Ap 186
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ARBEITSPAPIERE DES
INSTITUTS FÜR
ETHNOLOGIE
UND AFRIKASTUDIEN
WORKING PAPERS OF
THE DEPARTMENT OF
ANTHROPOLOGY AND
AFRICAN STUDIES
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le continent. Aussi ce qui nous a intéressé ici, c’est d’interroger ce groupe d’acteurs. De com-
prendre de l’intérieur, à travers une approche ethnographique, ce qu’ils représentent, ce qu’ils
font en tant que groupe social et économique ; mais aussi leurs rapports avec leur environne-
ment, avec l’Etat et ses institutions, avec le politique, avec les organismes d’aide au dévelop-
pement, avec les institutions bancaires, etc. En d’autres termes : Qui sont ces entrepreneurs ?
Comment s’organisent-ils ? Qu’est-ce qu’ils représentent au sein de la société et face à l’Etat ?
Le discours actuel fondé sur la promotion de l’entreprenariat comme chemin par excellence
de l’émergence de l’Afrique entretenu par les bailleurs de fonds (‘partenaires techniques et
financiers’ /PTF) a fait également objet de notre investigation. Comment s’alimente ce dis-
cours ? Comment est-il mis en acte (en scène ?) par les Etats, les associations professionnelles
d’entrepreneurs, les bailleurs de fonds ? Impacte-il l’essor de l’entreprenariat ?
Au Bénin, nombre d’entrepreneurs sont issus de la classe moyenne et leurs activités sont éga-
lement à l’endroit de cette dernière. On distingue des entreprises de petites, de moyennes et
de grandes tailles. Leur nombre et leur importance dans l’économie font que de plus en plus,
tout un département ministériel entier leur est consacré, le Ministère des petites et moyennes
entreprises. Mais si plusieurs entreprises se créent par milliers chaque année, très peu arrivent
à prospérer. Toutefois certaines émergent. On les retrouve dans le domaine du commerce, de
l’agro business, de la construction, des services. Très peu sont dans l’industrie et dans la pro-
duction à grande échelle. C’est plutôt dans la transformation agricole que de nouvelles initia-
tives émergent.
Dans son discours de lancement des travaux préparatoires des Etats-Généraux du secteur
privé au Bénin en Novembre 2014, le président de la Chambre du commerce et d’industrie du
Bénin (CCIB) a émis quelques interrogations majeures préoccupantes pouvant servir de fil
conducteur aux travaux. Ces questions s’apparentent quelque peu aux questions que nous
nous sommes posés à l’entame de cette étude :
« Les questions fondamentales qu’on peut se poser aujourd’hui consistent à se demander
- Si le secteur privé béninois a lui-même conscience de son identité, son rôle, sa responsabilité,
ses missions, ses droits et ses devoirs vis-à-vis du secteur public, si non de notre nation tout
court ;
- s’il existe une réelle valorisation de l’entreprise et du statut de l’entrepreneur afin d’inciter à
la création d’entreprise ;
- si la politique d’appui au secteur privé est celle qui répond parfaitement à ses besoins ;
- s’il existe une définition précise du statut du secteur privé et de ses différentes composantes
au Bénin ;
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Méthodologie de l’étude
Pour mener à bien cette étude exploratoire, le focus a été mis sur trois techniques de collecte
de données la revue documentaire, l’entretien et l’observation. Ainsi, l’enquête était surtout
d’orientation ethnographique.
La revue documentaire a exploré la littérature grise locale et régionale sur les entrepreneurs
Béninois. Elle s’est intéressée aux journaux des dix dernières années (général et spécifique)
pour comprendre la manière dont les entrepreneurs et leurs entreprises sont analysés dans les
médias. Elle a aussi exploité les magazines et les sites web édités par les associations profes-
sionnelles, les institutions étatiques promotrices de l’entreprenariat, les partenaires au déve-
loppement des entreprises, etc. Cette revue a concerné aussi l’actualité quotidienne (presse
écrite, audiovisuelle, réseaux sociaux) sur les entrepreneurs, leurs activités professionnelle,
syndicale, politique, leur auto-perception, etc. Les statistiques sur les entrepreneurs ainsi que
les politiques, stratégies et grandes rencontres du secteur privé ont également fait l’objet d’in-
vestigations.
Au cours de l’étude, 38 entretiens ont été menés avec une quarantaine de personnes dont 21
entrepreneurs. Parmi ces derniers, il y a trois femmes. Le choix des entrepreneurs enquêtés
s’est fait en recherchant d’abord ceux qui sont à la tête ou membres de bureau actifs de grandes
associations d’entrepreneurs. Ils sont au nombre de seize concernés par l’étude et sont en ma-
jorité à la tête de grandes entreprises visibles dans l’environnement des affaires. Cependant,
deux parmi ces 16 entrepreneurs-leaders d’associations peuvent être qualifiés de petits entre-
preneurs de par la taille de leur entreprises (moins de cinq personnes employées et un capital
de moins de 20 millions FCFA, soit 30.500 €). Pour les autres entrepreneurs, un choix délibéré
s’est porté sur les promoteurs de grandes ou moyennes entreprises afin de ne pas se perdre
dans la grande masse des micros et petites entreprises. Les secteurs d’activités pris en compte
sont le commerce (ananas, produits manufacturés, produits congelés, etc.) ; l’industrie (trans-
formation agricole, plastiques, imprimerie, eau, bâtiments et travaux publics/BTP, etc.) ; les
services (transport, logistiques, Nouvelles technologies de l’information et de la communica-
tion etc.). Les entretiens avec les entrepreneurs ont tenu compte de deux grands volets un
volet biographique professionnel des entrepreneurs (accès à la profession, modalité d’exercice,
accès aux ressources, leadership, vie associative, politique) et un aspect général sur leurs per-
ceptions et représentations sur l’entreprenariat au Bénin, les grands défis du secteur, les asso-
ciations professionnelles d’intérêts communs, les interactions de ces associations avec l’Etat,
avec les partenaires technique et financier, etc. Les autres enquêtés sont composés des cadres
de l’administration, des partenaires techniques et financiers, des directeurs et experts de pro-
jets et d’agences d’appui à l’entreprenariat, etc. Nos efforts pour rencontrer les acteurs du sec-
teur bancaire ont été vains. Les entretiens ont eu lieu majoritairement à Cotonou, pôle écono-
mique du pays. Cependant les entrepreneurs de la chaine de valeur de l’ananas ont été enquê-
tés sur leur lieu de travail à Allada pour la plupart. Néanmoins, trois entretiens ont eu lieu à
Parakou avec deux entrepreneurs (cf. en annexe, la liste des personnes rencontrées)
Quatre observations ont été faites. Elles ont concerné :
• La Conférence sur la politique économique du Japon organisée par l’ambassade du
Japon au Bénin, en collaboration avec la CCIB, le conseil national du patronat du Bénin
et l’université Espéranza de Cotonou le 17 janvier 2017 à la salle de fête Majestic Coto-
nou Cadjèhoun ;
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Le secteur privé est désigné comme la partie de l’économie détenue par des particuliers ou
groupe de particuliers par opposition au secteur public qui est principalement dirigé par l'État.
Le secteur privé au Bénin fait allusion à la masse de personnes ou de groupes qui s’installent
à leur propre compte pour développer une unité de commerce ou de production sous le cou-
vert d’une entreprise formelle ou informelle à visée lucrative. Selon la Banque mondiale en
2016, les entrepreneurs représentent dans leur ensemble 35% du PIB du Bénin.
Lors du dernier recensement général des entreprises (RGE) en 2008, 154.839 unités de produc-
tion ont été dénombrées sur toute l’étendue du territoire national. Le département du Littoral
avec 37% des unités recensées constitue le principal centre névralgique de l’activité écono-
mique au Bénin. Suivent respectivement l’Ouémé et l’Atlantique avec 13% et 11%. L’informel
concentre 98,5% des entreprises. Cette situation est essentiellement due à la forte proportion
des unités de production artisanales et commerciales qui pour la plupart opère dans l’informel.
Toutefois le formel est plus appréhensible dans les Bâtiments et travaux publics (BTP) (75%),
le Transport (45%) et les Technologies de l’information et de la communication (21%) (INSAE,
2008).
Quant aux entreprises formelles, selon le Plan stratégique de la Chambre de commerce et d’in-
dustrie du Bénin pour 2015- 2021 (CCIB 2015a), chaque année naissent au moins 2500 entre-
prises formelles qui, à 80%, sont des entreprises individuelles dont 20% seulement survivent,
le taux de mortalité étant de 80%. Les petites et moyennes entreprises constituent l'épine dor-
sale de l’économie. Elles créent les deux tiers des nouveaux emplois.
Les statistiques actualisées et centralisées sur les entreprises formelles sont difficilement acces-
sibles vu la multiplicité des structures concernées (GUFE, CONEB, CCIB, CNPB, INSAE,
CePEPE) et l’absence d’une actualisation et d’une centralisation des données existantes. Le
croisement de différentes sources donne une estimation d’environ 15.000 entreprises formali-
sées sur près de 200.000 au total en 2016. 90% des opérateurs économiques formels se retrou-
vent dans la région Atlantique-Littoral. C’est sur ce secteur privé formel marginal que repose
la pression fiscale de l’Etat bien que les entreprises non formelles soient également assujetties
à certaines taxes. Les rares grandes sociétés de commerce et d’industrie sont détenues par des
capitaux étrangers (français et libanais) notamment dans les secteurs du textile, des matériaux
de construction, de l’automobile, de la téléphonie mobile, des produits alimentaires, etc.
Les secteurs commerciaux et agricoles privés sont les grands piliers de la croissance écono-
mique. En 2016, la production agricole et les services font plus de 85% du PIB. Les échanges
avec le Nigéria le principal partenaire commercial, font 20% du PIB, contre 5 à 7% pour le
coton principale culture d’exportation avec 37% des exportations agricoles (Banque Mondiale
2019).
L’industrie est embryonnaire. Cette marginalité s’exprime également à travers certains dispo-
sitifs institutionnels sur 99 sièges à la CCIB, 12 sont réservés aux industriels ; l’inexistence
d’une politique nationale sur l’industrie ; le non fonctionnement de la zone franche indus-
trielle ; la quasi inexistence de banque d’investissement industriel ; etc.
Le Bénin est classé 155ème sur 190 pays avec un score de 48,5% en terme de facilités de l’envi-
ronnement des affaires (World Bank, 2016) et 151ème position en 2018, soit le 25ème pays africain
sur 53 et en 2019 en 31ème place toujours sur le plan africain. Le Nigéria, son grand voisin im-
médiat, est à la 145ème place sur le plan mondial. En 2019, le Bénin a encore régressé en occupant
la 153ème place soit le 8ème de l’UEMOA (dernier) et 12ème de la CEDEAO. Il demeure ainsi
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ennemi c’est l’Etat car il peut nous faire sombrer en un clin d’œil avec les impayés. S.S.,
chef d’entreprise, responsable d’association d’entrepreneurs, Cotonou, entretien du 08 mars 2017.
Quant aux agences de voyage, ils feraient 95% de leur chiffre d’affaire avec l’Etat. Aussi la
dernière mesure du gouvernement de centraliser la fourniture des billets d’avion pour les
voyages officiels à la présidence a entrainé, depuis l’année 2017, la fermeture de 40% des
agences de voyages et le licenciement de plus de 300 employés (Données de l’Association des
agences de tourisme et de voyage, 2018 ; entretien du 18-10-2016).
La géographie de l’entreprise au Bénin révèle une inégale répartition territoriale. Ce qui fait
montre parfois de zone de désert économique. Le guichet unique de formalisation des entre-
prises et autres services connexes sont concentrés à Cotonou. La forte caractéristique commer-
ciale du tissu entrepreneurial, la concentration des facteurs de production comme l’énergie, la
présence de débouchés, le port autonome, sont autant de raisons qui justifient cette présence
à Cotonou et ses environs.
Les entreprises fonctionnelles sont également caractérisées par des problèmes spécifiques que
sont l’accès aux finances, aux marchés régionaux, à l’énergie, à la main d’œuvre qualifiée, à
l’absence d’un dispositif de protection des entreprises qui réussissent.
Mais au-delà de ces contraintes, il existe bon nombre d’entreprises qui émergent en dehors de
l’Etat, des agences de développement et des banques.
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spirituel et religieux des entrepreneurs pour y puiser une certaine force face à toute cette ad-
versité qui les entourerait.
Les entrepreneurs dans leur ensemble trouvent que l’Etat ne les appuie pas assez mais leur
occasionne des désagréments dans l’exercice de leurs activités professionnelles. L’Etat ne crée
pas le climat propice aux affaires et ne leur offre pas un minimum de protection.
« On est parfois contraint à investir de l’argent dans des choses que l’Etat pouvait gérer et
nous éviter de prendre cela en charge mais on est obligé de faire et ainsi nous ne produisons
pas aisément. L’Etat aurait pris ses responsabilités et nous seront plus productif avec une
forte rentabilité. » C. M., chef d’entreprise, Cotonou, entretien du 19 février 2018.
Ils se retrouvent ainsi seuls face aux défis qui relèvent des prérogatives de l’Etat comme l’éner-
gie, les accords commerciaux, etc. De ce fait, ils sont souvent très impliqués dans la gestion du
quotidien des problèmes structurels.
« Ils sont souvent dans un mode de survie. Donc ils n’ont pas ce sentiment de sécurité qui
permet de se projeter. Il faut fermer une brèche à droite, fermer à gauche, monter, des-
cendre. Ils sombrent dans le présent et puis c’est assez difficile pour eux de se projeter et
de voir le rôle qu’ils pouvaient avoir dans la société. » P.T. Expert d’un projet d’appui aux
entreprise, Cotonou, entretien du 16 mai 2017.
Le caractère individuel des entreprises fait montre d’une évolution singulière des entrepre-
neurs avec très peu de regroupement d’intérêt économique mais plutôt d’intérêt associatif. Il
n’existe pas souvent de synergie entre les grands et moyens entrepreneurs et les plus petites.
En se penchant sur l’entrée dans la fonction entrepreneuriale, la plupart de nos enquêtés
étaient au départ des salariés du privé qui ont démarré l’entreprise avec un capital de base
issu de leurs économies et/ou de l’héritage familial. La plupart sont des directeurs fondateurs
donc de la première génération de dirigeants. Nous avons rencontré très peu dirigeant une
entreprise familiale. Certaines entreprises prospères sont à la deuxième génération de diri-
geants (leurs enfants) mais avec encore la présence de la génération fondatrice. (Jus et Fruits
Tillou, PEB, eau minérale Fifa de Sainte Luce, Evènementiel, etc.). Ceci dénote du jeune âge
des entreprises. Le rapport Doing business de la Banque mondiale (World Bank 2016) affiche
une moyenne d’âge de 16 ans pour les entreprises béninoises (61% ont entre 0 et 20 ans de vie),
contre une moyenne de 14 ans et de 12 ans respectivement pour l’Afrique subsaharienne et les
pays à faible revenu.
En lien avec le statut des créateurs d’entreprises, les statistiques de la CCIB de 2014 révèlent
que 85% des créateurs d’entreprises sont des salariés, à majorité des fonctionnaires, et que 15%
seulement des créateurs des entreprises sont au départ sans emplois. La forte majorité de fonc-
tionnaires entraine une concurrence des agents de l’Etat face aux opérateurs économiques dans
les marchés publics. C’est le lieu de l’accaparement massif des marchés publics par les poli-
tiques. Mais il s’agit des entreprises qui disparaissent à la fin des opportunités qui les ont vu
naître. Il s’agit surtout des entreprises du BTP.
Il convient de noter que bien qu’il n’existe pas un secteur traditionnellement consacré à un
groupe socioculturel, on constate néanmoins que le secteur des médicaments (grossistes et
semi grossistes) est largement dominé par les Yorubas et apparentés.
La classification des 21 entrepreneurs enquêtés de par leur situation initiale permet de dresser
trois profils :
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L’évaluation a montré que les associations formées au niveau des branches d’activités sont
parfois plus efficaces dans la résolution de certains problèmes qui se posent à leur secteur.
C’est le cas de L’ANOPRITOB (Association Nationale des Opérateurs Touristiques privés du
Bénin) qui a lutté pour obtenir dans le secteur de l’énergie le tarif industriel pour les promo-
teurs d’hôtel. C’est le militantisme au sein des petites associations qui permet également aux
entrepreneurs de se faire représenter à la CCIB comme élu consulaire représentant d’un sec-
teur d’activités.
Tout comme les entreprises, les associations ont les mêmes genèses : Etats, bailleurs de fonds
et entrepreneurs. Organisées par secteur, ces associations naissent pour la plupart de la vo-
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lonté de l’Etat ou des "partenaires au développement" d’avoir des interlocuteurs pour dialo-
guer et collaborer avec la grande masse des entrepreneurs. Les associations professionnelles
sont ainsi mises en place davantage pour des questions de représentativité et d’affirmation de
leadership que pour le règlement des problèmes majeurs qui se posent dans le secteur. Comme
l’affirme cet entrepreneur,
« Normalement les associations professionnelles devraient avoir un impact sur l’améliora-
tion du climat des affaires mais ils sont pour le moment-là qu’à titre honorifique. On est
plus dans les associations que pour les honneurs publiques ». N. B. chef d’entreprise, respon-
sable association d’entrepreneurs, Cotonou, entretien du 27 janvier 2017.
Ces associations sont créées pour que les leaders puissent siéger à la CCIB, pour organiser un
secteur, pour régler un problème immédiat ou pour bénéficier d’un appui aussi ponctuel soit-
il. C’est ainsi par exemple que la FENAPME a été mise en place par l’Etat en 2010 pour régler
un problème de représentativité des PME-PMI
« C’est en 2008, un symposium a été organisé par la CCIB et avait pour conclusion de for-
mer une association de défense des intérêts des PME/PMI car il était remarqué que la plu-
part des membres du patronat provenait de grandes entreprises et ne s’occupait pas des
questions liées à ces catégories d’entreprises. Il fallait donc que la CCIB ait un interlocuteur
des PME et PMI qui parle en leur nom. Puis en 2010, il fut créé dans le gouvernement du
président Boni Yayi, un ministère entier chargé uniquement des PME/PMI et toujours pas
d’interlocuteurs crédible formalisé. Ainsi en décembre 2010, il fût installé avec l’appui du
Ministère des PME, la fédération. C’est une fédération créée par l’Etat pour que ce dernier,
avec la création du ministère, ait un interlocuteur. Donc au temps de ce ministère, tout
allait bien. On avait le soutien matériel pour l’organisation de fora, la mise à disposition
d’un local, d’un bureau pour nos rencontres, les ordinateurs pour le fonctionnement. Il y a
aussi l’organisation de plusieurs formations et l’étude de faisabilité sur la création du
Fonds de garantie. Mais avec le changement de régime et la disparition du ministère, il est
beaucoup plus difficile d’avoir le soutien de l’Etat. La fédération est devenue membre du
CNPB en 2013. » F. B., chef d’entreprise, responsable association d’entrepreneurs, Cotonou, entre-
tien du 17 janvier 2017.
Un scénario similaire s’est posé avec le projet PARASEP de l’Union européenne qui, dans sa
quête d’interlocuteur face à la panoplie d’association dans le secteur de l’ananas, a suscité et
facilité la création de l’Interprofession de l’ananas (AIAB) en 2017. C’est également le cas du
projet ProCAD de la Banque mondiale qui, lors de la crise d’étéphon qui a secoué le sous-
secteur de l’exportation de l’ananas, a aidé à la mise en place en 2016 de l’ANEAB, l’Associa-
tion des exportateurs de l’ananas du Bénin. Cette association a permis néanmoins de fédérer
les efforts et de permettre la levée de l’interdiction de l’exportation de l’ananas orangé (déver-
dit par l’étéphon) par le Bénin. Ce fut le cas aussi du REPAB, créé en 2003 sur initiative du
PADSE financé par l’AFD.
Une brève historique des organisations faîtières met en tête la CCIB institution consulaire du
temps colonial depuis 1908 qui cumulait la Chambre d’agriculture. La scission avec la
Chambre d’agriculture fut effective en Avril 1962. La CCIB est un établissement public sous
tutelle du ministère en charge du commerce et de l’industrie. Elle est gérée par les opérateurs
économiques et contrôlée par l’Etat. Il s’agit plus d’une Chambre consulaire que d’un Patronat.
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Le paradoxe de la CCIB est le fait d’être une structure des opérateurs privés sous tutelle de
l’Etat. Il s’agit d’une Chambre de droit public dirigée par des privés.
De la CCIB se sont détachés certains acteurs pour créer en 1984 l’Organisation nationale des
employeurs du Bénin (ONEB), devenu plus tard en 1998 le Conseil national du patronat du
Bénin (CNPB). Le CNPB est considéré comme un syndicat des patrons. La question du rapport
de pouvoir a été souvent objet de discussion et de lutte entre dirigeants des deux structures,
c.à.d. la CCIB et le CNPB. Selon son bord, chaque entrepreneur fait une lecture des rapports
hiérarchiques qui pourraient exister entre les deux institutions qui depuis plus d’une décennie,
notamment à la suite de l’avènement de l’actuel président du CNPB en 2005, ne s’accordent
pas quant à la légitimité de la représentation du secteur privé face à l’Etat. Si l’adhésion au
CNPB est libre, l’appartenance des entrepreneurs à la CCIB est une situation de fait. Leur exis-
tence même dépend de leur enregistrement à la chambre qui est l’organe qui formalise la créa-
tion d’entreprise.
Et pourtant la CCIB et le CNPB peinent à jouer leur rôle de défense des intérêts des entrepre-
neurs. Ce fut l’une des raisons qui a abouti à la création, en 2015, d’un second patronat, la
Confédération nationale des employeurs du Bénin (CONEB). Ce dernier se veut être un re-
groupement des patrons d’entreprises petites et moyennes qui auraient peu d’échos au CNPB
considéré comme représentant des très grandes entreprises.
La guéguerre ou cette recherche permanente de préséance entre les deux institutions (CCIB et
CNPB) apparaît davantage comme une lutte de personnes à la recherche d’un leadership. C’est
également l’expression de dissensions politiques suite au jeu de positionnement de l’Etat pour
contrôler le secteur privé. C’est d’ailleurs une situation qui permet au gouvernement de choisir
son interlocuteur selon ses intérêts du moment. La Table ronde du secteur privé en 2012 a été
co-organisée par l’Etat et le CNPB. Par contre les Etats-généraux du secteur privé en 2014 ont
été co-organisés par le gouvernement et la CCIB sans le CNPB (CCIB 2015b), de même que la
Table ronde de Paris toujours en 2014. Le dualisme patronal qui engendre des difficultés de
collaboration des organisations en tant qu’« adversaire commun » de l’Etat n’est pas très loin
du modèle français. Ainsi si le dialogue public-privé bat de l’aile, celui intra-privé a davantage
de plomb dans l’aile.
« De tous les gouvernements qui se sont succédé, aucun ne veut avoir des problèmes avec
le secteur privé et la guerre entre les associations patronales les arrangent bien. Ils font tout
pour entretenir cela. Par exemple, au niveau du Conseil national de l’administration il y a
toujours un représentant du secteur privé. Quand ça plait à l’Etat, il met soit un représen-
tant de la CCIB, soit un du CNPB car il sait que ces deux organisations ne s’entendent pas.
En somme ce qui plombe les initiatives du secteur privé est la guerre entre la Chambre de
commerce qui joue un rôle de conseil au gouvernement et le patronat qui est comme un
syndicat de défense des droits des entrepreneurs.
Il y a de cela deux ans, il y a eu les Etats généraux du secteur privé et parce que c’était
l’initiative de la CCIB, le CNPB a boycotté. Ils ne sont pas venus. Les partenaires techniques
et financiers disaient que si les deux ne s’entendaient pas, ils n’appuieront pas l’évènement.
C’est ainsi que le gouvernement a dû aider la CCIB pour l’organisation des Etats généraux.
A la suite des Etats généraux, il fût décidé la mise en place d’un dialogue intra-secteur
privé devant être conduit par un comité transitoire. A ce jour, les trois membres du CNPB
ne siègent pas encore mais nous sommes toujours dans les discussions.
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Les gens se battent pour occuper les postes importants au niveau des associations, juste
pour satisfaire leurs objectifs personnels. C’est une guerre de leadership et une question de
représentativité pour améliorer ses affaires. » F. C., chef d’entreprise, responsable association
d’entrepreneur, Cotonou, entretien du 08 mars 2017.
L’analyse faite par le projet PARASEP de la situation du dialogue public-privé révèle que la
faiblesse des initiatives antérieures de dialogue menées au Bénin réside dans leur éparpille-
ment et leur cloisonnement sur le plan thématique et institutionnel (PARASEP, 2017a, PA-
RASEP 2017b). Il apparaît un secteur associatif démantelé en terme d’organisation et de repré-
sentativité face à l’Etat dans le cadre du dialogue public-privé. Ainsi à la grande question de
savoir qui représente le secteur privé, le débat demeure.
De ce fait, ce projet qui s’investit dans le dialogue public-privé, a changé de stratégie face au
monopole de représentativité que veut conserver le CNPB :
« Le dialogue public-privé impulsé par notre Programme continue mais de façon plus in-
clusive. Ce ne sera pas seulement avec le CNPB mais une adhésion volontaire. Le CNPB
refuse de rentrer dans le collectif. Nous finalement on va renforcer la CONEB ; le CNPB a
quitté les débats depuis l’arrivée de Sébastien Ajavon. Même pour les tribunaux du com-
merce ils voulaient tout prendre ; on va les contourner avec le collectif. Ils étaient dans le
comité de pilotage, le CNPB premier vice-président et la CCIB 2ème vice-président. Dans la
convention, le CNPB nous dit d’enlever la CCIB car elle n’est pas du secteur privé. » A. O.
Expert d’un projet d’appui aux entreprises, Cotonou, entretien du 28 juillet 2017.
Cet extrait rend compte des jeux et enjeux de collaboration ainsi que les rapports de force entre
projets d’appui et associations patronales.
Une brève historique des personnalités qui ont dirigé ou dirigent les trois structures (CNPB,
CCIB, CONEB) révèle que Jean Baptiste Satchivi, président de la CCIB jusqu’en janvier 2019,
Sébastien Ajavon actuel président du CNPB, Albin Fèliho, président fondateur de la CONEB
ont tous été candidat aux élections du CNPB. On peut remarquer, au passage, que Sébastien
Ajavon est venu en troisième position aux dernières élections présidentielles nationales de
2016, où il a frôlé de près la deuxième place pour être au deuxième tour des élections. (Le
deuxième au premier tour qui a remporté les élections au second tour - Patrice Talon, actuel
président du Bénin -- fut également un grand entrepreneur.) Par contre, Jean Baptiste Satchivi
candidat malheureux aux élections du CNPB et soutenu par l’Etat, aurait été placé à la tête de
la CCIB en 2014 pour équilibrer la balance afin que les deux structures ne soient contrôlées par
des personnes hostiles au gouvernement.
En dehors de ces structures faîtières au plan national, il y existe également des associations
faîtières au niveau de chaque secteur regroupant ainsi les petites associations au sein d’un
secteur. A titre illustratif, le sous-secteur de l’ananas seul dénombre plus d’une douzaine d’as-
sociations. Chaque branche, à savoir la production, la transformation, l’exportation et la com-
mercialisation, a ses propres associations. Au cours de cette étude, le recoupement des don-
nées de la CCIB où les associations se font enregistrer et des propos des interlocuteurs sur le
terrain a permis le dénombrer plus de 150 associations professionnelles. Cependant les plus
en vue dans leur secteur d’activités et au-delà du secteur d’activités sont présentées ici dans
l’ordre alphabétique.
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Néanmoins, c’est une association qui organise des assemblées électives, assiste ses membres
et tisse des partenariats avec d’autres associations similaires en Afrique.
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difficultés du secteur. Ceci a été matérialisé par la rédaction d’un mémorandum adressé au
gouvernement. Créée en 1977, son président M. Rafet Loko, premier et seul directeur depuis
sa création, a finalement été contourné par ses pairs qui ont créé en 2018 une nouvelle associa-
tion : le Groupement des industriels du Bénin (GIB) présidé par l’ancien trésorier de l’ASNIB,
Mathias Adimou. Ce dernier avait été élu président de l’ASNIB en 2016 tout comme d’autres
avant lui et n’a pu exercer faute de cession du pouvoir par le président Rafet Loko.
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il serait opportun que des réflexions profondes soient menées en concert avec le secteur
privé pour …. C’est dans ce sens que je suggère la rencontre. Le ministre a répondu la
semaine dernière. Il a accepté et c’est pourquoi nous sommes en train de sélectionner les
organisations qui vont participer pour démarrer les discussions ». R. Y. Responsable à la
CCIB, Cotonou, entretien du 06 Juin 2017.
Malgré les efforts de l’institution consulaire, l’opinion de certains entrepreneurs n’est pas re-
luisante :
« La CCIB ne nous apporte que des informations. Certes elle nous a permis dans l’association
des transformateurs d’ananas, de participer à une mission en France pour rencontrer les impor-
tateurs de fruits et visiter leurs marchés de fruits. Cela nous a apporté de nombreuses opportu-
nités. C’était au temps de Atao Sofiano comme président CCIB en 2006. A part ça, nous avons
participé à une foire régionale ». A. D, ancien président ANATRAB, Allada, entretien du 25 janvier
2017.
Il est aussi reproché à la CCIB de ne pas prendre position par rapport aux questions brûlantes
du monde entrepreneurial. En Janvier 2019, à la fin du deuxième mandat du président Jean
Baptiste Satchivi, le gouvernement a mis fin aux élections consulaires, nommant à la tête de la
CCIB, un administrateur provisoire Alain Hinkantin pour gérer la période transitoire et orga-
niser les prochaines élections.
Les travaux techniques commandités par le CIPB sont reversés au CNPB moins outillés, pour
qu’ensemble ils les portent vers l’Etat. Cette association fait également des plaidoyers au ni-
veau de l’Assemblée nationale en ce qui concerne la fiscalité bien qu’il ne revient qu’au seul
gouvernement d’opérer des changements dans ce domaine.
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Le CIPB a été également impliqué dans l’installation des assesseurs du tribunal du commerce.
Issus du corps entrepreneurial, ces assesseurs vont siéger aux côtés du juge. Le CIPB organise
dans le cadre de ses activités des soirées de gala pour honorer et primer des sociétés béninoises.
Le Conseil national du patronat du Bénin (CNPB)
Première association privée regroupant l’ensemble des entrepreneurs tout secteur confondu,
le CNPB s’est vite positionné comme le Patronat. Dans ses documents de 2016, il affiche plus
de 500 adhérents avec plus de 10.000 employés et plus de 350 milliards de FCFA (534 millions
€) de contribution aux recettes de l’Etat. Aujourd’hui il est considéré comme un regroupement
des seules grandes entreprises. Depuis plus d’une décennie, on observe un bras de fer entre
lui et l’Etat et une absence remarquée au cours d’évènements relevant du secteur privé et initié
par l’Etat et/ou les agences de coopération comme les Etats-généraux du secteur (CCIB 2015b),
la Table ronde de Paris de 2014 et la mise en place des assesseurs du Tribunal de commerce.
De l’avis de certains bailleurs de fonds, la collaboration avec le CNPB serait très difficile vu
son obsession à vouloir garder le monopole du secteur privé et à interdire toute collaboration
avec d’autres structures.
Aux dires d’un membre du CNPB, le président, Sébastien Ajavon, a été sollicité pour contre-
carrer Jean Baptiste Satchivi. C’est le jour de son adhésion au CNPB qu’il a été élu président
du patronat et Albin Fèliho (actuel président de la CONEB) était son directeur de campagne.
La démocratie au sein de cette association pose assez de difficultés compte tenu du mode de
scrutin mise en place. Ce mode permettrait d’élire uniquement, et ceci peut-être à vie, le plus
grand entrepreneur en terme de détention de capitaux. C’est ce qui transparait dans les propos
suivants :
« Les règlements actuels ont fixé les cotisations par palier. Le droit de vote est conditionné
par le nombre de paliers. Ce qui n’arrange pas les entrepreneurs. Nous avons combattu
cela en vain, alors que ça va contre la loi. C’est l’une des faiblesses de notre association.
Pour une association de 400 membres, vu le poids des membres, dix membres peuvent
s’imposer au détriment de tout le reste. » Z. C., un responsable du CNPB, Cotonou, entretien
du 19 octobre 2016.
Au fait, le nombre de voix à faire valoir par chaque entrepreneur au cours du vote, est lié à la
taille de sa cotisation qui elle aussi dépend de son capital. Ainsi le président actuel à lui seul
détient assez de voix pour se faire élire facilement. Après son premier mandat en 2006 où il y
a eu des challengers, il a été élu aux deux dernières élections de 2011 et 2016 avec une liste
unique.
Voici les différents présidents du CNPB depuis sa création :
• Arnold Lotsu 1991
• Aristide Batonon 1991 - 1997
• Lucien Glèlè 1997 - 2006
• Sébastien Ajavon 2006 à ce jour.
Le CNPB aurait une fois, à travers son président actuel, lancé un appel aux entrepreneurs pour
un refus collectif de payement des impôts et de blocage des importations afin de contraindre
le gouvernement du président Boni Yayi à respecter ses engagements vis-à-vis des entrepre-
neurs. C’était à la suite de la création d’une société d’intermédiation chargée du rachat des
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impayés de l’Etat vis-à-vis des entrepreneurs. Cette société devant payer les dettes de l’Etat
aux entrepreneurs en contrepartie d’un prélèvement de 30% sur chaque montant dû.
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d’une charte à une loi des PME. » F. B. Chef d’entreprise, Responsable association d’entrepre-
neurs, Cotonou, entretien du 24 janvier 2017.
A travers ce panorama on voit bien comment l’Etat et les projets et programmes ont jalonné
l’histoire du tissu associatif entrepreneurial et impacté sa forme et sa structuration. La durée
limitée de ces projets se répercute également sur certaines associations qui perdent leur dyna-
misme à la fin des projets. Aucune de ces associations pris individuellement n’a ni la capacité
ni la légitimité requise pour représenter l’ensemble des entrepreneurs.
Le tableau à la page suivante issu d’un rapport diagnostic du PARASEP (2017b) sur dix orga-
nisations professionnelles montre les projets programmes qui appuient les associations des
entrepreneurs. Bien que ce tableau ne soit pas exhaustif en ce qui concerne l’ensemble
des organisations professionnelles et l’ensemble des appuis, il révèle que les soutiens
de l’Etat aux associations entrepreneuriales sont infimes comparés à ceux des agences
de développement. L’Etat n’appuie que les chambres et exceptionnellement le CNPB.
Toutefois, nos investigations ont montré qu’il a appuyé le FENAPME. Par contre, cer-
taines associations comme le CIPB et l’ASNIB sont fortement prises en compte par les
projets d’aide au développement. Ceci révèle aussi leur dynamisme noté plus haut. En
dehors de ces appuis aux associations, beaucoup de projets et programmes de déve-
loppement relevant ou non des agences évoquées ici appuient directement des orga-
nisations sectorielles ou directement des entreprises. Le Millénium Challenge Account
(MCA compact 1) a ainsi appuyé directement un certain nombre d’entreprises comme
Awa Fish, Jus IRA, etc., et MCA compact 2 appuie la productivité des entreprises avec
un accent sur la production de l’énergie électrique. Il en est de même de SOS Luxem-
bourg qui appuie le Réseau des producteurs d’ananas du Bénin, le REPAB. La FAO et
la BAD (Banque africaine de développement) ont appuyé le CePEPE pour conduire
des projets au profit du secteur privé. Il convient de noter aussi que chaque agence est
porteuse de plusieurs projets dans le temps et peut participer à la mise en place et/ou
au renforcement de plusieurs associations professionnelles. C’est dire aussi que la mul-
tiplicité des organisations est aussi une conséquence de l’aide au développement.
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Partenaires techniques et financiers CNAB UCIMB FEJEC FEFA CNPB ASNIB FENAPME CCIB CIPB RCAB
Etat béninois X X X X
UEMOA X X
CEDEAO X
raux
PNUD X X X
BIT X
CNUCED X
Union européenne X X X X X X X X X X
FMI X
Banque Mondiale X
USAID X X
ACDI X
Coopération suisse X X X X
Coopération danoise X
Coopération belge X
Coopération néerlandaise X
AFD X X X X X X X X X X
CDE X
GIZ X
Cartographie des appuis techniques et financiers aux organisations du secteur privé ; Source : PARASEP 2017b.
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président de l’association, j’ai laissé la place à une autre personne. » A. D. Chef d’entreprise, ancien
président ANATRAB, Allada, entretien du 25 janvier 2017.
Au niveau des associations, les questions d’adhésion ne sont pas également bien formalisées.
Les grandes associations regroupent aussi bien des entreprises que des associations d’entre-
prises.
« J’ai demandé une adhésion au patronat CNPB avec mon entreprise qui est restée sans
suite. Ce sont les entreprises qui adhèrent au patronat et non les associations. Mais il faut
dire que je n’ai pas suivi le dossier. L’Union des commissionnaires en douane, transpor-
teurs agréés du Bénin (UCDTAB) ne peut aller en bloc vers le CNPB. Il peut y avoir des
gens, des entreprises qui vont préférer la CONEB. Moi je préfère le CNPB mais on verra
bien. Ce sont les chefs d’entreprises qui doivent adhérer et non les associations qui sont
déjà des regroupements de chefs d’entreprises ; c’est au fait un amalgame chez nous. » F.J.
Chef d’entreprise, Responsable association d’entrepreneurs, Cotonou entretien du 26 janvier 2017.
Le schéma de fonctionnement de ces associations est très peu éloigné de celui des partis poli-
tiques (Badou, 2003) marqué par une multitude d’associations suite à de nombreuses scis-
sions ; une existence davantage nominale que réelle portée uniquement par le président, le
bureau ou un petit noyau ; de longues périodes d’inactivités ; l’absence parfois de siège, le non
payement des cotisations, une visibilité limitée, des organes statutaires peu fonctionnels, l’ab-
sence de démocratie en leur sein, etc. D’autres secteurs de la société, comme le champ reli-
gieux, connaissent aussi ces tendances à la segmentation et des scissions.
Le financement des associations patronales par des projets soulève deux questionnements ma-
jeurs
- Comment des projets caractérisés originellement par une durée de vie limitée peuvent-
ils porter le relèvement d’un secteur privé à durée de vie illimitée ?
- Est-ce anodin que des projets financent les associations qui vont défendre des opéra-
teurs économiques créateurs de richesse dans des domaines qui rapportent de l’argent
à ces derniers ?
Conclusions
Cette étude présente les caractéristiques des grandes et moyennes entreprises au Bénin, ainsi
que les acteurs qui animent l’arène entrepreneurial. Cette arène est marquée par la présence
des entrepreneurs, leurs associations, l’Etat et les bailleurs de fonds à travers les structures et
projets d’appui à l’entreprenariat. Les grands et moyens entrepreneurs béninois sont le plus
souvent animés du « syndrome d’assiégé » qui se manifeste par la pression étatique et sociale
autour d’eux. Ils collaborent ou ont collaboré au moins une fois avec l’Etat, les associations
professionnelles et/ou les agences de développement dans l’espoir d’améliorer leur statut ou
leur projet économique.
La création des associations professionnelles relève de l’initiative singulière ou combinée des
entrepreneurs, des agences de développement et de l’Etat. La présence d’une multitude d’as-
sociation professionnelle dont aucune ne représente à elle seule tous les entrepreneurs, n’ex-
prime pas l’existence active d’un bloc secteur privé en tant que force socio-économique au sein
de la société globale.
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Bibliographie
Ali, M. 2017. Réussir des échanges commerciaux et des partenariats industriels fruc-
tueux en Afrique de l’ouest le cas du Bénin-Nigéria, Cotonou, Christon éditions.
Badou, A. O. 2003. Partis politiques et stratégies électorales à Parakou, Arbeitspa-
piere/Working Papers, Institut für Ethnologie und Afrikastudien, Johannes Guten-
berg Universität Mainz, no. 22, http//www.ifeas.uni-mainz.de/workingpapers/Ba-
dou.pdf.
Banque Mondiale 2015. La Banque mondiale au Bénin. Bénin présentation ;
www.banquemondiale.org/fr/country/benin/overview, accédé 4.6.2019.
CCIB 2015a. Plan stratégique de la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin
(CCIB 2015- 2021). Cotonou
CCIB 2015b. Les Etats généraux du secteur privé, décembre 2014. Cotonou
CCIB 2015c. Atouts Bénin, magazine des opérateurs économiques, N°2, bimestriel de
la CCIB. Cotonou
CCIB 2015d. Atouts Bénin, magazine des opérateurs économiques, N°3, bimestriel de
la CCIB. Cotonou
CONEB 2019. Liberté d'entreprise. Ensemble pour un Bénin économiquement pros-
père ; http://coneb.africa/, accédé 4.6.2019
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Annexes
Bertille Guèdègbé Marcos, PDG des entreprises ‘Les Fruits Tillou’ et ‘Jus Tillou’, Allada (50
km de Cotonou) (entretien du 27-02-2018)
Bertille Guèdègbé Marcos est une chef d’entreprise béninoise née en 1957 de parents infir-
miers. Ainée d’une fratrie de onze enfants, elle était destinée aux études de médecine par ses
parents qui l’ont inscrite à la Faculté de médecine avant de constater deux ans plus tard qu’elle
avait opté plutôt suivre des cours d’agronomie. Sortie Ingénieur agronome de l’Université
d’Abomey Calavi en 1986, elle entama des études doctorales en nutrition et technologies ali-
mentaires qu’elle dût abandonner très tôt à la suite d’un drame familial. Mère de quatre en-
fants, elle est une des figures phare de la production, de la transformation et de l’exportation
de l’ananas made in Bénin et surtout de l’ananas bio. Première exportatrice d’ananas frais et de
jus d’ananas du Bénin vers l’Europe, elle a fait partie du comité d’élaboration du cahier de
charges du label ananas du Bénin.
A sa sortie d’université, Bertille Guèdègbé Marcos a eu un parcours alterné de salariée d’ONG,
de promotrice de petites entreprises alimentaires et agricoles, de promotrice d’ONG et de con-
sultante en appui conseil aux producteurs de 1987 à 2000. De ce fait elle a collaboré avec les
universités, les agences de développement et le Ministère de l’agriculture. Les activités de l’en-
treprise Les Fruits Tillou démarrée en 2000, consistent en la culture de l’ananas et son expor-
tation vers l’Europe. En 2011, l’entreprise Les Fruits Tillou est devenue une SARL dont elle
partage les parts avec ses enfants. En 2015, elle exportait environ 60 tonnes d’ananas par se-
maine. Quant à l’entreprise de transformation Les Jus Tillou démarrée en 2015 à la suite de
lourds investissements (capacité de production, technologies, certification iso, prêt bancaire,
etc.), elle est spécialisée dans la transformation de l’ananas biologique en jus d’ananas. Sa pro-
duction journalière s’élève à 12.000 litres de jus d’ananas biologique. Les Jus Tillou est une
société anonyme à la suite d’un partenariat avec deux entreprises françaises auxquelles 30%
3Ces biographies ont été revues par les entrepreneurs concernés qui ont donné leur autorisation de les
publier.
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des parts à l’exportation ont été cédés, ainsi que 5% à la plus grande coopérative de produc-
teurs d’ananas au Bénin, le REPAB. Les Jus Tillou comptent à l’usine 32 employés à plein
temps et 458 occasionnels.
Sa vocation d’entrepreneure agricole est née selon elle des expériences de ses parents qui bien
qu’étant fonctionnaires, possédaient des plantations de noix de palme dont les revenus ai-
daient à supporter les charges familiales.
La création de son entreprise actuelle s’est appuyée sur sa longue expérience professionnelle
auprès des paysans mais aussi sa détermination et sa volonté de réussir et de devenir chef
d’entreprise florissante. Aussi est-elle partie d’un deal avec les paysans à qui elle proposait ses
conseils et des terres qu’elle avait louées. A l’issue de la saison agricole, il lui revenait le tiers
de la récolte et les 2/3 aux paysans. C’est ainsi qu’elle rachetait leur part et vendait l’ensemble
et progressivement constituait son capital.
Elle affirme avoir démarré sans un capital financier, consciente du fait que les banques n’ap-
puient pas les débutants. Son véritable premier prêt bancaire au profit de ses entreprises n’est
intervenu qu’en 2015 avec la Société générale des banques.
Elle affirme avoir bénéficié de l’assistance à la promotion de ses produits à travers les parte-
nariats avec l’État et les projets de développement (foire, salons, voyages d’affaires, formation
à la qualité, à la certification des produits, efforts d’organisation et de restructuration de la
filière ananas, etc.). Ceci notamment avec les projets ProCAD, PADA, AGON de l’ITC, en col-
laboration avec le Ministère de l’agriculture. Son souhait serait davantage l’investissement de
l’Etat dans la résolution des principaux problèmes liés au conditionnement de l’ananas (dis-
ponibilité et qualité de l’emballage, de l’étiquette), l’accès au financement et à certains mar-
chés. Evoquant l’accès au marché, Bertille Guèdègbé Marcos déplore la difficulté d’accéder de
façon officielle au marché nigérian. Ses démarches personnelles avec le NAFDAC, l’organe de
certification des aliments du Nigéria, depuis 2015 pour l’exportation massive de jus d’ananas
vers ce pays n’ont toujours pas abouti. Son espoir réside dans la visite officielle faite dans ses
fermes de production par l’ambassadeur du Nigéria au Bénin en février 2018 et à l’issue de
laquelle ce dernier a reconnu le respect des règles d’hygiène de l’usine.
Les difficultés d’exportation du jus l’ont amené à se rabattre sur le marché local et UEMOA
qui arrivent à consommer la majorité de ses productions.
En dehors de l’ananas, l’entrepreneure conduit d’autres projets dans le secteur agricole comme
l’exportation des fruits séchés, la production de palme et la transformation des noix de palme
en huile rouge, la production du bois de teck, etc.
Militante des associations dès son jeune âge au lycée Toffa, elle est membre et responsable de
plusieurs organisations professionnelles. Les principales sont :
- Présidente de l’Association interprofessionnelle de l’ananas mise en place en 2016 avec l’ap-
pui du Programme d’appui au renforcement du secteur privé (ProCAD) ;
-Vice-présidente des exportateurs d’ananas ANEAB mise en place par ProCAD en décembre
2016 ;
- Fondatrice de l’organisation non-gouvernementale GERME (Formation et appui – conseil
aux exploitants agricoles notamment dans la filière ananas) ;
- Membre du conseil d’administration de l’Afrique Agro-Export (AAFEX) sis à Dakar ;
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- Membre du COLE-ACP pour la promotion des fruits et légumes dans les ACP (Afrique Ca-
raïbes Pacifique) :
- Membre de l’Association des transformateurs d’ananas du Bénin ANATRAB avec le Minis-
tère de l’agriculture et l’Agence nationale des normes et de la métrologie (ABMCQ) ;
- Membre de l’Association nationale des femmes chef d’entreprise agricole ;
Avec ce palmarès associatif, elle affirme pourtant n’être membre d’aucune association patro-
nale faitière ni d’un parti politique. Elle est parfois sollicitée par certaines structures étatiques
pour des conseils dans la filière ananas.
Autodidacte dans de nombreux domaines, elle est également détentrice de plusieurs certificats
de formations. Elle a ainsi acquis des compétences dans le fund raising, les normes de qualité
ISO, la gestion d’exploitation agricole, etc.
Engagée dans les œuvres sociales, elle a suspendu le travail des enfants dans les villages où
elle produit l’ananas et y a installé des adductions d’eau potable ainsi que la construction d’une
école primaire et d’une crèche pour les nourrissons.
Evoquant sa personnalité et sa vie privée, elle se définit comme une femme très rigoureuse
mais aussi très gentille qui s’est forgée un caractère rigide, une carapace pour mieux avancer
et faire face à l’éducation des enfants. Le succès de son entreprise l’a amenée à solliciter l’un
de ses enfants cadre à la SNCF en France pour l’aider dans la gestion.
Albin Clet Fèliho, Président de la Confédération nationale des employeurs du Bénin (CONEB),
Directeur de l’agence Evènemenciel (tourisme et voyages) (entretien du 18-10-2016)
Albin Clet Fèliho, marié et père de trois enfants, est né le 28 novembre 1963 à Bordeaux. Di-
plômé en création et gestion des PME-PMI à Strasbourg en France en 1992, il est depuis 1996,
directeur associé de l’agence de voyage et de tourisme Evènemenciel. A l’abord, l’homme af-
fiche un niveau de connaissance élevé des questions d’entreprise, de monétarisation et de re-
lations commerciales internationales. Estimant qu’on ne gagne pas sa vie dans la fonction pu-
blique, il s’est orienté vers le monde des entreprises. Il affirme avoir eu la chance de grandir
dans un environnement favorable aux affaires car sa famille avait déjà une tradition d’entre-
prises. Aussi affirme-t-il avoir eu le choix entre deux opportunités : soit poursuivre dans l’hô-
tellerie avec l’hôtel familial, soit gérer le cabinet d’avocat de son père. Se trouvant des aptitudes
pour le tourisme, il a pris la direction de l’hôtel qu’il a par la suite agrandi et modernisé. Pour
mieux comprendre ce secteur, il se rappelle avoir lu près de 2000 pages sur l’hôtellerie et le
tourisme. Grâce à ses partenariats avec les Nations Unies et d’autres agences de développe-
ment, il s’est investi dans la sous-traitance avec d’autres hôtels pour satisfaire sa clientèle. Au
vu de ses succès, il a diversifié ses prestations en embrassant d’autres activités telles que la
billetterie et la gestion d’évènements et l’organisation de voyages en groupe. Pour élargir ses
prestations, il a dû négocier et sous-traiter avec d’autres agences de voyage dans la sous-ré-
gion. Ceci lui a permis de créer le 1er réseau volontaire d’agences de voyage en Afrique de
l’ouest et centre qui compte 120 agences dans dix pays. Son leadership dans le secteur touris-
tique lui a valu les postes internationaux suivants :
- Président national de la Jeune chambre internationale en 2003 ;
- Président de zone du Lions Club ;
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Dieudonné Alladjodjo, Entreprise Promo-fruits promoteur des jus d’ananas IRA, Allada (50
Km de Cotonou) (entretien du 25-01-2017)
Dieudonné Alladjodjo, né en 1977, est membre d’une coopérative de producteurs d’ananas et
directeur-général de Promo-Fruits Bénin, une industrie de transformation de l’ananas en jus
conditionné en cannettes et en gâble top d’un litre.
Producteur d’ananas depuis 1996, alors qu’il était élève en classe de seconde au Lycée tech-
nique Coulibaly de Cotonou dans la filière commerce, Dieudonné Alladjodjo est le premier
grand entrepreneur béninois de la transformation et de l’exportation de jus d’ananas made in
Bénin vers l’Afrique.
Chevalier de l’ordre du mérite agricole du Bénin, cet ancien président de l’Association des
transformateurs d’ananas du Bénin, il se dit avant tout producteur d’ananas. Originaire de
Togoudo dans la Commune d’Allada, il réclame son identité de fils de paysans propriétaires
de terres et producteurs d’ananas. Il a démarré la production sur les terres familiales à Allada
et en a acheté d’autres par la suite. Ses premières expériences en entreprenariat ont été acquises
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dans le cadre des formations animées par le Centre pour la promotion agricole appuyé par le
projet Canadien IDREC. Les jeunes qui avaient un plan d’affaire à l’issue de ce programme,
bénéficiaient d’un crédit financier. C’est ainsi que cet appui lui a permis d’agrandir son exploi-
tation tout en étant élève et de décrocher plus tard en 1998 son BAC à l’issue duquel il pour-
suivit ce projet tout en continuant ses études universitaires pour une licence en économie.
Cependant en première année d’université, en 1999, il a gagné un concours organisé par le
PAPME qui l’a classé parmi les quatre meilleurs agriculteurs du Bénin.
C’est confronté aux problèmes de mévente lors de l’écoulement du fruit frais en 2001 qu’il a
eu l’idée de la transformation. A cette époque, il devenait difficile de vendre localement et
d’exporter à grande échelle le fruit frais. Il a eu alors l’idée d’amener l’Etat à exiger de la Société
béninoise de brasserie (SOBEBRA) l’approvisionnement en matières premières du Bénin
comme l’ananas pour la fabrication de ses boissons gazeuses. N’ayant pas eu gain de cause, il
affirme avoir libéré une partie du capital à d’autres producteurs et forma une coopérative de
productions d’ananas afin d’avoir la matière pour l’usine de transformation. C’est alors qu’en-
semble avec la coopérative, il a choisi comme marque IRA : Initiative pour la relance de l’ana-
nas. C’était une petite entreprise artisanale qui transformait 200 kg d’ananas par jour avec un
capital de 2,6 millions FCFA (4.000 €). Ce n’est qu’en 2009 où il était à un niveau d’activité de
cinq tonnes d’ananas transformés par jour qu’il a eu l’opportunité du programme Millénium
challenge account (MCA) qui a financé l’entreprise à hauteur de 111 millions de FCFA (170.000
€) pour l’installation d’équipement de transformation, en contrepartie d’une mobilisation de
54 millions FCFA (82.000 €) par l’entreprise. C’est ainsi que pour avoir cette opportunité, un
crédit bancaire a été accordé à l’entreprise par la Banque of Africa. Ce fut le premier prêt ban-
caire et ceci grâce à la caution que constituait MCA. Cet appui a augmenté la capacité de trans-
formation à trois tonnes par heure.
La coopérative est composée de 153 producteurs mais l’usine se ravitaille également auprès
de 2.000 autres petits producteurs. En dehors de l’ananas, Dieudonné Alladjodjo produit et
transforme également la papaye et la mangue.
Actuellement, l’entreprise selon lui n’a pas de difficultés de mobilisations de ressources. C’est
plutôt les banques qui frappent à sa porte. Sa seule difficulté reste l’entrée officielle sur le mar-
ché Nigérian et les pays arabo-musulmans qui consomment beaucoup de jus de fruits. A cet
effet, il est doigté comme l’entrepreneur Béninois qui s’est le plus investi pour obtenir l’accré-
ditation du NAFDAC porte sésame d’accès au marché nigérian sans succès.
En dehors du MCA, il reconnaît également la présence d’autres projets de développement
mais cette fois-ci dans la formation des entrepreneurs. Il s’agit du Projet d’appui à l’ananas
biologique et durable de l’ONG Suisse Helvetas-Bénin, du Fonds canadien aux initiatives lo-
cales ainsi et de l’IFDC (International fertilizer development center).
Marié et père de famille attentionné, il vit à Calavi mais vient travailler chaque jour à Allada
où se trouvent l’usine et son bureau. Il dit faire preuve de beaucoup d’humilité et de générosité
pour travailler au village parmi les siens. Il déplore néanmoins le temps de travail utilisé pour
régler les nombreuses sollicitations à des fins d’aide sociale.
Très occupé, il gère presque seul les nombreuses transactions pour l’acheminement des jus de
fruits vers les pays africains. Durant l’entretien à l’usine, nous avons pu constater que son
téléphone portable sonnait tout le temps et qu’il gérait beaucoup de choses à la fois. Il donnait
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des consignes au téléphone pour la marchandise à envoyer au Tchad, au Mali, à Pointe noire,
des questions de douanes, de coûts de revient de l’envoi, etc.
Dieudonné Alladjodjo précise qu’il n’a pas le temps pour militer dans un parti politique ni
dans une organisation patronale.
Awahou Codjo Alabi, PDG entreprise Awa Fish SARL (entretien du 19-10-2016)
Awahou Codjo est mariée et mère d’un garçon. Originaire de Dangbo dans l’Ouémé, celle qui
affirme avoir 24 ans d’expérience dans l’entrepreneuriat, est la PDG de l’entreprise Awa Fish
SARL spécialisée dans la commercialisation et la distribution des produits de pêche et la vo-
laille congelés. Son entreprise fait d’elle l’une des deux premières exportatrices de produits de
mer congelés vers le Nigéria. Elle emploie 17 personnels permanents et 20 occasionnels. Cette
élue consulaire, membre fondateur de la CONEB, deuxième vice-présidente de la CCIB 2014-
2019 est aussi membre de l’ANIPROCOB (Association nationale des importateurs des produits
congelés au Bénin).
Titulaire d’une maitrise en Anglais et d’un DESS en secrétariat bilingue, elle créa son entre-
prise en 1995 après un an d’activité informelle. Ancienne employée du Centre culturel Améri-
cain de Cotonou et d’un supermarché de la place, elle avait toujours rêvé travailler dans un
organisme international. C’est en attendant la réalisation de ce rêve qu’elle débuta la vente du
poisson frais avec les femmes mareyeuse du port de pêche de Cotonou. Par la suite, elle négo-
cia directement avec les armateurs, préfinançant les achats, avant qu’ils n’aillent à la pêche.
Ainsi elle avait le monopole de la pêche et revendait aux mareyeuses. Profitant des expériences
de business de son mari, elle agrandi ses activités avec un capital de 5 millions FCFA (7.600 €)
que ce dernier avait mis à sa disposition. Malgré ce premier investissement, elle avait beau-
coup de perte due à l’absence de chambre froide pour conserver les produits. En 1994, elle
obtint un domaine auprès du Port autonome de Cotonou pour installer son entreprise. Elle
bénéficia d’un crédit de 20 millions FCFA (30.000 €) de la Caisse française de développement
devenue Agence française de développement (AFD), avec l’appui du Centre de promotion et
d’encadrement des petites et moyennes entreprises (CePEPE). Ce crédit qu’elle a remboursé
avec 8% de taux d’intérêt par an sur quatre ans au lieu des cinq ans prévus lui a permis de
moderniser son équipement. C’est ainsi qu’avec la recommandation des bailleurs de fonds,
elle obtint un autre prêt auprès de la Bank of Africa. Elle a pu alors construire une autre
chambre froide en dehors du Port autonome de Cotonou.
Le grand boom de son entreprise est intervenu en 2009 à la suite d’un financement du Millé-
nium challenge account (MCA) à hauteur de 250.000 US$. Ceci n’a été possible qu’après la
satisfaction des conditionnalités du MCA dont la principale exigence a été d’ouvrir le capital
à un consortium regroupant les pêcheurs artisanaux, ses principaux fournisseurs, et les autres
acteurs de la chaine (revendeuses, écailleuses). Cet exploit lui a permis d’accéder au réseau
Business and professional women (BPW) en 2009. Sa relation avec les Etats-Unis s’est égale-
ment illustrée à travers son appartenance au Women in business, un programme de leadership
féminin qui lui a permis de représenter les femmes commerçantes du Bénin à un séminaire sur
l’entreprenariat féminin aux Etats Unis. Musulmane fervente, elle est également la représen-
tante de la Chambre islamique pour l’Afrique de l’ouest (CIAO).
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Evoquant ses relations avec l’Etat, Awahou Codjo Alabi affirme ne plus entretenir de rapports
commerciaux avec ce dernier qui fut avec elle, un débiteur insolvable. Les principales difficul-
tés qu’elle évoque dans son entreprise sont liées à la fourniture instable de l’énergie qui ralentit
ses potentialités mais aussi l’accès au financement bancaire qui exige la cession de fortes ga-
ranties.
Elle compte sur ses employés qu’elle forme en conséquence, pour prendre la relève de l’entre-
prise à sa retraite.
Femme politique, elle a été candidate malheureuse aux élections législatives de 2007, 2015 et
2019 sur la liste du Parti du renouveau démocratique dont elle est membre depuis 1993. Bien
qu’elle soit la seule femme membre de la direction nationale exécutive du parti au poste de
déléguée genre et déléguée aux affaires étrangères chargée des Béninois de l’extérieur, elle n’a
jamais pu obtenir un positionnement conséquent pouvant la faire élire.
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reconnaît que lorsqu’on entreprend dans le domaine de sa formation de base, il y a une péren-
nisation de l’activité avec une meilleure maitrise des contours.
Actuellement, Christian Mondjannagni a créé une nouvelle société de transformation agroali-
mentaire qui produit des concentrés de fruits, de tomates, des escargots, et qui compte douze
employés.
Sur le plan associatif, il a été membre de l’ASNIB l’Association nationale des industriels du
Bénin et élu consulaire à la chambre consulaire régionale de l’UEMOA pendant treize ans. Il
précise ne pas avoir d’affiliation politique mais s’inspire de grands hommes comme l’Abbé
Pierre, Monseigneur Isidore de Souza, Mère Thérèsa, Nelson Mandela dont les photos ornent
son bureau. Etant dans le social et non dans la politique, comme il aime le préciser, Christian
Mondjannagni s’investit avec ETE, dans la construction de modules de classes à Tori et affirme
ne jamais financer un homme politique.
Serge Maurice Sogbossi, Président Association nationale des entreprises de construction, des
travaux publics et des activités connexes (ANECA). PDG entreprise SIGMA 2, une société du
Groupe SM Sogbossi (entretien du 08-03-2017)
Fils d’un ancien magistrat devenu par la suite enseignant et d’une mère secrétaire de direction
devenue aussi par la suite commerçante, Serge Maurice Sogbossi est né le 27 janvier 1967. Ori-
ginaire d’Abomey, il est entrepreneur dans le secteur des bâtiments et travaux publics et expert
en génie civil près les tribunaux du Bénin. Il est le PDG de l’entreprise Sigma 2 SA, l’une des
plus grandes entreprises de BTP au Bénin qui a des succursales dans la région africaine (Cote
d’Ivoire, Niger, Centrafrique, Togo, Burkina Faso,...). Employeurs de plus de deux cent agents
permanents, élu consulaire à la Chambre de commerce et d’industrie (CCIB), il est le président
de l’ANECA depuis 2007 et membre de plusieurs conseils d’administration de société d’Etat.
Admis en 1987 de l’Ecole polytechnique de Thiès au Sénégal, il est sorti titulaire d’un diplôme
d’ingénieur de conception en génie civil, assorti d’une formation militaire qui lui donne droit
au rang d’officier de réserve. Rentré au Bénin en 1992, il a été employé dans une entreprise
multinationale de BTP pendant plus d’une dizaine d’années. Tour à tour chef chantier, con-
ducteur de travaux et enfin directeur des travaux, il affirme avoir quitté son ancien employeur
en 2001, malgré la rémunération enviable dont il bénéficiait, pour créer sa propre entreprise la
même année. Selon lui, il avait acquis l’expérience nécessaire pour réussir dans son entreprise.
Serge Maurice Sogbossi estime qu’il est entrepreneur depuis son jeune âge. Ainsi il a malgré
les réserves de ses parents, étant encore un élève au collège, mis en place de petites entreprises
comme l’exploitation d’un moulin ou encore de moto taxi qu’il aurait acquis avec ses écono-
mies issues de petits jobs de répétiteurs scolaires d’enfants de parents aisés, pendant ses heures
libres.
Son expérience à la tête de l’ANECA lui fait dire que l’Etat peut être, à la fois le grand goulot
d’étranglement et le catalyseur dans le développement des entreprises BTP.
En 2017, il crée le Groupe SM Sogbossi comprenant plusieurs entreprises dont SIGMA 2 SA.
Il s’investit également dans les œuvres sociales, notamment l’aide à la construction d’édifices
religieux, les récompenses aux élèves méritants, l’aide en faveur des malades mentaux et des
orphelinats, etc.
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