1 s2.0 S0398762021003278 Main
1 s2.0 S0398762021003278 Main
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Article original
I N F O A R T I C L E R É S U M É
Historique de l’article : Position du probleme. – Les soins centre s sur le patient supposent une communication base e sur l’empathie,
Reçu le 7 août 2020 coute active et le dialogue. Notre e
l’e tude examine les effets de l’inte gration de la sante mentale dans des
Accepte le 14 juin 2021 polyvalents sur la communication des soignants avec des patients tout-venants. L’objectif
centres de sante
Disponible sur Internet le 13 Juillet 2021
est de comparer la qualite de cette communication dans les centres de sante ou
le personnel a reçu une for-
mation spe cifique pour la prise en charge des troubles mentaux (SM+) par rapport a ceux sans cette forma-
Mots cles :
tion (SM ).
Soignants
Patients Methodes. – L’etude est realise
e aupre s de 18 soignants charge s des consultations primaires curatives de 12
Centres de sante centres de sante associatifs en Guine e : quatre centres de sante SM+ avec sept soignants et huit SM avec 11
Soins centre s sur le patient soignants. L’etude utilise le Global Consultation Rating Scale (GCRS) pour appre cier la communication centre e
Communication sur le patient. Elle repose sur des me thodes mixtes : observation, entretiens semi-structure s et de groupe.
Sante mentale Resultats. – Les scores de GCRS obtenus par les soignants SM+ lors des observations sont ge neralement
superieurs aux scores des soignants SM . La cote d’avoir une consultation de « bonne qualite » est presque
trois fois plus grande dans les structures SM+ que dans les SM pour certaines e tapes de la consultation. Le
discours des soignants SM+ est plus centre sur le patient, et se distingue du discours plus biome dical des
SM . Les soignants SM conside rent que les differentes etapes d’une consultation centre e sur le patient ne
sont pas toutes applicables et disent « sauter des e tapes », les SM+ estiment que toutes les e tapes sont impor-
tantes et que l’integration de la sante mentale a ame liore
leur communication gra ^ce a
la formation reçue et la
pratique de soins pour les personnes ayant des troubles mentaux.
Conclusion. – L’integration de la sante mentale dans l’offre de soins de premie re ligne se presente comme une
opportunite pour ame liorer la qualite de soins dans sa dimension « soins centre s sur le patient ». Le
developpement de soins centre s sur le patient suppose cependant des conditions structurelles favorables.
Ó 2021 Elsevier Masson SAS. Tous droits re serve
s.
A B S T R A C T
Keywords: Background. – Patient-centred care presupposes communication based on empathy, active listening and dia-
Health workers logue. Our study examines the effects of integrating mental health in multi-purpose health centres on health
Patients
workers’ communication with patients who consult for problems unrelated to mental health. The objective
Health Centres
is to compare the quality of communication in health centres where staff have received specific training in
Patient-centred care
Communication the management of mental disorders (SM+) compared to those without such training (SM ).
Mental health
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (A. Sow).
https://doi.org/10.1016/j.respe.2021.06.001
0398-7620/© 2021 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
A. Sow, T. Smekens, J. De Man et al. emiologie et de Sante Publique 69 (2021) 287−295
Revue d’Epid
Methods. – The study was conducted among 18 health workers in charge of primary curative consultations in
12 non-governmental health centers in Guinea: 7 health workers in 4 SM+ health centers and 11 health workers
in 8 SM health centres. The study is based on mixed methods: observation, semi-structured and group inter-
views. The Global Consultation Rating Scale (GCRS) was applied to assess patient-centered communication.
Results. – The SM+ GCRS scores obtained by SM+s during observations are generally higher than the SM sco-
res. The odds of having a "good quality" consultation are almost 3 times higher in SM+ than in SM for some
steps in the consultation process. The SM+ discourse is more patient-centered, and differs from the more bio-
medical discourse of SM . SM health workers do not consider all of the stages of a patient-centred consul-
tation to be applicable and recommend "leapfrogging". On the contrary, SM+ health workers consider all
stages to be important and are convinced that the integration of mental health has improved their commu-
nication through the training they have received and the practice of caring for persons with mental disorders.
Conclusion. – The integration of mental health into primary care provision represents an opportunity to
improve the quality of care in its "patient-centred care" dimension. That said, optimal development of
patient-centred care presupposes favorable structural conditions.
© 2021 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
1. Introduction sente e
La pre tude vise a e
valuer si la communication soignant-
patient est meilleure dans les centres de sante qui ont integre les
Les soins centre s sur le patient constituent une dimension essen- soins aux personnes ayant des troubles mentaux (SM+) que dans les
tielle de la qualite des soins [1] et impliquent une interaction soi- centres qui ne les offrent pas (SM ). Elle se base sur l’hypothe se que
gnant-soigne dans laquelle le patient est au centre des soins, ou son les competences en communication acquises par des soignants dans
expe rience unique, ses souhaits et ses priorite s sont pris en compte le cadre de consultations en sante mentale rejaillissent sur leur façon
au me ^me titre que les informations strictement me dicales, et ou il de mener des consultations curatives ge ne
rales et donc que les soi-
participe aux de cisions le concernant [2,3]. Mead et Bower gnants des centres de sante ayant inte
gre
la sante mentale mettent
definissent les soins centre s sur le patient a partir de cinq en œuvre des compe tences en communication plus favorables a une
dimensions : une perspective biopsychosociale, le « patient comme approche centre e sur le patient quel que soit les proble
mes de sante
personne », le partage du pouvoir et de responsabilite , l'alliance abordes durant la consultation curative polyvalente.
therapeutique, et le « soignant comme personne » [4].
La qualite de la communication dans l’interaction soignant-soigne riels et me
2. Mate thodes
en est une dimension essentielle. Elle favorise des entrevues plus
constructives, et ame liore l'expe rience des patients et des profession- 2.1. Design de l’etude et collecte des donnees
nels mais e galement les re sultats the rapeutiques [5-6].
Selon une e tude mene e au Royaume-Uni, la majorite des patients tude a e
L’e te
mene e dans 12 centres de sante du secteur
attendent de leur me decin ge ne
raliste qu’il se montre aimable, associatif : quatre centres qui offrent des soins en sante mentale (SM
coute et comprenne leurs pre
e occupations, qu’il les conside re comme +) et huit qui ne les offrent pas (SM ). Sept sont base s a
Conakry et
partenaires et leur prodigue des conseils adapte s a
leur contexte de cinq a l’inte
rieur du pays. Tous sont inte gres dans les districts sanitai-
vie − trois dimensions de la communication caracte ristique des soins res de leurs localite s, ont des modes de fonctionnement et de finance-
centres sur le patient [7]. En Afrique, les interactions entre patients et ment comparables et sont en majorite diriges par des medecins.
soignants ont e te
decrites comme bre ves et instrumentalise es, lais- Les 12 centres de sante de notre etude sont du secteur associatif.
sant peu de place au dialogue [8]. Ils ont des caracte ristiques globalement identiques : tous prive s a
Notre e tude examine les effets de l’inte gration de la sante mentale publique. Ils e
utilite taient neuf centres de sante associatifs (installe
s
dans des centres de sante polyvalents en Guine e sur la qualite de la par des ONG) et trois centres de sante confessionnels (installe s par
communication au cours de la consultation curative. des congre gations religieuses). Ces 12 centres font de la consultation
Contrairement aux pays du nord, les soins de sante mentale sont primaire curative, offrent des me dicaments essentiels ge neriques et
peu de veloppe s en Afrique sub-saharienne, malgre une morbidite ont un mode de fonctionnement semblable (payement a l’acte, et
importante [9]. C’est le cas en Guine e ou l’offre en soins modernes de fonctionnement inte gre dans les districts sanitaires). En Guine e, sur
sante mentale est tre s limitee [10], mais des expe riences pionnie res les 450 centres de sante (premie re ligne de soins), 410 sont publics.
sont mene es dans des centres de sante du secteur associatif, en parti- Nous avons donc exclu les centres de sante publics qui ont un mode
culier par Fraternite Medicale Guine e (FMG) [11]. FMG, offre des soins de fonctionnement diffe rent par rapport aux associatifs. Ils emploient
de premie re ligne aux communaute s, tout en portant une attention des fonctionnaires de l’État et travaillent officiellement au forfait a
particuliere aux populations marginalise es. L’integration de la sante pisode de maladie.
l’e
mentale dans ces centres de sante ae te possible gra ^ce a l’accompa- En Guine e, seuls cinq centres de sante offrent des soins de sante
gnement the orique et pratique des soignants par des spe cialistes mentale dans leur paquet de soins. Parmi eux, il y a un centre de
sensibilises aux soins de sante primaires [12,13]. sante public que nous avons exclu de l’e tude. Les quatre autres cen-
Une e tude exploratoire par entretiens a e te
mene e en 2018 aupre s tres de sante ont ete
inclus. Donc, parmi les 12 centres de sante de
de ces soignants pour appre cier leurs changements d’attitude suite a tude, seuls quatre offraient des soins en sante
l’e mentale. Les huit
gration. Ils disaient avoir surmonte
cette inte leur peur des malades men- autres centres de sante ont e te
se
lectionne s sur la base de leur
taux et de veloppe des attitudes positives envers eux, et certains quentation, de leur inte
fre gration dans les districts sanitaires et de
declaraient avoir de couvert et adopte une approche centre e sur les l’accord de leur responsable a participer a
l’e
tude.
patients, applicable selon eux e galement dans des consultations avec Tous les soignants charge s des consultations primaires curatives
des patients tout-venants [12]. Les facteurs favorables a l’adoption de dans les 12 centres ont e te
inclus ; soit 18 soignants (avec un a ^ge
cette approche centre e sur le patient relevaient des modalite s de la for- moyen de 41 ans aussi bien pour les SM+ que pour les SM ), dont
mation (formation in situ base e sur des consultations conjointes, propo- sept dans des centres SM+ (cinq me decins, un infirmier et un travail-
sant un mode le de ro ^ le et offrant des me canismes de soutien aux leur social) et 11 dans des centres SM (neuf me decins et deux infir-
soignants) et d’un contexte organisationnel non bureaucratique [12]. miers). Seuls les soignants qui e taient en vacances n’ont pas e te
pris
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en compte. Certains centres de sante n’avaient qu’un seul soignant en compte les re alite
s guineennes et de faciliter sa compre hension. La
charge des consultations primaires curatives et d’autres, du fait de communication non verbale a e t e
ajoute
e dans le maintien de la
leur grande fre quentation, en avaient entre deux et quatre qui relation.
consultaient quotidiennement. Aucun soignant ne travaillait dans La grille adapte e comporte 11 domaines de compe tences
plus d’un centre de sante . (Tableau 1). Pour chacun d’eux, la grille sugge re des indices de « bonne
Pour chaque soignant, nous avons observe 25 consultations, soit communication » facilitant la notation. L’observateur attribue un score
au total 450 consultations dont 175 dans des centres SM+ et 275 dans pour chacun des 11 domaines de compe tences : 0 = Me diocre ou
des centres SM . Dans les centres de sante les plus fre
quente
s, une absent, 1 = Adequat, 2 = Bien et 3 = NA (non applicable).
consultation sur trois a e te
retenue dans l’ordre d’arrive e des La grille adaptee a e
te
pre
-testee sur 25 consultations et la version
patients, dans les centres moins fre quentes toutes les consultations modifie e sur la base de ce pre -test sur 15 autres consultations dans
te
ont e observees jusqu’a
atteindre 25 par soignant [13]. des centres ne participant pas a l’e
tude.
tude par me
Il s’agit d’une e thodes mixtes [14] dans laquelle s’en-
chainent de manie re sequentielle trois moments de collecte de es
3. Analyses des donne
donne es :
3.1. Observation des consultations
(a) Observation par un observateur externe de 25 consultations pri-
maires curatives pour chaque soignant et attribution de scores a Nous avons compare la qualite des consultations concernant les
la qualite de la communication soignant-soigne sur base de l’outil soins centre s sur le patient entre les centres de sante SM+ et SM ,
Global Consultation Rating Scale (GCRS) [15], adapte au contexte en utilisant l’outil GCRS. Un score total comportant 11 dimensions a
guine en. Les soignants ont e te
informe s qu’il s’agissait d’une e tude te
e calcule, excluant la dimension 12 (clo ^ turer la session). Le score a
qui appre ciait la qualite de soins, particulie rement la qualite de te
e normalise , conforme ment aux recommandations [15], aboutis-
l’interaction consultant-patient. sant a un score compris entre 0 et 24.
(b) Entretiens qualitatifs semi-structure s avec les 18 soignants Sur base du score total, les observations ont e te
categorise
es en
observe s portant sur leur perception des soins centre s sur le « consultation de moindre qualite » (score de 0 a 11) et « consultation
patient et la discussion de l’outil GCRS adapte (compre hension, de bonne qualite » (score superieur a 11). La probabilite d'une consul-
appre ciation et faisabilite
). Le guide d’entretien a e te
prealablement tation de bonne qualite ae te
mode lise
e par regression logistique ou
teste dans deux centres de sante ne participant pas a l’e
tude. Tous l‘association du score avec appartenance au SM+/SM est pre sente
e
les entretiens, ont e te
enregistre s et transcrits mot a mot. La dure e comme un odd ratio, avec un intervalle de confiance a 95 %.
des entretiens variait de 30 a 80 min. En plus des erreurs ale atoires lie es a l'echantillonnage des
(c) Entretiens individuels et de groupes pour discuter les re sultats consultations, il existe aussi une variance lie e a l’echantillonnage
obtenus par les observations (a). D’une part deux ateliers de resti- des soignants et des centres de sante qui a e te
a la base des
tution ont e te organises avec les participants a l’e
tude et l’equipe regroupements des consultations. Nous avons choisi de tenir
de chercheurs. D’autre part des entretiens individuels et de compte de ce regroupement en incluant l’appartenance a ces grou-
groupe ont e te
mene s avec les sept soignants SM+ participant a pes (des soignants et des centres de sante ) comme des effets
tude et des te
l’e moins privile gies de l’inte
gration de la sante men- aleatoires. Le mode le re
sultant est une re gression logistique a trois
tale dans les centres de sante . niveaux avec SM+ comme variable explicative. Le paquet R lme4 a
t e
e utilise
pour l’analyse.
Tableau 1
tences de la grille d’observation GCRS adapte
Domaines de compe e.
tences
Domaines de compe Principales dimensions
quentiels
Se
1. Initier la « session » avec le patient et/ou, famille, accompagnant Dimension 1 : Initiation
- Accueil (salutation, installation)
- Utilise une question d’ouverture approprie e
2. Rassembler l’information (venant du patient et/ou famille/ accompagnant) Dimension 2.1 : identification du proble me du patient
- Ecoute attentive, minimise l’interruption, laisse de l’espace au patient
- Encourage le patient a raconter « l’histoire » de son (ses) proble me(s) du de but
jusqu’au moment de la consultation
- Ne gocie (priorise/pre cise/clarifie) l’objet de la consultation pre sente
Dimension 2.2 : exploration du proble me du patient
- Utilise des questions ouvertes et ferme es, allant ade quatement de l’une a
l’autre
- Facilite les re ponses verbales et non verbales du patient ( p. ex. silence,
re pe
tition, paraphrases)
- Capte et re ponds aux signaux verbaux et non verbaux (langage corporel,
discours, expression faciale)
- Clarifie des de clarations vagues ou qui ne cessitent une amplification
- Resume pe riodiquement et invite le patient a corriger l’interpre tation ou
donner plus d’information
a
- Utilise un langage clair, facile a comprendre, et e vite le jargon
Dimension 2.3 : Perspectives du patient
- Explore activement/comprend mieux/cerne le ve cu du patient sur son proble me
- Prends au se rieux et re
pond de façon approprie e au ve cu du patient
es au patient
3. Donner suffisamment d’informations approprie Dimension 3
individuel et/ou famille - Morcelle l’information donne e
- Evalue et tient compte du niveau de connaissance de de part du patient
- De couvre quelle autre information pourrait aider le patient, recherche et ge re les
besoins en information du patient
rifier la bonne compre
4. Aider et ve hension de l’information Dimension 4
- Organise l’explication en utilisant des re sume s
- Verifie la compre hensionpar le patient en l’invitant a reformuler dans ses
propres termes
- Utilise un langage clair, e vite le jargon et un langage de routant
5. Arriver
a une comprehension partage e : incorporer la perspective Dimension 5
du patient et/ou famille/accompagnant - Respecte et prends en compte le cadre de re fe
rence de la maladie par le patient
6. Planifier une prise de decision partage
e Dimension 6
- Explore avec le patient les options en matie re de prise en charge
- Implique le patient dans la prise de de cision en tenant compte de son souhait
- Ne gocie de façon approprie e un plan d’action mutuellement acceptable
- Se mettre d’accord avec le patient sur les e tapes suivantes
^turer la "session"
7. Clo Dimension 7
- Resume brie vement la session et clarifie le plan de soins
- Verification finale que le patient est d’accord et a l’aise avec le plan
Transversaux
8. Maintenir la relation (avec le patient et/ou famille/accompagnant) Dimension 8
tout au long de la consultation - Fais preuve d’un comportement non verbal approprie ; p. ex. contact visuel,
positionnement, posture, visage
- Reconnais les points de vue et les sentiments du patient ; ne juge pas
- Fais preuve d’empathie pour communiquer son appre ciation des sentiments et
la situation difficile du patient
- Donne du soutien : exprime pre occupation, compre hension, et volonte a aider
9. Donner de la structure au processus de la consultation Dimension 9
- Progresse d’une section a l’autre en utilisant une signalisation.
- Structure l’interview selon une se quence logique, surveille le temps/le timing
Tableau 2
ristiques des patients participants a
Caracte l’e
tude en pourcentage.
ristiques
Caracte SM+ SM SM+ & SM
Nombre % Nombre % %
Sexe minin
Fe 101 57,7 135 50,6 53,3
Masculin 74 42,3 132 49,4 46,6
^
Age 0−5 ans 44 25,1 82 30,7 28,5
6−17 ans 45 25,7 36 13,5 12,0
18−44 ans 59 33,7 104 39,0 17,0
> 45 ans 27 15,4 45 16,9 7,5
Niveau d’education s
Pas scolarise 78 44,6 134 50,2 48,0
École primaire 63 36,0 71 26,6 29,9
Secondaire ou plus 34 19,4 62 23,2 15,6
Circonstance de presence Malade venu seul 60 34,3 99 37,1 36,0
Un accompagnant 91 52,0 147 55,1 54,0
Plus d'un accompagnant 42 13,7 21 7,9 10,2
Repondant Patient 84 48,0 149 55,8 52,7
Accompagnant 91 52,0 118 44,2 47,3
Total 175 267 442
scores manquants. Les consultations ont dure en moyenne 8,7 min sugge rant que ces diffe rences sont lie es a la structure elle-me^me
dans les centres SM+ et 7,3 min dans les centres SM . pluto^t qu’a
la presence ou non de l’integration de la sante
mentale.
gration de la sante
L’inte mentale dans les centres de sante e
tait Le centre de sante qui a regroupe plus de consultations
significativement associe e a une meilleure qualite de la commu- « me diocres » avait des particularite s : il mobilisait plusieurs soi-
nication soignant-patient (Ora = 2,92 ; IC95 % 1,07−7,99). gnants en consultation primaire curative, du fait de sa fre quentation
La Figure 1 pre sente les scores des 18 soignants. On note une (environ 150−200 patients par jour) surtout par des enfants. La
grande he te
rogene
ite
pour les diffe
rentes dimensions au niveau de presence des services de suivi nutritionnel, de vaccinations et de suivi
chaque prestataire individuel, mais aussi entre les diffe rents presta- des enfants de 0−5 ans pourraient expliquer la pre sence massive des
taires. Cette hete
rogene
ite
indique aussi que chaque question e value enfants.
une dimension distincte de la qualite de soins. Dans le groupe SM , gration de la sante
L’effet de l‘inte mentale varie selon les dimen-
presque toutes les consultations « me diocres » pour les dimensions 1 sions explore es (Tableau 3). Des diffe
rences statistiquement significa-
(Initier la session), 2.1 (Identifier le proble me du patient) et 2.2 tives s’observent entre SM+ et SM pour chacune des dimensions,
(Explorer le proble me du patient) ont eu lieu dans la me ^me structure, sauf pour les dimensions 2.1 et 2.2, respectivement, identification et
Fig. 1. Repartition des scores pour les 11 dimensions parmi les 18 soignants.
Chaque diagramme a bandes represente un prestataire distinct. Les prestataires ope
rant dans un me
^me centre de sante
sont regroupe
s dans un encadre
. Pour chacun des presta-
taires, chaque bande est base e sur 25 observations.
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Tableau 3 soignants SM+ font spontane ment des paralle les avec la commu-
Association entre qualite de la consultation et inte
gration de la sante
mentale nication avec des malades mentaux, soulignant l’importance de
(SM+), estime e par re gression logistique multi-niveau des consultations
coute active, du sens donne
l’e a sa maladie par le patient psychia-
regroupees en prestataires et en structures.
trique, de son implication dans l’adaptation du traitement a sa situ-
Estimation 95 %)
Intervalle de confiance (a ation, ou de la prise en compte des croyances populaires.
Intercept 0,31a 0,17−0,56
Effet de SM+ 2,92b 1,07−7,99 4.3.1. Biomedical/bio-psycho-social
Variance entre prestataires 0,04
Les soignants SM rapportent une orientation biome dicale
Variance entre structures 0,51
centre e sur l’identification d’une pathologie et son traitement. Si cer-
tains disent « prendre le probleme social et psychologique des patients
en compte » parce qu’il peut interfe rer avec la maladie ou le traite-
l’exploration du proble me du patient, et la dimension 8 (maintien de ment, la plupart ne se montrent/ou rapportent ne pas se sentir
la relation avec le patient tout au long de la consultation). Malgre concerne s par les aspects non-me dicaux des proble mes de leurs
l’absence de diffe rence entre SM+ et SM pour ces dimensions, les patients.
scores sont globalement bons dans les deux cate gories. Les discours des soignants SM+ sont tous oriente s vers le bio-psy-
Pour les dimensions 2.3 (Perspectives patient) a 7 (Clo
^ turer la ses- cho-social. Tous accordent de l’importance a « l’environnement social
sion), les scores sont bas dans les deux groupes tout en restant signifi- et l’etat psychologique » du patient, et la plupart parlent du
cativement plus e leve
s pour le groupe SM+. Il s’agit de la prise en « probleme » du patient pluto ^ t que de pathologies.
compte de la perspective du patient, son ve cu, sa re
fe
rence par rap-
port a son probleme de sante , du partage et de la compre hension de
^ture de la consultation apre s avoir partage la 4.3.2. Patient comme porteur d’une maladie/comme personne
l’information, et la clo
Pour la quasi-totalite des soignants SM , le patient est essentiel-
decision.
lement porteur d’une maladie. Ils de crivent l’anamne se comme un
« interrogatoire oriente », une e coute se lective ou le soignant doit
4.3. Perception de la pertinence et l’applicabilite de la grille par les « decanter ce qui est important et ce qui ne l’est pas » pour le diagnostic.
soignants Les significations que donne le patient a sa maladie ne sont pas perti-
nentes pour le diagnostic, et il est superflu de « trainer trop sur la
Les soignants de centres SM perçoivent les dimensions dimension echange et dialogue ». Les SM ne contredisent pas ouver-
sente
pre es dans la grille comme « un ideal » difficile a atteindre : ils tement les « croyances des malades », mais n’en tiennent pas
accordent la prioritea l’accueil, au recueil des informations utiles au compte : « Quand le patient vient avec un diagnostic ancre en lui, il est
l’explication du traitement au patient, et la plupart
diagnostic, et a difficile de le convaincre de changer d’idees ; je cherche donc a cerner la
clarent « sauter des etapes », en particulier la prise en compte des
de mon niveau ».
reelle pathologie et je gere a
perspectives du patient sur son proble me, l’information sur la mala- Les soignants SM+ conside rent le patient comme une personne qui
gociation du traitement. Ces e
die et la ne tapes sont juge es non appli- souffre, et les significations qu’il donne a sa maladie sont importantes
cables en raison du faible niveau d’instruction des patients et de pour comprendre son proble me. Ils insistent sur la ne cessite
de
contraintes de temps (Tableau 4). « prendre au serieux » ses pre occupations : « quand tu te focalises sim-
Par contraste, tous les soignants de centres SM+ jugent pertinen- plement sur ses plaintes et pas sur le vecu, tu risques de passer a co
^te ».
tes et applicables toutes les etapes de la grille, et de
clarent mettre en Ils estiment indispensable de poser des questions ouvertes pour
œuvre les diffe rentes compe tences communicationnelles, tout en offrir « un champ plus large pour expliquer sa problematique », de
reconnaissant que ce n’est pas toujours possible faute de temps. Alors « l’encourager a s’exprimer » a travers « l’ecoute active basee sur la
qu’aucune question ne portait sur la sante mentale, la plupart des comprehension, sur la valorisation de ce que ton interlocuteur t’apporte ».
Tableau 4
quences (%) des scores des 11 dimensions dans les centres de sante
Fre SM+ etSM .
Dimensions
intitule SM Évaluation p (test de x2 avec 2 dl)
Faible Moyenne Bonne
292
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Les soignants SM+ non seulement ne contredisent pas les croyances donc sur les entretiens individuels et de groupe avec les soignants
populaires mais e voquent des tentatives de compre hension SM+.
partagee : « il ne faut pas nier sa conviction mais faire des liens avec son Les repondants ne sont pas e tonnes des meilleurs scores des SM+
probleme de sante ». car ils conside rent que l’inte gration de la sante mentale a ame liore
leur façon de communiquer : « il y a eu un declic lie aux
4.3.3. Relation asymetrique/participative formations : les prestataires ont eu une logique d’intervention differente
Pour les soignants SM , le soignant a un ro ^ le actif dominant, en de ce qu’on faisait dans le passe ».
tant qu’expert il conduit la consultation et prend les de cisions, et le Ils ont assimile un mode de pense e bio-psycho-social, incontour-
patient doit collaborer. Cela se traduit a toutes les e tapes de la consul- nable en sante mentale, qu’ils disent transposer dans leur pratique
tation. L’« interrogatoire » est dirige par le soignant, qui « sait ce qu’il generale. Ils ont e galement de veloppe des aptitudes a e
couter, a
cherche comme information » et doit « cadrer le malade par rapport a comprendre la perspective du patient, a « entrer dans son repertoire ».
son probleme ». Les patients e tant pour la plupart peu instruits et juge s En effet, l’e coute du re cit du malade mental est cruciale pour
incapables de comprendre, les soignants SM fournissent peu ou pas comprendre son proble me. Plusieurs re pondants font remarquer
d’explications sur la maladie et plusieurs admettent ne pas donner le qu’il n’est pas facile de comprendre ce que dit un malade mental et
diagnostic. Quant a la decision de traitement, elle rele ve pour eux du que « celui qui comprend bien ça pourra le faire pour les autres malades
soignant seul, et « il faut que le malade accepte le traitement que vous egalement ». Certains disent aussi avoir transpose l’e
coute du patient,
lui proposez ». Il en va aussi de l’autorite du me decin : « si vous acceptez en plus de celle de son entourage, a la consultation avec des
que le patient vous impose quelque chose, c’est vous qui perdez votre enfants : « c’est gra ^ce a
la sante mentale que j’ecoute maintenant les
autorite ». Certains soignants SM toutefois disent tenir compte des enfants m^eme s’ils ne sont pas matures ».
prefe
rences du patient et de ses capacite s financie res pour favoriser Tout comme ils acceptent les interpre tations populaires et les
l’adhesion au traitement. recours a la me decine traditionnelle en sante mentale, ils disent tenir
Pour les soignants SM+, le patient est un partenaire, sa contribu- compte pour d’autres maladies des cadres de re fe
rence de leurs
tion active est encourage e et il participe a la de
cision de son plan de patients. Sans s’opposer aux croyances populaires, ils disent informer
traitement. L’un d’entre eux de clare que le soignant « doit partir avec les malades en partant de ce qu’ils savent, pour nuancer, comple ter,
les priorites de son patient » et « c’est le malade qui guide le soignant », renforcer ce qui est juste et e ventuellement « corriger les connaissan-
le ro^ le du soignant e tant de recadrer les informations. Les explica- ces erronees ». L’information est importante car « plus un malade
tions au patient a propos de sa maladie sont juge es essentielles, a
la connait et accepte sa maladie, plus le soignant a la chance d’obtenir un
fois pour qu’il s’implique dans la gestion de son proble me et parce bon resultat ».
que c’est un « droit legitime du patient ». Le faible niveau d’instruction Associer le malade aux de cisions concernant le plan de traitement
des patients suppose un effort supple mentaire pour expliquer : « la est une condition d’adhe sion pour les malades mentaux, et les
majorite des malades sont des analphabetes, donc c’est important de repondants e voquent des pratiques applicables aussi a d’autres
ou
voir s’il a compris, et la il n’a pas compris, tu reprends et tu le rassures patients : « Il faut toujours donner des eventails de solutions pour per-
davantage ». Enfin ils estiment qu’il faut « faire participer nos patients a mettre le choix du patient, parfois de la famille, qui est fondamental
la prise de decision ». La discussion du traitement doit notamment pour l’efficacite du traitement ». Associer le malade au traitement
aborder d’e ventuelles objections du patient. Le soignant est le garant « aboutit a la creation d’une alliance, elle aidera a creer la confiance et
de l’efficacite technique du traitement, mais doit « proposer des l’observance du traitement ».
variantes avec les avantages et inconvenients et amener le malade a En revanche , ils s’e tonnent que les diffe rences de scores ne soient
prendre aussi des decisions pour qu’il se sente concerne par le choix ». pas davantage marque es, et fournissent des e le
ments d’explications.
Pour l’initiation de la session, les scores des SM sont moindres
4.3.4. La relation : courtoisie/alliance therapeutique que ceux des SM+ mais ne anmoins assez e leve
s. Si certains s’en
Tant les soignants SM+ que SM- insistent sur la qualite de l’ac- tonnent, d’autres font remarquer que l’accueil « est le beaba de tout
e
cueil pour cre er un climat de confiance. Pour les soignants SM il praticien », surtout dans les structures prive es, et que la pre sence
^tre « courtois » et « aimable » pour rassurer le malade et l’inci-
s’agit d’e d’un observateur peut avoir constitue un biais.
coope
ter a rer : « quand vous etablissez la confiance, tout ce que vous Les repondants s’e tonnent e galement de l’absence de diffe rence
direz au patient il va comprendre et il va l’appliquer ». Quelques soi- significative entre les scores des SM+ et SM pour l’identification et
gnants SM soulignent e galement que la confiance est favorable a la l’exploration du proble me. Certains font remarquer que l’anamne se
renomme e du soignant : « il va recommander a d’autres patients de est une de marche commune a tous les praticiens, et que d’autres for-
venir chez toi ». Cette « courtoisie » va de pair avec des discours parfois mations comme celles sur le VIH/sida insistent sur l’e coute et la
peu respectueux de patients « qui divaguent beaucoup », qu’il ne faut necessite de donner la parole au patient. Mais plusieurs sugge rent
pas encourager a parler ou qui ne comprennent pas. que l’ecoute active et l’encouragement du patient a s’exprimer sont
Les soignants SM+ insistent e galement sur la confiance pour ren- davantage ne cessaires en sante mentale qu’en sante organique, et
forcer la coope ration du patient, mais a travers une ecoute empa- que dans la pratique ils ne les transposent sans doute pas
thique. Ils e voquent comment « donner de l’espoir au malade », systematiquement aux proble mes tout-venants.
« partager sa douleur et ses peines », ou encore « lui faire comprendre L’absence de diffe rence significative pour les scores concernant les
que vous ^etes la pour lui ». Plusieurs soulignent que cela suppose une dimensions transversales les interpelle aussi : le maintien de la rela-
relation egalitaire. tion et la structure de la consultation. Le transfert des attitudes
developpe es avec les malades mentaux pourrait e ^tre limite
parce
4.4. Discussion des resultats des observations qu’on n’utilise pas pour les consultations « organiques » le dossier
me dical longitudinal utilise en sante mentale qui permet de « rentrer
que l’e
Les participants ignoraient jusque-la tude visait a comparer dans la vie du malade » et facilite l’empathie. La dure e de la consulta-
les SM+ et SM ; les soignants SM se sont e tonnes de constater tion en sante mentale est e galement nettement plus longue qu’une
que leurs scores e taient plus faibles tandis que les soignants SM+ consultation pour une maladie organique. Enfin, d’autres sugge rent
taient pas e
n’e tonnes mais ne comprenaient pas pourquoi ils obte- que « avec un malade mental, le respect du schema est obligatoire, mais
naient des scores similaires dans certaines dimensions et diffe rents pour les autres malades ce n’est peut-^etre pas necessaire », ou encore
dans d’autres. Pour explorer l’impact potentiel de l’integration de la que « la sante organique est beaucoup plus basee sur l’anamnese, l’ins-
sante mentale sur la qualite
de la communication, nous nous basons pection, l’auscultation, la palpation et la percussion ».
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A. Sow, T. Smekens, J. De Man et al. emiologie et de Sante Publique 69 (2021) 287−295
Revue d’Epid
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