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Les pourquoi de Lourdes le鏾ns d une M

Ce livre numérique, conservé dans une bibliothèque avant d'être numérisé par Google, appartient au domaine public et vise à rendre accessible le patrimoine littéraire mondial. Il traite des apparitions de la Vierge Marie à Lourdes et des leçons spirituelles qui en découlent, tout en soulignant l'importance de respecter les droits d'auteur et les conditions d'utilisation des fichiers. Le programme Google Recherche de Livres a pour objectif de promouvoir la diversité culturelle et d'aider les auteurs et éditeurs à élargir leur public.

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Les pourquoi de Lourdes le鏾ns d une M

Ce livre numérique, conservé dans une bibliothèque avant d'être numérisé par Google, appartient au domaine public et vise à rendre accessible le patrimoine littéraire mondial. Il traite des apparitions de la Vierge Marie à Lourdes et des leçons spirituelles qui en découlent, tout en soulignant l'importance de respecter les droits d'auteur et les conditions d'utilisation des fichiers. Le programme Google Recherche de Livres a pour objectif de promouvoir la diversité culturelle et d'aider les auteurs et éditeurs à élargir leur public.

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LES POURQUOI

DE LOURDES

---

LEÇONS D'UNE MÈRE

Par R. de MAUDUIT

Venite, filii, audite me;


timorem Domini docebo vos."
(Ps. XXXII , 12.)
Venez, mes enfants, écou-
tez-mor; je vous enseignerai
la crainte du Seigneur.

Prix 2 francs .

PARIS (6 ) HALLUIN (Nord)


LIBRAIRIE SAINT- PAUL Bureau du « Petit Messager >>
6, rue Cassette, 6 133, rue de Linselles
ET
DANS LES PRINCIPAUX MAGASINS DE LOURDES
Bibliothèque de la Faculté
de Théologie
Les Fontaines - CHANTILLY

A 214/21
LES POURQUOI DE LOURDES

Leçons d'une Mère.


Les Pourquoi

de Lourdes

LEÇONS D'UNE MÈRE


Ramel
Par R. de MAUDUIT. Atalan
aug
.
du T. S. Sa cu mout
Venite , filii, audite me ; timorem
Domini docebo vos. (Ps. XXXIII, 12.)
Venez, mes enfants, écoutez-moi ;
je vous enseignerai la crainte du
Seigneur.

BIBLIOTHÈQUE S. J.
Les Fontaines
60 CHANTILLY

PARIS HALLUIN (Nord)


LIBRAIRIE SAINT- PAUL Bureau du PETIT MESSAGER
6, rue Cassette . 133 , rue de Linselles.
ET
DANS LES PRINCIPAUX MAGASINS DE LOURDES
IMPRIMATUR :

Virduni, die 4 Junii 1903.

LIZET, Vic. gen.


A Marie.

Daignez, ô ma Mère, bénir ces lignes, où


j'ai voulu exalter vos apparitions et vos
bienfaits à Lourdes.
Vous avez toujours remporté la victoire
contre Satan, contre l'hérésie, contre les per-
sécuteurs de vos enfants. Aujourd'hui encore,
c'est de vous que le salut nous viendra.
A quelle condition ?
L'ordre du général bien compris assure la
victoire. Nous devons donc écouter votre voix,
nous efforcer de comprendre vos comman-
dements . Là est le secret du succès : la preuve,
c'est que nos ennemis veulent fermer le Sanc-
tuaire de Massabielle, où les foules viennent
près de vous s'instruire pour les combats du
Seigneur.
VI A MARIE

Pourquoi vos apparitions à la Grotte ?


Pourquoi vos paroles et vos actes au cours de
ces manifestations miséricordieuses ? Pourquoi
tant de détails , qui certainement ont un sens
voulu de vous ? Pourquoi ce vêtement blanc ?
Pourquoi ce Rosaire ? Pourquoi cette ceinture
d'azur? Pourquoi ces roses sur vos pieds ?
Pourquoi votre regard tourné vers le ciel ?
Pourquoi la source jaillissant du rocher ?...
J'ai essayé de répondre à tous ces Pourquoi.
Puissent ces réflexions exciter les âmes à
méditer sur vos apparitions ! Vous-même révé-
lez-vous à ceux qui vous cherchent.
Quant à ceux qui vous attaquent, conver-
tissez-les, ô ma Mère ; touchez leur cœur et
ramenez-les repentants à votre divin Fils .

En exil, 1" mai 1903.


LES POURQUOI DE LOURDES

LEÇONS D'UNE MÈRE

CHAPITRE PREMIER

L'événement de Lourdes.

ERS le milieu du XIXe siècle un événement


extraordinaire mettait en émoi les popu-
lations du midi de la France et bientôt le
pays tout entier. Près de la petite ville de
Lourdes, dans une grotte sauvage, un être mystérieux
d'une beauté incomparable, et semblant venir du
Ciel , s'était montré, dix-huit fois successives , à une
humble bergère nommée Bernadette. Elle seule avait
eu ces visions ; mais des centaines, des milliers de
témoins étaient alors auprès d'elle. Ils avaient vu
l'enfant tomber en extase son visage s'illuminait
d'un reflet surnaturel, son corps immobile perdait
ses sensations , son esprit oubliait la terre dans la
contemplation d'un objet captivant. Puis, après un
certain temps, la jeune fille semblait sortir d'un rêve.
LOURDES 1
2 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Elle racontait alors qu'elle avait vu , dans un creux


du rocher qui forme une niche naturelle, une femme
au visage plein de douceur, vêtue d'une robe d'une
blancheur éclatante, d'un long voile, d'une ceinture
bleue ; sur ses pieds nus reposaient des roses . Dans
ses mains elle tenait un chapelet aux grains blancs,
à la chaîne d'or. Et cette femme tantôt souriait, tantôt
semblait près de pleurer. Elle lui avait parlé ; elle
avait dit trois fois : Pénitence ! Pénitence ! Pénitence !
Elle lui avait promis le Ciel ; elle avait demandé en
ce lieu une chapelle et des processions. Elle lui avait
dit de boire et de se laver à la fontaine : et son doigt
indiquait le pied du rocher ; et l'enfant, suivant le
geste, avait creusé la terre , et une source avait jailli
dont elle avait bu et s'était lavée . Enfin, comme la
Voyante lui demandait à plusieurs reprises de lui
dire son nom , l'Apparition joignant les mains, levant
les yeux au ciel , avait dit : « Je suis l'Immaculée
Conception. >>
A ce portrait, à ce nom, le peuple chrétien avait
reconnu la Vierge Marie, la Mère de Notre-Seigneur
Jésus-Christ. Et les foules accouraient avec amour
et vénération . L'Eglise ne disait rien ; ses représen-
tants ne venaient point à la grotte ; ils attendaient et
priaient. L'autorité civile n'imita pas cette prudente
réserve, elle oublia le conseil que donnait autrefois
un Juif aux chefs de sa nation, aux premiers jours
du Christianisme : « Si cette œuvre vient des hommes,
disait-il, elle se dissipera d'elle-même ; si elle vient
de Dieu, comment vouloir l'entraver ? » Tous les
moyens administratifs furent donc mis en usage pour
combattre la superstition menaces , arrestations,
L'ÉVÉNEMENT DE LOURDES 3

procès-verbaux , amendes, déploiement de soldats et


de gendarmes , clôtures empêchant l'accès de la grotte.
Rien de tout cela n'arrêta ni les faveurs de la Sainte
Vierge ni l'élan des fidèles : Bernadette voyait Marie
par delà les barrières , les pèlerins bravaient toutes
les vexations.
Qui donc les assurait de la réalité des apparitions ?
D'abord la candeur, l'innocence de Bernadette, la
vue de ses extases ; puis surtout une voix toute
surnaturelle à laquelle personne ne se méprend : la
voix des miracles. La source jaillie du rocher en était
l'instrument. A son contact des aveugles recouvraient
la vue, des paralytiques se levaient, des mourants
revenaient à la vie. A cette preuve certaine que le
Ciel sanctionnait de sa puissance les paroles de la
Voyante, l'Eglise parla enfin . Elle proclama que
l'on pouvait croire sans témérité que la Très Sainte
Vierge Marie s'était vraiment montrée à Lourdes :
dès lors elle autorisa l'érection de la Chapelle et les
manifestations et processions publiques demandées
par l'Apparition.
Et depuis quarante-cinq ans la fontaine continue
à couler ; les miracles n'ont pas cessé de se produire,
ni les foules d'accourir à la grotte. Que dis-je ? les
manifestations ne font que grandir toujours en
nombre, en éclat. La renommée de Notre-Dame de
Lourdes s'est étendue par toute la terre ; on vient
à elle des extrémités du monde. On l'invoque en tout
lieu. Son image, son eau miraculeuse transportée en
tous pays, y accomplissent aussi des merveilles . Oui,
quiconque a une douleur à apaiser, une grâce à
obtenir, une faute à faire oublier, c'est à Notre-Dame
4 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

de Lourdes qu'il s'adresse . Et partout où sa statue


est exposée à la vénération publique , les ex-voto qui
bientôt l'entourent disent assez que c'est là que Marie
entend la prière. En un mot , Notre-Dame de Lourdes
est le vocable le plus aimé de la Sainte Vierge en
notre temps . Sa blanche image à la ceinture d'azur ,
aux mains jointes , au regard levé vers le ciel : voilà
la forme sous laquelle elle veut être honorée de
nous ; voilà le modèle pour lequel elle-même a posé
et qu'elle veut mettre sous nos yeux sans cesse, et
c'est pour nous y doucement contraindre qu'elle
multiplie ses bienfaits.
Mais si la Très Sainte Vierge a daigné se montrer
à la terre sous cette gracieuse figure, si elle a choisi
ces divers symboles , ce n'est pas sans un profond
dessein . Il y a là des leçons dont nous devons péné-
trer le sens . Un jour, la Voyante présenta du papier
et de l'encre à l'Apparition . Marie répondit : « Ce
que j'ai à vous dire je n'ai pas besoin de l'écrire. »
Elle a fait mieux elle a donné l'exemple de ce
qu'elle demandait de nous. Les paroles émeuvent ,
mais l'exemple entraîne, dit le proverbe. Marie a peu
parlé ses leçons sont dans sa conduite. Méditons
donc avec amour, avec respect, avec un ardent désir
de lui plaire , sur les circonstances de ses bénies.
apparitions. Nous connaîtrons ainsi ce qu'elle veut
de nous. Ah ! recevons avec reconnaissance les leçons
de notre Mère !
Au milieu des périls, des tristesses du temps pré-
sent, n'est-il pas vrai que tous les cœurs catholiques
se tournent d'instinct vers Notre-Dame de Lourdes ?
Ne sentons-nous pas que celle qui est venue à nous
20
L'ÉVÉNEMENT DE LOURDES

avec tant d'amour ne peut nous abandonner ? Et


n'est-il pas sorti de plus d'un cœur ce désir ardent,
cette prière audacieuse : O Marie, ô Notre- Dame de
Lourdes , montrez - vous de nouveau , revenez nous
sauver ?
Marie l'exaucera - t- elle ? Nous favorisera - t - elle
encore d'une nouvelle apparition ? Peut-être veut-elle
seulement ranimer notre confiance en ses anciennes
miséricordes , renouveler surtout notre fidélité à y
correspondre. Car il y a dans les apparitions de 1858
assez de grâces , assez de lumières , pour sauver
l'Eglise et le monde. Mais peut-être n'avons-nous pas
assez mis en pratique les enseignements de notre
Mère. Peut-être n'avons-nous pas assez contemplé sa
douce image et compris ses leçons. Revenez donc ,
ô Marie, revenez, sinon dans votre grotte de Massa-
bielle, au moins sous le regard de notre âme et dans
nos cœurs : Revertere, revertere, Sulamitis, ut intuea-
mur te ! « Revenez, revenez , afin que nous vous
contemplions , ô douce Sulamite » ; c'est - à - dire ô
Pacificatrice, ô Reine de la paix , ô vous qui pouvez
réparer nos misères et nous rendre le calme et le
bonheur ! Revenez, ô parfaite (car Sulamite a aussi
ce sens), revenez , ô modèle accompli de tout ce qui
plaît à Dieu , ò vous sa bien-aimée, son unique , sa
colombe, afin qu'en vous admirant nous apprenions
à imiter vos vertus .

Pratique. Récitez votre Rosaire pour remercier la


Très Sainte Vierge d'être apparue à Lourdes, et pour lui
demander la grâce de comprendre les leçons qu'elle est
venue nous y donner.
CHAPITRE DEUXIÈME

Le souffle de Dieu .

E 11 février 1858, Bernadette Soubirous


ramassait du bois mort, près des roches
Massabielles. Soudain un bruit semblable
à celui d'un grand vent se fit entendre .
L'enfant leva la tête les peupliers des bords du
Gave étaient immobiles. Ce n'était pas un phénomène
naturel qu'elle venait de percevoir. « L'esprit souffle
où il veut, a dit Notre-Seigneur ; vous entendez sa
voix, mais vous ne savez d'où il vient ni où il va. »
Bernadette l'ignorait en effet . « Je me serai trompée » ,
dit-elle.
Ainsi aux premiers jours du Christianisme , au
moment où les disciples réunis dans le Cénacle
attendaient la venue du Paraclet promis par Jésus-
Christ , on entendit comme le bruit d'un souffle
violent. C'était la figure sensible de l'Esprit de Dieu .
-
Et bientôt sous l'impulsion de son action puis-
sante, les Apôtres, animés d'une énergie nouvelle, se
répandirent dans le monde, annonçant le Christ avec
une ardeur irrésistible. Et l'univers païen se convertit
à leur voix , renonça à ses erreurs, à ses passions ,
LE SOUFFLE DE DIEU 7

à ses idoles, pour confesser Jésus le Fils de Dieu .


L'Eglise était fondée.
Pouvons-nous comparer à cette effusion de la vie
divine dans le monde, figurée et annoncée par le
grand vent entendu au Cénacle , les événements dont
notre temps a été le témoin ? « Envoyez votre Esprit ,
avait dit le Prophète, et vous renouvellerez la face
de la terre . » Cette prophétie, accomplie littéralement
au jour de la Pentecôte, aura-t-elle une autre réali-
sation ? L'Esprit-Saint rendra-t-il à la terre dans sa
vieillesse, par la force de son action vivifiante , un
regain de vitalité, une nouvelle jeunesse ?
Qu'il le puisse, il n'est pas douteux . Que la terre
en ait besoin , peut-on le nier davantage ? Notre
monde moderne, comme les vieillards décrépits, a
perdu les énergies des premiers âges. Sa vue s'est
obscurcie c'est-à-dire sa foi s'éteint, les ténèbres
que le péché originel a répandues dans les âmes
s'épaississent , les lumineuses clartés surnaturelles
éblouissent son regard hébété. Au lieu de croire et
d'adorer, il bavarde et déraisonne . Qui nous rendra
la foi pure et limpide des anciens jours ? L'hérésic,
le schisme, l'impiété, l'indifférence, le naturalisme
ont ruiné la foi chez presque tous les peuples . Et
avec la lumière a disparu l'amour, et avec l'amour
la paix, la concorde ; le vieux monde se dissout.
O Dieu qui avez fait les nations guérissables , ranimez
ce mourant de votre souffle puissant. « Envoyez,
Seigneur, votre Esprit et vous renouvellerez la face
de la terre. » Accende lumen sensibus, infunde amo-
rem cordibus……... Emitte Spiritum tuum et renovabis
faciem terræ !
8 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Mais nos prières, nos besoins, obtiendront-ils cette


effusion de grâces qui seule peut nous sauver ?
Ah ! au Cenacle les Apôtres n'étaient pas seuls.
Avec eux priait Celle dont la supplication est toute-
puissante, Omnipotentia supplex, Marie la Mère de
Dieu. C'est à elle que sont remis tous les trésors de
la grâce ; elle les obtient, elle les donne à qui elle
veut. Que Marie vienne donc prier sur notre terre,
et à sa voix se fera cette résurrection spirituelle !
Et Marie est venue ! C'est la grâce, c'est l'Esprit-
Saint qu'elle nous apporte, c'est un torrent, c'est un
fleuve de vie, c'est une effusion de miséricorde qui
descend du Ciel avec Elle. Dieu nous l'annonce par
ce souffle puissant entendu par Bernadette . Une autre
Pentecôte en quelque sorte se fait pour l'Eglise et le
monde en ce jour. C'est une ère nouvelle qui com-
mence un nouveau règne de Jésus, et de Jésus par
Marie.
Un grand serviteur de la Très Sainte Vierge
l'avait prédit. Saint Léonard de Port-Maurice, illustre
missionnaire capucin , qui a laissé dans l'Eglise la
mémoire d'une éminente vertu , fut l'un des plus
ardents champions de la doctrine de l'Immaculée
Conception de Marie, et celui qui a le plus puissam-
ment contribué, un siècle à l'avance, à la proclama-
tion solennelle de ce dogme. C'est lui, en effet, qui
émit l'idée, réalisée par Pie IX, de consulter tous les
évêques du monde sur leur croyance et celle de leurs
sièges, au privilège de la Sainte Vierge, et d'arriver
ainsi à exprimer la doctrine de l'Eglise entière,
même sans convoquer de concile. Or , dans le même
écrit où il exprimait cette idée, il ajoute, en parlant
LE SOUFFLE DE DIEU 9

de la proclamation du dogme de l'Immaculée Con-


ception « On peut tenir pour une chose certaine
qu'au jour où l'on fera ce grand honneur à la sou-
veraine Impératrice du monde, on verra à Finstant
renaître la paix universelle. » Il écrivait ceci en 1740 .
Et en 1854, après avoir réalisé l'idée de saint Léonard
de Port-Maurice en consultant les évêques du monde
entier, Pic IX définissait solennellement que Marie
a été conçue sans péché.
Ah ! n'en doutons pas , à ce moment où tant
d'hommages et de louanges montaient vers elle, où
l'Eglise la couronnait de ce diadème si glorieux , Marie ,
se prosternant devant la Trinité sainte, la remerciant
de ce don unique et ineffable de la préservation du
péché, Marie a prié pour la terre, pour ses frères et
ses sœurs ou plutôt ses enfants, chargés du poids de
tant de misères . Elle a demandé et obtenu de venir
elle-même les consoler ; et, contemplant avec tristesse
tous les maux dont ils sont accablés , elle a trouvé
dans son Cœur maternel le moyen de les soulager.
Ces maux quels sont-ils ? Le mal suprême c'est le
péché, ce péché dont elle est préservée ; et puis les
trois grands maux qui en découlent : l'ignorance,
la concupiscence et la douleur. Marie va venir les
guérir . Elle va purifier la terre et lui rendre la paix
et le bonheur.
Un souffle de vie chrétienne va passer sur nous.
Sans doute le résultat final ne sera pas l'œuvre d'un
jour. Le souffle du Saint-Esprit au Cénacle a mis
longtemps à convertir le monde : mais dès le premier
instant, il a commencé à solliciter les âmes et son
travail incessant gagnait de proche en proche, minant
10 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

la société païenne, et la pénétrant du Christianisme .


Ainsi, de la grotte de Lourdes le souffle puissant de
Dieu s'est répandu sur la terre. Il a remué les
populations, il a entraîné les foules ; nous en voyons
depuis quarante-cinq ans les progrès toujours crois-
sants. Ainsi la prophétie de saint Léonard de Port-
Maurice s'est réalisée à la lettre : « Au jour où l'on
fera cet honneur à la souveraine Impératrice du
monde, on verra à l'instant renaître la paix univer-
selle. » Il ne dit pas « se conclure, s'achever » , mais
« renaître » , c'est-à-dire reparaître peu à peu. Nous
avons vu ce grand mouvement de foi et de piété,
nous le voyons tous les jours, et le Saint assure qu'il
aboutira à la paix universelle.
<«< Souffle donc, aquilon ; viens , vent du Midi ; passe
sur mon jardin, et que ses parfums se répandent :
« Surge, aquilo, et veni, auster, perfla hortum meum
et fluant aromata illius . (Cant. , Iv, 16. ) Ainsi parle
l'Epouse des Cantiques, c'est-à-dire vous, ô Marie, et
c'est à l'Esprit- Saint que vous adressez cette prière .
Que vos vertus, que vos charmes, que vous nous
révélez à Lourdes, embaument l'Eglise ! Que le souffle
de Dieu en répande la bonne odeur par toute la
terre ! Attirez - nous , entraînez - nous à votre suite
vers l'Epoux divin. Nous courrons à l'odeur de vos
parfums !
O Esprit- Saint, votre souffle est puissant et plein
de douceur, fort comme l'aquilon , doux comme le
vent du Midi . Il va d'une extrémité à l'autre de la
terre et des temps, avec suavité et force, disposant
tout avec sagesse, réalisant tout sans obstacle. Et le
délicieux moyen que vous avez choisi pour consoler
LE SOUFFLE DE DIEU 11

l'Eglise et rajeunir le monde, c'est de nous montrer


Marie et de nous attirer vers Elle, pour recevoir et
comprendre ses Leçons !
Le monde en avait besoin, le monde en quelque
sorte l'attendait. L'illustre Newmann avait écrit :
« C'en est fait du Catholicisme, si Dieu ne nous fait
avant la fin de ce siècle une nouvelle révélation . »
La révélation a eu lieu, et c'est Marie qui en est
l'instrument !

Très Sainte Mère de Dieu , Immaculée Vierge Marie,


soyez bénie d'être venue nous visiter ! O Mère de
grâce , répandez abondamment dans nos âmes les
faveurs dont l'Esprit-Saint vous a faite la trésorière.
Renouvelez en nous et en toute la terre la foi et
l'amour.

Pratique. - Récitez pieusement le Rosaire pour la


sainte Eglise et aux intentions de Marie.
CHAPITRE TROISIÈME

Marie.

IN grand signe est apparu dans le Ciel : une


femme revêtue du soleil ayant la lune sous
ses pieds . C'est le récit que nous fait saint
Jean décrivant , dans l'Apocalypse, les
luttes du bien contre le mal , de l'enfer contre Dieu .
Et il vit le dragon infernal s'attaquer à cette femme
et au fils qu'elle allait mettre au monde. Cette femme,
que le saint Livre ne nomme pas, est évidemment la
Vierge Mère de Dieu car, ajoute l'Apocalypse , elle
enfanta un fils qui fut élevé jusqu'à Dieu et à son
trône, et toutes les nations furent soumises à son
empire. Et un grand combat se livra dans le Ciel à
son occasion entre les anges apostats et les anges
fidèles ; et le vieux serpent, qui s'appelle le Diable et
Satan, fut à jamais chassé du Ciel avec ses complices
et jeté sur la terre . Or, là il continua à faire la guerre
à la femme avec une grande fureur et à poursuivre
avec la même rage ses enfants.
Oui, il y a entre Lucifer et Marie une inimitié
absolue, une division totale. Lucifer hait la Vierge-
Mère d'une haine profonde. Il semble en quelque
MARIE 13

sorte la détester encore plus que Jésus-Christ lui-


même. Oh ! qui nous dira le mystère de cet anta-
gonisme entre Marie et l'enfer ? Comment une créature
si aimable et si charmante a-t-elle pu jamais être haïe ,
même d'un démon ? Pourquoi est-elle si abhorrée et
en même temps si puissante ?
O Marie, pardonnez la hardiesse de mon langage,
ou plutôt sa faiblesse . Dirai-je trop ou trop peu en
disant que vous êtes le nœud de toute l'œuvre de
Dieu, le secret de tous ses desseins, l'explication de
toutes ses préférences ? Marie n'est-elle pas celle que
Dieu appelle, dans le Cantique des Cantiques, sa
colombe, sa parfaite, son unique, son immaculée, celle
qui a ravi son cœur ?
De toute éternité le Seigneur avait décidé de s'unir
à une créature, il avait décrété que le Verbe pren-
drait une nature tirée du néant. Mais quelle nature ?
Serait-ce celle des anges ou des hommes ? Assurément
celle des anges était plus parfaite et plus digne,
comme plus voisine de Dieu . Tout semble décider en
faveur des purs esprits du choix du Seigneur, pour
élever leur nature jusqu'à sa personne. Mais auprès
de la créature déifiée, Dieu voyait un autre, chef-
d'œuvre où sa puissance, sa sagesse et son amour
devaient également s'épuiser ; et ce chef-d'œuvre tout
voisin du Dieu abaissé, c'était une mère. Et c'est elle
qui a ravi le cœur de l'Eternel . C'est elle qui l'attire
du sein de son Père dans son propre sein à elle .
Dieu veut avoir une Mère ! Or les anges n'en ont
point. Il faut donc que le Verbe se fasse homme : sa
Mère a décidé son choix en faveur de la nature
humaine . Il a voulu aimer ses créatures jusqu'à
14 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

descendre dans le sein de l'une d'elles, lui devoir son


être créé, l'appeler du doux nom de Mère. Il n'a pas
eu horreur de cette nativité. Que dis-je ? il en est fier,
il en est glorieux : il ne rougit pas de sa Mère, il la
présente au contraire à l'armée des esprits célestes et
leur commande de l'honorer, et d'adorer le fruit
qu'elle porte. Un grand signe apparaît dans le Ciel
où les purs esprits viennent d'être créés . Dieu intro-
duit devant ses anges son Fils et celle qui sera sa
Mère, en leur montrant par avance leur Roi et leur
Reine il faut les reconnaître et s'abaisser. Et voilà
ce qui fait la révolte. Ce grand signe dans le Ciel est
un signe de contradiction , signum cui contradicetur,
pour le salut et la ruine de beaucoup au Ciel et sur
la terre.
Et Satan s'enorgueillit dans sa nature si belle. Quoi !
lui Séraphin, avoir pour Roi un homme et surtout
une femme pour Souveraine ! Lui le pur esprit,
s'abaisser devant une nature corporelle ! « Je n'obéirai
pas ! » dit-il ; et il entraîne un tiers des anges dans sa
désobéissance et dans son éternel châtiment . Dès lors
il hait cette humanité que Dieu a choisie plutôt que
la nature angélique pour l'asseoir sur le trône de la
Divinité ; il hait cette femme qui a déterminé ce choix ,
et dans sa haine il enveloppe toute l'humanité, toute
la race née de la femme. A peine nos premiers parents
sont-ils créés, il s'attaque à la femme et la fait tomber ,
et par elle Adam .
Mais voici Dieu qui s'avance . Il a châtié sans pitié
le péché des anges aucun n'a été épargné ; mais le
péché des hommes trouve en lui d'ineffables miséri-
cordes. Ah ! c'est qu'il voit dans la suite des âges cet
MARIE 15

homme qui est son Fils, et cette femme qui en sera la


Mère. Sa justice est désarmée par leur sainteté et
leurs souffrances ; il pardonne aux coupables . Mais sa
colère s'appesantit sur Satan de tout son poids : il le
maudit sous la figure du serpent : « Tu seras maudit
entre toutes les bêtes de la terre. » Et voici qu'il lui
oppose de nouveau cette femme qui a déjà fait sa
ruine au Ciel . Lui qui a profité de la faiblesse de la
femme pour tromper le genre humain , il trouvera
dans la femme le principe de son éternelle défaite .
« Je mettrai l'inimitié entre toi et la femme, entre ta
race et la sienne, et elle t'écrasera la tête et tu te
tordras sous son talon . »
Et quatre mille ans plus tard , Marie venait au
monde , et sa Conception brisait l'empire de Satan.
Jusque - là toute créature était tombée , au moins
momentanément, sous son empire. Mais quand Marie
paraît, l'enfer s'enfuit épouvanté. « Quelle est, se
demande-t-il avec terreur, cette créature si belle qui
s'élève comme l'aurore naissante, terrible comme une
armée qui s'avance au combat ¹ ? » Lucifer recon-
naît - il celle qui fut promise sous l'arbre de la
désobéissance ? Non ; mais plus tard il la connaîtra.
Les anges eux reconnaissent leur Reine et sa vue les
confond d'amoureuse admiration ! « Oh ! quelle est
celle-ci, s'écrient-ils, qui monte du désert de la terre,
inondée de saintes délices, appuyée sur son bien-
aimé 2 ? » Et Dieu dit à la Vierge : « Je t'ai suscitée
sous le pommier où ta mère s'est perdue, où Eve
s'est souillée³ . Lève-toi, ma bien - aimée , ma toute

1 Cantic. , vi, 9. 2 Ibid., vitt , 5. — 3 Ibid. , VIII, 5.


16 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

belle, et viens à moi , ma colombe, mon immaculée .


Tu es toute belle, ô mon amie, et en toi il n'y a pas
de tache¹ . » Et la Vierge toute pure chante en son
cœur « Je me réjouirai dans le Seigneur et mon
âme exultera d'allégresse en Dieu mon Sauveur,
parce qu'il m'a revêtue d'innocence et de justice,
comme une épouse de ses plus beaux ornements . Le
Seigneur Tout-Puissant m'a entourée d'un rempart
invincible, il m'a tracé une voie immaculée . Je vous
glorifie, ô mon Dieu, de ce que vous m'avez prise et
n'avez pas laissé à mon ennemi la joie de m'avoir
possédée 2. C'est là que j'ai reconnu que vous aviez
sur moi des desseins de miséricorde ! » Et toute
l'Eglise, toute la terre répond à la Vierge sans tache :

< Vous êtes la gloire de Jérusalem, vous êtes la joie
d'Israël, vous êtes l'honneur de notre race. Vous êtes
bénie de Dieu, ô Vierge Marie, par-dessus toutes les
femmes de la terre . Aujourd'hui, en vous créant sans
péché, Dieu vous a tellement exaltée, que jamais votre
louange ne tarira dans la bouche des hommes ³ ! »
Voilà donc la Sainte Vierge constituée dès l'instant
de sa Conception la dominatrice victorieuse de Satan ;
elle lui écrase la tête, c'est-à-dire que jamais elle
n'aura rien à craindre de ses attaques. Au lieu que
les autres hommes ont à lutter toute leur vie contre
le serpent, et que même vainqueurs ils ne parviennent
jamais en ce monde à le dompter entièrement, ont
toujours à redouter sa morsure : Marie, elle , dès son
entrée dans la vie, le foule de son pied vainqueur.
En vain il se tord et essaie de mordre son talon !

I Cantic . , iv,2 7. - 2 Ps. XXIX , 2. - 3 Judith, XI , 25 ; xv, 10 .


MARIE 17

Alors il tourne sa rage contre les enfants de la femme,


selon la prophétie de la Genèse : « Je mettrai l'inimitié
entre ta race et la sienne » , c'est-à-dire entre l'Eglise
et tous les chrétiens fidèles , et l'Enfer et tous ses
suppôts ici-bas . Mais là encore Marie est l'antagoniste
redoutable de Satan. Non seulement elle a échappé à
sa domination , mais elle va lui ravir ses conquêtes.
Car elle concourt efficacement à la grande œuvre de
la Rédemption . Elle y a un rôle sublime, et en quel-
que sorte nécessaire .
Comme le péché originel a été l'œuvre commune
d'Eve et d'Adam, ainsi Jésus et Marie ont opéré
ensemble la Réparation . Sans doute Adam seul pou-
vait entraîner le genre humain dans sa perte, et quand
bien même son épouse eût mangé tous les fruits de
l'arbre, elle n'eût fait tort qu'à elle-même. Pourtant
dira-t-on que le rôle d'Eve dans la chute n'est pas
immense, prépondérant ? Ne lui fait-on pas en quelque
sorte plus de reproches qu'à Adam ! Notre premier
père lui-même le dit au Créateur : « La femme que
vous m'avez donnée m'a présenté ce fruit et j'en ai
mangé . » Il se plaint à Dieu , de lui avoir donné cette
compagne funeste . Eh bien , Dieu accepte en
quelque sorte le reproche ; et si la femme a tout
perdu, la femme aussi devra tout réparer . Satan s'est
attaqué à l'être le plus faible ce sera lui qui le
vaincra à son tour. Satan nous a perdus par Eve ,
Dieu nous sauve par Marië.
Ah ! sans doute , Marie ne suffit pas au rachat du
monde, pas plus qu'Eve à sa perte ; ses prières et ses
larmes ne sont pas une rançon suffisante . Seul le chef
de la création , l'Homme-Dieu , peut payer notre dette.
18 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Mais c'est Marie qui lui donne la chair et le sang,


prix de notre rédemption ; c'est elle qui présente à
Dieu ce fruit qui est bien à elle, ce fruit de ses
entrailles, ce fruit d'aspect si délicieux , d'un goût si
ineffable, que Dieu agrée et savoure. C'est elle qui
restitue à l'arbre le fruit que la première femme en
avait détaché : Quod Eva tristis abstulit, tu reddis
almo germine. Et au pied de l'arbre de la Croix la
nouvelle Eve, dans les ineffables douleurs de son
sacrifice, unit aux satisfactions de son Fils sa propre
immolation , expiant le plaisir coupable que sous le
pommier l'homme et la femme avaient goûté ensem-
ble . Et quand , avec son volontaire consentement, Jésus
exhale son âme dans un cri de triomphe, c'est une
victoire de Marie autant que de Jésus qui ébranle
l'Enfer , et détruit son empire . Voilà la seconde
victoire de Marie.
Et depuis, que de triomphes a-t-elle remportés sur
Satan ! Plus facilement on compterait les grains de
sable de l'Océan . Notre-Dame des Victoires, voilà bien
son nom ! Tout triomphe de la grâce est dû à Jésus et
à sa Mère . Toute tentation repoussée par une âme
fidèle, tout péché pardonné à un cœur pénitent, tout
progrès de la foi , toute défaite du mal, tout obstacle
apporté aux projets de l'Enfer, c'est une victoire de
Marie. C'est sa main invisible, mais souveraine , qui
a toujours défendu la Religion : elle a brisé les an-
ciennes hérésies qui semblaient maîtresses de la terre,
et se sont évanouies comme la fumée emportée par le
vent. « Réjouissez-vous, Marie, chante l'Eglise, c'est
Vous seule qui avez détruit toutes les hérésies dans le
monde » ; c'est vous qui avez brisé les hérésies an-
MARIE 19

tiques, et écraserez les erreurs présentes et futures .


Venez donc maintenant à notre secours . Hâtez-vous ,
nous vous attendons ! Montrez-nous votre face et nous
serons sauvés !

Pratique. N'omettez point de réciter aujourd'hui le


très saint Rosaire pour féliciter Marie de ses victoires
sur l'Enfer et la conjurer de venir encore une fois nous
secourir !

EXE
CHAPITRE QUATRIÈME

Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle apparu ?


wwwwwww

U-DESSUS de la grotte, dans une espèce de


niche rustique , se tenait debout, au milieu
d'une clarté céleste , une femme d'une
incomparable beauté. (LASSERRE .)
Marie voulait nous sauver, et dans sa maternelle
tendresse elle daigné venir elle-même nous visiter .
Ah ! il ne lui suffisait pas de prier pour nous au
Ciel, de susciter ici-bas des saints ou même de nous
envoyer un ange Elle vient elle-même se montrer
à nous. Ah ! nous ne pourrons plus douter que la
Sainte Vierge nous aime et s'occupe des hommes
avec une sollicitude maternelle . Elle désire tout notre
amour ! Et pour l'obtenir, elle nous apparaît dans
son ineffable beauté.
Voir Marie ! qui peut penser à ces deux mots sans
tressaillir d'allégresse ? Voir Marie ! Oh ! si nous
avions vécu au temps où elle habitait cette terre ,
qu'eussions-nous fait pour jouir d'un tel trésor ! Si
l'on nous disait qu'elle vit maintenant à Jérusalem ,
hésiterions-nous à tout quitter pour la contempler ?
Nous irons la chercher jusqu'aux extrémités de la
176
POURQUOI MARIE A-T-ELLE APPARU ?

terre. Patrie, famille, affaires ne pourraient nous re-


tenir. Tout intérêt céderait à celui de notre bonheur.
Car quel bonheur de voir la Mère de Dieu ! Saint
Denys l'Areopagite, converti par saint Paul à Athènes ,
se rendit en Judée pour voir Marie alors encore
vivante . Il la vit, et voici ce qu'il écrivit à l'Apôtre
des Nations : « Quand je fus conduit devant cette
Vierge éminente , un éclat divin si immense brilla
autour de moi et me pénétra intérieurement avec
tant de plénitude, une telle senteur de parfums
arriva en moi , que ni mon corps, ni mon esprit ne
purent soutenir un si grand bonheur. Le cœur me
faillit, mon esprit succomba devant la gloire d'une
telle majesté. J'en prends Dieu à témoin , si vos saints
enseignements ne m'avaient instruit, j'aurais cru que
cette Vierge était le vrai Dieu . »
Mais si elle était déjà si belle dans sa vie voyagère ,
qu'est-ce aujourd'hui au Paradis, maintenant qu'elle
siège à la droite de son Fils, qu'elle voit de si près
l'essence divine dans la lumière de gloire ? Quelle
splendeur rejaillit sur elle de la Divinité contemplée
face à face ? Et de l'humanité glorifiée de Jésus-
Christ, quel radieux éclat se répand sur elle ! Il est
le soleil de la Jérusalem céleste ; mais elle est la lune
qui reflète sa beauté . Il est Dieu , mais elle est sa
Mère. Le Sacré-Cœur est une fournaise, mais elle y
est plongée . Les plaies de Jésus resplendissent de
feux, mais elle en est consumée . Jésus et Marie sont
tellement unis , dans le Ciel comme sur la terre, que
leur gloire semble n'en faire qu'une. L'armée des
anges les contemple avec transports. Devant leur
beauté éclatante les esprit bienheureux , pourtant si
22 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

magnifiques eux - mêmes, les Chérubins, les Séra-


phins, pâlissent comme l'étoile au lever du jour.
Ah ! voir Marie, même un instant, serait un Paradis
que toutes les souffrances, toutes les larmes, toutes
les prières de la terre ne sauraient payer. Et nous la
verrons toute l'éternité ! Et nous verrons Jésus avec
elle ; et nous verrons la Sainte Trinité, cette infinie
Beauté, dont la gloire de Jésus et Marie n'est que
comme une petite étincelle !
Eh bien, c'est cette Mère si ineffablement belle qui
s'est montrée à Massabielle . Ah ! sans doute , elle a
voilé une partie de sa Beauté, elle a diminué l'éclat
de sa splendeur : Bernadette n'eût pu les supporter .
Mais ce qu'elle vit lui donna un avant-goût du Ciel .
Immobile, muette, extasiée, elle buvait les divines
voluptés. Ah ! la félicité, le bonheur des sens,
l'enivrement des puissances, le chrétien n'en sera
pas frustré. Il mortifie sur la terre ses facultés,
corrompues par le péché, il renonce à des joies
trompeuses, ou viles , ou honteuses, et toujours pas-
sagères ; et en retour éternellement sa vue, son ouïe ,
son odorat, son toucher connaîtront des jouissances
dont rien ici-bas ne peut approcher. Oh ! les spec-
tacles du Ciel : Dieu , Jésus , Marie, les Anges , les
Saints, les corps transfigurés ! Oh ! les chants de la
Patrie céleste, harmonies ineffables, cantiques d'eni-
vrante allégresse ! Oh ! les parfums exquis dont les
âmes et les corps seront pénétrés ! Oh ! le repos, le
bien-être, la vie débordante de douceur, de joie et de
délicieuse satiété, que le Ciel nous réserve !
Hélas ! les hommes oublient ces merveilles pour se
plonger dans leurs dégradantes ivresses, et ils perdent
POURQUOI MARIE A-T-ELLE APPARU ? 23

à tout jamais le Ciel, sans garder les félicités ter-


restres ! Eh bien , voilà ce que Marie vient nous
montrer. Un jour, sainte Thérèse , dans une de ses
sublimes extases, eut la vision du bonheur éternel,
et quand elle en eut goûté les ineffables délices ,
Jésus lui dit : « Vois pourtant, ma fille , de quoi les
pécheurs se privent ! » Oh ! s'ils y pensaient !
Marie à Lourdes vient le leur rappeler. C'est le Ciel
qui s'ouvre et apparaît à la terre. « J'ai vu , dit saint
Jean, la sainte Cité, la Jérusalem nouvelle qui des-
cendait du Ciel comme une fiancée parée pour son
Epoux ¹ . » Oui , sous cette ravissante apparition de
la Vierge, c'est le Ciel qui nous est révélé : l'Eglise
triomphante, personnifiée par sa Reine, la Mère de
Jésus, mais aussi son Epouse, sa bien-aimée. Car
l'Eglise est l'Epouse du Christ ; toute âme sainte est
son épouse aussi . Elle participera à sa céleste beauté,
à sa béatitude , elle aura place près de son trône.
Regardons Marie glorifiée : voilà ce que nous serons
nous-mêmes, si nous sommes fidèles !
Oh ! une âme en état de grâce , une âme sauvée ,
merveilleuse et sublime créature, faite à l'image de
Dieu, comme lui immortelle , intelligente, capable
d'aimer Dieu n'a pas voulu que son Fils incarné
demeurât sans épouse : <<< Il n'est pas bon que
l'homme soit seul, dit-il : il lui faut une compagne,
une aide semblable à Lui-même » ; et c'est l'âme
humaine qu'il a créée pour la donner à son Fils
bien-aimé, comme une épouse digne de sa tendresse .
Et ce sont toutes les âmes, oui toutes, que Jésus

1 Ap. , XXI, 2.
24 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

veut épouser. D'un amour infini il les presse, il les


´attire à lui, il frappe à la porte des cœurs : « Ouvre-
moi , leur dit-il , ma sœur, mon épouse, ma bien-
aimée. » Et à celles qui répondent à sa tendresse,
voilà ce qu'il promet , voilà ce qu'il donne : l'ineffable
bonheur que Marie, en se montrant, vient nous
révéler.
Ah ! contemplons notre Mère et comprenons ce que
sa vue nous enseigne . Un jour encore Marie se mon-
trera ici-bas , et cette fois la terre entière la verra.
Que de joies en ce jour pour les âmes innocentes !
que de terreurs pour les pécheurs ! Car ce sera au
jugement dernier ! Oui, ce jour-là Marie descendra
du Ciel avec Jésus pour nous juger. Maintenant elle
est notre avocate : mais l'avocat n'a plus rien à dire
quand le jugement est prononcé. Elle sera là comme
la condamnation vivante de ceux qui ne l'auront pas
aimée . Elle, la Toute Miséricordieuse, pourrait-elle
donc jamais faire autre chose que pardonner ? Oui !
elle accusera comme la croix , comme les clous ,
comme les plaies du Sauveur, comme les grâces dont
on a abusé, comme tout le bien dont on n'a pas
profité, comme la Rédemption que l'on a méprisée !
Oh ! en ce jour-là , quelle révélation immense ! Là,
plus de ténèbres, plus d'illusions, plus d'excuses ,
plus de mensonges ; rien que la pure et inexorable
Vérité, contemplée par toute créature et rendant à
chacun selon ses œuvres. C'est alors que les juge-
ments de Dieu n'auront pas besoin d'être justifiés. On
verra que Dieu est, et qu'il est juste. Comme toutes
les erreurs de ce monde seront alors redressées !
Comme on verra clairement la folie des pécheurs
POURQUOI MARIE A-T-ELLE APPARU ? 25

d'avoir sacrifié au temps leur éternité ! Il sera trop


tard alors pour se convertir . Mais ici - bas il est
toujours temps, et c'est pour nous y inviter que
Marie se montre. Oui, qu'elle se montre , et c'est
assez ! On comprend tout à ce spectacle : il y a un
Ciel, et il faut y aller !
O Vierge toute belle , joie des élus, repos de Dieu ,
espérance de la terre, qu'à jamais mes yeux vous
contemplent dans la Patrie céleste, et qu'en attendant,
votre douce image soit toujours présente au regard
de mon cœur !

Pratique. - Dites un Rosaire pour obtenir la grâce


du salut éternel , et délivrer quelques âmes du Purga-
toire afin qu'elles aillent aujourd'hui voir Marie au
Ciel.

LOURDES
CHAPITRE CINQUIÈME

Pourquoi la Sainte Vierge a-t -elle apparu


au XIX siècle ?

~www

UCUNE époque n'a eu tant besoin de l'in-


tervention de Marie que le XIXe siècle .
En effet, jamais l'effort du mal n'avait été
si puissant. Jamais l'Enfer n'avait paru si
déchaîné.
Au Ciel, l'histoire de l'Eglise nous apparaîtra en
toute lumière, et nous contemplerons, en même temps
que ses luttes et ses victoires, la merveilleuse sagesse
de Dieu dans toutes ses destinées. En cette vie au
contraire, cette même histoire , telle que saint Jean
nous la décrit en termes symboliques dans l'Apo-
calypse et que nous la connaissons déjà par les siècles
écoulés, effraie parfois notre âme. La vue surtout du
triomphe du mal, et de la puissance de Satan , ébranle
les cœurs trop timides . « Seigneur , disons-nous, nous
allons périr et vous dormez ! Réveillez-vous, Seigneur.
Ne livrez pas aux bêtes méchantes les âmes qui se
confient en vous . » Et plusieurs le disent jusqu'à
l'impatience .
Hélas ! le secret de ce mystère est facile à trouver :
POURQUOI AU XIXE SIÈCLE ? 27

c'est nous qui lions les bras de Dieu et armons ceux


de Lucifer par nos péchés. Robur datum est ei con-
tra juge sacrificium propter peccata ¹ , est- il dit dans
les saints Livres. Oui , même le saint sacrifice de la
Messe, Satan aura puissance de l'empêcher, parce que
les crimes des hommes mériteront que Dieu les prive
d'un tel secours . Voilà pourquoi il y a dans l'Eglise
des époques de désolation , à cause des péchés du
monde.
Il est dit dans l'Apocalypse que Satan doit être
enchaîné pour mille ans, après lesquels il recouvrera
une grande puissance . Ces mille ans sont-ils à venir
ou sont-ils passés ? Assurément, à considérer ce qu'a
pu faire Satan sur la terre depuis le Protestantisme,
comparé aux mille ans de foi si vive dont l'Europe
avait joui auparavant , du vie au XVIe siècle, on peut
croire que nous sommes à l'époque où le diable est
sorti de sa captivité.
Quoi qu'il en soit , depuis trois siècles, les ravages
de l'erreur et du mal sont épouvantables . Comptez
les royaumes que l'hérésie a arrachés à l'Eglise ! Que
de contrées ont perdu la vie chrétienne , les Sacre-
ments, le Christ vivant en l'Eucharistie ! Que de
ruines ! Puis, dans les nations restées catholiques ,
voyez les progrès de l'impiété. Sous le nom de phi-
losophie, on a vu la révolte de la raison contre la
Foi, et, comme conséquence, l'immoralité et le vice
acceptés et souvent glorifiés . Une barrière s'opposait
à la corruption du peuple : c'était la confession et la
communion. Le Jansenisme , ce chef- d'œuvre de

1 Dan., VIII, 12.


28 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Satan , comme il l'a appelé lui-même, a réussi à


détourner les âmes de ces sources de vie. L'impiété
devint alors puissante, elle s'organisa en armée :
c'est la Franc-Maçonnerie.
Elle a pour but la ruine de l'Eglise et la perte des
âmes . Ce n'est plus la persécution des premiers siècles
qui répand le sang des martyrs, semence de chrétiens :
ce sont les idées qu'elle veut corrompre, pour saper
la société chrétienne dans sa base. Elle érige en
principe la Révolution et sa doctrine : l'homme indé-
pendant de Dieu . Plus de Dieu , plus de Christ, plus
d'Eglise, plus d'éternité, plus d'âme, plus d'autre
existence que celle d'ici-bas, plus d'intérêts que ceux
de la terre une terre où chacun doit s'efforcer de
jouir de la vie en attendant de rentrer dans le néant .
C'est l'hérésie suprême, totale, l'erreur absolue , la
désespérance entière de toute destinée ultérieure. Dès
lors on voit les conséquences. Pourquoi se gêner, se
priver ; pourquoi craindre de mal faire ? La seule
morale, c'est le propre intérêt bien entendu . Si l'on
est riche, jouir sans scrupule, défendre son bien,
l'accroître par toutes les injustices ; si l'on est pauvre,
convoiter le bien d'autrui et l'acquérir par toutes les
voies frauduleuses ou violentes. De là, par suite ,
complot des pauvres pour dépouiller les riches par la
force ; complot non moins inique des capitalistes,
usuriers, accapareurs, pour exploiter le peuple : par-
tout les ténèbres , la haine, la tristesse, la défiance, le
malheur.
Jamais, absolument jamais, dans l'histoire des
temps, on n'était descendu à de tels excès d'erreur .
Les anciennes hérésies rejetaient certains dogmes ,
POURQUOI AU XIXE SIÈCLE ? 29

mais retenaient les autres. Le mot même le dit :


hérésie veut dire choix. Les hérésiarques faisaient ce
choix coupable et impie de croire ou de ne pas croire
à leur gré certains points de la doctrine. Mais ils
restaient religieux ; ils prétendaient honorer Dieu , le
servir, aller au Ciel . Aucune hérésie n'avait encore
nié la vie future. Toutes les fausses religions admet-
taient une divinité, toutes les peuplades sauvages,
noires, jaunes, rouges, les Chinois, les Turcs, comme
tous les peuples de l'antiquité, adoraient quelque dieu
et espéraient un Ciel .
Mais en nos jours l'erreur est arrivée à son comble.
Ce n'est plus une hérésie dans le sens du terme,
puisque ce n'est plus un choix dans les dogmes, ce-
sont tous les dogmes en bloc qui sont rejetés ; c'est
l'opposé absolu de la foi , qui , elle non plus, n'admet
pas de choix , mais accepte toute doctrine reposant sur
la parole de Dieu. Mais dans le sens usuel du mot ,
c'est-à-dire comme théorie contraire à la vérité, c'est
l'hérésie des hérésies, l'hérésie parfaite, totale : c'est
cette monstruosité que l'on appelle l'athéisme. Autre-
fois on discutait si l'athéisme était possible, si des
athées pouvaient se rencontrer parmi les hommes . Et
maintenant ils sont légion . L'athéisme s'enseigne dans
les chaires officielles, aux frais des gouvernements,
en leur nom par conséquent ; il est bu par la jeunesse
des universités , et pour le faire pénétrer dans les
masses on a trouvé cette autre monstruosité : l'école
neutre ou plutôt impie ; et la foi diminue dans le
peuple d'une façon effrayante, en même temps que
s'élèvent les générations sans baptême.
Et pourtant ce siècle d'impiété, de rationalisme, de
30 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

matérialisme s'appelle et s'appellera dans l'histoire le


siècle de Marie ! Parce que nous étions plus mal-
heureux , nous avions besoin de plus de secours ;
parce que nous étions plus coupables, il nous fallait
plus de miséricordes ; parce que nous avions de plus .
dangereux adversaires, il fallait que la grande anta-
goniste de Satan vint elle-même nous défendre. Et
parce que le grand mal de ce siècle consistait à nier
le surnaturel, Marie nous l'a montré de la façon la
plus saisissante. Elle est venue à Lourdes et elle a
manifesté sa présence et sa puissance par des preuves
si éclatantes que les plus aveugles sont obligés de les
voir.
Comme ils se moquaient de notre foi ces prétendus
savants qui consacraient leur vie à prouver que le
Christ n'était qu'un imposteur ou un mythe ! Comme
ils raillaient agréablement les miracles de l'Evangile !
Et voici qu'en plein dix-neuvième siècle, des miracles,
aussi grands que ceux de l'Evangile , éclatent à
Lourdes par centaines et par milliers. Ils ont pour
témoins des foules immenses ; leur renommée est
portée par des témoins oculaires et par la presse dans
toute la terre.
Et l'impiété, qué dit-elle ? Que peut-elle dire ? Elle
est muette, elle est terrassée , elle reste dans sa honte,
convaincue de mensonge. Mais beaucoup , venus à
Lourdes incrédules, s'en retournent chrétiens . Tous
devraient les imiter, tous ceux à qui il reste un peu
d'intelligence. Car enfin , à moins d'être insensé,
comment constater un miracle et ne pas comprendre
qu'il est l'œuvre d'une puissance supérieure, divine ?
Et comment cette Puissance sanctionnerait-elle par
POURQUOI AU XIXE SIÈCLE ? 34

des faits si prodigieux et si nombreux la fourberie et


le mensonge ?
Donc la Voyante a dit la vérité ; donc la Vierge
Marie est réellement venue à Massabielle ; donc il y a
un monde surnaturel, une vie au delà du tombeau,
un Dieu au ciel qui nous aime, un enfer qui nous
fait la guerre, un Christ qui s'est fait homme pour
nous racheter. En un mot, tout ce que l'Eglise catho-
lique enseigne se trouve victorieusement prouvé par
le seul fait des apparitions de la Sainte Vierge . A elle.
seule elle détruit toutes les erreurs et leur oppose la
vérité entière. Ici tous les dogmes se trouvent établis :
croire à Notre-Dame de Lourdes c'est avoir la foi
totale et parfaite. Et cet acte de foi si complet est le
plus facile à faire : il suffit de constater les merveilles
opérées à Lourdes et d'être sincère .

O Vierge immaculée , soyez remerciée à jamais des


grâces ineffables que vous avez accordées à la terre
en ce XIXe siècle qui est vraiment par excellence le
siècle de Marie, le siècle des Apparitions , le siècle des
Pèlerinages, le siècle de l'Immaculée Conception .
Heureux sommes-nous d'avoir vécu en ce siècle privi-
légié. Mais aidez-nous à vous faire régner davantage .
Rendez-nous dignes de vous louer, Vierge bénie,
donnez-nous la victoire contre vos ennemis .

Pratique. Récitez pieusement le très saint Rosaire


aux intentions de Marie et du Souverain Pontife.
ate ateate ate ate at

CHAPITRE SIXIÈME

Pourquoi la Sainte Vierge a -t-elle apparu


en France ?

N des caractères des grâces faites à Lourdes,


c'est leur universalité. C'est le monde
entier qui en profite, c'est l'Eglise tout
entière que Marie est venue consoler.
Pourtant il est évident que le pays même qui a reçu
sa miséricordieuse visite est le plus favorisé, le plus
abondamment partagé dans les bienfaits, les grâces,
les miracles accordés. Nous pouvons donc humble-
ment rechercher pourquoi la Très Sainte Vierge a
daigné préféré la terre de France. Et vraiment ce
choix éclate à tous les regards comme le fait d'une
toute spéciale prédilection, puisque non seulement à
Lourdes, mais à Paris en 1830 , à la Salette, à Pont-
main , à Pellevoisin, la divine Mère a encore visité
la France .
Eh bien, ces manifestations de Marie au XIXe siècle
ne sont que la continuation des gages de l'affection
que Marie a toujours eue pour ce pays. C'est un vieil
adage que nous ont légué les siècles, que le royaume
de France est le royaume de Marie Regnum Galliæ
POURQUOI EN FRANCE ? 33

regnum Mariæ. La consécration que lui en fit


Louis XIII n'était que la reconnaissance publique
d'une dépendance et d'un amour remontant aux
origines nationales. La France, par sa position , son
climat , sa fertilité, est le plus beau pays du monde ;
les Français, par leur courage, leur intelligence et
leur ardeur chevaleresque , sont le peuple le mieux
doué. Par ces qualités naturelles Dieu avait préparé
la France aux plus magnifiques destinées. Jésus lui
envoya ses plus chers amis de la terre, Madeleine ,
Marthe, Lazare, rappelé du tombeau pour venir y
prêcher l'Evangile . Saint Denis , qui avait vu la
Vierge Marie et qui assista à sa mort bienheureuse ,
apporta son culte à Paris . Mais que dis-je ? le Ciel
avait annoncé Marie à nos ancêtres avant même
qu'elle fût créée . Les Druides vénéraient à l'avance
«< la Vierge qui devait enfanter. » Puis , dès que
<
l'unité de la nation se forme , ses rois embrassent le
Christianisme et mettent leur épée au service de
l'Eglise, qui reconnaît la France comme sa fille
aînée. Oui, la France a cette gloire la fille aînée
et même unique de l'Eglise, en ce temps où Clovis
était le seul roi catholique au monde, tous les autres
peuples étant encore dans l'idolâtrie ou bien tombés
dans l'hérésie et le schisme , c'était la France. Com-
ment donc Marie ne l'eût-elle pas aimée ?
Mais comme la France le lui rendait ! Nos pères
avaient créé pour la désigner ce beau nom qui disait
tout : Notre-Dame, c'est-à-dire Notre Maîtresse , Notre
Reine , la nôtre à nous Français. C'était son nom
universel dans le royaume, donné par la voix du
peuple qui est l'écho de Dieu. Aussi , que de temples
34 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

merveilleux élevés en son honneur ! C'étaient surtout


ces splendides et si nombreuses cathédrales, et au
premier rang celle de la capitale, Notre-Dame de
Paris. Puis combien d'autres basiliques , combien de
pèlerinages remontant aux premiers âges, Chartres,
le Puy, Fourvière , et tant d'autres , où les géné-
rations se succédèrent pendant des siècles aux pieds
de la Vierge ! Combien de saints et de saintes ont
servi Marie sur cette terre de France ! Combien de
miracles Marie a opérés pour conserver à notre patrie
son territoire , son indépendance et surtout sa foi !
Combien souvent elle s'est montrée ! Combien souvent
elle a fait sentir sa puissance : tantôt chassant les
Anglais terrifiés par le son d'une cloche qu'elle sonne
elle-même, tantôt montrant du doigt de sa statue la
mine qui va éclater, tant révélant à Dominique la
grande dévotion du Rosaire, tantôt suscitant Jeanne
d'Arc pour délivrer son peuple de la domination
étrangère ! C'est elle qui a défendu la France contre
les assauts du Protestantisme ; c'est elle qui l'a délivrée
du fléau du Jansenisme ; c'est elle qui a brisé la tête
de l'erreur gallicane , et préservé la fille aînée de
l'Eglise de se séparer de sa mère. C'est elle qui ,
après les horreurs de la Révolution , a relevé la
France meurtrie et ensanglantée , lui a rouvert ses
temples et rendu ses prêtres . Le culte de Marie
refleurit aussitôt.
Le foyer le plus ardent de la dévotion à la Vierge
ce fut Fourvière. C'est là que naquit en 1826 l'OEuvre
du Rosaire vivant, qui se répandit par tout le pays
avec une merveilleuse rapidité, et ramena dans la vie
chrétienne l'habitude de la récitation du chapelet.
333333
POURQUOI EN FRANCE ? 35

Marie entendit les supplications de tant d'âmes qui


l'aimaient et mettaient leur confiance en Elle . En
1830 elle apparaissait à Paris dans la chapelle des
Sœurs de Saint-Vincent de Paul, rue du Bac ; elle se
montrait comme la Vierge Immaculée répandant de
ses mains étendues des flots de grâces sur le monde,
surtout sur une terre privilégiée : c'était la France.
Elle ordonnait de frapper une médaille la repré-
sentant telle qu'elle s'était montrée, et promettait à
tous ceux qui la porteraient dévotement des faveurs
innombrables. Des milliards de ces médailles se sont
répandues rapidement, et les miracles, les conver-
sions, les grâces dont elle a été l'instrument lui ont
valu, non moins que son origine, le nom universel
de Médaille miraculeuse.
En 1836 Marie manifeste encore son amour . Elle
prend pour lieu de nouvelles merveilles l'église de
Notre - Dame des Victoires : nous avons dit déjà
combien ce titre est dû à l'Immaculée Conception .
Se manifester en ce lieu n'était-ce pas annoncer à la
France que Marie allait combattre pour elle ? Or, ce
qu'elle y demande c'est le culte de son Cœur très
pur et immaculé. N'est-ce pas à la fois nous dire sa
tendresse de Mère , en nous demandant notre filial
amour, et inviter les pécheurs à recouvrer leur inno-
cence ? En effet , elle y veut être vraiment le Refuge
des pécheurs. Que de milliers de conversions sont
venues de ce sanctuaire !
Cependant il y a encore trop de cœurs endurcis et
ingrats ; trop de crimes publics attirent le courroux
céleste. Marie daigne venir pleurer à la Salette : elle
nous menace des châtiments de Dieu ; elle annonce
36 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

qu'Elle a peine à retenir son bras . Quelle sollicitude


de Mère, s'interposant entre son divin Fils du Ciel et
ses fils coupables de la terre ! Et c'est à la France
qu'elle parle ; elle l'appelle son peuple << Mes
enfants, dit-elle aux bergers, vous ferez passer mes
paroles à mon peuple. » Mon peuple ! elle a dit ce
mot !
Et c'est ce même amour qui va l'amener à Lourdes
et plus tard encore à Pontmain et à Pellevoisin . Oui ,
la France est bien le royaume de Marie !

Mais précisément parce qu'elle est à Marie, la


France est l'objet des attaques furieuses de l'enfer .
Ah ! il sait bien tout ce que ce pays a fait pour la
Foi et l'Eglise ; il sait ce qu'il peut faire encore , ce
qu'il fait tous les jours. Il sait que la France est le
foyer de l'apostolat et de la charité. Sur toutes les
plages, Satan se heurte aux missionnaires qu'elle
envoie par le monde, aux œuvres fondées par son or
et sa générosité. Partout où coule du sang de France
il trouve des obstacles à sa tyrannie et à son empire.
Il voit le successeur de Pierre , mettre encore en elle
'son amour et sa confiance , et, tout humiliée qu'elle
est, en attendre avec espoir le soutien de ses droits .
Et voilà pourquoi Satan a décidé de détruire la
France.
Et, chose étrange, il en a soufflé le dessein dans
des cœurs français . Oui, il y a des Français qui ont
juré qu'il n'y aurait plus de France ! Chose inouïe !
Dans tous les temps , les nations se sont battues pour
leur territoire, pour leur indépendance. Le premier
intérêt d'un peuple a toujours été de garder son nom,
POURQUOI EN FRANCE ? 37

ses lois, sa vie. Si parfois des individus ont sacrifié à


leur avantage personnel l'intérêt sacré de leur pays,
ils ont été voués à l'exécration publique et flétris du
nom de traîtres.
Et voici que maintenant il y a des milliers de
Français qui proclament qu'il ne faut plus de patrie.
Détruire l'armée, cette armée française si vaillante
qui défendait tous les opprimés ; ruiner la propriété
par des impôts formidables qui anéantissent les for-
tunes et forcent les capitaux à émigrer du pays ;
ruiner l'industrie et le commerce par une suite de
grèves insensées dont les ouvriers sont les premières
victimes ; et bientôt enfin sur toutes ces ruines amon-
celées lancer l'invasion étrangère, qui se partagera
sans peine les lambeaux d'un territoire sans défen-
seurs voilà le plan de l'Enfer. Alors la France sera
rayée de la carte du monde ; sa langue même on la
supprimera : elle a trop longtemps annoncé le Christ
et son Evangile . Et à tout jamais l'épée de Clovis, de
Charlemagne, de saint Louis et de Lamoricière sera
brisée . L'Eglise aura perdu son plus ferme appui !

Mais ils ont compté sans notre Reine . Voici Marie


qui vient secourir son peuple choisi . Elle sait les
dangers qui le menacent, elle connaît les ruses de
Satan ! elle vient nous rendre courage et nous animer
à la lutte. Sans doute le combat sera long, mais la
victoire est certaine . In hoc apparuit Mater Dei ut
dissolvat opera diaboli ¹ ! Serrons-nous autour de
notre Souveraine. C'est la présence du prince qui

Joan., II, S.
LOURDES 3
38
8888 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

fait la capitale . Or, le lieu qu'elle a choisi pour y


grouper ses soldats , c'est Lourdes. Pourquoi ? Dieu
le sait, et assurément il y a de divines et admirables
raisons qui ont déterminé ce choix . Nous verrons au
Ciel les harmonies qui s'y rencontrent. Quand Dieu
prédestine, il prépare, il rend digne. Comment ces
lieux que Marie devait tant honorer un jour, n'eus-
sent-ils pas été dès longtemps l'objet de son amour ?
Et si elle les a aimés, peut-elle ne pas y avoir été
aimée en retour ? Cette terre Dieu ne la lui avait-il
pas donnée de tout temps comme son futur domaine
et l'escabeau de son pied virginal ?
Mais les raisons mêmes qui ont fixé son regard sur
ce lieu, sur cette grotte, qui nous les dira ? L'Eter-
nité ! Mais peut-être aussi l'avenir le révélera même
sur cette terre en tout cas, certainement Lourdes
répondait aux desseins de Dieu sur nous. Comme
pour Jérusalem et Rome, sa situation géographique
a une immense portée. Là, entre Bordeaux et Mar-
seille , entre les deux mers, Marie attend les pèlerins
de l'ancien et du nouveau monde , qui reporteront à
leurs compatriotes son eau miraculeuse, son image et
ses maternelles leçons .
Mais surtout ellé attend la France . Comme au
Calvaire Jésus crucifié regardait l'Occident et ouvrait
ses bras aux nations qu'il appelait au baptême, ainsi
Marie voit tout son royaume à ses pieds : Adossée
aux Pyrénées, elle appelle ses enfants fidèles . Quand
ailleurs nous n'aurons plus de liberté, quand on
nous aura ravi nos églises, notre culte, nous nous
réfugierons autour de notre Reine . Oh ! là nous
braverons l'Enfer ! C'est le rempart qu'il ne pourra
POURQUOI EN FRANCE ? 39

ébranler. Certes , il a déjà essayé ; il a tout fait pour


le démolir. Elle s'est bien réalisée la parole de Dieu
au serpent, qu'il dresserait des embûches au talon de
la femme, aux vestiges de ses pieds . Ce roc foulé par
la Vierge, comme il excite la rage de Satan ! Insensé !
Ecoute donc la prophétie tout entière : « Elle t'écra-
sera la tête ! » S'il y a chose au monde que tu doives
fuir et éviter c'est assurément le pied virginal. Et s'il
y a chose au monde qui nous console, nous, et nous
donne une espérance inébranlable, c'est que Marie a
posé ce pied béni et toujours vainqueur sur notre
France. Certes , le serpent avait remporté sur nous
de grands triomphes ; il pouvait se croire le maître
de notre pauvre patrie . Mais c'est précisément pour
l'écraser que notre Mère est descendue du Ciel .
Elle écrasera Satan et tous ceux qui se feront ses
ministres. On n'attaque pas en vain la Mère de Dieu.
Jésus est un Fils jaloux de l'honneur de sa Mère .
Quiconque touche à la Reine est puni de mort ! -

Immaculée Vierge Marie, Reine de France, ô Notre


Dame et Maîtresse , souvenez-vous de votre peuple, ou
plutôt faites qu'il se souvienne de vous, faites que
nous soyons fidèles à la foi et à l'amour que vous ont
jurés nos pères . O Notre-Dame de Lourdes, Notre-
Dame de France, de Chartres et de Fourvière ,
ramenez-nous au Cœur Sacré de Jésus, gardez la
France à votre Fils !

Pratique. Dites un Rosaire pour que la France, le


royaume de Marie, redevienne chrétienne .
CHAPITRE SEPTIÈME

Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle


apparu à Bernadette ?

I de la considération du temps et du lieu


de l'Apparition nous passons à celle de
la Voyante, nous verrons que la Vierge
Immaculée nous donne dans ce choix de
grandes et touchantes leçons.
Qu'était donc Bernadette ? Une petite fille de quatorze
ans, pauvre, humble et innocente. Voilà le témoin de
Marie, le héraut de ses merveilles.
Bernadette était pauvre, très pauvre. Au moment
de l'Apparition , elle ramassait du bois mort pour le
foyer de ses parents. Son père était meunier ; elle ,
gardeuse de moutons. Elle n'avait rien des biens de
la terre, son trésor était au Ciel, ou plutôt le Ciel lui-
même, car Jésus a dit : « Bienheureux les pauvres ,
car le Ciel est à eux ¹ . » Il est donc naturel que les
pauvres conversent avec le Ciel. Aussi ce furent des
bergers que les Anges invitèrent à contempler Jésus
naissant. C'était une bergère qui vit Marie au Laus,
une bergère bien pauvre. Ce furent de pauvres, bien
pauvres bergers que Marie visita à la Salette . Marie

1 Beati pauperes spiritu, quoniam ipsorum est regnum cœlorum.


Matth. , V. 3.)
POURQUOI A BERNADETTE ? 41

et Jésus aiment les pauvres parce qu'eux-mêmes l'ont


été. La Mère et la Reine des pauvres venait donc à
une de ses enfants.
Et pourquoi les pauvres ont-ils ce privilège ? Parce
que leur âme est détachée de la terre . Qu'aimeraient-
ils sur la terre où ils ne possèdent rien ? Les biens
terrestres sont un lien qui retient l'âme captive, une
poix qui la souille, une ombre qui voile son regard
et l'empêche de contempler les beautés surnaturelles,
d'aspirer aux vrais biens. Les riches sont des esclaves,
les esclaves de leurs biens. Les pauvres sont libres ;
leur âme est royale ; la terre est sous leurs pieds ; et
le Royaume des Cieux leur appartient. C'est pourquoi
Jésus a dit : « Heureux les pauvres ! » Et c'est là
aussi ce que veut nous faire comprendre Marie. Par
là elle enseigne aux riches à être pauvres en esprit .
Car ils le peuvent. « Si les richesses abondent, dit
l'Ecriture, n'y attachez pas votre cœur ¹ . » Et encore :
« Il faut vivre comme ne vivant pas, user de ce
monde comme n'en usant pas , car la figure du monde
passe 2. » Heureux donc tous ceux qui sont pauvres
en esprit. Heureux les riches , s'ils savent se servir de
leurs biens pour soulager leurs frères, s'ils savent se
priver du superflu, s'ils savent vivre modestement,
n'accordant rien à la satisfaction des sens, mais seule-
ment à la nécessité et aux convenances .
Mais que cela est difficile ! Peu y réussissent . Et
c'est pourquoi Jésus dit << Malheur à vous, riches,
parce que vous avez reçu votre récompense ici-bas³ » ;
et Abraham au mauvais riche : « Mon fils , souviens-
1 Divitiæ si affluant, nolite cor apponere. (Ps. LXI, 11.) -2 Præterit
enim figura hujus mundi. (I Cor., vii, 31.) - 3 Luc. , vi, 21.
42 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

toi que tu as reçu les biens sur la terre et Lazare la


souffrance ; maintenant il est dans le bonheur et toi
dans les tourments ¹ . » Grande leçon de Marie ! Il
faut sans doute qu'il y ait des riches, pour être les
banquiers, les soutiens et les serviteurs des pauvres .
Mais qu'ils sont à plaindre, s'ils attachent leurs cœurs
à leurs biens !

Bernadette était innocente. C'était une pieuse enfant,


pure comme un beau lis. Autre titre à voir la Reine
des Anges . « Bienheureux les cœurs purs, dit Jésus,
parce qu'ils verront Dieu . » Ils le verront au Ciel
assurément ; mais dès cette terre, comme leur âme
s'élance facilement vers leur Père Céleste, comme ils
l'aiment, comme Dieu les attire ! Et en retour, comme
Dieu les aime ! Car l'innocence le ravit : c'est un
miroir sans tache où sa propre beauté se reflète. C'est
pour cela que Jésus aimait tant les enfants , les
caressait, les embrassait avec tendresse. Il disait :
« Laissez venir à moi les petits enfants, car le royaume
des Cieux est à ceux qui leur ressemblent 2. » Et
encore : « Si vous ne devenez semblables à de petits
enfants , vous n'entrerez pas au Ciel ³ ! » C'est la
même leçon que nous donne la Vierge de Lourdes.
Si vous voulez me voir un jour, semble-t-elle nous
dire, ressemblez à Bernadette ; car rien de souillé ne
peut entrer au Ciel.
Mais n'en conclurons-nous pas aussi combien nous
devons honorer les enfants, et surtout craindre d'al-
térer leur innocence ? « Malheur, dit Jésus, à celui

Luc., XVI, 25. ― 2 Matth. , XIX, 14. - 3 Matth., XVIII, 3.


POURQUOI A BERNADETTE ? 43

qui scandalise un de ces petits : il vaudrait mieux


pour lui être jeté au fond de la mer ¹ . » Car c'est en
enfer qu'il tombera fatalement. Maudits seront éter-
nellement tous ceux qui corrompent l'enfance et lui
ravissent le beau trésor de la vertu et de la foi , et
par là même le bonheur véritable. Contemplez la
bergère , en extase , à genoux devant la Vierge
radieuse. Voilà l'enfance telle que la fait l'Eglise,
Bernadette n'avait ni science ni brevet. Mais elle
savait accepter les souffrances de sa condition , elle
disait son chapelet, et elle voyait Marie. Comparez-la
au fruit des écoles laïques, à ces filles aux regards
effrontés , aux mœurs légères, qui, après avoir tout
appris, excepté les humbles vertus de leur condition ,
ne peuvent supporter la vie des champs et vont se
perdre dans les grandes villes . Elles n'y trouvent
assurément pas le bonheur que Bernadette goûta au
couvent, et il est bien à craindre que dans l'autre
monde ce ne soit pas Marie qui les reçoive mais Satan .

Bernadette était humble : troisième titre à recevoir


sa mission . Jésus disait : « Je vous bénis, mon Père,
Seigneur du Ciel et de la terre, de ce que vous avez
caché vos mystères aux sages et aux savants et les
avez révélés aux humbles 2. » Isaïe avait dit égale-
ment : « A qui Dieu donnera-t-il la science ? à qui
donnera-t-il l'intelligence ? Aux petits enfants ³ . » Et
l'Eglise met sur les lèvres de Marie ces paroles de la
Sagesse : « Si quelqu'un est petit, qu'il vienne à

1 Marc. , Ix, 41. - 2 Luc., x, 21. - 3 Quem docebit scientiam ?


et quem intelligere faciet auditum ? ablactatos a lacte, avulsos ab
uberibus. (Is., xxvin, 9.)
44 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

moi ¹ . » Elle-même c'est par son humilité qu'elle a


plu au Seigneur : « Quum essem parvula placui
Altissimo. » En effet, Dieu ne se communique qu'aux
humbles. Plus il veut faire de grâces, plus il creuse
les fondements ; plus il destine à une œuvre divine,
plus il détruit les ressources humaines. Quand il veut
faire prêcher au monde son Evangile, il en charge.
des bateliers, des marchands de poissons. Quand il
veut chasser d'un royaume des armées puissantes , il
envoie Jeanne la bergère. Aujourd'hui , pour commu-
niquer au monde les leçons de l'Immaculée Concep-
tion, il choisit une enfant ignorante et timide .
Bernadette ne sait que son chapelet et ses prières ;
elle vient d'arriver au pays, personne ne la connaît
que ses parents ; le curé lui-même ne l'a pas remar-
quée au catéchisme. Certes, ce n'est pas une telle
voyante qui va persuader à la terre une chose de son
invention . Voilà bien les instruments qui conviennent
au Tout-Puissant, afin que toute gloire lui reste, et
que nulle chair ne puisse s'enorgueillir en sa pré-
sence. « Dieu, dit saint Paul, choisit ce qui est simple
pour confondre les sages, ce qui est faible pour
confondre les forts , ce qui est méprisable et bas selon
le monde, ce qui n'est rien , pour confondre ce qui se
croit grand 2. >>>
Tout cela s'est parfaitement réalisé en Bernadette .
Ce qui se croyait fort, instruit, intelligent s'est mesuré
avec la bergère et a été vaincu par elle. Toute la
finesse, tous les pièges, toutes les violences mêmes de
l'autorité publique, n'ont pu surprendre en elle

' Si quis estparvulus, veniat ad me, (Prov . , 1x, 4. ) — 2 I Cor,, 1, 27,


POURQUOI A BERNADETTE 45

l'ombre d'une contradiction , le plus petit désaveu


dans ce qu'elle avait raconté des Apparitions. Elle
était en communication avec le Ciel . Elle surpassait
mille fois en force et en puissance l'homme qui la
menaçait au nom de la loi , Calme et sereine, contem-
plant encore en son âme la radieuse vision , elle
parlait comme parle la Vérité même, et se reposait
sur la Vierge Marie du soin de sa défense. Elle fut
invincible parce qu'elle mettait sa force dans sa
faiblesse et pouvait tout en Celle qui l'avait envoyée.
Après le commissaire de police ce fut le monde entier
qui contrôla les dires de Bernadette, et tout homme
sensé a dû conclure qu'elle était sincère. Jamais une
telle enfant n'eût pu inventer une pareille fable ;
l'eût-elle fait, jamais elle n'eût pu en convaincre
personne et elle a convaincu la terre entière .

Eh bien, de toutes ces considérations résulte une


dernière leçon que nous donne la Vierge maîtresse,
et c'est la principale : c'est qu'il faut croire à la
Révélation . Comment ! Voici une enfant, une seule
petite de quatorze ans, sans instruction, sans aucune
ressource humaine, qui persuade la France , l'Eglise ,
le monde, de la vérité de ses visions , et l'on trouvera
étrange que nous puissions croire, nous catholiques,
à la parole du Christ, de Dieu même ? La raison
condamnera la foi comme une abdication de l'intelli-
gence ? Le monde a cru à la parole de Bernadette : et
certes dans le nombre il y a des hommes intelligents ;
et je ne croirais pas, moi, à la parole divine ? Car la
foi c'est cela. Je crois au Ciel, à l'enfer , à l'éternité :
est-ce parce que je comprends ces mystères ? Est- ce
46 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

même parce que leur convenance s'impose à ma


raison ? Non c'est parce que Dieu m'a dit de les
croire. Tout est là Dieu a-t-il parlé ? Qu'a-t-il dit ?
Tout ce qu'il dit est la vérité même. Mais comment le
savoir ? Comme nous le savons pour Bernadette.
Bernadette était une ignorante ; mais les miracles
opérés à Lourdes sont une garantie suffisante de sa
parole. Les Apôtres étaient sans instruction ; mais
eux aussi n'ont pu nous tromper, car leur témoignage
s'appuie sur des merveilles . Jésus-Christ paraissait un
homme ordinaire ; mais il faisait des miracles et
disait « Si vous ne croyez pas à mes paroles, croyez
à mes œuvres » ; et tout homme de bonne foi , dans
tous les temps , dans tous les pays, devra, sous peine
de répudier la raison , lui dire ce que lui disait un
docteur juif « Maître, nous voyons que vous venez
de Dieu, car personne ne pourrait faire ce que vous
faites si Dieu n'était avec lui ¹ . »

O Vierge Marie, notre douce Mère et Maîtresse ,


rendez - nous purs , humbles et obéissants comme
Bernadette, comme les petits enfants à qui le Ciel est
promis. Et pour cela , apprenez- nous à vous imiter
vous-même, inspirez-nous votre esprit ; que ce ne
soit plus moi qui vive , mais vous en moi , ô Marie !
Quand je serai une petite Marie, je plairai au Tout-
Puissant.

Pratique. -— Récitez le Rosaire en méditant pieusement


les mystères en l'honneur du Cœur Immaculé de Marie.
Offrez-le pour l'éducation chrétienne de l'enfance.
1 Scimus quia a Deo venisti : nemo enim potest hæc signa facere
quæ tu facis, nisi fuerit Deus cum eo. (Joan., III, 2.)
CHAPITRE HUITIÈME

Pourquoi la Très Sainte Vierge


a-t-elle apparu à cette époque de l'année ?

ROUVERONS-NOUS encore quelque enseigne-


ment dans la date des Apparitions ? Pour-
quoi Marie a-t-elle choisi le 11 février et
les jours suivants pour se montrer à
Bernadette ? Il y a dans ce choix des harmonies
mystérieuses, des convenances admirables qu'on ne
saurait trop approfondir. Souvenons-nous que notre
Mère vient nous enseigner, non pas en passant, non
pas sur des choses de peu d'importance, mais sur les
vérités fondamentales de notre religion . Sa visite doit
être le point de départ d'un renouvellement de foi et
de vie chrétienne . L'Eglise, elle le sait, elle le veut,
instituera une fête pour en perpétuer le souvenir. Les
fidèles aimeront à faire revivre chaque année l'his-
toire de ses Apparitions, à méditer ses paroles et ses
leçons. Comme ils ont déjà le mois de Marie et le
mois du Rosaire, ainsi ils auront en quelque sorte le
mois de Notre-Dame de Lourdes . En Mai , ils méditent
les vertus et les privilèges de la Sainte Vierge ; en
Octobre, ils contemplent ses mystères ; en Février et
48 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Mars, ils écouteront ses . graves avertissements. La


fête des Apparitions entrant ainsi dans la vie inté-
rieure des âmes et les dévotions de l'Eglise, il faut
que cette fête soit en rapport avec le cycle liturgique,
avec l'esprit général de ce temps de l'année . Or
Marie a choisi, pour nous apparaître, le 11 février .
Essayons d'en dire les raisons.
Remarquons d'abord la proximité de cette fête avec
une autre grande fête de Marie, la Purification . Le
bon saint François de Sales disait, dans son aimable
langage, que la Purification n'a pas d'octave car
l'octave d'une fête la termine, et la purification ne
doit pas cesser sur la terre ; toujours il faut se puri-
fier ici-bas. Mais l'octave est aussi la répétition , et
comme un écho de la fête. En ce sens, Marie semble
avoir voulu nous dire que la fête de l'Apparition est
en quelque sorte l'octave de la Purification et a de
grands rapports avec elle . Et, en effet, à Lourdes
comme à Jérusalem, Marie nous prêche l'expiation du
péché par le sacrifice. A la Grotte, elle nous crie :
<«< Pénitence ! » Au Temple, elle l'a pratiquée en s'of-
frant en victime avec son Fils. Seulement, en ce jour-
là elle cachait son beau privilège d'Immaculée, et à
Massabielle elle le proclame pour nous montrer qu'elle
n'est plus voyageuse, mais couronnée. Oui, l'octave
de la Purification est au Ciel : ici-bas l'expiation ; là-
haut, la couronne.
Cette octave ou plutôt cette neuvaine, qui s'écoule
du 2 février à l'Apparition , est en outre admirable-
ment propre à nous préparer à la visite de Marie et à
ses leçons. La Sainte Vierge vient apporter le remède
à tous nos maux, mais il faut constater le mal avant
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 49

d'appliquer le remède. Or, l'origine de tous nos maux


c'est le péché voilà ce que nous devons craindre
par-dessus tout. Nous avons ensuite trois autres
choses à redouter le démon qui nous tente, les mé-
chants qui nous persécutent, et les châtiments de
Dieu irrité.
Or, considérons ce qui occupe en ces jours la dévo-
tion catholique. Ce temps , que le monde appelle
Carnaval et qu'il profane par ses débauches, est pour
les fidèles le saint temps de la Septuagésime. L'Eglise
nous remet alors sous les yeux , dans ses offices, l'his-
toire de nos relations avec Dieu. Elle nous montre le
Créateur tirant du néant le Ciel et la terre , les Anges
et la matière, préparant lentement ce monde que nous
habitons, puis créant l'homme à son image et à sa
ressemblance . Adam est constitué par Dieu roi de la
terre. Son corps , il est vrai, est formé du limon ; mais
son âme est immortelle, intelligente et libre comme
les Anges et comme Dieu lui-même . Aussi , seul entre
tous les habitants de la terre, il porte vers le Ciel son
regard ; seul il adore et il aime ; et Dieu descend dans
le Paradis terrestre pour converser avec lui , en atten-
dant qu'il l'élève au Ciel pour partager sa gloire.
Mais à ce merveilleux début de notre histoire suc-
cède immédiatement le récit du premier péché et de
ses lamentables suites. Trompée par le démon, Eve
met en doute les menaces de Dieu , puis la nécessité
de vivre sous sa dépendance : l'orgueil , source de
tout péché, remporte sa première victoire sur la terre,
et par là même la crainte de Dieu , qui est le commen-
cement de la sagesse, fait place au mépris de Dieu ,
qui est le commencement de toute ruine. L'âme alors
50 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

subit la fascination des sens, qui lui montrent l'objet


défendu comme bon et délectable. La femme mange
du fruit fatal. Puis, pour autoriser sa faute, elle y
entraîne son mari le péché originel est commis !
Aussitôt la voix de la conscience et bientôt celle de
Dieu se font entendre. Les coupables, honteux et
tremblants, avouent le crime et reçoivent leur ter-
rible sentence . Dieu dit à Adam : « Parce que tu as
mangé du fruit que je t'avais défendu de manger, la
terre será maudite. A cause de ton péché , tous les
jours de ta vie tu n'en tireras ta nourriture qu'à
force de travail ; elle produira pour toi des ronces et
des épines, et tu mangeras l'herbe des champs. Tu
gagneras ton pain à la sueur de ton visage jusqu'à ce
que tu retournes dans la terre d'où tu es sorti, car tu
es poussière et tu retourneras en poussière. » Il dit à
Eve : « Je multiplierai tes maux ; tu enfanteras dans
'la douleur et tu seras sous la puissance de l'homme. »
Et au tentateur, au démon caché sous la figure du
serpent, il dit : « Tu es maudit entre toutes les bêtes
de la terre, tu ramperas sur le ventre et tu mangeras
la terre tous les jours de ta vie . » Mais, ô merveille !
voici que Dieu ajoute une parole qui met le comble
à la confusion du serpent, mais qui nous rend à nous
l'espérance : « Je mettrai la guerre entre toi et la
femme, entre ta race et la sienne ; elle te brisera la
tête et tu essaieras de mordre son talon . >>
Dans ce récit de l'Ecriture, nous comprenons par-
faitement la grandeur de l'homme, son état primitif
si magnifique, sa déchéance lamentable, mais sa des-
tinée éternelle qui reste la même, qui reste sublime,
à condition seulement d'être achetée plus cher. Nous
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 51

savons que l'espérance de ce bonheur futur est basée


sur la Rédemption du Christ et sur le secours d'une
femme qui est Marie. Nous apprenons aussi que l'en-
nemi du genre humain , l'ange déchu, Satan , conti-
nuera sa lutte contre nous ; mais sa défaite définitive
est certaine. Sa tête est broyée sous le pied virginal ;
il se tord, il essaie encore de mordre, mais réfugions-
nous dans les bras et le cœur de Marie là nous
n'aurons rien à craindre de sa rage impuissante . Ainsi ,
dès la création , Marie apparaît comme le Refuge des
pécheurs, la consolation des misérables et la répara-
tion de tous les malheurs.

Les jours suivants, l'Eglise, continuant à lire dans


son office l'histoire du monde, qui n'est guère, hélas !
que le récit de nouveaux péchés et de nouveaux châ-
timents, présente à nos méditations Caïn et Abel . Dès
la première génération , au sein de la première famille
humaine, nous trouvons personnifiés, en deux frères ,
le bien et le mal, les justes et les méchants , la cité
des enfants de Dieu et celle des fils du démon. Abel
est doux , chaste , pacifique, aimable à Dieu et aux
Anges. Il sert le Seigneur dans la paix d'un cœur
innocent. Ses sacrifices sont agréés du Ciel , et Dieu le
lui témoigne par la joie de sa conscience . Caïn est
jaloux de ce bonheur et son visage prend cet air
sombre qui distingue les méchants. Pourquoi donc ?
Dieu lui-même le lui demande : « Pourquoi es-tu
irrité ? Si tu te conduis bien , n'en recevras-tu pas
aussi ta récompense ? » La vérité , c'est que Caïn est
pécheur ; il cède à ses passions au lieu de leur résister
52 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

comme l'y exhorte le Créateur 1 , et il voudrait avec


cela avoir le bonheur d'Abel. Car ce n'est pas son .
troupeau qu'il envie, ce ne sont pas ses richesses :
c'est son bonheur, comme Satan envie le bonheur des
hommes. Et s'en voyant exclu par ses péchés , il le
hait jusqu'à la mort ; il se jette sur lui et le tue.
Voilà, au seuil du Paradis terrestre, le premier fra-
tricide et le commencement de cette longue persécu-
tion des bons par les méchants qui se continuera
jusqu'au dernier jour ; persécution insensée , incom-
préhensible et qui ne s'explique que par cette passion
la plus basse dont le cœur humain soit susceptible,
celle qui le fait le plus ressembler aux démons :
l'envie. Et, dans cette lutte, les justes seront toujours
les victimes, parce que leurs ennemis emploient contre
eux la ruse et la violence, et que leur conscience à
eux leur interdit d'avoir recours aux mêmes moyens.
Dieu les laissera succomber ; que dis-je ! il a suc-
combé lui-même à l'heure de sa Passion . Mais un
jour il les vengera. Il reçoit au Ciel ses martyrs, et
leur couronne est d'autant plus belle qu'ils ont eu
plus à souffrir. Quant aux persécuteurs , ils semblent
triompher, mais, comme Caïn , ils portent sur leur
front le signe de la malédiction du Seigneur , et dans
leur cœur le remords de leur crime ; leur mémoire
est vouée à l'exécration des hommes, et leur âme à
l'éternelle réprobation. C'est donc eux qui sont les
plus misérables .
Quand donc s'apaiseront ces luttes fratricides de
créatures faites pour s'aimer, nées du même sang,
destinées au même bonheur , et cependant si étrange-
1 Gen. , iv , 6, 7.
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 53

ment divisées ? Ah ! Eve, que n'étiez-vous là pour


faire la paix entre Abel et Caïn ! N'est-ce pas à la
mère d'être le lien entre deux êtres qu'elle aime tant,
deux fils sortis de son sein ? Mais si Eve est impuis-
sante, venez, ô vous Marie, car vous êtes la vraie
Mère des vivants. En acceptant, au Calvaire , la ma-
ternité des hommes, vous n'en avez exclu personne :
le pécheur est votre enfant comme le juste, car Jésus
est mort pour tous. Interposez-vous donc entre votre
fils révolté et votre enfant fidèle. Calmez la haine in-
juste et cruelle du persécuteur ; touchez son cœur ;
faites-lui sentir qu'il peut recouvrer le bonheur de
l'innocence, rendez-lui la paix d'une âme pardonnée ;
et à l'instant il se jettera dans les bras de son frère
qui n'a cessé de l'aimer, même au plus fort de leurs
querelles. Oh ! c'est Marie, Marie toute seule, qui
peut ramener la paix dans notre société, convertir ces
malheureux égarés qui poursuivent si obstinément
ceux dont ils ont partagé autrefois les croyances, ou
ces pauvres ignorants qu'une éducation sans foi a
prévenus contre nous de si étranges préjugés .
Mais si enfin, ô Marie, ils refusent de vous obéir,
même après vos éclatantes manifestations à Lourdes ,
venez alors au secours des justes pour les préserver
contre leurs embûches et leurs trahisons . Hâtez-vous ,
Ô Marie ; n'abandonnez pas vos enfants, n'abandonnez
pas aux bêtes méchantes les âmes qui vous sont con-
sacrées ; ne laissez pas peser trop longtemps le joug
des impies sur l'héritage du juste, de peur que lui-
même ne finisse par étendre sa main à l'iniquité ¹ .
1 Ut non extendant justi ad iniquitatem manus suas.
(Ps. CXXIV, 3.)
54 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Car tel est le plus grand malheur à craindre. En


effet, si nous devenons pécheurs nous-mêmes, ce ne
sont plus les démons ni les hommes, c'est Dieu même
qui deviendra notre ennemi ; et il vaudrait mieux
affronter la haine de la terre entière et de l'enfer
même, que le courroux de Celui qui peut jeter notre
corps et notre âme dans les tourments de l'enfer. Or
l'Eglise continuant à lire l'Ecriture, dans la semaine
de la Sexagésime, nous montre les châtiments dont
Dieu punit le péché.
Les hommes, en effet, s'étant multipliés sur la terre,
multiplièrent aussi leurs iniquités. Même les enfants
de Seth le Juste se laissèrent corrompre par les fils de
Caïn . Il s'éleva une race d'hommes puissants et fa-
meux , dit l'Ecriture. En quoi ? Elle ne parle que de
leur taille gigantesque et de leur dépravation. Mais
nous pouvons supposer qu'ils connaissaient tous les
raffinements de la volupté . - N'oublions pas que
l'homme existait déjà depuis deux mille ans : cela
suffisait bien, vu surtout sa longévité, pour acquérir
une civilisation avancée. - Mais la foi en même
temps s'était éteinte dans les cœurs. Ils avaient oublié
la dignité de leur âme immortelle pour ne penser
qu'à la matière. « Toute chair avait corrompu sa
voie, dit l'Ecriture : ils ne pensaient qu'au mal à
tout moment 1. » A peu près comme maintenant. Et
Dieu , touché de douleur jusqu'au fond du cœur, dit
la Genèse, se repentit d'avoir créé, et il se résolut à
faire périr l'humanité par le déluge. On ne se moque
pas de Dieu et il restera toujours le maître . Pendant

I Gen. , vi, 5.
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ?
33

deux mille ans il avait patienté il semblait dormir,


et les pécheurs vivaient tranquilles. Le voilà qui se
réveille. Si grande était l'impiété de la terre qu'une
catastrophe immense pouvait seule la purifier même
les enfants devaient périr, de peur qu'en eux ne
revécût la corruption de leur race. Que les moyens
de Dieu sont puissants ! D'ailleurs sa miséricorde ac-
compagna sa justice, car il a daigné nous faire con-
naître par l'Ecriture que le déluge , en perdant les
corps, sauva les âmes de beaucoup ¹ .
Ainsi , quand il voulut purger notre France de la
génération impie enfantée par la grande Révolution,
il l'envoya périr sur tous les champs de bataille de
l'Europe, et Napoléon en l'y entraînant ne faisait
qu'exécuter les desseins miséricordieux de la Provi-
dence. Que serait devenu notre pays si cette généra-
tion sans baptême avait fait souche ? Comment la foi
aurait-elle pu renaître ? - Mais en même temps la
bonté divine éclatait même envers ces hommes qui
furent baptisés dans leur sang , leurs souffrances, et
leur dévoûment à la patrie, et beaucoup sans doute
y ont trouvé leur salut, mais non sans douleur : car
on ne revient jamais du pêché à Dieu sans souffrir.
Une seule famille, celle de Noé, portée dans les
flancs de l'Arche de salut, échappa au déluge uni-
versel . Et quand la vengeance fut accomplie, Dieu se
souvint de Noé, dit l'Ecriture, et il fit alliance avec
lui. Et pour rendre la confiance à ces pauvres créa-
tures, heureuses sans doute de leur délivrance, mais
terrifiées par le grand spectacle de la colère du

1 I Petr., IV, 19.


56 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Seigneur, il fit paraître dans le firmament un arc-en-


ciel éclatant, et il dit : « Voici le signe de l'alliance
que j'établis pour jamais entre moi et vous. Je mettrai
mon arc dans les nuées, comme signe de l'alliance
que j'ai faite avec la terre. Lorsque j'aurai couvert le
ciel de nuages, mon arc paraîtra dans les nuées et je
me souviendrai de l'alliance que j'ai faite avec vous,
et il n'y aura plus à l'avenir de déluge qui fasse périr
dans ses eaux toute chair. »
Quel mystérieux langage ! Dieu semble se défier de
lui-même et prendre des précautions en notre faveur
contre sa justice . Il se lie par un serment de ne plus
maudire la terre , et il charge l'arc-en-ciel de le lui
rappeler. Quand donc les nuages amoncelés semble-
ront menacer de nouvelles tempêtes et feront trembler
les mortels , alors l'arc-en -ciel paraîtra, produit selon
les lois physiques et Dieu , à sa vue, se rappellera
son alliance avec Noé et sa race ; les hommes se rap-
pelleront la promesse de n'être plus exterminés, et la
paix , la confiance, l'amour régnera entre le Ciel et
la terre.
Or, n'y avait-il pas de terribles nuages dans le
ciel en 1858 ? Dieu n'avait-il pas de bien grands motifs
de s'irriter contre la terre ? Les hommes n'avaient-ils
pas de grands sujets de trembler ? Mais voici que le
11 février, jeudi de la Sexagésime, la sainte Eglise
lisait dans son office le récit des promesses de Dieu et
le signe auquel on les verrait s'accomplir. « Lorsque
j'aurai obscurci le ciel de nuages , mon arc-en-ciel appa-
raîtra¹ . » Et ce jour-là Marie apparut à Massabielle .
1 Cum obduxero nubibus cœlum apparebit arcus meus in nubibus.
(Gen., ix , 14.)
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 57

Les Pères de l'Eglise et les Saints ont toujours vu


dans l'arc-en -ciel du déluge la figure de la Très Sainte
Vierge. L'éclat de ce météore représente bien la gloire
de la Mère de Dieu. Sa formation par l'air et la lu-
mière est la figure de sa virginale pureté. Il appar-
tient au ciel et à la terre il s'élève des vapeurs de
notre atmosphère et il donne au ciel une nouvelle et
incomparable beauté. « Contemplez l'arc-en-ciel et bé-
nissez Celui qui l'a créé, disent nos saints Livres . Qu'il
est beau dans sa splendeur ! Il entoure le Ciel d'une
auréole de gloire. Ce sont les mains du Très-Haut qui
l'ont formé ¹ . »
Saint Bonaventure s'est plu à retracer, dans un
poème à l'honneur de Marie, de gracieuses compa-
raisons entre la Vierge et l'arc-en-ciel . Il trouve dans
ses couleurs l'image de ses vertus . Le rouge est le
symbole de sa charité, le bleu de sa pureté, le vert
de son humilité. « Vous êtes, lui dit-il, l'arc que nous
voyons dans les nuées du ciel et qui nous illumine.
Votre splendeur donne à tous les malheureux l'exemple
d'une vie sainte. Vous confondez les hérétiques et ex-
terminez leurs erreurs quand vous réunissez dans le
Christ les deux natures divine et humaine. O Vierge
vénérable, arc invincible, arc fort, arc puissant, arc
doux et aimable, qui nous représentez la porte grande
ouverte du Ciel, faites qu'après le passage inévitable
de la mort temporelle, nous partagions votre bonheur ! »
Mais c'est surtout par sa puissance d'apaiser Dieu et
par l'espérance qu'elle met en nos cœurs que Marie

Vide arcum et benedic eum qui fecit illum : valde speciosus est
in splendore suo. Gyravit cœlum in circuitu gloriæ suæ. Manus
Excelsi aperuerunt illum. (Eccli. , XLII , 12. )
58 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

ressemble à l'arc-en-ciel . Pourquoi , en effet, le météore


montré à Noé était-il un signe de paix , une preuve que
Dieu ne châtierait plus la terre ? Saint Bonaventure
répond Les fléaux , les catastrophes sont les flèches
dont le Tout-Puissant nous frappe. Or, le Seigneur
voulait montrer que son arc n'est plus dirigé contre
la terre. Bien plus, l'arc est retourné vers le Ciel .
C'est l'humanité qui va décocher ses traits contre
Dieu non pas comme ces blasphémateurs insensés
qui, dans une aveugle fureur, osèrent parfois lancer
des flèches vers le Ciel, comme pour atteindre Dieu
lui-même. Leurs outrages, aussi impuissants que
leurs traits, ne pouvaient troubler son éternelle tran-
quillité leur arc était trop faible. Mais voici un arc
puissant, l'arc de l'Immaculée . Elle va décocher des
flèches d'amour qui perceront le Cœur du Verbe et
le feront tomber au pouvoir de cette virginale chas-
seresse. « Tu as blessé mon Cœur, o ma sœur, ô ma
fiancée, lui dit-il, dans son transport d'amour , d'un
seul de tes cheveux , d'un seul de tes regards . » Oh !
merveille ! un seul de ses cheveux est une corde assez
forte pour bander cet arc immense ; son coup d'œil
est si sûr que pas un seul trait ne manque de frapper
au cœur ! Ah ! c'est que l'arc est fait d'humilité, de
virginité et d'amour. Voilà ce qui le rend si souple et
si fort que chacun des désirs , chacun des actes de
Marie volent comme des flèches victorieuses , vont
droit au cœur du Créateur. Désormais défendu contre
la Justice divine par une si habile arbalétrière , le
monde n'a plus à craindre un déluge qui le fasse
périr.
Mais il attend un autre déluge. Le B. Grignon de
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 59

Montfort nous parle, en effet, de trois déluges. Le


premier fut le déluge d'eau ; le deuxième fut le déluge
du sang de Jésus-Christ ; le troisième sera un déluge
de feu. Le premier eut lieu sous le règne spécial de
la justice et du Père ; le second a fondé le règne de
la miséricorde et du Fils ; le troisième sera l'œuvre
de l'amour et du Saint-Esprit. Le premier eut lieu
deux mille ans après la création et fut suivi d'une
rénovation du monde, et comme d'une création nou-
velle ; le deuxième eut lieu deux mille ans après le
premier et rendit la vie de la grâce à l'humanité ; et
Voici déjà dix-neuf cents ans que l'Eglise demande
le troisième , disant sans cesse : « Emitte Spiritum
tuum etcreabuntur, et renovabis faciem terræ. » Marie,
figurée par l'arc-en-ciel, suivit le premier pour en
consoler les ruines ; au Calvaire, elle assista et coopérà
au second ; mais à Lourdes , elle prévient et annoncé
le dernier, qu'elle nous obtiendra par ses prières .

XK
ASIASIASVASIASI AGI ASIASVASTASI

CHAPITRE HUITIÈME
(Suite.)

Pourquoi la Très Sainte Vierge


a-t-elle apparu à cette époque de l'année ?

A deuxième Apparition eut lieu le 14 février,


dimanche de la Quinquagésime. Bernadette
s'était munie d'eau bénite . Elle en asper-
gea la vision, disant : Si vous venez de
la part de Dieu , approchez . Ecoutons son récit : «Elle
me répond par un gracieux sourire, elle s'incline
vers moi et avance jusqu'au bord du rocher. Je
répète « Si vous venez de la part de Dicu, appro-
chez », et je remarque qu'à ce nom de Dieu sa figure
s'illumine d'un nouvel éclat. A la vue de tant de
beauté et de majesté, à la vue de ce sourire maternel
qui m'attirait, je ne puis me résoudre à lui dire :
<< Si vous venez de la part du démon , retirez-vous ! »
Je me sentais en présence d'une habitante du Ciel . »
Ce jour-là était le dimanche gras ; c'était l'heure où
tant de chrétiens s'affublent de déguisements grotesques
et se complaisent dans de honteuses mascarades, eux
créés à l'image de Dieu , et faits pour contempler
éternellement Jésus et Marie. Quel contraste entre
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 61

les stupides réjouissances du monde, et le spectacle


qui ravissait en ce moment la voyante des Roches
Massabielles !
Marie répond à Bernadette par son sourire qu'elle
vient de la part de Dieu . Or en ce jour l'Eglise nous
représente dans son office Dieu disant à Abraham :
<«< Sors de la maison de ton père et va dans le pays
que je te montrerai, et je te ferai régner sur un
grand peuple ; je te bénirai et glorifierai ton nom,
et toutes les nations auront part à tes bénédictions . »>
Et Abraham parcourut tout ce pays, et s'établit dans
la vallée Illustre, ad convallem Illustrem ; or il avait
avec lui sa temme Sara.
De même aujourd'hui Dieu envoie Marie du Ciel
à la terre ¹ , à la terre de France qu'il lui a spéciale-
ment donnée pour royaume. Marie l'a en quelque
sorte parcourue en ses diverses Apparitions, mais elle
fixe spécialement son séjour dans une vallée qui va
devenir bien célèbre, ad convallem Illustrem . C'est
là que Dieu veut la glorifier, et de là sa gloire et ses
faveurs se répandront dans toute la terre . Sara ou
Saraï est par son nom, par sa beauté, par sa postérité
spirituelle et son union au père des croyants, la figure
de la Sainte Vierge. Son nom de Sara qui signifie
Domina, « Princesse, Maîtresse » , a le même sens
que le mot Marie. Sarai ajoute quelque chose de
plus ; il veut dire : « ma Princesse, ma Dame » ; c'est
le nom propre de Marie pour la France et les Français,
<< Notre-Dame » , notre souveraine. La suite du récit
nous parle de l'incomparable beauté de Sara . Avant
10 pulcherrima inter mulieres, egredere et abi post vestigia
gregum. (Cant. , 1 , 7.)
LOURDES 4
62 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

d'entrer en Egypte, où le malheur des temps le


forçait à se réfugier, Abraham lui dit : « Je vous en
prie, dites que vous êtes ma sœur afin qu'il m'arrive
du bien à cause de vous et qu'on épargne ma vie en
votre faveur. » Et il en arriva ainsi. Ce n'était pas
mentir de l'appeler sa sœur, car elle était sa cousine,
et par les noms de frères et sœurs on entendait alors
tous les proches parents . - Mais combien nous aussi
nous tenons à Marie ! Elle est notre Mère en Jésus,
mais notre sœur en Adam, et elle est ineffablement
plus belle et plus vertueuse que Sara ; et dans notre
vallée d'exil, craignant aussi pour notre vie, disons-
lui avec confiance : « Dites que vous êtes notre sœur,
afin que Dieu , à cause de vous, nous pardonne , et
qu'il nous comble de biens en votre faveur ¹ . »

La troisième Apparition eut lieu le lendemain du


Mercredi des Cendres. Ce jour-là Marie demanda à
Bernadette de revenir quinze jours de suite à la grotte
et lui promit en échange le Paradis. Ainsi , dès le
début, Marie indique la fin qu'elle se propose : nous
mener au Ciel. Comme moyen elle demande qu'on soit
assidu à la visiter : c'est qu'elle veut nous instruire ;
la grotte est comme une chaire où elle va nous
enseigner. Le temps du Carême vient de commencer ,
ce temps où l'Eglise multiplie ses prédications : c'est
Marie elle-même qui nous prêche une station quadra-
gésimale. C'est elle qui nous adresse ces paroles de
l'Apôtre, que l'Eglise lisait ce jour-là dans ses offices :
« Mes enfants, je vous exhorte à ne pas recevoir en
1 Dic ergo, obsecro te, quod soror mea sis, ut bene sit mihi
propter te, et vivat anima mea ob gratiam tui. (Gen., xi , 13. )
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 63

vain la grâce de Dieu , car il a dit : Je vous exaucerai


au temps propice, je viendrai à votre secours au jour
de salut. Voici maintenant le temps propice, voici les
jours de salut. » Le Carême en effet est un temps de
grâce, où le Saint-Esprit sollicite plus puissamment
les hommes à la conversion : à Lourdes la grâce va
déborder. C'est un temps de prière et Marie se
montre à nous les mains jointes , le regard au Ciel ,
le Rosaire au bras . C'est un temps de mortification :
Marie vient nous y inviter en criant trois fois :
Pénitence ! Dieu avait dit à Adam après sa chute :
<< Tu mangeras l'herbe de la terre . » Marie va ordon-
ner à Bernadette d'en manger. Ainsi la Sainte Vierge
vient nous remettre dans la voie du salut , et nous
promet le Ciel ; mais elle ne nous y conduira pas
autrement que par la pénitence.

Le premier dimanche de Carême, le visage de la


Sainte Vierge se couvrit d'un voile de douleur. Son
regard sembla parcourir la terre et se reposa tout
attristé sur Bernadette. L'Enfant se mit à pleurer et
tout angoissée elle dit à l'Apparition : « Qu'avez-
vous, Madame ? Que faut-il faire ? » Marie répondit :
<<< Priez pour les pécheurs . >> - Or ce jour-là l'Eglise
nous représente Jésus tenté dans le désert. Satan lui
propose dans une triple tentation tous les objets
capables de le séduire, et réclame en échange ses
adorations. Jésus rejette ses sollicitations et enfin le
chasse honteusement. Mais , hélas ! Satan réussit
mieux près des hommes, qu'il tente par la triple
concupiscence. La Vierge les voit en foule se pro-
sterner devant ce misérable tyran qui flatte leurs viles
64 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

convoitises. Ils acceptent son empire , et il peut dire


avec trop de raison que le monde lui appartient.
Quelle douleur pour notre Mère ! aussi elle nous
demande d'arracher les âmes à Lucifer : « Priez pour
les pécheurs ! » Et comme Jésus dans le désert , Marie
vient dire au tentateur : « Retire-toi , Satan , car il
est écrit : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu
serviras lui seul. » Elle apparaît à Lourdes pour
briser sa puissance . Nous pouvons appliquer à la
Mère ce que l'Ecriture dit du Fils : In hoc appa-
ruit Mater Dei ut dissolvat opera diaboli ! Nous
"en trouvons la douce espérance dans son sourire.
En effet, Bernadette ajoute dans son récit : « Enfin ,
comme si elle eût vu le fruit des prières faites dans
l'Eglise, et les pécheurs touchés de repentir se récon-
cilier avec Dieu , elle m'apparut dans une sérénité
divine, et la béatitude du Ciel respira de nouveau
sur ses traits. » Après le spectacle douloureux du
péché, elle voyait la conversion du pécheur , et Jésus
lui-même nous a dit qu'il y a plus de joie au Ciel
pour un pécheur qui revient à Dieu que pour la
persévérance de quatre-vingt - dix - neuf justes ! Or
précisément ce jour-là l'Eglise commençait dans ses
offices la fête d'une grande pécheresse convertie,
sainte Marguerite de Cortone.

Le 23 février, nouvelle Apparition . C'était le mardi


de la première semaine de Carême, où l'Eglise nous
représente Jésus entrant dans Jérusalem , le jour des
Rameaux, chassant les vendeurs du Temple et disant :

1 I Joan., III, 8.
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 65

<< Ma maison est la maison de la prière. » Puis il


guérit tous les aveugles et les boiteux qu'on lui
présenta et les enfants criaient : Hosanna au Fils de
David! Et toute la ville était en émoi et se demandait :
Quel est donc cet homme ? Et l'on répondait : C'est
Jésus, le prophète de Nazareth de Galilée . ― Or ce
jour-là Marie dit : « Vous irez dire aux prêtres de
bâtir ici une chapelle. » Elle veut une église , une
maison de prière , où son Fils sera invoqué , où le
Saint Sacrement résidera et fera des cures merveil-
leuses, d'abord des guérisons spirituelles en rendant
aux âmes la foi et la vie de la grâce , puis des miracles
sensibles les paralytiques se lèveront sur son passage
et l'on criera : Hosanna au Fils de David ! et les foules
l'acclameront comme autrefois les peuples de Galilée !

Le 24 février Bernadette demanda à Marie , de la


part du curé de Lourdes, de faire un miracle , par
exemple fleurir l'églantier en plein hiver, comme
preuve de la réalité de ses apparitions. Tous les
libres-penseurs avaient applaudi à cette mise en
demeure. C'est ce qu'ils appelaient demander ses
papiers à la Vision . La Vierge ne fit pas le prodige
sollicité. Mais elle dit trois fois Pénitence ! Péni-
tence ! Pénitence ! _ Or ce jour-là , mercredi de la
première semaine de Carême, l'Evangile de la messe
racontait que les Pharisiens avaient dit à Jésus :
<«< Maître, nous voulons vous voir faire un miracle ¹ . »
1 Magister, volumus a te signum videre. Qui respondens ait illis :
Generatio mala et adultera signum quærit, et signum non dabitur
ei nisi signum Jonæ prophetæ. Viri Ninivitæ condemnabunt eam quia
pænitentiam egerunt in prædicatione Jonæ. Et ecce plus quam Jonas
hic. (Matth., XII, 38.)
66 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Et le Sauveur répondit : « Cette race perverse et


adultère demande un miracle ; mais elle n'en aura
pas d'autre que celui du prophète Jonas. Les Ninivites
se lèveront au Jugement contre cette génération et
la condamneront, car ils ont fait pénitence à la voix
de Jonas, et il y a ici plus que Jonas. La reine du
Midi se lèvera au Jugement pour condamner cette
race, car elle est venue des extrémités de la terre
pour entendre la sagesse de Salomon , et ici il y a
plus que Salomon .. » A Lourdes aussi, Marie ne
répond à la demande d'un prodige que par les
paroles de Jonas. Jonas signifie « colombe. » Et c'est
la Colombe immaculée, la Vierge sans souillure, qui
vient dire aux pécheurs de faire pénitence. Mais il
y a ici plus que l'ancien Jonas c'est la Mère de
Dieu elle-même. Et si nous ne lui obéissons pas ,
comme les Ninivites obéirent au Prophète , ils nous
condamneront au Jugement. Et elle nous condamnera
elle-même, la vraie Reine du Midi , la Reine des
Pyrénées , la Vierge de Massabielle, qui est venue de
si loin, de sa béatitude céleste, non pour entendre
Salomon, mais pour nous enseigner à nous-mêmes la
vraie sagesse, celle qui procure la paix et le bonheur,
Elle la Mère du vrai Salomon ou roi de la Paix , Elle
la vraie Sulamite ou la Pacifique, la Reine de Paix. A
sa voix cherchons donc la paix dans la pénitence : elle
ne vient pas toute seule ; il faut la mériter. La voix de
Marie est pleine de douceur comme celle de la colombe.
Mais le Prophète nous enseigne à redouter la colère
et le glaive de la Colombe et la fureur du Seigneur ¹ .
1 Facta est terra eorum in desolationem a facie iræ columbæ et
a facie iræ furoris Domini. (Jerem., xxv, 38.) ,
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 67

Le 25 février la Vierge dit à Bernadette : «<´Allez


<
boire à la source et vous y laver. » Il n'y avait point
d'eau à l'endroit que désignait le doigt de Marie . Sur
son geste pourtant l'enfant creusa la terre ; bientôt
elle rencontra un peu d'humidité ; quelques gouttes
d'eau commencèrent à jaillir. Le lendemain la source
coulait limpide et le premier miracle eut lieu : un
ouvrier nommé Bourriette recouvra l'usage d'un œil
perdu depuis vingt ans . Or , ce jour-là même, vendredi
de la première semaine de Carême, l'Eglise faisait
l'office de la sainte Lance et du Côté percé du Sauveur
d'où s'étaient échappés de l'eau et du sang . Et le
soldat romain , qui ouvrit le divin Coeur , fut le
premier à en recevoir les effets salutaires ; comme
Bourriette il était borgne, et , pressé par la même
grâce de confiance et de foi , il porta à son œil perdu
quelques gouttes du sang et de l'eau qui coulaient le
long de sa hampe, et il fut instantanément guéri . Le
même jour l'Evangile de la fin de la messe racontait
qu'à Jérusalem il y avait une piscine entourée de cinq
portiques, figure des cinq plaies du Sauveur ; et
qu'une multitude de malades, d'aveugles , de boiteux
et de paralytiques se tenaient au bord : car à certains
moments il s'y faisait des miracles et le contact de
cette eau guérissait toute infirmité. Et c'est ce jour-là
même que commençaient à Lourdes de semblables
merveilles. Là aussi la piscine devait être assiégée par
des multitudes d'infirmes et le théâtre d'innombrables
guérisons.

Les Apparitions continuèrent les six jours suivants.


On vit Bernadette prier, baiser la terre, .se laver à la
68 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

source, manger de l'herbe la Vierge continuait à


nous enseigner la mortification et la prière. Et l'Eglise
dans ses offices demandait ces jours-là même que les
pénitences que nous observons extérieurement portent
leurs fruits dans nos cœurs : elle demandait que par
ces œuvres de mortification nos péchés soient guéris
et des remèdes d'immortalité appliqués à nos âmes.
Le 28 février, deuxième dimanche de Carême, pen-
dant que Bernadette contemplait en extase la radieuse
Vision, l'Eglise lisait à la messe l'Evangile de la
Transfiguration , où Jésus se montre dans sa majesté
glorieuse. Les Apôtres s'écrient ravis : « Seigneur,
qu'il fait bon ici ! » Et le Père Eternel répond du
Ciel : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ¹ ! »
A Massabielle, c'est sa Mère chérie qui nous enseigne ;
aussi, qu'il y fait bon !
Mais soyons dociles : car voici ce que disait l'Epître
<
«< Je vous en prie , je vous en supplie par le Christ
Jésus, observez tout ce que je vous enseigne pour
plaire à Dieu et marcher selon sa volonté, afin que
vous receviez l'abondance de ses faveurs. La volonté
de Dieu est que vous deveniez des Saints, que vous
ne vous laissiez pas aller à vos passions comme ceux
qui ne connaissent pas Dieu, et que vous vous abs-
teniez de l'impureté et de toute injustice : car le
Seigneur punira ces iniquités, je vous en avertis 2. »
Et pour nous faire mieux comprendre encore la
nécessité d'obéir à la douce voix de Marie, l'Eglise
lisait ce jour-là même dans les leçons de Matines
l'histoire de Jacob et Esau qui représentent , comme
1 Evangile du 2º Dimanche de Carême : Matth. , xvII.- 2 Ept-
tre : I Thess. , IV.
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 69

Abel et Caïn , les justes et les pécheurs . Or Jacob,


figure du juste, était un homme de mœurs simples et
paisibles, et il demeurait volontiers à la maison près
de sa mère Rébecca . Aussi celle-ci l'aimait tendre-
ment. « Mon fils, lui disait-elle, suivez mes conseils ¹ . »
Et Jacob, se confiant en elle et obéissant à toutes ses
instructions , reçut les bénédictions les plus abon-
dantes, qui firent de lui l'ancêtre du Messie et le père
du peuple de Dieu . Esau, au contraire, qui était
toujours occupé à ses plaisirs ou à ses affaires, sans
penser à sa mère, se vit frustré des grâces qui lui
revenaient légitimement .
Ces deux types se trouvaient reproduits à Lourdes.
Auprès de la multitude des âmes pieuses et fidèles
qui accouraient à la grotte avec émotion , il y avait les
indifférents et les impies même. Loin d'être touchés
des merveilles qui s'opéraient sous leurs yeux , ils ne
cessaient de les tourner en dérision et multipliaient
leurs blasphèmes . Et l'Evangile d'un des derniers
jours des Apparitions disait : « Je vais m'en aller, et
vous me chercherez en vain, et vous mourrez dans
votre péché. Et où je vais vous ne pouvez venir. Vous
êtes d'en bas, et moi je suis d'en haut. Et si vous ne
voulez pas croire en moi, vous mourrez dans votre
péché . » Et l'Evangile du dernier jour de la quinzaine
racontait l'histoire du mauvais riche qui de l'enfer
demandait à Abraham d'envoyer le saint pauvre
Lazare prêcher la pénitence à ses frères de peur qu'ils
ne se damnassent , et voici la réponse d'Abraham :
<< Même si un mort allait les prêcher, ils ne croiraient

1 Nunc ergo, fili mi, acquiesce consiliis meis. (Gen. , xxvii , 8.)
70 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

pas ¹ . » Hélas ! Marie est venue du Ciel nous prêcher,


et beaucoup refusaient de la croire.

Ainsi finit la quinzaine des Apparitions, le 4 mars.


Mais trois Apparitions eurent lieu encore à des inter-
valles inégaux , le 25 mars, le 7 avril et le 16 juillet .
Essayons d'en pénétrer les raisons .
L'Apparition du 25 mars fut la plus importante et
la plus solennelle, celle dont toutes les autres n'étaient
en quelque sorte que la préparation . Ce jour - là,
répondant enfin aux sollicitations de Bernadette, qui
lui demandait son nom, la radieuse Apparition levant
les yeux au ciel , joignant les mains, prononça ces
paroles : « Je suis l'Immaculée Conception . » Ce nom ,
cette attitude, c'est tout Notre-Dame de Lourdes : c'est
l'image et la définition que la Sainte Vierge voulait
nous laisser d'elle-même, c'est le résumé de toutes ses
leçons. Or le 25 mars était admirablement choisi pour
nous révéler Marie sous cette éclatante lumière. En
apparaissant à Lourdes , Marie est venue porter remède
à tous nos maux : comme nous le comprendrons bien
en rapprochant des circonstances de l'Apparition tout
ce que la date du 25 mars nous rappelle !
Selon la tradition des Hébreux, le 25 mars fut le
jour de la création d'Adam et d'Eve . Hélas ! le même
jour les vit aussi commettre le péché originel . Mais
avant de chasser nos premiers parents du Paradis
terrestre, Dieu promit le Rédempteur et sa Mère, le
nouvel Adam et l'Eve digne de ce nom, la véritable
Mère des vivants. Il dit qu'une femme écraserait la

Neque si quis ex mortuis resurrexerit, credent. (Luc. , xvi, 31. )


POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 71

tête du serpent . Pour venger Eve du démon , Marie


est annoncée sur le théâtre même de sa défaite. « Je
t'ai suscitée sous l'arbre néfaste où ta mère s'est
souillée et a perdu son innocence » , dit le Seigneur ¹ .
C'est donc le 25 mars que l'Immaculée Conception a
été promise au monde . En venant donc en ce même
jour nous dire à Lourdes : « Je suis l'Immaculée
Conception »> , Marie vient nous rappeler notre origine ,
notre chute, le besoin que nous avons de son secours,
mais aussi nous dire que ce secours arrive : Voici la
femme promise, voici la victorieuse de Satan !
Le 25 mars fut aussi le jour de l'Incarnation . C'est
le jour où Gabriel salua Marie pleine de grâce et
nous enseigna de la part de Dieu l'Ave Maria. Or,
l'appeler << pleine de grâce » , c'est lui dire qu'elle est
Immaculée. Car la grâce, c'est l'opposé du péché, et
la grâce ne peut être absolument pleine que là où le
péché est absolument absent. Cela n'a jamais existé
qu'en Celle qui fut affranchie de la dette originelle .
C'est pourquoi l'Ange lui dit : « Le Seigneur est avec
vous » , avant même qu'il descendit en son sein : il
régnait en son cœur, le péché n'y ayant jamais eu le
moindre empire . Et voilà aussi pourquoi la Vierge
Immaculée aime tant l'Ave qui lui rappelle toutes ses
grandeurs . Nous dire « Je suis l'Immaculée Con-
ception » , le 25 mars, c'est nous révéler l'humble
reconnaissance qui débordait de son cœur au moment
où elle entendait le salut de l'Ange. Il semblerait que ,
nous parlant d'elle-même, surtout le 25 mars, en ce
jour ineffable de l'Incarnation , Marie eût dû nous
1 Sub arbore malo suscitavi te ; ibi corrupta est mater tua, ili
violata est genitrix tua. (Cant. , VIII, 5.)
1242
72 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

dire « Je suis la Mère de Dieu . » En disant : « Je


suis l'Immaculée Conception » , elle veut nous faire
entendre qu'elle fait plus de cas de son innocence
que de sa Maternité, et attache plus de prix à plaire
à Dieu qu'à être sa Mère. Répétons-lui donc mille
fois, avec un profond respect et un ardent amour :
Vous êtes la Mère de Dieu ! Vous êtes l'Immaculée
Conception !
Le 25 mars est encore le jour de l'institution de
l'Eucharistie, et par suite le jour de la première
communion de Marie. Car , bien que l'Evangile ne le
dise pas, comment douter qu'elle ait eu sa part au
banquet de la Cène ? C'était pour elle, avant tout
autre, que le Saint Sacrement était institué . Si Jésus
avait ardemment désiré manger cette Pâque avec ses
disciples, combien plus avec sa Mère ! Combien elle
aussi l'avait désiré ! Jésus lui avait révélé dès long-
temps le pain qu'il devait donner au monde , c'est-à-
dire la chair qu'il avait reçue d'elle-même. Qui dira
les transports de Marie quand son Fils revint dans le
sein d'où il était né ? Marie retrouvait les joies inef-
fables de sa maternité, et plus encore. Et pendant les
longues années qu'elle survivra à Jésus sur la terre,
chaque jour elle le recevra de nouveau , toujours elle
le portera dans son cœur, sans cesse elle veillera près
de son tabernacle. Or , le principe de toutes ces grâces
eucharistiques, c'est son Immaculée Conception . C'est
elle qui l'a rendue digne de la maternité divine . Or
Jésus est toujours son Fils, même au Saint Sacrement.
L'Eucharistie est donc le fruit de l'Immaculée
Conception. Mais ce fruit Marie le mange elle-même,
et c'est l'Immaculée Conception qui la rend digne de
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 73

la communion . Oh ! quelles délices Jésus prenait à


descendre en son cœur, non pas seulement parce
qu'elle était sa Mère , mais parce qu'elle était ineffa-
blement pure ! Ecoutons-la nous dire dans le Can-
tique « Mon bien-aimé est à moi , et moi à lui , parce
qu'il se repaît au milieu des lis 1. » Je suis à lui,
parce qu'il aime tant la pureté et l'innocence , qu'il
s'élance vers une âme sans souillure comme à un
délicieux festin . Je suis à mon bien-aimé, et il est
toujours tourné vers moi 2 , il pense à moi sans cesse :
il est attiré, fasciné par ma pureté. Comme elle l'a
fait descendre une première fois du Ciel en mon sein ,
ainsi elle l'attire de son tabernacle. Et cette pureté
parfaite, cette innocence absolue, c'est l'Immaculée
Conception ! O Vierge Immaculée, revêtez-moi de
votre innocence quand je m'approche de la sainte
Table, couvrez mes iniquités du manteau de votre
pureté sans tache, de votre Immaculée Conception !
Le 25 mars, c'est encore le jour de notre Rédemp-
tion car, les jours hébreux allant du soir au soir,
le même jour a vu la Cène et la mort de Jésus au
Calvaire. Or Marie a été rachetée elle-même . Le Pré-
cieux Sang, rançon de toutes nos âmes, payait avant
tout le privilège de l'Immaculée Conception . Aussi
Marie se tenait debout au pied de la Croix pour sou-
tenir Jésus dans son martyre. Quand les pharisiens
moqueurs lui criaient : « Descends donc de la Croix ! >>
la vue de l'Immaculée lui disait : « Ne descendez
pas ! >> Car le prix du merveilleux privilège était
1 Dilectus meus mihi, et ego illi qui pascitur inter lilia.
(Cant., II, 16.)
2 Ego dilecto meo et ad me conversio ejus. (Cant. , VII, 10.)
LOURDES 5
74 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

encore dû au Créateur. Mais, ô merveille ! ce Sang


rédempteur venait de Marie elle-même, et elle n'avait
pu le donner que parce qu'il était sans souillure. Car
comment un sang impur eût-il pu purifier la terre ?
L'Immaculée Conception était donc la source du
Précieux Sang, et pourtant le Précieux Sang était le
prix de l'Immaculée Conception . C'est ici que la su-
blimité et l'humilité s'unissent. Fecit mihi magna qui
potens est respexit humilitatem . La dignité de Marie
est ineffable mais elle est absolument gratuite. Tout
vient de l'Immaculée Conception, même Jésus ; mais
l'Immaculée Conception elle-même vient de Dieu seul.
Ainsi, à Dieu seul l'unique gloire : Marie n'en garde
rien pour elle . Mais par là même qu'elle ne la veut
pas, elle l'obtient car Dieu exalte ceux qui s'abais-
sent. Et sa gloire c'est de glorifier Dieu , c'est d'être
une créature assez anéantie , assez petite à ses yeux
pour avoir pu, sans s'en élever et sans rien garder
pour elle-même, être placée par Dieu au commence-
ment de toutes ses œuvres.
Mais en même temps qu'elle était rachetée, Marie
était co-Rédemptrice du genre humain avec son divin
Fils . Or ce nouveau privilège, qui était en même
temps un office ineffablement douloureux , c'est encore
à l'Immaculée Conception qu'il est donné. Comprend-
on ce qu'il fallait de haine du péché dans le Cœur de
Jésus et de sa Mère, pour accepter un tel martyre ?
Or qui a donné à Marie cette intelligence du mal
sinon son privilège d'Immaculée ? Le premier effet
du péché c'est d'aveugler sur sa malice même : autre
ment qui oserait pécher ? « Ils ne savent pas ce qu'ils
font » , dit Jésus de tous les pécheurs . Mais la Vierge
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 75

Marie connaît la malice du péché, parce qu'elle est


sans péché elle - même. Et c'est pour cela qu'elle
estime tant són grand privilège. C'est son Immaculée
Conception aussi qui l'a rendue capable d'être co-
Rédemptrice car elle ne l'est devenue qu'en étant
victime. Or la victime doit être sans tache pour
apaiser la justice de Dieu ; il n'accepterait pas une
offrande qui ne fût pas entièrement pure.
Le 25 mars est à un autre titre encore une date
mémorable dans l'histoire de Marie si c'est le jour
où elle devint Mère de Dieu à Nazareth, trente-quatre
ans plus tard , jour pour jour, elle est devenue au
Calvaire notre Mère . Jésus mourant lui à dit en lui
montrant saint Jean qui représentait toute la famille
humaine : « Voilà votre fils » ; et à nous il disait :
<< Voilà votre Mère ! » Et cette Mère ne cesse de
veiller sur nous du Ciel ; et quand elle nous , voit
plus malheureux et plus coupables , c'est alors qu'elle
prie davantage et vient plus volontiers à notre aide .
Or, c'est son Immaculée Conception surtout qui la
rend puissante pour nous secourir, car c'est elle qui
la rend tout agréable à Dieu et toute terrible à l'én-
fer ; et ce même bienheureux privilège la rend toute
compatissante à nos maux dont elle seule a été pré-
servée par la miséricorde gratuite du Créateur. Qué
le 25 mars était donc bien choisi par notre bien-aimée
Mère pour venir nous dire « Je suis l'Immaculée
Conception ! » Quelle joie pour nous d'entendre cette
parole ! Nous sommes pécheurs, nous ; mais Elle est
toute sainte. Oh ! que nous en sommes joyeux ! oh !
que nous en sommes fiers ! Quelle Mère est notre
Mère ! Que m'importent maintenant les tristesses, les
76 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

douleurs de la terre ? Marie est heureuse, Marie est


ma Mère et elle est l'Immaculée Conception !
Ainsi le 25 mars est une grande date pour l'Imma-
culée Conception et pour nous. C'est le jour de la
création et celui de l'Incarnation , c'est le jour du
péché et celui de la Redemption , c'est le jour où
Marie nous a été d'abord promise et ensuite donnée
comme Réparatrice et comme Mère, c'est le jour où
Jésus a commencé sa vie eucharistique et où son
Coeur sur la Croix nous a été ouvert : c'était donc
bien le jour où Marie devait venir nous rappeler
nos misères et nos grandeurs, nos devoirs et nos
espérances, et nous dire le rôle nécessaire qu'elle joue
dans notre relèvement parce qu'elle est l'Immaculée
Conception.

L'avant-dernière Apparition eut lieu le mercredi de


Pâques, 7 avril . Découvrirons-nous en cette date
quelque raison mystique ?
Nous avons déjà comparé Notre-Dame de Lourdes
à la colombe. C'est le Saint-Esprit lui-même qui lui
donne ce nom dans le Cantique : « Viens, lui dit-il,
mon amie, ma colombe, ma toute belle ; hâte-toi, ma
bien-aimée ; viens, ma colombe, dans les trous de la
pierre et la caverne du rocher, ma sœur, ma colombe,
mon immaculée. » Et c'est bien à Marie seule qu'il
s'adresse, car il ajoute : « Ma colombe est unique. »
Una est columba mea, perfecta mea . Et qu'il est juste
de comparer à la colombe l'Epouse de l'Esprit- Saint,
la Colombe éternelle ! Comme la colombe aussi, Notre-
Dame de Lourdes gémit sur nos péchés et sur nos
souffrances. Comme la colombe, elle contemple le
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 77

Ciel dont ses yeux ne peuvent se détacher 1. Comme


la colombe de Ninive, Jonas , elle nous crie : Péni-
tence ! Mais voici une autre figure. Isaïe se deman-
dait « Quels sont ceux-ci qui volent comme des
nuées, et qui se tiennent comme des colombes à leurs
fenêtres 2 ? » Les commentateurs appliquent cette
parole aux Apôtres qui ont parcouru le monde comme
d'un vol rapide pour lui porter la foi . Le Prophète
les voit comme des colombes à la fenêtre de leur
colombier, contemplant l'espace avant de s'y élancer.
Or, le 7 avril est une date mémorable dans l'his-
toire de l'apostolat. Le 7 avril 1506 , en effet, naquit
le plus grand des hommes apostoliques depuis le
temps de Jésus-Christ, celui qui a égalé, presque
surpassé les travaux, les voyages , les miracles, les
succès des fondateurs de l'Eglise. C'est le 7 avril éga-
lement, trente-quatre ans plus tard, que François
Xavier quittait l'Europe et prenait son vol d'une aile
puissante pour porter l'Evangile jusqu'aux extrémités
du monde. Son supérieur saint Ignace lui avait dit :
<< Xavier, voici des terres immenses et des royaumes
innombrables, un monde entier qui vous est ouvert.
Il n'y a qu'un champ si vaste qui soit digne de votre
zèle. Allez où la voix de Dieu vous appelle, et em-
brasez tout du feu qui vous consume ! » Et lui , fort
dans son humilité et son obéissance, s'élançait sans
crainte vers ces nations barbares, et en dix ans il
allait parcourir plus de cent mille lieues, convertir

1 Meditabor ut columba ; attenuati sunt oculi mei suspicientes in


excelsum. (Is. , xxxvIII, 14.)
2 Qui sunt isti qui ut nubes volant, et quasi columbæ ad fenestras
suas ? (Is. , LX , 8.)
78 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

des centaines de royaumes, baptiser des millions d'ido-


lâtres , parlant toutes les langues, guérissant les ma-
lades et ressuscitant les morts.
Eh bien, dans la grotte de Massabielle, Marie ne
nous apparaît-elle pas, elle aussi , comme une colombe
à sa fenêtre ? Ne semble-t-elle pas sortir de l'éternité ?
Ne semble-t-elle pas prête à prendre son essor ? Ne
semble-t-elle pas parcourir du regard toute la terre
avant de s'élancer vers toutes les plages ? Et de fait,
son vol ne s'est-il pas étendu au monde entier, et sa
présence n'est-elle pas maintenant aussi universelle
que celle même de son Fils au Sacrement de nos
autels ? Et erit extensio alarum ejus implens latitu-
dinem terræ tuæ, o Emmanuel 1. Oui , partout où
Jésus-Christ compte des adorateurs fidèles, Notre-
Dame de Lourdes a des serviteurs ; partout on con-
naît sa douce image ; partout on invoque son nom ;
partout on raconte ses apparitions ; partout on porte
son eau et l'on obtient ses miracles. En choisissant
donc ce 7 avril pour son avant-dernière Apparition,
elle veut nous faire comprendre que de sa grotte de
Lourdes elle vient pour porter ou rappeler à tout
l'univers l'Evangile, la connaissance de son Fils , la
bonne nouvelle du salut. Combien donc il est juste
que nous lui appliquions ces paroles que l'on chante
au départ des missionnaires : Qu'ils sont beaux sur
la montagne les pieds de ceux qui annoncent la paix , '
qui annoncent le bonheur ! Qu'il est juste que les
pieds de Marie soient couronnés de fleurs ! Qu'il est
juste de vénérer ces pieds sacrés, comme l'on baise

¹ Is ., VIII, 8.
POURQUOI A CETTE ÉPOQUE ? 79

ceux des missionnaires, comme les heureux pèlerins


qui ont pu contempler à Goa le corps sans corruption
de saint François Xavier, ont baisé avec de saints
transports ses pieds déjà glorifiés !
Nous trouvons encore un enseignement dans la
date de l'avant-dernière Apparition . Elle eut lieu le
mercredi de Pâques, 7 avril. Le même jour, vingt ans
plus tard, Bernadette rendra le dernier soupir. Or, å
l'introït de la messe de ce jour , l'Eglise chante :
<
«< Venez, les bénis de mon Père, entrez en possession
du royaume qui vous a été préparé dès l'origine du
monde. » Marie semble donc nous manifester la réali-
sation de la promesse qu'elle avait faite à la Voyante :
« Je vous promets de vous rendre heureuse, non pas
en ce monde mais en l'autre » , et elle nous montre
par avance à nous-mêmes le Paradis qui nous est
offert.
Et pour nous mieux faire réfléchir à cette leçon,
l'Evangile du même jour nous raconte l'histoire de
l'Apparition du lac de Tiberiade. Jésus ressuscité
apparut sur le rivage, qui signifie la vie éternelle.
Les Apôtres étaient encore dans leur barque, sur la
mer, image de la vie présente . Sur l'ordre du Sei-
gneur, ils jettent le filet à droite et font une pêche
merveilleuse. Pierre tire sur le rivage le filet rempli
de cent cinquante-trois poissons, symbole des élus.
Pierre et les Apôtres ont été constitués par Jésus
<< pêcheurs d'hommes. » Déjà ils ont pêché en com-
pagnie du divin Maître, et pris dans leur barque une
multitude de poissons, tellement que leur filet se
rompait et laissait échapper une partie de la capture.
C'est le symbole de tous ceux qui sont amenés à
80 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

l'Eglise et à la grâce. Beaucoup n'y persévèrent pas :


sous le poids et le nombre des hommes qu'elle reçoit
dans son sein , l'Eglise est déchirée par les hérésies et
les apostasies, qui laissent beaucoup d'âmes retomber
dans l'abîme , d'où les pêcheurs apostoliques les
avaient tirés. Mais à la dernière pêche, à celle du
dernier jour, le filet ne se rompra plus : il ne con-
tiendra que les gros poissons, les âmes chargées de
mérites , inscrites au livre de la vie éternelle et
ce chiffre mystérieux de cent cinquante-trois nous
rappelle que Dieu seul connaît le nombre des élus.
Voilà donc encore une grave leçon de notre Mère.
Tout dans ses Apparitions nous parle de notre immor-
telle destinée , nous pousse à la mériter. Et quel motif
peut plus nous y exciter que son incertitude même !
Marie nous promet le Paradis, il est vrai , mais à une
condition : c'est que nous soyons fidèles !
Enfin , la dernière Apparition eut lieu le 16 juillet.
Mais nous lui consacrerons plus tard un chapitre
spécial.

O Marie, ô douce institutrice, que vos leçons sont


pleines de mystères profonds ! Donnez-nous-en l'in-
telligence, et surtout faites que nous les mettions en
pratique !

Pratique. Dites le Rosaire pour obtenir que les


chrétiens méditent souvent les enseignements de Notre-
Dame de Lourdes et les comprennent.
CHAPITRE NEUVIÈME

Pourquoi Marie a-t-elle apparu dans


la grotte d'un rocher ?
www

'EPOUX des sacrés Cantiques disait à sa


bien-aimée « Viens, ma bien-aimée, ma
toute belle ; viens, ma colombe, dans les
trous de la pierre , dans la caverne du
rocher. » Marie, la divine Epouse, la Colombe Imma-
culée, accomplit cette prophétie à la lettre. Mais que
signifiait-elle ? Cherchons le symbolisme du rocher.
Il me semble entendre Marie nous répéter cette
parole du prophète Isaïe¹ : « Ecoutez-moi , vous qui
suivez la justice et qui cherchez le Seigneur : rappelez-
vous cette pierre dont vous avez été taillés, et cette
caverne profonde dont vous avez été tirés ; souvenez-
vous d'Abraham votre père, et de Sara votre mère. »
Abraham , « le Père des croyants » , et Sara, « la
Princesse » , sont les figures de Jésus et de Marie .
O chrétiens , nous dit donc la Vierge, souvenez-vous
du Christ dont vous portez le nom , votre chef et
votre père rappelez-vous la pierre dont vous avez

1 Is. , LI, 1 , 2.
82 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

été taillés ! « La pierre était le Christ » , dit saint


Paul.
Pourquoi le Christ est - il figuré par la pierre ?
Parce que toute l'Eglise, toute la création repose sur
lui. « Voici , dit le Seigneur par son Prophète, que
je mettrai dans les fondements de Sion une pierre,
une pierre éprouvée , angulaire, précieuse, posée sur
le fondement ¹ . » David disait aussi : « La pierre
rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la pierre
de l'angle . C'est Dieu qui a fait cette merveille , et
elle est admirable à nos yeux . » Et saint Pierre :
<«< Jésus-Christ est la pierre vivante , rejetée il est vrai
par les hommes, mais choisie et glorifiée par Dieu.. >>
Ainsi donc Jésus est vraiment bien nommé une
pierre :
Pierre vivante, intelligente, la Sagesse éternelle ,
qui a la vie et qui la donne : car la Jérusalem céleste
qui repose sur lui est un temple vivant, dont toutes
les pierres sont des âmes intelligentes, faites à l'image
de Dieu.
Pierre éprouvée : il a été taillé par ses souffrances,
sa Passion, sa mort. Il a tout supporté ; en mourant
il demandait à souffrir encore.
Pierre précieuse combien sa très sainte Humanité
a de prix ! c'est une perle, un diamant d'une valeur
infinie.
Pierre posée sur le fondement car sa nature
humaine repose elle-même sur la personne du Verbe,
le Fils de Dieu, Dieu lui-même. « Je suis le Principe ,
moi qui vous parle » , disait-il aux Juifs .

1 I Petr. , II, 6.
POURQUOI DANS UNE GROTTE DE ROCHER ? 83

Pierre choisie par Dieu : il a prédestiné la sainte


Humanité de son Fils, de toute éternité, pour en faire
la base de tout son édifice . « Il n'y a pas d'autre
fondement, dit saint Paul, que celui qui a été posé.
Il n'y a pas de salut en dehors de lui . Quand même
un ange du Ciel viendrait pour prêcher un autre
Evangile, ne le croyez pas. »
Pierre honorée et glorifiée par Dieu le Christ est
élevé au plus haut des Cieux, assis sur le trône
même de Dieu , adoré par les Anges. Mais , dit le
Prophète : « Je cacherai sa sculpture » ; sur la
terre il paraîtra humble, pauvre et souffrant . Ce ne
sera qu'au Ciel qu'apparaîtront son éclat et sa beauté.
Pierre angulaire qui réunit les deux parties de
l'édifice, l'Ancien et le Nouveau Testament. Tous les
justes antiques ont attendu sa venue et se sont sanc-
tifiés par leur foi en lui. Les Patriarches, Moïse, et
les Prophètes, le figurent, le prédisent et préparent
ses voies. Et depuis sa venue , rien ne vit que de sa
grâce et de ses exemples : ainsi tout le genre humain
se groupe autour de lui comme de son Roi.
Pierre inébranlable comme Dieu lui-même ; rien
ne pourra la renverser. « J'ai posé ma face comme
une très dure pierre » , dit-il. Il est plus fort que
l'enfer. Et à cette solidité il fait participer son Eglise .
C'est pourquoi il donne à celui qui est son vicaire
sur cette terre, et sur lequel il la bâtit, le même nom
de Pierre, et il promet que les portes de l'enfer ne
prévaudront point contre lui.
Voilà ce que Marie vient nous rappeler en appa-
raissant sur le rocher. Le Christ brave les efforts du
temps et des hommes . Voilà dix-neuf siècles que les
T
84

LES

LEÇONS

D'UNE

MÈRE
générations se succèdent et l'Eglise est toujours debout
comme le rocher battu par la mer. Beaucoup se sont
flattés de la détruire ce sont eux qui ont passé. Ils
ont voulu bâtir une société sans Christ : mais per-
sonne ne peut bâtir sur un autre fondement que
celui que Dieu a posé. « Cette pierre, avait dit le
Prophète, sera une pierre d'achoppement et de scan-
dale pour Israël . » Voilà en effet que Jésus est posé
pour le salut ou la ruine de beaucoup salut de
ceux qui l'acceptent et l'adorent, ruine de ceux qui
le combattent. « Quiconque se heurtera contre cette
pierre se brisera, a dit Notre-Seigneur lui-même ; et
tous ceux sur qui elle tombera seront écrasés 1. >>
C'est l'histoire de tous les pécheurs. Tous ceux qui
se sont rués sur l'Eglise, les persécuteurs, les tyrans,
les impies se sont brisés comme les vagues sur un
rocher Hérode, Néron , Arius, Luther, Voltaire, tant
d'autres dont l'histoire raconte les desseins impies et
la fin malheureuse, et tant d'autres aussi que notre
génération a connus et a vus mourir. Defuncti sunt
qui quærebant animam pueri !..... L'Enfant Jésus
peut-être s'est caché un instant pour échapper à leur
rage. L'Eglise a souffert de leurs fureurs . Mais Jésus
reparaît et l'Eglise vit et règne, et eux ils sont morts .
Defuncti sunt ! Et ce sera le sort de tous ceux qui
les imiteront.
Et tous les pécheurs qui ne veulent pas aimer et
servir Jésus-Christ, et accomplir sa loi, sont aussi
broyés par sa justice . A la mort ils éprouvent com-
bien il est horrible de tomber aux mains du Dieu

1 Matth., XXI, 44.


POURQUOI DANS UNE GROTTE DE ROCHER ? 85

vivant. En vain , au jugement dernier, ils voudront


se dérober à sa colère ; ils chercheront un refuge
dans les cavernes et les grottes des rochers ; ils
diront aux montagnes : Cachez-nous ! et aux collines :
Tombez sur nous, pour nous soustraire à la vue de
l'Agneau, et à sa terrible majesté . Mais il ne sera
plus temps .
Ah ! c'est maintenant qu'il faut se cacher dans les
cavernes de la pierre et dans les trous du rocher,
c'est-à-dire dans les plaies du Christ. C'est la leçon
que Marie vient nous donner. C'est là que la colombe
fait sa retraite . C'est là aussi que le hérisson , c'est-
à-dire le pauvre pécheur, vient se cacher. Petra
refugium herinaciis . Les plaies du Christ sont un
refuge contre la justice de Dieu irrité ; elles sont un
asile où le démon ne peut pénétrer. O bonne et sainte
retraite ! Qu'il est doux de s'y abriter !
C'est donc à son Fils que Marie nous amène . Ne
craignons rien, nous qui l'aimons . Le Christ est pour
nous un rempart inexpugnable. Ses promesses sont
éternelles. Il nous a annoncé des luttes, des persé-
cutions et nous les souffrons ; mais il nous a promis
la victoire définitive et nous la verrons. Les impies
ont-ils assez blasphémé le Christ en notre siècle ! sa
doctrine, ses miracles, sa divinité, sa résurrection,
son existence même , tout a été l'objet de leurs
attaques, sur tout ils ont versé leur bave sacrilège .
C'était l'écume d'une mer furieuse battant un rocher,
une eau amère mais qui ne peut aucunement ren-
verser la pierre.
Mais pour nous cette pierre s'entr'ouvre et laisse
couler des eaux vives . Nous y trouvons aussi une
86 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

nourriture délicieuse . « Il les a nourris , dit l'Ecriture ,


du miel de la pierre et de l'huile du rocher . » Cette
huile ce sont les sacrements , sortis du Christ notre
divin Rocher ; ce miel, c'est l'Eucharistie, où lui-
même se fait notre aliment. Oh ! merveille ! le rocher
se change en nourriture ! Le tentateur disait à Jésus :
« Si vous êtes le Fils de Dieu , dites donc que ces
pierres deviennent des pains. » Jésus ne le fit pas
pour Satan, mais pour nous il l'a réalisé et nos
âmes se nourrissent du Christ, notre Pierre vivante,
précieuse, fondamentale, inébranlable, le Christ tou-
jours vivant et invincible qui nous communique son
immortalité.

<< Considérez donc, nous dit Marie, la pierre dont


vous avez été taillés » ; mais elle ajoute : « et la
caverne profonde dont vous avez été tirés. » Car ce
n'est pas seulement sur un rocher qu'elle nous
apparaît, mais dans sa cavité, « dans le creux de
la pierre, dans la caverne du rocher. » Si le rocher
représente le Christ, évidemment la caverne est le
symbole de son côté transpercé. C'est pourquoi
Marie, pour expliquer ce symbole, ajoute encore :
<< Souvenez-vous d'Abraham votre père et de Sara
votre mère. » Elle unit le symbole du côté transpercé
de Jésus au souvenir de notre génération spirituelle.
C'est en effet du côté de Jésus , disent les Pères, que
l'Eglise a pris naissance. « Considérez donc, ô mes
enfants, nous dit la Sainte Vierge, la caverne pro-
fonde dont vous avez été tirés . Rappelez-vous mon
Fils mourant au Calvaire pour votre salut et répan-
dant les dernières gouttes de son sang sous le coup
POURQUOI DANS UNE GROTTE DE ROCHER ? 87

de la lance . Voilà ce que votre naissance lui a coûté.


Mais n'oubliez pas non plus Sara votre mère, c'est-
à-dire moi, qui au pied de la Croix suis devenue
votre Mère bien-aimée. Souvenez-vous de mon Cœur
immaculé car lui aussi vous a donné la vie. Il a
fallu qu'il consentît à la mort de son Jésus, qu'il
acceptât de le perdre pour vous recevoir en échange.
Et mon Cœur à tout accepté parce qu'il était selon
le Cœur de mon Fils qui voulait vous sauver. Vous
êtes donc bien les enfants de mon Cœur, comme du
-Cœur et de l'amour de mon Fils lui-même. »>
C'est donc la dévotion au Sacré-Cœur que Marie
vient nous prêcher.
En effet, les Saints ont compris que c'était là ce
que signifiait le creux de la pierre où la colombe
va se cacher. Ecoutons-les plutôt. Saint Antoine de
Padoue écrit : « Le Sauveur ouvrit son côté et son
cœur à la colombe, c'est-à-dire à l'âme pieuse, afin
qu'elle pût y trouver une retraite. Soyez comme la
colombe qui s'établit au plus profond de la pierre.
Si Jésus-Christ est la pierre, le creux de la pierre
où l'âme doit se réfugier c'est la plaie du côté de
Jésus-Christ ; celle-là mène à son Cœur. » Un auteur
chartreux dit de même : « O mon âme, entre dans
le côté droit de ton Seigneur crucifié ; entre par cette
blessure bénie jusqu'au fond du Cœur tout aimant
de Jésus percé d'outre en outre par amour. Repose-
toi dans le creux du rocher, à l'abri des tempêtes du
monde ; entre dans ton Dieu ... » Et un autre : « L'âme
qui veut monter jusqu'à son Bien-Aimé lorsque les
oiseaux de proie fondent sur elle, doit prendre la
fuite comme une timide colombe, et se réfugier dans
88 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

les trous de la pierre, c'est-à-dire dans les plaies de


Jésus-Christ , et surtout dans la caverne profonde, in
caverna maceriæ, à savoir dans la plaie du côté de
Jésus, et de son Cœur. »
Ce n'est donc pas seulement dans la plaie du côté
de Jésus qu'il faut demeurer. La lance qui frappa le
côté droit du Sauveur pénétra jusqu'à la gauche et
perça son Cœur. Depuis il est resté ouvert comme
une retraite où nous pouvons nous réfugier.
Marie, pour nous y inviter, se retira tout au fond
de la grotte. Bernadette la perdit de vue ; mais, s'avan-
çant sur ses genoux sous la voûte, elle l'aperçut de
nouveau par l'ouverture inférieure. On sait en effet
que la grotte de l'Apparition est à gauche du rocher,
mais qu'une seconde ouverture, une sorte de canal
allant de droite à gauche, permet de voir le fond de
la cavité, et dans sa partie inférieure elle aboutit
au-dessus de la source. Quelle figure expressive de
la plaie du côté du Sauveur ! La lance frappa de bas
en haut et de droite à gauche, et, selon les Prophéties,
c'est à droite que coulèrent le sang et l'eau . Vidi
aquam egredientem de templo a latere dextro.
C'est ce qui explique que la blessure du Sacré-
Cœur a été ignorée en quelque sorte des anciens
Pères. Ils parlent de l'ouverture du côté ; ils voient
l'Eglise en sortir comme Eve du côté d'Adam ; ils
disent que la lance nous a ouvert l'entrée du Saint
des Saints ; ils invitent l'âme à y chercher toutes les
richesses, toutes les délices et un repos assuré. Mais
ce n'est que depuis le xre siècle que les Saints com-
mencent à invoquer le Cœur Sacré, et saint Jean
vient révéler à Gertrude que Dieu avait réservé cette
POURQUOI DANS UNE GROTTE DE ROCHER ? 89

dévotion pour ranimer l'amour glacé des temps


modernes. La Bienheureuse Marguerite - Marie , au
XVIIe siècle , reçut la mission de la répandre dans
toute l'Eglise . Mais au XIXe siècle c'est la Mère de
Dieu elle-même qui vient nous la prêcher en nous
montrant à Lourdes que c'est dans ce Cœur adorable
qu'elle fait sa demeure et qu'elle nous appelle. « Quand
vous voudrez me trouver, disait saint Elzéar d'Arian ,
cherchez-moi dans le Cœur de Jésus. » Marie y est
encore bien davantage et nous excite à l'imiter.
L'Eglise a entendu sa voix . Aussi quel développe-
ment a pris depuis 1858 la dévotion au Sacré-Cœur !
Montmartre et toutes ses merveilles sont le fruit des
Apparitions de Massabielle. La source de la grotte
signifie certainement les grâces qui se répandent du
Sacré-Cœur. Mais c'est Marie qui l'a fait couler. Et
elle est intarissable parce que le Cœur immaculé et
tout maternel de Marie obtient tout de la miséricorde
du Cœur de son Fils .

O bonne Mère, donnez-nous entrée près de vous


dans la caverne du rocher, dans le Coeur Sacré de
Jésus. Mais afin qu'il nous reçoive volontiers, rendez-
nous purs comme vous-même, ô blanche Colombe,
ô douce Vierge, ô Marie Immaculée !

Pratique. Récitez le très saint Rosaire en contem-


plant dans chaque mystère Marie unie au Cœur de son
Fils . Offrez-le pour la sainte Eglise et la France, qui
n'ont d'espoir que dans le Sacré-Cœur.
,ཝི ༈༙ ཨི ཎྞ

CHAPITRE DIXIÈME

Pourquoi la Sainte Vierge


avait-elle des roses sur les pieds ?

UR chacun des pieds de la Vierge brillait


une rose qui avait la couleur de l'or .
Que signifiaient ces roses ?
C'est d'abord un symbole d'espérance.
Dans le sacré Cantique nous lisons en effet : « L'hiver
est enfin passé, les pluies ont cessé, les fleurs ont
paru sur notre terre ¹ . » L'éclosion des fleurs annonce
que les frimas ont pris fin , que la nature commence
à revivre. Notre-Seigneur lui-même a employé cette
figure. « Quand vous voyez le figuier se couvrir de
bourgeons, disait-il à ses disciples , vous savez que le
printemps n'est pas loin. Et vous aussi , ajoutait- il ,
sachez que votre délivrance approche . » Marie veut
nous donner la même consolante assurance . L'hiver,
les tempêtes, ce sont les malheurs dont l'Eglise gémit
depuis si longtemps . Eh bien, prenez courage, voici
déjà que quelques fleurs paraissent sur notre terre :
l'hiver est passé, le printemps commence, l'été n'est
1 Jam hiems transiit, imber abiit et recessit, flores apparuerunt
in terra nostra. (Cant., 11, 11.)
POURQUOI DES ROSES ? 91

pas loin . Réjouissez - vous , car votre délivrance


approche !
Mais c'est à juste titre que ces fleurs reposent sur
les pieds de la Vierge, car ce sont eux qui nous
apportent le salut. Ce sont ces pieds dont Dieu avait
annoncé la victoire sur le serpent à qui ils devaient
broyer la tête. Or c'est par l'Immaculée Conception
que l'oracle s'est accompli , et la définition solennelle
de ce dogme béni a été la glorification solennelle des
pieds sacrés de Marie. Il est donc juste qu'ils soient
ornés de fleurs , comme les victorieux au jour où on
- leur décerne les honneurs du triomphe. Jamais en
effet on n'avait encore vu ainsi couronnés les pieds
de Márie. En 1830 elle apparut foulant le serpent
de son pied nu : c'est Marie combattant l'enfer. En
1858 on ne voit plus le dragon, et les pieds vain-
queurs sont glorifiés : c'est Marie dans l'éclat de son
triomphe. Mais cette différence exprime aussi une
réalité . La proclamation du dogme a été une nouvelle
et immense défaite de Satan . En 1830 Marie lutte
pour nous. Satan est sous ses pieds, mais il se tord'
sous son talon, il cherche à nous mordre encore ;
en 1858 il a disparu , il est en fuite . N'y a-t-il pas là
le symbole d'une victoire éclatante pour l'Eglise ?
Oui, n'en doutons pas nous verrons bientôt un
triomphe immense de Marie, un écrasement total de
l'enfer. 1
Mais pourquoi la victoire de l'Immaculée Conception
est-elle attribuée aux pieds de Marie plutôt qu'à ses
mains ? Pourquoi n'a-t-elle pas plutôt un glaive , la
Vierge terrible au démon comme une armée rangée
en bataille ? Parce que sa victoire a consisté dans sa
1266
92 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

pureté parfaite. Elle a marché sur une terre coupable


et souillée sans en contracter aucune tache . Les Anges
aussi sont purs , mais ils n'ont pas vécu dans la chair.
Marie au contraire est d'une race pécheresse et n'a
jamais péché voilà sa gloire . Et cela par son mer-
veilleux privilège . « Dieu m'a préparé une voie
immaculée ! » s'écrie-t-elle. Mais comme elle y a
correspondu ! Avec quelle ardeur « elle s'est élancée
dans la voie des volontés de Dieu 2 ! » Comme « elle
3
a haï toute voie d'iniquité ! » Aussi elle peut
chanter avec une joie pleine d'une humble recon-
naissance : « J'ai gardé mes pieds de toute voie
mauvaise . » Non seulement elle n'a contracté ni
la tache originelle, ni aucune faute mortelle, ' mais
encore aucune de ces légères imperfections que ne
peuvent éviter les Saints, et que Jésus comparait à
la poussière du chemin quand, lavant les pieds de
ses Apôtres à la Cène, il disait que ceux mêmes qui
sont purs doivent encore se purifier les pieds.
Marie donc étant toute pure, jusqu'aux pieds que
les autres ne peuvent préserver, Satan n'avait aucun
droit sur elle c'est pourquoi il fut absolument vaincu
par ce pied virginal et immaculé. Et pour bien mar-
quer sa défaite, Dieu voulut qu'il en fût écrasé. Dans
l'ancienne loi Moïse promettait aux Israélites , s'ils
étaient fidèles, qu'ils vaincraient tous leurs ennemis
et poseraient le pied sur le cou de leurs rois. C'était
la marque du plus grand esclavage, l'humiliation la

1 Posuit immaculatam viam meam ! (Ps. XVII, 33.)


2 Viam mandatorum tuorum cucurri. (Ps . CXVIII, 32.)
3 Odivi omnem viam iniquitatis. (Ps. cxvIII, 104.)
4 Ab omni via mala prohibui pedes meos. (Ps. CXVIII , 101.)
POURQUOI DES ROSES ? 93

plus profonde, le plus entier abaissement. Car, ce


qu'il y a de plus humble dans l'homme, c'est le pied ;
ce qu'il y a de plus noble, c'est la tête. Si donc le
pied du vainqueur domine et foule la tête de son
adversaire, le triomphe de l'un est absolu et la défaite
de l'autre est complète . Telle sera la victoire défini-
tive du Christ assis sur le trône de Dieu et « faisant
de ses ennemis l'escabeau de ses pieds ¹ . » Elle est
aussi la victoire de Marie broyant la tête du serpent
infernal . Oh ! quelle victoire, quel bienfait pour nous !
Oh ! que ses pieds sauveurs méritent des fleurs et
des couronnes ! car ils ont brisé jadis la puissance
du dragon, et quand ils apparaissent de nouveau ,
c'est pour Satan l'annonce d'une nouvelle défaite .
Réjouissons - nous , voici sur la montagne les pieds
redoutables à l'enfer 2. Réjouis-toi, Juda, célèbre tes
fêtes , rends tes vœux au Seigneur . Bélial ne te fou-
lera plus aux pieds, il est anéanti ! Qu'ils sont beaux
sur la montagne les pieds de celle qui annonce et
apporte la paix, qui nous annonce le bonheur et
prêche le salut et dit à Sion : Votre Dieu va régner ³ !

Mais ces fleurs qui ornent les pieds de Marie sont


des roses, symbole de la charité. En effet, tous les pas
de Marie sur la terre ont été inspirés par l'amour.
Elle a aimé Dieu de tout son cœur, et pour son amour
elle a accompli toutes ses volontés . Aussi l'adorable
Trinité contemplait avec délices chacune de ses dé-

1 Donec ponam inimicos tuos scabellum pedum tuorum. (Ps. cix , 2.)
2 Ecce super montes pedes evangelizantis et annuntiantis pacem.
(Nahum, 1, 15.)
3 Is., LII, 7.
94 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

marches et les Anges s'écriaient dans leur admiration :


« Qu'ils sont beaux vos pas, ô fille du Prince ¹ ! »
Jésus disait à une sainte qui l'implorait pour une
âme « Je lui donnerai le mérite d'un de mes pas. >>
Les pas de Marie n'avaient-ils pas aussi un mérite
incomparable ? Car Dieu lui demanda des démarches
douloureuses. Elle peut dire aussi, elle : « Pour vous
obéir j'ai parcouru une route bien amère 2. » Qui
donc, sinon son amour, lui donna la force de rester
debout sur le Calvaire ? L'amour, l'amour tout seul .
Oh ! qu'il devait être fort pour la soutenir en ce
moment ! Aussi elle s'écrie dans le Cantique : « Sou-
tenez-moi avec des fleurs , car je languis d'amour ! »
Qu'il est bien juste qu'ils soient ornés de roses ,
symbole de l'amour, ces pieds généreux qui n'ont
pas fléchi pendant la Passion et les trois heures
d'agonie sur la Croix 3 ! Ah ! il est vrai qu'elle voyait
à ce moment les pieds de son divin Fils , eux aussi,
ornés de roses, c'est-à-dire des plaies vermeilles qui
les marquaient comme des fleurs sanglantes ; qu'ils
étaient beaux sur la montagne du Calvaire les pieds
de Celui qui apportait et annonçait la paix ! C'était
bien l'amour qui l'avait fait descendre du Ciel et
parcourir la terre en faisant des heureux ; c'est bien
l'amour qui l'avait conduit au Golgotha, et lui aussi
avait le droit de demander des roses et de dire à ses
bourreaux « Soutenez-moi avec des fleurs, car je

Quam pulchri sunt gressus tui, filia Principis ! (Cant. , vi , 1.)


2 Propter verba labiorum tuorum ego custodivi vias duras.
(Ps. XVI, 4.)
3 Dilatasti gressus meos subtus me, et non sunt infirmata vestigia
mea. (II Reg., XXII , 37.)
POURQUOI DES ROSES ? 95

meurs d'amour. » Et il était resté sur la croix sus-


pendu, soutenu par les roses de ses plaies . Et même
après sa mort, la lance du soldat, en ouvrant sa
poitrine et en dessinant sur son cœur la plus belle
des fleurs, montra bien que la rose est le symbole
de l'amour.
"
Mais il nous faut considérer surtout l'amour que la
venue de Marie nòus témoigne à nous. « Vous avez
visité la terre, et vous l'avez enivrée, vous avez múl-
tiplié vos largesses 1 », lui dit l'Ecriture. Comme
autrefois, après l'Annonciation , Marie se leva en hâte
et porta à Jean-Baptiste les trésors de la grâce , ainsi
vient-elle à Lourdes nous apporter les miséricordes du
Seigneur. « Si vous venez de la part de Dieu , appro-
chez » , lui dit Bernadette à la deuxième Apparition .
La Dame sourit, inclina gracieusement la tête et
s'avança sur le bord du rocher. Oui, semble- t- elle
nous dire, c'est bien de la part de Dieu que je viens
à vous. « C'est pour votre salut qu'il m'a envoyée
sur la terre 2. » Bénie soit Celle qui vient au nom du
Seigneur ! Non , jamais nous ne comprendrons assez
la grâce de cette visite ; jamais nous ne remercierons
assez Marie d'être venue et Dieu de l'avoir envoyée.
Elle vient rendre la santé aux malades, la joie aux
désolés , la confiance aux désespérés. Son cœur est si
bon ! Elle est si Mère ! Elle est la Mère de toutes
miséricordes qui jamais ne vit une souffrance sans y
compatir. Qu'elle mérite bien les noms si doux que
la voix des siècles lui a donnés : Consolatrice des

1 Visitasti terram et inebriasti eam multiplicasti locupletare


eam . (Ps. LXIV , 10. )
2 Pro salute enim vestra misit me Deus. (Gen. , xLv, 5.)
96 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

affligés, Santé des infirmes, Espérance des désespérés !


Voyez à Lourdes les multitudes qui l'entourent :
toutes les misères forment sa cour. Quel étrange
cortège ! Mais il plaît à Marie : elle voit en ceux qui
souffrent l'image de son Fils crucifié. Elle compatit
à leurs maux comme elle compatissait au Calvaire :
mais ici elle peut soulager. A combien elle a rendu la
santé et la joie de vivre ! Les ex-voto le disent . Mais à
tous, même s'ils ne sont pas guéris, elle donne la
paix de l'âme, la résignation , le courage de souffrir .
Le malade retourne à son lit de douleur, joyeux et
console. Ces moments passés près de la Reine des
martyrs que toutes les générations appellent Bienheu-
reuse, lui ont révélé le bonheur de la souffrance. Il a
entrevu les récompenses éternelles qui lui sont réser-
vées. Dès lors il est heureux de souffrir. « Si grand
est le bien que j'attends et que mes souffrances
obtiennent , se dit-il , que toute peine m'est délices .
Non, il n'y a pas de proportion entre les souffrances
d'ici-bas et le poids de gloire qu'elles espèrent là-
haut. Bienheureuses douleurs qui me vaudront une
félicité éternelle ! Souffrir passe, avoir souffert ne
passera jamais . >>
Or, n'est-ce pas là un bienfait immense, beaucoup
plus grand que la guérison corporelle ? N'est-ce pas
bannir la souffrance de ce monde que de la rendre
aimable ? Car « quand on aime vraiment, on ne
souffre pas, ou bien l'on aime sa souffrance ¹ . » Or,
c'est ce que fait Notre-Dame de Lourdes. S'il est im-
possible de compter les malades qu'elle a guéris, mille

1 Ubi amatur non laboratur, aut si laboratur labor amatur.


46
POURQUOI DES ROSES ? 97

fois plus l'est-il de connaître ceux qu'elle a consolés .


Oui, pour tous ceux qui la prient, Marie enlève la
douleur, autant qu'elle peut être enlevée d'un monde
coupable ; c'est-à-dire qu'elle enseigne à tous - qu'ils
viennent ou non à sa grotte, car partout ses leçons et
ses grâces vont nous chercher - — elle enseigne, dis-je,
que la douleur bien supportée expie le péché et ouvre
le Ciel, et qu'il est bon et avantageux de souffrir un peu
de temps sur la terre pour être heureux éternellement.
C'est ce que Marie nous enseigne encore en se
montrant à nous « comme un beau lis entre les
épines 1 » ces pieds nus, en effet, foulaient des
branches d'églantier. Elle nous rappelait ainsi que
Dieu annonça à l'homme pécheur que la terre ne
porterait pour lui que des épines . En effet, le chemin
de la vie est rude et plein d'obstacles qui déchirent
nos pieds. Mais , consolons-nous l'épine produit la
rose. C'est-à-dire que nos peines d'ici-bas se transfor-
meront en gloire quand la saison sera venue. Mais,
voyez la différence : l'épine est sur la terre et la rose
au Ciel ; l'épine est passagère et la fleur éternelle.
C'est pour nous le faire sentir davantage que l'églan-
tier qui a porté Marie est mort ; mais les roses étaient
attachées à ses pieds, elle les a emportées au Ciel.
Jésus aussi a toujours au Paradis le stigmate , les
roses de ses plaies ; mais la douleur a passé : elle s'est
changée en gloire, et c'est bien en contemplant ses
pieds et ses mains percés de clous que nous compre-
nons que les épines produisent les roses 2. Mais
l'épine est tombée et la rose est éternelle.
1 Sicut lilium intes spinas. (Cant . , 11, 2. )
2 Christi rubescens sanguine, aculeos mutat rosis !
LOURDES
98 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

En nous montrant les roses de ses pieds , Marie


veut encore nous inviter à la suivre . Elle semble
nous dire « Je vous indique la voie la plus excel-
lente ¹ . » Cette voie, la meilleure, c'est la charité. La
foi est une voie très bonne, la pénitence aussi , l'espé-
rance également . Tout acte fait pour le motif de ces
vertus a une grande valeur devant Dieu . Mais l'a-
mour est encore plus parfait. Les autres motifs ont
un côté personnel : l'amour véritable agit pour Dieu
seul, et c'est la perfection . Agissez donc par pur
amour. Mais Dieu veut bien accepter comme fait pour
lui ce que nous faisons pour nos frères et transporter
sur eux les droits qu'il a à notre amour. Agissez donc
par amour pour vos frères et vos œuvres seront par-
faites. Celui qui a la charité accomplit la loi tout
entière. Aimez-vous les uns les autres, c'est le pré-
cepte du Seigneur et il suffit.
Or, à Lourdes, on le comprend et on le pratique .
Autour de cette foule de malades, nous voyons une
multitude d'infirmiers . Qui les inspire dans leur rude
tâche, sinon la charité, sinon l'exemple de Jésus et de
sa Mère ? Eh bien, leurs pas sèment des roses sur
leurs pieds au Ciel nous les verrons écloses . Quand
saint Etienne, roi de Hongrie, allait, la nuit, pieds
nus, sur la neige porter secours aux malheureux , la
trace de ses pas conservait une douce chaleur qui
répandait dans le cœur de son serviteur, lorsqu'après
lui il y posait ses pieds, un délicieux bien-être. Ainsi
Jésus et Marie ont les premiers suivi ce sentier de la
charité, et ceux qui suivent leurs traces goûtent à les

1 Excellentiorem viam vobis demonstro. (I Cor. , XII, 31. )


POURQUOI DES ROSES ? 99

imiter une joie bien suave qui s'appelle l'amour de


ses frères. L'amour , ce sentiment le plus doux qu'un
cœur puisse savourer, on le trouve dans les œuvres
de la charité et du dévouement pour ses semblables.
Oh ! ces roses des pieds de Marie , quelle leçon elles
donnent à notre société si pleine d'égoïsme où les
hommes sont si divisés, où tant de jouissances cou-
doient tant de misères ! O hommes , aimez-vous les
uns les autres, aidez-vous , secourez-vous ; n'êtes-vous
pas tous frères ? Que celui qui a deux vêtements par-
tage avec celui qui n'en a point, et que celui qui a du
pain en abondance fasse de même il est si doux de
donner !
Mais, pour apprendre la charité, allons à Marie.
Jésus a dit : « Je suis la voie ¹ . » Mais Marie ajoute :
<< En moi se trouve la grâce de toute voie salutaire 2. »
Car Jésus veut que nous n'allions à Lui que par sa
Mère, comme lui-même, pour descendre vers nous,
n'a pas pris un autre chemin . « Ecoutez-moi donc ,
mes enfants, nous dit Marie en nous montrant les
roses de ses pieds : Bienheureux ceux qui gardent
mes voies ³ . C'est moi qui vous instruirai dans la voie
où vous devez marcher 4. >>
Voilà la plus importante des leçons que nous
donnent les roses de Massabielle : c'est de suivre
Marie. Qu'elle soit elle-même notre chemin pour aller
à Jésus ! Et ici notre Mère semble vouloir sanctionner
la doctrine si belle de son cher et dévoué serviteur

1 Ego sum via. (Joan . , xiv, 25.)


2 In me gratia omnis viæ. (Eccli. , xxiv, 25.)
3 Beati qui custodiunt vias meas ! (Prov., VIII, 32.)
Instruam te in via hac qua gradieris. (Ps . xxxi, 8.)
100 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

le B. Grignon de Montfort. Dans son Traité de la


vraie dévotion à la Sainte Vierge, dont nous parle-
rons amplement plus loin , il enseigne à n'aller à
Jésus que par Marie, et il dit de ce chemin virginal
et si plein de douceur qu'il est vraiment un chemin de
roses. Et ce Bienheureux s'écrie que quand on lui en
offrirait un autre pavé de tous les mérites des Saints,
orné de toutes leurs vertus, éclairé de toutes les lu-
mières des Anges, il lui préférerait toujours la voie de
l'Immaculée Marie : Posui Immaculatam viam meam.
En effet, une dévotion tendre et totale à la Sainte
Vierge est un chemin aisé, court, parfait et assuré
pour arriver à l'union avec Notre-Seigneur. Aisé,
tant cette bonne Mère se rend présente à ses fidèles
serviteurs pour les éclairer dans leurs ténèbres , pour
les affermir dans leurs dangers et les soutenir dans
leurs combats ; ― court, parce qu'on ne s'y égare
pas, mais on y marche avec joie et promptitude : un
homme obéissant et soumis à la divine Marie chantera
des victoires signalées sur tous ses ennemis et il avan-
cera à pas de géant vers Jésus- Christ ; -- parfait, puis-
que c'est celui que Dieu a pris pour venir à nous ;
enfin assuré, car le propre de Marie est de nous con-
duire à Jésus, comme le propre de Jésus est de nous
conduire au Père éternel . Plus donc on regarde Marie
en ses oraisons, actions et souffrances, plus on trouve
Jésus. « Pensez à Marie, invoquez Marie, s'écrie saint
Bernard . En la suivant, vous ne vous égarerez pas ;
en la priant, vous ne désespérerez pas ; en la regar-
dant, vous ne vous tromperez pas. Si elle vous tient,
vous ne tomberez pas ; si elle vous protège, vous
n'aurez rien à craindre ; si elle vous guide, vous ne
POURQUOI DES ROSES ? 101

vous lasserez pas ; si elle vous est propice, vous arri-


verez au bienheureux terme. »
Que de choses nous enseignent donc les belles
fleurs de notre Mère ! Oh ! « qu'ils sont beaux vos
pieds avec des roses pour toute chaussure, ô fille du
Prince, ô fille de Dieu ! » Jésus avait envoyé ses
Apôtres sans souliers, et cependant saint Paul leur
recommande de se chausser pour se préparer à an-
noncer l'Evangile de paix 2. Vous accomplissez les deux
préceptes, ô Marie ! Car votre pied virginal n'a rien qui
le protège contre les épines, mais il est tout orné de
roses, symbole de l'amour qui vous entraîne à venir
nous apporter la bonne nouvelle du salut et de la paix .

Mais n'appellerons-nous pas la Vierge elle-même


une rose ? N'est-elle pas le plus bel ornement , la plus
gracieuse parure de notre terre, qu'elle embaume de
ses suaves parfums, qu'elle réjouit de sa ravissante
beauté, qu'elle assainit de ses émotions salutaires ?
N'est-elle pas la rose mystique ? Elle-même s'attribue
ce nom dans les saints Livres et se compare à la rose
de Jéricho. Il est donc juste qu'elle nous apparaisse
sur le buisson d'églantier. Elle ne dédaigne pas cet
arbuste sauvage, car elle dit encore : « Je suis la
fleur des champs » ; non pas la fleur des jardins et
des parcs des riches , mais la fleur champêtre qu'au-
cun mur ne défend , dont chacun peut approcher pour
jouir de ses charmes. Car elle désire tant qu'on vienne
à elle elle sollicite tant nos cœurs ! Aussi , à Massa-

1 Quam pulchri sunt gressus tui in calceamentis, filia Principis !


(Cant. , VII, 1.)
2 Calceati pedes in præparatione Evangelii pacis. (Ephes., vi , 15.)
102 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

bielle, elle vient tout près de nous. Les rameaux de


l'églantier qui la portaient descendaient jusqu'à terre,
et les spectateurs des Apparitions pouvaient les tou-
cher. Bernadette, dans ses extases, faisait un mouve-
ment de frayeur quand quelqu'un venait à les ébranler,
et elle disait naïvement ensuite qu'elle craignait qu'on
ne fit tomber la belle Dame.
Marie est donc bien la fleur que tous peuvent ap-
procher Ego sum flos campi. Elle ajoute : Et lilium
convallium : « Je suis le lis des vallées . » C'est la même
figure. Ce qui est sur les montagnes, sur les sommets
escarpés , est difficile à atteindre ; mais la vallée, c'est
le séjour de ceux qui ne peuvent monter, des faibles
et des débiles . C'est pourquoi la terre est appelée une
vallée ; hélas ! vallée de larmes, comparée au Ciel,
aux saintes montagnes éternelles ; mais c'est dans
cette vallée que Marie est venue. Si elle restait au
Ciel , nous ne pourrions pas l'atteindre ; mais sur cette
terre, dans notre vallée d'exil , elle est à notre portée.
Aussi, elle apparaît non pas sur les cimes des Pyré-
nées, mais à Lourdes , dans une vallée. Elle est bien
le lis de la vallée : lilium convallium . Elle est une
rose par son amour, mais un lis par sa pureté. Comme
on le comprend, ce beau nom, en contemplant sa gra-
cieuse image, toute blanche d'innocence, élevant vers
le Ciel comme une corolle son front immaculé !
Mais si elle est un lis, pourquoi vient-elle sur un
églantier ! Elle accomplit une parole des saints Livres :
« Comme le lis entre les épines , ainsi est ma bien-
aimée entre les filles d'Adam 1. » Les épines ici
1 Sicut lilium inter spinas, sic amica mea inter filias Adam.
Cant. , II, 2.)
POURQUOI DES ROSES ? 103

représentent la triste postérité d'Adam coupable. Seule,


Marie est toute pure , et elle s'élève au milieu de sa
race comme une belle tige fleurie au milieu de vul-
gaires broussailles. Mais, ô merveille ! la rose est unie
au lis . Car il était écrit : « De la racine de Jessé une
tige s'élèvera, et une fleur naîtra de son pied ¹ . » Cette
tige, enseignent les Pères, c'est Marie, et la fleur c'est
Jésus. Voici, en effet, que notre lis de Massabielle a
des roses sur ses pieds. Certes , Jésus est bien une
rose charmante. « Mon bien-aimé est blanc et rose »> ,
nous dit Marie avec le sacré Cantique. Son ravissant
visage d'enfant est vermeil comme un bouton qui
commence à s'épanouir. C'est lui le plus beau des
enfants des hommes, choisi et aimable entre mille ,
qui, comme sa Mère et encore plus qu'elle , est la
fleur ravissante de l'humanité, le plus parfait exem-
plaire de cette nature humaine faite à l'image de
Dieu, et si belle avant le péché. Mais la terre , cor-
rompue, ne pouvait pas elle-même porter ce fruit
divin ; il lui fallait une racine toute pure, et c'est
pour cela que notre rose naît du lis. Oui, Jésus est
bien la fleur de Marie : « Jésus , fleur d'une Vierge-
Mère 2 », chante l'Eglise. Il est bien aussi son fruit ;
mais elle nous dit elle-même : « Mes fleurs sont des
fruits 3 » , car elle est Mère et Vierge.
Cependant, chose surprenante ! les roses des pieds
de la Vierge étaient d'or. Ce n'est pas leur couleur
ordinaire, et nous nous représentons l'Enfant Jésus

1 Egredietur virga de radice Jesse et flos de radice ejus ascendet.


(Is. , XI, 1. )
2 Jesu, flos Matris Virginis. (Hymne du S. Nom de Jésus .)
3 Flores mei fructus. (Eccli ., xxiv, 23.)
104 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

avec la fraîcheur des fleurs du printemps et non avec


l'éclat de l'or. Mais il nous répond avec le Cantique :
« Ne vous étonnez pas si je suis bruni : le soleil m'a
décoloré » , le soleil de l'éternité, l'éclat de la divinité.
Ce sont des roses nées sur la terre, mais devenues
célestes ; la gloire les a transformées. Jésus ressuscité
n'est plus le Jésus de la crèche. Enfant, son visage
était blanc et rouge ; au ciel «< il resplendit comme
le soleil ¹. >>
Mais demandons-nous encore pourquoi la Vierge
avait deux roses, si la rose représente son Fils .
L'Ecriture nous répond : « Un homme et un autre
homme sont nés d'elle 2 » : le premier c'est Jésus ; le
second c'est le pécheur dont au Calvaire Marie est
devenue la Mère. Si l'homme est le frère de Jésus, il
faut qu'il soit né de sa Mère : c'est une seconde rose
qui sort du pied virginal. Et pourquoi l'homme ne
serait-il pas une rose si Jésus en est une, car il nous
est en tout semblable ? Jésus dit : « Je suis la fleur
des champs . » Et David dit de l'homme : « L'homme
fleurira comme la fleur des champs . » Un enfant
n'est-il pas un gracieux bouton de rose comme Jésus
lui-même ? ou plutôt Jésus l'est comme nous, car
c'est lui qui a pris notre nature, qui s'est fait notre
frère « Il nous est apparu dans la substance de
notre chair et nous le voyons semblable à nous » , dit
l'Eglise dans l'oraison de l'Epiphanie. Mais c'est pour
nous rendre semblables à lui-même dans la gloire.
« Il transformera notre corps misérable, le rendant
1 Resplenduit facies ejus sicut sol. (Matth. , XVII, 2.) - 2 Homo et
homo natus est in ea. 3 Ego flos campi. -4 Homo tamquam flos
agri sic efflorebit. (Ps. cII , 15.)
POURQUOI DES ROSES ? 105

conforme à son corps glorieux » , ajoute la liturgie au


jour de la Transfiguration . Et c'est pourquoi la seconde
rose de Marie est d'or comme la première. Car les
roses, on le sait, sont éphémères, et c'est un motif de
plus de comparer l'homme à une fleur qui s'épanouit
le matin et se flétrit le soir. Mais au Ciel les élus
jouissent d'une jeunesse éternelle , d'une vie sans
déclin : la rose fragile prend l'éclat et la solidité de
l'or. Et ainsi avec Jésus et comme lui nous serons au
Ciel des roses d'or et nous couronnerons Marie. Car
il sera vrai éternellement qu'elle est la Mère de tous
ceux qui monteront de la terre au Ciel , de Jésus et
de tous ses frères. Toutes ces roses naîtront du lis,
c'est-à-dire de l'Immaculée Conception , fondement de
l'Incarnation et de tout l'ordre de la grâce . Elles
resteront sur ses pieds pour montrer qu'elles sont
nées sur la terre que foulent les pieds, et dont Marie
est sortie elle-même . Le lis est né de la racine d'Adam,
l'homme fait de terre, et de son pied une fleur s'est
élevée.
Mais quoi l'Immaculée Conception n'aura - t - elle
pas une couronne sur la tête ? Si : l'Ecriture le dit
expressément, mais une couronne d'étoiles et non de
roses. Ce sont les Anges. Ils ne viennent pas de la
terre , ils ne naissent pas de la tige du lis : Marie
n'est pas leur Mère ; ils ne la touchent pas comme
nous . Mais cependant ils la couronnent ; ils forment
à son front une glorieuse auréole, car eux aussi ils
doivent leur éternel bonheur à l'Immaculée Concep-
tion. Ils l'ont connue quand elle n'existait encore que
dans la pensée divine, et leur épreuve a été d'adorer
son Fils et de la reconnaître pour leur Reine . Et leur
106 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

obéissance n'est due qu'à la grâce et aux mérites


prévus du Christ et à l'intercession de sa Mère. Tout
done au Ciel exalte et glorifie l'Immaculée Conception :
les roses ses pieds, sa vie humaine , sa qualité de
notre Sœur et de notre Mère ; les étoiles son front, sa
vie dans le Verbe, et les divines prédilections qui
l'ont choisie éternellement pour être la Souveraine
des Anges et des hommes et la Mère du Verbe . Voilà
la femme que vit saint Jean la lune, c'est-à- dire
l'Eglise, est sous ses pieds, sa tête atteint les cieux , et
son vêtement c'est Dieu lui-même . Telle nous la
verrons au Paradis. Mais à Lourdes, comme ce ne
sont pas les Anges qu'elle vient enseigner mais les
hommes , elle nous montre seulement les roses de ses
pieds. Méritons d'être une de ces roses : approchons-
nous de Marie, tenons-nous à ses pieds, baisons-les,
attachons-nous à elle par un amour que rien ne
puisse briser. Elle nous emportera au Ciel .

Tirez-nous donc après vous, ô Vierge immaculée :


nous courrons à l'odeur des roses de vos pieds . Nous
courrons dans les voies de la charité, dans l'imitation
de vos vertus, sur les traces de Jésus à qui vous nous
conduisez. Menez-nous par vos sentiers au but auquel
nous tendons, à l'éternel séjour où vous habitez !

Pratique. Récitez dévotement le saint Rosaire en


contemplant dans chaque mystère le Coeur immaculé de
Marie et la charité dont il brûlait pour Dieu et pour les
hommes . Offrez-le à toutes les intentions de Notre- Dame
de Lourdes.
CHAPITRE ONZIÈME

Pourquoi la Sainte Vierge avait- elle


un vêtement blanc ?

www

A Vierge était vêtue de blanc . Ses vête-


ments , d'une étoffe inconnue à la terre ,
étaient plus éclatants que la neige, et leur
simplicité relevait encore leur magnifi-
cence. » (H. LASSERRE . )
C'était le symbole de la pureté parfaite de l'Imma-
culée Conception . Vestimentum tuum candidum quasi
nix, lui dit l'Eglise ; et avec l'Epoux elle ajoute
<< Vous êtes toute belle, ô ma bien-aimée, et il n'y a
pas de souillure en vous , ô mon amie, ô ma parfaite,
Ômon Immaculée ! » Elle-même chante avec trans-
port : « Je me réjouirai dans le Seigneur, et mon
âme exulte en Dieu mon Sauveur, parce qu'il m'a
revêtue des vêtements du salut et de la justice . » Elle
nous apparaît comme le reflet de la splendeur de
Dieu, et le miroir sans tache de sa Majesté.
Voilà pour Marie la grâce des grâces, le fondement
de toutes ses grandeurs , le principe de sa gloire, la
condition de sa divine Maternité , la cause de sa
souveraine victoire sur Satan et de son immense
108 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

allégresse. Plus que toutes ses félicités , ce qui la


ravit, ce qui la comble de joie c'est le privilège qui
l'en a rendue digne : c'est de n'avoir jamais déplu
à Dieu, jamais offensé son regard , jamais été séparée
de son Cœur . Dieu est la pureté infinie, la sainteté
même ; il est l'éblouissante candeur. Le moindre
défaut, la plus petite tache blesse son regard ; il ne
peut habiter un corps soumis au péché, ni une âme
impure. C'est pourquoi, voulant se faire homme , il
s'est préparé une Mère digne de lui, et il l'a faite
immaculée. Car comment eût-il voulu naître d'une
mère pécheresse ? Comment eût-il emprunté sa chair
adorable à une chair coupable, et le sang, rachat du
monde et rançon de nos crimes, à une source impure
et souillée ? Son amour d'ailleurs pour sa Mère l'obli-
geait à la préserver. Les hommes cherchent à donner
à leurs ancêtres toutes les grandeurs, mais pour eux
c'est mensonge et vanité. Dieu , au contraire, crée
lui-même celle qui lui donnera la vie : comment ne
l'aurait-il pas faite digne de sa destinée ? Il l'a fait
naître du sang des rois ; mais la grandeur la plus
vraie aux yeux de l'infinie Sainteté, c'est l'innocence.
Le seul mal, c'est le péché ; la seule véritable beauté,
c'est une âme sans souillure.
Marie est donc Immaculée. La loi du péché ne
s'applique pas à elle . « Pour tous, mais non pour
vous, ô Marie, cette loi est faite 1 ! » Comment en
a-t-elle été exemptée ? Ah ! c'est que Marie était conçue
dans les desseins de Dieu avant Adam et avant le
péché. « Les abîmes du péché n'étaient pas encore ,
1 Non enim pro te sed pro omnibus hæc lex constituta est.
(Esther, xv, 13.)
POURQUOI UN VETEMENT BLANC ? 109

et déjà j'étais conçue » , nous dit-elle. Car Dieu a tout


fait pour Jésus et pour sa Mère, le Roi et la Reine
de l'Univers . Le Christ, le Fils de Dieu , est le Pre-
mier-né des créatures, le premier dans le plan divin .
Mais sa Mère l'accompagne dans sa prédestination
éternelle . L'un et l'autre sont donc voulus avant
toute autre créature, avant toute possibilité de chute .
Voilà le vrai Adam et la vraie Eve, dont les autres ,
<< l'homme fait de terre » et la « Mère de tous les
vivants »> , n'étaient que les figures. Que si , dans
l'ordre des temps, ils sont venus plus tard , c'était
afin de naître de la famille humaine, pour que tous
fussent frères et sœurs de Jésus. Dieu laissa à Adam
et Eve le soin de la génération temporelle , pour
donner à Jésus et Marie la postérité spirituelle. Jésus
et Marie sont le Père et la Mère de tous les élus.
Pourtant Marie est née de la race d'Adam. Comment
donc la souillure originelle l'épargnera-t-elle ? Com-
ment sa Conception sera-t-elle préservée du fleuve de
corruption qui coule dans les générations humaines ?
Jésus lui fait un rempart de son sang non encore
versé. Il la rachète par avance, non d'une rédemption
qui efface le péché, mais d'une rédemption plus noble
qui l'en préserve . Grâce absolument unique : toute
créature humaine, sauf Marie, a subi le joug du
péché, a été souillée, odieuse au Seigneur ; Marie
seule est toute belle. Grâce entièrement gratuite ,
qu'aucun mérite, aucune vertu n'avait pu obtenir,
puisqu'elle précède tout, et est reçue dès le premier
moment de l'existence. Grâce fondement de toutes ses
grâces, car elle les a méritées par sa pureté parfaite.
Eh bien, en nous apparaissant dans sa blancheur
LOURDES
110 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

immaculée, que veut Marie , sinon nous dire de nous


purifier ? Hélas ! quel contraste entre son innocence
et nos péchés ! Devant sa blanche image, devant cette
grotte où elle s'est montrée , que de pécheurs ont
senti le besoin de la pénitence ! Oui, bien des âmes
coupables se sont senties terrassées par une honte
salutaire. En présence de la Sainte Vierge elles n'ont
pas pu rester souillées ; elles ont couru faire l'aveu
de leurs misères . L'Immaculée Conception les avait
converties et sauvées.
Oui, pensons-y : si nous voulons au Ciel voir notre
Mère, il faut lui ressembler. Elle est l'image de cette
Jérusalem céleste dont saint Paul nous dit que Jésus
a versé son sang pour la purifier, afin de se donner
en elle une épouse sans ride et sans tache , sans
aucune souillure. Chacune des âmes qui verra Dieu
éternellement sera aussi une épouse toute radieuse et
toute belle. Hélas ! et nous avons péché ! Mais Jésus
nous offre le bain de son sang. Là notre âme a été
plongée au saint baptême ; elle s'y baigne encore par
les sacrements. Et à ce divin contact toute souillure
s'efface. « Quand vous seriez rouge comme l'écarlate,
nous dit-il, je vous ferai blanc comme la neige , et
si vous êtes comme le vermillon vous deviendrez
comme une blanche laine ¹ . » Bienheureux ceux qui
se lavent ainsi dans le sang de l'Agneau ! Bienheu-
reux ceux qui ont gardé le blanc vêtement de leur
baptême ou l'ont purifié dans la pénitence. « Celui
qui vaincra , dit Jésus, je le revêtirai d'une blanche
robe et jamais son nom ne sera effacé du livre de

1 Is. , I, 18.
POURQUOI UN VETEMENT BLANC ? 111

vie je confesserai son nom devant mon Père et


devant les Anges ; c'est-à-dire je le reconnaîtrai pour
l'un des miens. Il se tiendra devant le trône de Dieu,
le servant nuit et jour ! »
Etre pur tout est là . Car rien de souillé ne peut
entrer au Ciel. « Dehors les chiens, les empoison-
neurs, les impudiques, les homicides, les adorateurs
d'idoles, dehors tous ceux qui aiment ou font le
mensonge ! » Aucun pécheur ne subsistera devant
le Seigneur. On dit bien que les Cieux ne sont pas
purs à ses yeux et qu'il a trouvé des taches dans ses
Anges mais ces anges-là sont devenus à l'instant
des démons, et il les a chassés des Cieux que leur
présence souillait. Devant Dieu , pureté infinie , il ne
peut subsister que la pureté parfaite . Oui , il faut que
nous devenions purs comme Marie. Il y a des degrés
dans la gloire, dans la sainteté. Mais la pureté n'en
a point au Ciel : elle est totale . Soyez plus ou moins
saints , montez plus ou moins haut : mais la moindre
tache ne peut pas trouver place même dans le dernier
des Saints .
Ah ! quelle leçon de détachement cela nous donne. !
Qu'il faut peu de chose pour nous salir ! Tout amour
désordonné, toute affection terrestre, toute créature
aimée pour elle-même nous souille. C'est une poix
qui s'attache à notre âme, et celui qui la touche, dit
l'Ecriture, en est maculé ³ . Dieu est jaloux , il veut
seul posséder notre cœur. L'âme qui oublie son
Créateur pour aimer la créature , devient laide,
obscure, pleine de taches . Le Prophète trace l'histoire
Qui vicerit, sic vestietur vestimentis albis . (Apoc., 1 , 5.)
2 Apoc., XXII, 13. -3 Eccli ., XIH, 1.
112 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

lamentable d'une âme qui s'est ainsi souillée . «< Ses


cheveux, dit-il, étaient plus blancs que la neige, plus
resplendissants que le lait, plus dorés que l'ivoire
antique, plus beaux que le saphir ; et maintenant son
visage est devenu plus noir que le charbon et on ne
la reconnaît plus sur les places publiques 1. » Voilà
le ravage que font dans l'âme les passions .
Ah ! si nous voyions la laideur du péché, même
véniel, les taches qu'il imprime, la lèpre dont il
couvre notre âme, nous en aurions horreur. Pourtant
cette belle âme, faite à l'image de Dieu, reste, quant
à sa substance et à sa nature, aussi parfaite que quand
Dieu l'a créée . Mais ses inclinations désordonnées
l'enlaidissent, la souillent, et la rendent incapable de
parvenir à l'union parfaite avec Dieu. Et chaque
nouvelle passion, chaque nouveau péché ajoute à sa
laideur : il n'y a pas de bornes à la possibilité de se
dégrader. Ah ! quel spectacle étrange et lamentable
de voir chaque inclination mauvaise apposer à l'âme
l'empreinte de son cachet, y graver sa souillure et
sa laideur propres, chacune selon son espèce et son
degré d'intensité ! Mais que dire de l'âme qui tombe
dans le péché mortel ! C'est l'abomination de la
désolation dans le temple ; c'est Dieu chassé de son
sanctuaire ; c'est le démon y faisant ses volontés.
Purifiez-vous donc, nous dit la Vierge par sa blan-
cheur immaculée. Si l'amour des créatures souille ,
l'amour de Dieu sanctifie. Un acte de contrition par-
faite et l'âme est purifiée . « Lavez-vous, dit le Seigneur,
soyez purs, bannissez vos pensées mauvaises, cessez

1 Thren., iv, 7.
POURQUOI UN VÊTEMENT BLANC ? 113

de mal faire, apprenez à bien faire ¹ . » « Heureux


celui qui veille et qui conserve la blancheur de son
vêtement 2 ! » Il a la robe nuptiale, il sera admis aux
noces éternelles.

O Vierge Immaculée, vous êtes toute belle et en


vous il n'y a pas la moindre tache. Pour nous, hélas !
nous sommes pécheurs et souillés . Obtenez-nous de
laver notre âme dans le sang de l'Agneau divin , et
puis revêtez - nous de votre Conception Immaculée,
afin que nous soyons dignes d'être admis au festin
du Ciel.

Pratique. Dites un Rosaire en méditant sur la


pureté sans tache de Marie et la considérant dans tous
les mystères à travers le prisme de son Immaculée
Conception. Offrez-le pour la conversion des pécheurs.

Is., I , 16.- 2 Apoc., XVI, 15.

XXK
ASIASTASIASIASta

CHAPITRE DOUZIÈME

Pourquoi la Sainte Vierge


avait-elle une ceinture bleue ?

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NE ceinture bleue comme l'azur des cieux


pendait en deux longues bandes qui tou-
chaient presque le bas de sa robe. Un
voile blanc, fixé autour de la tête, enve-
loppait les épaules et tombait en arrière jusqu'aux
pieds . Elle n'avait ni bague, ni collier, ni diadème, ni
bijoux de femme . » ( H. LASSERRE. )
La ceinture est le symbole de la chasteté ; le bleu
indique la chasteté parfaite, c'est-à-dire la virginité.
Certes, il était bien convenable que la Vierge des
vierges portât l'emblème de son glorieux privilège .
Si l'Immaculée Conception est le fondement de la
Maternité divine, la Virginité en est la condition :
Marie la stipule expressément, et d'ailleurs elle était
nécessaire. Quel est donc le prix de cette Virginité
parfaite ? Quoi ! être la Mère de Dieu pour Marie ne
vient qu'au troisième rang ! Etre Immaculée et être
Vierge lui semblent préférables ! Ah ! elle comprend
que ce ne sont pas les dignités ni les honneurs qui
sont le trésor de l'âme. Et elle aimait mieux être
POURQUOI UNE CEINTURE BLEUE ? 115

sainte que d'ètre Reine, même du Ciel et de la terre ;


elle préférait plaire à Dieu que d'être sa Mère. Mais
précisément parce qu'elle cherchait à lui plaire, elle
lui plut tellement qu'il descendit en son sein et
parce qu'elle voulait rester vierge, elle put appeler
son Fils celui qui n'a que Dieu pour Père . Ces trois
ineffables grandeurs l'Immaculée Conception, la
Virginité sans tache et la Maternité divine sont les
trois trésors de Marie, une trinité de perfections qui
composent cette merveille unique que nous appelons
notre Mère .
Pourquoi le bleu signifie-t-il la virginité, tandis
que le blanc est le symbole de l'innocence ? Il y a ici
un grand mystère. La Trinité sainte est figurée par
trois couleurs : le blanc, le bleu et le rouge, - les
trois couleurs de la France. - Dans plusieurs révéla-
tions où Dieu donna à l'Ordre des Trinitaires leur
vêtement aux couleurs symboliques, ces trois cou-
leurs étaient ainsi attribuées le blanc au Père ,
source de toute lumière en qui nulle ombre ne peut
exister ; le rouge au Saint-Esprit qui est l'amour, le
feu dévorant ; et le bleu au Fils qui s'est fait homme
pour notre rançon. En son humanité sainte , il a été
meurtri, accablé de coups , sa chair est devenue livide,
il a connu la douleur. Le bleu est une couleur sombre
et qui serait triste si elle n'était si pure : c'est la cou-
leur de la pénitence, mais de la pénitence innocente.
Le violet est le symbole du pécheur repentant .
Or chacun prend les couleurs de celui qu'il aime.
La vierge, qui prend Jésus-Christ pour Epoux , se
pare du bleu comme de sa couleur la plus chère. Le
bleu rappelle l'azur du ciel. La vierge oublie la terre,
116 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

son regard pénètre dans les splendeurs célestes ;


parce qu'elle a renoncé à connaître les joies humaines,
elle s'enivre de la contemplation du Verbe. Comme le
Christ, elle renonce aux plaisirs qui lui sont proposés
sur la terre pour embrasser la croix . Aux yeux du
monde, son choix paraît triste et sévère ; cependant la
vierge est honorée, on sent le parfum de son inno-
cence et de sa simplicité. Mais c'est au Ciel surtout
qu'elle sera glorifiée . Au Ciel les vierges suivront
l'Agneau partout, jusque dans l'ineffable vision de sa
génération éternelle . Elles y verront de divins secrets
qui raviront leur âme d'une joie inexprimable ; elles les
traduiront en des chants d'amour que personne ne
pourra chanter avec elles . Marie dirigera ce chœur,
elle conduira au Roi ses suivantes ; elles seront les
plus proches du trône de l'Agneau , et Jésus sera leur
couronne, Jésus le Fils d'une Vierge. Il s'avance entre
les lis. Quelle joie, quel ravissement dans la patrie
céleste quand Jésus, entouré de ses épouses, passera
au milieu des élus pour les servir¹ ! Tous entendront
le cantique qu'elles lui chantent ; mais ces accents,
nul ne pourra les dire s'il ne fait partie lui-même du
choeur des Vierges.
Or Marie, par sa ceinture bleue, invite à la virgi-
nité. Ce n'est pas un commandement, c'est un conseil ,
et tous n'y sont pas appelés. Aussi , tandis que la
robe tout entière de Marie est blanche, le bleu n'est
qu'une petite partie de son vêtement, car Marie est la
figure de la Jérusalem céleste, où tous doivent être
purs et blancs, mais où un petit nombre seulement

1 Transiens ministrabit illis. (Luc. , XII, 37.)


POURQUOI UNE CEINTURE BLEUE ? 117

a le privilège de la virginité. Ces vierges entourent


Marie comme sa ceinture glorieuse. C'est elle qui leva☛
l'étendard de la virginité c'est pourquoi la symbo-
lique Apparition n'a rien de bleu jusqu'à la ceinture ;
car l'Ancien Testament n'a pas connu la gloire de la
virginité ; mais les deux longues bandes qui en des-
cendent jusqu'aux pieds représentent les vierges qui ,
depuis Marie et saint Jean, ont toujours fleuri dans
l'Eglise, et se succéderont jusqu'à la fin du monde .
Le voile, au contraire, représente le mariage.
Noces, en latin nuptiæ, vient de nubere, voiler. Or , le
mariage étant la loi commune de l'humanité depuis
son origine, le voile de Marie, ou de la sainte Eglise,
va de la tête jusqu'à terre. Pourtant on le voit peu , il
reste en arrière pour nous dire que le mariage n'est
que pour la vie de la terre. Au Ciel il n'y aura plus
d'époux , tous seront comme les Anges de Dieu . Mais,
ici-bas, que nous avons besoin de contempler le voile
de Marie ! Quelle leçon de modestie, si nécessaire à
notre siècle corrompu ! Ici il faut se taire, mais la vue
de Marie parle assez.
Marie n'a ni bagues, ni diamants, ni aucun orne-
ment pour plaire. Sa beauté n'a pas besoin d'être
rehaussée, encore moins d'être remplacée par un
éclat trompeur . C'est Dieu qui lui a donné sa splen-
deur, parce que toute sa grâce lui vient de sa vertu
et non d'un vain désir de paraître, et c'est pourquoi
le Seigneur lui confère tant de beauté que tous les
yeux sont ravis de son incomparable visage . « Il n'y
a pas sur la terre femme si belle ¹ . »
Non est talis mulier super terram in aspectu, in pulchritudine.
(Judith, xi, 19.)
118 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Oh ! malheureux ceux qui, pour une passion éphé-


mère, renoncent à contempler Marie pour l'éternité !
Ils se laissent séduire par de vulgaires beautés, parcé
qu'ils ne savent pas contempler les charmes ravis-
sants de la Vierge Immaculée . On raconte d'un pieux
personnage, fort dévot à Marie, qu'il laissa un jour sa
piété s'affaiblir : il omit ses hommages accoutumés à
la Reine du Ciel ; il en vint presque à l'oublier. La
Mère de Dieu en eut pitié : elle lui apparut sous la
forme d'une femme âgée et chargée de rides , et lui
dit « Voilà comment j'ai vieilli dans ton amour. >»
Ah ! que dans nos cœurs Marie soit toujours radieuse
de jeunesse et de beauté, comme elle l'est pour les
Anges, comme elle apparut à Bernadette ! Imitons
saint Anselme. Dans sa jeunesse, conversant avec les
compagnons de ses études qui tous se vantaient de
folles amours, il assura à son tour que celle qu'il
aimait était la plus belle de toutes et la plus char-
mante. C'était Marie qu'il voulait dire. Or il lui vint
ensuite un remords d'avoir parlé d'elle d'une façon si
profane. Mais, la nuit suivante, la Sainte Vierge lui
apparut et l'assura qu'au contraire ses paroles lui
avaient été agréables et qu'il était lui-même son bien-
aimé.
Oui, Marie est toute belle, et sans crainte nous pou-
vons l'admirer, car elle est notre Mère, et sa vue
n'inspire que la chasteté. Le Saint-Esprit, son divin
Epoux, est lui-même ravi de sa beauté : « Que vous
êtes belle, ô ma bien-aimée ! que vous êtes belle ! Vos
yeux sont comme ceux des colombes , vos joues res-
semblent à la grenade et vos lèvres à un ruban d'é-
carlate. Vous avez blessé mon cœur, ma sœur, mon
POURQUOI UNE CEINTURE BLEUE ? 119

épouse, vous avez blessé mon cœur par un seul de


vos regards , par un seul cheveu de votre cou ! »
Et en énumérant tous ces charmes, l'Esprit-Saint
ajoute qu'il tait ceux qui sont au dedans ; et il dit
encore que c'est dans son âme et dans son cœur im-
maculé qu'éclate sa beauté véritable 2. Le cœur de
Marie ! Oh ! qui sera digne de le contempler ? qui
aura le privilège d'y faire sa demeure ? Dieu a fait
un Paradis terrestre pour Adam ; il a fait un Ciel pour
les élus. Mais il s'est fait un Paradis et un Ciel pour
lui-même, et c'est le cœur de sa Mère. Voilà le vrai
Paradis de Dieu, dont le Paradis terrestre n'était que
la figure. Bien beau pourtant était le jardin de délices,
où fut placé Adam. L'air était délicieux , le jour
éclatant ; les gazons verts y reposaient doucement la
vue, les fleurs les plus variées y répandaient un
parfum suave, les arbres y présentaient leurs fruits
savoureux, une source abondante jaillissait de la
terre , et, se divisant en quatre branches, portait la
fraîcheur et la fécondité de toutes parts. Au milieu ,
l'arbre de vie donnait l'aliment d'immortalité, et
l'arbre de la science du bien et du mal fournissait à
l'homme le moyen facile de prouver à Dieu sa fidélité.
Mais le nouvel Adam a été formé de la terre vierge
d'un nouveau Paradis qui surpasse l'ancien , autant
que l'homme-Dieu surpasse l'homme terrestre. La
lumière qui l'éclaire, c'est le Verbe fait chair ; l'air
qu'on y respire, c'est sa douce humanité et sa con-
versation si pleine de charme ; les fleurs, ce sont les

1 Absque eo quod intrinsecus latet. (Cant. , IV, 1.)


2 Omnis gloria filiæ Regis ab intus. ( Ps. XLIV, 14.)
120 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

grâces ineffables dont Marie est ornée ; les fruits, ce


sont ses mérites incomparables. Le fleuve qui les fait
croître, c'est la sainte humilité, qui donne naissance
aux quatre vertus cardinales : la tempérance, la
justice, la force et la prudence, car toutes sont filles
de l'humilité. La verdure qu'entretient cette eau,
c'est la sainte espérance, l'abandon , la confiance en
Dieu d'un cœur qui ne voit que lui et appuie son
néant sur sa toute-puissance. L'arbre de vie , né de
cette terre, c'est le corps sacré du Sauveur, qui nourrit
les hommes du fruit eucharistique. Il y a aussi là un
arbre de la science du bien et du mal : c'est le libre
arbitre. Mais aucun serpent n'en approcha jamais :
aussi , il ne connaît le mal que pour le haïr et s'en
éloigner. Oh ! délicieux Paradis où Dieu habite ! Heu-
reux celui qui pourra y entrer par un grand et mer-
veilleux privilège ! Daigne le séraphin chargé de le
garder, le glorieux saint Joseph , nous y faire pénétrer !
Mais, qui en sera digne sur cette terre ? « O ma
sœur, mon épouse, vous êtes un jardin fermé, une
fontaine scellée » , lui dit le Seigneur. Vénérons,
aimons et taisons-nous : un jour nous la verrons.
Pour le moment, Marie veut nous apprendre à n'aimer
qu'Elle avec Jésus . Eux seuls méritent notre amour.
Malheur à ceux et à celles qui cherchent à leur ravir
les cœurs !
Notre-Dame de Lourdes veut encore donner l'exemple
de la modestie et de la simplicité. Elle vient con-
damner le luxe effréné de notre époque. Regardez la
Vierge de Massabielle : voilà les modes du Ciel, les
modes de notre Reine. Qu'elle est simple dans sa
beauté ! Qu'elle est ravissante dans sa simplicité ! Une
POURQUOI UNE CEINTURE BLEUE ? 121

ceinture bleue, un voile : voilà sa parure, et pour


tous bijoux , un chapelet et des roses sur ses pieds.
Maintenant, écoutez ce que dit le Prophète aux
femmes qui aiment à plaire : « Parce que les filles de
Sion ont marché la tête haute , le regard provoquant.
le maintien séducteur, voici que le Seigneur décou-
vrira leurs têtes . En ce jour-là, il leur òtera leurs
chaussures et leurs diadèmes , leurs colliers, leurs
bracelets et leurs bandeaux, leurs rubans , leurs
chaînettes, leurs ceintures, leurs cassettes et leurs pen-
dants d'oreilles, leurs bagues, leurs pierreries, leurs
robes et leurs écharpes, leurs diamants et leurs den-
telles, leurs miroirs et leur satin . Et leur parfum se
changera en puanteur, leurs ceintures d'or en corde ,
leurs cheveux frisés en une calvitie honteuse , et leurs
vêtements en cilice. Et les beaux jeunes hommes tom-
beront sous le glaive et périront dans le combat. Et
les portes de Sion seront dans le deuil et les larmes ,
et elle restera veuve et désolée . » Et tout cela, dit le
Seigneur, à cause du luxe des filles de Sion et des
péchés qu'elles ont fait commettre ! Oui, le châtiment
du plaisir, c'est la souffrance ; la réparation du luxe
et de la luxure, c'est la guerre et ses horreurs. Hélas !
la France l'a déjà éprouvé !
Oh ! que la vue de Notre-Dame de Lourdes nous
inspire l'amour de la chasteté ! La corruption des
mœurs, voilà la plus grande plaie de la France, la
source de tous nos malheurs. C'est la cause de ce que
Marie n'ose plus nous regarder ; elle lie en quelque
sorte les mains de sa puissance, elle l'empêche de
nous sauver. Notre- Seigneur a révélé à sainte Cathe-
rine de Sienne que le péché impur est si odieux à la
122 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

nature angélique que les démons eux-mêmes, tout


damnés qu'ils sont, ne peuvent le supporter. Ils y
excitent les hommes pour les perdre : mais au moment
où le mal se commet, ils s'enfuient pour ne pas le
voir. Que si l'impudicité révolte Satan lui-même,
que fait-elle aux Anges, et combien la Reine des
Anges doit-elle la détester ? Aussi, quiconque là
commet, déshonore la Sainte Vierge, sa Mère : de
même qu'un enfant qui commet un crime déshonore
ses parents. Marie exclut en quelque sorte ce péché
de sa miséricorde, non pas absolument, - car com-
ment le pécheur pourrait-il alors se sauver ? - - mais
au moins de sa miséricorde spéciale. En promettant
aux confrères du scapulaire de les délivrer du Purga-
toire le samedi après leur mort, elle met comme con-
dition qu'ils auront été chastes.
Hélas ! et on appelle ce péché légèreté, mœurs
faciles, comme pour diminuer l'horreur qu'il doit
causer ! Et des chrétiens ne craignent pas d'avoir
dans leurs salons des tableaux, des statues, des por-
traits même qui font rougir, sans se soucier du mal
qu'ils peuvent faire aux âmes de leurs enfants, de leurs
amis ou de leurs serviteurs. O honte ! oubli de toute
pudeur ! Pourquoi donc ceux que ces choses indignent
ne se liguent-ils pas pour les proscrire, pour les mettre
à l'index de toute société qui se respecte, et pour
s'abstenir de fréquenter ou de faire gagner les com-
merçants qui, par leurs scandaleux étalages , les fa-
vorisent ? Que la leçon de Marie, toute pure, soit
comprise, de peur que celle de Sodome et de Gomorrhe
ne vienne à lui succéder !
POURQUOI UNE CEINTURE BLEUE ? 123

O ma Souveraine, ô ma Mère, je m'offre tout à


vous, et pour vous prouver mon dévoûment je vous
consacre aujourd'hui mes yeux , mes oreilles, ma
bouche, mon cœur, tout moi-même . Puisque je vous
appartiens, ò ma Mère, gardez-moi comme votre
bien et votre propriété.

Pratique. Récitez pieusement le saint Rosaire en


l'honneur de la Virginité de Marie, pour lui demander
qu'elle multiplie le nombre des Vierges qui suivent
l'Agneau, et qu'elle purifie les mœurs .
CHAPITRE TREIZIÈME

Pourquoi Marie regarde-t -elle le Ciel ?

UAND nous prions devant les images de


Marie, nous aimons la voir tendre les
mains vers nous, nous regarder avec
bonté. C'est ainsi qu'elle se montre sur la
Médaille miraculeuse de ses mains abaissées sortent
des rayons, symbole des grâces répandues sur la terre,
et ses yeux semblent nous chercher.
Pourtant, à Lourdes il n'en est pas ainsi . L'image
sous laquelle Marie y veut être honorée a les yeux
élevés au Ciel, et les mains jointes dans une fervente
prière. Elle ne semble pas nous entendre : c'est de
Dieu qu'elle s'occupe . Ce regard c'est celui de l'Imma-
culée dès le premier instant de son existence : ne
voyant que Dieu , ne désirant que lui, ne cherchant
qu'à lui plaire. C'est ce regard qui a pénétré le cœur
de l'Eternel et lui a ravi son Verbe . Oh ! que de
leçons ce regard nous donne ! Il nous dit d'abord :
<< Aimez ce qui est en haut, cherchez ce qui est au
Ciel, non ce qui est sur la terre ¹ . » Marie nous rappelle
1 Quæ sursum sunt quærite, quæ sursum sunt sapite, non quæ super
terram. (Colos. , III, 1.)
POURQUOI REGARDER LE CIEL ? 123

qu'il y a autre chose que ce monde où nous sommes ,


Là-haut, au delà des espaces, il est une Patrie qui
nous attend . Là , Dieu se révèle aux Saints et aux
Anges ; là, Jésus ressuscité est dans son repos . C'est
là qu'Elle-même habite , et son regard nous dit que,
même quand elle vient vers nous, son cœur et son
esprit sont au Ciel .
Quelle leçon pour tant de pauvres hommes qui ne
croient pas à une autre vie ! Ils ne connaissent pas
Dieu. Comme l'animal sans raison, ils ne voient que
la nourriture qu'ils mangent, la terre qui les porte,
la volupté qui les séduit. La beauté des Cieux et
l'armée des astres ne leur révèlent pas une Puissance
infinie ; l'harmonie des lois de la nature ne leur dit
pas une souveraine Sagesse ; une Providence mater-
nelle n'apparaît pas à leurs yeux dans la conservation
du monde. Ils ne sentent pas dans leur âme le besoin
de l'Infini ; leur cœur ne soupire pas après un bon-
heur sans mesure. Non : le néant leur semble un
suffisant destin . La fosse où leur corps pourrira, ou
même le four où, dans leur impatience de s'anéantir,
ils se feront consumer, leur paraît une fin acceptable .
Et s'ils ont un esprit cultivé, ils aimeront mieux le
mettre à la torture pour inventer des philosophies
absurdes plutôt que d'admettre un Dieu et un Paradis.
Ils mettront plus de zèle à s'avilir que n'en mettaient
les empereurs romains à se diviniser. Et ce qu'il y a
de pis, c'est qu'ils enseignent au peuple ces théories
funestes, dont la conclusion logique est celle- ci : « Le
temps de notre vie est court et triste ; l'homme, après
sa mort, n'a plus à attendre de bonheur, et on ne voit
personne qui soit revenu des enfers. Nous sommes
126 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

nés par hasard, et après la mort nous serons comme


si nous n'avions jamais été. Notre souffle n'est qu'une
fumée, et ce qu'on appelle notre âme n'est qu'une
étincelle qui fait battre notre cœur lorsqu'elle sera
éteinte, notre corps retournera en cendres. Notre âme
se dissipera comme le vent ; notre vie disparaîtra
comme la nuée, et s'évanouira comme le brouillard
aux rayons du soleil . Venez donc, jouissons des biens
véritables, hâtons-nous d'user des créatures pendant
notre trop courte jeunesse . Enivrons-nous de vins
exquis, parfumons-nous de nard ; couronnons-nous
de roses avant qu'elles ne se flétrissent. Qu'il n'y ait
point un champ où notre luxure ne se vautre.
Livrons-nous à toutes les voluptés : car c'est là notre
part et notre lot . Opprimons le pauvre et l'innocent,
ne respectons ni la veuve, ni les cheveux blancs.
Notre loi de justice c'est notre force. Persécutons le
juste parce qu'il condamne nos œuvres et décrie notre
conduite. Sa seule vue nous est odieuse parce qu'il
ne vit pas comme nous. Il s'abstient de nos voies
comme d'une chose impure ; il préfère ce qui viendra
à la fin . Nous verrons bien ce qu'il en sera et si Dieu
prendra sa défense, et le délivrera de nos mains... ¹ »

<< Voilà ce que pensent les impies , et ils s'égarent,


aveuglés par leur propre malice . Ils ignorent les
mystères de Dieu ; ils n'espèrent point ses récom-
penses, ils ne comprennent point la dignité de l'âme
sainte. Car Dieu a créé l'homme immortel et l'a fait
à son image. »

¹ Sap. , II.
POURQUOI REGARDER LE CIEL ? 127

<< Mais les justes sont dans la main de Dieu et la


mort ne les atteindra point. Aux yeux des impies ils
semblent mourir ; leur départ de ce monde paraît un
malheur, un anéantissement. Mais leurs âmes sont
dans le bonheur. Leur affliction a été légère et leur
récompense est immense Dieu les a éprouvés et les
a trouvés dignes de lui . Il les a éprouvés comme l'or
dans la fournaise, et on verra leur gloire quand le
temps en sera venu . Ils brilleront alors , ils jugeront
les nations , ils domineront les peuples . Alors ils
s'élèveront avec force contre ceux qui les affligeaient
sur la terre et qui volaient le fruit de leurs travaux.
A cette vue les impies seront saisis d'une horrible
frayeur. Ils se diront alors avec douleur : Voilà donc
ceux que nous méprisions et que nous accablions
d'outrages ! Insensés que nous étions ! Leur vie nous
paraissait une folie et leur mort misérable. Et main-
tenant les voici au nombre des Saints et des Enfants
de Dieu. Nous nous sommes donc trompés ! nous
nous sommes égarés loin de la vérité, et la lumière
n'a pas lui pour notre intelligence ! Nous nous
sommes lassés dans les voies de l'iniquité, nous avons
marché dans un chemin difficile, et nous avons
ignoré la voie du Seigneur. De quoi nous ont servi
notre orgueil et nos richesses ? Tout cela a fui comme
une ombre, comme le sillage d'un navire, qui s'efface
après qu'il est passé, comme l'oiseau qui vole sans
laisser aucune trace, ou comme la flèche qui fend l'air
aussitôt refermé. Ainsi nous sommes morts presque
aussitôt que nés et nous n'avons fait aucune bonne
œuvre notre malice nous a consumés ... Voilà ce
qu'on dit en enfer. Mais les justes vivront éternelle-
128 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

ment ; ils recevront de Dieu un royaume admirable


et un diadème éclatant de gloire ! »
Et voilà ce que nous enseigne le regard de la
Vierge. Elle contemple l'Eternité . Elle nous apprend
que notre vie de la terre n'est qu'un exil, un voyage.
Dieu ne nous a mis sur la terre que pour mériter le
Ciel . La destinée qu'il nous offre est trop sublime
pour n'être pas conquise ; la qualité d'enfant de Dieu
est trop belle pour être imposée . Si le Seigneur avait
voulu nous faire saints sans nous-mêmes, il nous eût
créés immédiatement dans le Ciel . Mais non , l'homme
est un être corporel ; il fait partie du monde visible ;
il en est le prêtre et le roi . Mais il est libre de devenir
un Dieu ou d'y renoncer. Or son épreuve est de
mettre la qualité d'enfant de Dieu au-dessus de celle
de roi de la terre. Les créatures visibles sont la
tentation qu'il doit essuyer. L'Eglise fait souvent à
Dieu cette prière : « Apprenez-nous à passer au
milieu des biens temporels, sans perdre ceux de
l'éternité . » Eh bien , Marie nous apprend le secret
d'être exaucés. C'est de contempler sans cesse le Ciel .
En haut les cœurs ! Sursum corda ! C'est ce que
saint Paul disait aux premiers fidèles : « Nous ne
contemplons pas les choses visibles, mais les invi-
sibles car ce qui se voit est passager, et ce qui ne se
voit pas est éternel . » Mais combien de chrétiens ,
dont la foi est entière, ont pourtant grand besoin de
la douce leçon de Marie ! On espère le Ciel, mais que
l'on fait peu pour y arriver ! On sait que le temps est
court pour s'enrichir, et on le laisse passer. « La vie
est brève, dit saint Paul. Il est temps que ceux qui
usent du monde sachent s'en détacher ; que ceux qui
POURQUOI REGARDER LE CIEL ? 129

sont mariés soient comme sans épouse , que ceux qui


pleurent se consolent, et ceux qui rient commencent
à trembler, et ceux qui achètent oublient ce qu'ils
1
possèdent car la figure de ce monde passe ' ! »

Et pour nous faire mieux comprendre encore cette


leçon , Marie ordonne à Bernadette de baiser la terre.
Elle veut nous faire sentir le contraste entre notre
destinée et notre origine. En même temps qu'elle
nous excite à aspirer au Ciel , elle nous rappelle d'où
nous sommes tirés . Elle semble nous dire comme
Dieu à Adam coupable : « Souviens-toi que tu es
poussière et que tu retourneras en poussière . » Em-
brassons donc la terre notre mère, baisons le sein
qui nous a portés. Car Dieu nous a formés du limon
de la terre, il a nommé le premier homme Adam ,
qui veut dire « fait de terre » , précisément pour nous
mettre sans cesse sous les yeux la bassesse de notre
condition nous sommes cette terre même que nous.
foulons aux pieds. Il veut nous rappeler aussi que
nous restons de simples créatures qui appartiennent
à leur Créateur, comme le vase à celui qui l'a façonné.
Souvent en effet, dans l'Ecriture, le Seigneur se
compare au potier . Notre corps n'est qu'un vase
destiné à contenir notre âme vase grossier, vase
fragile. Un jour il sera brisé, et les débris retourne-
ront dans la terre d'où on l'a tiré. Voilà ce qui nous
attend ici-bas bientôt la terre s'entr'ouvrira pour
nous recevoir, et nous redeviendrons ce qu'elle est.
Et cette terre nous l'aimons, nous nous y attachons ,

1 I Cor., VII, 29.


130 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

nous voudrions n'avoir pas d'autre destinée : du


moins la conduite de la plupart des hommes semble
le dire.
Marie veut leur faire comprendre leur folie. La
punition infligée au serpent par Dieu fut précisément
de ramper sur cette terre , de la manger, d'être de
tous les animaux le plus collé à cet élément : c'est en
cela que consiste sa malédiction. « Tu seras maudit
entre tous les êtres vivants et les bêtes de la terre :
tu ramperas sur le ventre et tu mangeras la terre
tous les jours de ta vie ¹ . » Eh bien, c'est ce que font
volontairement les pécheurs . Et pour nous le faire
entendre, Marie ordonne à Bernadette de se courber
à terre, de la baiser ; on la voit marcher sur ses
genoux, creuser le sol de ses ongles, boire de l'eau
bourbeuse, manger de l'herbe comme l'animal sans
intelligence. Les assistants ne peuvent que la croire
folle . Mais non ! Elle fait par pénitence ce que font
les mondains par plaisir. Ce sont eux les fous , les
insensés qui se transforment en bêtes . Eux, faits à
l'image de Dieu , ils n'ont pas compris leur grandeur ,
ils ont envié le sort des brutes et se sont faits leurs
semblables. Tant leur a paru heureux le sort des
animaux et leurs jouissances désirables, qu'ils se sont
dits leurs frères et leurs fils, qu'ils ont inscrit dans
leur généalogie le singe et l'huître pour s'autoriser à
vivre comme eux. Manger, dormir, ne rien faire, jouir
des voluptés sans règle et sans frein , voilà leur rêve ;
et comme une chose les gènait pour cela , la con-
science, ils ont nié Dieu afin de supprimer la morale ;

1 Gen., II, 14.


POURQUOI REGARDER LE CIEL ? 134

ils ont étouffé le remords , ils ont fait des lois pour
tout permettre ; ils rêvent une société basée sur ce
principe, que l'homme n'est qu'un animal civilisé,
un animal domestique, c'est-à-dire esclave du plus
despotique, du plus tyrannique des maîtres, l'Etat.
Oh ! la belle société qu'ils nous préparent, où toute
l'activité humaine ne sera occupée qu'à user du
monde et de toutes ses jouissances, à le parcourir
dans tous les sens, enviant à l'animal ses moyens de
locomotion ! Ah ! que nous serions heureux si nous
pouvions voler comme l'hirondelle, nager comme le
poisson, courir comme le cerf rapide, découvrir tous
les trésors que récèlent la terre et l'océan ! L'électricité
et la vapeur nous prêtent bien leurs forces puissantes ,
dont l'homme est , hélas ! bien souvent lui-même
victime. Malgré tout, l'animal nous dépasse . Il n'y a
que deux choses où l'homme réussisse à l'égaler : la
volupté et l'absence de raison qui en est la suite.
Oui, à ce point de vue, l'homme s'est parfaitement
dégradé. Il a perdu cette belle lumière de l'intelligence
qui lui faisait connaître son Créateur ; l'homme ani-
malisé ignore s'il y a un Dieu . Comme la bête il
mange ce qu'il trouve sans s'élever à Celui qui le
donne, il vit sans penser à celui qui l'a fait, il meurt
sans craindre celui qui va le juger . Il est vraiment
changé en bête, comme Nabuchodonosor. Il serait
juste qu'il fût comme lui chassé de la société des
hommes, et qu'il allât vivre en compagnie des bêtes
puisque moralement il s'est mis à leur niveau et vit
comme elles.
Regardez et comprenez la leçon : Bernadette courbée
jusqu'à terre, la baisant, la creusant, mangeant
132 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

l'herbe, buvant de l'eau boueuse, voilà le portrait de


l'homme qui a perdu la foi . Maintenant, levez les
yeux vers la grotte et voyez l'homme tel que Dieu le
désire, tel que la Religion le fait : voyez la gracieuse
Apparition , si pure , si belle, si glorieuse. Voilà
l'homme, roi de la création . Il la domine, il en use,
mais elle lui est un échelon pour s'élever vers le
Créateur . Il la touche des pieds seulement, mais il
n'y rampe pas, son âme n'y est pas collée. Il porte
son noble front élevé vers le Ciel, où sa conversation
est déjà. Les païens eux-mêmes le comprenaient et le
disaient en beaux vers ¹.
O hommes, reconnaissez votre dignité en contem-
plant votre Mère. Entendez-la vous dire avec le Pro-
phète : « Je vous donnerai l'intelligence et vous en-
seignerai la voie où vous devez marcher ; ne devenez
pas semblables au cheval et au mulet, qui n'ont pas
d'intelligence . Réjouissez-vous dans le Seigneur, justes ,
tressaillez d'allégresse ; vous tous dont le cœur est
droit, soyez fiers de votre grandeur. »

Mais la Vierge Immaculée fait plus que regarder le


Ciel elle adore. Car ce qu'elle contemple, c'est Dieu .
Or, Dieu, il faut l'adorer. Adorer est le premier
devoir de l'homme. Adorer , c'est reconnaître Dieu
comme l'Etre Suprême, Infini , Eternel ; c'est lui faire
hommage de tout nous-même ; c'est dépendre totale-
ment de sa volonté . Adorer, c'est contempler ses per-

1 Pronaque cum spectant animalia cætera terram,


Os homini sublime dedit, cœlumque tueri
Jussit et erectos ad sidera tollere vultus.
(Ovide, Mét., I, 84. )
POURQUOI REGARDER LE CIEL ? 133

fections souveraines, c'est admirer sa divine Beauté,


c'est consacrer toute son âme à le chanter. Jamais
pure créature n'a adoré comme notre divine Mère.
Car aucune n'a connu si bien les grandeurs et les
droits de Dieu , aucune ne s'y est soumise avec tant
d'humilité. Bénie soit-elle d'être venue adorer sur
notre terre, et réparer par ses hommages le crime de
ceux qui ne veulent pas adorer ! Car, hélas ! il y a
des hommes qui savent l'existence de Dieu et lui
refusent leurs hommages. « Ni Dieu , ni maître !
disent-ils. Nous ne servirons pas ! » Les insensés !
Qui leur a donné cette devise ? C'est l'Ange malheu-
reux, qui dans le Ciel a refusé, lui aussi, d'adorer et
a poussé le cri de révolte : Non serviam ! Et des mil-
lions d'Anges et d'hommes l'ont répété ! Mais leur
premier châtiment est de tomber sous sa domination ,
à lui. En criant : « Plus de maître ! » ils ne font
qu'en changer. Au lieu du maître si beau, si bon, si
doux , si aimable, leur Créateur et leur Père, ils se
donnent pour maître le tyran cruel et infâme qui
vient de les tromper. C'est l'histoire ordinaire des
révolutions . Les meneurs ne crient contre l'autorité
que pour s'en emparer. Et il arrive cette monstruosité,
que des hommes qui refusent le culte à Dieu , en
rendent un à Lucifer. En échange, celui-ci leur
réserve dans son royaume les premières places, les
plus près de lui, c'est-à-dire au plus profond du
gouffre, dans les abîmes des douleurs, et c'est là qu'ils
pourront à l'aise l'adorer ou plutôt le maudire
éternellement, quand à la fin du monde, le temps de
l'épreuve étant passé, Satan sera enchaîné au fond
des enfers, et le puits à jamais fermé.
LOURDES 8
134 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Ah ! que plutôt maintenant ils regardent la douce


Vierge ! Un si charmant modèle pourrait-il nous
tromper ? Ou qu'ils regardent Notre-Seigneur lui-
même quand Lucifer osa lui demander de l'adorer .
Quelle foudroyante réponse fit disparaître le tentateur !
<< Retire-toi, Satan ; il est écrit : « Tu adoreras le
Seigneur ton Dieu et tu ne serviras que lui seul ¹ . >>

L'attitude de Marie donne une troisième leçon fort


utile. Elle a les mains jointes et semble prier. Elle
enseigne ici ceux qui croient en Dieu et ne veulent
pas le déshonorer, mais qui ne savent pas encore
l'invoquer. Ce sont les déistes. Leur Dieu n'est pas
celui de l'Evangile . C'est un être parfait sans doute,
mais qu'ils ne connaissent guère ; un être mysté-
rieux , perdu dans les hauteurs et peu soucieux de
notre terre. Dès lors, qu'avons-nous à lui dire et que
peut-il donner ? Sait-il que nous vivons, entend-il nos
prières ? Hélas ! pauvres philosophes ! quelle opinion
de la divinité ! Les païens et les idolâtres l'honorent
mieux à leur manière au moins ils croient Dieu
assez intelligent pour comprendre leurs désirs, assez
bon pour exaucer, assez riche pour donner. Mais voici
la réponse que vous fait le Roi-Prophète : « Com-
prenez, ô les plus ignorants des hommes ; insensés ,
une bonne fois entendez. Celui qui a planté l'oreille
' n'entend-il pas lui-même ? Celui qui a fait l'œil ne
voit-il pas clair 2 ? »
Oui, Dieu nous voit et nous entend, et il faut l'in-

1 Matth. , iv, 10.


2 Ps. XCIII, 9:
POURQUOI REGARDER LE CIEL ? 135

voquer parce qu'il est notre Père. Il sait nos besoins,


sans doute, mais il veut que nous l'implorions, afin
que nous sentions que c'est lui qui donne. C'est lui
qui nous a dit : « Demandez et vous recevrez , cher-
chez et vous trouverez, frappez et il vous sera ouvert. »
C'est lui qui nous a enseigné à dire : « Donnez-nous
aujourd'hui notre pain de chaque jour . » Et il nous
a appris à ne pas douter de sa Providence, qui donne
à l'oiseau le grain qu'il n'a pas semé, et au lis des
champs la parure qu'il n'a pas tissée..
Mais ce n'est pas seulement aux déistes, c'est à
nous tous que cette leçon s'adresse. A tous Marie
rappelle le devoir, le besoin , le bonheur de la prière .
Oh ! combien souffrent sur la terre et ne pensent pas
à leur Père des Cieux qui les aime et veut les sauver,
qui permet leur détresse pour les forcer à l'invoquer !
Mais, avant tout, demandons-lui instamment les grâces
spirituelles ; demandons une place dans le Paradis . Il
nous la donnera, et en même temps toutes les autres
choses nécessaires. « Cherchez avant tout le royaume
de Dieu et sa justice, et le reste par surcroît vous
sera donné. »
D'ailleurs, si nous voulons voir la réalisation de
cette divine promesse et le fruit de la prière, consi-
dérons les grâces qui se font à Lourdes .
Ah ! ne regrettons pas que Marie regarde le Ciel au
lieu de regarder la terre, et que ses mains soient
jointes plutôt qu'étendues vers nous. Elle fait plus
pour notre bien en parlant à Dieu , car c'est pour
nous qu'elle lui parle . Et en effet , sa prière nous
obtient tout. Quelle leçon ! Elle nous rappelle ce mot
du Psaume : « J'ai tenu mes yeux élevés vers les
136 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

montagnes d'où me viendra le secours 1¹ »> , c'est-à-dire


vers le Très-Haut : car toute grâce, tout bien vient de
Dieu . C'est dans son cœur qu'on les puise . La prière
est l'ambassadrice qui va les chercher ; elle a toujours
accès dans le cabinet du Roi , rien ne l'arrête, et elle
ne se retire pas sans avoir obtenu ce qu'elle souhai-
tait. « La prière monte, dit saint Augustin , et la misé-
ricorde descend. » Quelle . justification des Ordres
contemplatifs ! Ils ne servent à rien , dit-on ; que ne
consacrent-ils leur temps à soigner les malades ou à
travailler utilement ! Mais la Vierge fait-elle moins
de grâces à Lourdes où elle a les yeux et les mains
vers le Ciel, que dans ses autres sanctuaires où elle
les abaisse vers nous ? Tout au contraire : c'est là
qu'elle répand le plus de bienfaits . Et ce ne sont pas
seulement des grâces spirituelles, mais des guérisons.
Elle fait du bien aux corps et aux âmes. De même
les hommes de prière attirent sur les nations, sur les
familles, sur ceux qui souffrent, les bénédictions
même temporelles : « car, dit saint Paul , la piété a
tous les avantages : elle a reçu les promesses du temps
et celles de l'éternité . >>
Prions donc voilà la leçon que nous donne Marie.
Elle-même ne fait pas autre chose, elle ne fait rien
de plus. Sa toute-puissance ne lui vient que de sa
supplication Omnipotentia supplex. Après tout , Dieu
seul est riche, et nous ne sommes que des mendiants,
et la Mère de Dieu elle-même n'a rien à distribuer
que ce qu'il lui donne.

1 Levavi oculos meos in montes unde veniet auxilium mihi.


( Ps. cxx, 1. )
POURQUOI REGARDER LE CIEL ? 137

O Toute-Puissante, ô Mère de Dieu , ô notre Mère,


souvenez-vous de prier pour nous au Ciel ! Demandez
pour nous les vrais biens, les biens de l'âme, les
biens du Paradis, et les secours nécessaires ici-bas
pour parvenir à notre éternelle destinée.

Pratique. Récitez un Rosaire à toutes les intentions


pour lesquelles Marie priait à Massabielle et pour de-
mander une foi vive.

toot
CHAPITRE QUATORZIÈME

Pourquoi Marie
fait-elle le signe de la Croix ?
wwwww

UAND Bernadette fut entrée, plusieurs an-


nées après l'Apparition, chez les Sœurs
de la Charité à Nevers, souvent de pieux
fidèles demandaient à voir la privilégiée
de Marie. Pour les satisfaire, sans troubler l'humilité
de la Voyante, on les postait non loin du bénitier
quand la communauté entrait à la chapelle, en leur
disant << Sans peine vous la reconnaîtrez . » Et
aucun ne pouvait manquer, en voyant le signe de
croix de Bernadette , de se dire, profondément ému :
Voilà celle qui a vu la Sainte Vierge ! Et en effet,
Marie elle-même avait appris à la Voyante à se signer.
Le signe de croix fait par Marie : que cela devait être
sublime ! Quoi d'étonnant que Bernadette en eût
conservé un reflet ? Voilà encore une des leçons de
notre Mère. Elle nous apprend à faire souvent le
signe de la croix et à le bien faire. Méditons ce grand
enseignement.
Ce fut la première chose que fit l'Apparition .
Quand le regard de Bernadette rencontra pour la
POURQUOI LE SIGNE DE LA CROIX ? 139

première fois la merveilleuse Dame, elle tomba à


genoux, éblouie, terrassée. Instinctivement elle saisit.
son chapelet et veut s'en servir. La Dame prend le
sien, de son côté. D'un geste grave et doux elle fait
sur elle-même le signe sacré, et l'enfant l'imite. Marie
commence par là les leçons qu'elle vient nous donner.
N'est-ce pas pour nous rappeler que c'est son désir
que nous commencions tout par le signe sacré ? C'est
la pratique de l'Eglise ainsi fait le prêtre à l'autel ,
et dans tous les offices. Ainsi faisaient les premiers
chrétiens . Tertullien nous dit qu'ils s'armaient du
signe de la croix en se levant, avant les repas, avant
chaque action importante. Oh ! si cette dévotion ren-
trait dans nos habitudes, que de biens en résulteraient ,
que de protection sur nous, sur nos demeures, sur
nos actions, sur nos paroles , sur nos pensées ! Car
le signe de la croix est terrible au démon ; il le met
en fuite. Il lui rappelle Jésus crucifié, et par sa mort
rachetant les hommes et renversant son empire. C'est
une barrière, un rempart que l'âme chrétienne dresse
entre Satan et elle, et qu'il ne peut franchir. De son
côté, Dieu voit ce signe : il lui rappelle que celui qui
le fait est racheté par le sang de son divin Fils. Si
cet homme a péché , le Seigneur voit entre ses fautes
et l'infinie Justice la rançon qui les a payées . Alors
il retient sa colère, il suspend les châtiments tem-
porels, les accidents, les maux qu'il allait peut-être
envoyer. A la place, il donne sa grâce : grâce de
lumière qui affermit le chrétien dans sa foi , dans sa
bonne volonté ; grâce de ferveur qui touche le cœur ;
grâce de force pour pratiquer un devoir pénible, ou
sacrifier un dangereux plaisir. On ne peut, disent
140 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

les Saints, voir l'image du Crucifix sans en retirer


quelque utilité. Il en est de même de l'action de se
signer. Enfin le signe de la croix apaise les peines
du Purgatoire, car il est enrichi d'indulgences. Ainsi
on peut dire de ce signe sacré qu'il glorifie Dieu,
réjouit le Ciel , terrifie l'Enfer, console le Purgatoire
et obtient des grâces à la terre.
Mais il faut le bien faire, comme le faisait Marie,
et en en comprenant le mystère . Et d'abord , on le
fait au nom de la très sainte Trinité. C'est un acte de
foi parfaite au nom, au singulier, pour exprimer
que nous n'adorons qu'un Dieu unique. Pourtant
nous nommons trois Personnes , le Père, le Fils et
le Saint-Esprit ; mais un même nom convient aux
trois ce nom c'est Dieu , c'est notre Père , c'est notre
Créateur. C'est au nom de ce Dieu , c'est-à-dire par sa
volonté et pour sa gloire, que Jésus-Christ s'est fait
homme et a été crucifié. C'est par sa puissance et par
sa grâce que nous existons et que nous serons sauvés.
Il est donc bien juste que toutes nos actions soient
faites aussi pour son amour et pour son service , en
son nom adoré.
Et en prononçant ces paroles nous traçons sur
notre corps une croix . C'est pour nous unir à Jésus
crucifié. Jésus en effet, et Jésus crucifié, est notre
seule voie pour aller à la sainte Trinité et pour en
recevoir des grâces . Nous ne pouvons donc rien faire
pour la gloire et au nom du Père, du Fils , et du
Saint-Esprit, que par la deuxième Personne qui nous
a réconciliés avec le Créateur , qui a rétabli avec lui
nos relations rompues par le péché. Et comme c'est
par sa mort seulement qu'il nous a rachetés, la croix
POURQUOI LE SIGNE DE LA CROIX ? 141

est tout notre salut, toute notre espérance, notre seul


titre à obtenir les dons de Dieu. C'est pour nous
attacher à elle avec plus de force que nous la gra-
vons en quelque sorte sur notre propre personne :
nous semblons vouloir imprimer sur nous le divin
Crucifié.
<< Ah ! s'écrie saint Bonaventure, que n'ai-je été la
croix du Sauveur ! Ses mains se seraient appuyées
sur mes mains, ses pieds sur mes pieds ; les mêmes
clous nous auraient transpercés. J'aurais crié à
Joseph Ne m'enlève pas mon Jésus , mais ensevelis-
moi avec lui dans le tombeau , car il ne m'est plus
possible de m'en séparer. » Saint Paul affirme, de
son côté, « qu'il est cloué à la même croix que Jésus-
Christ ¹ . » Mais qui plus que Marie a été unie à
Jésus crucifié ? « O ma Souveraine, lui dit saint
Bonaventure , où étiez - vous pendant la Passion ?
Etait-ce seulement auprès de la croix ? Non assuré-
ment, mais sur la croix avec votre Fils. Là vous
étiez crucifiée avec lui ; il l'était dans son corps, et
vous l'étiez dans votre cœur ; ses plaies étaient
répandues par tout son corps et elles étaient réunies
dans votre cœur. Là , ô Reine, votre cœur fut percé
de la lance, là il fut couronné d'épines, abreuvé
d'opprobres , rassasié de fiel et de vinaigre. Votre
cœur est tout absorbé dans la Passion de votre Fils.
O prodige ! vous êtes tout entière dans les blessures
de Jésus, et Jésus crucifié est tout entier dans le plus
intime de votre cœur. » Marie était donc toute unie
à la croix de son Fils . Elle la mettait constamment

1 Christo confixus sum cruci. (Galat., I , 19.)


142 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

devant le regard de son âme, elle la portait dans son


cœur, elle en traçait souvent le signe sur elle-même.
Elle ne la fuyait pas comme un souvenir plein
d'horreur. Ainsi le signe de la croix nous rappelle
toutes les douleurs de Jésus et tout le martyre de
Marie. Il nous dit ce que nous leur avons coûté ; il
nous rappelle quel grand mal est le péché, et quel
prix Dieu fait de notre amour et de notre âme,
puisque pour les conquérir il n'a pas reculé devant
de si grands supplices.

En même temps, le signe de la croix nous rappelle


que nous avons été baptisés. En ce jour-là l'Eglise
elle-même la première traça sur nous le signe sacré.
Oui, quand elle nous a faits chrétiens, au nom de la
sainte Trinité, elle imprima la croix sur notre front,
et dans notre âme un caractère indélébile qui nous fit
enfants de Dieu caractère mystérieux que le péché
ne saurait enlever, que les flammes mêmes de l'enfer,
bien loin de le détruire, ne peuvent que faire rayon-
ner. Eternellement le chrétien portera ce signe des
disciples du Crucifié pour sa gloire ou pour sa honte .
Dès maintenant les Anges et les démons le voient
sur tous les fronts baptisés. Quelle différence à leurs
yeux entre ceux qui ont ou n'ont pas ce signe ! Ah !
si nous le voyions comme eux, avec quelle fierté
nous chanterions à la face des païens, des juifs et
des athées : « Je suis chrétien , voilà ma gloire, mon
espérance et mon soutien, mon chant d'amour et
de victoire ! » Il la comprenait bien saint Louis qui
mettait sa qualité de chrétien bien au-dessus de son
titre de roi de France. Etre chrétien , c'est être enfant
POURQUOI LE SIGNE DE LA CROIX ? 143

de Dieu par adoption , comme Jésus l'est par nature ,


frère de ce Jésus par là même et avec lui héritier du
Ciel. Nous entrons dans la famille ineffable de la
Divinité. Dieu , nous pouvons l'appeler notre Père,
Marie notre Mère , Jésus notre aîné, tous les Saints
du Ciel et ceux de la terre nos frères, les Anges des
compagnons de notre gloire future, le Ciel notre
maison paternelle , notre propriété. Les Juifs, les
infidèles , au contraire , ce sont des étrangers , des
gens qui ne verront jamais ni Dieu, ni sa gloire , à
moins que, par leur conversion ou par leur bonne
foi et leur bonne volonté contenant un désir implicite
du baptême, ils n'obtiennent miséricorde . Quant aux
chrétiens qui vivent dans le péché mortel , dans l'im-
piété et le blasphème, ce sont des fils de la famille ,
mais qui ont mal tourné, des enfants dont on n'ose
plus parler, une douleur poignante pour le Père et
la Mère, une honte pour leurs frères : toujours aimés
cependant, toujours désirés . S'ils reviennent, ils seront
reçus comme l'Enfant prodigue ; sinon, hélas ! ils
seront à jamais exclus du divin héritage .

Voilà ce que nous rappelle Marie par le signe de


croix. Mais en même temps c'est le respect humain
qu'elle condamne. Le signe de croix est une profession
extérieure et publique de notre foi. Marie nous invite
à le faire pour affirmer que nous sommes baptisés.
Quoi ! ce signe fait trembler Satan , et c'est nous qui
tremblerions de le faire ? Qu'importe ce que pensent
de nous les hommes, puisque c'est nous qui devons
les juger ? Oui , les juger : « Ne savez-vous pas, dit
saint Paul, que les Saints jugeront ce monde ? Ne
144 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

savez-vous pas que nous jugerons même les Anges ? »


Grande leçon pour les chrétiens de nos jours ! Com-
bien n'osent affirmer leur foi et en rougissent ! Ils
ont honte de Jésus-Christ. Comme saint Pierre ils
disent, au moins par leur conduite : « Je ne connais
pas cet homme. Je ne suis pas de ses disciples. » Et
ainsi on vit comme les gentils ; les pratiques chré-
tiennes disparaissent, la foi diminue : qu'en restera-t- il
dans quelques générations ? Or, Jésus a dit : « Si
quelqu'un rougit de moi , je rougirai de lui devant
mon Père ; mais celui qui m'aura confessé devant les
hommes, je le confesserai pour mon disciple. » Que
m'importe donc l'opinion du siècle ? Un seul juge-
ment m'intéresse, c'est celui de Dieu . C'est pourquoi
j'agis sous son regard, au nom du Père, du Fils et
du Saint-Esprit, et de Jésus crucifié.
O France, rappelle-toi que c'est en ce nom que tu
as été faite chrétienne au baptistère de Reims. Sou-
viens-toi du Christ qui t'aime. Ne róugis pas de ton
titre de sa Fille aînée ! Fils des Croisés, ne reculez
pas devant les fils de Voltaire ! Armez-vous du signe
de la croix , comme autrefois vos ancêtres pour déli-
vrer le Calvaire. La croix est abattue dans nos villes ,
dans nos écoles. N'ayez pas peur. C'est au Ciel qu'elle
a brillé avec sa devise infaillible : « In hoc signo
vinces . En ce signe vous vaincrez ! » C'est Marie qui
vous la présente, tracée par sa main sur elle-même.
Cette croix-là ne sera pas renversée , mais au contraire
elle brisera la puissance de l'Enfer. Oh ! comment
remercier notre Mère d'être venue elle-même nous
armer de la croix et se mettre à notre tête dans les
combats contre l'Enfer !
POURQUOI LE SIGNE DE LA CROIX ? 145

O invincible Marie, terrible à l'Enfer comme une


armée, marquez-nous du signe de la croix et mettez
dans nos cœurs un courage indomptable, afin que
nous soyons vainqueurs de nos ennemis acharnés !

Pratique. --- Récitez aujourd'hui votre Rosaire pour


obtenir à tous les chrétiens le don de force et de
générosité.

LOURDES 9
娃娃 娃娃 鞋

CHAPITRE QUINZIÈME

Pourquoi Notre-Dame de Lourdes


a-t-elle un Chapelet ?

ARIE avait au bras un Chapelet. C'est pour


nous dire qu'elle aime cette dévotion et nous
invite à la pratiquer. Bernadette le comprit,
et, après avoir fait le signe de la croix
avec l'Apparition , elle commença à réciter les dizaines .
Or, à mesure qu'elle priait, la Dame, elle aussi, égre-
nait son Rosaire cependant ses lèvres demeuraient
immobiles . Marie, évidemment, ne se loue pas elle-
même, mais elle écoute nos Ave ; elle veut nous faire
comprendre qu'elle les compte et en garde un souvenir
fidèle. Pourquoi cela ? Parce qu'elle en reçoit une
joie immense, en se rappelant les grandes choses que
Dieu a opérées en elle , et que nos louanges lui redi-
sent. Mais surtout parce que cet hommage que nous
lui offrons, elle ne le garde pas pour elle-même ; elle
le renvoie à Dieu tout entier ; or, elle nous remercie ,
elle nous est reconnaissante d'unir notre faible voix
au chant d'action de grâces qui monte sans cesse de
son cœur vers l'Eternel . Le Magnificat est son perpé-
tuel cantique. Son âme l'entonna à l'heure de l'Imma-
POURQUOI UN CHAPELET ? 147

culée Conception. C'est l'expression de la plus pro-


fonde humilité recevant les dons les plus sublimes,
reconnaissant en elle-même, avec une joie immense,
les grandes œuvres de Dieu, sans croire y avoir d'autre
titre que son néant et sa bassesse. Par là même Dieu
en est totalement glorifié : toutes ses œuvres lui
reviennent comme à leur auteur. C'est un encens très
pur qui se consume sans même laisser de cendres sur
l'autel d'or du Coeur Immaculé. Donc , quand on loue
Marie, cette louange n'est pas pour elle, mais elle
remonte à Dieu seul en passant par ses lèvres . Car
nos louanges l'obligent à chanter, tant elle a peur de
paraître garder ce qui n'est pas à elle ! Ainsi quand
Elisabeth la proclama bénie entre les femmes, elle
répondit par le Magnificat. Il en sera toujours de
même. Elle dit à Dieu Magnificat autant de fois que
nous lui disons Ave. Voilà pourquoi elle égrenait son
Rosaire avec Bernadette. Voilà pourquoi elle aime
tant nous le voir réciter. C'est nous qui le disons,
mais du Ciel elle répond . Notre prière bien froide et
bien faible, c'est la petite étincelle qui met le feu à un
brasier d'amour qu'elle offre pour nous à la Trinité
sainte comme un cantique d'adoration et de recon-
naissance. Comprenons-nous maintenant d'où vient la
puissance du Rosaire ?
Marie nous excite encore à dire le Rosaire parce
qu'elle veut nous sauver . Elle vient à nous avec ses
plus puissantes armes . Pensez au tremblement des
démons quand Marie fait le signe de la croix . Eh
bien, le Rosaire ne leur est pas moins redoutable .
Satan ne peut supporter l'Ave Maria. En entendant
saluer la Sainte Vierge, il se souvient qu'au Ciel il a
148 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

refusé d'adorer son Fils et de la vénérer elle-même,


et que ce fut la cause de sa ruine. Le nom de Marie,
l'humble exaltée, lui rappelle qu'il est l'orgueilleux
tombé. Nous la proclamons bénie entre toutes les
femmes ; mais lui, Dieu , l'a déclaré maudit entre
tous les êtres . Nous l'appelons pleine de grâce ; lui ,
autrefois si beau, n'a plus en partage que la confusion
et le désespoir. Nous exaltons la Mère de Dieu, lui est
le père du péché qui sera son éternelle honte, comme
Jésus est l'honneur et la gloire de Marie . Nous bénis-
sons le sein de la Vierge ; lui est condamné à ramper
sur le sien . Enfin, le nom sacré de Jésus le met en
fureur : car lui , le plus superbe des démons , est con-
traint d'adorer jusqu'au nom de son vainqueur, selon
ce qui est écrit : « Qu'au Nom de Jésus tout genou
fléchisse dans les enfers . >>
Voilà comment l'Ave Maria, et le Chapelet par
conséquent, est terrible à Satan et le met en fuite .
Parcourons l'histoire, et nous en verrons des exemples
• illustres.

Au XIe siècle, l'hérésie des Albigeois désolait le


Midi de la France et menaçait de détruire l'ordre
social non moins que la foi . Marie apparaît à saint
Dominique, son serviteur fidèle ; elle lui enseigne la
dévotion du Rosaire : « Sachez-le, mon fils , lui dit-
elle, la Salutation angélique est le moyen dont la
Trinité s'est servie pour régénérer le monde ; cette
prière est le fondement de la nouvelle alliance. Voulez-
vous gagner à Dieu ces cœurs endurcis ? prêchez- la
selon la forme que je vous enseigne . Si cette rosée
céleste ne tombe pas sur cette terre ingrate , elle
POURQUOI UN CHAPELET ? 149

demeurera à jamais inféconde. » Ainsi , Marie elle-


même nous l'apprend , le Rosaire est le réservoir d'où
la rosée céleste de la grâce descend sur les âmes . Cette
rosée tomba. A la parole de Dominique, les chrétiens
récitèrent l'Ave Maria, selon la formule enseignée par
Marie, c'est-à-dire par quinze dizaines en l'honneur
de ses principaux mystères : « Les fidèles embrasés
par ces méditations et ces prières, écrit le pape saint
Pie V, furent changés tout à coup en d'autres hom-
mes, les ténèbres de l'hérésie disparurent et la lumière
de la foi triompha partout. » La secte entière s'éva-
nouit sans laisser de trace après la célèbre victoire de
Muret où fut anéantie sa puissance matérielle et
publique. En ce jour-là, cent mille hérétiques furent
mis en déroute et complètement vaincus par douze
cents combattants, dont aucun ne périt. D'après le
vieux chroniqueur Guillaume de Puylaurens, « aux
coups terribles dont ils frappaient les mécréants de
leurs masses et de leurs haches d'armes, on aurait
cru entendre une troupe de bûcherons abattant une
forêt . >>
Au XVIe siècle , ce sont les Turcs qui menacent
l'Europe et le Christianisme d'une ruine totale. Le
pape saint Pie V pousse le cri d'alarme ; il appelle au
combat les princes catholiques, et l'Eglise entière à la
prière. Tandis que la flotte chrétienne s'avance vers
l'ennemi, une armée de suppliants implore Marie, par
la répétition des Ave du Rosaire . La Souveraine ainsi
suppliée ne reste pas sourde à tant de voix . La bataille
de Lépante se donne, et la flotte chrétienne, sans pres-
que aucune perte, anéantit les forces ennemies.
L'Europe était sauvée de la barbarie. Et, en souvenir
150 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

de cette insigne délivrance , l'Eglise institua la fête de


Notre-Dame de la Victoire ou du Saint Rosaire.
La France, elle aussi , ressentit la protection de sa
Reine. Le protestantisme mettait en péril la foi de
notre patrie . Des guerres horribles l'avaient ensan-
glantée pendant de longues années. Mais l'institution
de la fête du Rosaire ranima la foi et le courage des
vrais Français et mit un terme aux progrès de l'hé-
résie. La prise de La Rochelle par Louis XIII fut le
coup de mort de la puissance politique des Hugue-
nots, et elle fut regardée et proclamée comme un
miracle du Rosaire. En reconnaissance, le Roi con-
sacra son royaume à Marie et lui éleva l'église de
Notre-Dame des Victoires, où elle devait faire un jour
éclater si magnifiquement les miséricordes et la puis-
sance de son Coeur maternel.
Au XVIIIe siècle, les Turcs attaquent de nouveau
l'Europe l'Eglise se tourne encore vers la Sainte
Vierge. Et leurs armées innombrables viennent se
briser contre les murs de Vienne, rempart du monde
catholique, ou plutôt contre le Très Saint Rosaire .
Deux grandes victoires, à Temesvar en 1716 et à
Belgrade en 1717 , et l'échec des flottes musul-
manes contre Corcyre furent encore des triomphes
du Rosaire après de solennelles supplications à
Marie.
Et ce qui frappe dans ces événements, c'est la
grandeur du désastre des ennemis. C'était un écrase-
ment dont l'Enfer ne s'est jamais relevé. Le mani-
chéisme, le mahométisme, et en France le protestan-
tisme ont véritablement été broyés par Marie. C'était
bien l'accomplissement de la prophétie : Ipsa conteret
POURQUOI UN CHAPELET ? 151

caput tuum. Non pas elle te comprimera la tête ,


mais « elle t'écrasera. »
Aussi les Papes n'ont cessé d'exalter, de propager,
d'enrichir de magnifiques indulgences, de célébrer
par leurs louanges la dévotion du Très Saint Rosaire .
Urbain IV affirme que chaque jour le Rosaire pro-
cure de grands avantages au peuple chrétien . Sixte IV
dit que cette dévotion est particulièrement propre à
détourner les dangers qui menacent le monde. Léon X
déclare qu'elle a été instituée contre les hérésiarques
et les hérésies . Pie V assure que par elle les ténèbres
de l'hérésie se dissipent et la lumière de la foi brille
de tout son éclat . Grégoire XIII à son tour déclare
que le Rosaire a été institué pour apaiser la colère de
Dieu et implorer le secours de Marie.

Ainsi il est certain , il est indéniable que toutes les


fois que l'Eglise a demandé secours à la Très Sainte
Vierge par le Rosaire, elle en a reçu une assistance
miraculeuse , et il n'est pas douteux qu'il en sera de
même à jamais.
Or, par la miséricorde de Dieu et de Marie, nulle
époque plus que la nôtre n'a vu s'épanouir la dévo-
tion au Rosaire.
Au XVIIe siècle, sous l'empire du jansénisme, le
Rosaire était tombé en discrédit dans l'Eglise de
France on n'en comprenait plus les beautés, on n'y
voyait qu'une répétition fastidieuse où les ignorants
seuls pouvaient se plaire. Hélas ! que de maux sur-
vinrent à la France pour avoir délaissé l'Ave ! Mais
quand Dieu voulut faire miséricorde après les désas-
tres de la Révolution , il poussa la France vers sa
152 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Mère. Ce fut à Lyon, à Fourvière, que naquit, en


1825 , la dévotion du Rosaire Vivant , pieuse associa-
tion dont les membres récitaient seulement par jour
une dizaine d'Ave, se distribuant entre eux les mys-
tères à honorer. Ainsi le Rosaire était dit et médité en
entier chaque jour, grâce à quinze associés . Cette
organisation se répandit avec une prodigieuse rapidité,
et elle ramena dans les mœurs l'habitude du Chapelet.
Car, une fois le goût pris à la prière, combien ne se
contentaient plus d'une dizaine et d'un mystère, mais
offraient à Marie la couronne entière !
Les révélations de 1830 , de 1836 , de 1846 ne furent-
elles pas la réponse de la Mère Immaculée ? Enfin
voici Lourdes, et Marie se présente avec son Rosaire.
Oui, voici qu'à Lourdes c'est Marie elle-même quí
nous prêche le Rosaire. Comme aux jours des Albi-
geois, elle vient nous apprendre à le réciter. L'Eglise
a compris, et elle élève la voix . Léon XIII , le grand
Pape de Notre - Dame de Lourdes , jette le monde
entier aux pieds de la Très Sainte Vierge et du Très
Saint Sacrement exposé, et met dans toutes les mains
et sur toutes les lèvres le Rosaire. Lui-même dans
quinze Encycliques , monument immortel de son
amour pour Marie, il explique, exalte, recommande
à tous cette dévotion salutaire. Les évêques par toute
la terre lui font écho . Partout les fidèles reçoivent
avec une allégresse extrême cette invitation de leurs
pasteurs. Partout le Rosaire se dit avec ferveur .
Et depuis vingt ans l'Eglise n'a pas cessé. Voilà
ce qui, au • milieu des craintes et des désolations
de l'heure présente, nous donne une invincible et
inébranlable confiance .
POURQUOI UN CHAPELET ? 153

Béni soit Dieu qui ne nous a pas enlevé notre


prière et sa miséricorde ! Bénie soit Marie qui, vou-
lant nous sauver, nous a tendu son Rosaire ! Que de
grâces nous sont venues par sa récitation ! Sans
doute, la rage de l'Enfer n'a pas désarmé et ne
désarmera jamais ; mais il n'a pas fait tout le mal
qu'il croyait faire. Toujours persécutée, l'Eglise est
toujours triomphante ! Jésus lui prodigue ses grâces
avec d'autant plus d'abondance que ses dangers sont
plus grands. La vie surnaturelle coule à flots en tous
ceux qui veulent y participer. La foi est plus vive ,
plus intense, la piété plus ardente, la charité chré-
tienne plus active et plus généreuse que jamais .
Comment ne pas s'étonner que nos ennemis n'aient
pu encore renverser Lourdes , Montmartre , nos
églises, nos œuvres, quand on pense aux forces et
aux ressources dont ils disposent ? C'est Marie qui
arrête leur fureur et nous entoure de son Rosaire .
Cependant la victoire est loin d'être complète. La
fureur de l'enfer s'accroît chaque jour, et nous menace
des pires excès. Plus que jamais disons le Rosaire .
Ne nous étonnons pas de n'avoir pas été délivrés
entièrement la faute n'en est pas au Rosaire, mais
à nous-mêmes . Avons-nous recouru à Marie avec une
confiance inébranlable et filiale, absolument certaine
d'être exaucée ? Peut-être non ! Ah ! comment avons-
nous pu douter de l'amour et de la puissance de
notre Mère ? Et si nous-mêmes l'avons bien récité ,
beaucoup, hélas ! n'ont pas été fidèles à le faire. Ce
qui par-dessus tout retarde l'efficacité de ces prières
universelles c'est le peu de part que les hommes y
prennent. Sous Pie V les hommes disaient le Rosaire :
154 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

chaque soldat de Lépante avait le sien et le récitait


avant la bataille ; tous aussi avaient communié..
Aujourd'hui, hélas ! beaucoup sans doute combattent
le bon combat, par la parole, par la plume, par les
œuvres sociales , mais ils ne disent pas assez le
Rosaire ! Ils le laissent aux femmes trop souvent ;
pour eux , ils comptent sur leurs propres efforts , sur
les moyens humains, le zèle, le courage, l'activité.
Tout cela est bon avec la prière . Sans elle, c'est peu
de chose. Que fait pour Dieu un homme qui peut-être
est son ennemi par le péché mortel ? Que peut un
journaliste qui soutient sa doctrine , non par la
prière mais avec son épée ?
Ah ! prêchons le Rosaire. « Les hommes d'armes
batailleront, disait Jeanne d'Arc , et Dieu donnera la
victoire. » Crions aux hommes : Bataillez et dites le
Rosaire, et Marie nous sauvera ! La Très Sainte Vierge
disait à saint Dominique : « Prêchez mon Rosaire qui
est un bouclier contre les traits de l'ennemi , le rem-
part de l'Eglise de Dieu , et le livre de vie ! » Après
Lépante le Sénat de Venise fit cette déclaration : « Ce
ne sont ni nos généraux , ni nos bataillons, ni nos
armes qui ont donné la victoire : elle doit être attri-
buée à Notre- Dame du Rosaire . » Nous avons entendu
Léon XIII , depuis dix -neuf ans, nous donner les
mêmes assurances. Mais il n'était que le continuateur
de tous les Souverains Pontifes et, parmi eux , de son
glorieux prédécesseur . « Je fonde sur le Rosaire mes
plus chères espérances pour le triomphe de la sainte
Eglise », disait Pie IX. Et dans mainte occasion il le
répétait. <« Courage, mes enfants, disait-il aux pèlerins
de Belgique. Je vous invite à combattre les maux de
POURQUOI UN CHAPELET ? 455

l'Eglise et de la société, non point avec l'épée , mais


avec votre Chapelet. » Et à d'autres : « Vous direz
aux vôtres que le Pape leur donne un conseil : c'est
de réciter le soir en famille le Rosaire ! »
Oui , encore une fois , il est certain , absolument
certain que le Rosaire est tout-puissant ; il est certain
que Marie est prête à nous sauver par le Très Saint
Rosaire. Elle attend seulement que le nombre d'Ave
que Dieu demande soit atteint , et alors nous verrons
la Franc-Maçonnerie et toutes ses œuvres s'évanouir
comme se sont évanouies l'arianisme et les autres
hérésies anciennes . Encore une fois Marie aura vaincu
Satan . Hâtons-nous donc. A la prière ! à la prière !

Immaculée Vierge Marie, Notre-Dame de Lourdes ,


Reine du Très Saint Rosaire , sauvez-nous : il est
temps.

Pratique. - Récitez le très saint Rosaire pour rémer-


cier Marie de toutes les grâces qu'Elle nous a faites par
cette dévotion, et pour demander qu'elle soit comprise
et pratiquée par tous les fidèles.
CHAPITRE SEIZIÈME

Pourquoi le Chapelet de Marie avait-il les


grains blancs et la chaîne d'or ?

ous vous ferons une chaîne d'or parsemée


d'argent » , disait l'Epoux du Cantique à
sa bien-aimée. Cette parole s'applique au
Chapelet de la Vierge la chaîne en était
d'or et les grains blancs . Rien n'est superflu dans les
circonstances de l'Apparition . Puisque Marie a permis
que Bernadette nous ait donné ce détail , il doit con-
tenir une leçon .
Le blanc est la couleur du Paradis, de la joie , de
la gloire . Les grains d'un blanc éclatant signifiaient
la gloire et la joie que nos Ave procurent à la Très
Sainte Vierge. L'or de la chaîne signifie l'amour que
par là nous lui témoignons. Notre-Seigneur lui-même
a daigné donner cette explication au B. Alain de la
Roche, très dévot serviteur de Marie, qui fut, au
xve siècle, un nouveau Dominique et un ardent pro-
pagateur du Rosaire. Jésus lui dit : « Le Rosaire est
une couronne de gloire formée du diamant et de l'or
1 Murenulas aureas faciemus tibi vermiculatas argento, (Cant.,
I, 10.)
POURQUOI UN CHAPELET BLANC ? 157

de la charité. Oui, on couronne ma Mère chaque fois


que l'on récite la Salutation angélique . » Une cou-
ronne, une couronne de blanches roses voilà le nom
gracieux du Rosaire.: corona, rosarium. Chaque Ave
Maria est un diamant, une perle, une fleur de cette
couronne, mais tels qu'en produit le Ciel : c'est-à -dire
un éclat nouveau ajouté à la gloire de Marie, un
rayonnement de sa beauté, une louange que le ' Ciel
entend et qui attire sur elle , avec plus de complai-
sance, les regards de Dieu , des Anges et des élus .
Essayons de le comprendre.

Ave ! Ce mot exprime tout le culte que le Ciel et la


terre rendent à Marie. C'est le sentiment le plus
sublime qu'une créature puisse inspirer, le plus
voisin de l'adoration . Marie, disent les Pères, touchait
à la Divinité : « Fines Divinitatis propinquius al-
tigit » ; elle était aussi près de Dieu qu'il est possible ,
puisqu'elle était sa Mère . L'hommage , la vénération
qu'elle mérite doivent donc être aussi voisins que
possible du culte de latrie. L'Eglise a donné un nom
à ce culte de Marie , l' « hyperdulie » , pour bien
marquer qu'elle place la Sainte Vierge au-dessus de
tous les Saints et de tous les Anges.
Tombons à genoux devant notre Reine, et d'un
cœur brûlant d'amour, mais pénétrés du respect le
plus profond, disons-lui avec l'Ange : Ave Maria ! Je
vous vénère, ô Marie ! je vous salue, je vous recon-
nais comme la plus sublime des créatures et je m'en
réjouis. Chef-d'œuvre de Dieu, Fille bien-aimée du
Père, Mère de Dieu le Fils, Epouse du Saint- Esprit,
vous êtes ce grand signe qui a paru au Ciel , la femme
158 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

revêtue du soleil et couronnée d'étoiles, et ayant la


lune sous vos pieds. Vous êtes notre Souveraine.
L'Eglise se prosterne devant vous, les plus sublimes
esprits du Ciel vous honorent. Jésus seul est au-dessus
de vous ; mais vous êtes perdue en lui et revêtue de
sa gloire. Satan vous a refusé ses hommages, mais
moi, avec les Saints , je vous offre les miens : j'ac-
cepte vos droits, votre domination entière. Jouissez, Ô
Mère de Dieu , de vos prérogatives ineffables, trônez
sur les Séraphins , montez jusqu'à la droite du Fils
de Dieu, et partagez sa puissance. Souvenez-vous
pourtant, dans vos splendeurs, que vous êtes notre
sœur et fille de notre race : Soror nostra es : crescas
in mille millia !!.
Maria ! Ce nom, à lui seul, est une louange par-
faite. C'est Dieu même qui le donna à sa bien-aimée :
avec quelle joie elle s'entend donc nommer ! Marie,
en hébreu, veut dire « exaltée » , exaltata. Marie est
la créature exaltée par excellence, la plus sublime,
après le Christ, des œuvres de Dieu. Elle-même
l'avoue dans les saintes Lettres « Je suis exaltée ,
comme le cèdre du Liban , comme le palmier de
Cadès. » Elle dépasse les Saints et les couvre de sa
puissance, comme le cèdre étend ses branches . Elle
s'élève au-dessus des Séraphins comme le palmier
dans le désert. Et pourquoi est-elle exaltée ? Elle nous
le dit en son Cantique Dieu exalte les humbles !
Celui qui s'humilie sera exalté . Or, comme Marie a
été la plus humble des créatures , il s'ensuit qu'elle
est la plus grande . Et elle accepte cette exaltation ,

1 Gen., xxiv, 60.


POURQUOI UN CHAPELET BLANC ? 159

parce qu'elle exalte Dieu lui-même. « Mon âme


glorifie le Seigneur ! Je vous exalterai, Seigneur,
parce que vous m'avez élevée. Magnificat anima mea
Dominum ! Exaltabo te quoniam suscepisti me ! »
Gratia plena ! Vous êtes pleine de grâce , vous êtes
toutes grâces ; en vous il n'y a que grâce, puisque
jamais il n'y eut de péché . En vous il n'y a que les
dons de Dieu, sans aucun mélange des misères hu-
maines. Rien de ce qu'il a versé en votre âme n'a été
corrompu, rien de ce qu'il a offert n'a été refusé, rien
de ce qu'il a donné n'est resté stérile. Et que Dieu
vous a donné ! Car il vous choisissait pour être le
canal de tous les biens donnés à la terre. Il a déposé
en vous l'Auteur même de la grâce, så Source inta-
rissable, la Grâce incréée, éternelle, et la Grâce sub-
stantielle et créée . Et de cette plénitude , vous débordez.
Vous êtes le cou du corps mystique de l'Eglise qui
nous rattachez à notre Chef. Tout vient par vous ;
mais , en nous comblant, vous ne perdez pas votre
richesse . Vous ne vous appauvrissez pas en donnant,
ô divine Trésorière . Car ce trésor est le Dieu vivant,
et vous êtes sa Mère , et vous êtes en Lui et il est en
vous. Vous êtes donc pleine de grâce, et c'est pour-
quoi vous êtes toute gracieuse, toute charmante aux
yeux de Dieu, et vous trouvez grâce en sa présence
et l'obtenez en notre faveur.
Dominus tecum ! Le Seigneur est avec vous ! Après
avoir salué l'Immaculée Conception et la plénitude de
grâce de Marie, nous vénérons ici sa Maternité divine.
Le Seigneur est avec vous. L'Ange le lui dit déjà ;
car, selon les Pères , Marie avait conçu le Verbe dans
son âme avant de le concevoir dans ses entrailles ,
160 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Marie l'attirait à elle depuis le premier moment de


son existence . Il est étrange que le Fils de Dieu ait
pu résister tant d'années à un désir si ardent. La con-
venance le voulait, donc aussi la Sagesse éternelle.
Mais aussitôt que l'heure marquée par les décrets
divins eût sonné, le Verbe bondit comme un géant,
dit l'Ecriture, comme un fiancé impatient : en un
instant, il vient du plus haut des Cieux jusqu'à son
chef-d'œuvre de la terre que rien ne saurait dépasser,
sa Mère.
> Benedicta tu in mulieribus ! Vous êtes bénie entre
toutes les femmes . Bénie entre toutes les vierges ,
puisque seule vous êtes Mère ; bénie entre toutes les
mères, puisque seule vous êtes Vierge ; bénie de la
bénédiction de la fécondité, mais sans aucune des
humiliations et des larmes dont les autres l'achètent.
Bénie soyez-vous d'avoir relevé votre sexe de la malé-
diction qui pesait sur lui depuis la chute d'Eve, et
de l'avoir si intimement associé à l'œuvre de notre
Redemption . !
Et béni soit le fruit de vos entrailles, en qui toutes
les nations de la terre seront à jamais bénies et en
qui vous l'êtes vous-même, car toutes les mères lui
crient Bienheureuses les entrailles qui vous ont
porté et le sein qui vous a allaité ! Quel Fils ! Quelle
Mère !
Voilà les louanges que nous donnons à Marie quand
nous récitons l'Ave. Nous lui rappelons toutes ses
grandeurs son Immaculée Conception , sa Maternité
divine, sa Virginité. Comment donc n'aimerait-elle
pas le Rosaire qui lui rend tant de gloire ! Aussi dit-
elle au B. Alain de la Roche : « Après l'assistance à
POURQUOI UN CHAPELET BLANC ? 161

la Messe, le Rosaire est la dévotion qui m'est le plus


agréable. >>

Mais si les grains sont de perles, la chaîne est d'or .


Cela signifie que le Rosaire nous lie indissolublement
à Marie. Il n'y a pas d'exercice qui nous fasse autant
connaître et aimer notre Mère. Tout chrétien fidèle au
Rosaire sentira bientôt son cœur plein d'amour et
d'une confiance filiale envers la douce Vierge . Pour-
quoi cela ? Grâce à la méditation des mystères . C'est
la vie entière de Marie qui par le Rosaire se déroule
devant nous. Nous la vénérons non pas seulement au
Ciel , mais dans toutes les circonstances de sa vie .
Nous contemplons ses actions, sa beauté, sa modestie ;
nous entendons sa voix , nous méditons ses paroles,
nous pénétrons jusque dans son Cœur immaculé ;
nous partageons ses joies et ses douleurs ; nous pleu-
rons avec elle au Calvaire et nous la suivons au Ciel .
Comment l'habitude de vivre ainsi avec notre Mère
ne nous ferait-elle pas l'aimer ? Quelle joie profonde
ses vrais enfants y goûtent ! « Réciter mon chapelet,
prier ma Mère, disait saint François de Sales , c'est
ma plus douce occupation et la joie la plus pure de
mon cœur. »
Oui, le Rosaire, comme le disait Jésus lui-même,
est bien une couronne de diamant et d'or, de gloire
et d'amour. C'est une délicieuse guirlande, disait le
B. Grignon de Montfort, qui relie nos cœurs au cœur
de Marie. Mais cette couronne, cette guirlande d'amour
est forte comme la mort fortis ut mors dilectio.
Jamais un vrai dévot au Rosaire ne sera séparé de sa
divine Mère. Car Marie est toute bonne. Comment
162 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

n'exaucerait-elle pas les demandes si instantes , si


persévérantes de ses enfants ? Nous la saluons pleine
de grâce, bénie entre toutes les femmes, nous qui ne
sommes que de pauvres pécheurs comment son
cœur de mère n'aurait-il pas pitié de nous ? Elle est
si riche ! pourquoi refuserait-elle ses bienfaits à notre
misère ? Elle est si bonne ! oublierait-elle que nous
sommes ses enfants ? Elle est si humble ! dédaignerait-
elle de nous écouter ? Oh ! non elle nous aime, elle
nous entend, elle nous exauce. A chaque Ave elle
accorde une grâce nouvelle ; et quand une âme est
fidèle à les multiplier, il se forme entre Marie et elle
un lien que rien ne peut briser . Ecoutons plutôt les
magnifiques promesses qu'elle daigna faire, en 1453,
au B. Alain de la Roche :

1. Quiconque récitera pieusement le Rosaire et


persévérera dans cette dévotion , verra toutes ses
prières exaucées.
2. Je promets ma très spéciale protection et des
grâces de choix aux dévots du Rosaire.
3. L'âme qui me témoignera sa confiance par la
récitation du Rosaire ne périra pas.
4. Aucun de ceux qui réciteront avec piété le
Rosaire en méditant les mystères ne fera une fin
malheureuse. Pécheur , il se convertira ; juste , il
persévérera jusqu'à la fin dans la grâce.
5. Je veux que tous ceux qui disent dévotement le
Rosaire trouvent dans leur vie , et à leur mort, réconfort
et lumière et participent aux mérites des Bienheureux .
6. Les vrais dévots du Rosaire ne mourront pas
sans les secours de l'Eglise .
POURQUOI UN CHAPELET BLANC ? 163

7. Je délivrerai du Purgatoire les dévots du Rosaire .


8. Ceux qui auront vraiment aimé et pratiqué
cette dévotion jouiront dans le Ciel d'une gloire
particulière.
9. Tout ce qu'on me demandera en récitant le
Rosaire, on l'obtiendra.
10. J'ai obtenu de mon Fils que tous les associés
du Rosaire aient comme frères dans la vie et dans la
mort les Bienheureux qui sont en Paradis.
11. J'assisterai dans toutes leurs nécessités ceux
qui propageront la dévotion du Rosaire.
12. Les dévots du Rosaire sont tous mes fils bien-
aimés et les frères de Jésus-Christ..
13. La dévotion au Rosaire est une marque évi-
dente de prédestination .
14. Le Rosaire fera germer les vertus, attirera les
miséricordes divines, . remplacera dans les cœurs les
affections périssables par le saint amour de Dieu , et
sanctifiera une multitude d'âmes.
15. Le Rosaire sera un bouclier impénétrable,
ruinera les hérésies , affranchira les âmes du joug du
péché et des instincts mauvais .

Telles sont les quinze grandes promesses faites par


la Très Sainte Vierge à ses dévots serviteurs . N'avions-
nous pas raison d'affirmer que c'est une chaîne d'or
qui nous attache à Marie ? 1
Chrétiens, aimez le Saint Rosaire . Si humble soit le
vôtre, sachez qu'aux yeux de Marie il est de diamant
et d'or.
N'avez-vous pas lu que les anciens s'imaginaient à
tort qu'il existait certaines pierres mystérieuses dont
164 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

le contact changeait tout en or, et qui ainsi procu-


raient à leur heureux possesseur des fortunes incal-
culables ? Seulement personne ne trouva jamais cette
prétendue merveille. Eh bien , il en existe une beau-
coup plus magnifique, je la vois en vos mains : c'est
votre Rosaire, vos perles enfilées d'or. Avec lui vous
ouvrez le Ciel , vous en faites tomber toutes grâces :
grâces de la vie et de l'éternité, grâces temporelles et
spirituelles. Si vous souhaitez quelque chose, deman-
dez-le à Marie votre Mère. Elle peut tout et veut vous
exaucer. Rien ne rompra cette chaîne qui vous lie à
elle ; ni le démon , ni les hommes, ni la mort.
Et ce n'est pas seulement à Marie, c'est à Jésus,
c'est à Dieu que nous lie le Rosaire. En méditant sur
les mystères de Marie, nous rencontrons Jésus, nous
contemplons sa vie mortelle, ses vertus, ses souf-
frances, ses exemples, son amour. Or, Jésus est tout
pour nous. Marie ne nous attire que pour nous
conduire à son Fils. Comme elle y réussit bien par le
Rosaire ! De plus , à l'Ave nous joignons le Pater.
Or, c'est la prière qu'il a lui-même composée. Elle
demande tout pour Dieu et pour nous. Pour Dieu,
l'honneur de son nom, son règne sur la terre ,
l'accomplissement de toutes ses volontés ; pour nous ,
les biens dont notre corps et notre âme ont besoin , le
pardon de nos fautes, la préservation des maux pré-
sents, futurs et passés. Enfin le Credo que nous y
récitons nous rappelle tous nos mystères et ranime
chaque jour notre foi . Qu'il est doux , bon et saint,
notre Rosaire ! Merveilleuse invention de la divine
Sagesse, pour nous apprendre à méditer en même
temps qu'à prier !
POURQUOI UN CHAPELET BLANC ? 165

Ecoutons ce qu'en disait une des âmes qui ont le


mieux compris ses richesses, Mlle Pauline Jaricot, la
fondatrice du Rosaire Vivant et de la Propagation de
la Foi :
« Je peux dire de la dévotion du Rosaire ce que les
Livres saints disent de la Sagesse : « Tous les biens
me sont venus avec elle. » Entre autres grâces , cette
dévotion m'a fait comprendre que l'humilité du cœur
et la prière, unies aux mérites de Jésus-Christ et
offertes par sa Mère Immaculée, sont les seules garan-
ties de la paix . La méditation des mystères du Saint
Rosaire a dégoûté mon esprit de tous les vains raison-
nements de la sagesse humaine. Elle m'a convaincue
de cette vérité que le salut de la France, comme celui
de l'univers, est uniquement dans la connaissance,
dans le souvenir des mystères de la vie et de la mort
d'un Dieu fait homme et victime par amour pour
l'homme .
« De plus, par la vertu du Rosaire, mon faible
cœur a osé unir sa voix à celle du Sauveur qui, dans
les larmes, la pauvreté et la souffrance, n'a cessé,
durant sa vie mortelle, de faire retentir les demandes
du Pater. Par la méditation douce et continue de ces
mystères, j'ai compris la gloire que rendait au Père
éternel la moindre action du Verbe incarné, et par
suite la réparation surabondante qu'une seule goutte
du sang de Jésus-Christ, une seule de ses larmes, un
seul de ses soupirs, a dù offrir à la Justice , pour
effacer et réparer les péchés du monde .
« Aussi ai-je espéré avec une intime, une entière
certitude que je serais exaucée ; et dans le sentiment
de ma confiance absolue envers le Tout-Puissant
166 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Rédempteur, j'ai oublié ma propre indignité pour


tout demander, tout espérer, tout attendre , avec la
conviction que le chrétien , quel qu'il soit, a droit de
se prévaloir humblement des mérites de son Chef, et
que rien ne peut lui être refusé quand il parle à la
suprême Justice à travers les plaies de Jésus-Christ
par la voix de Marie. »>

O Vierge Immaculée, soyez bénie de nous avoir


donné le Saint Rosaire. Daignez nous en faire com-
prendre les beautés . Faites que nous soyons fidèles à
le réciter souvent et même chaque jour. O Marie,
envoyez à la sainte Eglise de grands prédicateurs, de
grands apôtres du Rosaire, et des âmes qui ne cessent
de le dire, et nous serons sauvés.

Pratique. --- Se faire inscrire dans la Confrérie du


Très Saint Rosaire si l'on n'y est déjà enrôlé . Récitez-le
aujourd'hui avec ferveur pour demander l'extension
universelle de cette confrérie et son érection dans toutes
les villes et tous les villages, afin qu'aucun fidèle n'ait
de peine à s'y associer.
CHAPITRE DIX -SEPTIÈME

Pourquoi Marie a-t-elle fait couler


une source du rocher ?

UTREFOIS, dans le désert, les Hébreux criè-


rent à Dieu pour avoir de l'eau . Et Dieu
ordonna à Moïse de frapper de sa verge
le rocher d'Horeb, et il en sortit une
source abondante et délicieuse où le peuple se désal-
téra. Or, dit saint Paul, « cette eau du rocher figurait
un breuvage spirituel qui coulait de la pierre spiri-
tuelle qui les accompagnait. Et cette pierre était le
Christ. » Il ajoute : « Tous burent , et pourtant il n'y
en eut pas beaucoup d'entre eux qui furent agréables
à Dieu ¹ . >>
Nous avons dit que le rocher de Lourdes représen-
tait Notre-Seigneur comme celui d'Horeb . La source
miraculeuse représente sa grâce, abondante et déli-
cieuse, et qui pourtant, hélas ! ne parvient pas à
sanctifier tous les hommes. Etudions ici les leçons de
notre Mère.
Le 25 février, Bernadette, sur l'ordre de l'Appari-

1 I Cor. , X.
168 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

tion, creusa la terre de ses mains au pied du rocher.


Bientôt la cavité s'emplit d'une eau troublée . La
Sainte Vierge ordonna à l'enfant d'en boire. Trois fois
l'enfant porta à ses lèvres, dans le creux de sa main ,
ce breuvage boueux sans avoir la force d'obéir. Enfin ,
encouragée par le regard maternel, elle surmonta sa
répugnance. Dès ce jour, la source ne cessa de
grossir au bout de quelque temps, elle coulait lim-
pide et abondante. Depuis quarante-cinq ans, elle
jaillit sans jamais diminuer, et donne assez d'eau pour
baigner tous les malades et contenter tous les désirs
des milliers de pèlerins qui viennent à Massabielle .
Quelle leçon nous donne en cela Marie ? Pour
frapper nos esprits, elle agit comme Dieu faisait dans
l'Ancien Testament, ordonnant parfois à ses prophètes
des actes singuliers ou même répugnants pour leur
montrer par ce symbole les dérèglements des pécheurs .
Or, il est dit dans l'Ecriture : « Mon peuple a fait
deux crimes : il m'a abandonné moi la fontaine d'eau
vive, pour se creuser des citernes, des citernes cre-
vassées qui ne peuvent conserver les eaux ¹ . »
Le Seigneur compare son peuple à des hommes
altérés qui cherchent à soulager leur soif. Tout
homme, en effet, a soif de bonheur. Dieu ne lui
reproche pas ce désir ; bien loin de là, c'est lui qui
l'a allumé au cœur de sa créature. Il ne lui reproche
donc pas d'avoir cherché le bonheur : il lui reproche
de ne l'avoir pas trouvé, faute de le chercher où il
est. Le bonheur ! mais c'est la vie de Dieu , et toute
son œuvre dans le monde est de le communiquer à

Jer., 1 , 13.
POURQUOI UNE SOURCE ? 169

ses créatures il ne nous a faits que pour cela . Et


tellement il a désiré nous le donner qu'il s'est fait
homme et a souffert la mort pour nous le rendre
après le péché. Il a pleuré pour nous rendre le sou-
rire ; il a souffert l'angoisse et la tristesse pour que
nous retrouvions la joie. Aussi il ne nous parle que
de bonheur. Son premier sermon aux hommes n'est
que pour leur apprendre le chemin du bonheur :
Beati..... Beati.....
Et voici le sujet de sa plainte : c'est que ce bon-
heur qu'il apporte à la terre, les hommes l'ont refusé,
pour chercher à grand'peine un bonheur méprisable
et passager : « Mon peuple a fait deux grands crimes ;
il m'a abandonné, moi la fontaine d'eau vive, pour se
creuser des citernes percées . » Il se compare lui-
même à une source d'eau vive, parce qu'il est le
Verbe de Dieu, sa parole, son Fils ; il jaillit sans
cesse par sa génération éternelle de l'abîme de la
Divinité, à tout instant engendré, à chaque instant
aussi jeune que de toute éternité ; et il répand à flots
l'existence, la vie, la lumière, la grâce dans le monde.
Toute vie naturelle et surnaturelle émane de sa puis-
sance et de son amour. On trouve tous les biens en
Jésus-Christ. Tous les biens terrestres d'abord, car
c'est lui qui donne la santé, la richesse, toutes les
prospérités ; puis, les biens beaucoup plus sublimes
de l'âme : la grâce, les joies spirituelles, les vertus, et
ensuite la gloire éternelle. Or, tout homme peut y
puiser. Il nous invite : « Si quelqu'un a soif, qu'il
vienne à moi et boive. A celui qui a soif, je donnerai
pour rien l'eau de la vie. Celui qui vient à moi n'aura
plus soif. Celui qui croit en moi , un fleuve coulera
LOURDES 10
170 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

dans son sein . Ah ! si vous connaissiez le don de Dieu


et Celui qui vous parle , vous lui demanderiez à boire
et il vous donnerait l'eau qui rejaillit jusque dans la
vie éternelle . Vous puiserez avec joie aux sources du
Sauveur ! » Et le Prophète voyait en esprit un fleuve
sortir du côté droit du Temple et tous ceux à qui cette
eau parvenait étaient sauvés.
Voilà ce qu'est Jésus : une source d'eau limpide,
jaillissante, intarissable, rassasiant tous les désirs , et
enfin éternelle on la boit ici-bas et on la retrouve
encore plus délicieuse dans l'éternité fons aquæ
salientis in vitam æternam.
Eh bien , nous dit-il, cette source, mon peuple,
c'est-à-dire la France, l'a abandonnée ! Abandonnée !
Elle la connaissait donc, elle l'avait goûtée et elle
l'abandonne pour trouver une eau meilleure. Et, au
lieu d'une source, elle n'a que des citernes qu'elle
creuse à grand'peine ; au lieu de l'eau pure et jaillis-
sante, de l'eau stagnante et bourbeuse, c'est-à -dire :
elle abandonne mon amour, mon service si plein de
suavité, pour chercher un bonheur grossier, les
voluptés mondaines , les pompes de Satan . Là elle boit
une eau empoisonnée qui corrompt ses mœurs, détruit
sa foi, ruine sa fortune. Et cela à grands frais, avec
mille labeurs et mille souffrances. Et, pour comble,
ces citernes sont percées, effondrées ; elles laissent
couler l'eau et il ne reste au fond qu'une boue in-
fecte ; c'est-à-dire que le vain plaisir que l'on cherche
loin de Jésus-Christ, on ne peut même pas le garder.
On veut le placer dans un corps fragile : la mort
vient qui le brise. Que demeure-t-il de tant de vo-
luptés ? Le plaisir est passé, il ne reste que la honte,
POURQUOI UNE SOURCE ? 171

le remords et la souillure, et les châtiments éternels


qu'on a mérités . Quel échange ! quelle folie ! « Cieux,
soyez dans la stupéfaction ; portes des cieux , soyez
dans la tristesse, car mon peuple a fait deux grands
maux : il m'a abandonné, moi la source d'eau vive,
pour se creuser des citernes, des citernes percées qui
ne peuvent rien garder. »><
O France , continue Jésus par la bouche de son
prophète, « je me souviens du temps où j'eus pitié de
ta jeunesse, je me souviens de nos premières amours.
Tu étais le Saint de Dieu, les prémices de ses con-
quêtes ; tous ceux qui t'affligeaient étaient châtiés du
Seigneur. Quel mal ai-je donc fait à vos pères pour
qu'ils se soient éloignés de moi , pour marcher après
la vanité ? Eh bien , discutons ensemble, examinez.
Allez jusque dans les pays sauvages , envoyez chez les
Chinois et chez les Nègres considérez attentivement
et voyez si jamais on a vu chose pareille, si un de ces
peuples a changé ses dieux ; et pourtant leurs dieux.
ne sont pas le Dieu véritable. Mais mon peuple, lui
qui a la gloire de connaître le vrai Dieu , l'a changé
pour des idoles. Cieux , étonnez-vous ; portes des
cieux , tremblez ! Mon peuple a fait ces deux crimes :
il m'a abandonné, moi la fontaine d'eau vive , pour se
creuser des citernes , des citernes percées, qui ne
peuvent rien garder¹ . »
Mais non seulement s'éloigner de Jésus-Christ , c'est
renoncer au bonheur, c'est encore se souiller. L'âme
qui a préféré la créature à Dieu devient sale et
hideuse devant la pureté infinie . « Comment dis-tu :

1 Jerem., 11 , 2-13.
172 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Je ne suis pas souillée ? » ajoute encore le Prophète.


<< Ta malice t'accuse et ton éloignement de moi est ta
condamnation. Reconnais donc et vois qu'il t'est mau-
vais et amer d'avoir abandonné le Seigneur ton Dieu
et d'avoir perdu ma crainte, dit le Seigneur Dieu des
armées. Depuis un siècle, tu as brisé mon joug et
rejeté ma loi et tu as dit : Je ne servirai pas. Je t'avais
plantée comme une vigne choisie , comme une semence
parfaite comment donc es-tu devenue une vigne
détestable et qui n'est plus à moi ? Quand tu te lave-
rais avec du nitre, et y ajouterais l'herbe borith, tu es
souillée de tes iniquités devant moi ¹ . »
Et Marie, pour faire comprendre la leçon, y joint le
symbole. Sur son ordre, l'enfant se lave à la source,
c'est-à-dire se couvre le visage, figure de l'âme, d'une
eau bourbeuse qui la souille , loin de la purifier. Puis
la Vierge lui ordonne de manger de l'herbe qui croît
à côté c'était l'herbe appelée dorine, de la famille
des saxifragées . (LASSERRE . ) C'est pour nous faire
sentir l'impuissance de nos moyens à purifier les
âmes et la société. « Quand tu te laverais avec du
nitre, et y ajouterais l'herbe borith , tu es souillée de
tes iniquités ! » Le borith est une herbe qui a la
propriété de nettoyer. Mais l'herbe est aussi la figure
de l'homme, car, dit l'Ecriture, « toute chair n'est
que de l'herbe. » Marie veut donc nous dire qu'aucun
secours humain ne peut nous purifier.
Mais, après nous avoir fait sentir notre misère, la
Sainte Vierge nous montre le remède : « Allez boire
à la source et vous y laver. » En effet, l'eau devenant

Jer., 11, 19-22.


POURQUOI UNE SOURCE ? 173

plus abondante, la source coula claire et limpide :


pour bien nous montrer que là où le péché avait
abondé, surabonde la miséricorde. Cette source jaillis-
sante signifie en effet la grâce inépuisable de Jésus-
Christ, elle signifie son sang qui coula de son côté
pour purifier le monde : aussi la source coule du côté
droit de la grotte, selon la prophétie : « J'ai vu de
l'eau sortir du Temple du côté droit, et tous ceux à
qui cette eau est parvenue ont été sauvés. » Et, en
effet, elle est le symbole des grâces spirituelles et
temporelles qui ne cessent de se répandre à Lourdes
sur tous ceux qui viennent les chercher.
Voilà donc ce que nous dit Marie : « Mes enfants ,
vous avez soif de bonheur ; n'allez pas aux citernes
d'eau stagnante et corrompue, où vous trouverez à
peine quelques gouttes d'eau impure qui vous souille-
ront sans vous désaltérer. Allez à la source délicieuse ,
intarissable, éternelle , qui rassasie pleinement et
cependant laisse toujours de nouveaux désirs : allez
à Jésus-Christ. C'est lui la source d'eau vive. Mais
vous êtes pécheurs : eh bien , Jésus seul peut vous
purifier. Allez vous baigner dans son sang et en
même temps vous y abreuver : allez boire à la source
et vous y laver ! »

O Marie, ô Vierge toute pure, purifiez nos âmes


dans le sang de votre Fils bien-aimé !

Pratique. Dites le très saint Rosaire en pensant au


précieux Sang de Jésus et pour la conversion des
pécheurs.
CHAPITRE DIX- HUITIÈME

Pourquoi la Sainte Vierge


fait-elle tant de miracles à Lourdes ?

ous avons dit que l'Apparition de Lourdes


est une révélation nouvelle du Ciel à la
terre. Or le miracle est la preuve la plus
frappante, et en quelque sorte le témoi-
gnage nécessaire de la vérité d'une révélation , de son
origine divine. Cela est tellement vrai , tellement senti
par tous les esprits raisonnables, que les ennemis
mêmes de la Religion ont été pris à Lourdes en fla-
grant délit de croyance à l'efficacité des miracles ,
pour établir la foi àu surnaturel. Quand Bernadette
vint de la part de la Très Sainte Vierge exposer au
curé de Lourdes les désirs de la Reine du Ciel , le
vénérable prêtre lui répondit qu'il ne pouvait croire
à son message s'il n'était appuyé de quelque miracle.
Or on était en plein hiver, et le bon curé demanda
pour signe que l'églantier de la grotte fleurît subite-
ment. La nouvelle fut bientôt connue dans la ville ;
les journaux s'en emparèrent, les journaux impies
qui depuis le commencement se moquaient si joyeuse-
ment des prétendues visions et de la superstition
POURQUOI DES MIRACLES ? 175

populaire. Ils exaltèrent la prudence du curé de


Lourdes, disant agréablement qu'il avait demandé ses
papiers à la Visiteuse céleste. Et comme l'églantier
ne fleurit pas , ils en tirèrent cette sage conclusion
que l'Apparition était mensongère , puisqu'elle ne
s'appuyait sur aucun prodige . D'où la contradictoire
suit nécessairement que s'il y avait eu des miracles,
l'Apparition eût été divine .
Il semble que la Sainte Vierge ait refusé le miracle
demandé, juste le temps nécessaire pour les laisser
s'enferrer sur cette conclusion, et poser eux-mêmes
la première prémisse d'un raisonnement très simple
dont elle se chargeait de poser ensuite la deuxième.
Voici le syllogisme. Première prémisse posée par la
libre-pensée : Le miracle prouve l'action divine.
Deuxième prémisse posée par la Sainte Vierge : À
Lourdes il s'opère des miracles. Conclusion tirée par
la raison : A Lourdes Dieu s'est véritablement mani-
festé à la terre.
Ainsi donc, à la question placée en tête du chapitre :
Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle fait des miracles
à Lourdes ? il faut répondre : Pour satisfaire à la
demande du curé de Lourdes et de la libre-pensée
elle-même, c'est-à-dire pour prouver indubitablement
la réalité des Apparitions, et par suite confirmer tout
le récit de Bernadette et tout ce qu'elle nous a transmis
des désirs et des leçons de notre Mère.
Le curé de Lourdes avait demandé un miracle .
Mais sa demande était humaine . L'homme est si
timide dans ses ambitions ! Pour croire il se con-
tentait d'un tout petit miracle l'apparition hâtive
d'une fleur qui pousse tous les ans ! Il a peu demandé
176 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

et il a obtenu en définitive beaucoup plus qu'il


n'espérait. Quelle leçon Marie nous donne par ce seul
fait ! Nous avons si peu de foi ! nous croyons si peu
à cette grande promesse de Dieu : « Demandez et
vous recevrez tout ce que vous demanderez avec
confiance vous sera accordé. » Pourtant, Dieu exauce
toujours ; mais parfois il diffère, et d'autres fois il
accorde autre chose que ce que l'on demandait ; mais
il accorde toujours, et toujours plus qu'on n'a osé
espérer jamais moins. Ici , comme nous le voyons !
Si Marie avait fait fleurir le rosier, M. Peyramale
aurait cru sans doute, mais le monde aurait-il cru ?
Les impies auraient dit assurément que l'églantier
était déjà en fleurs, sans qu'on l'ait remarqué ; que
dans la grotte la température était plus douce , et
éminemment favorable à hâter la floraison. On aurait
dit cela dans le moment. Et plus tard , quand la fleur
eût passé avec la saison , on aurait nié absolument
qu'elle eût jamais existé. On eût prouvé plutôt que
cette sorte d'épines n'a jamais de fleurs ou même
qu'il n'y avait jamais eu d'églantier à Massabielle.
Bref, un si petit miracle n'eût pas longtemps arrêté
la libre-pensée. Elle eût affirmé péremptoirement
qu'une croyance est bien faible qui ne s'appuie que
sur des pétales de roses.
Maintenant voyons Marie agir : elle va parler par
sa toute-puissance. Les miracles qu'elle va faire ne
sont pas des jeux charmants ; ce sont des œuvres
immenses qui vont remuer le monde. A Jésus aussi
on demandait un prodige, et rien qu'un, pour croire
à sa Divinité : « Nous voulons, lui disaient les Juifs,
voir un prodige de vous dans le ciel . » Jésus ne le fit
POURQUOI DES MIRACLES ? 177

pas. Mais il en fit des milliers sur la terre. Pourquoi


employer sa puissance à amuser ses ennemis , quand
il peut la consacrer à soulager ceux qui souffrent ? Les
Prophètes avaient-ils dit qu'il prouverait sa mission
en faisant des éclipses ? Non , mais voici les miracles
qu'ils annoncent : « Les aveugles voient, les sourds
entendent, les boiteux marchent, les lépreux sont
guéris... » Et quand saint Jean-Baptiste fait demander
à Jésus-Christ : « Etes-vous celui qui doit venir, ou
devons - nous en attendre un autre ? » pour toute
réponse il guérit des aveugles , des sourds, des para-
lytiques, et il dit aux disciples de Jean : « Allez dire
à votre maître ce que vous avez vu et ce que vous
avez entendu . » La preuve est décisive.
Eh bien, Marie agit comme lui . A Lourdes, on
peut dire littéralement la même chose qu'autrefois en
Judée Les aveugles y recouvrent la vue, les sourds
entendent de nouveau la parole humaine, les para-
lytiques, les malades les plus impotents se lèvent de
leurs grabats , les boiteux jetant leurs béquilles
sautent et bondissent, les mourants reviennent à la
vie.
Ah ! ce n'est ni dans le Ciel, ni sur un rocher
aride que Marie va montrer sa puissance . Son cœur
Ide Mère voit tant de souffrances sur la terre ! Faire
fleurir une épine ! Oui , elle va le faire ; mais cette
épine aride c'est pour elle la pauvre humanité. Elle,
la belle et ravissante fleur des champs et le lis des
vallées, elle voit tant d'âmes flétries, tant de corps
infirmes, tant de pauvres membres desséchés : c'est
là qu'elle va faire affluer la sève miraculeuse et
rendre la vie. Les âmes et les corps vont refleurir
178 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

à sa voix bénie la grâce et la santé vont couler à


flots de cette grotte.
Combien de pauvres malades s'écrieront dans la
joie de leur cœur avec le Prophète : Et refloruit caro
mea « ma chair a refleuri ! » On demande à Marie
des fleurs mais elle nous répond : « Mes fleurs à
moi ce sont des fruits d'honneur et de vertu »> , des
conversions , de dignes fruits de pénitence , des âmes
rendues à la vie flores mei fructus honoris et
honestatis.
Voilà la réponse de Marie à la demande du curé
de Lourdes. Pourtant elle a bien aussi des roses ,
mais ce n'est pas la terre qui les produit ; elle les
apporte du Paradis, elles ornent ses pieds, pour nous
montrer que c'est l'amour qui la conduit. Sans doute ,
ce n'est pas seulement à Lourdes , ni dans notre
temps que Marie guérit et console. Dans tous les
siècles et dans tous ses sanctuaires on a trouvé près
d'elle grâces et secours . Quand elle n'aurait pas
d'autres raisons que d'écouter la tendresse de son
cœur, Marie ferait des miracles , et elle en a toujours
fait. Mais à Lourdes elle a de plus à confirmer son
Apparition et ses enseignements : c'est pourquoi c'est
là surtout que sa puissance éclate. De même Jésus
tout brûlant d'amour pour nous n'a cessé et ne
cessera jamais de faire du bien aux pauvres hommes
ses frères toutefois, c'est au moment où il a prêche
son Evangile qu'il a multiplié ses miracles, afin de
prouver sa Divinité et sa mission . Ainsi les miracles
de Marie et de Jésus ont deux grands buts : soulager
l'humanité, et lui prouver que Dieu existe et s'occupe
d'elle.
POURQUOI DES MIRACLES ? 179

Vous demandez un miracle , ô esprits forts de


Lourdes, parce que vous pensez bien qu'il n'en fera
pas. Un peu de patience. La science peut venir : non
pas seulement la botanique pour constater s'il y a des
roses à l'églantier ; mais une science plus utile : la
médecine. Pour témoins voici toute une population :
celle de Lourdes, ville suffisante sans doute pour en
fournir d'assez nombreux et assez prudents. Voici en
effet un ouvrier carrier que tout Lourdes connaît et
auquel tous s'intéressent. Il a perdu la vue d'un œil
il y a trente ans dans un accident qui a ému toute
la ville . Chacun sait qu'il ne peut guérir . Marie l'a
choisi pour son premier témoin . Elle lui inspire de
se baigner les yeux dans l'eau de la source merveil-
leuse. Il est guéri instantanément. Voilà le premier
miracle de Lourdes. Personne n'a pu nier que
Bourriette n'eût un œil absolument perdu ; et tous
ceux qui l'ont voulu ont pu constater que cet œil
a été absolument guéri en un moment.
Et ce miracle a été suivi d'une multitude d'autres
encore plus magnifiques.
En notre siècle d'impiété et de naturalisme on
avait vu se lever une nouvelle manière de combattre
notre sainte Religion . Les impies disaient avec tout
le charme de leur langage séduisant La Religion
chrétienne repose sur les miracles attribués au Christ
son auteur. Or le miracle est une chose absurde et
impossible. Donc la religion du Christ est fausse, et
le Christ lui-même, dont la prétendue divinité repose
entièrement sur ces soi-disant miracles, n'est pas Dieu ,
si même il a jamais existé.
L'argument était très vrai si l'on pouvait établir
180 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

la deuxième prémisse, mais la prouver n'était pas


chose très facile. Le miracle n'a jamais eu lieu parce
qu'il est impossible ! On pouvait répondre : Pourtant
il existe. Les miracles du Christ ont eu un peuple
entier pour témoin, et sans doute tous n'étaient pas
des insensés . On ajoutait : D'ailleurs les miracles du
Christ ne sont pas les seuls. Ses disciples en ont fait
beaucoup plus que lui, et même de plus grands.
Depuis dix-neuf siècles , jamais les miracles n'ont
cessé de se produire dans l'Eglise catholique ; leur
nombre est incalculable. Jamais Rome ne canonise
un saint, qu'elle n'ait constaté juridiquement, avec
une sévérité presque désespérante, plusieurs miracles
éclatants accomplis par son intercession . Quelques
saints en ont fait tellement que leur nombre ne se
peut dire. Ainsi, saint François Xavier a ressuscité
cinquante-deux morts au moins, et un évêque déposa
à son procès de béatification qu'il avait opéré dans
son seul diocèse plus de huit cents miracles. - Les
impies n'avaient rien à répondre ; mais ils n'en con-
tinuaient pas moins leurs blasphèmes, comme tou-
jours ils le feront. Mais pour empêcher leur venin
de souiller l'intelligence populaire, voici que Marie
manifeste son action . En plein xixe siècle , le miracle,
nié comme une chose impossible, devient presque
une institution . Si quelqu'un veut en voir, qu'il aille
à Lourdes il en trouvera, pour ainsi dire, à jours
fixes.
Ce qui frappe dans les miracles de Lourdes c'est
d'abord leur nombre. Depuis quarante - cinq ans,
on ne saurait le calculer même approximativement .
D'autant plus que ce n'est pas à Lourdes seulement
POURQUOI DES MIRACLES ? 181

qu'il s'en opère, mais par toute la terre , partout où


Notre-Dame de Lourdes est invoquée. C'est ensuite
leur grandeur et leur variété. Toutes les maladies ou
à peu près y ont trouvé leur guérison par con-
séquent pas un mal auquel l'homme est sujet , auquel
Marie ne porte remède, fût-ce les maladies les plus
affreuses, les plus invétérées, les plus incurables .
En troisième lieu , ce qu'il y a d'unique à Lourdes,
c'est leur constatation . La science s'était moquée du
miracle comme d'une chose impossible. Eh bien ,
c'est elle-même qui va en juger. A Lourdes il y a
un bureau médical devant lequel paraissent les
malades qui se disent guéris . Tout médecin, de toute
nation, de toute opinion, peut y venir librement.
On ne craint aucune lumière on la cherche , au
contraire. Des milliers de savants y sont venus ; les
sommités médicales, les maîtres y ont vu des mer-
veilles qui surpassaient leur savoir . Ils ont dû s'in-
cliner devant l'évidence et reconnaître l'œuvre d'une
puissance supérieure à l'homme et à la nature .
Or, quelle est cette puissance ? Les moyens em-
ployés pour obtenir ces guérisons vont répondre . Les
malades viennent pour invoquer la Vierge Marie ,
Mère de Notre - Seigneur Jésus - Christ. C'est à elle
qu'ils demandent la santé. Ils boivent de l'eau de
la source, ils s'y baignent quelques instants : voilà
le remède unique , le même pour toutes les maladies .
Comment expliquer que de l'eau froide, dans laquelle
l'analyse chimique n'a trouvé aucune propriété
curative, puisse instantanément guérir des maladies
absolument différentes rendre la vue à un aveugle,
le mouvement au paralytique, allonger la jambe d'un
LOURDES 11
182 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

boiteux , faire disparaître un cancer sans qu'il laisse


de trace ?
A l'usage de cette eau se joint une prière ardente
et confiante. Non seulement le malade et ses parents,
mais la foule des pèlerins demandent avec ferveur
une guérison, et la guérison arrive. Et souvent même
elle se produit sans l'eau, par la prière seule ; quel-
quefois pendant le trajet en chemin de fer à l'aller
ou au retour ; d'autres guérisons ont lieu en tout pays
à l'invocation de la Vierge de Lourdes . C'est donc
bien elle qui répond elle seule , sa puissance , sa
bonté maternelle. L'eau de sa source est son moyen
ordinaire, mais elle n'est pas nécessaire à ses faveurs .
Mais voici plus un autre agent de guérison à
Lourdes c'est le Très Saint Sacrement. Beaucoup de
malades ont été guéris subitement sur son passage,
en l'acclamant, en recevant sa bénédiction . Ils ont
reçu la grâce qu'ils demandaient, à l'instant même
où ils la demandaient, et la lui demandaient à lui-
même directement : c'est-à-dire à Jésus- Christ, Fils
de Dieu et Fils de Marie, présent, comme l'enseigne
l'Eglise, au Très Saint Sacrement . Certes ici la science
ne verra aucune proportion , aucune explication
naturelle possible, entre ces miracles et les moyens
qui les obtiennent.
Encore une fois , quelle est donc la puissance qui
les produit ? Evidemment, c'est la puissance invoquée
par les miraculés . Or ils invoquent la Sainte Vierge
Marie, et par son intercession Jésus-Christ son Fils ,
et Dieu, le Créateur Tout-Puissant. Et Dieu , Jésus et
Marie répondent par leurs prodiges .
La conclusion qui s'impose à tout homme de bon
POURQUOI DES MIRACLES ? 183

sens et de bonne foi est celle-ci : Dieu , Jésus et Marie


existent et ils nous entendent . Et de plus, comme ces
prodiges n'ont lieu que dans la seule Eglise catho-
lique, apostolique et romaine, qu'ils ne sont faits qu'à
sa prière à elle , qu'en sa faveur à elle, ou , si quelque-
fois c'est en faveur
• de personnes étrangères à sa
croyance, c'est du moins quand elles invoquent la
Vierge des catholiques, ou à la prière fervente de
catholiques, il s'ensuit que la sainte Eglise romaine
est la seule vraie Eglise de Dieu , la seule Religion .
Et c'est là précisément la leçon que Marie veut donner
à la terre. Elle vient lui faire une nouvelle révéla-
tion, qui assurément n'ajoute rien à la croyance de
l'Eglise, qui n'augmente pas d'un degré notre croyance
à nous, parce qu'elle était complète , absolue, iné-
branlable : mais qui, aux yeux de tous les incrédules ,
indifférents , ou membres d'une autre religion quel-
conque, est une démonstration facile , claire , évidente,
palpable, présente, inattaquable et suffisante, que la
Religion catholique romaine est la seule vraie Religion.
Et en effet nous pouvons dire à Marie ce qu'un
Juif disait autrefois à Jésus lui-même : « Nous savons
que vous venez au nom de Dieu , car personne ne
pourrait faire les miracles que vous faites si Dieu
n'était avec lui . » C'était le langage du bon sens .
Mais tous ne le tenaient pas . Beaucoup de Juifs
fermaient les yeux à la lumière , et Jésus le leur
reprochait énergiquement. « Si vous ne croyez pas
à mes paroles , leur disait-il , croyez à mes œuvres.
J'ai un témoignage plus grand même que celui de
Jean-Baptiste, ce sont mes œuvres. Les œuvres que
je fais rendent témoignage de moi et de la divinité de
184 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

ma mission. » Comment cela ? Parce que je les fais


au nom de mon Père, au nom de Dieu . « C'est lui-
même qui agit par moi . Si je ne fais pas les œuvres
de mon père, ne croyez pas en moi . Mais si je les
fais, croyez en ces œuvres, si vous ne voulez pas
croire à mes paroles , et reconnaissez que Dieu est en
moi . » Quelle clarté divine ! Quelle évidence !
Mais telle était la haine des Juifs pour Jésus qu'ils
aimèrent mieux blasphemer Dieu et sa puissance que
de reconnaître le Christ pour son envoyé . Et Jésus
dit alors cette parole terrible : « Si je n'étais pas venu
sur la terre, ils n'auraient pas péché ; mais main-
tenant leur crime est sans excuse . Si je n'avais pas
fait devant eux des miracles que personne autre ne
fait, ils ne seraient pas coupables : mais ils les ont
vus et ils me haïssent, moi et mon Père, selon cette
parole de l'Ecriture : « Ils m'ont haï sans raison ! »

Oui, sans raison ! ou plutôt contre toute raison .


Ah ! les impies crient bien haut contre l'obscurantisme
de l'Eglise qui croit en des êtres invisibles, en un
monde autre que celui que nous habitons ; ils ne
parlent que des lumières de la raison . Assurément,
ils n'en font guère usage de ces lumières pour nous
au contraire, nous en profitons pleinement. C'est la
raison en effet, la raison toute seule, qui nous permet
d'avoir la foi. Les bêtes n'ont pas la foi parce qu'elles
n'ont pas la raison . Pourtant il est aussi vrai pour
elles que pour nous qu'il y a un Dieu, et qu'il est
leur Créateur. Mais elles l'ignorent ; elles n'ont pas
la foi et ne peuvent l'avoir, parce qu'elles n'ont
pas d'intelligence . Les incrédules se mettent à leur
POURQUOI DES MIRACLES ? 185

niveau rabaissé. Le chrétien au contraire est un


être intelligent et qui sait se servir de sa raison , et
c'est pourquoi il croit.
Peut-on donc raisonnablement croire ce qu'on ne
voit pas ? Assurément. La vue est-elle le seul sens ?
On croit ce qu'on entend , ce qu'on sent, ce qu'on
touche, aussi bien que ce que l'on voit. Eh bien ,
Dieu ne se fait pas voir, mais il fait sentir, toucher sa
présence. Il se fait sentir par ses œuvres, par ses
bienfaits, par ses châtiments . Toute la nature pro-
clame le Créateur. Mais il manifeste surtout sa puis-
sance par les miracles . Il a daigné parler à l'homme.
Il a envoyé des Prophètes , des Anges et surtout son
Fils Jésus-Christ, et il leur a donné pour témoignage
de leur mission, la grande voix des miracles . Tout ce
qu'ils nous ont dit de sa part il l'a confirmé par les
œuvres qu'ils opéraient en son nom . N'y a-t-il pas là
de quoi fonder une croyance raisonnable ?
Quand Christophe Colomb comprit par son génie
l'existence d'un autre continent au delà des mers ,
on pouvait le regarder comme un rêveur, jouet de
l'illusion . Mais ceux qui virent revenir ses vaisseaux
chargés des richesses du nouveau monde, pouvaient-
ils croire raisonnablement à l'existence de l'Amérique ?
La folie n'eût-elle pas été plutôt d'en douter ? Et si
aujourd'hui quelqu'un refusait de croire à l'Amérique
sous prétexte que la mer s'étend jusqu'à l'horizon ,
que lui répondrait-on ? Rien sans doute, parce qu'on
ne le jugerait pas doué de raison . Ou bien , par com-
passion on lui dirait : « Mon ami , si vous n'avez pas
reçu d'éducation , si vous n'avez lu ni livres, ni
journaux , ni récits de voyage ; si vous n'entendez
186 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

jamais parler du monde ni de la politique, ni des


affaires humaines, on conçoit que vous ne connaissiez
pas l'Amérique mais au moins ne niez pas ce que
vous affirment les gens intelligents . Tenez, il y a si
bien une Amérique que voici des lettres qui en
arrivent, voici un télégraphe par lequel je lui parle
et elle me répond . Je sais ce qui s'y passe, je converse
avec ceux qui y sont ; je la connais presque comme
si j'y avais été moi-même ; je connais même des gens
qui l'ont habitée longtemps . >>
Beaucoup plus fous que ce rustre nous paraissent
ceux qui nient Dieu et le Ciel, à nous qui connaissons
si bien le monde surnaturel , qui vivons en contact
avec lui perpétuellement, qui lui parlons et entendons
ses réponses . A ces incrédules nous disons : « Vous
vous prétendez philosophes, mais au fond vous n'êtes
que des ignorants. Avez-vous lu quelques-uns des
millions de livres qui ont été écrits sur ces choses que
vous traitez de chimères ? Si vous ne vous occupez
que de boire, manger, travailler, vous enrichir , vous
amuser et autres besognes matérielles, ou bien si
vous étudiez seulement les sciences physiques et
naturelles , il n'est pas étonnant que vous n'ayez
aucune notion des réalités divines. Cela n'empêche
point qu'elles existent. Et pour preuve voici les
miracles , voici ce qu'obtient la prière ; bien plus , voici
quelqu'un qui revient du Ciel, c'est la Sainte Vierge
Marie, morte il y a dix-neuf cents ans . Elle revient
avec la puissance de faire des milliers de guérisons.
Croirez-vous au moins qu'elle existe ? »
Mais ce n'est pas seulement aux impies, aux athées ,
aux déistes que la Vierge Immaculée répond . C'est
POURQUOI DES MIRACLES ? 187

à tous ceux qui n'appartiennent pas à la Religion


catholique protestants, schismatiques, juifs, maho-
métans, bouddhistes , idolâtres, païens de toute espèce.
Tous les cultes passés ou présents s'arrêtent devant
ce simple fait qu'ils n'ont jamais réalisé, et qui chez
les catholiques est si fréquent : le miracle. Oui , trou-
vez-moi une religion quelconque qui puisse autoriser
sa foi d'un seul miracle véritable, et je l'embrasse à
l'instant. Mais cela ne s'est jamais vu et ne se verra
jamais que dans notre sainte Religion catholique. Car
il n'y a pas plusieurs dieux : donc il n'y a pas plu-
sieurs religions. Or, comme la Religion catholique
seule possède le don des miracles, elle est la Religion
unique.
Je m'explique. Un seul miracle exige la puissance
formelle de Dieu ; donc, si ce miracle appuie une
Religion, Dieu la confirme : or il ne peut confirmer
l'erreur.
Mais, dira-t-on , les autres religions ont eu autrefois
des miracles.
Je mets de côté le Judaïsme avant la venue du
Christ car alors il était la vraie et unique Religion ,
il était l'Eglise aussi il a eu dans ce temps-là des
miracles . Mais depuis dix-neuf siècles il n'en a plus.
Le Judaïsme donc écarté, il est certain qu'aucune
religion autre que la Religion catholique n'a eu ni
n'aura jamais aucun miracle véritable, par la seule
raison que la Religion catholique, elle , en a, et par
millions ; or le miracle est une confirmation divine,
et Dieu ne peut pas confirmer à la fois des doctrines
opposées . Si donc certains cultes prétendent avoir eu
des miracles, qu'ils les prouvent. Mais ils ne le feront
188 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

jamais. Leurs prétendues merveilles remontent dans


la nuit des temps et ne reposent que sur des récits
dont il est absolument impossible d'apporter des
preuves , et nous les nions absolument. L'Eglise
catholique au contraire a eu des miracles à toutes
les époques de son existence, dans tous les siècles ,
sans aucune exception et en nombre incalculable ;
et pour ceux qui sont très antiques, comme ceux
rapportés dans les Livres de l'Ancien et du Nouveau
Testament, leur réalité historique est confirmée à son
tour par la tradition constante, universelle , de tous
les peuples qui ont reçu ces livres et contrôlé sans
interruption leur intégrité comme leur origine . Que
si , en second lieu , les religions que nous appelons
fausses prétendent avoir des prodiges en notre temps,
il est absolument certain que ces faits ou bien étaient
des supercheries et des prestidigitations, ou bien des
œuvres du démon . Car le démon peut très bien faire
des choses qui dépassent la nature. Mais la différence
immense et péremptoire qui distingue ces faits des
miracles de l'Eglise catholique, c'est que les nôtres
sont toujours obtenus par la prière à Dieu humble,
fervente, jointe à la pénitence et à la chasteté des
mœurs, et tendent également à augmenter la piété,
la pureté, la charité et tous les bons sentiments : en
un mot ils portent un cachet de sainteté divine . Rien
de tout cela ne se rencontre dans tout ce que peuvent
faire les païens , les spirites, les somnambules ou
autres magiciens leurs œuvres ne tendent qu'au
contentement des passions ou tout au plus au bien-
être matériel ; souvent elles mènent aux pires con-
séquences, comme la folie et les crimes,
POURQUOI DES MIRACLES ? 189

Toutefois, il peut se faire que le diable déguise


assez son action pour tromper les impies, et Dieu
nous prévient même à l'avance , dans l'Apocalypse,
que dans les derniers temps il fera des merveilles
étonnantes, jusqu'à faire parler l'image d'une bête
et descendre le feu du ciel, au point, dit l'Ecriture ,
de << tromper, s'il était possible, même les élus. >> Mais
ce si exprime évidemment que cela est impossible ;
c'est-à-dire que, malgré la grandeur des prodiges
opérés, les Saints , les vrais fidèles ne seront pas
séduits, parce que Dieu, en leur faveur, abrégera ces
jours terribles, et , d'autre part , l'annonce si formelle
qu'il nous en fait à l'avance les soutiendra dans
l'épreuve. Ainsi cette séduction ne nuira qu'aux
impies, aux âmes dont les péchés et l'infidélité auront
mérité ce châtiment. Car Dieu ne laisse de pouvoir
aux démons que pour l'épreuve des justes et la
punition des pécheurs.
Que si enfin, dans quelques cas, on hésite momen-
tanément sur l'origine divine ou diabolique d'une
apparition ou d'un prodige, du moins nous pouvons
affirmer ces deux propositions absolument certaines :
1º Dans l'Eglise catholique, il se fait une immense
quantité de miracles dont l'origine est certainement
divine ;
20 Hors de l'Eglise catholique, jamais on ne pourra
prouver qu'un seul fait prodigieux ait une origine
certainement divine.
Donc l'Eglise catholique seule est la religion acceptée
et approuvée de Dieu . Ainsi Notre-Dame de Lourdes
prêche à toute la terre la vérité du catholicisme.
Ecoutez, voyez , discutez, pauvres protestants, pauvres
190 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

schismatiques russes, grecs ou de toute autre sorte.


Sur quoi est fondé votre christianisme ? Sur les
miracles du Christ, direz - vous . Fort bien . Mais si
vous comprenez ce langage des miracles, pourquoi
ne l'entendez-vous plus maintenant ? Si le Christ est
Dieu, suivez-le jusqu'au bout. Or, ce n'est pas chez
vous qu'il continue ses merveilles, c'est dans l'Eglise
romaine ce n'est donc pas votre culte qui est le
sien, puisque la source des miracles s'y est tarie, le
jour même où vous vous êtes séparés de Rome.
Et vous tous , peuples qui ne reconnaissez pas le
Christ, invoquez donc votre Dieu , pendant que nous
prions le nôtre , et que celui qui montrera par ses
miracles qu'il entend les hommes et peut les exaucer,
que celui - là seul soit adoré comme le Seigneur .
Refuserez-vous une épreuve si facile et si concluante ?
Mais ce refus à lui seul vous condamnerait ce serait
avouer que vous ne croyez pas que votre Dieu soit
tout-puissant. Priez donc , criez fort : car peut-être
votre Dieu dort, ou est absent, ou s'occupe d'autre
chose. Mais en vain crierez-vous . Il n'y a qu'un Dieu ,
et c'est le nôtre ; et il ne veut qu'une Religion, et
c'est la nôtre ; et c'est pourquoi il n'accorde ses
miracles qu'à notre seule Religion . Oui, en face de
Notre-Dame de Lourdes , il faut abdiquer tout autre
culte que le nôtre, ou le bon sens .
Mais ici il faut répéter cette parole de Notre-Seigneur
lui-même quand il eut guéri l'aveugle-né. Ce miracle
éclatant, qui prouvait si évidemment la Divinité du
Sauveur, n'ouvrit pas les yeux des pharisiens opi-
niâtres. Jésus dit alors tristement : « Je suis venu
en ce monde pour donner la vue aux aveugles , et
POURQUOI DES MIRACLES ? 191

pour que ceux qui voient deviennent aveugles . » Car


ses miracles mêmes endurcissaient leurs cœurs.

O Vierge puissante, soyez bénie de la multitude


des grâces dont vous nous comblez à Lourdes. Soyez
remerciée mille fois de tant de guérisons , et de si
glorieux miracles. Multipliez-les, ô Consolatrice des
affligés. Guérissez les pauvres malades . Mais guérissez
surtout les âmes des pécheurs, et touchez le cœur des
incrédules afin que vos miracles les convertissent.

Pratique. - Récitez le premier Chapelet pour les


malades qui implorent Notre - Dame de Lourdes , le
deuxième pour la conversion des incrédules et héré-
tiques , le troisième pour remercier Marie de ses
faveurs.
CHAPITRE DIX-NEUVIÈME

LES PAROLES DE MARIE

« Je vous promets de vous rendre heureuse ,


non en ce monde, mais dans l'autre. »
wwwwm

UE votre voix résonne à nos oreilles, car


elle est pleine de douceur ! » Ainsi par-
lait le Bien-Aímé à l'Epouse des Cantiques.
Que Marie, elle aussi, daigne nous faire
entendre sa voix ! La Sainte Vierge parlait peu quand
elle vivait sur la terre. Mais que ses paroles devaient
être profondes et sages ! L'Evangile nous en a rap-
porté sept seulement deux à l'Ange, deux à Elisa-
beth, deux à son divin Fils, et une aux serviteurs de
Cana. Toutes sortent de son Coeur Immaculé, toutes
sont des leçons ineffablement belles de notre Mère
bien-aimée. La première nous enseigne la pureté ² ,
la deuxième l'obéissance , la troisième la charité 4 ,

I Cant. , 11, 24.


2 Je ne connais point d'homme. (Luc. , 1, 34.)
3 Voici la servante du Seigneur qu'il me soit fait selon votre
parole. (Luc. , 1, 38.)
4 Entrant dans la maison de Zacharie, elle salua Elisabeth.
(Luc., I, 40.)
JE VOUS RENDRAI HEUREUSE 193

la quatrième l'humilité ¹ , la cinquième nous révèle


ses souffrances 2 , la sixième son intercession puis-
sante 3 , la septième est une exhortation à écouter
toutes les paroles de Jésus et à nous y conformer :
<«< Faites tout ce qu'il vous dira », nous dit-elle . Et
après cette dernière et sublime leçon , Marie se tait
elle-même , pour laisser Jésus parler.
Mais comme nous oubliions ce conseil suprême, voici
que notre Mère vient du Ciel nous le rappeler. A
Massabielle, elle va encore nous dire sept paroles.
Toutes, en définitive, nous ramènent à son divin
Fils, à pratiquer sa loi , à faire ses volontés . Mais
comme nous sommes pécheurs et que nous avons
besoin d'un intermédiaire près du Seigneur, comme
nous avons peur de notre Juge, elle nous attire d'a-
bord à Elle.
Aussi , sa première parole est une promesse pleine
d'amour. Elle demande à Bernadette de venir à la
grotte pendant quinze jours. Je vous le promets ,
répond l'enfant. Et Moi, dit Marie, « je vous pro-
mets de vous rendre heureuse, non point dans ce
monde, mais dans l'autre . >>
Ainsi, la première parole de l'Envoyée du Ciel,
c'est une promesse de béatitude. Jésus aussi com-
mença son premier sermon aux hommes par le même
mot Beati... Beati….. : Bienheureux les pauvres .
Bienheureux les doux , les pacifiques . C'est pour bien

1 Tout le Magnificat.
2 Mon fils, pourquoi avez-vous agi ainsi avec nous ? Votre père
et moi vous cherchions avec angoisse. (Luc. , II, 48.)
3 Ils n'ont point de vin. (Joan. , II, 3.)
4 Quodcumque dixerit vobis facite. (Joan. , 11 , 5.)
194 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

nous faire entendre que Dieu ne veut que notre


bonheur.
Or, pour y atteindre, la Sainte Vierge se présente à
nous comme un moyen assuré, infaillible : Venez à
moi, et je vous rendrai heureux . Elle l'avait déjà dit,
ou plutôt le Saint-Esprit l'avait dit pour elle : « Mes
enfants, écoutez-moi maintenant Bienheureux ceux
qui gardent mes voies . Bienheureux l'homme qui
m'écoute et qui veille chaque jour à l'entrée de ma
maison et qui se tient à ma porte. Celui qui me trou-
vera, trouvera la vie ; et il puisera le salut dans le
Seigneur 1. » Et pourquoi est-il heureux de se tenir
ainsi près de Marie ? Parce qu'il l'écoute, lui demande
conseil, suit ses leçons et par là même pratique les
vertus qui méritent le Ciel . Comme Jacob restait à la
maison près de Rébecca sa mère, au lieu de courir
les champs avec son frère, et reçut d'elle les conseils
salutaires qui lui valurent toutes les bénédictions,
ainsi l'âme fidèle , qui se tient unie à la Très Sainte
Vierge, reçoit d'elle de saintes inspirations .
Elle dit «< Heureux l'homme qui se tient à ma
porte » , pour montrer que d'elle-même elle sort au-
devant de celui qui l'attend . ' En effet, «< ceux qui
l'aiment la découvrent facilement, et ceux qui la
cherchent la trouvent. Elle prévient ceux qui la dé-
sirent, et elle se montre à eux la première . Celui qui,
dès le matin , veille , pour la posséder, n'aura pas de
peine à la rencontrer : il la trouvera assise à sa porte.

1 Nunc ergo, filii, audite me. Beatus homo qui audit me et qui
vigilat ad fores meas quotidie, et observat ad postes ostii mei. Qui
me invenerit inveniet vitam et hauriet salutem a Domino. (Prov.,
VIII, 32.)
JE VOUS RENDRAI HEUREUSE 195

Penser à elle est donc la sagesse parfaite, et celui qui


veille pour l'obtenir sera à l'abri du danger ¹ . »
Marie invite donc Bernadette à venir pendant quinze
jours la visiter. Elle le lui demande comme une
grâce « Faites-moi la grâce de venir . » Pourquoi
cela ? Ah ! c'est qu'elle a choisi l'enfant pour une
grande mission, pour être l'intermédiaire entre le
Ciel et la terre . Or toutes les missions surnaturelles
ici-bas sont douloureuses. Elles sont glorieuses sans
doute, mais la gloire se paie par la souffrance. Ainsi ,
quand l'Ange offrit à Marie elle-même de devenir la
Mère du Verbe, elle sut qu'elle acceptait un martyre,
et c'est pourquoi sa parole : « Voici la servante du
Seigneur »> , fut un acte de charité parfaite. D'un
autre côté, Marie désire notre salut ardemment . Elle
est donc reconnaissante à l'enfant qui veut bien se
dévouer par la souffrance à l'accomplissement de ses
miséricordieux desseins . Et nous, combien aussi de-
vons-nous remercier la petite Bernadette de nous
avoir transmis les leçons et les grâces de notre Mère !
Marie lui demande de venir pendant quinze jours.
Elle aime ce nombre mystérieux . Il lui rappelle les
quinze années où elle soupira après la venue du
Messie. Il lui rappelle les deux fois quinze ans de
la vie cachée , où Jésus n'appartenait qu'à elle . Il lui
rappelle enfin les quinze mystères que lui redit
sans cesse le Rosaire.
L'enfant vint, en effet, quinze jours , selon sa pro-
messe. Pourtant, ô mystère ! deux fois la Vierge ne
parut pas. Elle n'avait pas promis de venir chacun
Præoccupat qui se concupiscunt ut illis se prior ostendat.
(Sap. , vi, 14. )
196 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

des jours de cette quinzaine : elle demandait seule-


ment que l'enfant vînt. Mais n'était-ce pas pour se
montrer à elle ? Sans doute l'Immaculée voulait, par
là, manifester davantage la réalité des Apparitions.
Comment croire à une supercherie de Bernadette,
quand on la voyait retourner chez elle triste, désap-
pointée, pleurant de n'avoir pas vu la Belle Dame ?
Comment la foule, qui assistait à ces scènes, pouvait-
elle douter d'une action surnaturelle, en constatant
une aussi grande différence entre les jours où Marie
se montrait et ceux où elle n'apparaissait pas ?
Mais, en outre, il y avait en cette absence de Marie
une grande leçon . C'est qu'il faut la servir et la
prier, non pas pour ses consolations, mais pour elle-
même, et ne pas cesser nos hommages quand elle
semble ne pas les voir. Elle veut nous faire sentir
que, dans la vie d'ici-bas, souvent Dieu se cache à
l'âme, pour la purifier par la souffrance, pour exciter
son amour et l'ardeur de ses désirs. Alors l'épouse
cherche son bien-aimé, elle le demande à tous ceux
qu'elle rencontre. Elle souffre de son absence les ✩
plus grandes douleurs. Mais quelle joie elle éprouve
en le retrouvant ! D'ailleurs, Marie est toute bonne ;
en différant ses grâces , elle ne les donne que plus
abondantes . Les deux Apparitions qui manquèrent à
la quinzaine se retrouvèrent quelques jours plus
tard, le 25 mars et le 7 avril, et l'une d'elles fut la
plus solennelle, celle où Marie se proclama elle-même
l'Immaculée Conception .
Remarquons encore que Marie ne se cacha que
deux jours sur quinze à la Voyante . C'est bien nous
dire que la dévotion à la Sainte Vierge est le plus
JE VOUS RENDRAI HEUREUSE 197

souvent pleine de consolations. La pensée de Marie


est si remplie de douceur, ses grâces sont si abon-
dantes, son service est si attrayant, que l'on peut
dire que ses serviteurs vivent dans la jubilation . La
dévotion à Marie est le chemin du Ciel le plus doux
et le plus facile. Voyez les Saints qui ont eu le plus
d'amour pour elle, comme saint Bernard , saint Bona-
venture, saint Bernardin , saint François de Sales ;
combien leur vie nous paraît enviable ! C'est Marie
qui les conduisait. Ils souffrirent beaucoup cepen-
dant, mais ils portaient leur croix avec leur bonne
Mère .
Mais soit dans la joie, soit dans l'épreuve , le dévot
à Marie est toujours sûr de son salut . C'est pourquoi
Marie promet à Bernadette de la rendre heureuse, et
elle le lui dit à l'avance, pour montrer que la piété
envers la Sainte Vierge est un signe de prédesti-
nation.

Mais remarquons bien les paroles de Marie : « Je


vous promets de vous rendre heureuse non pas en
ce monde, mais en l'autre. » La Sainte Vierge aime
ceux qui l'aiment et leur procure les vrais biens ;
mais est-ce à dire qu'elle les préserve de toute souf-
france ? Non , assurément . Au contraire elle leur
obtient des croix . Jésus veut notre bonheur, aussi ,
lui ; mais écoutons où il le place : « Bienheureux
les pauvres ; bienheureux ceux qui pleurent ; bien-
heureux ceux qui sont persécutés. » Pourquoi donc
bienheureux ? Parce qu'ils arriveront un jour à une
béatitude qui ne finira jamais. Bienheureux d'espé-
rance, d'assurance de leur bonheur . De même qu'un
198 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

industriel qui découvre un procédé nouveau et puis-


sant qui certainement doit l'enrichir, peut se dire ,
dès maintenant : « Ma fortune est faite » ; ainsi celui-là
peut s'appeler bienheureux qui doit l'être prochaine-
ment. Mais toutefois, pour la jouissance effective , il
faut attendre encore ; c'est pourquoi la Vierge pru-
dente nous annonce le bonheur non pas en ce monde
mais en l'autre. Quelle leçon pour ceux qui ont peur
de la souffrance , qui assiègent les autels de Marie
pour éviter une perte, demander une guérison , et
qui souvent s'irritent s'ils ne sont pas exaucés promp-
tement, et cessent d'avoir confiance en leur Mère !
Mais les âmes généreuses au contraire, ou même
simplement intelligentes , comprennent qu'il vaut
mieux souffrir un peu de temps et se réjouir dans
l'éternité, que de passer sa vie dans le repos et la
jouissance pour se trouver à la mort sans mérites et
chargé de dettes.
Dieu châtie ceux qu'il aime. Jésus donne sa croix à
ses plus chers amis : « Comme mon Père m'a aimé ,
leur dit-il , moi je vous aime » , et ce que mon Père
m'a donné je vous le donne : ma croix . Aussi il ne
l'a pas enlevée au Ciel , il l'a laissée à la terre, et
chacun de ses Saints vient à son tour l'épouser. Il
la prend sur ses épaules, il la porte à son propre
Calvaire, et là il s'y laisse clouer. Plus une âme est
chère à Jésus, plus il la fait souffrir : il crucifie autant
qu'il aime. Aussi sa Mère a été la plus éprouvée
par la douleur, et après elle les Apôtres, les Martyrs,
les Vierges, tous les grands cœurs qui savent aimer.
Et ils ne peuvent s'en rassasier. Ils crient toujours :
« Amplius ! Encore plus de souffrances ! » Ils n'aiment
JE VOUS RENDRAI HEUREUSE 199

la vie que pour souffrir, et quand ils ne souffrent


plus, ils veulent s'en aller : ou souffrir ou mourir !
Pourquoi ces étranges désirs ? Saint François d'Assise
nous répond : « Si grand est le bien que j'attends ,
que toute peine m'est délices ! » Et en effet la souf-
france de la terre achète la gloire éternelle. Plus
on aura souffert, plus on sera récompensé : comment
alors ne pas accepter de souffrir ? « Nos petites et
courtes tribulations de la vie présente, dit saint Paul ,
produisent en nous un poids éternel de gloire, qui
surpasse toute mesure. Il n'y a pas de proportion
entre les souffrances du temps et la gloire qu'on
verra en nous. » Et au Ciel les Saints tressailliront
d'allégresse au souvenir de leurs épreuves, disant :
<<< Seigneur, nous vous bénissons pour les jours où
vous nous avez humiliés. » Car alors leurs larmes
seront séchées ; plus de gémissements, plus de tris-
tesse il ne restera que les immortelles couronnes
méritées par des souffrances passées .
Aussi la Vierge bénie ne nous promet pas les biens
faux et éphémères d'ici-bas ; elle promet un bonheur
sans nuage, sans mélange, sans fin .
C'est ce qu'elle a donné sans doute à la Voyante de
Massabielle. Bernadette, de ses visions, n'a recueilli
sur la terre que des croix . Elle a éprouvé, il est vrai,
d'ineffables joies à la vue de la Vierge. Mais, sauf
cela, elle n'a fait que souffrir. Marie ne lui a donné
ni santé, ni richesse . Le monde entier a versé son or
et son argent à Lourdes Bernadette n'en a point
profité. La santé a été rendue à des milliers d'in-
firmes Bernadette est restée malade. Toute sa vie
elle a souffert d'un asthme douloureux , qui à trente-
200 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

quatre ans l'a fait mourir. Elle n'a point vu les


magnifiques cérémonies de la Grotte ni de la Basilique.
Elle avait été à l'honneur d'abord ; ensuite elle fut à
la peine. Elle quitta Lourdes , elle alla s'ensevelir dans
un couvent à Nevers . Là elle a vécu dans l'humilité,
l'obéissance et la souffrance . Cette pauvre bergère
avait reçu la mission de nous transmettre les secrets
du Ciel . Elle avait été la nouvelle Jeanne d'Arc
choisie pour nous exciter à ces combats qui doivent
<< bouter hors de France » et des autres nations chré-
tiennes les ennemis de Dieu . La mission des deux
bergères fut la même, quoique avec des moyens
différents. Les armes de la guerre actuelle ne sont
plus l'épée et la lance, mais le Rosaire et le signe de
la croix ; car nous ne combattons pas, dit saint Paul ¹ ,
contre des ennemis de chair et d'os, mais contre les
puissances des ténèbres, les esprits malins qui tyran-
nisent le monde . Mais , de même que Jeanne d'Arc
termina son œuvre par le martyre du feu, qui n'était
ni une défaite, ni un délaissément de Dieu, mais le
couronnement voulu par lui de sa mission par le
sacrifice ainsi Bernadette, après nous avoir au nom
de Marie appris les secrets de la victoire, acheva aussi
son œuvre par l'immolation .
Alors Marie a pu réaliser sa promesse et la rendre
heureuse dans l'autre monde. Les grandes grâces , les
miracles que l'on dit avoir été obtenus au tombeau
de l'humble Voyante , semblent être encore une

1 Induite vos armaturam Dei, ut possitis stare adversus insidias


diaboli : quoniam non est nobis colluctatio adversus carnem et san-
guinem, sed adversus mundi rectores tenebrarum harum, contra spi-
ritualia nequitiæ . (Eph., vi, 11.)
JE VOUS RENDRAI HEUREUSE 201

attention du Ciel à établir par des preuves sensibles


la vérité des paroles de notre Mère .
Mais ce qu'elle a promis à Bernadette , ne le promet-
elle pas à tous ceux qui l'aiment ? O Marie, voilà ce
que nous demandons le Paradis ! Posséder éternelle-
ment Jésus et vous - même ! Attirez - nous à vous .
Frappez , coupez, brûlez ici-bas, pourvu qu'éternelle-
ment vous nous consoliez . Rendez - nous heureux ,
aussi nous, non pas en ce monde mais en l'autre !

Pratique. - Dites le saint Rosaire pour obtenir la


grâce d'une bonne mort, et pour demander la béatifica-
tion de Bernadette.
CHAPITRE VINGTIÈME

*« Je veux voir du monde. »

wwww

ERNADETTE demanda à la Vierge Marie si


certaines personnes pourraient l'accompa-
gner dans ses visites à la grotte. Marie
répondit : << Elles peuvent venir , et
d'autres encore . Je désire y voir du monde . » Ainsi
ce n'est pas seulement Bernadette que Marie invite à
la grotte, c'est nous tous, c'est la France entière, ce
sont les pèlerins des extrémités de la terre. Et les
foules sont accourues à la voix de Marie. Comme il a
fallu que le souffle de Dieu soulevât ces multitudes
pour les attirer ainsi de tous les points de l'horizon !
Qui eût cru, il y a cent ans , qu'un pèlerinage à la
Vierge dût avoir cette attraction ? Mais le doigt de
Dieu est là. La prophétie d'Isaïe se réalise : « Dans
les derniers temps, il y aura une montagne prédes-
tinée et toutes les nations couleront vers elle comme
un torrent ; les peuples accourront en multitude, se
disant entre eux : Venez, montons à la montagne du
Seigneur, il nous enseignera ses voies ¹ . »
Pourquoi Marie désire-t-elle donc qu'on vienne à
elle ? Pour nous conduire à son Fils. Via veniendi ad
1 Is. , II, 2.
JE VEUX VOIR DU MONDE 203

Christum est appropinquare ad illam , dit saint Bona-


venture . Pour aller à Jésus approchez-vous de Marie.
Et ce saint Docteur ajoute que nous avons trois
degrés pour arriver à notre fin dernière . Le premier
est Marie, le deuxième est Jésus, le troisième est Dieu
le Père . Jésus est notre Médiateur de Rédemption
pour monter à Dieu ; mais Marie est notre médiatrice
d'intercession pour être accepté de Jésus lui-même.
Il y a une distance trop grande entre nous, pauvres
pécheurs, et le Dieu fait homme. Quoique notre frère,
il est l'Etre infini : Comment nous unir à lui ? Par sa
Mère . O sagesse et miséricorde infinies ! Entre Dieu et
le pécheur il fallait une créature particulière : une
créature d'une pureté parfaite pour être digne d'être
sa Mère ; une simple créature pour avoir d'autres fils.
Et, dans le sein de Marie, les deux frères se rencon-
trent, l'Homme-Dieu et l'homme-pécheur Homo et
homo natus est in ea . O incomparable Mère ! O éton-
nante fécondité ! « Ses fondements sont dans l'éter-
nité, dans les desseins éternels de Dieu , dans l'amour
ravi du Verbe pour cette Vierge dont l'humilité et
l'innocence l'attirent du haut des Cieux . O cité de
Dieu, quelle gloire est la tienne ! Mais elle se souvient
de Rahab et de Babylone, des pécheurs qui la recon-
naissent comme leur sœur. Et voici que ces étrangers,
ces exilés du Ciel, ces âmes noires comme l'Ethiopien ,
trouvent aussi place en elle. Et l'Eglise s'écrie : « Un
homme et un homme sont nés en elle. Et tous ceux
qu'elle aura eus pour fils , le Seigneur les inscrira sur
le livre de vie. Oh ! quelle joie, quelle allégresse
réservées à tous ceux qui habitent en Marie ! »
1 Ps. LXXXVI.
204 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Voilà donc pourquoi la Vierge nous attire à elle :


c'est qu'elle est le moyen nécessaire pour arriver au
Ciel. De même que le Verbe n'est descendu vers nous
que par elle, de même ce n'est que par elle que nous
allons à Lui . Elle est le Paradis terrestre où le Sei-
gneur vient converser avec sa créature, le rendez-
vous de l'homme et de Dieu . Elle est le canal des
grâces, et nulle ne nous est donnée qui ne passe par
son cœur. Elle est compatissante et bonne et n'a pas
horreur du pécheur . Elle n'est pas la justice qui
nous effraie, mais l'avocate qui plaide notre cause.
Elle n'est pas le soleil qui éblouit, mais la lune qui
reçoit sa lumière et la reflète avec douceur. En elle ,
rien d'austère, rien de terrible, rien même de trop
sublime. C'est une Mère.
Mais si elle est si douce et si bonne, elle n'est pas
moins puissante pour tout nous accorder. Remarquons
la parole qu'elle dit à Bernadette, et à nous tous :
« Je vous promets de vous rendre heureuse . » Ainsi ,
c'est elle qui dispose du bonheur, elle dispose de
toutes les grâces, elle dispose en quelque sorte de la
Toute-Puissance de Dieu . Elle est le trésor où Dieu
renfermé toutes ses merveilles, jusqu'à son propre
Fils, et c'est de sa plénitude que toutes les créatures
sont enrichies. Le Christ lui a communiqué tout ce
qu'il a acquis par sa vie et par sa mort, ses mérites
infinis, ses vertus admirables, et il l'a faite la dispen-
satrice de tout ce que son Père lui a donné en héri-
tage. C'est par elle qu'il applique à ses membres ses
mérites, leur communique ses vertus et leur distribue
ses grâces. C'est son canal mystérieux , l'aqueduc par
où coulent abondamment ses miséricordes, le cou
JE VEUX VOIR DU MONDE 205

gracieux par lequel le Chef de l'Eglise est uni à son


corps mystique et répand en elle sa vie.
Le Saint-Esprit l'a choisie comme sa fidèle épouse,
et lui a confié la distribution de ses grâces, en sorte
qu'elle accorde à qui elle veut, comme elle veut,
quand elle veut et autant qu'elle veut les faveurs
célestes, et il ne se fait aucun don aux hommes que
par ses mains maternelles. Car telle est la volonté de
Dieu qui a voulu que nous recevions tout par Marie.
Pour récompenser sa profonde humilité qui la faisait
se mettre au-dessous de tous , Dieu l'a faite la Souve-
raine universelle, Reine du Ciel et de la terre , la
Générale de ses armées, la Trésorière de ses trésors,
la Dispensatrice de ses grâces, l'Ouvrière de ses mer-
veilles, la Médiatrice des hommes et l'Exterminatrice
des ennemis de Dieu.
Et notre Mère nous appelle à sa grotte pour
répandre ses bienfaits : non pas seulement les guéri-
sons corporelles , mais beaucoup plus encore les
grâces spirituelles , l'esprit de foi vive, l'esprit de
pénitence et de prière , la ferveur, la dévotion envers
elle, l'espérance inébranlable du salut. En un mot ,
elle veut renouveler en nous la vie chrétienne . On
peut dire en quelque sorte qu'un pèlerin de Lourdes
assure son salut . Une âme qui a passé trois jours à
prier à Massabielle a puisé là des grâces si précieuses ,
si salutaires, dont le souvenir restera si suavement
gravé dans son cœur, que presque certainement elles
lui vaudront, même si parfois elle pèche, la grâce
finale du pardon . Saint Anselme assure que celui
pour qui Marie a prié, fût-ce une fois seulement, sera
sauvé. Mais peut-on douter qu'elle prie pour une
LOURDES 12
206 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

âme qui, avec une bonne volonté sincère, un véritable


amour pour elle, est venue à Lourdes l'invoquer ?
Oh ! que de grâces ont été faites à la grotte ! Que
de pécheurs convertis ! Que de justes affermis dans le
bien ! Que de vocations décidées ! Que d'événements
heureux obtenus par la prière ! Que d'âmes entrées
résolument dans la voie de la perfection ! Dieu seul
et Marie en connaissent le secret. Mais ce que nous
savons, c'est qu'il s'échappe de Lourdes une vie
débordante , qui se répand sur la France et sur tous
les pays. Les heureux pèlerins remportent dans leurs
foyers, dans leurs paroisses, le récit des splendeurs
dont ils ont été témoins , un reflet du bonheur dont ils
ont joui. Les miraculés reparaissent au milieu de ceux
qui les ont connus malades , comme une preuve vivante
de la tendresse de Marie. Et, chaque année, les pèlerins
viennent, par centaines de mille , puiser à Lourdes ces
grâces de salut qu'ils déversent ensuite sur le monde .
Et, loin de diminuer, ce mouvement ne fait que
grandir. Dieu veut plus que jamais révéler et exalter
sa Mère. C'est son chef-d'œuvre dont il veut être
glorifié par les vivants. Il veut aussi qu'elle soit
glorifiée elle-même parce que, sur la terre, elle s'est
souverainement humiliée.
Dans les derniers temps plus que jamais , Marie doit
faire éclater sa puissance et sa miséricorde, parce que
la rage et les efforts de l'enfer augmenteront, et qu'elle
est l'adversaire directe de Satan . L'Eglise, de son
côté, de plus en plus se tourne vers elle. Vultum
tuum deprecabuntur omnes divites plebis : c'est-

1 Ps. XLIV, 13.


JE VEUX VOIR DU MONDE 207

à-dire les grandes âmes, celles que Dieu appelle à une


sainteté plus haute, sentent que c'est par Marie qu'il
faut l'acquérir. Car c'est à elle seule que Dieu a donné
les clefs du cellier du divin Amour, et le pouvoir
d'entrer et de faire entrer ses favoris dans les voies
les plus sublimes. C'est pourquoi ces âmes mettent
leur perfection à se tenir intimement unies à la Mère
de la Sagesse, à vivre de sa vie , à se perdre en elle,
et à recourir en toutes circonstances à son secours et
à sa protection .
Ah ! que Marie est bonne de nous appeler à sa
grotte ! Comme elle voudrait que tous vinssent l'é-
couter ! Ah ! si tous accouraient à sa voix maternelle !
si tous répondaient à sa douce invitation ! Là , debout
sur son rocher, dans cette niche qui semble une porte
qui s'ouvre de l'éternité, n'est-elle pas cette Sagesse
dont parle l'Ecriture, « cette Prudence qui fait en-
tendre sa voix , qui se tient sur les lieux les plus
élevés , le long du chemin où passent les foules ,
auprès des portes , sur le seuil même, et disant :
<< O hommes, c'est à vous que je crie ; enfants des
hommes, je m'adresse à vous ! Enfants que vous êtes ,
comprenez la voix de la Sagesse ; imprudents , réflé-
chissez ! Ecoutez-moi, car je vais vous dire des choses
bien importantes, mes lèvres vous apprendront la
vérité. Tous mes discours sont véridiques, il n'y a en
eux rien de mauvais ni de pervers . Recevez donc mes
instructions, préférez ma doctrine à tous les trésors.
Car j'habite dans le conseil même de Dieu, et j'assiste
à ses pensées secrètes ¹ . »

1 Prov., vIII, 4.
208 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Heureux ceux qui vont à Lourdes recevoir les


leçons de Marie ! Que tous les fidèles aient à cœur d'y
aller. S'ils en ont un vrai désir, s'ils le demandent
humblement à la divine Mère , elle leur procurera
facilement ce bonheur . N'est-ce pas une des merveilles
de notre siècle que tant de milliers de pauvres, de
malades, d'ouvriers, fassent ce lointain voyage ? Marie
est toute-puissante et ses ressources sont sans mesure.
Que les riches contribuent de leur bourse à augmenter
le nombre des pèlerins. C'est faire un grand plaisir
à notre Mère, c'est réaliser le désir de son cœur :
<< Faites-moi la grâce de venir à la grotte » , disait-elle
à Bernadette. Et encore : « Je désire y voir du
monde. » Elle aime tant à faire des heureux ! Et
c'est là qu'elle en fait ! Ceux-là le savent qui y sont
allés . Ils savent ce que sont ces jours passés à Massa-
bielle ; ils savent les larmes que l'on y verse ; ils
savent qu'en partant on y laisse son cœur, et que
l'espoir de revenir peut seul alors consoler. Ils savent
que c'est là qu'on sent un avant-goût du Ciel , et
comme l'assurance de posséder Jésus et Marie dans
l'éternité.
Quant à ceux qui ne connaissent pas ces douceurs,
qu'ils aillent donc aussi les goûter. Qu'ils sachent bien
que Marie les invite personne n'est exclu de son
cœur. Pécheurs, incrédules, protestants, vous tous
qui souffrez , vous tous qui doutez, vous tous même
qui nous combattez, allez à Marie. Goûtez et voyez
combien elle est bonne !
Vous trouverez Jésus avec elle. Marie a véritable-
ment renouvelé à Lourdes le beau mystère de la
Visitation. Le saint Evangile nous dit qu'à peine
JE VEUX VOIR DU MONDE 209

devenue Mère de Dieu, elle se leva en hâte pour aller


visiter sa cousine Elisabeth . En apparence , c'était une
simple démarche d'affection et de convenance. Mais,
dans les desseins de Dieu , c'était le Verbe incarné qui
commençait sa mission de répandre la grâce dans le
monde, et c'était Marie qui le portait à ceux qu'il
voulait sanctifier . Elisabeth le comprit et, dans un
transport de joie sainte, elle s'écria : « D'où me vient
ce bonheur que la Mère de mon Dieu vienne à moi¹ ? »
O Bernadette, ô France, ô Terre tout entière, d'où
vous vient aussi à vous ce bonheur que la Mère de
Dieu soit venue à Lourdes vous visiter, non pas sim-
plement pour vous réjouir et vous consoler, mais
pour vous apporter Jésus avec toutes ses grâces ? Et
encore elle nous demande presque comme une faveur
de venir à sa grotte, en nous promettant le Paradis
si nous sommes assidus à ce rendez-vous . Et tous
ceux qui y seront fidèles mériteront de voir se réa-
liser en eux les paroles d'Elisabeth : « Bienheureux
êtes-vous d'avoir cru , car vous verrez s'accomplir les
promesses qui vous sont faites » par votre Reine 2 .
Allons donc à la grotte, entraînons-y tous ceux que
nous pourrons. Mais comme les pèlerinages lointains
ne peuvent se faire souvent et que, pour plusieurs, ils
sont tout à fait impossibles, Marie dans sa bonté veut
bien multiplier sa présence en quelque sorte. C'est-
à-dire que partout où sa statue ou son image seront
exposées à la vénération publique, elle fera sentir sa
puissance . Ce sera un petit Lourdes, un autre Massa-

1 Unde hoc mihi ut veniat mater Domini mei ad me ? (Luc. , 1, 43. )


2 Beata quæ credidisti : perficientur ea quæ dicta sunt tibi a
Domino . (Ibid., 45.)
210 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

bielle, où les âmes se sentiront attirées, où la vue de


notre Mère donnera les mêmes leçons, les mêmes
enseignements qu'à la grotte véritable, enfin où les
grâces, les guérisons, les conversions s'obtiendront
facilement. Et ainsi Marie parcourra réellement la
terre entière pour la prêcher comme les anciens
thaumaturges, les grands saints, les grands apôtres
des temps passés, et beaucoup plus qu'aucun d'eux ,
elle parlera à une multitude de peuples, et tous com-
prendront son langage. Et bénis soient tous ceux qui
l'aideront dans son apostolat, tous ceux qui lui don-
neront des statues dans les églises et chapelles publi-
ques, ou des grottes dans la campagne ! bénis soient
tous ceux qui la feront connaître et aimer !

O Marie ô Marie ! ô Marie ! Vierge très sainte,


Mère de Dieu , Reine du Ciel , Maîtresse du monde,
Temple de l'Esprit-Saint, Lis de pureté , Rose de
patience , Paradis de délices, Miroir de chasteté, Vase
d'innocence, intercédez pour moi pauvre misérable
exilé ; daignez m'accorder une partie de l'ombre
seulement de votre surabondante charité !

Pratique. Ne manquez pas de dire chaque jour le


Rosaire, et souvent allez en esprit devant la grotte pour
le réciter. Chaque année, aux anniversaires des Appari-
tions, soyez fidèle à vous y rendre avec Bernadette.
stesteste

CHAPITRE VINGT ET UNIÈME

«< Priez pour les pécheurs . »


www

UN moment, le visage de la Vierge Marie


se couvrit d'une amère tristesse . Berna-
dette se mit à pleurer. « Qu'avez-vous ,
Madame ? » demanda-t-elle, le cœur an-
´goissé, « que faut-il faire ? » Marie répondit : « Priez
pour les pécheurs . »
Ah ! certes, la Vierge Immaculée avait raison d'être
triste. Quand son regard parcourt la terre , quel
spectacle se déroule à ses yeux ! Quelle multitude
de crimes, de blasphèmes, d'infamies , de sacrilèges
se commettent à tout moment ! Pendant sa vie mor-
telle, Marie avait toujours le cœur brisé de douleur
à la pensée des outrages faits à la Majesté divine, à
la pensée du malheur des pécheurs . S'il était possible
de souffrir au Ciel, que serait maintenant sa douleur ?
Aussi elle offre à Dieu ses supplications continuelles
pour les coupables . Or elle vient nous demander de
l'aider dans cette œuvre du salut des âmes.
Qu'ils sont à plaindre en effet les malheureux
pécheurs ! Voilà des créatures immortelles, faites à
l'image d'un Dieu , qui leur destine des trônes autour
212 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

du sien ; voilà des hommes qui pourraient devenir


des dieux en quelque sorte : Jésus lui-même leur
donne ce nom , tant au Ciel on ressemble à l'Etre
suprême Ego dixi : Dii estis ! Ils ont été créés
uniquement pour la béatitude éternelle. La sainte
Trinité leur offre de partager son propre bonheur et
sa vie sans fin. Comme le Père, le Fils et le Saint-
Esprit ne sont qu'un, ainsi ils ne feraient qu'un avec
eux et seraient consommés en Dieu dans l'unité
parfaite. Et cela pour ne jamais finir !
Et ces hommes renoncent à cette destinée sublime,
à cette réalité qu'aucun rêve n'eût osé concevoir,
aucun esprit créé pu soupçonner. Et en échange,
qu'auront-ils ? Une éternité également, mais de souf-
frances horribles, de désespoir, de grincements de
dents, de larmes inconsolables .
Comment cette pensée ne fait-elle pas frémir ?
Supposons qu'un seul homme soit menacé d'un tel`
malheur, et que ce soit un misérable, coupable de
tous les crimes, notre plus mortel ennemi ; pourrions-
nous ne pas trembler à la pensée qu'il dût tant perdre
et tant souffrir ? N'irions-nous pas nous jeter . aux
pieds de son juge pour implorer son pardon ? Ne
donnerions-nous pas volontiers notre vie corporelle
pour sauver son âme immortelle ? Ne vaudrait-il pas
mieux que l'univers fût anéanti , qu'une âme faite
à l'image de Dieu devienne un démon ?
Eh bien , il y a sur la terre des centaines de millions
d'âmes en ce danger épouvantable. Il en tombe en
enfer à chaque instant. Des milliards rugissent et
blasphèment en ce moment dans les flammes qui les
tortureront éternellement ! Quelle pensée accablante !
PRIEZ POUR LES PÉCHEURS 213

Aussi Dieu est tellement touché de leur malheur,


qu'il n'a pas hésité à envoyer son Fils sur la terre
pour sauver ces pécheurs. Il n'a pas craint de lui
faire souffrir les plus atroces tortures. Il a accumulé
sur lui plus de douleur qu'il n'en faudrait pour faire
mourir tous les hommes. Jésus a été flagellé, couronné
d'épines, crucifié, il a souffert la mort, uniquement
pour arracher les âmes immortelles aux peines de
l'enfer. Il a fait tout, absolument tout ce qu'un Dieu
même peut faire jusqu'à demander à son Père de
rester crucifié jusqu'à la fin du monde, nous assurent
certains Docteurs ; jusqu'à se dire prêt à souffrir
autant de Passions nouvelles qu'il y a de pécheurs !
Et Marie ? Jamais nous ne comprendrons combien
Marie aime les pécheurs . Pourtant leurs crimes lui
font horreur ; pourtant ce sont eux qui ont crucifié
Jésus et ont transpercé son âme à elle d'un glaive de
douleur. Mais Jésus mourait précisément pour leur
amour, et en mourant il les a donnés pour enfants
à sa Mère. Aussi la Vierge Immaculée a pour leur
salut plus de sollicitude que jamais mère de la terre
n'en eut pour la vie de son fils unique, du plus
aimable , du plus charmant des fils. Et tant qu'un
pécheur a un souffle de vie , elle le poursuit de ses
grâces et de ses inspirations salutaires , elle espère
gagner son cœur, et le ramener converti à son Père.
Mais, hélas ! il y a un sanctuaire où ni Dieu , ni Marie
ne peuvent entrer sans la permission du pécheur : c'est
le sanctuaire de sa liberté, dont seul il est le maître .
Dieu en le créant a tellement respecté son œuvre , il
l'a tellement fait à son image , c'est-à-dire doué d'une
volonté libre, qu'il s'est interdit d'en forcer l'amour.
214 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Mais ce qu'il peut, c'est faire briller aux yeux de


cet homme tant de lumières, lui faire sentir de si
doux attraits, que sa volonté finisse par se rendre,
librement il est vrai , mais à force d'être sollicitée .
C'est ce que l'Eglise entend quand elle supplie Dieu
<<< de se soumettre nos volontés rebelles. » Dieu
toutefois, dans les trésors insondables de sa Justice et
de sa Sagesse, fait à chaque homme plus ou moins de
ces grâces puissantes. Si tous ont les secours surabon-
damment suffisants pour se sauver, tous ne reçoivent
pas ces grâces éclatantes qui subjuguent l'âme . Nous
ne pouvons pénétrer le mystère de leur dispensation .
Mais ce que nous savons, c'est que ces grâces sont
obtenues surtout par la prière . Nous savons que nous
pouvons immensément pour nos frères , que beaucoup
seront sauvés si nous prions , et perdus si nous les
abandonnons. Tellement Dieu a voulu que l'Eglise
fût une famille, ou plutôt un corps dont tous les
membres sont unis intimement ; et quoique la vie de
ce corps vienne du Christ qui en est la tête, cepen-
dant toutes les parties concourent au bien commun,
s'aident, se soulagent, se guérissent mutuellement.
C'est pourquoi chacun doit «< compléter en lui-même
ce que le Christ nous a laissé à faire et à souffrir
pour son corps qui est l'Eglise ¹ . »
C'est donc l'œuvre même de Jésus que nous con-
tinuons et achevons, et par les mêmes moyens :
l'immolation et la prière. C'est lui qui donne le
mérite et la valeur à notre intercession ; mais c'est
nous qui lui fournissons de nouveaux mérites , de
1 Adimpleo ea quæ desunt passionum Christi in carne mea pro
corpore ejus quod est Ecclesia. (Colos. , 1 , 24.)
PRIEZ POUR LES PÉCHEURS 215

nouvelles supplications qu'il offre à Dieu pour les


pécheurs.
Quelle œuvre divine, sublime ! Si par nos prières
nous sauvons un pécheur , c'est un être qui nous
devra sa beatitude éternelle ; c'est un élu , un saint,
un dieu que nous faisons le Très Haut recevra de
lui, grâce à nous, une adoration parfaite, les autres
saints un accroissement de joie , et cet élu lui-même
un bonheur que nul ici-bas ne peut comprendre, et
cela pour toujours ! Convertir les pécheurs est donc
l'œuvre des œuvres, l'œuvre par excellence , la seule
en quelque sorte qui mérite notre zèle . C'est pour
faire des élus que Dieu est sorti de son repos éternel
et a créé le monde. C'est pour cela que le Verbe s'est
fait chair, est mort sur une croix, s'est fait notre
prisonnier en l'Eucharistie et s'immole de nouveau
chaque jour. C'est pour cela qu'il y a une Eglise , des
prêtres, des sacrements. Et quand le nombre d'élus
que Dieu a décidé d'avoir sera complet, le monde
cessera d'exister .
Ah ! si nous comprenions combien l'homme est
une créature sublime, combien Dieu l'aime et a fait
pour lui, pourrions-nous penser à autre chose qu'à
concourir au salut de nos semblables ? Sainte Cathe-
rine de Gènes osa demander au Seigneur pourquoi il
aimait l'homme de la sorte. Dieu lui répondit : « Tu
demandes une chose si grande que tu ne saurais la
comprendre . Je t'en montrerai quelque chose ; mais
si je t'en donnais une plus claire vue, tu ne pourrais
vivre. Sache que je suis Dieu , immuable, et que
j'aimais l'homme avant de le créer . Je l'aimais d'un
amour infini, pur, simple, sans cause aucune . Je ne
216 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

puis ne pas aimer ce que j'ai créé et destiné à con-


tribuer à ma gloire. A cause de mon infinie bonté
et du pur amour dont j'aime l'homme, je ne puis
m'arrêter à ses défauts ni cesser de faire mon œuvre ,
qui consiste à le combler toujours de bien . Mon
amour infini l'entoure de divers moyens afin de le
soumettre à ma Providence, et je ne trouve rien en
lui qui me soit contraire que le libre arbitre dont je
l'ai doué . Je combats toujours ce libre arbitre par
l'amour, jusqu'à tant que l'homme me le donne ;
puis, après l'avoir accepté, je le réforme par une
opération secrète et avec un soin amoureux ; je lui
montre ses faiblesses à ma lumière et les lui fais
connaître ; lorsqu'il les connaît, il les pleure , et
lorsqu'il les pleure il s'en purifie . Et sache que je
ne puis être offensé par l'homme que lorsqu'il met
obstacle à l'opération que j'ai ordonnée pour le mener
à sa fin, lorsque mon amour ne peut agir selon ses
besoins . Or cet obstacle qu'il met est uniquement le
péché mortel . »
Et Dieu montra à sainte Catherine un rayon de
l'amour qu'il a pour l'homme. Et cet amour est si
pur, si simple et si éclatant, que la Sainte à cette vue
en fut stupéfaite et comme anéantie . Elle vit que
l'amour de Dieu envers l'homme, quelque grand
pécheur que soit ce dernier, ne pouvait être assez
complètement éteint par ses crimes pour qu'il cessât
de le supporter tant qu'il est en cette vie. Il semble
au contraire que plus le pécheur s'éloigne de Dieu,
plus Dieu le rappelle par ses inspirations. Toujours
il l'aime et cherche à s'unir à lui , et jamais cette
tendance à l'union ne fait défaut de son côté. C'est
PRIEŽ POUR LES PÉCHEURS 217

pourquoi il ne cesse d'opérer envers l'homme par son


pur amour ; il ne se montre terrible et redoutable
qu'au péché, car la moindre imperfection ne peut
subsister auprès de lui . Il hait le péché seul , parce
que, seul aussi, le péché empêche son amour d'opérer
en nous .
Et la Sainte vit que Dieu avait toujours en mains
des rayons ardents d'amour pour embraser et pénétrer
les cœurs des hommes , et que c'était le péché qui
s'opposait à lui . Elle vit un rayon d'amour sortir de
la source divine et se diriger vers l'homme pour le
faire mourir à lui-même ; et il lui fut montré que
lorsque ce rayon rencontre des obstacles , il en
résulterait une immense douleur pour Dieu, si Dieu
pouvait souffrir. Et il lui semblait que ce rayon
s'efforçait sans cesse de pénétrer l'âme, et que s'il
n'y pouvait parvenir, la faute en était à l'âme seule .
Car le rayon l'entoure de toutes parts pour entrer.
Mais l'âme , quand elle est aveuglée par l'amour-
propre, ne l'aperçoit pas.
Et elle comprit que lorsque Dieu voit une âme se
damner, sans pouvoir la convertir, à cause de son
obstination , il semble dire : « L'amour que je lui porte
est si grand, que jamais je ne voudrais l'abandonner. >»
Il lui parut que le Seigneur disait encore à cette
âme « Par ma volonté, je ne voudrais jamais que
tu te damnasses : l'amour que je ressens pour toi est
tel que, s'il m'était possible de souffrir à ta place, je
le ferais avec joie. Mais , l'amour ne pouvant demeurer
avec le péché, je suis forcé de t'abandonner. Unie à
moi, tu serais capable de toute béatitude ; mais séparée
de moi tu deviens capable de toute espèce de mal. »
LOURDES 13
218 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

En effet , au delà de l'existence présente tout


devient pour le pécheur haine et fureur éternelles .
Son âme, privée de l'amour, devient pour ainsi dire
aussi maligne que cet amour lui-même est suave
et bon.

Comment donc s'étonner que Marie soit si occupée


de la conversion des pauvres pécheurs ! Jésus et sa
Mère sont continuellement à la recherche des âmes
pour leur faire du bien . Le divin Maître frappe à la
porte de l'âme coupable : « Ouvre-moi, ma sœur,
mon épouse, lui dit-il Mon fils , donne- moi ton
cœur . >>
Et quand l'homme consent à ses inspirations, Dieu
augmente sa lumière le pécheur reconnaît enfin
qu'il est comme enfermé dans une ténébreuse étable,
plongé dans la fange, entouré d'une multitude de
bêtes venimeuses, qui cherchent à lui donner la
mort. Il reconnaît que de lui-même il ne peut sortir
de là ; et, se voyant en si grand danger, il crie vers
Dieu afin que sa miséricorde l'arrache aux misères
qui l'enveloppent de toutes parts . C'est la conversion
du pécheur, conversion qui cause aux anges plus de
joie que la persévérance de quatre-vingt-dix-neuf
justes. Dieu lui-même les invite à partager son bon-
heur car son fils était perdu , et il le retrouve ; il
était mort , et il revit pour jamais !
Voilà le grand miracle de la conversion : œuvre
plus grande, plus difficile que la résurrection d'un
mort. Et qu'il est consolant de nous dire qu'elle ne
cesse de s'opérer dans l'Eglise ! Chaque jour, à chaque
instant, des âmes mortes à la grâce revivent. Et il
PRIEŻ POUR LES PÉCHEURS 219

n'y a pas un pécheur, quels que soient ses crimes,


qui ne puisse en un instant redevenir l'ami de Dieu.
Notre-Seigneur le disait aux Pharisiens, si fiers de
leur propre justice « Les voleurs et les femmes
publiques vous précéderont dans le royaume de
Dieu. » Et il attire à son amour Marie-Madeleine la
pécheresse scandaleuse, et à l'apostolat, Mathieu le
publicain . Saint Pierre a été renégat, saint Paul per-
sécuteur, saint Augustin hérétique ; et que de milliers
d'élus , aujourd'hui au Ciel , ont été les esclaves de
Lucifer Sainte Thérèse nous assure qu'il n'est pas
un homme qui, après avoir commencé une journée
en misérable, ne puisse la terminer en saint.
Ainsi ne craignons pas de demander le salut des
pécheurs, même les plus criminels et les plus endurcis .
Ne nous décourageons pas de l'insuccès apparent de
nos supplications. Sainte Monique demanda vingt ans
la conversion de son fils avant de l'obtenir .

Mais quelle prière ferons-nous pour les pécheurs ?


Marie nous l'apprend encore, car en nous disant :
<< Priez pour les pécheurs » , elle nous montre son
Rosaire . N'est-ce pas nous dire : « Priez-moi pour les
pécheurs » , moi la toute-puissante Avocate, moi dont
la prière n'est jamais repoussée, moi le Refuge des
pécheurs ? Disons-lui donc le Chapelet, répétons-lui
sans cesse « Priez pour nous pauvres pécheurs » ,
car nous sommes du nombre, et chacun de nous doit
se dire avec saint Paul qu'il en est le premier 1. Oui ,
tous nous sommes frères, tous pécheurs, tous capables

1 Quorum primus ego sum. (I Tim., 1 , 15. )


220 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

de tomber dans les derniers excès , si la miséricorde


de Dieu ne nous en garde , tous impuissants à nous
relever par nous-mêmes des chutes que nous avons
faites . Mais nous pouvons nous aider . « Priez les uns
pour les autres afin que vous soyez sauvés » , nous
dit l'Ecriture 1. Donc tous sans nous décourager si
nous avons beaucoup péché, sans nous enorgueillir
si nous avons été préservés des grandes fautes, sans
mépriser ceux qui en apparence semblent plus cou-
pables, crions à notre Mère, à notre sœur, la seule
de notre race qui soit sans péché, et qui à cause de
sa préservation n'en est que plus miséricordieuse et
plus compatissante O Immaculée , ô Toute pure, ô
notre Avocate , ô Mère de Jésus, ô notre Mère bien-
aimée, priez pour nous pauvres pécheurs !

Pratique. - Récitez le très saint Rosaire en union


avec l'archiconfrérie de Notre-Dame des Victoires pour
honorer le Coeur Immaculé de Marie et pour la conver-
sion des pécheurs.

1 Jac . , v, 46.
CHAPITRE VINGT-DEUXIÈME

« Je veux qu'on m'élève ici une chapelle. »

AIS Voici que Marie va enfin nous révéler


les secrets desseins de son Cœur. « Allez
dire aux prêtres, dit-elle, que je veux
qu'on m'élève ici une chapelle. »
Ah ! c'est que Marie ne veut pas être seule à nous
secourir. C'est son Fils qu'elle veut nous donner. Or,
Jésus ne paraît pas dans la vision du rocher. La Mère
n'a pas son enfant dans ses bras. Peuvent-ils donc se
séparer ? Oh ! non où est Marie, Jésus va venir.
Mais il réside en l'Eucharistie ; c'est sous cette forme
que Marie veut nous le donner. Marie remontera au
céleste séjour, mais elle nous laissera l'Eucharistie .
Aussi elle dit : « Allez dire aux prêtres » , car ce
sont eux qui font descendre Jésus du Ciel . La Vierge
Immaculée parle à la terre par une enfant ignorante
et timide nous avons vu pourquoi . Mais c'est au
sacerdoce qu'elle s'adresse, car c'est lui qui a la
puissance divine. Les prêtres sont les rois de la terre.
Au nom de Dieu ils enseignent, ils pardonnent, ils
ouvrent le Ciel. Au nom des hommes ils immolent la
Victime universelle qui expic tous les crimes , el
apaise la colère du Seigneur.
222 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Et Marie fait dire aux prêtres « Je veux qu'on


m'élève ici une chapelle . » Sans doute il ne manquait
pas d'églises et de chapelles dans le monde ; à Lourdes
même il y en avait plusieurs. Mais Marie a vu ces
églises trop souvent désertes , son Fils délaissé dans
ses Tabernacles, la sainte Table abandonnée . Marie
nous a attirés à elle ; maintenant elle va nous con-
duire au Très Saint Sacrement.
Et en effet une basilique s'élève au-dessus de la
grotte. Les foules arrivent à Marie ; elles viennent,
amenant leurs malades, comme autrefois les Juifs
portaient les leurs partout où se trouvait Jésus. C'est
l'intérêt, c'est le besoin de soulagement qui les
attirent ; c'est aussi leur dévotion envers Marie. Mais
elles trouvent Jésus avec elle. Il est venu près de sa
Mère, à la voix du prêtre, et c'est Lui surtout qui va
bénir. Voici en effet que les foules montent de la
grotte à la Basilique où Jésus les attend . Là il purifie
les âmes par la pénitence, là il se donne à elles en
communion . Peut-on venir à Lourdes sans commu-
nier ? Beaucoup étaient venus en état de péché . Beau-
coup avaient un fardeau porté depuis longtemps ,
qu'ils n'osaient déposer dans le cœur de leur propre
pasteur. A Lourdes, l'aveu est facile ; la guérison de
ces âmes s'opère en un instant. Quelles merveilles de
la grâce se sont accomplies dans les confessionnaux
de la Basilique ! Mais ce n'est qu'une préparation :
ces pèlerins s'agenouillent à la sainte Table et y
retrouvent les joies de leur Première Communion .
Plus encore on leur dit de communier tous les jours
qu'ils passeront à Lourdes. Pour beaucoup, quelle
révélation ! La communion était dans leur vie chose
JE VEUX UNE CHAPELLE 223

si rare ! Pâques, les grandes fêtes, voyaient seules.


ces dévotions, souvent plus redoutées que désirées .
Le difficile, l'important était la confession ; la com-
munion venait ensuite, presque comme un complé-
ment mais d'assez peu d'importance , sans longue
préparation , sans beaucoup d'action de grâces , sans joie
sensible, sans grand effet sur la vie. Et à Lourdes,
on fait la communion pour elle-même, ou plutôt pour
Jésus-Christ, plusieurs fois, dans l'élan de ferveur
d'un pèlerinage entraînant. On goûte le Seigneur, on
a trouvé son Dieu . Et le prêtre vous a dit : Désormais
communiez plus souvent. Et cette parole on l'a com-
prise, on l'a entendue avec émotion . C'est Jésus qui
se révèle en l'hostie. A partir de ce jour , voilà pour
un chrétien un changement de vie, et c'est la com-
munion qui va l'opérer. Avec elle , la foi vive s'em-
pare de l'âme, la charité, l'esprit de prière, les vertus
chrétiennes, le besoin de la méditation . Car Jésus,
c'est la vie, Jésus c'est la lumière, Jésus c'est la force
et le bonheur. Il ouvre l'intelligence on comprend
si bien quand on communie ! Et à combien de milliers
d'âmes , à Lourdes, Marie et l'Eucharistie ont fait cette
révélation !
Ce n'est pas tout à Lourdes aussi on adore. Le
Saint Sacrement est exposé souvent ; on vient le
contempler et recevoir sa bénédiction . On aime à
regarder la blanche hostie . A Lourdes on goûte
encore le bonheur d'assister au saint Sacrifice . Que
de messes en effet s'y célèbrent ! Combien ont compris
là ce trésor infini ! Que de pieux laïques y ont connu
pour la première fois, et conservé ensuite, le bonheur
de servir la sainte Messe, ce glorieux privilège que
224 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

les rois enviaient jadis, et qu'on laisse à des enfants


qui n'en savent pas le prix !
Mais voici que le Saint Sacrement va descendre à
la grotte même, tout près de la Vierge Marie. Ah !
c'est bien là que l'on comprendra combien Jésus et
sa Mère sont unis ! Sans le Saint Sacrement , sans la
Messe, sans la Communion , les plus belles fêtes , les
plus beaux hommages rendus à notre Mère seraient
trop peu de chose. Voici donc qu'un autel est dressé
sous la voûte et Jésus y descend à la voix du prêtre.
Et voyez encore ici le symbolisme de notre grotte .
Pénétrez sous la voûte, remarquez cette ouverture , ce
canal qui unit les deux cavernes. Ne semble-t- il pas
le chemin qu'a suivi Jésus pour descendre du Ciel ,
ou plutôt pour venir à nous du sein de Marie ?
Comme cela nous fait comprendre que si à la sainte
Messe Jésus seul descend jusqu'à nous, Marie du Ciel
contemple le saint Sacrifice ; elle y assiste réellement,
on pourrait dire qu'elle y préside et que par sa douce
influence elle est tout près de nous pour nous prêter
son cœur et ses dispositions.
Désormais donc Jésus viendra souvent à Massabielle ,
il s'immolera, il se donnera en communion , il répandra
ses bénédictions. Continuellement ses prêtres le por-
teront de la Basilique à la grotte et de la grotte à
la Basilique. On le rencontre sans cesse mêlé aux
pèlerins. Il est lui-même, on pourrait dire, le plus
fidèle des pèlerins de Lourdes. Qui est venu plus
souvent que Lui à cette grotte où Marie demande des
visites ?
Mais là, quel doux voisinage pour nous, quelle
privauté, quelle familiarité charmante ! Il n'est plus
JE VEUX UNE CHAPELLE 225

éloigné du peuple, au fond d'un sanctuaire , derrière


la balustrade d'un choeur. Non , on le coudoie pour
ainsi dire ; on donne la communion parfois jusque
dans les rangs des fidèles . Il nous enseigne par là
qu'il veut rentrer dans la vie chrétienne, redevenir
notre ami, notre frère, notre famille. Il est lassé de la
solitude de ses tabernacles, où le Jansénisme l'avait
rélégué. Le respect est bon, mais le plus grand c'est
de répondre à ses désirs, et il a dit : « Demeurez en
moi , demeurez en mon amour. Je ne vous appellerai
plus mes serviteurs , mais mes amis . » Le respect de
Madeleine se jetant aux pieds du Sauveur et les
baisant avec tendresse, vaut mieux que le respect du
Pharisien qui s'indigne de le voir converser avec les
pécheurs .
D'ailleurs, à Lourdes aussi , et plus que partout
ailleurs, le Saint Sacrement reçoit des hommages
magnifiques . Oui , dans cette terre bénie, sous l'égide
de Marie, l'Eglise a conservé une liberté qu'on lui
ravit ailleurs , la liberté d'exalter le Saint Sacrement
dans une marche triomphale. Dans bien des villes,
hélas ! on supprime les processions de la Fête-Dieu .
Nous dédommagerons Notre - Seigneur à Lourdes.
C'était là que la Vierge voulait en venir quand elle
demandait à Bernadette des processions. Certes , elles
étaient belles ces processions où les foules ne cessaient
d'acclamer leur Reine , et de multiplier les chants et
les Ave ! Pourtant on s'éloignait de la grotte, et on ne
pouvait y porter Marie . Eh bien , on a porté Jésus. Et
le voilà maintenant presque tous les jours , pendant
la saison des pèlerinages, qui passe à travers ces
foules enthousiastes , escorté par elles, acclamé comme
226 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

le jour des Rameaux quand il entrait à Jérusalem


aux cris de « Hosanna au Fils de David ! Béni soit
celui qui vient au nom du Seigneur ! » et que toute
la ville émue demandait : « Quel est donc celui-ci ?
C'est, répondait-on , Jésus le Prophète de Nazareth de
Galilée . »
Ainsi en va-t-il à Lourdes maintenant. Marie ne
s'est pas contentée de faire rentrer Jésus , le Saint
Sacrement, dans notre vie privée , dans nos relations
intimes elle veut le replacer à la tête des nations ,
c'est pourquoi elle lui procure des hommages sociaux .
Il est acclamé comme un Roi, comme le Fils de
David, comme le Fils de Dieu même, comme celui à
qui son père a donné en héritage les nations .
Et voici que Notre-Seigneur a manifesté qu'il veut
régner par les bienfaits et par l'amour. Ce qu'il
opérait en Galilée où il passa en faisant le bien , voici
qu'il le renouvelle. Il s'avance porté par un pontife,
au milieu des nuages d'encens , des chants liturgiques,
escorté par une armée de prêtres ; à cette vue, un
élan de foi et de confiance a traversé l'àme des
malades, des paralytiques, des mourants couchés sur
le parcours de la procession . Une inspiration soudaine,
venue du Cœur de Marie, leur dit que Jésus va les
guérir. Et un cri s'échappe de leurs poitrines . « Jésus,
Fils de David , ayez pitié de moi ! Seigneur, si vous
le voulez, vous pouvez me guérir ! Dites seulement
une parole et je serai guéri ! Seigneur, celui que vous
aimez est malade. Jésus, Fils de Marie, ayez pitié de
moi ! >>
Et voici que tout à coup , au passage de la sainte
Hostie, les infirmes se lèvent de leur grabat , et
JE VEUX UNE CHAPELLE 227

suivent leur bienfaiteur dans son triomphe . Ceci eut


lieu pour la première fois en 1888.
Depuis, ces prodiges se renouvellent chaque année .
C'est le Saint Sacrement qui est maintenant à Lourdes
le grand faiseur de miracles. Sans doute Marie n'a
pas cessé, mais elle partage avec son Fils ce doux
empire de la miséricordieuse bonté. Pouvait-elle
mieux nous prouver qu'en venant à Lourdes c'était
Jésus qu'elle voulait nous donner ? Le Saint Sacre-
ment, le mystère de foi par excellence, c'est- à-dire le
mystère où la foi seule agit, parce que la raison y
est aux abois, le voilà prêché, exalté, démontré, non
plus par l'Eglise, par les prêtres, mais par Marie et
par sa propre puissance. Tout ce qui s'est fait à
Lourdes de choses merveilleuses, tout ce qui prouve
indubitablement la réalité des Apparitions , tout le
mouvement immense qu'il a produit dans le monde,
tout cela aboutit au Très Saint Sacrement. Et quand
les foules sont attentives, groupées, pressées autour
de l'Hostie ; quand c'est Jésus lui-même, en son état
mystérieux , qui est l'objet des adorations ; quand, en
quelque sorte, on oublie pour lui Marie, la grotte,
la source, le rosaire ; quand on ne voit que lui et que
c'est lui qui triomphe, alors il manifeste sa puis-
sance, et il guérit.
Que répondrez-vous, libres-penseurs et incrédules ?
Ici , vous ne pouvez plus parler d'eau minérale, de
vertu curative nouvelle, ni d'hydrothérapie, et l'en-
thousiasme paraîtra un moyen peu capable de guérir
un cancer ou d'allonger un membre . Avouez-le : Dieu
seul agit. Donc il est là , donc il entend et exauce nos
prières , donc il nous aime, donc il faut l'aimer , il
228 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

faut l'adorer et le servir le servir là où il est pour


notre amour, selon que l'Eglise l'enseigne ; là où le
monde l'a cru et adoré depuis dix-neuf cents ans,
mais où les impies s'obstinaient à ne pas le recon-
naître. Aujourd'hui , jetez-vous à ses pieds comme
l'apôtre Thomas, disant : « Mon Seigneur et mon
Dieu ! » Et Jésus vous répondra : « Parce que vous
avez vu , vous avez cru . Heureux ceux qui n'ont pas
vu et cependant croient fermement. » Mais en revanche,
malheureux , malheureux infiniment ceux qui ont vu
et refusent de croire. C'est d'eux qu'il est écrit que
leur méchanceté et leur perversion sont telles que
Dieu lui-même ne peut les sauver malgré son amour,
et que sa Justice est obligée de les abandonner à leur
aveuglement : « J'ai obscurci leurs yeux et endurci
leur cœur, de peur que leurs yeux ne voient et que
leur cœur ne comprenne et qu'ils ne se convertissent
et que je ne les guérisse ! »

Ainsi Notre-Dame de Lourdes nous a conduits à la


divine Eucharistie . Il nous est donc bien permis de
saluer la blanche Apparition de Massabielle du nom
auguste et vénéré de Notre-Dame du Très Saint
Sacrement.
Notre-Dame du Très Saint Sacrement ! que ce nom
dit de choses à qui sait le comprendre ! Essayons de
l'expliquer un instant. Que l'on ne s'étonne pas
d'abord de l'association de ces deux expressions :
<< Notre-Dame et le Très Saint Sacrement. » Nous n'en-
tendons aucunement dire que Marie soit la Reine et
la Maîtresse de Notre- Seigneur, alors même qu'en un
sens il soit bien vrai qu'elle ait régné sur son Cœur
JE VEUX UNE CHAPELLE 229

et qu'en se faisant son fils et sa nourriture en l'Hostie,


il se soit donné tout à elle. Non , Marie n'est pas la
Dame du Très Saint Sacrement, mais elle est la nôtre :
notre Dame, notre Souveraine . Notre-Dame c'est le
nom français de Marie. C'est pourquoi, quels que
soient les lieux où on l'invoque, les titres qu'on lui
attribue, les vertus et les mystères que l'on veuille
honorer en elle, ou les secours qu'on en attend, on
joint à ces désignations spéciales le nom générique de
Notre-Dame. Ainsi nous disons Notre-Dame de Lourdes,
de Chartres, de Fourvière ; Notre-Dame des Victoires ,
de Paix , de Grâce ; Notre-Dame de Toutes-Aides , de
Bon-Conseil, du Perpétuel-Secours ; comme pour dire
la Vierge de Lourdes, la Vierge des Victoires, la
Vierge du Perpétuel-Secours ; ou pour exprimer plus
complètement son titre, comme le fait l'Eglise en sa
liturgie, la Bienheureuse Vierge Marie honorée dans
tel lieu ou dans tel mystère . Par exemple : Beata
Virgo Maria de Monte- Carmelo : ce que nous tradui-
sons en français : « Notre-Dame du Mont-Carmel. »
De même en disant : Notre-Dame du Très Saint Sa-
crement, nous voulons exprimer tous les rapports qui
ont existé entre Marie et l'Eucharistie.
Or, qu'il est juste d'honorer ces rapports ! Qu'ils
sont grands, qu'ils sont sublimes, qu'ils sont inef-
fables ! Car si Jésus s'est fait Sacrement, sans doute
c'est pour consoler l'Eglise de ne plus le voir ici-bas :
mais tout d'abord, et pendant vingt ans, pour consoler
sa Mère ; c'est pour consommer son union de grâce
avec ses membres sur la terre : mais avant tout pour
achever la sanctification de celle qui fut le plus beau
chef- d'œuvre de la grâce ; c'est pour assouvir son
230 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

désir de se donner et témoigner à la créature les


excès de sa tendresse mais avant tout pour faire ce
don à celle qui en était le plus digne, et prouver son
amour à celle qui le lui rendait parfaitement. Et com-
ment Marie répondit-elle à ce don de l'Eucharistie ?
Pendant les vingt ans ou environ qu'elle resta sur la
terre après l'Ascension de Jésus, elle ne vécut que
pour le Très Saint Sacrement . Elle passa ces années
dans l'adoration , l'amour et le service de cette hostie
où son Fils s'était caché, où elle le possédait, où elle
retrouvait l'enfant de Bethleem et la victime du Cal-
vaire. Marie eût-elle pu s'éloigner de Jésus un seul
jour ? Eût-elle pu vivre loin du Saint Sacrement ?
Non, certes : l'Eucharistie seule lui donnait la force
de demeurer dans l'exil, après avoir vu son Tout
remonter au Ciel. Aussi, elle communiait tous les
jours , et, par un miracle, les saintes Espèces subsis-
taient continuellement en elle ; de sorte que la sainte
Vierge fut en réalité , pendant tant d'années , le vivant
Ciboire et le Tabernacle du Très Saint Sacrement.
Tout le but de la prolongation de sa vie sur la terre
était de tenir compagnie à Jésus sacramenté, d'ap-
prendre aux hommes à l'entourer et à l'aimer. Elle
formait l'Eglise à ce divin service . Volontiers elle eût
consenti , malgré son immense désir de voir la Beauté
divine, à rester jusqu'à la fin du monde occupée à
l'adorer. Mais Jésus était pressé de la couronner, et
quand elle eut mis le comble à ses mérites, un élan
d'amour détacha sa très sainte âme de sa prison virgi-
nale, d'où elle s'élança vers le Ciel , appuyée sur son
bien-aimé.
Et dans le Paradis , Marie cessera-t-elle de s'oc-
JE VEUX UNE CHAPELLE 231

cuper de l'Eucharistie ? Ne sera-t-elle plus Notre-


Dame du Très Saint Sacrement ? A Dieu ne plaise !
Tous les intérêts de son Fils sont chers à son cœur,
tout ainsi que les besoins des hommes. Or la gloire
de Jésus, non moins que nos intérêts, repose sur le
règne de l'Eucharistie . Qu'elle soit donc connue,
aimée , servie et qu'elle sauve les âmes : voilà la grande
ambition de Marie. Et comme , spécialement en nos
temps modernes, le règne du Christ est plus com-
battu , son amour plus méprisé, c'est aussi le temps
où Marie fera plus pour nous ramener à son Fils.
Nous avons vu comment à Lourdes elle nous a con-
duits à Lui par le doux artifice de ses bienfaits . Mais
ce n'est pas à Lourdes seulement qu'elle le fera régner .
O Emmanuel ! ô Dieu avec nous ! la colombe imma-
culée a plané sur votre terre tout entière, comme
l'avait annoncé le Prophète ¹ , et partout elle a fait
refleurir le culte de votre Eucharistie . Le siècle de
Marie s'appelle aussi le siècle du Très Saint Sacre-
ment, et il annonce l'aurore d'un siècle encore plus
beau, où le Sacré-Cœur nous révélera tous les excès
du mystère d'amour .
Notre-Dame de Lourdes est donc bien Notre-Dame
du Très Saint Sacrement.
Et remarquons combien il était juste que l'Imma-
culée Conception et l'Eucharistie fussent unies . C'est
l'A et l'n des œuvres de Dieu. Tout part de l'Imma-
culée Conception et tout aboutit à l'Eucharistie . Le
Très Saint Sacrement c'est tout Jésus , et l'Immaculée
Conception tout Marie : c'est-à-dire tout ce qui fait
1 Et erit extensio alarum ejus implens latitudinem terræ tuæ, o
Emmanuel . (Isa. , vi , 8. )
232 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

le fondement et la raison des grandeurs de la Mère,


et tout ce qui couronne l'amour et la Rédemption du
Fils. Il fallait l'Immaculée Conception pour que Dieu
n'eût pas horreur de se faire hostie, et l'Hostie seule
pouvait suffire à remercier Dieu du glorieux privilège
de Marie . L'Hostie c'est l'excès du don fait à la
terre, la Vierge Immaculée c'est ce qui peut en
quelque sorte le mériter. L'Hostie c'est le plus grand
abaissement de Dieu vers l'humanité ; l'Immaculée
Conception est la plus grande hauteur où l'homme
soit monté. Il est donc juste qu'elles s'embrassent,
qu'elles consomment l'union parfaite d'une pure
créature avec le Verbe Incarné. Et vraiment la Vierge
Immaculée était digne de communier, oui, vraiment
et absolument digne, non par la nature mais par
grâce car Dieu lui-même se l'était préparée, et elle
n'avait rien fait qui pût ternir l'œuvre du Créateur.
« Moi qui suis digne , je te fais digne » , disait Jésus à
sainte Catherine de Sienne . Combien plus a-t-il fait
digne sa propre Mère !
C'est pourquoi l'Immaculée Conception seule a pu
glorifier suffisamment l'Eucharistie. Mais il fallait
aussi que les honneurs rendus à la Vierge sans tache
rejaillissent sur son Fils . C'était assurément un besoin
pour le Cœur de Marie. La proclamation solennelle
de son privilège réclamait les triomphes du Sacre-
ment d'amour. Aussi , ces deux glorifications de Jésus
et de Marie ont coïncidé pour ainsi dire. En réponse
aux louanges de la terre , Marie ne pouvait lui faire
un plus beau présent que de lui donner davantage
son Fils . C'est donc cela qu'elle demandait à Dieu
pour nous à Lourdes dans sa muette prière, les mains
JE VEUX UNE CHAPELLE 233

jointes, le regard perdu vers l'Eternité. Et cette


prière a été exaucée la floraison d'œuvres du Saint
Sacrement, les Congrégations vouées à l'adoration et
à l'exposition perpétuelle, les Congrès eucharistiques ,
les miracles, le retour à la communion fréquente, la
disparition de l'esprit janséniste voilà les fruits de
la prière de Marie à Massabielle , et c'est pourquoi
nous proclamons la Vierge de Lourdes Notre- Dame
du Très Saint Sacrement.

Loué et remercié soit à tout instant le Très Saint et


Très Divin Sacrement !
Et bénie soit la sainte , immaculée et très pure
Conception de la Bienheureuse Vierge Marie Mère
de Dieu !

Pratique. - Récitez aujourd'hui votre Rosaire en


union avec Marie au Cénacle, conservant et repassant
dans son cœur tous les mystères de sa vie. Offrez-le
pour le règne de Jésus-Hostie sur tous les cœurs .
DİKNİK DİKSİK NİK NİKNİK NİKNİK NİKSİK SİK NİK NİK SİK Nİ

CHAPITRE VINGT- TROISIÈME

<< Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! »

T la Vierge Marie dit : Pénitence ! Péni-


tence ! Pénitence ! Ce ne sont pas les
justes qu'elle vient visiter ; mais, comme
son divin Fils, elle vient appeler les pé-
cheurs à la pénitence 1 .
Mais pourquoi répéta-t-elle ce mot trois fois ? C'est
d'abord pour nous le faire remarquer davantage , et
nous apprendre que la Pénitence est le plus pressant
de nos besoins et la plus importante des leçons qu'elle
vient nous donner. Ce mot est dur et qui peut l'en-
tendre ? Il faut pourtant l'accepter ; c'est pourquoi
Marie le répète. C'est pour nous dire aussi que la
Pénitence doit être continuelle et pratiquée avec cou-
rage et persévérance . Marie nous dit en quelque sorte :
Pour vous sauver, le premier moyen c'est la Péni-
tence, le deuxième moyen c'est la Pénitence, le troi-
sième c'est toujours la Pénitence ; elle doit durer
jusqu'à la mort. Enfin , elle dit trois fois Pénitence !
parce que la Pénitence a , en réalité, trois degrés . Ce
Non veni vocare justos sed peccatores ad pœnitentiam.
(Luc. , v, 32.)
PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 235

mot a trois sens différents qui expriment trois choses


que Marie veut nous faire entendre et pratiquer .

I. - Rénitence veut dire avant tout repentir . Faire


pénitence , c'est regretter ses péchés, se convertir.
C'est dans ce sens que Jésus disait aux Juifs : « Si
vous ne faites pénitence , vous périrez tous » ; et Jean-
Baptiste « Faites pénitence, parce que le royaume
de Dieu approche. » Et les Prophètes répétaient sou-
vent au peuple d'Israël : « Convertissez-vous et faites
pénitence . » Cette pénitence, c'est donc le regret
douloureux d'avoir offensé Dieu.
Voilà la première leçon de notre Mère. C'est aux
pécheurs qu'elle parle. Pauvres enfants, leur dit-elle,
comprenez votre malheur ! Pécher, c'est renoncer au .
Bien infini pour un bien misérable , au Bien éternel
pour une joie passagère, au Bien souverain , capable
de satisfaire les désirs d'une âme immortelle , avide
d'un bonheur sans mesure, pour un plaisir grossier,
indigne d'une créature raisonnable. « Ne dites pas : J'ai
péché et rien de triste ne m'est arrivé : car celui qui
pèche, même une seule fois, perd des biens infinis 2. >>
Qu'il est grand, en effet , le Bien que vous avez
perdu ! C'est cette perte que les damnés pleureront
avec des larmes et des grincements de dents de déses-
poir, parce que leur séparation d'avec Dieu sera
éternelle . Mais leurs gémissements et leurs regrets
seront inutiles. Ici-bas, au contraire, les larmes des
pécheurs leur obtiennent de recouvrer le Bien qu'ils

1 Convertimini et agite pœnitentiam. (Ezech., xvIII, 30.)


2 Ne dixeris : Peccavi et quid mihi accidit triste ? (Eccli ., v , 4.)
Qui in uno peccaverit multa bona perdet. (Eccle . , ix , 18 )
236 LÈS LEÇONS D'UNE MÈRE

ont perdu . Aussi le Seigneur a dit : Bienheureux


vous qui pleurez maintenant , parce que vous vous
réjouirez un jour .
Cherchez donc le Seigneur tandis qu'il est encore
temps de le trouver . Hâtez-vous de le chercher, car
le Seigneur désire être désiré. C'est un tel Bien , que
ne pas le poursuivre est un crime qui mérite toutes
les colères. Le Très-Haut vous a épargnés jusqu'ici :
il est patient, mais il rend à la fin à chacun ce qu'il
mérite. « Ne dites pas : La miséricorde du Seigneur
est grande, il pardonnera à la multitude de mes ini-
quités ; car sa miséricorde est toute proche de sa
colère , et sa justice a l'œil ouvert sur les pécheurs.
Ah ! ne tardez pas à vous convertir, ne différez pas
de jour en jour, car son courroux éclatera tout à
coup, et vous perdra au jour de ses vengeances ¹ . »
« Fuyez la colère à venir : car la cognée est à la
racine des arbres. Tout arbre qui ne porte pas de
bons fruits va être coupé et jeté au feu éternel . Le
Seigneur a son van à la main ; il va purger son aire.
Le bon froment va être ramassé dans ses greniers , et
la paille jetée au feu qui ne s'éteint pas ² . »
Pénitence ! pendant qu'il en est encore temps . Car
l'arbre restera du côté où il sera tombé. Sortez donc
du péché mortel avant que vienne le jour terrible de
la Justice.

Or, que cette pénitencé est facile ! Dieu ne demande

1 Ne dicas : Miseratio Domini magna est, multitudinis peccatorum


meorum miserebitur. Misericordia enim et ira ab illo cito proximant,
et in peccatores respicit ira illius. (Eccli. , v, 6. )
2 Matth., II, 13.
PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 237

qu'un acte d'amour, un cri du cœur qui préfère


enfin Dieu à la créature, qui regrette d'avoir contristé
le souverain Bienfaiteur. Qu'on remarque bien cette
vérité consolante et trop ignorée le plus petit degré
de contrition suffit à remettre le péché mortel , pourvu
qu'il soit basé sur le motif de l'amour. Ce que Dieu
regarde, ce n'est pas l'intensité de la contrition , mais
sa nature . Des torrents de larmes versées par crainte
de l'enfer ou par honte d'avoir péché , ne remettront
pas une seule faute mortelle. Mais pour en effacer
des milliers , il suffit d'un seul acte de contrition
pieusement récité, tel que le Catéchisme l'enseigne.
<< Mon Dieu, je regrette de vous avoir offensé, parce
que le péché vous déplaît et que vous êtes l'infinie
Bonté. » Car la première de ces contritions est impar-
faite elle est basée sur l'intérêt personnel ; la
deuxième est parfaite elle naît du regret d'avoir
fait du chagrin à un Père bien-aimé. Il faut, bien
entendu, y joindre le ferme propos de ne plus l'of-
fenser à l'avenir, et être décidé à le mettre désormais
dans notre estime au-dessus de toute chose. Ce mot
estime est important : il veut dire que nous devons
préférer le Bien souverain et éternel à tout autre
bien, le placer au-dessus de tout dans notre apprécia-
tion alors même que nous éprouverións peut-être
plus d'affection sensible pour des créatures par
exemple, pour nos parents. De même, la crainte sen-
sible de la mort, des supplices, peut être plus forte
en nous que la crainte d'offenser Dieu pourtant ,
dans notre esprit, nous devons reconnaître le mal du
péché comme plus grand que tout malheur possible.
C'est donc de l'intelligence et non de la sensibilité
238 LES LEÇONS D'une mère

que la contrition parfaite découle, et c'est pourquoi


elle est si facile à acquérir.
Mais une condition doit toujours se joindre à ce
regret du péché et au bon propos de ne plus le com-
mettre c'est la volonté de s'en confesser. Le péché
mortel, commis après le baptême, n'est pardonné que
par l'aveu au prêtre. Une seule chose en dispense :
c'est l'impossibilité morale ou physique ; mais la
volonté de se confesser quand on le pourra, rien n'en
dispense . Moyennant cette résolution ferme, au mo-
ment où l'acte de contrition est produit, l'âme recouvre
l'état de grâce Dieu lui pardonne en vue du sacre-
ment désiré. Et telle est sa bonté qu'il se contente
même d'un désir implicite de la confession, et même
de toute bonne volonté d'une âme qui ne pense pas
au sacrement, qui peut-être même ne le connaît pas,
mais qui a conscience d'avoir péché et le regrette
pour l'amour du Dieu offensé. Combien cela donne
de consolation et de confiance pour le salut d'une
multitude d'âmes !
Mais si l'on peut se confesser, qu'on sache y être
obligé et qu'on le refuse, il n'y a pas de pardon pos-
sible. C'est pourquoi ce sacrement est par excellence
le sacrement de la conversion , et il porte le même
nom qu'elle la Pénitence , parce qu'il est le moyen
obligatoire de la réconciliation, et le témoignage de-
mandé par Dieu de la réalité du repentir.
D'ailleurs, il porte avec lui tant de grâces que pour
ceux qui le reçoivent Dieu n'exige même pas la con-
trition parfaite il se contente d'un repentir quel-
conque, pourvu qu'il soit surnaturel, c'est-à-dire basé
sur un motif de foi . Le regret par crainte de l'enfer,
PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 239

du purgatoire , et même des châtiments temporels dont


Dieu punit le péché, joint à la volonté de ne plus le
commettre, suffit avec l'absolution pour assurer le
pardon.
Et cette confession , combien elle est facile ! Il ne
s'agit pas d'aveux longs, pénibles, humiliants . D'a-
bord, on n'est obligé d'accuser que les péchés mortels .
Les péchés véniels, les péchés douteux ou dont la
gravité n'est pas certaine, pas n'est besoin d'en faire
mention on le peut, mais rien n'y force . Point de
détails non plus, pas de circonstances à accuser, pas
même celles qui aggravent le péché . Dieu les connaît
et les jugera un jour ; le prêtre n'a pas besoin de les
connaître pour accorder le pardon , à moins qu'elles
ne changent la nature du péché. Il lui suffit de con-
naître le nom du péché, son espèce, c'est-à-dire quel
précepte il viole, et enfin, autant que possible , si
c'est un péché grave ou non . Que tout cela est aisé !
Et de plus, que c'est doux ! car on sort du saint
Tribunal avec l'assurance du pardon . Quelle paix
succède aux remords , quelle joie à la confusion, quel
amour de Dieu à la crainte de ses jugements !
Et comme Dieu a facilité pour nous un remède si
puissant ! La première fois que Jésus dit à un cou-
pable « Tes péchés sont remis » , les Juifs se scanda-
lisèrent, disant : « Cet homme blasphème . Qui peut
remettre les péchés que Dieu seul ? » Mais mainte-
nant, ce n'est plus Jésus seulement qui remet les
péchés, mais tous ses prêtres . Si le Pape seul avait
reçu ce divin pouvoir, nous serions trop heureux de
savoir qu'à Rome on peut aller demander le pardon
de tout crime. Mais voici que le dernier vicaire de
240 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

campagne peut prononcer sur les plus abominables


pécheurs les paroles de l'absolution . Après cela, Dieu
pourra nous dire : Si vous vous perdez , c'est que
vous l'aurez voulu votre perte est votre ouvrage.
Perditio tua, Israel !
Ecoutons donc la Vierge Marie nous crier : Péni-
tence ! Cela veut dire : « Mes enfants , n'allez pas en
enfer, car vous n'en sortiriez jamais ; il faudrait
renoncer à me voir dans la beatitude et vous ré-
soudre à me haïr éternellement. Ne me faites pas ce
chagrin, à moi votre Mère, qui vous aime tant et
désire tant votre amour ! Convertissez-vous ! revenez
à votre Mère. Revenez à Dieu ! >>
Le mauvais riche dans l'enfer suppliait Abraham
d'envoyer Lazare dire à ses frères de ne pas venir le
rejoindre dans le lieu des tourments . Et Abraham lui
répondit : « Ils ont Moïse et les Prophètes ; s'ils ne les
écoutent pas, même si un mort ressuscite , ils ne les
croiront pas davantage . » Mais voici que Marie elle-
même a demandé à Dieu de venir nous apporter le
message du mauvais riche. Oui , ce sont en quelque
sorte les habitants des enfers eux-mêmes qui lui
ont dit : « O douce Vierge, ô Refuge des pécheurs,
que nous voudrions tant aimer et que par un juste
châtiment de nos crimes nous sommes condamnés
ȧ haïr éternellement, allez dire à nos amis de la
terre de se convertir, de peur qu'ils ne tombent avec
nous dans l'abîme. » Et Marie se fait l'écho de ces
malheureux réprouvés en venant nous crier : Faites
pénitence !

II. - Le deuxième sens du mot Pénitence, c'est


PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 241

l'expiation du péché. C'est ainsi que le prêtre donne


au pécheur qui se confesse « une pénitence . » C'est
aussi dans ce sens que Jean-Baptiste disait aux Juifs :
<< Faites de dignes fruits de pénitence ¹ . » Il ne suffit
pas, en effet, de se repentir de ses fautes : il faut les
punir. Le salaire que mérite le péché, c'est la souf-
france. C'est pourquoi Adam, contrit et repentant,
reçut son pardon de Dieu ; mais en même temps, il
fut condamné au travail, à la douleur et à la mort.
Il lui fut dit : « La terre sera maudite à cause de ton
péché ; elle ne produira pour toi que des ronces et
des épines . Tu mangeras ton pain à la sueur de ton
front, jusqu'à ce que tu retournes en poussière. » Et
à Eve, Dieu ajouta : « Je multiplierai tes douleurs . »
Et pendant les neuf siècles de leur vie sur cette terre,
Adam et Eve firent pénitence. Et toute leur postérité,
ayant partagé leur culpabilité, partage leur châti-
ment. Bon gré mal gré, il faut subir la douleur et la
mort . Il est donc bien important pour nous de méditer
et de comprendre ce grand mot que Marie nous crie :
Pénitence !
Elle veut nous dire de ne pas nous révolter contre
la souffrance, mais au contraire de l'accepter volon-
tairement et même de la chercher . Elle nous prêche,
en un mot, la nécessité de l'expiation . C'est une pa-
role dure que celle-là, et peu veulent l'entendre. «< Le
mot de croix, dit saint Paul, est une folie pour
ceux qui se perdent . Mais pour nous, qui voulons
nous sauver, il est la force de Dieu... Le Christ cru-
cifié est pour les Juifs un scandale, pour les païens

1 Facite fructus dignos pœnitentiæ. (Luc. , III, 8.)


LOURDES 14
242 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

une folie, mais pour les élus il est le triomphe et la


sagesse de Dieu ¹ . »
: Scandale pour les Juifs : Ce qu'ils demandent, ce
sont les bénédictions temporelles . Ils ne peuvent
croire que Dieu châtie ceux qu'il aime . Job sur son
fumier leur paraît un coupable justement puni. Et si
Jésus est le Fils de Dieu, qu'il descende de la croix !
Combien, hélas ! de chrétiens mêmes ont cet esprit
judaïque ! Les épreuves, la souffrance, leur sont une
pierre d'achoppement. Ils refusent les croix que Dieu
leur envoie, ils murmurent, ils blasphèment, ils
traitent Dieu d'injuste, de cruel . Ils oublient qu'ils
sont pécheurs et que leurs fautes méritent les tour-
ments infiniment plus rigoureux du Purgatoire ou
de l'Enfer.
La souffrance nous révolte ? C'est vrai , elle est
contre nature ! Mais qui l'a faite cette souffrance ?
Ce n'est pas Dieu, c'est l'homme, c'est le péché.
Mais voici ce qu'a fait Dieu : il n'a fait ni la dou-
leur, ni la mort, mais il a bien voulu les subir.
Voyant combien ce remède nécessaire paraissait pé-
nible à l'humanité, il est descendu du Ciel pour nous
apprendre à l'accepter. Jésus, voilà le nouvel et véri-
table Adam, exilé lui aussi du Paradis son légitime
séjour, voyageur sur une terre ingrate, aride et
désolée. Voilà le vrai Pénitent, qui pleure toute sa
vie une faute qu'il n'a pas commise, mais dont il
s'est chargé, et qui l'expie dans le travail, la tristesse ,
le jeûne, les larmes, puis enfin par la mort, une
mort cruelle, ignominieuse, avec toutes les terreurs ,

1 Cor., 1, 23.
PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 243

les angoisses , les délaissements , le brisement du cœur,


les tortures physiques , et la douloureuse séparation
de l'âme et du corps. En tout cela, Jésus n'est pas
seulement notre rançon , il est encore notre modèle .
Ses souffrances et sa mort ne nous dispensent ni de
souffrir, ni de mourir. Mais elles nous donnent seule-
ment la force de le subir : Crux iis qui salvi fiunt,
id est nobis, virtus Dei.
Voilà ce que nous répète Marie en nous disant
Pénitence. C'est nous dire : « Mes enfants , acceptez
la souffrance, parce que vous êtes pécheurs. Expiez
vos fautes en ce monde ; n'attendez point la vengeance
future. Apaisez votre créancier avant qu'il vous cite
devant le Juge, faites la paix en chemin car si vous
arrivez devant le Tribunal suprême avec des dettes ,
il faudra les acquitter jusqu'à la dernière obole, et
vous serez livrés aux tortures et aux bourreaux jus-
qu'à ce que tout soit payé . » Bien loin donc de fuir
la douleur, il faut la rechercher, et joindre encore
aux peines de la vie les exercices de la mortification
volontaire. Et c'est pour cela que l'Eglise aussi nous
crie chaque année : Pénitence ! Hélas ! que sont de-
venus ses jeûnes, ses abstinences et son Carême !
Notre lâcheté, nos résistances l'ont obligée à en
diminuer sans cesse les rigueurs , et le peu qui en
reste n'est pas même observé. Mais ce n'est pas à
notre avantage, certes . Si les pénitences imposées ont
diminué, l'obligation de faire pénitence demeure la
même ; seulement elle est différée. Au lieu de la faire
en ce monde, nous la ferons en l'autre ; au lieu de
jeûner , nous brûlerons ; au lieu d'une légère priva-
tion , nous souffrirons des supplices épouvantables.
244 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Encore une fois, ce n'est pas à notre avantage. Heu-


reux ceux qui comprendront la voix de Marie, ordon-
nant à Bernadette de s'humilier, de se mortifier en
baisant la terre, en mangeant de l'herbe et en buvant
un breuvage répugnant, et nous criant à tous :
Faites pénitence !
Pensons-y bien . Dieu est la Justice infinie et la
Pureté parfaite. Il exigera un compte rigoureux de
notre vie ; une parole oiseuse ne restera pas sans
châtiment ; la moindre imperfection , le moindre
défaut de pureté d'intention se paieront dans le
Purgatoire. Car, comment arriver au Ciel sans être
entièrement purifié ? Quel abîme entre nos souillures
et la sainteté que les purs esprits n'adorent qu'en se
voilant la face de leurs ailes ! Si donc, au jugement
de Dieu, les âmes les plus justes, les saints eux-
mêmes doivent trembler, que feront les pécheurs, les
mondains, dont la vie n'a été qu'une continuelle
jouissance, qu'une poursuite de toutes les voluptés ?
Qu'en sera-t-il même de ceux dont la vie a été hon-
nête, mais cependant sans efforts généreux , sans
souci d'éviter une multitude de péchés véniels , sans
mortification volontaire ? Ah ! que de dettes ! Je veux
qu'une bonne absolution ait rendu à ces âmes l'amitié
du Seigneur. Mais il reste à expier les fautes d'une
vie entière, pardonnées sans cesse, mais jamais répa-
rées. Au delà de la vie terrestre, il va falloir recom-
mencer une autre vie plus longue souvent que la
première, des siècles peut-être, non plus dans le
calme et le bien-être, mais dans le feu dévorant : une
vie sans repos, sans sommeil , sans rafraîchissements,
une vie de souffrances telles , qu'au sentiment des
PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 245

Saints, toutes les douleurs de la terre sont peu de


chose en comparaison . Voilà ce qui nous est réservé,
et nous dormons tranquilles ! La mort approche, le
feu nous attend, et nous pouvons penser à autre
chose qu'à payer ici-bas nos dettes pour échapper à
un si grand malheur ? Oui, malheur épouvantable !
car, après le péché mortel et l'enfer, la plus affreuse
calamité qui puisse atteindre une créature, c'est de
tomber en Purgatoire . Et nous y allons gaiement !
Heureux et sages ceux qui satisfont pour leurs
péchés en ce monde ! Ils y trouvent deux profits
immenses. Le premier est de payer moins cher. Tout
est centuplé dans l'autre monde, les châtiments
comme les récompenses. Remettons donc à toucher
plus tard, et payons maintenant ! Mais un second
avantage, c'est qu'en faisant pénitence sur la terre ,
non seulement nous payons nos dettes, mais nous
devenons créanciers nous-mêmes . En effet, sur la
terre toute œuvre surnaturelle a deux valeurs , l'une
satisfactoire , l'autre méritoire : la première éteint la
peine due au péché, la deuxième mérite la gloire
éternelle. Au Purgatoire, au contraire , il n'y a que la
satisfaction . Le temps de s'enrichir finit avec la vie
présente au delà on ne peut plus gagner, et des
siècles de souffrances inexprimables ne feront pas
monter l'âme d'un degré. Quelle folie donc, puisqu'il
faut absolument expier nos péchés, d'attendre à le
faire dans des douleurs épouvantables et sans le
moindre profit, au lieu qu'à présent nous le pouvons
par de légères pénitences qui, en même temps, nous
feront grandir en mérite et en gloire ! Les Saints
nous semblent des êtres héroïques, dont les mortifica-
246 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

tions nous font peur. Ce sont pourtant ceux des hom-


mes qui souffrent le moins. Ils achètent le Paradis
à meilleur compte, ils y vont plus haut et ils y arri-
vent plus vite que les chrétiens lâches et sensuels
qui , après un long et rigoureux Purgatoire, obtien-
dront une médiocre place pour l'éternité .
Ecoutons donc la Vierge Marie nous crier Péni-
tence ! Cela veut dire : « Mes enfants, n'allez pas en
Purgatoire cela ne sert à rien ; c'est un pur et dou-
loureux retard au bonheur que je veux vous donner.
Je vous prépare de telles joies au Ciel, près de moi ,
et de mon divin Fils ! Gagnez-les . Purifiez-vous ,
payez vos dettes, préparez-vous pour les noces éter-
nelles ; ne manquez pas au rendez-vous, aussitôt que
l'heure du départ de cette terre aura sonné pour vous. »

III. - Enfin , la Vierge Immaculée crie une troi-


sième fois Pénitence ! Ce n'est plus aux pécheurs
qu'elle prêche la conversion , ni aux convertis qu'elle
dit de payer leurs dettes. Elle s'adresse ici à tous les
fidèles , même aux justes, et leur rappelle le carac-
tère fondamental du christianisme qui est l'esprit de
pénitence . C'était l'esprit de Marie sur la terre . Elle
était la Vierge sans tache, elle ne devait rien à la
Justice de Dieu ; elle n'était pas chargée des crimes
des hommes comme son Fils qui , selon l'expression si
forte de saint Paul , « s'était fait péché pour nous . »
Pourtant, qui a plus que notre divine Mère embrassé
la carrière de la Pénitence ? N'est-elle pas la Reine
des Martyrs ? Son pauvre cœur a-t-il été broyé, son
âme percée d'un glaive, ses yeux ont-ils connu les
larmes ? Pourquoi tant de souffrances ? Parce que
PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 247

nulle créature n'a été si unie à Jésus . Jésus est


l'homme de douleurs, et plus on s'approche de lui
plus on boit à son calice, plus on participe à sa croix .
Tout chrétien doit être un homme crucifié, par là
même qu'il est le disciple du Christ. Peut-on vivre
dans le bien-être sous un Chef couronné d'épines ?
Jésus est le Chef de ce corps mystique qui est l'Eglise ;
tout le corps doit ressentir ses douleurs. C'est pour-
quoi la Passion ne sera achevée que quand tous les
membres auront souffert, et c'est dans ce sens que
saint Paul disait dans ses tribulations : « Je complète
en moi ce qui manque aux souffrances du Christ. >>
Chacun de nous doit en dire autant ; et s'il aime
vraiment son Maître , il doit non seulement accepter,
mais désirer, chercher même la souffrance, loin de la
fuir il doit modeler sa vie sur celle du Rédempteur,
qui fut tout entière une croix et un martyre .
Que nous avions besoin que Marie vint nous rap-
peler ces vérités importantes ! Car le mal souverain
de notre société c'est l'absence de mortification et la
recherche perpétuelle de la jouissance. C'est la suite
forcée de l'affaiblissement et de la perte de la foi car,
si l'on ne voit que la terre , il est logique de vouloir
s'y plaire. Mais, hélas ! les fidèles mêmes se sont laissé
infecter de ce naturalisme ! Quelle opposition entre
l'esprit de Jésus et notre conduite ! Voyez la vie de
notre divin Sauveur : quelle pauvreté, quel dépouil-
lement absolu de toute commodité, de toute jouis-
sance ! Voyez maintenant notre vie quelle pour-
suite constante du confortable et du bien-être ! Quelle
dissemblance entre le Chef et les membres , entre le
Roi et ses sujets !
248 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Lequel se trompe ? Sans doute, ce n'est pas la


Sagesse éternelle . Le Dieu infiniment puissant et
riche, et aussi infiniment sage, s'est fait pauvre et
dénué de tout ; et nous, nous ne pensons qu'à jouir
et à nous enrichir ! Mais Dieu nous affirme que si
nous ne partageons pas ses souffrances, nous n'aurons
point de part à sa gloire . Ceux-là seuls auront place
au Ciel qui «< seront trouvés conformes à la ressem-
blance du Crucifié. » Ecoutons encore Jésus lui-
même « Bienheureux les pauvres, les pauvres selon
l'esprit. » Et il ajoute : « Malheur aux riches ! Il leur
est plus difficile d'entrer au Ciel qu'à un chameau de
passer par le trou d'une aiguille . » Mais c'est l'impos-
sibilité absolue ? Oui, il faudra que tout l'amour des
richesses sorte de leur cœur avant qu'on les admette
au Paradis. Jésus dit encore : « Efforcez-vous d'entrer
par la porte étroite. Qu'elle est étroite la voie du
salut, et que peu la trouvent ! » De cette parole on
conclut que le nombre des élus est très petit , du
moins parmi les riches . Heureusement, le nombre
des pauvres sur la terre étant très grand , beaucoup
sont mis, non par leurs propres désirs, mais par la
miséricorde de Dieu qui les dépouille, dans le chemin
du Ciel. Mais, d'eux-mêmes, peu d'hommes cherchent
cette voie étroite . Peu de riches assurément se sauvent,
puisque le Seigneur a prononcé et répété souvent
cette parole Væ vobis divitibus ! Malheur à vous
riches, vous qui êtes riches selon le cœur, selon le
désir, par votre attachement aux richesses !
Mais pourquoi cette malédiction ? Jésus en donne
toute la raison en ces mots : « Parce que vous avez
reçu votre consolation , » Vous l'avez ici- bas ; vous
PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 249

n'en désirez pas d'autre vous n'en aurez donc pas .


Vous riez maintenant, vous pleurerez un jour . Et,
pour mieux nous le faire comprendre, il raconte
l'histoire du mauvais riche. Il ne dit pas que cet
homme fut un grand pécheur ; seulement il faisait
bonne chère tous les jours , sans se soucier des pauvres
qui manquaient de pain . Il mourut et tomba en enfer.
De là, il voyait au Ciel ce pauvre Lazare qu'il mépri-
sait sur la terre. Il implora alors son secours .
Abraham lui répondit : « Mon fils, souvenez-vous que
vous avez été autrefois dans les délices et Lazare dans
la pauvreté ; maintenant il est dans le repos et vous
dans les supplices ¹ . »
Il est bien à craindre que cette réponse ne soit
toute la consolation que pourront méditer éternelle-
ment bien des riches de nos jours . A voir le luxe de
l'ameublement, du vêtement, de la nourriture , des
plaisirs de la vie, chez presque tous ceux qui ont
de la fortune, et auprès de cela la misère noire de
tant de millions d'hommes livrés à des travaux acca-
blants pour un maigre salaire, ou bien privés même
de travail et de toute ressource , on se dirait reporté
aux temps de la Rome païenne. Un seul mot corri-
gerait cet état de choses lamentables et Marie nous le
dit Pénitence ! Car là où ne règne pas cet esprit de
pénitence, règne l'amour de la jouissance. Or, la
jouissance engendre l'égoïsme, et l'égoïsme l'insensi-
bilité, la cruauté, le mépris du pauvre. A la place de
ces sentiments, mettez l'esprit de Jésus-Christ, l'esprit
de mortification et de pénitence , et tout sera changé.
1 Recepisti bona in vita tua et Lazarus similiter mala : nunc
autem hic consolatur, tu vero cruciaris. ( Luc. , xvi, 25.)
250 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Ce que vous aurez soustrait à la volupté, vous le


donnerez à la charité. Un homme détaché des plaisirs
sera toujours compatissant à la misère des autres , car
le propre du cœur c'est d'aimer, et il n'y a que la
jouissance qui l'endurcisse. Dès lors, comment vou-
drait-il faire des dépenses superflues pour lui-même
quand ses semblables manquent du nécessaire, être
dans la surabondance quand ses frères meurent de
faim ? Oui, voilà le remède unique aux maux qui
accablent notre société. Les pauvres souffrent et
s'irritent du bonheur du riche : ils veulent partager.
Ils ont tort de vouloir l'exiger par force ; mais les
riches ont tort de ne pas donner par amour. Qu'ils se
renoncent, qu'ils s'immolent, qu'ils donnent, qu'ils
s'appauvrissent, et la société est sauvée. O Marie,
accordez-nous de le comprendre et de vous obéir. ·

Mais ce n'est pas aux individus seulement, c'est


aux nations que Marie crie Pénitence , car les peuples
comme les hommes ont des vertus ou des vices et
méritent des récompenses ou des châtiments. Et,
certes, à la France Marie a bien raison de crier Péni-
tence , et de le répéter trois fois comme un appel
désespéré, car nos crimes sont tels que notre salut
réclame les plus énergiques expiations.
Pénitence ! nous crie-t-elle donc. C'est-à-dire
<«< O France, ô mon peuple bien-aimé, convertis-toi,
reviens au Seigneur ! Tu as brisé son alliance , tu
rougis de son nom , et , officiellement, tu ne veux plus
qu'il soit prononcé ; tu violes sa loi publiquement ,
tu profanes son jour, tu persécutes ses ministres, tu
détournes les hommes de son amour. As-tu trouvé le
PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 251

bonheur depuis que tu t'éloignes de ton Roi ? As-tu


trouvé la paix et la concorde depuis que tu n'écoutes
plus sa voix qui ne prêche que la charité ? Tes
finances sont-elles prospères depuis que tu violes le
repos du dimanche ? Tes voies publiques sont-elles
plus sûres et affranchies d'accidents depuis que tu en
as interdit l'accès à Notre-Seigneur ? Et, au milieu
des peuples , tiens-tu comme autrefois la tête ou bien
le dernier rang depuis que tu te prétends affranchie
de son empire ? O France , France, reconnais qu'il
t'est mauvais et dur d'avoir rejeté le Seigneur ton
Dieu. Mais fais pénitence, car le bras de mon Fils est
si lourd qu'à peine puis-je encore le retenir . Il t'a
déjà frappée et tu n'as pas compris. Il te châtiait en
père qui corrige . Prends garde qu'il ne te frappe en
juge qui extermine.
<< Mon peuple, ceux qui te disent heureux te trom-
pent et t'égarent. Ceux qui parlent ainsi sont des
menteurs, et si tu les crois tu cours aux abîmes . Le
Seigneur approche, il va juger, il vient juger le
monde , et les destinées d'une nation coupable sont
lamentables ¹ . »
Pénitence donc pendant qu'il en est encore temps !
Car les nations n'ont point d'éternité. C'est toujours
en ce monde qu'elles sont punies de leurs crimes .
Hâtez-vous donc d'expier par les jeûnes, les larmes
et les aumônes, les abominations sans nombre com-
mises contre Dieu , son culte , sa loi , contre les mœurs
publiques, contre la justice et la charité ; autrement
la guerre, la peste, la famine, les discordes civiles , la

1 Nationis iniquæ diræ sunt consummationes. (Sap. , II , 19.)


252 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

ruine et la banqueroute universelles fondront sur


vous. Il n'est plus temps de rire, ni de danser , ni de
donner des fêtes. Quiconque aime la France, quicon-
que s'aime lui-même ne doit plus avoir d'autre pensée
que de détourner la colère prête à frapper.
Et le regard de Marie cherche des victimes , des
âmes généreuses qui s'offrent volontairement -pour le
salut de leurs frères. Dieu ne demandait que dix
justes pour épargner Sodome. Combien lui en faut-il
pour faire grâce à Paris , à la France ? Beaucoup
assurément, car nos crimes et nos abominations
dépassent immensement ceux de Sodome et de Go-
morrhe. Les trouvera-t-il ? Combien Marie le désire !
Elle supplie ses plus fidèles enfants de se dévouer
pour arrêter le courroux céleste, car elle-même n'y
peut suffire. La Justice de Dieu exige des souffrances
actuelles pour faire contrepoids aux crimes qui se
commettent tous les jours, et Jésus ni Marie ni les
Saints du Ciel ne peuvent plus souffrir. Il n'y a que
nous qui puissions expier. Hélas ! jusqu'à présent
Marie cherchait ses auxiliaires dans les couvents.
Qu'arrivera-t-il à la France si les religieux la quit-
tent ? Si, comme les anges du Temple de Jérusalem ,
ils se voient obligés de pousser ce cri lamentable :
<<< Sortons d'ici ! Sortons d'ici ! » qui arrêtera les
coups de la Justice ? La France restera seule chargée
des dettes de ses crimes quand elle aura chassé ceux.
qui volontairement s'offraient à les porter. Qu'ad-
viendra-t-il ? Je ne sais . Mais, très certainement, le
dernier mot restera à la Justice, et aucune dette ne
restera impayée.
PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! PÉNITENCE ! 253

O Mère de douleur, ô Reine des Martyrs, ô vous


qui , au Calvaire, nous avez enfantés avec tant de
souffrances, donnez-nous part à vos peines amères.
Ne permettez pas que nous vivions dans la jouis-
sance. Ne permettez pas que , pour éviter les expia-
tions de cette vie, nous tombions dans les éternels
tourments . Pourtant, voyez notre faiblesse ; assistez-
nous à l'heure de la douleur et donnez-nous la
patience.

Pratique. - Récitez le Rosaire de Marie pour ceux


qui souffrent afin qu'ils acceptent généreusement la
douleur, et pour tous les pécheurs afin qu'ils fassent
pénitence.

LOURDES 15
ate ate ate ateateate ate at ts as as to te ate ate ate

CHAPITRE VINGT-QUATRIÈME
1 身
<< Allez boire à la source et vous y laver. »

ARIE vient de nous parler de pénitence. Or


ce mot est dur à entendre et à pratiquer.
Notre bonne Mère veut nous consoler.
Quoi ! la Religion de son Fils est-elle
donc si austère ? Oh ! non , elle a des joies infinies ; la
piété a les promesses du temps et de l'éternité . Le
Christ nous interdit les consolations de la chair, mais
il nous offre celles de l'âme. Or, ces dernières sur-
passent tellement les premières qu'elles les font
oublier. Il ne regrette pas son pain noir le pauvre
admis au festin du riche ; il ne regrette pas la table
des démons celui qui goûte le pain des Anges.
Le bonheur que Marie nous offre c'est Jésus, seul
capable de contenter tous nos désirs de bonheur. Il a
dit lui-même : « Celui qui croit en moi n'aura jamais
soif. » Et un jour à Jérusalem , en la fête des Taber-
nacles, tandis que, selon le rite juif, le prêtre ré-
pandait dans le Temple, au son des trompettes, de
l'eau puisée à la fontaine sacrée de Siloé , pendant
que le peuple chantait ces paroles d'Isaïe : « Vous
puiserez avec joie de l'eau aux sources du salut » ,
ALLEZ BOIRE A LA SOURCE 255

Jésus debout au milieu de l'assemblée dit avec force :


<< Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi et boive.
Celui qui croit en moi , de son sein couleront des
eaux vives ! >>
C'était donc bien lui-même que représentait la
fontaine de Siloé qui veut dire Envoyé. Marie aussi,
cette envoyée de Dieu, nous a donné une fontaine et
sa signification est la même , c'est Jésus qu'elle
désigne . C'est pourquoi Marie, voulant nous donner
les joies dont notre cœur est avide, nous dit : « Allez
boire à la fontaine ! » Et comme Bernadette se
dirigeait vers le Gave, Marie la rappelle : « Je n'ai
point dit de boire au Gave. Allez à la source ; elle est
ici » , et le doigt maternel indiquait le pied du rocher .
Déjà Isaïe, parlant au nom du Seigneur, s'était plaint
du peuple qui s'éloignait de la fontaine silencieuse de
Siloé, et qui, pour son malheur, avait vu des eaux
tumultueuses et débordées inonder ses rives et les
ravager ¹ . Marie nous précautionne contre ce danger
en nous disant : « N'allez pas au Gave : allez à la
source , à la source que je vous donne » , moi que
l'Ecriture appelle la Fontaine des jardins, et le Puits
des eaux vives qui coulent du Liban 2. Le sein béni
de Marie est ce puits ravissant où le Verbe, comme
une source limpide sortie du Père , a fait sa retraite,
comme dans un réservoir d'où il s'élance, répandant
la fraîcheur et la vie dans le jardin de l'Eglise.

1 Pro eo quod abjecit populus iste aquas Siloë quæ vadunt cum
silentio : propter hoc ecce Dominus adducet super eos aquas fluminis
fortes et multas. (Is . , viii, 6. )
2 Fons hortorum : puteus aquarum viventium quæ fluunt impetu
de Libano. (Cant. , iv, 15.)
256 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

<< Venez, mes chers enfants, nous dit Marie, buvez,


enivrez-vous . Venez à moi vous tous qui m'aimez ;
remplissez-vous du fruit de mes entrailles. >>
Jésus est à juste titre comparé à l'eau limpide, lui
la Pureté même. Sa grâce répand bien la fécondité
comme une source abondante ; et de même que la
verdure et la fraîcheur marquent le passage de l'eau
courante, ainsi la présence de Jésus et de sa grâce se
reconnaissent aux œuvres qu'elles font fleurir. Mais
surtout la raison pour laquelle Jésus-Christ et sa
grâce sont représentés par une source, c'est qu'il a
versé pour nous tout son sang . Le sang de Jésus ,
voilà l'instrument de toute vie, de toute grâce, de
toute fertilité dans l'Eglise . Dieu l'a ainsi voulu .
Comme dans le sang est la vie, et que le péché de
l'homme réclamait le sacrifice de sa vie coupable,
Dieu a exigé l'effusion du sang . Son Fils a offert le
sien pour le nôtre insuffisant. Et, grâce à ce sang
versé sur le Calvaire, Dieu a tout pardonné. Il par-
donne encore ; bien plus , il bénit , il répand la
surabondance des grâces, là où avaient abonde les
crimes, parce qu'il voit toujours le sang de Jésus-
Christ. En effet le Précieux Sang coule toujours. C'est
lui qui se répand dans les âmes par les Sacrements ,
c'est lui qui purifie , qui nourrit, qui vivifie toutes
choses. Mais surtout, il coule au Très Saint Sacrement.
A la Messe, chaque jour, il est versé mystiquement ;
il est réellement présenté à Dieu dans le calice ; il est
donné aux fidèles par la communion .
Eh bien, c'est à cette source que Marie nous
appelle. C'est là que nos âmes non seulement s'abreu-
vent, mais puisent une sainte ivresse. « Celui qui me
ALLEZ BOIRE A LA SOURCE 257

boit, n'aura plus soif » , dit le Seigneur plus soif des


voluptés de la terre ; plus soif d'autre bonheur. <« Mais
celui qui me boit aura toujours soif » , dit-il encore :
c'est-à-dire, il aura soif de Jésus, soif d'union à Dieu ,
soif de sa possession parfaite, soif d'amour . Oh ! cette
soif délicieuse, il l'éprouvera toujours ; elle ira sans
cesse grandissant elle fera son bienheureux tour-
ment. Car telle est la différence des joies terrestres et
des joies surnaturelles . Les terrestres, quand on ne
les connaît pas on les désire, et quand on en jouit on
n'y trouve pas le rassasiement . Au lieu que les
célestes, ceux qui les ignorent les méprisent ; mais
quand on y a goûté, on les désire toujours , et plus
on en jouit, plus on est altéré . C'est pourquoi le
bonheur des Saints sur la terre va grandissant sans
cesse, à mesure qu'ils s'unissent à Dieu .
Allez donc boire à la source, nous dit Marie, à la
source des voluptés et du bonheur. C'est-à-dire, allez
à Jésus, allez à la Communion . Oui, l'Eucharistie est
le Sacrement qui contient en soi toutes les délices .
Avec elle, l'homme n'a plus rien à désirer, et Dieu
peut bien nous dire « Après cela, que puis-je
encore vous donner ¹ ? >»
L'Eucharistie est le trésor infini , c'est Dieu lui-
même. Le Ciel n'a rien de plus. C'est l'Infini , c'est le
Tout qui dépasse toute pensée, toute conception , tout
désir. Les Anges même n'auraient osé soupçonner un
pareil don à la terre. C'est un trésor que n'atteignent
ni la rouille, ni les voleurs , un trésor dont la mort
ne peut nous dépouiller. C'est un trésor qui satisfait

1 Tibi post hæc, fili mi, ultra quid faciam ? (Gen. , xxvi , 37.)
258 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

pleinement nos désirs , et le seul d'ailleurs qui puisse


nous contenter. Avec lui on peut être pauvre des
choses de la terre , on sera toujours satisfait . Le cœur
se déprend vite des biens passagers et misérables,
quand il jouit de l'Immense et de l'Eternel.
En nous donnant l'Eucharistie, Dieu nous a tout
donné, le réservoir de toutes les grâces, la source de
tous les biens. Jésus vient à nous avec son cœur
dévoré d'amour et de désir de nous rendre heureux .
Il nous apporte tout le pardon de nos péchés,
l'expiation de nos dettes , la protection contre les
malheurs, la consolation , la force dans la souffrance,
l'onction de la prière , les joies de la vie intérieure,
l'espérance assurée du bonheur éternel , la grâce des
vertus chrétiennes, la compagnie d'un véritable ami,
dont la conversation est pleine de charmes et le
dévouement sans limites .
Comme l'eau vive rafraîchit et donne des forces au
voyageur accablé, ainsi la Communion est le soutien
et la consolation de l'homme dans son pèlerinage sur
la terre. Elle met le courage au cœur, et le soutient
dans les peines de chaque jour. Jésus-Hostie c'est le
Dieu qui s'est fait charpentier, qui a connu par
expérience les douleurs d'une vie pauvre et laborieuse.
C'est le seul Maître qui sache comprendre et consoler
les souffrances de l'ouvrier. Les autres se contentent
de lui donner son salaire, et ne pensent pas à com-
patir à sa peine une fois qu'elle est payée. Mais Jésus
est un ami ; il soutient le bras et il parle au cœur. Il
y répand la paix et l'allégresse, ou au moins l'espé-
rance et la consolation . Chaque semaine il veut que
l'ouvrier ait un jour de repos et de bonheur, et il
ALLEZ BOIRE A LA SOURCE 259

veut être lui-même la principale joie de cette journée.


Heureux l'ouvrier qui chaque dimanche va boire à
la fontaine, c'est - à - dire se restaurer au banquet
eucharistique ! La semaine lui semblera courte , for-
tifié par ce festin et dans l'attente de le renouveler
bientôt. Son travail est le même que celui des autres,
mais son courage est centuplé. Son salaire terrestre
est égal au leur, mais il y ajoute une moisson de
mérites surnaturels qui se transformeront en gloire
dans l'Eternité.
Ah ! si tous comprenaient cela ! si tous entendaient
Marie leur dire : Allez boire à la source !

La Vierge bénie ajoute : « et vous y laver. » Le


Prophète avait dit : « En ce jour-là il y aura une
fontaine ouverte à la maison de David et aux habitants
de Jérusalem pour l'ablution du pécheur. » C'était le
sang de Jésus qui devait couler dans l'Eglise pour la
purification des âmes. Il coule dans le sacrement de
Pénitence et c'est là encore que Marie appelle les
pécheurs fontaine bénie, ouverte seulement dans la
sainte Eglise catholique. Les protestants nous l'en-
vient, ils copient parfois notre confession : mais la
voix de leurs ministres est impuissante à faire couler
le Sang rédempteur. Qu'ils sont à plaindre ! Comment
sauront-ils si leur contrition est assez vive pour que
tous leurs péchés soient pardonnés ? Mais nous, nous
avons la parole du prêtre : « Je vous absous » , et
celle de Jésus : « Les péchés seront remis à ceux à
qui vous les remettrez . >>
Mais une dernière leçon se trouve dans cette parole
de Marie. N'emploie-t-elle pas les mêmes termes dont
260 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Jésus autrefois se servit pour guérir l'aveugle-né :


<«< Allez, lui dit-il , vous laver à la piscine de Siloé ! »
Il venait de lui mettre sur les yeux de la boue faite
avec sa salive sacrée, et l'aveugle n'avait point re-
couvré la vue. Mais à peine se fut-il lavé à la fontaine
que le miracle eut lieu. Que signifiait ce mystère ?
La salive qui de la bouche de Jésus tombe à terre
représente le Verbe qui du sein et de la bouche du
Père descend vers nous. Il s'unit à notre poussière , il
devient un homme comme nous, formé du limon de
la terre . Et les hommes, aveuglés par le péché, ne
l'ont pas reconnu . Sa faiblesse, son humanité, malgré
ses vertus, les ont scandalisés plutôt que de les
convertir. Même ses œuvres de charité endurcissaient
leurs cœurs et accroissaient leurs ténèbres . « Pour
lequel de mes bienfaits, leur disait-il , voulez-vous me
faire périr ? » Vraiment s'accomplissait ce mot du
Prophète : « Aveugle leurs yeux de peur qu'ils ne
voyent et ne se convertissent et que je ne les guérisse. »
Leur aveuglement venait de leur malice. Mais quand
le sang de Jésus fut répandu , ceux qui s'y sont lavés
y ont trouvé la foi vive avec la pureté comme ce
Longin qui, recueillant une goutte de l'eau et du sang
jaillie du cœur qu'il venait de percer, la porta à son
œil perdu et recouvra la vue.
De même Marie ordonna à Bernadette de se laver à
la source, à peine jaillissante et toute terreuse, et
l'enfant obéissant se couvrit le visage de boue. Voilà
l'état de l'incrédule aveuglé par la source, par le
miracle même. Pourquoi les miracles de Marie
n'ouvrent-ils pas les yeux des pécheurs ? Pourquoi la
splendeur de Jésus, de ses miracles, de son Evangile ,
ALLEZ BOIRE A LA SOURCE 261

de son Eucharistie, ne dit-elle rien à leur intelligence ?


Parce que le péché n'est que ténèbres et que la malice
aveugle les cœurs. Mais qu'ils aillent boire à la
source, qu'ils se purifient, qu'ils communient, et la
foi brillera de tout son éclat à leur regard ravi. Ainsi
Marie veut nous apprendre que pour avoir la foi
vive, pour bien connaître Jésus, il faut communier.
Nous rendre la foi , la foi vive , et pour cela nous
ramener au Mystère de foi, à la Communion , tel était
le plus grand dessein de Marie en venant à Lourdes.
Et c'est pourquoi son premier miracle fut la guérison
d'un aveugle , de ce Bourriette qui recouvra son œil
perdu au contact de l'eau de la source, comme Longin
fut guéri à l'eau coulant du côté du Sauveur.
Et voilà pourquoi elle nous dit : Allez boire et vous
laver . Il faut boire d'abord , afin que ce breuvage
nous éclaire : Gustate et videte, dit l'Ecriture : « Buvez
et vous verrez . » Oh ! que la Communion éclaire ,
qu'elle fait tomber d'illusions, d'erreurs, de préjugés !
Comme elle fait briller au regard de l'âme la pure
lumière, que le Verbe est venu nous apporter !
Combien d'hommes que tous les raisonnements ne
pouvaient purifier de la boue qui aveuglait leurs
âmės, ont vu clair dès qu'ils ont bu , dès qu'ils ont
communié !
Et ainsi la source eucharistique est semblable à
cette source mystérieuse du songe de Mardochée qui se
changea en soleil et en lumière ¹ . C'était le symbole
de la reine Esther : c'est aussi le symbole de Marie et
de sa source de Massabielle. Que de lumière s'est
1 Parvus fons qui crevit in fluvium et in lucem solemque conversus
est. (Esther, x, 6.)
262 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

répandue sur le monde, de ce rocher ! Nous pouvons


mettre sur les lèvres de Marie ce que l'Ecriture sainte
dit de la Sagesse : « Moi , la Sagesse, j'ai fait couler
un fleuve je suis comme un torrent d'eau intaris-
sable, je suis sortie du Paradis comme un aqueduc.
J'ai dit : Je vais arroser mon jardin , je vais enivrer
les fruits de mon parterre. Et mes eaux ont coulé
abondantes, mon fleuve est devenu comme une mer :
car ma doctrine illumine tous les hommes comme
l'étoile du matin , et je la ferai entendre au loin . Je
pénétrerai jusqu'aux entrailles de la terre, je visiterai
tous ceux qui sont endormis , j'éclairerai tous ceux
qui espèrent dans le Seigneur . Je répandrai ma
doctrine comme une lumière divine , je la laisserai à
tous ceux qui cherchent la sagesse, et je ne cesserai
d'enseigner leurs enfants jusqu'aux jours de l'éter-
nité. Voyez que ce n'est pas pour moi seule que j'ai
travaillé, mais pour tous ceux qui cherchent la
vérité 1. »

O Reine des Docteurs , ô Vierge Maîtresse, éclairez-


nous , illuminez nos âmes, et pour cela purifiez-les,
enivrez-les dans le Sang de l'Agneau eucharistique .

Pratique. - Dites le Rosaire en vous tenant en esprit


au pied de la grotte, auprès de la source, pensant à cette
parole des saints Livres, qui s'applique au Sang du
Rédempteur : « J'ai vu de l'eau couler du côté droit
du Temple, et tous ceux auxquels elle parvint furent
sauvés. » Demandez que ce sang se répande sur les héré-
tiques, les infidèles , et les pécheurs de toute la terre.

1 Eccli ., XXIV .
CHAPITRE VINGT-CINQUIÈME

« Je suis l'Immaculée Conception. »


wwwwww

ous avons entendu six paroles de notre


bien-aimée Mère, toutes pleines de leçons
merveilleusement utiles à nos âmes . Mais
voici une septième et dernière parole qui
les dépasse toutes. Marie a gardé pour la fin le
meilleur de son festin : Bonum vinum servasti usque
adhuc. Comme à Cana elle nous avait réservé le
plus doux de ses conseils maternels , nous disant non
pas seulement comme Rébecca à son fils : « Ecoute
seulement ma voix et fais ce que j'ai dit » , mais :
<< Faites tout ce que Jésus vous dira » , et dans ce
seul mot renfermait le secret de tout bonheur ; de
même, à la fin de ses visions bénies, elle va en un
seul mot nous donner la leçon complète où tous nos
maux trouveront leur remède. Et ce mot c'est son
nom à Elle. Son nom c'est un baume répandu , son
nom c'est la joie rendue, c'est le mal guéri , c'est
l'espérance qui se ranime, c'est le plus bel exemple
offert à nos vertus, le plus grand soutien de nos
forces défaillantes. Son nom c'est le chef- d'œuvre de
Dieu et la défaite de ses ennemis . Son nom c'est une
264 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

révélation suffisante d'elle-même, et c'est pour nous


la faire que Marie est venue. Le jour béni où elle
nous révéla cette merveille fut le 25 mars , le jour
de ses plus sublimes grandeurs.
Donc ce jour-là, au nom et par l'ordre du curé
de Lourdes, au nom de l'Eglise, au nom de toute
la terre, Bernadette osa dire à la radieuse Vision :
<< Madame, dites-moi, je vous en prie, qui vous êtes et
quel est votre nom ! >»
La Vierge sourit, mais garda le silence. Connaître
Marie est une telle grâce qu'il faut l'acheter par
d'ardents et longs désirs . « Pourquoi demandez-vous
mon nom qui est admirable ¹ ? » avait dit l'Ange à
Manué. Admirable aussi est le nom de la Vierge. Elle-
même en est ravie, et avant de répondre elle chante
dans son cœur un cantique de reconnaissance . Et
l'Eternel va aujourd'hui tellement glorifier ce nom
sur la terre, que sa louange ne cessera plus de
retentir dans la bouche des hommes dans toutes les
générations 2.
Une seconde fois la Voyante reprit avec une ferveur
croissante : «< Oh ! Madame, daignez me dire qui vous
êtes et quel est votre nom ! »>
L'Apparition devint encore plus radieuse, mais ne
répondit pas. Pourtant elle avait donné une mission à
Bernadette, et celle-ci pouvait dire comme Moïse :
<«< Quand on me demandera qui m'a envoyée, que
devrai-je répondre ³ ? » Dieu avait dit alors à Moïse :
1 Cur quæris nomen meum quod est mirabile ? (Judic. , xIII, 18.)
2 Hodie nomen tuum ita magnificavit, ut non recedat laus tua
de ore hominum. (Judith, xIII, 25.)
3 Si dixerint mihi : Quod est nomen ejus ? quid . dicam eiș ?
(Ex., III, 13.)
JE SUIS L'IMMACULÉE CONCEPTION 265

<«< Je suis le Dieu de tes pères, Abraham, Isaac et


Jacob. J'ai vu l'affliction de mon peuple et j'ai entendu
ses clameurs, et je suis venu pour le délivrer . Je suis
le Dieu d'Abraham , d'Isaac et de Jacob : voilà mon
nom à jamais. Je suis le Seigneur qui leur ai apparu
comme le Dieu Tout-Puissant ; mais je ne leur ai
pas révélé mon nom d'Adonaï ¹ . » Marie aussi est
la Vierge de nos pères, la Vierge de Clotilde , de
Charlemagne et de saint Louis, qui tant de fois les
a secourus. Notre - Dame, voilà son nom à jamais.
Toutefois elle ne leur a pas fait connaître son autre
nom, son nom le plus beau.
Et l'enfant une troisième fois , dans un élan d'amour
et de confiance, lui dit : « Oh ! Madame, je vous en
prie, veuillez me dire votre nom ! » Et le moment
solennel était venu, ce moment dont le Prophète
avait dit : « Mon peuple saura mon nom en ce jour,
moi qui vous parlais me voici qu'ils sont beaux
sur la montagne les pieds de celle qui annonce et
prêche la paix , qui annonce le salut, qui apporte le
bonheur 2 ! >>>
Et Marie, les mains jointes avec ferveur, les yeux
au ciel, contemplant dans une sublime humilité son
Créateur, telle sans doute qu'elle dut jadis chanter à
Hébron son Magnificat, Marie répondit ces paroles
ineffables : « Je suis l'Immaculée Conception » , et elle
disparut à Bernadette.
Et l'enfant, fendant la foule anxieuse , et évitant

1 Ego sum Deus patris tui, Deus Abraham, Deus Isaac et Deus
Jacob hoc nomen mihi est in æternum... Ego Dominus qui apparui
Abraham, Isaac et Jacob in Deo omnipotente, et nomen meum
Adonai non indicavi eis . (Ex., III , 6, 15 ; vi , 3.) - 2 Is. , LII, 6.
266 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

ses questions, s'achemina vers le presbytère, se répé-


tant tout bas, de peur de l'oublier, cette formule dont
elle ne comprenait pas le sens : « Je suis l'Immaculée
Conception . » Et bientôt le curé de Lourdes recevait
le message de la Reine du Ciel, et entendait pour la
première fois ce nom que les Anges mêmes n'eussent
pu inventer, ce nom qui nous ravit, ce nom qui fait
verser nos larmes, larmes d'amour, d'admiration , de
joie, de vénération , d'espérance, de contrition , de
désir de voir Marie, de bonheur enfin d'être les enfants
de Celle qui peut nous dire : « Je suis l'Immaculée
Conception. >>

Oserons-nous essayer quelques réflexions sur ce


nom admirable ? Dieu seul en connaît les ravissantes
beautés. Il nous les révélera au Ciel. Daigne pourtant
Marie nous permettre de les méditer sur la terre .
Une mère est heureuse d'entendre bégayer son fils .
Les Pères de l'Eglise nous disent que les siècles
antiques se disputaient l'honneur de voir naître
Marie. Nous pouvons dire aussi que les siècles se
sont disputé l'honneur de la proclamer Immaculée.
La croyance à ce privilège était aussi ancienne que
le Christianisme. L'Eglise la recevait avec faveur,
sans cependant la définir comme un dogme. Pourtant
de très saints et très savants théologiens la combat-
tirent. Mais cette lutte fut toute à la gloire de la
Sainte Vierge. De même que les hérésies ont fait
naître les docteurs, de même l'honneur que l'on con-
testait à Marie lui a valu de fervents panégyristes.
Et quand on voit tout ce qu'ils ont dit, écrit, chanté
à sa louange , tout ce qu'ils ont découvert dans
JE SUIS L'IMMACULÉE CONCEPTION 267

l'Immaculée Conception de convenances , de gran-


deurs , d'harmonies magnifiques , tout ce que la pureté
sans tache de la Mère de Dieu a excité d'amour, de
dévouement et d'enthousiasme , on est forcé de croire
que Notre-Seigneur a retardé l'heure de la procla-
mation de ce dogme, pour donner plus de gloire à sa
Mère. Tous les siècles, donc, ont exalté à l'envi son
grand privilège. Tous ont accru la vénération des fidèles
pour ce mystère , tous ont désiré avec ardeur d'en voir
la croyance établie par une proclamation solennelle .
Or, c'est le xixe siècle qui a eu cette gloire. C'était
aux plus mauvais jours . Le Pape , chassé par la
Révolution de la Ville de saint Pierre , regardait
avec anxiété l'horizon qui ne lui apportait que des
menaces de tempêtes . Il entendait de partout ces
frémissements des nations contre Dieu et son Christ
dont parle l'Ecriture . Et une voix lui dit : «< Saint
Père, la paix ne reviendra que quand vous aurez
proclamé l'Immaculée Conception de Marie. » C'était
un des Cardinaux qui parlait, mais il ne faisait
qu'exprimer les désirs et la confiance que le Saint-
Esprit mettait en ce temps-là dans toutes les âmes
ferventes, et dans le cœur du Pontife lui-même.
Et Pie IX interrogea les évêques et les églises du
monde entier. Une longue acclamation de joie et
d'espérance jointe à une foi vive à ce mystère béni ,
et au plus ardent souhait de le voir proclamer,
répondit au Souverain Pontife. Et ce fut le 8 décem-
bre 1854 que Pie IX plaça sur le front de la Vierge-
Mère le diadème triomphal de la Pureté parfaite en
la proclamant , aux applaudissements de toute la
terre, exempte du péché originel.
268 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Et trois ans après, voici que Marie, joignant sa


voix à celle de l'Eglise, du monde et des siècles ,
vient elle-même proclamer à Lourdes son merveil-
leux privilège . Mais elle en donne une formule
nouvelle et définitive . L'Eglise lui disait : « Vous
êtes Immaculée, vous êtes conçue sans péché . » Elle
répond : « Je suis l'Immaculée Conception . >>
Admirons ici l'humilité de Marie. Il semble qu'Elle
veuille détourner d'Elle-même les regards des hommes
pour les porter vers Dieu . Elle a entendu avec joie
les acclamations du monde, mais elle semble craindre
que nous nous arrêtions à Elle. Et de fait il en était
peut-être ainsi . En louant, en vénérant Marie conçue
sans péché, ce qui nous touche, ce qui nous ravit ,
c'est sa beauté, sa pureté, son innocence, tout ce qui
d'ailleurs fait aussi les complaisances de la sainte
Trinité. Nous contemplons le chef - d'œuvre , mais
peut-être ne pensons-nous pas assez à son auteur,
tant nous sommes heureux des charmes de l'ouvrage .
Marie ne peut avoir ces sentiments . Elle ne voit
que Dieu ; jamais son regard ne s'arrête sur elle-
même. Ce qui la réjouit, Elle, c'est le dessein de la
sainte Trinité, cette conception de l'intelligence divine,
cette image qu'il a faite de sa propre beauté . Elle
remonte à l'Eternité, elle se voit dans la pensée de
Dieu , comme son idée chérie, privilégiée , caressée,
aimée. De toute Eternité, dit-elle, j'étais ordonnée,
bien avant que la terre fût faite. Les abîmes n'exis-
taient pas encore et j'étais conçue. J'ai été enfantée
avant les collines et les montagnes, c'est-à-dire avant
les anges. Quand Dieu préparait les Cieux j'étais avec
ļui, quand il donnait le mouvement et des lois à la
JE SUIS L'IMMACULÉE CONCEPTION 269

matière informe , quand il affermissait les airs et


donnait l'équilibre aux eaux , quand il fixait ses
bornes à la mer et posait les fondements de la terre,
j'étais avec lui , avec lui je réglais toutes choses , me
jouant en sa présence , me jouant dans le vaste
monde ¹ . » C'est-à-dire que dans tous ses ouvrages
Dieu agissait en pensant à Marie et pour elle . Et
cette contemplation la réjouit, parce qu'elle ne voit
rien en Elle qui ne soit l'œuvre de Dieu . Quel mérite
a-t-elle eu d'être Immaculée, puisque ce privilège lui
était assuré de toute éternité, puisqu'elle l'a reçu
avec l'existence , avant toute bonne œuvre , avant
toute prière, avant tout désir ? A Dieu seul donc toute
la gloire de son œuvre si belle. Donc dire : « Je suis
l'Immaculée Conception », c'est nous révéler l'humi-
lité la plus profonde et la plus entière. Marie ne
pouvait pas trouver une parole où elle parlât moins
d'elle, tout en exprimant plus magnifiquement l'œu-
vre du Créateur. Quelle leçon nous donne notre
Mère ! Aussi trois fois elle attendit pour répondre à
Bernadette. Elle semblait ne pas vouloir dire son
nom. Dire : « Je suis Marie , je suis la Mère de Dieu ,
je suis la Sainte Vierge », ne lui paraissait pas assez
humble. Et elle trouve une formule où elle disparaît
pour ainsi dire, où elle semble une pure abstraction .
Mais celui qui s'humilie sera exalté, dit le Seigneur.
Et ce nom que Marie a pris par humilité, exprime le
mieux ses grandeurs. Tous, nous sommes des con-
ceptions de Dieu , mais des conceptions qui ont été
en partie viciées, qui n'ont pas pu être réalisées

Eccli., XXIV, 14.


270 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

complètement. Nous sommes des conceptions man-


quées, des avortons, parce que le péché d'Adam et
nos propres fautes sont venus souiller l'œuvre du
Créateur, et nous détourner de nos destinées magni-
fiques. Mais Marie est la Conception Immaculée.
« J'étais conçue, dit-elle, avant les abîmes »> , c'est-
à - dire avant le péché. Par conséquent elle est
affranchie de son atteinte. « Cette loi est pour tous,
mais non pour vous », ô Marie. Et ce privilège est
tellement unique que Marie peut dire , non pas
seulement « Je suis conçue sans péché, je suis
immaculée » , mais : « Je suis l'Immaculée Concep-
tion » , sans d'autre détermination , car c'est la seule,
à jamais la seule, qui ait eu lieu ou doive être . Par
humilité Marie parle d'elle-même comme d'une chose
et non d'une personne mais c'est aussi ce que
l'Ange disait du Verbe Incarné la chose sainte qui
naîtra de vous sera appelée le Fils du Très - Haut,
« Quod nascetur ex te sanctum » : non pas le saint ,
mais au neutre, sanctum, la chose sainte, c'est-à-dire
la Sainteté même. Marie aussi est la Pureté même,
l'Innocence même , le chef-d'œuvre unique de Dieu ,
en un mot l'Immaculée Conception .
Et c'est là le fondement de toutes ses grâces , de
toutes ses dignités et de toutes ses gloires. Ce nom,
cette qualité est inséparable d'elle dans la pensée de
Dieu, dans tous les mystères de sa vie , et dans notre
vénération . A sa naissance bénie c'est ce glorieux pri-
vilège que les Anges ravis contemplent en s'écriant :
« Quelle est celle-ci qui s'avance belle comme la lune,
unique comme le soleil , terrible comme une armée
rangée en bataille ? » Dans sa jeunesse au Temple
JE SUIS L'IMMACULÉE CONCEPTION 271

c'est sa pureté parfaite qui lui fait trouver grâce


devant le Seigneur . A cause d'elle le Verbe n'a pas
horreur de descendre même dans le sein d'une Vierge,
et s'élance du Ciel comme un géant, pour venir
habiter un autre Ciel où il trouvera ses délices . Au
pied de la Croix c'est la vue de son glorieux privilège
qui soutient Jésus agonisant et payant de son sang
l'innocence de sa Mère. Dans ses communions au
Cénacle c'est son Immaculée Conception qui la rend
digne de recevoir l'hostie sans tache. Dans sa mort
et son Assomption , c'est son Immaculée Conception
qui la porte au plus haut des Cieux . Saluons donc
continuellement avec amour ce privilège de notre
Mère. Disons-lui : Je vous salue, Marie, parce que
vous êtes l'Immaculée Conception . Le Seigneur est
avec vous, parce que vous êtes l'Immaculée Con-
ception. Vous êtes bénie entre toutes les femmes ,
parce que vous êtes l'Immaculée Conception . Priez
pour nous pauvres pécheurs, parce que vous êtes
l'Immaculée Conception , et que nous sommes tous
de pauvres coupables qui n'ont d'espoir qu'en la
puissance et la miséricorde que vous donne votre
pureté sans tache !

Pratique. -- Dites le Rosaire en vénérant Marie dans


chaque mystère, comme l'Immaculée Conception.
CHAPITRE VINGT- SIXIÈME

Pourquoi Marie s'est-elle révélée à Lourdes


comme l'Immaculée ?

IENS, ma colombe, ma toute belle, viens


dans le creux de la pierre, dans la caverne
du rocher . » Cette caverne du rocher,
c'est le côté ouvert de Notre-Seigneur,
avons-nous dit. Mais un autre symbole de l'Ecriture
représentait aussi le Christ sauveur et l'ouverture de
son cœur : c'était l'arche de Noé et la fenêtre par
laquelle on y avait entrée . Or, là aussi nous voyons
une blanche colombe. Lâchée par Noé, figure du
Père céleste, la colombe vola au-dessus du monde
inondé, au-dessus de la boue et des cadavres, et elle
revint à l'arche sans avoir trouvé où poser le pied ,
sans avoir contracté la moindre souillure. C'était la
figure de la Vierge Immaculée, qui , sortie toute pure
des mains de Dieu, retourna à lui sans avoir touché à
la boue et à la corruption de la terre.
Or, une seconde fois le Père, comme Noé, envoie
sa colombe bien-aimée sur la terre. Elle ne voit en-
core partout que fange et corruption . Pourtant un
olivier, symbole de paix, a germé dans ce monde
POURQUOI L'IMMACULÉE CONCEPTION ? 273

impur : c'est la définition de l'Immaculée Conception .


Heureuse, la colombe cueille ce rameau , et c'est avec
cette définition bénie sur les lèvres qu'elle se présente
à la fenêtre de l'arche. Voici le gage de la réconcilia-
tion et de la paix . Les eaux ne prévaudront plus sur
la terre ; le règne de Satan va cesser, et le signe du
salut, la branche d'olivier, nous le trouvons sur les
lèvres de Marie ; ce sont ces paroles : Je suis l'Imma-
culée Conception.
L'Immaculée Conception est, en effet, à elle seule ,
un remède suffisant à tous les maux de la terre.
Comment cela ? C'est que tous les maux viennent du
péché. C'est lui, en réalité , qui est le mal , le seul
mal, le désordre apporté à la création, et l'unique
cause de tous les malheurs. Or, l'Immaculée Con-
ception est le privilège qui a préservé Marie de tout
péché. En nous apparaissant comme l'Immaculée , la
Sainte Vierge nous montre ce que serait l'homme
sans le péché, l'homme tel que Dieu l'a créé, tel qu'il
le voulait toujours, tel que nous serions encore si
Adam et si nous-mêmes ne nous étions pas souillés,
tel enfin que nous devons nous efforcer de redevenir
par la pénitence.
Pour guérir le mal , il faut d'abord le reconnaître
et l'avouer. Or, il y a des hommes assez insensés pour
ne pas comprendre que notre nature est déchue.
Moins éclairés que les païens eux-mêmes, qui appe-
laient l'homme « un dieu tombé » , ils croient, ou du
moins ils disent, que nous sommes dans notre état
naturel et parfait, que dès lors les convoitises que
nous ressentons en nous-mêmes sont légitimes et
doivent être satisfaites . C'est à cette conclusion qu'ils
274 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

veulent en venir , et c'est en sa faveur qu'ils posent


la prémisse. Mais le sens commun , la voix universelle
de la conscience humaine, la pudeur la plus vulgaire
les condamnent, et obligent à reconnaître qu'il y a
en l'homme des instincts et des attraits qu'il ne peut
satisfaire sans crime.
Mais la vue de Marie nous le dit bien davantage.
En considérant cet être si pur, si virginal, si ange-
lique, comment aimer notre état dégradé ? Comment
se complaire dans la boue et la fange en présence
d'une pareille pureté ?
Ainsi donc , l'Immaculée Conception nous révèle
nos misères et nous excite à en sortir . Mais ce n'est
pas assez elle nous est un puissant secours pour
nous en délivrer. Trois choses nous sont redoutables :
les péchés dont nous sommes souillés , le démon qui
nous les fait commettre, et les châtiments dont Dieu
les punit. Or , l'Immaculée Conception de Marie
la rend toute compatissante à nos infirmités, terrible
à l'enfer, et toute-puissante pour obtenir de Dieu
miséricorde. Voilà pourquoi elle est toute notre
espérance.

On raconte qu'un grand dévot de Marie, saint Jean


de la Croix, dans son enfance, tomba dans un bour-
bier profond où il allait périr. La Sainte Vierge lui
apparut alors et lui tendit la main . L'enfant, plein
d'admiration et de respect, n'osait prendre cette main
si pure et si blanche, de peur de la souiller. Mais la
divine Mère, souriant avec amour, saisit son petit
serviteur et le tira du danger.
C'est le gracieux symbole de ce que fait Marie pour
POURQUOI L'IMMACULÉE CONCEPTION ? 275

nos âmes. Oh ! qu'elle est bien nommée le Refuge des


pécheurs ! Pourtant, elle hait le péché. Comment donc
elle, si innocente, ne s'éloigne -t-elle pas de nous avec
horreur ? Plus elle est pure, plus nous devrions
craindre de l'approcher.
Oh non ! car plus elle déteste le péché, plus elle
plaint ceux qui en sont les victimes . Plus elle est
innocente, plus elle comprend le malheur d'être
souillé. Il y a donc dans son Coeur immaculé une
compassion immense pour les coupables . D'autant que
ces pécheurs sont ses frères et ses enfants . Elle est
comme nous de la race d'Adam, et comme nous elle
serait souillée , si Dieu, par un unique et gratuit pri-
vilège, ne l'avait préservée. Elle a donc pitié de nous,
comme un bon riche a pitié des malheureux , surtout
si ces malheureux sont ses frères, dont il aurait dû
partager le sort .
Et pour nous bien montrer que son Immaculée
Conception est la source de sa miséricorde, elle nous
a enseigné Elle-même cette prière : « O Marie conçue
sans péché, priez pour nous qui avons recours à
vous. » C'est-à-dire : O Marie toute pure, retirez-nous
de la souillure . O Marie, qui jamais n'avez subi la
tentation, secourez-nous dans nos douloureuses et
humiliantes luttes. O Marie , qui jamais ne fûtes
l'esclave de Satan, délivrez-nous du joug de ce tyran .
Faites-nous part de quelque chose de vos privilèges .
Donnez aux païens le baptême, aux pécheurs la con-
trition , aux repentants l'absolution , à tous les cou-
pables obtenez miséricorde .
Voilà donc le premier motif pour lequel l'Imma-
culée Conception est notre plus chère espérance :
276 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

elle rend Marie compatissante et l'excite à nous


secourir.

Le second motif, c'est que ce glorieux privilège


la rend Toute-Puissante contre Satan. Si le mal par
excellence est le péché, il y a un autre mal immense
aussi et tout voisin , hélas ! du péché : c'est le danger
de le commettre, c'est la tentation qui nous y mène .
Or, la cause principale de la tentation , c'est le démon .
C'est lui qui a séduit nos premiers parents : ses men-
songes ont causé notre ruine au Paradis terrestre , ses
pièges continuent de nous faire tomber. Tout homme
y est exposé, tant que dure son pèlerinage ici-bas ;
mais tout homme aussi peut en triompher s'il implore
Marie . La Sainte Vierge, en effet, est toujours victo-
rieuse de l'enfer, et cela par son Immaculée Conception.
Toutes les générations depuis Adam étaient tom-
bées sous le dur esclavage de Satan . Et voici qu'une
femme vient au monde, et à sa vue il s'arrête frémis-
sant. Une force inconnue le repousse il n'a aucun
droit sur cette enfant, née pourtant d'une race cou-
pable. Son âme, seule entre toutes, ne porte pas
l'empreinte du péché. Satan se rappelle la première
femme, sortie, elle aussi , toute pure des mains du
Créateur. Il veut tenter la nouvelle Eve, comme il a
séduit la première . Nouvel échec, nouvelle impuis-
sance. Il ne peut même approcher cette petite créa-
ture. Il la voit entourée d'une vertu divine, revêtue
d'une invincible protection dont l'amour de Dieu
l'environne comme d'une armure impénétrable aux
traits de l'enfer. Et dans sa rage, il se reconnaît
vaincu, et il sent s'accomplir l'oracle tombé des
POURQUOI L'IMMACULÉE CONCEPTION ? 277

lèvres du Créateur : « Je mettrai la guerre entre toi


et la femme, sa race et la tienne ; elle te broiera la
tête et tu te tordras sous son talon . » Et Marie entonne
un cantique d'allégresse : <« Toutes les générations,
dit-elle, m'appelleront bienheureuse » , car toutes les
générations ont été souillées excepté la mienne : toutes
sont maudites , toutes sont dans l'humiliation , même
les plus pures, même celles dont l'Eglise chante
qu'elles sont glorieuses et éclatantes de chasteté,
toutes m'envient par conséquent et m'acclament
comme seule bienheureuse, comme seule exempte
de toute tache et de toute servitude de l'enfer . Beatam
me dicent omnes generationes !
Mais ce privilège rend Marie Toute-Puissante pour
nous défendre contre Satan . Dieu nous le fait entendre
quand , annonçant la victoire de la femme, il parle de
ses enfants. Elle ne sera donc pas seule dans cette
guerre ; elle s'avance comme un chef d'armée, à la
tête de tout un peuple. D'un côté Marie et ses enfants,
de l'autre la race du serpent entre les deux une
guerre continuelle , et la victoire du côté de la Vierge.
Le dragon a la tête broyée, et il cherche à mordre le
talon de l'Immaculée. Or, les Pères nous disent que
ce talon représente précisément la race de Marie . Et
en effet le démon ne peut rien contre elle , et il ne
peut nuire qu'à ses enfants : c'est donc au talon qu'il
dresse des embûches. Mais que sa puissance est petite !
Ah ! qu'il était fort , qu'il était terrible avant que la
femme ne posât le pied sur sa tête ! Pendant quatre
mille ans il se fit adorer par toute la terre. Et tout à
coup son empire croule , la croix le renverse... Mais
voici que depuis quelques siècles il essaie de relever
LOURDES 16
278 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

la tête ; les péchés des hommes lui rendent quelque


vigueur ; il croit pouvoir ressaisir son sceptre tyran-
nique. Et l'humble Marie reparaît. Elle s'avance
contre lui, terrible comme une armée rangée en ba-
taille , et sa force c'est son Immaculée Conception .
L'Apparition de 1830 , où elle se montre comme conçue
sans péché ; les miséricordes de son Cœur Immaculé
à Notre-Dame des Victoires en 1836 , la proclamation
du dogme en 1854 , sont autant de pesées victorieuses
de son pied virginal sur le dragon . Enfin , en 1858 ,
la parole bénie « Je suis l'Immaculée Conception »> le
met en fuite. Ah ! restons donc dans les bras, sur le
Coeur de Marie , et nous n'avons rien à craindre du
serpent il est sous le pied de la Vierge.

Après le péché et la tentation qui nous le fait com-


mettre, il y a un troisième mal, terrible aussi : c'est
le châtiment dont Dieu le punit. Car toute faute exige
une expiation . Or, Dieu punit le péché dans l'autre
vie par le feu de l'Enfer ou du Purgatoire , et ici-bas ,
par les calamités temporelles, et le retrait de ses
grâces de choix , de ses miséricordes, de ses tendresses
paternelles, et des bienfaits que sa bonté nous réser-
vait. Oh ! quelles épouvantables suites d'un plaisir
d'un moment !
Eh bien toute notre espérance encore ici, c'est
l'Immaculée Conception . Par elle Marie peut nous
préserver de l'Enfer, nous tirer du Purgatoire, nous
mettre à couvert des coups de la Justice, nous rendre
l'amitié de Dieu et ses prédilections. Pourquoi cela ?
Parce que sa prière est toute-puissante . Or la force de
sa prière vient de son innocence . « Dieu n'exauce pas
POURQUOI L'IMMACULÉE CONCEPTION ? 279

les pécheurs » , dit l'Ecriture . Mais elle ajoute : « La


prière du juste a une immense valeur . » J'aime ceux
qui m'aiment, dit le Seigneur. Et celui-là m'aime qui
fait ma volonté, c'est-à-dire qui ne pèche pas, qui est
entièrement pur. Or , la pureté de Marie est parfaite :
c'est pourquoi Dieu l'aime totalement et ne peut rien
refuser à ses prières . Oui, comprenons-le bien , l'Im-
maculée Conception est le point de départ de toutes
les grâces. C'est à elle que Dieu a tout donné, même
son Fils unique. Et si Dieu donne son Fils, dit saint
Paul, que pourra-t-il refuser ? Il a donné son Fils à
l'Immaculée ; il lui donnera donc tout le reste. Que
voulez-vous, ô mon Esther ? Quid vis, Esther regina ?
Quæ est petitio tua ? Et Marie , dans son bonheur , ne
pense qu'à ses enfants affligés et pécheurs. « O Roi,
si j'ai trouvé grâce à vos yeux , donnez-moi le salut
de mon peuple, pour qui je vous supplie ¹ . »
Et c'est ainsi que de tout temps Marie a été le
Refuge des pécheurs. Que de fois elle a arrêté la colère
de Dieu prête à punir ! A combien de coupables elle
a obtenu le pardon ! Que de pauvres âmes elle a reti-
rées des flammes expiatrices ! Mais voici qu'en notre
temps le mal est si grand , les péchés si nombreux,
que la justice de Dieu va être obligée de frapper des
coups terribles . Marie elle-même se plaint à la Salette,
en 1846, que le bras de son Fils est trop lourd . Alors
elle descend à Massabielle , elle vient nous couvrir
comme d'un rempart de son Immaculée Conception .
Quand Dieu voudra frapper la terre, il n'y verra plus
seulement des pécheurs . Il y verra aussi sa Mère , il
1 Si inveni gratiam in oculis tuis, o Rex, dona mihi populum
meum pro quo obsecro. (Esth. , vii , 3.)
280 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

y verra sa pureté parfaite . Près du pécheur qui mérité


sa colère, se tient Marie qui le défend . Et nous , si
chargés de crimes, nous si effrayés des jugements de
Dieu, nous lui disons : « O Marie, nous sommes de
pauvres pécheurs, mais nous savons que vous êtes
toute belle et chère au Seigneur. Dites-lui donc , nous
vous en supplions, que vous êtes notre sœur et notre
Mère, afin qu'à cause de vous, nous obtenions misé-
ricorde, et que notre âme soit épargnée en votre
faveur 1. » Et Marie nous entend ; elle dit au Sei-
gneur « Souvenez-vous que je me tiens en votre
présence pour vous demander leur pardon et dé-
tourner d'eux votre colère 2. » Comment Dieu ne
serait-il pas touché de voir ainsi sa Mère se mettre
au milieu des pécheurs pour arrêter sa justice ? « Ah !
dit-il, comment pourrai-je mépriser un peuple qui a
des femmes si belles 3 ? » Et à cause de l'innocente,
il pardonne aux pécheurs .

O Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui


avons recours à vous. Délivrez-nous du fardeau du
péché , défendez-nous contre Satan , préservez-nous de
la colère de Dieu irrité par nos crimes . Sauvez-nous,
vous le pouvez.

Pratique. N'omettez point la récitation du Rosaire.


Celui qui y sera fidèle recevra tous les biens.

1 Dic ergo quod soror mea sis ut bene sit mihi propter te, et vivat
anima mea ob gratiam tui. (Gen. , XII, 13.)
2 Recordare quod steterim in conspectu tuo ut loquerer pro eis
bonum et averterem indignationem tuam ab eis. (Jer. , xvIII, 20.)
3 Quis contemnat populum qui tam decoras mulieres habet?
(Judith , x , 18.)
འལབྱུངགྱིསཔ

CHAPITRE VINGT - SEPTIÈME

Lourdes, figure de l'Eglise .

' AI vu la Jérusalem nouvelle descendant du


Ciel, parée comme une épouse pour son
époux ¹ . » Telles sont les paroles par les-
quelles saint Jean décrit, dans l'Apo-
calypse, la merveilleuse vision où Dieu lui montra
la sainte cité du Ciel, l'assemblée triomphante des
élus . En effet, si chaque âme sauvée est l'épouse de
Jésus, chacune aussi n'est qu'une des pierres vivantes
de ce temple divin , de cette Jérusalem céleste , qui est
l'unique et indissoluble Epouse de l'Agneau.
Or la sainte Liturgie applique à l'Apparition de
Massabielle la même parole : « J'ai vu la Jérusalem
nouvelle descendant du Ciel comme une épouse parée
pour son époux. » Marie la Reine du Ciel , la Mère de
l'Eglise, est en effet la représentation la plus parfaite
de la Cité céleste, et par excellence l'Epouse de
l'Agneau . A Lourdes une nouvelle apocalypse est
donnée à la terre. Apocalypse signifie Révélation. A
Pathmos Dieu montra à saint Jean un tableau de toute

1 Apoc., XXI, 2.
282 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

l'histoire de l'Eglise, afin de soutenir les chrétiens de


tous les âges dans leurs luttes contre l'enfer par la
vue du triomphe définitif du Christ. De même à
Massabielle il a voulu ranimer notre foi , en nous
rappelant tous les mystères, toute la vie de son Eglise
sur la terre, et en nous montrant la gloire qui l'attend
au Ciel.
La roche dans le creux duquel apparaît Marie, c'est
le Christ, que Dieu a posé comme la pierre fonda-
mentale de toute son œuvre. De son côté percé , est
née l'Eglise qu'il s'est acquise au prix de son sang,
et s'est unie comme une épouse sans ride et sans
tache. Mais si le Christ est une pierre, son Eglise sera
un édifice. C'est pourquoi une chapelle s'élève au-
dessus de la grotte. Bâtie sur le roc , elle participe à
sa solidité l'Eglise bravera les injures du temps,
des hommes et des démons.
Mais dans l'Eglise il y a trois parties distinctes que
l'on appelle l'Eglise triomphante, l'Eglise souffrante
et l'Eglise militante. C'est ce que figurent à Lourdes
la basilique, la crypte et l'église du Rosaire . La
basilique, tout au sommet, élancée, gracieuse, avec ses
joyeux carillons, avec ses cérémonies triomphantes,
représente le Ciel . La crypte, sombre, basse, mysté-
rieuse, figure le Purgatoire : là point de chants, point
de cérémonie joyeuse , mais seulement des confession-
naux et des autels, la pénitence et le sacrifice
expiatoire . L'église du Rosaire représente l'Eglise
militante, l'Eglise de la terre aussi elle est sur le
sol, tandis que les deux autres sont en haut, bien
loin d'elle. Là accourent les pèlerins, les malades ; là
ce sont les supplications de toutes les misères ; c'est
LOURDES , FIGURE DE L'ÉGLISE 283

là que l'on récite l'Ave, et que Marie nous tend son


Rosaire. Aussi c'est là , autour de la grotte et du
Rosaire, que se fait le mouvement continuel des
processions.
Ces foules sans cesse renouvelées à Lourdes re-
présentent les générations qui viennent avec le cours
des âges se réunir à la sainte Eglise . Ces processions
sont le symbole de la vie chrétienne qui est un
voyage vers le Ciel . On les fait le soir , pour signifier
que nous ne sommes pas encore dans la vision ; mais
les fidèles portent des flambeaux , symbole de la foi
qui les éclaire et dirige avec assurance leurs pas , au
lieu que ceux qui demeurent étrangers à notre Eglise
et à nos réunions, restent dans les ténèbres, ou n'ont
que quelques vagues lueurs qui sont le reflet de nos
croyances. D'autres processions pourtant ont lieu le
jour, et c'est alors en escortant le Saint Sacrement
qui est le mystère de foi par excellence, le mystère
qui rend la foi si forte, si facile, si lumineuse qu'on
se demande si c'est encore la foi ou plutôt la vision .
Les chants des fidèles représentent l'allégresse et la
joie que l'on trouve dans la vie chrétienne, et dans les
cérémonies de l'Eglise qui sont des fêtes continuelles .
Pourtant, au milieu de ces foules on voit un
nombre considérable d'infirmes , de malades, d'affligés,
car la souffrance est notre lot ici-bas. Aussi est-ce
dans une vallée que Marie a choisi sa grotte , pour
montrer qu'elle descend dans la vallée des larmes .
Ces malades, voyez avec quelle charité les bran-
cardiers les portent à la Piscine et au Rosaire. C'est
le symbole des secours spirituels et corporels que
l'Eglise donne à toutes les misères . Les infirmiers et
284 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

les infirmières qui se prodiguent avec tant de dévoû-


ment au service des malades sont la preuve que la
charité est toujours vivante dans notre religion . Ces
malades sont souvent guéris ou du moins consolés :
c'est l'accomplissement sensible de la promesse du
Christ « Venez à moi vous tous qui souffrez, et je
vous referai. » Jésus est le souverain remède à tous
les maux du corps et de l'âme. C'est lui qui ramène
des portes du tombeau ; c'est lui qui donne le cou-
rage de porter la croix à sa suite. Les supplications
qui se font à la grotte perpétuellement pour les
infirmes, pour les pécheurs, pour toutes les intentions ,
montrent la communion des Saints et la sollicitude de
l'Eglise pour tous les hommes, amis ou ennemis,
selon le précepte du Seigneur.
La vie de tout le pèlerinage c'est Jésus et Marie.
Marie, on ne la voit pas, mais on la sent présente :
c'est d'elle que tout est venu , c'est elle qui a attiré
les foules ; on n'est venu , semble-t-il, rien que pour
elle. Ce lieu c'est son domaine, son paradis, sa cité
chérie. Pourtant Jésus y est aussi, et encore plus
qu'elle. Lui on le voit, sous l'apparence de l'hostie ;
on l'adore, on le chante, on le suit, on le reçoit dans
son cœur. Il est dans les trois sanctuaires, il vient
même jusqu'à la grotte, il parcourt les multitudes,
bénissant, guérissant, acclamé. - Il en est ainsi dans
l'Eglise . Tout est venu de Marie, même Jésus qui ne
nous a été donné que par Elle . Toute grâce accordée
aux hommes vient par le même chemin Marie est
le canal universel . Pourtant ce n'est pas Marie, c'est
Jésus qui est notre vie. C'est lui qui est le cœur, le
centre de l'Eglise . Au Ciel il est l'Agneau immolé
LOURDES, FIGURE DE L'ÉGLISE 285

depuis le commencement du monde et adoré par les


Anges et les Saints . Au Purgatoire il répand son
sang sur les flammes pour les éteindre. Sur la terre
il s'immole chaque jour pour tous nos besoins . Puis
il reste tantôt au Tabernacle pour entendre nos
louanges ou nos gémissements, tantôt exposé pour
recevoir nos adorations, tantôt parcourant nos cités
ou nos campagnes pour consoler les mourants ou
nous bénir. Et c'est de son cœur que part toute
grâce, toute consolation , toute guérison , tout pardon.
En face de l'église, nous voyons le Gave rouler
ses flots tumultueux c'est le monde, agité par ses
passions et ses vains désirs, tandis que les âmes
fidèles sont dans le calme et dans la paix . Le Gave
coulait tout près de la grotte, pour montrer que sur
cette terre les bons et les méchants vivent ensemble.
Pourtant, depuis l'Apparition, on a repoussé son lit
considérablement c'est qu'en effet Marie repousse le
monde, diminue la puissance de Satan et lui oppose
un rempart infranchissable. Le bruit du torrent se
mêle aux chants des pèlerins ; il est un peu assour-
dissant, mais il n'empêche pas l'élan de la prière, ni
la parole des prédicateurs : c'est pour nous dire que
le vain bruit du monde, que nous ne pouvons pas ne
pas entendre, ne doit pas nous détourner de la prière
ni d'écouter la voix de Dieu . Au Ciel nous n'en-
tendrons plus ces vains bruits, de même qu'on ne
pense plus au Gave quand on est dans la Basilique.
La Basilique c'est donc le Ciel. On y monte par
deux rampes semblables : c'est la figure des deux
rites de l'Eglise catholique, le latin et le grec , que
Rome a conservés pour la beauté de l'œuvre du
286 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Christ . Ces deux rites sont entièrement séparés, mais


se rejoignent au Ciel . On ne peut passer de l'un à
l'autre, mais ils sont parfaitement symétriques, ayant
les mêmes dogmes et les mêmes sacrements. Les deux
rampes aboutissent à la porte de la Basilique, que
surmonte le portrait de Pie IX. Comme l'on comprend
bien que le Chef visible de l'Eglise doit être unique !
Il préside également aux deux rites, et il est l'unique
portier du Ciel . On a mis Pie IX et non saint Pierre,
pour bien montrer qu'il ne suffirait pas d'honorer le
Prince des Apôtres : il faut admettre l'autorité de son
successeur. Les deux rampes sont égales en beauté et
en grandeur . Hélas ! depuis longtemps le rite grec a
perdu de sa splendeur par un triste schisme. Mais
que Constantinople , que l'immense empire russe
reviennent à l'unité, comme nous l'espérons ferme-
ment dans un prochain avenir, et la sainte Eglise
retrouvera sa gloire des premiers siècles. Et autour
du même autel , où s'offre l'unique sacrifice, l'orient
et l'occident, chacun à sa manière, et avec les pompes
conformes à son génie et à ses traditions, adoreront la
Divine Hostie et chanteront la Vierge Immaculée .
Enfin les pèlerins peuvent arriver à la crypte et à la
Basilique sans passer par le Rosaire, ni par la grotte
en suivant la route qui est hors de l'enceinte des
processions . C'est le symbole du chemin suivi par
ceux qui, n'appartenant pas à l'Eglise catholique,
arrivent pourtant au Ciel grâce à leur bonne foi ils
n'appartiendront au corps de l'Eglise qu'en arrivant
dans l'autre monde ; mais par leur intention droite ils
faisaient déjà partie de son âme . Les pèlerins qui
arrivent à la Basilique sans passer par la grotte ni le
LOURDES , FIGURE DE L'ÉGLISE 287

Rosaire sont cependant , comme tous les autres ,


attirés par Marie. De même tous ceux qui entreront
au Ciel le devront à Marie, même s'ils n'ont pas eu
ici-bas le bonheur de la connaître : car tout, à Lourdes
et dans l'Eglise, vient par Elle .
En face de la Basilique se dresse une autre colline
surmontée d'une citadelle, autour de laquelle la ville
de Lourdes est bâtie. C'est le symbole du pouvoir
civil . Là aussi il y a de la vie, mais une vie bien
différente, une vie qui ne s'occupe que des intérêts
matériels des hommes. Là ni joie, ni enthousiasme,
ni chants : rien que l'administration, et la force
matérielle. Mais ces soldats, ces magistrats eux aussi
peuvent venir à la grotte prendre part aux fêtes
religieuses , et au besoin les protéger. D'autre part
pourquoi s'offenseraient - ils des processions et des
pèlerinages ? Ils n'ont rien à en craindre et beaucoup
à y gagner . Rien à craindre puisque ce sont des
foules toujours pacifiques ; point de voleurs, point
d'homicides, point de perturbateurs parmi les vrais
chrétiens. Beaucoup à gagner, puisque cette affluence
fait la richesse de leur ville l'or et l'argent des
nations s'y versent à flots chaque année. Ainsi donc
Marie a comblé cet heureux pays de grâces spiri-
tuelles , des joies de ses fêtes, du bonheur de sa
présence , et en outre des biens temporels. Qui
voudrait qu'elle ne fût pas venue à Massabielle ? Que
serait Lourdes sans Elle ? Nous en voyons quelque
chose chaque année, quand les froids de l'hiver ont
suspendu les pèlerinages. Alors les hôtels se ferment,
les boutiques se vident, les étrangers disparaissent,
bien rares même sont les pèlerins isolés. On pourrait
288 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

croire retrouver le Lourdes d'autrefois, si l'on ne


voyait toujours la blanche Basilique, et tant de
constructions, tant d'embellissements dont les Appari-
tions ont été le principe.
De même en face de la sainte Eglise il y a le pou-
voir civil , uniquement chargé des intérêts matériels
des peuples . Il doit vivre en paix avec l'Eglise : elle
est son plus ferme soutien et il doit aussi la protéger .
S'il la persécute il est insensé. Qu'a - t- il donc à
craindre d'elle ? Elle est tout occupée de ses céré-
monies et de ses cantiques, elle n'aspire qu'au Ciel et
ne cherche sur la terre que des souffrances à soulager.
Elle n'a cure des formes politiques ; et pour elle-
même elle ne demande que la liberté de son culte et
de sa charité. Quel ombrage peut-elle donc causer ?
D'autre part, que de biens elle procure à cette société
civile Tout ce qu'il y a de vrai , d'honnête dans les
idées, dans les institutions publiques, c'est elle qui l'a
enseigné. Tout le mal que la police réprime, elle le
défend d'une manière bien plus énergique. Tous les
bureaux philanthropiques ne sont rien auprès de sa
charité. Elle apprend aux hommes le respect des lois,
l'obéissance au gouvernement établi , la fidélité à
remplir leurs devoirs civiques. Elle répand les bien-
faits matériels sur toutes les misères et offre les joies
spirituelles aux cœurs désolés . Pourquoi donc vouloir
la détruire ? Ce serait détruire aussi la société civile
et revenir à la barbarie antique. Voyez plutôt : partout
où on l'a tant soit peu essayé, on voit disparaître en
même temps la paix et la prospérité, comme cesse à
Lourdes le profit , l'hiver. Ce qui demeure alors
d'ordre et de tranquillité est un reste des beaux jours
LOURDES, FIGURE DE L'ÉGLISE 289

passés, un reflet des enseignements de l'Eglise . Mais


qu'on revienne à elle sans tarder autrement ce sera
la ruine, les échafauds, la guerre civile, et la banque-
route pour couronner.
Enfin, dans les pays voisins de Lourdes il y a
d'autres montagnes célèbres qui attirent aussi les
foules . On vient y chercher le plaisir ou la santé. On
les y trouve peut-être . Mais qu'en restera-t-il après
quelques années ? Il faudra bien mourir un jour.
C'est l'image des fausses religions comparées à la
véritable Eglise . Ces religions peuvent paraître
grandes par le nombre de leurs adhérents et la
richesse de leurs temples ; mais elles n'ont qu'un fon - `
dement humain et ne donnent aucun bien durable.
Elles peuvent faire passer une vie plus ou moins
joyeuse et libre. Mais elles ne sauvent pas de la mort ,
de la mort éternelle !
Lourdes n'a ni fètes mondaines, ni plaisirs ; on n'y
trouve pas de voluptés . On y accourt volontairement,
on y parvient avec fatigue, on y est heureux d'un
bonheur céleste ; on en part avec l'inébranlable con-
fiance de voir un jour Marie au Paradis . Ainsi en est-
il de la sainte Eglise Romaine. Elle n'attire par aucun
moyen humain ; elle impose des devoirs difficiles . Y
entre qui veut : elle ne force aucune conscience. Mais
ceux qui y viennent vivent dans la paix la plus
profonde, ils sont heureux , même quand ils souffrent .
Ils meurent dans la confiance entière de posséder
Dieu dans l'éternité.

O Immaculée Marie, Reine des peuples, Mère de


l'Eglise, Souveraine de toutes créatures, attirez tous
LOURDES 17
290 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

les hommes à la sainte Religion de Jésus. Que tous


vous connaissent et vous aiment et goûtent le bonheur
de votre service !

Pratique. Récitez le très saint Rosaire pour la con


version de tous les hommes.


蘿蘿 麵

CHAPITRE VINGT-HUITIEME

Notre-Dame de Lourdes , figure


de l'Eucharistie .

NTRE tant d'enseignements que la Sainte


Vierge est venue nous donner à Lourdes,
il semble qu'elle ait voulu aussi nous
révéler quelque chose de la vie de Jésus
au Très Saint Sacrement. Certes , notre foi est entière
en la présence réelle du Christ sur nos autels . Mais
beaucoup de chrétiens peut-être ne l'y considèrent
pas assez comme un être vivant, et sous ces appa-
rences d'une hostie immobile, ils ne savent pas assez
découvrir la plus active et la plus merveilleuse des
vies . Marie va nous l'apprendre .

I. Allons en esprit devant la grotte du rocher


où, comme dans une niche d'exposition, Marie s'est
révélée. Il est vrai que nous ne voyons pas notre
Mère nous n'apercevons que sa gracieuse image.
Mais , nous le savons , Bernadette a contemplé sa
radieuse beauté, une beauté que la terre ne peut
soupçonner, telle que les Anges et les Saints la
voient au Ciel, telle que nous espérons la voir nous-
mêmes dans l'Eternité. Essayons respectueusement
292 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

de nous représenter son blanc vêtement éblouissant


d'innocence, sa ceinture bleue, ses traits d'une vir-
ginale pureté, et la tendresse que lui donne pour nous
sa qualité de Mère. Tombons à genoux et offrons-lui
l'hommage de notre plus profonde vénération, " ce
culte unique dû à la Reine de toute créature, que
Gabriel nous a appris à traduire par le mot Ave.
Maintenant prosternons-nous devant le Très Saint
Sacrement. Là aussi nous ne voyons qu'une blanche
apparence. Mais la foi , avec encore plus d'autorité
que Bernadette, nous assure qu'elle recèle des splen-
deurs. Le Christ, Fils de Dieu , le même qui siège à
la droite du Très-Haut et dont la vue fait la beatitude
des Anges , il est là ! Si nous le voyions, il nous
apparaîtrait comme l'infinie innocence , la pureté
parfaite, et pourtant marqué encore des stigmates de
sa Passion et des blessures qui ont meurtri sa chair
virginale. Un jour nous le verrons .
Marie reçoit avec joie nos hommages. Le chapelet
qu'elle égrène ne semble-t-il pas dire qu'elle compte
nos salutations ? Mais ses lèvres sont immobiles : elle
écoute nos Ave sans les dire elle-même. Ses yeux
sont fixés au ciel dans une sublime contemplation .
Elle voit Dieu, elle lui renvoie tous les hommages
que les créatures lui rendent. Quelle ineffable ado-
ration ! De même Jésus au Très Saint Sacrement
est l'Adorateur par excellence : ni jour ni nuit il ne
cesse son adoration . Il contemple son divin Père , il
s'anéantit devant Lui, il le remercie de tous ses dons,
il s'immole sans réserve . Mais il accepte avec bonheur
nos propres adorations pour les renvoyer à son Père
unies aux siennes .
N.-D. DE LOURDES, FIGURE DE L'EUCHARISTIE 293

II. - Comment pourrions - nous assez remercier


notre douce Mère de s'être inclinée vers nous ! Heu-
reux pays qui a reçu sa visite ! Heureuse enfant qui
l'a contemplée ! Heureux aussi ceux qui assistèrent
à ces Apparitions . Sans la voir elle-même, ils savaient
que Marie était là : car comment en douter, en voyant
l'extase de Bernadette ? Comme ils étaient pénétrés
eux -mêmes du sentiment de sa présence ! Comme ils
étaient émus ! Comme ils devaient prier ! Heureux
enfin tous ceux qui depuis lors se sont agenouillés
aux grottes de Massabielle ! Marie n'y est-elle plus
maintenant ? N'y revient-elle pas quelquefois ? Au
moins ses yeux et son cœur y sont, pour voir tout
malheureux et consoler toute souffrance . Son bras
y est aussi pour multiplier les merveilles. Oh ! s'il
y avait un sacrement qui contînt et donnât Marie !
avec quelle joie et quel bonheur nous irions le
chercher, fût-ce au bout du monde ! Mais à Lourdes ,
on se sent auprès d'elle .
Eh bien, Jésus , Lui, est au Saint Sacrement . Sa
présence y est encore plus réelle que celle de Marie
ne fut jamais à Lourdes. Et Jésus est plus que sa
Mère. Oh ! Seigneur, comment vous remercier ? Ce
n'est pas seulement à Lourdes que vous venez du
Ciel : c'est dans chacune de nos églises . Nous ne
vous voyons pas, mais comme nous vous sentons !
Une seule enfant a vu Marie ; mais tous les chrétiens
sont invités à la communion . Ce fut une grande
faveur d'assister aux Apparitions, mais peu de per-
sonnes relativement purent en jouir, et au plus dix-
huit fois seulement. Mais à la Messe tous les jours
nous pouvons être là quand vous descendez du Ciel .
294 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Quand, au son de la clochette, les fidèles adorent


prosternés , nous le savons , c'est vous qui venez .
Heureux moment où vous vous immolez, où vous
expiez nos offenses, où vous priez votre Père pour
nous, en lui montrant vos plaies sacrées ! Si Marie
est partie, vous certainement vous restez . Le jour et
la nuit , vous êtes là près de vos frères, leur voisin ,
leur protecteur . Marie nous a révélé sa bonté ; vous,
vous montrez votre Cœur à travers votre flanc percé,
'nous disant : «< Voici ce Cœur qui vous a tant aimés ! »
Marie guérit les corps ; vous, vous sauvez les âmes.
Elle nous disait : « Allez boire à la source et vous
y laver. » Vous , c'est dans votre sang que vous nous
purifiez, et vous nous le donnez encore en breuvage.
Mais vous ne laissez pas de guérir aussi les malades .
Que de miracles opérés par votre Sacrement ! Et
qu'il y en aurait davantage , si nous vous invoquions
avec plus de confiance et une foi plus profonde ! Et
c'est parce que nous vous oubliions que Marie nous
a attirés à sa grotte et à sa basilique, pour nous
mettre en contact avec vous et vous faire manifester
votre puissance,

III. Cependant un nuage de tristesse passe sur


le front de la Vierge Immaculée . Bernadette se met
à pleurer. « Qu'y a-t-il, Madame ? Que faut-il faire ?
Priez pour les pécheurs ! » Le péché, voilà la
grande douleur de Marie. Et c'est pour nous en in-
spirer l'horreur qu'elle se montre comme l'Immaculée.
Oh ! en comparant nos souillures avec la pureté de
Marie, nous avons honte de nous - mêmes. Aussi ,
que de conversions opérées par ce seul sentiment à
N.-D. DE LOURDES . FIGURE DE L'EUCHARISTIE 295

Massabielle ! Les pécheurs sentent le besoin de se


confesser, et les justes de se justifier davantage .
Mais devant le Très Saint Sacrement , pourquoi
n'éprouvons-nous pas ce même besoin ? Jésus n'est-il
pas plus pur que Marie elle-même, lui la Sainteté
infinie ? De plus, il est notre Juge : il pénètre jus-
qu'au fond de nos cœurs, il voit nos moindres taches,
il en a horreur, il les punira avec sévérité. Aussi
saint Paul nous avertit de ne pas communier sans
nous être examinés et jugés nous-mêmes, de peur de
manger et de boire notre propre jugement. Ainși le
Saint Sacrement, comme l'Immaculée Conception , est
une leçon de pureté parfaite.
Non seulement Marie nous invite à haïr le péché,
mais elle nous en délivre . N'est-elle pas le Refuge du
pécheur ? Près d'Elle, nous n'avons pas peur. Nous
osons lui révéler nos misères . Elle les comprend et
en a pitié . Elle nous couvre du manteau de son
Immaculée Conception . Mais Jésus n'est pas moins
indulgent. Ne dit-il pas « Venez à moi , vous tous
qui êtes accablés sous le poids de vos fautes, et je
vous referai ? Quand même vous seriez rouges comme
l'écarlate, je vous rendrai blancs comme la neige . »
Oui, blancs comme le vêtement de Marie, car le sang
de Jésus et ses sacrements sont d'assez puissants
remèdes pour purifier tous les crimes de la terre.
Enfin , Marie plaide notre cause par son Immaculée
Conception ; elle l'interpose entre la terre et la Justice
de Dieu. - De même Jésus au Saint Sacrement est
notre paratonnerre. Il est la Sainteté infinie, et de
plus notre victime, notre rançon. Il offre sans cesse
en expiation son sang précieux , sa chair immaculée,
296 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

et nous les élevons vers le Ciel en l'hostie, pour


apaiser sa colère . Toutefois son sacrifice ne nous dis-
pense pas d'unir aux siennes nos expiations . Comme
Marie, il nous invite à la Pénitence. « Si vous ne
faites pénitence, a-t-il dit, vous périrez tous. » Et qui
peut mieux nous donner le courage de l'immolation ,
que la communion à sa chair meurtrie et crucifiée ?

IV. Marie s'est montrée à la terre pour lui


donner un avant-goût du Paradis, pour exciter nos
désirs ardents de la Patrie éternelle. Nous appelons
Bernadette heureuse d'avoir contemplé ses traits ! Mais
plus heureux sont ceux qui la voient perpétuellement
au Ciel ! Souhaitons donc et demandons sans cesse de
conquérir ce bonheur . Mais pensons à la condition :
« Le royaume des Cieux souffre violence ; les coura-
geux , les héros seuls l'emportent. » Nous ne verrons
pas notre Mère que nous ne nous en soyons rendus
dignes par nos efforts, et que notre âme ne soit
parfaitement purifiée.
De même la sainte Eucharistie est un avant-goût
du Ciel. Que de joies délicieuses on trouve dans la
sainte Communion ! Mais que sera-ce au Ciel ? Car
les voiles tomberont ; un jour nous verrons Jésus tel
qu'il est . Mais il faut le mériter. Travaillons donc
courageusement, animés par l'espoir de la récompense,
et disons souvent : « Jésus que je vois maintenant
sous un voile, je vous en supplie, accordez-moi la
grâce que je désire ardemment, que, vous voyant un
jour face à face, je jouisse de la béatitude éternelle ,
Amen . »
N.-D. DE LOURDES, FIGURE DE L'EUCHARISTIE 297

O Notre-Dame de Lourdes , Notre-Dame du Très


Saint Sacrement, Reine du Cénacle, apprenez-nous
à adorer la sainte Eucharistie .

Pratique. Dites le Rosaire en union avec Marie, au


Cénacle, et pour le règne eucharistique de Jésus-Christ .
CHAPITRE VINGT - NEUVIEME

Les secrets de Marie .

OUTES les paroles que la Mère de Dieu


a daigné prononcer à Lourdes ne nous
ont pas été redites. Trois secrets ont été
confiés par Elle à Bernadette, et la Voyante
les a fidèlement gardés. Qu'y a-t-il d'étonnant que
l'enfant appelée à une mission si haute ait reçu des
enseignements destinés à elle seule ? Dieu nous pré-
serve de vouloir en pénétrer le mystère, et de cher-
cher à soulever d'une main téméraire le voile dont la
Sainte Vierge a voulu les cacher ! Pourtant, nous
sera-t-il défendu de chercher même dans ces secrets
une leçon de notre Mère ? Si Marie a voulu nous les
dérober, elle a non moins voulu nous en faire con-
naître l'existence . Elle pouvait les dire à Bernadette
sans même que nous le sachions. Mais, non : nous
savons qu'elle lui a dit trois secrets . Ainsi , il y a
trois choses que Marie connaît et ne veut pas nous
dire. Pourtant elle est notre Mère . Mais on ne dit pas
tout aux enfants.

I. Il y a une chose d'abord que nous ne savons pas


maintenant, que nous ne connaîtrons que plus tard ;
LES SECRETS DE MARIE 299

c'est ce que Dieu réserve à ceux qui l'aiment . Saint


Paul eut une vision divine comme Bernadette ; il fut
ravi au troisième Ciel et il y entendit, raconte-t-il ,
<< des paroles mystérieuses qu'il n'est pas permis à
l'homme de révéler¹ . » Tout ce qu'il put dire, c'est
que « l'œil n'a point vu , ni l'oreille entendu , et que
le cœur de l'homme ne peut concevoir le bonheur
céleste 2. » Et, enseignant les chrétiens, il répète sou-
vent qu'il lui est impossible de leur dire tout ce qu'il
sait, car ils ne le pourraient comprendre. « Je ne
peux vous parler comme à des êtres spirituels , leur
disait-il, mais comme à des hommes charnels qui ne
peuvent percevoir le langage de l'esprit de Dieu . Vous
êtes de petits enfants ; je ne puis vous donner que du
lait et non de la nourriture solide. Nous connaissons
bien en partie, mais en partie aussi nous sommes dans
le mystère, lequel ne sera révélé que quand luira le
plein jour ³ . »
Et, comparant notre vie actuelle à une enfance,
à laquelle succédera l'âge parfait, saint Paul disait
encore : « Quand j'étais enfant, je parlais en enfant ,
je pensais en enfant, je sentais en enfant ; et quand
je suis devenu homme, je me suis affranchi de ce qui
était de l'enfance. De même maintenant nous voyons
les choses de Dieu comme dans un miroir, sous des
symboles. Un jour nous verrons face à face. Nous
n'avons maintenant qu'une connaissance imparfaite ;

1 Audivit arcana verba quæ non licet homini loqui. (II Cor.,
XII, 4.)
2 Oculus non vidit nec auris audivit, nec in cor hominis ascendit
quæ præparavit Deus iis qui diligunt illum. (I Cor. , 11 , 9.)
3 I Cor., III, 1 ; XIII, 9,
300 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

mais alors nous connaîtrons Dieu comme il nous con-


naît ¹ . »
Oh ! combien cette pensée donne à réfléchir ! Assu-
rément nous avons de Dieu, du Ciel , de l'Eternité,
une connaissance très grande : car notre foi est iné-
branlable, et nous donne des explications satisfaisant
l'intelligence sur toutes les questions qui peuvent
agiter notre âme. Mais que cette connaissance reste
petite par rapport à ce qui est ! Vraiment notre âme
est terrassée quand elle réfléchit un peu à ces réa-
lités l'Etre infini ! l'Eternité ! la vision béatifique !
La sublimité de notre destinée nous épouvante pres-
que. Elle nous scandalise, elle est une tentation pour
notre bassesse. Beaucoup vont jusqu'à la blasphemer,
à y renoncer, et ils ont plutôt imaginé d'être les des-
cendants d'une bête, que d'admettre pouvoir devenir
semblables à la Divinité. Pourtant il en est ainsi , et il
faut souvent nous le dire : il n'y a aucune propor-
tion, aucune comparaison entre les choses de ce
monde, ses joies et ses souffrances, et ce que nous
verrons dans l'éternité. Il n'y a aucune pensée
humaine capable d'exprimer suffisamment ce qu'est
la vie au delà du tombeau . Un seul mot exprime
combien ce monde dépasse le nôtre : c'est un monde
surnaturel. C'est-à-dire que notre nature ne pourrait
jamais par ses propres forces ni l'acquérir, ni même
le soupçonner, de même que le monde de l'intelli-
gence est entièrement hors de la portée du règne
animal ou végétal . Mais voici la merveille : au lieu
que la plante et la bête ne peuvent concevoir ni

1 I Cor., XIII, 11.


LES SECRETS DE MARIE 301

désirer la faculté de penser, nous, au contraire , nous


connaissons par la Révélation l'existence d'une vie
future, vie infinie en splendeur, en bonheur, en
durée, et nous pouvons par la grâce y arriver. Com-
ment donc pensons-nous à autre chose ? Comment la
crainte de perdre un pareil trésor ne nous fait-elle
pas trembler ? Comment ne sommes-nous pas prêts
à tous les sacrifices pour y arriver ? Nous restons
insensibles, parce que nous ne nous faisons pas une
idée du Ciel ; nous ne pouvons pas concevoir un tel
bonheur. Mais cela n'excuse pas notre indifférence,
car il y a au moins une chose que nous savons : c'est
que des biens éternels et infiniment désirables existent
et nous sont proposés.

II. - Il y a un second secret que ni Dieu ni Marie ne


nous révèlent ; ils nous laissent dans l'incertitude, et
cette incertitude est terrible. La voici : L'homme ne
sait s'il est digne d'amour ou de haine, et s'il sera
sauvé. « Ma conscience ne me reproche rien , disait
saint Paul. Mais cela ne me justifie point. Celui qui
me juge, c'est le Seigneur ¹ . » L'estime des hommes
n'y peut rien . « On dit que vous êtes vivant , mais
vous êtes mort » , dit le Christ à l'évêque de Sardes ² .
Enfin , la sainteté actuelle n'assure point l'avenir . Nul
n'est sûr de persévérer. Celui qui est debout doit
prendre garde de tomber. Car nul ne sait, à moins
d'une révélation spéciale que Dieu accorde seulement
à de grands saints, s'il est inscrit sur le livre de vie,

1 I Cor . , IV, 4.
2 Nomen habes quod vivas et mortuus es. (Ap. , II, 1. )
302 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

s'il est prédestiné. Oh ! terrible question Serai-je


sauvé ? Eternellement je vivrai ; mais, où serai-je ?
Au Ciel ou en enfer ? Dieu le sait ma place est
marquée. Le salut dépend de la grâce de la persévé-
rance finale, grace toute spéciale de Dieu, grâce abso-
lument gratuite , qu'il offre à tous , car assurément il
veut le salut de tous, mais dont tous ne veulent pas.
Hélas ! et si souvent, nous avons résisté à la grâce !
Que savons-nous de la manière dont nous répondrons
à cet appel suprême, après lequel le pécheur qui
s'obstine est rejeté pour l'éternité ? Que cette pensée
est effrayante ! C'est pourquoi saint Paul nous dit :
« Mes très chers, faites votre salut avec crainte et
tremblement . »>
Mais si la grâce de la persévérance finale ne peut
absolument être méritée, elle peut être demandée , elle
peut être obtenue par la prière, par une vie sainte et
pénitente. Bien plus, Notre-Seigneur s'est engagé à la
donner . N'a-t-il pas dit : « Celui qui mange ma chair
et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusci-
terai au dernier jour ? » Voilà une promesse formelle
de salut attachée à la communion , pourvu qu'elle
soit faite avec les dispositions requises. Mais Notre-
Seigneur ne s'en est pas contenté. Il a de plus affirmé
solennellement que tous ceux qui communieraient
pendant neuf mois de suite, le premier Vendredi , en
l'honneur de son Cœur adorable, ne mourraient point
dans sa disgrâce. Marie aussi nous a fait des pro-
messes de salut. Nous avons dit celles qu'elle a
attachées à la récitation du Rosaire. Elle nous a
1 Charissimi mei, cum metu et tremore vestram salutem opera-
mini, (Philip., 11, 12.)
LES SECRETS DE MARIE 303

donné encore un autre bouclier, c'est le saint Scapu-


laire ; et elle a assuré que quiconque en mourrait –
revêtu ne connaîtrait point les châtiments éternels.
Avec ces secours, nous pouvons avec moins de
frayeur penser à nos destinées futures, et à cette
parole que saint Jérôme ne pouvait lire sans trembler :
« Nul ne sait s'il est digne d'amour ou de haine ! »>
Mais armons-nous bien des secours que Jésus et Marie
nous offrent, et, même avec ces promesses, craignons
notre propre inconstance, notre immense faiblesse , et
la force du torrent qui nous entraîne vers le mal et
contre lequel il faut lutter toujours sous peine d'être
emporté. Ne cessons pas de supplier Marie qu'elle
nous rende dignes des promesses de son divin Fils et
des siennes.

III. - Il y a un troisième secret que Jésus et Marie


nous cachent : c'est le moment où se décidera pour
nous notre éternité , le moment suprême et dont
dépend notre destinée : la mort . Notre -Seigneur nous
prévient seulement qu'elle nous surprendra . « Je
viendrai , dit-il , comme un voleur ¹ . » Or , le voleur
ne se fait pas annoncer ; il se glisse dans l'ombre , à
l'heure du sommeil . Ainsi fera notre Juge . Mais , à
présent , il nous en avertit . Que de fois il l'a répété
à ses disciples : « Soyez prêts , disait-il , ayez vos
lampes allumées , comme des serviteurs qui attendent
leur maître qui va revenir des noces , afin de lui
ouvrir aussitôt qu'il frappera à la porte . Heureux les
serviteurs que le Maître trouvera éveillés ! Si un père

1 Ecce venio sicut fur. Beatus qui vigilat ! (Ap ., xvi, 15.)
304 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

de famille savait à quelle heure le voleur doit venir,


il se tiendrait sur ses gardes et ne laisserait point
forcer sa demeure. Et vous aussi soyez prêts : car le
Fils de l'homme viendra à l'heure que vous ne
pensez pas ¹ . >>
C'est la condition de notre élat de créature. Nous
ne sommes jamais nos maîtres, mais des serviteurs
toujours. Quand un maître s'absente, il commande
à ses domestiques de garder sa maison en tout temps ,
et il se réserve de revenir quand il lui plaît. Malheur
au serviteur négligent et paresseux qui se dit : « Mon
maître tarde à revenir, je n'ai rien à craindre » , et
qui se met à boire, à manger, à battre les autres
serviteurs . Mais, au moment où il y pense le moins ,
le maître arrive, et il reconnaît que celui en qui il
avait confiance est un scélérat, et il l'envoie en prison
avec les voleurs qu'il était chargé d'écarter . Ainsi de
nous. Dieu nous a créés sans nous consulter ; il nous
appellera à son tribunal de même. Hélas !, combien
peu réfléchissent à ce jugement qui peut venir à tout
instant ! Et combien d'âmes sont damnées pour n'avoir
pas eu le temps qu'elles espéraient pour se convertir !
Nemo est qui recogitet corde ! « Pensez à vos fins
dernières, dit le Saint-Esprit, et vous ne pécherez
pas. » Ne remettez pas à plus tard à apaiser votre
Juge. Aujourd'hui même, si vous entendez sa voix,
n'endurcissez pas vos cœurs comme les anciens
Hébreux dans le désert, contre lesquels Dieu , dans sa
colère, jura qu'aucun d'eux n'entrerait dans le lieu
de son repos !

Qua hora non putatis Filius hominis veniet. (Luc., XII , 40.)
LES SECRETS DE MARIE 305

Voilà donc trois secrets auxquels la Vierge Imma-


culée nous invite à penser souvent, afin que ces réfle-
xions salutaires nous maintiennent dans la voie du
salut.

Mais nous pouvons croire qu'Elle n'adresse pas


seulement cet enseignement à chaque âme en parti-
culier, mais de plus qu'Elle élève nos pensées aux
destinées générales des nations et du monde, et en
particulier de la France , son royaume.
Car d'abord il y a pour les nations un avenir que
Dieu connaît elles ont une mission , une destinée ;
Dieu leur prépare des joies ou des souffrances, des
gloires ou des humiliations, la prospérité ou la déca-
dence. Il a fait les nations guérissables, mais il ne les
guérit pas toujours . Il leur offre parfois des missions
magnifiques, mais elles sont libres d'accepter. Il leur
fait des promesses et des menaces, mais tantôt à cause
Ide leur indignité il ne peut pas réaliser ses promesses,
tantôt il désarme sa colère devant le repentir et la
pénitence .
O Marie, qu'avez-vous dit de la France à Berna-
dette ? Est-elle encore votre nation bien - aimée ?
Voulez-vous encore la sauver ? Voudra-t-elle se con-
vertir ? Quand reprendra-t-elle sa gloire ancienne ?
Oh ! secrets qui font trembler ! mais il faut y penser.
Le pire des maux serait de nous endormir dans la
sécurité et la paresse, dans l'indifférence et l'égoïsme,
soucieux de notre bien-être personnel , mais non de
la gloire et du bonheur de notre patrie . Si un Français
n'aime pas la France , qu'il soit anathème ! Pour vous,
ô Marie, vous l'aimez . C'est pourquoi nous espérons
306 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

fermement que son rôle dans l'Eglise et le monde


n'est pas terminé . Nous espérons, ô Marie, que vous
la relèverez de l'opprobre et de la tristesse, et que
vous la replacerez à la tête des nations, comme autre-
fois, pour faire régner sur le monde Notre-Seigneur
Jésus-Christ, pour défendre son Vicaire, pour soutenir
le droit et la justice contre l'iniquité . O Marie , nous
l'attendons de votre assistance maternelle. Ne livrez
pas aux bêtes perverses des âmes qui vous sont con-
sacrées , ne donnez pas à l'impie votre propre royaume.
Ne confiez pas à un autre peuple l'honneur d'être
dans le monde le défenseur avoué par l'Eglise de
tous les intérêts catholiques. Que Michel, notre pro-
tecteur, plaide auprès de vous notre cause. Que nos
aïeux, que nos saints joignent leurs voix à la sienne.
Souvenez-vous, ô Marie, de l'amour qu'a eu pour
vous la France, votre royaume. Souvenez-vous de
l'amour que vous } avez pour elle. Oui, malgré ses
crimes, elle est encore à vous. Elle peut encore rede-
venir grande et chrétienne. Mais hâtez-vous, ô Marie,
car nous sommes dans des périls extrêmes et la haine
et l'audace de nos ennemis grandissent chaque jour.
Comprenons, cependant, que ce n'est pas sur l'as-
sistance du Ciel qu'il faut compter seulement. Il faut
y joindre nos efforts constants, persévérants, éner-
giques . Nos adversaires s'acharnent à perdre les
âmes ; à nous de nous liguer pour les sauver. Plus le
succès est douteux , plus il faut de généreux efforts.
Et c'est pourquoi Marie veut que l'avenir soit un
secret pour nous. De même que l'incertitude du salut
nous excite à la lutte, bien loin de nous décourager,
selon que nous le recommandent les Saints : « Si
LES SECRETS DE MARIE 307

vous n'êtes pas prédestiné, faites que vous le deve-


niez » ; de même, si la France a tant à redouter de la
colère divine, méritons par nos œuvres qu'elle soit
épargnée.

O Marie, regardez la France, priez pour la France ,


sauvez la France ! Plus elle est coupable , plus elle a
besoin de votre secours. Un mot à Jésus reposant en
vos bras, et la France est sauvée . O Jésus , obéissant
à Marie, sauvez la France !

Pratique. Récitez souvent le très saint Rosaire pour


que la France redevienne chrétienne .
CHAPITRE TRENTIÈME

La dernière Apparition .
wwwwww

A dernière Apparition de Lourdes eut lieu


le 16 juillet , fête de Notre - Dame du
Mont-Carmel. A ce moment l'accès de
Massabielle était interdit par la police ;
des barrières avaient été posées , pour tenir les fidèles
à distance . Néanmoins, un attrait bien connu appela
Bernadette. Elle le suivit, et, ne pouvant approcher
de la grotte, elle se rendit en face, de l'autre côté du
Gave ; elle voyait la niche au-dessus des palissades .
Il était huit heures du soir. Elle se mit à genoux
avec quelques femmes. Alors Marie se montra. Jamais
elle n'avait paru si belle. Elle semblait à la Voyante
aussi près d'elle que si elle eût été à ses pieds . L'espace,
les barrières, le Gave, les spectateurs avaient disparu :
l'enfant ne voyait que la Vierge radieuse . Elle la
contempla longtemps. Elle sentait que c'était pour
la dernière fois ici - bas. Cependant son cœur était
dans une délicieuse allégresse. Car l'absence ne serait
qu'un au-revoir dans une vision sans fin ; et, en
attendant le Ciel , la douce assistance de la Mère
invisible , mais toujours attentive , ne manquerait
LA DERNIÈRE APPARITION 309

jamais. Enfin , lui souriant avec une bonté ineffable,


Marie disparut à ses regards.
Ici nous voulons demander humblement à notre
Mère les raisons du jour et de l'heure de cet adieu
à Bernadette.
Le 16 juillet , l'Eglise fait la fête de Notre- Dame
du Mont-Carmel . Or c'est Marie elle-même qui parle
dans l'épître de la Messe de ce jour, et elle semble
vouloir, avant de disparaître, résumer tous ses en-
seignements , tout ce qu'elle nous a dit pour nous
attirer à Elle. Ecoutons-la :
« Je suis, dit-elle, la Mère de la belle dilection, de
la crainte de Dieu , de la foi et de la sainte espérance .
En moi se trouve la grâce de la voie droite et de la
vérité ; en moi est tout l'espoir de la vie et de la
vertu. Venez à moi vous tous qui m'aimez, et rem-
plissez- vous du fruit de mes entrailles ; car mon
esprit est plus doux , et mon héritage plus délicieux
que le miel . Ma mémoire s'étend dans toutes les
générations des siècles . Ceux qui me mangent auront
encore faim, ceux qui me boivent auront encore soif.
Celui qui m'écoute ne sera pas confondu . Ceux qui
opèrent en moi ne pécheront pas . Ceux qui me
glorifient auront la vie éternelle ¹ . »
Et dans l'Evangile c'est Jésus à son tour qui parle .
L'Eglise lui crie, ravie des charmes de sa Mère :
<< Bienheureux le sein qui vous a porté ! » Et il
répond : « Heureux surtout ceux qui écoutent la
parole de Dieu et lui obéissent 2 >> cette parole que

1 Eccli. , c . XXIV. Epitre de la Messe de N.-D. du Mont-Carmel.


2 Beatus venter qui te portavit et ubera quæ suxisti ! - Quinimo
310 · LES LEÇONS D'UNE MÈRE

sa Mère est venue nous annoncer. Heureux ceux qui


seront dociles aux avis de la Sainte Vierge et sauront
s'y conformer. Mais c'est une grâce qu'Elle peut nous
accorder ; et la liturgie adresse cette instante prière
à notre Mère, qui va remonter à l'éternel séjour :
<< Souvenez-vous, ô Vierge Mère , de demander des
grâces pour nous et de nous obtenir que Dieu détourne
de nous sa colère ! Très digne Reine du monde, ô
Marie toujours Vierge, intercédez pour notre paix et
notre salut, vous qui avez enfanté le Christ Notre-
Seigneur et le Rédempteur de tous les hommes 1. »
Et enfin l'Eglise fait à Notre-Seigneur cette prière :
<
«< Que l'auguste intercession de votre glorieuse Mère ,
Marie toujours Vierge , nous assiste , afin qu'après
nous avoir comblés de bienfaits qui ne cesseront pas,
elle nous préserve de tout péril et nous unisse tous
dans son amour. »

Mais il y a d'autres enseignements encore dans la


date de cette Apparition dernière. La fête de Notre-
Dame du Mont-Carmel est une des plus chères aux
fidèles parmi celles qui honorent les miséricordes de
Marie, et sans doute aussi une des plus aimées de
la Reine du Ciel et de la terre . Rappelons - en les
raisons.
Le Carmel est le plus ancien et le plus vénérable

beati qui audiunt verbum Dei, et custodiunt illud. (Luc. , x1, Evang.
Mont-Carmel .)
1 Recordare, Virgo Mater, in conspectu Dei, ut loquaris pro nobis
bona, et ut avertat indignationem suam a nobis. Regina mundi
dignissima, Maria, virgo perpetua, intercede pro nostra pace et
salute, quæ genuisti Christum Dominum Salvatorem omnium . (Messe
de N.-D. du Mont- Carmel .)
LA DERNIÈRE APPARITION 311

des pèlerinages de Marie. C'est une montagne de la


Terre Sainte renommée par sa beauté, sa fertilité ,
son site enchanteur. L'Ecriture la cite maintes fois
comme le lieu le plus délicieux de la Palestine, si
Jérusalem en est le plus saint . Or l'Eglise chante en
son office que ce lieu et tous ses charmes ont été
donnés à Marie. Par sa beauté, il était un symbole
de Marie elle-même : car la nature est un reflet des
conceptions de Dieu, et il s'est plu à traduire par des
beautés sensibles quelque chose des splendeurs qu'il
contemple en lui-même.
Nous voyons encore sur cette belle colline une
autre figure de Marie, la sage Abigaïl , l'épouse de
Nabal dont le nom signifie insensé. Cet homme avait
outragé David en refusant de répondre à ses bienfaits
par des services ; et David , irrité, allait se venger , si
Abigail ne l'eût apaisé par ses présents et son lan-
gage plein de sagesse . Et David , charmé de sa beauté
et de ses hommages, s'écria : << Bénies soient vos
paroles, et bénie soyez-vous, car vous m'avez empêché
de répandre le sang et de me venger aujourd'hui de
ma propre main . » Ainsi Marie devait, un jour, s'in-
terposer entre le Créateur et l'homme insensé qui lui
refuse l'amour et l'obéissance, et, en désarmant Dieu
par son innocence et ses prières, lui donner la joie de
pouvoir pardonner ¹.
Mais il y a plus sur le Carmel l'Immaculée Con-
ception a été clairement révélée. C'était neuf siècles
à l'avance, au temps du prophète Elie , cet homme
ardent, au cœur dévoré de zèle pour la gloire du
1 Benedicta tu quæ prohibuisti me hodie ne ulciscerer me manu
mea. (I Reg., xxv, 33.)
312 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Dieu d'Israël. Il voyait avec douleur son peuple


abandonner Jéhovah pour adorer les idoles , et il en
frémissait. Dans cette sainte colère, il pria Dieu de
châtier ces ingrats en les privant de la pluie et de
la rosée , si nécessaires en ces climats brûlants . Il fut
exaucé. Pendant trois ans et plus, la terre demeura
aride et desséchée, image de la désolation spirituelle
d'une nation qui s'éloigne de Dieu . Enfin il fit tant
par ses exhortations confirmées par un grand miracle,
que le peuple reconnut l'impiété du culte de Baal et
massacra tous les faux prophètes . Alors Elie s'écria :
« J'entends le bruit d'une grande pluie . » Et montant
au sommet du Carmel, il se mit en prières. Or voici
que bientôt s'éleva de la mer une petite nuée, sem-
blable à un pied humain . Et elle grandit , elle couvrit
le ciel tout entier et une pluie féconde commença à
tomber. Or Dieu révéla à son prophète que cette nuée
qui ramenait la fertilité à la terre figurait la future
Mère du Messie. Comme un nuage léger, elle s'élève
de l'océan de l'humanité coupable, mais elle-même
n'en contracte pas l'amertume, c'est-à-dire le péché,
et elle est au contraire la source féconde de toutes les
grâces qui viennent purifier, rafraîchir et soulager le
monde. Et cette nuée légère a la forme d'un pied
humain c'est ce pied annoncé au serpent comme
devant lui broyer la tête, et que nous voyons à
Lourdes, orné de roses d'or .
Le Carmel a donc été le lieu où fut révélé et vénéré
longtemps à l'avance le grand mystère de l'Immaculée
Conception de Marie. Or cette révélation ne se perdit
pas. Elic la transmit à ses disciples qui habitèrent
après lui le Carmel . Ces saints solitaires passaient
LA DERNIÈRE APPARITION 313

leur vie dans la prière, la pénitence, l'attente du


Messie et de la Vierge sa Mère. Ils se sont toujours
perpétués . Au temps de son passage sur la terre ,
sans doute Marie les visita. Elle prit possession de
ce Carmel que Dieu lui avait donné ¹ . Elle le bénit,
elle bénit les pieux cénobites , et avec eux tous ceux
qui dans la suite devaient leur succéder. En échange
de cette bienveillance amoureuse, les habitants de la
sainte Montagne élevèrent un sanctuaire à Marie,
encore vivante, et ensuite elle y fut toujours vénérée.
Ces honneurs furent particulièrement agréables à la
Reine du Ciel. Elle-même s'est considérée comme la
Reine et la Patronne de cet Ordre des Carmes , dont
le fondateur, Elie, toujours vivant dans la retraite
mystérieuse où sur un char de feu il a été transporté,
doit revenir à la fin des temps sur la terre lutter
contre l'Antechrist et fortifier l'Eglise dans ses der-
niers combats . Marie a comblé cet Ordre si aimé de
son cœur de privilèges singuliers. Mais surtout elle
lui a fait le don ineffable du saint Scapulaire.
En 1270, apparaissant à saint Simon Stock, général
de l'Ordre, elle lui présenta ce vêtement comme un
gage singulier de sa protection maternelle. Elle pro-
mit que quiconque le porterait et en mourrait revêtu ,
serait préservé des flammes éternelles, et de plus
serait délivré du Purgatoire le samedi après sa mort,
pourvu qu'il eût pris soin de garder son cœur et
son corps sans souillure, et de réciter chaque jour
certaines prières en son honneur. Or ces privilèges
admirables, c'est à tous les chrétiens que Marie désire
1 Gloria Libani data est ei decor Carmeli et Saron . Ipsi vide
bunt gloriam Domini et decorem Dei nostri. (Is. , xxxv, 2.)
LOURDES 18
314 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

les étendre. Elle nous invite tous à entrer dans sa


famille du Carmel , par l'affiliation à la Confrérie du
Saint Scapulaire. Oh ! que de grâces sont venues à la
terre par le saint Scapulaire ! « Mettez-le, nous dit
Marie, comme un signe sur votre cœur, comme un
signe sur votre bras » sur votre cœur pour vous
rappeler l'amour de votre Mère, et sur votre bras
et vos épaules pour vous apprendre à agir et à souffrir
avec elle en portant votre croix . Prenez-le comme un
bouclier pour vous défendre contre les traits de
l'ennemi. Marie nous couvre pour ainsi dire de ses
ailes comme la poule ses petits : Scapulis suis obum-
brabit tibi et sub pennis ejus sperabis. « Celui qui
habite dans la sauvegarde de notre Très Haute
Princesse sera sous la protection du Dieu du Ciel .
Il dira à Marie : Vous m'avez pris sous votre garde,
vous êtes mon refuge, vous êtes la Mère de mon
Dieu et j'espère en vous . C'est vous qui m'avez délivré
du filet des chasseurs et de tout malheur. Elle vous
revêtira de son scapulaire, et vous serez en sécurité
sous ses ailes. Sa tendresse vous couvrira comme
d'un bouclier : vous ne craindrez pas les terreurs
nocturnes , ni la flèche qui vole en plein jour, ni les
embûches dressées pendant la nuit , ni les assauts du
démon de midi . Mille tomberont à votre gauche et
dix mille à votre droite pour vous, vous ne serez
pas atteint. Le mal ne vous touchera pas, le malheur
n'approchera pas de votre demeure, parce que Marie
a ordonné à ses Anges de vous garder dans toutes
vos voies ; ils vous porteront dans leurs mains, de
peur que votre pied ne se blesse contre une pierre .
Vous marcherez sur l'aspic et le basilic, vous foulerez
LA DERNIÈRE APPARITION 315

le lion et le serpent 1. » Voilà les miséricordes de


Marie !
Mais pourquoi a-t-elle apparu à Lourdes le 16 juillet ?
C'est pour nous dire qu'elle vient à Massabielle avec
toutes les grâces du Mont-Carmel . Marie accorde sans
cesse de nouvelles faveurs, mais ne retire pas les
anciennes. En apparaissant à Lourdes, elle ne détourne
pas notre dévotion des anciens titres sous lesquels
elle a été honorée. Au contraire. De même qu'elle a
consacré la dévotion du Rosaire en nous donnant
l'exemple de le réciter, elle veut aussi confirmer celle
du saint Scapulaire par la coïncidence de cette fète
avec sa dernière Apparition . Ainsi elle vient à
Lourdes continuer ses grâces du Mont-Carmel . Comme
le Carmel, Lourdes sera un lieu tout consacré à Marie ,
un autre trône à sa gloire sur la terre . Comme le
Carmel, Dieu l'a donné à sa Mère. « La terre que
votre pied a foulé sera à vous 2 » , lui dit-il. Là
comme au Carmel, la vraie Abigail apaise son Fils
irrité contre les pécheurs insensés. Là comme au
Carmel le pied qui a broyé le serpent est glorifié,
l'Immaculée Conception est proclamée ; elle apparaît
comme au Carmel le principe de toutes les grâces ;
elle s'étend comme la petite nuée, elle couvre la
terre entière et la met à l'abri du Soleil de Justice ,
et Bernadette comme Elie pourrait dire « J'entends
le bruit d'une grande pluie » ce sont les grâces
figurées par la, source intarissable qui ne cessent de
se répandre à Massabielle .

1 Ps . XC.
2 Terra quam calcavit pes tuus erit pessessio tua. (Jos. , xiv, 9.)
316 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Nous nous réfugions sous votre protection , sous


votre Scapulaire, ô Notre-Dame de Lourdes, Reine
du Carmel, notre douce Mère, et nous savons que
nous y serons à couvert de tout danger. Ne rejetez
pas nos prières dans nos pressantes nécessités , mais
délivrez-nous de tout malheur, Vierge glorieuse , et
à jamais bénie !

Pratique. - Récitez aujourd'hui votre Rosaire en


l'honneur de Notre-Dame du Mont-Carmel et pour la
remercier du saint Scapulaire.

==
CHAPITRE TRENTE ET UNIÈME

De l'heure des Apparitions.

E trouverons-nous pas encore dans l'heure


des Apparitions un enseignement de notre
Mère ? La première eut lieu à midi , au
moment où Bernadette à genoux récitait
l'Angelus. La dernière eut lieu à huit heures du soir ;
les autres, le matin au lever du jour. Ce sont les
trois moments de la journée où l'Eglise salue la
Sainte Vierge par la récitation de l'Ave. Marie, en ce
montrant à ces heures, veut nous dire combien elle
aime ce pieux rendez-vous , où les chrétiens viennent
trois fois le jour la vénérer, et remercier Dieu avec
elle du bienfait de l'Incarnation. Elle veut nous faire
comprendre que c'est l'instant où elle vient elle-même
visiter et combler de grâces ses serviteurs . Et par là,
elle nous invite à lui rendre fidèlement cet hommage
qui lui rappelle les joies ineffables de sa Maternité.
Mais si l'Angelus est cher à la Sainte Vierge, com-
bien doit-il l'être à nous-mêmes ! Le concert des Anges
à Bethleem n'annonçait pas aux bergers une joie
plus grande que celle que l'Angelus nous rappelle
trois fois par jour. « Je vous annonce, nous dit-il ,
318 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

une grande joie, une joie universelle c'est qu'un


Sauveur vous est venu du Ciel . » Ecoutez plutôt :
« L'ange du Seigneur a annoncé à Marie, et elle a
conçu du Saint-Esprit » , et trois coups argentins reten-
tissent dans le silence de l'Eternité. Les trois adorables
Personnes sont suspendues aux lèvres de la Vierge.
Et Marie répond à l'Ange : « Voici la servante du
Seigneur qu'il me soit fait selon votre parole » ; et
trois nouveaux coups semblent le tressaillement de
joie de la sainte Trinité. « Et le Verbe s'est fait chair
et il a habité parmi nous ! » L'oeuvre s'est accomplie.
Dieu s'est fait homme, les trois éternelles Personnes
ont revêtu l'une d'elles de la nature qu'elle doit ra-
cheter. Et une longue mélodie s'élève et se continue,
c'est le Ciel qui chante Gloire à Dieu , paix à la
terre ! Et les heureux frères de Jésus le supplient,
par l'intercession de sa Mère, de leur faire la grâce
de profiter de la Rédemption qu'il vient opérer . Le
salut, notre salut éternel par la Passion de Jésus et
par le consentement de sa Mère, voilà ce que l'An-
gelus chante de clocher en clocher à toute la terre,
dans une harmonie sans cesse renouvelée , où la
variété des sons rappelle les hiérarchies célestes, où
les bourdons graves comme la voix des séraphins
s'unissent aux notes mélodieuses des Anges . Et à ces
sons bénis, le cœur de l'homme tressaille d'allégresse ,
et celui de Marie exulte de joie en Dieu son Fils et
son Sauveur.

Mais examinons de plus près les Apparitions des


trois Angelus, de midi, du matin et du soir.
La première Apparition eut lieu à midi . C'est l'heure
DE L'HEURE DES APPARITIONS 319

de la réfection et du repos au milieu du jour. C'est


un moment de joie et d'allégresse, après le travail du
matin, moment assez court, qui donne du courage
pour le reste de la journée, en attendant le repos
complet du soir . C'est le symbole des consolations
que Dieu accorde par moments, en attendant les joies
éternelles, à ceux qui luttent encore ici-bas . L'épouse
du sacré Cantique, qui désire ardemment jouir de
son Epoux et aspire au baiser de sa bouche dans
l'éternité, soupire aussi à goûter dès maintenant
quelques instants de repos sur son Cœur . Elle sait
qu'il n'est pas encore l'heure du repos définitif, mais
elle a besoin d'un avant-goût du Ciel ; il lui faut la
possession de son bien-aimé, qui la console du long
exil de cette terre. « Indiquez-moi , lui dit-elle , où
vous reposez à midi , où vous faites paître votre trou-
peau, de peur que je ne m'égare à la poursuite des
troupeaux des autres pasteurs » : c'est-à-dire de peur
que, ne goûtant pas votre présence, je m'affectionne
aux créatures et cesse de vous rechercher vous seul¹ .
Ce que l'âme sainte désire, l'Eglise aussi en a be-
soin dans son long pèlerinage, il lui faut des heures
de paix où elle se repose des persécutions, des con-
tradictions des hommes, où elle sente son Epoux plus
près d'elle, plus aimant en quelque sorte, plus tendre,
plus compatissant.
Or, voici qu'à Lourdes la Jérusalem céleste se ré-
vèle : c'est Marie qui apparaît , mais l'on sent Jésus

1 Indica mihi quem diligit anima mea, ubi pascas, ubi cubes in
meridie, ne vagari incipiam post greges sodalium tuorum.
(Cant., 1, 6.)
320 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

avec elle. Le Roi est dans son repos de midi , et le


parfum de la Reine répand son odeur délicieuse ¹ .
Marie, dans son bonheur, s'est souvenue de ses
pauvres enfants de la terre. Déjà elle a tant fait pour
eux ! Elle s'est montrée à la Salette , elle a pleuré
devant nous, et nous n'avons pas compris ses larmes.
Alors elle veut nous faire sentir les joies que l'on
goûte au service du Seigneur. « O mon bien-aimé,
dit-elle à son Fils, montrez-leur donc où vous reposez
à midi , où vous paissez vos agneaux ; montrez-leur
les joies ineffables que vous réservez à ceux qui vous
aiment , de peur que je ne m'égare en vain à la pour-
suite de vos frères, de ceux dont vous vous êtes fait
le compagnon et l'ami . » Et Jésus lui répond : « 0
ma Mère, ignorez-vous donc que vous êtes vous-même
le lieu de mon repos ? Eh bien ! sortez du Paradis, ô
la plus belle des femmes ; montrez-vous, allez à la
recherche de vos brebis , amenez vos chevreaux aux
saints Tabernacles 2. >>
Et Marie apparaît avec tous ses charmes , ces
charmes qui ravissent son Bien-Aimé. Nos cœurs
aussi sont captivés, subjugués par tant de beauté. Mais
Marie a un autre dessein . Si Jésus, au Ciel , repose
en Marie, il a sur la terre un autre repos où il donne
à ses brebis la nourriture et le bonheur : c'est en
l'Eucharistie . C'est là que Jésus repose dans son plein
et brûlant midi , à l'apogée de son amour. Et c'est là
que Marie nous amène.
1 Dum esset Rex in accubitu suo, nardus mea dedit odorem suum .
(Cant. , I, 11. )
2. Si ignoras te, o pulcherrima inter mulieres, egredere et abi
post vestigia gregum, et pasce hædos tuos juxta tabernacula pasto.
rum. (Cant., 1, 7.)

ག་ ་་་་ ་
DE L'HEURE DES APPARITIONS 321

Mais elle veut nous faire pénétrer en quelque sorte


jusqu'aux entrailles du Sacrement d'amour , nous
faire connaître le Cœur que saint Jean sentit battre à
la Cène . Et alors elle apparaît dans le creux du
rocher, symbole du Sacré-Cœur . Elle veut nous ré-
véler que le Sacré-Cœur est son repos à elle, son
repos de midi , et c'est pourquoi elle se montre à
l'heure de l'Angelus, dans la caverne du rocher. O
Marie, nous savons maintenant où vous reposez à
midi et où vous menez vos brebis paître, et nous ne
voulons plus nous égarer en nous mêlant à des trou-
peaux que vous ne conduisez pas. Nous nous cache-
rons avec vous dans le Cœur adorable, où vous nous
apparaissez, comme une blanche colombe retirée dans
le creux du rocher !

Les Visions suivantes, sauf encore une à midi,


eurent lieu le matin , dès le lever du jour . C'est pour
nous faire comprendre cette parole que l'Eglise met
sur les lèvres de Marie : « Ceux qui se réveillent de
bonne heure pour me chercher me trouvent ¹ . » Et
elle en donne la raison : « J'aime ceux qui m'aiment 2. >>
Or, cet empressement à chercher Marie dès le matin
est une grande preuve d'amour . Le propre de l'amour,
c'est de conserver dans le cœur la pensée de celui que
l'on aime, au point que cette pensée poursuive même
pendant le sommeil et se présente à l'esprit dès le
réveil . C'est ainsi que le prophète Isaïe disait au
Seigneur «< Mon âme vous a désiré pendant la nuit,

1 Qui mane vigilant ad me invenient me. (Prov. , vur, 17.)


2 Diligentes me diligo. (Ibid.)
322 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

et je m'éveille dès le point du jour pour vous chercher


de toutes les puissances de mon cœur ¹ . » Heureuse
donc l'âme qui cherche Jésus et Marie dès l'aurore de
chaque journée . Heureux surtout ceux qui les ont
aimés dès le matin de la vie, dès la jeunesse. Le
Seigneur veut les prémices. Tout est à lui ; que s'il
nous abandonne ses dons, rendons-les-lui au moins ,
comme le tribut le plus pur et le meilleur, et non
point des restes misérables . Et puis le matin est le
commencement du travail . Marie n'apparaît que deux
fois à midi , et maintes fois à l'aurore, pour nous
montrer que sur cette terre le repos est rare et le
labeur presque continuel . Or, Marie vient sanctifier
nos peines encore plus que nos joies, car c'est dans
la souffrance surtout que l'âme se sanctifie .

Enfin, la dernière Apparition eut lieu à l'Angelus


du soir. La nuit est le symbole de la mort. Il était
donc convenable que la dernière visite de notre Mère ,
où elle nous dit au revoir et nous donne rendez-vous
au Ciel , eût lieu le soir. Elle veut nous faire com-
prendre combien la mort est douce et suave pour les
serviteurs de Marie . L'histoire des fidèles dévots de
la Sainte Vierge nous en fournit une multitude de
preuves éclatantes . On les entend s'écrier , à l'heure
dernière «< Jamais je n'eus cru qu'il fût si doux de
mourir ! » Mais quoi d'étonnant ? Tant de fois ils lui
ont répété : « Priez pour nous à l'heure de notre
mort ! » Marie a entendu ces prières, et maintenant

' Anima mea desideravit te in nocte, sed et spiritu meo in præcor-


diis meis de mane vigilabo ad te. (Is. , XXVI, 9.)
DE L'HEURE DES APPARITIONS 323

elle va les exaucer. Elle est là , au chevet du malade,


elle l'assiste et le console. Parfois on l'a vue essuyer
d'un linge le visage de l'agonisant . Elle éloigne les
terreurs et les tentations, elle inspire les sentiments
d'une confiance pleine d'abandon . Son nom , uni à
celui de Jésus, est la sauvegarde du pauvre mourant.
Enfin, elle reçoit son âme et va défendre sa cause
comme une puissante avocate devant le tribunal du
divin Juge. Oh ! c'est là que nous aurons besoin d'elle !
« O Marie, lui crie saint Bonaventure , vous êtes la
Mère de Dieu et la mère du pécheur, la mère du
Juge et la mère de l'exilé ne permettez pas que
votre Fils le Dieu condamne votre fils le coupable. >»
Et assurément Marie ne le permet pas le serviteur
de Marie ne périra jamais.

Ne m'abandonnez jamais, ô Mère de miséricorde !


Assistez-moi tous les jours de ma vie et surtout à
l'heure de ma mort. Ne permettez pas que votre
pauvre serviteur soit séparé de vous pour l'Eternité !

Pratique. - Récitez le très saint Rosaire pour demander


la grâce d'une bonne mort.
CHAPITRE TRENTE- DEUXIÈME

Le règne de Jésus par Marie.

' EST par la Très Sainte Vierge Marie que


Jésus-Christ est venu au monde et c'est
aussi par elle qu'il doit régner dans le
monde. Si Jésus vient une seconde fois
sur la terre (comme il est certain) pour y régner , il
ne choisira pas d'autre voie de son voyage que la
divine Marie, par laquelle il est si sûrement et si
parfaitement venu la première fois. La différence
qu'il y aura entre la première et la dernière venue,
c'est que la première a été secrète et cachée , et que la
seconde sera glorieuse et éclatante .
Ces lignes ont été écrites, il y a deux siècles, par un
illustre serviteur de Marie, mort en 1716 et récemment
béatifié par Léon XIII, le B. Louis-Marie Grignon de
Montfort, fondateur de la Compagnie de Marie et des
Filles de la Sagesse. Cet homme incomparable a laissé
un « Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge¹ » ,
où il prédit que Dieu a résolu de glorifier sa Mère et

1 Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, par le B. Gri


gnon de Montfort. Oudin, 10, rue de Mézières, Paris. 1 fr.
Voir aussi Le secret de Marie, par le même. Oudin, 0 fr. 20.
LE REGNE DE JÉSUS PAR MARIE 325

d'être glorifié en elle. Il annonce le Siècle de Marie :


<«< Et quand sera-ce, dit-il, que viendra ce siècle ? Ce
sera quand on prêchera la dévotion que j'enseigne...
Mais, ajoute-t-il, je prévois que des bêtes frémissantes
s'élèveront contre ce petit écrit pour le détruire, ou
au moins pour l'envelopper dans le silence d'un
coffre, afin qu'il ne paraisse point. » Cette triple
prédiction s'est accomplie à la lettre. En effet les
Jansenistes, qui furent les ennemis acharnés du Bien-
heureux , s'efforcèrent toujours d'étouffer ses enseigne-
ments . Son Traité ne fut pas imprimé du vivant de
son auteur. Mais la Providence le réservait pour
notre époque. Il disparut, on le perdit pendant plus
d'un siècle, et ce ne fut qu'en 1842 qu'on le retrouva
au fond d'un coffre, enseveli sous mille papiers.
Reconnu alors comme l'œuvre du Bienheureux, il fut
publié, examiné à Rome et trouvé digne d'approbation .
Or, c'est bien à partir du temps où il a commencé à
être connu des fidèles , que les progrès de la dévotion
à la Très Sainte Vierge ont fait du XIXe siècle ,
véritablement, le siècle de Marie. C'était donc pour
notre temps que Dieu se réservait de faire connaître
à la terre son chef-d'œuvre et de révéler à la face des
nations la gloire de sa Mère, comme l'Eglise le chante
dans l'office de l'Immaculée Conception : Notum fecit
Dominus opus suum ; in conspectu gentium revelavit
gloriam Genitricis suæ.
Or, voici en résumé la magnifique doctrine que
nous lisons dans le livre du B. de Montfort :
Marie n'est sans doute qu'une simple créature ;
néanmoins , il a plu au Seigneur d'en faire l'instru-
ment de toutes ses œuvres. Ce n'est que par elle qu'il
LOURDES 19
326 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

a donné son Fils au monde . Ce que les soupirs et les


prières des Patriarches et des Prophètes n'avaient pu
obtenir, l'humilité et l'amour de Marie l'ont obtenu .
Dieu a tant aimé Marie qu'il lui a donné son Fils
unique. Le Verbe est descendu dans son sein ; il lui a
emprunté la chair et le sang nécessaires pour devenir
notre frère et notre Rédempteur. Il l'a associée à
toutes ses œuvres . C'est par elle qu'il a commencé le
salut du monde et l'a accompli sur la Croix ; c'est par
elle aussi qu'il achèvera son œuvre. Et quand Jésus-
Christ établira son règne sur toutes les nations en
son second avènement , ce sera elle qui en sera
l'instrument.
Mais le premier avènement de Jésus a été humble
et caché, et le second au contraire sera glorieux et
éclatant . Il en sera de même pour Marie. Dans le
premier avènement elle n'a presque point paru . Son
attrait le plus puissant a été de se cacher à toute
créature et à n'être connue que de Dieu seul . Et
Dieu , pour l'exaucer, a pris plaisir à la cacher. Le
Père a consenti qu'elle ne fît presque point de miracles
en sa vie , bien qu'il lui en eût donné la puissance.
Le Fils a consenti qu'elle ne parlât presque point,
bien qu'il lui eût communiqué sa sagesse . Le Saint-
Esprit a consenti que les Evangélistes en parlassent
très peu, bien qu'elle fût son épouse fidèle. Elle était
bien la vraie Esther, dont le nom signifie « inconnue,
cachée » occulta, abscondita . Mais à la fin des temps
Dieu révélera enfin le chef-d'œuvre de ses mains. Il
accomplira en elle sa promesse que «<< celui qui
s'abaisse sera exalté », non seulement au Ciel mais
sur la terre, et devant toute créature.
LE RÈGNE DE JÉSUS PAR MARIE 327

Dieu veut la montrer au monde pour sa propre


gloire à lui-même et pour en être loué. Et c'est au
temps où le monde a moins de foi et d'amour, que le
Seigneur s'est réservé de mettre en lumière son
œuvre la plus belle. Ainsi Marie prépare les voies à
la venue du Christ dans sa gloire, comme l'aurore
annonce et précède la clarté du jour. Les âmes de
bonne volonté seront par là averties d'attendre Jésus-
Christ et disposées à le reconnaître , quand elles
auront vu les merveilles, les bienfaits et les charmes
de celle qui est sa Mère ; et les impies n'auront plus
d'excuse de résister au Sauveur, quand ils auront été
si fortement sollicités par les miséricordes de la Sainte
Vierge. Marie est la voie par où Jésus est venu à
nous. Il eût pu en prendre une autre ; mais il a voulu
naître d'une femme, comme nous, afin de devenir
notre frère . C'est aussi comme notre frère qu'il re-
viendra aux derniers jours, pour nous ramener à son
Père et à notre Père, et nous faire entrer dans la
maison paternelle . Il viendra donc avec sa Mère et
notre mère, et par elle, bien que non de la même
manière qu'en l'Incarnation . C'est qu'il veut que
nous-mêmes n'approchions de Lui que par Marie, car
on ne le trouve qu'avec sa mère. Et comme il veut
être trouvé et attirer à lui toute la terre , il faut donc
qu'il montre sa Mère, qu'il l'exalte, et la présente à
tous les regards .
Ainsi, plus que jamais, Marie doit faire éclater ses
charmes et sa miséricorde pour ramener les pauvres
pécheurs, et tous ceux qui vivent misérablement hors
de la très sainte et unique Eglise catholique . Elle
doit manifester sa puissance contre les impies qui,
328 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

avec les démons, s'efforcent de pervertir les âmes et


de les entraîner en enfer. Enfin , elle doit répandre
ses grâces les plus abondantes dans ses fidèles servi-
teurs, pour les soutenir contre leurs ennemis . C'est
pourquoi aux derniers temps elle doit apparaître
terrible comme une armée rangée en bataille pour
combattre l'Antechrist et ses soldats . Car c'est princi-
palement de ces dernières et cruelles luttes que l'on
doit entendre cette célèbre prédiction que fit Dieu au
paradis terrestre, disant au serpent : « Je mettrai des
inimitiés entre toi et la femme, et ta race et la sienne ;
elle-même t'écrasera la tête, et tu dresseras des em-
bûches à son talon. » Et c'est alors que le pouvoir de
Marie sur tous les diables éclatera merveilleusement.
<< Enfin, ajoute le B. Grignon , Dieu veut que sa
sainte Mère soit à présent plus connue, plus aimée ,
plus honorée que jamais elle n'a été, ce qui arrivera
sans doute si les prédestinés entrent avec la grâce et
les lumières du Saint-Esprit dans la pratique inté-
rieure et parfaite que j'enseigne . Pour lors ils verront
clairement cette belle Etoile de la mer, ils connaîtront
les grandeurs de cette Souveraine, et ils se consacre-
ront entièrement à son service comme ses sujets et
ses esclaves d'amour . Ils connaîtront les miséricordes
dont elle est pleine, et les besoins où ils sont de son
secours, et ils auront recours à elle en toutes choses,
comme à leur chère avocate et médiatrice auprès de
Jésus-Christ. >>

Voilà les pensées qui agitaient le cœur d'un pauvre


et humble missionnaire dans les premiers jours du
XVIIIe siècle. Certes, les cent ans qui suivirent ne
LE REGNE DE JESUS PAR MARIE 329

semblaient pas de nature à le faire passer pour


prophète. Que Marie y était oubliée ! Que Jésus était
insulté ! Que la Religion, ses pontifes, ses ministres
recevaient d'outrages ! Et puis vint la Révolution ,
comme le triomphe de Satan sur la terre. Mais enfin
voici que Marie vient nous consoler. Dieu va nous
sauver, et il le fait par Marie, comme le B. Grignon
l'a annoncé. Il l'envoie nous visiter à Paris , à la
Salette, à Lourdes , à Pontmain, à Pellevoisin . Elle
apparaît pleine de charmes et de douceur . Voici toutes
les prophéties du B. de Montfort qui se réalisent.
Marie s'est humiliée autrefois : comme elle est exaltée
maintenant par la définition de l'Immaculée Concep-
tion , et les acclamations de toute la terre ! Comme sa
miséricorde éclate par tant de conversions, de guéri-,
sons, de grâces de toutes sortes ! Combien se manifeste
sa force, contre laquelle la rage de l'enfer est im-
puissante ! Que de joie et de courage elle répand dans
les cœurs qui lui sont fidèles ! Et ce n'est qu'un
commencement. Attendons-nous à de plus grandes
merveilles .
Mais ne nous étonnons pas si nous voyons aussi de
terribles luttes . « Que trouverez-vous en la Sulamite,
sinon des chants de combat¹ ? » Marie est appelée
Sulamite, c'est-à-dire Pacifica, la Reine de paix , la
Pacificatrice. Mais la paix ne vient qu'après la bataille
et la victoire . Marie est toujours dans les combats,
depuis cette prophétie du Seigneur à Satan : « Je
mettrai la guerre entre toi et la femme . » Mais elle
est toujours la plus forte, parce qu'elle a mis sa

1 Quid videbis in Sulamite nisi choros castrorum ? (Cant. , vii, 1.)


330 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

confiance dans le Seigneur. Son mot d'ordre est : « Je


suis la servante du Seigneur ! » et Satan a pour cri :
« Je n'obéirai pas ! » Comment l'issue serait-elle
douteuse, puisque l'obéissant chante toujours victoire ?
Vir obediens loquetur victorias . Que trouverons-nous
donc en la Sulamite, sinon des chants de triomphe ?
«< O mon amie , lui dit son Epoux , je vous ai faite
<
semblable à ma cavalerie au milieu des chars de
Pharaon ¹ . » De même que j'ai renversé et détruit par
mes Anges comme par des escadrons invincibles toutes
l'armée égyptienne, ainsi vous vaincrez Satan et les
ennemis de mon peuple ; et comme l'ancienne Marie
vous chanterez avec les élus : « Célébrons le Seigneur,
car il a fait éclater sa gloire , il a précipité dans la
mer le cheval et le cavalier. » La mer les a engloutis
comme une pierre, ils sont tombés au fond des
abîmes .

O Vierge bénie, nous n'en doutons pas , votre


triomphe est proche. Vous avez détruit toutes les
hérésies par toute la terre . Vous achèverez votre
œuvre aucune n'échappera . Vous anéantirez le
Protestantisme , vous écraserez la Franc-Maçonnerie.
Venez donc ; déployez la force de votre bras et faites
régner à jamais votre Fils sur les hommes.

Pratique. Dites un Rosaire pour que le règne de


Jésus et de Marie s'établisse par toute la terre.

1 Equitatui meo in curribus Pharaonis assimilavi te, amica mea.


(Cant. , 1, 8.).
2 Abyssi operuerunt eos, descenderunt in profundum quasi lapis.
(Exod. , xv, 5.)
CHAPITRE TRENTE- TROISIÈME

Comment s'établira le règne de Jésus


par Marie.

E règne de Jésus et de Marie arrivera,


ajoute le B. Grignon de Montfort, « quand
on prêchera la dévotion que j'enseigne . »
Or, entre cette dévotion et les Apparitions
de Lourdes il y a une profonde harmonie.
Marie, en se montrant à nous si belle et en nous
disant : « Je suis l'Immaculée Conception »> , nous
rappelle ce que nous serions sans le péché. Mais, si
elle en a été seule préservée, ne désespérons pas de
nous-mêmes, car Dieu nous a relevés. Nous avons
été souillés, il est vrai, par la faute originelle : mais
Jésus nous a rachetés . Et c'est par le saint baptême
que sa Rédemption nous profite. A cet heureux
moment où l'eau sainte coula sur notre front, nous
avons été entièrement purifiés . Notre âme était devant
Dieu, pure comme l'Immaculée . Marie en nous mon-
trant ses grandeurs vient aussi nous rappeler les
nôtres.
Le baptême voilà notre grand et glorieux privi-
lège à nous. Si nous ne sommes pas conçus sans
332 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

péché, nous sommes baptisés. Y pensons-nous assez ?


Réfléchissons - nous quelquefois au bonheur d'être
baptisés ? Remercions-nous Dieu , dans des transports
de reconnaissance, de nous avoir , sans l'ombre d'un
mérite de notre part, appelés à une pareille faveur ?
Baptisés, qu'est - ce à dire ? Baignés , lavés dans le
sang de Jésus-Christ, ensevelis dans sa Passion et sa
mort, pour en sortir avec lui ressuscités, vivant à
une vie nouvelle. Quelle vie ? Non plus une vie
humaine, naturelle, mais la vie même de Dieu . La
sainte Trinité est descendue dans notre âme. Le Père
nous appelle désormais, et nous sommes véritable-
ment ses enfants enfants adoptifs, il est vrai, mais
non pas d'une adoption comme celles de la terre,
qui ne créent aucun lien réel entre les personnes .
L'adoption divine nous fait enfants réellement, puis-
qu'elle nous rend participants de la nature de Dieu,
semblables à Lui, beaux comme Lui aux yeux des
Anges, et par là nous donne un droit strict à la
gloire, comme à l'héritage de notre Père. Le Verbe
fait homme nous appelle alors ses frères et nous le
sommes. Lui est le Fils aîné de Dieu , le premier-né
d'une nombreuse famille : notre frère selon la grâce,
puisque nous participons comme lui à la nature de
son Père ; notre frère selon la chair par Marie et
Adam ; notre frère bien-aimé qui nous a rachetés
au prix de ses souffrances et de sa mort, qui nous
nourrit de son corps et de son sang, qui nous prépare
des places au Ciel près de son Père . Et le Saint-Esprit
habite en nous comme en ses temples. Jésus nous le
donne, comme la vigne communique sa sève aux
rameaux ; et lui , il nous donne la vie de Jésus,
COMMENT S'ÉTABLIRA CE RÈGNE ? 333

comme la sève répand dans les rameaux la vie et


la fécondité de la vigne. Ainsi par le saint baptême
nous sommes unis à Dieu , nous devenons de sa
famille, les membres de ce corps mystique dont Jésus
est la tête et Marie le cou charmant , dont le Saint-
Esprit est l'âme et dont Dieu est le Principe et le
Père.
Oh ! que de merveilles ! Et nous n'y pensons pas,
et la terre est désolée uniquement parce que personne
ne réfléchit à tant de grandeurs 1 .
Eh bien, le remède à tous nos maux est précisé-
ment d'y penser, de comprendre la grâce de notre
baptême et les devoirs qu'il nous impose : car, si nous
y pensions bien, nous serions fidèles à les pratiquer,
selon que le Seigneur nous en assure : « Pensez à
vos fins dernières et vous ne pécherez pas. »

Le remède, donc, c'est le Renouvellement et l'obser-


vation fidèle des vœux du Baptême. Remarquons bien
ce mot les vœux. Car au saint baptême nous avons
fait des vœux : le vœu de renoncer au démon , à ses
pompes et à ses œuvres, et le vœu d'appartenir à
Jésus-Christ pour toujours . Or c'est là, dit saint Au-
gustin, le vœu le plus grand et le plus indispensable
qu'on puisse faire Votum maximum nostrum quo·
vovimus nos in Christo esse mansuros. Sans doute ce
n'est pas l'enfant lui-même qui le prononce ; mais
la promesse faite en son nom l'oblige strictement. Il
n'en est pas de cette promesse comme du vœu que
font quelquefois les parents de consacrer leurs en-
1 Desolatione desolata est terra quia nullus est qui recogitet
corde ! (Jer., XII, 11 ,)
334 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

fants au Seigneur dans la vie religieuse . Ce vœu-là,


l'enfant peut l'accomplir ou non il est libre. Mais
pour les vœux du baptême, ils obligent absolument,
et l'Eglise ne consent à donner ce sacrement à un
enfant que parce que ses parents s'engagent à sa
place. Les sacrements, en effet, ne peuvent être reçus
sans qu'on les accepte. Si donc on donne le baptême
aux enfants, c'est qu'on présume leur consentement ,
et leurs parrains répondent pour eux qu'ils le rati-
fieront un jour. Mais on ne peut accepter le bienfait
sans en accepter les charges, c'est-à-dire l'obligation
d'appartenir au Christ et de renoncer à Satan . C'est
pourquoi l'Eglise ne donne pas le baptême aux enfants
sans le consentement des parents et sans l'obligation
pour eux de les élever dans la religion catholique.
Or, quelle est la portée de ce vou ? Il oblige à
être fidèle au Christ. Et c'est pourquoi , si on le viole
par le péché, la culpabilité du baptisé est beaucoup
plus grande que serait celle d'un non-baptisé. Il y a
dans l'enfer des châtiments réservés aux chrétiens,
des puits, des abîmes plus profonds, plus horribles
que ceux où vont les infidèles. Avant la Rédemption,
nous disent les révélations des Saints, personne n'était
tombé encore dans ces gouffres épouvantables , et les
démons s'étonnaient de ne pouvoir y précipiter
personne. Mais qu'ils sont peuplés, depuis que les
hommes ont abusé du sang de Jésus-Christ et trahi
leur baptême !
Mais, ô réflexion accablante ! qui donc observe les
vœux de son baptême ? Qui n'a violé la fidélité jurée
à Jésus-Christ ? « Tu n'es pas chrétien, mais Cicéro-
nien » , disait le divin Juge à saint Jérôme, ravi en
COMMENT S'ÉTABLIRA CE RÈGNE ? 335

esprit devant son Tribunal. A combien d'autres il


pourrait dire « Vous n'êtes pas chrétiens, mais
Lucifériens ! » car vous ne suivez pas la loi du
Christ, mais les volontés de Lucifer.
Que faire ? S'humilier , demander pardon , faire
pénitence, et, pour l'avenir, renouveler de tout notre
cœur, et cette fois avec sincérité, et une résolution
énergique, les vœux de notre baptême.
Mais le grand moyen d'être fidèle , c'est d'aimer :
c'est pourquoi il faut surtout comprendre et pratiquer
la deuxième partie de la formule de rénovation : « Se
consacrer à Jésus pour toujours . » Le Catéchisme du
Concile de Trente dit que nous devons nous consacrer
à notre Seigneur et Rédempteur, non secus ac man-
cipia, «< comme des esclaves . » Mancipia ! c'est le
terme qui en latin désigne l'esclavage dans ce qu'il
a de plus absolu , de plus abaissant, dans ce qui
constitue l'homme comme la propriété d'un autre
qui peut en faire tout ce qu'il veut. Or, c'est ce que
nous sommes par rapport à Notre-Seigneur. Il nous
a créés nous sommes donc à lui totalement. Mais
de plus, il nous a rachetés, c'est-à-dire délivrés d'une
servitude épouvantable, éternelle, du maître le plus
odieux . Que nous sommes donc bien à notre libéra-
teur, mille fois plus que le captif de guerre n'appar-
tenait jadis au vainqueur qui voulait bien lui faire
grâce de la vie ! Mais l'esclavage peut être de con-
trainte ou de volonté. Les damnés et les démons sont
par contrainte les esclaves de la justice de Dieu. Les
saints sont par volonté les esclaves de son amour :
c'est-à-dire que de plein cœur ils se donnent à celui
à qui ils appartiennent. Car « quel cœur, ajoute le
336 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Catéchisme du saint Concile , ne se sentirait pas


enflammé d'amour pour un Seigneur si grand et si
bon, si dévoué à notre bonheur, qui , nous ayant
rachetés par son sang , nous possède en sa puissance
et sous sa domination comme des esclaves, et cepen-
dant nous traite avec tant de charité, et daigne nous
appeler non plus ses esclaves et serviteurs, mais ses
frères et ses amis 1 ? >>
Or, voici comment nous pourrons être plus fidèles .
C'est de nous donner à Marie, et à Jésus par elle.
Jésus est notre fin dernière, parce qu'en lui seul
habite la plénitude de la Divinité ; en lui seul nous
avons été bénis de toute bénédiction spirituelle. Il est
notre unique Maître, notre unique Chef, notre unique
Modèle. Mais Jésus ayant choisi Marie pour être la
compagne inséparable de sa vie, de sa mort, de sa
gloire et de sa puissance, lui a donné par grâce tous
les privilèges qu'il possède par nature. Donc, n'ayant
tous deux que la même volonté et la même puissance,
ils ont tous deux les mêmes sujets et esclaves. Ah !
ne craignons point que d'appartenir à Marie nous
éloigne de Jésus-Christ ! La plus forte inclination de
Marie est de nous unir à son Fils, et le plus grand
désir de Jésus est qu'on vienne à Lui par sa Mère.
De plus, Marie est Reine et Maîtresse du Ciel et de
la terre. Elle a donc autant de sujets et d'esclaves
qu'il y a de créatures. Mais parmi tant d'esclaves de
contrainte, n'est- il pas juste qu'elle ait des esclaves
d'amour ?
En quoi consistera cet esclavage d'amourenvers Marie?

1 Part. I. c III, § 4.
COMMENT S'ÉTABLIRA CE RÈGNE ? 337

Le B. Grignon de Montfort nous en donne le secret.


Il consiste à se dépouiller entièrement entre les mains
de la Très Sainte Vierge de tout ce qu'il est possible
de donner .
Il faut donc lui donner : notre corps avec tous ses
sens, ses membres, sa santé, sa vie ; notre âme avec
toutes ses puissances ; nos biens de fortune sans se
réserver la propriété d'un centime ; nos biens spiri-
tuels, c'est-à-dire nos grâces, nos mérites, nos vertus,
nos bonnes œuvres passées, présentes et futures. En
deux mots, tout ce que nous avons, dans l'ordre de
la nature et dans l'ordre de la grâce, sans rien nous
réserver, sans prétendre aucune autre récompense
que l'honneur d'appartenir à Jésus-Christ par elle et
en elle.
Or, par là on abandonne à Marie tout ce qu'on
peut lui donner, et plus même que les religieux ne
le font par leur profession car ils se réservent le
mérite de leur dépouillement, au lieu que par notre
parfaite consécration à Marie, nous lui abandonnons
la valeur satisfactoire et impétratoire de nos œuvres ,
dont elle peut disposer en faveur de qui il lui plaît .
C'est donc un sacrifice réel et très méritoire , et ce
mérite-là nous le lui remettons encore, mais assuré-
ment à notre grand profit , car elle nous le gardera ,
l'embellira et le transformera en une gloire ineffable .
Mais Marie offre à Jésus tout ce que nous lui
donnons. En se consacrant de la sorte à Marie, c'est
donc à Jésus que l'on se consacre, et on lui donne
tout ce qu'on peut lui donner, et de la manière la
plus parfaite . Car si nous-mêmes nous présentions
nos œuvres, peut-être Jésus les trouverait-il souillées
LOURDES 19*
338 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

par l'amour-propre et les rejetterait-il . Mais quand on


les lui offre par sa Mère Immaculée , il ne considère
pas tant le présent que celle qui le lui transmet.
Ainsi Marie, qui n'est jamais rebutée, fait recevoir
agréablement tout ce qu'elle apporte . Aussi saint
Bernard nous dit : « Quand vous voudrez offrir à
Dieu un petit présent, ayez soin de le confier aux
mains de Marie, si vous ne voulez être rejeté. »
Oh ! que cette dévotion est avantageuse à l'âme, et
quels progrès elle lui fait faire dans la sainteté ! Car
elle la dépouille de la volonté propre et la met sous
la dépendance continuelle de Marie. Comme elle
glorifie Dieu ! car elle nous fait le servir par les
mérites et dans l'esprit de Marie . Comme elle réjouit
la Sainte Vierge ! car elle est une bonne Mère. Elle
aime ceux qui l'aiment et qui vivent près d'elle, avec
elle, en elle et pour elle. Celui qui l'honore ainsi
par une union continuelle à son esprit, elle l'accepte
comme son enfant chéri . Elle le fait s'engloutir dans
l'abîme de ses grâces ; elle l'orne de ses mérites, elle
l'appuie de sa force , elle l'éclaire de sa lumière, elle
l'embrase de son amour, elle lui communique ses
vertus, elle le dirige avec une tendresse maternelle
et pourvoit à tous ses besoins.
Voilà le secret que nous enseigne le B. Grignon de
Montfort ramener les âmes à Jésus par sa Mère,
par le renouvellement des vœux du baptême et la
parfaite consécration à Marie. Et il a prédit que le
règne de Marie, et de Jésus par elle, arriverait quand
on prêcherait cette dévotion.
Et certainement il en sera ainsi . Marie vient
prendre possession des âmes pour les donner à Jésus,
COMMENT S'ÉTABLIRA CE RÈGNE ? 339

et le triomphe de la Mère sera celui du Fils . Et c'est


pourquoi Dieu lui a donné, à notre époque, une si
grande action sur l'Eglise. Tant de grâces , tant
d'apparitions, tant de manifestations éclatantes de son
intercession, nous sont une preuve que par Marie il
veut rendre au monde une vie nouvelle . Heureux
sommes-nous de vivre en ces temps ! Ne craignons
rien , malgré les fureurs de l'enfer, malgré les menaces
des suppôts de Satan . Ils sont la poussière que le vent
de la justice divine balaiera de la terre , tandis que le
roc inébranlable demeurera, et dans le cœur de la
pierre la radieuse Vierge, l'Immaculée Conception .
Attendons le triomphe de l'Eglise avec confiance ;
mais hâtons-le par l'ardeur de nos désirs et la ferveur
de nos prières !

Immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu , Notre-


Dame du Très Saint Sacrement , Notre - Dame des
Victoires, Notre-Dame de la Paix , Reine de France,
Reine du Très Saint Rosaire, ramenez-nous au Cœur
Sacré de Jésus, votre Fils ; donnez à votre peuple
qui vous implore , un nouveau gage de votre toute-
puissante et toujours maternelle protection !

Pratique. Récitez le très saint Rosaire pour le


règne de Jésus par Marie.
CHAPITRE TRENTE - QUATRIÈME

Pourquoi la Sainte Vierge


nous enseigne-t-elle par des symboles ?
wwwww

EUT-ÊTRE une question s'est-elle présentée


plusieurs fois à l'esprit du lecteur , et il
faut y répondre. « S'il est vrai que Marie
ait voulu dans ses Apparitions nous ensei-
gner tant de choses , pourquoi ne les a-t-elle pas
énoncées clairement ? Pourquoi les voiler sous des
figures et des symboles ? »
Marie n'a fait qu'imiter en cela son divin Fils qui
ne parlait aux Juifs qu'en paraboles. Et comme ses
disciples lui en demandaient la raison , il leur répon-
dit : « Pour vous, il vous est donné de connaître le
mystère du royaume de Dieu : aux autres, au con-
traire, à ceux du dehors , on ne les dit qu'en para-
boles ¹ . » Ainsi le mystère n'est que pour les étrangers ;
les enfants de la famille doivent pénétrer le sens des
figures . Si parfois ce sens leur échappe un instant ,
Jésus en semble étonné . « Eh quoi ! leur dit-il , êtes-

1 Illis qui foris sunt in parabolis omnia fiunt. (Marc., iv, 11.)
POURQUOI CES SYMBOLES ? 341

vous donc, vous aussi, sans intelligence ? » Ce qui


nous montre bien que Dieu désire nous voir rechercher
les significations mystiques de ses œuvres, et com-
prendre les leçons qu'il veut nous y donner.
Or, ces leçons symboliques sont pleines de lumi-
neuses clartés . Elles puisent dans les figures employées
une bien plus grande force que n'en ont de simples
paroles . C'est pourquoi Dieu les employait si souvent
par ses prophètes. Il ordonne à . Ahias de déchirer
son manteau en douze parts et d'en donner dix à
Jeroboam : « C'est ainsi, dit le Seigneur, que le
royaume d'Israël sera divisé 2. » Il dit à Jérémie de
cacher sa ceinture sous une pierre humide, et quand ,
plus tard, il la retrouve toute pourrie et hors d'usage :
<< Voilà, dit le Seigneur, comment je traiterai l'orgueil
de Juda et de Jérusalem, ce peuple mauvais qui ne
veut pas écouter ma voix : il sera comme cette
ceinture pourrie et dont · on ne peut plus se
servir ³ . » La leçon est éloquente : elle se grave dans
l'esprit, grâce au symbole.
En outre, on trouve ce sens caché d'autant plus
qu'on le cherche, et on le retient d'autant mieux
qu'on l'a soi- même trouvé. Le mystère même excite
à chercher, et c'est dans la méditation et par la prière
que l'on découvre la vérité. Ainsi, vraiment on est à
l'école de Dieu, et c'est à lui qu'on demande l'expli-
cation de l'énigme qu'il a lui-même posée . Toute
l'Ecriture , toutes les actions de Jésus, toute la liturgie
de l'Eglise, sont pleines de ces symboles . Les livres
des docteurs, les méditations des chrétiens sur la

1 Matth. , xv, 16. - 2 III Reg. , XI, 31.3 Jer. , XIII, 9.


342 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

terre, et les contemplations des saints au Ciel ont pour


but de les comprendre, de les goûter, de les adorer.
Or, c'est un champ inépuisable... Plus on étudie,
plus on découvre de merveilles ; plus on prie, plus
on est éclairé. Sans cesse on aperçoit de nouveaux
mystères, sans cesse on reçoit des leçons plus belles .
Même au Ciel les élus, dit-on, vont de clartés en
clartés . Voilà pourquoi aussi la Très Sainte Vierge
nous instruit à Lourdes par les différents symboles
que nous avons essayé d'expliquer ; et bien loin
d'avoir épuisé l'explication des leçons de notre Mère,
nous confessons n'avoir fait que les effleurer, sans
préjudice des sens beaucoup plus beaux et plus im-
portants que d'autres y découvrent sans doute.
Contemplons donc souvent la douce image de
Notre-Dame de Lourdes, ayons-la sous les yeux ,
prions devant elle. Regardons tantôt le rocher, tantôt
la blanche Apparition , tantôt les roses, tantôt la fon-
taine . Habituons notre esprit à ces mystères . Si nous
avons eu le bonheur de faire le pèlerinage de Massa-
bielle , retournons-y souvent par la pensée. Puisque
la Sainte Vierge a daigné s'y faire notre maîtresse,
soyons de bons écoliers, soyons dociles à écouter et
à comprendre les leçons de notre Mère. Regardons ce
qu'elle fait ses yeux fixés au Ciel, ses mains jointes,
ou faisant glisser le Rosaire ; entendons ses douces
paroles «< Pénitence ! Allez boire à la fontaine ! Je
vous rendrai heureux au Ciel ! » Et alors Jésus lui-
même pourra nous dire : « Heureux vos yeux parce
qu'ils voient, et vos oreilles parce qu'elles entendent¹ ! »
1 Vestri autem beati oculi quia vident, et aures vestræ quia
audiunt. (Matth. , xi , 16.)
POURQUOI CES SYMBOLES ? 343

Car, hélas ! il y en a qui ont des yeux et ne voient


pas, des oreilles et n'entendent rien ! Et c'est pour
ceux -là précisément que Dieu cache ses leçons , comme
Jésus le disait à ses Apôtres à propos des Juifs : « Je
leur parle en paraboles, parce qu'en voyant ils ne
voient point, et qu'entendant ils n'entendent ni ne
comprennent, et en eux s'accomplit la parole d'Isaïe :
<<< Vous entendrez de vos oreilles et vous ne com-
prendrez point ; vous verrez de vos yeux et vous ne
verrez point ¹ . »
C'est l'histoire de tous ceux qui jadis ont vu le
Messie et n'ont pas été convertis par ses miracles ; et
c'est celle de tous ceux qui , de nos jours , ont appris
les merveilles de Lourdes , et n'y ont point reconnu
le doigt de Dieu . A eux Marie ne révèle pas les
sublimes leçons voilées sous ses symboles . Elle les
leur cache, au contraire, selon que Jésus l'ordonne,
disant « Ne donnez point votre pain aux chiens , et
ne jetez pas vos perles devant les pourceaux 2. » Ils
sont comme ces pharisiens orgueilleux qui refusèrent
d'aller voir Jean-Baptiste prêchant dans le désert. Et
Jésus leur demandait : « Que dites-vous du baptême
de Jean ? De qui était-il ? de Dieu ou des hommes ³ ? »
Et ces misérables répondaient : « Nous n'en savons
rien ! » Car ils se disaient à eux-mêmes : Si nous
disons : de Dieu , on nous dira : Pourquoi donc n'y
avez-vous pas cru ? Et si nous disons des hommes,
nous nous mettrons contre la voix du peuple qui
acclame Jean comme l'Envoyé du Ciel . Et ils aimaient

1 Matth . , XIII, 13.


2 Nolite dare sanctum canibus, neque mittatis margaritas vestras
ante parcos. (Matth. , vII, 6,) - 3 Matth. , XXI, 25.
344 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

mieux dire : « Nous n'en savons rien » , c'est-à-dire :


Nous ne nous en occupons pas, cela nous est égal ;
un événement si extraordinaire qui agite tout le pays
et lui fait dire que le royaume de Dieu approche , ne
nous touche aucunement. Et Jésus , les regardant
avec indignation , leur répondit : « Eh bien , moi non
plus je ne vous dirai pas qui je suis, ni qui m'en-
voie. » C'est-à-dire : Si vous ne voulez pas du témoi-
gnage que Dieu donne de moi , vous n'en aurez pas
d'autre. Vous refusez la lumière qui vous est offerte,
restez dans vos ténèbres .
C'est le sort que méritent tous ceux que les événe-
ments de Lourdes laissent indifférents. Quoi ! Marie
est venue du Ciel pour nous instruire ; elle a prouvé
sa présence par des milliers de faveurs, la terre en-
tière a entendu le bruit de ses miracles, les foules
courent à sa voix et les incrédules, les hérétiques ,
les impies restent insensibles ! Que leur faut-il donc
pour les convertir ? Bien plus, ils nous combattent,
ils attaquent la Religion , ils refusent aux prêtres le
droit de prêcher les hommes, et traitent d'absurdités
les mystères de l'Evangile. « De quel droit vous
mêlez-vous d'enseigner le peuple ? disent-ils à l'Eglise.
Qui vous a donné le pouvoir d'apprendre aux hommes
ces théories, contraires aux idées modernes , d'une
autre vie, d'un autre monde ? In qua potestate hæc
facis ? » << Répondez-moi d'abord , peut leur dire
l'Eglise avec Jésus-Christ : Les merveilles de Lourdes
viennent-elles du Ciel ou des hommes ? Car si elles
viennent du Ciel , pourquoi n'y croyez-vous pas ? car
nous n'enseignons pas autre chose que la Vierge de
Lourdes. Mais si vous dites qu'elles viennent des
POURQUOI CES SYMBOLES ? 345

hommes, prouvez-le donc ; montrez donc que tout


cela n'est qu'une supercherie des prêtres et des
dévots. » Mais ils ne le font pas , c'est trop impossible.
Ils ont bien essayé au début d'entraver les pèleri-
nages ; mais démontrer que l'Apparition et les mi-
racles sont faux, ils ne l'ont pas même essayé, parce
que l'évidence s'impose . Et alors ils aiment mieux dire,
et c'est tout ce qu'ils peuvent faire, ou bien se con-
vertir : « Nous ne nous occupons pas de ces choses . >>
Et ils restent dans leurs ténèbres et leur incrédulité.
Mais en combattant l'Eglise, ils sont convaincus de
tyrannie et d'impiété : car l'Eglise a le droit de parler
et de prêcher sa doctrine, et ce droit lui vient de
Celui-là même qui a envoyé sa Mère nous visiter, et
qui nous prouve son action par le témoignage si
palpable et si éclatant des miracles de Massabielle.
Mais c'est bien à eux que s'adresse une parole de
saint Paul, une parole terrible : « Prenez bien garde,
dit-il, de fermer l'oreille à la parole du Seigneur.
Car si ceux qui ont refusé de l'écouter, quand il était
sur la terre, n'ont pas échappé à sa colère , combien
plus devons-nous craindre le châtiment, nous à qui il
parle maintenant des Cieux ! Or , sa voix alors avait
remué la terre ; et maintenant il nous annonce un
nouvel ébranlement, disant : « Encore une fois et je
vais ébranler non seulement la terre , mais le Ciel . »
Par ces mots, « encore une fois », il nous fait com-
prendre que les choses temporelles vont faire place à
l'éternité. Donc le royaume éternel approche, et la grâce
nous est offerte, afin que nous servions Dieu avec
crainte et respect. Car notre Dieu est un feu consumant¹ , »
1 Hebr. , XII , 25-29.
346 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

Nous, grâce à Dieu , nous croyons aux Apparitions


de Notre-Dame de Lourdes ; mais obéissons- nous à sa
parole ? Elle est venue, comme Jean-Baptiste le Pré-
curseur, pour nous préparer au royaume de Dieu et
nous crier Pénitence ! Or , Jésus, s'adressant aux
Juifs qui étaient allés voir Jean-Baptiste , leur de-
mandait « Qu'êtes-vous allés voir dans le désert ?
Quelles leçons y avez-vous reçues ? Sont-ce des leçons
de mollesse et de volupté ? N'y avez-vous pas plutôt
reçu des leçons de pénitence ? Oui , car le royaume des
cieux souffre violence. Est-ce un prophète que vous
êtes allés voir ? Oui, je vous le dis, et plus qu'un
prophète, le plus grand de tous ceux qui sont nés des
femmes, et un nouvel Elie qui vient vous annoncer
le jugement redoutable. Si vous avez des oreilles ,
entendez ¹ ! >>
N'est-ce pas ce que nous pouvons répéter à tous
les pèlerins de Lourdes ? Qu'êtes-vous allés voir dans
cette grotte sauvage ? Un églantier agité par le vent ?
Une jeune fille gracieuse et élégante ? Non : Berna-
dette est la fille d'un pauvre meunier. Une apparition
prophétique ? Oui , je vous le dis : il y a ici plus que tous
les prophètes, celle que Dieu envoya sur la terre pour être
sa Mère, et qu'il envoie de nouveau pour son second
avènement. Elle vient, comme Elie, vous préparer
aux grands et derniers combats. Mais elle vous crie :
Pénitence car , pour elle comme pour nous, depuis
le premier jour où elle fut annoncée au monde , c'est-
à-dire depuis la chute d'Adam, le royaume des Cieux
souffre violence , et il n'y a que les violents qui
l'emportent.
Matth. , XI, 7-15.
POURQUOI CES SYMBOLES ? 347

Mais, hélas ! sa voix a-t-elle été comprise, même de


ceux qui l'ont entendue ? Lui a-t-on obéi ? Cette géné-
ration légère et frivole ne considère-t-elle point les
choses les plus sérieuses comme des enfants qui
mêlent des airs tantôt tristes tantôt gais à leurs jeux
et à leurs danses ¹ ? Marie est venue à la Salette pleu-
rant, et ils ne se sont point convertis ; elle est venue
à Lourdes souriant et pleine de charmes , et ils ne se
convertissent point davantage : je parle de cette con-
version qui change les mœurs et les rend vraiment
austères et chrétiennes . Mais malheur à la France si
les grâces de Marie ne peuvent la convertir ! Car si
les miracles qui ont été faits en elle avaient été accor-
dés à des nations infidèles ou hérétiques, peut-être
auraient-elles fait pénitence, et seraient-elles devenues
des filles dévouées de l'Eglise . C'est pourquoi au jour
du jugement elles seront moins sévèrement traitées
que nous, catholiques. Nous nous enorgueillissons
peut-être de nos grâces mais ce seront ces grâces
qui nous feront descendre jusqu'aux enfers, car elles
auraient suffi à convertir les plus grands pécheurs,
et, pour nous , elles sont restées stériles ! Qu'atten-
dons-nous donc pour écouter les leçons de notre
Mère ? Nous faut-il d'autres merveilles ? Que voulons-
nous de plus ? Les aveugles voient, les boiteux marchent,
les sourds entendent et heureux celui qui ne se scan-
dalise point de Notre-Dame de Lourdes, soit parce
qu'il ferme les yeux pour ne pas croire à ses
Apparitions, soit parce qu'il s'autorise des faveurs de
Marie pour persister dans sa nonchalance et sa
1 Cecinimus vobis et non saltastis, lamentavimus et non planxistis.
(Matth., xi, 17.) ,
348 LES LEÇONS D'UNE MÈRE

paresse, disant La Sainte Vierge nous sauvera, la


France est son royaume et elle ne l'abandonnera pas ;
vivons donc joyeusement !
Non, Marie ne nous sauvera pas si nous ne mettons
pas en pratique ses leçons, et surtout celle-ci : Péni-
tence ! Pénitence ! Pénitence ! Elle n'a pas sauvé
Jérusalem, sa patrie, si chère à son cœur de fille de
David. Sans doute Marie aime la France, sans doute
elle lui offre encore une fois le salut, comme Dieu
l'offre aux pécheurs que sa grâce poursuit et sollicite :
mais le résultat est douteux , il est entre nos mains.
Dévouons-nous à l'obtenir pour consoler notre Mère
et rendre à notre pays sa prospérité et sa gloire .
En le faisant, au moins nous sauverons nos propres
âmes , et, à ce point de vue, les grâces de Marie ne
seront pas inutiles ; et, comme dit l'Ecriture , la
Sagesse sera justifiée par ses enfants. Oui, des milliers
et des millions d'âmes seront la conquête des bénies
Apparitions de Lourdes. Ces âmes-là auront été sim-
ples et fidèles . Elles auront cru à Marie et lui auront
obéi généreusement. Et, pour elles, Jésus rendra
grâces à son Père de ce qu'il révèle aux humbles ce
qui aveugle et perd les sages et les prudents, c'est-
à-dire les doux mystères de la foi chrétienne : le Ciel
qui nous attend , Marie qui nous y mène, Dieu qui
nous appelle , et Jésus qui nous dit : « Venez à moi ,
vous qui souffrez, et je vous aiderai à porter vos
peines. Prenez mon joug sur vous, mon joug si doux ,
mon fardeau si léger, et vous trouverez le salut de
vos âmes ! »
atsate ate ateate ate ateat as ** * s * * * *

TABLE

Pages.
A MARIE . V
AU LECTEUR . VII
CHAP. I. L'événement de Lourdes.
II. Le souffle de Dieu .... 6
III. Marie .... 12
IV. Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle apparu ? 20
V. Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle apparu
au XIXe siècle ?.. 26
VI. Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle apparu
en France ?.. 32
VII. Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle apparu à
Bernadette ? 40
VIII. Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle apparu à
cette époque de l'année ?... 47
IX. Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle apparu
dans la grotte d'un rocher ? ... 81
X. Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle des roses
sur les pieds ? ....... 90
XI. Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle un vête-
ment blanc ?.. 107
XII. Pourquoi la Sainte Vierge a-t-elle une
ceinture bleue ?... 114
XIII . Pourquoi Notre-Dame de Lourdes regarde-
t-elle le Ciel ?.... 124
XIV. Pourquoi Notre-Dame de Lourdes fait-elle
le signe de la Croix ?.... 138
XV. Pourquoi Notre-Dame de Lourdes a-t-elle
un chapelet ? ... 146
XVI. Pourquoi le chapelet de Marie a-t-il les
grains blancs et la chaîne d'or ?...... 156
350 TABLE

Pages.
CH. XVII. Pourquoi Marie a-t-elle fait couler une
source du rocher ?... 167
XVIII . Pourquoi la Sainte Vierge fait-elle tant de
miracles à Lourdes ?..... 174
XIX . Les paroles de Marie : « Je vous promets
de vous rendre heureuse, non en ce
monde mais en l'autre. » ... 192
XX. « Je veux voir du monde. » .. 202
XXI. «< Priez pour les pécheurs . » . 211
XXII. « Je veux qu'on m'élève ici une chapelle. >> 221
XXIII. « Pénitence ! Pénitence ! Pénitence ! » .... 234
XXIV. «< Allez boire à la source et vous y laver. >> 254
XXV. « Je suis l'Immaculée Conception. » ……………. 263
XXVI. Pourquoi Marie s'est-elle révélée à Lourdes
comme l'Immaculée Conception ?...... 272
XXVII. Lourdes figure de l'Eglise ... 281
XXVIII. Notre-Dame de Lourdes figure de l'Eucha-
ristie........ 291
XXIX. Les secrets de Marie.. 298
XXX . La dernière Apparition ... 308
XXXI. L'heure des Apparitions .. 317
XXXII. Le règne de Jésus par Marie ... 324
XXXIII. Comment s'établira le règne de Jésus par
Marie. 331
XXXIV. Pourquoi la Sainte Vierge nous enseigne-
-t-elle par des symboles ? . 340

Page 8, 3e ligne du 4° alinéa , au lieu de missionnaire capucin,


lisez missionnaire franciscain.
Page 98, 7 ligne du 2º alinéa, au lieu de Etienne, roi de Hongrie,
lisez Venceslas, roi de Bohême.
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36, RUE DE LA BANQUE , 36
1461022

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