Cahiers Géographiques de l’Ouest, volume 09 (2021)
LA PROBLEMATIQUE DE L’EAU EN ORANAIS ET LES GRANDS TRANSFERTS
HYDRAULIQUES, DEFIS ET PERSPECTIVES
The water problem in Oran region and the major hydraulic transfers, challenges and
prospects
GHODBANI Tarik1,2, BELMAHI Mohamed Nadir1,2
1 Laboratoire Espace Géographique Et Aménagement du Territoire
2Faculté des Sciences de la Terre et l'Univers, Université d’Oran2,
[email protected], [email protected]
Résumé
La croissance économique et démographique et l’urbanisation suscitent une forte
demande sur l’eau. Si dans plusieurs pays de la rive nord de la mer Méditerranée la
situation est stabilisée, elle demeure problématique dans les pays de la rive sud.
Ceci malgré les grands moyens mis en œuvre pour la mobilisation des ressources
en eau qui deviennent de plus en plus rares avec les changements climatiques.
Face à cette situation de pénurie et pour alimenter les villes littorales, les pays de
la rive sud, dont l’Algérie, font appel à des transferts d’eau des bassins versants
intérieurs par la construction de barrages. Depuis quelques années, le dessalement
d’eau de mer apparaît, malgré les coûts élevés, comme une solution de rechange
qui pourra apaiser la pression sur l’eau. Pour l’Algérie, cette option devient
inévitable, à cause de la sécheresse, d’une part, et la croissance soutenue de la
demande sur l’eau, d’autre part. L’objectif de cet article et d’analyser sur la base
d’observation de terrain, des lectures de travaux et un traitement cartographique
les facteurs qui impactent la disponibilité des ressources en eau dans la région
oranaise et les solutions misent en œuvre par les acteurs de gestion.
Mots clés : Eau, Méditerranée, Algérie, transfert hydraulique, dessalement,
environnement
Abstract
Economic and demographic growth and urbanization are creating high demand for
water. If in several countries of the northern shore of the Mediterranean Sea the
situation has stabilized, it remains problematic in the countries of the southern
side. This is despite the great resources used to mobilize water resources which
are becoming increasingly scarce under climate change impacts. Facing this
situation of scarcity and to supply coastal cities, the countries of the southern
shore, including Algeria, are calling for water transfers from inland watersheds by
building dams. In recent years, seawater desalination has appeared, despite the
high costs, as an alternative solution that will ease the pressure on the water. For
Algeria, this option becomes inevitable, due to drought, on the one hand, and to the
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sustained growth in demand for water, on the other hand. The objective of this
article is to analyze on the basis of field observation, readings of works and a
cartographic treatment, the factors which impact the availability of water
resources in the Oran region and the solutions implemented by the management’s
actors.
Keywords: Water, Mediterranean, Algeria, hydraulic transfer, desalination,
environment
Introduction
En Algérie, le problème de l’alimentation en eau a commencé au début du
siècle dernier, simultanément avec l’urbanisation accélérée de la bande littorale et
la création de périmètres irrigués. Certes, la littoralisation a engendré un
accroissement de la demande en eau de toute la région nord, mais la situation dans
la partie ouest de cette région est particulièrement inquiétante : en plus des
conditions naturelles défavorables est venu s’ajouter une pression démographique
non moins importante.
1. Une forte pression sur les ressources en eau
La carte de répartition de la population montre une forte disparité entre un Nord
très peuplé et un Sud moins dense. Les densités enregistrées au niveau de la bande
littorale, en particulier, diminuent au fur et à mesure qu’on progresse vers
l’Intérieur, pour atteindre des taux très bas, dans certaines zones reculées des
Hautes Plaines où le climat est plutôt aride.
Les communes de la bande littorale, appartenant aux wilayas de Mostaganem,
Oran, Aïn-Témouchent et Tlemcen, regroupent, à elles seules, selon le RGPH
(2008), 2 155 603 habitants, soit plus de 30 % de la population de la région nord-
ouest de l’Algérie (l’Oranais), sur un territoire de 3037 km², soit 4,8 % de la
superficie totale de la région 5(Tab 1).
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Tableau 1. Répartition de la population, selon différents recensements et entités
naturelles
Superfi-cie Population Population Population
1987 1998 2008
Littoral
(comunes à 3037 1285415 25,72 1595137 21,85 2155603 23,98
façade maritime)
Arrière pays 6670 769381 15,39 950921 13,02 1183778 13,17
littoral
Domaine tellien 32110 2782856 55,68 4580454 62,75 5456604 60,71
Partie nord 21460 159948 3,2 172796 2,36 190983 2,12
de la Steppe
Total 63277 4997600 100 % 7299308 100 % 8986968 100 %
Source : Ghodbani à partir des données de l’ONS, 2008
La densité par commune littorale dépasse souvent les 400 habitants / km², alors
que dans la plupart des communes intérieures, notamment celles du sud, les
densités restent faibles, avec moins de 100 habitants / km². Les communes des
wilayas (province) de Tiaret, Sidi Bel Abbes, Mascara, Saïda et de la partie hors
domaine littoral de la wilaya de Tlemcen regroupent 3 916 584, soit une densité
de 71,98 hab/km². Entre la zone littorale et sub-littorale, au nord et la zone
steppique, au sud, se détache, dans le domaine tellien, un centre composé d’un
ensemble de communes à forte densité. Il s’agit des communes chefs-lieux des
wilayas de Tlemcen, Sidi Bel Abbès, Mascara et Relizane. Cette densité reste
néanmoins très localisée autour des centres de ces agglomérations urbaines,
contrairement à la partie littorale où la densité est diffuse sur le territoire situé sur
l’axe Oran – Arzew – Mostaganem.
La dissymétrie de la répartition de la population n’est pas limitée au sens Nord-
Sud ; elle est aussi observée à l’intérieur du même espace littoral. En effet, dans la
moitié Est de celui-ci, plus exactement entre Oran et Mostaganem, les densités par
commune restent élevées, avec plus de 400 habitants / km², contrairement à la
partie Ouest où les communes sont faiblement peuplées, avec des densités variant
entre 100 et 200 habitants / km².
Le littoral tlemcénien et témouchentois affiche des densités beaucoup moins
importantes, sauf dans les communes urbaines de Béni-Saf et de Ghazaouet, qui se
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distinguent par des densités évidemment élevées. D’une manière générale, la
charge démographique du littoral maintient l’importance des écarts nord-sud, ceci
malgré le poids démographique des espaces médians, couverts par les bassins
intérieurs (Fig 1).
Cette littoralisation est due tout d’abord à des facteurs naturels compte tenu de la
semi-aridité du climat méditerranéen dans cette région mais elle est aussi due aux
conditions historiques liées à la construction de grandes villes portuaires durant la
colonisation française ainsi qu’à la politique postindépendance qui s’est orientée
vers le renforcement économiques des villes côtières par la création de grandes
plates-formes industrielles (Ghodbani et al, 2012). Cette situation qui reflète un
phénomène de littoralisation a eu des conséquences lourdes sur la disponibilité,
entre autre, des ressources en eau.
Figure 1. La densité de population par commune selon RGPH 1998
W
ila
ya
de
C
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e
né
ra n
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Me
W
ila
ya
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D
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MA
RO
C
Wilaya de Laghouat
Densité Hab / Km² Wilaya de Naama Wilaya d'El Bayedh
Plus de 400 (34)
300 - 400 (10) 100 - 200 (69)
0 40 km
200 - 300 (33) 0 - 100 (188)
Source: ONS 2000
Source : Ghodbani, à partir des données ONS, 2008
2. Transferts d’eau et élargissement des rayons hydrauliques des grandes
villes littorales
En effet, depuis la fin du 19ème siècle, des forages ont été réalisés et plusieurs
barrages ont été construits sur les oueds les plus importants : Chlef, Tafna, Isser,
Fergoug…etc. Le plus grand nombre d’ouvrages hydrauliques s’est concentré dans
la zone tellienne, car la plus favorisée par la pluviométrie. Les barrages destinés à
l’alimentation en eau potable des villes littorales, sont Béni Bahdel, Fergoug et,
plus récemment, le barrage de Gargar et de Kramis. Le transfert de l’eau, depuis les
lieux de rétention, a nécessité la réalisation de plusieurs centaines de kilomètres
de conduites et de nombreuses stations de refoulement. Actuellement, plus de 178
000 m³/j, soit 84 % du total mobilisé, sont transférés vers les quatre villes
importantes du littoral ouest (Mostaganem, Oran, Béni-Saf et Ghazaouet).
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Cependant, ce quota reste très faible, en comparaison avec les besoins réels de ces
villes, dans la mesure où le bilan affiche un déficit équivalent à 211 100 m³/j (Tab
2). Cette situation est aggravée par deux autres facteurs non moins importants :
a/Le taux de fuite des conduites d’alimentation qui peut atteindre, dans quelques
tronçons, les 40 %.
b/La capacité de stockage des barrages régresse, suite à leur envasement26.
Par ailleurs, la carence dans l’alimentation en eau potable a, en plus de la
dégradation du cadre de vie, engendré un rabattement du niveau piézométrique
de la majorité des nappes exploitées, suite au pompage excessif et à l’émergence
de conflits dans la gestion des quotas alloués, suite au détournement vers les villes
de volumes auparavant destinés à l’irrigation27.
Sur la question des rabattements des nappes souterraines, plusieurs cas ont été
étudiés dont celui du plateau de Mostaganem.
A-M. Benali, A. Baïche et S. Hayane estiment un rabattement important du niveau
piézométrique : « De 11,4 millions de m³ en 1971, le volume d’eau soutirée
annuellement est passé à 23,5 millions de m³, en 1995. Plus de 5500 points d’eau ont
ainsi été inventoriés en 1998, dont une grande partie ne capte plus le toit de la
nappe. Leur densité laisse entrevoir des phénomènes d’interférences qui réduisent
grandement leur productivité. Ils mettent aussi en évidence, à des degrés divers, les
limites des potentialités de la nappe par les rabattements locaux qui y sont observés.
La configuration de la surface piézométrique, en relation avec les paramètres de
transmissivité, subit, de fait, une dégradation continue et irrémédiable avec une
extension des zones de décharge. Elle est restituée par la carte piézométrique de
1995 qui révèle un rabattement moyen de 8 à 10 m dans la partie orientale (- 18 m)
et alentour des zones hydrauliques stables (zones septrionales de la ville de
Mostaganem et la région de Mazagran) » (Benali, Baïche et Hayane, 2009). Certes,
la crise de l’eau est générale à toutes les agglomérations littorales, mais elle est
cruciale à Oran. En effet, la ville enregistre un déficit de 150.000 m³/j, malgré la
diversité des ressources mobilisées.
26 L’envasement des barrages est un problème commun à tous les pays à climat méditerranéen semi-
aride il est causé par la combinaison de plusieurs facteurs : la fragilité des sols, la faiblesse de la
couverture végétale et le régime torrentiel de la pluviométrie. En Oranais, plusieurs barrages ont été
rehaussés pour compenser la perte de leurs capacités de stockage.
27 Les restrictions dans l’alimentation en eau des périmètres irrigués de l’Habra, de la basse vallée de
la Tafna et, à un degré moindre, de Maghnia, engendrent des piquages clandestins sur le réseau de
l’AEP, des creusements non autorisés de puits ou l’utilisation des eaux usées urbaines pour
l’irrigation des cultures maraîchers. Ces pratiques menées par certains agriculteurs ont pour but de
compenser le manque d’eau qui persiste depuis plusieurs années.
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Tableau 2. Evolution (en moyenne annuelle) de la dotation en eau potable de la ville
d’Oran entre 1986 et 2010
Transfert Sources Volume Quota Quota moyen
d’approvi produit moyen dotation m³/j
sionneme dotation en 2010
m³/j
nt m³/j en
1986
OUEST Barrage 92000 80000 5000
Béni
Bahdel
Prise 24000 Inexistante Arrêt temporaire
Tafna
Divers 20000 15000 14000
forages
CENTRE
locaux
Nappe de 35000 35000 20000
Brédéah
Station 90000 Inexistante 70000
dessaleme
EST
nt
Kahrama
(Arzew)
Prise Chlef 40000 20000 Suprimée
Barrage 230000 Inexistant 70000
Gargar
Barrage 60000 25000 0
Fergoug
Total 591 000 175 000 179 005
Source : ADE d’Oran 2008
Elle s’alimente selon trois systèmes de transfert (ouest, centre et est) et possède
désormais un des plus grands rayons hydrauliques en Algérie (plus de 300 km)
(Magagnoscet Toubach, 1991) (Tab 3, Fig 2).
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Tableau 3. Dotations et déficits dans l’alimentation en eau potable des grandes villes du
littoral ouest
Villes Ressourc Grands Taux de Déficit Rayon
es locales transferts satisfaction hydraulique
(m³/j)
hydrauliques % (km) (distance
(m³/j)
(km) par rapport aux
points
d’approvisionn
ement)
Oran 15000 165000 54,54 15000 175 km
0
Mostagan- 11745 13311 36,02 44500 35 km
em
Béni-Saf 4400 0 32,35 9200 7 km
Ghazaouet 2600 0 26,00 7400 10 km
Total 33745 178311 50,11 21110
0
Source : ADE de la Wilaya de Tlemcen, d’Aïn-Témouchent, d’Oran et de Mostaganem, 2008
Afin de déterminer l’évolution de l’alimentation en eau potable de la ville d’Oran,
nous avons procédé à une comparaison entre le schéma publié en 1991 par
Magagnosc et Toubache, pour l’année 1986, avec des données que nous avons
recueillies auprès de l’Algérienne De l’Eau (ADE) d’Oran, en 2010. L’analyse a
révélé les résultats suivants :
- Une forte régression des volumes, moyens annuels, mobilisés pour
l’agglomération oranaise à partir des barrages (75.000m³/j en 2010 contre
105.000 m³/j en 1986), ceci étant du à une régression des volumes stockés dans
les barrages. En effet, le volume parvenant du barrage de Béni Bahdel est passé de
80 000 m³/j à 5000 m³/j et le barrage de Fergoug ne participe plus à
l’alimentation d’Oran, alors qu’il le faisait avec 25 000 m³/j, en 1986. Cette
importante diminution s’explique par de longues périodes de sécheresse et
l’envasement des ouvrages. Selon un rapport de l’Agence du Bassin Chott Chergui
en 2006, sur les bassins versants de l’Ouest algérien, basé sur des données
fournies par l’Agence Nationale des Barrages (ANBT), le barrage de Béni Bahdel
n’a stocké ces dernières années que 18 millions m³, alors qu’il pouvait régulariser
63 millions m³ ; celui de Fergoug n’a stocké qu’un million m³ sur une capacité de
14 millions m³. Cette régression n’épargne pas le nouveau barrage de Gargar qui
stocke difficilement 30 millions m³, sur une disposition de 450 millions m³.
S’ajoutent à cela l’affaiblissement des ressources locales et l’arrêt des
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prélèvements directs à partir des deux oueds Chlef et Tafna. La prise du Chlef a été
officiellement suspendue en 2002, suite à des problèmes techniques et à la mise en
service du transfert Est (Gargar-Marjet Sidi Abed) ; et la prise de la Tafna a été,
récemment, suspendue également, à cause de l’assèchement, imprévu, de l’oued
Tafna
Figure 2. Les volumes mobilisés pour l’agglomération oranaise, en 1986 et en 2010
Marjet
Station Oued Chlef Sidi Abed
dessalement
Kahrama Mostaganem
e
né Arzew
rra Barrage
te ORAN
di
Gagar
Mé Bousfer
Ras
Ras
Ras
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el
el Aïn
el
el Aïn
Aïn
Aïn
Aïn
Aïn
r
Me
Mohammadia
Brédéah
Mascara
Béni-Saf
Aïn Témouchent
Barrage Fergoug
Prise Tafna Sidi Bel Abbes
Maghnia
Tlemcen
Saïda
Barrage Beni Bahdel
Volumes mobilisés
80 000 m3/j Mobilisation en 1991 Ville
35 000 m3/j
15 000 m3/j Mobilisation en 2008 0 30 60 km
Barrage Desserte hors Oran
Source:
Source:
Source: Ghodbani,
Ghodbani,
Ghodbani, à
à
à partir
partir
partir du
du
du schéma
schéma
schéma de
de
de Magagnosc
Magagnosc
Magagnosc
Transfert vers Oran Irrigation de périmètres et
et
et Toubache,
Toubache,
Toubache, (1991)
(1991)
(1991) et
et
et données
données
données ADE
ADE
ADE d'Oran,
d'Oran,
d'Oran, (2008)
(2008)
(2008)
- La grande station de dessalement, réalisée à Arzew (Kahrama), fournit, depuis
2002, 70 000 m³/j.
Ce quota pourtant important ne compense nullement le déficit induit par la
régression des volumes anciennement mobilisés pour Oran. Cette insuffisance
s’explique certes par des contraintes naturelles, mais aussi par le retard accusé par
la mobilisation relativement à l’évolution démographique. En effet, et en vingt ans,
la population du groupement d’Oran est passée de 681.900 à environ 1.295.800,
soit une croissance de 190 %. Dans la même
période, la mobilisation potentielle a été portée de 175 000 à 180 000 m³/j, soit
une augmentation de 102 % seulement, ce qui illustre bien le décalage entre
l’évolution de l’offre et celle de la demande. Afin d’atténuer la pression sur l’eau
dans l’agglomération d’Oran et pour rattraper le retard en matière
d’infrastructures hydrauliques, deux projets importants sont lancés :
- Le système MAO, qui doit transférer l’eau à Oran par une adduction qui
alimentera en même temps Mostaganem et Arzew, à partir de deux barrages
réservoirs : Chlef et Kerrada. Ces derniers seront approvisionnés à partir de l’oued
Chlef, grâce à un système de pompage avec un volume de 155 millions de m³/an
pour l’approvisionnement du couloir Mostaganem-Arzew-Oran (MAO).
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- Le projet de l’usine de dessalement de Mers-el-Hadjaj, la plus grande du bassin
méditerranéen et d’Afrique. Elle produira 500 000 m³/j et alimentera Oran ainsi
que les villes intérieures, tel que Relizane. Selon les responsables de l’hydraulique
de la wilaya d’Oran, une fois que les deux projets seront réceptionnés, le problème
de l’eau sera définitivement résolu et d’importants volumes seront exportés vers
les autres régions intérieures. L’option du dessalement illustrant l’exploitation de
ressources renouvelables n’est pas propre à Oran puisqu’elle concernera tout le
littoral ouest. Cette orientation va inverser l’ancien schéma de mobilisation sud-
nord vers un autre schéma nord-sud.
3. Nouvelles usines de dessalement et exportation de l’eau vers les villes
intérieures
Le choix du dessalement pour subvenir à la demande croissante des villes
littorales n’est pas aléatoire, il se justifie par plusieurs facteurs : La récente
disponibilité financière qui a suivi l’augmentation des prix des hydrocarbures
(2000-2014), l’augmentation de la pression sur l’eau et, enfin, la régression de la
capacité de stockage des barrages. Sur les vingt et une stations programmées le
long de la côte algérienne, la partie ouest regroupe dix stations et produira plus de
62 % du total prévu pour tout le littoral algérien (Tab 4).
Tableau 4. Les grandes stations de dessalement réalisées et en cours de réalisation sur le
littoral algérien
Lieu Wilaya Capacité (m³/j) Année pour la mise en service
d’implantation
Arzew Oran 90.000 2007
(Kahrama)
Macta Oran 500.000 2015
Sidi el Djelloul AïnTémouchent 200.000 2012
Honaïne Tlemcen 200.000 2012
Souk Ethleta Tlemcen 200.000 2013
Kharouba Mostaganem 200.000 2010
Fouka Tipaza 120.000 2006
El Hamma Alger 200.000 2007
Cap Djenet Boumerdes 100.000 2010
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Skikda Skikda 100.000 2007
El Chatt El Tarf 50.000 2009
Oued Sebt Tipaza 100.000 2014
Total 2.060.000
Source : Del Instituo Espagnol de ComercioExterior (2006, p6)
L’ensemble des stations sont construite selon le principe de « Bilt-Operat-Owne »
c’est-à-dire que l’état algérien engage l’argent public seulement pour acheter les
volumes d’eau dessalés selon un contrat de long terme avec les multinationales,
qui, elles, se chargent à leurs frais de construire les usines, de les équiper,
d’assurer l’entretien des machines et le paiement des techniciens. Le coup de
l’investissement est amorti à moyen terme selon l’étude conçu par la SAFEG en
1997. Figure 3. La répartition des stations de dessalement, fonctionnelles et en cours de
réalisation, sur le littoral ouest
Capacité de production kharouba
Mers el Hadjaj
500 000 m3/j
Cap_Falcon
Mostaganem
Kahrama
250 000 m3/j Bousfer
Relizane
50 000 m3/j Bouzedjar Oran
Barrage
Barrage Sidi_el_Djelloul
Plage des Mouches
Aïn Témouchent
Honaïne Mascara Tiaret
Ghazaouet
Sidi Bel Abbes
Souk Ethlet
Tlemcen
Saïda
0 30 km
Source : Ghodbani à partir des données ADE, 2010
L’alimentation en eau potable des agglomérations littorales sera assurée, en
majeure partie, par l’ensemble des stations réalisées ou en cours de réalisation.
Les plus grandes d’entre elles (500 000 m³/j) fourniront des quotas importants
aux villes intérieures telles que Relizane, Sidi Bel Abbes et Tlemcen (Fig 3 et 4).
Outre le fait qu’ils sont vitaux pour l’économie urbaine et le bien-être des
habitants du littoral, ces réseaux vont permettre de libérer l’eau des barrages pour
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l’irrigation et participeront à l’équilibre de l’environnement28. Cependant, et d’un
autre point de vue, ces stations auront tendance à renforcer la littoralisation par
l’occupation de grandes surfaces au niveau de la côte. Elles favoriseront
l’implantation industrielle et les grandes structures touristiques balnéaires.
Figure 4. Schéma de distribution de l’eau dessalée à travers le territoire de la région ouest
Enfin, elles renforceront la dépendance des régions intérieures envers le littoral.
Dans le même contexte et à une échelle plus locale, d’autres pressions seront
ressenties dont l’obligation d’assurer une forte alimentation en énergie pour faire
fonctionner les machines de dessalement29 d’une part, et de laisser opérer une
importante artificialisation du paysage côtier, d’autre part.
Conclusion
La problématique de l’eau dans l’ouest algérien réside dans la combinaison de
plusieurs facteurs, à la fois naturels et humains. La faiblesse des précipitations et
les contraintes physiques, ajoutées à la littoralisation des villes et des activités
économiques, ont engendré une forte pression sur les ressources en eau. Une
orientation par les décideurs vers la construction de barrages pour le transfert de
l’eau à travers les différents bassins versants parait inefficace et ce, face aux
problèmes d’envasement des barrages, la gestion difficile des conduites et les
problèmes environnementaux causés par la rétention de l’eau dans les parties
avals des vallées. L’engagement de l’Etat dans l’exploitation de l’eau de mer par la
technique du dessalement est devenu indispensable en vu de faire face aux
28 Le dessalement réduira la construction des barrages et, par conséquent, le maintien des équilibres
écologiques des bassins versants, des cours d’eau et des zones d’embouchures.
29 Le procédé utilisé dans le dessalement est l’osmose inverse, c’est une technique simple mais qui
demande une forte capacité en énergie. Les stations de Bouzedjar et de Ghazaouet ne fonctionnent
qu’à 50 % de leur capacité réelle de production, pour s’adapter à la forte consommation de l’énergie
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Cahiers Géographiques de l’Ouest, volume 09 (2021)
périodes de pénurie d’eau causée par des sécheresses de plus en plus fréquentes.
L’importance des volumes d’eau dessalée produits, destinée à la consommation
urbaine, va favoriser la libération des eaux de barrages vers l’irrigation. Mais aussi
à inverser le schéma du transfert hydraulique régional classique, du sud vers le
nord, en un autre schéma, du nord vers le sud.
Enfin l’enjeu ne se limite pas aux questions de volumes produits, également un
effort conséquent doit être fourni pour la sensibilisation des usagers afin de
rationaliser la consommation de cette matière devenue rare et dont la
mobilisation est de plus en plus couteuse.
BIBLIOGRAPHIE
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