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Surveillance Des Anticoagulants Oraux Directs

Les anticoagulants oraux directs (AOD) sont utilisés pour traiter la maladie thromboembolique veineuse et la fibrillation atriale, mais le risque de saignement reste une préoccupation. Le suivi biologique est désormais reconnu comme essentiel pour évaluer ce risque avant une chirurgie ou en cas d'hémorragies. Les AOD, tels que le rivaroxaban, l'apixaban et le dabigatran, présentent des caractéristiques pharmacologiques variées et nécessitent une attention particulière lors de l'interprétation des tests de coagulation.

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Surveillance Des Anticoagulants Oraux Directs

Les anticoagulants oraux directs (AOD) sont utilisés pour traiter la maladie thromboembolique veineuse et la fibrillation atriale, mais le risque de saignement reste une préoccupation. Le suivi biologique est désormais reconnu comme essentiel pour évaluer ce risque avant une chirurgie ou en cas d'hémorragies. Les AOD, tels que le rivaroxaban, l'apixaban et le dabigatran, présentent des caractéristiques pharmacologiques variées et nécessitent une attention particulière lors de l'interprétation des tests de coagulation.

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MISES A JOUR

Surveillance des anticoagulants oraux directs : apport de la biologie


Monitoring of direct oral anticoagulants: contribution of laboratory
monitoring
N. Gendron, DM. Smadja*
Université de Paris. Innovative Therapies in Haemostasis. INSERM. France
Service d'hématologie biologique et laboratoire de recherches biochirugicales (Fondation Carpentier).
AH-HP. Hôpital européen Georges Pompidou. France

Résumé
Les anticoagulants oraux directs (AOD), anti-IIa ou anti-Xa directs, sont destinés à être
largement utilisés dans le traitement de la maladie thromboembolique veineuse ou dans la
fibrillation atriale en remplacement des antagonistes de vitamine K. Malgré des propriétés
pharmacologiques prévisibles, le risque hémorragique spontané ou provoqué des AOD
demeure une préoccupation majeure. Ainsi, après quelques années de flou concernant le rôle
du bilan biologique dans le suivi des AOD, l’apport de la biologie et plus particulièrement du
bilan d’hémostase est maintenant établi et primordial pour appréhender le risque hémorragique
avant chirurgie, en cas d’hémorragies ou dans la gestion de certains antidotes.

Mots clés : Anticoagulants oraux directs ; rivaroxaban ; dabigatran ; apixaban ; suivi biologique

Abstract
Direct oral anticoagulants (DOACs), anti-IIa or anti-Xa, are now widely used for the treatment
and prevention of thombotic events in venous thromboembolic disease and atrial fibrillation
as an alternative of vitamin K antagonists. Despite predictable pharmacological properties,
spontaneous or provoked bleeding risks related to DOACs are still an issue. Thus, after
few years of inconsistence concerning laboratory monitoring involvement and in particular
coagulation tests, it is now established that we need biology to evaluate bleeding risk
before surgery, hemorrhagic cases and in case of reversal with specific antidotes.

Key-words: Direct oral anticoagulants; rivaroxaban; dabigatran; apixaban; laboratory


monitoring

*Auteur correspondant :
David M. SMADJA
E-mail : [email protected]

166 Journal de Biologie Médicale / Volume 9-Numéro 35 / Oct-Déc 2020


Introduction Tableau I : : Indications des différents AOD dans le traitement
ou la prévention de la maladie thromboembolique
Le traitement ou la prévention de la maladie thrombo-
embolique veineuse (MTEV) et artérielle s'est longtemps Indication Rivaroxaban Apixaban Dabigatran
limité aux dérivés hépariniques injectables comme les Prévention de la 10 mg x1/J 2,5 mg x2/J 110 mg x2/J
héparines non fractionnées (HNF) et les héparines de
MTEV chez patients Pendant 2 Pendant 10 à 14 Pendant 10 jours
bas poids moléculaires (HBPM) ainsi qu'aux antagonistes
de la vitamine K (AVK) per os. Les traitements par bénéficiant d’une semaines (PTG) jours (PTG) ou 32 (PTG) ou 28 à 35
AVK nécessitent des dosages réguliers de leur effet PTG ou PTH ou 3 semaines à 38 jours (PTH) jours (PTH)
anticoagulant par mesure de l’INR (international normalized (PTH)
ratio) du fait de nombreuses variations interindividuelles Traitement de la 15 mg x2/J 10 mg x2/J 150 mg x2/J
et d’interactions médicamenteuses ou alimentaires. Les
MTEV et prévention pendant 3 Pendant 7 jours après un
déplacements et les prélèvements veineux répétés au
laboratoire peuvent diminuer l’observance du patient à des récidives semaines puis, (PTG) puis 5mg traitement par un
son traitement au long cours. Il a été démontré que le TTR (TVP et EP) 20 mg x1/J** x2/J** anticoagulant par
(time in therapeutic range), c’est à dire le temps passé où voie parentérale
l’INR du patient sous AVK se trouve dans la bonne cible pendant≥ 5 jours**
thérapeutique, correspond à 63 % du temps sous traitement
[1]. Ce qui sous-entend que ces patients passent un Prévention des 20 mg x1/J* 5 mg x2/J* 150 mg x2/J*
tiers du temps avec un INR soit trop faible soit trop élevé et AVC et embolies
sont donc à risque respectivement d’événement systémiques chez
thrombotique ou hémorragique. Ces 10 dernières années, patient atteintes de
de nouveaux traitements anticoagulants oraux ont été FA non valvulaire
mis sur le marché avec une dose d'administration fixe dans
Prévention des 2,5 mg x2/J _ _
le traitement et la prévention de la MTEV [2] et adaptée
en fonction de la molécule choisie dans le traitement événements
et la prévention des complications thrombotiques athérothrombotiques
de la fibrillation atriale non valvulaire (FANV). Trois suite à SCA avec
anticoagulants oraux directs (AOD) sont actuellement élévation des
disponibles en France : un anti-IIa, le dabigatran étexilate
biomarqueurs
et 2 anti-Xa, le rivaroxaban et l'apixaban [3] . Le rivaroxaban
et l'apixaban sont des inhibiteurs directs et sélectifs cardiaques
du facteur Xa alors que le dabigatran étexilate, est une MTEV : Maladie thromboembolique veineuse ; PTG : Prothèse totale de
prodrogue, qui après métabolisation inhibe de façon genou ; PTH : Prothèse totale de hanche; TVP : Thrombose veineuse
directe et sélective la thrombine, ou facteur IIa, libre ou profonde ; EP : Embolie pulmonaire ; FA : Fibrillation atriale ; AVC : Accident
liée au caillot. Ces molécules ont les mêmes indications vasculaire cérébral ; SCA : Syndrome coronarien aigu
qui sont résumées dans le tableau I. Seul le rivaroxaban a *Posologie à adapter en fonction de la clairance et/ou de l’âge et/ou du
poids du patient et en fonction de la molécule d’AOD (Tableau III)
comme indication supplémentaire (en Europe mais non **La durée du traitement global sera personnalisée après évaluation
retenu aux États-Unis par la Food and drugs administration, rigoureuse du bénéfice du traitement par rapport au risque hémorragique
FDA) la prévention des événements athérothrombotiques
chez les patients adultes suite à un syndrome coronarien poids du patient (tableau III). Les AOD présentent une
aigu avec élévation des biomarqueurs cardiaques, co- balance bénéfice/risque favorable comparée aux AVK dans
administré avec de l’aspirine seule ou associée au la MTEV et la FANV avec une diminution significative du
clopidogrel ou à de la ticlopidine. Les AOD présentent risque de saignements majeurs [4, 5]. Il est à noter qu’aucune
comme avantages, une dose-réponse prédictible ainsi étude comparant ces AOD entre eux n’existe à ce jour, par
que peu d’interactions médicamenteuses et alimentaires conséquent aucune comparaison entre molécules ne peut
(tableau II). Un des intérêts majeur de ces AOD est de ne être faite.
pas nécessiter de surveillance biologique à l'instauration, ni Les AOD interfèrent avec les tests de coagulation. Ainsi,
dans le suivi du traitement ni pour l’adaptation posologique. le dosage de leur activité anticoagulante spécifique et
Dans le cas de la FANV, l’adaptation posologique se fera son interprétation en cas de saignements graves et/ou
en fonction de la molécule utilisée et de la fonction rénale de chirurgie ou gestes invasifs urgents, seront essentiels
(estimée par Cockcroft et Gault) et/ou de l’âge et/ou du pour la bonne prise en charge clinique du patient.

Journal de Biologie Médicale / Volume 9-Numéro 35 / Oct-Déc 2020 167


MISES A JOUR

Tableau II : Caractéristiques pharmacocinétiques et pharmacologiques des AOD

Caractéristiques pharmacologiques Rivaroxaban Apixaban Dabigatran

Cible Xa Xa IIa
Biodisponibilité >90 %* 50 % 3-7 %
(pro-drogue)
Cmax 2h 3-4h 2h
Demi-vie 9-15h 10-14h 14-17h

Liaison aux protéines > 90 % 87 % 35 %

Elimination Rénale (66 %) Rénale (25 %) Rénale (80%)


Hépatique/fécale (34 %) Hépatique/fécale (75 %)

Métabolisation CYPP3A4, CYP2J2 CYPP3A4/5, CYP21A2, 2J2 Glucurono-conjugaison


P-gp 2C8, 2C19, 2C9 + P-gp
P-gp

Dialysable Non Non Oui

Cmax : Concentration plasmatique maximale ; *100% au cours d’un repas, 66 % en dehors

Tableau III : Adaptation posologique des AOD en fonction de la fonction rénale du patient dans la prévention des AVC et embolies
systémiques chez patient atteints de FANV

Rivaroxaban Apixaban Dabigatran


20 mg → 15 mg 5 mg → 2,5 mg 150 mg → 110 mg
Elimination rénale 66 % 25 % 80 %

Réduction du dosage Clcr 15-49 mL/min Si Clcr 19-29 mL/min Si Clcr 30-49 mL/min
Si 2 des critères suivants : Si âge ≥ 80 ans
créatinine sérique ≥ 133 μmol, Si administration concomitante de vérapamil
âge > 80 ans ou poids < 60 kg

IR Légère (50-80mL/min) _ _ _

IR Modérée (30-50mL/min) 15 mg Prudence - 110 mg Prudence

IR sévère (15-29mL/min) 15 mg Prudence 2,5 mg Prudence Contre indiqué

Contre-Indication Si Clcr < 15 ml/min Si Clcr < 15 ml/min Si Clcr < 30 ml/min

Clcr : Clairance de la créatinine selon la formule de Cockcroft et Gault

Effets des AOD sur les paramètres


de la coagulation
Les AOD interfèrent avec la formation du caillot et ont donc réactifs utilisés (Tableau IV) [6]. Le rivaroxaban et
une influence sur les tests globaux d'hémostase. Cette dabigatran allongent le temps de Quick (et donc diminuent
interférence est variable selon les molécules et dépend des le temps de prothrombine, TP), allongent le temps de

168 Journal de Biologie Médicale / Volume 9-Numéro 35 / Oct-Déc 2020


Tableau IV : Interférences des AOD sur les différents usuels en hémostase supplémentaire de 1/4 qui peut éliminer l'interférence des
AOD sur leur dosage chronométrique. Le dabigatran allonge
Tests d’hémostase Dabigatran Rivaroxaban Apixaban très fortement le temps de thrombine (TT) avec des valeurs
supérieures à 120 secondes. Le TT peut être alors utile pour
TQ / TP ↗* / ↘* ↗* / ↘* N ou ↗ * / ↘ *
détecter la présence de dabigatran [7]. Les AOD interfèrent
TCA ↗* ↗* ↗* avec des examens d'hémostase plus spécialisés comme
Fibrinogène Méthode de Clauss : Méthode de Clauss : Méthode de Clauss :
la recherche de thrombophilie biologique [3]. La mesure
N / Chromogénique : N / Chromogénique : N / Chromogénique : de l’activité de l’antithrombine est réalisée par des tests
↘ ↘ ↘ soit basés sur son activité anti-Xa, ou soit sur son activité
Temps de thrombine ↗ N N
anti-IIa et sera donc surestimée par la prise d'un AOD
anti-Xa ou anti-IIa respectivement. Cette surestimation de
Facteurs de la ↘ ↘ ↘ l'antithrombine peut alors masquer un déficit. La mesure
coagulation de l’activité anticoagulante des protéines C et S étant une
méthode chronométrique, elle sera donc faussée lors des
D-dimères N** N** N**
traitements par AOD. Pour ne pas passer à côté d'un déficit,
PDF N N N il faut alors utiliser une technique chromogénique pour le
AT N si dosage basé sur ↗ si dosage basé ↗ si dosage basé dosage de la protéine C et un dosage antigénique pour la
activité anti-Xa sur activité anti-Xa sur activité anti-Xa protéine S. Bien sûr dans les deux cas, on ne peut plus
↗ si dosage basé N si dosage basé N si dosage basé diagnostiquer certains déficits qualitatifs. La recherche de
sur activité anti-IIa sur activité anti-IIa sur activité anti-IIa mutations de gènes, facteurs de risque de thrombose (V
Leiden, II 20210 A/G), est quant à elle réalisable. Un bilan
dRVVT ↗ ↗ ↗
de thrombophilie biologique comportant une recherche
PCa (activité ↗ ↗ ↗ d’un déficit en antithrombine, en protéine C et en protéine S
anticoagulante) ou d’un anticoagulant circulant de type lupique devra
préférentiellement être envisagée à distance de tout
PCa (activité N N N
traitement par AOD. Dans le cas contraire, le laboratoire
amidolytique) devra être informé de la molécule prescrite afin d’en
PS ↗ ↗ ↗ tenir compte pour le choix de techniques dans lesquelles
l’anticoagulant n’intervient pas. Paradoxalement, l'apixaban
PS libre N N N ne modifie pas ou très peu ces tests aux concentrations
RPCA ↗ ↗ ↗ posologiques [8]. Ce qui sous-entend que des valeurs
Mutation FV Q506 N N N
normales de TP, TCA ou TCK ne peuvent exclure la présence
d'apixaban dans le prélèvement. Au total, un TP et/ou TCA
Mutation IIa N N N normaux ne peuvent exclure la présence d’AOD anti-Xa.
20210A Seul un TT normal, peut exclure la présence de dabigatran
Anticorps N N N circulant [7]. Ainsi, Il est recommandé de ne pas suivre
les concentrations d’AOD avec les tests de coagulation
anti-cardiolipine
globaux comme le TP et le TCA [9].
Anticorps N N N
anti-bêta2-
glycoprotéine-1
Suivi biologique des patients
*Sensibilité dépendante du réactif utilisé
**La mesure immunologique des D-dimères n’est pas perturbée mais elle sous AOD
peut être diminuée par la prise d’AOD comme de tout autre anticoagulant
PDF : Produit de dégradation de la fibrine ; AT : Antithrombine ; Le suivi biologique des AOD n'est pas utile, et donc non
dRVVT : Test au venin de vipère Russel diluée ; PCa : Protéine C activée ; recommandé, à l'instauration du traitement ni pour la
PS : Protéine S ; RPCA : Résistance à la Protéine C activée
surveillance de l'efficacité thérapeutique mais dans
céphaline avec activateur (TCA) mais aussi le temps de certaines conditions particulières [9]. Il est recommandé
céphaline kaolin (TCK). L’INR n’est pas utilisable et ne de réaliser un bilan d'hémostase avec mesure de l'activité
doit pas être prescrit car il est spécifique des AVK. Les anticoagulante spécifique de l’AOD dans certaines
facteurs du TP (les facteurs II, V, VII et X), peuvent être conditions [9] : 1) en cas d'hémorragie majeure et/ou
rendu à condition de réaliser le dosage avec une dilution menaçant le pronostic vital, 2) en cas de geste invasif/acte

Journal de Biologie Médicale / Volume 9-Numéro 35 / Oct-Déc 2020 169


MISES A JOUR

chirurgical urgent 3) avant thrombolyse en cas d’accident contre-indiqués en cas d'insuffisance rénale sévère
vasculaire cérébral, 4) lors de récidives d'épisodes (Tableau III). Le dabigatran est lui contre-indiqué en cas
thrombotiques pour évaluer l’observance 5) avant d'insuffisance rénale avec un seuil à 30 ml/min. L’évaluation
antagonisation en urgence du traitement par AOD. de la fonction rénale des patients traités par AOD doit
Pour les AOD de type anti-Xa, la mesure de l’activité anti- être estimée par la formule de Cockcroft et Gault, même
Xa spécifique, est réalisée en utilisant les mêmes trousses si d’autres formules telles que, MDRD ou CKD-EPI sont
de dosages que les anti-Xa indirects (HNF ou HBPM) recommandées pour l’évaluation du débit de filtration
mais avec des calibrants et contrôles adaptés à chaque glomérulaire. Pour le rivaroxaban, il a été démontré que
molécule d’AOD. Pour les AOD de type anti-IIa, tel que le l’estimation de la fonction rénale selon le score MDRD
dabigatran, le test utilisé est un dosage de l’activité anti-IIa multiplie par 10 le risque de recevoir une posologie trop
spécifique : soit par mesure d'un temps d'écarine (ECAT), élevée chez les patients de plus de 80 ans [12]. Avant la mise
ou soit par mesure d'un TT dilué (dTT) avec lecture sur en route puis et si besoin en cas d'évènement intercurrent,
une droite de calibration (plasma chargé en dabigatran). l’évaluation de la fonction rénale et de la fonction hépatique,
Après mesure de l’activité spécifique IIa ou anti-Xa des ainsi qu'un dosage de l'hémoglobine est recommandée.
AOD, les résultats doivent être exprimés en ng/ml [10]. Il
faut savoir que les valeurs "attendues" au pic ou résiduelles
proviennent des essais de phase III évaluant les AOD
dans la FA et la MTEV dans une population de patient
Chirurgie et actes invasifs
sur-sélectionnés [6]. Ainsi, il ne faut pas sur-interpréter programmés
un résultat qui serait juste en dehors des concentrations
plasmatiques "attendues" notamment celles du dabigatran Dans le cadre de la gestion péri-opératoire des patients
exprimée du 25ème au 75ème percentile. De plus, il existe sous AOD, le Groupe d'Intérêt en Hémostase Périopératoire
de grandes variations inter- et intra-individuelles de ces (GIHP) a réactualisé ses propositions [13] avec l’arrivée
concentrations en fonction de la molécule dosée [11]. Les de l’apixaban sur le marché, une meilleure expérience
tests actuellement commercialisés sont actuellement peu d’utilisation des AOD, l’acquisition de nouvelles données
répandus en France, et majoritairement dans le milieu [14] ainsi que la disponibilité croissante des dosages
hospitalier car ne sont pas inscrits pour l’instant à la spécifiques des AOD dans les laboratoires. Les propositions
nomenclature des actes de biologie médicale (NABM) et du GIHP s’adaptent en fonction du risque hémorragique
donc remboursés par l’assurance maladie. de l'intervention ou de l'acte invasif (Tableau V) [13, 15]
Le rivaroxaban est contre-indiqué en cas d’insuffisance définis en 2008 pour la gestion périopératoire des AVK [16].
hépatique. L’apixaban est contre indiqué en cas d’atteinte Pour les actes programmés à risque hémorragique faible,
hépatique associée à une coagulopathie et à un risque il est proposé de ne pas prendre l’AOD la veille au soir ni
de saignement, et non recommandé en cas d’insuffisance le matin de l’intervention, de reprendre le traitement 6h
hépatique sévère. Le rivaroxaban et l'apixaban sont après la fin du geste invasif. En revanche, pour les actes

Tableau V : Gestion périopératoire des AOD en fonction du risque hémorragique, d’après proposition du GIHP [15]

Risque hémorragique faible Risque hémorragique élevé

Avant le geste pas de prise la veille au soir ni le Rivaroxaban Apixaban Dernière prise à J-3
matin de l'acte invasif Dabigatran Clcr ≥ 50 ml/min Dernière prise à J-4
Clcr < 50 ml/min Dernière prise à J-5
Pas de relais
Pas de dosage

Après le geste reprise à l'heure habituelle et au Anticoagulant à dose "prophylactive" au moins


moins 6 heures après la fin de 6 heures après l'acte invasif, si une
l'acte invasif thromboprophylaxie est indiquée
Anticoagulant à dose "curative" dès que l'hémostase
le permet

AOD : Anticoagulant oraux directs ; Clcr : Clairance de la créatinine selon la formule de Cockcroft et Gault

170 Journal de Biologie Médicale / Volume 9-Numéro 35 / Oct-Déc 2020


à risque hémorragique modéré ou élevé, il est proposé d’un acte chirurgical en urgence, il existe maintenant
d’interrompre un traitement par rivaroxaban ou apixaban des recommandations ainsi que des stratégies d’anta-
3 jours avant l'intervention pour assurer l’élimination gonisation qui seront de plus en plus spécialisées grâce
complète de l'AOD, si clairance de la créatinine > 50 ml/min, à l'existence d'antidotes spécifiques. L'encadrement des
et de ne le reprendre que lorsque le risque hémorragique chirurgies non programmées ou en urgence, et la prise
postopératoire est contrôlé. Dans le cas d’un traitement en charge des complications hémorragiques nécessite la
par dabigatran, il est proposé d’interrompre le traitement mesure de la concentration de l’AOD (Figures 1 et 2) comme
4 jours avant si la clairance de la créatinine > 50 ml/min proposé par le GIHP [13, 17].
mais 5 jours avant si elle est comprise entre 30 et 50 ml/min.
En suivant ces propositions dans le cas d’un geste invasif En cas d’hémorragie mettant en jeu le pronostic vital,
ou une chirurgie programmée, il n’est pas nécessaire de l’antidote sera administré en première intention ou à
réaliser de relais par héparine ou de dosage des AOD. Les défaut des CCP (concentrés de complexe prothrombinique,
agents hémostatiques non spécifiques dont les concentrés 25-50 UI/Kg) ou CPP activés (FEIBA®, 30-50 UI/kg). Le
de complexe prothrombinique (CCP) ne doivent pas être facteur VII activé recombinant (Novoseven®) n'est pas
utilisés en prophylaxie. recommandé en première intention. Il est proposé d’injecter
l’idarucizumab après avoir réalisé un prélèvement afin de
mesurer de la concentration résiduelle en dabigatran mais
Prise en charge d'une sans retarder l’injection de l’antidote. En effet un taux de
dabigatran > 200 ng/ml peut prédire un risque de rebond
hémorragie ou chirurgie en concentration de dabigatran après son antagonisation
urgente non programmée [18]. En cas d’hémorragie grave, un geste hémostatique
doit être envisagé et la neutralisation par l’antidote effectuée
Après quelques années de flou concernant la prise en si la concentration résiduelle en AOD est susceptible de
charge d’une complication hémorragique ou la réalisation contribuer au saignement (> 50 ng/ml).

Figure 1 : Prise en charge d’une hémorragie chez un patient traité par dabigatran,
d’après propositions du GIHP [13]
Clcr : Clairance de la créatinine selon la formule de Cockcroft et Gault ; CCP : Concentrés du
complexe prothrombinique

Journal de Biologie Médicale / Volume 9-Numéro 35 / Oct-Déc 2020 171


MISES A JOUR

Figure 2 : Prise en charge d’une hémorragie chez un patient traité par AOD anti-Xa
(rivaroxaban ou apixaban), d’après propositions du GIHP [17]
AOD : Anticoagulant oraux directs ; Clcr : Clairance de la créatinine selon la formule de Cockcroft et
Gault ; CCP : Concentrés du complexe prothrombinique

En cas de geste invasif urgent et à haut risque (Tableau V) [19] . Ainsi la prise en charge des hémorragies
hémorragique, il faut essayer de différer de plus de graves ou des actes chirurgicaux en urgences peut
8 heures la procédure afin de permettre d’obtenir apparaitre comme délicate par l’absence actuelle d’antidote
des concentrations résiduelles inférieures à 50 ng/ml spécifique des AOD anti-Xa. Parmi ces derniers, le plus
(risque élevé) ou à 30 ng/ml (risque très élevé comme avancé, est l’andexanet alfa, une molécule leurre du
en neurochirurgie) [13]. S’il n’est pas possible de facteur Xa sensée être dépourvue d’activité
différer l’intervention, il faudra procéder à l’injection anticoagulante, qui a obtenu l’autorisation de la FDA
prophylactique de l’antidote ou l’administration curative et très récemment celle de l’Europe mais n’est encore
en cas de saignements par des CCP, activés ou non [17] prévu d’être accepté en France. Les résultats de l’essai
(Figures 3 et 4). Le dabigatran est dialysable mais la place évaluant son efficacité antagoniser les effets anticoagulant
de la dialyse en cas d’hémorragie ou de geste invasif du rivaroxaban, de l’apixaban, de l’edoxaban et de
urgent reste à définir notamment avec la mise sur le marché de l’enoxaparine en cas de saignement viennent de paraître
son antidote. Nous rappelons qu’un TCA et/ou un TP normaux [20]. A ce jour, les freins à son autorisation et son
sous AOD ne permet pas de prédire une hémostase normale utilisation en Europe, sont son efficacité à antagoniser les
permettant un geste invasif sans risque hémorragique [9]. effets anticoagulants de ces molécules anti-Xa de l’ordre
de 82 % seulement, son évaluation sans bras contrôle
(comme l’idarucizumab) et son coût très élevé autour de
Développement d'antidotes 50000 dollars par antagonisation [21]. De plus, l’andexanet
alfa n’a pas été évalué dans le cadre de la prise en
spécifiques charge d’une chirurgie ou d’un geste invasif en urgence.
L’idarucizumab est commercialisé pour permettre la prise
Il n'existe à ce jour, qu’un seul antidote disponible pour les en charge en urgence des hémorragies graves ou des
AOD mais spécifique du dabigatran (l’idarucizumab) mais actes chirurgicaux des patients sous dabigatran. Nous
4 autres sont actuellement en cours de développement avons montré rétrospectivement, que malgré son efficacité

172 Journal de Biologie Médicale / Volume 9-Numéro 35 / Oct-Déc 2020


Figure 3 : Prise en charge d’une chirurgie ou d’un geste invasif en urgence chez un patient
traité par dabigatran d’après propositions du GIHP [13]
AOD : Anticoagulant oraux directs ; Clcr : Clairance de la créatinine selon la formule de Cockcroft et
Gault ; CCP : Concentrés du complexe prothrombinique

Figure 4 : Prise en charge d’une chirurgie ou d’un geste invasif en urgence chez un pa-
tient traité par AOD anti-Xa (rivaroxaban ou apixaban), d’après propositions du GIHP [17]
AOD : Anticoagulant oraux directs ; Clcr : Clairance de la créatinine selon la formule de Cockcroft et
Gault ; CCP : Concentrés du complexe prothrombinique

Journal de Biologie Médicale / Volume 9-Numéro 35 / Oct-Déc 2020 173


MISES A JOUR

Tableau VI : Développement actuel de différents antidotes des AOD et anticoagulant anti-Xa indirects

Caractéristiques Thrombine modifiée Complexe FXa-α2- Ciraparantag (aripazine, Andexanet alfa Idarucizumab
pharmacologiques (gT-S195A-IIa) Macroglobuline PER977)
Structure Thrombine FXa recombinant sans Molécule cationique FXa recombinant sans Fragment F(ab)
recombinante modifiée activité catalytique lié activité catalytique anticorps monoclonal
et digéré α 2-macroglobuline
Cible Dabigatran Anti-Xa et anti-IIa Anti-Xa et Anti-IIa Anti-Xa Dabigatran

Administration IV IV IV IV IV

Demi-vie - - - 1h 47 min
Surveillance X Anti-Xa si rivaroxaban ou Temps de coagulation sur Anti-Xa spécifique dTT ou ECAT
biologique de l’effet apixaban ; dTT ou ECAT si sang total
de l’antidote dabigatran

Essais/étude en cours Phase préclinique Phase préclinique Phase III en cours Phase III ANNEXA-4 Phase III RE VERSE-AD
Autorisation - - - FDA, EMA FDA, EMA, AMM en
France
Elimination - - - - Rénale

IV : intraveineux ; dTT : Temps de thrombine dilué ; ECAT : Temps d’écarine ; FDA : Food and drugs administration ; EMA : European medecine agency ;
AMM : autorisation de mise sur le marché

dans les 4 premières heures, il pouvait être observé un au cas par cas, notamment en situation d’urgence, et
rebond en concentration de dabigatran provenant d’un nécessite donc un dialogue clinico-biologique fort. Le
relargage tissulaire de dabigatran après son antagonisation dosage de l'activité spécifique des AOD n'a pas d'intérêt à
[22]. De plus, nous avons pu mettre en évidence que la l'instauration et dans le suivi du traitement. La surveillance
concentration initiale en dabigatran influence l’efficacité étroite de la fonction rénale des patients sous AOD se fera
de l’antagonisation. En effet, si le taux de dabigatran est par la formule de Cockcroft et Gault. Le dosage de l'activité
supérieur à 200 ng/ml avant antagonisation, un rebond spécifique anti-IIa pour le dabigatran ou anti-Xa pour le
en concentration de dabigatran pourra être observé, et rivaroxaban et l'apixaban doit être réalisé dans le cas
il faudra donc envisager un suivi plus approfondi ou une d'un geste invasif ou d'une prise en charge chirurgical
seconde injection pour les patients dont le saignement urgente ou d'un syndrome hémorragique.
ne se serait pas arrêté dans les premières heures suivant
l’antagonisation [18].
Conflit d’intérêt

Nicolas Gendron a perçu des prises en charges pour des


Conclusion congrès par Bristol-Myers Squibb, Bayer et Boehringer
Ingelheim et des honoraires de consultant par Boehringer
Les AOD sont un réel progrès thérapeutique et offrent Ingelheim.
une prise en charge simplifiée de l'anticoagulation, David Smadja a perçu des honoraires de consultant par
notamment au long cours. Les AOD sont un avantage Bristol-Myers Squibb, Bayer, Boehringer Ingelheim.
pour les patients qui ont des difficultés à maintenir leur
INR dans les valeurs thérapeutique. Dans leurs diverses
indications, les AOD ont montré une non infériorité des
par rapports aux traitements historiques et ont objectivé
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une diminution significative du risque de saignements 1- Van Walraven C et al. Effect of study setting on anticoagulation
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