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Texte1 - Abel Kouvouama - Anthropologie de L'état Et Mondialisation en Afrique Subsaharienne - ITEM-UPPA

Ce document explore l'anthropologie de l'État et la mondialisation en Afrique subsaharienne, en analysant les dynamiques politiques, économiques et sociales qui en découlent. Il met en lumière les complexités des figures de l'État africain, influencées par l'héritage colonial et les défis contemporains, tout en soulignant la pluralité des sociétés africaines et leurs interactions avec les normes globales. Enfin, il aborde les implications de ces transformations sur les acteurs sociaux et les nouvelles formes de pouvoir émergentes dans le contexte de la mondialisation néo-libérale.

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Texte1 - Abel Kouvouama - Anthropologie de L'état Et Mondialisation en Afrique Subsaharienne - ITEM-UPPA

Ce document explore l'anthropologie de l'État et la mondialisation en Afrique subsaharienne, en analysant les dynamiques politiques, économiques et sociales qui en découlent. Il met en lumière les complexités des figures de l'État africain, influencées par l'héritage colonial et les défis contemporains, tout en soulignant la pluralité des sociétés africaines et leurs interactions avec les normes globales. Enfin, il aborde les implications de ces transformations sur les acteurs sociaux et les nouvelles formes de pouvoir émergentes dans le contexte de la mondialisation néo-libérale.

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Anthropologie de l’Etat et mondialisation en Afrique

subsaharienne
Abel Kouvouama

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Abel Kouvouama. Anthropologie de l’Etat et mondialisation en Afrique subsaharienne. 2016. �hal-
03234262�

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Séminaire de recherche ITEM EA 3002, 2016, Université de Pau et des Pays de l’Adour.

Anthropologie de l’Etat et mondialisation en Afrique subsaharienne


Pr. Abel KOUVOUAMA
E2S/Université de Pau et des Pays de l’Adour
Collège S.S.H.
Laboratoire ITEM
Introduction

L’anthropologie vise à dégager les lois générales de la vie en société, à partir d’une
réflexion critique sur l’unité de l’homme appréhendé à travers différentes temporalités, et sous
la diversité des cultures, des croyances et des pratiques. L’anthropologie politique s’intéresse de
manière générale au fonctionnement du politique, à ses modes d’expression dans ses rapports
avec les autres instances de la vie sociale, religieuse et familiale, cela aussi bien dans de petites
unités sociales que dans les grandes, dans le temps long et dans le temps court du présent. Il
s’agira dans ce travail, tour à tour, de cerner de manière plus approfondie le champ de
l’anthropologie politique dans le contexte de la mondialisation des rapports ; d’analyser le
processus historique de formation de l’Etat en Afrique subsaharienne à travers les multiples
négociations des rapports entre la sphère du public et la sphère du privé ; enfin de comprendre,
dans le contexte de la mondialisation néo-libérale, les modes d’émergence d’acteurs privés, de
réseaux sociaux et les formes inédites de reconfiguration de l’Etat.

1)- Préalables épistémologiques

La démarche dynamiste et critique d’anthropologie politique que j’utilise ici s’appuie sur
l’affirmation de l’existence d’une pluralité de regards sur les sociétés africaines aussi bien à
l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Afrique : les Afriques des idées reçues entretenues depuis la
période antique par le chroniqueurs de voyages, les philosophes, les ethnologues, les
missionnaires, etc. sur un territoire riche ; les Afriques des imaginaires placées à l’aube de
l’humanité telles que perçues par certains philosophes et historiens sur l’antériorité de ses
civilisations prestigieuses ; les Afriques des réalités vécues enfin, celles des territoires à la fois
scandaleusement riches en ressources du sol et du sous-sol et pauvres pour la majorité des

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populations qui vivent au quotidien, parce que préoccupées par les problèmes d’organisation
matérielle et spirituelle du « vivre-ensemble » dans une communauté policée des citoyens.

Ces trois regards ont ceci de commun qu’ils participent de « l’invention de l’Afrique ». Il
s’agit pour nous d’identifier par-delà les ruptures et les permanences, les potentialités
créatrices des sociétés africaines contemporaines dans le contexte de la mondialisation ; et
d’appréhender dans chaque société africaine subsaharienne, les différents « régimes
d’historicité » qui articulent des totalités socio-politiques enchevêtrées dont le dénominateur
commun est l’avant et l’après « situation coloniale ».

L’idée anthropologique poursuivie dans ce cours consiste à penser les figures de l’État et
les sorties de crise en Afrique subsaharienne et d’identifier les pratiques d'acteurs. En effet, au
cours de ces trente dernières années, on a assisté aux recompositions politiques, économiques,
sociales et culturelles des sociétés africaines sous les effets des mouvements sociaux, des
conséquences des politiques d’ajustement structurel imposées par le FMI et la Banque
mondiale ; à l’accentuation des rivalités entre acteurs politiques pour le contrôle, la conquête
ou la conservation du pouvoir, sur fond de violences extrêmes et de déclenchement des guerres
civiles. Pour les pays africains qui ont expérimenté ou pas les conférences nationales, les sorties
de crise à travers des formes nouvelles d’invention et/ou de réinvention démocratiques ont
laissé la place, tantôt à la défense des acquis démocratiques, tantôt à la restauration des
autoritarismes politiques avec souvent comme conséquences immédiates le recours aux coups
d’État militaires et aux tentatives de changement sur mesure des Constitutions.

Toutefois, en prenant en compte dans la longue durée, à la fois les temporalités


conjoncturelles et les contraintes institutionnelles, le sociologue et les praticiens des sciences
sociales sont amenés à identifier dans le contexte de la globalisation des économies, les
multiples enchevêtrements de normes, d’institutions et de pratiques d’acteurs. En même
temps, dans ces rapports du global et du local appréhendés à différentes échelles, de nouveaux
dispositifs institutionnels et de nouveaux langages sont proclamés derrière la rhétorique de la
démocratie avec l’usage des notions d’État de droit, de droits humains, de bonne gouvernance,
de politiques de décentralisation, etc. Et la greffe de ces institutions sur les normes sociales et
étatiques pré-existant à la pénétration coloniale a contribué à brouiller tous les repères, au
point d’accélérer leur processus d’enchevêtrement sur les plans politiques, juridiques,
économiques et culturels. Cela ne peut qu’avoir des répercussions sur les comportements, les
rôles et statuts des acteurs sociaux qui se trouvent eux-aussi placés en situation de concurrence
avec d’autres nouveaux acteurs émergents, produits des guerres civiles que sont les miliciens-
entrepreneurs, les enfants-soldats et les entrepreneurs de biens de salut versés dans la
production de la violence, le terrorisme et la contrebande. Dès lors, on assiste à un double
processus paradoxal de formalisation/informalisation des économies à l’intersection duquel les

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acteurs publics et privés nationaux et internationaux mettent à profit le « déclin » apparent des
États africains pour tenter de redéfinir de nouvelles règles du jeu pour la régulation politique
sous la loi du pouvoir et de la violence des armes.

Comment alors interpréter toutes ces situations et tous ces faits ayant surgi de part en
part dans les sociétés africaines en mouvement ? Et de façon générale, quelle lecture faire des
figures de l’État en Afrique contemporaine sans pourtant éluder la question de son historicité et
des enjeux qui y sont liés ? Quelles sont les différentes postures adoptées à chaque situation
concrète par les différents acteurs institutionnels publics et privés de la société civile,
notamment les intellectuels ? Il s’agit pour donc de penser les différentes figures de l’État en
Afrique sous le triple regard de l’épreuve, de l’agir et des défis auxquels se trouve confrontée la
réflexion anthropologique et sociologique. Et de nombreux travaux et études sur les figures
d’Etat en Afrique subsaharienne réalisés par des africanistes et par des spécialistes du continent
africain n'ont cessé de s’interroger sur leur complexité et sur leurs spécificités, cela en mettant
l’accent tantôt, sur les modalités d’exercice du pouvoir, tantôt sur les logiques de
fonctionnement et les traits caractéristiques, à savoir, l'instabilité, la gestion néo-patrimoniale
de la chose publique, la violence et la dépendance. Qu’il soit appréhendé comme une puissance
organisée, comme pouvoir légal de la collectivité ou instrument de la raison, l’Etat en Afrique,
reste soumis à des plusieurs régimes de subjectivités dont, on tentera, en premier lieu, de les
analyser dans cette communication; en second lieu, en identifiant quelques figures d’Etat en
Afrique au regard de leurs historicités et de prise en compte à la fois de la généralisation des
expériences démocratiques et de la dissémination de la violence guerrière à dimension
nationale, régionale et internationale, on montrera la centralité de ces Etats africains dans le
dispositif mondialisé des sociétés en mouvement au centre desquelles ils sont objets de luttes
et d’enjeux.

J’entends d’entrée de jeu, préciser l'horizon de ma démarche critique sur la


compréhension plurielle des sociétés africaines et sur la notion de « régimes d'historicité ».
D’une part, en partant du paradigme de la « situation coloniale » élaborée par le sociologue
Georges Balandier (1955) dans l'historicité des sociétés africaines subsahariennes, nous
pouvons envisager des régimes d'historicité qui articulent des totalités socio-politiques
enchevêtrées dont le dénominateur commun est l'avant et l'après « situation coloniale ». Il le
formule en ces termes :

« Toute étude concrète des sociétés affectées par la colonisation s'efforçant, à une saisie
complète ne peut cependant s'accomplir que par référence à ce complexe qualifié de situation
coloniale. C'est en approfondissant l'analyse de cette dernière, en repérant ses caractéristiques
selon le lieu de l'enquête, en examinant les mouvements qui tendent à sa négation qu'il devient
possible d'interpréter et de classer les phénomènes observés. Cette reconnaissance de la

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situation résultant des rapports entre la société coloniale et la société colonisée requiert du
sociologue un continuel effort critique le mettant en garde contre les risques d'une observation
trop unilatérale » (G. Balandier, Sociologie actuelle de l'Afrique Noire, dynamique sociale en
Afrique, Paris, PUF, 1ère édition 1945, 2ème édition 1963, p. 364).

Quelles sont les conditions historiques, sociales et politiques qui caractérisent la situation
coloniale ? On peut y repérer quatre éléments :

- C'est la domination imposée, selon Balandier, par une minorité étrangère « racialement »
et culturellement différente au nom d'une supériorité « raciale » (ou ethnique et culturelle
dogmatiquement affirmée) à une majorité autochtone matériellement inférieure.

- C'est la mise en rapport de « civilisations » hétérogènes, à savoir, une civilisation à


machinisme, à économie puissante, à rythme rapide et d'origine chrétienne s'imposant à des
civilisations techniques complexes, à économie retardée, à rythme lent et radicalement non
chrétienne.

- C'est le caractère antagoniste des relations intervenant entre la société coloniale et la


société colonisée et qui s'explique par le rôle d'instrument auquel est condamnée la société
colonisée.

- C'est la nécessité pour maintenir la domination coloniale, de recourir non seulement à la


force mais encore à un ensemble, dit Balandier, de pseudo justifications et de comportements
stéréotypés.

D’autre part, j’emprunte à l’historien Jacques Revel, la notion de « régimes d'historicité


», par laquelle il désigne, « l'ensemble des rapports qu'un acteur social collectif ou une pratique
sociale - comme l'histoire - entretient avec le temps, ainsi que de la manière dont ces rapports
sont engagés dans un présent qui peut être celui de la mémoire, de l'action, du savoir. De façon
plus précise et plus opératoire, la notion peut permettre d'articuler ensemble trois registres : la
construction d'un rapport au temps historique ; les modalités cognitives d'un savoir sur le passé ;
les formes dans lesquelles ce savoir peut s'énoncer ».1

Partant de ces considérations épistémologiques, je vais faire les quatre observations


suivantes :

- Premièrement, au-delà de l'unité du concept de « société africaine » subsaharienne (au


singulier) qui tente de souligner pour la plupart d'entre elles, la même expérience historique du
fait colonial (l'exception de certaines comme l'Ethiopie), les sociétés africaines sont plurielles
dans leur historicité concrète.
1
Jacques Revel, Les sciences historiques, in Jean-Michel Berthelot (dir.), Epistémologie des Sciences
sociales, Paris, PUF, 2001, p. 33.

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- Deuxièmement, l'analyse des constructions des figures d’Etat dans les sociétés
africaines subsahariennes se doit d'appréhender la question de l'individu en acte, sous la double
articulation des logiques individuelles et des logiques communautaires s'appuyant aussi bien sur
le contrat social que sur l'appartenance à une parenté de sang et d'alliance matrimoniale.

-Troisièmement, en partant de la production des rationalités contextualisées, on peut


dans une certaine mesure postuler l'idée d'après la- quelle, l'expérimentation de la démocratie
(espace public) dans les sociétés africaines subsahariennes impliquant le religieux (espace privé)
se donne à voir comme un des lieux propices à la formation de nouvelles subjectivités croyantes
et à l'émancipation du sujet africain. Les productions religieuses du politique ou les productions
politiques du religieux valorisant l'initiative individuelle sont à lire comme un des modes
d'expression de la modernité politique et religieuse africaine dans un processus
d'inachèvement.

- Quatrièmement, en tenant compte de l'histoire mouvementée de l'Afrique du fait de la


domination esclavagiste et coloniale, on peut considérer comme modèle opératoire d'analyse,
la double lecture historique des sociétés africaines en termes de blocage du processus
d'évolution du fait de la surimposition coloniale et de télescopage des logiques rationnelles
exogènes et des logiques rationnelles endogènes.

De la sorte la rationalité doit être appréhendée ici comme toute activité de raison qu’elle
soit en valeur ou en action permettant au sujet d’établir son rapport au monde, dans la
dialectique de l’identité et de l’altérité ou de la différence, en tant que “foyers d’expérience”
pour reprendre l’expression foucaldienne dans son ouvrage intitulé, “Gouvernement de soi,
gouvernement des autres” (Cours du collège de France, Paris 2003).

Quant à la notion d’irrationalité, je veux retenir uniquement la notion d’imprévisibilité et


de temporalité opportune (temps opportun) qui caractérise le fonctionnement de l’Etat du fait
de la combinaison chez les acteurs institutionnels des actions rationnelles, émotionnelles, voire
occasionnelles des modes d’action dans la sphère étatique ; ce que Machiavel appelle la virtù,
l’intelligence pratique.

2)- Spécificité et universalité de l’Etat africain selon quelques analystes

L'analyse de l'Etat en Afrique s'est faite historiquement selon plusieurs traditions de


pensée. La première tradition s'inscrit dans le mouvement colonial des années 30, elle a fait de
l'anthropologie politique, un champ spécifique d'étude au sein de l'ethnologie ou de
l'anthropologie sociale. Ainsi, l'analyse des structures politiques et juridiques des sociétés
africaines dites "primitives" ou "archaïques" présentait l'Etat sous sa forme inachevée par

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Séminaire de recherche ITEM EA 3002, 2016, Université de Pau et des Pays de l’Adour.

comparaison à celui des sociétés occidentales; d'où l'importance accordée à la question de


l'ethnie et du tribalisme constitutifs de la démarche anthropologique.2De ce fait, la
"provincialisation" de l'anthropologie politique a conduit à une présentation dualiste des
sociétés africaines et européennes marquées par des oppositions du genre, sociétés sans
Etat/sociétés à Etat, société sans histoire/société à histoire.

Une autre tradition, celle de la sociologie et de l'anthropologie politiques et juridiques en


Afrique, tout en se rattachant à la plus ancienne qui envisage l'homme en général comme un
"animal politique", s'est davantage orientée autour des années 50, vers la saisie de la logique de
fonctionnement de l'Etat, du pouvoir et de la lutte des classes. Par une démarche totalisante, le
chercheur en sciences sociales s'est alors appliqué à analyser les racines historiques du sous-
développement et de la domination impériale dont les conséquences sur la formation des Etats
et des Constitutions en Afrique sont profondes3. Plusieurs travaux de type historique ou
comparatiste ont tour à tour insisté, tantôt sur les modes d'organisation de l'Etat et du pouvoir
dans l'Afrique anté-coloniale et post-coloniale, sur l'imbrication des rapports de parenté dans le
fonctionnement du champ politique ; tantôt sur les modalités et les formes de l'action politique
dans les sociétés africaines contemporaines. De nombreuses expressions ont été employées
pour qualifier l'Etat en Afrique : "Etat sous-développé" (J.F Médard), "Etat mou" (Gunar Myrdal);
des analyses plus prudentes ont pris en compte les aspects historiques et sociologiques
susceptibles de mieux saisir les différents rapports de continuité, de discontinuité et de rupture
entre l'Etat et la nation en Afrique4. En partant des concepts de formation économique et
sociale et de mode de production, élaborés par Marx, ce courant s'est investi dans l'analyse des
formes et structures des procès de la vie matérielle des sociétés5. Le rappel de ce principal
courant de l'anthropologie économique permet de situer le contexte théorique dans lequel vont
se développer et s'affronter les thèses des anthropologues africains à partir des années 60. Qu'il
s'agisse de l'approche marxiste (avec Osendé Afana), néo-marxiste (avec Samir Amin), ou de
l'approche classique libérale (avec Mamadou Dia), l'anthropologie économique africaine va
mettre en relief les problèmes du sous-développement et de la dépendance auxquels
s'ajouteront ceux des mécanismes de la domination. Pourtant, l'approche marxiste et néo-

2
Lire Jean Copans, Critiques et politiques de l'anthropologie, Paris, Maspero, Dossiers africains, 1974; puis
Introduction à l'ethnologie et à l'anthropologie, Paris, Nathan Université, 1996.
3
Cheikh Anta Diop, "Nations nègres et culture", Paris, Présence Africaine, 1955; Frantz Fanon, "Les damnés de
la terre", Paris, Maspero, 1961.
4
Elikia Mbokolo, "Historicité et pouvoir d'Etat en Afrique Noire, Réflexion sur les pratiques d'Etat et les idéologies
dominantes", in Revue Relations Internationales n 34, 1983; Pambou Tchivounda, Essai sur l'Etat africain post-
colonial, Paris L.G.D.J.P, Dakar, NEA 1982.
5 Marshall Sahlins, Stone Age economics, Aldine, 1972; Maurice Godelier, Rationalité et irrationalité en économie,
Paris, Maspero, 1966; Claude Meillassoux, Anthropologie économique des Gouro de Côte d'Ivoire, Paris, Mouton,
1964.

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marxiste vont dominer tout le champ théorique de l'anthropologie économique africaine à


partir de 1960, et cela pour deux raisons :

- premièrement, le mouvement de décolonisation du continent africain se fait sous


l'influence de l'idéologie marxiste et des idéologies de revalorisation culturelle du noir d'Afrique
(négritude) et de la diaspora ainsi que de la construction de l'unité politique du ponde noir
(panafricanisme). L'analyse économique privilégie les conséquences de l'expansion du
capitalisme occidental sur des sociétés précapitalistes africaines. La prise en compte des aspects
économiques, démographiques et sociaux a conduit de nombreux analystes à recourir à une
démarche comparatiste ayant abouti à l'élaboration de nouvelles notions comme celles du
"sous-développement" et de la "dépendance"6.

-Deuxièmement, le choix opéré par de nombreux pays africains pour une économie de
marché intégrée au marché mondial a permis l'afflux d'investissements des pays du "centre"
vers ceux de la "périphérie". Certains anthropologues africains ont conclu ainsi à une
"croissance sans développement" de ces pays par le fait même qu'elle a été engendrée de
l'extérieur par les pays du "centre", ceci au détriment d'une véritable alternative de
développement "autocentré et autodynamique"7. La prise en compte des phénomènes socio-
économiques résultant de l'agencement forcé des dynamismes externes et des dynamismes
internes a suggéré à l'anthropologue africain d'intégrer les problèmes économiques des sociétés
africaines dans ceux de toutes les sociétés modernes du fait même de l'internationalisation du
capital8. La mondialisation des rapports instruit une double référence à l'objet anthropologique :
la première invite à ne plus considérer l'objet anthropologique comme "lointain" et propre aux
sociétés dites traditionnelles. Toute société étant marquée par le sceau de l'ancien et du
nouveau, l'anthropologue africain se trouve, par un "exotisme intérieur", confronté à un
nouveau terrain qu'il veut connaître. Or, ce terrain n'est souvent rien d'autre que la société dans
laquelle il vit et qu'il connaît intuitivement, ou celle qui lui est culturellement familière. Et le
regard anthropologique permet-il de prendre en compte les éléments et les événements, même
singuliers, qui renvoient aux pratiques sociales et aux conduites individuelles des différents
acteurs sociaux.

3) Etat post-colonial et mondialisation en Afrique subsaharienne

De nombreux analystes se sont interrogés sur les rapports d'identité et de différence


pouvant exister entre l'Etat en Ethiopie ou au Sierra-Leone, au Congo ou en Tunisie, au
Mozambique ou en Angola. En prenant l'exemple le plus frappant des Etats post-coloniaux

6 Osendé Afana, L'économie de l'Ouest africain, perspectives de développement, Paris, Maspero, 1966.
7 Samir Amin, Le développement du capitalisme en Côte d'Ivoire, Paris, Ed.de Minuit, 1967.
8 Diakité, L'Afrique malade d'elle-même, Paris, Karthala, 1986; Naka, Recours à l'emprunt extérieur dans le
processus de développement, Paris, l'Harmattan, 1986.

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marqués par une rupture historique entre l'Etat et la nation en Afrique, on peut faire le constat
qu'ils résultent de la mutation du fait colonial, et sont le produit d'un double héritage endogène
et exogène : d'une part, celui issu du mode de fonctionnement et de gestion du pouvoir
politique des sociétés africaines, anté-coloniales, reposant sur l'articulation de l'instance
politique et de l'instance religieuse; d'autre part, celui du mode de fonctionnement et de
gestion du pouvoir politique colonial dominé par la rationalité productiviste. La logique
coloniale a donc consisté à regrouper en "nouvelles nations" et dans de nouveaux espaces
politiques hétérogènes, d'anciennes unités sociales et culturelles relativement homogènes ;
ainsi depuis les années 60 se sont formés des Etats-nations qui vivent sous la crainte
permanente de dislocation du fait des idéologies politiques centrifuges comme
l'ethnocentrisme. De nombreux auteurs se sont refusés à voir en ce phénomène une résurgence
des modes traditionnels d'identification sociale, encore moins la survivance d'un archaïsme
dans les structures politiques africaines actuelles ; il a plutôt été identifié comme une stratégie
d'instrumentalisation de l'appartenance ethnique par les groupes sociaux en compétition pour
la conquête et le contrôle de l'Etat et du pouvoir politique en Afrique9. Par ailleurs, des études
insistant sur l'aspect juridique des régimes politiques africains ont également essayé d'établir
une typologie de ces régimes tels qu'ils sont décrits par les Constitutions en vigueur. Lorsqu'il
s'agit des régimes à tendance réformiste ou révolutionnaire, les caractéristiques des formations
sociales ont permis de conclure à leur forme inachevée et à leur double référence aux cultures
juridiques africaines souvent qualifiées de "traditionnelles" et aux cultures juridiques
européennes appelées "modernes". Dans un régime tout comme dans l'autre, les références
juridiques au parti unique, au peuple et à l'unité nationale demeurent constantes, qu'il s'agisse
des régimes civils ou des régimes militaires10.

Analyser l'Etat postcolonial dans le contexte de la mondialisation, c'est d'une part,


analyser la question du politique dans son évolution historique en Afrique ; politique entendue
ici dans sa vision pratique, par-delà ses régularités communes propres11, comme espace des
possibles et comme espace d'expérimentation des conduites humaines sous les aspects
individuels et collectifs. C'est en cela que le politique comme genre de savoir rationnel se trouve

9
Lanciné Sylla, Tribalisme et Parti unique en Afrique Noire, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences
Politiques, 1977; Emmanuel Terray, L'Etat contemporain en Afrique, Paris, 1986 ; Jean-François Bayart, L'Etat en
Afrique, la politique du ventre, Paris, 1989 ; Fidèle-Pierre Nze-Nguema, L’Etat au Gabon de 1929 à 1990, le partage
institutionnel , Paris, L’Harmattan, 1998.
10
O. Dieng, L'armée et le pouvoir en Afrique noire : les coups d'Etat militaires, thèse de 3e cycle E.H.E.S.S, Paris,
1978; M. Kourouma, Etude du présidentialisme en Afrique noire francophone à partir des exemples guinéens et
ivoiriens, thèse de Doctorat d'Etat, Paris, 1978.
11
Ces régularités communes du politique se déclineraient à travers ses présupposés que sont la caractérisation
du politique comme une activité rationnelle orientée vers une fin visée, la distinction entre gouvernants et
gouvernés, du privé et du public, la dialectique du commandement et de l'obéissance, de l'ami et de l'ennemi, ainsi
que l'usage du droit, de la force et de la ruse.

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lié par les contingences historiques propres à chaque société à la politique en acte, à la
rationalité politique qui devient par la suite instrumentale. D'autre part, c'est prendre en
compte le contexte social, historique et idéologique dans lequel la réflexion des sciences
sociales sur l'Etat et la politique s'est développée en Afrique. En effet, la critique politique et
idéologique tour à tour de l'esclavage, de la colonisation puis de l'apartheid et du racisme par la
négritude (dès 1935), le panafricanisme et les courants africains du marxisme (autour des
années 1950) ont orienté la réflexion africaine vers la réhabilitation de l'homme noir contre
l'histoire et l'ethnologie coloniales. Le débat sur l'Etat et la politique partira d'abord du champ
de l'histoire africaine pour ensuite questionner l'Etat et la politique dans leurs déterminations
historiques concrètes, puis les catégories et concepts utilisés pour penser cette historicité
africaine.

Concernant les Etats en Afrique subsaharienne, la plupart des Etats africains actuels
héritent de deux systèmes de référence, de deux logiques contradictoires à la fois, par leurs
systèmes de production, de répartition des produits et par leurs cadres socio-culturels
d'appartenance. Dans l'Etat se combinent ainsi des pratiques socio-économiques anté-
capitalistes et celles régies par le mode de production capitaliste; les individus s'y identifient de
deux manières : tantôt comme appartenant à une classe sociale, de par la place qu'ils occupent
respectivement dans le procès de production, leur mode de consommation; tantôt par
référence à un cercle identitaire plus restreint. De là découle précisément au niveau des
individus intéressés par l'exercice du pouvoir politique au sein de l'Etat, la prépondérance qu'ils
accordent à des formes variées de la superstructure comme l'affirmation ethnique, la
conscience de classe et l'appartenance religieuse. Si dans la plupart des cas, l'on assiste dans les
pratiques politiques des individus au pouvoir ou en quête de pouvoir politique à
l'instrumentalisation du fait ethnique, la finalité de ces pratiques ne peut se comprendre
aisément sans une réelle prise en compte de leur mode de représentations idéologiques du
pouvoir et des formes de références identitaires, ethniques et religieuses. En réalité, l'Etat
contemporain en Afrique est bien le produit d'un double héritage endogène et exogène forcé :
d'une part, celui de la logique de fonctionnement et de gestion du pouvoir politique des
sociétés africaines anté-coloniales caractérisée par l'interférence du pouvoir temporel et du
pouvoir spirituel et religieux, ainsi que par le caractère “inhumain” du pouvoir considéré comme
la propriété des dieux; d'autre part, l'Etat est le produit de la logique de fonctionnement et de
gestion du pouvoir colonial reposant, entre autre, sur la séparation du politique et du religieux,
de la sphère du public et de la sphère du privé12. Et dans la mesure où l'espace social et
politique de l'Afrique anté-coloniale (fondé sur l'unité relativement homogène entre l'identité
culturelle des groupes sociaux et l'identité territoriale) a été déstructuré par la colonisation et
fixé juridiquement lors de la Conférence de Berlin de 1885, il s'est alors produit une

12
Jean-François Bayart, L'Etat en Afrique, la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, p.56.

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transfiguration de l'Etat en Afrique. Donc, qu'il s'agisse du domaine politique, économique et


social ou du domaine culturel, l'existence d'un pôle mixte des activités matérielles et spirituelles
conduit à admettre au sein de la production endogène africaine de la modernité, la permanence
d'une logique sociale endogène que fonde le primat du groupe (politique, religieux, associatif)
ou de la parenté sur l'individu et d'une logique sociale exogène caractérisée par le primat de
l'individu sur le groupe; leur agencement souvent difficile et tumultueux se fait pour la plupart
des cas dans un va-et-vient continuel décelable dans les comportements et les mentalités des
acteurs sociaux. Avec la désorganisation des repères identitaires, le renouvellement des
représentations sociales et symboliques implique un tri à la fois dans les matériaux culturels
étrangers et dans les cultures africaines anciennes. La gestion de l'Etat et l'exercice de la
démocratie ne peuvent donc pas échapper aux conséquences multiples du télescopage
résultant de cette production endogène de la modernité politique.

L'Etat conçu tantôt comme une puissance organisée, tantôt comme le pouvoir légal,
tantôt enfin comme un instrument de la raison et du pouvoir de la collectivité, est toujours
associé au concept de pouvoir. Concernant le pouvoir d'Etat en Afrique, de nombreux travaux
d'africains et d'africanistes n'ont cessé de mettre l'accent sur leur complexité et sur leurs
spécificités. Ils utilisent plusieurs qualificatifs pour caractériser l'Etat et le pouvoir en Afrique;
ainsi on parle tantôt d'"Etat sous-développé" (J-F Médard), tantôt d'"Etat mou" (Gunnar
Myrdal)13. Par ces qualificatifs, leurs auteurs évoquent le mal-fonctionnement de l'Etat africain,
lequel est illustré par ses traits caractéristiques, à savoir, l'instabilité, l'inefficacité de la gestion
publique, la violence et la dépendance. Jean-François Médard ajoute que la logique du pouvoir
avec laquelle fonctionne cet "Etat sous-développé" est une logique néo-patrimoniale,
empruntant cette notion de patrimonialisme à Max Weber. "Dans le cas du néo-
patrimonialisme, dit-il, "le secteur public existe indépendamment du secteur privé, mais il se
trouve quasiment privatisé en ce sens qu'il est géré comme un domaine privé. (...) Ce néo-
patrimonialisme est bien le sous-produit de l'interaction entre les sociétés traditionnelles locales
et les Etats étrangers. C'est pourquoi il ne correspond ni à une logique politique traditionnelle ni
à une logique politique étatique moderne tout en empruntant aux deux. La forme, l'apparence
extérieure est étatique, constitution, droit écrit, administration, etc., mais la logique de
fonctionnement est patrimonial"(J-F Médard,1983). Cette logique de fonctionnement du
pouvoir d'Etat n'est du reste pas spécifique aux Etats post-coloniaux africains; elle concerne la
quasi-totalité des sociétés dominées et dépendantes.

Au concept d'Etat est associé celui de pouvoir. Et quel que soit le sens dans lequel on
l'appréhende, sens religieux, sens politique, économique et juridique, le pouvoir est synonyme

13
Jean-François Médard, La spécificité des pouvoirs africains in Pouvoirs, Revue française d'études
constitutionnelles et politiques, n° 25, Paris, PUF, 1983, p.8.

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de puissance. André Lalande dégage trois sens du concept de pouvoir. Dans un premier sens, le
pouvoir désigne cette capacité ou cette faculté d'agir; il implique toujours une idée d'activité.
Dans un second sens, le pouvoir signifie la faculté légale ou morale, le droit de faire quelque
chose. Dans un troisième sens, le pouvoir renvoie à l'autorité, au corps constitué qui exerce ce
pouvoir comme le gouvernement ; associé ainsi au droit, le pouvoir est défini comme l'exercice
légal de la force. Ce pouvoir de domination légale bureaucratique et rationnelle se distingue du
pouvoir de domination traditionnelle qui fait appuyer sa légitimité admise, comme le précise
Max Weber, sur le caractère sacré des dispositions transmises par le temps et des pouvoirs du
chef; il est géré soit de manière gérontocratique, soit de manière patriarcale, laquelle est
l'équivalent du pouvoir de domination patrimoniale qui confond le bien public et le bien privé et
les gère ensemble. Enfin, ce pouvoir de domination légale bureaucratique se distingue du
pouvoir de domination charismatique qui repose sur la soumission extraordinaire au caractère
sacré, à la vertu héroïque ou à la valeur exemplaire d'une personne ou encore qui émane
d'ordres révélés ou émis par celle-ci. Autrement dit, dans le pouvoir de domination
charismatique, les individus obéissent au chef en tant que tel, chef qualifié charismatiquement
en vertu de la confiance personnelle en sa révélation, son héroïsme ou sa valeur exemplaire et
dans l'étendue de la validité de la croyance en son charisme14.

En réalité, l'Etat contemporain en Afrique est bien le produit d'un double héritage
endogène et exogène forcé : d'une part, celui de la logique de fonctionnement et de gestion du
pouvoir politique des sociétés africaines anté-coloniales caractérisée par l'interférence du
pouvoir temporel et du pouvoir spirituel et religieux, ainsi que par le caractère inhumain du
pouvoir considéré comme la propriété des dieux; d'autre part, l'Etat est le produit de la logique
de fonctionnement et de gestion du pouvoir colonial reposant, entre autre, sur la séparation du
politique et du religieux, de la sphère du public et de la sphère du privé15. Et dans la mesure où
l'espace social et politique de l'Afrique anté-coloniale (fondé sur l'unité relativement homogène
entre l'identité culturelle des groupes sociaux et l'identité territoriale) a été déstructuré par la
colonisation et fixé juridiquement lors de la Conférence de Berlin de 1885, il s'est alors produit
une transfiguration de l'Etat en Afrique. Donc, qu'il s'agisse du domaine politique, économique
et social ou du domaine culturel, l'existence d'un pôle mixte des activités matérielles et
spirituelles conduit à admettre au sein de la production endogène africaine de la modernité, la
permanence d'une logique sociale endogène que fonde le primat du groupe (politique, religieux,
associatif) ou de la parenté sur l'individu et d'une logique sociale exogène caractérisée par le
primat de l'individu sur le groupe; leur agencement souvent difficile et tumultueux se fait pour
la plupart des cas dans un va-et-vient continuel décelable dans les comportements et les

14
Max Weber, Economie et société, Paris, Plon, Tome I, 1971, pp.219-255.
15 Jean-François Bayart, L'Etat en Afrique, la politique du ventre, Paris, Fayard, 1989, p.56.

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mentalités des acteurs sociaux. Avec la désorganisation des repères identitaires, le renouvelle-
ment des représentations sociales et symboliques implique un tri à la fois dans les matériaux
culturels étrangers et dans les cultures africaines anciennes. La gestion de l'Etat et l’exercice de
la démocratie ne peuvent donc pas échapper aux conséquences multiples du télescopage
résultant de cette production endogène de la modernité politique. La vision idyllique de
l'historicité des sociétés africaines anciennes présentait ces dernières sous le paradigme du
communautarisme saisi dans ses différentes interprétations.16 Ainsi, analyser l’Etat et la
politique en Afrique consiste à aller au-delà de l’approche institutionnelle, afin d'analyser "les
logiques souterraines que font agir et qui font agir les acteurs sociaux et politiques"17 ; ceci, non
seulement pour comprendre les trajectoires changeantes et incertaines des configurations
politiques à l’oeuvre18, mais également pour apprécier à leur juste valeur dans le système-
monde toutes les expériences africaines d’invention de l’Etat sur les ruines de l’Etat colonial. De
la sorte, avec le paradigme individu/société se pose bel et bien le problème des fondements du
lien social. Faut-il alors l’envisager en valorisant dans la démarche holiste, la totalité sociale
comme point de départ de la compréhension des besoins de l’individu ? Ou bien comme le fait
la démarche individualiste, valoriser d’abord l’individu comme être indépendant, autonome à
partir duquel s’analyse la totalité sociale ? Louis Dumont opère bien cette distinction entre
l’individu conçu comme réalité empirique et concrète existant dans toutes les sociétés
humaines, et l’individu défini comme valeur caractéristique de la modernité occidentale depuis
la Révolution française de 1789.19 Si l’individu comme réalité empirique se distingue dans son
unité en tant que personne par rapport à autrui et par rapport à la société, il est par contre, en
tant que valeur reconnu dans ses droits spécifiques de personne libre, indépendante ayant des
droits spécifiques. Aujourd'hui, avec les explosions et implosions démocratiques, et les
recompositions politiques et sociales, les Etats africains, particulièrement subsahariens sont mis
à rude épreuve. Les mouvements sociaux jadis limités à l'échelle locale s'internationalisent de
plus en plus sous l'effet démultiplicateur des médias. De même, la société civile en appelle
chaque jour à la redéfinition du lien social qui aménagerait un espace de liberté non soumis au
contrôle autoritaire. Est alors posée la question de l'alternance démocratique dont il convient
maintenant de cerner les enjeux contemporains à travers les expériences des conférences
nationales.

16 Ce communautarisme africain est expliqué, à la lumière du socialisme scientifique par K. N'Krumah, du


socialisme africain par L.S. Senghor et J. Nyerere.
17 Aminata Diaw, Démocratisation et logiques identitaires en acte, l’invention de la politique en Afrique, série
monographie 2/94 du CODESRIA, Dakar, 1994, p.2.
18 Momar-Coumba Diop et Mamadou Diouf, Les Figures du politique en Afrique, Des pouvoirs hérités aux pouvoirs
élus, Collection Bibliothèque du Codesria, Dakar/Paris, Codesria/Karthala, 1999, p.8.
19 Louis Dumont, Essais sur l’individualisme, Paris, Seuil,1983, pp.270-280.

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L’analyse anthropologique de l’Etat en Afrique subsaharienne conduit inévitablement à


prendre en compte le contexte mondial actuel dans lequel se construisent les identités
individuelles et collectives. Il s'agit d'un monde multipolaire de plus en plus marqué par la
mondialisation néo-libérale. Celle-ci suscite de manière visible et insistante, à la fois de
l'homogénéisation, de la différenciation, des tendances, des contre-tendances, des ruptures, et
dans lesquelles, les sociétés contemporaines, dans leur majorité, se trouvent confrontées à
l'accélération de plusieurs phénomènes inédits. Quatre d'entre eux affleurent et guident nos
interrogations présentes : premièrement, les transformations des sociétés, soit vers plus de
richesse, soit vers plus de pauvreté, se font dans des contextes socio-politiques spécifiques,
caractérisés par une urbanisation accélérée, une forte poussée démographique, des rivalités
économiques et militaires accrues menaçant chaque jour la paix dans le monde.
Deuxièmement, les recompositions des territoires et des identités politiques, économiques,
culturelles et religieuses sont marquées pour la plupart, du sceau de guerres inter-étatiques de
souveraineté territoriale, de violences guerrières, ainsi de migrations régionales et
internationales forcées ou voulues, du fait des autoritarismes politiques, des injustices et des
inégalités sociales au sein des sociétés et des Etats-nations. Tous ces faits sociaux conduisent,
dans la plupart des cas, à l'expression non seulement des résistances collectives et de
revendications identitaires, mais également à de formes de replis sur soi ; à des tendances
régressives suscitées par les idéologies centrifuges d'exclusion portées par les nationalismes et
les ethnocentrismes de toutes sortes. Troisièmement, la dislocation de certains Etats-nations
sous les effets conjugués des guerres inter-étatiques et des guerres civiles où se dessinent de
nouvelles formes de déconstruction violente des espaces territoriaux. Quatrièmement, le
développement de nouvelles cultures planétaires portées par le cosmopolitisme et les divers
métissages contemporains conduit également à la production de nouvelles identités
transnationales, transfrontalières et déterritorialisées que favorisent, entre autres, les
migrations transnationales. Cette connexion du local et du mondial20 a des incidences sur les
constructions identitaires dans le contexte de la mondialisation contemporaine.

Quant à la mondialisation qui est pensée ici comme un processus, elle suscite à la fois de
l'homogénéisation et de la différenciation, des cohérences, des tensions, des tendances, contre-
tendances et ruptures. Je partage les trois principales définitions de la mondialisation dégagées
par Michel Beaud : dans un premier sens, la mondialisation s'appréhende comme l'accession à
la dimension mondiale d'une réalité ; hier, c'était la mondialisation de la présence humaine ou
de techniques productives sur les différents continents, aujourd'hui, c'est la mondialisation de
l'information instantanée ou de la consommation de certains produits. Il s'agit ici de ce qu'il
appelle les " archéo-mondialisations " qui se situent entre moins de 7 millions d'années et le

20
Lire notamment Jean Copans, Développement mondial et mutations des sociétés contemporaines », Paris,
Armand Colin, collection 128, 2006.

13
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début de notre ère. Dans un second sens, la mondialisation désigne la multiplication et


l'intensification d'interdépendances au niveau mondial ; des interdépendances longtemps
demeurées tenues, faibles et diluées dans le temps, mais brusquement renforcées avec les
mutations des transports et des communications. Il s'agit ici des " proto-mondialisations " des 5
derniers siècles. Enfin, troisième sens, la mondialisation désigne un mouvement organique
englobant, avec pour la mondialisation contemporaine, un lien fort avec les dynamiques du
capitalisme ; d'abord celles du premier puis du second capitalisme industriel et désormais celles
du nouvel âge techno-scientifique du capitalisme. Anne-Catherine Wagner montre bien dans
son analyse des classes sociales dans la mondialisation comment celle-ci « génère des inégalités
nouvelles entre les catégories sociales, qui n’ont pas le même accès à la mobilité internationale,
à la connaissance des pays étrangers. Ces principes de hiérarchisation sociale produisent des
effets sur les rapports entre les groupes qui cherchent, avec des succès inégaux, à se mobiliser à
l’échelle internationale (…) La mondialisation est ainsi à la fois, un facteur de reproduction des
inégalités et un facteur de recomposition sociale ».21

D'autres phénomènes de la mondialisation sont repérables à travers des phénomènes


tels que les religions à vocation universelle, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,
les empires à visées planétaires, l'institution du temps universel, la recherche d'un langage
planétaire et le projet d'une société de citoyens du monde, la préservation d’un environnement
de qualité. Car la crise de l’environnement conduit à penser autrement les modèles de
développement dans les sociétés industrielles comme dans les pays en développement. Adossé
à la notion d’environnement, le développement durable a fait son apparition dans les sphères
des organisations mondiales, puis des gouvernements. A la différence de la notion antérieure de
développement restreint à l’espace économique et construit à partir d’une dissymétrie majeure
entre acteurs, le développement durable se situe dans une perspective à la fois plus large et
unifiée. Intrinsèquement lié à la mondialisation, qu’il a contribué à annoncer, il relie à une
même réalité pays industrialisés et pays en développement dans une dynamique de
transformation inéluctable. De même, les nouvelles technologies de l'information et de la
communication permettent à l'individu de disposer de savoirs instantanés dans une dimension
réelle ou virtuelle. Ainsi, dans le contexte de la mondialisation, on assiste pour ce qui est des
sociétés africaines à l'accélération de plusieurs phénomènes inédits :

- L'éclatement des Etats sous les effets conjugués des guerres inter-étatiques et des
guerres civiles avec pour corollaire des signes avant-coureurs à travers lesquels se dessinent de
nouvelles formes de territorialité, de déconstruction violente des espaces territoriaux.

21 Anne-Catherine Wagner, Les classes sociales dans la mondialisation, Paris, La Découverte, 2007, p. 4 et p. 103.

14
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- Les migrations régionales et internationales, recompositions géo-politiques avec le


renforcement de grandes puissances sous-régionales, notamment : le Nigéria, l'Afrique du Sud
(Cf. : le N.E.P.A.D.).

- La transformation rapide des sociétés soit vers plus de richesse, soit vers plus de
pauvreté sous l'influence des rivalités économiques, militaires et religieuses de la poussée
démographique, de l'urbanisation massive,

- Le développement d'une nouvelle culture africaine portée par le cosmopolitisme et la


créolité. D'où l'émergence de nouvelles identités transnationales que favorisent les migrations
transfrontalières.

- L'observation des tendances régressives de micro-nationalisme exacerbé développées


par des idéologies centrifuges de type ethnocentrique et foncièrement nationalito-raciste.

La culture apparaît-elle comme un vecteur efficace de la globalisation comme le souligne


A. Appadurai (1996) ? Peut-on dire que la mondialisation est à la fois, un processus en cours et
une réalité cherchant à appréhender dans le système-monde (F. Braudel, 1979), les dynamiques
et transformations qui y sont induites ? De quelle manière les sciences sociales et tout
particulièrement l’anthropologie peut-elle intégrer ces nouveaux objets que sont la nature et
l’environnement ? Comment penser la globalisation quand les disciplines sont calées sur la
dimension nationale et sont étroitement liées à la construction de l’Etat-Nation ?

En effet, le mot « globalization », dans la langue anglo-saxonne, a fait son apparition à la


fin des années 1950 en Occident, dans le vocabulaire scientifique et journalistique. Il s'agissait
de décrire des faits nationaux et régionaux qui deviennent mondiaux22. La globalisation
englobe le mot global ; ce dernier renvoie aussi bien à la forme que prend une institution, à une
création imaginaire qu'à un processus et qui font que le global transcende le cadre des Etats
nationaux en même temps qu'il investit des institutions et des territoires nationaux. Qu'elle soit
économique, politique ou qu'elle soit culturelle est implicitement un processus transnational. Le
global investit le national et met en crise ces deux idées ; d'une part que l'Etat-nation soit
encore le vecteur principal du processus social ; d'autre part, la correspondance tacite entre le
territoire national et du fait national par le fait qu'une activité politique, économique ou
culturelle située sur le territoire national soit de fait national. Fernand Braudel (1979) et

22 Lire à ce sujet, Marshall Mc Luhan, La galaxie Gutemberg. La genèse de l'homme typographique », Paris,
Gallimard, 2 tomes, 1967 ; War and peace in the global village », New-York, Bantam, 1968 (traduction française, «
Guerre et paix dans le village planétaire », Paris, Robert Lafont, 1971) ; Arjun Appaduraï, Modernity at large.
Cultural dimensions of globalization", University of Minesota Press, Public Word, Vol. 1, 1996. Traduction française,
« Après le colonialisme. ; Pierre Bourdieu, Contre-feux2, Paris Raisons d’agir, 2001 ; Anne-Catherine Wagner, Les
classes sociales dans la mondialisation, Paris, La Découverte, 2007 ; Saskia Sassen, La globalisation. Une sociologie,
Paris, Gallimard, 2009.

15
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Immanuel Wallerstein (1992) ont analysé respectivement la notion de « système-monde » et de


« world system » pour monter comment l'essor mondial des échanges économiques est lié à
l'émergence culturelle et idéologique d'une nouvelle bourgeoisie urbaine. En effet, faisant de la
planète un vaste terrain à conquérir, à dominer et à civiliser, cette nouvelle bourgeoisie urbaine
occidentale va rêver d'unifier le monde par le commerce, la conquête et par le prosélytisme
religieux. Cet esprit de conquête et de civilisation germait déjà dans l'esprit des aventuriers et
des marchands, avant qu'il ne soit relayé par les missionnaires.

Pour Pierre Bourdieu, le mot de « globalization » (ou, en français, de mondialisation)


contient deux sens : un sens descriptif rigoureux, désigner l'unification du champ économique
mondial ou l'extension de ce champ à l'échelle du monde. Mais on lui fait aussi signifier tout à
fait autre chose, passant subrepticement du sens descriptif du concept tel que je viens de le
formuler, à un sens normatif ou mieux, performatif: La «globalization» désigne alors une
politique économique visant à unifier le champ économique par tout un ensemble de mesures
juridico-politiques destinées à abattre toutes les limites à cette unification, tous les obstacles,
pour la plupart liés à l'État-nation, à cette extension. Ce qui définit, très précisément, la
politique néo-libérale inséparable de la véritable propagande économique qui lui confère une
part de sa force symbolique en jouant de l'ambiguïté de la notion. Le mot de « globalization »
est ajoute-t-il, un pseudo-concept à la fois descriptif et prescriptif qui a pris la place du mot de «
modernisation », longtemps utilisé par les sciences sociales américaines comme une manière
euphémistique d'imposer un modèle évolutionniste naïvement ethnocentrique qui permet de
classer les différentes sociétés selon leur distance à la société économiquement la plus avancée,
c'est-à-dire la société américaine, instituée en terme et en but de toute l'histoire humaine.
Ainsi, à travers ce mot, dit-il, c'est le processus d'unification du champ mondial de l'économie et
de la finance, c'est-à-dire l'intégration d'univers économiques nationaux jusque-là cloisonnés, et
désormais organisés sur le modèle d'une économie enracinée dans les particularités historiques
d'une tradition sociale particulière, celle de la société américaine, qui se trouve institué à la fois
en destin inévitable et en projet politique de libération universelle, en fin d'une évolution
naturelle, et en en idéal civique et éthique qui, au nom du lien postulé entre la démocratie et le
marché, promet une émancipation politique aux peuples de tous les pays.

Pour Saskia Sassen, étudier le global implique, dit-elle, « de se concentrer non seulement
sur ce qui est explicitement global en échelle, mais aussi sur des pratiques et des conditions à
l'échelle locale qui sont articulées à une dynamique globale ».23 Dans ce contexte, l'Etat-nation
ne possède plus exclusivement le pouvoir exclusif sur son territoire sans que soient prises en
compte les contraintes et dynamiques socio-politiques, ainsi que la formation d'institutions
globales comme l'OMC, les marchés financiers et les systèmes globalisés d'institutions

23
Saskia Sassen, La globalisation. Une sociologie, Paris, Gallimard, 2009, p.24.

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éducatives et de recherche. C'est pourquoi, « Les dynamiques et processus de globalisation à


ancrage infranational impliquent que soient définies des méthodes et des théorisations à partir
d'une échelle globale, mais aussi d'une échelle locale, toutes deux composantes des processus
globaux. Cette juxtaposition a pour effet de déstabiliser conceptuellement le modèle, implicite
pour l'essentiel, d'une hiérarchie d'échelles imbriquées, fondée sur l'Etat.24 Cette question de la
globalisation rencontre une autre devenue elle aussi à la mode dans les institutions monétaire
internationales et auprès des décideurs politiques, et qui est celle de gouvernance. Celle-ci
apparaît pour la première fois au 12è siècle en Occident dans une acception technique pour
signifier la direction des bailliages ; elle fera surtout fortune dans le monde anglo-saxon.

En effet, au Moyen Age, les historiens anglais font usage du mot governance pour
désigner le mode d'organisation du pouvoir féodal, avant que la notion ne prenne un sens plus
large dans la langue anglaise à la fin du 20è siècle, dans le champ économique libéral des
entreprises et des organisations qui est celui de la mondialisation. De nos jours, il a été souvent
retenu dans la définition de la gouvernance, le mode d'exercice du pouvoir dans la gestion des
ressources économiques et sociales d'un pays. Dans les années 1980, la Banque Mondiale y
dégageait trois éléments caractéristiques de la gouvernance, à savoir : la forme d'un régime
politique ; la capacité d'un gouvernement de concevoir, de formuler et de mettre en œuvre des
politiques et la manière d'assurer les fonctions du gouvernement ; enfin, les processus par
lesquels l'autorité est exercée dans la gestion des ressources d'un pays. Par la suite, dans les
années 1992, suite à des critiques, la Banque Mondiale apportera quelques nuances en
distinguant quatre dimensions principales relatives, au cadre juridique du développement d'un
pays ; à la gestion du secteur public ; à la responsabilisation ; à l'information et à la
transparence.

Et selon Philippe Moreau Defarges qui en dégage sa dimension historique, la


gouvernance25 s'inscrit dans la constellation d'idées produites par la mondialisation, avec pour
implications majeures, la formation d'innombrables interdépendances et la contraction massive
de l'espace et du temps. Ainsi, la gouvernance "serait justement ce processus d'organisation et
d'administration des sociétés humaines, dans le respect et l'épanouissement des diversités (...)

24
Saskia Sassen, op.cit, p.24.
25
Dans la généalogie qu'il fait de la notion de gouvernance dans son acception contemporaine à partir de 1990,
Philippe Moreau Defarges retient notamment les ouvrages et rapport suivants: James Rosenau et Ernest Czempiel
(dir.), Governance without Government, 1992; Jan Kooiman (dir.), Modern Governance, 1993; James March et John
Olsen, Democratic Governance, 1995; Commission des Nations Unies sur la gouvernance globale, Notre voisinage
global, Rapport de la Commission de 28 experts, 1995. Il précise que "l'idée de gouvernance se modèle au carrefour
des quatre dominants du dernier quart du XXè siècle : la victoire de l'Occident; la fin des incertitudes et des conflits
de propriétés; l'universalisation de l'esprit démocratique; enfin une machine à produire de plus en plus efficace.
Mais, ajoute-t-il, chacun de ces facteurs est lourd d'interrogations". (cf. Philippe Moreau Defarges, La gouvernance,
Paris, Puf, Que sais-je?, 2003, pp.9-10).

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La gouvernance s'inscrit dans cette quête permanente de meilleurs systèmes de gestion des
hommes et des ressources. Pour la gouvernance, la décision, au lieu d'être la propriété et le
pouvoir de quelques-uns (individu ou groupe), doit résulter d'une négociation permanente entre
les acteurs sociaux, constitués en partenaires d'un vaste jeu, le terrain de jeu pouvant être une
entreprise, un Etat, une organisation, un problème à résoudre"26. Evoquant les rapports entre la
gouvernance et la démocratie, le même auteur stipule que la gouvernance peut être analysée
comme un système démocratique de gestion ; en ce sens que celle-ci utiliserait les ingrédients
de la démocratie dans une perspective de management, en considérant notamment :

- Le pacte fondateur par lequel l'accord entre les acteurs sociaux permet un espace de jeu,
où chacun peut et doit jouer.

- L'affirmation de l'égalité des acteurs comme la règle de jeu acceptée et partagée par tous,
donnant ainsi le primat du droit et de l'autorité sur la force.

- La participation comme expression démocratique permettant l'engagement des citoyens


dans la formulation de projets communs où chaque acteur doit et peut gagner.

Tout cela suppose l’existence d’un régime de liberté et de justice sociale pour tous les
acteurs sociaux pris individuellement comme sujet de droit et disposant de l’entière jouissance
des libertés fondamentales. Or, si le régime démocratique se définit comme un régime de
liberté, la nécessité du vivre-ensemble suppose l’acception d’un principe régulateur de la liberté
de tous qui est la condition d’existence durable de la liberté de chacun.

Que faut-il retenir en conclusion ?

La fin du 20è siècle et le début du 21è siècle sont particulièrement marqués en Afrique
contemporaine subsaharienne par deux événements contradictoires : la généralisation des
expériences démocratiques et la dissémination de la violence guerrière à dimension nationale,
régionale, voire internationale.27 Les conséquences immédiates les plus significatives sont : la
fragmentation de l'espace urbain28, les recompositions politiques, sociales et les remontées
identitaires de type ethnocentrique ; les déplacements forcés des populations avec parfois un

26
Philippe Moreau Defarges, La gouvernance, Paris, Puf, Que sais-je?, 2003, pp.5-7.
27 A ce sujet, lire notamment, Rémy Bazenguissa-Ganga, Processus de démocratisation et élites politiques au
Congo. Questions sur la violence urbaine, in Questions sensibles, Curapp, Paris, Puf, 1998, pp.376-386 ; Revue
Rupture-Solidarité, nouvelle série n°1, Dérives politiques, catastrophe humanitaire, désirs de paix, Paris, karthala,
1999 ; Revue Politique Africaine n°89, La côte d’’Ivoire en guerre. Dynamiques du dedans, dynamiques du dehors,
Paris, Karthala,2003.
28Voir à titre d’exemple Elisabeth Dorier-Apprill, "Géographie des ethnies, géographie des conflits à Brazzaville in,
Patrice Yengo, Identités et démocratie, L'Harmattan et Association Rupture, Paris 1997, pp. 159-186.

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repli forcé dans les quartiers "ethniquement homogènes" contrôlés le plus souvent par des
milices armées de chefs de guerres; la destruction du cadre vie individuel, la déstructuration
des familles, la pénurie alimentaire ; la montée en puissance de la société civile, en particulier
les associations de défense des droits de l’homme. Tous ces faits, outre qu’ils témoignent de la
profondeur des crises multiformes, des conflits et des pratiques d'exclusion, signalent la
complexité de l’invention de la démocratie, dans le contexte mouvementé de la mondialisation
des rapports économiques, sociaux et politiques. Partout, plusieurs voix se levées pour exiger la
fin des hostilités et le respect de la dignité humaine. Partout également, de nombreuses actions
et démarches juridiques et politiques sont entreprises pour des opérations, tantôt de médiation
de paix et de résolution des conflits sous l’autorité des Nations Unies ; tantôt de poursuites des
principaux belligérants devant les tribunaux internationaux. L’idéal politique proclamé ici et là
étant pour certains, celui de la bonne gouvernance démocratique. Comment dans ces sociétés
africaines contemporaines du 21è siècle inventer la démocratie en dépassant les identités
primaires centrifuges ? Et comment y cultiver les valeurs et la culture de la démocratie et de la
citoyenneté dans le contexte de la mondialisation ? Quelle prospective anthropologique
envisager alors pour l’invention ou la réinvention de la démocratie en Afrique au 21è siècle ? La
question qui se pose continuellement est de savoir si la démocratie orientée vers l’entente peut
abolir définitivement le conflit, quelles que soient ses causes manifestes ou latentes ? Le
philosophe Jürgen Habermas développe une conception particulière de la démocratie à
caractère procédural qu’il place sous la notion de « politique délibérative ». En effet, partant des
conditions pratiques de la communication dans lesquelles le processus politique effectué dans
toute son étendue sur le mode délibératif, Habermas pense que la procédure démocratique
établit inévitablement un « lien interne entre les négociations, les discussions sur l’identité
collective et les discussions sur la justice (…) La raison pratique, ajoute-t-il, se retire ainsi des
droits de l’homme universels ou de l’ethicité concrète d’une communauté déterminée pour
investir les règles de discussion et les formes d’argumentation qui empruntent leur contenu
normatif à la base de validité de l’activité orientée vers l’entente, et enfin de compte à la
structure de la communication au moyen du langage ».29

Cependant, suivant en cela les interrogations pertinentes de Jean Godefroy Bidima, on


peut alors se demander comment repenser un consensus qui ne retourne pas à l’unanimisme
des régimes totalitaires ? Et comment faire cohabiter consensus et pluralisme dans un même
espace public ? Il pense que « La palabre – en tant que dialogue ininterrompu – donne corps au
dissensus dans un espace social pacifié, elle fixe la limite entre le tolérable et l’intolérable,

29 Jürgen Habermas, L’intégration républicaine. Essais de théorie politique, Paris, Fayard, trad. Française de Rainer
Rochlitz, 1998, pp.267-268.

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permet d’évaluer le lien, et de le consolider ».30 Dans l’esprit de Jean-Godefroy Bidima, il ne


s’agit pas de restaurer dans les sociétés africaines contemporaines la palabre des anciens sur le
mode discriminatoire et exclusif vis-à-vis des jeunes et des femmes. Il s’agit surtout d’édifier un
Etat démocratique, de promouvoir l’avènement d’un sujet de droit et de concevoir un projet de
société, dont la condition nécessaire, mais non suffisante pour répondre à la question du lien
est « l’édification d’un espace public où il sera possible de discuter. Cet espace public n’aboutira
pas à un consensus mou mais produira un espacement qui relie et sépare ».31 Alors, le problème
qui se pose est bien celui de l’autorité politique et morale élue par les citoyens susceptible de
garantir dans le respect du jeu politique de l’alternance au pouvoir, le bon fonctionnement de
la société démocratique.

Nous savons tous que le processus d’invention de la démocratie en Afrique


subsaharienne a connu, au cours des cinquante dernières années plusieurs moments
contradictoires. En effet, durant la seconde moitié du 20è siècle, les régimes de parti unique ont
fait un usage incantatoire des mots comme citoyen, patriote, démocratie prolétarienne. Seule la
phraséologie révolutionnaire et l’effervescence idéologique d’invention d’un futur radieux
donnaient la force de conviction à tous ceux qui entendaient conserver le position hégémonique
au sein de l’appareil d’Etat et du parti unique.32 Dans les années 1980, la multiplication des
révoltes populaires, l’exacerbation de la crise économique et la chute du mur de Berlin saperont
rapidement les bases idéologiques des régimes totalitaires et favoriseront la montée de
courants démocratiques, mais cette fois-ci de tendance libérale. L’argument politique d’une
élection démocratique libre et transparente devenant le critère d’évaluation des nouveaux
régimes africains à l’échelle internationale, la mobilisation et la captation des ressources
financières nationales, la multiplication des pratiques clientélistes et ethnocentriques aux fins
de la conquête du pouvoir politique constitueront en premier lieu, les ressorts d’une accession
fulgurante et sûre au sommet de l’Etat. Mais les luttes âpres auxquelles se livrent les nombreux
prétendants au pouvoir et leurs alliés internationaux pour un commandement exclusif et sans
partage ouvriront la voie, en second lieu, à l’état de guerre et à des nouveaux régimes de
subjectivité dont « la fonction du meurtre et la production de la mort ont partie liée avec les
procédures d’appropriation ».33 Avec les pressions de la communauté politique internationale,
particulièrement des associations de défense des droits de l’homme, la question du droit à la

30 Jean-Godefroy Bidima, La palabre. Une juridiction de la parole, Paris, Michalon, 1997, p.37.
31 Ibid., p.44.
32 Lire à ce sujet , Pierre Nzinzi, la démocratie en Afrique. L’ascendant platonicien, in Revue Politique Africaine
n°77. Philosophie et politique en Afrique, Paris, Karthala, 2000, pp.72-89.
33 Cette question a été parfaitement abordée par Achille Mbembe dans sa contribution intitulée, « A propos des
écritures africaines de soi », in Revue Politique Africaine n°77. Philosophie et politique en Afrique, Paris, Karthala,
2000, pp.16-43.

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vie, à la liberté et du respect de la dignité humaine a cessé d’être du seul ressort de la


« souveraineté » des Etats nationaux fussent-ils africains, européens, asiatiques ou américains.
Le principe de « l’ingérence humanitaire » utilisé par les ONG sera suivi à l’échelle régionale et
internationale par d’autres types « d’ingérence politique » dont la plus crédible sur le plan
juridique est celle placée sous le contrôle des Nations Unies. Les expériences réussies ou
avortées de médiation de paix, le pré positionnement des forces militaires sur les terrains
d’affrontement pour faire cesser les hostilités, parallèlement aux rencontres diplomatiques en
vue de ramener la paix avec la constitution des gouvernements dits d’union nationale,
informent désormais, s’il en était encore besoin, sur les interdépendances et la connexion des
mondes politiques, économiques et sociaux. Par ailleurs, la multiplication des actions
démocratiques des mouvements sociaux sur le plan international recommande de considérer la
nouvelle donne politique et démocratique qui s’offre à tous, à savoir, que désormais, en matière
d’exigences éthiques et politiques du gouvernement démocratique des hommes et de respect
des droits humains au niveau national, régional et international, il n’y a plus d’exception pour
quelque régime que ce soit. L’exigence de transparence dans la société démocratique
contemporaine relève dorénavant et plus que par le passé du droit d’exigence du citoyen-
individu.

L’étrange paradoxe que vivent toutes les sociétés démocratiques ou engagées dans le
processus démocratique est le fait que, plus celles-ci sont ouvertes sur le monde, plus
s’amplifient les mouvements sociaux et les revendications citoyennes pour plus de solidarité,
pour plus d’internationalité dans cette montée en puissance de la quotidienneté et de la
proximité. 34 Si on admet de fait que le phénomène ethnique relève de la micro-nation qui est
à géométrie variable, la mondialité des rapports collectifs et individuels nous contraint tous de
reconnaître et d’affirmer l’inévitable processus généralisé de multiculturalité dynamique et non
exclusive. Sans doute, verra-t-on émerger de plus en plus dans toutes les sociétés
contemporaines, y compris les sociétés africaines, de nouvelles formes de citoyenneté
multiculturelle35 qui vont battre en brèche tous les discours et pratiques d’exclusion et de
xénophobie en cours sur le continent qui tuent et marginalisent au nom d’on ne sait quelle
« pureté ethnique » originelle dont l’ancestralité a été reconstruite pour les besoins de la
cause.

C’est pourquoi, postuler en ce début du 21è siècle l’invention des sociétés africaines
réellement démocratiques, présuppose un important travail d’épuration de la mémoire

34 Se reporter pour cela à l’excellente post-face de Dominique Cochart-Coste intitulée, « le citoyen-individu », in A.


Kouvouama et D. Cochart-Coste (dir.), Modernités transversales. Citoyenneté, politique et religion, Paris, Ed. Paari,
2003, pp.117-122.
35 Catherine Audiard, L’idée de citoyenneté multiculturelle et la politique de reconnaissance, in Rue Descartes
n°37. L’étranger dans la mondialité, Revue du Collège International de Philosophie, Paris, Puf, 2002, pp.19-30.

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Séminaire de recherche ITEM EA 3002, 2016, Université de Pau et des Pays de l’Adour.

douloureuse, blessée pour toutes celles qui ont connu de nombreuses années de guerres
civiles ; ceci afin que la mémoire des morts et victimes innocentes soit honorée pour la paix
civile durable des vivants.

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