Les Premiers Poèmes Des Cahiers
Les Premiers Poèmes Des Cahiers
Première soirée :
• Le poème est composé de huit quatrains d’octosyllabes : six quatrains précédés et suivis d’une
même strophe. Les rimes de ces six quatrains sont embrassées sur le modèle (ABAB). La strophe
d’ouverture et de fermeture est construite sur une assonance (retour d’un même son) plus que sur
une rime proprement dite.
• Les quatrains 2 et 3 précisent la situation : « elle », chez le poète (« ma grande chaise », v. 5),
assise, lui, à ses pieds. Les quatrains 4 à 6 sont rythmés par les gestes amoureux du poète (trois
baisers aux vers 13, 22, 26-27).
2. Quelles sont les réactions de la jeune fille ? • La jeune fille est consentante : « elle était fort
déshabillée » (v. 1). Son rire (v. 16) est un rire qui « feignait de punir » (v. 20).
• Sa fausse pudeur fonctionne en réalité comme une approbation (v. 24-25). Elle s’abandonne au
plaisir : « un bon rire qui voulait bien » (v. 28).
3. Quel est le rôle de la nature dans les strophes initiale et finale ? L’« indiscrétion » des « grands
arbres » derrière les vitres traduit l’érotisation de la scène. Ces arbres sont présentés avec humour
comme à la fois protecteurs et voyeurs.
• Le premier quatrain évoque une promenade estivale et nocturne (« par les soirs bleus d’été », v. 1)
dans la campagne (référence aux « blés » et à « l’herbe menue », v. 2). Le second quatrain évoque un
état d’âme : le paysage extérieur s’intériorise (v. 6).
• La personnification de la Nature (v. 8) suggère une volonté de se fondre en elle pour ne faire plus
qu’un. D’où la disparition de toute pensée, de toute parole, et la place centrale accordée aux «
sensations ». C’est le bonheur d’être au monde. 2. Que suggèrent les temps verbaux ?
• Les verbes sont tous au futur de l’indicatif : « j’irai » (v. 1), « je sentirai » (v.3), « je ne parlerai pas »
(v. 5). Ces futurs indiquent que cette promenade n’est pas effective, elle est simplement rêvée
• Cette dimension du rêve explique la formule « j’irai loin, bien loin » (v. 7). Il s’agit d’une évasion par
la pensée.
3. Quelles remarques pouvez-vous faire sur la structure du dernier vers et la comparaison finale ? •
Le vers débute par un rejet externe : « Par la Nature », qui met fortement en valeur le groupe
nominal.
• Séparée de ce groupe par un tiret, la comparaison : « heureux comme avec une femme » est
également en position de rejet externe, puisqu’elle se rapporte grammaticalement au « je » de «
j’irai ».
Cette comparaison projette, par moquerie, la sensualité du promeneur sur la Nature, et non sur la
femme.
Le Forgeron → p. 20-29 1. Quelles sont les différentes étapes du poème ?
*• Rencontre entre le Forgeron et le roi au Palais des Tuileries (v. 1-13). • Début du discours du
Forgeron : tableau de la misère du peuple (v. 14-26). • Tableau, en contrepoint, des récoltes et
moissons abondantes, dont le peuple ne profite guère (v. 27-39). • Refus de l’injustice et des
inégalités (v. 40-56). Un refus à l’origine de la Révolution et de la prise de la Bastille. • Espoir en un
monde meilleur (v. 57-77). • Les deux lignes en pointillé expriment la désillusion du peuple. •
Contestation de la justice, considérée comme injuste et méprisante (v. 78-100). • Fin du discours,
retour au récit : le roi et le Forgeron regardent par la fenêtre du palais la « Crapule » manifester (v.
101-111). • Reprise du discours du Forgeron qui fait l’éloge de la « Crapule » - mot par lequel les gens
riches désignent les pauvres en colère et qui désigne, dans la bouche du Forgeron, le peuple
désespéré et affamé, donc prêt à tout (v. 112-171). Fin du discours. • Fin de la rencontre entre le roi
et le Forgeron qui lui jette « le bonnet au rouge au front » (v. 172- 180). 2. Qui est le Forgeron ?
• Un homme du peuple, forgeron de son métier, père de trois enfants (v. 115 et 118). • Une
personnification du peuple, au nom duquel il parle et dont il explique les révoltes et les espoirs. • Un
personnage symbolique incarnant la Révolution. Il est celui qui « forge » la Révolution (v. 1-5). 3.
Quelles sont les caractéristiques de ce poème qui permettent de le considérer comme un poème
épique ? • Par ses agrandissements (le peuple, la « Crapule ») et par la transfiguration du Forgeron. •
Par ses enjeux collectifs (la chute de la royauté, l’espoir d’un monde meilleur). • Par son style
souvent hyperbolique :
Quelle est la signification du titre ? • Le « Soleil » personnifié renvoie à la vie, à la chaleur. La « chair »
fait référence au corps, à la sensation (comme dans le poème « Sensation »). • Le titre associe la
source de la vie au bonheur de vivre, dans une vision matérialiste (pas de référence religieuse ou
philosophique).
Ophélie → p. 38-41 1. Comment Ophélie est-elle dépeinte dans les quatre premiers quatrains ? •
Une noyée légendaire : elle « flotte » (v. 2) depuis « plus de mille ans » (v. 5 et 7). • Une femme
fleur : elle est comparée à un « grand lys » (v. 2) et sous l’effet du vent, les « grandes voiles » qui
l’enveloppent forment une « corolle » (v. 9).
• Une femme regrettée par la Nature : les saules « pleurent sur son épaule » (v. 11), les roseaux «
s’inclinent » sur son front (v. 12), les nénuphars « soupirent » (v. 13). 2. En quoi les quatrains 5 à 8
sont-ils une oraison funèbre ? • Par l’adresse directe du poète à Ophélia : passage de « elle » (dans la
première section) à « tu » dans la deuxième. • Par le rappel du caractère d’Ophélia : caractère «
rêveur » (v. 22), sensibilité exacerbée, volontiers portée à la tristesse : elle écoute « les plaintes de
l’arbre » et « les soupirs des nuits » (v. 24), croyance en l’amour absolu (v. 26-28). • Par le rappel des
circonstances de sa mort : à trop rêver d’amour et de liberté auprès d’un « pauvre fou », elle-même a
sombré dans la folie (v. 29-32)
3. Qui est le « Poète » mentionné au vers 33 ? • C’est William Shakespeare, dramaturge anglais
(1564-1616), auteur notamment d’Hamlet (vers 1600) où apparaît le personnage d’Ophélie. Ce «
Poète » est présenté comme celui qui transmet les légendes : il « dit » (v. 33), il incarne la Parole. •
Tout le poème est donc un double tombeau littéraire (texte célébrant la gloire d’un défunt et d’un
écrivain) : d’Ophélie d’abord et de son créateur ensuite.
• La situation : des pendus devenus squelettes (à force d’être exposés au grand jour, comme c’était
la coutume au Moyen-Âge) se balancent au gré du vent. Ce balancement est interprété comme une
danse. On note aussi la présence d’un accompagnement musical : « aux sons d’un vieux Noël » (v. 8).
• Le champ lexical : répétition du verbe « danser » ou du mot « danse » (v. 2, 8, 15, 33, 42), présence
du verbe « cabrioler » (v. 14). • Une longue comparaison avec des danseurs (v. 9 à 12).
2. Pourquo
i ce poème relève-t-il de l’humour noir ? Voici différents indices qui relèvent de cet humour : • les
comparaisons ironiques : le gibet est ainsi un « manchot aimable » (v. 1), les pendus deviennent des
« preux » chevaliers (v. 24) ;
• les cris de joie et d’encouragement : « Hurrah ! » (v. 13, 25), « Hop ! » (v. 15) ; • la présence de «
Messire Belzebuth » qui joue le rôle d’un chorégraphe et d’un marionnettiste (v. 5 à 8).
3. Qu’est-ce qui, dans ce poème, appartient au domaine du fantastique ? Le spectacle des pendus
engendre des visions, à mi-chemin du réel et de l’imaginaire. Le poème tire vers une tonalité
fantastique macabre : • par le recours au conditionnel : « on dirait » (v. 23) qui impose une image en
même temps qu’il la nie ;
• par un agrandissement inquiétant de la scène : le cri des loups dans la forêt (v. 27), le ciel qui est
d’« un rouge d’enfer » (v. 28) ; • par l’envol final d’un squelette (v. 33 à 36) retenu par sa corde, qui
retombe et « rebondit dans le bal au chant des ossements » (v. 36 à 40)
1. Comment la description de Tartufe dans les deux premiers quatrains suggère-t-elle son
comportement ?
2. • Dès le vers 1, Tartufe est décrit en mouvement, en pleine action (les deux quatrains forment
une seule phrase), pris sur le vif, comme le suggère la répétition (« Un jour qu’il s’en allait » (v. 3
et 5), et les verbes d’action « tisonnant », « bavant »). Tartufe est ainsi pris en flagrant délit
3. . • L’acte répétitif (« tisonnant »), l’emploi des adjectifs dévalorisants « jaune », « édentée » et «
moite » et l’oxymore « effroyablement doux » laissent entendre que Tartufe a un comportement
douteux et caché qui lui procure un état « heureux ». 2
4. . Comment s’exprime l’hypocrisie de Tartufe ? • Par le contraste entre son apparence donnée
par sa soutane de clerc (« sa chaste robe noire », v. 2) et son intimité. • Par des oxymores
satiriques : « effroyablement doux » (v. 3) ; « Saint Tartufe » (v. 11). • Par la référence implicite à
la pièce de Molière et, plus précisément, à une réplique de Dorine : voir la note 4 de la page 47.
3. En quoi consiste le châtiment de Tartufe ? Tartufe est pris à son propre piège : la chasteté qu’il
prône tant n’est que supercherie, il est pris en train de commettre un péché par un « Méchant »,
un irréligieux, qui lui arrache sa soutane et le démasque.
• Les rimes sont embrassées, sur le modèle ABAB. Certaines de ces rimes sont en fait des assonances,
qui reposent sur l’homophonie (retour du même son) de la dernière voyelle accentuée. Par exemple :
« partout/fou » (v. 18 et 20).
• Nina ne répond rien durant tout le poème ; les lignes en pointillé indiquent son silence.
• Sa « repartie » n’a rien de spirituel. Soit elle n’a rien entendu de ce que lui disait « LUI », soit elle
pensait à son « bureau », c’est-à-dire à son mari
• C’est « Lui » qui monopolise la parole et qui s’enivre de ses propres paroles.
Le poème se concentre sur la tentative de séduction du poète passionné tds que la seule réponse de
Ninaest par métonymie son mari bureaucrate, provoquant l ‘anéantissement de ses espoirs au nom
des valeurs bourgeoises ( travail et fidélité) / le mot « bureau » est hautement dysphorique et
signifie pour le poète une débandade / un repoussoir pour le poète qui préféra la vie de bohème
au confort bourgeois de l’employé
3. Comment les temps verbaux expriment-ils les espoirs de « Lui » ?
• On note d’abord des conditionnels présents : « lui » rêve à ce qui pourrait être le début d’une
histoire d’amour. Son désir impatient lui fait croire à ses propres paroles : « Je te porterais » (v. 41), «
Je te parlerais dans ta bouche » (v. 45) … Suivent des futurs de l’indicatif, comme si l’espoir allait se
concrétiser ; d’où l’ultime prière : « Tu viendras, tu viendras, je t’aime » (v. 105).
• Mais la brève répartie de Nina, en trois mots et quatre syllabes, brise tout rêve.
À la musique
Rimbaud se moque, avec une joyeuse férocité, des bourgeois de sa ville qui se rassemblent chaque
jeudi soir sur la place de la Gare pour écouter l’orchestre militaire.
• Les différents personnages évoqués – « des rentiers à lorgnon », « les gros bureaux bouffis », «
un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande », etc. – sont de véritables caricatures, dans les
deux sens du terme : 1/ dessin suggérant une silhouette ; 2/ description comique d’une personne
réduite à un trait physique ou de caractère.
• Leurs réactions (« soulignant les couacs »), la pauvreté de leur conversation se concluant par « en
somme ! » (v. 16) ou par « c’est de la contrebande » (v. 20) les disqualifie également
intellectuellement et moralement.
• des voyous qui « ricanent » au spectacle des bourgeois (v. 21) qu’ils songent peut-être à voler ;
• des pioupious, des fantassins, qui ne songent qu’à flirter (v. 22) ;
• Les pioupious « caressent les bébés pour enjôler les bonnes » (v. 24).
• Le poète suit du regard les « alertes fillettes » et les déshabille en pensée (v. 29 à 34).
Par opposition à cette société bourgeoise étriquée, il se sent libre et heureux, empli d’élan
amoureux : « Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres… » (v. 36).
satire de la société bourgeoise avec une truculence sans pareil/ alors qu’on attendrait une sorte
d’art poétique comme le poème « la musique » de Baudelaire, R met en scène « un orchestre
militaire » qui à l’image de l’armée multiplie les couacs et qui met en branle une société
bourgeoise de province. Une chorégraphie semble s’installer / ce monde est celui de l’apparence
et de la distinction / la bourgeoisie se pare d’ un faux brillant amis ignore les vrais plaisirs. Même
la nature semble victime de cette hypertrophie bourgeoise : il est question de « pelouse », de «
square où tout est concret ». cet engoncement collectif s’oppose à la représentation du poète : «
Moi, je suis débraillé comme un étudiant »/ vecteur d’un désir salvateur et source de
désorganisation.
Les Effarés
→ p. 64-66
• Le poème suit les différentes étapes de la fabrication du pain : le pétrissage (v. 1-9), la cuisson (v.
10-15), la sortie du four et le dépôt du pain sur des « poutres enfumées » (v. 16-21).
• Cette progression s’accompagne d’une variation des couleurs : de « noirs dans la neige » (v. 1), les «
Effarés » deviennent « blancs, « pleins de givre » (v. 26). La chaleur et la lumière sont celles du four à
pain.
• D’abord la fascination : « ils voient » (v. 7), « ils écoutent » (v. 10), « pas un ne bouge » (v. 13).
• Ensuite, l’envie devant le spectacle du pain chaud et croustillant, qui les remplit de joie (« leur âme
si ravie », v. 23).
• Enfin la supplique muette (« comme une prière », v. 31) dans l’espoir d’obtenir un peu de ce pain
qui représente pour eux le bonheur absolu.
Le poème dénonce l’injustice sociale qui condamne les enfants à la misère et à la faim. On relève :
• l’expression de la compassion pour ces affamés : « cinq petits – misère ! (v. 4), « les pauvres petits »
(v. 26) ;
• la remarque grinçante du vers 25 : « ils se ressentent si bien vivre » à la vue du pain (comme si
voir était déjà se nourrir !) ;
• D’abord la fascination : « ils voient » (v. 7), « ils écoutent » (v. 10), « pas un ne bouge » (v. 13).
• Ensuite, l’envie devant le spectacle du pain chaud et croustillant, qui les remplit de joie (« leur âme
si ravie », v. 23).
• Enfin la supplique muette (« comme une prière », v. 31) dans l’espoir d’obtenir un peu de ce pain
qui représente pour eux le bonheur absolu.
Le poème dénonce l’injustice sociale qui condamne les enfants à la misère et à la faim. On relève :
• l’expression de la compassion pour ces affamés : « cinq petits – misère ! (v. 4), « les pauvres petits »
(v. 26) ;
• la remarque grinçante du vers 25 : « ils se ressentent si bien vivre » à la vue du pain (comme si voir
était déjà se nourrir !) ;
• la chute du dernier vers (« au vent d’hiver », v. 36), qui insiste sur la dégradation de la situation des
enfants. Ils ont encore plus froid et davantage faim.
Désir de corrompre les valeurs bourgeoises et de libérer les monstres qui resistent sous son vernis.
Ainsi, il excède la représentation misérabiliste des ouvriers et des pauvres à laquelle s’est livré le
romantisme. Ses effarés ne st pas sublimes à l’image du « Mendiant »hugolien mais st repoussants.
Tt est ramené au bas corporel/ on rappelle au bourgeois qu’il possède un corps / faire sortir le
monstre qui sommeille en nous
Rages de Césars
→ p. 85-86
• Nom propre à l’origine, « Césars » employé au pluriel désigne tous les dictateurs, quel que soit
leur titre officiel.
De quelles « rages » s’agit-il toutefois ? Le sonnet va le préciser. « L’Homme pâle » est vaincu,
prisonnier. Il enrage de sa condition de prisonnier qui lui rappelle très concrètement la fin de son
règne et de ses privilèges.
• Portrait physique : c’est celui d’un homme accablé. L’homme est « pâle » (v. 1, 3), il a « l’oeil terne
» (v. 4), mais des « regards ardents » (v. 4).
• Portrait moral : c’est un jouisseur. Son règne a été « vingt ans d’orgie » (v. 5). Et c’est un dictateur :
son but a été de « souffler la Liberté », comme une « bougie » (v. 6-7). L’image suggère la beauté et
la fragilité de cette « Liberté ».
• Dernier point : l’Empereur n’est jamais directement nommé, comme s’il n’était plus rien et parce
que Rimbaud le méprise ouvertement.
• On relève un effet de reprise : « l’oeil mort » (v. 11) renvoie à « l’oeil terne » (v. 4). Cette continuité
s’accompagne toutefois d’une évolution : un tressaillement physique, dont on ne saura jamais la
cause.
• D’où la formulation d’une hypothèse (« peut-être », v. 12) : l’« Homme pâle » regrette-t-il d’avoir
provoqué la guerre, qu’il vient de perdre ? Même pas. Il repense aux jours heureux vécus dans son
château de Saint-Cloud (pillé et incendié par les Prussiens). Sa « rage » provient de la perte de ses
privilèges.
Ces poèmes déchainent l’énergie d’une revolte adolescente contre toutes les formes de l’ordre
établi : on a parfois attenué leur charge polémique en alléguant leur naiveté juvenile. C’est un
choix de la part de Rimbaud
Roman
Morts de Quatre-vingt-douze… → p. 73-74 (texte) ; p. 75-78 (questionnaire) EXPLIQUER LE
TEXTE
I. Un hommage aux morts (premier quatrain)
1. À qui Rimbaud s’adresse-t-il précisément ? • Rimbaud apostrophe les soldats de «
Quatre-vingt-douze » et « Quatre-vingt-treize » qui ont participé à la Révolution française.
En 1792, les soldats de la Révolution ont dû défendre la France contre les armées
étrangères qui cherchaient à restaurer la monarchie. 1793 fait également référence à la
Révolution française, notamment à la période dite de la « Terreur ».
• Afin de leur rendre hommage, Rimbaud glorifie le combat de ces soldats pour la liberté,
notamment au vers 3. Il loue leur capacité à résister et à se défaire de la tyrannie dont ils
brisent « le joug » (v. 3).
• Rimbaud achève la présentation des soldats de la Révolution en soulignant leur classe
sociale par un détail vestimentaire : il rappelle au vers 3 qu’ils sont chaussés de « sabots »
qui désignent les chaussures de bois des paysans. Le but est ici de souligner qu’ils
appartiennent au peuple.
2. Comment les héros morts sont-ils dépeints ? Rimbaud met en lumière l’héroïsme dont
les soldats ont fait preuve au combat. Il use d’adjectifs et de noms valorisants : « fort » (v.
2), « calmes » (v. 3). Il évoque ainsi leur ardeur au combat, mais aussi l’idéal de liberté qui
les anime.
3. Quelle mission le poète leur assigne-t-il ? Pour le poète, ces soldats défendent un idéal
de liberté qui force le respect. Les soldats de la Révolution se battent pour la justice et
l’émancipation du peuple qui a pris les armes pour se libérer de la pesante monarchie
d’alors.
II. Une invocation solennelle (second quatrain)
5. Comment le second quatrain amplifie-t-il le premier ? • Le second quatrain amplifie le
premier en poursuivant de manière solennelle l’éloge des soldats. Le ton est emphatique
pour souligner la grandeur de ces héros de la Révolution.
• Le poème emprunte à l’épopée la tonalité épique qui raconte avec emphase les exploits
héroïques des soldats, comme en témoigne notamment l’emploi de l’interjection « Ô
Soldats » (v. 7). Cette évocation héroïque est, en outre, appuyée par l’adjectif « extasiés »
(v. 5) qui loue la grandeur morale du peuple.
• Enfin, la tonalité pathétique, très présente également, a pour objectif de susciter la
compassion et la pitié du lecteur pour le sacrifice de ces soldats qui n’a pas été vain. Leur
mort a permis à la Révolution de perdurer (v. 8).
6. Comment la mort est-elle personnifiée ? La personnification consiste à prêter des
qualités humaines à un objet ou un animal. Ici, la Mort est personnifiée (v. 7) par
l’emploi de la majuscule qui en fait un nom propre. Rimbaud lui attribue des actions
humaines, comme le fait de semer (v. 7). La Mort est également assimilée à un
personnage à part entière puisqu’elle est désignée comme une « noble Amante » (v. 7).
7. Quelle est désormais la justification du sacrifice des soldats ? Lors des affrontements,
lessoldats perdent un sang qui vient féconder (« régénérer », v. 8) la terre sur laquelle
ils meurent. En écho au chant révolutionnaire de La Marseillaise qui parle d’abreuver
de sang les sillons, le sang des soldats révolutionnaires est ici le terreau fertile de
toutes les luttes futures.
III. Une transfiguration mystique (premier tercet) 7. Comment l’agrandissement épique
se poursuit-il ? • Le premier tercet prolonge l’éloge épique des soldats. L’antithèse du
vers 9 (« le sang lavait ») souligne la puissance fantastique de ces héros de guerre. Loin
d’être impur et de souiller, le sang des soldats permet de laver tous les affronts et de
chasser toute impureté : leur mort n’a pas engendré le malheur, mais a ouvert la voie
à la liberté. • Le trimètre (v. 10) qui scande en trois parties égales les douze syllabes de
l’alexandrin et en brise sa scansion monotone, unit dans une même évocation les
morts des batailles de Valmy, de Fleurus et d’Italie, trois batailles dont les spécificités
sont gommées au profit d’un rassemblement qui les place sur un pied d’égalité. • Le
vers 11 prolonge l’antithèse amorcée au vers 9 : ces morts, martyrs de la cause
révolutionnaire, inspirent de la vénération et deviennent, par leur sacrifice, des saints, à
l’image du Christ. 8. Comment l’identification des soldats avec des « Christs » est-elle
préparée ? • Le verbe « régénérer » (v. 8) prépare l’image de la résurrection du Christ,
tandis que « lavait » (v. 9) évoque l’épisode où, dans la Bible, Marie-Madeleine lave les
pieds de Jésus. • Le vers 11 affirme cette image christique préparée dans les vers
précédents en évoquant cette fois directement le Christ lui-même : les soldats
deviennent ainsi des « millions de Christs aux yeux sombres et doux ». La
transfiguration est donc achevée.
IV. Un reproche et une condamnation (second tercet)
9. Qui est ce « Nous » qui s’oppose au « Vous » des strophes précédentes ? • Cette
ultime strophe crée une véritable rupture avec les vers précédents : quittant
brutalement l’invocation aux valeureux morts de la Révolution, le poète prend vivement
à partie ses contemporains, les Français du Second Empire. • Cette rupture de ton est
marquée par une antithèse, un changement de pronom personnel : le « Vous », glorieux,
laisse la place au « Nous », désignant le peuple de France, « courbé sous les rois comme
sous une trique » (v. 13).
10. Quel reproche le poète adresse-t-il à ce « Nous » ? En quoi faut-il s’en libérer ?
Rimbaud passe ainsi de l’éloge des soldats révolutionnaires au blâme d’une France
contemporaine qui, loin de la République, subit de nouveau un régime monarchique.
Afin de souligner la violence de cette situation, Rimbaud fait rimer « République » au
vers 12 avec « trique » au vers 13. Les Français subissent une situation violente,
symbolisée par cette trique qui dénonce l’oppression physique du pouvoir royal. Le
poète appelle donc le peuple à se libérer de cette injustice que les soldats de la
Révolution n’avait pas acceptée. 11. Pourquoi « Messieurs de Cassagnac » sont-ils cités
au dernier vers du poème ? Rimbaud clôt son sonnet par l’évocation des deux
journalistes bonapartistes, partisans de l’Empereur Napoléon III et fervents défenseurs
de la guerre contre la Prusse. Le poète souligne ainsi leur responsabilité dans le désastre
militaire dont ils ont fait l’éloge dans les colonnes de leur quotidien
En quoi le fait de les nommer les délégitime-t-il ? Le dernier vers est une chute dont la
tonalité est ironique et satirique. Rimbaud fustige et se moque des deux journalistes qui
ont l’audace d’invoquer les Morts de Valmy, Fleurus et d’Italie pour justifier une guerre
injuste et cruelle à l’encontre des valeurs de ces morts de la Révolution française. Le
poète reproche également aux journalistes d’agir pour des mobiles vaniteux, aux
antipodes de l’abnégation des soldats qui, en inconnus, ont sacrifié leur vie pour leur
idéal révolutionnaire. 13. Pourquoi Rimbaud date-t-il son poème du 3 septembre 1870
de la prison de Mazas ? • Rimbaud date son poème du 3 septembre 1870, c’est-à-dire
entre la défaite du Second Empire face à la Prusse qui a lieu le 2 septembre et la date de
la proclamation de la IIIe République, le 4 septembre. • Rimbaud a été incarcéré à la
prison de Mazas lors d’une de ses fugues. Mais cette référence à « Mazas » pourrait
peut-être aussi signifier que le poète souhaite se faire l’ardent défenseur de la
démocratie et de la République et qu’il est en détention pour avoir combattu contre
l’Empire, à l’image des soldats révolutionnaires.
Lisez le poème de Victor Hugo, « Aux morts du 4 décembre » (Les Châtiments, 1853) et
comparezle avec le poème de Rimbaud. • Le sonnet de Rimbaud rappelle le célèbre
poème de Victor Hugo « Aux morts du 4 décembre. » Figurant dans Les Châtiments, ce
poème écrit par Hugo alors en exil est une violente attaque contre le règne de
Napoléon III. L’auteur revient ainsi, avec ironie, sur la répression de la révolte
populaire qui eut lieu le 4 décembre 1851 contre le coup d’État du futur Empereur •
Rimbaud s’inspire de l’éloquence épique de Hugo et de la tonalité satirique de son
poème qui dénonce la barbarie de Napoléon III et son cynisme. • La modernité du
poème de Rimbaud tient en grande partie à sa construction originale : les treize
premiers vers célébrant les morts de la République sont interrompus brutalement par
l’apostrophe des trois derniers vers qui crée une violente rupture pour impliquer ces
morts dans une actualité polémique
La Maline → p. 96-97
Le Buffet → p. 100-101