Influence de la variabilité des bioressources sur
l’hydratation de liants minéraux
Ana Laura Berger Cokely, Sandrine Marceau, Gregory Mouille, Sofiane
Amziane, Fabienne Farcas
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Ana Laura Berger Cokely, Sandrine Marceau, Gregory Mouille, Sofiane Amziane, Fabienne Farcas.
Influence de la variabilité des bioressources sur l’hydratation de liants minéraux. Congrès Français du
Génie Civil, May 2023, Saclay, France. �10.26168/ajce.41.1.39�. �hal-04544076�
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CFGC 2023 AJCE, vol. 41 (1)
Influence de la variabilité des bioressources sur
l'hydratation de liants minéraux
Ana Laura BERGER COKELY1, Sandrine MARCEAU1, Grégory MOUILLE2, Sofiane AMZIANE3,
Fabienne FARCAS1
1 Université Gustave Eiffel, MAST/CPDM, 77454 Marne-la-Vallée Cedex 2, France
2 Institut Jean-Pierre Bourgin, INRAE, AgroParisTech, Université Paris-Saclay, Versailles 78000, France
3 Univ. Clermont Auvergne, UMR 6602 CNRS, Institut Pascal, 63178 Aubière, France
RESUME
Les bétons végétaux sont de plus en plus utilisés comme matériaux de construction grâce à leurs
propriétés hygrothermiques et leur impact environnemental réduit. Cependant, les études
existantes montrent qu'il est encore impossible de prédire leurs performances mécaniques à
partir de leur formulation initiale. Cet article présente les premiers résultats d'un projet qui vise
à contrôler les performances mécaniques des bétons végétaux et à définir des indicateurs de
compatibilité entre les liants minéraux et les particules végétales. Un des axes de ce projet
consiste à évaluer l’influence des propriétés bio-physico-chimiques de végétaux sur les
mécanismes d'hydratation de liants minéraux. Dans cet article, l'impact de six espèces végétales
sur la cinétique d'hydratation du ciment Portland est évalué par calorimétrie isotherme. L’ajout
des végétaux entraine des décalages des courbes de flux de chaleur très variables en fonction de
leur nature. Ces résultats sont généralement attribués à certains composants des végétaux,
comme les sucres et polyphénols qui ont un effet retardateur de prise des ciments.
Mots-clefs biosourcé, isolant, végétal, liant minéral, variabilité
I. CONTEXTE ET PROBLEMATIQUE
L’utilisation des bétons végétaux augmente dans le secteur du bâtiment grâce à leurs propriétés
d'isolation hygrothermique et acoustique, essentiellement due à la porosité intrinsèque du
matériau, ce qui impacte l'efficacité énergétique des bâtiments et donc l’impact environnemental
de ce secteur (Amziane and Collet, 2017; Chupin et al., 2017; Ratsimbazafy et al., 2021). Ils
contiennent des ressources végétales locales, ce qui réduit leur impact environnemental.
Cependant, l’utilisation des bétons biosourcés est encore limitée par le manque de connaissances et
la forte variabilité de leurs performances qui rend impossible la prédiction de leurs performances
mécaniques à partir de leur formulation (Bourdot et al., 2019; Niyigena et al., 2018). Par exemple, la
Figure 1 montre la dispersion des performances de bétons végétaux de même formulation mais
contenant des particules de chanvre d'origine différente. En particulier, les performances
mécaniques varient jusqu'à quatre-vingt-dix pour cent.
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FIGURE 1. Variabilité des performances (adapté de Niyigena et al., 2018)
Le rôle de la variabilité des propriétés des ressources végétales (selon l'espèce, le génotype, la
localisation ou les conditions de culture) n’est pas encore bien compris, et il n’existe pas de critère
de sélection de végétaux compatibles avec les liants (Arufe et al., 2021; Chupin et al., 2017; Delannoy
et al., 2020; Wang et al., 2021).
Ainsi, pour pallier au manque de connaissances sur ce type de matériau, le projet BIO-UP, financé
par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), a pour objectif de définir des règles pour la
formulation de bétons végétaux et d'obtenir des propriétés contrôlées en tenant compte leur impact
environnemental. A cette fin, les propriétés des matériaux seront caractérisées à toutes les échelles
d'analyse : depuis la caractérisation chimique des composants et ses interactions, des interfaces
autour des particules végétales, jusqu'à leurs propriétés fonctionnelles (thermique et mécanique).
Un des axes de ce projet concerne les interactions chimiques entre les composants végétaux et
minéraux des matériaux. En premier temps, l’influence de plusieurs végétaux sur les mécanismes
d'hydratation de liants minéraux de différentes compositions chimiques est analysée. Les premiers
résultats concernant le ciment CEM I sont présentés dans cet article. Dans un deuxième temps, la
variabilité des propriétés biochimiques des végétaux sera évaluée et le lien entre cette variabilité et
les mécanismes d'hydratation des liants sera étudié. Enfin, des critères de sélection de couples liant-
végétal et/ou traitements pour limiter ces interactions seront proposés.
Dans la suite de cet article, un état de l’art sur l’hydratation du ciment et l'impact de la présence des
végétaux sera présenté. Ensuite, les premiers résultats concernant l'influence de la présence de six
types de végétaux sur l'hydratation du CEM I seront détaillés, avant de présenter les perspectives
de ce travail.
II. INFLUENCE DE LA PRESENCE DE VEGETAUX SUR LA PRISE DU CIMENT
A. Hydratation du ciment Portland
Le ciment CEM I est un liant hydraulique produit à partir de la cuisson de calcaire et d'argiles à très
haute température (1450°C) pour obtenir son composant principal : le clinker Portland, qui se
compose principalement de silicates et aluminates de calcium non hydratés. Le ciment CEM I est
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composé d’un minimum de 95 % de clinker et de constituants secondaires, notamment du gypse
comme source de sulfate pour réguler la prise (Taylor, 1997).
Pendant l'hydratation du ciment Portland, les silicates de calcium C3S et C2S conduisent à la
formation de silicate de calcium hydraté (C-S-H) et portlandite (CH), responsables respectivement
de la résistance mécanique du matériau à long terme et du pH alcalin de la pâte. Les produits
secondaires de l'hydratation sont les phases sulfoalumineuses AF (AFt et AFm), formées
spécifiquement à partir de l'hydratation des aluminates de calcium C3A et C4AF (Taylor, 1997).
La cinétique d'hydratation du ciment portland est bien connue. Le C3A réagissant très rapidement
avec l'eau, du gypse est ajouté dans les ciments commerciaux pour retarder la prise et maintenir
l'ouvrabilité de la pâte (Taylor, 1997).
B. Influence des végétaux sur l'hydratation des ciments
De nombreuses études existent sur les interactions végétal-minéral et utilisent des approches très
différentes. Un retard de prise des liants est communément constaté quand des végétaux sont
ajoutés, mais aussi une grande variabilité des propriétés mécaniques, tel que mentionné
précédemment. Ces phénomènes sont généralement liés aux composés extraits des végétaux,
notamment les métabolites solubles comme les sucres et polyphénols (Boix et al., 2020; Bourdot et
al., 2019; Chupin et al., 2017; Delannoy et al., 2020; Diquélou et al., 2015; Jury et al., 2022).
Une étude par le suivi de l'hydratation par calorimétrie isotherme avec adjuvants inorganiques et
organiques a montré que toutes les molécules organiques étudiées ont un effet retardateur dans la
prise des ciments, en particulier, les acides carboxyliques et les composés phénoliques. Les
composés phénoliques, qui contiennent des groupes hydroxyle adjacents, sont des retardateurs
puissants (Wilding et al., 1984). L'une des explications possibles est la capacité de complexation des
ions calcium du ciment par ces molécules grâce aux fonctions hydroxyles qui sont sous forme
ionisée en milieu basique.
Ainsi, les acides carboxyliques sont capables d’emprisonner les ions qui sont nécessaires pour la
formation des hydrates du ciment, comme le calcium (Figure 2) et la silice. Ce phénomène peut
ralentir, voire inhiber la prise et le durcissement du ciment.
FIGURE 2. Complexe bidenté avec les ions Ca2+ (adapté de Thomas and Birchall, 1983)
Malgré les avancées apportées par ces études, il n'est toujours pas possible de prédire les
performances des bétons végétaux et de tenir compte de la variabilité des propriétés des végétaux.
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III. MATERIAUX ET METHODES
Afin d’évaluer l’influence de la variabilité des propriétés bio-physico-chimiques des végétaux, six
espèces différentes cultivées en France métropolitaine ont été sélectionnées pour cette étude.
FIGURE 3. Photographies des granulats végétaux :
balle de riz, bambou, miscanthus, roseau, colza, chènevotte
Dans cet article, l'impact de la présence de ces six végétaux est étudié sur la cinétique de prise du
ciment CEM I.
L'effet de l’ajout de végétaux sur l'hydratation du ciment Portland est évalué dans cette étude par
des mesures de calorimétrie isotherme à 25°C. Ainsi, le flux thermique libéré par la réaction
exothermique de l’hydratation et la quantité cumulée de chaleur sont mesurés au cours du temps
afin d'observer l'effet de la présence des végétaux.
Les mesures sont réalisées sur des pâtes de ciment contenant des poudres issues du broyage des
végétaux avec un rapport de végétal sur ciment de 2 % et un rapport eau/ciment de 0,5.
IV. RESULTATS ET DISCUSSION
Les courbes de flux de chaleur obtenues par calorimétrie isotherme sont présentées sur la Figure 4,
la courbe grise correspondant à la pâte de CEM I non modifiée.
FIGURE 4. Flux de chaleur de pâtes de CEM I avec les végétaux
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D’après les graphiques de la Figure 4 et selon Garcia Boivin (1999), Gmira (2003) et Scrivener et al.
(2019), un fort dégagement de chaleur est visible lors de l’introduction des échantillons dans le
calorimètre, qui masque le début de la réaction, c'est-à-dire la dissolution rapide et la libération
d’ions calcium, silicates, aluminates, sulfates et alcalins dans le mélange. Ensuite, le flux est
minimal, ce qui correspond à la période d’induction. Dans un troisième temps, le flux de chaleur
augmente en raison de la précipitation de la portlandite et des C-S-H, formés par l’hydratation des
silicates, notamment le C3S.
Le maximum du pic principal d’hydratation est atteint environ 9 h après le gâchage pour la pâte de
CEM I. Ensuite, le flux de chaleur diminue, en raison de la décélération des réactions à cause de la
couche d’hydrates qui s’épaissit avec le temps à la surface des grains de ciment anhydres et limite
la diffusion de l'eau.
On note une grande différence entre la courbe correspondant au CEM I et les courbes obtenues
pour les pâtes de ciment contenant des poudres végétales, ce qui illustre le changement de la
cinétique d'hydratation. On observe le décalage de pics selon les deux axes : l’ajout des végétaux
dans le CEM I provoque un décalage du maximum des pics de flux de chaleur vers des temps plus
longs ainsi que la diminution de la valeur maximale et l’élargissement du pic exothermique. Dans
le cas de la chènevotte, deux pics superposés sont visibles, ce qui semble correspondre aux chaleurs
de réaction de deux types d'hydrates, alors qu'un épaulement est visible pour les autres végétaux.
Les valeurs des retards de prise par rapport au CEM I, déterminées en considérant le temps
correspondant au maximum des flux de chaleurs (Figure 4), varient d'une peu plus d'une heure
pour la balle de riz à presque cinq heures pour le bambou et le chanvre.
L'intégration des courbes de flux de chaleur par rapport au temps permet de quantifier les chaleurs
cumulées lors de l'hydratation des pâtes de ciment. Les résultats obtenus sont présentés sur la
Figure 5. La courbe présentant les valeurs les plus élevées est celle du CEM I. La présence des
poudres végétales réduit le taux d’hydratation pendant les 5 premiers jours. On peut donc en
déduire qu'elles réduisent également la quantité d'hydrates formés.
FIGURE 5. Chaleur cumulée de pâtes de CEM I avec les végétaux
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Au bout de cinq jours, la chaleur d'hydratation cumulée atteint au moins 90% de celle du ciment
seul pour la balle de riz et le bambou, alors qu'elle est plus faible pour les autres végétaux.
Une explication simple à l’impact réduit de la balle de riz avec le CEM I pourrait être sa teneur
élevée en composés minéraux. En effet, les particules contiennent entre de 12% à 20% de silice selon
le fournisseur. Cette spécificité pourrait entraîner une meilleure compatibilité chimique de la balle
de riz avec les liants minéraux.
Dans le cas du bambou, le retard de prise est le plus élevé. Cependant, au bout de cinq jours, la
chaleur d'hydratation cumulée correspond à plus de 90% de celle du ciment. Ce résultat montre
qu'il ne faut pas prendre en compte uniquement le retard de prise mais également s'intéresser aux
mécanismes d'hydratation du liant.
V. CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Les résultats présentés dans cet article ont permis d'illustrer l'influence de l’ajout de végétaux
d'espèces différentes dans la pâte de ciment Portland. La balle de riz est le végétal qui modifie le
moins la cinétique d'hydratation, alors que d'autres végétaux, comme le chanvre ou le roseau, ont
un effet plus marqué.
La caractérisation des propriétés bio-physico-chimique des granulats végétaux permettra de mieux
comprendre ces résultats. Dans la suite de ce travail, différents liants minéraux de composition
physico-chimique différente seront également utilisés, ainsi que des végétaux d'origine
géographique, d'année de production et de génotypes différents.
Grâce à l'évaluation des mécanismes et des cinétiques d'hydratation des liants en fonction de la
composition des granulats végétaux, il sera possible de définir un indicateur de compatibilité
minéral-végétal qui permettra de garantir les performances des bétons végétaux produits et
d'élargir la formulation de ces matériaux à tous types de végétaux et de liants minéraux afin de
pouvoir également optimiser leur impact environnemental.
VI. REMERCIMENTS
Ces travaux ont été réalisés dans le cadre du projet ANR BIO-UP soutenu par l’Agence Nationale
de Recherche (ANR-21-CE22-0009).
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