avril 2010.
Page 6
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
PREMIERE PARTIE :
LA BONNE FOI, UNE EXIGENCE DANS LE
DROIT DES TRAITES
Page 7
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 8
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
17
Source « privilégiée » du droit international.
Page 9
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
juridiques. Cerner l’impact de la bonne foi dans la procédure d’élaboration passe donc
obligatoirement par comprendre son poids dans la procédure internationale
d’élaboration du traité (PARAGRAPHE I) et sa pertinence dans la procédure interne
d’élaboration du traité (PARAGRAPHE II).
Cette étape de la formation du traité est celle qui rassemble les Etats désireux de
conclure. C’est donc le lieu de relativiser et d’harmoniser les points de vue pour
parvenir rapidement à un accord. Cette procédure d’élaboration à caractère
international comprend deux niveaux : la phase initiale d’élaboration du traité (A) et
la phase d’expression du consentement à être lié (B).
La phase initiale commence d’abord par l’échange des pleins pouvoirs. Selon
l’article 2.1c, les pleins pouvoirs doivent être perçus comme « un document émanant
de l’autorité compétente d’un Etat et désignant une ou plusieurs personnes pour
représenter l’Etat pour la négociation, l’adoption ou l’authentification du texte d’ un
traité, pour exprimer le consentement de l’Etat à être lié par un traité ou pour
accomplir tout autre acte à l’égard du traité ». L’échange des pleins pouvoirs est une
procédure très ancienne qui permet de s’assurer que la négociation sera menée par des
agents juridiquement compétents. Le pouvoir de négocier, signer et ratifier les traités
(« le treaty making power ») appartient en principe au Chef de l’Etat18. En pratique,
celui-ci n’exerce lui-même que le pouvoir de ratification des traités. Pour le reste, le
Premier Ministre, le ministre des affaires étrangères et les chefs de mission
diplomatique sont des représentants permanents du Chef de l’Etat et peuvent à ce titre
négocier et signer des conventions internationales en son nom sans avoir à produire de
« lettres de pleins pouvoirs » attestant leur habilitation. Des présomptions de
18
Voir par exemple l’article 52 de la Constitution française et l’article 84 de la Constitution Ivoirienne du 1 er
Août 2000 : « Le président de la République négocie et ratifie les Traités et Accords internationaux».
Page 10
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Remettre des pleins pouvoirs à ses agents revient pour un Etat à témoigner de
façon éloquente son attachement à la négociation internationale et à tout ce qui en
résultera. Il montre par cet acte sa sincérité.
Page 11
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
modification. Il y va de la bonne foi des parties contractantes qui avaient toutes les
étapes antérieures pour entreprendre toute modification. L’adoption marque la fin de la
phase de la négociation mais ne signifie pas que le traité s’impose aux Etats qui l’ont
signé. Malgré tout, un Etat dont le représentant a signé n’est plus dans la même
situation que celle de l’Etat qui s’en est abstenu. Car le traité bénéficie d’un statut
juridique au regard du droit international. L’Etat signataire a, du fait de sa signature,
certains droits et certaines obligations19. C’est dans cette veine que l’article 18 de la
Convention de Vienne dispose qu’ :
« Un Etat doit s’abstenir d’actes qui priveraient un traité de son objet et de son
but : a) lorsqu’il a signé le traité (…), tant qu’il n’a pas manifesté son intention de ne
pas devenir partie au traité ».
La portée de cette disposition, qui dérive du principe de la bonne foi dans les
relations internationales, doit être exactement appréciée : elle ne signifie pas que l’Etat
signataire est tenu de respecter les dispositions de fond du traité20 mais seulement
qu’un tel Etat ne peut adopter un comportement qui viderait de toute substance son
engagement ultérieur lorsqu’il exprimerait son consentement à être lié. Enfin, de ce
même article on peut déduire qu’un Etat signataire doit examiner le texte du traité de
bonne foi en vue de déterminer sa position définitive à son égard.
19
AGO (R.), « Le droit des traités à la lumière de la Convention de Vienne », RCADI, 1971 III (134).
20
Ce qui reviendrait à lui donner le statut d’Etat partie.
Page 12
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
21
P. REUTER, Introduction au droit des traités, P.U.F., 1985, p.56.
22
Notamment aux Etats Unis, aux Pays Bas et en France.
Page 13
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
23
COMBACAU (J.), Le droit des traités, PUF, Que sais-je, 1991.
Page 14
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Cette étape de l’élaboration du traité est celle qui met en présence les Etats
contractants et leurs ordres juridiques propres. C’est donc l’ordonnancement juridique
interne qui dicte les actions à entreprendre. Ainsi la procédure interne d’élaboration du
traité met en avant l’acte juridique qu’est la constitution (A). Cet acte a, dans l’ordre
interne, un rôle tout à fait unique. Cette étape souligne aussi la particulière relation de
la constitution avec le traité (B).
Cette théorie est complétée par le principe de constitutionnalité, qui indique que
la Constitution est le principe suprême du droit d'un État et que son respect, obligatoire
et nécessaire, est assuré par une cour constitutionnelle, que ce soit un Conseil
constitutionnel25 ou une Cour suprême.26
24
Ainsi, selon la théorie de la hiérarchie des normes, développée notamment par Hans Kelsen, chaque règle de
droit est légitimée par une règle de droit supérieure et à laquelle elle doit être conforme.
25
Comme en France et en Côte d’Ivoire.
26
Comme aux États-Unis.
27
Pierre PACTET, Institutions politiques Droit Constitutionnel, Paris, Armand Collin, 20è édition, 2001, p.67
Page 15
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
spécifique, soit ont été édictées ou ne peuvent être révisées que selon une procédure
spécifique28.
Une Constitution est dite rigide lorsque la procédure prévue pour la révision de
la Constitution est peu aisée à mettre en œuvre. Une Constitution est dite
souple lorsque la révision de la Constitution s'avère techniquement plus simple.
Cependant, une révision peut être rigide au sens technique, mais souple au sens
pratique. La Constitution française prévoit une procédure de révision difficile à mettre
en œuvre, elle est techniquement rigide. Cependant, elle a été révisée de nombreuses
fois depuis l'avènement de la Ve République.
28
Idem p.67.
Page 16
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Une Constitution peut également être souple au sens technique, mais rigide au
sens pratique. La Constitution coutumière britannique n'est pas, au sens technique,
difficile à réviser, elle possède un caractère souple. Le contexte social et politique du
pays et son attachement à la tradition constitue cependant un obstacle à la révision :
elle possède donc, de fait, un caractère rigide.
La relation entre ces deux actes juridiques est régie par la Constitution. Cela
parce que le cadre d’action est l’ordre juridique interne qui a pour référentiel la
Constitution. Il y a ici deux ordres juridiques en présence : ordre juridique interne
(Constitution) et l’ordre juridique international (traité). Il y a donc un problème de
leadership à régler.
29
P.GUGGENHEIM, Traité du droit international public, Genève Georg, 1962, vol. I, p.141 et 145-146.
Page 17
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
C’est ce que reconnaît la formule fréquemment employée dans les clauses finales des
traités, selon laquelle le consentement sera exprimé « conformément aux règles
constitutionnelles respectives » des Etats signataires. Cette question relève donc
exclusivement dans le débat constitutionnel interne. Et la solution résulte et du schéma
constitutionnel général30 et du rapport des forces entre organes constitutionnels.
Cette procédure a été plusieurs fois utilisée en France. Par exemple, lors de la
ratification du traité de Maastricht qui était en complète contradiction avec les
dispositions de la Constitution notamment s’agissant des questions de souveraineté,
une loi n° 92-554 du 25 juin 1992 est venue ajouter un titre nouveau à la Constitution
libellé « des Communautés européennes et de l’Union européenne ». Retenons,
comme autre exemple, celui de la C.I. Elle n’est pas partie au Statut de Rome de la
C.P.I. en ce sens qu’elle ne l’a encore pas ratifié. Pourquoi cela ? Est-ce la traduction
claire et nette de la volonté de nos dirigeants de ne pas voir réprimés les actes
criminels ? La raison fondamentale est plutôt d’ordre constitutionnel. En effet, le
30
Régime d’assemblée, régime présidentiel, régime parlementaire, régime partisan, régime dictatorial.
31
Cette disposition a son pendent dans la constitution ivoirienne du 1 er Août 2000 en son article 86.
Page 18
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
32
Décision N°. 002/CC/SG du 17 décembre 2003, Conformité à la Constitution du Statut de Rome de la Cour
Pénale Internationale. (Voir annexes).
Page 19
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
La validité d’un traité dépend-t-elle de la licéité de son objet ? Pour qu’il puisse
s’en aller ainsi il faut pouvoir affirmer l’existence d’un ordre public international.
Aucun droit ne peut tolérer l’immoralité. En d’autres termes, un traité est affecté d’une
invalidité objective lorsque son contenu est en contradiction manifeste avec une règle
juridique supérieure. L’idée déjà ancienne d’une super légalité internationale est liée à
la conscience universelle et inhérente à toute société digne de ce nom. Il est revenu à la
Convention de Vienne de concrétiser ce concept par la notion de jus cogens (A) à
laquelle doit se conformer l’objet du traité (B).
33
Ainsi, comme l’écrit le professeur Jean CAMBACAU, la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit
des traités qui formule les règles du jeu conventionnel et par cela prétend fonder la valeur obligatoire de tout
traité est, comme toute convention enfermée dans le postulat de son auto-normalité ; « Le droit international :
bric-à-brac ou système ? », APD, 1986, p.89-90.
Page 20
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Tout d’abord, ce sont des règles impératives, dont le respect est exigé plus
impérieusement que les normes obligatoires. Ainsi, lorsque la violation d'une règle
obligatoire met en cause la responsabilité de l'État, la violation d'une règle impérative
entraine, elle, la nullité du traité contraire35.
34
Extrait de http://fr.wikipedia.org/wiki/Jus_cogens, consulté le 1er Avril 2010 à 15h38.
35
C’est la nullité absolue.
Page 21
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
De plus, ces règles sont évolutives. Les normes de jus cogens n'imposent pas
seulement des principes lors de négociations de traités, elles remettent aussi en cause
les traités qui étaient valides lors de leur entrée en vigueur. Ce n'est plus seulement une
condition de validité mais également un motif de terminaison.
Enfin, ce sont des règles « acceptées et reconnues » comme jus cogens par la
communauté internationale des États dans son ensemble :
des règles reconnues et acceptées comme jus cogens : il s'agit ici d'un
processus proche de la coutume, le jus cogens constituant alors une règle
coutumière endurcie. ;
Page 22
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Il apparaît alors important et même inévitable pour les Etats parties à un traité
de cerner clairement les contours des normes de jus cogens en rapport avec l’objet de
leur traité. La bonne foi des parties doit les pousser à examiner l’arsenal des normes
impératives de droit international. Cela ne relève pas de l’impossible vu les nombreux
experts que regorge notre monde. Les parties peuvent donc les consulter.
37
N’GUYEN Quoc Dinh, Droit international public, 7è édition., L.G.D.J., Paris, 2002, p.205.
38
Dominique CARREAU, Droit international public, 9e édition, Pédone, p. 94.
39
Définition du dictionnaire « LE PETIT LAROUSSE 2010 ».
Page 23
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
L’article 53 dispose qu’ : « Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion,
est en conflit avec une norme impérative du droit international général». Cette
solution pourrait être qualifiée de logique en ce sens que la seconde norme du fait de
son caractère postérieur doit se conformé à celle qui l’a précédé. En clair, il apparaît
rationnel que la seconde norme se conforme strictement à la norme qui lui est
antérieure. C’est surement ce qu’a tenté de traduire la C.V.D.T.
Mais ce qui choque l’entendement, à première vue, c’est le fait que l’article 64
étende cette nullité au traité qui serait en contradiction avec une norme devenue
impérative postérieurement à sa conclusion. C’est ce qui se comprend à travers cette
phrase : « Si une nouvelle norme impérative du droit international général survient,
tout traité existant qui est en conflit avec cette norme devient nul et prend fin ». La
seconde norme ne se conforme pas à la première qui est d’un niveau inférieur. En
effet, la seconde norme est une norme impérative de droit international alors que la
première (le traité) est une norme obligatoire et très souvent d’un caractère relatif.
Dans les deux cas et dans tous les cas (de conflit), la norme impérative de droit
international a le dernier mot. C’est au traité de se conformer aux normes de jus
cogens qui le précèdent et aussi à celles qui le suivent. Cela montre combien de fois le
traité (sinon les parties au traité) doit être attentif à l’évolution de ces normes de haut
degré. Selon ces dispositions, il existerait en droit international des normes intangibles
d’application générale, normes impératives protégeant les intérêts essentiels de la
communauté internationale et auxquelles, de ce fait, les Etats ne peuvent déroger par
traité.
40
VIRALLY (M.), "Réflexions sur le jus cogens", AFDI, 1966, pp. 5-29.
Page 24
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Si les Etats ne peuvent déroger par traités aux normes impératives de droit
international, ils sont donc obligés de s’y conformer. Cette conformité du traité
auxdites normes assure à celui-ci sa pleine validité. Or tout traité voulant produire des
effets de droit se doit d’être valide. Et vu que les Etats contractent en vue de réguler tel
ou tel aspect de leurs relations, ils sont comme obligé (moralement) de s’y conformer.
Au risque de ne pouvoir atteindre leurs objectifs. Notons que cette conformité du
traité aux normes de jus cogens est perceptible au niveau de son objet. En effet, l’objet
du traité est comme le cœur, la raison de vivre de cet acte juridique.
En résumé, les Etats loyaux doivent, dans leur traité, veiller à la parfaite entente
entre les normes impératives de droit international et l’objet de leur accord. En toute
sincérité, ils doivent travailler à ne pas les contredire. A ce niveau, bonne foi des
Etats rime donc avec soumission de l’objet de leur traité aux normes de jus cogens.
Le traité valide est celui qui en plus d’avoir un objet licite s’appuie sur le
consentement authentique de ces rédacteurs.
La volonté de l’Etat l’oblige parce que la souveraineté ne peut être liée que par
un acte libre. La volonté n’engage donc qu’à la condition d’être libre et éclairée. Le
consentement ne doit donc pas être affecté d’irrégularités ou de vices qui lorsqu’ils
sont graves peuvent porter atteinte à l’existence même du traité. Dans le but de
préserver la stabilité des traités et la sécurité juridique des relations internationales, ces
motifs sont admis avec parcimonie. En somme, la volonté libre et éclairée qui peut lier
juridiquement l’Etat, est celle-là seule qui est exempte d’irrégularités formelles (A) et
substantielles (B).
Le consentement des Etas parties au traité ne doit pas méconnaître les règles
internes y afférentes. Ces règles sont celles qui dans l’ordonnancement juridique
Page 25
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Selon la Convention le fait pour le représentant d’un Etat d’avoir excédé son
pouvoir ne constitue pas un vice de consentement, sauf si la restriction à son mandat a
été notifiée avant l’expression de volonté aux Etats ayant participé à la négociation
(article 47). Cette disposition ne s’applique qu’aux accords en forme simplifiée.
Les Etats contractants doivent agir pour donner un consentement régulier vis-à-
vis de la forme. C’est donc a eux de prendre toutes les mesures dans ce sens. Il est clair
qu’un Etat qui se lie par un traité à d’autres Etats tout en violant ses propres
dispositions relatives à la répartition constitutionnelle des compétences entre ces
41
L’Autriche repoussa la demande d’invalidation formulée par la Roumanie de l’accord austro-roumain du 14
Août 1920 qui aurait été ratifié en violation de la Constitution roumaine.
42
La Fontaine, Pasicrisie, p.298
Page 26
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
autorités publiques est loin d’être sincère. Il est donc légitimement à craindre qu’il
viole les dispositions du traité auquel il est partie. En somme, la bonne foi que la
Convention la laisse transparaître rime avec conformité de l’Etat à son mode de
ratification du traité.
Page 27
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
singularisé par la Convention en son article 49 sans pour autant avoir été précisément
défini. Cette omission volontaire tient sans doute au fait qu’on ne relève aucun cas
déclaré de dol dans la pratique internationale. Admettre le dol revient pour l’Etat qui
s’en réclame à avouer sa propre naïveté.
44
Scandale révélé par la presse béninoise au cours de l’année 1988. Des déchets fortement toxiques y étaient
stockés pour 2.5 dollars la tonne.
Page 28
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
signifierait donc que celui-ci se lie librement et sciemment tout en permettant aux
autres Etats d’en faire autant. C’est donc un ensemble d’actes positifs et négatifs.
Page 29
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Le traité n’existe que pour être « collé » aux situations pour lesquelles il a été
élaboré. Cet acte juridique apparaît alors comme la réponse qu’apportent les parties à
une situation qui nécessitait de leur part une réaction. La mise en œuvre du traité peut
donc s’entendre du processus conduisant le traité a régir la situation pour laquelle il est
prévu. Pour les besoins de notre travail, la mise en œuvre du traité sera vue sous deux
angles : l’application et l’interprétation. C’est bien le but premier du traité que de régir
les rapports entre les cocontractants dans les matières concernés par ledit traité.
Appliquer le traité revient logiquement à le mettre en pratique, le mettre en marche.
L’acte juridique international, ainsi mis en pratique, produit des effets de droit de
portée plurielle. Il arrive parfois qu’il ait des divergences relativement au sens ou à la
signification des clauses du traité. La fidélité des parties à cet accord ne subsistera que
par la claire connaissance et compréhension desdites clauses. C’est donc à un travail
de déchiffrage que les contractants vont se livrer : cherchant point après point à
restituer ou à amplifier la pensée de leur traité. C’est l’interprétation. De façon plus
simple, l’interprétation d’une norme juridique « ne consiste pas seulement à
déterminer le sens exact d’un texte qui serait peut clair, mais aussi à en déterminer
la portée, c’est-à-dire son champ d’application temporel, spatial et juridique, ainsi
l’éventuelle supériorité vis-à-vis d’autres normes »45. La Convention de Vienne fait
de la mise en œuvre du traité un autre champ d’action du principe de la bonne foi. En
ce sens que toute la mise en œuvre est entièrement parfumée par ledit principe. Il
relève donc du bon sens, pour mieux cerner le poids de la bonne foi à ce stade des
choses, de traiter d’une part l’application du traité (SECTION I) et d’autre part son
interprétation (SECTIONII).
45
Lexique des termes juridiques, Dalloz, 14è édition, 2003, p.328
Page 30
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Tout traité a pour but de produire des effets de droit. Il s’agira, le plus souvent,
de créer des obligations et des droits dans leurs rapports mutuels ou de poser une règle
de conduite que les parties s’engageront à suivre. L’application du traité obéit à un
conditionnement (PARAGRAPHE I) et touche différents niveaux (PARAGRAPHE
II).
Page 31
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
46
CIJ, arrêt, Australie. Et Nouvelle-Zélande c/ France, affaire des essais nucléaires, 1974 sur
http://www.icj-cij.org.
47
H.HEIDSIECK, La vertu de justice, PUF, 1970, p.42
48
M. NEDONCELLE, De la fidélité, Aubier-Montaigne, 1953, p.55
49
C.J.C.E., 20 Octobre 1981, Commission c. Belgique, Aff. 137/ 80 Rec. 1981, p.7, conl. F. Capotorti.
Page 32
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
autorités, mais elles doivent en user raisonnablement et de bonne foi »50. Quoi qu’il
en soit, une définition est forcement abstraite ; elle doit être éclairée par la pratique.
C’est d’ailleurs de cette obligation de l’Etat d’exécuter de bonne foi les traités
par lesquels il s’est lié que découle le principe de la supériorité des traités sur les lois
et règlements.
50
C.I.J. « Affaire des ressortissants américains au Maroc », 27 août 1952.Rec.176
51
C.I.J., arrêt, affaire du différend territorial entre la Libye et le Tchad, 3 février 1994, Rec. P. 19-28
Page 33
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
pacta sunt servanda. Mais, ce principe s’accompagne d’autres principes pour assurer
la bonne application du traité.
Hormis l’article 26, l’exécution du traité est régie par d’autres principes
découlant des articles 28 et 29 de la Convention de Vienne.
Rappelons qu’il peut arriver que, dans l’ordre interne, le principe de la non
rétroactivité de la loi puisse être écarté. Il en est également ainsi en droit international,
notamment lorsqu’une convention intervient entre les Etats pour soumettre un
différend à l’arbitrage. Il arrive même que les Etats fixent, dans la convention, les
52
C.I.J., .Affaire Ambatiélos, Rec. 1952, p.40
Page 34
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
règles qu’il convient d’appliquer à des faits antérieurs à l’accord d’arbitrage. En vérité,
rien n’empêche les Etats d’élaborer un traité qui déroge au principe de non-
rétroactivité, de manière explicite ou implicite.
Page 35
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Un traité est « res inter alios acta » : il lie en principe que les parties, parce que
seules celles-ci y ont consenti55. La règle de l’effet relatif des contrats trouve ainsi son
clone dans les relations juridiques internationales. C’est donc dire qu’un traité a un
effet relatif. Il a alors vocation à régir les rapports entre les Etats parties (A). Mais, il
peut arriver que la convention de nature internationale crée une situation objective.
Dans ce cas de figure, elle sera opposable aux tiers (B).
Dans l’ordre international, l’Etat partie est obligé d’appliquer le traité dans ses
rapports avec les autres parties. Ainsi donc aucune norme du droit interne ne peut être
invoquée à l’international par une partie au traité pour échapper à son obligation. Le
traité, dans l’ordre international, devient la norme par excellence, la référence et
l’élément commun entre les parties en présence. En vérité, chacun des Etats a un ordre
55
C.P.J.I., 26 avril 1928, affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute Silésie polonaise, arrêt sur le
fond, série A, p.29
Page 36
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
juridique56 qui lui est propre et donc différent de celui des autres. Permettre donc
l’irruption de ces ordres juridiques dans l’ordre international créerait une confusion
totale et un désordre juridique au dénouement complexe. C’est pour ainsi faciliter les
choses que les Etats ne s’en tiennent qu’à la convention internationale intervenue
entre eux. C’est dans cette direction qu’abonde l’article 27 de la Convention de
Vienne : « Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme
justifiant la non-exécution d’un traité ».57
56
C’est son ordre juridique interne.
57
C.I.J., avis consultatif, affaire de l’accord de siège Etats-Unis/O.N.U à propos du bureau de l’O.L.P. à New
York
58
Ce principe a été affirmé expressément par le protocole n° 19 de la Conférence de Londres du 15novembre
1831 sur l’indépendance de la Belgique.
Page 37
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Poursuivant dans cette veine, la C.I.J., dans son arrêt relatif à l’affaire de la tutelle des
mineurs de 1958, a affirmé qu’un traité s’impose aux différents organes de l’Etat :
autorités législatives, exécutives et juridictionnelles.
Le traité entre les Etats parties doit produire tous ses effets. Et les Etats doivent
y contribuer. Lesdits Etats parties ont, à ce niveau des choses, comme des obligations
de résultats. En ce sens qu’ils ne devront rien se permettre qui puisse aller contre la
promotion du traité. C’est de cette manière que la loyauté des Etats membres doit
s’exprimé. Les Etats sont donc tenus d’une obligation de double nature : appliquer le
traité tant au niveau international qu’au niveau interne. Etudions à présent les effets du
traité à l’égard des Etats-tiers.
Pour ce qui est des traités bénéficiant aux tiers, l’on note d’abord les traités
relatifs aux voies de communications internationales. Ils contiennent fréquemment
des dispositions qui donnent aux Etats tiers le droit d’user de ces voies de
communications internationales. Ils bénéficient immédiatement et de plein droit à tous
Page 38
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
les Etats. C’est ce qui ressort de L’arrêt de la C.P.J.I., du 17 août 1923 dans l’
« affaire du vapeur Wimbledon », à propos du canal de Kiel.
Arrêtons-nous, à présent, sur les traités bénéficiant aux Etats tiers en vertu
d’une disposition préalable : la clause de la nation la plus favorisée et la stipulation
pour autrui. La clause de la nation la plus favorisée est la disposition d’une convention
par laquelle un État s’engage à faire bénéficier un autre État des avantages supérieurs
qu’il a déjà accordé ou qu’il accordera à des Etats parties à d’autres conventions. Pour
qu’elle puisse fonctionner la clause supposera l’existence simultanée de deux traités :
celui qui contient la clause et celui qui en déclenche l’application par la stipulation de
conditions plus favorables. La durée des effets pratiques de la clause est liée à celle de
l’existence du traité plus favorable. L’avantage disparaît pour l'Etat bénéficiaire de la
clause lorsque le traité plus favorable disparaît59. Quant à la stipulation pour autrui,
elle s’aperçoit comme la situation dans laquelle une clause d’un traité énonce une
promesse dont le bénéficiaire est un État tiers. Cette notion a été consacrée par la
Convention de Vienne, en ses articles 36 et 37. Quant à l’article 36, il subordonne
l’effet de la stipulation pour autrui à l’acceptation du bénéficiaire, mais en admettant la
possibilité d’un consentement présumé. D'autre part, l’article 37 de cette même
convention précise que « Ce droit ne peut pas être révoqué ou modifié par les parties
s’il est établi qu’il était destiné à ne pas être révocable ou modifiable sans le
consentement de l'Etat tiers ». La C.V.D.T. reprend là une notion qui avait déjà été
évoquée par la C.P.J.I. dans l’ « Affaire des Zones franches entre la France et la
Suisse », en 1932.
59
Arrêt de la C.I.J. du 27 août 1952, dans l’ « Affaire des ressortissants américains au Maroc ».
Les États-Unis avaient une clause de la nation la plus favorisée relative au traitement de leurs nationaux au
Maroc. A une certaine époque des traités passés par le Maroc avec d’autres puissances avaient accordé des
privilèges très étendus en matière de juridiction : le droit de juridiction consulaire, en particulier, était largement
étendu. Les USA en avaient profité par le jeu de la clause. Par la suite le traité donnant les avantages de
juridiction consulaire ayant été supprimé par un accord entre les parties, les USA prétendaient à la consolidation
de ces avantages, c'est à dire à un droit permanent qui, en vertu de la clause aurait été acquis aux ressortissants
américains. Réponse de la C.I.J. a été claire et précise : le traité qui donnait l’avantage ayant disparu, la clause ne
suffisait pas à créer un droit qui serait indépendant de l’existence de ce dernier.
Page 39
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Certains traités, comme nous l’avons dit, obligent les Etats tiers. Il convient
de les étudier au cas par cas. Parmi eux, certains sont dits traités objectifs en ce sens
qu’ils créent des situations qui s’imposent à tous sans exception aucune60. Les traités
qui créent une situation objective s’imposent à tous les Etats. Pour P. REUTER, cette
situation pourrait s’expliquer par la notion d’accord tacite. Retenons à ce niveau les
traités créant un statut territorial ou politique international. Ceux-ci peuvent être
perceptibles par des traités créant un État : Belgique en 1831 ; traités de cession : les
îles Kouriles du Sud transférées à l’Union Soviétique par les accords de Yalta en
1945 ; les traités de neutralité : Suisse depuis 1815 ; Traités de neutralisations :
démilitarisation des îles d’Aaland, 30 mars 1856 (France et Grande Brétagne, La
Russie) ou encore traités d’internationalisation : Antarctique en 1959. Les tiers sont
aussi obligés par les traités relatifs aux voies de communications internationales. Ces
traités obligeront tous les Etats riverains et intéressés61. Exemples de Suez, Panama,
Kiel. A cela ajoutons les conventions multilatérales formulant des normes qui ne
sont que la codification de la coutume. Comme l’affirme l’article 38 de la Convention
de Vienne : « Aucune disposition des articles 34 et 37 ne s’oppose à ce qu’une règle
énoncée dans un traité devienne obligatoire pour un État tiers en tant que règle
coutumière du droit international reconnue comme telle ». La coutume a fait l’objet
d’une codification dans le traité et l’on considère qu’au fond le traité n’est que
l’expression de la coutume qui continue à obliger de ce fait.
Enfin, sachons, qu’une disposition d’un traité peut éventuellement créer une
obligation à la charge d’un État tiers. Dans ce cas, il faudra que cet État accepte
expressément, par écrit, cette obligation. On pourra sur ce point faire référence à
l’article 35 de la Convention de Vienne et à la notion d’accord collatéral. L’article 35
dispose : « Une obligation naît pour un État tiers d’une disposition d’un traité, si les
60
Ainsi que l'écrit Sir Humphrey WALDOCK : « Un traité établit un régime objectif lorsqu'il ressort de ses
dispositions et des circonstances de sa conclusion que l'intention des parties est de créer dans l'intérêt général
des obligations et des droits de caractère général concernant une région, un Etat, un territoire, une localité,
un fleuve ou une voie d'eau déterminée ou une zone déterminée de la mer, du lit de la mer, ou de l'espace
aérien, à condition que parmi les parties se trouve un Etat ayant compétence territoriale à l'égard de l'objet du
traité, ou qu'un tel Etat ait consenti à la disposition en question ».
61
Arrêt de la CPJI, du 17 août 1923, dans l’Affaire du vapeur Wimbledon
Page 40
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
62
Comme le fit l’Allemagne qui en la matière est un véritable contre-exemple. En effet, le traité de Versailles
ayant internationalisé le canal, l’Allemagne devait accorder le droit de passage à tous les navires de nations en
paix avec elle, et ne pouvait par conséquent s’opposer au passage du navire chargé de matériel de guerre à
destination de la Pologne en guerre avec l’URSS.
Page 41
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Deux réponses sont possibles constituant ainsi les types d’interprétation possibles en
matière de traité. Ainsi donc un traité peut subir une interprétation authentique (A) ou
une interprétation non authentique (B).
A-L’INTERPRETATION AUTHENTIQUE.
L’interprétation authentique est celle qui est fournie par les Etats parties au
traité, la société internationale étant dépourvue d’autorité exécutive et de juridictions
de puissance publique. Selon la C.P.J.I « le droit d’interpréter authentiquement une
règle juridique appartient à celui-là seul qui a le pouvoir de la modifier ou de la
supprimer »63 Il est clair que pour cette juridiction seuls les Etats individuellement ou
en collège peuvent « parler pour la légalité » et de ce fait déterminer la teneur de la
« loi » qu’ils se sont souverainement donnés. Il n’est donc pas faux de dire qu’en vertu
de sa souveraineté chaque Etat a le droit d’indiquer le sens qu’il donne aux traités
auxquels il est partie. Cette interprétation est confiée à ceux dont on peut penser qu’ils
connaissent le mieux la règle dont ils ont contribué à former. L’interprétation
authentique peut être soit unilatérale soit collective.
63
C.P.J.I. avis consultatif du 6 décembre 1923 sur l’affaire Jaworzina.
64
Nguyen Quoc Dinh, « Droit international Public », 2002, 7e édition, p.255
Page 42
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
L’interprétation gouvernementale
Elle peut se faire par des circulaires ministérielles émanant du Ministre des Affaires
Etrangères qui est compétent pour les questions concernant les relations extérieures.
L’interprétation juridictionnelle
Les tribunaux judiciaires à l’exception de la chambre criminelle de la Cour de
Cassation, reconnaissent leurs compétences pour interpréter les conventions, lorsque
leur portée est sans ambiguïté et lorsqu’il s’agit de « conflits d’intérêts privés », mais
refusent d’interpréter des dispositions touchant des questions de droit public
international ( actes de haute administration) ou d’ordre public international65.
Le Conseil l'Etat, depuis l’arrêt d’assemblée « GISTI », du 29 juin 1990, admet sa
compétence pour interpréter un accord international.
Quant à l’interprétation collective, elle s’entend de celle qui est fournie par un
accord intervenu entre tous les Etats parties au traité. Cet accord revêt des formes
variées. Il arrive que simultanément à l’adoption du traité, les Etats négociateurs
adoptent ensemble un texte interprétatif. Il arrive encore que les Etats adoptent un
instrument interprétatif postérieurement au traité. Souvent, il prendra la forme
d’accord en forme simplifiée conclu selon la procédure courte, même si le traité de
base a revêtu la forme solennelle. Cet accord pourra se présenter sous la forme de
« protocole », « échange de notes », « échange de dépêches », « déclarations ». Il est
admis que cet accord postérieur peut être tacite et résulter des pratiques concordantes
des Etats quand ils appliquent le traité.
Pour éviter les difficultés que peut susciter l’interprétation par les parties, la
compétence d’interprétation peut être dévolue expressément à un tiers indépendant.
Les parties peuvent par une clause du traité donner compétence à un organe
65
La première chambre civile de la Cour de cassation, semble même être allée plus loin, puisque dans un
Arrêt du 10 décembre 1995, « Banque Africaine de Développement », Bull. 1995, p.327, elle déclare : « qu’il est
de l’office du juge d’interpréter les traités internationaux invoqués sans qu’il soit nécessaire de solliciter
l’avis d’une autorité non juridictionnelle ».
Page 43
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
66
YASSEEN (M.-K.), "L'interprétation des traités d'après la Convention de Vienne", RCADI, 1976, Vol. 151.
67
Comme exemple, retenons l’avis consultatif de la C.I.J. du 28 mai 1948 relatif aux conditions d’admission à
l’O.N.U.
Page 44
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Il est de ce fait du ressort des Etats de cette O.I de ne pas déterminer les organes
chargés de l’interprétation dans un sens ou dans un autre. Ces organes doivent opérer
en toute souveraineté. La bonne foi des Etats s’exprime à ce niveau par la retenue
qu’ils observent en vue de garantir l’indépendance de l’interprète. Aussi est-il
souhaitable que les Etats membres de l’O.I. endossent l’interprétation de leur organe
saisi. En ce sens que les organes sont aussi compétents pour les engager. De plus,
selon la Conférence de San Francisco, il est admis que l’interprétation a force
obligatoire si elle est « généralement acceptable » par les Etats membres. Les Etats
membres devront purement et simplement s’y conformer.
Page 45
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
68
C.I.J. Arrêt du 2 février 1973, dans l’ « Affaire de la compétence en matière de pêcheries »
Tribunal arbitral, sentence du 14 février 1985, dans l’ « Affaire de la délimitation de la frontière maritime entre
Guinée /Guinée Bissau », RGDIP 1985, p.484.
Page 46
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
interprétation, sous peine de ruiner sa propre crédibilité internationale. C’est bien dans
cette atmosphère de bonne foi que les procédés suivant seront mis en œuvre pour une
interprétation efficace.
Une interprétation selon le sens ordinaire à attribuer aux termes utilisés par le
traité. Il faut retenir le sens usuel des mots sauf s'ils sont utilisés dans un sens
technique. Fruit de la négociation, le texte est censé refléter l'intention réelle des
parties. Afin d'éviter d'inutiles difficultés d'interprétation, les parties aux traités
prennent soin d'introduire dans le texte un article d'interprétation et de définition69.
69
C.I.J., avis du 8 juin 1960, relatif à « la composition du Comité de sécurité maritime de l’Organisation
Intergouvernementale Consultative de la navigation Maritime »: « Les termes doivent être interprétés suivant
leur signification naturelle et ordinaire, selon le sens qu’ils ont normalement dans leur contexte. C'est
seulement si leurs termes sont équivoques qu’il faut recourir à d’autres interprétations ».
70
Ce qui n’aurait aucun sens tant au plan intellectuel qu’au plan juridique.
Page 47
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
obligations qui en découlent. Elle entend par but le résultat que les parties veulent
atteindre à travers la norme créée71.
Il peut aussi être recouru à la pratique ultérieurement suivie par les Etats
parties dans l'application du traité. Il s'agit d'inférer de la conduite adoptée par les Etats
parties lors de l'application de l'accord des indications sur le sens qu'ils entendent
prêter aux dispositions de celui-ci. Dans l'affaire du projet Gabcikovo–Nagymaros, la
Cour a considéré que le but du traité et l'intention dans laquelle les parties ont conclus
doivent prévaloir sur son application littérale. Le principe de bonne foi oblige les
parties à l'appliquer de façon raisonnable et de telle sorte que son but puisse être
atteint. À cet effet, les parties sont invitées à procéder à une interprétation évolutive
des clauses « d'adaptation » contenues dans le traité en cause.
71
C.P.J.I. avis consultatif sur les Ecoles minoritaires en Albanie, du 6 avril 1935, Rec. Série A/B, n°64, p.17
72
C.P.J.I. Affaire du statut de la ville de Memel, arrêt du 24 juin 1932, Rec. P.249 : « les travaux
préparatoires ne sauraient être invoqués pour interpréter un texte qui est lui même suffisamment
clair ».
Page 48
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
L'interprète peut faire appel à plusieurs méthodes. Le plus souhaitable est qu'il
s'en tienne à une interprétation minimaliste en ne s'écartant pas du sens ordinaire des
mots. Cette option n'est toutefois envisageable que lorsque le texte qui lui est soumis
n'est affecté d'aucune équivoque. En tout état de cause, l'interprète ne doit jamais se
laisser « abuser » par l'apparente clarté d'une disposition. Cette perception de l'exercice
procède de l'idée que l'auteur d'une disposition juridique n'a pas pu avoir en vue un
résultat absurde ou dépourvu de consistance.
Bien plus qu’à l’esprit de géométrie, l’interprétation des traités fait appel à
l’esprit de finesse. Les divers moyens et méthodes (décrits plus haut) constituent bien
davantage de directives générales que des règles rigides. Il appartient à l’interprète de
les appliquer avec souplesse et de les combiner. Il le fait en fonction de considérations
très diverses qui se prêtent mal à une synthèse.
Page 49
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Aussi, veille-t-il à conduire, à chaque fois que cela se justifie, son interprétation
à la lumière de l'objet et du but du traité73, s'efforçant, en outre, de garantir au mieux le
respect de l'effet utile de ce traité. Cette technique d’interprétation particulièrement
dynamique est quasi systématiquement utilisée par la C.J.C.E. pour vaincre les
résistances « nationalistes » des Etats membres de la C.E. La C.I.J. y a également
recours toutes les fois qu’elle croit devoir combler les lacunes d’un traité sans
dénaturer l’intention de ses auteurs.74
73
On parle alors de méthode de téléologique.
74
C.I.J. avis consultatif, 11 Avril 1949, Réparations des dommages subis au service des nations Unies, Rec.
P.174, spécialement l’argumentation relative aux pouvoirs implicites de l’O.N.U.
75
On pourrait aussi faire référence à l’arbitrage du 16 mai 1980 dans l’ « Affaire des dettes extérieures
allemandes », RGDIP, 1980.
Page 50
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
L’interprétation, comme on le voit, est un exercice très complexe. Elle doit être
confiée à un esprit éclairé et exempt de toute pression de nature à lui dicter son office.
Page 51
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
DEUXIEME PARTIE :
LA PORTEE DE LA BONNE FOI
DANS LE DROIT DES TRAITES
Page 52
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Le moins que l’on puisse dire est que le principe de la bonne foi a été
profondément promu par la Convention de Vienne. Il fait corps en tout point avec ledit
accord international. Sa définition prend des formes particulières en fonction du stade
d’élaboration ou d’application du traité. Cependant, le sens général est conservé en ce
sens que la bonne foi incite toujours au respect de la parole donnée, à l’exécution de
l’engagement pris en toute liberté.
La bonne foi a donc une importance, une valeur et une force certaine du fait de
sa présence dans la Convention. Sa puissance vient donc du fait qu’elle loge dans un
acte juridique d’importance incontestable au niveau international. Il faut alors compter
avec le concept de bonne foi dans les relations internationales. Pour sauvegarder des
relations internationales profitables à tous, la Convention de Vienne a élaboré un
régime très répressif contre tout acte de violation du principe de la bonne foi. La
sévérité des sanctions témoigne, en vérité, du caractère irremplaçable et
incontournable du principe de la bonne foi. Ces aspects développés plus haut mettent
en avant la portée du principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne. Par
portée, il convient de comprendre l’utilité, la valeur ou encore l’importance. La portée
du principe de la bonne foi à la lumière de la Convention de Vienne réside dans ses
buts (CHAPITRE I) et dans son régime répressif bien élaboré (CHAPITRE II).
Page 53
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
La bonne foi, appelée à régir les rapports entre Etats, infiltre de ce fait les
relations internationales. Mais qu’est ce que les relations internationales ? Au stade
actuel des connaissances et des traditions universitaires, on peut définir les relations
internationales comme « les rapports et les flux sociaux de toute nature qui
traversent les frontières, échappant ainsi à l’emprise d’un pouvoir étatique unique
ou auxquels participent des acteurs qui se rattachent à des sociétés étatiques
différentes ».76 De cet essai de définition, il ressort donc que c’est un critère de
localisation politique qui permet de déterminer si, en présence d’un rapport social
donné, il relève ou non des relations internationales. Quant à Jacques HUNTZIGER,
il affirme que « les relations internationales ont pour objet l’étude scientifique de la
vie internationale ». Il semble que Pierre RENOUVIN et Jean-Baptiste
DUROSELLE ne disent pas autre chose en affirmant que « l’étude des relations
internationales s’attache surtout à analyser et à expliquer les relations entre les
communautés politiques organisées dans le cadre d’un territoire c’est-à-dire entre
Etats … c’est donc l’action des Etats qui se trouve au centre des relations
internationales ». C’est bel et bien dans ces relations internationales que le principe de
la bonne foi tentera de se faire une place. En effet, du fait de son inclusion dans la
Convention de Vienne elle est appelée à régir d’une manière ou d’une autre les
relations internationales. Il en résulte que ses buts ou objectifs sont de rompre avec
l’ère tumultueuse des relations internationales (SECTION I) et d’ouvrir l’ère pacifique
desdites relations (SECTION II).
Les relations internationales ont longtemps été marquées par des conflits de
nature à écorcher les rapports interétatiques. Ce tumulte est intervenu sur un fond de
mauvaise foi de la part des acteurs en présence. Dans l’opinion commune, bonne foi et
76
M. GOUNELLE, Mémentos relations internationales, Paris, Dalloz, 2004, p.2.
Page 54
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Les relations bruyantes qui ont régi la scène internationale n’ont jamais été le
fait du hasard. Bien au contraire, elle a des faits générateurs bien connus : l’appétit
hégémoniste des Etats (A) et le règne de la violence (B).
Les Etats ont, de tout temps, mis en lumière leur instinct de dominer les autres,
de leur imposer leurs convictions. Ils ont ainsi crée de nombreuses situations
conflictuelles. C’est pourquoi la théorie réaliste78 reste centrale dans l’analyse des
relations internationales même si elle est largement critiquée. Elle propose une vision
des relations internationales qui s’efforce « de voir le monde tel qu’il est et non tel
que l’on voudrait qu’il soit ». D’où son nom. En cela, les principaux auteurs de ce
courant s’inscrivent dans la lignée des penseurs qui avait développé une vision
dépréciative des rapports humains. Il s’agit de MACHIAVEL (1469-1527) qui place
la sécurité de l’Etat au centre des préoccupations. C’est encore lui qui affirma
courageusement que « les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts ». De son côté
T.HOBBES a développé la vision d’un « état de nature » marqué par « la guerre de
tous contre tous ». En guise de contribution à l’analyse des relations internationales,
77
Romain YAKEMTCHOUK, La bonne foi dans la conduite internationale des États. Paris, Éditions techniques
et économiques, 2002, p.26.
78
Elle rend bien compte de cette réalité.
Page 55
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Carl Von CLAUSEWITZ79 semble faire la promotion de la guerre avec ces citations
plus ou moins effrayantes : « la guerre est la poursuite de la politique par d’autres
moyens » ; « En aucun cas, la guerre n'est un but par elle-même. On ne se bat
jamais, paradoxalement, que pour engendrer la paix, une certaine forme de paix ».
Pour ces auteurs, la société internationale est déterminée par les relations entre
entités politiques souveraines dont chacune tend à faire prévaloir son intérêt au moyen
de sa puissance par l’instrument de la diplomatie et de la guerre. Leur théorie est
composée de quatre éléments :
L’appétit de puissance.
La politique comme la société est gouvernée par des lois qui ont leur racine dans la
nature humaine. Or « l’homme est un loup pour l’homme ». Il n’aspire qu’à la
puissance. L’Etat est lui aussi doté d’un appétit de puissance. Cet « état de nature » fait
que la vie internationale est anarchique. Toute repose sur l’intérêt de l’Etat. Cette
course à l’appétit de puissance est tant bien que mal atténuée par la coopération.
79
Carl Philip Gottfried (ou Gottlieb) Von Clausewitz est né le 1er juin 1780 à Magdebourg et mort le
16 novembre 1831 à Breslau. Il fut un officier et théoricien militaire prussien. Il est l'auteur d'un traité majeur de
stratégie militaire : De la guerre.
Page 56
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Cette théorie dite réaliste apparaît quelque peu excessive. Mais c’est pourtant
elle qui nous facilite la compréhension des rapports interétatiques inamicaux. Elle met
en avant toutes les pulsions et passions mauvaises des Etats.
Ces rapports ont été conduits au rythme de la violence des plus forts contre les
plus faibles. Ces idées et citations émises plus haut ont ouvertement fait l’apologie de
l’affrontement, de la violence. Le terme « violence » dérive du latin « vis » qui désigne
la force sans égard à la légitimité de son usage. C'est donc « la force déréglée qui
porte atteinte à l’intégrité physique ou psychique pour mettre en cause dans un but
de domination ou de destruction l’humanité de l’individu».81 La violence est souvent
opposée à un usage contrôlé, légitime et mesuré de la force. La première (la violence)
tend éventuellement à la destruction totale. C’est à ce récital de force incontrôlée que
l’on a assisté dans les rapports interétatiques. Les causes de cette violence généralisée
sont multiples. Mais elles semblent solidement attachées à la nature humaine.
THUCYDIDE, historien de la guerre de Péloponnèse entre Athènes et Sparte82
est le premier à construire une réflexion sur les relations internationales. Selon lui, la
80
Extrait du cours d’Histoire des Relations Internationales du Docteur KOUASSI Yao
81
Blandine Kriegel. La violence à la télévision. Rapport de la Mission d’évaluation, d’analyse et de proposition
relatives aux représentations violentes à la télévision [archive], Ministère de la Culture et de la Communication,
France.
82 e
V siècle avant J.-C.
Page 57
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Pour certains, la violence a des racines biologiques. En effet, les recherches sur
le cerveau limbique et sur l’agressivité (propension d’un animal à en attaquer un autre)
montrent que l’auto-conservation se rencontre chez tout individu (même homme
d’Etat) et que les comportements d’agression sont des moyens d’expression et d’action
à la disposition de l’être vivant pour dialoguer avec son environnement et pour
maîtriser les relations qu’il tisse avec autrui. La conduite agressive est modifiée par
l’expérience : elle s’apprend et elle s’oublie. La violence s’explique encore selon
une autre tendance par des racines psychologiques. La tendance à désigner l’autre
(l’étranger) comme ennemi justifie l’usage de la violence à son encontre. Cela provient
également de l’attitude qui consiste à répudier, en les méconnaissant, les
comportements culturels d’autrui, simplement parce qu’ils sont différents.
83
M. GOUNELLE, op.cit., p.63.
84
http://www.evene.fr/citations/mot.php?mot=guerre&p=2, site consulté le 5 mai 2010.
Page 58
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Enfin, la violence dans les rapports internationaux peut s’expliquer par ses
racines structurelles. Friedrich ENGELS avait déjà mis en exergue l’existence d’une
violence structurelle, inhérente à la structure sociale, qui produit et consolide des
inégalités profondes contre lesquelles la seule méthode de lutte efficace est la violence.
De son côté, Johan GALTUNG85 montre que la persistance et l’aggravation des
inégalités entre Etats et au sein des Etats constituent des violences structurelles propres
au système international, et appellent des manifestations de contre-violence dans le but
de combattre ces situations.
L’histoire est la science qui étudie le passé humain. Elle note, en son sein,
l’histoire diplomatique. Cette dernière est la discipline qui s’intéresse à l’évolution des
rapports ou des relations entre les Etats à travers l’histoire. Aussi s’intéresse-t-elle aux
grands hommes qui ont marqués ces relations. Des exemples de mauvaise foi dans les
rapports internationaux sont perceptibles à travers cette branche de l’histoire. Ces
situations ont mis en avant la prééminence des intérêts personnels dans les relations
85
Il est le fondateur de l’Institut international de recherches sur la paix d’Oslo.
Page 59
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
86
Jean Baptiste DUROSELLE, Histoire des relations internationales de 1919 à 1945, Paris, 12e édition, Armand
Collin, p.145.
87
Mein Kampf (Mon Combat ) est un ouvrage rédigé par Adolf Hitler entre 1924 et 1925 pendant sa détention à
la prison de Landsberg, détention consécutive au putsch de la Brasserie, coup d'État manqué. Il contient des
éléments autobiographiques, l'idéologie politique du nazisme, l'histoire des débuts du Parti national-socialiste des
travailleurs allemands (Nationalsozialistische deutsche Arbeiterpartei : NSDAP ) et diverses réflexions sur la
propagande ou l'art oratoire.
Page 60
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
internationale. Ainsi on peut lire des déclarations telles que : « Il n’y a pas de droit
international », « Il nous faut l’Europe et ses colonies ». Il réclame en outre, un
espace vital dans la mesure de ses besoins, abolit les libertés fondamentales, dissout
les syndicats et les remplace par le front du travail. L’infaillibilité et la supériorité de la
race aryenne sont les bases de la dictature nazie. Il a des visées impérialistes. C’est
ainsi qu’en Octobre 1933, l’Allemagne quitte la S.D.N. pour accélérer son
réarmement. En mars 1935, c’est le rétablissement du système militaire, la création
d’une aviation de guerre. Ce qui consacre une nouvelle violation du traité de
Versailles.
L’Italie, de son côté, apparaît comme un Etat fasciste. Le fascisme dans son
essence est une doctrine de violence, de tyrannie et de guerre. L’Etat fasciste est un
Etat totalitaire, antidémocratique, ultra nationaliste. MUSSOLINI arriva comme chef
de gouvernement en Octobre 1922. Pour lui « Tout doit être dans l’Etat, rien en
dehors de l’Etat, rien contre l’Etat ». Il se fait appelé le « Duce » qui a toujours
raison. Toute opposition à sa doctrine est impossible. MUSSOLINI s’engage dans un
impérialisme sans précédent (colonisation de la Libye, conquête de l’Ethiopie etc.…)
ou aide à Franco en Espagne.
Cette guerre mondiale a, quatre (4) ans durant, animé la vie internationale. Elle
a engendré des conséquences inimaginables. Retenons simplement son bilan humain.
Page 61
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Tel est le bilan macabre du défaut de bonne foi et de sincérité dans les rapports
interétatiques. C’est donc dire que des vies humaines peuvent être mises en danger par
le défaut de sincérité entre les acteurs internationaux. L’axe ROME-BERLIN-TOKYO
a fait pleinement montre de mauvaise foi dans la conduite des affaires à l’international
engendrant de ce fait de lourdes conséquences. Et dire que cet exemple sinistre n’est
pas le seul perceptible dans la société internationale. L’autre contre exemple de bonne
foi dans les rapports internationaux qui peut être retenu est la guerre froide.
Sortie affaiblie d'une guerre sans merci et sans gloire, l'Europe après le champ
de bataille devient l'enjeu d'une rivalité dangereuse entre les États Unis et l'Union
soviétique. Cette rivalité coupera finalement le monde en deux camps opposés pendant
près de quarante cinq ans : le monde dit « libre » et le monde communiste. L’humanité
se trouvera désormais dominée par l'Aigle américain et l'Ours russe90, deux colosses
que tout ou presque oppose: l'idéologie, le système politique, le système économique,
la vocation maritime pour l'un, la vocation terrestre pour l'autre etc...
88
On comptait sept millions de Juifs en Europe avant la guerre et seulement un million après.
89
Http://fr.wikipedia.org/wiki/Bilan_de_la_Seconde_Guerre_mondiale, consultée le 10 mai 2010.
90
Devenu depuis 1917 l'Union soviétique.
Page 62
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
91
Au lendemain de la deuxième guerre mondiale.
Page 63
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
le monopole nucléaire américain et se retirent d'Iran. Cette tension dans une zone déjà
stratégique amène les USA à prêter une oreille de plus en plus complaisante aux appels
au secours britanniques déjà empêtrés en Grèce face aux forces communistes. En
Turquie, Staline revendique une défense commune des détroits turcs avec les autorités
d'Ankara. . A l'O.N.U., qui fonctionne depuis le 24 octobre 1945, Moscou utilise de
manière systématique son droit de veto et s'oppose à toute intervention « onusienne »
dans la guerre civile grecque et s'oppose à la création d'une agence atomique
internationale. En réalité, elle préparait sa bombe atomique qu'elle ferait exploser en
1949.
Au début de l’année 1947, la rupture entre les anciens alliés de la guerre contre
l'Allemagne est consommée et les deux Grands qui chacun dans sa logique, se voient
contraints de structurer en blocs d'alliances rivaux les « zones d'influence » qu'ils
contrôlent. Deux zones d'influence sont désormais matérialisées sur le continent
européen et progressivement dans le reste du monde. Antagonisme idéologique, la
Guerre froide sera successivement une matérialisation de deux zones d'influence avant
de devenir à partir de 1947 un antagonisme institutionnel. « Le moment était venu de
ranger délibérément les Américains à la tête du monde libre » écrira plus tard Harry
TRUMAN. Yalta n'aura été finalement qu'un immense raté pour la paix du monde. La
guerre froide a encore été une aubaine pour les grandes puissances de promouvoir
leurs valeurs. Cela au détriment de la stabilité et de la quiétude internationales. Chacun
était animé d’une volonté manifeste d’écraser l’autre.
Page 64
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Les rapports internationaux ont besoin de sécurité. Autrement dit, ces échanges
interétatiques doivent être tranquilles et confiants. Ils doivent se dérouler dans le
sentiment, d'être à l'abri de tout danger et risque. La sécurité associe alors calme,
confiance, quiétude, sérénité, tranquillité, assurance et sûreté en vertu du droit. C’est
pourquoi le droit92 doit être sécurisé93 et généré la sécurité entre les Etats parties. La
sécurité est si incontournable à l’international que selon Jean DELUMEAU94 : « La
plus grande pulsion n'est pas la libido mais le besoin de sécurité ». C’est
certainement en connaissance de cause que la Convention vise la sécurité des rapports
internationaux à travers la protection de la confiance légitime (A) et le règne du droit
(B).
92
Entendu ici comme l’ordonnancement juridique établi par les parties.
93
C’est-à-dire exempt de toute manipulation tendant à le vider de son sens.
94
Jean Delumeau, né le 18 juin 1923 à Nantes, est un historien français spécialiste du christianisme, en
particulier de la période de la Renaissance.
Page 65
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Les relations internationales sont le lieu pour les sujets de droit international de
faire montre de l’amitié qui les lient. Mais celle-ci ne peut se faire sans un minimum
de confiance. Car « l'amitié sans confiance, c'est une fleur sans parfum ». 95 La
confiance serait donc, dans les relations interétatiques, un ingrédient qui parfume et
apporte une touche de sécurité. En effet, l’on ne saurait contracter avec une personne
en qui l’on n’a pas confiance. Comme le souligne la Cour « la confiance réciproque
est une condition inhérente de la coopération internationale, surtout à une époque
où, dans bien des domaines, cette coopération est de plus en plus indispensable »96 Il
y a alors un minimum de confiance légitime qui doit exister entre les Etats parties à un
traité. Chacun doit avoir confiance en chacun.
Et c’est cette confiance légitime que défend le principe de bonne foi dans la
Convention de Vienne. Les Etats qui souhaitent contracter sont sous le règne de la
Convention tant dans l’élaboration, la validité, l’interprétation que dans l’application
du traité. Ils s’engagent, de ce fait, à satisfaire en ces points aux exigences du droit des
traités. Lesquelles exigences accordent une place de choix au principe de la bonne foi.
Du coup, cet état des choses crée une confiance entre les parties. Elles se savent en
sécurité vis à vis de leurs partenaires. L’on dit alors qu’il y a de la confiance entre les
Etats contractants.
95
Marie-Louise Félicité Angers, dite Laure Conan, née à La Malbaie (Canada-Est, aujourd'hui le Québec) le 9
janvier 1845, décédée le 6 juin 1924 à l'Hôtel-Dieu de Québec, est une écrivaine canadienne-française.
96
CIJ, arrêt, Australie. Et Nouvelle-Zélande c/ France, affaire des essais nucléaires, 1974 sur
http://www.icj-cij.org.
Page 66
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Il en est de même dans les relations interétatiques. Toutefois, dans ces rapports,
la Convention de Vienne joue un rôle dans l’établissement des bases de la confiance.
Rappelons que la Convention n’oblige pas les Etats à contracter. Bien au contraire,
elle reconnaît leur liberté contractuelle. Mais, elle impose un environnement dans
lequel la conclusion de l’accord international doit se faire. De plus, elle oblige les Etats
contractants à respecter leurs engagements. Le droit des traités veut enseigner aux
contractants cette idée bien simple : « Lorsque je fais ce que je dis et dis ce que je
fais, je suis digne de confiance ». De là, nous comprenons aisément que la vérité est
le ciment de la confiance.
On comprend alors que le plus difficile pour les Etats n’est pas de se faire
mutuellement confiance. Mais de rester fidèle et digne de la confiance placée en eux.
C’est pourquoi l’on affirme couramment que « Faire confiance est une preuve de
courage, être fidèle est un signe de force ».Certains Etats sont même appelés
« Etats voyous » parce que n’étant pas dignes de confiance. Cette expression d' « Etat
voyou » renvoie au concept d'un État qui ne respecte pas les lois internationales les
plus essentielles, organise ou soutient des attentats, ou viole de manière systématique
les droits les plus élémentaires de l'être humain. L'appellation a été utilisée dans un
premier temps par le gouvernement des États-Unis et certains de leurs alliés, comme le
Royaume-Uni. Les accusations principales contre ces États sont l'appui, réel ou
présumé, qu'ils accordent au terrorisme international et la possession ou l'ambition de
posséder des armes de destruction massive98.
97
http://fr.wikipedia.org/wiki/Confiance, consulté le 12 mai 2010.
98
L'utilisation de cette expression a ensuite été fortement discutée, certains parlent même des États-Unis comme
du premier état voyou au monde. Le concept d' «Etat voyou » (rogue state en anglais) est né sous la présidence
Page 67
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
S’il est vrai que la confiance légitime aide à sécuriser les rapports
internationaux, il est aussi vrai que le règne du droit y apporte une contribution non
négligeable.
Dans cette veine, la Convention protège les droits et les devoirs des parties. Il
en ressort que chacune des parties doit assurer aux autres leurs droits. Et le faisant elle
satisfait à ses obligations. Obligations et droits constituent donc le droit qui existe
entre les Etats parties au traité. Quant à la bonne foi, elle veille à consolider ce droit, à
assurer son règne. On ne saurait donc se contenter de constater avec MACHIAVEL
qu’ « un Prince ne peut ni ne doit tenir sa parole que lorsqu’il le peut sans se faire
de Ronald REAGAN dans les années 1980 pour qualifier le régime et la politique adoptée par la Libye du
colonel KADHAFI. Dans cette première approche, la définition d’un État voyou reposait sur la menace qu’il
représentait pour la sécurité collective et pour les intérêts américains.
Page 68
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
tort »99 ou, comme l’écrivait un ambassadeur de sa gracieuse Majesté, que les
diplomates sont « d’honnêtes gens envoyés mentir à l’étranger pour le bien de leur
pays »100. Les parties sont chargées d’assumer à la fois les droits (avantages) et les
obligations pour que le traité vive. C’est l’un des soucis de la Convention de le leur
faire connaître. Nous devons donc rejeter et même condamner avec la dernière énergie
ces idées à la morale légère. En clair, elles tendent à faire passer le diplomate pour un
homme malhonnête, malin et rusé qui ne respecterait ses engagements que lorsque
ceux-ci lui seraient favorables. Que seraient alors les relations internationales si
chacun de nos dirigeants devait agir de la sorte ?
Les Etats l’ont tellement bien compris que lorsqu’ils ne peuvent assumer des
obligations, ils préfèrent ne pas contracter. Ils font ainsi preuve de bonne foi et garde
alors intacte leur image à l’échelon international.
Retenons l’exemple des Etats qui n’ont pas ratifiés le protocole de Kyoto.
D’abord sachons que le protocole de Kyoto est un traité international visant à la
réduction des gaz à effet de serre, dans le cadre de la C.C.N.U.C.C dont les pays
participants se rencontrent annuellement depuis 1995. Signé le 11 décembre 1997 lors
de la troisième conférence annuelle de la Convention à Kyoto, il est entré en vigueur le
16 février 2005 et a été ratifié à ce jour par 183 pays, à l'exception notable des États-
Unis. En France, l’entrée en vigueur s’est traduite par le décret n°2005-295 du 22 mars
2005, permettant la mise en œuvre des modalités de fonctionnement au niveau de
l’Union européenne, ardent défenseur du protocole.
99
Romain YAKEMTCHOUK, op. cit, p.26.
100
Idem
Page 69
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
supplanter les États-Unis en tant que premier émetteur de CO2 d’ici peu ». A
entendre des chercheurs des universités de Berkeley et San Diego, la Chine a sans
doute dépassé les émissions de CO2 des USA dès 2006. Politiquement, le
gouvernement BUSH a justifié son retrait par le fait que la République populaire de
Chine, second émetteur mondial de gaz à effet de serre, n’a pas d'objectif de réduction
contraignant en vertu du protocole. En outre, ils justifient leur non-adhésion par le fait
que leur industrie est énergétiquement plus efficace que celle de la majorité des
signataires. Enfin, les États-Unis préfèrent investir dans les nouvelles technologies et
refusent tout accord multilatéral contraignant, car aucune obligation ne pèse sur les
pays en voie de développement101.
L’exemple est marquant. L’on ne peut reprocher aux Etats-Unis leur honnêteté.
Ils n’ont point ratifié un traité qu’ils n’auraient pas appliqué. En cela, ils ont fait
preuve de bonne foi. L’on n’est pas, en principe, tenu d’appliquer un accord auquel on
n’est pas partie. Alors que sur les parties à un accord pèse une obligation de
l’appliquer de bonne foi. En somme, c’est bien ce que les Américains semblent avoir
compris.
101
En particulier sur la Chine et l'Inde, deux gros émetteurs de gaz à effets de serre .
Page 70
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Dans un système basé sur la coopération, les différents acteurs travaillent dans
un esprit d'intérêt général. Cela suppose alors un certain degré de confiance et de
compréhension. C’est en cela que la coopération est antagoniste à la concurrence. La
coopération est donc l’action de coopérer, de collaborer. Kofi ANNAN ne s’est pas
fait prier pour publiquement venter les mérites de la coopération. Selon lui, « La seule
voie qui offre quelque espoir d'un avenir meilleur pour toute l'humanité est celle de
la coopération et du partenariat »102. La jurisprudence internationale semble le
conforter dans cette pensée. La C.I.J, dans son arrêt Australie et Nouvelle-Zélande c/
France, affaire des essais nucléaires, 1974 ne dit pas le contraire. Elle va jusqu’à
soutenir que « cette coopération est de plus en plus indispensable ». En clair, parler
de coopération des Etats, c’est parler d’action conjointe desdits Etats. C’est donc à cela
que veut aboutir la Convention de Vienne : amener les Etats, dans la sincérité, à agir
de concert.
102
Extrait de son discours à l’Assemblée générale de l'O.N.U. du 24 Septembre 2001.
Page 71
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Renforcer la confiance mutuelle et des relations de bon voisinage entre les États
membres ;
Faciliter la coopération entre ces États dans les domaines politiques,
économiques et commerciaux, scientifiques et techniques, culturels et éducatifs,
ainsi que dans les domaines de l’énergie, des transports, du tourisme et de
l’environnement ;
103
Voir annexes.
Page 72
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Pour l'année 2006, les dépenses militaires des pays membres de l'O.T.A.N
s'élèvent à 796,7 milliards de dollars contre officiellement 85 milliards pour l'O.C.S 106.
Les acquis de cette structure se placent essentiellement dans le domaine de la sécurité :
manœuvres communes (sino-kazakhes, puis sino-russes en 2005), instance commune
de lutte contre le terrorisme. Par des prises de position communes la Chine et la Russie
font front face à l’influence des États-Unis dans la région. Pour certaines sources107,
cette organisation constituerait une alternative à l’O.T.A.N., susceptible de faire
pencher de son côté l’Inde, dont les États-Unis recherchent l’alliance face à la Chine.
Cette coopération est un très bel exemple que les Etats devraient imiter. Ce succès
s’est bâti non avec la mauvaise foi, la malhonnêteté mais sur la base de la bonne foi.
Car jamais dans l’action des Etats membres une quelconque entreprise emprunte de
104
La capitale de l'Ouzbékistan.
105
Courrier international, n° 874.
106
Dont 49,5 milliards pour la Chine et 34,7 milliards pour la Russie.
107
« À l’Est, du nouveau » , dedefensa.org, archive du 7 juillet 2005.
Page 73
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
mauvaise foi n’a été relevé. Quelles sont alors les avantages d’une
coopération soutenue par la bonne foi des Etats ?
108
Voir supra page 56.
109
P.F. GOMIDEC, Relations Internationales, Montchrestien, Paris, 1977, p.489-496.
Page 74
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Tel est le cas des accords entre les pays africains et les leurs anciennes
puissances colonisatrices. Sur cette lancée, l’A.P.D. de la France aux P.V.D et pays
pauvres est passée de 3 milliards 166 millions d’euros en 2008 à 3 milliards 166
millions en 2009. Cette aide consiste en des dons et des prêts. L’hexagone a, en outre,
annulé les dettes de plusieurs pays en difficultés ces dernières années. L’A.P.D
d’origine française est accordée selon des priorités géographiques110. Quelles sont,
pour les pays africains, les finalités d’une telle aide ? D’une manière générale, l’aide
octroyé par la France vise à soutenir les efforts qu’ils consentent pour produire leurs
propres richesses. Il s’agit principalement d’un appui aux entreprises et aux O.N.G, de
la garantie au financement du secteur bancaire. Ainsi, l’aide bilatérale française se
traduit par 5 types de concours :
110
Cette aide concerne en premier l’Afrique subsaharienne et en second lieu l’Afrique du Nord et l’Océanie. En
2008, l’Afrique subsaharienne a bénéficié de près de 48% de l’aide bilatérale française. L’autre priorité
géographique est l’orientation de l’aide vers les pays francophones. L’on comprend mieux qu’en 1992, 7 des 10
principaux receveurs de l’aide étaient des pays francophones.
Page 75
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
111
Extrait du cours de Droit International Economique du Docteur Jonathan GBEDE, enseignant à l’U.C.A.O.
Page 76
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Le caractère relatif de la nullité retenue résulte de la lettre même des articles 46,
48, 49, et 50 de la Convention d’après lesquels un seul Etat contractant, celui qui est
victime de l’irrégularité, peut l’invoquer. C’est aussi à propos de ses causes de nullité
112
http://www.juritravail.com/lexique/Nullite.html, site consulté le 17 mai 2010.
Page 77
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
que l’article 45 de la Convention dispose expressément qu’un Etat ne peut plus les
invoquer si, après avoir eu connaissance des faits, il « a explicitement accepté de
considérer que le traité est valide » ou si à raison de sa conduite, il doit être considéré
comme ayant acquiescé à la validité du traité ». Examinons donc les causes de la
nullité relative (A) et les effets de cette dernière (B).
Rappelons tout d’abord que le consentement des Etas parties au traité ne doit
pas méconnaître les règles internes y afférentes. Ces règles sont celles qui, dans
l’ordonnancement juridique interne, couvrent la question de l’expression du
consentement à être lié. Si de telles normes ont été violées, cette situation est alors
constitutive de ratification imparfaite. Par ratification imparfaite, il convient de
comprendre le non respect par l’Etat de la forme d’expression de son consentement à
être lié. La configuration doctrinale a longtemps été divisée quant à la sanction
applicable à cette irrégularité. Le premier courant a été favorable à la nullité du traité.
Pour le second courant113, il est sans pertinence de prendre en considération le droit
interne car la constatation de sa violation échappe au droit international, qui s’en tient
à la manifestation extérieure de la volonté de l’Etat, attestée par la signature ou le
dépôt des instruments de ratification114. Dans ce débat, la Convention de Vienne de
1969 a opté pour la solution médiane en admettant à son article 46 que la violation des
règles internes puisse justifier la nullité d’un traité et que l’Etat puisse s’en prévaloir,
si cette violation est « manifeste » et « d’importance fondamentale ». La violation
113
Courant mené par BLIX, VITTA, ANZILOTTI, FITZMAURICE.
114
Voir Sir G. FITZMAURICE, Ann. C.D.I., 1958, II, p.25 et 35-36.
Page 78
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
115
Si dans l’affaire du Groenland oriental la C.P.J.I. a estimé, contre la thèse norvégienne, que la fameuse
« déclaration Ihlen » reconnaissant la souveraineté danoise sur le Groenland oriental ne constituait en rien la
violation d’une règle fondamentale du droit interne norvégien, c’est parce que l’incompétence du ministre
invoquée par le gouvernement norvégien ne consistait pas dans l’intrusion de celui-ci dans un domaine attribué
au chef de l’Etat ou au parlement..
Page 79
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Ces vices entraînent la nullité relative du traité. Mais en quoi consiste cette
nullité ? Quelle est son étendue ? Répondre efficacement à ses préoccupations passe
par l’examen des effets de la nullité relative.
Page 80
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Dans le cas où la nullité d’un traité bilatéral est admise, le traité dans son
ensemble, ou les dispositions frappées de nullité, cessent d’avoir effet à l’égard des
parties.
Le problème est beaucoup plus complexe dans le cas d’un traité multilatéral : la
nullité ne produit pas nécessairement les mêmes effets vis-à-vis de l’Etat dont le
consentement a été vicié et à l’égard des autres parties. En principe, le traité demeure
valable dans les relations de celles-ci entre elles ainsi que le rappelle l’article 69
paragraphe 4 de la Convention de Vienne.
Ce principe de la nullité est par ailleurs sérieusement menacé par le fait que,
d'une part, le retour au statu quo ante est conditionné par une demande en ce sens de la
partie lésée et que, d'autre part, ne se fait (répétons-le) que « pour autant que
possible ». Les traités frappés à l’origine de nullité relative peuvent donc voir certains
de leurs effets maintenus, soit qu’il est impossible de les effacer, soit qu’ils résultent
d’actes accomplis de bonne foi avant que la nullité ait été invoquée (article 69
paragraphe 2.b), soit encore que la partie contractante s’oppose à la mise des choses en
l’état. En effet, l’article 69 paragraphe 2.b de la Convention se borne à indiquer que
« toute partie peut demander à toute autre partie… » la remise en état de la situation
existante avant la conclusion du traité vicié
116
Pour que cela soit possible, il faut que:
les clauses en question soient séparables du reste du traité en ce qui concerne leur exécution.
l'acceptation desdites clauses n'ait pas constitué pour l'autre partie ou les autres parties la base
essentielle de leur consentement à être lié par le traité dans son ensemble.
il ne soit pas injuste de continuer à exécuter ce qui subsiste du traité.
Page 81
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
(corruption), l’Etat qui a le droit d’invoquer le dol ou la corruption peut le faire soit à
l’égard de l’ensemble du traité, soit, dans le cas visé au paragraphe 3, à l’égard
seulement de certaines clauses déterminées ».
D’après l’article 65, la partie qui invoque le vice du consentement, ou tout autre
motif admis par la Convention pour contester la validité d’un traité, doit notifier au
préalable par écrit, sa prétention aux autres parties. Ainsi, seules les parties au traité
litigieux peuvent déclencher l’action en nullité. C’est dans cette même idée qu’il
ressort des articles 46, 48, 49 et 50 que seul l’Etat dont le consentement a été vicié
peut invoquer la nullité du traité dans les hypothèses de ratifications imparfaite,
d’erreur, de dol ou de corruption de son représentant.
La nullité du traité ne revêt pas toujours un caractère relatif. Bien souvent, elle
prend une connotation absolue. C’est une nullité de degré supérieur à celui de la nullité
relative.
117
Ph. CAHIER, « Le comportement des Etats comme source de droits et d’obligations », Mél. Guggenheim,
Genève, 1968, p.237-265.
Page 82
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Les traités affectés des vices les plus graves (contrainte ou violation d'une
norme de Jus Cogens) sont concernés par la nullité absolue. Ces vices portent
atteinte, au-delà de la situation des victimes directes, à l’ordre public international.
L’ordre public international est l’état de la société internationale caractérisé par la
paix, la sécurité publique et la sûreté. Il est donc logique que dans ces circonstances,
toute partie contractante puisse l'invoquer. Il s’agira pour nous d’étudier ses causes
(A) et ses effets (B).
La nullité absolue est la sanction des infractions les plus graves : la contrainte et
la violation des normes de Jus Cogens.
La contrainte peut être dirigée contre le représentant d’un Etat (article 51) ou
contre l’Etat lui-même (article 52). La contrainte contre le représentant de l’Etat peut
prendre diverses formes : actes de violence physique, mais aussi de menace de porter
atteinte à la réputation et/ou au crédit du représentant. Le cercle personnel pris en
compte est élargi aux membres de la famille du représentant et aux êtres qui lui sont
chers. Ici, la contrainte est exercée contre le représentant de l’Etat pris comme
individu et non comme organe de cet Etat. L’origine de la contrainte importe peu, en
revanche, il est nécessaire qu’apparaisse un lien de causalité entre la contrainte et le
fait pour la personne en cause d’avoir accompli un des actes indispensables à la
conclusion d’un accord118.
118
L’exemple de la signature du traité instituant le protectorat allemand sur la Bohême
Moravie. Le président Hacha affaibli par la maladie et son ministre des affaires étrangères furent contraints de
conclure ce traité. HITLER les menaça, en effet, de bombarder massivement Prague s’ils ne pliaient pas. Il est
assez difficile dans un tel cas de figure de faire la distinction entre la contrainte exercée sur la personne du
représentant de l’Etat et la contrainte exercée à l’encontre de l’Etat lui-même.
Page 83
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
119
Bien que l’on se situe dans une période antérieure à la Charte et a fortiori à la Convention de Vienne, il est
clair que l’accord de Munich du 29 septembre 1938 offre un parfait exemple de traité conclu notamment sous la
contrainte. Conscient que ni la France, ni la Grande-Bretagne n’interviendraient, HITLER n’a jamais envisagé
autre chose que de s’emparer de la Tchécoslovaquie par la force. À la fin du mois d’août et au début du mois de
septembre 1938, le Reich a concentré d’importantes troupes à la frontière germano-tchécoslovaque. Usant
alternativement de la menace et d’une bonne volonté feinte, HITLER a conduit français et britanniques à
accepter des conditions inacceptables.
Page 84
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
impératives de droit international, ils sont donc obligés de s’y conformer. Cette
conformité du traité auxdites normes assure à celui-ci sa pleine validité. Or tout traité
voulant produire des effets de droit se doit d’être valide.
Rappelons que la nullité du traité, du fait d’une violation des normes de jus cogens,
peut survenir du fait de :
La non-conformité de l’objet du traité avec les normes de jus cogens lors de sa
conclusion. Son siège est l’article 53 : « Est nul tout traité qui, au moment de sa
conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international
général ».
L’insoumission de l’objet du traité à une norme de jus cogens qui lui est
postérieure.
Dans l’ensemble, les parties sont « tenues » par les mêmes obligations en cas de
survenance d’une nouvelle norme impérative, sous la réserve importante que, dans
cette hypothèse, la nullité n’est pas rétroactive. Cela ressort de l’article 71 paragraphe
2 : « Ne porte atteinte à aucun droit, aucune obligation, ni aucune situation juridique
des parties, créés par l’exécution du traité avant qu’il ait pris fin ». Le traité est annulé
Page 85
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
pour l’avenir, il n’est pas frappé d’une nullité ab initio puisqu’il était valide « au
moment de sa conclusion ».
Quant à l’article 65, il prêche que la partie qui invoque le vice du consentement,
ou tout autre motif admis par la Convention pour contester la validité d’un traité, doit
notifier au préalable par écrit, sa prétention aux autres parties. Ainsi, seules les parties
au traité litigieux peuvent déclencher l’action en nullité. C’est pourquoi la nullité sur la
base de la contrainte ou de la contrariété du traité avec une norme de Jus Cogens peut
être invoquée par n’importe quel Etat partie. Selon le professeur REUTER, « ce sont
les Etats qui prononcent la nullité, faute d’une autorité juridictionnelle »121.
Enfin, sachons que compte tenu de la gravité des faits, la divisibilité est exclue
dans l'hypothèse d'un recours à la contrainte ainsi que dans celle d'un traité en conflit
avec une norme impérative du droit international général.
120
Règle prévue expressément pour les irrégularités entachant le consentement.
121
P.REUTER, op. cit., p.138.
Page 86
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
122
David RUZIE, op.cit, p.120.
123
Exemples des conventions de La Haye sur les lois et coutumes de la guerre.
124
C.I.J., avis consultatif sur l’interprétation des traités de paix, 1950.
Page 87
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Cette définition vaut pour tout sujet de droit international et l’on peut dire que la
responsabilité internationale peut être engagée dès lors qu’un manquement au droit
international a été commis et que ce manquement peut être attribué à un sujet du droit
international. Pour que la violation d’une obligation internationale constitue un « fait
internationalement illicite », il faut donc la réunion des deux éléments cités plus haut.
125
C.P.J.I., 17 août 1923, Wimbledon, Série A, n°1 ; 4 février 1932, avis relatif au Traitement des nationaux
polonais à Dantzig, série A/B, n°44, p.4.
126
C.P.J.I., 25 mai 1926, Intérêts allemands en haute-Silésie polonaise, Série A, n°7, p.19.
Page 88
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Le fait doit pouvoir être rattaché à un Etat. Ainsi, il existe plusieurs mécanismes
de rattachement d’un fait internationalement illicite à un Etat. L’Etat répond alors :
Des faits des autorités étatiques ;
Des faits des démembrements de l’Etat ;
Des faits des particuliers ;
Des faits d’insurrection.
L’imputabilité ou l’attribution à l’Etat est très largement admise dès lors que le
comportement dénoncé émane de personnes ou d’organes sous son autorité effective.
Le droit international confirme, par ce biais, que les habilitations juridiques internes ne
sont que des faits pour les autres sujets de droit international. La responsabilité
internationale de l’Etat est donc engagée par tout organe ou « entité » que le droit
national désigne comme tel, mais aussi par ceux qui sont habituellement considérés
comme tels. C’est pourquoi le fait illicite est toujours attribué à l’Etat au nom duquel
agit l’auteur de l’acte127 ou du comportement illicite. La responsabilité de l’Etat est
encore susceptible d’être engagée, selon l’article 7 du projet d’articles de la C.D.I., par
le fait d’un agent incompétent. Ajoutons aux personnes pouvant engager l’Etat, les
particuliers qui à la suite d’évènements exceptionnels, en temps de guerre notamment,
se conduisent en fonctionnaire de fait et les particuliers qui exercent une activité
précise à l’instigation de l’Etat dont ils exécutent les injonctions.
127
L’acte peut être administratif, législatif ou juridictionnel.
Page 89
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Quant aux faits des particuliers, le principe général est très clair : l’Etat n’est
pas responsable des faits de particuliers, car leurs actes ne peuvent lui être attribués. A
cette règle générale, il peut exister une exception (qui n’est qu’apparente). En clair,
l’Etat peut être tenu responsable des faits des particuliers sous sa juridiction lorsqu’il
n’a pas pris des précautions suffisantes pour prévenir un incident ou pour protéger les
victimes128.
C-LE PREJUDICE.
128
La C.I.J., sur ce pont, a dans son arrêt du 24 mai 1980 relatif à l’affaire Personnel diplomatique et consulaire
des Etats-Unis en Iran, reconnu que la responsabilité de l’Iran était engagée du fait de la carence de son
gouvernement face aux attaqus des locaux diplomatiques menées par des « militants ».
Page 90
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
129
ANZILOTTI, Cours de droit international, Sirey, 1929, vol. I, p.523.
Page 91
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
L’obligation de réparer tout manquement au droit est impliquée par toute règle
juridique et présente un caractère d’automaticité130. L’article 31 du projet d’articles de
la C.D.I précise que « l’Etat responsable est tenu de réparer intégralement le
préjudice causé par le fait internationalement illicite ». Le projet de la C.D.I poursuit
toujours en son article 34 pour nous dire que : « La réparation intégrale du préjudice
causé par un le fait internationalement illicite prend la forme de restitution,
d’indemnisation et de satisfaction, séparément ou conjointement »131. Examinons
alors dans un premier mouvement la restitution (A) et dans un second l’indemnisation
et la satisfaction (B).
130
C.P.J.I., 13 septembre 1928, Usine de Chorzow, Série A, n°17, p.29. Obligation de réparer dans une forme
adéquate avait-elle précisée auparavant dans la même affaire 26 juillet 1927, Série A, n°9, p.21.
131
Voir aussi l’arrêt du T.I.D.M du 1er juillet 1999, affaire du Saiga.
132
« La cour constate que c’est un principe de droit international, voire une conception générale du droit, que
toute violation d’un engagement comporte l’obligation de réparer ».
133
Sentence arbitrale dans l’affaire Texaco-Calasiastic, 19 janvier 1977, J.D.I., 1977, p.350.
Page 92
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Si l’acte illicite est un acte juridique, la remise des choses en l’état consiste dans
son annulation, indépendamment de sa nature, même s’il s’agit d’une décision de
justice134. Relativement à l’affaire Yerodia, la C.I.J. a estimé, dans son arrêt du 14
février 2002, que la Belgique devait « par les moyens de son choix, mettre à néant le
mandat d’arrêt » illicite émis contre le ministre des affaires étrangères de la R.D.C.
« et en informer les autorités auprès desquelles ce mandat a été diffusé » alors même
que les fonctions de l’intéressé avaient cessé, position contestée non sans raison par
certains juges.
134
Sentence arbitrale du 3 mai 1930, affaire Martini, R.S.A. Vol. II, p.975
135
M.SINKONDO, Droit International Public, Ellipses, 1999, p. 227.
Page 93
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
136
Sentence arbitrale du 1er novembre 1923, affaire de Lusitania, R.S.A., vol. VII, p.34.
137
Mesures administratives ou disciplinaires.
138
Sentence arbitrale du 6 mai 1913, affaires du Carthage et du Manouba, R.S.A. vol. IX, p.472 ;
C.I.J., 15 décembre 1949, Détroit de Corfou, Rec. 1949, p.36.
C.I.J., 27 juin 2001, LaGrand.
Page 94
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Bien que, dans son projet d’articles sur la responsabilité des Etats, la C.D.I. ait
distingué les assurances et garanties de la non –répétition de la réparation stricto sensu
(article 30), dans l’affaire Lagrand, la C.I.J. a estimé qu’il s’agissait de formes de
satisfaction, au même titre que les excuses. Dans cet arrêt du 27 juin 2001, la Cour a
considéreé « que l’engagement pris par les Etats-Unis d’assurer la mise en œuvre
des mesures spécifiques adoptées en exécution de leurs obligations (…) doit être
considérée comme satisfaisant à la demande de l’Allemagne visant à obtenir une
assurance générale de non-répétition ».
Page 95
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
CONCLUSION
La bonne foi objective constitue un principe de droit. Ce principe est fortement
présent dans le cœur des relations internationales : les traités. Il en est ainsi du fait de
la Convention de Vienne qui est présentée comme « le droit des traités », « la loi des
traités ». Les traités constituent aujourd’hui la source la source la plus prolixe du droit
international. Et c’est à cette source que la bonne foi apporte sa saveur et son doux
parfum. Cette Convention a fait de la bonne foi une obligation c'est-à-dire un élément
incontournable. Aussi, présente-elle la toute puissance et la valeur de ladite bonne foi.
La bonne foi vue comme exigence doit être mise en œuvre à deux niveaux: la
formation et l’exécution du traité. A la formation du traité, la bonne foi est
l’atmosphère qui doit prévaloir parmi les prétendants depuis l’échange des pleins
pouvoirs jusqu’à l’expression du consentement de l’Etat à être lié. Les Etats ont donc
sur eux la charge de ne point être pour les autres un point de chute. Bien au contraire,
ils doivent tous œuvrer en toute sincérité pour permettre la conclusion de l’acte
juridique international. Cela passe évidemment par des actes positifs et des actes
négatifs toujours motivés par la bonne foi. Relativement à l’exécution du traité, les
parties sont appelées a réaliser ce qu’elles ont décidé. En vérité, la bonne foi est
fortement exigée car il y va de l’intérêt collectif des parties. La Convention à élaborer
un régime consistant pour la mise en œuvre du traité. Ainsi l’interprétation doit se faire
de bonne foi tant par les parties elles-mêmes que par les tiers qui seraient sollicités. De
plus, il doit être appliqué de bonne foi. C’est pourquoi les juridictions internationales à
travers leurs décisions se font militantes du respect strict des conventions auxquelles
les parties ont délibérément consenti. La Convention ne s’est pas limitée à la simple
exigence de la bonne foi. Elle a mis en avant sa portée. Elle nous présente la bonne foi
en matière de traité comme la seule alternative pour une pacification des rapports dits
internationaux. Non seulement la bonne foi des Etats permet d’éviter les erreurs d’hier
aux conséquences encore palpables et de consolider les acquis d’aujourd’hui. C’est
donc un principe fondamentalement important qui ne doit point être négligé dans les
Page 96
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
139
Robert KOLB, La bonne foi en droit international public. Contribution à l'étude des principes généraux de
droit, P.U.F., Paris, 2000, pp 260-278.
Page 97
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
140
cf. article 300 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
141
http://web.me.com/waltergehr/Le_Droit_international_des_trait%C3%A9s/Bonne_foi.html, site consulté le
26 mai 2010.
Page 98
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
contraignantes. La bonne foi doit revêtir le caractère d’une norme de degré supérieur.
C’est pourquoi, nous pouvons nous interroger de la sorte : Ne serait-il pas beaucoup
plus avantageux pour les Etats que la bonne foi soit une norme impérative de droit
international général ? C’est-à-dire une norme de jus cogens. A ce problème, s’ajoute
celui de la preuve de la bonne foi. Comment peut-on donc rapporter la preuve de ce
principe si important dans les relations internationales et en droit international public ?
Page 99
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
BIBLIOGRAPHIE
OUVRAGES GENERAUX
ANZILOTTI D., Cours de droit international, Sirey, Paris, 1929, vol. I, 523p.
Page 100
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
OUVRAGES SPECIALISES
COMBACAU J., Le droit des traités, P.U.F., Paris, Que sais-je, 1991.
REUTER P., Introduction au droit des traités, P.U.F., Paris, 1985, 355p.
ARTICLES
Page 101
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
JURISPRUDENCE
1-Interne
C.E., sect., 14 mai 1993, Smets, Leb. P. 542
2-Communautaire
C.J.C.E., 20 Octobre 1981, Commission c. Belgique, Aff. 137/ 80 Rec. 1981,
p.7, concl. F. Capotorti.
3-Internationale
A-Arrêts et avis consultatifs.
C.P.J.I.
C.P.J.I., 17 août 1923, « l’affaire de vapeur Wimbledon ».
C.P.J.I., 17 août 1923, « Wimbledon », Série A, n°1 ;
C.P.J.I. avis consultatif du 6 décembre 1923 sur « l’affaire Jaworzina ».
Page 102
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 103
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
B-Sentences arbitrales.
Sentence arbitrale du 6 mai 1913, « l’affaires du Carthage et du Manouba »,
R.S.A. vol. IX, p.472.
Sentence arbitrale du 1er novembre 1923, « l’affaire de Lusitania », R.S.A.,
vol. VII, p.34.
Sentence arbitrale, 3 mai 1930, « l’affaire Martini », R.S.A. Vol. II, p.975.
Sentence arbitrale, 19 janvier 1977, « l’affaire Texaco-Calasiastic », J.D.I.,
1977, p.350.
Sentence arbitrale, 14 février 1985, « l’affaire de la délimitation de la
frontière maritime entre Guinée /Guinée Bissau », R.G.D.I.P. 1985, p.484.
Sentence arbitrale, 16 mai 1980, « l’affaire des dettes extérieures
allemandes », R.G.D.I.P., 1980.
AUTRES
Accord de Schengen de 1985
Page 104
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Septembre 2001.
Page 105
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
ANNEXES
REPUBLIQUE DE COTE D’IVOIRE
---------------
DECISION CC N°002/CC/SG
DU 17 DECEMBRE 2003.
CONFORMITE A LA CONSTITUTION
DU STATUT DE ROME DE LA COUR
PENALE INTERNATIONALE.
AU NOM DU PEUPLE DE CÔTE
D’IVOIRE,
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Page 106
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Que la Constitution ivoirienne, dans ses articles 68, 93, 109, 110, 117, prévoit
soit des immunités de poursuites, soit des privilèges de juridiction, soit des
procédures spéciales en relation avec la qualité de la personne concernée. ;
DECIDE
Ont signé :
Page 107
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
EXPEDITION CONFORME
A LA MINUTE
Le Secrétaire Général
BOSSE-GNADOU Bossé Zou-Kouba
Page 108
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 109
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 110
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 111
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 112
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 113
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 114
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 115
Le principe de la bonne foi dans la Convention de Vienne sur le droit des traités.
Page 116