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Droit Des Sûretés OHADA

Le document traite du droit des sûretés dans l'espace OHADA, en définissant le crédit et les garanties, ainsi que la distinction entre garanties et sûretés. Les sûretés, qui sont un sous-ensemble des garanties, permettent aux créanciers de se protéger contre le risque d'insolvabilité de leur débiteur en leur conférant des droits spécifiques. Enfin, le texte souligne l'importance de la finesse juridique dans la compréhension de ces mécanismes.

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Droit Des Sûretés OHADA

Le document traite du droit des sûretés dans l'espace OHADA, en définissant le crédit et les garanties, ainsi que la distinction entre garanties et sûretés. Les sûretés, qui sont un sous-ensemble des garanties, permettent aux créanciers de se protéger contre le risque d'insolvabilité de leur débiteur en leur conférant des droits spécifiques. Enfin, le texte souligne l'importance de la finesse juridique dans la compréhension de ces mécanismes.

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DROIT DES SURETES

DANS L’ESPACE OHADA

2018-2019

1
INTRODUCTION

1- Le crédit et les garanties - Les garanties sont consenties lors de la fourniture de crédit. Du
point de vue juridique, le crédit est techniquement défini comme « l’ensemble des opérations
et des techniques au moyen desquelles un capital est transféré momentanément par son
propriétaire à une autre personne sous la condition que ce capital ou son équivalent sera, à
une certaine date, restitué à son propriétaire1 ». En d’autres termes, le crédit est la mise à
disposition provisoire ou conditionnelle, d’une somme d’agent au profit d’un tiers, à
charge, pour cette dernière de restituer la somme d’argent ou un bien équivalent.

Toutefois, l’élément essentiel du crédit n’est pas le transfert du pouvoir d’achat mais
l’intervention de deux éléments : le temps et le risque. Le temps est déterminé par le délai qui
s’écoule entre les deux prestations. Ce délai introduit nécessairement dans l’opération un
élément de confiance : le créditeur prend le risque de faire confiance au crédité ; il doit croire
que ce dernier le paiera ou le remboursera à l’échéance fixée2. Ainsi, temps, confiance et
promesse de rembourser se combinent pour engendrer le crédit.

2 – Les garanties - Mais la confiance du créditeur en le crédité ne doit pas être une confiance
aveugle. En effet, en raison du passage du temps entre la constitution du crédit et l’exécution
du crédité, le risque que ce dernier ne soit pas en mesure de payer à l’échéance est réel ; c’est
alors qu’interviennent les garanties pour conjurer ce risque.

Les garanties sont des institutions qui ont pour objet de protéger les créanciers contre
les risques du crédit. Principalement, le créancier s’expose à deux risques : l’insolvabilité de
son débiteur et l’immobilisation de sa créance. Le risque de l’insolvabilité du débiteur est dû à
la possibilité que ce dernier soit défaillant à l’échéance ; quant au risque de l’immobilisation
de la créance, il se produit en cas de retard, par le débiteur, pour exécuter son obligation.
L’utilité, pour un créancier, de bénéficier d’une garantie est de gérer, par anticipation, le
risque d’insolvabilité de son débiteur, ou tout au moins, de renforcer ses chances d’être payé
en aménageant des mécanismes propices à accroître sa confiance en son débiteur.

1
BOUTELET-BLOCAILLE, Droit du crédit, Ed. Masson, Paris, 1987, n° 1, p. 1.
2
On a pu écrire à ce sujet : « Faire crédit, c’est faire confiance ; c’est donner librement la disposition effective
et immédiate d’un bien réel ou d’un pouvoir d’achat, contre la promesse que le même bien, ou un bien
équivalent, vous sera restitué dans un certain délai, le plus souvent avec rémunération du service rendu et du
danger couru, danger de perte partielle ou totale que comporte la nature même de ce service » (Cf. PETIT-
DUTAILLIS, Le risque du crédit bancaire, cité par BOUDINOT (A.) et FRABOT (J.C), Technique et pratique
bancaires, Ed. Sirey, 4e éd., Paris, 1978, p. 239. Il faut ajouter que crédit et confiance ont la même source
étymologique : le verbe latin credere : croire, avoir confiance.

2
3 – Les garanties et les sûretés - Les garanties, ainsi envisagées, doivent être distinguées des
sûretés. La distinction entre les garanties et les sûretés est comparable à la distinction entre un
genre et son espèce. En effet, les sûretés sont une espèce du genre garanties. Elles sont donc
un sous-ensemble des garanties. La catégorie des garanties est plus large que celle des
sûretés ; à l’intérieur de la catégorie « garanties », il existe certaines qui, en raison de leurs
caractéristiques particulières, sont appelées « sûretés ». On dit ainsi que : « toute sûreté est
une garantie mais toute garantie n’est pas une sûreté ».

Il y a donc lieu de distinguer les garanties des sûretés et pour ce faire, trois critères
peuvent être avancés : la finalité des deux mécanismes, la technique utilisée et les effets des
deux mécanismes.

3.1 - Premier critère : la finalité des deux mécanismes3

En premier lieu, toute sûreté se caractérise par sa finalité particulière : elle permet à
son bénéficiaire d’échapper à la loi du concours entre les créanciers. Permettant ainsi au
créancier privilégié d’échapper au concours des autres créanciers, la sûreté tend directement
au recouvrement d’une créance alors que la garantie ne tend pas directement au recouvrement
d’une créance.

En second lieu, toute sûreté produit un effet particulier dans la mesure où sa mise en
œuvre a toujours un effet satisfaisant pour le créancier, à savoir l’extinction de sa créance, ce
qui n’est pas l’effet produit par les garanties qui ne sont pas des sûretés.

3.2 - Deuxième critère : la technique utilisée

D’abord, la sûreté utilise une technique particulière dans la mesure où elle confère un
droit d’agir à son bénéficiaire c’est-à-dire un droit de poursuivre une personne ou le droit de
faire vendre ou de se faire attribuer une chose. La sûreté suppose une affectation du bien
figurant dans le patrimoine du débiteur ou d’un tiers.

Ensuite, la sûreté s’inscrit dans un rapport d’accessoire à principal avec la créance


qu’elle garantit. Sa source est donc distincte de celle donnant naissance à la créance
principale ; en cela, la sûreté se distingue de la garantie qui, en principe, n’est pas accessoire à
la créance ; la garantie est plutôt inhérente au rapport d’obligation.

3
A propos de la finalité des sûretés, on a pu écrire que : « relativement à leur finalité, les sûretés visent à parer
le créancier des insuffisances de son droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur. En effet, ce droit
de gage général, dont le principe est reconnu à tout créancier par l’article 2093 du code civil ivoirien, est
doublement faible car il ne confère ni le droit de suite ni le droit de préférence au créancier. En conséquence,
non seulement le créancier n’a aucun droit sur les biens de son débiteur sortis sans fraude du patrimoine de
ce dernier mais en plus, à l’échéance de sa créance, il subira le concours des autres créanciers du débiteur.
Le risque qu’il ne soit pas désintéressé est donc très grand. Pour prévenir ce risque d’impayé, le créancier
peut bénéficier de sûretés. Ces dernières, intrinsèquement liées à la durée, apparaissent ainsi comme un pari
sur l’avenir. Elles sont comme le bouclier permettant au créancier de se protéger contre l’épée de Damoclès
qu’est le risque d’insolvabilité du débiteur », KAKALY (J.D.), Thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2010, n°
5, p. 10.

3
En somme, appréhendées dans leur rapport aux sûretés, les garanties sont tous les
avantages spécifiques à un ou plusieurs créanciers dont la finalité est de suppléer à l’exécution
régulière d’une obligation ou d’en prévenir l’exécution. Ainsi, beaucoup d’institutions ont une
fonction de garantie sans pour autant être des sûretés4.

3.3 - Troisième critère : les effets produits par les deux mécanismes

A ce niveau, il faut relever que les garanties n’accordent, au créancier chirographaire,


que le droit de gage général à eux reconnus par l’article 2093 du code civil qui dispose que :
« Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s’en distribue
entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de
préférence ». A la différence des créanciers chirographaires, les créanciers privilégiés, c’est-
à-dire ceux titulaires d’une sûreté, bénéficient, en plus du droit de gage général, de deux
autres prérogatives importantes : le droit de suite et le droit de préférence. Ainsi, avant
l’échéance de la créance surtout, le droit de suite leur permet de saisir le bien grevé en
quelque main qu’il se trouve et de le faire vendre tandis que le droit de préférence leur
permet, à l’échéance, d’échapper au concours des autres créanciers en étant payés
prioritairement.

Au contraire des créanciers privilégiés, ceux chirographaires n’ont ni droit de suite ni


droit de préférence. Ainsi, avant l’échéance, lesdits créanciers n’ont aucune action contre les
biens sortis légalement du patrimoine de leur débiteur5. Cette sortie, en diminuant la valeur du
patrimoine de leur débiteur, diminue d’autant leur droit de gage général. Toutefois, ils
bénéficient des entrées dans le patrimoine de leur débiteur. Ainsi, si le débiteur en question
néglige de recouvrer des créances qui vont enrichir son patrimoine et augmenter d’autant le
droit de gage général des créanciers chirographaires, ces derniers peuvent exercer l’action
oblique6.

Par ailleurs, à l’échéance, les créanciers chirographaires n’ont aucun droit de


préférence. En conséquence, pour recevoir le paiement de leurs créances, deux situations se
présentent : soit le paiement est le prix de la course, c’est-à-dire que les premiers créanciers
chirographaires saisissants les biens de leur débiteur commun seront les premiers payés ; soit,
lorsque plusieurs créanciers saisissent simultanément les biens du débiteur, le paiement se fera
au marc le franc, c’est-à-dire au prorata de la valeur de la créance de chaque créancier. Il

4
Il en est ainsi de la stipulation pour autrui, de la solidarité, de la garantie des vices cachés, de la compensation,
de l’exception d’inexécution, etc.
5
Si les biens sont sortis du patrimoine en fraude de leurs droits, les créanciers chirographaires peuvent exercer
l’action paulienne contre l’acquéreur du bien. Le bénéfice de l’action paulienne leur est reconnu par l’article
1167 al. 1er du code civil qui dispose que : « Ils peuvent aussi, en leur nom personnel, attaquer les actes faits par
leur débiteur en fraude de leurs droits ».
6
L’action oblique est prévue par l’article 1166 du code civil aux termes duquel : « Néanmoins les créanciers
peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés
à la personne ».

4
résultera de cette situation que, probablement, aucun des créanciers chirographaires n’aura la
totalité du montant de sa créance.

3.4 - Conclusion sur la comparaison entre garanties et sûretés

Pour conclure sur ce point, il y a lieu de mentionner que si la distinction entre les
garanties et les sûretés est établie, elle ne doit toutefois pas être absolutisée.

En effet, des interférences existent entre les deux mécanismes qui tendent à relativiser
la distinction. Ainsi, à titre d’exemple, il existe des garanties qui, à l’instar des sûretés,
tendent directement au recouvrement d’une créance : tel est le cas de l’action directe7. Il en
résulte que le fait de tendre directement au recouvrement d’une créance n’est pas l’apanage
des seules sûretés. Certaines garanties le peuvent aussi. Par ailleurs, toutes les sûretés
n’accordent pas de droit de suite ni de droit de préférence aux sûretés privilégiés. Tel est le
cas des sûretés personnelles. En effet, seules les sûretés réelles accordent aux créanciers
privilégiés les droit de suite et de préférence. Le bénéfice que les sûretés personnelles
accordent aux créanciers privilégiés réside dans l’adjonction d’un patrimoine au patrimoine
du débiteur. La pluralité de patrimoines et donc la pluralité de droits de poursuites du
créancier est la garantie que les sûretés personnelles accordent aux créanciers privilégiés.

Toutefois, la distinction entre garanties et sûretés, quoique relative, doit toutefois être
maintenue. C’est une exigence de la finesse juridique.

4- Les sûretés – Définition - A l’intérieur du mécanisme des garanties, on distingue le rôle


spécial des sûretés. Les sûretés se distinguent des autres garanties au regard de leur finalité
particulière8 en ce sens qu’elles ont été spécifiquement prévues pour permettre au créancier
d’anticiper le risque d’impécuniosité de son débiteur.
Aux termes de l’art. 1er de l’acte uniforme portant organisation des sûretés : « Une
sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou
d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble
d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient
présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles et
que leur montant soit fixe ou fluctuant ».

7
Selon monsieur CORNU, l’action directe est « l’action en justice que, dans certains cas spécifiés (…), la loi ou
la jurisprudence ouvre à une personne contre le débiteur de son débiteur, non point au lieu et place de ce dernier
(…) mais en son nom personnel, d’où certains avantages variables (inopposabilité des exceptions, droit de
préférence relativement aux autres créanciers du débiteur intermédiaire) « , in Vocabulaire juridique Henri
Capitant, PUF, 7e éd., V° Action, p. 22.

A titre illustratif, l’article 1798 du code civil ivoirien cite un cas d’action directe. Cet article dispose que : « Les
maçons, charpentiers et autres ouvriers qui ont été employés à la construction d’un bâtiment ou d’autres
ouvrages faits à l’entreprise, n’ont d’action contre celui pour lequel les ouvrages ont été faits que jusqu’à
concurrence de ce dont il se trouve débiteur envers l’entrepreneur, au moment où leur action est intentée ».
8
Et aussi au regard de la technique utilisée puisque la sûreté s’inscrit, en principe, dans un rapport d’accessoire
avec la créance garantie tandis que la garantie est, non pas accessoire, mais inhérente au rapport d’obligation.

5
4.1 – Affectation - Il résulte de cette définition que toute sûreté consiste en l’affectation d’un
bien au bénéfice d’un créancier en vue de garantir l’exécution d’une obligation contractée par
un débiteur.
Selon monsieur CORNU, affectation signifie «détermination d’une finalité
particulière en vue de laquelle un bien sera déterminé9 ». L’affectation c’est donc, la
détermination particulière d’un bien à une finalité spécifique ; c’est le fait qu’un bien soit
destiné à un but bien déterminé..
4.2 – Bien - Par bien, il faut comprendre une chose qu’il est utile et possible de s’approprier10.
Le bien affecté peut être un bien meuble ou immeuble ; un bien corporel ou incorporel ; un
corps certain ou une chose fongible, etc. Cela dit, quand il s’agit d’une sûreté personnelle, le
bien affecté en garantie est le patrimoine tout entier du débiteur. A l’inverse, dans les sûretés
réelles, c’est un ou plusieurs biens déterminés du débiteur ou d’un tiers qui sont affectés en
garantie. Le bien peut être affecté individuellement ; de même, plusieurs biens formant une
universalité peuvent aussi être affectés en garantie.
4.3 – Rapport d’obligation - Par ailleurs, le bien est affecté au bénéfice d’un créancier. En
principe, il est affecté par le débiteur mais il peut arriver qu’un tiers affecte son bien au
bénéfice du créancier. On remarque donc que l’existence d’une sûreté suppose, en amont, un
rapport d’obligation, c’est-à-dire, l’union d’un créancier et d’un débiteur.
4.3 – Garantie de l’exécution d’une obligation – En sus, le bien est affecté en vue de
garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations. Par « garantir », il faut
comprendre « assurer » au sens de « rendre sûr », « rendre effectif ». On veut ainsi, par la
sûreté, rendre effective l’exécution d’une obligation. Cela dit, que signifie « exécution » ? Par
le vocable « exécution », il faut comprendre, l’accomplissement, par le débiteur, de la
prestation due de sorte à procurer une entière satisfaction au créancier. L’exécution d’une
obligation, c’est la réalisation effective de cette obligation. Par obligation, il faut entendre le
lien de droit entre deux ou plusieurs personnes en vertu duquel, l’une d’elles, le créancier,
peut exiger de l’autre, le débiteur, l’exécution d’une prestation ou d’une abstention. Il faut, ici,
toutefois relever, qu’il est évident que l’obligation à garantir doit être une obligation civile
dans la mesure où l’exécution d’une sûreté peut être demandée en justice. On voit mal ainsi
comment on pourrait garantir une obligation naturelle. Par l’expression « quelle que soit la
nature juridique de celles-ci », le législateur OHADA unifie le régime des obligations en ne
distinguant pas les obligations commerciales de celles civiles. En somme, civiles ou
commerciales, les obligations sont soumises au même droit des sûretés. De plus, l’obligation
peut être monétaire ou être, par exemple, une obligation de faire.
4.4 – Caractères de l’obligation – Selon l’article 1er AUS, l’obligation affectée en garantie
peut être « présente ou future, déterminée ou déterminable, conditionnelle ou inconditionnelle
et son montant peut être fixe ou fluctuant ». L’obligation présente est celle qui est déjà née au
moment de la conclusion de la garantie. A l’inverse, l’obligation future est celle qui n’existe

9
CORNU (G.), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 7 e éd., 2005, V° Affectation, p. 35.
10
Selon Frédéric ZENATI : « Les biens sont des choses qu’il est utile et possible de s’approprier », in Les
Biens, éd. PUF, Coll. Droit Fondamental, 1988, n° 1, p. 13.

6
pas encore mais qui va exister dans le futur. On peut donc s’engager à garantir une obligation
future. L’obligation déterminée est l’obligation monétaire dont le montant est connu, fixé dès
la conclusion de la garantie. Par contre, l’obligation déterminable est celle dont le montant,
indéterminé au moment de la conclusion de la garantie, pourra ultérieurement être fixé par
application de facteurs arrêtés à ce moment-là. L’obligation conditionnelle est celle qui est
soumise à une condition c’est-à-dire à un événement futur et incertain auquel est subordonné
la formation ou la résolution de l’obligation. Quand l’obligation n’est pas conditionnelle, elle
est inconditionnelle. Enfin, le montant de l’obligation peut être fixe ou fluctuant. Le montant
est fixe lorsqu’il ne varie pas tout au long de la vie de la garantie. A l’inverse, quand le
montant subit des variations prévues au moment de la formation de la garantie, il est dit
fluctuant.
5- Sûretés et sécurité - Etymologiquement, le terme « sûreté » est synonyme de sécurité. On
a pu écrire justement que : « les sûretés ajoutent aux créances une facette miroitante, la
sécurité11 ». Ainsi, la sûreté a pour but de rassurer le créancier quant au recouvrement de sa
créance à l’échéance. En effet, l’utilité, pour un créancier, de bénéficier d’une sûreté est de
gérer, par anticipation, le risque d’insolvabilité de son débiteur ou tout au moins, de renforcer
ses chances d’être payé en aménageant des mécanismes propices à développer sa confiance en
son débiteur. Quant au débiteur, la sûreté lui est utile dans la mesure où elle conforte la
confiance du créancier et le dispose ainsi à lui octroyer le crédit escompté.
5- Sources du droit des sûretés12 – Les textes - Les sources du droit des sûretés sont
diverses. Elles comprennent, tant au plan international que communautaire, des textes, de la
doctrine et de la jurisprudence.
En ce qui concerne les textes, au plan international, diverses conventions
internationales régissent le droit des sûretés. Il en est ainsi de la Convention des Nations
Unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by, adoptée le 11 décembre
1995 ou du Guide législatif de la CNUDCI13 sur les opérations garanties, adopté le 14
décembre 2007 ou encore du Supplément au Guide législatif de la CNUDCI relative aux
sûretés grevant la propriété intellectuelle, adopté le 29 juillet 2010. Afin last but not least, on

11
CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), Droit des sûretés, Ed. Litec, 1990, n° 1, p. 1.
12
Dans un sens très large, la notion de « source » désigne ce par quoi procède la formulation de la règle de droit.
On peut distinguer deux grandes sources du droit : les sources matérielles et les sources formelles. Les sources
matérielles encore dénommées sources substantielles, réelles ou « forces créatrices du droit » selon l’expression
du doyen Ripert sont « l’ensemble des faits et valeurs qui génèrent la règle de droit ». Ces sources matérielles
dérivent des principes moraux, religieux, philosophiques, politiques, sociaux, idéologiques, historiques, etc. pour
irriguer le droit et donner naissance aux règles juridiques. Les sources formelles, quant à elles, désignent le
processus technique de formation des règles de droit ou encore le processus de création de la règle de droit. Les
sources formelles comprennent alors la loi, la coutume, la jurisprudence, la doctrine et les principes généraux du
droit. Dans ce cours, il est question principalement des sources formelles du droit des sûretés.
13
La CNUDCI est la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International. Elle a été créée en
1966 en vue de réduire ou d’aplanir les disparités entre les lois nationales régissant le commerce international.
La Commission comprend 60 Etats membres élus par l’Assemblée Générale des Nations Unies pour un mandat
de 6 ans.

7
peut y adjoindre la Convention de La Haye du 5 juillet 2006 sur la loi applicable à certains
droits sur des titres détenus auprès d’un intermédiaire et la Convention d’UNIDROIT sur les
règles matérielles relatives aux titres intermédiés (« Convention de Genève sur les titres »),
(Genève, 9 octobre 2009).
Au plan communautaire, il faut relever qu’après l’indépendance de la plupart des pays
membres de l’OHADA, le droit des sûretés était hérité du droit français, notamment les
dispositions du code civil (art. 2011 à 2203), celles du code de commerce pour le gage
commercial, ainsi que des textes spéciaux (pour le fonds de commerce par exemple). A cela,
il faut ajouter qu’en ce qui concerne les sûretés réelles immobilières, les dispositions du code
civil avaient été remplacées par des textes coloniaux portant sur la propriété foncière,
notamment le décret du 26 juillet 1932 réorganisant la propriété foncière en Afrique
Occidentale française. En raison de la vétusté de ces dispositions et au regard de l’insécurité
juridique découlant de la disparité des sources, les Etats membres de l’OHADA ont opéré une
véritable révolution en adoptant, le 17 avril 1997, l’acte uniforme portant organisation des
sûretés (AUS) qui régira l’ensemble des sûretés sur l’étendue des territoires des Etats parties.
Vaste monument de 151 articles, l’AUS, entré en vigueur le 1er janvier 1998, va abroger
toutes les dispositions nationales contraires14. Il va aussi innover en consacrant, par exemple,
la lettre de garantie autonome comme seconde sûreté personnelle aux côtés du cautionnement.
Après un peu plus d’une dizaine d’années d’application, l’AUS de 1997 a été abrogé le
15 décembre 2010 et remplacé par un nouvel acte uniforme15. Le nouvel acte uniforme est
entré en vigueur le 15 mai 2011. Il a consacré de nouvelles sûretés notamment la cession de
créance à titre de sûreté et la clause de réserve de propriété. La réforme a également intégré à
l’acte uniforme portant organisation des sûretés des dispositions relatives aux sûretés et logées
dans d’autres actes uniformes. Tel est le cas des règles relatives à l’inscription des sûretés qui
étaient auparavant insérées dans l’acte uniforme portant sur le droit commercial général.

14
En effet, aux termes de l’art. 150 de cet AUS : « Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires
à celles du présent Acte uniforme. Celui-ci n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées après
son entrée en vigueur.

Les sûretés consenties ou constituées ou créées antérieurement au présent Acte uniforme et conformément à
la législation alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu’à leur extinction ».

Toutefois, il faut mentionner qu’en matière immobilière, notamment en Côte d’Ivoire, l’inscription des
hypothèques est encore régie par le décret-loi du 26 juillet 1932.
15
En effet, l’art. 227 du nouvel AUS dispose que : « Le présent acte uniforme, qui abroge l’Acte uniforme
portant organisation des sûretés du 17 avril 1997, n’est applicable qu’aux sûretés consenties ou constituées
après son entrée en vigueur.

Les sûretés consenties ou constituées antérieurement au présent Acte uniforme et conformément à la


législation alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu’à leur extinction ».

8
6 – Sources du droit des sûretés – La doctrine – La doctrine est importante en la matière.
Elle est publiée dans des revues scientifiques16 et aussi sur certains sites internet17. Elle est
également publiée dans des ouvrages, tant généraux que spécialisés18.
7- Sources du droit des sûretés – La jurisprudence – Le droit des sûretés donne lieu à un
contentieux judiciaire et il existe beaucoup de décisions rendues par les juridictions judiciaires
en matière de droit des sûretés. Certaines de ces décisions sont publiées dans des revues et sur
des sites internet19.
8 - Classification des sûretés - Les sûretés peuvent faire l’objet de plusieurs classifications
en fonction du critère retenu.
Au regard du critère de la source, les sûretés se déclinent en sûretés conventionnelles,
légales ou judiciaires. Les sûretés conventionnelles sont celles qui résultent de l’œuvre des
parties à travers un contrat qu’elles passent. Il en est ainsi du cautionnement ou du gage. Les
sûretés légales sont celles qui sont directement consenties par la loi au créancier : c’est le cas

16
On peut citer, au plan interne et communautaire, la revue Penant, la Revue Ivoirienne de Droit (RID), la revue
Actualités Juridiques (AJ), le Recueil des arrêts de la cour suprême ivoirienne publié par le Centre National de
Documentation Juridique (CNDJ), le Recueil de jurisprudence des cours d’appels et tribunaux publié par le
CNDJ, Le Juris-Ohada, recueil de jurisprudence de droit OHADA publié par le CNDJ, le Recueil de
jurisprudence semestriel de l’OHADA publié par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), etc.
17
On trouve une doctrine et une jurisprudence très abondantes sur le site www.ohada.com. Il en est de même du
site www.juriscope.org.
18
Il existe de nombreux ouvrages sur le droit des sûretés. Ceux que nous allons citer le sont à titre indicatif.
Ainsi, en droit français, on peut citer : MAZEAUD (H., L. et J.), CHABAS (F.), Leçons de droit civil, Sûretés –
Publicité foncière, tome troisième, 1er volume, Ed. Montchrestien, 1977, 745 p. ; LEGEAIS (D.), Les garanties
conventionnelles sur créances, Ed. Economica, 1986, 386 p. ; CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), Droit des
sûretés, Ed. Litec, 1990, 780 p. ; MESTRE (J.), PUTMAN (E.), BILLIAU (M.), Traité de droit civil, Droit
commun des sûretés réelles, Ed. LGDJ, 1996, 520 p. ; MESTRE (J.), PUTMAN (E.), BILLIAU (M.), Traité de
droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, éd. Montchrestien, 1996, 964 p. ; SIMLER (P.), Cautionnement et
Garanties autonomes, Ed. Litec, 3é édition, 2000, 942 p. ; SIMLER (P.) et DELEBECQUE (P.), Droit civil, Les
sûretés, La publicité foncière, Ed. Dalloz, 4e Ed., 2004, 786 p. ; LEGEAIS (D.), Sûretés et garanties du crédit,
Ed. LGDJ, 5e édition, 2006, 533 p. ; MATHIEU (M-E), Les nouvelles garanties de financement, Aspects
pratiques des sûretés réelles conventionnelles mobilières et immobilières, Ed. EFE, 2007, 328 p.

En ce qui concerne les ouvrages écrits dans l’espace juridique OHADA, on peut mentionner : SAKHO (A.),
NDIAYE (I.), Pratique des garanties du crédit, Ed. Revue Africaine de Banques, 1 e édition, 1998, 199 p ;
ANOUKAHA (F.), CISSE-NIANG (A.), FOLI (M.), ISSA-SAYEGH (J.), NDIAYE (I. Y), SAMB (M.), Ohada,
Sûretés, Ed. BRUYLANT, 2002, 279 p. ; CROCQ (P.), BLACK YONDO (L.), BRIZOUA-BI (M.), FILLE
LAMBIE (O.), LAISNEY (L-J), MARCEAU-COTTE (A.), Le nouvel acte uniforme portant organisation des
sûretés, La réforme du droit des sûretés de l’OHADA, Ed. Lamy, 2012, 406 p.

Parmi les thèses, on peut citer : BROU (K.M.), La constitution des sûretés dans le droit des sociétés
commerciales, Thèse pour le doctorat de 3e cycle, Université de Droit, d’Economie et des Sciences d’Aix-
Marseille, 1984, 242 p. ; KAKALY (Y. J-D), L’affectation de comptes bancaires en garantie d’une dette, Thèse
unique, Université Toulouse 1 Capitole, 2010, 362 p.
19
Cf. note 11. On peut ajouter comme site très intéressant ww.droit-afrique.org.

9
du privilège. Enfin les sûretés judiciaires sont celles qui sont imposées par le juge au débiteur.
A titre illustratif, nous pouvons mentionner l’hypothèque judiciaire ou le nantissement
judiciaire….
Sur le critère de l’objet de la sûreté, on distingue les sûretés réelles et les sûretés
personnelles. Les premières consistent dans l’affectation d’un ou de plusieurs biens
déterminés à la garantie de la dette du débiteur quand les secondes sont constituées par
l’engagement d’un tiers garantissant l’exécution de l’obligation du débiteur principal en cas
de défaillance de celui-ci ou à première demande du bénéficiaire de la garantie.
En fonction de l’assiette des sûretés, on distingue, au sein des sûretés réelles, les
sûretés réelles mobilières qui ont pour assiette des biens meubles et les sûretés réelles
immobilières qui portent sur des immeubles.
Au regard de la nature du bien grevé, les sûretés réelles mobilières se déclinent en
gage et nantissement. Le gage a pour objet un bien meuble corporel tandis que le
nantissement ne grève que des biens meubles incorporels.
Par ailleurs, les sûretés réelles peuvent être spéciales quand elles ont pour assiette un
ou plusieurs biens déterminés ou générales quand elles portent sur un ensemble de biens
indéterminés.
Enfin, sur le critère de la dépossession, les sûretés réelles se déclinent en sûretés
réelles avec dépossession20 et en sûretés réelles sans dépossession21.
9 - Plan- La summa divisio des sûretés est celle qui les distingue en sûretés personnelles et
réelles. Cette subdivision constituera les deux grands axes de l’étude des sûretés dans l’espace
juridique OHADA. Toutefois, une étude du droit des sûretés ne peut omettre l’examen de la
distribution du prix des biens du débiteur. D’où le plan suivant du cours :
- Première partie : les sûretés personnelles
- Deuxième partie : les sûretés réelles
- Troisième partie : La distribution du prix des biens du débiteur et le classement des
sûretés.

20
Comme sûretés réelles mobilières exigeant la dépossession, nous pouvons citer le droit de rétention et le gage
avec dépossession.
21
Le nantissement du fonds de commerce est un exemple de sûretés réelles sans dépossession.

10
PREMIERE PARTIE :

LES SURETES PERSONNELLES

11
10 - Notion de sûretés personnelles – Les sûretés personnelles sont définies par l’art. 4
alinéa 1er de l’acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS) qui dispose que : « Les
sûretés personnelles, au sens du présent acte uniforme, consistent en l’engagement d’une
personne de répondre de l’obligation du débiteur principal en cas de défaillance de celui-ci
ou à première demande du bénéficiaire de la garantie ».
La technique de la sûreté personnelle consiste dans l’engagement d’un tiers aux côtés
du débiteur et au profit du créancier. Il faut remarquer que lorsque la personne s’engage aux
côtés du débiteur, elle engage son patrimoine. La sûreté personnelle consiste donc dans
l’adjonction d’un nouveau patrimoine au patrimoine du débiteur principal. Dans cette
hypothèse, la sécurité du créancier consiste alors dans la multiplication de son droit de gage
général sur plusieurs patrimoines. Du fait de la constitution de la sûreté personnelle, le
créancier a le droit de réclamer le paiement de sa créance à une ou plusieurs personnes autres
que le débiteur principal. Cette multiplication du droit de poursuite du créancier constitue sa
garantie.
Ce nouveau débiteur qui s’engage peut le faire, soit en cas de défaillance du premier
débiteur, soit à la première demande du créancier. Dans le premier cas, il s’agit du
cautionnement, dans le second de la garantie autonome, les deux seules sûretés personnelles
régies par l’AUS. En effet, aux termes de l’art. 12 AUS : « Les sûretés personnelles régies
par le présent Acte uniforme sont le cautionnement et la garantie autonome ».
11 - Plan – L’étude du cautionnement (chapitre 1) précédera celle de la garantie autonome
(chapitre 2).

12
CHAPITRE 1
LE CAUTIONNEMENT

12 – Présentation - Issu d’une pratique ancienne puisque déjà présente en droit romain en
tant qu’acte conclu entre amis, le contrat de cautionnement est à la fois terrible et édifiant.

Terrible car sa facile constitution fait oublier le fait qu’il peut déboucher sur une
exécution forcée sur le patrimoine de la caution. D’où la méfiance qu’il suscite22.

Edifiant car, à l’origine, le cautionnement est un service qu’un ami rend à son ami. Il
constitue donc la palestre de l’amitié23.

13 – Réglementation - Le régime juridique du cautionnement a été précisé par les rédacteurs


du code civil français rendu applicable en Côte d’Ivoire. Le code civil réglementait le
cautionnement aux articles 2011 à 2043.

Par la suite, l’AUS de 1998 reprendra l’essentiel des dispositions du code civil en
prévoyant des dispositions régissant cette sûreté. C’étaient les articles 3 à 27 dudit acte. Le
cautionnement est désormais régi par les articles 13 à 38 de l’AUS.

14 – Définition – Aux termes de l’art. 13 al. 1er AUS : « Le cautionnement est un contrat
par lequel la caution s’engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une obligation
présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ».

Il ressort de cette définition que le cautionnement est un contrat entre le créancier et la


caution. Par ce contrat, la caution s’engage à exécuter l’obligation du débiteur principal en cas
de défaillance de ce dernier.

15 – Plan - Une première section sera consacrée aux généralités sur le cautionnement. Après
quoi, il nous sera loisible d’analyser successivement les conditions de formation du contrat de
cautionnement (section 2), les effets de ce contrat (section 3) et l’extinction du contrat de
cautionnement (section 4).

22
La défiance à l’égard de la caution se perçoit dans ce conseil tiré de la Bible : « Si tu t’es porté caution auprès
de ton prochain… dégage-toi comme la gazelle du filet, comme l’oiseau du piège de l’oiseleur » (Livre des
Proverbes, 6, 1-5).
23
A ce propos, on raconte la légende de Damon et Pythias : « L’histoire de l’amitié exemplaire que se vouaient
Damon et Pythias est édifiante. Pythias, condamné à mort pour avoir tenté d’assassiner Denys le Jeune, tyran
de Syracuse, sollicita un sursis de trois jours pour régler ses affaires. Il ne l’obtient que moyennant le
cautionnement de son ami, s’offrant à subir le sort réservé au condamné au cas où celui-ci ne se soumettrait
pas, le moment venu, à l’exécution de la sentence. Surmontant mille obstacles, brigands et cataclysmes,
Pythias se présenta à l’instant ultime où son ami allait être mis à mort à sa place. Touché, le tyran gracia le
condamné » (in SIMLER (P), Cautionnement et garanties autonomes, Ed. Litec, 3 e éd. n° 1, p. 1.

13
SECTION 1 : LES GENERALITES SUR LE CAUTIONNEMENT

Pour mieux saisir le cautionnement, il y a lieu de l’insérer dans le cadre général de


l’opération de cautionnement (paragraphe 1). Par la suite, il conviendra d’étudier les
caractères conventionnel (paragraphe 2) et accessoire (paragraphe 3) du cautionnement
ainsi que la diversité de ce dernier (paragraphe 4).

§ 1 : La distinction entre le contrat de cautionnement et l’opération de


cautionnement
Il importe d’analyser, d’une part, le principe de la distinction (A) et, d’autre part,
l’intérêt de la distinction (B).

A- Le principe de la distinction

16 – Contrat de cautionnement – Opération de cautionnement - Le contrat de


cautionnement est à distinguer de l’opération de cautionnement. Le premier concerne la
relation « caution-créancier » ; c’est donc une opération duale ; quant au second, il s’agit
d’une opération triangulaire qui fait intervenir, outre le créancier et la caution, le débiteur
principal.

L’opération de cautionnement préexiste au contrat de cautionnement et y conduit


inexorablement. L’opération de cautionnement conduisant au contrat de cautionnement peut
être ainsi schématisée :

1°) un rapport d’obligation existe entre un créancier et un débiteur, prévoyant la


fourniture d’une caution ;

2°) le débiteur va à la recherche de la caution et trouve un accord avec elle ; par cet
accord, la caution accepte de se porter caution ;

3°) enfin, la caution s’engage envers le créancier.

NB : Il est évident que ces trois relations restent distinctes. Par ailleurs, il n’est pas exclu que
la caution s’engage sans ordre du débiteur. Il s’ensuit que le schéma n’est qu’explicatif et ne
reflète pas toute la réalité.

B - L’intérêt de la distinction

17 – Intérêts jurisprudentiel et législatif - L’intérêt de la distinction réside dans le fait


qu’aussi bien le législateur que la jurisprudence tiennent compte de l’opération de
cautionnement et lui attribuent des effets juridiques particuliers.

En ce qui concerne la jurisprudence, il faut relever qu’un arrêt, certes isolé, de la cour
de cassation française a affirmé que l’opération de cautionnement « implique des

14
engagements entre trois personnes, un créancier, un débiteur et une caution24 ». Cet arrêt
met en relief l’existence de l’opération de cautionnement conduisant au contrat de
cautionnement. L’opération de cautionnement implique trois personnes (le débiteur principal,
le créancier et la caution) quand le contrat de cautionnement en implique deux (le créancier et
la caution).

En ce qui concerne la loi, il est constant que plusieurs dispositions de l’acte uniforme
précisent les rapports entre, d’une part, la caution et le débiteur principal et, d’autre part, le
créancier et le débiteur principal au regard des effets du cautionnement.

Ainsi, pour le premier type de rapport, il est admis que le débiteur principal ne peut
aggraver l’engagement de la caution par une convention postérieure au cautionnement25.
Ainsi, le débiteur ne peut, par exemple, accepter un taux d’intérêt supérieur à celui
initialement convenu ou souscrire une clause pénale défavorable…

Pour ce qui est du second type de rapport, l’AUS dispose que « le créancier ne peut
entreprendre de poursuites contre la caution qu’après une mise en demeure de payer
adressée au débiteur principal et restée sans suite » (art. 23 al. 2 AUS). De même, « le
créancier ne peut poursuivre la caution simple ou solidaire qu’en appelant en cause le
débiteur principal » (art. 26 al. 2 AUS).

On remarque donc que si le contrat de cautionnement lie essentiellement le créancier


et la caution, il n’en demeure pas moins que le débiteur principal, quoique tiers au contrat de
cautionnement, est intéressé par ce contrat et le législateur impose des obligations au
créancier vis-à-vis du débiteur principal.

§ 2 : Le caractère conventionnel du contrat de cautionnement


Le cautionnement a pour caractéristiques d’être un contrat (A) unilatéral (B) et
consensuel (C).

A – Le cautionnement, un contrat

18 - Le cautionnement appartient à la catégorie des contrats. L’art. 13 AUS définissant le


cautionnement est très explicite sur ce point. Cet article dispose en effet que : « le
cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage, envers le créancier qui
accepte, à exécuter une obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci
n’y satisfait pas lui-même.

Cet engagement peut être contracté sans ordre du débiteur ».

24
Civ. 1ère, 2 févr. 1972, Bull. civ. I, n° 37.
25
Ceci ressort de l’art. 17 al. 4 AUS selon lequel : « Le débiteur principal ne peut aggraver l’engagement de la
caution par une convention postérieure au cautionnement ».

15
En tant que contrat26, le cautionnement impose un accord des volontés des parties. La
convention unit le créancier et la caution, le consentement du débiteur principal n’étant pas
exigé même si ce dernier est directement concerné puisque le cautionnement est conclu dans
son intérêt.

Ainsi, le contrat de cautionnement ne concerne que deux personnes : la première, la


caution, s’oblige au bénéfice d’une seconde, le créancier, qui accepte (cf. art. 13 AUS).
D’ailleurs, l’al. 2 de l’art. 13 AUS précise que l’engagement de la caution « peut être
contracté sans ordre du débiteur ». Le contrat de cautionnement n’est donc pas une opération
triangulaire comme la délégation27 ou la stipulation pour autrui28.

Le cautionnement conserve son caractère conventionnel même s’il est légal ou


judiciaire. Dans ces hypothèses, le paradoxe n’est qu’apparent. En effet, si le législateur ou le
juge imposent la fourniture de cautionnements, celui qui y est tenu doit trouver une caution
qui souscrit alors un contrat de cautionnement avec le créancier. Dans ces cas, on peut
appréhender la loi ou le juge comme le fait générateur du cautionnement qui trouve tout de
même sa source dans un contrat passé entre le créancier et la caution.

B – Le cautionnement, un contrat unilatéral

19 – Une seule obligation principale - Le cautionnement ne fait naître qu’une obligation


principale : celle de la caution envers le créancier et qui consiste à exécuter l’obligation du
débiteur principal en cas de défaillance de ce dernier. Il s’agit donc d’un contrat unilatéral29.

Plusieurs conséquences sont attachées au caractère unilatéral du cautionnement. Ainsi,


le contrat de cautionnement n’a pas à être établi en plusieurs exemplaires. La formalité dite du
double ne s’applique donc pas. En pratique, les actes de cautionnement pourraient être
conservés par les seuls créanciers, ce qui n’est pas sans inconvénient, car il est alors difficile
aux cautions de retrouver la trace de cautionnements souscrits. En réalité, les créanciers,
notamment les établissements de crédit, remettent un exemplaire du contrat de cautionnement
à la caution lors de la conclusion du contrat.

26
Aux termes de l’art. 1101 du code civil : « Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs
personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ».
27
La délégation est prévue par l’art. 1275 du code civil. Elle est une opération juridique par laquelle une
personne, nommée délégant, obtient d’une autre, le délégué (qui est le débiteur du délégant), qu’elle s’engage
envers une troisième, le délégataire (qui est le créancier du délégant).
28
Réglementée par l’art. 1221 du code civil, la stipulation pour autrui est l’opération par laquelle une personne,
le stipulant, convient avec une autre, le promettant, que ce dernier exécutera une prestation au profit d’une
troisième personne : le tiers bénéficiaire.
29
Le contrat unilatéral est défini par l’article 1103 du code civil. Cet article dispose que : « Il (le contrat) est
unilatéral lorsqu’une ou plusieurs personnes sont obligées envers une ou plusieurs autres, sans que, de la part de
ces dernières, il y ait d’engagement ».

16
Une autre conséquence du caractère unilatéral du cautionnement a trait au régime de
sa preuve : le cautionnement est soumis à l’art. 1326 du code civil. La caution doit alors
apposer sa signature au bas de l’acte constatant son engagement ainsi que la mention écrite de
sa main de la somme maximale garantie en toutes lettres et en chiffres (cf. art. 14 al. 1 AUS).

Un doute peut cependant surgir sur le caractère unilatéral du cautionnement en raison


d’un certain nombre d’obligations mises à la charge du créancier. La question se pose alors :
le contrat de cautionnement est-il toujours un contrat unilatéral nonobstant le développement
de certaines obligations qui s’imposent au créancier ? Les obligations dont il s’agit concernent
non seulement les obligations d’informations à la charge du créancier au profit de la caution30
mais aussi celle pour le créancier de conserver les autres sûretés souscrites, obligation
précisée lors de la mise en œuvre du bénéfice de subrogation (art. 29 al. 2 AUS). Toutefois, en
dépit des obligations mises à la charge du créancier au bénéfice de la caution, le caractère
unilatéral du cautionnement est maintenu car l’on estime que les obligations du créancier ne
sont pas la contrepartie exacte de celles à la charge de la caution.

Cependant, le caractère unilatéral n’est pas absolu et une clause contractuelle peut
conférer au cautionnement un caractère synallagmatique31.

C- Le cautionnement, un contrat consensuel

20- Simple échange de consentements - La formation du contrat de cautionnement n’est, en


principe, soumise qu’à l’échange des consentements, ce qui écarte toute formalité par
application du droit commun. Si l’art. 14 AUS prévoit que « le cautionnement ne se présume
pas, quelle que soit la nature de l’obligation garantie », il ne s’agit pas d’une condition de
fond mais de preuve. Cela explique que l’al. 1er de l’art. 14 dispose que : « il se prouve par un
acte comportant la signature de la caution… ».

Le cautionnement n’est donc pas un contrat solennel. L’objectif de l’art. 14 est de


prescrire une certaine vigilance à la caution en raison de la gravité potentielle de
l’engagement souscrit. Ainsi, un cautionnement verbal est valable, même s’il sera source de
difficultés d’ordre probatoire.

§ 3 : Le caractère accessoire du contrat de cautionnement


Il est utile d’envisager successivement le principe (A) et les manifestations (B) du
caractère accessoire du cautionnement.

30
Ainsi, le créancier est tenu de notifier à la caution la prorogation du terme qu’il a accordée au débiteur
principal : art. 23 al. 2 AUS ; le créancier est aussi tenu d’informer la caution de la défaillance du débiteur
principal : art. 24 al. 1 AUS ; enfin, le créancier doit informer la caution, semestriellement, de l’état des dettes
du débiteur principal… : art. 25 al. 1 AUS.
31
Cf en jurisprudence française le cas de la caution qui s’engage en contrepartie d’obligations souscrites par un
créancier : cass. com. 08 oct. 2002, Petites affiches, 10 janv. 2003, p. 8.

17
A – Le principe du caractère accessoire

21 – Affirmation du principe de l’accessoire - Le caractère accessoire représente l’une des


particularités inhérentes à l’engagement apporté par une caution : son existence se justifie par
la présence d’une obligation principale qui doit être garantie et exprime la dépendance de
l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale32.

Le principe du caractère accessoire a deux fonctions.

D’une part, il permet de mesurer l’étendue de l’engagement de la caution. Ainsi, la


caution ne peut être ténue plus que le débiteur principal. L’engagement de la caution est donc
encadré par celle du débiteur principal.

D’autre part, ce principe fournit un critère de distinction du cautionnement et des


garanties et contre-garanties autonomes. Ainsi, alors que le cautionnement est accessoire, la
garantie et contre-garantie est autonome. Plus précisément, la doctrine affirme que le
caractère accessoire est de « l’essence même du cautionnement dont il constitue la pierre de
touche33 ». Pareillement, l’autonomie est de l’essence de la garantie autonome.

B – Les manifestations du caractère accessoire

22 - Manifestations multiformes – Les manifestations du caractère accessoire du


cautionnement sont multiformes.

La première illustration du caractère accessoire du cautionnement concerne l’existence


même du contrat de cautionnement. En effet, l’al. 1er de l’art. 17 AUS prévoit que « le
cautionnement ne peut exister que si l’obligation principale garantie est valablement
constituée ». En conséquence, en cas de nullité de l’obligation principale, il ne peut y avoir de
contrat de cautionnement valable.

La deuxième manifestation du caractère accessoire concerne l’étendue de


l’engagement de la caution. A cet égard, l’art. 17 al. 3 AUS précise que « l’engagement de la
caution ne peut être contractée à des conditions plus onéreuses que celle de l’obligation
principale, sous peine de réduction à concurrence de celle-ci, ni excéder ce qui est dû par le
débiteur principal au moment des poursuites ».

Enfin, on peut trouver une troisième illustration du caractère accessoire dans la


possibilité offerte à la caution d’opposer au créancier « toutes les exceptions inhérentes à la
dette qui appartiennent au débiteur principal et tendent à réduire, éteindre ou différer la
dette.. » (art. 29 al. 1er AUS).

32
Le caractère accessoire du cautionnement emprunte donc au caractère accessoire de toute sûreté affirmée par
l’art. 2 AUS qui dispose que : « Sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les sûretés qu’il régit
sont accessoires de l’obligation dont elles garantissent l’exécution ».
33
SIMLER (P.), op. cit., n° 47, p. 45.

18
§ 4 : La diversité des contrats de cautionnement
23 – Modalités multiples - Diverses modalités du contrat de cautionnement sont possibles.
Ainsi, le cautionnement peut être simple ou solidaire (A), personnel ou cantonné à un ou
plusieurs biens déterminés (B), comporter un sous-cautionnement (C) ou une certification de
caution (D).

A – Le cautionnement simple ou solidaire

24 – Distinction entre cautionnement simple et cautionnement solidaire - Le critère de


distinction est fixé par la loi. En effet, aux termes de l’art. 20 AUS, « le cautionnement est
réputé solidaire34. Il est simple lorsqu’il en est ainsi décidé, expressément, par la loi de
chaque Etat Partie ou la convention des parties ».

Le cautionnement solidaire est donc le cautionnement de droit commun et le


cautionnement simple, l’exception. On peut définir le cautionnement solidaire ainsi qu’il suit :
« Le cautionnement solidaire est celui dans lequel la caution peut être appelée à payer à la
place du débiteur principal dès que ce dernier est défaillant. En cas de pluralité de cautions
solidaires, ces dernières garantissent collectivement le remboursement de la dette
principale35 ».

Lorsqu’il n’y a pas de solidarité entre le débiteur principal et la caution, le contrat est
qualifié de cautionnement simple, la caution n’ayant par principe qu’un rôle subsidiaire.

L’absence de solidarité impose au créancier le respect de deux principes.

Tout d’abord la caution simple peut invoquer le bénéfice de discussion et le bénéfice


de division. Elle peut invoquer le bénéfice de discussion en obligeant le créancier qui la
poursuit à poursuivre, au préalable, le débiteur principal. De plus, la caution peut invoquer la
mise en œuvre du bénéfice de division qui impose au créancier, uniquement en cas de
pluralité de cautions, de ne poursuivre chaque caution que pour sa part. Dans le cas du
cautionnement solidaire, la caution ne peut invoquer ni le bénéfice de discussion ni le
bénéfice de division.

Ensuite, lorsque le cautionnement est solidaire, le créancier peut poursuivre, à son


choix, le débiteur principal ou la caution. Alors que dans le cautionnement simple, le
créancier est tenu de poursuivre le débiteur principal avant d’engager les poursuites contre la
caution.

34
Aux termes de l’article 1200 du code civil : « Il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu’ils sont obligés
à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le payement fait par
un seul libère les autres envers le créancier ».
35
CROCQ (P.) et alii, « Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés – La réforme du droit des
sûretés de l’OHADA », Ed. Lamy, 2012, n° 91, p. 84.

19
B – L’engagement personnel ou celui portant sur un ou plusieurs biens

25 – Cautionnement personnel - Le contrat de cautionnement est, en principe, constitutif


d’un engagement personnel de la caution sur l’ensemble de son patrimoine. Ceci correspond
au cautionnement personnel, souscrit pour garantir le recouvrement d’une dette du débiteur en
cas de défaillance de ce dernier. Dans le cautionnement personnel, la caution engage son
patrimoine entier à la garantie du remboursement de la dette. Il en découle qu’en cas de
défaillance du débiteur principal, le créancier pourra faire saisir et vendre un bien de la
caution et se payer sur le prix de vente. Si le créancier n’est pas totalement désintéressé, il
pourra encore saisir un autre bien de la caution… ainsi de suite jusqu’à ce qu’il soit
entièrement désintéressé.

26 – Cautionnement réel36 – Il peut arriver que l’engagement de la caution porte, non sur
l’ensemble de son patrimoine, mais sur un ou plusieurs de ses biens expressément désignés.
Une telle opération, classiquement appelée cautionnement réel, impose au créancier de
n’exercer ses poursuites que sur le ou les biens concernés. Le cautionnement réel est prévu
par l’art. 22 AUS qui dispose que : « La caution peut garantir son engagement en
consentant une sûreté réelle sur ou plusieurs de ses biens.

Elle peut également limiter son engagement à la valeur de réalisation du ou des


biens sur lesquels elle a consenti une telle sûreté ».

On peut ainsi définir le cautionnement réel comme la convention par laquelle une
personne affecte, à la garantie de la dette d’autrui, un ou plusieurs de ses biens meubles ou
immeubles au profit du créancier. Dans le cautionnement réel, le droit de poursuite du
créancier contre la caution ne porte que sur les biens affectés en garantie. Raison pour laquelle
il nous semble que seul l’al. 2 de l’art. 22 AUS traite du cautionnement réel.

Comme on a pu l’écrire à juste titre : « L’avantage du cautionnement réel pour la


caution est qu’il lui permet, en principe, d’éviter d’engager tout son patrimoine. La portée
de son engagement sera bien circonscrite au seul bien réel affecté en garantie. Le
cautionnement réel est également assez attractif pour le créancier puisque cela lui permet
de bénéficier des avantages attachés aux sûretés réelles ».

C- Le sous-cautionnement

27 – Le sous-cautionnement, un contrat - Le sous-cautionnement consiste, pour une caution,


à se faire garantir par une tierce personne, la sous-caution, le remboursement de ce qu’elle
peut avoir à payer au créancier en cas de défaillance du débiteur principal. Il s’agit donc d’une
sorte de contre-garantie.

36
A la vérité, le cautionnement réel n’est ni un véritable cautionnement ni même une sûreté personnelle. Il s’agit
d’une sûreté réelle consentie par un tiers pour garantir la dette du débiteur. C’est donc plus une modalité d’une
sûreté réelle qu’une modalité d’une sûreté personnelle.

20
L’AUS ne prévoit pas la figure du sous-cautionnement mais elle est très utilisée par la
pratique.

A la vérité, le sous-cautionnement est un contrat entre la caution et la sous-caution


par laquelle la sous-caution s’engage à exécuter l’obligation du débiteur principal lorsque
ce dernier, poursuivi par la caution qui exerce ses recours, est défaillant. La sous-caution
garantit donc la créance de la caution à l’égard du débiteur principal.

D – La certification de caution

28- La certification de caution, un contrat – Le mécanisme de la certification de caution est


expressément prévu l’art. 21 AUS qui dispose que : « La caution peut, elle-même, se faire
cautionner par un certificateur désigné comme tel dans le contrat.

Sauf stipulation contraire, le ou les certificateurs sont cautions simples de la caution


certifiée ».

La certification de caution est la convention par laquelle une personne, le certificateur,


se rend caution d’une autre caution. Plus précisément, la certification de caution est le
contrat par lequel le certificateur s’engage à exécuter l’obligation de la caution lorsque,
celle-ci, poursuivie par le créancier, est défaillante.

29 - La certification de caution, un cautionnement au second degré - La certification de


caution apparaît donc comme un cautionnement au second degré. Elle renforce ainsi la force
du cautionnement dans la mesure où elle donne au créancier deux cautions dont la seconde (le
certificateur de caution) répond de la première (la caution de premier rang appelée caution
certifiée).

Ainsi, en cas de défaillance de la caution, le créancier peut poursuivre le certificateur


de caution. Il est même admis que le créancier est en droit de poursuivre le certificateur sans
poursuivre préalablement la caution. Dans les rapports entre le certificateur et la caution, ce
sont les règles du cautionnement qui s’appliquent. C’est ainsi que l’engagement du
certificateur n’est valable qu’à la condition que celui de la caution garantie le soit lui-même.

Le mécanisme de la certification exclut, en principe, tout lien entre le certificateur et le


débiteur principal. En effet, l’obligation garantie par le certificateur n’est pas l’obligation
principale (celle qui lie le débiteur principal au créancier) mais celle de la caution à l’égard du
créancier.

SECTION 2 : LES CONDITIONS DE FORMATION DU CONTRAT DE


CAUTIONNEMENT
30 – Conditions de fond- Conditions de forme - La formation du contrat de cautionnement
est soumise à des conditions de fond (§1) et de forme (§2).

21
§ I : Les conditions de fond
31 – Dualité de conditions – Il faut distinguer les conditions de fond communes à tous les
contrats des conditions spécifiques au contrat de cautionnement.

32 – Conditions communes à tous les contrats - Quatre conditions – Le cautionnement


étant un contrat, il est soumis, pour sa validité, aux conditions requises pour la validité de tout
contrat. Ainsi, quatre conditions sont essentielles pour la validité d’un contrat de
cautionnement comme pour la validité de tout contrat37 : le consentement, la capacité, l’objet
et la cause.

A – Le consentement

Le consentement doit exister et être intègre.

33 - Existence du consentement - Le consentement peut être défini comme la manifestation


de la volonté des parties et la rencontre de ces volontés. Les parties au contrat de
cautionnement sont le créancier et la caution, le débiteur étant un tiers. Autant le créancier que
la caution peuvent être des personnes physiques comme des personnes morales. Dans le
contrat de cautionnement, c’est la caution qui offre ses services au créancier et ce dernier
l’accepte. Cette vue des choses résulte clairement de la définition du cautionnement logée
dans l’art. 13 al. 1 AUS.

34 – Consentement exprès - Le consentement doit être exprès et non tacite. Cette exigence
est inscrite dans l’art. 14 AUS dont l’al. 1er dispose que : « Le cautionnement ne se présume
pas, quelle que soit la nature de l’obligation garantie ». Le consentement doit être exprès
signifie que les parties au contrat de cautionnement doivent exprimer, sans équivoque, leur
intention d’être liées par le contrat de cautionnement. Ainsi, on ne saurait déduire de la seule
présence d’une personne à un contrat conclu par d’autres, son engagement à se porter
caution38. De plus, l’offre faite par la caution doit être expresse et non tacite. Par contre, rien

37
Aux termes de l’art. 1108 du code civil : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une
convention :

Le consentement de la partie qui s’oblige ;

Sa capacité de contracter ;

Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;

Une cause licite dans l’obligation ».


38
Tel est l’enseignement de la jurisprudence Intagliata en droit français. Dans cette espèce, la société Nord-
Africaine de briqueterie devait au sieur Aliprandi la somme de 70.000 francs que ce dernier s’était engagé à
rembourser selon certaines modalités. Aliprandi n’ayant pu obtenir le remboursement de sa créance, a assigné
devant le TGI de Marseille, le sieur Intagliata, pris en sa qualité de caution. Saisie, la cour d’appel d’Aix-en-
Provence a, dans un arrêt du 9 décembre 1965 fait droit à la demande du sieur Aliprandi au motif que la présence
à l’acte d’Intagliata aux côtés des parties contractantes ne peut s’interpréter autrement que comme caution. Suite
au pourvoir formé par Intagliata, la chambre civile de la cour de cassation a, dans l’arrêt rendu le 24 avril 1968,
22
n’empêche l’acceptation du créancier d’être tacite. En effet, l’offre de se porter caution est
faite dans l’intérêt exclusif du créancier, son destinataire, et un silence de ce dernier peut
valablement valoir acceptation.

L’expression « le cautionnement ne se présume pas » signifie également que si un


créancier prétend qu’une personne s’est portée caution et veut, sur ce fondement, la
poursuivre, elle doit en apporter la preuve. Faute de quoi, sa poursuite sera déclarée
irrecevable. Ainsi, dans une espèce où la BIAO poursuivait le dirigeant d’une société motif
pris de ce que ledit dirigeant s’était porté caution solidaire du remboursement des crédits
qu’elle avait octroyés à la société, sa demande fut rejetée dès lors qu’elle n’avait pas apportée
la preuve que le gérant s’était porté caution solidaire39.

35 – Manifestations du consentement – De la nécessité du caractère exprès du


consentement, il ne résulte pas que ledit consentement doive obligatoirement être passé par
écrit. Le consentement exprès peut être aussi bien verbal qu’écrit pourvu que la caution et le
créancier manifestent, sans ambigüité, leur intention de conclure le contrat de cautionnement.

Sur la validité du cautionnement verbal, un jugement du TPI de Gagnoa du 4 juin 2003


nous semble très critiquable. En l’espèce, le sieur O. est créancier de M. L. de la somme de
21.300.000 F CFA. Le débiteur, auteur d’un abus de confiance à l’égard du créancier, a été
arrêté et placé sous mandat de dépôt. C’est alors que Mlle V… belle-fille du débiteur, est
intervenue auprès du créancier pour lui demander de retirer sa plainte et s'est engagée, en
présence de témoins à apurer elle- même la dette de son beau-père, à raison de 500.000 F
CFA, tous les 5 de mois en cas de défaillance de celui-ci. En exécution de sa promesse
verbale, elle a versé un acompte de 1.000.000 F CFA. Le créancier a alors retiré sa plainte.
Sorti de prison, le débiteur a quitté la Côte d’Ivoire avec son épouse pour une destination
inconnue. Le créancier a alors engagé des poursuites contre Mlle V. lui demandant de payer le
solde de la créance. Cette dernière prétendit ne pas être liée à M. O par un quelconque
engagement. Quant à la somme de 1.000.000 qu’elle a remise au créancier, elle affirma
l’avoir fait à la demande de sa mère accomplissant ainsi un mandat. Saisi de l’affaire, le
tribunal de première instance de Gagnoa, au visa de l’art. 4 AUS alors en vigueur, rejeta la
demande de M. O au motif que ce dernier n’a apporté aucune preuve de l’existence du contrat
de cautionnement.

Ce jugement est critiquable sur deux points.

Tout d’abord, les premiers juges ont fondé leur décision sur l’art. 4 AUS dont l’alinéa
er
1 disposait que : « Le cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de

cassé l'arrêt entrepris. En effet, pour la haute juridiction, l’existence d’un cautionnement ne peut résulter de
simples présomptions. Elle ne peut donc résulter de la simple présence du sieur Intagliata à la conclusion du
contrat entre la société Africaine de briqueterie et le sieur Aliprandi.
39
Cf. Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 550 du 27 mai 2005, NOVOPLAST CI c/ BIAO-CI, Ohada.com, Ohadata
J-09-196.

23
l’obligation garantie. A peine de nullité, il doit être convenu de façon expresse entre la
caution et le créancier ». Le premier reproche que l’on peut faire aux premiers juges est de
confondre cautionnement exprès avec cautionnement passé par écrit. Il semble que pour les
premiers juges, un cautionnement verbal ne puisse pas être exprès. Ce qui est critiquable. En
effet, un cautionnement exprès est celui dans lequel les parties, c’est-à-dire la caution et le
créancier, ont affirmé sans ambigüité leur intention de conclure un cautionnement et d’être lié
par ce dernier. L’expression du consentement est, d’ordinaire, écrite. Mais il n’empêche que
cette expression puisse aussi être verbale. Pour cela, il suffit de retrouver dans l’engagement
d’une personne les traits caractéristiques du cautionnement à savoir l’engagement pris par un
tiers envers un créancier d’exécuter l’obligation du débiteur du créancier si ledit débiteur est
défaillant. Et c’était le cas en l’espèce où il est constant que Mlle V. s’était engagée envers le
créancier O. à payer la dette de M. L. si ce dernier ne le faisait pas.

Le deuxième reproche que l’on peut faire à ce jugement réside dans sa solution : les
juges ont affirmé que la preuve de l’existence du cautionnement n’a pas été rapportée par le
créancier. Cette solution semble s’expliquer par le fait que le créancier ne produise pas un
contrat écrit comme preuve conformément à l’interprétation que les juges ont faite de l’art. 4
al. 2 AUS qui affirmait que : « Le cautionnement doit être constaté dans un acte comportant
la signature des deux parties et la mention, écrite de la main de la caution, de la somme
maximale garantie en toutes lettres et en chiffre. En cas de différence, le cautionnement
vaut pour la somme exprimée en lettres ». La solution des juges est étonnante. Certes, outre
l’article 4 AUS précité, il existe un principe général exprimé par l’art. 1341 du code civil40 et
qui exige qu’au-delà d’une certaine somme, un acte soit prouvé par écrit. Cependant, cette
règle n’est pas absolue et notamment, l’art. 1347 exprime l’exception suivante : « Les règles
ci-dessus reçoivent exception lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit.

On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande
est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

Dans l’espèce étudiée, il est question d’un procès-verbal d’audition de témoins produit
par le créancier à l’appui de sa prétention. La question se pose de savoir si ce procès-verbal ne
répond pas aux exigences d’un commencement par preuve par écrit. La réponse est, il nous
semble, affirmative car cet acte émane de Mlle V. et rend vraisemblable son engagement de
caution. Les premiers juges auraient donc dû l’admettre comme commencement de preuve par
écrit et condamner Mlle V. à exécuter l’obligation de caution qu’elle avait valablement
contractée.

40
Aux termes de l’art. 1341 du code civil : « Il doit être passé par acte devant notaires ou sous signature
privée, de toutes choses excédant la somme ou valeur de cinq cents francs, même pour dépôts volontaires, et il
n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, si sur ce qui serait allégué avoir
été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre de 500 francs.

Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce ».

24
36 – Intégrité du consentement – En plus d’exister, le consentement doit être intègre.
L’intégrité du consentement exige qu’il soit exempt de vices. Les vices du consentement sont
l’erreur, le dol et la violence.

37 - Erreur - L’erreur est une mauvaise appréciation de la réalité qui consiste à croire vrai ce
qui est faux et inversement. L’erreur vice du consentement est l’erreur sur la personne dans
les contrats intuitu personae et l’erreur sur les qualités substantielles. L’erreur est susceptible
d’être invoquée par les cautions par application du droit commun des contrats41.

38 – Erreur sur la nature de l’engagement - L’erreur sur la nature de l’engagement est


quelque fois utilisée par les cautions qui soutiennent, a posteriori, qu’elles n’ont pas compris
la portée de leur engagement. Il est donc nécessaire que la caution sache exactement à quoi
elle s’engage au risque de voir son erreur sur la nature de l’engagement qu’elle a souscrit
refusée par les juridictions.

Il en est ainsi dans l’arrêt n° 844 du 5 juillet 2002 de la cour d’appel d’Abidjan42. En
l’espèce, le sieur Ahmed BAKAYOKO devait la somme de 1.050.000 F CFA à KOUASSI
N’Goran. C’est alors qu’YHAYE Michel s’engage envers le créancier pour, selon lui, tout
mettre en œuvre afin que le débiteur paye sa dette à l’échéance. Le débiteur s’étant montré
défaillant à l’échéance, le créancier a engagé des poursuites contre YHAYE en sa qualité de
caution. Ce dernier refuse d’endosser cette responsabilité car il estime qu’il n’est pas une
véritable caution mais simplement une caution morale. L’affaire est traduite en justice.
Devant le tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, M. YHAYE produit, au soutien de
sa prétention, un procès-verbal dans lequel il a écrit au créancier : « Je viens comme caution
morale43 en appoint à ce jeune en difficulté ; je voudrais en quelque sorte vous garantir sa
représentativité dans un délai de trois semaines s’il ne vous déposait pas la somme qu’il
reste devoir au nommé KOUASSI N’Goran Marius ». Le TPI ne le suit pas dans son
argumentation et, par le jugement n° 625 Civ/3 du 14 novembre 2000, le condamne comme
caution au paiement de la dette due par Ahmed BAKAYOKO. Sur appel de YHAYE, la cour
d’appel a confirmé le jugement entrepris en ces termes : « Considérant que l’appelant ne
dénie pas sa signature figurant au bas de l’attestation de caution de dette établie le 20
octobre 2000 ; que cette attestation est claire et limpide et définit sans équivoque
l’engagement de l’appelant ; qu’en effet, celui-ci s’est engagé à se substituer au débiteur
pour rembourser la dette au plus tard le 31 décembre 2000 ; qu’il n’est pas contesté que
passé le 31 décembre 2000, le débiteur principal Ahmed BAKAYOKO n’a pas honoré sa
41
Selon l’article 1110 du code civil : « L’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle
tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.

Elle n’est point une cause de nullité, lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a
l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la
convention ».
42
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 844 du 5 juillet 2002, www.Ohada.com, Ohadata J-03-24.
43
Ou l’on voit que l’expression « caution morale » est inopérante en droit. On est caution ou on ne l’est pas.

25
dette ; qu’ainsi, en application de l’engagement de YHAYE Michel résultant de l’acte sous
seing privé en date du 20 octobre 2000, YHAYE Michel est, dès lors, débiteur pur et simple
de la dette, de sorte que c’est à bon droit que le premier Juge l’a condamné au paiement de
la somme de 1.050.000 F CFA… ».

Par ailleurs, le législateur a pris des précautions pour éviter ce genre d’erreur. Ces
précautions dérivent, d’une part, de l’art. 13 AUS et, d’autre part, de l’art. 14 AUS. De
l’article 13 AUS qui définit le cautionnement, il ressort clairement l’objet de l’obligation de la
caution : elle vient remplacer le débiteur principal défaillant en exécutant son obligation au
profit du créancier. Dans l’art. 14 AUS, le législateur protège particulièrement la caution qui
ne sait ou ne peut écrire afin qu’elle connaisse exactement la portée de son engagement : cette
caution doit être assistée de deux témoins qui certifient, dans le cautionnement, son identité et
sa présence et attestent, en outre, que la nature et les effets de l’acte lui ont été précisés.

39- Erreur sur la solvabilité du débiteur – Il s’agit, sans équivoque, d’une erreur sur une
qualité substantielle : la solvabilité du débiteur principal ; erreur que la caution oppose au
créancier pour obtenir l’annulation de son engagement.

Cette erreur ne peut être retenue que si elle est intervenue lors de la conclusion du contrat
et non ultérieurement. Il est juste de retenir l’erreur sur la solvabilité du débiteur principal
comme une erreur motivant l’annulation du contrat de cautionnement. En effet, s’il est vrai
que la caution s’engage pour remédier à l’insolvabilité du débiteur principal, il est tout aussi
vrai que la caution ne remédie qu’à l’insolvabilité future du débiteur, c’est-à-dire son
insolvabilité au moment de l’échéance. Par conséquent, tout comme le créancier, la caution
est en droit de faire confiance au débiteur et de croire, au moment où elle s’engage avec le
créancier, que le débiteur a les moyens de payer sa dette. Si elle se trompe sur la solvabilité
du débiteur principal au moment de la conclusion du cautionnement, la caution peut opposer
cette erreur au créancier et demander l’annulation du contrat de cautionnement.

Ainsi, dans un arrêt du 1er oct. 200244, la cour de cassation française a reconnu que la
caution peut obtenir l’annulation de son engagement lorsqu’elle a cru que le débiteur était
solvable alors même qu’elle n’avait pas fait de cette solvabilité une condition de son
engagement.

40 - Dol – Le dol est une tromperie qui a pour effet de provoquer, chez le contractant, une
erreur qui le détermine à contracter. Il constitue le vice le plus fréquemment invoqué par les
cautions dès lors que les conditions requises par l’art. 1116 c.civ sont réunies45 : le dol doit

44
Cass. Com. 1er oct. 2002, D. 2003, Jur. P. 1617 note Y. PICOD.
45
Aux termes de l’art. 1116 du code civil : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les
manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre
partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé ».

26
émaner du cocontractant, en l’occurrence le créancier ; le dol doit être déterminant ; le dol
doit être prouvé.

41 - Auteur du dol – Pour entraîner la nullité du cautionnement, le dol doit provenir du


cocontractant de la caution, c’est-à-dire le créancier. Ainsi le dol a été refusé lorsqu’il ne
provenait pas du créancier46. Par ailleurs, il a été jugé qu’un établissement de crédit commet
un dol quand il obtient l’engagement de la caution tout en dissimulant la situation
irrémédiablement compromise du débiteur principal47.

42 – Caractère déterminant du dol - En ce qui concerne le caractère déterminant du dol, il


appartient à la caution de démontrer non seulement la réalité du dol mais aussi son caractère
déterminant. Ainsi jugée constitutive d’un dol déterminant la réticence dolosive commise par
un banquier qui n’avait pas informé la caution de la situation délicate dans laquelle se trouvait
le débiteur afin d’obtenir le consentement de la caution48.

43 – Preuve du dol – Enfin, le dol doit être prouvé par la caution qui l’invoque. Dans le cas
contraire, le dol qu’elle invoque ne sera pas retenu. Ainsi, dans une espèce où l’actionnaire
d’une société s’était porté caution d’un prêt accordé à sa société et où il invoquait un dol pour
échapper aux poursuites du créancier ; la cour suprême ivoirienne, confirmant l’arrêt de la
cour d’appel d’Abidjan, a, dans l’arrêt du 14 mars 200249, rejeté le pourvoi de l’actionnaire.

Au soutien de sa décision, la haute juridiction a relevé que : « en ne retenant pas le dol à


l'endroit de KOUADIO NIAMIEN Wilson, la Cour d'Appel n'a pas violé les dispositions de
l'article 1116 du Code Civil, qui font appel à des manœuvres pratiquées par l'une des
parties, qui sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas
contracté; qu'en effet, il résulte des productions du dossier, que KOUADIO NIAMIEN
Wilson est Ingénieur des Travaux Publics à la retraite ; qu'il a, sans contrainte physique ni
morale, délibérément signé dans les locaux de la banque puis dans ceux du notaire, les
différents actes sous seing privé et notariés, à plusieurs mois d'intervalle, et après son
entrée dans la société pour laquelle il a donné sa caution en qualité d'actionnaire et de
Directeur Général ».

On retient de cette décision que la preuve du dol qu’elle aurait subi n’a pas été rapportée
par la caution50.

46
Cf. en droit français, Cass. com. 13 nov. 2002, RTD civ. 2003.322, obs. Pierre Crocq.
47
Voir en droit français, Civ. 1ère, 14 févr. 2008.
48
En droit français, Civ. 1ère, 10 mai 1989, JCP 1989.II.21363.
49
Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre Judiciaire, Arrêt N° 243/02 du 14 mars 2002, Actualités juridiques
N° 37/2003, p.12. L’arrêt est également sur le site de l’Ohada : www.Ohada.com, Ohadata J-04-62.
50
Il faut tout de même relever que l’argumentation de la cour suprême est ambigüe dans la mesure où elle relève
l’absence de contrainte physique ou morale pour attester de l’inexistence du dol qu’aurait subi la caution. La
contrainte physique ou morale caractérise plus la violence que le dol.

27
44 - Violence – Elle peut être définie comme la contrainte physique ou morale exercée sur
une personne pour l’amener à contracter. La violence n’affecte qu’exceptionnellement les
contrats de cautionnement. Contrairement au dol, la violence peut provenir du créancier mais
aussi d’un tiers notamment le débiteur principal. Ainsi, les juges ont admis la remise en cause
de l’engagement d’une caution en se fondant sur la contrainte morale qu’elle a subie51.

B. La capacité

45 – Principes - La capacité juridique se définit comme l’aptitude d’une personne à acquérir


des droits et à les exercer. Elle comporte donc deux aspects : l’aptitude à être titulaire d’un
droit est la capacité de jouissance et l’aptitude à exercer le droit dont on est titulaire est la
capacité d’exercice. Les parties au contrat doivent avoir la capacité de contracter. La caution
doit donc avoir la capacité de contracter car elle contracte une obligation personnelle
engageant l’entièreté de son patrimoine. C’est donc la dangerosité52 de l’acte de
cautionnement qui justifie cette exigence de la capacité de la caution.

46 – Mineur non émancipé – Le mineur non émancipé est frappé d’une incapacité générale
d’exercice qui l’empêche, notamment, de contracter53. Ainsi, le mineur non émancipé ne peut,
en aucun cas, s’engager seul comme caution. Cette règle vaut autant pour le cautionnement
réel que pour le cautionnement personnel. Elle vaut pour le cautionnement réel car la
constitution d’une sûreté réelle est un acte de disposition. Elle vaut également pour le
cautionnement personnel qui ne figure pas parmi les actes que le mineur peut,
exceptionnellement, accomplir tout seul. Par ailleurs, l’administrateur légal du mineur a
besoin de l’autorisation du juge des tutelles pour conclure un contrat de cautionnement
considéré comme un acte de disposition54. En ce qui concerne le tuteur du mineur non
émancipé, il a besoin de l’autorisation du conseil de famille55 ou du juge des tutelles56, pour
conclure un contrat de cautionnement au nom du mineur.

51
Il s’agissait, en l’espèce, de menaces sur l’épouse du débiteur à se porter caution exercées par un syndic de
faillite : cass. com. 28 mai 1991, D. 1991, somm. 385, obs. L. Aynès.
52
L’adage « Qui cautionne, paie » exprime amplement cette dangerosité.
53
Pour les actes juridiques, le fondement de l’incapacité générale du mineur résulte de l’art. 27 de la loi
ivoirienne sur la minorité qui dispose que : « le mineur non émancipé est incapable de contracter ».
54
Sur ce point, M. ISSA-SAYEGH relève, à juste titre que, « En raison de ses conséquences possibles, le
cautionnement peut être considéré comme un acte de disposition parce qu’il présente une certaine gravité »,
in « OHADA, Sûretés », éd. BRUYLANT, 2002, n° 43, p. 21. Reste à souligner que les conséquences dont il
s’agit sont la saisie et la vente des biens de la caution.
55
Aux termes de l’al. 1er de l’art. 95 de la loi ivoirienne sur la minorité : « Le tuteur ne peut, sans y être autorisé
par le conseil de famille, faire des actes de disposition au nom du mineur ».
56
Selon l’art. 105 al. 1er de la loi ivoirienne sur la minorité : « Dans tous les cas où l’autorisation du conseil de
famille est requise pour la validité d’un acte du tuteur, elle peut être supplée par celle du juge des tutelles, si
l’acte qu’il s’agit de passer porte sur des biens dont la valeur en capital n’excède pas deux cent cinquante
mille francs ».
28
47 – Mineur émancipé - Aux termes de l’art. 113 de la loi ivoirienne sur la minorité :
« L’émancipation est l’acte par lequel un mineur est affranchi de la puissance paternelle
ou de la tutelle, et devient capable, comme un majeur, d’accomplir tous les actes de la vie
civile et de faire le commerce… ».

Il résulte de cette disposition qu’un mineur émancipé peut, à l’instar d’un majeur,
s’engager comme caution.

48 – Majeurs incapables en général – Les majeurs incapables peuvent être non protégés ou
protégés. Les premiers sont ceux qui souffrent d’une altération de leurs facultés mentales non
déclarée officiellement. L’incapacité des majeurs atteints d’une aliénation mentale ou d’une
altération de leurs facultés mentales ne peut être prise en compte que si elle a été prononcée
par le juge. Il en résulte que le majeur aliéné demeure capable tant que son incapacité n’a pas
été constatée par le juge. Il y a ainsi une présomption de validité des actes juridiques
accomplis par ce dernier. Cette présomption s’applique donc au cautionnement conclu par un
majeur incapable non protégé. Exceptionnellement, la nullité de l’acte conclu par ce majeur
peut être prononcée par le juge si l’on apporte la preuve de l’aliénation mentale dudit mineur
au moment de la conclusion de l’acte. Cette solution est applicable au cautionnement conclu
par un tel majeur.

49 – Interdits judiciaires57 - Le jugement d’interdiction crée une incapacité générale


d’exercice à l’encontre de l’interdit judiciaire. Ainsi, bien que titulaire de droits, l’interdit ne
peut conclure lui-même aucun acte juridique. L’incapacité de l’interdit judiciaire est générale
et concerne tous les actes juridiques. L’interdit est représenté. Il en découle que les actes
juridiques, le cautionnement y compris, seront accomplis en son nom et pour son compte, par
un tuteur.

50 – Aliénés internés58 - Tout comme l’interdit judiciaire, l’aliéné interné est, dès son
internement, frappé d’une incapacité générale d’exercice occasionnant l’ouverture d’une
tutelle et entraînant, en principe, la nullité des actes juridiques, dont le cautionnement,
accomplis par l’interné. Il s’en déduit donc que l’aliéné ne peut conclure un cautionnement.
C’est son tuteur qui le fait en son nom. Toutefois, les actes juridiques accomplis par l’aliéné
interné après son internement ne sont pas nuls de droit comme ceux de l’interdit judiciaire. En
effet, selon les termes de l’art. 39 de la loi du 30 juin 1838 : « ces actes pourraient être
annulés », ce qui traduit le pouvoir d’appréciation reconnu aux juges. Il en découle que le
tribunal peut décider du maintien de ces actes s’il estime qu’ils ont été faits dans un moment
de lucidité.

57
L’interdit judiciaire est l’état qui dérive de l’interdiction judiciaire. L’interdiction judiciaire est un jugement
par lequel le tribunal, constatant l’aliénation mentale d’une personne, lui retire l’administration de ses biens. Le
statut des interdits judiciaires est régi par les articles 488 à 515 du code civil ivoirien.
58
Le régime de l’internement découle de la loi Esquirol du 30 juin 1838 encore applicable en Côte d’Ivoire.

29
51 - Prodigues59 et faibles d’esprit - Contrairement aux interdits judiciaires et aux aliénés
internés, les prodigues et les faibles d’esprit ne sont pas frappés d’une incapacité générale
d’exercice mais seulement d’une incapacité spéciale d’exercice. Ainsi, ils conservent
l’administration de leurs biens. Cependant, eu égard à leur prodigalité ou à la faiblesse de leur
état mental, ils se verront fournir un conseil judiciaire nommé par la justice pour la conclusion
de certains actes juridiques dont le cautionnement. Le prodigue ou le faible d’esprit ne peut
donc conclure un cautionnement qu’assisté de son conseil judiciaire.

C – Le pouvoir de se porter caution

52 – Diversité des hypothèses - Il s’agit ici d’examiner le pouvoir de la caution d’engager


une tierce personne. Trois hypothèses seront analysées : les régimes matrimoniaux, les
cautionnements donnés par les personnes morales, le mandat de se porter caution.

53 – Régimes matrimoniaux – Le régime matrimonial a une influence sur la conclusion d’un


cautionnement. En effet, le cautionnement étant de nature à compromettre le patrimoine
familial, il est nécessaire d’analyser soigneusement la validité d’un cautionnement conclu par
une caution mariée. Dans le régime de la communauté des biens, le mari a la gestion des biens
communs ordinaires et l’épouse, celle des biens réservés. Pour exercer notamment des actes
de disposition sur ces biens communs60, l’époux doit obtenir le concours de l’autre. A défaut,
l’époux dont le concours n’a pas été obtenu, peut demander l’annulation de l’acte. Le
cautionnement étant un acte de disposition, l’époux qui veut se porter caution doit obtenir le
concours61 de l’autre à peine de nullité de la nullité62.

59
Les prodigues sont les personnes se livrant à des dépenses inconsidérées risquant de compromettre leur
patrimoine. Les dépenses du prodigue sont inspirées non par la raison mais par la passion. Quant au faible
d’esprit, c’est celui dont les facultés mentales sont affaiblies sans qu’il y ait perte totale et habituelle de sa raison
pouvant justifier le prononcé de l’interdiction judiciaire. La situation des prodigues et des faibles d’esprit est
régie par les articles 499, 513 et 154 du code civil.
60
Il est vrai que l’art. 81 nouveau de la loi sur le mariage accorde à l’époux, l’exerce unique de tous les actes
d’administration ou de disposition sur les biens communs. Il en est de même de l’art. 80 nouveau de la même loi
qui accorde, à la femme, et sur les biens réservés, les mêmes pouvoirs que ceux conférés au mari sur les biens
communs ordinaires. Toutefois, l’art. 81 nouveau exige que l’époux ait le concours de son épouse pour disposer
des biens communs entre vifs à titre gratuit ou pour grever de droits réels, les immeubles, fonds de commerce ou
exploitation dépendant de la communauté. Or, la conclusion d’un cautionnement réel grève d’un droit réel un
bien du patrimoine. L’exception s’applique donc au cautionnement réel. Nous pensons qu’il faut l’étendre au
cautionnement personnel. En pratique, surtout dans les cautionnements souscrits en leur faveur, les
établissements financiers, notamment les banques, exigent toujours l’accord du conjoint de la personne physique
voulant se porter caution.
61
La loi ne définit pas le concept de « concours ». Il s’agit donc d’une notion vague par laquelle elle entend dire
que le conjoint doit, d’une manière ou d’une autre, avoir consenti au cautionnement envisagé. Cela n’inclut pas,
en tout état de cause, que le conjoint soit partie au contrat de cautionnement.
62
Le principe de la nullité est précisé par l’art. 82 nouveau de la loi ivoirienne sur le mariage qui dispose que :
« Si l’un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs ou sur les biens réservés, l’autre, à
moins qu’il n’ait ratifié l’acte peut en demander l’annulation.

30
54 – Cautionnements consentis par les personnes morales – Le principe de spécialité -
Une personne morale peut se porter caution d’une autre personne, physique ou morale. Encore
faut-il que la personne morale ait une existence juridique et que celui qui prétend l’engager ait
le pouvoir de le faire. De plus, contrairement aux personnes physiques, la capacité de
jouissance des personnes morales est limitée par le principe de la spécialité. Ce principe
oblige les personnes morales à n’agir que dans le cadre strict de leur objet social, c’est-à-dire
l’activité qu’elles exercent.

Nous n’analyserons, spécialement, que le cas de certaines personnes morales de droit


privé.

55 – Cautionnements consentis par certaines personnes morales de droit privé – Il existe


diverses personnes morales de droit privé. Nous n’envisagerons que le cas des sociétés
commerciales et des sociétés civiles.

56 – Cautionnement souscrit par les sociétés commerciales – Principes généraux – Les


principes généraux, en ce qui concerne le cautionnement fourni par les sociétés commerciales,
sont précisés par les articles 12163 et 12264 de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique. De l’article 121 AUSCGIE, il ressort
la plénitude des pouvoirs des dirigeants pour engager la société commerciale à l’égard des
tiers, sauf cas exceptionnels ; quant à l’article 122, il applique à la société commerciale, le
principe de spécialité applicable à toute personne morale. Cependant, la portée du principe est
fonction du type de société commerciale et il importe d’analyser cette portée pour chaque type
de société commerciale.

57 – Cautionnements consentis par une SNC65 – Il faut distinguer selon que le


cautionnement envisagé est fait pour garantir les dettes d’un associé ou celles d’un tiers.

L’action en nullité est ouverte au conjoint pendant les deux années qui suivent le jour où il a eu
connaissance de cet acte.

Elle ne peut en aucun cas être exercée postérieurement à un délai de deux ans après la dissolution de
la communauté ».
63
Aux termes de l’art. 121 AUSCGIE : « A l’égard des tiers, les organes de gestion, de direction et
d’administration ont, dans les limites fixées par le présent Acte uniforme pour chaque type de société, tout
pouvoir pour engager la société, sans avoir à justifier d’un mandat spécial. Toute limitation de leurs pouvoirs
légaux par les statuts est inopposable aux tiers de bonne foi ».
64
Cet article dispose que: « La société est engagée par les actes des organes de gestion, de direction et
d’administration qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte
dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, sans que la seule publication
des statuts suffise à constituer cette preuve ».
65
La SNC ou Société en Nom Collectif est « celle dans laquelle tous les associés sont commerçants et répondent
indéfiniment et solidairement des dettes sociales » (art. 270 AUSCGIE).

31
58 – Cautionnements garantissant la dette d’un associé : conformité du cautionnement à
l’intérêt social - Pour que le cautionnement donné par une SNC pour garantir les dettes d’un
de ses associés soit valide, il est nécessaire que ce cautionnement soit conforme à l’intérêt
social. Cette solution résulte de l’art. 277 AUSCGIE66. La notion d’actes de gestion
mentionnée par cet article englobe autant les actes d’administration que les actes de direction.
En définitive, il s’agit des actes accomplis par le gérant en vue de réaliser l’objet social. La
conclusion d’un contrat de cautionnement est donc incluse dans ces actes de gestion67.

59 – Cautionnements garantissant la dette d’un tiers : conformité à l’objet social – La


validité d’un cautionnement donné par une SNC pour garantir la dette d’un tiers est soumise à
sa conformité à l’objet social de la SNC conformément à l’article 277-1 al. 1 AUSCGIE qui
dispose que : « Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes
entrant dans l’objet social ».

60 – Cautionnements fournis par une SCS68 – Renvoi aux règles applicables à la SNC -
Les cautionnements donnés par une SCS sont, pour leur validité, soumis aux règles
applicables aux cautionnements fournis par une SNC. Cette solution résulte de l’art. 298
AUSCGIE69.

61 – Cautionnements consentis par une SARL70 - Pour mieux appréhender la validité des
cautionnés donnés par une SARL, il faut distinguer trois hypothèses selon que lesdits
cautionnements garantissent soit des dettes de tiers penitus extranei, soit des dettes de tiers
liés aux gérants ou associés de la SARL ou des dettes des gérants ou associés eux-mêmes.

66
Selon cet article : « Dans les rapports entre associés et en l’absence de la détermination de ses pouvoirs par
les statuts, le gérant peut faire tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société. En cas de pluralité de
gérants, chacun détient les mêmes pouvoirs que s’il était seul gérant de la société, sauf le droit pour chacun
de s’opposer à toute opération avant qu’elle ne soit conclue ».
67
Le législateur ne définit pas la notion d’intérêt social. Il s’agit de l’intérêt général de la société commerciale
qu’est la SNC. Cet intérêt peut être financier au cas où, par exemple, la société tire un gain du cautionnement
d’un de ses associés… Ce peut être tout autre intérêt…
68
Aux termes de l’art. 293 AUSCGIE : « La société en commandite simple (SCS) est celle dans laquelle
coexistent un ou plusieurs associés indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales dénommés
‘’associés commandités’’, avec un ou plusieurs associés responsables des dettes sociales dans la limite de
leurs apports dénommés ‘’associés commanditaires’’ ou ‘’associés en commandite’’, et dont le capital est
divisé en parts sociales ».
69
En effet, cet article dispose que : « La société en commandite simple est gérée par tous les associés
commandités, sauf clause contraire des statuts qui peuvent désigner un ou plusieurs gérants, parmi les
associés commandités, ou en prévoir la désignation par un acte ultérieur, dans les mêmes conditions et avec
les mêmes pouvoirs que dans une société en nom collectif ».
70
La Société A Responsabilité Limitée (SARL) est définie par l’art. 309 al. 1 er AUSCGIE comme « une société
dans laquelle les associés ne sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et dont
les droits sont représentés par des parts sociales ».

32
62 – Cautionnements garantissant les dettes de tiers penitus extranei – Par tiers penitus
extranei, il faut entendre les tiers absolus, c’est-à-dire, les personnes physiques non associés
et n’ayant, en outre, aucun lien avec des associés ou des gérants de la SARL. Pour la validité
de cautionnements donnés par la SARL pour des dettes contractées par ces tiers, il y a un
principe et une exception. En principe, ces cautionnements sont valides même s’ils ne sont
pas conformes à l’objet social. La SARL est donc engagée par un acte de cautionnement
conclu par un dirigeant pour garantir des dettes de tiers même si ce cautionnement n’est pas
conforme à l’objet social. Toutefois, la SARL peut se désengager si elle rapporte la mauvaise
foi du tiers. Cette mauvaise foi résulte du fait que le tiers savait que l’acte dépassait l’objet
social ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances de conclusion de l’acte.
Toutes ces solutions trouvent leur fondement textuel dans l’article 329 AUSCGIE71.

63 – Cautionnements garantissant des dettes des associés personnes physiques ou des


gérants ou des tiers liés aux gérants ou aux associés : conventions interdites – Une SARL
ne peut cautionner les dettes envers les tiers de ses associés personnes physiques ou de ses
gérants. De même, elle ne peut cautionner les dettes des conjoints, ascendants et descendants
des associés ou des gérants de la société. La sanction de la conclusion de tels cautionnements
est la nullité conformément à l’art. 356 AUSCGIE qui dispose que : « A peine de nullité du
contrat, il est interdit aux personnes physiques, gérantes ou associées, de contracter, sous
quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle
un découvert en compte-courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser
par elle leurs engagements envers les tiers.

Cette interdiction s’applique également aux conjoints, ascendants et descendants des


personnes visées à l’alinéa premier du présent article, ainsi qu’à toute personne
interposée ».

Des auteurs justifient cette interdiction en relevant que : « la société ne doit pas servir
de banque à ses associés ou à ses dirigeants72 ».

64 – Portée de l’interdiction – Deux remarques méritent d’être faites à propos de


l’interdiction de ces conventions dans la SARL. La première réside dans le fait que
l’interdiction ne s’applique pas aux personnes morales associées de la SARL. Il en découle
71
En effet, cet article dispose que : « Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus
étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que le présent Acte
Uniforme attribue expressément aux associés.

La société est engagée, même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne
prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des
circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du présent article sont inopposables aux
tiers ».
72
POUGOUE (P-G), NGUEBOU-TOUKAM (J.), ANOUKAHA (F.), commentaire sous article 356
AUSCGIE, in OHADA, Traités et actes uniformes commentés et annotés, Ed. Juriscope, 4e éd., 2012, p. 500.

33
donc qu’une SARL peut cautionner des dettes, envers des tiers, de son associé personne
morale. La seconde résulte du fait que la dette cautionnée est celle d’un associé à l’égard d’un
tiers. Si par tiers, il faut entendre une personne, physique ou morale, non membre de la
société, il faut en déduire que la dette d’un associé envers un autre associé pourrait être
valablement cautionnée par la SARL. Cela admis, la validité de tels cautionnements serait
soumise à leur conformité à l’intérêt social comme l’indique l’art. 328 al. 1 AUSCGIE73.

65 – Cautionnements consentis par une SA – Il faut distinguer les cautionnements soumis à


autorisation des cautionnements interdits.

66 – Cautionnements soumis à autorisation – La validité de certains cautionnements est


soumise à une autorisation préalable. Il s’agit des cautionnements donnés par la SA pour des
dettes contractées par des tiers. Cela veut dire que le débiteur principal est tiers à la SA.
L’organe compétent pour octroyer cette autorisation diffère selon qu’il s’agit d’une SA avec
conseil d’administration ou d’une SA avec un administrateur général.

67 – Cautionnements consentis par une SA avec conseil d’administration : la nécessité


d’une autorisation préalable du conseil d’administration- Pour que le cautionnement
donné par une SA avec conseil d’administration pour des dettes contractées par des tiers soit
valide, il est nécessaire d’obtenir, au préalable l’autorisation du conseil d’administration
conformément à l’art. 449 al. 1 AUSCGIE74. L’autorisation du conseil d’administration est
matérialisée sur le procès-verbal de la réunion du conseil d’administration et ne vaut que pour
un an. Outre l’autorisation, le conseil d’administration fixe le plafond du montant que la SA
peut garantir. Il existe deux modalités de fixation de ce montant : soit le conseil
d’administration fixe un montant global valable pour un an, soit il fixe un montant pour
chaque cautionnement75.

68 – Sanctions – Le non-respect des normes réglementant les cautionnements soumis à


autorisation préalable entraîne des sanctions. Ainsi, lorsque l’autorisation préalable du conseil
d’administration n’a pas été obtenue, le cautionnement intervenu est nul. En outre, si le
montant fixé par la décision du conseil d’administration a été dépassé, la sanction est
l’inopposabilité du dépassement aux tiers qui n’en pas eu connaissance. Toutefois, si le
montant de l’engagement invoqué excède, à lui seul, l’une des limites fixées par la décision
du conseil d’administration, le cautionnement conclu sera nul.

73
Cet article dispose, en son alinéa 1er que : « Dans les rapports entre associés et en l’absence de la
détermination de ses pouvoirs par les statuts, le gérant peut faire tous les actes de gestion dans l’intérêt de la
société ».
74
Selon l’al. 1 de l’art. 449 AUSCGIE : « Les cautionnements, avals, garanties autonomes, contre-garanties
autonomes et autres garanties souscrits par des sociétés autres que celles exploitants des établissements de
crédit, de microfinanceou d’assurance-caution dûment agréés et pour des engagements pris par des tiers font
l’objet d’une autorisation préalable du Conseil d’Administration ».
75
Sur tous ces points, voir l’art. 449 al. 2 à 5 AUSCGIE.

34
69 – Cautionnements consentis par une SA avec administrateur général : nécessité d’une
autorisation préalable de l’assemblée générale ordinaire – Les cautionnements donnés par
une SA avec administrateur général sont soumis, pour leur validité, à l’autorisation préalable
de l’assemblée générale ordinaire. Cette solution est logée dans l’art. 506 AUSCGIE76.

70 – Sanctions – La nature de la sanction d’un cautionnement donné par une SA avec


administrateur général sans l’autorisation préalable de l’assemblée générale ordinaire est
ambigüe. En effet, l’art. 506 AUSCGIE précité semble privilégier l’inopposabilité puisqu’il
précise que « les cautions… ne sont opposables à la société que s’ils ont été autorisés
préalablement par l’assemblée générale ordinaire ». Par l’effet de l’inopposabilité, le contrat
de cautionnement irrégulier ne peut jamais engager la SA qui ne peut, par ailleurs, le ratifier
postérieurement à sa conclusion. Cependant, le dirigeant de la SA qui a engagé celle-ci par le
cautionnement peut-il voir sa responsabilité personnelle engagée en qualité de caution
personnelle ? Cela ne se peut. En effet, le cautionnement ne se présume pas et le dirigeant ne
peut être qualifié de caution personnelle alors même qu’il a été précisé dans le contrat de
cautionnement que c’est la SA qui s’est portée caution. En définitive, l’inopposabilité de l’art.
506 AUSCGIE ressemble davantage à une nullité. Il faut donc conclure que le cautionnement
donné par une SA avec administrateur général pour des dettes des tiers sans autorisation
préalable de l’assemblée générale ordinaire est frappée d’une nullité.

71 – Cautionnements interdits – Autant dans la SA avec conseil d’administration que dans


celle avec administrateur général, certains cautionnements sont interdits. Il s’agit, d’abord,
des cautionnements des dettes des dirigeants envers des tiers. Il s’agit aussi des
cautionnements des dettes contractées par des personnes ayant des liens avec les dirigeants de
la SA. Les fondements textuels de ces solutions sont l’art. 45077 AUSCGIE pour ce qui est de
la SA avec conseil d’administration et l’art. 507 AUSCGIE78 pour la SA avec administrateur
général.

76
Aux termes de l’art. 506 AUSCGIE : « Les cautions, avals, garanties ou garantie à première demande
donnés par l’administrateur général ou par l’administrateur général adjoint ne sont opposables à la société
que s’ils ont été autorisés préalablement par l’assemblée générale ordinaire, soit d’une lanière générale, soit
d’une manière spéciale ».
77
Selon l’al. 1 de cet article : « A peine de nullité de la convention, il est interdit aux administrateurs, aux
directeurs généraux et aux directeurs généraux adjoints ainsi qu’à leurs conjoints, ascendants ou
descendants et aux autres personnes interposées, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts
auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert en compte-courant ou autrement, ainsi que de
faire cautionner ou avaliser par elle leurs engagements envers des tiers ».

Cette interdiction ne concerne pas les personnes morales membres du conseil d’administration ni les banques et
établissements financiers à caractère bancaire.
78
L’al. 1 de cet article dispose que : « A peine de nullité du contrat, il est interdit à l’administrateur général ou
à l’administrateur général adjoint lorsqu’il en est nommé, ainsi qu’à leurs conjoints, ascendants, descendants
et aux personnes interposées, de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société,
de se faire consentir par elle un découvert en compte-courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou
avaliser par elle leurs engagements envers les tiers ».
35
72 – Sanction - La sanction de la violation de ces cautionnements interdits est, sans
équivoque, la nullité des cautionnements souscrits.

73 – Les cautionnements consentis par la SAS79 - Lorsque les cautionnements garantissent


les dettes contractées par des tiers, ils sont valables même s’ils ne sont pas conformes à l’objet
social lorsque les tiers sont de bonne foi. Toutefois, lorsque la SAS fait la preuve de la
mauvaise foi du tiers, elle pourra obtenir la nullité de tels cautionnements. Cette solution
ressort de l’art. 853-8 al. 1 AUSCGIE80. Lorsque les cautionnements garantissent des dettes
des associés, ils ne sont valides que lorsqu’ils sont conformes à l’intérêt social. Par ailleurs, il
n’existe pas de cautionnements interdits dans la SAS81.

74 – Cautionnements fournis par les sociétés civiles82 - Dans les sociétés civiles, le
dirigeant engage la société par les actes qui rentrent dans l’objet social83. Ainsi, lorsqu’un
cautionnement est consenti par la société civile au profit de l’un de ses associés, il est valable
s’il l’a été selon les dispositions statutaires, nonobstant l’opposition des autres associés et sans
fraude84. A défaut de dispositions statutaires, le cautionnement est valable s’il est donné avec
le consentement de tous les associés.

Par ailleurs, le cautionnement fourni par la société civile au profit de tiers, même en
cas de dépassement de l’objet social, est valide s’il a été souscrit avec le consentement
unanime des associés. Ainsi, dans une espèce où une société civile immobilière demandait la
nullité du cautionnement hypothécaire consenti par son gérant en dépassement de l’objet
social de la SCI, le tribunal régional hors classe de Dakar a rejeté sa prétention en ces termes :
« est régulier l’acte de cautionnement consenti par un gérant en vertu d’un mandat spécial

79
Aux termes de l’al. 1 de l’art. 853-1 AUSCGIE : « La société par actions simplifiée est une société instituée
par un ou plusieurs associés et dont les statuts prévoient librement l’organisation et le fonctionnement de la
société sous réserve des règles impératives du présent livre. Les associés de la société par actions simplifiée ne
sont responsables des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports et leurs droit sont représentés par des
actions ».
80
Selon cette disposition : « Dans ses rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du
président qui ne relèvent pas de l’objet social, dans les conditions et limites fixées à l’article 122 ci-dessus ».
81
En effet, tout en soumettant la SAS aux dispositions applicables aux SA, l’art. 853-3 AUSCGIE exclut
certaines dispositions dont les articles 450 et 507 AUSCGIE. On en déduit qu’il n’y a pas de conventions
interdites dans une SAS.
82
Les sociétés civiles sont régies par les articles 1832 et suivants du code civil.
83
Cette solution peut être fondée sur le fait que toute personne morale est limitée par le principe de spécialité qui
l’oblige à n’agir que dans le cadre de son objet social. En ce qui concerne les sociétés civiles, l’art. 1833 exprime
cette idée lorsqu’il précise dans son alinéa premier que : « Toute société doit avoir un objet licite, et être
contractée pour l’intérêt commun des parties ».
84
Cette solution trouve son fondement dans l’al. 1 de l’art. 1856 du code civil qui dispose que : « L’associé
chargé de l’administration par une clause spéciale du contrat de société peut faire, nonobstant l’opposition des
autres associés, tous les actes qui dépendent de son administration, pourvu que ce soit sans fraude. »

36
conférée par l’unanimité des associés dans le cadre d’une assemblée générale
extraordinaire et qui équivaut à une modalité extensive de l’objet social même de la
société85 ».

75 – Le mandat de se porter caution - L’engagement de la caution peut intervenir par


l’intermédiaire d’une tierce personne qui accepte de conclure un mandat de se porter caution.
Ainsi, la caution peut déléguer un mandataire qui va conclure le contrat de cautionnement en
son nom et pour son compte. Dans ce cas, le mandat devra être un mandat spécial et exprès
car le cautionnement est un acte de disposition86.

D – L’objet du cautionnement

76 - Notion d’objet en matière de cautionnement - Une double approche de la notion


d’objet distingue l’objet du contrat et l’objet de l’obligation.

77 – Objet du contrat de cautionnement - L’objet du contrat correspond à l’opération


juridique envisagée par les parties. Pour le cautionnement, il s’agit de la sûreté personnelle
apportée par l’engagement de la caution. Cet objet n’affecte pas la validité du contrat mais
permet de déterminer la qualification juridique de l’opération par le juge87. Pour ce faire, le
juge devra constater que les parties ont réellement voulu conclure une sûreté accessoire à
l’obligation principale, et constitutive d’une obligation de payer et ce, indépendamment de la
qualification retenue par les termes du contrat. Ainsi, pour qualifier un contrat de
cautionnement, trois critères doivent être vérifiés : d’abord, l’engagement d’une personne
envers un créancier ; ensuite, la volonté, pour cette personne, d’exécuter l’obligation dont est
tenue le débiteur du créancier ; enfin, en cas de défaillance du débiteur.

78 – Objet de l’obligation - L’objet de l’obligation correspond à la prestation promise au


créancier. Dans le cadre du cautionnement, la caution s’engage à exécuter l’obligation du
débiteur principal. L’objet de son obligation est donc le paiement éventuel de la dette
garantie88.

85
Cf. Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, jugement n° 499 du 8 mars 2000, GIE PAN Industries et SCI
République c/ Société Crédit Sénégalais, www.Ohada.com, Ohadata J-04-23.
86
En effet, aux termes de l’art. 1988 du code civil : « Le mandat conçu en termes généraux n’embrasse que les
actes d’administration.

S’il s’agit d’aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être
exprès ».
87
Ainsi, le critère de l’objet du contrat permettra de distinguer le cautionnement d’autres contrats notamment de
la garantie ou contre-garantie autonomes.
88
Il faut se souvenir de la définition du contrat de cautionnement donnée par l’art. 13 AUS en son alinéa 1 : « Le
cautionnement est un contrat par lequel la caution s’engage, envers le créancier qui accepte, à exécuter une
obligation présente ou future contractée par le débiteur, si celui-ci n’y satisfait pas lui-même ».

37
79 – Plan – Il importe d’examiner, d’abord, la nécessité de la validité de l’obligation
principale, ensuite, la nature de l’obligation principale et, enfin, l’étendue de cette obligation.

80 – Nécessité de la validité de l’obligation principale – Le principe – En raison de la


nature accessoire du cautionnement, l’existence de ce cautionnement suppose la validité de
l’obligation principale garantie. Ainsi, le cautionnement n’est valide que si l’obligation du
débiteur principal envers le créancier est elle-même valide. En conséquence, si l’obligation
principale garantie est nulle, le cautionnement est nul aussi. En effet, faute d’obligation
principale valablement constituée, le cautionnement n’a plus d’objet. La caution est donc en
droit d’invoquer la nullité de l’obligation principale pour s’estimer n’avoir jamais été engagée
envers le créancier.

Par ailleurs, si l’engagement d’une personne morale, débitrice principale, a été


consenti par une personne physique dépourvu du pouvoir de représentation, l’obligation
principale est nulle et la caution est en droit d’invoquer cette nullité pour se délier de son
obligation89.

80 bis – Nécessité de la validité de l’obligation principale – Exceptions – Le principe de la


nécessité de l’obligation principale garantie admet deux exceptions ; la première concerne le
cautionnement des engagements d’un incapable quand la seconde est relative au défaut de
pouvoir du représentant d’une personne morale débitrice principale.

81 – Cautionnement des engagements d’un incapable – Aux termes de l’al. 1 de l’art. 17


AUS : « Toutefois, il est possible de cautionner, en parfaite connaissance de cause, les
engagements d’un incapable. La confirmation, par le débiteur, d’une obligation entachée
de nullité, ne lie pas la caution, sauf renonciation expresse, par la caution, à cette nullité ».

Cette disposition signifie que si la caution, au moment de s’engager envers le


créancier, connaissait l’incapacité du débiteur principal et qu’elle s’est tout de même obligée à
garantir les dettes de cet incapable, elle ne peut plus invoquer la nullité de l’obligation
principale pour échapper aux poursuites du créancier. On arrive ainsi à la solution paradoxale
par laquelle la caution est tenue de payer alors même que l’obligation principale garantie est
nulle. Toutefois, cette solution paraît logique et peut s’expliquer par la maxime « nul ne peut
se prévaloir de sa propre turpitude ». Ainsi, la caution qui s’engage, en connaissance de
cause, à garantir les dettes d’un incapable, accepte le risque d’être liée alors que l’obligation
garantie est nulle. La loi lui fait alors obligation d’assumer le risque accepté.

Cependant, si la caution ignorait l’incapacité du débiteur principal au moment de la


conclusion du contrat de cautionnement, elle peut opposer la nullité résultant de cette
incapacité au créancier qui la poursuit. De plus, la confirmation de cette nullité par le débiteur
principal n’empêche pas la caution de l’opposer au créancier puisque l’art. 17 al. 1er précise
que cette confirmation « ne lie pas la caution ». Dans cette hypothèse, seule la renonciation
expresse, par la caution, à la nullité, l’empêchera de l’opposer au créancier.
89
Cette solution résulte de l’al. 2 de l’art. 17 AUS.

38
82 – Cautionnement des engagements d’une personne morale débitrice principale – L’al.
2 de l’art. 17 AUS énonce deux conditions pour que caution soit liée alors que l’obligation de
la personne morale débitrice principale a été consentie par une personne physique n’ayant pas
les pouvoirs requis. Selon le législateur, il faut, d’abord, que la personne morale confirme,
postérieurement à la conclusion du cautionnement, l’acte de son représentant et, ensuite, il est
nécessaire que la caution renonce expressément à se prévaloir de la nullité pour défaut de
pouvoir du représentant de la personne morale débitrice principale.

83 – Nature de l’obligation principale garantie – Dès lors que l’obligation garantie est
valable, elle peut être cautionnées quelle que soit sa nature. Ainsi, très souvent, le
cautionnement garantie une obligation pécuniaire, c’est-à-dire une dette de somme d’argent.
Toutefois, l’obligation garantie peut être une obligation de faire ou de ne pas faire ou une
obligation de donner.

84 – Cautionnement de dettes présentes – Le cautionnement de dettes présentes va de soi et


ne présente aucune difficulté particulière. En effet, dans cette hypothèse, vu que la dette du
débiteur est présente au moment de la conclusion du contrat, la caution sera tenue en fonction
de ce qui a été stipulé dans le contrat principal. Ainsi, la caution peut être tenue de la totalité
de la dette du débiteur ou d’une partie seulement de cette dette90.

85 – Cautionnement de dettes futures - La possibilité de cautionner des dettes futures est


prévue par l’art. 13 AUS. La dette future peut être appréhendée comme la dette qui n’est pas
née au moment de la conclusion du contrat de cautionnement, notamment par ce que l’acte ou
le fait susceptible de lui donner naissance n’est pas encore intervenu. La difficulté réside dans
l’incertitude sur l’existence même de la dette qui dépend d’événements ultérieurs. Toutefois,
le cautionnement de dettes futures est valide. En effet, si l’objet d’une obligation doit être
certain, c’est-à-dire déterminé ou déterminable, cette détermination s’impose non pas lors de
la naissance de l’obligation mais au moment de son paiement. Cet argument assure la validité
du cautionnement de dettes futures, la caution s’engageant à garantir toutes les dettes que le
débiteur aura envers le créancier. Seule exigence : le contrat originaire doit être composé
d’éléments permettant d’assurer une détermination des futures obligations cautionnées.

86 – Etendue de l’obligation principale garantie – Le débiteur principal et la caution étant


tenus de la même obligation, c’est cette obligation que la caution garantit au créancier et qui
constitue l’objet de son obligation. Toutefois, si les parties le désirent91, le cautionnement peut
être étendu aux accessoires de la dette92 et aux frais de recouvrement de la créance, le tout

90
Cf. l’art. 18 al. 3 AUS qui dispose que : « Le cautionnement peut également être contracté pour une partie
seulement de la dette et sous des conditions moins onéreuses ».
91
De la part de la caution, cette extension doit résulter de la mention manuscrite telle que prévue par l’art. 14 al.
1 AUS.
92
Comme accessoires, on peut citer les intérêts d’une dette ou une clause pénale…

39
dans la limite de la somme maximale garantie93. Afin de s’assurer de l’étendue de l’obligation
garantie, l’art. 18 al. 2 AUS ajoute que « à la demande de la caution, l’acte constitutif de
l’obligation principale est annexé à la convention de cautionnement ». Enfin, ce même
article précise que le cautionnement peut être contracté « sous des conditions moins
onéreuses » que celles de l’obligation principale garantie.

87 – Cautionnement omnibus – L’article 19 AUS précise que le cautionnement omnibus ou


encore cautionnement général ou cautionnement de tous engagements est possible. Il s’agit
d’un type particulier de cautionnement par lequel la caution s’engage à garantir l’ensemble
des dettes présentes et à venir du débiteur principal. En raison de la dangerosité de ce
cautionnement, l’acte uniforme a précisé quelques règles de son fonctionnement. Ainsi, ce
cautionnement ne peut concerner que les dettes contractuelles94 du débiteur principal,
directes95 et non antérieures à la date du cautionnement, sauf clause contraire des parties. Par
ailleurs, le cautionnement omnibus doit être conclu, sous peine de nullité, pour une somme
maximale librement déterminée par les parties et incluant le principal, les intérêts et autres
accessoires. Le cautionnement général peut être expressément renouvelé par les parties. Enfin,
le cautionnement omnibus peut être révoqué, à tout moment, par la caution avant que la
somme maximale garantie ait été atteinte.

E – La cause

88 – Lien caution-débiteur principal – Le cautionnement est un acte causé. Cela dit, en


raison de la nature unilatérale du contrat de cautionnement, la cause de l’obligation de la
caution ne peut résider dans la contrepartie obtenue par la caution et donnée par le créancier.
L’étude de la cause met en relief l’influence du lien qui peut unir la caution et le débiteur
principal.

89 - Cause objective - Elle suppose qu’on s’interroge sur les raisons de l’engagement des
parties. Le cautionnement étant un contrat unilatéral, la cause de l’engagement de la caution
ne peut correspondre à une obligation corrélative du créancier. Il est donc nécessaire de
prendre en compte la présence et les intérêts du débiteur : en effet, la caution intervient dans
le but de permettre au débiteur d’obtenir un avantage auprès du créancier, à titre gratuit, c’est-
à-dire dans un esprit de bienfaisance ou à titre onéreux en bénéficiant d’une éventuelle
rémunération. Ces éléments ne se réfèrent pas directement au contrat de cautionnement c’est-
à-dire à la relation caution-créancier mais à la relation caution-débiteur.

93
L’extension du cautionnement résulte de l’art. 18 AUS dont l’al. 1 dispose que : « Sauf clause contraire, le
cautionnement d’une obligation s’étend, outre le principal, et dans la limite de la somme maximale garantie,
aux accessoires de la dette et aux frais de recouvrement de la créance, y compris ceux postérieurs à la
dénonciation qui est faite à la caution ».
94
Sont donc exclues les dettes délictuelles, qu’elles soient civiles ou pénales.
95
Exit donc les dettes indirectes telles que celles dont serait tenu le débiteur principal en qualité de caution.

40
90 - Cause subjective - Elle suppose que soient précisées les motivations de la caution ;
lesquelles peuvent être très variées : familiales, professionnelles, etc. Le but déterminant ne
doit pas être illicite ou contraire aux bonnes mœurs. Ainsi, le cautionnement sera annulé si le
contrat principal est illicite ou immorale.

Ex : si une personne obtient un crédit pour financer une convention de mère porteuse, le
cautionnement de ce crédit porte sur une obligation non valable car contraire à l’ordre public.

91 – Conditions de fond spécifiques au contrat de cautionnement – Outre les conditions de


fond communes à tous les contrats, la formation du contrat de cautionnement exige le respect
de conditions particulières. Ces conditions sont relatives à la domiciliation de la caution et au
principe de proportionnalité.

92 – Domiciliation de la caution – L’exigence de la domiciliation de la caution est prévue


par l’art. 15 AUS en son al. 1 qui dispose que : « Lorsque le débiteur est tenu, par la
convention, la loi de chaque Etat partie ou la décision de justice, de fournir une caution,
celle-ci doit être domiciliée ou faire élection de domicile, dans le ressort territorial de la
juridiction où elle doit être fournie, sauf dispense du créancier ou de la juridiction
compétente ». L’exigence de la domiciliation a pour but de faciliter les poursuites éventuelles
du créancier contre la caution. Toutefois cette exigence n’est pas d’ordre public et le créancier
ou la juridiction compétente peut dispenser la caution de cette domiciliation.

93 – Principe de proportionnalité – Il est consacré par l’al. 2 de l’art. 15 AUS aux termes
duquel : « La caution doit présenter des garanties de solvabilité appréciées en tenant compte
de tous les éléments de son patrimoine ». C’est l’expression du principe de proportionnalité
en vertu duquel l’engagement de la caution doit être en conformité avec la valeur de son
patrimoine.

L’objectif visé par le législateur est d’éviter que l’engagement de la caution ne dépasse
ses facultés de remboursement. Par l’édiction de ce principe, le législateur protège la caution
et laisse ainsi percevoir que le cautionnement n’est pas conclu dans l’unique intérêt du
créancier mais aussi dans celui de la caution. Il s’en déduit que le créancier ne doit pas
commettre d’abus lorsqu’il sollicite un cautionnement. Il ne doit pas conclure de
cautionnements excessifs et l’étendue de l’engagement demandé à la caution doit être en
rapport avec ses revenus et son patrimoine. La solvabilité de la caution doit être appréciée au
moment de la formation du contrat de cautionnement. L’appréciation de cette solvabilité, faite
par le créancier, dépend des informations à lui communiquées par la caution. Le créancier a
donc tout intérêt à conserver un document signé par la caution mentionnant ses ressources et
son patrimoine. Si le cautionnement est excessif, la caution peut s’en prévaloir pour demander
la nullité du cautionnement.

94 – Consécration jurisprudentielle préalable : l’arrêt Macron - Avant d’être consacré par


l’AUS, le principe de proportionnalité a reçu une éclatante consécration jurisprudentielle
surtout en droit français par l’arrêt Macron de la Cour de Cassation française en date du 17
juin 1997.
41
Nous ne résistons pas à la tentation de livrer, in extenso, cet arrêt de principe même si sa
portée a été limitée par l’arrêt Nahum de la même cour de cassation française daté du 8
octobre 200296.

Cass. Com, 17 juin 1997, Cts Macron c/ Banque internationale pour l’Afrique occidentale (BIAO) et autres, arrêt
n° 1556 P

La Cour,

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par M. Macron que sur le pourvoi incident relevé par la Banque
internationale pour l’Afrique occidentale ;

Attendu, selon l’arrêt déféré (CA Paris, 8 févr. 1995) que, par acte du 23 décembre 1987, M. Macron s’est porté,
envers la Banque internationale pour l’Afrique occidentale (la banque) et à concurrence de 20.000.000 F, outre
les intérêts, commissions, frais et accessoires, avaliste de toutes les dettes de la société Comptoir français des
pétroles du Nord (la société), dont il présidait le conseil d’administration ; que la société ayant été mise en
redressement judiciaire, la banque a assigné la caution en exécution de son engagement ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal :

Attendu que M. Macron reproche à l’arrêt de l’avoir condamné à payer à la banque la somme de 20.000.000 F
avec intérêts à compter du 21 mars 1989, au titre de l’acte du 23 décembre 1987, alors, selon le pourvoi, d’une
part, qu’en vertu de l’article 2015 du code civil, le cautionnement doit être exprès ; que, par ailleurs, le caractère
excusable de l’erreur, permettant d’annuler un engagement sur le fondement de l’article 1110 du code civil,
s’apprécie en fonction des manœuvres émanant de tiers et qui ont contribué à la conclusion dudit engagement ;
que dès lors, en l’espèce, la cour d’appel ne pouvait pas refuser d’annuler l’engagement de M. Macron au motif
qu’il ne pouvait prétendre s’être trompé en sa qualité de dirigeant, c’est-à-dire au motif que son erreur était de
toute façon inexcusable, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les manœuvres de M. Worms n’étaient
pas de nature à rendre excusable l’erreur de M. Macron et à exclure sa volonté expresse de s’engager
personnellement ; qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard
des textes susvisés ; et alors, d’autre part, qu’en vertu des articles 686 et 1780 du code civil, l’engagement
perpétuel est nul ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a relevé qu’au moment où il s’est porté caution de 20.000.000
F outre intérêts, M. Macron avait un salaire mensuel de 37.550 F et un patrimoine inférieur à 4 millions de F ;
que la disproportion entre la situation financière de celui-ci avec la somme cautionnée est telle que les seuls
intérêts de la dette cautionnée étaient cinq fois supérieurs à ses revenus mensuels bruts et le principal garanti
était aussi égal de cinq à six fois son patrimoine ; que l’engagement de cautionnement souscrit par M. Macron
est manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de M. Macron ; que la cour d’appel en a déduit
que l’engagement ainsi souscrit était perpétuel puisque M. Macron était ainsi débiteur à vie, à la merci de la
banque ; que dès lors en l’état de ces constatations, la cour d’appel aurait dû en déduire la nullité de cet
engagement à vie ; qu’en refusant d’annuler cet engagement perpétuel, la cour d’appel a violé les textes
susvisés ;

Mais attendu, d’une part, que l’arrêt retient que M. Macron, en sa qualité de dirigeant d’entreprise, ne peut
prétendre n’avoir pas compris la qualité en laquelle il signait l’acte d’aval et qu’en tout cas, la société « au nom
de laquelle il dit avoir cru signer, ne pouvait se porter caution d’elle-même » ; qu’en l’état de ces motifs, d’où il

96
Dans l’arrêt Nahum, la cour de cassation, tout en réaffirmant le principe de proportionnalité, en a limité la
portée en considérant que le créancier, en l’occurrence une banque, qui ne disposait pas d’informations
particulières sur les ressources de la caution, n’engageait pas sa responsabilité en raison d’un cautionnement
prétendument disproportionné. Ainsi, pour pouvoir bénéficier du principe de proportionnalité, la cour a exigé
que la caution fasse la preuve que le créancier (la banque) avait des informations sur ses revenus, son patrimoine
et ses facultés de remboursement, des informations qu’elle-même n’avait pas.

42
résulte que M. Macron n’avait pas commis l’erreur alléguée, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer la
recherche inopérante mentionnée à la première branche, a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d’autre part, que, devant la cour d’appel, M. Macron a demandé l’annulation de son engagement pour
erreur et non comme conséquence du caractère perpétuel de celui-ci ;

D’où il suit qu’irrecevable en se seconde branche, le moyen est mal fondé pour le surplus ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches, du même pourvoi

Attendu que M. Macron reproche encore à l’arrêt d’avoir, en limitant la condamnation de la banque à 15.000.000
F, refusé de condamner celle-ci à lui payer des dommages-intérêts, permettant de compenser intégralement sa
dette de caution, alors, selon le pourvoi, d’une part, qu’en vertu de l’article 1341 du code civil, l’exécution par la
banque de son obligation d’information, doit être prouvée par un écrit émanant de la caution, tel un accusé de
réception, dès lors que les intérêts annuels concernés ou la somme sur laquelle peut porter la révocation du
cautionnement est supérieure à 5000 F ; que, dès lors, en l’espèce, en décidant que la banque avait pu prouver
avoir informé M. Macron, en produisant une lettre simple, qu’elle lui aurait envoyée pour l’informer de sa
faculté de révoquer un cautionnement de 20.000.000 F, la cour d’appel a violé l’article 1341 du code civil ; alors,
d’une part, de toute façon, qu’en décidant que la lettre litigieuse avait été envoyée parce qu’elle n’avait pu être
faite a posteriori, parce qu’elle avait été signée par deux personnes ayant quitté la banque depuis lors, tandis que
la missive produite par la banque, et que M. Macron n’avait jamais reçue, comporte simplement une croix qui ne
peut en aucun cas représenter deux signatures, la cour d’appel a dénaturé la lettre litigieuse, violant ainsi l’article
1134 du code civil ; et alors, enfin, de toute façon, que, conformément à l’article 1324 du code civil, lorsque la
signature d’un acte est contestée par une des parties, la vérification est ordonnée en justice ; que dès lors, en
l’espèce, M. Macron contestant que la croix figurant sur la lettre produite par la banque soit une signature, le
juge aurait dû ordonner la vérification de la signature ; qu’en ne le faisant pas, la cour d’appel a violé les articles
1324 du code civil, 287 et 2858 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que l’information prévue par l’article 48 de la loi du 1 er mars 1984 constitue un
fait qui peut être prouvé par tous moyens et notamment par une lettre simple ;

Attendu, en second lieu, que, devant la cour d’appel, si M. Macron contestait avoir reçu la lettre du 25 mars
1988, que la banque versait aux débats en photocopie et, s’il contestait que cette lettre ait été signée, il ne résulte
ni de l’arrêt ni des conclusions de M. Macron que celui-ci ait soutenu les moyens mis en œuvre par les deuxième
et troisième branches ;

D’où il suit qu’irrecevable en ses deuxième et troisième branche, le moyen est mal fondé pour le surplus ;

Et sur le moyen unique pris en ses deux branches, du pourvoi incident :

Attendu que, de son côté, la banque reproche à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer à M. Macron la somme de
15.000.000 F à titre de dommages-intérêts, et ordonné que cette somme se compensera avec celle de 20.000.000
F, due par ce dernier en vertu de son engagement d’avaliste alors, selon le pourvoi, d’une part, que la cour
d’appel qui a constaté la qualité de dirigeant d’entreprise de M. Macron, de nature à faire présumer la
connaissance parfaite qu’il avait de l’importance de son engagement eu égard à ses revenus et à son patrimoine
a, en statuant comme elle a fait, privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du code
civil ; et alors, d’autre part, que seul l’engagement sans terme est susceptible d’être considéré comme un
engagement perpétuel, l’engagement à durée indéterminée, tel le cautionnement conclu sans limitation de durée,
ayant quant à lui un terme potestatif en raison de la faculté de résiliation unilatérale dont dispose la caution ;
qu’en considérant tout d’abord que la banque avait parfaitement respecté les dispositions de l’article 48 de la loi
du 1er mars 1984, qui impose aux établissements de crédit de rappeler aux cautions leur faculté de révocation à
tout moment de leur engagement, et en constatant par là même la possibilité pour M. Macron d’user de sa faculté
de résiliation unilatérale, mais en estimant néanmoins que l’engagement de celui-ci était perpétuel, la cour

43
d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l’article 2034 du code civil, et
par fausse application un prétendu principe de prohibition des engagements perpétuels ;

Mais attendu qu’après avoir retenu que M. Macron avait souscrit un aval de 20.000.000 F, « manifestement
disproportionné » à ses revenus, d’un montant mensuel de 37 550 F, et à son patrimoine, d’un montant inférieur
à 4.000.000 F, la cour d’appel, tout en estimant que M ; Macron n’avait pas commis d’erreur viciant son
consentement, a pu estimer, en raison de « l’énormité de la somme garantie par une personne physique », que,
dans les circonstances de fait, exclusives de toute bonne foi de la part de la banque, cette dernière avait commis
une faute en demandant un tel aval, « sans aucun rapport » avec le patrimoine et les revenus de l’avaliste ;
qu’ainsi, et abstraction faite des motifs surabondants, relatifs au caractère perpétuel de l’engagement litigieux,
critiqués par la seconde branche, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est fondé en
aucune de ses deux branches ;

Par ces motifs : - Rejette les pourvois tant principal qu’incident (…).

§2 – Les conditions de forme et de preuve


95 - Plan – L’étude des conditions de forme (A) précédera celle de la preuve (B).

A- Les conditions de forme

96 - Cautionnement, un contrat consensuel – Le cautionnement est un contrat consensuel et


non solennel. Ainsi, la conclusion de ce contrat n’est soumise à aucune forme particulière et il
est parfait par le seul échange de volontés des parties. Le caractère exprès prévu par l’art. 14
al. 1 n’impose pas un formalisme spécifique. Il prescrit seulement que l’engagement de la
caution soit formulé sans ambigüité, d’une manière non équivoque. Il signifie seulement que
la volonté de s’obliger de la caution doit être établie avec certitude et que l’on ne peut pas
déduire une volonté tacite de s’engager comme caution d’un simple comportement ou des
seules circonstances d’une cause. Il en résulte qu’un cautionnement verbal, sous réserve de la
difficulté de la preuve, est valable.

Toutefois, en vue de faciliter la preuve, la rédaction d’un écrit est souhaitable.

97 – Formalisme imposé par le législateur et sa portée - En dépit du caractère consensuel


du cautionnement, l’article 14 AUS exige un certain formalisme. Il dispose, en effet, en son
alinéa 1 que : « Le cautionnement ne se présume pas, quelle que soit la nature de
l’obligation garantie. Il se prouve par un acte comportant la signature de la caution et du
créancier ainsi que la mention, écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en
chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et autres
accessoires. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres
».

Quelle est la portée de ce formalisme ? Transforme-t-il le cautionnement en un contrat


solennel ? La réponse est négative assurément. En effet, il est admis que l’exigence du
caractère exprès du cautionnement prévue à l’alinéa 1er de l’article 14 constitue une règle
d’interprétation et non une règle de fond ainsi que le soulignent certains auteurs : « Le
législateur OHADA a voulu mettre un terme à ce débat doctrinal relatif au caractère
formaliste ou consensualiste du cautionnement à travers l’AUS révisé de 2010 qui a pris
44
position dans ce débat pour considérer que le cautionnement est un contrat consensuel qui est
parfait par le seul échange de consentement des parties. En effet, l’article 14 AUS réforme
dispose que ‘‘le cautionnement ne se présume pas (…). Il se prouve par un acte comportant la
signature de la caution et du créancier (…)’’. Il ressort de cette disposition que par la
substitution de l’expression ‘‘ doit être constaté ’’ par ‘‘se prouve’’, le législateur
communautaire marque sa volonté de ne plus laisser subsister aucun doute : le cautionnement
est avant tout un contrat consensuel97… ».

Et ces auteurs de conclure, plus loin : « L’exigence du caractère exprès du


cautionnement prévue à l’alinéa 1er de l’article 14 constitue (…) une règle d’interprétation
(…) Il faut donc retenir que les formalités prescrites par l’article 14 du nouvel AUS sont
exigées ad probationnem98 ».

En conséquence, le cautionnement demeure un contrat consensuel.

B – La preuve du cautionnement

98 – Exigence commune de la preuve écrite – Le cautionnement est soumis au droit


commun de la preuve qui exige un écrit lorsque l’engagement excède la somme de 500
francs99.

Ainsi, quoiqu’étant un contrat consensuel, le cautionnement est soumis, pour sa


preuve, à l’exigence d’un écrit. Ce dernier peut être un acte sous seing privé ou un acte
authentique. En pratique, le cautionnement sera généralement constaté par un acte sous seing
privé, l’acte authentique étant rare hormis l’hypothèse du cautionnement hypothécaire en
raison du caractère solennel de la convention constitutive d’hypothèque.

Il est évident que c’est l’original de l’acte qui doit être produit pour prouver le contrat
de cautionnement. Ainsi jugé, en France, qu’une télécopie (fax) est dépourvue de valeur
probante, dès lors qu’elle est contestée100.

99 – Contenu de l’écrit - Le contenu de l’écrit est précisé par l’art. 14 AUS qui distingue
deux hypothèses. La première correspond à celle où caution et créancier savent lire et écrire.
Dans ce cas, l’écrit doit contenu la signature du créancier et, du côté de la caution, sa
signature et la mention manuscrite. La seconde hypothèse est celle où la caution ne sait ni ne

97
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 86, p. 80.
98
Idem.
99
En effet, aux termes de l’article 1341 alinéa 1 du code civil : « Il doit être passé acte devant notaires ou sous
signature privée, de toutes choses excédant la somme ou valeur de cinq cents francs, même pour dépôts
volontaires, et il n’est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, si sur ce qui serait
allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu’il s’agisse d’une somme ou valeur moindre de
500 francs ».
100
CA Aix-en-Provence, 26 mai 1997, Juris-Data, n° 047784.

45
peut écrire. Dans ce cas, selon l’al. 2 de l’art. 14 AUS, elle « doit se faire assister de deux
témoins qui certifient, dans l’acte d cautionnement, son identité et sa présence et attestent, en
outre, que la nature et les effets de l’acte lui ont été précisés ». Et cet alinéa de conclure : « La
présence des témoins certificateurs dispense la caution de l’accomplissement des formalités
prévues par l’alinéa précédent ». Cette précision signifie qu’en cas de présence des deux
témoins certificateurs, la caution n’est tenu, ni de signer le contrat de cautionnement ni
d’écrire la mention manuscrite.

100 – Exigence particulière de preuve : la mention manuscrite - En tant que contrat


unilatéral, la preuve du contrat de cautionnement est nécessairement soumise aux exigences
de l’art. 1326 du code civil qui dispose que : « le billet ou la promesse sous seing privé par
lequel une seule partie s’engage envers l’autre à lui payer une somme d’argent ou une chose
appréciable doit être écrit en entier de la main de celui qui le souscrit ; ou du moins il faut
qu’outre sa signature, il ait écrit de sa main un bon ou un approuvé, portant en toutes lettres
la somme ou la quantité de la chose.

Excepté dans le cas où l’acte émane de marchands, artisans, laboureurs, vignerons,


gens de journée et de service ».

Ce texte, complété par l’art. 14 AUS, exige la mention manuscrite comme élément de
preuve du contrat unilatéral qu’est le cautionnement.

101 - Domaine de la mention manuscrite - La mention manuscrite s’impose à titre de


preuve de l’acte et non pour garantir sa validité101. Peu importe la nature civile ou
commerciale de l’acte conclu102. La mention manuscrite est exigée autant pour le
cautionnement conventionnel, pour le cautionnement légal que pour le cautionnement
judiciaire103. La mention doit être portée sur l’acte aussi bien pour le contrat de cautionnement
que pour le mandat de se porter caution.

101
Il faut nuancer cette affirmation par les précisions suivantes. La mention manuscrite est incontestablement un
élément de preuve et non de validité pour un cautionnement déterminé tel que prévu par l’article 14 AUS. Par
contre, elle semble être une condition de validité du cautionnement omnibus puisque l’article 19 al. 1 AUS exige
que ce cautionnement soit « conclu, sous peine de nullité, pour une somme maximale librement déterminée entre
les parties, incluant le principal, les intérêts et autres accessoires ». Certes, cette dernière citation fait référence à
la somme maximale garantie par le cautionnement général. Cependant, il nous semble que cette somme doit,
justement, être écrite de la main de la mention en toutes lettres et en chiffres (art. 14 AUS). Elle constitue donc la
mention manuscrite du cautionnement omnibus. Or, elle est voulue « sous peine de nullité » du cautionnement. Il
faut donc en déduire qu’un cautionnement omnibus qui ne contient pas la mention manuscrite est nul. La
mention manuscrite est donc une condition de validité du cautionnement omnibus tandis qu’elle demeure une
condition de preuve pour un cautionnement déterminé.
102
En effet, l’article 14 AUS précise que le cautionnement ne se présume pas « quelle que soit la nature de
l’obligation garantie ».
103
Voir l’art. 14 al. 3 qui précise que : « Les dispositions du présent article s’appliquent également au
cautionnement exigé par la loi de chaque Etat partie ou par une décision de justice ».

46
Selon la cour de cassation française, seuls les cautionnements sous seing privé sont
soumis à l’exigence de la mention manuscrite. Ainsi, jugé que l’acte notarié est exclusif de
l’application de l’art. 1326 du code civil104 . Dans ce cas, en effet, le rôle protecteur de ce
texte s’avère inutile, le formalisme informant les parties étant remplacé par l’autorité du
notaire. Cependant, il n’est pas sûr que cette jurisprudence s’applique en droit OHADA. En
effet, des juridictions françaises excluent également le cautionnement judiciaire du domaine
d’application de l’art. 1326 cciv105 alors que l’AUS soumet le cautionnement judiciaire à
l’exigence de la mention manuscrite.

102 – Preuve des accessoires de la dette - La preuve de l’engagement de la caution s’étend-


t-elle aussi aux accessoires de la dette ? La réponse affirmative s’impose (art. 18 al. 1 AUS).
Il en résulte que la mention manuscrite peut ne pas indiquer l’existence d’accessoires de la
dette. Il n’en reste pas moins que les accessoires et les frais de recouvrement sont
automatiquement dus dès que le cautionnement peut être considéré comme prouvé. Toutefois,
les parties peuvent expressément exclure les accessoires de la dette et les frais de
recouvrement de la créance de l’étendue du cautionnement puisque l’article 18 AUS précise :
« sauf clause contraire… ».

103 - Contenu de la mention manuscrite - Selon l’art. 14 al. 1 AUS, la caution doit
impérativement porter sur l’acte sa signature ainsi que la mention, écrite par elle-même, « en
toutes lettres et en chiffres, de la somme maximale garantie couvrant le principal, les
intérêts et autres accessoires ». Le texte précise qu’ « en cas de différence, le cautionnement
vaut pour la somme exprimée en lettres ». Jugé toutefois, en France, que si la caution oublie
d’indiquer le montant de son engagement en chiffres, l’indication en lettres ne peut constituer
qu’un commencement de preuve par écrit106. Cette décision semble accorder plus
d’importance à l’indication en lettres de la somme maximale garantie qu’à son indication en
chiffres ; par conséquent, elle ne nous semble pas applicable en droit OHADA où le
législateur estime que le cautionnement vaut pour la somme exprimée en lettres.

104 - Portée de l’exigence de l’écrit comme mode de preuve - Dès lors qu’un contractant
ne respecte pas les exigences prévues par l’art. 14, l’acte doit être qualifié de
« commencement de preuve par écrit ». La preuve de l’engagement en qualité de caution doit
alors être apportée par d’autres éléments qualifiés « d’extrinsèques » nécessairement
extérieurs au contrat de cautionnement dont l’appréciation est laissée au pouvoir souverain du
juge.

105- Preuve du cautionnement par d’autres moyens que l’écrit - Il y a lieu d’appliquer à
la preuve du cautionnement, les règles communes de preuve telles qu’elles résultent du code
civil. En effet, le principe de l’écrit comme mode de preuve reçoit exception en cas de

104
Cass. Com., 20 mars 1990, Bull. civ. IV, n° 83.
105
Cass. Com., 11 fév 2004.
106
Civ. 2e, 27 juin 2002, JCP 2003.I.124.

47
commencement de preuve par écrit107 ou en cas d’impossibilité de se procurer une preuve
littérale108.

Dans toutes ces hypothèses, on doit admettre d’autres modes de preuve du


cautionnement tels que l’aveu ou le serment ou accepter que l’écrit irrégulier serve comme
commencement de preuve par écrit.

SECTION 3 : LES EFFETS DU CONTRAT DE CAUTIONNEMENT


106 – Divers effets - Le contrat de cautionnement produit des effets dans les rapports entre la
caution et le créancier (§ 1) et octroie des recours à la caution (§ 2).

§1 – Les effets du cautionnement dans les rapports entre la caution et le


créancier
107 - Obligation d’information du créancier – Poursuite de la caution – Le cautionnement
met à la charge du créancier une obligation d’information de la caution. Quant à cette
dernière, elle sera tenue de payer en cas de défaillance du débiteur principal. Pour ce faire,
elle doit être poursuivie par le créancier.

A – L’obligation d’information du créancier

108 – Obligation duale - L’obligation du créancier est d’informer la caution. On distingue


l’obligation générale d’information et celle spécifique à la défaillance du débiteur principal.

109 - Obligation générale d’information - L’obligation générale d’information existe au


moment de la conclusion du contrat sous le fondement de l’obligation de contracter de bonne

107
En effet, aux termes de l’art. 1347 du code civil : « Les règles ci-dessus reçoivent exception lorsqu’il existe
un commencement de preuve par écrit.

On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de
celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué ».
108
Poursuivant les exceptions aux articles 1341 à 1346, l’article 1348 du code civil dispose que : « Elles
reçoivent encore exception toutes les fois qu’il n’a pas été possible au créancier de se procurer une preuve
littérale de l’obligation qui a été contractée envers lui.

Cette seconde exception s’applique :

1 – aux obligations qui naissent des quasi-contrats et des délits ou quasi-délits ;

2 – aux dépôts nécessaires faits en cas d’incendie, ruine, tumulte ou naufrage, et à ceux faits par les
voyageurs en logeant dans une hôtellerie, le tout suivant la qualité des personnes et les circonstances du fait ;

3 – aux obligations contractées en cas d’accidents imprévus, où l’on ne pourrait pas avoir fait des actes par
écrit ;

4 – au cas où le créancier a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d’un cas fortuit, imprévu
et résultant d’une force majeure ».

48
foi pesant principalement sur le créancier. Mais elle s’est surtout développée dans le cadre de
l’exécution du contrat de cautionnement en s’orientant dans deux directions, à savoir
l’obligation semestrielle d’information et l’information en cas de prorogation ou de déchéance
du terme.

106 - Obligation semestrielle d’information – Elle est prévue par l’art. 25 AUS109. Il s’agit,
pour le créancier, de communiquer à la caution, l’état de l’endettement du débiteur. Le
créancier doit donc communiquer à la caution, selon l’al. 1 de l’art. 25 AUS : « un état des
dettes du débiteur principal précisant leurs causes, leurs échéances et leurs montants en
principal, intérêts et autres accessoires ». De plus, si le cautionnement dont il s’agit est un
cautionnement omnibus, le créancier doit rappeler à la caution la faculté de résiliation
unilatérale du contrat dont elle bénéficie. L’obligation d’information bénéficie à toute caution,
personne physique comme personne morale. L’information, qui est semestrielle, doit être
communiquée « dans le mois qui suit le terme de chaque semestre civil à compter de la
signature du contrat de cautionnement » comme le précise l’al. 1 de l’article 25 AUS.

107 – Durée de l’obligation semestrielle d’information - En ce qui concerne la durée de


l’obligation d’information, il n’y a pas de précision dans les textes. En droit français, la
chambre mixte de la cour de cassation a décidé que la protection légale des cautions s’impose
et doit être respectée jusqu’à l’extinction de la dette garantie110. Cette solution, au regard de sa
pertinence, devrait être adoptée en droit OHADA.

108 – Sanction du défaut d’information - Quelle est la sanction du défaut d’information ?


C’est la déchéance du droit aux intérêts contractuels pour le créancier circonscrite aux intérêts
produits par la dette principale depuis la dernière information jusqu’à la date de
communication de la nouvelle information111 et la possibilité pour la caution d’opposer au
créancier les exceptions inhérentes à la dette112.

109
Aux termes de l’art. 25 AUS alinéa 1 : « Le créancier est tenu, dans le mois qui suit le terme de chaque
semestre civil à compter de la signature du contrat de cautionnement, de communiquer à la caution un état
des dettes du débiteur principal précisant leurs causes, leurs échéances et leurs montants en principal,
intérêts, et autres accessoires restant dus à la fin du semestre écoulé, en lui rappelant la faculté de révocation
par reproduction littérale des dispositions de l’article 19 du présent Acte uniforme ».
110
Cour de cassation française, Chambre Mixte, arrêt du 17 nov. 2006, JCP 2007.I.158.
111
L’alinéa 2 de l’article 25 AUS dispose en effet que : « A défaut d’accomplissement des formalités prévues
au présent article, le créancier est déchu, vis-à-vis de la caution, des intérêts contractuels échus depuis la date
de la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information, sans préjudice des
dispositions de l’article 29 du présent Acte uniforme ».
112
L’opposabilité des exceptions est prévue par l’al. 1 de l’art. 29 AUS qui précise que : « Toute caution ou tout
certificateur de caution peut opposer au créancier toutes les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent
au débiteur principal et tendent à réduire, éteindre ou différer la dette sous réserve des dispositions des
articles 17 et 23, alinéas 3 et 4 du présent Acte uniforme et des dispositions particulières de l’Acte uniforme
portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ».

49
109 - Obligation d’information en cas de prorogation du terme - L’information en cas de
prorogation du terme est expressément prévue par l’art. 23 al. 3 AUS113. La prorogation
consiste en une prolongation de la dette d’exigibilité de la dette du débiteur principal vis-à-vis
du créancier. Elle peut être motivée par la mansuétude ou par l’espoir que le débiteur se
rétablisse dans un bref délai. Cette prorogation a lieu dans le cadre d’une convention dite
d’atermoiement. Le dispositif relatif à la prorogation du terme s’applique également à la
caution solidaire114.

110 – Sanction de l’inexécution de cette obligation d’information – L’acte uniforme ne


précise rien. Dans l’ancien acte uniforme de 1998, l’art. 14 al.3, prévoyait comme sanction la
déchéance « des intérêts échus depuis la date de la précédente information jusqu’à la date de
communication de la nouvelle information ». Cette même sanction est reprise par l’art. 25 al.
2 de l’acte uniforme actuellement en vigueur. Il est donc permis de penser que le législateur
maintient les mêmes sanctions en cas d’inexécution de l’obligation d’information en cas de
prorogation du terme.

111 – Portée de l’obligation d’information en cas de prorogation - Par ailleurs, le


dispositif légal relatif à la prorogation ne semble pas être d’ordre public115. Il est donc
possible de l’aménager conventionnellement. Ainsi, les parties au contrat de cautionnement
peuvent prévoir une clause excluant toute possibilité de prorogation du terme sans l’accord de
la caution ou encore une clause n’autorisant la prorogation que dans une certaine limite.

112 – Obligation d’information en cas de déchéance du terme - La déchéance du terme


est une sanction qui frappe le débiteur principal et par laquelle, du fait de la survenance d’un
évènement compromettant la capacité du débiteur à rembourser sa dette, celle-ci devient
immédiatement exigible avant l’échéance. L’obligation d’information de la caution en cas de
déchéance du terme frappant le débiteur principal n’est pas expressément prévue dans le
nouvel acte uniforme comme elle l’était dans l’ancien116. L’art. 23 al. 4 AUS ne traite que de
l’attitude de la caution face à la déchéance du terme. Mais on peut raisonnablement penser
que cette attitude est consécutive à l’information donnée à la caution par le créancier relative à

113
Cet article dispose en effet que : « La prorogation du terme accordée au débiteur principal par le créancier
doit être notifiée par ce dernier à la caution. Celle-ci est en droit de refuser le bénéfice de cette prorogation et
de poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement ou obtenir une garantie ou une mesure conservatoire ».
114
Cf. Article 26 al. 1 AUS.
115
Sauf à considérer comme impératif l’usage du verbe « devoir » mais cet argument n’est pas décisif. En effet,
le verbe devoir est utilisé par le législateur dans d’autres articles comme l’art. 24 AUS. Cependant, le caractère
d’ordre public de ces dispositions ne résulte pas de l’usage de ce verbe mais plutôt de l’expression : « toute
clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite ». L’usage du verbe « devoir » n’est pas
donc suffisant pour qualifier la disposition d’ordre public.
116
Cf. art. 14 al. 1 de l’AUS de 1997 qui disposait que : « Le créancier doit aviser la caution de toute
défaillance du débiteur, déchéance ou prorogation du terme en indiquant le montant restant dû par lui en
principal, intérêts et frais au jour de la défaillance, déchéance ou prorogation du terme ».

50
la déchéance du terme frappant le débiteur principal. Il en découle l’obligation du créancier
d’informer la caution de ladite déchéance.

113 – Sanction du défaut d’information - Pour ce qui est de la sanction de l’inexécution de


l’obligation d’information de la caution, il n’y a pas de précision légale. Cependant, la
sanction est la même que dans le cas du défaut d’information semestrielle, c’est-à-dire que le
créancier sera déchu, vis-à-vis de la caution, des intérêts contractuels échus depuis la date de
la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. De
plus, la caution pourra opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette que le débiteur
principal peut opposer audit créancier.

114 – Portée du dispositif légal - Le dispositif légal relatif à la déchéance du terme est
d’ordre public. En effet, l’art. 23 al. 4 commence ainsi « Nonobstant toute clause contraire ».
Il en découle qu’il s’impose aux parties et ne peut être aménagé conventionnellement.

115 - Obligation spéciale d’information lors de la défaillance du débiteur - Cette


obligation est spécialement prévue par l’art. 24 AUS. La défaillance du débiteur principal doit
être constatée par une mise en demeure de payer restée sans effet et l’obligation d’information
est enserrée dans le délai d’un mois après la mise en demeure. En informant la caution, le
créancier est tenu d’indiquer « le montant restant dû par ce dernier (le débiteur) en
principal, intérêts et autres accessoires à la date de cet incident de paiement117 ».

116 – Sanction de l’inexécution de cette obligation - En cas d’inexécution de cette


obligation, le créancier est déchu des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de
l’incident et la date à laquelle la caution a été informée118.

117 – Portée du dispositif légal - Il faut relever que l’accomplissement de cette obligation est
d’ordre public conformément à l’al. 3 de l’art. 24 AUS qui dispose que : « Toute clause
contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite ».

B- La poursuite de la caution

118- Généralités – Par l’effet du cautionnement, la caution devient un nouveau débiteur du


créancier. Ce dernier dispose donc de deux débiteurs : le débiteur principal et la caution. Cette
dernière est tenue de payer en cas de défaillance du débiteur principal. Pour cela, il est
nécessaire qu’elle soit poursuivie par le créancier. Cette poursuite est soumise à des
conditions et admet diverses modalités.

119 – Trois conditions de la poursuite de la caution – Trois conditions préalables sont


exigées pour que le créancier puisse engager des poursuites contre la caution, à savoir
l’exigibilité de la dette, la défaillance du débiteur principal et l’appel en cause du débiteur
principal.

117
Cf. art. 24 al. 1 AUS.
118
Cf. art. 24 al. 2 AUS.

51
120 – Nécessité de l’exigibilité de la dette119 – L’exigibilité peut être définie comme le
caractère d’une dette dont le créancier est en droit de réclamer le paiement immédiat. Etant
donné que la caution garantit la dette du débiteur principal, son obligation est exigible en
même temps que celle du débiteur principal. La caution ne peut donc être poursuivie que si la
dette est arrivée à terme. Toutefois, l’exigibilité d’une dette peut aussi résulter d’une
déchéance du terme. En effet, la déchéance du terme rend la dette immédiatement exigible.

La déchéance du terme frappant le débiteur principal s’impose-t-elle aussi à la


caution ? La réponse est négative en raison de l’art. 23 al. 4 qui dispose que : « Nonobstant
toute clause contraire, la déchéance du terme accordé au débiteur principal ne s’étend pas
automatiquement à la caution qui ne peut être requise de payer qu’à l’échéance fixée à
l’époque où la caution a été fournie… ». Il ressort de cette disposition qu’en cas de
déchéance du terme de la dette du débiteur principal, la caution a le choix : ou elle accepte la
déchéance et paie avant l’échéance quitte à exercer ses recours contre la caution ou elle refuse
la déchéance et ne paiera, éventuellement, qu’à l’échéance du terme telle que prévue dans le
contrat de cautionnement.

121 – Nécessité de la défaillance du débiteur principal - Il y a défaillance lorsque le


débiteur principal n’est pas en mesure de payer sa dette à l’échéance prévue. La caution n’est
tenue de payer qu’en cas de défaillance du débiteur principal en raison du caractère accessoire
du cautionnement120. La défaillance du débiteur principal doit être constatée par une mise en
demeure adressée au débiteur principal et restée vaine121.

122 – Nécessité de l’appel en cause du débiteur principal – Aux termes de l’art. 26 al. 2
AUS : « Toutefois, le créancier ne peut poursuivre la caution simple ou solidaire qu’en
appelant en cause le débiteur principal ». Le terme « cause » est ici synonyme de procès
ouvert devant une juridiction. Appeler en cause veut donc dire citer en justice. La disposition
de l’art. 26 al. 2 signifie donc que le créancier doit étendre au débiteur principal ses poursuites
contre le débiteur ; en d’autres termes, il doit poursuivre en même temps le débiteur principal
et la caution et non la caution seule.

En cas de non-respect de cette disposition, l’action du créancier sera déclarée


irrecevable comme le confirme la cour d’appel d’Abidjan dans son arrêt n° 1070 du 27 juillet
2001. En l’espèce, Touré Gaoussou et Touré Abdramane s’étaient portés cautions d’une dette
accordée par la BICICI à la société Multi-produits. Par la suite, le créancier a obtenu une
ordonnance d’injonction de payer contre les cautions. Ces dernières ont formé opposition
devant le tribunal de première instance d’Abidjan qui les a déboutés. Les cautions ont alors
119
Il est évident qu’outre l’exigibilité, la dette doit également être certaine et liquide. Ici, nous mettons un accent
particulier sur l’exigibilité de la dette.
120
En effet, aux termes de l’art. 23 al. 1 AUS : « La caution n’est tenue de payer la dette qu’en cas de non-
paiement du débiteur principal ».
121
Cela ressort de l’al. 2 de l’art. 23 AUS qui dispose que : « Le créancier ne peut entreprendre de poursuites
contre la caution qu’après une mise en demeure de payer adressée au débiteur principal et restée sans effet ».

52
interjeté appel contre ce jugement. Au soutien de leur appel, elles ont relevé, entre autres
arguments, que la BICICI n’a pas appelé en cause le débiteur principal, la société Multi-
produits comme l’exigeait alors l’article 15 de l’ancien AUS. Quant à la BICICI, elle estimait
que les dispositions de l’article 15 AUS n’étaient pas d’ordre public, de sorte que le fait
qu’elle n’ait pas appelé en cause la débitrice principale ne saurait entraîner la rétractation de
l’ordonnance d’injonction de payer entreprise.

La cour d’appel n’a pas suivi la BICICI dans son argumentation et a, en conséquence,
infirmé le jugement querellé. La cour a motivé sa décision ainsi qu’il suit : « Considérant
qu’aux termes de l’article 15 alinéa 2 de l’Acte uniforme OHADA sur le droit des sûretés,
le créancier ne peut poursuivre la caution simple ou solidaire qu’en appelant en cause le
débiteur principal : considérant cependant qu’en l’espèce, la BICICI, créancier n’a engagé
ses poursuites qu’à l’encontre des seules cautions Touré Gaoussou et Touré Abdramane,
sans toutefois appeler en la cause, la société Multi-Produits, débitrice principale ; qu’en
omettant d’appeler en cause la société Multi-Produits, la BICICI a vicié la procédure de
recouvrement simplifiée de créance, de sorte que le tribunal, saisi de l’opposition des
cautions, aurait dû mettre à néant l’ordonnance d’injonction de payer portant la
condamnation desdites cautions ; qu’en s’abstenant d’annuler ladite ordonnance de
condamnation, pour le motif susvisé, sans qu’il ait eu besoin d’analyser les autres motifs
évoqués, le tribunal a manifestement erré ; qu’ainsi donc il échet de déclarer bien fondé
l’appel commun de Touré Gaoussou et Touté Abdramane et de réformer conséquemment le
jugement entrepris… ».

123 - Modalités de poursuite de la caution - La poursuite du créancier contre la caution


diffère quelque peu selon que le cautionnement est simple ou solidaire. Le cautionnement
simple est à la fois accessoire et subsidiaire. Le caractère accessoire est principalement de
l’ordre de l’existence du cautionnement. Quant au caractère subsidiaire, il est de l’ordre des
poursuites et signifie que la caution ne peut être poursuivie qu’après la poursuite du débiteur
principal. Quant au cautionnement solidaire, il est, certes accessoire, mais non subsidiaire.
Cette distinction emporte des conséquences quant aux moyens de défense de la caution
poursuivie.

124 – Moyens de défense de la caution simple –. Bénéfices de discussion et de division –


La caution simple poursuivie peut opposer au créancier, en vertu du caractère subsidiaire du
cautionnement, le bénéfice de discussion et le bénéfice de discussion.

125 – Bénéfice de discussion – Le bénéfice de discussion est celui par lequel la caution
poursuivie oblige le créancier à poursuivre d’abord le débiteur principal avant de la
poursuivre, elle. « Discuter » signifie exercer une voie d’exécution forcée, en l’occurrence,
sur les biens du débiteur principal. Ce bénéfice reconnu à la caution est prévu par l’art. 27

53
AUS122. Le recours à ce bénéfice est soumis à la réunion de certaines conditions et il produit
des effets.

126 - Conditions du bénéfice de discussion – Les conditions du bénéfice de discussion


résultent de l’art. 27 al. 1 AUS. Elles sont au nombre de 5 :

1°) la caution doit être une caution simple ;

2°) la caution ne doit pas avoir expressément renoncé à l’exercice de ce bénéfice ;

3°) la caution doit invoquer le bénéfice in limine litis c’est-à-dire dès les premières poursuites
du créancier ;

4°) la caution doit indiquer les biens du débiteur principal susceptibles d’être saisis. Ces biens
doivent être immédiatement saisissables, être situés sur le territoire national du lieu de
poursuite et être à même de produire des deniers suffisants pour le paiement intégral de la
dette ;

5°) la caution doit avancer au créancier les frais de discussion ou consigner la somme
nécessaire à la juridiction compétente.

127 – Effets du bénéfice de discussion - En ce qui concerne les effets de ce bénéfice, il s’agit
d’une exception dilatoire. En conséquence, la procédure contre la caution n’est que suspendue
et le créancier est seul responsable de l’insolvabilité du débiteur survenant postérieurement à
la mise en œuvre du bénéfice (art. 27 al. 2 AUS). A l’issue des poursuites du créancier, de
deux choses l’une : ou le créancier est pleinement désintéressé et dans ce cas, les poursuites
contre la caution prennent fin ou le créancier n’est pas totalement désintéressé et alors il
pourra poursuivre à nouveau la caution pour le solde de la créance.

128 – Bénéfice de division - De plus, en cas de pluralité d’engagements de cautions, la


caution simple peut également invoquer le bénéfice de division123 (art. 28 AUS). Ce bénéfice,

122
Aux termes de l’art. 27 AUS : « La caution judiciaire et la caution solidaire ne disposent pas du bénéfice de
discussion. La caution, à moins qu’elle ait expressément renoncé à ce bénéfice, peut, sur premières poursuites
dirigées contre elle, exiger la discussion du débiteur principal, en indiquant les biens de ce dernier
susceptibles d’être saisis immédiatement sur le territoire national et de produire des deniers suffisants pour le
paiement intégral de la dette. Elle doit, en outre, avancer les frais de discussion ou consigner la somme
nécessaire arbitrée par la juridiction compétente à cet effet.

Lorsque la caution a fait l’indication des biens et fourni les deniers suffisants pour la discussion, le
créancier est, jusqu’à concurrence des biens indiqués, responsable, à l’égard de la caution, de l’insolvabilité
du débiteur principal survenue par le défaut de poursuites ».
123
Ce bénéfice est prévu par l’article 28 AUS qui dispose que : « S’il existe plusieurs cautions pour un même
débiteur et une même dette, sauf stipulation de solidarité entre elles ou renonciation par elles à ce bénéfice,
chacune d’elles peut, sur premières poursuites du créancier, demander la division de la dette entre les
cautions solvables au jour où l’exception est invoquée.

La caution ne répond pas des insolvabilités des autres cautions survenues après la division.

54
dont l’efficacité est soumise à certaines conditions (art. 28 AUS), permet à la caution
poursuivie « d’exiger que le créancier divise préalablement son action, et la réduise à la
part et portion de chaque caution » (art. 2026 c.civ).

129 – Conditions du bénéfice de division – Elles sont prévues par l’art. 28 AUS et sont au
nombre de quatre :

1°) il faut qu’il y ait plusieurs cautions garantissant la même dette du même débiteur ;

2°) il ne doit pas y avoir de stipulation de solidarité entre les cautions ni renonciation, par
elles, au bénéfice de division ;

3°) la caution doit invoquer le bénéfice dès les premières poursuites dirigées contre elle ;

4°) la caution qui invoque le bénéfice doit, elle-même, être solvable et invoquer le bénéfice à
l’égard de cautions solvables.

129 – Effets du bénéfice de division – Le bénéfice de division, tout comme le bénéfice de


discussion, est une exception dilatoire. Seulement, ici, la caution qui l’invoque sera
condamné à payer mais seulement sa quote-part dans la dette globale. Cet effet doit être
relativisé en cas d’insolvabilité d’une caution avant les poursuites du créancier. En effet, dans
ce cas, les autres cautions supportent cette insolvabilité survenue avant les poursuites. Il en
découle que la dette de la caution insolvable doit être payée par les autres cautions. Dans cette
hypothèse, la caution qui invoque le bénéfice peut, tout de même, payer plus que sa quote-part
dans la dette totale.

130 - Moyens de défense de toute caution – Opposabilité de certaines exceptions - Outre


le bénéfice de discussion et de division que peut invoquer la caution, toute caution poursuivie
peut opposer au créancier certaines exceptions. En effet, aux termes de l’art. 29 al. 1 AUS :
« Toute caution ou tout certificateur de caution peut opposer au créancier toutes les
exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal et tendent à
réduire, éteindre ou différer la dette sous réserve des dispositions des articles 17 et 23,
alinéas 3 et 4 du présent Acte uniforme et des dispositions particulières de l’Acte uniforme
portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif ». Cette disposition
permet à toute caution124 de se prévaloir de toutes les exceptions appartenant au débiteur
principal et concernant la dette. Ce peut être un paiement partiel, une remise de dette, une
compensation, la nullité de l’obligation principale, etc.

131 – Poursuite de la caution solidaire – Le cautionnement solidaire est accessoire mais non
subsidiaire. Cela signifie que si la poursuite de la caution solidaire tout comme celle de la

Le créancier qui divise volontairement son action ne peut revenir sur cette division et supporte
l’insolvabilité des cautions poursuivies sans pouvoir la reporter sur les autres cautions ».
124
Ce bénéfice est reconnu à toute caution (caution simple, solidaire, judiciaire) et même au certificateur de
caution.

55
caution simple suppose la mise en exergue de la défaillance du débiteur principal, le créancier
n’est tout de même pas obligé de poursuivre la caution simple avant de poursuivre la caution
solidaire. En effet, en raison de la solidarité, l’action du créancier est facilitée dans le cadre
d’un cautionnement solidaire car « la caution solidaire est tenue de l’exécution de
l’obligation principale dans les mêmes conditions qu’un débiteur solidaire125…. ».

Ainsi, la caution solidaire ne peut invoquer ni le bénéfice de discussion ni le bénéfice


de division. Il en résulte que le créancier est libre de poursuivre la caution ou le débiteur
principal pour réclamer la totalité de la dette. Par ailleurs, certaines conséquences liées à la
solidarité s’imposent à la caution et au débiteur : la mise en demeure de l’un vaudra pour les
deux, l’autorité de la chose jugée entre le créancier et le débiteur est opposable à la caution
solidaire.

Toutefois, il existe certaines limites aux effets de la solidarité et résultant du caractère


accessoire du cautionnement : ainsi, la caution solidaire peut opposer au créancier les
exceptions inhérentes à la dette126. De plus, le créancier « ne peut poursuivre la caution
simple ou solidaire qu’en appelant en cause le débiteur principal 127 » sous peine
d’irrecevabilité de sa demande.

§2 – Les recours de la caution


131 – Définition – Selon M. CORNU, le recours est « le nom spécifique donné à certaines
actions en justice, notamment aux actions dites récursoires, exercées par une personne qui,
elle-même poursuivie ou condamnée, se retourne contre une autre afin que celle-ci
supporte en définitive tout ou partie de la condamnation128 ».

132 – Deux types de recours– On distingue deux types de recours de la caution : les recours
avant paiement (A) et les recours après paiement (B).

A - Les recours avant paiement

133 – Cas d’ouverture des recours – Il faut d’abord s’intéresser aux cautions
concernées par ce recours. Pour cela, aux termes de l’art. 35 AUS, « la caution peut agir en
paiement contre le débiteur principal ou demander la conservation de ses droits dans le
patrimoine de celui-ci, avant même d’avoir payé le créancier… ». Cette disposition vise
simplement « la caution », c’est-à-dire toute. La généralité des termes sous-entend donc que

125
Cf. art. 26 al. 1 AUS.
126
En effet, l’alinéa 1 de l’art. 29 AUS est écrit en des termes généraux : « Toute caution… ».
127
Cf. art. 26 al. 2 AUS.
128
CORNU (G.), « Vocabulaire juridique Henri Capitant », Ed. PUF, 7e édition, 2005, V° Recours, p. 760.

56
toutes les cautions129 peuvent mettre en œuvre un tel recours (caution simple, caution
solidaire, caution judiciaire).

Pour en venir plus spécifiquement aux cas d’ouverture, il faut relever qu’ils sont prévus
par deux dispositions de l’acte uniforme : l’article 23 al. 3 et l’art. 35. L’art. 35 AUS prévoit 4
cas d’ouverture. En effet, selon cet article : « La caution peut agir en paiement contre le
débiteur principal ou demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de celui-ci,
avant même d’avoir payé le créancier :

- dès qu’elle est poursuivie ;

- lorsque le débiteur est en état de cessation des paiements ou en déconfiture ;

- lorsque le débiteur ne l’a pas déchargée dans le délai convenu ;

- lorsque la dette est devenue exigible par l’échéance du terme sous lequel elle avait
été contractée »

A ces cas-là, il faut ajouter un autre cas d’ouverture prévu par l’art. 23 al. 3 AUS dans
l’hypothèse d’une prorogation du terme accordée au débiteur principal par le créancier. Selon
cette disposition : « La prorogation du terme accordée au débiteur principal par le créancier
doit être notifiée par ce dernier à la caution. Celle-ci est en droit de refuser le bénéfice de
cette prorogation et de poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement ou obtenir une
garantie ou une mesure conservatoire ».

134 – Enseignements – Ces cas légaux des recours avant paiement traduisent
indubitablement une protection de la caution dans des situations qui font supposer que la dette
n’est pas payée ou risque de ne pas l’être. En effet, l’objectif du recours est d’assurer à la
caution une protection supplémentaire alors même qu’elle n’a pas été encore sollicitée ou
appelée pour satisfaire le créancier. Il s’agit donc d’une mesure d’anticipation des difficultés
du débiteur. De plus, le législateur accorde ces recours à la caution en raison de la faute,
implicite ou explicite, du débiteur principal. Faute implicite dans l’hypothèse où la caution est
poursuivie. En effet, malgré son engagement, la caution espère ne pas être poursuivie et
espère surtout que sa présence va encourager le débiteur principal à honorer sa dette. Il en
découle que si, finalement, elle est poursuivie, c’est en raison de la faute du débiteur principal.
La faute est explicite dans les autres cas : cessation de paiements ou déconfiture du débiteur,
incapacité de ce dernier à décharger la caution dans le délai convenu et exigibilité de la dette
par l’arrivée du terme convenu.

134 - Nature juridique du recours avant paiement - La doctrine est divisée sur la nature
juridique de ces recours avant paiement.

Pour certains auteurs130, il s’agit essentiellement d’une action non indemnitaire mais
uniquement conservatoire. Elle n’a pas vocation à assurer un paiement au bénéfice de la

129
Caution simple, solidaire ou judiciaire.

57
caution mais de lui conférer, à titre préventif, une protection quand elle constate qu’il y a une
possibilité réelle qu’elle soit tenue de payer la somme due par le débiteur. La caution peut
demander qu’on lui accorde diverses « mesures de sauvegarde » comme une saisie
conservatoire ou une consignation de la somme.

Pour d’autres auteurs131 : ces recours anticipés sont un véritable droit au paiement
effectif, en raison d’un préjudice considéré comme actuel (). Il en résulte que ce recours est
analysé, soit en une action en remboursement anticipé, soit en une action indemnitaire face
aux risques encourus.

D’une manière pragmatique, le législateur OHADA envisage ses recours soit comme
une action en paiement anticipé132 soit comme une mesure conservatoire133. Le législateur
semble donc faire peu de cas de la nature juridique du recours avant paiement et se contente
de l’octroyer à la caution.

B- Les recours après paiement

135 – Contre le débiteur principal, contre les autres cautions – La caution dispose de deux
catégories de recours après paiement : des recours contre le débiteur principal, d’une part, et
des recours contre les autres cautions, en cas de pluralité de cautions, d’autre part.

136 - Recours contre le débiteur principal - Même si la caution a payé la dette à la place du
débiteur, elle n’a pas vocation à être chargée de manière définitive à la place du débiteur. Elle
dispose de deux actions contre le débiteur principal : une action personnelle (ou recours
personnel) et une action subrogatoire (ou recours subrogatoire) avec la faculté de les cumuler,
sans toutefois pouvoir obtenir un double remboursement.

137 - Conditions d’exercice des recours – Des conditions président à l’exercice, par la
caution, de ses recours après paiement. Ces conditions sont prévues par l’art. 30, al. 1 AUS
qui dispose que : « la caution doit aviser le débiteur principal ou le mettre en cause avant de
payer la dette au créancier poursuivant ». Il y a donc deux conditions : l’avis ou l’information
du débiteur principal par la caution ou la mise en cause dudit débiteur. Le législateur utilisant
la conjonction « ou », on en déduit que ces conditions ne sont pas cumulatives mais
alternatives. Étudions-les brièvement.

130
Cf. SIMLER (Ph) et DELEBECQUE (Ph.), Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Dalloz, 2009, 5 e
éd., n° 219 . Adde MALAURIE (Ph), AYNES (L.) et CROCQ (P.), Les sûretés, la publicité foncière, Defrénois,
3e éd., 2008, n° 166.
131
Cf. CABRILLAC (M.) et MOULY (C.), CABRILLAC (S.) et PETEL (Ph.), Droit des sûretés, Litec, 8 e
édition, 2007, n° 278.
132
L’al. 1 de l’art. 35 AUS dit, en effet, que : « la caution peut agir en paiement contre le débiteur
principal… ».
133
Le même article 35 AUS al. 1 précise : « …ou demander la conservation de ses droits dans le patrimoine de
celui-ci… ».

58
138 – Information du débiteur principal – Le législateur fait obligation à la caution
poursuivie d’informer le débiteur principal des poursuites du créancier. Cette obligation
d’information présente plusieurs avantages pour la caution. Ainsi, certains auteurs relèvent
que : « L’obligation d’information du débiteur principal s’avère assez utile en pratique car
elle permet à la caution de s’assurer que le débiteur principal est effectivement défaillant134 ».
Mais surtout, cette obligation permet à la caution de connaître les moyens de défense
éventuels que le débiteur principal pourrait opposer au créancier et qu’elle peut utiliser à son
tour contre le créancier.

139 – Mise en cause du débiteur principal – La caution peut aussi mettre en cause le
débiteur principal avant de payer la dette au créancier poursuivant. Cette exigence suppose
que le créancier a poursuivi la caution en paiement devant la justice et cette dernière, à son
tour, cite le débiteur au procès.

140 – Sanction du non-respect des conditions d’exercice des recours après paiement –
Aux termes de l’al. 2 de l’art. 30 AUS : « Si la caution a payé sans avoir averti ou mis en
cause le débiteur principal, elle perd son recours contre lui si, au moment du paiement par
elle ou postérieurement à ce paiement, le débiteur avait le moyen de faire déclarer la dette
éteinte ou s’il avait payé dans l’ignorance du paiement de la caution ».

Il importe de bien comprendre cette disposition. En effet, il ressort de celle-ci que ce


n’est pas exclusivement le défaut d’information du débiteur principal ou le défaut de sa mise
en cause qui entraîne, ipso jure, la perte, par la caution, de ses recours. C’est plutôt les
conséquences qu’entraine ce défaut d’information ou ce défaut de mise en cause. En effet, la
caution perd ses recours parce que, n’ayant pas avisé le débiteur ou ne l’ayant pas mis en
cause, elle n’a pas su que ce dernier avait déjà payé et que la dette était éteinte. Ainsi, si la
caution n’a pas avisé le débiteur principal mais qu’il s’avère, qu’en réalité, ce dernier n’avait
pas les moyens de faire déclarer la dette éteinte, elle ne perd pas ses recours nonobstant le
défaut d’information.

Par ailleurs, au cas où elle perd ses recours contre le débiteur principal, la caution
conserve tout de même une action en répétition contre le créancier135.

141 – Recours personnel ou action personnelle – Ce recours est expressément prévu par
l’art. 32 AUS136. Le fondement de ce recours est le contrat existant entre la caution et le
134
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 111, p. 95. A notre avis, il faut relativiser cet avantage dans la mesure où,
selon nous, la caution connait déjà la défaillance du débiteur principal à travers la mise en demeure restée vaine
que le créancier est censé lui avoir montré au moment de ses poursuites.
135
En effet, l’article 30 AUS précise, in fine, que : « Néanmoins, la caution conserve son action en répétition
contre le créancier ».
136
Aux termes de l’art. 32 AUS : « La caution qui a payé a, également, un recours personnel contre le
débiteur principal pour ce qu’elle a payé en principal, en intérêts de cette somme et en frais engagés depuis
qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle. Elle peut, en outre, réclamer des
dommages-intérêts pour réparation du préjudice subi du fait des poursuites du créancier.

59
débiteur principal. Par ailleurs, ce recours présente un grand avantage pour la caution dans la
mesure où elle lui permet d’obtenir, non seulement le remboursement du principal de la dette,
mais aussi celui des frais de paiement engagés, d’éventuels dommages-intérêts ainsi que les
intérêts moratoires. Par ailleurs, en cas de cautionnement partiel, caution solvens et créancier
sont en concours puisque « le créancier ne peut, pour le reliquat, être préféré à la caution
qui a payé et agi en vertu de son recours personnel » (art. 32 al. 1 AUS). Cette disposition
est d’ordre public puisque l’art. 32 précise que : « Toute clause contraire est réputée non
écrite »).

142 - Recours subrogatoire ou action subrogatoire – Ce recours est prévu par l’art. 31
AUS137. Il s’agit d’une application, au droit du cautionnement, de la règle générale formulée à
l’art. 1251 du code civil : « La subrogation a lieu de plein droit :….3°) au profit de celui
qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au payement de la dette, avait intérêt de
l’acquitter ». Ainsi, la caution, ayant payé « pour un autre », le débiteur principal, peut
solliciter l’application du mécanisme de la subrogation de plein droit, exercer les droits et
actions du créancier conformément à cet art. 1251.3° du code civil.

Quels sont les intérêts de ce recours ? Il permet à la caution de bénéficier de tous les
avantages dont jouissait le créancier. Ceci va lui permettre de profiter des garanties réelles du
créancier. Par ailleurs, s’il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d’une même dette, « la
caution est subrogée contre chacun d’eux pour tout ce qu’elle a payé, même si elle n’en a
cautionné qu’un » (art. 31 al. 2 AUS). Si les débiteurs sont conjoints, « elle doit diviser ses
recours » (art. 31 al. 2 AUS in fine).

Toutefois, le recours subrogatoire est limité en fonction du montant versé par la


caution au créancier : elle ne peut réclamer plus que ce qu’elle a versé au créancier, ce qui
écarte toute demande de dommages-intérêts ou intérêts moratoires, contrairement à
l’exercice du recours personnel. Par ailleurs, en cas de paiement partiel, le créancier
subrogeant est préféré à la caution subrogée pour le paiement du reliquat.

143 - Recours contre les autres cautions - Dans cette hypothèse, plusieurs personnes se
sont portées cautions envers un même créancier et pour une même obligation principale. La
finalité de ces recours est différente des recours de la caution contre le débiteur principal :
alors que le recours formé contre le débiteur principal permet d’obtenir le remboursement de
tout ce qui a pu être payé par la caution, le recours contre les cofidéjusseurs a pour objet de
répartir une fraction de la dette sur les autres.

S’il y a eu cautionnement partiel, le créancier ne eut, pour le reliquat, être préféré à la caution qui a
payé et agi en vertu de son recours personnel. Toute clause contraire est réputé non écrite ».
137
Cet article dispose que : « La caution est subrogée dans tous les droits et garanties du créancier
poursuivant pour tout ce qu’elle a payé à ce dernier.

S’il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d’une même dette, la caution est subrogée contre
chacun d’eux pour tout ce qu’elle a payé, même si elle n’en a cautionné qu’un. Si les débiteurs sont conjoints,
elle doit diviser ses recours ».

60
Ces recours sont au nombre de deux : recours personnel et recours subrogatoire.

144 - Recours personnel – Il est prévu par l’art. 34 AUS138. Ainsi, la caution qui a
« utilement acquitté la dette », a « un recours contre les autres cautions, chacune pour sa part
et portion ».

Conditions de ce recours – Trois conditions sont requises par l’acte uniforme. D’abord, la
caution qui va agir doit d’abord avoir elle-même payé le créancier car il n’existe pas de
recours anticipés entre cautions. L’acte uniforme que la caution doit avoir « utilement acquitté
la dette ». C’est quoi un paiement utile ? A défaut de définition légale, on peut penser que le
paiement utile est celui qui est fait selon les prescriptions légales et qui satisfait pleinement le
créancier. Ensuite, il faut qu’il s’agisse d’une même dette garantie par les diverses cautions
(simples ou solidaires). Enfin, le paiement doit avoir excédé la part et portion de la caution,
cette dernière ne pouvant logiquement demander que ce qui excède cette part.

145 - Recours subrogatoire – Il n’y a pas de texte spécial le prévoyant. On a donc recours à
l’art. 1251.3e du code civil. Selon cet article le mécanisme de la subrogation peut s’appliquer
de plein droit au bénéfice de celui qui, tenu avec d’autres cautions au paiement de la dette,
avait intérêt à l’acquitter. Ainsi, la caution va pouvoir bénéficier des avantages et accessoires
caractérisant la créance principale.

SECTION 4 : L’EXTINCTION DU CONTRAT DE CAUTIONNEMENT


146 – Voie accessoire, voie principale - Le cautionnement peut s’éteindre de deux manières :
par voie accessoire ou par voie principale.

§1 – L’extinction par voie accessoire


147 – Causes d’extinction – L’extinction du cautionnement par voie accessoire est prévue
par l’art. 36 AUS surtout en son alinéa 1 qui dispose que : « l’extinction partielle ou totale de
l’obligation principale entraîne, dans la même mesure, celle de l’engagement de la
caution ».

L’extinction par voie accessoire est l’extinction du cautionnement résultant de


l’extinction, préalable, de l’obligation principale. Elle est la manifestation du caractère
accessoire du cautionnement. Ainsi, le cautionnement s’éteint comme conséquence de
l’extinction de l’obligation principale. L’extinction du principal, l’obligation principale,
entraîne également et dans la même proportion, l’extinction de l’accessoire, le
cautionnement : c’est cela l’extinction du cautionnement par la voie accessoire. Autrement
dit, le cautionnement est éteint parce que, en amont, l’obligation principale garantie est
éteinte.

138
Selon cet article : « Lorsqu’il existe plusieurs cautions simples ou solidaires pour une même dette, si l’une
des cautions a utilement acquitté la dette, elle a un recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et
portion ».

61
L’art. 36 AUS ne prévoit que quelques causes d’extinction : le paiement, la dation en
paiement et la novation139.

A- Le paiement

148 – Libération de la caution – Conditions - Si le débiteur paye au créancier la dette


convenue lors de son engagement, la caution est libérée.

Ce paiement doit remplir certaines conditions.

Il faut, d’abord, que ce paiement soit accompli personnellement par le débiteur ou son
représentant et non par un tiers ; en effet, le paiement fait par un tiers ne libère pas la caution
du fait de la subrogation qui s’ensuit ; le tiers, créancier subrogé, peut donc réclamer à la
caution le montant de la dette.

Il faut, ensuite, que le créancier soit intégralement satisfait par le paiement : le


paiement partiel du débiteur ne lui permet pas de respecter ses obligations, la créance garantie
n’étant pas éteinte.

B – La dation en paiement

149 – Notion et effets – La dation en paiement correspond à la remise d’un bien, à titre de
paiement, autre que celui convenu lors de la conclusion du contrat, avec l’accord du créancier
(art. 1243 c.civ).

Dans la relation entre le créancier et le débiteur principal, la dation n’éteint


l’obligation que si elle satisfait totalement le créancier. La dation, qui a concerné le contrat
principal, a une influence sur la relation entre le créancier et la caution car elle permet
d’éteindre à titre accessoire le cautionnement selon l’art. 36 al. 2 AUS : « la dation en
paiement libère définitivement la caution, même si le créancier est ensuite évincé de la
chose acceptée par lui. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

D- La novation

151 – Notion de novation - Il s’agit de l’opération juridique par laquelle les parties décident
de substituer une obligation nouvelle à une obligation ancienne qui se trouve
automatiquement éteinte (art. 1271 c.civ). S’opère un double effet dans la relation entre le
créancier et le débiteur : l’extinction d’une obligation préalable et, corrélativement, la création
d’une nouvelle qui sera valable. Cet effet extinctif affecte directement la caution comme
l’indique l’art. 36 al. 3 AUS.

139
En dehors des causes d’extinction prévues par l’art. 36 AUS, il en existe d’autres qui sont les causes
d’extinction de droit commun telles qu’elles résultent de l’article 1234 du code civil. Cet article cite, outre le
paiement, la dation en paiement et la novation, la remise volontaire, la compensation, la confusion, la perte de la
chose, la nullité ou la rescision, la condition résolutoire et la prescription. Dans le cadre de ce cours, nous nous
limitons aux causes prévues par l’art. 36 AUS.

62
152 – Conditions et effets - Il faut toutefois que les conditions de la novation soient
remplies : un changement d’objet ou de partie, ainsi que la volonté d’éteindre l’obligation
ancienne pour en créer une nouvelle ; enfin, la novation ne se présumant pas (art. 1273 c.civ),
la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte.

Par l’effet de la novation, la caution est libérée «à moins qu’elle n’accepte de reporter
sa garantie sur la nouvelle dette » (art. 36 al. 3 AUS). Et l’art. 36 AUS de préciser : « toute
clause contraire stipulée avant la novation est réputée non écrite ».

§2 – L’extinction par voie principale


153 – Définition – L’extinction du cautionnement par voie principale se distingue de
l’extinction par voie accessoire. En effet, l’extinction par voie principale est l’extinction du
cautionnement en lui-même, indépendamment de l’extinction de l’obligation principale. Il
s’agit donc d’une extinction du cautionnement indépendante, autonome, de celle de
l’obligation principale. Ainsi, le cautionnement sera éteint tandis que l’obligation principale
continuera d’exister.

L’extinction du cautionnement par voie principale peut dériver de la faute du créancier


ou être indépendante de cette faute

A – L’extinction indépendante de la faute du créancier

154 – Obligation de couverture, obligation de règlement – L’extinction du cautionnement


indépendante de la faute du créancier résulte de plusieurs causes : l’arrivée du terme, la
compensation, la remise de dette, etc… Ces différentes causes peuvent être classées en deux
catégories selon qu’elles relèvent de l’extinction de l’obligation de couverture ou de celle de
l’obligation de règlement. En effet, le contrat de cautionnement met en œuvre deux types
d’obligations : l’obligation de règlement et l’obligation de couverture. Or, l’extinction du
contrat de cautionnement ne réagit même de la même manière sur l’une et l’autre.

155 – Les causes résultant de l’extinction de l’obligation de règlement – L’obligation de


règlement est l’obligation de régler la dette garantie. Elle s’impose à la caution pour toutes
dettes, dès lors qu’a pris fin l’obligation de couverture. Elle disparaît pour les dettes
postérieures à l’extinction de l’obligation de couverture. La caution étant personnellement liée
au créancier, elle profite de tous les modes d’extinction touchant l’engagement personnel
dudit créancier. Or, l’art. 2034 c.civ dispose que : « l’obligation qui résulte du cautionnement
s’éteint par les mêmes causes que les autres obligations » et l’art. 1234 c.civ140 précise les
causes d’extinction des obligations.

140
Aux termes de l’article 1234 du code civil : « Les obligations s’éteignent :
- par le paiement ;
- par la novation ;
- par la remise volontaire ;
- par la compensation ;
- par la confusion ;
63
Certes, l’art. 37 AUS ne cite que trois cas d’extinction de l’obligation de la caution
indépendamment de l’obligation principale : la compensation, la remise de dette consentie par
le créancier à la caution, la confusion qui s’opère entre la personne du créancier et de la
caution. Mais cette liste n’est pas limitative et d’autres modes d’extinction cités à l’art. 1234
c.civ ont le même effet extinctif : ex. : le paiement fait par la caution au créancier, ou encore
la nullité du contrat de cautionnement, etc. Dans ces hypothèses, même lorsque la caution est
libérée, la dette principale du débiteur subsiste.

156 – Les causes liées à l’extinction de l’obligation de couverture – L’obligation de


couverture met en relief l’étendue de l’engagement de la caution. Elle est l’engagement pris
par la caution de garantir les dettes du débiteur principal sur une période donnée ou, pour le
moins, durant la vie de la caution. L’obligation de couverture peut être définie sur une période
précisée ou non. Toutefois, dans la seconde hypothèse, il est évident qu’elle ne dure que le
temps de la vie de la caution. Les causes liées à l’extinction de l’obligation de couverture sont
diverses.

157 - Causes de l’extinction de couverture – Dans le cas d’un cautionnement souscrit pour
une durée indéterminée, l’une des parties peut mettre un terme à la relation par une
dénonciation unilatérale qui se justifie par le principe de prohibition des engagements
perpétuels. Le législateur a prévu que, dans le cadre de son obligation d’information, le
créancier devait non seulement notifier semestriellement aux cautions le montant de la dette
mais aussi indiquer, « la faculté de révocation » à tout moment. La dénonciation unilatérale du
contrat entraîne l’extinction du cautionnement par suite de l’extinction de l’obligation de
couverture.

Dans le cas d’un cautionnement souscrit pour une durée déterminée, l’arrivée du terme
convenu justifie que la caution bénéficie de l’extinction de l’obligation de couverture. Elle ne
sera donc tenue que des dettes nées entre le créancier et le débiteur principal pendant la
période antérieure à ce terme.

En cas de décès de la caution, le décès a été retenu comme un terme extinctif de


l’obligation de couverture de la caution. A ce sujet, l’al. 4 de l’art. 36 AUS dispose que : « les
engagements de la caution simple ou solidaire passent à ses héritiers uniquement pour les
dettes nées antérieurement au décès de la caution ».

Ainsi, constituent des causes d’extinction du cautionnement résultant de l’extinction


de l’obligation de couverture : la dénonciation unilatérale d’un cautionnement indéterminé,
l’arrivée du terme d’un cautionnement déterminé ou le décès de la caution.

158 – Effets de l’extinction de l’obligation de couverture - Dès lors que l’une des
circonstances relevées assure l’extinction de l’obligation de couverture, le contrat de

- par la perte de la chose ;


- par la nullité ou la rescision ;
- par l’effet de la condition résolutoire, (..) ;
- et par la compensation, (..)»
64
cautionnement disparaît pour l’avenir. Ainsi, la caution n’est plus tenue par d’éventuelles
obligations susceptibles de naître ultérieurement et, seule subsiste l’obligation de règlement,
pour le passé.

B – L’extinction liée à la faute du créancier

159 – Deux types de fautes du créancier – Le créancier peut commettre deux fautes qui
entraînent l’extinction du cautionnement. D’une part, il peut, par son comportement,
empêcher la caution de le subroger dans ses droits et garanties et, d’autre part, il peut avoir
conclu un cautionnement excessif.

160 – Impossibilité pour la caution de subroger le créancier - Quand la caution paye le


créancier, elle est subrogée dans ses droits et peut se faire rembourser par le débiteur principal
en application de l’art. 31 AUS. Cependant, la caution peut invoquer le bénéfice de
subrogation lorsqu’à cause du comportement fautif du créancier, elle ne peut plus être
subrogée dans ses droits. Elle invoque alors, pour pouvoir être libérée de son engagement, le
bénéfice de subrogation. Qualifié également de « bénéfice de cession d’actions », ce bénéfice
correspond à une cause spécifique d’extinction du cautionnement à titre principal. Il est prévu
par les al. 2 et 3 de l’art. 29 AUS141.

Ce bénéfice peut être invoqué par les cautions simples ou solidaires à certaines
conditions. Il ne légitime pas une demande en garantie mais peut être opposé par la caution au
créancier poursuivant.

161 - Conditions de l’exercice du bénéfice – Trois conditions sont nécessaires pour que la
caution poursuivie puisse opposer le bénéfice de subrogation au créancier : la nécessité que la
créance soit garantie par un droit préférentiel, la faute du créancier et le préjudice subi par la
caution.

D’abord, la nécessité que la créance soit garantie par un droit préférentiel. La créance dont il
s’agit est l’obligation principale. L’exigence du droit préférentiel signifie qu’en plus du
cautionnement, le créancier a obtenu, du débiteur principal, une autre sûreté pour garantir
l’exécution de l’obligation principale. Ce peut être, par exemple, un gage avec dépossession.
En l’espèce, le gage avec dépossession est donc le droit préférentiel attaché à la créance.

Ensuite, et c’est la deuxième condition, il faut une faute du créancier. Cette faute peut résider
dans l’inaction du créancier. Ainsi, par exemple, le créancier peut négliger ses obligations de
conservation du bien gagé afin de maintenir la valeur du gage.

141
Selon les al. 2 et 3 de l’art. 29 AUS : « La caution simple ou solidaire est déchargée quand la subrogation
aux droits et garanties du créancier ne peut plus s’opérer, en sa faveur, par le fait du créancier. Toute clause
contraire est réputée non écrite.

Si le fait reproché au créancier limite seulement cette subrogation, la caution est déchargée à
concurrence de l’insuffisance de la garantie conservée ».

65
Enfin, la troisième condition est le préjudice subi par la caution. Ce préjudice réside dans
l’impossibilité, pour la caution, d’être subrogée au créancier dans le droit préférentiel attaché
à la créance.

Si toutes ces conditions sont cumulativement réunies, la caution poursuivie peut


opposer, sous forme d’exception, le bénéfice de subrogation au créancier poursuivant.

162 - Cautionnement excessif – Ici, la faute du créancier réside dans le fait d’avoir accepté
de conclure un cautionnement dont le montant dépasse excessivement les capacités de
remboursement de la caution. Dans ce cas, la caution peut invoquer le caractère
disproportionné de son engagement lorsque ses biens et revenus se révèlent insuffisants pour
faire face à la défaillance du débiteur principal. Par suite, le contrat de cautionnement sera
privé d’effets.

66
CHAPITRE II
LA GARANTIE ET LA CONTRE-GARANTIE
AUTONOMES142

163 – Présentation - La garantie autonome est née de la pratique bancaire en réaction contre
la trop forte protection des cautions contre les créanciers. Comme le relèvent certains auteurs :
« Quand le cautionnement est rendu moins efficace par les exceptions que les cautions
peuvent valablement soulever, la pratique tend à renforcer l’engagement du garant en le
privant de ces exceptions143 ».

La garantie autonome est essentiellement utilisée pour garantir au maître d’ouvrage


dans un contrat de construction de grands ensembles industriels que le constructeur exécutera
les obligations prévues au contrat. Elle peut également être émise à l’occasion de la fourniture
de marchés importants. Elle est apparue, dans le contexte international, au cours des années
1960 mais leur développement date des années 1970.

L’AUS de 2011 reprend l’essentiel des dispositions de l’AUS de 1998 tout en


admettant un certain nombre d’innovations. Dans l’acte uniforme de 2011, la garantie et
contre-garantie autonome sont réglementée aux articles 39 à 49.

164 – Plan - Il importe d’exposer, d’abord, les généralités sur la garantie et la contre-garantie
autonomes (section 1), ensuite, les conditions de formation de la garantie et de la contre-
garantie autonomes (section 2) avant d’analyser les effets des deux garanties (section 3) et
leur extinction (section 4).

SECTION 1 : LES GENERALITES SUR LA GARANTIE ET LA


CONTRE-GARANTIE AUTONOMES
165 - Précisions - Bien que consacrée par la loi (art. 39 à 49 AUS), la notion de « garantie et
contre-garantie autonomes » mérite qu’on s’arrête d’abord sur sa structure (§1), avant de
dégager sa définition et sa distinction d’avec certains mécanismes juridiques (§2).

§1 – La structure de l’opération

142
Comme on peut le constater dans l’intitulé, l’adjectif « autonome » est au pluriel et non au singulier. Ce
pluriel s’explique par le fait, qu’en réalité, garantie autonome et contre-garantie autonome sont deux mécanismes
ou deux contrats que l’on peut distinguer et non un seul contrat. Toutefois, puisque ces deux mécanismes sont
très similaires, on les étudie en même temps.
143
CABRILLAC (M.), MOULY (C.), Droit des sûretés, Ed. Litec, 1990, n° 395, p. 311.

67
166 – Structure triangulaire ou quadrangulaire, Garantie multiforme - La pratique du
commerce international a dégagé cette sûreté dotée d’une structure triangulaire ou
quadrangulaire (A) et qui constitue une garantie multiforme (B).

A – Une structure triangulaire ou quadrangulaire

167 - Structure triangulaire : la garantie autonome - La garantie autonome est une


opération à trois personnes superposant deux contrats : le contrat de garantie stricto sensu et le
contrat de base en considération duquel la garantie est prise.

Ex : une entreprise souhaite remporter un marché de construction d’une usine auprès


d’un maître d’ouvrage ivoirien. Dans le but de renforcer ses chances d’être sélectionnée et
d’inspirer confiance au maître d’ouvrage, l’entreprise obtient de sa banque qu’elle se porte
garante du paiement des sommes qu’elle pourrait éventuellement devoir au maître d’ouvrage,
créancier d’une obligation de faire. Le remboursement des acomptes versés par le maître
d’ouvrage à l’entrepreneur peut expliquer la démarche du second pour que sa banque
fournisse au premier cette garantie autonome. Ainsi, au contrat de base liant l’entrepreneur au
maître d’ouvrage (le marché), se superposera un contrat de garantie (la garantie autonome).

Terminologiquement, interviennent :

- le donneur d’ordre (le débiteur, en l’occurrence l’entrepreneur) qui mènera les


démarches pour obtenir la garantie de sa banque ;

- le bénéficiaire de la garantie : le créancier maître d’ouvrage ;

- enfin, la banque garante qui souscrit la garantie.

Le contrat de garantie autonome est conclu alors entre le bénéficiaire et la banque


garante et fait naître à la charge de celle-ci, l’obligation de payer au créancier (ici le maître
d’ouvrage), devenu bénéficiaire, une somme d’argent en règlement d’une créance
contractuelle que détient ce bénéficiaire contre le donneur d’ordre.

168 - La structure quadrangulaire : la contre-garantie autonome - Le schéma triangulaire


peut être renforcé d’une contre-garantie. En effet, la banque garante peut demander à être
garantie à son tour : c’est la contre-garantie. Le donneur d’ordre demande alors à une banque
de conclure un accord avec la banque garante : c’est la contre-garantie autonome. Dans ce cas,
deux contrats de garantie sont émis : une première garantie autonome profite directement au
maître d’ouvrage, bénéficiaire final, et l’autre, tout aussi autonome, appelée contre-garantie,
bénéficie à la banque garante dite « garant de premier rang ». La contre-garantie est
indépendante tant du contrat de base que de la garantie de premier rang.

B– Une garantie multiforme

169 – Finalité de la garantie - La garantie a pour but d’éviter au maître d’ouvrage d’aller en
justice pour voir son contrat exécuté. Il est plus simple de sécuriser la relation en demandant à
l’entreprise la fourniture d’un engagement bancaire de verser une somme déterminée. La
68
garantie a donc une double finalité : contraindre l’entrepreneur à bien exécuter son contrat,
sous peine de voir la garantie activée et aussi permettre au maître d’ouvrage de bénéficier
d’une source certaine d’indemnisation, même si le montant de la garantie ne couvre jamais
l’intégralité du marché.

170 – Typologie des garanties autonomes - On rencontre les garanties autonomes aussi bien
dans la phase précontractuelle que contractuelle ou post-contractuelle. Les garanties les plus
utilisées sont : la garantie de soumission, la garantie de restitution d’acompte et la garantie de
bonne fin. Mais il y a également la garantie de paiement des droits de douane et la garantie de
découvert local.

171 - Garantie de soumission (« bid bond » en anglais) - La fourniture d’une garantie


autonome est souvent l’une des conditions imposées à une entreprise qui veut soumissionner à
un appel d’offres. La garantie a pour but de garantir le bénéficiaire contre le risque de rupture
brutale des pourparlers par le soumissionnaire. « Généralement d’un montant égal de 5% à
10% du marché, elle garantit le bénéficiaire contre le risque de signature du contrat et expire
avec celle-ci144 ».

172 - Garantie de restitution d’acompte (« advance payement guarantee ») - Elle garantit


la restitution, par le soumissionnaire choisi, des acomptes éventuellement versés en cas
d’inexécution ou d’exécution partielle du marché. Dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage
ou l’acheteur veut avoir la certitude qu’il pourra récupérer l’acompte qu’il a versé. La garantie
de restitution d’acompte est « généralement d’un montant variant entre 10% et 20% des
sommes avancées par le bénéficiaire ; elle en garantit le remboursement et prend fin au fur et
à mesure que les acomptes sont utilisés pour l’exécution du contrat. La garantie est alors dite
« glissante » ou « réductible »145 ».

173 - Garantie de bonne fin (« performance bond »)- Cette garantie autonome garantit le
bénéficiaire contre les risques de mauvaise exécution, d’exécution tardive ou d’inexécution du
marché par le soumissionnaire. Elle est « généralement d’un montant représentant une
fraction du marché, compris entre 5% à 20% de celui-ci146 ».

174 - Garantie de paiement des droits de douane - Lorsque le matériel est acheminé par un
entrepreneur étranger dans le pays où le marché doit être exécuté, il bénéficie, sur le plan
douanier, du régime de l’admission temporaire. En conséquence, l’importation de ce matériel
ne donne pas lieu à perception de droit de douanes sous la condition d’une réexportation à une
date définie. L’administration des douanes peut exiger d’une banque du pays de
l’entrepreneur qu’elle s’engage à payer les droits de douane si le matériel n’est pas réexporté à
la date convenue.
144
ALBIGES (C.), DUMONT-LEFRAND (M-P), Droit des sûretés, Dalloz, 2e éd., Collection Hyper Cours,
Cours et Travaux dirigés, 2009, n° 232, p. 149.
145
Ibidem.
146
Ibidem.

69
175 - Garantie de découvert local - Dans ce cas, une banque du pays où le contrat sera
exécuté consent des découverts à l’entrepreneur étranger pour la réalisation de travaux et la
banque du lieu de résidence de l’entrepreneur garantit le remboursement de ces découverts.

§2 – Définition de la garantie autonome et distinction d’avec certains


mécanismes proches
176 - Plan - La définition de la garantie et la contre-garantie autonomes (A) précédera l’étude
de la distinction de cette notion d’avec certains mécanismes proches (B).

A – La définition de la garantie et contre-garantie autonomes

177 – Définition légale – Portée de la définition - Il importe de livrer la définition légale de


la garantie et contre-garantie autonomes (1) et d’en préciser la portée (2).

178 - Définition légale - La garantie autonome est un type de crédit par signature : le garant
prête son crédit au débiteur en acceptant de payer une somme d’argent à son créancier, le
bénéficiaire de la garantie, à charge pour le débiteur de lui rembourser cette somme. L’AUS la
définit dans son art. 39. Aux termes de cette disposition : « La garantie autonome est
l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par
le donneur d’ordre et sur instructions de ce donneur d’ordre, à payer une somme
déterminée au bénéficiaire, soit sur première demande de la part de ce dernier, soit selon
des modalités convenues.

La contre-garantie autonome est l’engagement par lequel le contre-garant s’oblige,


en considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce
donneur d’ordre, à payer une somme déterminée au garant, soit sur première demande de
la part de ce dernier, soit selon des modalités convenues ».

179 – Eléments essentiels de la garantie - La définition met en relief les deux éléments
essentiels de la garantie autonome : un engagement de payer, un engagement de payer
autonome. On peut tout de même ajouter aussi que l’engagement du garant ou du contre-
garant est pris en considération de l’obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur
instructions de ce dernier.

179.1 - Un engagement de payer : le garant s’engage à payer une somme d’argent d’un
montant déterminé au bénéficiaire ; cette somme peut être inférieure, égale ou supérieure à
celle due par le donneur d’ordre au titre du contrat de base. Mais il ne s’agit pas de la « propre
dette » du débiteur. Ainsi, le garant ne s’engage pas à payer la dette d’autrui en se substituant
à lui, mais bien à régler la sienne propre. Ce qui est une différence fondamentale avec le
cautionnement où la caution paye la dette du débiteur principal. Ici, le garant paye sa propre
dette ; il exécute son propre engagement.

179.2 - Un engagement de payer autonome : le caractère autonome résulte de l’objet même


de l’engagement du garant : le paiement d’une somme d’argent, généralement à première

70
demande. Il est également expressément précisé dans l’al. 2 de l’art. 40 AUS147. Ainsi, le
garant contracte un engament personnel, nouveau et distinct du contrat de base.

179.3 – Un engagement souscrit en considération de l’obligation du donneur d’ordre et


sur instruction de celui-ci – De la définition fournie par l’article 39 AUS, il ressort que
l’engagement du garant ou du contre-garant a été pris « en considération d’une obligation
souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce donneur d’ordre ».

L’obligation dont il s’agit est le contrat de marché c’est-à-dire l’obligation du donneur


d’ordre envers le bénéficiaire. Cette obligation est encore appelée « contrat de base ». Ainsi,
autant dans la garantie autonome que dans la contre-garantie autonome, le garant ou le contre-
garant s’engage « en considération » du contrat de base. Cela signifie que le contrat de base
est la raison de l’engagement du garant ou du contre-garant. Plus précisément, elle en est la
cause.

Par ailleurs, avant de s’engager envers le bénéficiaire ou envers le garant, le garant et


le contre-garant reçoivent « des instructions du donneur d’ordre ». La loi reste muette sur la
nature de ces instructions. Il reste pourtant clair que ces instructions sont fournies dans le
cadre d’un contrat qui lie, dans le cadre de la garantie autonome, le donneur d’ordre au garant
et, dans le cadre de la contre-garantie autonome, le donneur d’ordre au contre-garant.
Toutefois, ce contrat qui lie le donneur d’ordre au garant ou le donneur d’ordre au contre-
garant n’est ni la garantie autonome ni la contre-garantie autonome. Il peut être analysé
comme un contrat d’ouverture de crédit, la garantie autonome ou la contre-garantie autonome
étant un type de crédit par signature.

180 - Portée de la définition légale - Contrairement à l’acte uniforme de 1998 qui définissait
la garantie autonome comme une convention, celui de 2011 la conçoit comme un
« engagement du garant ». Quelle est alors la nature juridique de la garantie autonome ? Est-
ce un contrat ou un engagement unilatéral148 ?

Il semble qu’en qualifiant la garantie autonome et la contre-garantie autonome d’


« engagement », les rédacteurs du nouvel acte uniforme aient voulu la considérer comme un
engagement unilatéral du garant envers le bénéficiaire ou du contre-garant envers le garant.
« L’intérêt d’une telle qualification serait de pouvoir considérer que la garantie existe même
sans l’accord du bénéficiaire149 ».

147
Aux termes de l’art. 40 al. 2 AUS : « Elles (les garantie et contre-garantie autonomes) créent des engagements
autonomes, distincts des conventions, actes et faits susceptibles d’en constituer la base ».
148
Ces réflexions, formulées à propos de la garantie autonome, peuvent être étendues à la contre-garantie
autonome.
149
CROCQ (P.) et alii, « Le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés, La réforme du droit des
sûretés de l’OHADA », Ed. Lamy, 2012, n° 144, p. 112.

71
Il convient toutefois d’être prudent en la matière d’autant plus que l’acte uniforme
exige que la garantie autonome porte le nom du bénéficiaire et, probablement, sa signature.
Nous pensons donc que la nature contractuelle de la garantie ou de la contre-garantie
autonome doit être maintenue.

B- La distinction de la garantie autonome d’avec certains mécanismes proches

181 – Plan - Il s’agit, ici, de mettre en relief la spécificité de la garantie autonome en la


distinguant de mécanismes voisins tels que le cautionnement, la délégation imparfaite ou le
crédit documentaire.

182 – Distinction entre la garantie autonome et le cautionnement - En théorie, garantie


autonome et cautionnement sont deux mécanismes distincts : le cautionnement est un
engagement accessoire tandis que la garantie autonome ne l’est pas. En pratique, de
nombreuses difficultés de qualification n’ont pas manqué de survenir. En effet, les dangers de
la garantie autonome ont incité les garants à tenter de démontrer qu’ils étaient de simples
cautions quand les créanciers essayaient de prouver qu’ils bénéficiaient d’engagements
indépendants.

La jurisprudence a eu à affiner la distinction en précisant utilement les termes


révélateurs de l’autonomie de la garantie par opposition à ceux ne permettant pas d’exclure
cette autonomie.

Les éléments essentiels de la distinction sont, notamment : l’objet des deux


mécanismes et l’inopposabilité des exceptions.

181 – Premier élément essentiel de la distinction : l’objet – Le premier élément de


distinction entre la garantie autonome et le cautionnement réside dans l’objet de ces
mécanismes. En effet, l’objet de l’obligation du garant est de payer une somme d’argent
tandis que l’objet de l’obligation de la caution est d’exécuter celle du débiteur principal.
Ainsi, le garant s’engage à verser une « somme d’argent » au créancier alors que la caution
s’engage à se substituer au débiteur principal ; à le remplacer dans l’exécution de son
obligation s’il est défaillant.

Il apparaît ainsi que l’engagement du garant est indépendant de celui du donneur


d’ordre et il ne doit pas être fixé en suivant les modalités d’exécution du contrat de base.
Ainsi, il a été jugé « qu’un engagement ne peut être qualifié de garantie autonome que s’il
n’implique pas une appréciation des modalités d’exécution du contrat de base pour
l’évaluation des montants garantis ou pour la détermination des durées de validité et s’il
comporte une stipulation de l’inopposabilité des exceptions150 ».

150
Voir, en droit français, Cass. com. 27 juin 2000.

72
Il en résulte que l’engagement du garant ne pas être déterminé par la dette principale
mais par les seuls termes de l’engagement accepté tant au regard du montant que de la durée
de validité de l’engagement.

Jugé aussi que la qualification de « garantie autonome » sera écartée dès lors que « le
garant s’engage à payer les sommes dues par le débiteur principal151 ». En effet, le garant ne
s’engage pas à payer les sommes dues par le débiteur ; il s’oblige à payer sa propre dette si le
débiteur n’exécute pas bien son engagement.

En somme, l’objet de l’engagement du garant est différent de celui de la caution : alors


que celle-ci s’engage à se substituer au débiteur principal défaillant en exécutant l’obligation
qu’il aurait dû accomplir et qu’il n’a pas accompli, celui-là ne s’engage qu’à payer une
somme déterminée lorsque le donneur d’ordre n’accomplit pas ou accomplit imparfaitement
son obligation.

182 – Deuxième élément de la distinction : l’inopposabilité des exceptions – Dans le cadre


d’un cautionnement, la caution peut opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette
que le débiteur principal pouvait opposer audit créancier152. En revanche, dans la garantie
autonome, le garant ne peut opposer au créancier les exceptions que le donneur d’ordre
pouvait opposer à ce dernier. Ainsi, selon l’article 41 AUS, les garantie et contre-garantie
autonomes doivent être constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité, entre autres
mentions : « l’impossibilité pour le garant ou le contre-garant de bénéficier des exceptions
de la caution ». Il en résulte donc que l’acte de garantie doit stipuler l’inopposabilité des
exceptions153.

A côté de ces deux éléments de distinction qui sont essentiels, il en existe d’autres qui
ne le sont pas.

183 – Les éléments de distinction non essentiels : l’intitulé et la référence au contrat de


base – L’intitulé d’une convention n’est pas un élément essentiel pour distinguer un

151
Voir, en droit français, Cass. Civ. 1ère, 23 févr. 1999, JCP 1999.II.10189).
152
En effet, aux termes de l’art. 29 de l’AUS : « Toute caution ou tout certificateur de caution peut opposer au
créancier les exceptions inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur principal et tendent à réduire, éteindre
ou différer la dette sous réserve des dispositions des articles 17 et 23, alinéas 3 et 4 du présent Acte uniforme et
des dispositions particulières de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du
passif ».
153
Si la mention de l’inopposabilité des exceptions, qui est la principale conséquence de l’autonomie de la
garantie est nécessaire, elle n’est toutefois pas suffisante pour établir la distinction entre le cautionnement et la
garantie autonomie. En effet, si l’inopposabilité des exceptions est d’ordre public dans le cas de la garantie
autonome, l’opposabilité des exceptions dans le cadre du cautionnement n’est pas d’ordre public, l’article 29
AUS utilisant l’expression « peut ». Il en résulte qu’une caution peut renoncer à se prévaloir des exceptions du
débiteur principal sans que cette inopposabilité affecte la nature juridique du cautionnement qui demeurera donc
un cautionnement.

73
cautionnement d’une garantie ou d’une contre-garantie autonome. L’intitulé n’est pas
essentiel car il ne lie pas le juge qui va, pour qualifier un contrat, analyser plutôt son contenu.

Ainsi jugé que ce n’est pas parce que l’acte de garantie s’intitule « cautionnement »
qu’il ne s’agit pas d’une garantie autonome154. Pareillement, l’acte intitulé « cautionnement à
première demande » a été qualifiée de garantie autonome155. Dans cet arrêt de la Cour d’appel
d’Abidjan156, il a été jugé qu’un engagement appelé « caution de paiement à fournisseur » par
lequel une banque s’est portée caution et s’est engagée à payer une somme d’argent à
première demande écrite à concurrence de son cautionnement contre remise, par le
bénéficiaire, d’une lettre spécifiant que le débiteur n’a pas respecté son engagement, est une
lettre de garantie. Un tel acte qui ne comporte cependant pas l’intitulé « lettre de garantie »
doit être déclaré nul pour non-respect des dispositions de l’acte uniforme sur les sûretés157.

Deuxièmement, la référence au contrat de base n’exclut pas l’existence d’une garantie


autonome. En effet, faire référence au contrat de base, c’est seulement mentionner la cause de
l’engagement du garant ou du contre-garant.

184 – Distinction de la garantie autonome et de la délégation imparfaite - L’art. 1275


c.civ définit la délégation comme l’opération « par laquelle un débiteur donne au créancier
un autre débiteur qui s’oblige envers le créancier ».

Quand la délégation est imparfaite, c’est-à-dire quand elle s’opère sans novation, le
délégant reste tenu à l’égard du délégataire. Pour ce dernier, la délégation est une garantie
puisque le délégataire dispose de deux patrimoines : celui du délégant et celui du délégué
contre lequel il pourra exercer ses recours en cas de défaillance du délégant. En effet, une fois
qu’il a accepté la délégation, le délégué est tenu d’une obligation personnelle et autonome
envers le délégataire. Il s’ensuit qu’il ne peut opposer au délégataire ni les exceptions nées de
ses rapports avec le délégant, ni celles que le délégant pourrait opposer au délégataire. Ce
mécanisme rapproche la délégation imparfaite de la garantie autonome.

Cependant, deux éléments distinguent la délégation imparfaite de la garantie


autonome. D’abord, l’effet de garantie de la délégation imparfaite n’est qu’incident alors qu’il
est pleinement recherché dans la garantie autonome. Ensuite, au regard de l’origine des
mécanismes, si le délégué accepte la délégation, c’est en général parce qu’il est lui-même

154
Voir, en droit français, Cass. Com, 17 oct. 1984, Bull. civ. IV, n° 265.
155
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 184 du 21 février 2003, SIB c/ Société CORECA, Ohada.com, Ohadata J-
03-230.
156
Voir note immédiatement précédente.
157
Concernant cet arrêt, il nous plaît de mentionner la critique lumineuse de M. ISSA-SAYEGH. Il écrit, en
effet, que « cette décision est critiquable en ce sens qu’elle dénie toute valeur juridique à cet acte sans
s’interroger sur le point de savoir si ses autres éléments constitutifs ne permettaient pas de la (sic) qualifier en un
autre acte juridique : cautionnement, promesse de porte-fort, lettre de confort… », commentaires sous l’art. 41
AUS, in OHADA, Traités et actes uniformes commentés et annotés, éd. Juriscope, 2014, p. 881.

74
débiteur du délégant. Par conséquent, il devra supporter définitivement la charge du paiement
de la créance du délégataire sans possibilité d’agir en remboursement contre le délégant, ce
qui n’est pas le cas dans la garantie autonome.

185 – Distinction de la garantie autonome et du crédit documentaire - Le crédit


documentaire est encore appelé crédit à l’importation. Dans ce cas, le banquier d’un
importateur lui ouvre un crédit qu’il promet de verser à l’exportateur en règlement du prix
d’un marché, l’ouverture du crédit étant subordonnée à la présentation de documents
convenus à l’avance et établissant la correcte exécution du marché. Lorsque le crédit est
stipulé irrévocable, la promesse du banquier crée au profit du bénéficiaire un engagement
ferme et direct. Par conséquent, la situation du banquier est comparable à celle du garant
autonome – documentaire.

Seulement, la différence entre le crédit documentaire et la garantie autonome est


fondamentale. En effet, alors que le crédit documentaire est un véritable crédit, la garantie
autonome est, avant tout une sûreté. Dans le premier cas, les sommes ont vocation à être
versées, alors que dans le second leur versement n’est envisagé qu’en cas de difficultés dans
la réalisation de l’opération qu’elle vient sécuriser. C’est la différence entre un véritable crédit
et un simple crédit par signature.

SECTION 2 : LES CONDITIONS DE FORMATION DE LA GARANTIE


ET CONTRE-GARANTIE AUTONOMES
186 - Plan - L’étude des conditions de formation de la garantie et de la contre-garantie
autonomes exige, d’une part, l’étude des conditions de fond (§1) et, d’autre part, celle des
conditions de forme (§ 2).

§1 – Les conditions de fond de formation de la garantie et contre-garantie


autonomes
187 – Quatre conditions de fond - Les conditions de fond sont celles du droit commun des
contrats posées par l’art. 1108 c.civ. : consentement, capacité, objet et cause qu’il importe
d’analyser respectivement.

A – Le consentement

188 – Consentement - La nécessité du consentement exige que les parties au mécanisme de


la garantie ou de la contre-garantie autonome expriment leur volonté d’être liée. Cela est
manifeste à travers la définition de la garantie et contre-garantie autonomes livrée par l’article
39 AUS qui dispose que : « La garantie autonome est l’engagement par lequel le garant
s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur
instructions de ce donneur d’ordre, à payer une somme déterminée au bénéficiaire, soit sur
première demande de la part de ce dernier, soit selon des modalités convenues.

75
La contre-garantie autonome est l’engagement par lequel le contre-garant s’oblige,
en considération d’une obligation souscrite par le donneur d’ordre et sur instructions de ce
donneur d’ordre, à payer une somme déterminée au garant, soit sur première demande de
la part de ce dernier, soit selon des modalités convenues ».

La garantie autonome est un contrat conclu entre le bénéficiaire et le garant et fait


naître, à la charge de celui-ci, l’obligation de payer une certaine somme d’argent au créancier
bénéficiaire. La convention entre le donneur d’ordre et le garant pouvant être appréhendé
comme une ouverture de crédit. De même, la contre-garantie autonome est le contrat conclu
entre le garant et le contre-garant par lequel ce dernier s’engage à payer une somme
déterminée au garant.

189 - Plan - Le consentement des parties doit exister et être exempt de vices.

190 - Existence du consentement - En premier lieu, il faut qu’il existe un consentement, ce


qui suppose une offre acceptée. En l’occurrence, l’offre est faite par le garant et l’acceptation
émane du bénéficiaire. Dans le cadre de la contre-garantie, l’offre émane du contre-garant et
l’acceptation, du garant.

Le consentement des parties doit être expressément donné. En effet, il ressort de l’art.
41 al. 1 AUS que : « Les garantie et contre-garantie autonomes ne se présument pas ». On en
déduit donc que la garantie autonome et la contre-garantie autonome ne peuvent résulter d’un
engagement tacite.

191 – Exigence spécifique à la garantie et contre-garantie autonomes : exclusion des


personnes physiques - L’acte uniforme exclut les personnes physiques parmi celles qui
souscrivent la garantie ou la contre-garantie autonomes158. Sont considérées comme
« souscrivant » la garantie ou la contre-garantie, les personnes qui ont la qualité de
« débitrices » dans ce contrat. Donc, ne peuvent être des personnes physiques : le donneur
d’ordre, le garant et le contre-garant. Par contre, le créancier bénéficiaire peut être une
personne physique. Cette exclusion s’expliquerait par la protection des personnes physiques
car les garantie et contre-garantie autonomes sont des contrats brassant d’importantes sommes
d’argent. On exclut donc les personnes physiques des souscripteurs afin de protéger leur
patrimoine.

192 - Consentement exempt de vices - En second lieu, le consentement doit être exempt de
vices (erreur, dol, violence). Il est difficile d’imaginer une violence physique exercée sur le
garant. Toutefois, une violence morale, par le biais d’une contrainte, peut être invoquée par le
garant pour demander la nullité de son engagement. Cette violence morale peut provenir de
toute personne, notamment du donneur d’ordre, sur les instructions duquel le garant et le
contre-garant s’engagent.

158
En effet, aux termes de l’art. 40 al. 1er AUS : « Les garantie et contre-garantie autonomes ne peuvent être
souscrites par les personnes physiques sous peine de nullité ».

76
Quant à l’erreur, elle peut être invoquée quant à la nature de l’engagement souscrit159.
En revanche, l’erreur sur la solvabilité du donneur d’ordre ou du garant de premier rang ne
peut être invoquée en raison de l’indépendance de l’engagement du garant ou du contre-
garant. La cause la plus plausible d’annulation de la garantie est donc le dol, à condition qu’il
émane du cocontractant du garant, c’est-à-dire du bénéficiaire. Ainsi, un dol provenant du
donneur d’ordre ne devrait pas entraîner la nullité de la garantie ou de la contre-garantie
autonomes.

B – La capacité et le pouvoir

193.1 – Capacité - La garantie autonome étant un engagement de payer une somme d’argent,
on exige donc que le garant soit en mesure d’engager son patrimoine160. La capacité requise
du garant est donc celle d’une personne qui soit en mesure d’engager son patrimoine. Il faut
rappeler ici que le garant est nécessairement une personne morale qui sera représentée par une
personne physique ; cette dernière doit avoir le pouvoir de représenter la personne morale.

193.2 – Pouvoir – Pour ce qui est du pouvoir, le garant ou le contre-garant ne peut invoquer
le défaut de pouvoir du représentant de la personne morale donneur d’ordre pour faire annuler
la garantie autonome. Cette solution s’explique par l’autonomie de la garantie ou de la contre-
garantie par rapport au contrat de base.

193.3 – Engagements pris au nom d’une société commerciale - En ce qui concerne les
engagements pris au nom d’une société commerciale, les distinctions opérées au niveau du
cautionnement s’appliquent mutatis mutandis à la garantie et contre-garantie autonomes.

Ainsi, pour qu’une SA avec conseil d’administration puisse garantir les dettes d’un
tiers, il est nécessaire d’obtenir, au préalable, l’autorisation du conseil d’administration selon
l’art. 449 al. 1er AUSCGIE : « Les cautions, avals, garanties et garanties à première demande
souscrits par la société pour des engagements pris par des tiers font l’objet d’une
autorisation préalable du conseil d’administration161 ».

Dans l’hypothèse où c’est une SA avec administrateur général qui veut garantir ou
contre-garantir les dettes d’un donneur d’ordre, tiers à la société, il faut obtenir,
préalablement, l’autorisation de l’assemblée générale ordinaire conformément aux
dispositions de l’art. 506 al. 1er du même acte uniforme : « Les cautions, avals, garanties ou
garantie à première demande donnés par l’administrateur général ou l’administrateur
général adjoint ne sont opposables à la société que s’ils ont été autorisés préalablement par
l’assemblée générale ordinaire, soit d’une manière générale, soit d’une manière spéciale ».

159
On peut penser à l’hypothèse de l’engagement d’une personne qui, pensant souscrire un cautionnement, se
voit impliquer dans une véritable garantie autonome.
160
Cette exigence est applicable au contre-garant dans l’hypothèse d’une contre-garantie autonome.
161
La même solution s’applique lorsqu’il s’agit d’une contre-garantie autonome.

77
Il faut toutefois relever que les garantie et contre-garantie autonomes souscrites par
des entreprises qui ont pour activité habituelle d’octroyer des crédits (banques, établissements
financiers etc.) ne sont pas soumises à cette exigence d’une autorisation préalable. Il faut donc
en conclure que les banques et établissements financiers peuvent se porter garantes ou contre-
garantes sans besoin d’une autorisation préalable. Il s’agit d’une exception au principe de
l’exigence d’une autorisation préalable qui s’explique, par le fait que, pour ces établissements
de crédit, l’octroi de crédit est une activité habituelle qui n’a donc pas besoin d’être
spécialement autorisée. Or, ne l’oublions pas, la garantie autonome et contre-garantie
autonome s’analyse comme un crédit par signature.

194 – Mandat de se porter caution - En ce qui concerne le mandat de se porter garant, il faut
un mandat spécial conformément aux dispositions des art. 1988 et s. du code civil.

C – L’objet de la garantie et contre-garantie autonomes

195 – Obligation monétaire - Par la garantie ou la contre-garantie, le garant ou le contre-


garant, respectivement, s’engage à payer une « somme déterminée au bénéficiaire » ou au
« garant » soit sur première demande soit selon des modalités convenues (Cf. art. 39 AUS).

Ainsi, alors que dans le contrat de cautionnement, l’objet du contrat n’est autre que la
dette du débiteur principal, l’objet de la garantie autonome est le versement d’une somme
d’argent indépendante du contrat de base. Autrement dit, l’objet de l’engagement du garant ou
du contre-garant c’est de payer une somme d’argent à titre d’indemnité si le donneur d’ordre
exécute mal son obligation. Le garant ou le contre-garant ne s’engage pas à se substituer au
donneur d’ordre comme la caution qui s’engage à se substituer au débiteur principal. On dit
ainsi que le garant ou le contre-garant a une dette propre : celle de payer une somme d’argent
à titre d’indemnité alors que la caution n’a pas de dette propre car elle paye celle du débiteur
principal en cas de défaillance de ce dernier.

En somme, alors que l’objet de l’obligation de la caution est le même que celle du
débiteur principal, l’objet de l’obligation du garant ou du contre-garant est différente de celle
du donneur d’ordre. En effet, le donneur d’ordre est tenu d’une obligation de faire alors que le
garant ou le contre-garant est tenu d’une obligation monétaire.

196 – Objet déterminé - L’objet de l’obligation du garant ou du contre-garant doit être


déterminé. Cette exigence de la détermination du montant de la garantie et de la contre-
garantie autonomes résulte des art. 39 et 41 AUS. Ainsi, aux termes de l’al. 1 er de l’art. 41 :
« Les garantie et contre-garantie autonomes ne se présument pas. Elles doivent être
constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité :

- le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie autonome »

L’écrit doit donc contenir le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie


autonomes. En outre, une précision a été fournie par l’al. 2 de l’art. 44 AUS en ce qui
concerne les garanties et contre-garanties « glissantes » ou « réductibles ». Cette disposition
prévoit que : « Les garantie et contre-garantie autonomes peuvent stipuler que le montant de
78
l’engagement sera réduit d’un montant déterminé ou déterminable à des dates précisées ou
contre présentation au garant ou au contre-garant de documents indiqués à cette fin dans
l’engagement ».

197 – Objet licite et moral - De plus, l’objet doit être licite et moral. Ici, on peut appliquer
pareillement les solutions retenues en matière de cautionnement. Il faut toutefois relever que,
dans l’hypothèse d’une garantie ou d’une contre-garantie autonomes, cette exigence de licéité
et de moralité semble facilement remplie dans la mesure où l’objet de l’engagement du garant
ou du contre-garant est le paiement d’une somme d’argent.

En ce qui concerne l’étendue de l’objet de l’obligation du garant ou du contre-garant,


l’art. 44 alinéa 1er dispose que : « Le garant et le contre-garant ne sont obligés qu’à
concurrence de la somme stipulée dans la garantie ou la contre-garantie autonome sous
déduction des paiements antérieurs faits respectivement par le garant ou le contre-garant
conformément aux termes de leur engagement ».

L’article 44 AUS suscité met en relief l’hypothèse de la garantie glissante ou


réductible. N’oublions pas que le garant ou le contre-garant s’est engagé à payer une somme
déterminée « à première demande ou selon des modalités convenues ». Eh bien, la garantie
glissante ou réductible est une modalité de paiement que les parties peuvent prévoir dans leur
convention. Par cette modalité, le garant ou le contre-garant se libère de son engagement, non
en une fois à l’échéance de la garantie, mais à intervalles réguliers et sur, présentation, par le
bénéficiaire ou le garant, des documents prévus à cet effet. Dans cette hypothèse, le montant
du paiement final à l’échéance de la garantie ou de la contre-garantie sera calculé en déduisant
les paiements antérieurs faits par le garant ou le contre-garant.

D – La cause de la garantie et de la contre-garantie autonomes

198 – La controverse autour de la notion de cause - La cause de la garantie autonome a été


un point controversé. La doctrine s’est divisée en deux : pour une partie, la garantie autonome
est un acte abstrait, c’est-à-dire qu’au regard de la rapidité et sécurité des affaires, il ne fallait
pas tenir compte de la cause de l’acte dans un but de protection du créancier. La garantie
autonome serait donc abstraite de sa cause, celle-ci n’étant pas une condition de validité de
celle-là.

Une autre partie de la doctrine estime cependant que la garantie autonome a une cause.
Mais au moment d’identifier cette cause, cette doctrine se scinde en deux. D’une part, celle
qui recherche la cause dans les rapports du garant et du donneur d’ordre et, d’autre part, celle
qui la trouve dans la relation donneur d’ordre-bénéficiaire. Pour la première, le garant
s’engagerait en considération du recours en paiement dont il dispose contre le donneur d’ordre
ainsi que de la rémunération que celui-ci lui versera sous forme de commission. La seconde
estime que le garant s’engage au regard de l’opération commerciale garantie, c’est-à-dire par
rapport au contrat de base.

79
Solution : cause objective de la garantie – La jurisprudence a opté d’abord pour la doctrine
qui soutient que la garantie et contre-garantie autonomes a une cause. Ensuite, dans le débat
relatif à l’identification de la cause, elle prend parti pour la doctrine qui trouve la cause dans
le contrat de base. Ainsi, selon la cour de cassation française162 : « l’engagement d’un garant
à première demande est causé, dès lors que le donneur d’ordre a un intérêt économique à la
conclusion du contrat de base… ».

Pour la cour de cassation française donc, la cause objective de la garantie ou de la


contre-garantie autonomes est dans l’intérêt économique que le donneur d’ordre trouve dans
la conclusion du contrat de base. C’est dire donc que la cause de l’engagement du garant ou
du contre-garant est le contrat de base, c’est-à-dire l’engagement du donneur d’ordre à l’égard
du bénéficiaire. C’est pour garantir la bonne exécution de cette obligation que le garant ou le
contre-garant s’est engagé.

La solution de la cour de cassation française est également celle de l’acte uniforme sur
les sûretés. En effet, selon l’article 41 AUS, parmi les éléments devant figurer dans l’écrit
constatant la garantie et contre-garantie autonomes, il y a : « la convention de base, l’acte ou
le fait, en considération desquels la garantie ou la contre-garantie autonome est émise ».
Ainsi, la convention de base, l’acte ou le fait, en considération desquels la garantie ou la
contre-garantie autonome est émise est la cause de cette garantie. C’est donc la cause
objective qui est complétée par une cause subjective.

199 – Cause subjective - La cause subjective, instrument de défense de l’ordre public et des
bonnes mœurs n’est pas absente du régime de la garantie ou de la contre-garantie autonomes.
Ainsi, un contrat de garantie destiné à permettre l’organisation d’un circuit de contrebande ou
l’établissement d’une entreprise de contrefaçon pourrait être annulé pour cause immorale ou
illicite.

§ 2 – Les conditions de forme de formation de la garantie et contre-garantie


autonomes
200 – Plan - Il faut déterminer les règles de forme stricto sensu (A) et les règles de preuve
(B).

A – Les règles de forme stricto sensu

201 – Caractère solennel de la garantie et contre-garantie autonomes- Dans l’AUS, la


garantie et contre-garantie autonome ont un caractère solennel. En effet, ces actes doivent être
passés par écrit et contenir un certain nombre de mentions à peine de nullité conformément à
l’article 41 AUS163.

162
Cass. Com. 19 avril 2005, JCP 2005.II.10075, note S. Piédelièvre.
163
En effet, aux termes de l’article 41 AUS : « Les garantie et contre-garantie autonomes ne se présument pas.
Elles doivent être constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité :
-la dénomination de garantie ou de contre-garantie autonome ;
80
202- Ecrit, condition de validité - L’écrit est donc voulu comme une condition de validité du
contrat de garantie autonome à la différence du contrat de cautionnement. La garantie
autonome ne peut donc être un contrat verbal.

Si une garantie autonome ne contient pas l’une des mentions exigées par l’article 41,
elle sera nulle. Quelle est alors la nature de cette nullité ? S’agit-il d’une nullité relative ou
absolue ? Sur ce point, des auteurs précisent que : « Sous l’empire de l’AUS de 1997, la
jurisprudence OHADA avait, à diverses reprises, sanctionné de nullité les lettres de
garantie à première demande émises en violation des mentions de l’article 41 précité, sans
qu’il ne soit besoin de faire la preuve d’un quelconque préjudice. Le juge OHADA
consacrait ainsi une nullité absolue du titre de la garantie en cas de non-respect des
mentions de l’article 41. Cette position jurisprudentielle continuera très certainement d’être
de mise avec le nouvel AUS164 ».

La nullité est donc la nullité absolue.

B – Les règles de preuve

203 - Preuve par écrit - La garantie ne peut être prouvée que par l’écrit, ce dernier étant
voulu ad validitatem. Les difficultés de preuve sont ainsi évitées. Le contenu de l’écrit est
précisé par l’article 41 AUS. Quelle est l’utilité de ces mentions ?

La nécessité de ces mentions est utile à plusieurs égards :

- d’abord, l’indication des noms du garant, du bénéficiaire et du donneur d’ordre permet


de distinguer les différentes parties au mécanisme de la garantie autonome et de les
identifier ;

- ensuite, la date d’expiration ou le fait entraînant l’expiration de la garantie est utile


pour contourner la tentation du bénéficiaire de donner un caractère permanent à la
garantie ;

- le nom du donneur d’ordre ;


- le nom du bénéficiaire ;
- le nom du garant ou du contre-garant ;
- la convention de base, l’acte ou le fait, en considération desquels la garantie ou la contre-garantie autonome
est émise ;
- le montant maximum de la garantie ou de la contre-garantie autonome ;
- la date ou le fait entraînant l’expiration de la garantie ;
- les conditions de la demande de paiement, s’il y a lieu ;
- l’impossibilité, pour le garant ou le contre-garant, de bénéficier des exceptions de la caution ».

164
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 154, p. 119.

81
- enfin, l’indication de la mention relative à l’impossibilité, pour le garant ou le contre-
garant, de bénéficier des exceptions de la caution permet de renforcer la rigueur de la
garantie autonome et de la distinguer du cautionnement.

La garantie et la contre-garantie autonomes n’ont pas besoin d’une publicité


particulière et « prennent effet à la date où elles sont émises sauf stipulation d’une prise
d’effet à une date ultérieure » (art. 43 al. 1 AUS).

SECTION 3 : LES EFFETS DE LA GARANTIE ET DE LA CONTRE-


GARANTIE AUTONOMES
204 – Quatre effets principaux - Les effets principaux des garantie et contre-garantie
autonomes sont : l’autonomie, l’inopposabilité des exceptions, l’incessibilité du droit à
garantie et l’irrévocabilité de la garantie.

§ 1 – L’autonomie de la garantie et de la contre-garantie autonomes


L’étude de l’autonomie de la garantie et de la contre-garantie autonomes nécessite
d’affirmer le principe de cette autonomie (A) et d’en voir la portée (B).

A – L’affirmation du principe de l’autonomie

205 – Signification du principe de l’autonome - L’autonomie de la garantie et de la contre-


garantie est prévue par l’al. 2 de l’art. 40 AUS qui dispose que : « Elles (les garantie et
contre-garantie autonomes) créent des engagements autonomes, distincts des conventions,
actes et faits susceptibles d’en constituer la base ».

Le principe de l’autonomie signifie que le garant ou le contre-garant contracte un


engagement juridique nouveau dont l’objet est indépendant de celui du contrat de base. En
effet, l’objet de l’obligation du garant n’est pas celui du donneur d’ordre mais bien le
paiement d’une somme d’argent déterminée de manière directe.

Ainsi, l’indépendance de l’obligation du garant par rapport à celle du bénéficiaire ou


l’indépendance de l’obligation du contre-garant par rapport à celle du garant ou du
bénéficiaire est la pierre angulaire de la notion de garantie autonome. C’est, en effet, cette
autonomie qui permet à la garantie autonome d’être distinguée du cautionnement. Ainsi, la
validité, la durée, l’étendue des obligations résultant du contrat de base n’ont aucune
incidence sur les obligations souscrites par le garant ou le contre-garant.

B – La portée du principe de l’autonomie

206 - Portée limitée du principe de l’autonomie - La règle de l’autonomie de la garantie ou


de la contre-garantie n’est pas absolue. En effet, cette règle n’a pas pour conséquence de
détacher la garantie de tout lien avec le contrat de base qui est sa cause.

L’acte uniforme admet donc des entorses au principe de l’autonomie. Ainsi la règle de
l’autonomie est écartée en cas de fraude ou abus manifestes dans l’appel à la garantie ou à la
82
contre-garantie. En outre, le contrat de base étant la cause de la garantie et de la contre-
garantie autonomes, on peut penser que l’illicéité ou l’immoralité de celui-là entraînerait
l’annulation de celles-ci.

§ 2 – L’inopposabilité des exceptions


Il importe de voir l’affirmation du principe (A) et son étendue (B).

A – Affirmation du principe de l’inopposabilité des exceptions

207 – Elément essentiel de la garantie et contre-garantie autonomes - Selon l’al. 2 de l’art.


40 AUS, la garantie et la contre-garantie autonomes « créent des engagements autonomes,
distincts des conventions, actes et faits susceptibles d’en constituer la base ». Par
conséquent, le contrat doit contenir la mention explicite de « l’impossibilité, pour le garant
ou le contre-garant, de bénéficier des exceptions de la caution » (art. 41 AUS).

Cette affirmation du principe d’inopposabilité des exceptions est l’élément primordial


du régime de la garantie autonome : le garant ne peut opposer aucune exception liée à
l’obligation garantie, c’est-à-dire au contrat de base, pour refuser de payer.

B – L’étendue du principe de l’inopposabilité des exceptions

Cette inopposabilité des exceptions se dédouble. Elle concerne, d’une part, la relation
donneur d’ordre/bénéficiaire (le contrat de base) et, d’autre part, la relation garant/donneur
d’ordre.

208 - Inopposabilité des exceptions tirées du contrat de base - Le contrat de base concerne
la relation donneur d’ordre/bénéficiaire. Le garant ne peut opposer d’exceptions tirées du
contrat de base pour refuser de payer le bénéficiaire. Il en est de même du contre-garant. Qu’il
s’agisse de l’exécution ou de l’inexécution du contrat de base, l’indépendance de
l’engagement du garant lui interdit de s’en prévaloir. Ainsi jugé que le garant ne pouvait
invoquer ni l’exécution du contrat garanti165, ni le fait que son inexécution serait due à un cas
de force majeure ou à une faute du créancier bénéficiaire de la garantie166. De même, le garant
ne saurait arguer de l’extinction de la dette garantie, que ce soit par compensation, confusion,
novation167, par défaut de déclaration de créance dans la procédure collective du débiteur168,
ni de la résiliation ou résolution du contrat de base169.

165
Com. 21 mai 1985, Bull. civ. IV, n° 160.
166
Com. 17 oct. 1984, Bull.civ, IV, n° 265.
167
Voir, en droit français, Paris, 7 nov. 1983, D. 1984, IR. 205.
168
Com. 30 janv. 2001, Bull. civ. IV, n° 25.
169
Paris, 13 févr. 1987, D. 1987, Som. 172, obs. M. Vasseur.

83
209 - Inopposabilité des exceptions tirées de la relation garant/donneur d’ordre - Par
l’effet relatif des contrats, la règle de l’inopposabilité des exceptions trouve à s’appliquer
également à la relation garant/donneur d’ordre. Il s’ensuit que le garant ne peut opposer au
bénéficiaire des exceptions tirées de cette relation.

Pour conclure sur ce point, l’inopposabilité des exceptions s’applique aussi à la contre-
garantie autonome. Ainsi, le contre-garant ne peut opposer au garant ni les exceptions tirées
du contrat de base, ni celles tirées de la garantie autonome ni celles tirées des rapports qu’il
entretient avec le donneur d’ordre.

§ 3 – L’incessibilité du droit à garantie


210 – Précisions - Une fois constituée, la garantie autonome est un droit en faveur du
bénéficiaire. La question se pose alors de savoir si un bénéficiaire, qui ne veut pas attendre
l’échéance de la garantie, peut la céder à un tiers en contrepartie du paiement de la somme
prévue.

La réponse à la question est fournie par l’article 42 AUS qui énonce que : « Sauf
clause ou convention contraire expresse, le droit à garantie du bénéficiaire n’est pas
cessible. Toutefois, l’incessibilité du droit à garantie n’affecte pas le droit du bénéficiaire
de céder tout montant auquel il aurait droit à la suite de la présentation d’une demande
conforme au titre de la garantie ».

De cette disposition, il ressort un principe assorti d’un tempérament. Le principe est


l’incessibilité du droit à garantie et le tempérament est la possibilité d’une cession du droit à
garantie.

A – Le principe de l’incessibilité du droit à garantie

211 – Affirmation du principe – L’affirmation du principe résulte de l’art. 42 AUS. Selon


cette disposition, le droit à garantie du bénéficiaire est incessible à un tiers. Cela signifie que
le bénéficiaire, qui ne veut pas attendre l’échéance de la garantie, ne peut céder le droit qu’il a
sur le garant à un tiers. Il est donc obligé d’attendre l’échéance de la garantie autonome. Cette
incessibilité peut s’expliquer doublement. D’une part, elle peut s’expliquer par le caractère
intuitu personae de la garantie autonome. Cet acte lie un créancier déterminé à un garant tout
aussi déterminé. D’autre part, elle s’explique également par l’autonomie de la garantie par
rapport au contrat de base170.

B – L’exception au principe : la possibilité de la cession du droit à garantie

212 – Règle supplétive - Le principe de l’incessibilité du droit à garantie est une règle
supplétive. Il en résulte qu’elle peut donc être aménagée par les parties171.

170
Ici, il s’agit du refus de la cessibilité du droit à garantie consécutivement à la cession du contrat de base.
171
L’article 42 AUS dit, en effet, « sauf clause ou convention contraire expresse ».

84
En conséquence, celles-ci peuvent décider d’une cessibilité du droit à garantie. Elles
doivent, pour ce faire, insérer une clause de cessibilité dans l’acte de garantie autonome ou
alors conclure, postérieurement au contrat de garantie, une convention de cession qui sera
annexée au contrat de garantie. Par ailleurs, le bénéficiaire doit présenter une demande
conforme au titre de la garantie autonome.

§ 4– L’irrévocabilité de la garantie
213 – Précisions - On sait que le garant et le contre-garant s’engagent envers le bénéficiaire
ou le garant « sur instructions » du donneur d’ordre. La question se pose donc de savoir si ces
instructions peuvent être révoquées.

Par ailleurs, il importe aussi de savoir si, une fois constituées, les garanties autonomes
ou les contre-garanties autonomes sont révocables. La réponse à ces questions est livrée par
l’art. 43 AUS alinéas 2 et 3 qui distinguent selon que la garantie et la contre-garantie
autonomes sont à durée déterminée ou indéterminée.

A - Irrévocabilité de la garantie et de la contre-garantie autonomes à durée déterminée

214 – Réglementation - Aux termes de l’al. 2 de l’art. 43 AUS : « Les instructions du


donneur d’ordre, la garantie et la contre-garantie autonomes sont irrévocables dans le cas
d’une garantie ou d’une contre-garantie autonome à durée déterminée ».

Ainsi si la garantie et la contre-garantie autonomes sont à durée déterminée, le


donneur d’ordre ne peut plus revenir sur ses instructions au garant ou au contre-garant sauf à
engager sa responsabilité. De même, la garantie et la contre-garantie autonomes à durée
déterminée sont irrévocables.

B - Révocabilité de la garantie et de la contre-garantie à durée indéterminée

215 – Réglementation - Selon l’al. 3 de l’art. 43 AUS : « Les garanties ou contre-garanties


autonomes à durée indéterminée peuvent être révoquées par le garant ou le contre-garant
respectivement ».

Ainsi, lorsqu’une garantie autonome est à durée indéterminée, elle peut être révoquée
par le garant. Il en est de même du contre-garant dans l’hypothèse d’une contre-garantie
autonome.

On remarquera que le texte ne reconnaît la faculté de révocation qu’aux seuls


débiteurs : le garant dans la garantie autonome et le contre-garant dans la contre-garantie
autonome à l’exclusion des créanciers : le bénéficiaire dans la garantie autonome et le garant
dans la contre-garantie autonome.

Même si le texte ne le dit pas, on suppose que, pour exercer cette faculté de
révocation, le garant ou le contre-garant doit en informer le bénéficiaire ou le garant
respectivement dans le cadre d’un préavis.

85
SECTION 4- L’APPEL A LA GARANTIE ET A LA CONTRE-
GARANTIE
216 – Précisions - L’appel à la garantie a lieu lorsque le bénéficiaire de la garantie autonome
demande au garant de lui verser la somme convenue. De même, l’appel à la contre-garantie
consiste, pour le garant, à demander au contre-garant de lui payer la somme convenue. Les
deux appels, qui seront étudiés ensemble, sont encadrés par les articles 45 et 46 AUS. Il
ressort de ces dispositions que ces appels doivent être justifiés (§ 1) et que le garant et le
contre-garant doivent avoir une attitude légalement prévue (§ 2).

§ 1 – La justification de l’appel à la garantie ou à la contre-garantie


Deux exigences sont prévues par les textes : l’appel doit être nécessairement fait par
écrit et ses motifs doivent être précisés.

A – La nécessité d’un écrit

217 – Un écrit - L’appel à la garantie doit « résulter d’un écrit du bénéficiaire accompagné
de tout autre document prévu dans la garantie » (art. 45 al. 1er AUS).

Quant à l’appel à la contre-garantie, il doit aussi « résulter d’un écrit du garant » (art.
45 al. 2 AUS).

On constate donc que la demande en paiement doit être faite par écrit. La loi est
muette sur la forme de l’écrit. On en déduit que cette forme importe peu. Ce peut donc être
une lettre, un commandement, une sommation, etc. pourvu que cet écrit soit suffisamment
clair sur son contenu : on demande soit au garant, soit au contre-garant de payer la somme
qu’il s’est engagé à payer.

B – La nécessité de préciser les motifs de l’appel

218 – Le contenu des motifs de l’appel - Le bénéficiaire doit justifier des motifs de son
appel en indiquant « le manquement reproché au donneur d’ordre dans l’exécution de
l’obligation en considération de laquelle la garantie a été souscrite » (art. 45 al. 1 AUS).

Quand il fait appel au garant, le bénéficiaire doit lui notifier le manquement reproché
au donneur d’ordre. Ce manquement peut être de divers ordres : ce peut être le retard dans la
livraison du marché, ou la mauvaise exécution du marché, etc.

De même, lors de l’appel à la contre-garantie, l’écrit émanant du garant doit


mentionner « que le garant a reçu une demande de paiement émanant du bénéficiaire et
conforme aux stipulations de la garantie » (art. 45 al. 2 AUS). Ici, le motif du garant qui fait
appel au contre-garant est différent de celui du bénéficiaire faisant appel au garant. Le garant
qui fait appel au contre-garant doit simplement notifier à ce dernier qu’il lui fait appel parce
qu’il a lui-même reçu une demande en paiement provenant du bénéficiaire et conforme aux
clauses de la garantie.

86
En tout état de cause, « toute demande de paiement doit être conforme aux termes de
la garantie ou de la contre-garantie autonome au titre de laquelle elle est effectuée et doit,
sauf clause contraire, être présentée au lieu d’émission de la garantie autonome ou, en cas de
contre-garantie, au lieu d’émission de la contre-garantie autonome » (art. 45 al. 3 AUS).

§ 2 – L’attitude du garant et du contre-garant


219 – Double obligation - Le garant et le contre-garant doivent exécuter deux types
d’obligations : celle d’apprécier la conformité de la demande et celle d’informer le donneur
d’ordre.

A – L’obligation d’appréciation de la conformité de la demande en paiement

220 - Conformité de la demande en paiement à la garantie ou à la contre-garantie


autonome- Le garant, dans la garantie autonome et le contre-garant dans la contre-garantie
autonome, doivent procéder à l’examen de « la conformité de la demande en paiement aux
termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome172 ».

Il ne s’agit pas de mettre à la charge du garant une obligation de vérification de


l’exécution du contrat de base, le garant étant simplement tenu de s’enquérir de la conformité
des documents au contrat de garantie. Son appréciation est donc limitée à la matérialité des
documents et ne peut pas porter sur la véracité ou le contenu des documents.

Cette obligation à la charge du garant ou du contre-garant doit être accomplie dans le


délai de « cinq jours ouvrés » à partir de la réception de la demande.

B – L’obligation d’information du donneur d’ordre

221 – Contenu de cette information - Après examen de la demande, le garant doit informer
le donneur d’ordre de l’appel en garantie. Cette information se fait par la transmission, par le
garant, d’un certain nombre de documents au donneur d’ordre. En effet, aux termes de l’al. 2
de l’article 46 AUS, « le garant doit transmettre une copie de la demande du bénéficiaire et
tous documents accompagnant celle-ci au donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie,
au contre-garant, à charge pour ce dernier de les transmettre au donneur d’ordre ».

En outre, « le garant doit aviser le donneur d’ordre ou, en cas de contre-garantie, le


contre-garant, qui en avisera le donneur d’ordre, de toute réduction du montant de la
garantie et de tout acte ou événement mettant fin à celle-ci autre qu’une date de fin de
validité » (art. 46 al. 3 AUS).

L’obligation d’information a pour but de permettre au donneur d’ordre de s’entourer


de toutes les garanties possibles et aussi, de préparer éventuellement ses recours. Il semble
que cette obligation d’information est contenue dans le même délai de « cinq jours ouvrés »
prévu par l’al. 1 de l’art. 46 AUS.

172
Cf. art. 46 al.1 AUS.

87
SECTION 5 – LE DEVELOPPEMENT DE LA GARANTIE ET DE LA
CONTRE-GARANTIE AUTONOMES
222 – Plan - Le développement de la garantie nécessite de s’intéresser au paiement du garant
ou du contre-garant (§ 1) et aux recours après paiement (§ 2).

§ 1 – Le paiement du garant
223 – Plan - Il est utile d’envisager, non seulement l’obligation de payer (A) mais aussi la
possibilité d’un refus de payer (B).

A – L’obligation de payer

224 – Paiement libératoire- L’obligation de payer est l’accomplissement de l’engagement du


garant ou du contre-garant. En effet, le garant s’était engagé à payer une somme déterminée
au bénéficiaire et le contre-garant, une somme déterminée au garant. Toutefois, pour être
libératoire, le paiement doit être fait « conformément aux termes de la garantie ou de la
contre-garantie autonome » (art. 48 AUS).

Ainsi jugé qu’effectuait un mauvais paiement qui l’obligeait à remboursement et à


dommages-intérêts, le garant qui, dès réception de la demande en paiement du bénéficiaire,
remettait les fonds à celui-ci sans transmettre la demande au donneur d’ordre173.

B – Le refus de payer

225 – Deux formes – Le refus de payer peut prendre deux formes : soit le rejet de la demande
de paiement par le garant ou le contre-garant, soit la défense de payer adressée par le donneur
d’ordre au garant ou au contre-garant.

225.1 - Le rejet de la demande en paiement par le garant ou le contre-garant - Lorsque,


après examen, le garant ou le contre-garant constate le défaut de conformité de la demande
avec les stipulations de la garantie ou de la contre-garantie, ils peuvent rejeter la demande en
paiement « à condition de notifier au bénéficiaire, ou en cas de contre-garantie, au garant,
au plus tard à l’expiration de ce délai, l’ensemble des irrégularités qui motivent ce rejet »
(art. 46 al. 1 AUS). Ce rejet correspond à un refus de payer la somme garantie, du moins tant
que les irrégularités qui motivent le rejet n’auront pas été corrigées.

225.2 - La défense de payer adressée par le donneur d’ordre au garant et par le contre-
garant au garant - Aux termes de l’art. 47 al. 1 AUS : « le donneur d’ordre ne peut faire
défense de payer au garant que si la demande de paiement du bénéficiaire est
manifestement abusive ou frauduleuse. Le contre-garant dispose à l’encontre du garant de
la même faculté dans les mêmes conditions ».

173
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 184 du 21 févr. 2003, SIB c/ Société Coreca, www.ohada.com, Ohadata J-
05-126.

88
Cette défense de payer est restrictivement encadrée par l’AUS. Ainsi, elle n’est
possible qu’en cas de « demande manifestement abusive ou frauduleuse » de la demande en
paiement du bénéficiaire. Il peut être utile de saisir les notions d’abus ou de fraude manifestes.

226 – Abus de droit - Planiol écrivait déjà « là où il y a abus de droit, il n’y a plus de
droit ». Classiquement, l’abus de droit est un détournement du droit de sa finalité supposant
l’existence d’un droit dont le titulaire en fait un usage anormal, créant à autrui un préjudice.
Dans le cas de la garantie autonome, le droit en cause est le contrat de base, l’abus résultant
d’un appel en garantie alors que le donneur d’ordre ne doit plus rien au bénéficiaire, le risque
garanti n’existant plus.

227 – Fraude - Selon la maxime « la fraude corrompt tout » ; elle suppose l’utilisation ou le
détournement d’une règle de droit pour acquérir un droit dont on est normalement privé. La
fraude suppose, par conséquent, des manœuvres de la part du bénéficiaire.

Ainsi, traditionnellement, la fraude se caractérise par l’intention de nuire alors que


l’abus de droit suppose simplement la conscience de causer un préjudice à autrui.

228 – Caractère manifeste de la fraude et de l’abus - On exige que la fraude et l’abus


soient manifestes, c’est-à-dire qu’ils doivent être « irréfutables ». On a parlé de fraude « qui
crève les yeux ».

229 - Hypothèses de fraude - La fraude est reconnue lorsque l’appel a des motifs autres que
ceux qui doivent présider à la mise en jeu de la garantie. Ainsi, en est-il de l’appel fait par le
bénéficiaire pour obtenir une réfaction du prix alors que les marchandises ont été déjà
livrées174. Il y a encore fraude à appeler une garantie après en avoir cédé le bénéfice mais
avant d’avoir signifié cette cession… qui était interdite par la garantie175.

230 - Hypothèses d’abus - Il y a appel manifestement abusif lorsque la garantie est appelée
au titre d’un contrat de base qui n’est pas celui pour lequel elle avait été consentie176 ; il y a
également appel manifestement abusif lorsque l’appelant avait auparavant renoncé à la
garantie177. Dans toutes les hypothèses d’abus, les juges se contentent de constater que
l’appelant savait qu’il n’avait aucun droit à la garantie.

Cependant, généralement, dans la jurisprudence, fraude et abus sont assimilés.


L’emploi de la préposition « ou » par l’art. 47 al. 1 AUS manifeste cette option.

174
CA Paris, 18 nov. 1986, SA BFCE c/ SA Thirode, D. 1998.
175
Cass. Com. 6 nov. 1990, Bull. civ. IV, n° 258, D. 1991, jur. P. 109
176
Cass. Com. 18 avril 2000.
177
Tb commerce de Paris, 14 déc. 1990, SA Francap Technique c/ Bank of credit and commerce international et
autres, D. 1991, somm. P. 201, obs. Vasseur.

89
231 – Défense de payer au contre-garant - La défense de payer adressée par le donneur
d’ordre au contre-garant : cette défense ne peut prospérer que « si le garant savait ou aurait
dû savoir que la demande de paiement du bénéficiaire avait un caractère manifestement
abusif ou frauduleux » (art. 47 al. 2 AUS).

§ 2 – Les recours après paiement


232 – Plan - Il y a lieu de distinguer les recours du garant et du contre-garant (A) de ceux du
donneur d’ordre et du bénéficiaire (B).

A – Les recours du garant et du contre-garant

233 - Recours contre le donneur d’ordre et contre le bénéficiaire – Les recours du garant
et du contre-garant sont au nombre de deux : les recours contre le donneur d’ordre et les
recours contre le bénéficiaire.

234 - Les recours contre le donneur d’ordre - Aux termes de l’art. 48 AUS : « le garant ou
le contre-garant qui a fait un paiement conformément aux termes de la garantie ou de la
contre-garantie autonome dispose des mêmes recours que la caution contre le donneur
d’ordre ».

L’assimilation faite par ce texte avec les recours de la caution indique que le garant ou
le contre-garant dispose à la fois, d’un recours personnel et d’un recours subrogatoire.
Toutefois, l’exercice de ces recours est soumis au respect de certaines conditions.

235 - Conditions du recours - Le garant ou le contre-garant doit avoir fait un paiement


conforme « aux termes de la garantie ou de la contre-garantie autonome ». Le paiement
conforme aux termes de la garantie ou de la contre-garantie est celui qui est fait par écrit et à
première demande ou selon d’autres modalités convenues. Ce paiement est aussi fait sur
présentation des documents exigés par la garantie autonome.

236 – Premier type de recours : le recours personnel - Le garant ou le contre-garant


dispose d’un recours personnel contre le donneur d’ordre. En effet, c’est sur l’ordre du
donneur d’ordre que le garant ou le contre-garant s’est engagé à payer une somme déterminée
au bénéficiaire ou au garant en cas de réalisation d’un risque précisé dans le contrat les
unissant. Il est alors admis, qu’au titre de cette relation contractuelle, le garant (ou le contre-
garant) peut se retourner contre son donneur d’ordre en vue de demander le remboursement
des sommes payées au bénéficiaire en principal, intérêts et frais.

237 – Deuxième type de recours : le recours subrogatoire - Le garant (ou le contre-garant)


dispose ensuite d’un recours subrogatoire contre son donneur d’ordre. En effet, bien que les
conditions de l’art. 1251.3e du c.civ. ne soient pas réunies, garant et donneur d’ordre n’étant
pas tenus à la même dette, la jurisprudence admet classiquement que « celui qui s’acquitte
d’une dette qui lui est personnelle peut néanmoins prétendre bénéficier de la subrogation s’il

90
a, par son paiement, libéré envers leur créancier commun ceux sur qui doit peser la charge
définitive de la dette178 »

238 – Le recours contre le bénéficiaire - Outre le recours contre le donneur d’ordre, il est
admis que le garant peut agir, selon le droit commun, contre le bénéficiaire qui lui a causé un
préjudice par sa faute dans l’exécution du contrat qui les lie. Il s’agit d’une action en
restitution ou indemnisation des sommes versées au titre d’une mise en jeu injustifiée de la
garantie ou de la contre-garantie. Ainsi, il est admis que le garant qui paie sa propre dette peut
exercer, par l’action oblique, le recours que le donneur d’ordre négligerait d’exercer. De
même, en cas de fraude ou d’abus manifestes, le garant peut, sur le fondement de
l’inexécution du contrat de base, demander la restitution de ce qu’il a dû verser en exécution
de son engagement autonome179.

B – Les recours du donneur d’ordre et du bénéficiaire

239 – Recours généralement reconnus - Quoique ces recours ne soient pas expressément
prévus par l’acte uniforme, ils sont généralement reconnus.

240 - Recours du donneur d’ordre - Le donneur d’ordre dispose de recours contre le


bénéficiaire et, éventuellement, contre le garant ou le contre-garant.

240.1 - Contre le bénéficiaire - Dans la première hypothèse, le donneur d’ordre a un recours


contre le bénéficiaire dès lors que ce dernier aura reçu un paiement indu, le risque couvert
n’étant pas réalisé.

Le fondement de ce recours réside dans le contrat de base, mais le donneur d’ordre


aura la charge de la preuve de l’imputabilité de son inexécution, sans avoir à rapporter celle
d’un abus ou d’une fraude. En effet, il a été jugé que « le donneur d’ordre d’une garantie à
première demande est recevable à demander la restitution de son montant au bénéficiaire, à
charge pour lui d’établir que celui-ci en a reçu indûment le paiement, par la preuve de
l’exécution de ses obligations contractuelles, ou par celle de l’imputabilité de l’inexécution
du contrat à la faute du cocontractant bénéficiaire de la garantie, ou par la nullité du
contrat de base, et ce sans avoir à justifier d’une fraude ou d’un abus manifeste, comme en
cas d’opposition préventive à l’exécution de la garantie par le garant180 ».

240.2 - Contre le garant ou le contre-garant - Le donneur d’ordre dispose également de


recours contre le garant ou le contre-garant qui paie en dépit d’une défense formelle qu’il leur
a faite. Il s’agit d’une action en responsabilité afin de se faire indemniser de son préjudice. Le

178
Civ. 1ère, 23 févr. 1988, Bull. Civ. I, n° 50.
179
Cass. com. 4 juil. 2006, n° 04-19.577, Bull. civ. IV, n° 164.
180
Cass. com. 7 juin 1994, Bull. civ. IV, n° 202.

91
garant ou le contre-garant qui aura payé l’a alors fait à ses risques et périls et s’expose
conséquemment à indemniser le donneur d’ordre181.

241 - Recours du bénéficiaire - En vertu du contrat de garantie, le bénéficiaire dispose d’un


recours en responsabilité contre le garant en cas de refus d’exécution de la garantie
nonobstant la présentation d’une demande et de documents conformes aux stipulations de la
garantie. De même, le bénéficiaire dispose d’un recours contre le garant en cas de retard dans
l’exécution de la garantie, le retard étant nuisible à la rigueur de la lettre de garantie.

SECTION 6 – L’EXTINCTION DE LA GARANTIE ET DE LA CONTRE-


GARANTIE AUTONOMES
242 – Plan - La garantie autonome s’éteint normalement avec le paiement de la garantie.
Outre cette hypothèse, l’extinction de la garantie est tantôt liée à la durée du contrat de
garantie (§ 1) tantôt indifférent à celle-ci (§ 2).

§ 1 – L’extinction liée à la durée du contrat


243 – Plan - La garantie autonome peut être à durée déterminée ou à durée indéterminée.
Cette distinction aura un effet sur le dénouement de la garantie autonome.

A – Extinction de la garantie et de la contre-garantie autonomes à durée déterminée

244 - Garantie à durée déterminée – Pour que la garantie ou la contre-garantie soit à durée
déterminée, il faut que la date d’expiration ou le fait entraînant cette expiration soient
clairement identifiés dans le contrat de garantie. Par conséquent, l’arrivée du terme entraîne
l’extinction immédiate de la garantie182. Ainsi, vue l’indépendance de l’engagement du
garant, si à l’arrivée du terme, le garant n’a pas payé la somme convenue, celle-ci n’est plus
due ; un appel à la garantie après l’arrivée du terme n’est donc pas possible, le contrat ayant
expiré. En revanche, si la garantie a été appelée avant l’arrivée du terme, le bénéficiaire
pourra réclamer le versement de la somme convenue malgré l’expiration du contrat.

B – Extinction de la garantie et de la contre-garantie à durée indéterminée

245 – Révocation unilatérale - Lorsque la garantie ou la contre-garantie autonome est à


durée indéterminée, elle peut être unilatéralement révoquée par le garant ou le contre-garant.
Cette révocation mettra fin à la garantie ou à la contre-garantie autonome.

Il faut tout de même préciser, qu’en général, la révocation sera précédée d’une période
de préavis adressée par le garant au bénéficiaire ou par le contre-garant au garant.

181
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 184 du 21 févr. 2003, SIB c/ Société Coreca, www.ohada.com, Ohadata J-
05-126.
182
En effet, aux termes de l’art. 49 AUS : « la garantie ou la contre-garantie autonome cesse : - soit au jour
calendaire spécifié ou à l’expiration du délai prévu… ».

92
§ 2 – L’extinction indifférente à la durée du contrat
246 – Plan - Il faut distinguer les causes d’extinction écartées (A) de celles admises (B).

A – Les causes d’extinction écartées

247 – Contenu - Toutes les causes d’extinctions liées au contrat de base sont écartées en
raison du principe de l’inopposabilité des exceptions. Ce principe de l’inopposabilité des
exceptions est lui-même le corollaire de l’autonomie de la garantie et de la contre-garantie
autonomes.

B – Les causes d’extinction admises

248 - Réglementation – Ces causes sont prévues par l’art. 49 AUS aux termes duquel : « la
garantie ou la contre-garantie cesse :

- ….. ;

- soit à la présentation au garant ou au contre-garant des documents libératoires


spécifiés dans la garantie ou la contre-garantie autonome ;

- soit sur déclaration écrite du bénéficiaire libérant le garant de son obligation au


titre de la garantie autonome ou déclaration écrite du garant libérant le contre-garant de
son obligation au titre de la contre-garantie autonome ».

Outre ces causes prévues par l’acte uniforme en son art. 49, on peut en relever
d’autres. Il en est ainsi en cas de transmission du contrat de base. La question se pose de la
transmissibilité de la garantie en même temps que la créance principale : la garantie autonome
doit-elle suivre le sort de l’obligation garantie et être transmise au cessionnaire du contrat
garanti ? La réponse est fournie par l’art. 42 AUS : « sauf clause ou convention contraire
expresse, le droit à garantie du bénéficiaire n’est pas cessible. Toutefois, l’incessibilité du
droit à garantie n’affecte pas le droit du bénéficiaire de céder tout montant auquel il aurait
droit à la suite de la présentation d’une demande conforme au titre de la garantie ». Cette
formulation tranche avec celle de l’art. 31 de l’ancien AUS : « sauf clause contraire expresse,
le droit à garantie du bénéficiaire n’est pas cessible. Toutefois, l’incessibilité du droit à
garantie n’affecte pas le droit du bénéficiaire de céder tout montant auquel il aurait droit en
vertu du rapport de base ».

249 – Enseignements - De ces dispositions, il ressort un principe et une exception. Le


principe : c’est l’incessibilité du droit à garantie en raison de l’autonomie de la garantie,
détachée de la créance principale ainsi que du caractère intuitu personae de l’engagement du
garant. Ainsi, la cession de l’obligation principale en considération de laquelle le garant s’est
engagé à verser une somme d’argent au bénéficiaire entraîne l’extinction de la garantie
autonome.

Exception : toutefois, cette incessibilité n’est pas d’ordre public et rien n’interdit aux parties
de prévoir la cessibilité (l’art. 42 dit : « sauf clause ou convention contraire expresse »). Ainsi,
93
le bénéficiaire « pourrait céder tout montant auquel il aurait droit à la suite de la présentation
d’une demande conforme au titre de la garantie ».

La solution devrait être la même en cas de décès ou de fusion-absorption du bénéficiaire.

94
DEUXIEME PARTIE

LES SURETES REELLES

95
250 – Définition sûretés réelles – Les sûretés réelles sont définies par l’article 4 al. 2 AUS
qui dispose que : « … Elles (les sûretés réelles) consistent soit dans le droit du créancier de
se faire payer par préférence sur le prix de réalisation d’un bien affecté à la garantie de
l’obligation de son débiteur, soit dans le droit de recouvrer la libre disposition d’un bien
dont il est propriétaire à titre de garantie de cette obligation ». On constate que cette
disposition définit la sûreté réelle au regard des effets qu’elle produit. En effet, la sûreté réelle
octroie, d’abord, au créancier un droit de préférence auquel il faut adjoindre un droit de suite ;
ensuite, certaines sûretés réelles offrent au créancier, à titre de garantie, un droit de propriété
sur le bien affecté à la garantie de l’obligation du débiteur.

Toutefois, cette définition doit être complétée par une autre qualité des sûretés réelles ;
c’est que, certaines d’entre elles, offre au créancier une situation d’exclusivité sur le bien
grevé.

251 – Droit de préférence- Droit de suite – Les sûretés réelles confèrent au créancier sur le
ou les biens grevés un droit réel. Le droit réel est celui qui confère à son titulaire un pouvoir
direct et immédiat sur une chose. Plus précisément, une sûreté réelle est un droit réel
accessoire, c’est-à-dire un droit qui a pour fonction d’améliorer la situation d’un créancier
face au risque d’insolvabilité de son débiteur. Le droit réel confère au créancier un droit de
préférence et un droit de suite. Le droit de préférence est le « droit pour certains créanciers
d’échapper au concours des autres créanciers (ou de certaines catégories de créanciers)
dans la distribution du prix de vente des biens du débiteur et d’être payés avant ceux
auxquels ils sont préférés183 ». Le droit de préférence donne donc, au créancier, la possibilité
d’avoir la priorité sur d’autres créanciers et d’être payé avant eux sur le prix de réalisation du
bien grevé. Quant au droit de suite, il est un « attribut du droit réel permettant au titulaire de
celui-ci de saisir le bien grevé du droit en quelque main qu’il se trouve184 ». Le droit de suite
permet donc au créancier de suivre le bien objet de sa sûreté et de pouvoir le saisir dans les
mains d’un tiers acquéreur.

252 – Droit de propriété – Certaines sûretés réelles offrent au créancier un droit plus fort
qu’un droit de préférence ou un droit de suite. Elles lui offrent directement un droit de
propriété. Cela signifie que, tout le temps que dure la sûreté, le créancier privilégié est
propriétaire du bien grevé. Toutefois, il ne s’agit pas d’une propriété définitive mais d’une
propriété à titre de garantie. Ainsi, si à l’échéance, le débiteur est défaillant, le créancier
pourra acquérir la propriété définitive du bien. Dans le cas contraire, c’est-à-dire si le débiteur
s’acquitte de sa dette, il reprendra la propriété de son bien.

253 – Situation d’exclusivité – Enfin d’autres sûretés réelles offrent à leur titulaire une
situation d’exclusivité sur le bien grevé. Cette situation d’exclusivité a un effet plus fort que
celui d’un droit de préférence. En effet, le droit de préférence suppose l’existence d’un

183
CORNU (G.), op. cit., V° Préférence (droit de), p. 692.
184
Idem, V° Suite (droit de), p. 881.

96
concours de créanciers et ce droit donne à son titulaire un rang prioritaire sur les autres
créanciers alors que la situation d’exclusivité exclut le concours d’autres créanciers et permet
au créancier privilégié de posséder, sur le bien grevé, un droit opposable à tous. Il en est ainsi
du droit de rétention.

254 – Sûretés personnelles – Sûretés réelles – Les sûretés réelles se distinguent


fondamentalement des sûretés réelles. En effet, alors que celles-ci n’offrent au créancier
qu’un droit personnel contre une personne autre que le débiteur principal, celles-là offrent à
leur titulaire un droit sur une chose, c’est-à-dire un droit direct sur le bien grevé. Cela dit,
peut-on affirmer que les sûretés réelles sont supérieures aux sûretés personnelles ? A la vérité,
on ne peut répondre vraiment à cette question. En effet, chaque type de sûreté a ses qualités et
il n’est pas démontré que les sûretés réelles soient plus efficaces que les sûretés personnelles
et vice versa. Ainsi qu’on l’a relevé, à juste titre, « il n’y a donc pas de hiérarchie entre ces
diverses techniques, ce qui explique que le créancier qui dispose de l’une et l’autre de ces
sûretés n’est pas tenu de choisir entre elles et qu’il peut mettre en œuvre indifféremment l’une
ou l’autre185 ».

255 – Classification – Les sûretés réelles sont nombreuses et disparates. C’est pourquoi, elles
méritent d’être classées selon plusieurs critères.

Sur le critère de l’assiette de la sûreté, on distingue les sûretés réelles mobilières et les
sûretés réelles immobilières. Les premières grèvent des biens meubles quand les secondes
portent sur des immeubles.

Sur le critère de la technique d’affectation du bien en garantie, on distingue les sûretés


avec dépossession (ex : le droit de rétention) et les sûretés sans dépossession (ex : les
nantissements).

Sur le critère de la nature du bien objet de la sûreté, on constate qu’il y a des sûretés
qui grèvent des biens mobiliers corporels (ex : le gage) et d’autres qui grèvent des biens
mobiliers incorporels (ex : les nantissements).

Sur le critère de la source, certaines sûretés réelles sont conventionnelles (ex : la


cession de créance à titre de garantie), d’autres légales (ex : les privilèges), d’autres encore
judiciaires (ex : hypothèque judiciaire, et d’autres enfin relèvent de l’initiative personnelle du
créancier (ex : le droit de rétention).

Enfin, sur le critère de la personne du constituant, on constate que sûreté réelle peut
être fournie par le débiteur du créancier ou par un tiers, c’est-à-dire une personne qui n’est pas
débitrice du créancier mais affecte son bien en garantie de la dette du débiteur du créancier.
La garantie fournie dans la seconde hypothèse est qualifiée de cautionnement réel.

185
SIMLER (Ph.) et DELEBECQUE (Ph.), op. cit., n° 351, p. 315).

97
256 – Summa divisio – Cela dit, la summa divisio des sûretés réelles est celle fondée sur
l’assiette de la sûreté et classifie les sûretés réelles en sûretés réelles mobilières et sûretés
réelles immobilières.

257 – Plan – On étudiera successivement les sûretés réelles mobilières (Titre 1) et les sûretés
réelles immobilières (Titre 2).

98
TITRE I

LES SURETES REELLES


MOBILIERES

99
258 - Notion – Les sûretés réelles mobilières sont celles qui grèvent un bien meuble. Cela
signifie que, pour garantir la dette du débiteur, le débiteur lui-même ou un tiers, affecte, au
bénéfice du créancier, un ou plusieurs de ses biens meubles.

259 – Diversité des sûretés mobilières – Les sûretés mobilières sont nombreuses. Dans
l’espace juridique OHADA, les sûretés mobilières sont listées par l’article 50 AUS dont l’al. 1
dispose que : « Les sûretés mobilières sont : le droit de rétention, la propriété retenue ou
cédée à titre de garantie, le gage de meubles corporels, le nantissement de meubles
incorporels et les privilèges ».

260 – Plan – Les sûretés réelles mobilières peuvent porter sur des biens corporels ou sur le
droit de propriété (Sous-titre 1) ou incorporels (sous-titre 2). Par ailleurs, il importe
d’analyser, à part, les privilèges (sous-titre 3).

100
SOUS- TITRE I

LES SURETES REELLES


MOBILIERES
SUR DES BIENS MEUBLES
CORPORELS ET SUR LE DROIT
DE PROPRIETE

101
Il y a lieu de distinguer les sûretés mobilières portant sur des meubles corporels et les
sûretés portant sur la propriété. Les premières sont principalement le droit de rétention et le
gage.

Nous analyserons donc, dans un chapitre 1, le droit de rétention, ensuite, dans un


chapitre 2, le gage de meubles corporels et dans un chapitre 3, les sûretés portant sur le droit
de propriété encore dénommées propriété-sûreté.

102
CHAPITRE I
LE DROIT DE RETENTION186

261 – Présentation - Le droit de rétention est la possibilité offerte à un créancier détenant le


bien de son débiteur, de lui en refuser la restitution à défaut de paiement de l’intégralité de sa
créance.

A l’origine, ce droit n’existait dans le code civil qu’à l’état parcellaire. En effet, seules
quelques dispositions éparses reconnaissaient son existence dans des situations contractuelles
ou extracontractuelles. Ainsi, en matière de contrat de dépôt, l’art. 1948 du code civil admet
que « le dépositaire peut retenir le dépôt jusqu’à l’entier payement de ce qui lui est dû à
raison du dépôt ». De même, en cas de vente au comptant, l’art. 1612 du même code dispose
que « le vendeur n’est pas tenu de délivrer la chose, si l’acheteur n’en paye pas le prix, et
que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le payement ». De même encore,
l’acquéreur d’un bien meuble perdu ou volé qui, dès lors qu’il l’a acheté dans les conditions
de l’art. 2280 al. 1er du c.civ, a le droit de le conserver tant que le propriétaire n’aura pas
remboursé le prix qu’il lui a coûté.

Prenant acte de ces réglementations ponctuelles, le législateur communautaire a


consacré le droit de rétention dans les art. 41 à 43 AUS du 1er avril 1997. Cet acte avait fait du
droit de rétention une sûreté autonome et directe, une véritable sûreté réelle. Dans le cadre de
la réforme des sûretés OHADA, le droit de rétention a été fortement remanié.

262 – Définition – Le droit de rétention n’est pas expressément défini par le législateur.
Toutefois, de l’article 67 AUS187, on déduit que le droit de rétention est le droit reconnu à
un créancier qui détient légitimement un bien de son débiteur de le retenir jusqu’au
complet paiement de ce qui lui est dû.

263 - Plan - Il importe d’analyser les conditions d’exercice du droit de rétention (section 1)
ainsi que ses effets et son extinction (section 2).

186
Le droit de rétention porte sans aucun doute sur des meubles corporels. D’où son inclusion dans l’étude des
sûretés mobilières sur meubles corporels. Toutefois l’exercice d’un droit de rétention sur un meuble incorporel
est possible. L’inclusion du droit de rétention dans la partie relative aux sûretés sur meubles corporels est donc
arbitraire mais se justifie par des raisons pédagogiques.
187
Aux termes de cet article: « le créancier qui détient légitimement un bien mobilier de son débiteur peut le
retenir jusqu’au complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté, sous réserve de
l’application de l’art. 107 al. 2 du présent acte uniforme »

103
SECTION 1 : LES CONDITIONS D’EXERCICE DU DROIT DE
RETENTION
264 – Conditions relatives à la détention- Conditions relatives à la créance et à la
rétention - L’exercice du droit de rétention suppose donc la réunion de certaines conditions
relatives tant à la détention (§1) qu’à la créance et à la rétention (§2).

§1 – Les conditions relatives à la détention


265 – Plan - Selon un aphorisme célèbre de MM. Marty, Raynaud et Jestaz, « pour retenir, il
faut d’abord tenir ». Quoique cet aphorisme soit éclairant, il convient tout de même de
s’intéresser à l’objet de la détention (A) avant d’en envisager la notion et les caractéristiques
(B).

A – L’objet de la détention

266 – Détermination physique – Détermination juridique - L’objet du droit de rétention


suppose de s’attarder sur sa détermination physique et juridique.

267 - Détermination physique - La chose retenue ne peut être qu’une chose mobilière. La
solution, admise dans l’ancien AUS, est sans équivoque dans le nouvel AUS, l’art. 67 parlant
de la détention d’un « bien mobilier » du débiteur. Indéniablement, le droit de rétention porte
sur un bien corporel, c’est-à-dire un bien susceptible de subir un pouvoir matériel.
Cependant, le créancier peut disposer d’un droit de rétention fictif. C’est notamment le cas en
matière de gage d’un véhicule automobile assujetti à une déclaration de mise en circulation et
à administration administrative où « le gage doit être mentionné sur le titre administratif
portant autorisation de circuler et immatriculation ». C’est donc ce titre qui est en quelque
sorte détenu alors même que le véhicule circule.

Par ailleurs, sur certains biens dits « mixtes » parce qu’à la fois corporels et
incorporels, un droit de rétention a aussi été reconnu. Tel est le cas des fichiers sur bandes
magnétiques188: dans ce cas, même si la détention porte matériellement sur le support, le droit
de rétention concerne aussi le bien incorporel.

268 - Détermination juridique - Le bien retenu doit –il être nécessairement hors du
commerce ? La question est d’importance. En effet, on enseigne ordinairement que « le bien
meuble ne peut être retenu que s’il est dans le commerce juridique189 ». Cette argumentation
est pertinente et il y a lieu de la maintenir. Le droit de rétention ne peut donc porter sur des
biens hors du commerce. Ainsi, le droit de rétention ne peut être exercé sur une partie du
corps humain ou sur la prothèse dentaire d’un patient190.

188
Cf. en droit français, Com. 8 févr. 1994, Bull. civ. N° 56.
189
ISSA-SAYEGH (J.), Sûretés OHADA, éd. Bruylant 2002, n° 174 p. 69.
190
Cf. en droit français, Civ. 1ère, 11 déc. 1985, Bull. civ. I, n° 348).

104
B – Notion et caractéristiques de la détention

269 - Notion de détention - Par essence, la détention est précaire, c’est-à-dire que le
détenteur exerce un pouvoir de fait sur la chose, tout en sachant pertinemment qu’il n’en est
pas propriétaire. A la différence du possesseur qui a le corpus et l’animus, c’est à dire la
maîtrise de la chose et la volonté de se comporter en véritable propriétaire, le détenteur n’a
que le corpus. C’est précisément parce qu’il n’a que le corpus que le détenteur exercera son
droit de rétention dans le but de faire pression sur le propriétaire de la chose détenue afin que
ce dernier lui règle sa créance. Cela dit, la détention ne suppose pas nécessairement que la
chose soit physiquement entre les mains du créancier. Il est possible en effet d’être détenteur
alieno corpore, c’est-à-dire par l’intermédiaire d’un autre qui détient la chose pour le compte
du créancier. Inversement, celui qui se dessaisit volontairement du bien perd son droit de
rétention.

270 - Caractéristiques de la détention - En plus d’être effective, la détention doit être


régulière ou légitime ; cela signifie que la détention du créancier doit être exempte de vices.
En d’autres termes, le créancier doit être entré en possession du bien légitimement, c’est-à-
dire en l’absence de fraude, de faute ou de violence. Cela signifie en premier lieu que sa
détention peut provenir d’un dessaisissement volontaire (dépôt de la chose) ou accidentel du
débiteur entre ses mains.

On enseigne également que le détenteur doit être de bonne foi dans sa rétention. Ainsi,
il ne le serait pas s’il usait de manœuvres dolosives pour recouvrer la détention d’un bien qu’il
a antérieurement restitué au débiteur ou s’il invoquait le droit de rétention alors même qu’il a
consenti un crédit au débiteur…

§ 2 – Les conditions relatives à la créance et à la rétention


271 – Plan - Il y a lieu de distinguer les conditions relatives à la créance (A) de celles
relatives à la rétention (B).

A – Les conditions relatives à la créance

272 – Caractères de la créance – Détention de la chose - La créance doit respecter certains


caractères (1) et être liée à la détention de la chose (2).

273 - Caractères de la créance - Aux termes de l’art. 68 AUS : « le droit de rétention ne


peut s’exercer que : - si la créance du rétenteur est certaine, liquide et exigible ». Cette
disposition énumère les caractères que doit réunir la créance du rétenteur pour justifier le droit
de rétention : elle doit être certaine, liquide et exigible. C’est là une différence fondamentale
avec les sûretés réelles conventionnelles qui peuvent être consenties aussi bien pour des dettes
échues que pour celles à échoir.

274 – Créance certaine, liquide, exigible - D’abord, le créancier qui se prévaut d’un droit de
rétention doit être titulaire d’une créance certaine. Autrement dit, la créance doit exister ou
être non contestée dans son principe.
105
Ensuite, il est nécessaire que la créance soit liquide, c’est-à-dire, déterminée dans son
montant.

Enfin, la créance doit être exigible, c’est-à-dire échue.

275 – Caractères cumulatifs - Les trois caractères de la créance doivent être cumulativement
réunis. Ainsi, dès lors qu’un de ces trois caractères fait défaut, le droit de rétention ne peut
s’exercer valablement. Cependant, on convient que si, au moment où le juge doit se prononcer
sur la validité du droit de rétention, ces trois caractères sont réunis alors qu’ils ne l’étaient pas
au moment de son exercice, le droit de rétention sera validé. Ainsi, le droit de rétention restera
valide même si les créances n’étaient pas liquides et exigibles au moment de la détention de la
chose mais qu’elles le sont au moment où le juge se prononce sur la validité du droit de
rétention exercé.

276 – Lien de connexité entre la créance et la détention de la chose retenue - Aux termes
de l’art. 68 AUS : « le droit de rétention ne peut s’exercer que : - s’il existe un lien de
connexité entre la naissance de la créance et la détention de la chose retenue ».

Ainsi, ce n’est pas parce que le créancier détient un bien de son débiteur qu’il peut le
retenir afin d’obtenir le paiement de sa créance. Le droit de rétention doit encore être justifié
par autre chose que cette seule détention : le lien de connexité entre la créance impayée et la
chose retenue répond à cette exigence.

277 – Diversité des liens de connexité - Ce lien de connexité peut prendre trois formes
différentes prévues par l’art. 69 AUS qui dispose que : « La connexité est réputée établie :

1°) lorsque la chose retenue a été remise jusqu’au complet paiement de la créance du
rétenteur ;

2°) lorsque la créance impayée résulte du contrat qui oblige le rétenteur à livrer la chose
retenue ;

3°) lorsque la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose retenue ».

Cet article distingue trois types de connexité : connexité matérielle (ou objective),
connexité juridique (ou subjective ou intellectuelle) et connexité conventionnelle.

278 – Connexité matérielle - Il y a connexité matérielle lorsque la créance du rétenteur se


rattache à la détention de la chose. En effet, l’art. 69.3° dispose que : « La connexité est
réputée établie lorsque la créance impayée est née à l’occasion de la détention de la chose
retenue ». Cette formulation met l’accent sur deux points : d’une part, la chose sert de
garantie aux dépenses qu’elle engendre (frais de conservation ou d’amélioration par
exemple) ; dans ce cas, le lien de connexité peut s’expliquer soit par le fait de travaux
effectués sur la chose ou de dommages causés par ladite chose ; d’autre part, seul le lien entre
la créance et la détention de la chose (et non la chose elle-même comme l’exigeait l’ancien

106
acte uniforme) peut engendrer une connexité matérielle justifiant l’exercice d’un droit de
rétention.

279 – Connexité juridique - Il y a connexité juridique ou subjective ou intellectuelle lorsque


la créance et la détention de la chose ont leur source dans le même lien de droit, qu’il s’agisse
d’un contrat ou d’un quasi-contrat. Cette hypothèse est prévue par l’art. 69 AUS lorsqu’il
énonce que « la connexité est réputée établie lorsque la créance impayée résulte du contrat qui
oblige le rétenteur à livrer la chose retenue ». Le lien de connexité juridique peut résulter d’un
seul rapport juridique191 ou d’un ensemble de rapports juridiques identiques ou similaires192.

Il arrive fréquemment qu’une connexité juridique se double d’une connexité


matérielle. Ce cumul n’est ni pénalisant ni nécessaire pour la mise en œuvre du droit de
rétention et une simple connexité matérielle peut parfaitement suffire.

280 – Connexité conventionnelle - En posant que « la connexité est réputée établie lorsque
la chose retenue a été remise jusqu’au complet paiement de la créance du rétenteur », l’art.
69 AUS prévoit un nouveau cas de connexité : la connexité conventionnelle. Il y a connexité
conventionnelle lorsque les parties conviennent que le débiteur remettra à son créancier une
chose en garantie de sa créance, que ce dernier pourra retenir à défaut de paiement à
l’échéance. A la différence des deux cas précédents, la connexité conventionnelle ne suppose
pas une créance impayée. Bien au contraire, il s’agit d’anticiper un défaut de paiement à
l’échéance. Ici, la connexité résulte uniquement de la volonté des parties. En prévoyant cette
hypothèse, l’acte uniforme fait une grande innovation en consacrant le droit de rétention
conventionnel, garantie distincte du gage193.

B – Les conditions relatives à la rétention

281 – Plan - Les art. 67 et 68 AUS disposent respectivement que le droit de rétention s’exerce
« indépendamment de toute autre sûreté » et « si le bien n’a pas été saisi avant d’être détenu
par le rétenteur ».

282 - Rétention indépendante de toute sûreté - L’expression « indépendamment de toute


autre sûreté » peut s’entendre de deux manières.

D’une part, elle signifie que le droit de rétention n’est pas l’accessoire d’une autre
sûreté réelle. Il ne peut donc s’exercer qu’à titre principal pour garder son propre régime. Il
peut toutefois se combiner avec une autre sûreté dont le créancier serait également pourvu sur
la chose tel un privilège mobilier spécial (privilège du bailleur d’immeuble, du transporteur,

191
Ce peut être un contrat de réparation sur un véhicule par exemple.
192
C’est l’exemple d’un contrat d’entretien de plusieurs voitures appartenant à une entreprise.
193
Sur la reconnaissance de ce droit de rétention conventionnel en droit français, v. Cass. com. 27 mars 2005,
JCP E 2005, 915, obs. Ph. DELEBECQUE.

107
etc.) à condition que, séparément, les conditions d’existence et d’exercice de l’un et de l’autre
soient réunies.

D’autre part, « indépendamment de toute autre sûreté » signifie également qu’une


sûreté existant déjà au profit d’un autre créancier sur le bien détenu ne fait pas obstacle au
droit de rétention. Toutefois, cette opposabilité du droit de rétention connaît une limite posée
par l’art. 67 et relative à l’art. 107 al. 2 AUS qui affirme que : « lorsqu’un bien donné en gage
sans dépossession fait ultérieurement l’objet d’un gage avec dépossession, le droit de
préférence du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur
lorsqu’il a été régulièrement publié et nonobstant le droit de rétention de ce dernier ».

283 - Inexistence d’une saisie antérieure à la rétention - Le droit de rétention ne peut


s’exercer sur un bien qui fait déjà l’objet d’une saisie. Le texte ne précisant pas, il n’y a pas
lieu de distinguer entre les saisies conservatoires et les saisies ventes puisque cette interdiction
s’explique par le fait que la saisie place le bien sous mains de justice et le rend indisponible
pour des sûretés autres que celles existant au moment des poursuites.

Toutefois, le droit de rétention est opposable à une saisie postérieure à la rétention


notamment dans le cadre des procédures collectives.

SECTION 2 : LES EFFETS ET L’EXTINCTION DU DROIT DE


RETENTION
284 – Plan - L’examen des effets du droit de rétention (§1) précédera celui de son extinction
(§2).

§1 – Les effets du droit de rétention


Le droit de rétention produit des effets entre les parties ( A) et à l’égard des tiers (B).

A) Les effets du droit de rétention entre les parties

285 – Précisions - Entre les parties, le nouveau droit de rétention de l’OHADA ne traduit
qu’un simple pouvoir de fait du rétenteur sur la chose. Ainsi, si le rétenteur a le droit de ne pas
restituer le bien, il a également le devoir de le conserver en bon état. Par ailleurs, avec le
nouvel acte uniforme, le rétenteur ne dispose plus d’un droit de réalisation spécial du bien.

286 - Droit du rétenteur de ne pas restituer le bien retenu- Le droit de rétention développe
entre les parties un effet négatif, passif : le droit pour le créancier de ne pas restituer la chose,
ni même les fruits qu’elle pourrait produire. Ce simple pouvoir de blocage peut, si l’utilité et
la valeur du bien retenu sont importantes, être très gênant pour le débiteur qui, s’il veut
récupérer son bien, n’aura d’autre choix que de payer le débiteur.

Ce droit du rétenteur de ne pas restituer le bien est indivisible. Cela signifie deux
choses. D’une part, tant que le créancier rétenteur n’est pas intégralement payé de sa créance,

108
il peut continuer de retenir la chose194. D’autre part, aucune exigence de proportionnalité entre
la chose retenue et la créance impayée n’est nécessaire.

287 - Devoir du rétenteur de conserver le bien en bon état - Un devoir de conservation de


la chose retenue accompagne la rétention. En effet, aux termes de l’art. 70 al. 1 AUS : « le
créancier a l’obligation de conserver le bien retenu en bon état ».

L’obligation de conservation implique d’abord que le rétenteur doit veiller à ce que le


bien retenu ne perde pas de sa valeur. Ainsi, pendant cette période de conservation, le
créancier rétenteur peut être tenu de prendre des actes d’administration nécessaires pour le
maintien de la valeur du bien retenu.

La conservation implique, ensuite, une obligation négative : celle de ne pas user de la


chose. Cependant, ce qui est interdit, c’est l’usage à titre personnel. Rien n’interdit donc aux
parties de stipuler l’exploitation du bien pour préserver sa fonction économique (ex : si le
droit de rétention porte sur une bétonnière, les parties peuvent convenir d’autoriser le
rétenteur à la donner en bail, le montant des loyers pouvant être imputé sur la dette).

Cependant, l’exigence de conservation du bien en bon état peut être contraignante pour
le créancier rétenteur. C’est la raison pour laquelle la loi lui permet d’être libéré de cette
obligation dans certaines hypothèses. En effet, aux termes de l’al. 2 de l’art. 70 AUS : « par
dérogation à l’alinéa précédent, il peut faire procéder, sur autorisation de la juridiction
compétente statuant à bref délai, à la vente de ce bien si l’état ou la nature périssable de ce
dernier le justifie ou si les frais occasionnés par sa garde sont hors de proportion avec sa
valeur. Dans ce cas, le droit de rétention se reporte sur le prix de vente qui doit être
consigné ».

Ainsi, lorsque le rétenteur retient des biens périssables ou que les frais occasionnés par
la conservation du bien sont largement supérieurs à sa créance, il doit saisir le juge des référés
à l’effet de faire vendre le bien retenu. Toutefois, le prix de la vente ne lui est pas remis mais
consigné. Son droit de rétention se portera alors, en l’absence du bien, sur ledit prix.

288 – Sanction - L’obligation de conservation du bien à la charge du rétenteur est


sanctionnée. Ainsi, si le créancier ne satisfait pas à cette obligation de conservation, le
débiteur peut réclamer la restitution du bien sans préjudice de dommages-intérêts195.

289 - Absence d’un droit de réalisation spécial de la sûreté - Sous l’empire de l’acte
uniforme de 1998, le créancier rétenteur pouvait, s’il ne recevait ni paiement ni sûreté, passer
à la réalisation de sa sûreté. En effet, l’art. 43 dudit acte uniforme disposait que : « si le

194
Cf. en droit français, Paris, 5 mars 1992, JCP 1992.I.3623, obs. Ph. DELEBECQUE où le droit de rétention
est admis alors même que le créancier avait conclu une transaction aux termes de laquelle il s’engageait à
restituer le bien moyennant paiement d’une somme, laquelle s’est ensuite révélée inférieure à sa créance.
195
Cf. art. 109 al.1 AUS qui traite du cas du créancier gagiste avec dépossession bénéficiaire d’un droit de
rétention.

109
créancier ne reçoit ni paiement ni sûreté, il peut, après signification faite au débiteur et au
propriétaire de la chose, exercer ses droits de suite et de préférence comme en matière de
gage ». Ainsi, après l’avoir signifié au constituant et au propriétaire du bien, le créancier
rétenteur pouvait demander la vente judiciaire du bien retenu ou l’attribution judiciaire dudit
bien.

Sous l’empire du nouvel acte uniforme de 2011, cette possibilité de réalisation n’existe
plus. En effet, le nouveau droit de rétention ne confère au créancier rétenteur aucun droit sur
la valeur de la chose retenue. En conséquence, le créancier n’a pas le pouvoir de solliciter la
réalisation du bien, qu’il s’agisse de sa vente forcée ou de son attribution judiciaire.

Il en découle que, pour réaliser son droit de rétention, le créancier rétenteur doit avoir
recours à la procédure de droit commun des voies d’exécution.

B – Les effets du droit de rétention à l’égard des tiers : l’opposabilité du droit de rétention

290 – Plan - Il importe d’analyser l’opposabilité du droit de rétention, d’abord, aux


créanciers du débiteur, ensuite au tiers propriétaire, enfin en cas de procédure collective
ouverte contre le débiteur.

291 – Opposabilité du droit de rétention aux créanciers du débiteur - L’opposabilité du


droit de rétention aux créanciers du débiteur comporte un principe et une exception au
principe.

292 - Principe - En tant que pouvoir de fait sur la chose, le créancier peut opposer son droit
de rétention à tous, y compris aux créanciers de son débiteur196. Ce n’est que l’application de
l’adage : « nemo plus juris ad alium transfere potest ». En effet, le créancier du débiteur du
rétenteur ne peut avoir plus de droits que le débiteur ne lui en a transmis. Ainsi, le créancier
qui opérerait une saisie du bien entre les mains du rétenteur ne pourra en obtenir la délivrance
qu’après l’avoir payé. En cela réside la grande force du droit de rétention qui, certes ne
procure au créancier rétenteur aucun droit de préférence sur la chose, mais qui, par une simple
abstention, lui permet d’obtenir paiement de sa créance, par un tiers, alors que son propre
débiteur ne le peut pas ou ne le veut pas. Toutefois, ce n’est qu’un pouvoir négatif qui, au plan
procédural, se développera par voie d’exception et non par voie d’action. Cela signifie que le
rétenteur ne peut, par voie d’action, exiger le paiement du tiers mais pourra, poursuivi par
ledit tiers, lui opposer le droit de rétention et exiger le paiement de sa créance par le tiers si ce
dernier veut obtenir la libération du bien. De plus, cette opposabilité du droit de rétention aux
créanciers du constituant n’est soumise à aucune publicité préalable.

293 - Exception au principe - Le principe d’opposabilité erga omnes du droit de rétention


rencontre une exception tirée de l’art. 107 al. 2 AUS. En effet, pour ne pas entraver le
développement du gage sans dépossession, la réforme des sûretés a prévu, à l’art. 107 al. 2
AUS qu’en cas de conflit entre un créancier gagiste sans dépossession et un créancier gagiste

196
Cf. en droit français, Civ. 1ère, 7 janv. 1992, JCP 1992.II.21971.

110
ultérieur avec dépossession sur le même bien, le premier devait l’emporter si son gage a été
publié sans que le droit de rétention du second ne soit un obstacle.

294 – Opposabilité du droit de rétention au tiers propriétaire - Dans l’hypothèse où le


débiteur n’est pas le propriétaire du bien retenu, qu’en est-il de l’opposabilité du droit de
rétention au véritable propriétaire qui n’est pas le débiteur ?

La cour de cassation française a jugé que le droit de rétention est opposable au tiers
propriétaire lorsque la créance a pris naissance à l’occasion de la détention de la chose par
l’effet d’une connexité matérielle197. Ainsi, parce que la créance est née à l’occasion de la
chose retenue (ou encore intuitu rei), on considère normal que la chose retenue garantisse le
remboursement de cette créance, par l’intermédiaire du véritable propriétaire.

295 – Opposabilité du droit de rétention en présence d’une procédure collective - Le


créancier rétenteur, en raison de l’exclusivité qu’il possède sur le bien retenu, est celui des
créanciers qui résiste le mieux au séisme que représente pour les créanciers l’ouverture d’une
procédure collective contre leur débiteur. En effet, le pouvoir de fait que représente son droit
pourra lui permettre d’éviter le fameux principe de suspension des poursuites individuelles
gouvernant les procédures collectives. Le droit de rétention est donc opposable aux organes
de la procédure collective.198.

§ 2 – L’extinction du droit de rétention


296 – Plan - Le droit de rétention peut s’éteindre, soit à titre accessoire (A), soit à titre
principal (B).

A – Extinction à titre accessoire

297 – Causes d’extinction - Comme toutes les sûretés, le droit de rétention, accessoire d’une
créance, s’éteint avec elle. Peu importe la cause d’extinction de l’obligation (paiement,
compensation, etc.) pourvu qu’elle soit totale. Ainsi, le paiement de la créance du rétenteur,
soit par le débiteur, soit par un tiers, entraîne l’extinction du droit de rétention. Pour être
valable et donc libératoire pour le débiteur, le paiement doit être effectué entre les mains du
créancier ou de son mandataire désigné. Qu’en est-il si le bien retenu était entre les mains
d’un tiers dépositaire ? Le paiement peut-il être valablement effectué entre les mains de ce
tiers ? La réponse dépend des termes du mandat de ce tiers. Si ce dernier était habilité à
recevoir le paiement, celui-ci sera totalement libératoire pour le débiteur. Dans le cas contraire
où le mandat du tiers est limité à la conservation du bien, le paiement n’est libératoire que s’il
est effectué entre les mains du véritable créancier.

Lorsque le droit de rétention est lié à un gage, il est perdu avec celui-ci.

197
Civ. 1ère, 22 mai 1962, D. 1965.58, note R. Rodière.
198
Il faut réserver le cas du droit de rétention découlant d’un gage qui, lui, sera inopposable aux organes de la
procédure collective en raison de son lien avec le gage.

111
B- Extinction à titre principal

298 – Causes d’extinction - Plusieurs causes d’extinction à titre principal peuvent être
évoquées.

- Dessaisissement volontaire de la chose : le droit de rétention s’éteint à titre principal


lorsque le créancier se défait volontairement de la chose qu’il retenait jusque-là. En revanche,
le créancier dépossédé par voie de fait ne perd pas son droit et peut recourir aux actions
possessoires adéquates.

- Dessaisissement judiciaire de la chose pour faute du créancier : ce dessaisissement


entraîne l’extinction du droit de rétention puisque le créancier est tenu de restituer la chose
retenue au créancier.

- Perte ou destruction de la chose : qu’en est-il lorsque la chose détenue est perdue ou
détruite sans la faute du rétenteur ? Les opinions sont divergentes sur ce point.

Pour certains auteurs, « si l’on reconnaît au rétenteur un droit sur la valeur du bien, il
faudrait admettre le jeu de la rétention sur les indemnités d’assurance199 ». C’est d’ailleurs la
solution retenue par l’AUS, en ce qui concerne le droit de rétention du créancier gagiste, qui
dispose que : « en cas de perte ou de détérioration totale ou partielle de la chose gagée qui
ne serait pas de son fait, le créancier gagiste exerce son droit de préférence sur l’indemnité
d’assurance, s’il y a lieu, pour le montant de la créance garantie en principal, intérêts et
autres accessoires… ». Qu’en est-il lorsque le droit de rétention est autonome ?

En revanche, pour d’autres auteurs, la perte ou la disparition de la chose, même fortuite, fait
disparaître le droit de rétention et considèrent que la subrogation dans l’indemnité d’assurance
ou de responsabilité ne joue pas200.

- La remise en possession du débiteur : la question se pose de savoir si le détenteur qui a


restitué volontairement la chose peut retrouver son droit de rétention lorsque la même chose
revient ultérieurement entre ses mains ? La jurisprudence ne paraît admettre cette renaissance
du droit de rétention qu’en cas de connexité juridique, lorsque le bien revient entre les mains
du rétenteur en vertu d’un même contrat ou d’un groupe de contrat. L’idée d’indivisibilité du
droit de rétention fonde cette solution.

L’extinction du droit de rétention, à titre principal ou accessoire, emporte l’obligation,


pour le créancier rétenteur, de restituer l’objet retenu avec tous ces accessoires, à l’exclusion
évidente de l’hypothèse où le bien a disparu.

199
SIMLER (Ph.) et DELEBECQUE (Ph.),op. cit., n° 591, p. 495.
200
CABRILLAC (M.), MOULY (C.), CABRILLAC (S.) et PETEL (Ph.), Droit des sûretés, éd. Litec, n° 3927.

112
CHAPITRE II
LE GAGE DE MEUBLES CORPORELS

299 – Présentation - Avant la réforme du 15 mai 2011, le gage était défini comme « le
contrat par lequel un bien meuble est remis au créancier ou à un tiers convenu entre les parties
pour garantir le paiement d’une dette » (art. 44 AUS de 1998). L’assiette du gage pouvait être
aussi bien des biens corporels que des meubles incorporels (art. 46 AUS de 1998) et le gage
se distinguait du nantissement en ce qu’il exigeait la dépossession du constituant tandis que le
nantissement, qui n’était pas défini, n’emportait pas la dépossession du constituant. Mais tout
comme le gage, le nantissement pouvait grever des biens corporels (nantissement de stocks de
matières premières et de marchandises) et incorporels (nantissement du fonds de commerce).

La réforme a opéré deux innovations majeures.

D’une part, elle a fait une précision terminologique relativement à l’usage des termes
« gage » et « nantissement ». Dorénavant le terme « gage » est réservé aux biens meubles
corporels tandis que celui de « nantissement » sera l’apanage des biens meubles incorporels.

D’autre part, elle a fait de la dépossession du constituant non plus un élément


obligatoire caractérisant le gage mais une faculté. Ainsi, à côté du gage classique avec
dépossession, coexiste désormais un gage sans dépossession.

300 – Plan - Toutefois, à côté de ce droit commun du gage, sont maintenus certains gages
spéciaux. Aussi convient-il d’étudier, d’une part, le droit commun du gage (section 1) et,
d’autre part, les gages spéciaux (section 2)

SECTION I : LE DROIT COMMUN DU GAGE


L’étude du droit commun suppose d’examiner d’abord sa notion (§1) et ensuite son
régime (§2).

§1 – LA NOTION DE GAGE
301 – Alternative - En réécrivant le gage de meubles corporels, l’objectif du nouvel acte
uniforme du 15 mai 2011 a été celui d’une utilisation efficace de la valeur des meubles
corporels. Pour parvenir à ce but, la réforme a innové en modifiant l’essence même du gage :
celui-ci n’est plus un contrat réel. Le texte offre une alternative qui constitue un espace de
liberté que les parties pourront utiliser. Ce choix de la formule contractuelle est le trait
caractéristique du nouveau droit commun du gage. De quelle alternative s’agit-il ? La lecture
des articles 92 et suivants permet de répondre à cette question. En effet, cet article dispose
que : « le gage est le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit de se

113
faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens
meubles corporels, présents ou futurs ».

Cette définition appelle plusieurs remarques.

D’une part, le gage n’est plus défini par l’une de ses conditions de validité (la remise
de la chose gagée prescrite par l’art. 44 de l’ancien AUS) mais par son objet (le droit de
préférence accordée au créancier sur un bien corporel). Ainsi, le gage ne suppose plus la
remise de la chose au créancier, et donc la dépossession du constituant. Le gage sans
dépossession est consacré, permettant au débiteur de conserver la chose gagée, en général
utile à son activité économique.

Par ailleurs, libérée de la dépossession, cette nouvelle définition autorise la


constitution effective de gages sur biens futurs. Par cela même, le constituant voit sa capacité
de crédit étendue par la possibilité d’offrir en gage des biens qu’il n’a pas encore acquis
pourvus qu’ils soient déterminables dans le contrat.

On le voit, par la consécration du gage sans dépossession, la réforme offre une


véritable alternative dont il convient d’exposer les raisons avant les conséquences.

A – Les raisons de l’alternative

302 - Gage sans dépossession – Gage avec dépossession - A côté du gage sans dépossession
qui fait son entrée dans l’acte uniforme, subsiste le gage avec dépossession qui offre un intérêt
certain. La consécration de cette alternative s’explique d’abord par le fait d’offrir de la
souplesse : alors que le gage sans dépossession est en principe exclusif de tout droit de
rétention, le gage avec dépossession continue de conférer au créancier gagiste un droit de
rétention très utile en cas de procédure collective du débiteur. Ensuite, la coexistence des deux
formules a pour but d’offrir au créancier le choix d’une solution confidentielle. En effet, le
gage avec dépossession présente l’avantage d’être beaucoup plus discret que le gage sans
dépossession.

B – Les conséquences de l’alternative

303 – Disparition du gage en tant que contrat réel - En optant pour la consécration
alternative du gage, la réforme des sûretés transforme le contrat réel en peau de chagrin. Alors
que le contrat de gage était quasiment le dernier spécimen de la famille des contrats réels, il
s’en détourne à son tour.

En accueillant le gage sans dépossession dans l’AUS, la réforme autorise en


conséquence la constitution d’un gage sur stocks, sûreté réelle plus adaptée au monde
professionnel des affaires.

§ 2 – LE REGIME DU GAGE
304 – Plan - Il faut envisager les conditions de formation du gage (A), ses effets (B) et son
extinction (C).
114
A – Les conditions de formation du gage

Intéressant non seulement les parties mais aussi les tiers, on distingue la constitution
du gage dans les rapports inter partes mais à l’égard des tiers.

305 – Constitution du gage dans les rapports inter partes- La constitution du gage
suppose que soient respectées à la fois des conditions de fond et de forme.

306 - Conditions de fond - Les conditions de fond tiennent, d’une part, à l’identification des
parties au contrat et, d’autre part, à l’objet du contrat.

307 - Parties au contrat de gage - Capacité des parties - Les parties au contrat de gage sont
le constituant, débiteur qui offre son bien ou ses biens en gage, et le créancier qui accepte de
se faire payer par préférence aux autres créanciers sur le bien ou les biens gagé(s). Créancier
et constituant doivent avoir la capacité de contracter. Le constituant, en outre, doit avoir la
capacité d’aliéner l’objet du gage car, en cas de défaillance de sa part, le contrat de gage peut
déboucher sur la vente du ou des biens gagé (s).

308 - Qualité du constituant - Par ailleurs, il est admis que le constituant peut être le
débiteur ou un tiers. En tout état de cause, le constituant doit être propriétaire du meuble gagé
(art. 95 AUS). Si cela ne pose pas de difficulté sur une chose présente comme l’affirme
expressément l’art. 95 AUS, cela se complique lorsque le gage porte sur une chose future.
Toutefois, si le constituant n’est pas le propriétaire du bien gagé « le créancier gagiste peut
s’opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions prévues pour le possesseur
de bonne foi ». Autrement dit, le créancier gagiste ayant reçu un bien n’appartenant pas à son
débiteur sera protégé s’il est un détenteur de bonne foi, c’est-à-dire s’il a ignoré ce fait. La
bonne foi étant présumée201, il appartiendra au véritable propriétaire de prouver la mauvaise
foi du créancier gagiste.

Par ailleurs, le constituant n’est pas forcément exclusivement propriétaire du bien. Il


peut être propriétaire d’une part indivise d’un bien. Dans ce cas, il est évident qu’il ne peut
décider seul de la mise en gage du bien surtout pour garantir une dette personnelle. Il doit
donc recueillir le consentement des autres copropriétaires. Toutefois, ces derniers ne sont
protégés que si l’indivision est connue. Autrement, le créancier gagiste de bonne foi peut faire
prévaloir la garantie qui a été valablement constituée. Si le constituant est une personne
mariée sous le régime de la communauté des biens, il est fort utile d’obtenir le consentement
de l’autre conjoint à la mise en gage du bien. En effet, « tout bien est présumé commun si l’on
ne prouve qu’il est propre à l’un des époux » (art 77 nouveau loi sur le mariage) et la
réalisation du gage peut déboucher sur la vente du bien de la communauté.

309 - Objet du contrat de gage - Il y a lieu de s’intéresser d’abord à la créance garantie puis
au bien donné en gage, c’est-à-dire à l’assiette du gage.

201
L’art. 2268 cciv dispose en effet que : « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la
mauvaise foi à la prouver ».

115
310 - Créance garantie- Le gage suppose une créance à garantir dont il est l’accessoire.
Jusqu’alors, la créance garantie devait être née, quitte à n’être qu’éventuelle. Désormais, il
peut s’agir d’une créance future, dès lors qu’elle est déterminable. En effet, l’art. 93 AUS
précise que « le gage peut être constitué en garantie d’une ou de plusieurs créances présentes
ou futures, à condition que celles-ci soient déterminées ou déterminables ». Cette
déterminabilité pourra, par exemple, résulter d’un accord sur l’identité du créancier ou la
destination du crédit.

311 - Assiette du gage - Dès l’instant où cesse l’exigence de dépossession, puisque le gage
peut dorénavant être avec ou sans dépossession, il était possible d’assouplir les règles
relatives à l’assiette du gage. C’est ce que prévoit l’art. 92 AUS en envisageant que le gage
peut porter sur un meuble ou un ensemble de meubles corporels, une chose présente ou future.
A cela, il faut adjoindre l’art. 101 AUS qui prévoit la possibilité de gager des choses
fongibles.

312 - Meuble ou ensemble de meubles corporels - En premier lieu, le gage peut porter sur
un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels. Ainsi, il suffit qu’un meuble
appartienne à un ensemble, comme une collection par exemple, pour pouvoir faire l’objet
d’un gage. Comme certains l’écrivent, il s’agit de permettre « la constitution en gage d’une
universalité de fait composée de plusieurs meubles présents et futurs rassemblés autour
d’un principe d’organisation commun. Ils peuvent donc être désignés et engagés à raison
de cet élément fédérateur202 ».

313 - Chose présente ou future - En second lieu, le gage peut porter sur une chose présente
ou future. En autorisant le gage de choses futures, la réforme vise en réalité deux situations :
le gage d’une chose inexistante, mais à naître, et le gage d’une chose existante, mais qui
n’appartient pas encore au constituant. Et, dans l’un et l’autre cas, aucune formalité
supplémentaire ne sera nécessaire : lorsque le bien entrera dans le patrimoine du constituant, il
sera automatiquement gagé.

Le gage d’une chose future inexistante, comme par exemple une chose à construire, est
possible à condition que sa naissance soit programmée. En effet, la possibilité de constituer un
gage de choses futures ne s’accompagne pas de la disparition du principe de spécialité. Cette
innovation, qui aura pour probable conséquence la disparition des promesses de gage, suppose
que le bien futur soit désigné dans l’écrit formant le contrat.

En ce qui concerne le gage d’une chose existante mais n’appartenant pas encore au
constituant203, le gage devrait pouvoir être valablement conclu sous la condition qu’il en
acquière effectivement la propriété. C’est ce que prévoit l’art. 96 al. 2 AUS : « lorsque le
gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s’exerce sur le
bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire ».

202
AYNES (L.) et CROCQ (P.), Les sûretés, La publicité foncière, Defrénois, 3 e éd., 2008, n° 504.
203
Par exemple une chose sous réserve de propriété.
116
314 - Choses fongibles - La loi admet que puissent être gagées des choses fongibles (art. 101
AUS). Bien fongible par excellence, la monnaie peut être remise en gage. Mais seule la
monnaie fiduciaire (remise de la main à la main) est incontestablement un meuble corporel.
Sur ce point, voir l’art. 94 al. 2 AUS qui dispose que : « le gage peut également porter sur
des sommes ou des valeurs déposées à titre de consignation par les fonctionnaires, les
officiers ministériels ou toute autre personne pour garantir les abus dont ils pourraient être
responsables et les prêts consentis pour la constitution de cette consignation ».

315 - Condition de forme : l’exigence d’un écrit - Avant l’entrée en vigueur de la réforme,
l’art. 49 al. 1 AUS exigeait un écrit pour informer les tiers de l’existence du gage à la suite
d’un enregistrement : « quelle que soit la nature de la dette garantie, le contrat de gage n’est
opposable aux tiers que s’il est constaté par un écrit dûment enregistré contenant
indication de la somme due ainsi que l’espèce, la nature et la quantité des biens meubles
donnés en gage ». Le gage demeurait donc un contrat consensuel, l’écrit n’étant exigé qu’ad
probationem.

Désormais, le gage n’est plus constitué par la seule remise de la chose. Les parties
peuvent, selon leur volonté, opter pour un gage avec ou sans dépossession. Mais la perte du
caractère réel du contrat a eu pour contrepartie l’émergence d’un nouveau contrat solennel. En
effet, aux termes de l’al. 1 de l’art. 96 AUS « A peine de nullité, le contrat de gage doit être
constaté dans un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens
donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Le contrat de gage est par-là même
devenu très formaliste puisque l’écrit est dorénavant exigé ad validitatem. En l’absence
d’écrit, le contrat n’est pas formé, et n’existe pas. La nature de l’écrit importe peu : il peut être
dressé sous seing privé sans avoir à être enregistré, ou par acte authentique.

316 - Opposabilité du gage aux tiers - Jusqu’à la réforme de 2011, la dépossession était
nécessaire pour assurer l’efficacité de la sûreté et cette exigence s’expliquait par le caractère
réel du gage. Mais la conséquence de l’alternative entre gage sans dépossession et gage avec
dépossession a nécessairement eu une influence sur l’opposabilité du gage à l’égard des tiers.
Celle-ci dépend en effet d’une formalité différente (a) selon la formule choisie, dont
l’accomplissement permettra de régler les éventuels conflits entre créanciers (b).

317 - Formalité d’opposabilité - La formalité d’opposabilité n’est pas la même selon que le
gage est avec dépossession ou sans dépossession.

318 - Cas du gage avec dépossession - En présence d’un gage avec dépossession, c’est la
dépossession elle-même qui constitue la condition d’opposabilité à l’égard des tiers
conformément à l’al. 1er de l’art. 97 AUS selon lequel le gage est opposable aux tiers « par la
remise du bien gagé entre les mains du créancier gagiste ou d’un tiers convenu entre les
parties ». Ainsi, le contrat est valablement formé par la seule rédaction d’un écrit mais n’est
opposable aux tiers que par la dépossession, qui peut avoir lieu soit entre les mains du
créancier, soit entre celles d’un tiers convenu, autrement dit par entiercement.

117
319 - Cas de gage sans dépossession - En présence d’un gage sans dépossession, l’art. 97
al.1er AUS énonce que le gage est opposable aux tiers, « par l’inscription au Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier ». Le RCCM compétent est « celui dans le ressort duquel
est immatriculé le constituant de la sûreté ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation
d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège ou le domicile
du constituant » (art. 52 AUS). L’opposabilité du gage résulte donc d’une formalité de
publicité consistant en une inscription sur un registre spécial faite à la requête du créancier, de
l’agent des sûretés ou du constituant (art. 51 al. 1er AUS).

Aux fins d’inscription de son gage, le créancier, l’agent des sûretés ou le constituant
devra présenter au Greffe chargé de la tenue du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier,
un formulaire d’inscription comportant un certain nombre de mentions énumérées à l’art. 53
AUS. Après avoir vérifié que le formulaire d’inscription comporte les mentions de l’art. 53
AUS, le greffier de la juridiction chargée de la tenue du RCCM procède à l’inscription sur un
registre chronologique des dépôts et délivre au requérant un accusé d’inscription avec
mention de la date, de la désignation de la formalité effectuée et du numéro d’ordre porté au
registre chronologique des dépôts (art. 54 al. 1 AUS).

Les inscriptions régulièrement faites sont opposables aux tiers à la date de leur
inscription (art. 57 al. 1er AUS). En cas d’inscriptions multiples le même jour, le rang des
créanciers est déterminé par l’ancienneté du titre des requérants conformément à l’art. 57
AUS dont l’alinéa 2 dispose que : « si les inscriptions de sûretés concurrentes grevant un
même bien sont requises le même jour, celle qui est requise en vertu du titre dont la date est la
plus ancienne est réputée avoir été inscrite en premier, quel que soit l’ordre du registre
susvisé ».

Selon l’al. 2 de l’art. 58 AUS, « les parties peuvent convenir de la durée de validité de
l’inscription au RCCM dans l’acte constitutif de ladite sûreté mobilière sans que cette durée
puisse dépasser dix années à compter de l’inscription ». L’inscription doit être renouvelée
avant l’expiration du délai pendant lequel elle produit effet sous peine de péremption et de
radiation d’office par le Greffier et garantit, au même rang que le principal, deux années
d’intérêts (art. 58 al. 2 et 3 AUS).

Grâce à cette formalité supplémentaire qu’est l’inscription du gage sans dépossession,


les biens meubles corporels pourront faire l’objet de gages successifs. Il suffira donc à toute
personne potentiellement créancière de faire une demande d’information établie sur un
formulaire mis à sa disposition à cet effet par le Greffier (art. 66 al. 1 AUS). Le greffier est
tenu de répondre immédiatement à la demande ou, au plus tard, dans un délai de deux jours
ouvrés à compter de la réception de la demande au RCCM, en délivrant au demandeur soit un
certificat attestant qu’aucune inscription n’a été prise, soit un état général des inscriptions
existantes avec leurs mentions marginales, soit un ou des états particuliers lorsque la demande
ne concerne qu’un bien ou une catégorie de biens appartenant au débiteur ou au constituant
(art. 66 al. 2 AUS).

118
Ce sera donc l’inscription sur ce registre qui réglera les problèmes de concours entre
créanciers gagistes ou entre créancier gagiste et ayant-cause à titre particulier.

320- Concours entre créanciers - Non seulement l’inscription du gage sans dépossession
rend opposable aux tiers le droit de préférence du créancier gagiste, mais elle lui confère aussi
un droit de suite permettant de faire échec au droit du tiers acquéreur de bonne foi (art. 97
AUS).

Ainsi, en cas de concours entre plusieurs créanciers gagistes sans dépossession, le


conflit sera réglé selon l’ordre de leurs inscriptions (art. 107 al. 1 AUS).

Il est toutefois possible qu’après avoir consenti un gage sans dépossession, le


constituant remette en garantie à un autre, la chose même déjà gagée : un conflit risque alors
de survenir entre le créancier gagiste n° 1 sans dépossession, et le créancier gagiste n° 2, avec
dépossession. Cette hypothèse est réglée par l’art. 107 al. 2 AUS qui fait primer le créancier
gagiste antérieur, dès lors qu’il aura régulièrement publié son droit. Par cette disposition,
l’acte uniforme affaiblit le droit de rétention du créancier titulaire d’un gage avec
dépossession, mais c’était la condition sine qua non de l’efficacité du gage sans dépossession.

Ensuite, « lorsqu’un bien donné en gage avec dépossession fait ultérieurement


l’objet d’un gage sans dépossession, le droit de rétention du créancier gagiste antérieur est
opposable au créancier postérieur qui ne pourra prétendre exercer ses droits sur le bien,
tant que le créancier antérieur n’aura pas été entièrement payé » (art. 107 al. 3 AUS).

Enfin, en cas de concours entre un créancier gagiste sans dépossession et un ayant-


cause à titre particulier du constituant resté en possession, ce dernier n’est plus préféré, l’art.
97 al. 2 AUS écartant l’al. 1er du fameux article 2279 cciv : « en fait de meubles, possession
vaut titre ». Ainsi, dès lors que le gage aura été régulièrement publié, les ayants-cause à titre
particulier du constituant, acquéreur, créancier saisissant, donataire ou créancier gagiste
postérieur ne pourront arguer de leur bonne foi pour primer le créancier gagiste sans
dépossession. A l’inverse, si la sûreté n’est pas publiée, elle sera inopposable à l’ayant cause,
celui-ci n’ayant pas pu en prendre connaissance.

B – Les effets du gage

321 – Présentation - Les effets du contrat de gage se manifestent à deux moments : pendant
le déroulement du contrat, alors que le débiteur n’est pas encore défaillant, l’échéance n’étant
pas encore arrivée, et lors du dénouement de la relation contractuelle, lorsqu’à l’échéance le
débiteur s’exécute ou, au contraire, ne paye pas. Si pendant la première phase, les effets du
contrat de gage sont dictés par la nature du contrat, pendant la seconde, ils tiennent à l’objet
du contrat.

322 - Effets tenant à la nature du contrat - Les effets du contrat de gage avant l’échéance
de la créance garantie varient selon que le gage est avec ou sans dépossession. En effet, dans
le premier cas, le bien étant détenu par le créancier, le risque qui pèse est que celui-ci s’en
serve ou ne veille pas à sa bonne conservation; en revanche, dans le second cas, le débiteur
119
gardant la détention du bien, le risque est inversé et pèse sur le créancier qui peut craindre
voir la valeur du bien gagé diminuer.

323 - Cas du gage avec dépossession - Les droits du créancier - L’intérêt de la possession,
qu’elle soit personnelle ou par entiercement, est qu’elle procure au créancier gagiste, un droit
de rétention selon l’art. 99 AUS qui dispose que : « lorsque le gage est constitué avec
dépossession, le créancier gagiste peut, sous réserve de l’application de l’art. 107, alinéa 2
du présent acte uniforme, opposer son droit de rétention sur le bien gagé, directement ou
par l’intermédiaire du tiers convenu, jusqu’au paiement intégral en principal, intérêts et
autres accessoires, de la dette garantie ».

Le créancier bénéficie aussi d’un droit de suite. Ainsi, s’il a été dessaisi contre sa volonté, le
créancier peut revendiquer la chose gagée comme un possesseur de bonne foi : en posant cela,
l’art. 100 AUS reconnaît au créancier gagiste un droit de suite.

324 - Obligations du créancier - Obligation de conservation - En revanche, l’inconvénient


est l’obligation de conservation qui pèse sur lui. En effet, aux termes de l’art. 108 al. 1 er AUS,
« lorsque le gage est constitué avec dépossession, le créancier gagiste ou le tiers convenu doit
veiller sur la chose et en assurer la conservation comme le doit un dépositaire rémunéré ».
Ainsi, tenu de restituer le bien gagé une fois qu’il sera payé, le créancier gagiste n’a ni le droit
d’en user, ni celui de l’administrer mais en revanche l’obligation de le conserver, l’art. 103
AUS disposant que « le créancier gagiste ne peut user de la chose gagée ni en percevoir les
fruits » (art. 103 AUS). La convention contraire est cependant autorisée et dans ce cas, le
créancier a le droit de percevoir les fruits du bien gagé pour les imputer sur les intérêts ou, à
défaut, sur le capital de la dette (art. 103 AUS).

325 – Sanction - L’art. 109 al. 2 AUS prévoit qu’en cas d’inexécution de cette obligation, le
constituant peut lui réclamer outre la restitution du bien gagé, des dommages et intérêts. L’art.
113 AUS prévoit cependant que le constituant doit rembourser au créancier gagiste ou au tiers
convenu, les dépenses utiles ou nécessaires que celui-ci a faites pour la conservation du gage.

L’acte uniforme prévoit que « lorsqu’un bien objet d’un gage avec dépossession
menace de périr, le créancier gagiste ou le tiers convenu peut faire vendre, sous sa
responsabilité, le bien gagé sur autorisation notifiée au constituant de la juridiction
compétente saisie sur simple requête. Les effets du gage sont alors reportés sur le prix ».

326 - Obligation de restitution - Enfin, le gage étant indivisible (art. 114 AUS), le créancier
n’est tenu de restituer le bien gagé qu’après avoir été entièrement réglé de sa créance, intérêts
et frais (art. 113 AUS) sachant qu’en principe c’est le même bien remis qui devra être rendu.

Une atténuation est cependant apportée en cas de gage portant sur des choses
fongibles. Certes, il faudra éviter que ces biens, par définition non individualisés, ne se
mélangent avec ceux éventuellement de même nature du créancier. En ce sens, l’al. 1er de
l’art. 101 dispose que le créancier gagiste doit les tenir séparées des choses de même nature
lui appartenant. Cependant, le même alinéa du même article autorise la convention à dispenser

120
le créancier de cette obligation. Dans ce cas, les choses fongibles gagées et celles de même
nature appartenant au créancier se mêleront, empêchant toute différenciation entre les unes et
les autres. Dès lors, l’al. 2 dudit article dispose que : « lorsque la convention dispense le
créancier de cette obligation, il acquiert la propriété des choses gagées à charge de restituer la
même quantité de choses équivalentes. En cas d’entiercement, la propriété ainsi acquise par le
créancier peut s’exercer sur des biens de même espèce et de même qualité détenus par le tiers
convenu ».

327 - Cas du gage sans dépossession - L’obligation de conservation - Si le gage est


constitué sans dépossession, le principe est que le constituant conserve la propriété des biens
tout en étant débiteur d’une obligation de conservation (art. 108 al. 2 AUS) sous peine de
déchéance du terme ou de demande de complément de gage (art. 109 al. 2 AUS).

Lorsqu’il porte sur des biens fongibles, l’art. 102 énonce que « le contrat de gage peut
permettre au constituant de les aliéner à charge de les remplacer par la même quantité de
choses équivalentes. Cette autorisation donnée au constituant vaut renonciation par le
créancier à l’exercice de son droit de suite à l’encontre du tiers acquéreur de ces biens ».

Au demeurant, risque de se poser un problème de substituabilité des biens fongibles


que les parties auront intérêt à anticiper en prévoyant dans leur contrat les modalités de
substitution.

328 - Effets tenant à l’objet du contrat - A l’arrivée du terme de la créance garantie, de


deux choses l’une. Idéalement, dès que le débiteur aura intégralement payé son créancier, le
contrat de gage trouvera son dénouement dans l’obligation de restitution pesant sur le
détenteur en cas de gage avec dépossession. Mais le débiteur peut s’avérer défaillant. Le gage
va jouer alors son rôle de sûreté et le créancier dispose d’un droit de réalisation qui lui offre
une option entre la vente forcée du gage et l’attribution en propriété du gage.

329 - Vente forcée du gage ou le maintien de la prohibition de la clause de voie parée -


Aux termes de l’al. 1er de l’art. 104 AUS, « faute de paiement à l’échéance, le créancier
gagiste muni d’un titre exécutoire peut faire procéder à la vente forcée de la chose gagée,
huit jours après une sommation faite au débiteur et, s’il y a lieu, au tiers constituant du
gage ». Ainsi, l’exercice du droit de préférence du créancier gagiste passe par la vente en
justice du bien gagé. Toutefois, l’article poursuit en précisant que la vente aura lieu « dans les
conditions prévues par les dispositions organisant les voies d’exécution auxquelles le
contrat de gage ne peut déroger ». Cet alinéa de l’art. 104 maintient donc la prohibition de la
clause de voie parée permettant au créancier de vendre le bien à l’amiable. En effet, les
dangers qu’elle recèle demeurent. Il est notamment à craindre que le créancier gagiste
n’abandonne la propriété du bien gagé pour un prix inférieur à sa valeur dès lors que la
créance garantie sera couverte par la somme offerte par l’acquéreur.

Sur la forme, en cas de gage avec dépossession, le créancier n’aura qu’à saisir le juge
compétent, sachant qu’en entreprenant lui-même les poursuites, il est présumé avoir renoncé à
son droit de rétention. Ainsi, « dans ce cas, il exerce son droit de préférence sur le prix de la
121
chose vendue dans les conditions de l’art. 226 du présent acte uniforme » (art. 104 al. 1er in
fine). De l’art. 226 AUS, il ressort que le créancier gagiste vient en 4e position et est primée
par les créanciers de frais de justice, ceux des frais engagés pour la conservation du bien du
débiteur et les créanciers de salaires super-privilégiés.

En revanche, si la vente est imposée au créancier gagiste, resté en possession du bien


gagé, il disposera de son droit de rétention et pourra faire échec aux droits des tiers.

En cas de gage sans dépossession, la seule particularité est qu’une saisie préalable du
bien s’imposera.

330 - Attribution en propriété du gage - En premier lieu, l’inexécution de l’obligation


garantie peut déboucher sur une attribution judiciaire du bien que le gage soit avec
dépossession ou sans dépossession. L’art. 104 maintient en effet cette solution classique en
disposant en son alinéa 2 que « le créancier peut aussi faire ordonner par la juridiction
compétente que le bien gagé lui sera attribué en paiement jusqu’à due concurrence du
solde de sa créance et d’après estimation suivant les cours ou à dire d’expert ».

Conformément à l’art. 105 « lorsque la valeur du bien excède le montant qui lui est
dû, le créancier gagiste doit consigner une somme égale à la différence s’il existe d’autres
créanciers bénéficiant d’un gage sur le même bien ou, à défaut, verser cette somme au
constituant. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

En second lieu, et c’est l’une des innovations de l’acte uniforme entré en vigueur le 16
mai 2011, l’attribution conventionnelle du bien gagé n’est plus prohibée du moins dans des
cas précis. En effet, l’art. 104 dispose en son alinéa 3 que : « si le bien gagé est une somme
d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une cotation officielle, les parties peuvent
convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste en cas de défaut de
paiement. Il en va de même pour les autres meubles corporels lorsque le débiteur de la dette
garantie est un débiteur professionnel. En ce cas, le bien gagé doit être estimé au jour du
transfert par un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, toute clause contraire étant
réputée non écrite ».

Cela étant, l’admission du pacte commissoire est encadrée. D’abord, c’est seulement
dans les cas prévus par l’art. 104 alinéa 3 qu’il est permis : lorsque l’assiette du gage est une
somme d’argent ou un bien corporel appartenant à un débiteur professionnel càd, selon l’art. 3
AUS, « tout débiteur dont la dette est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en
rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas
principale ». Ensuite, une évaluation objective de la valeur du bien est organisée. Cette valeur
devra être fixée soit à dire d’expert, soit par une cote, toute clause contraire étant réputée non
écrite.

C – Extinction du gage

331 – Voie accessoire – Voie principale - Le gage s’éteint de deux manières, soit par voie
accessoire, soit par la voie principale.
122
332 - Extinction par voie accessoire - Aux termes de l’art. 116 AUS, « le gage prend fin
lorsque l’obligation qu’il garantit est entièrement éteinte, tant en capital, qu’en intérêts et
autres accessoires ».

Ainsi, le gage s’éteint lorsque l’obligation qu’il garantit est entièrement éteinte. Cette
extinction par voie de conséquence est logique puisque la garantie n’a de raison d’être que par
rapport à l’existence de la dette principale. Aussi est-il nécessaire de s’intéresser aux causes
d’extinction de la dette garantie. L’art. 116 AUS n’en énumère aucune. L’art. 1234 du code
civil énumère les causes d’extinction d’une obligation : le paiement, la novation, la remise
volontaire, la compensation, la confusion, la perte de la chose, la nullité ou la rescision, la
condition résolutoire et la prescription.

Nous n’en étudierons que deux : le paiement et la remise de dette.

333 – Paiement - Le paiement est le mode d’extinction naturel de toute obligation et consiste
en l’exécution de l’obligation. Le solvens est en principe le débiteur lui-même. Toutefois, un
tiers peut payer à la place du débiteur, soit gratuitement, soit en tant que caution. Dans ce
dernier cas, le paiement effectué crée une action subrogatoire au profit du solvens et laisse le
poids de la dette intact à la charge du débiteur principal.

Pour être valable et libératoire pour le débiteur, le paiement doit être effectué entre les
mains du créancier ou de son mandataire désigné.

334 - Remise de dette - Par la remise de dette, le créancier libère le débiteur en renonçant à la
dette. Il abandonne ainsi son droit sans contrepartie.

335 - Extinction par la voie principale - Aux termes de l’art. 117 AUS, « le gage avec
dépossession disparaît indépendamment de l’obligation garantie si la chose est
volontairement restituée au constituant, si elle est perdue par le fait du créancier gagiste,
ou lorsque la juridiction compétente en ordonne la restitution pour faute du créancier
gagiste, sauf désignation d’un séquestre qui aura la mission d’un tiers convenu ».

Cet article énumère trois cas d’extinction par voie principale du gage avec
dépossession.

336 - Restitution volontaire du gage - Le geste du créancier restituant l’objet remis en gage
s’analyse en une renonciation à la sûreté. Il s’agit d’un acte unilatéral et abdicatif que le
créancier gagiste est apte à effectuer dès lors que le gage est à son avantage exclusif. Par la
remise du bien, la garantie s’éteint mais la dette lui survit.

337 - La perte de la chose par le fait du créancier - Si le gage se perd par la faute du
créancier, le contrat de gage s’éteint. En revanche, « en cas de perte ou de détérioration
totale ou partielle de la chose gagée qui ne serait pas de son fait, le créancier gagiste exerce
son droit de préférence sur l’indemnité d’assurance, s’il y a lieu, pour le montant de la
créance garantie en principal, intérêts et autres accessoires, dans le respect des dispositions
de l’art. 226 » (art. 106 AUS).
123
338 - Décision judiciaire de restitution - En cas de défaillance dans l’obligation de
conservation pesant sur lui, le créancier gagiste peut encourir la déchéance de ses droits si le
juge est saisi par le débiteur (art.109 al 1 AUS).

SECTION 2 : LES GAGES SPECIAUX


339 – Précisions - A côté du droit commun du gage, il existe différents gages spéciaux avec
ou sans dépossession. L’AUS contient des dispositions particulières relatives au gage du
matériel professionnel (art. 118), au gage des véhicules automobiles (art. 118 et 119 AUS) et
au gage de stocks (art. 120à 124 AUS).

§ 1 – Le gage du matériel professionnel


340 – Précisions - Le gage du matériel professionnel est également soumis aux règles du droit
commun du gage. C’est ce que prévoit l’art. 118 AUS dont l’alinéa 1er dispose que : « Sans
préjudice des dispositions de la présente sous-section, le matériel professionnel et les
véhicules automobiles, assujettis ou non à une déclaration de mise en circulation et à
immatriculation administrative, peuvent faire l’objet d’un gage en application des dispositions
des articles 92 à 117 du présent Acte uniforme ».

Toutefois, il est permis de penser que l’ensemble des dispositions spécifiques prévues
surtout par les art. 91 à 98 de l’ancien acte uniforme restent applicables sinon l’on
comprendrait difficilement l’édiction de « dispositions particulières certains gages » dans le
nouvel acte uniforme204.

341 – Plan - Sur le fondement de ces observations, l’étude du gage du matériel professionnel
nécessite l’examen de sa constitution (A), de ses effets (B) et de son extinction (C).

A – La constitution du gage du matériel professionnel

342 – Conditions de fond- Conditions de forme - Constituer du matériel professionnel en


gage suppose de respecter des conditions de fond, de forme et d’opposabilité.

343 - Conditions de fond - Il faut distinguer, d’abord, les conditions relatives aux parties,
ensuite, celles relatives à l’assiette du gage et enfin, celles ayant trait à la créance garantie.

344 - Conditions relatives aux parties205 - Le constituant doit être un professionnel agissant
pour ses besoins professionnels. En revanche, peu importe l’activité de ce professionnel qui

204
Voir sur ce point, l’affirmation de certains des rédacteurs du nouvel acte uniforme : « Outre ces règles de
droit commun, applicables à tous types de gages, le projet d’Acte uniforme révisé prévoit des règles
particulières, qui prennent en compte les spécificités inhérentes à certains biens remis en gage. Pour ne pas
bouleverser les habitudes, les règles relatives au gage du matériel professionnel et des véhicules automobiles
sont regroupées dans une même sous-section, tandis qu’une autre sous-section du projet est consacrée au seul
gage de stocks » (Ariane Marceau-Cotte et Louis-Jérôme Laisney, in Revue Droit et patrimoine, n° 197,
novembre 2010, p. 70)
205
Les conditions relatives aux parties et à l’assiette du gage sont insérées dans l’art. 91 de l’ancien acte
uniforme dont l’alinéa 1er dispose que : « Le matériel servant à l’équipement de l’acheteur pour l’exercice de sa
profession, qu’il soit neuf ou usagé, peut faire l’objet d’un nantissement au bénéfice du vendeur. La même sûreté
124
peut être ou non un commerçant. Ainsi, un agriculteur ou un artisan pourraient très bien gager
de tels biens.

De plus, par application du droit commun du gage206, il est exigé que le constituant
soit propriétaire du matériel gagé.

Le créancier peut être le vendeur ou le prêteur de deniers ayant servi à l’acquisition du


matériel professionnel mais aussi la caution ou le donneur d’aval qui a garanti le paiement du
prix envers le vendeur ou de toute personne ayant pris un engagement ayant le même objet.

345 - Assiette du gage - Le gage ne peut porter que sur du matériel servant à l’équipement
d’une personne pour l’exercice de sa profession, qu’il soit neuf ou usagé207. Le caractère
professionnel du matériel doit être avéré ; en revanche, peu importe que ce matériel serve à un
usage civil, commercial, industriel, agricole ou artisanal.

Par ailleurs, aux termes de l’al. 2 de l’art. 118 du nouvel AUS, « le matériel
professionnel faisant partie d’un fonds de commerce peut être nanti en même temps que les
autres éléments du fonds, conformément aux dispositions des articles 162 à 165 du présent
Acte uniforme ».

346 - Créance garantie - La créance garantie peut être le prix de vente du matériel
d’équipement (au profit du vendeur) ou les fonds prêtés par une personne pour l’achat dudit
matériel. La créance garantie peut être représentée par des effets négociables (lettres de
change, billets à ordre, etc…).

347 - Conditions de forme et d’opposabilité - Il faut distinguer, d’une part, les conditions de
forme et, d’autre part, celles d’opposabilité.

348 - Conditions de forme - En ce qui concerne la forme, le gage du matériel professionnel


obéit aux règles de droit commun du gage. Ainsi, selon l’art. 94 du nouvel acte uniforme : « à
peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté dans un écrit contenant la désignation
de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur
nature.

Lorsque le gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du


créancier s’exerce sur le bien gagé aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf
convention contraire ».

peut être consentie au tiers ayant garanti les engagements de l’acquéreur envers le vendeur par cautionnement,
aval ou tout autre engagement ayant le même objet, ainsi qu’à toute personne ayant prêté les fonds nécessaires à
l’achat ».
206
Aux termes de l’art. 95 AUS nouveau « le constituant d’un gage de biens présents doit être propriétaire de la
chose gagée. S’il ne l’est pas, le créancier gagiste peut s’opposer à la revendication du propriétaire dans les
conditions prévues pour le possesseur de bonne foi ».
207
C’est le cas de la revente des matériels d’occasion par un professionnel à un autre.

125
Il ressort de cette disposition que le gage du matériel professionnel est un contrat
solennel dans la mesure où l’écrit est voulu comme une condition de validité de ce gage.
L’écrit peut être un acte authentique ou sous seing privé. Dans cette dernière hypothèse, la
formalité de l’enregistrement n’est plus nécessaire. L’écrit doit contenir un certain nombre de
mentions énumérées par l’art. 94 de l’ancien AUS208.

349 - Conditions d’opposabilité - Pour son opposabilité, le gage du matériel professionnel


doit répondre aux exigences des règles édictées pour le droit commun du gage. Ainsi, aux
termes de l’art. 97 alinéa 1er AUS : « le contrat de gage est opposable aux tiers, soit par
l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien
gagé entre les mains du créancier gagiste ou d’un tiers convenu entre les parties ».

Le gage du matériel professionnel semblant être un gage sans dépossession, seule


l’inscription constitue la condition d’opposabilité du gage aux tiers.

L’inscription, « faite à la requête du créancier, de l’agent des sûretés ou du


constituant » (art. 51 al. 1er AUS) a lieu dans le registre du commerce et du crédit mobilier
« dans le ressort duquel est immatriculé le constituant de la sûreté ou, s’il n’est pas soumis à
l’obligation d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège ou
le domicile du constituant » (art. 52 al. 1er AUS).

Pour inscrire le gage, il est nécessaire de présenter au Greffe chargé de la tenue du


Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, un formulaire d’inscription comprenant un
certain nombre de mentions listées à l’art. 53 AUS209.

208
Selon cet article : « Il (l’écrit) doit, à peine de nullité, comporter les mentions suivantes :
1°) les prénoms, noms, domiciles et professions des parties et, s’il y a lieu, du tiers requérant l’inscription ;
2°) une description du matériel engagé permettant de l’identifier, l’indication de son emplacement et la mention,
si nécessaire, que ce matériel est susceptible d’être déplacé ;
3°) le montant de la créance garantie ;
4°) les conditions d’exigibilité de la dette principale et des intérêts ;
5°) pour la transmission du privilège du vendeur, en cas d’émission d’effets négociables, une clause prévoyant ce
mode de paiement ;
6°) l’élection de domicile des parties dans le ressort de la juridiction où est tenu le Registre du commerce et
crédit mobilier ».
209
Selon l’art. 1er de cet article : « Aux fins d’inscription, le créancier, l’agent des sûretés, le constituant ou le cas
échéant le comptable public, présente au Greffe chargé de la tenue du Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier, ou à l’organe compétent dans l’Etat partie, un formulaire d’inscription portant mention :
a) des nom, prénom, dénomination sociale, domicile ou siège social et s’il y a lieu, les coordonnées électroniques
et le numéro d’immatriculation ou de déclaration d’activité, du créancier ou de l’agent des sûretés, du débiteur de
la créance garantie et du constituant s’il n’est pas ce débiteur ;
b) de la nature et de la date du titre générateur de la sûreté ;
c) le cas échéant, de la durée de l’inscription convenue par les parties ;
d) du montant maximum de la créance garantie comprenant le principal, les intérêts et autres accessoires, de la
date de son exigibilité et de l’existence d’un pacte commissoire. Pour les créances futures, le formulaire
mentionne les éléments permettant de les déterminer ;
e) le cas échéant, de la faculté pour le constituant d’aliéner les biens fongibles grevés par la sûreté dans les
conditions prévues par l’article 102 du présent Acte uniforme ;
f) de la désignation du bien grevé avec l’indication des éléments permettant de l’identifier, notamment sa nature,
son lieu de situation et, le cas échéant, sa marque ou son numéro de série, ou, lorsqu’il s’agit d’un ensemble de
biens présents ou futurs, leur nature, qualité, quantité ou valeur ».
126
L ‘inscription est opposable aux tiers à la date de son inscription au RCCM (art. 57 al.
er
1 AUS). Les parties peuvent convenir de la durée de l’inscription dans l’acte constitutif du
gage dans la limite de dix années à compter de l’inscription (art. 58 al. 2 AUS).

L’inscription garantit, au même rang que le principal, deux années d’intérêt (art. 58 al.
4 AUS).

B – Les effets du gage du matériel professionnel

350 – Plan - Le gage du matériel professionnel produit ses effets à l’égard du constituant et à
l’égard du créancier.

351 - A l’égard du constituant - Le gage du matériel professionnel étant un gage sans


dépossession, le constituant a une obligation de conservation du bien gagé. De plus, le
constituant est tenu de ne pas vendre le matériel gagé.

352 - Obligation de conservation du bien gagé - Aux termes de l’art. 108 al. 2 AUS : « de
même, lorsque le constituant est resté en possession du bien gagé, il doit le conserver en
bon père de famille et, notamment, l’assurer contre les risques de perte et de détérioration
totale ou partielle ».

Cette disposition met à la charge du constituant deux obligations : celle de conserver le


matériel gagé en bon état et celle de l’assurer contre les risques de perte et de détérioration.
Ainsi, toute tentative ou tout acte visant à détruire, détourner ou altérer l’objet du gage, en vue
de faire échec aux droits du créancier, est passible des peines prévues pour l’abus de
confiance (art. 401 cp).

Cette obligation de conservation est sanctionnée et « le créancier peut se prévaloir de la


déchéance du terme de la dette garantie ou solliciter un complément de gage si le
constituant ne satisfait pas à son obligation de conservation du gage » (art. 109 al. 2 AUS).

353 - Obligation de ne pas vendre le bien gagé - Le constituant est tenu de ne pas vendre le
bien gagé. Cette obligation découle de l’art. 97 de l’ancien acte uniforme 210. Plus
précisément, cette disposition impose au constituant qui désire vendre le matériel gagé
d’obtenir l’accord préalable du créancier gagiste ou une autorisation judiciaire. Faute de quoi,
la dette devient immédiatement exigible et si elle n’est pas payée, le constituant soumis à la
faillite personnelle et passible des peines de l’abus de confiance.

210
Cet article dispose que : « Le débiteur ne peut vendre tout ou partie du matériel grevé d’un nantissement sans
l’accord préalable du créancier nanti ou, à défaut, sans autorisation judiciaire.
A défaut d’un tel accord ou d’une telle autorisation judiciaire, s’il y a vente du matériel nanti, la dette devient
exigible immédiatement. Si elle n’est pas payée, le débiteur sera soumis à la procédure de redressement
judiciaire ou de liquidation des biens si une telle procédure lui est applicable.
Les incapacités et déchéances de la faillite personnelle et les peines prévues pour le délit d’abus de confiance
s’appliquent au débiteur ou à toute personne qui, par des manœuvres frauduleuses, prive le créancier nanti de ses
droits ou les diminue ».
127
Expliquant la sévérité des dispositions de cet article, M. Joseph ISSA-SAYEGH
relevait que : « leur sévérité s’explique par le fait que les tiers acquéreurs de bonne foi du
matériel nanti sont protégés par l’article 2279 du code civil.. ; le droit de suite du créancier
nanti ne pouvant s’exercer, il était nécessaire de faire planer une lourde sanction sur le
débiteur indélicat211 ».

Toutefois, avec le nouvel acte uniforme, la question de l’opportunité d’une telle


sévérité se pose à nouveau puisque le créancier gagiste dispose d’un droit de suite qui fait
obstacle à l’application de l’article 2279 al. 1er dès lors que le gage est publié. En effet, selon
l’al. 2 de l’art. 97 AUS, « lorsque le gage a été régulièrement publié, les ayants cause à titre
particulier du constituant ne peuvent être regardés comme des possesseurs de bonne foi et le
créancier gagiste peut exercer son droit de suite à leur encontre ».

354 - A l’égard du créancier - L’inscription confère au créancier gagiste un droit de suite


(art. 97 al. 2 AUS) et un droit de préférence (art. 99 de l’ancien AUS) exercé selon les
dispositions de l’art. 226 AUS.

De plus, lorsque la créance garantie est représentée par des effets de commerce
négociables, leur endossement entraîne le transfert du gage sans nouvelle publicité à condition
que la création de ces effets ait été prévue dans l’acte constitutif et mentionnée au RCCM (art.
92 ancien AUS).

Enfin, en cas de non-paiement à l’échéance, le créancier gagiste bénéficiaire du gage


de matériel professionnel peut réaliser son gage comme tout créancier gagiste (v. art. 104 et s.
AUS).

C – Extinction du gage du matériel professionnel

355- Causes d’extinction - Le gage du matériel professionnel est un gage sans dépossession.
Il s’éteint lorsque l’obligation garantie est entièrement éteinte tant en capital qu’en intérêts et
autres accessoires (art. 116 AUS).

§ 2 – Le gage de véhicules automobiles


356 – Précisions - Le gage de véhicules automobiles est soumis à la fois aux règles de droit
commun du gage et à des règles spécifiques. En effet, selon l’art. 118 al. 1 AUS, « sans
préjudice des dispositions de la présente sous-section, …. les véhicules automobiles,
assujettis ou non à une déclaration de mise en circulation et à immatriculation
administrative, peuvent faire l’objet d’un gage en application des dispositions des articles
92 à 117 du présent Acte uniforme ».

Il importe d’étudier la constitution (A), les effets (B) et l’extinction de ce gage (C).

211
ISSA-SAYEGH (J.), Commentaires de l’art. 97 AUS ancien, in OHADA, Traité et actes uniformes
commentés et annotés, 3e édition, Juriscope, 2008, p. 711.

128
A – La constitution du gage des véhicules automobiles

357 – Conditions de fond- Conditions de forme - Des conditions de fond et de forme


président à cette constitution.

358 - Conditions de fond - Assiette de la garantie - Les choses visées par l’art. 118 al. 1er
sont aussi bien les véhicules automobiles assujettis à une déclaration de mise en circulation et
à immatriculation administrative que ceux qui ne le sont pas.

Le gage portant sur un véhicule automobile peut en réalité porter sur véhicule terrestre
à moteur ou une remorque immatriculée, ce qui semble assez large pour viser toutes sortes
d’engins roulants.

359 - Parties au gage automobile - L’acte uniforme ne semble pas étendre le bénéfice de
cette sûreté à tous les créanciers mais à quelques-uns, plus précisément, le vendeur, le prêteur
de deniers ou le fournisseur du crédit.

Par ailleurs, par application du droit commun du gage, le constituant doit être
propriétaire du véhicule conformément à l’art. 95 AUS212.

360 - Conditions de forme et d’opposabilité - Le gage de véhicules automobiles doit être


passé par écrit sous peine de nullité213. L’écrit peut être un acte authentique ou sous seing
privé.

Opposabilité - Le gage de véhicules automobiles est un gage sans dépossession. Il en découle


que son opposabilité aux tiers est soumise à son inscription au RCCM compétent. Par ailleurs,
aux termes de l’art. 119 AUS : « En ce qui concerne les véhicules automobiles assujettis à une
déclaration de mise en circulation et à immatriculation administrative, le gage doit être
mentionné sur le titre administratif portant autorisation de circuler et immatriculation.
L’absence de cette mention ne remet pas en cause la validité ou l’opposabilité du gage dûment
inscrit au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier ».

Le titre administratif portant autorisation de circuler et immatriculation est la carte


grise du véhicule automobile. La mention du gage sur la carte grise est une simple
commodité destinée à renseigner les tiers et son absence n’affecte pas l’opposabilité du gage
aux tiers dès lors que ce gage a été inscrit.

B – Les effets du gage de véhicules automobiles

212
Selon cet article : « Le constituant d’un gage de biens présents doit être propriétaire de la chose gagée. S’il ,e
l’est pas, le créancier gagiste peut s’opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions prévues pour
le possesseur de bonne foi ».
213
Il s’agit d’une application au gage des véhicules automobiles d’un principe général du droit du gage posé par
l’art. 96 AUS qui dispose que : « A peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté dans un écrit contenant
la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature.
Lorsque le gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s’exerce sur le bien gagé
aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire ».
129
361 - Effets à l’égard du constituant - A l’instar du constituant du gage du matériel
professionnel, le constituant du gage de véhicules automobiles est tenu de deux obligations :
celle de conserver le bien et celle de ne pas le vendre sans l’accord préalable du créancier
gagiste.

362 - A l’égard du créancier - Le créancier gagiste dispose de trois prérogatives : le droit de


suite, le droit de préférence et le droit de réalisation214.

C – L’extinction du gage de véhicules automobiles

363 – Causes d’extinction - Le gage de véhicules automobiles est un gage sans dépossession.
Par conséquent, il s’éteint par la seule voie principale c’est-à-dire « lorsque l’obligation qu’il
garantit est entièrement éteinte, tant en capital, qu’en intérêts et autres accessoires » (art. 116
AUS).

§ 3 – Le gage de stocks
364 – Précisions - L’ancien acte uniforme regroupait en six articles (100 à 105), l’ensemble
des législations antérieures sur les warrants (agricoles, hôteliers, pétroliers, industriels) sous le
vocable de nantissement des stocks. Désormais dénommé gage de stocks, la matière est régie
par les articles 120 à 124 du nouvel acte uniforme auxquels il faut adjoindre certaines
dispositions de l’acte antérieur.

A l’instar du gage de véhicules automobiles et de matériel professionnel, le gage de


stocks est soumis à la fois aux règles du droit commun du gage et aux règles spécifiques qui le
régissent.

365 – Plan - Il est nécessaire d’avoir cela à l’esprit au moment d’analyser ce gage tant au
regard de sa constitution (A), de ses effets (B) que de son extinction (C).

A – La constitution du gage de stocks

366 – Conditions de fond – Conditions de forme - Classiquement, il faut examiner les


conditions de fond et de forme de la constitution du gage de stocks.

367 - Conditions de fond - Les conditions de fond sont relatives à l’assiette du gage et aux
parties au contrat de gage.

368 - Assiette du gage - Les stocks pouvant être gagés sont déterminés à l’article 120 AUS
qui dispose que : « Sans préjudice des dispositions de la présente sous-section, les matières
premières, les produits d’une exploitation agricole ou industrielle, les marchandises
peuvent faire l’objet d’un gage en application des dispositions des articles 92 à 117 du
présent Acte uniforme ».

214
Voir développements précédents relatifs aux effets du gage de matériel professionnel.

130
Il ressort de cette disposition que les stocks pouvant faire l’objet d’un gage sont les
matières premières (café, cacao, mines, hydrocarbures, etc.), les produits d’une exploitation
agricole (récoltes) ou industrielle (machines, véhicules non immatriculés…) et les
marchandises. En ce qui concerne les marchandises, l’ancien acte uniforme précisait
« marchandises destinées à la vente » (achetées à u producteur ou à un précédent distributeur
en vue de la revente : tissus, conserves, appareils ménagers, appareils audiovisuels…) tandis
que le nouvel acte ne fait aucune précision et semble étendre le gage à toutes les marchandises
même celles non destinées à la vente.

Par l’énumération qu’il fait, le législateur donne l’impression que ce type de gage ne
peut porter que des biens corporels présents. Cependant, en application du droit commun du
gage215, rien n’interdit, a priori, que le gage de stocks puisse porter sur des biens futurs.

369- Parties au contrat de gage - Les parties sont le constituant et le créancier gagiste.
L’acte uniforme exige que le constituant soit propriétaire des stocks gagés216.

370 - Conditions de forme et d’opposabilité - L’examen des conditions de forme précédera


celui des conditions d’opposabilité.

371 - Conditions de forme - Conformément au droit commun du gage, la constitution d’un


gage sur stocks suppose un écrit, en l’occurrence un acte authentique ou sous seing privé
comportant, à peine de nullité, des mentions validantes217.

Par ailleurs, la constitution de ce gage peut donner lieu à l’émission d’un bordereau de
gage de stocks. Dans ce cas, des mentions supplémentaires doivent être ajoutées à celles
contenues dans l’art. 96 conformément à l’art. 121 AUS : le nom de l’assureur qui couvre les
stocks contre certains risques et la désignation de l’établissement domiciliataire du bordereau
de gage de stocks.218.

215
Aux termes de l’art. 92 AUS : « le gage est le contrat par lequel le constituant accorde à un créancier le droit
de se faire payer par préférence sur un bien meuble corporel ou un ensemble de biens meubles corporels,
présents ou futurs ».
216
L’art. 95 AUS dispose que : « Le constituant d’un gage de biens présents doit être propriétaire de la chose
gagée. S’il ne l’est pas, le créancier gagiste peut s’opposer à la revendication du propriétaire dans les conditions
prévues pour le possesseur de bonne foi ». Par ailleurs, l’al. 2 de l’art. 96 énonce que : « lorsque le gage porte sur
un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s’exerce sur le bien gagé aussitôt que le constituant
en acquiert la propriété, sauf convention contraire ».
217
L’écrit est exigé par l’art. 96 AUS qui dispose que : « A peine de nullité, le contrat de gage doit être constaté
dans un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur
espèce ou leur nature.
Lorsque le gage porte sur un bien ou un ensemble de biens futurs, le droit du créancier s’exerce sur le bien gagé
aussitôt que le constituant en acquiert la propriété, sauf convention contraire ».
218
Selon cet article : « La constitution d’un gage de stocks sans dépossession peut donner lieu à l’émission par le
greffier, ou par le responsable de l’organe compétent dans l’Etat partie, d’un bordereau de gage de stocks.
Dans ce cas, l’acte constitutif du gage doit comporter, à peine de nullité, outre les mentions prévues par l’article
96 du présent Acte uniforme, le nom de l’assureur qui couvre les stocks gagés contre les risques de vol,
d’incendie et de détérioration totale ou partielle ainsi que la désignation de l’établissement domiciliataire du
bordereau de gage de stocks ».
131
Le bordereau doit être inscrit et contenir un certain nombre de mentions énumérées par
l’art. 122 AUS219.

372 - Conditions d’opposabilité - Le gage de stocks peut être avec dépossession ou sans
dépossession. Dans le premier cas, l’opposabilité est assurée par la dépossession. Dans le
second cas, le gage de stocks ne produit effet que s’il est inscrit au RCCM 220. Le bordereau
doit également être inscrit. Le RCCM compétent est « celui dans le ressort duquel est
immatriculé le constituant de la sûreté ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation
d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège ou le domicile
du constituant ».

Après l’inscription, le greffier remet, si les parties en ont convenues, un bordereau de


gage qui a la même nature juridique qu’un billet à ordre garanti par une sûreté réelle221.

Une fois créé, le bordereau est remis par le débiteur au créancier par voie
d’endossement signé et daté. Après l’émission, le bordereau peut circuler par voie
d’endossement et être avalisé comme un billet à ordre. Sauf convention contraire des parties,
la durée de validité est de cinq ans à compter de la date de son émission sauf
renouvellement222. En fait, cette durée quinquennale correspond à celle du crédit à moyen
terme qui caractérise ce genre de garantie et permet de ne pas obérer trop longtemps des
stocks destinés à la vente. Le renouvellement se réalise nécessairement par l’émission d’un
nouveau bordereau ou par la conclusion d’une convention de prorogation intervenue entre les
signataires de l’effet.

Les créanciers inscrits prennent rang à la date de leur inscription sauf à préférer
l’inscription requise en vertu du titre dont la date est la plus ancienne en cas de concurrence
de sûretés inscrites le même jour. Mais puisque les stocks peuvent également faire l’objet
d’un gage avec dépossession, un concours peut surgir entre un créancier sans dépossession et

219
Aux termes de l’art. 122 AUS : « Le bordereau remis au débiteur après inscription porte, de façon apparente :
- La mention « gage de stocks » ;
- La date de sa délivrance qui correspond à celle de l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier ;
- Le numéro d’inscription au registre chronologique des dépôts ;
- La signature du débiteur.
Il est remis par le débiteur au créancier par voie d’endossement signé et daté.
Le bordereau peut être endossé et avalisé dans les mêmes conditions qu’un billet à ordre avec les mêmes effets.
A défaut de convention contraire, la durée de validité du bordereau est de cinq ans à compter de la date de son
émission, sauf renouvellement ».
220
Le gage de stocks est un gage sans dépossession et son opposabilité aux tiers nécessite son inscription au
RCCM conformément à l’art. 97 al. 1er AUS qui dispose que : « Le contrat de gage est opposable aux tiers, soit
par l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, soit par la remise du bien gagé entre les mains
du créancier gagiste ou d’un tiers convenu entre les parties ».
221
Cf. alinéa 2 de l’art . 122 AUS : « Le bordereau peut être endossé et avalisé dans les mêmes conditions qu’un
billet à ordre avec les mêmes effets ».
222
Cf. al. 4 de l’art. 122 AUS. Il faut remarquer que le nouvel acte uniforme porte la durée de validité du
bordereau de gage à 5 ans à la différence de l’ancien qui le limitait à 3 ans (art. 103 al. 4 AUS ancien).
132
un créancier avec dépossession sur le même stock de gage. Dans ce cas, le conflit entre les
deux créanciers est réglé par l’art. 107 AUS223.

B – Les effets du gage de stocks

373 – Plan - On peut distinguer les effets avant l’échéance de ceux après l’échéance.

374 - Avant l’échéance - Les stocks constituent, jusqu’au remboursement total des sommes
avancées, la garantie du créancier. Toutefois, les parties peuvent convenir que la part des
stocks diminuera à proportion du désintéressement du créancier.

Le débiteur a la responsabilité du stock qui est confié à sa garde et à ses soins. En cas
d’entiercement, c’est le tiers détenteur qui assumerait cette obligation.

Le constituant est tenu de veiller à la conservation des stocks en bon père de famille224.
Ainsi, il doit justifier que les stocks sont assurés contre les risques d’incendie et de destruction
totale ou partielle225. Le débiteur s’engage également à ne pas diminuer la valeur des stocks
gagés à peine de déchéance du terme et d’exigibilité immédiate de la dette. Afin de s’assurer
que le constituant respecte cet engagement, il doit constamment tenir à la disposition du
créancier et, éventuellement du banquier domiciliataire, un état de l’ensemble des biens gagés
ainsi que la comptabilité de toutes les opérations le concernant226.

Toutefois le débiteur conserve le droit de vendre les stocks gagés 227 mais à charge de
les reconstituer. Tant que la vente des stocks est une quantité inférieure à celle gagée, la
liberté de vendre est totale. Dans le cas contraire, le débiteur ne peut livrer les biens vendus
qu’après consignation du prix chez le banquier domiciliataire. Comme on l’a si bien expliqué
« la consignation, au sens strict [dépôt d’une somme d’argent] suppose que l’acquéreur ait

223
Selon cet article : « Lorsqu’un même bien fait l’objet de plusieurs gages successifs sans dépossession, le rang
des créanciers est déterminé par l’ordre de leur inscription.
Lorsqu’un bien donné en gage sans dépossession fait ultérieurement l’objet d’un gage avec dépossession, le droit
de préférence d du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier gagiste postérieur lorsqu’il a été
régulièrement publié et nonobstant le droit de rétention de ce dernier.
Lorsqu’un bien donné en gage avec dépossession fait ultérieurement l’objet d’un gage sans dépossession, le droit
de rétention du créancier gagiste antérieur est opposable au créancier postérieur qui ne pourra prétendre exercer
ses droits sur le bien, tant que le créancier antérieur n’aura pas été entièrement payé ».
224
Cf. art. 108 al. 2 AUS : « De même, lorsque le constituant est resté en possession du bien gagé, il doit le
conserver en bon père de famille et, notamment, l’assurer contre les risques de perte et de détérioration totale ou
partielle ».
225
Idem.
226
Ces dispositions sont contenues dans l’art. 110 AUS aux termes duquel : « Si le gage, quelles qu’en soient les
modalités, a pour objet un ensemble de biens fongibles, le créancier peut exiger du constituant, à peine de
déchéance du terme, qu’il en maintienne la valeur.
Le créancier peut, à tout moment et aux frais du débiteur, obtenir du constituant ou du tiers convenu un état de
l’ensemble des biens gagés ainsi que la comptabilité de toutes les opérations le concernant. Si la constitution de
la sûreté a donné lieu à l’émission d’un bordereau de gage de stocks, l’établissement domiciliataire du bordereau
a également ce pouvoir.
Est considéré comme établissement domiciliataire au sens du présent Acte uniforme, tout établissement habilité à
recevoir des dépôts du public ».
227
Aux termes de l’art. 124 AUS : « Le débiteur émetteur du bordereau de gage de stocks conserve le droit de
vendre les stocks gagés.
Il ne peut livrer les biens vendus qu’après consignation du prix auprès de l’établissement domiciliataire ».
133
déjà réglé le prix ou que le débiteur fasse l’avance de la somme correspondant au prix au
banquier domiciliataire228 ».

En dehors de cette obligation de conservation, la pratique adopte le mécanisme de la


clause dite « d’arrosage » au terme de laquelle lorsque l’état des stocks fait apparaître une
diminution d’un certain pourcentage (en général 20%) de la valeur du gage initial, quelle
qu’en soit la raison, le créancier est fondé à mettre en demeure le débiteur, soit de rétablir la
garantie, soit de rembourser une partie des sommes prêtées proportionnellement à la
diminution constatée.

375 - Après l’échéance - Si le débiteur paie sa dette à l’échéance, l’inscription du gage sera
radiée, soit à la demande du créancier, soit à celle du constituant justifiant de l’extinction de la
dette garantie. Dans l’hypothèse où le constituant a procédé à un remboursement anticipé de
sa dette, il ne sera pas tenu des intérêts restant à courir jusqu’à son échéance.

Mais dans l’hypothèse où le débiteur ne rembourse pas sa dette à l’échéance, le


créancier va poursuivre la réalisation de son gage dans les conditions prévues par l’art. 104
AUS.

C – Extinction du gage de stocks - Le gage de stocks peut s’éteindre, soit par voie principale,
soit par voie accessoire (voir extinction du gage de droit commun).

228
ISSA-SAYEGH (J.), « OHADA-Sûretés », Chap. sur le Nantissement des stocks, Ed. Bruylant, 2002, n° 396,
p. 151.

134
CHAPITRE III
LA PROPRIETE-SURETE

376 – Présentation - La propriété pourrait bien être la meilleure des garanties car le
créancier, plutôt que de bénéficier d’un simple droit de préférence, conserve (dans le cas de la
réserve de propriété) ou acquiert (dans le cas de la fiducie-sûreté), la propriété d’un bien
mobilier.

L’intérêt pour un créancier de recourir à la propriété-sûreté est, d’une part, d’éviter la


loi du concours, puisqu’étant propriétaire du bien, il n’entrera pas en concurrence avec les
créanciers munis de sûretés classiques et, d’autre part, d’échapper aux contraintes des
procédures collectives et notamment la fameuse suspension des poursuites individuelles.

La propriété peut être utilisée de deux façons : soit le créancier conserve, retient la
propriété d’un bien qu’il ne transférera que lorsqu’il aura obtenu le paiement intégral de sa
créance, soit, à l’inverse, un créancier se fait transférer la propriété d’un bien du débiteur et le
lui restituera une fois réglée sa créance.

Cette distinction est exprimée dans l’article 71 AUS aux termes duquel : « La
propriété d’un bien mobilier peut être retenue en garantie d’une obligation par l’effet
d’une clause de réserve de propriété.

Elle peut aussi être cédée en garantie d’une obligation aux conditions prévues par le
présent Chapitre ».

377 – Plan – On étudiera, successivement, la clause de réserve de propriété (sous-chapitre 1),


la cession de créance à titre de garantie (sous-chapitre 2) et le transfert fiduciaire d’une
somme d’argent (sous-chapitre 3).

135
S/ CHAPITRE I
LA CLAUSE DE RESERVE DE PROPRIETE

378 – Notion - Jusque-là contenue au contrat de vente, cette garantie fait son entrée dans
l’AUS comme une sûreté à part entière229.

Aux termes de l’art. 72 AUS : « la propriété d’un bien mobilier peut être retenue en
garantie par l’effet d’une clause de réserve de réserve qui suspend l’effet translatif d’un
contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie ».

A partir de cette disposition, on peut définir la clause de réserve de propriété comme


la convention par laquelle l’effet translatif d’un contrat est suspendu jusqu’au complet
paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie.

379 – Plan - Cette définition livre tout à la fois les conditions de constitution de la clause de
réserve de propriété (Section 1) et les effets de cette clause (Section 2).

SECTION I : LES CONDITIONS DE CONSTITUTION DE LA


CLAUSE DE RESERVE DE PROPRIETE
380 – Conditions de fond – Conditions de forme - Les conditions de constitution de la
réserve de propriété sont posées aux articles 73 et 74 AUS. Ces dispositions distinguent les
conditions de fond (§1) de celles de forme (§2).

§1 – Les conditions de fond


381 – Un écrit- Un délai – Un bien meuble – Les conditions de fond sont logées dans l’art.
73 AUS qui dispose que : « A peine de nullité, la réserve de propriété est convenue par écrit
au plus tard au jour de la livraison du bien. Elle peut l’être dans un écrit régissant un
ensemble d’opérations présentes ou à venir entre les parties ».

De cette disposition, il résulte que la validité d’une clause de réserve de propriété est
conditionnée à la réunion des éléments suivants : un écrit, donc un contrat et la stipulation de
la clause dans un délai déterminé.

229
Comme on a pu le relever, à juste titre : « A priori, la clause de réserve de propriété est une excellente
garantie, sinon une sûreté, pour le vendeur et ses ayants-cause. Elle produit ses effets tant que le prix n’est pas
intégralement payé (conséquence de l’indivisibilité de la sûreté) et met ses titulaires à l’abri d’un éventuel
concours avec d’autres créanciers, car elle leur permet de revendiquer la marchandise, de la récupérer, le cas
échéant, de la revendre, sans que ces derniers, quels qu’ils soient, puissent s’y opposer », cf. SIMLER (Ph.),
DELEBECQUE (Ph.), « Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière », Dalloz, 4e éd., 2004, n° 693, p. 585.

136
A ces deux éléments, il faut adjoindre l’art. 72 AUS qui limite la clause aux biens
mobiliers et ne l’admet que pour garantir la créance issue du contrat dont le transfert de
propriété est suspendu.

A – La nécessité d’un contrat

382 – Nécessité d’un accord des parties - La clause doit résulter d’un accord des parties,
c’est-à-dire le débiteur et le créancier. Il ne peut donc y avoir une clause de réserve de
propriété unilatérale. L’écrit qui constate cette harmonie de la volonté des parties peut être de
tout genre comme un bon de commande ou les conditions générales de vente, pourvu que la
clause soit expressément stipulée.

383 – Tout contrat translatif de propriété - La clause peut figurer dans tout contrat
« translatif de propriété ». Il s’agit, bien évidemment, d’un contrat de vente. Mais il peut
également s’agir d’un contrat d’entreprise alors que, jusqu’à présent, l’AUDCG ne l’avait
envisagée qu’à propos du seul contrat de vente230. En effet, en disposant que la clause de
réserve de propriété suspend l’effet translatif « d’un contrat » jusqu’au complet paiement de
l’obligation qui en constitue la contrepartie, l’art. 72 AUS vise tout contrat translatif de
propriété et non exclusivement le contrat de vente. Ainsi, en droit français, un arrêt remarqué
avait admis la validité d’une clause de réserve de propriété à un contrat d’entreprise231.

Par ailleurs, il y a la possibilité pour la réserve de propriété d’être stipulée dans une
convention- cadre232 régissant les relations contractuelles présentes ou à venir. Cette
possibilité est une innovation importante dans la mesure où, en France, la cour de cassation
exigeait que la clause soit stipulée par écrit pour chaque contrat de vente conclu entre les
parties. Comme on l’a justement expliqué : « cet assouplissement (l’extension de l’écrit aux
conditions générales de vente) est lié à la raison d’être de l’exigence d’un écrit qui est la
protection des tiers contre une collusion frauduleuse entre le débiteur et l’un de ses
créanciers. En conséquence, l’exigence d’un écrit n’est pas une simple condition de preuve
de l’accord des parties sur la réserve de propriété et puisqu’il s’agit ici de lutter contre un
risque de fraude, il ne serait pas concevable d’accepter (…) qu’à partir du moment où la
clause a été prévue une fois par écrit et qu’elle a un caractère usuel entre les parties, il ne
soit plus nécessaire qu’elle soit stipulée pour chaque vente233 ». Il faut donc retenir qu’une
clause de réserve de propriété peut figurer dans des conditions générales de vente sans
nécessité qu’elle soit, en plus, stipulée par écrit dans chaque vente intervenue entre les parties.

230
Il s’agissait de l’ancien AUDCG. Le nouvel AUDCG régit la clause de réserve de propriété en son article 276
mais en opérant un renvoi à l’AUS. En effet, aux termes de l’art. 276 AUS : « Les parties peuvent, toutefois,
convenir de différer le transfert de propriété en application d’une clause de réserve de propriété régie par les
articles 72 à 78 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ».
231
Cass. Com. 19 nov. 2003, Bull. civ. N° 174.
232
Par exemple les conditions générales de vente acceptées par l’acquéreur.
233
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 212, p. 168.

137
B – Le respect d’un délai

384 – Nécessité d’un délai - La stipulation de la clause de réserve est contenue dans un délai
déterminé par la loi. En effet, il ressort de l’art. 73 AUS que ladite clause doit être stipulée au
plus tard au jour de la livraison du bien. Ce délai s’explique par le fait que le transfert de
propriété est lié à la livraison du bien234. Il est donc important, si l’on veut différer ce
transfert, de stipuler la clause avant ladite livraison.

C – L’assiette de la réserve de propriété

385 – Biens mobiliers - Appréhendée comme une sûreté, la réserve de propriété ne porte que
sur des biens mobiliers235. Sont donc exclus de l’assiette de la sûreté les biens immobiliers236.
Cela dit, le bien grevé peut être corporel ou incorporel. Il importe peu que le bien assiette de
la sûreté bénéficie de sûretés qui lui soient spécialement dédiées. Ainsi, le fait que le matériel
professionnel et les véhicules automobiles puissent faire l’objet d’un gage n’empêche pas la
faculté qu’ils puissent être l’objet d’une clause de réserve de propriété.

D – La créance garantie

386 – Nécessité d’une créance garantie - La réserve de propriété ne peut garantir une
créance autre que celle qui constitue la contrepartie du transfert de propriété. En posant cette
condition, le législateur consacre une sorte de principe de spécialité de la créance garantie.
Ainsi, la clause de réserve de propriété est l’accessoire de la créance dont elle garantit le
paiement237.

Outre les conditions de fond, il y a lieu d’exposer les conditions de forme de la


constitution de la réserve de propriété.

§ 2 – Les conditions de forme

234
Pour le contrat de vente, voir l’art. 275 AUDCG qui dispose que : « La prise de livraison opère transfert à
l’acheteur de la propriété des marchandises ».
235
En effet, la réserve de propriété est citée par l’art. 50 AUS listant les sûretés mobilières en droit OHADA.
236
Il s’agit ici d’une différence fondamentale avec le droit français où la réserve de propriété grève aussi bien
des biens mobiliers qu’immobiliers. Par ailleurs, certains auteurs estiment que : « Le fait que la réserve de
propriété immobilière ne soit pas envisagée par l’AUS ne doit (..) pas être analysé comme constituant en
interdiction de celle-ci, en application du numerus clausus des sûretés réelles mais simplement comme une
indication de ce qu’elle n’a pas été considérée comme une véritable sûreté par les auteurs de la réforme », cf.
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 208, p. 166.
237
La clause de réserve de propriété endosse ici le caractère accessoire de toute sûreté expressément formulé par
l’art. 2 AUS lorsqu’il dispose que : « Sauf disposition contraire du présent Acte uniforme, les sûretés qu’il
régit sont accessoires de l’obligation dont elles garantissent l’exécution ».

138
387 – Ecrit et inscription – Les conditions de forme ressortent à la fois des articles 73 et 74
AUS et se résument en deux points : la nécessité d’un écrit (A) et l’inscription de la clause au
RCCM (B).

A – La nécessité d’un écrit

388 – Ecrit, condition de validité - La clause de réserve de propriété doit être nécessairement
stipulée par écrit. L’écrit est voulu comme une condition de validité de la clause238. Cet écrit
peut être le contrat (la vente, le contrat d’entreprise) ou un document postérieur (bon de
livraison, facture…) pourvu que ce document soit porté à la connaissance de l’autre partie au
plus tard au moment de la livraison.

B – L’inscription de la clause au RCCM

389 – Nécessité de la publicité - L’opposabilité aux tiers de la réserve de propriété est


soumise à l’accomplissement d’une formalité de publicité énoncée par l’art. 74 AUS 239. Il
s’agit de l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.

Le RCCM compétent est « celui dans le ressort duquel est immatriculé le constituant
de la sûreté ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation d’immatriculation, celui dans le ressort
duquel est situé, selon le cas, le siège ou le domicile du constituant » (art. 52 AUS).

390 – Portée de l’exigence de la publicité – La publicité n’est pas facultative. Elle est
obligatoire. Il en découle qu’en l’absence d’inscription au RCCM, la réserve de propriété est
inopposable aux tiers. Comme on l’a justement relevé : « (…) lorsque la publicité est exigée
à peine d’inopposabilité, comme c’est le cas dans le droit de l’OHADA, elle génère un
système de tout ou rien : soit elle est effectuée et les tiers sont présumés de manière
irréfragable connaître l’existence de la réserve de propriété ; soit elle ne l’est pas et ils
peuvent ne pas en tenir compte, quelle que soit par ailleurs la connaissance personnelle du
contenu du contrat qu’ils pourraient avoir240 ».

Ainsi jugé que, face à une saisie de marchandises, le vendeur, agissant en distraction de ces
marchandises saisies, ne peut invoquer un contrat de dépôt-vente et une clause de réserve de
propriété qui n’ont pas fait l’objet de la publicité au registre du commerce et du crédit

238
En effet, l’art. 73 AUS mentionne expressément que le défaut d’écrit est sanctionné par la nullité de la clause
de réserve de propriété.
239
Aux termes de cet article : « La réserve de propriété n’est opposable aux tiers que si celle-ci a été
régulièrement publiée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, conformément aux dispositions des
articles 51 à 66 du présent Acte uniforme ». L’exigence de la publicité de la clause de réserve de propriété est
également portée par l’article 103 al. 2 AUPC lorsqu’il dispose que : « Peuvent être également revendiqués les
marchandises et les objets mobiliers, s’ils se retrouvent en nature, vendus avec une clause subordonnant le
transfert de propriété au paiement intégral du prix, lorsque cette clause a été convenue entre les parties dans
un écrit et a été régulièrement publiée au Registre du commerce et du crédit mobilier ».
240
CROCQ (P.), op. cit., n° 214, p. 169.

139
mobilier241. De même, en matière d’arbitrage, il a été jugé que des arbitres ne peuvent
prendre en compte, au risque de violer la loi, des clauses de réserve de propriété qui n’ont pas
été enregistrées comme le prévoit la loi242.

SECTION 2 – LES EFFETS DE LA CLAUSE DE RESERVE DE


PROPRIETE
391 – Plan - Il y a lieu de distinguer les effets avant l’échéance (§1) de ceux en cas de
défaillance du débiteur (§2).

§1 – Les effets avant l’échéance


392 – Parties au contrat – Biens grevés- Ils concernent à la fois les parties au contrat (A)
que les biens grevés de la clause (B).

A – Les effets relatifs aux parties

393- Suspension de l’effet translatif du contrat- La réserve de propriété a pour effet de


suspendre l’effet translatif du contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en
constitue la contrepartie.

394 – Prérogatives de l’acheteur – En pratique, les biens faisant l’objet d’une réserve de
propriété sont livrés au débiteur (acheteur) avant d’être payés car l’activité. Ainsi, l’acheteur,
quoique non propriétaire, dispose de toutes les prérogatives de la propriété. Il peut utiliser la
chose, en percevoir les fruits...En réalité tout dépend des stipulations contractuelles.

395 – Prérogatives du vendeur - Tant que le paiement intégral n’est pas intervenu, le
vendeur reste propriétaire du bien grevé. Conséquemment, il supporte les risques de
destruction ou de détérioration de la chose. Mais en pratique, sont insérées des clauses de
transfert des risques à la charge de l’acheteur.

B – Les effets sur les biens grevés

396 – Biens fongibles - L’AUS contient des dispositions particulières relatives à certaines
hypothèses. Ainsi, si le bien grevé est un bien fongible, « la propriété réservée… peut
s’exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens de même espèce et de
même qualité détenus par le débiteur ou pour son compte » (art. 75 AUS).

Cette disposition autorise donc le débiteur à utiliser les biens fongibles grevés quitte à
reporter la sûreté sur des biens de même espèce et de même qualité qu’il détient.

241
TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR (SENEGAL), Jugement n° 117 du 15 janvier 2002,
Ali MEHSEN c/ Jamal SALEH, maître Ndèye Tegue Fall Lo et maître Mademba Guèye, www.Ohada.com,
Ohadata J-05-90.
242
Cour d’appel du Centre, arrêt n° 52/civ du 6 février 2008, Groupe Prodicom Sarl, KEUMEDJEU Joseph,
représentant contre SDBC, SNC, BAT, le centre d’arbitrage du GICAM.

140
397 – Vente ou destruction du bien grevé - Par ailleurs, en cas de vente ou de destruction du
bien grevé, « le droit de propriété se reporte, selon le cas, sur la créance du débiteur à
l’égard du sous-acquéreur ou sur l’indemnité d’assurance subrogée au bien243 » (art. 78
AUS).

398 – Conséquences de la subrogation réelle244 – Trois conséquences peuvent être tirées de


cette solution. D’abord, le report du droit du bénéficiaire de la clause de réserve de propriété
sur la créance du prix de revente n’est plus une solution exclusive au droit des procédures
collectives mais devient un principe du droit des sûretés. Ensuite, ce jeu de la subrogation
réelle s’applique même lorsque la clause est insérée dans tout contrat translatif de propriété et
non seulement lorsqu’il s’agit d’un contrat de vente. Enfin, la subrogation réelle concerne,
outre la vente du bien, sa destruction puisqu’on admet que le droit du bénéficiaire de la
réserve de propriété se reporte sur l’indemnité d’assurance.

Comme on l’a, à juste titre, relevé : « Cette conception extensive du jeu de la


subrogation réelle (...) est une illustration de l’assimilation de la réserve de propriété à une
sûreté réelle car le jeu de la subrogation est le principe dans le cas des sûretés réelles
traditionnelles (dans la mesure où elles ont principalement pour objet la valeur du bien
concerné) alors que le jeu de la subrogation réelle est, au contraire, exceptionnel dans le
cas d’une propriété ‘‘classique’’ car le droit de propriété a pour objet principal non
seulement la valeur du bien mais aussi la matérialité de ce bien 245».

399 – Opposabilité de la subrogation réelle aux tiers – Une fois admis le jeu de la
subrogation réelle, se pose la question de l’opposabilité aux tiers du report du droit du
bénéficiaire de la réserve de propriété sur la créance du prix. A quelle date ce report est-il
opposable aux tiers ? Est-ce à la date où la revente a eu lieu ou à la date de la publication de la
clause de réserve de propriété ? La question est d’importance car l’opposabilité de la réserve
de propriété suppose son inscription au RCCM. La solution à la question réside dans la
comparaison entre les dates d’inscription au RCCM de la réserve de propriété et de la cession
de la créance du prix de revente. En effet, il est évident que si la clause de réserve de propriété
n’a pas été publiée ou ne l’a été qu’après la publication de la cession de la créance du prix de
revente, le bénéficiaire de la réserve ne sera pas préféré au cessionnaire. Par contre, si la
réserve de propriété a été publiée avant la cession de la créance du prix de revente, le
bénéficiaire de la réserve de propriété doit être préféré au cessionnaire. La subrogation réelle
sera donc opposable au cessionnaire.

243
L’art. 78 AUS reprend les dispositions de l’al. 4 de l’art. 103 AUS qui dispose que : « En cas d’aliénation de
ces marchandises et objets mobiliers, peut être revendiqué, contre le sous-acquéreur, le prix ou la partie du
prix dû si celui-ci n’a été ni payé en valeur ni compensé en compte courant entre le débiteur et le sous-
acquéreur ».
244
Pour une explication plus détaillée des conséquences de la subrogation réelle, v. CROCQ (P.) et alii, op. cit.,
n° 220, p. 173.
245
Idem, n° 220, p. 174.

141
400 – Incorporation à un autre bien – Le droit de propriété du bénéficiaire de la réserve de
propriété subsiste-t-il lorsque l’objet de la réserve est incorporé dans un autre bien ? La
réponse est fournie par l’art. 76 AUS qui dispose que : « l’incorporation d’un meuble faisant
l’objet d’une réserve de propriété à un autre bien ne fait pas obstacle aux droits du
créancier lorsque ces biens peuvent être séparés sans subir de dommage.

A défaut, le tout appartient au propriétaire de la chose qui forme la partie


principale, à charge pour lui de payer à l’autre la valeur, estimée à la date du paiement, de
la chose qui y a été unie ».

Cette disposition distingue deux hypothèses. La première est relative au cas où les
deux biens peuvent être « séparés sans subir de dommage ». Il s’agit ici d’un démontage des
biens sans détérioration matérielle des deux biens. Dans ce cas, les droits du bénéficiaire de la
réserve de propriété sur le bien incorporé subsistent. La deuxième hypothèse concerne le cas
où les deux biens ne peuvent être séparés sans subir de dommage. Ici, le démontage des biens
entraînerait nécessairement leur détérioration matérielle. Dans ce cas, les deux biens réunis
appartiennent « au propriétaire de la chose qui forme la partie principale, à charge pour lui
de payer à l’autre la valeur, estimée à la date du paiement, de la chose qui y a été unie ».

§2 – Les effets en cas de défaillance du débiteur


401 – Précisions - L’effet primordial de la réserve de propriété est lié à la défaillance du
débiteur. Dans ce cas, le créancier réservataire dispose de la possibilité de réaliser sa sûreté. Il
va alors exercer une action en restitution. Cette réalisation peut prendre deux formes selon que
le débiteur est in bonis ou dans les liens d’une procédure collective.

A – L’action en restitution quand le débiteur est in bonis

402 – Objet de l’action en restitution – Par l’effet de la clause de réserve de propriété, le


bénéficiaire de cette clause ne perd pas la propriété du bien. En pratique, il en perd la
disposition puisqu’il offre la jouissance du bien au débiteur. Par conséquent, en cas de
défaillance du débiteur, le créancier bénéficiaire cherchera à recouvrer non la propriété mais
la disposition du bien. L’alinéa 1er de l’art. 77 AUS est très clair sur ce point lorsqu’il dispose
que : « à défaut de complet paiement à l’échéance, le créancier peut demander la restitution
du bien afin de recouvrer le droit d’en disposer ». D’où l’explication diaphane suivante :
« Mais il reste à savoir ce qui peut être donné au créancier du fait de l’exercice de l’action
en revendication au titre de cette exécution par équivalent. Il ne peut pas s’agir de la
propriété du bien puisque le créancier, par définition, est déjà propriétaire du bien faisant
l’objet de la réserve de propriété avant l’exercice de cette action. Ce qui lui est donné, ou
plutôt redonné, c’est le droit de disposer du bien au profit d’autrui, un droit dont il s’était
initialement dépouillé en contractant avec l’acheteur246 ».

246
CROCQ (P.) et alii, op. cit., n° 222, p. 175. Il faut relever que si les auteurs utilisent l’expression « action en
revendication », il s’agit cependant de l’action en restitution prévue par l’art. 77 AUS.

142
403 – Effets de l’action en restitution – Il importe d’analyser l’incidence de la restitution sur
le sort du contrat. L’action en restitution a un effet primordial sur le contrat : elle opère une
dation en paiement manifestée par la compensation entre la créance du prix de vente
appartenant au bénéficiaire de la réserve de propriété et la valeur du bien repris estimée au
jour de la restitution dudit bien. C’est cela qu’exprime l’al. 2 de l’art. 77 quand il précise que :
« La valeur du bien repris est imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance
garantie ». Le créancier réservataire pourra donc revendre le bien et si la valeur du bien repris
venait à excéder le montant de la dette garantie encore exigible, le créancier « doit au
débiteur une somme égale à la différence » (art. 77 al3 AUS). Cette disposition est d’ordre
public puisque « toute clause contraire est réputée non écrite » (art. 77 AUS in fine).

404 – Inécessité de la résolution du contrat - L’action en restitution n’est donc pas une
action résolutoire de la clause mais bien la réalisation de la sûreté qu’est la clause de réserve
de propriété. Il en découle que l’action en restitution ou en revendication n’entraîne pas la
résolution du contrat. En effet, comme on l’a bien relevé : « les deux institutions ne sont pas
liées : la résolution suppose une demande en justice et appelle une appréciation du juge ; la
revendication n’est que l’action tendant à voir reconnaître un droit de propriété sur une
chose. Elle peut être doublée d’une action en restitution qui tend à la récupération
matérielle de la chose247 ».

C’est pourquoi une certaine décision affirmant le contraire est critiquable. Il s’agit du
jugement du 18 décembre 2002 du Tribunal régional hors classe de Thiès, EGBER c/ ND
INTERNATIONAL248. En l’espèce, le 16 avril 1999, la société ND International a vendu à
l’Entreprise Générale de Bâtiment et d’Entretien Routier (EGBER), un Grader Caterpillar au
prix de trente-neuf millions trois cent mille francs CFA (39.3000.000). Une partie importante
du prix soit 28.450.000 FCFA a été payée le solde devant être versé au plus tard le 5 octobre
1999. La vente contient une clause de réserve de propriété au profit du vendeur ND
International ainsi qu’une clause de résolution de plein droit du contrat. Le débiteur étant
défaillant à l’échéance, le créancier a intenté une action en restitution du Grader. Le tribunal a
rejeté sa demande en arguant que le créancier devait d’abord obtenir la résolution préalable de
la vente avant d’obtenir restitution du Grader. En effet, selon les premiers juges, la clause de
réserve de propriété « garantit le paiement intégral du prix mais ne met pas à la charge de
l’acheteur une obligation de restituer ou de délivrer sauf au cas où la vente serait résolue ».
Cette décision est critiquable. Le juge a erré en ignorant royalement l’effet de la clause de
réserve de propriété : par elle, le créancier n’a nullement besoin d’obtenir au préalable la
résolution de la vente pour obtenir restitution de l’objet de la réserve en cas de défaillance du
débiteur. En décidant autrement, le juge n’a pas dit le droit.

Pour conclure sur cette décision, il nous suffit de citer le désaveu cinglant d’un de ses
commentateurs : « On ne peut pas approuver cette décision. Que la clause de réserve de

247
SIMLER (Ph.), DELEBECQUE (Ph.), op. cit., n° 697, p. 591.
248
www.Ohada.com, Ohadata J-03-202.

143
propriété soit inscrite seule ou au côté d’une clause de résolution (au demeurant, même si
elle n’est pas expressément prévue, la loi et la jurisprudence considèrent qu’elle est
toujours sous-entendue), elle suffit à permettre au vendeur de réclamer la restitution de la
chose vendue, quitte à opérer, comme en cas de résolution, à une restitution d’une partie du
prix payé à l’acheteur si celui-ci a acquitté une fraction importante et à l’allocation de
dommages-intérêts à la charge de l’acquéreur pour dépréciation de la chose en cas
d’utilisation249 ».

B – L’action en revendication en cas de procédure collective contre le débiteur

405 – Nécessité de la production du créancier - Lorsque le débiteur est dans les liens d’une
procédure collective, le créancier réservataire va avoir recours à l’action en revendication telle
que prévue par les dispositions de l’acte uniforme sur les procédures collectives (AUPC)
notamment les art. 101250 et suivants.

Ainsi, pour exercer l’action en revendication après l’ouverture de la procédure


collective ou reprendre l’exercice de l’action introduite antérieurement et suspendu à compter
du jugement d’ouverture, le revendiquant doit produire conformément aux dispositions des
art. 78 à 88 AUPC. Le créancier revendiquant doit produire dans un délai de trente jours à
partir de la deuxième insertion dans un journal d’annonces légales ou suivant celle faite au
journal officiel. La revendication admise par le syndic ou le juge-commissaire ou la
juridiction compétente est enfermée dans des délais stricts : à peine de forclusion, elle doit se
faire dans les trois mois suivant la publicité du dépôt de l’arrêté des créances ou de la décision
de justice admettant les revendications.

La revendication exige que les biens se retrouvent en nature251. Dans le cas contraire,
on peut faire application des art. 75, 76 et 78 AUS.

249
ISSA-SAYEGH, note sous jugement du 18 décembre 2002 du Tribunal régional hors classe de Thiès, , EGBER
c/ ND INTERNATIONAL, www. Ohada.com, Ohadata J-03-202.
250
Selon l’article 101 AUPC : « Les actions en revendication ne peuvent être reprises ou exercées que si le
revendiquant a produit et respecté les formes et délais prévus par les articles 78 à 88 ci-dessus.

Les revendications admises par le syndic, le juge-commissaire ou la juridiction compétente doivent


être exercées, à peine de forclusion, dans un délai de trois mois à compter de l’information prévue par
l’article 87 alinéa 3 ci-dessus ou de la décision de justice admettant les revendications ».
251
Aux termes de l’art. 103 AUPC : « Peuvent être revendiqués, à conditions qu’ils se retrouvent en nature,
les marchandises consignées et les objets mobiliers remis au débiteur, soit pour être vendus pour le compte du
propriétaire, soit à titre de dépôt, de prêt, de mandat ou de location ou de tout autre contrat à charge de
restitution.

Peuvent être également revendiqués les marchandises et les objets mobiliers, s’ils se retrouvent en nature,
vendus avec une clause subordonnant le transfert de propriété au paiement intégral du prix, lorsque cette
clause a été convenue entre les parties dans un écrit et a été régulièrement publiée au Registre du commerce
et du crédit mobilier.

144
406 – Effets de l’action en revendication - Avec l’action en revendication, le créancier
réservataire retrouve la possession de la chose. Mais que devient le contrat contenant la clause
de propriété ? La cour de cassation française considérait que le contrat n’était pas résolu mais
que le créancier retrouvait le droit de disposer de la chose et que sa créance contre le débiteur
était éteinte à concurrence de la valeur du bien revendiqué252. Cette solution est expressément
consacrée par l’AUS en l’al. 2 de l’art. 77 qui précise que : « La valeur du bien repris est
imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie ».

Toutefois, s’agissant de marchandises et d’objets mobiliers consignés au débiteur pour être vendus ou vendus
avec clause de réserve de propriété, il n’y a pas lieu à revendication si, avant la restitution des marchandises
et objets mobiliers, le prix est payé intégralement et immédiatement par le syndic assistant ou représentant le
débiteur, selon le cas.

En cas d’aliénation de ces marchandises et objets mobiliers, peut être revendiqué, contre le sous-acquéreur, le
prix ou la partie du prix dû si celui-ci n’a été ni payé en valeur ni compensé en compte courant entre le
débiteur et le sous-acquéreur ».
252
Cass. com. 5 mars 1996.

145
S/ CHAPITRE II

LA CESSION DE CREANCE A TITRE DE GARANTIE

407 – Généralités - La cession d’un bien à titre de garantie était totalement ignorée par le
droit de l’OHADA. Cette situation a changé avec la réforme de l’acte uniforme sur les sûretés
adoptée le 15 décembre 2010 à Lomé. A partir de cette réforme, la cession de créance à titre
de garantie fait son entrée dans l’acte uniforme portant organisation des sûretés et elle est
réglementée par les articles 80 à 86 AUS.

La cession de créance est une illustration de la propriété cédée. Cette dernière est
appréhendée par l’art. 79 AUS qui dispose que : « La propriété d’un bien, actuel ou futur, ou
d’un ensemble de biens, peut être cédée en garantie du paiement d’une dette, actuelle ou
future, ou d’un ensemble de dettes aux conditions prévues par la présente section ».

408 – Définition - La cession de créance est une convention par laquelle un créancier, le
cédant, transfère à une personne qui va devenir le nouveau créancier, le cessionnaire, la
créance qu’il a sur son débiteur, le cédé.

409 – Plan - La cession de créance, pour produire des effets (Section 2) doit obéir à certaines
conditions de formation (Section 1). Il importe de voir également comment elle se réalise.
Cette réalisation sera couplée avec les effets de la sûreté.

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE FORMATION


La cession se présente comme une convention entre cédant et cessionnaire mais qui
doit être portée à la connaissance du débiteur cédé et des tiers pour leur être opposable. On
peut distinguer les conditions de fond de la cession (§1) et les conditions de forme de la
cession (§2).

§1 – Les conditions de fond


410 – Nécessité d’un contrat - La cession résulte d’un accord des parties. Un contrat est donc
nécessaire et il faut examiner les conditions relatives aux parties (A). A ces conditions, il est
nécessaire d’adjoindre celles relatives aux créances (B).

A – Les conditions relatives aux parties

411 – Cessionnaire, cédant, débiteur cédé - Aux termes de l’art. 80 al. 1er AUS, « Une
créance détenue sur un tiers peut être cédée à titre de garantie de tout crédit consenti par
une personne morale nationale ou étrangère, faisant à titre de profession habituelle et pour
146
son compte des opérations de banque ou de crédit ». Cette disposition contient des
informations relatives aux parties, plus particulièrement au cessionnaire (2). L’autre partie
étant le cédant ou le débiteur de la créance cédée (1).

412 - Cédant et/ou débiteur de la créance cédée - La cession de créance est, en principe, un
contrat passé entre le cédant et le cessionnaire. Toutefois, le débiteur de la créance cédée peut
aussi intervenir à l’acte253.

Le cédant ou le débiteur de la créance cédée peuvent être des personnes physiques


comme des personnes morales.

413 – Cessionnaire : exclusivement une personne morale - Le cessionnaire ne peut être


qu’une personne morale et plus précisément « une personne morale nationale ou étrangère,
faisant à titre de profession habituelle et pour son compte des opérations de banque ou de
crédit ».

La cession de créance utilisée comme une garantie apparaît donc comme une sûreté au
bénéfice des banques et des Etablissement de crédit, nationaux ou étrangers.

B – Les conditions relatives aux créances

414 – Créance garantie, créance cédée - Deux types de créances sont en jeu : les créances
garanties et les créances cédées.

415 - Créances garanties - Ce sont les créances du cessionnaire sur le cédant, c’est-à-dire le
crédit consenti par une banque ou un établissement de crédit au cédant. Toutefois, vu que
l’art. 80 alinéa 1 AUS ne précise pas expressément à qui le crédit doit être consenti, on en
déduit que la cession de créance à titre de garantie peut être utilisée en garantie d’un crédit
accordé à une personne autre que le cédant. Dans ce cas, elle est un cautionnement réel.

416 - Créances cédées - Ce sont les créances du cédant sur le débiteur cédé, autrement dit
« la créance détenue sur un tiers » par le cédant. Il peut s’agir d’une créance ou d’un
ensemble de créances et ces créances peuvent être présentes ou futures254.

En principe, la cession s’étend également aux accessoires de la créance. Si les parties


ne désirent pas cette extension de la cession aux accessoires de celle-ci, elles doivent le
stipuler expressément dans la cession de créance255.

253
En effet, aux termes de l’al. 1 de l’art. 84 AUS : « Pour être opposable au débiteur de la créance cédée, la
cession de créance doit lui être notifiée ou ce dernier doit intervenir à l’acte » (c’est nous qui soulignons).
254
Dans ce cas, le contrat doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels
que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s’il y a lieu, leur
échéance.
255
Cf. art 83 AUS qui dispose que : « A moins que les parties n’en conviennent autrement, la cession s’étend
aux accessoires de la créance et entraîne de plein droit leur transfert et son opposabilité aux tiers sans autre
formalité que celle énoncée à l’article précédent ».
147
§2 – Les conditions de forme
417 – Plan - Les conditions de forme sont relatives à la nécessité d’un écrit (A) et à celle de
l’opposabilité de la cession de créance (B).

A – La nécessité d’un écrit

418 – Un contrat solennel- La cession de créance doit être passée par écrit conformément à
l’art. 81 AUS qui énonce que « La cession de créance à titre de garantie doit être constatée
dans un écrit comportant, à peine de nullité, les énonciations suivantes :

1°) le nom ou la dénomination sociale du cédant et du cessionnaire ;

2°) la date de la cession ;

3°) et la désignation des créances garanties et des créances cédées.

Si ces créances sont futures, l’acte doit permettre leur individualisation ou contenir des
éléments permettant celle-ci tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le
montant des créances ou leur évaluation et, s’il y a lieu, leur échéance ».

Comme on peut le constater, l’écrit est voulu comme une condition de validité de la
cession de créance. Le contrat de cession de créance est donc un contrat solennel. Toutefois,
l’acte uniforme est muet quant à la nature de cet écrit. On en déduit qu’il peut s’agir d’un acte
sous seing privé ou d’un acte authentique.

B – L’opposabilité de la cession de créance

419 – Deux modes d’opposabilité - On distingue deux modalités d’opposabilité selon que la
cession doive être imposée au débiteur de la créance cédée ou aux tiers penitus extranei.

420 – Opposabilité de la cession au débiteur cédé - Dans la première hypothèse, l’art. 84


AUS dispose que « Pour être opposable au débiteur de la créance cédée, la cession de
créance doit lui être notifiée ou ce dernier doit intervenir à l’acte.

A défaut, le cédant reçoit valablement paiement de la créance ».

421 – Notification de l’acte au débiteur cédé - Il résulte de cette disposition que la cession
de créance doit être notifiée au débiteur de la créance cédée pour lui être opposable. La
notification est une formalité plus souple que la signification. En effet, cette dernière est
nécessairement un exploit d’huissier alors que la première est manifestée soit par une simple
missive, ou une lettre avec accusé de réception ou par tout moyen permettant d’établir que le
débiteur cédé a été informée de la cession de créance intervenue entre le cédant et le
cessionnaire. La notification peut être faite par le cédant ou le cessionnaire ; en pratique, cette
formalité est à la charge du cédant.

422 – Intervention du débiteur cédé à l’acte de cession - Si les parties ne veulent pas avoir
recours à la notification, elles ont la possibilité de faire intervenir le débiteur de la créance
148
cédée à l’acte de cession. Ledit débiteur apparaît alors comme une troisième partie à la
cession de créance.

423 – Sanction - Si ces deux formalités, notification ou intervention du débiteur de la créance


cédée, ne sont pas effectuées, la cession est inopposable au débiteur cédé et seul le cédant
reçoit valablement paiement de la créance à l’échéance de la créance cédée.

424 – Opposabilité de la cession aux tiers penitus extranei : inscription au RCCM - Pour
être opposable aux tiers penitus extranei, la cession de créance doit être inscrite au Registre
du Commerce et du Crédit Mobilier conformément à l’art. 82 al. 1 er AUS256. L’inscription se
fait conformément aux dispositions des art. 51 et s. AUS. Un extrait de l’art. 52 AUS précise
que « le Registre du Commerce et du Crédit Mobilier compétent pour recevoir l’inscription
des nantissements de créance ou des cessions de créance à titre de garantie est celui dans le
ressort duquel est immatriculé le débiteur de cette créance ou, s’il n’est pas soumis à
l’obligation d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège
ou le domicile de ce débiteur ».

Les parties décident de la durée de validité de l’inscription sans que cette durée puisse
dépasser dix ans à compter de l’inscription257.

425 – Règlement du conflit entre créanciers inscrits - Le conflit de créanciers inscrits sur le
même bien est réglé par l’art. 57 AUS. Plus particulièrement, les al. 3, 4 et 5 de cet art.
énoncent que : « Si les inscriptions de sûretés concurrentes grevant un même bien sont
requises le même jour en vertu de titres ayant la même date, les sûretés sont réputées de
même rang à l’exception des cessions à titre de garantie et réserves de propriétés qui sont
alors réputées inscrites avant les autres sûretés dont l’inscription a été requise le même
jour, quel que soit l’ordre du registre susvisé.

Si les inscriptions d’une réserve de propriété et d’une cession à titre de garantie


ayant pour objet un même bien sont requises le même jour, la réserve de propriété est
réputée avoir été inscrite en premier, quel que soit l’ordre du registre susvisé.

Si les inscriptions de cessions à titre de garantie ayant pour objet un même bien sont
requises le même jour en vertu de titres ayant la même date, ce bien sera réputé appartenir

256
Selon cette disposition : « A la date de sa conclusion, le contrat de cession d’une créance, présente ou
future, à titre de garantie, prend immédiatement effet entre les parties, quelle que soit la date de naissance,
d’échéance ou d’exigibilité de la créance cédée et devient opposable aux tiers à compter de son inscription au
Registre du Commerce et du Crédit Mobilier et ce, quelle que soit la loi applicable à la créance et la loi du
pays de résidence de son débiteur ».
257
En effet, aux termes de l’art. 58 al. 2 AUS : « Pour les autres sûretés mobilières soumises à publicité, les
parties peuvent convenir de la durée de validité de l’inscription au Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier dans l’acte constitutif de ladite sûreté mobilière sans que cette durée puisse dépasser dix années à
compter de l’inscription ».

149
à ces créanciers à proportion du montant de leur créance, quel que soit l’ordre du registre
susvisé ».

SECTION 2 : LES EFFETS ET LA REALISATION DE LA CESSION DE


CREANCE
426 – Plan - L’examen des effets précédera celui de la réalisation de la cession de créance.

§ 1 – Les effets de la cession de créance


427 – Parties et tiers - Validement constituée, la cession de créance produit des effets. Ces
effets concernent les parties (A) et, dès l’information du débiteur de la créance cédée, les tiers
(B).

A – Les effets entre les parties

La cession de créance entraîne le transfert immédiat de la créance et de ses accessoires


et crée des obligations à la charge du cédant.

428 - Transfert de la créance cédée au cessionnaire - La cession de créance est une


manifestation de la fiducie-sûreté. En conséquence, elle entraîne, le transfert des créances
cédées au cessionnaire. La créance cédée, créance du cédant sur le débiteur de la créance
cédée, deviendra la créance du cessionnaire. Ce dernier en devient donc propriétaire258.
Toutefois, il s’agit d’un transfert pignoratif, c’est-à-dire à titre de garantie. Cela signifie que le
cessionnaire devra attendre l’échéance de la créance garantie avant de réaliser sa sûreté.
Avant cette échéance, la créance transmise n’est qu’une garantie entre ses mains et il ne peut
s’en servir.

429 – Transfert immédiat des accessoires de la créance - Sont également transférés les
accessoires de la créance conformément à l’art. 83 AUS selon lequel : « A moins que les
parties n’en conviennent autrement, la cession s’étend aux accessoires de la créance et
entraîne de plein droit leur transfert et son opposabilité aux tiers sans autre formalité que
celle énoncée à l’article précédent ».

430 – Sens du transfert immédiat - Le transfert de la créance prend effet immédiatement


effet entre les parties dès la conclusion du contrat. Il en découle donc que la validité de la
cession de créance entre les parties est concomitante à la conclusion du contrat et n’est pas
soumise à une formalité supplémentaire pourvu que le contrat ait été passé par écrit259.

258
Ce transfert du droit de propriété découle de l’art. 79 AUS qui dispose que : « La propriété d’un bien, actuel
ou futur, ou d’un ensemble de biens, peut être cédée en garantie du paiement d’une dette, actuelle ou future,
ou d’un ensemble de dettes aux conditions prévues par la présente section ».
259
Voir sur ce point l’art. 82 AUS dont un extrait de l’al. 1 er énonce que : « A la date de sa conclusion, le
contrat de cession d’une créance, présente ou future, à titre de garantie, prend immédiatement effet entre les
parties, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité de la créance cédée… ».

150
431 - Obligations à la charge du cédant - Aux termes de l’al. 2 de l’art. 82 AUS : « A
compter de la cession, le cédant ne peut, sans l’accord du cessionnaire, modifier l’étendue
des droits attachés à la créance cédée ».

La cession de créance crée donc une obligation à la charge du cédant. La cession de


créance s’impose à lui et il est tenu de veiller à garder la valeur de la sûreté. Pour ce faire, il a
besoin de l’accord du cessionnaire pour, éventuellement, modifier l’étendue des droits
attachés à la créance cédée. On voit ainsi peser sur le cédant le poids de la sûreté qui,
corrélativement, accorde un droit de regard au cessionnaire sur le cédant.

B – Les effets sur les tiers

432 – Plan - Plusieurs tiers sont intéressés par la cession de créance. Il peut s’agir du débiteur
de la créance cédée et des cessionnaires successifs.

433 - A l’égard du débiteur de la créance cédée - Les formalités de l’art. 84 AUS tendent à
protéger le débiteur de la créance cédée ; aussi la cession de créance ne produit-elle d’effets à
son égard qu’après l’accomplissement de l’une ou de l’autre.

Ainsi, avant la notification ou l’acceptation ou à défaut de l’une ou de l’autre, le


débiteur de la créance cédée n’a aucun lien avec le cessionnaire qu’il ignore juridiquement ;
par conséquent, il peut parfaitement se libérer en payant le cédant 260 et il peut refuser de payer
le cessionnaire. En revanche, il n’a pas non plus le droit d’invoquer la cession pour refuser de
payer le cédant car il est un tiers par rapport à la cession et ne peut donc s’en prévaloir en
vertu de l’effet relatif des conventions261.

Après la notification ou l’acceptation, la situation est inversée : le débiteur de la


créance cédée ne peut se libérer qu’en paiement exclusivement le cessionnaire. Cette solution
découle d’une analyse a contrario de l’art. 84 AUS qui dispose que : « pour être opposable au
débiteur de la créance cédée, la cession de créance doit lui être notifiée ou ce dernier doit
intervenir à l’acte.

A défaut, le cédant reçoit valablement paiement de la créance ».

434 – Opposabilité des exceptions - Par ailleurs, par application du droit commun de la
cession de créance, le débiteur de la créance cédée peut opposer au cessionnaire toutes les
exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant, par exemple la prescription acquise contre le
cédant, la compensation légale intervenue avec ce dernier, etc. Toutefois, aux termes de l’al.
2 de l’art. 80 AUS : « L’incessibilité de la créance ne peut être opposée au cessionnaire par
le débiteur cédé lorsqu’elle est de source conventionnelle et que la créance est née en raison

260
Cf. art. 84 al. 2 AUS.
261
En effet, l’art. 1165 du code civil dispose que : « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties
contractantes ; elles ne nuisent point aux tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article
1121 ».

151
de l’exercice de la profession du débiteur cédé ou se trouve en rapport direct avec l’une de
ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ».

435 – Cas particulier du débiteur professionnel - Lorsque le débiteur de la créance cédée


est un débiteur professionnel262, l’acte uniforme prévoit d’autres dispositions spécifiques.
Ainsi, l’art. 85 AUS dispose, en son alinéa 1er que : « lorsque le débiteur de la créance cédée
est un débiteur professionnel au sens de l’article 3 du présent Acte uniforme, celui-ci peut,
à la demande du cessionnaire, s’engager à le payer directement en acceptant la cession ».

Cette disposition semble être une exception à l’exigence de la notification de la


cession de créance au débiteur professionnel de la créance cédée. Ainsi, en lieu et place de la
notification, le cessionnaire demande au débiteur de la créance cédée de s’engager, par écrit, à
lui payer directement ladite créance en acceptant la cession.

L’acceptation est soumise à des formalités logées dans l’al. 2 de l’art. 85 dont un
extrait précise que « A peine de nullité, cet engagement est constaté par un écrit intitulé
‘‘Acte d’acceptation d’une cession de créance à titre de garantie’’ et reproduisant en
caractères suffisamment apparents les dispositions du présent article ».

La prise de cet engagement par le débiteur emporte, pour lui, renonciation à se


prévaloir des exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant conformément à
l’art. 85 AUS dont l’al. 2 précise que : « Dans ce cas, le débiteur ne peut opposer au
cessionnaire les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le cédant, à moins que
le cessionnaire, en acquérant ou en recevant la créance, n’ait agi sciemment au détriment
du débiteur ».

436 - A l’égard des cessionnaires successifs - Dans le cas où le cédant a cédé la même
créance successivement à cessionnaires, celui qui sera préféré sera non pas le premier d’entre
eux, mais celui qui aura inscrit le premier sa sûreté au RCCM.

En cas de conflits entre les cessionnaires ayant inscrit leurs créances le même jour, la
préférence ira à celui qui a le titre le plus ancien263.

§ 2 – La réalisation de la cession de créance


437 – Recours à la réalisation du nantissement de créance - L’AUS ne contient pas de
dispositions spécifiques à la réalisation de la sûreté. La seule disposition est relative à l’ordre
des paiements. Ainsi, aux termes de l’art. 86 AUS : « Les sommes payées au cessionnaire au
titre de la créance cédée s’imputent sur la créance garantie lorsqu’elle est échue. Le
surplus s’il y a lieu est restitué au cédant. Toute clause contraire est réputée non écrite ».

262
Au sens de l’art. 3 AUS, « est considéré comme débiteur professionnel… tout débiteur dont la dette est née
dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles,
même si celle-ci n’est pas principale ».
263
Sur tous ces points, voir l’art. 57 AUS.

152
Cependant, la réalisation de la cession de créance est différente en fonction de la date
d’échéance de la créance garantie ou de celle de la créance cédée. On est donc amené, à
l’instar de ce qui a lieu dans la réalisation du nantissement de créance264, à distinguer deux
périodes selon que l’échéance de la créance garantie est antérieure ou postérieure à celle de la
créance cédée.

Cela dit, dans le silence de l’acte uniforme, ce mode de réalisation devrait résulter de
la convention des parties.

A – L’échéance de la créance garantie est antérieure à celle de la créance cédée

438 – Paiement ou défaillance - Il faut rappeler que la créance garantie est le crédit accordé
par la banque ou l’établissement de crédit au cédant. A l’échéance de cette créance garantie,
de deux choses l’une. Ou bien le cédant, débiteur du crédit, rembourse la totalité du crédit ou
il est défaillant.

439 – Paiement du crédit par le cédant - Dans la première hypothèse, le créancier


cessionnaire recouvre sa créance et la cession disparaît d’elle-même puisqu’elle n’a plus de
raison d’être étant donnée l’extinction de la créance garantie. Dans ce cas, le cessionnaire va
donc retransférer la propriété de la créance cédée au cédant.

440 – Défaillance du cédant - Dans la seconde hypothèse, la sûreté va justement entrer en jeu
puisque le cédant n’est pas en mesure de payer la créance garantie. Dans ce cas, le
cessionnaire va donc recouvrer sa créance sur la créance cédée conformément à l’art. 86 AUS
qui dispose que : « les sommes payées au cessionnaire au titre de la créance cédé s’imputent
sur la créance garantie lorsqu’elle est échue. Le surplus s’il y a lieu est restitué au cédant.
Toute clause contraire est réputée non écrite ».

Quid lorsque la créance garantie étant arrivée à échéance, celle cédée ne l’est pas
encore ? Dans ce cas, les parties peuvent convenir que le cessionnaire devra attendre
l’échéance de la créance cédée avant de se faire payer ou alors demander en justice
l’attribution de la créance cédée.

264
Aux termes de l’art. 134 AUS : « Si l’échéance de la créance nantie est antérieure à l’échéance de la
créance garantie, le créancier nanti conserve les sommes à titre de garantie sur un compte ouvert auprès d’un
établissement habilité à les recevoir, à charge pour lui de les restituer au constituant si l’obligation garantie
est exécutée. En cas de défaillance du débiteur de la créance garantie et huit jours après une mise en demeure
restée sans effet, le créancier nanti affecte les fonds au remboursement de sa créance, dans la limite des
sommes impayées.

Si l’échéance de la créance garantie est antérieure à l’échéance de la créance nantie, le créancier peut se
faire attribuer, par la juridiction compétente ou dans les conditions prévues par la convention, la créance
nantie ainsi que tous les droits qui s’y rattachent. Le créancier nanti peut également attendre l’échéance de la
créance nantie.

Sauf convention contraire, le créancier nanti perçoit en outre les intérêts en les imputant sur ce qui lui est dû
en capital, intérêts et autres accessoires ».

153
B – L’échéance de la créance cédée est antérieure à celle de la créance garantie

441 – Paiement par le débiteur cédé - Une fois la cession de créance notifiée au débiteur de
la créance cédée ou acceptée par ce dernier, elle opère transfert de la créance cédée au
cessionnaire. Il en découle que seul ce dernier est créancier du débiteur de la créance cédée. A
l’échéance de cette dernière, le débiteur de la créance cédée se libère en payant le
cessionnaire. Seulement, tant que la créance garantie n’est pas échue et que le cédant n’a pas
été défaillant, on voit mal le créancier cessionnaire se faire payer. Ainsi, même s’il reçoit
valablement paiement du débiteur de la créance cédée, il sera tenu d’attendre la défaillance du
cédant après l’échéance de la créance garantie pour se faire attribuer la créance cédée en
paiement.

154
S/ CHAPITRE III

LE TRANSFERT FIDUCIAIRE D’UNE SOMME D’ARGENT

442 – Réglementation - Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent fait son apparition dans
l’AUS à la faveur de la réforme sur les sûretés265. Il est réglementé par les articles 87 à 91
AUS.

443 - Définition - Aux termes de l’art. 87 AUS alinéa 1 : « Le transfert fiduciaire d’une
somme d’argent est la convention par laquelle un constituant cède des fonds en garantie de
l’exécution d’une obligation ».

444 – Plan – Il importe d’analyser, d’une part, les conditions de constitution du transfert
fiduciaire d’une somme d’argent (Section 1) et, d’autre part, ses effets et sa réalisation
(Section 2).

SECTION 1 : LES CONDITIONS DE CONSTITUTION DU TRANSFERT


FIDUCIAIRE D’UNE SOMME D’ARGENT
445 – Conditions de fond, conditions de forme – Pour la constitution du transfert fiduciaire
d’une somme d’argent, il faut distinguer les conditions de fond (§1) des conditions de forme
et d’opposabilité (§2).

§ 1 – Les conditions de fond


446 – Nécessité d’un contrat, assiette de la sûreté – Les conditions de fond concernent,
d’une part, la nécessité d’un contrat (A) et, d’autre part, les créances en jeu (B).

A – La nécessité d’un contrat

447- Convention – L’alinéa 1 de l’art. 87 AUS est très explicite sur un point : le transfert
fiduciaire est une convention, un contrat. La sûreté nécessite donc la conclusion d’un contrat.

265
Comme on l’a pu le relever à juste titre : « C’est sans doute à propos du transfert fiduciaire de sommes
d’argent que la réforme du droit des sûretés d l’OHADA s’est montrée la plus innovante, car non seulement
elle introduit au sein de l’AUS une sûreté qui était jusqu’alors inconnue du droit de l’OHADA, mais elle crée,
en outre, une réglementation de cette sûreté qui ne figure même pas au sein du droit français, la proposition
effectuée par la commission ‘‘ Grimaldi’’ de réglementer la constitution d’une sûreté sur une somme d’argent
sous la forme d’un nantissement de monnaie scripturale n’ayant pas été reprise dans l’ordonnance du 23
mars 2006 qui, ici, laissé passer une belle occasion d’éclaircir le régime juridique des sûretés ayant pour objet
une somme d’argent alors pourtant que ces sûretés sont très souvent utilisées à l’occasion des financements
de projets et que leur nature prête souvent à discussion en droit français », cf. CROCQ (P.), et alii, op. cit., n°
246, p. 191.

155
Les parties au contrat doivent donc expressément manifester leur intention de conclure ce
contrat et d’être tenu par lui. Selon l’alinéa 1 de l’art. 87 AUS, les parties au contrat sont le
constituant et le créancier266. Le constituant est la personne, physique ou morale, qui cède les
fonds. En général, il le fait parce qu’il est débiteur du créancier. Mais il n’est pas exclu qu’un
tiers cède ses fonds au créancier pour garantir les dettes du débiteur. Le créancier est la
personne, physique ou morale, au profit de laquelle sont cédés les fonds garantis.

B- Les créances en jeu

448 – Double créance – Deux types de créances sont en jeu : la créance garantie et la créance
cédée ou l’assiette de la sûreté

449 – Créance garantie – La créance garantie est la dette pour la garantie de laquelle des
fonds sont cédés au créancier par le constituant. On peut garantir une ou plusieurs créances.
Seulement l’art. 88 AUS exige que ces créances garanties soient déterminées. Par analogie
avec les exigences des autres sûretés réelles, on peut penser que les créances garanties
peuvent être actuelles ou futures.

450 – Créance cédée : assiette de la sûreté- On relève d’abord que l’assiette de la sûreté
n’est pas une obligation lato sensu mais bien une obligation monétaire, c’est-à-dire une
somme d’argent. Ensuite, cette somme doit être inscrite dans un compte. Il s’agit donc d’une
monnaie scripturale. Ce contrat porte donc sur une monnaie scripturale. La créance cédée ou
fonds cédés à titre de garantie doit être aussi déterminée puisque l’art. 88 AUS précise que le
montant des fonds cédés doit être connu. De plus, il peut s’agir d’une ou de plusieurs
créances.

§ 2 – Les conditions de forme et d’opposabilité


451 – Plan – Il importe d’analyser, d’abord, les conditions de forme (A) et, ensuite, celles
d’opposabilité (B).

A –Les conditions de forme

452 – Double formalisme – Le législateur exige une double formalité : d’une part, la
rédaction d’un écrit et, d’autre part, l’inscription des fonds grevés sur un compte bloqué.

453 – Nécessité de la rédaction d’un écrit- La validité du transfert fiduciaire d’une somme
d’argent présuppose la rédaction d’un écrit qui « détermine la ou les créances garanties,
ainsi que le montant des fonds cédés à titre de garantie, et identifie le compte bloqué » (art.

266
Selon un auteur : « Cette opération (le contrat) nécessite l’intervention d’un tiers puisque ces fonds doivent
être versés et inscrits sur un compte bloqué, ouvert au nom du créancier dans les livres d’un établissement
habilité à les recevoir » cf. ISSA-SAYEGH (J.), commentaire sous art. 87 AUS, in OHADA, Traité et actes
uniformes commentés et annotés, Juriscope, 4e édition, 2002, p. 906. Toutefois, cette intervention ne nous
semble pas nécessaire. En effet, si l’établissement teneur du compte n’est pas le créancier, le transfert fiduciaire
lui sera notifié. Les parties au contrat restent donc le constituant et le créancier.

156
88 AUS). L’écrit est voulu comme une condition de validité puisque son défaut est sanctionné
par la nullité267. Le transfert fiduciaire d’une somme d’argent est donc un contrat solennel.

454 – Inscription des fonds cédés sur un compte bloqué - Une autre condition importante
de la formation du contrat réside dans l’inscription des fonds dans le compte bloqué268. En
sus, ce compte bloqué est ouvert, non pas au nom du constituant, mais à celui du créancier. Le
constituant n’est donc pas le titulaire dudit compte. Toutefois, le blocage du compte préserve
ses droits jusqu’à la réalisation de la sûreté269.

B – Les conditions d’opposabilité

455 – Nécessité d’une notification de la sûreté – L’opposabilité de la sûreté aux tiers


résulte, selon l’art. 89 AUS270, de la notification de la sûreté à l’établissement teneur du
compte, l’accomplissement d’une formalité de publicité au RCCM n’ayant pas été jugée ici
nécessaire puisque ce transfert fiduciaire de somme d’argent est une sûreté avec dépossession.
Cette notification doit être couplée avec l’inscription des fonds sur le compte bloqué.

SECTION 2 : LES EFFETS ET LA REALISATION DU TRANSFERT


FIDUCIAIRE D’UNE SOMME D’ARGENT
456 – Plan – L’étude des effets de cette sûreté (§ 1) précédera celle de sa réalisation (§ 2).

§ 1 - Les effets du transfert fiduciaire d’une somme d’argent


457 – Deux effets principaux – La constitution de la sûreté produit deux effets principaux :
d’une part, il y a un transfert de la propriété des fonds au créancier et, d’autre part, la
reconnaissance d’un droit de rétention au créancier.
267
En effet, aux termes de l’art. 88 AUS : « A peine de nullité, la convention détermine la ou les créances
garanties, ainsi que le montant des fonds cédés à titre de garantie, et identifie le compte bloqué ».
268
L’alinéa 2 de l’art. 87 AUS dispose, en effet, que : « Ces fonds doivent être inscrits sur un compte bloqué,
ouvert au nom du créancier de cette obligation, dans les livres d’un établissement habilité à les recevoir ».
269
En effet, comme on l’a justement expliqué : « Cette exigence de ce que les fonds demeurent inscrits sur un
compte bloqué jusqu’à l’échéance est particulièrement importante car elle permet de protéger le constituant à
l’encontre, à la fois, d’une mauvaise utilisation des fonds par le bénéficiaire de la sûreté avant l’échéance
(…) et d’une saisie de ces fonds par des créanciers de ce bénéficiaire. En effet, les créanciers de ce
bénéficiaire ne peuvent pas avoir plus de droits sur les fonds que leur débiteur. En conséquence, s’ils
pratiquent une saisie des fonds, celle-ci sera, certes, valable, puisque les fonds appartiennent bien au
bénéficiaire de la sûreté, mais elle sera nécessairement paralysée par le blocage du compte jusqu’à l’échéance
de la dette garantie et cette saisie ne pourra ultérieurement prospérer qu’à la condition que le bénéficiaire soit
devenu propriétaire des fonds donnés en garantie, ce qui suppose la défaillance du débiteur de la dette
garantie et le respect des conditions posées par l’article 91, alinéa 2, du nouvel AUS. A l’inverse, si la créance
garantie est payée, la propriété des fonds sera automatiquement restituée au constituant sans que la mesure
de saisie puisse s’opposer à cette restitution », cf. CROCQ (P.) et alii, op.cit., n° 250, p. 193.
270
Selon l’art. 89 AUS : « Le transfert fiduciaire devient opposable aux tiers à la date de sa notification à
l’établissement teneur du compte, pourvu que les fonds soient inscrits sur le compte bloqué ».

157
A – Le transfert immédiat des fonds cédés au créancier

458 – Transfert de la propriété des fonds cédés – Le transfert fiduciaire d’une somme
d’argent, à l’instar de la cession de créance à titre de garantie, est une catégorie de la
propriété-sûreté. En conséquence, la propriété des fonds cédés est transférée immédiatement
au créancier. Dans le cas du transfert fiduciaire, l’acquisition de la propriété est manifestée
par le fait que le compte bancaire contenant les fonds cédés est ouvert au nom du créancier et
non du constituant. Le titulaire du compte dans lequel les fonds cédés sont inscrits est donc le
créancier et non le constituant.

Cela dit, la propriété obtenue n’est pas définitive. Il s’agit donc d’une propriété à titre
de garantie. En conséquence, le constituant ne perd pas définitivement la propriété des fonds
cédés. Il pourra la recouvrer si, à l’échéance, il paie sa dette.

459 – Sort des intérêts produits par le compte bloqué – Le compte contenant les fonds
cédés étant bloqué, il est vraisemblable que ledit compte sera rémunéré et donc que les fonds
cédés produiront intérêts. Quid de ces intérêts ? L’article 90 AUS répond à cette question en
disposant que : « Si les fonds cédés produisent intérêts, ces derniers sont portés au crédit du
compte, sauf convention contraire ». Ainsi, le législateur pose le principe de l’extension des
intérêts à la créance grevée dans le compte tout en laissant aux parties le soin d’en décider
autrement.

B – L’octroi d’un droit de rétention au créancier

460 – Droit de rétention sur un meuble incorporel - La sûreté entraînant une dépossession
du constituant, il y a la reconnaissance d’un droit de rétention au créancier ; droit de rétention
manifesté également par le blocage du compte grevé de la sûreté. Il s’agit, ici, d’un exemple
topique de la reconnaissance d’un droit de rétention sur un meuble incorporel271.

§ 2 – La réalisation du transfert fiduciaire d’une somme d’argent


461- Deux hypothèses – La réalisation de la sûreté est régie par l’article 91 AUS272 qui
distingue deux hypothèses selon que le constituant paie ou non la créance garantie.

271
Il peut paraître curieux qu’on reconnaisse au créancier un droit de rétention alors même qu’il dispose d’un
droit de propriété sur le compte bloqué. Mais il ne faut pas oublier que la propriété acquise par le créancier n’est
qu’à titre de garantie et qu’il a une obligation de restitution des sommes en cas de paiement par le constituant à
l’échéance.
272
Aux termes de l’art. 91 AUS : « A l’échéance et en cas de complet paiement de la créance garantie, les
fonds inscrits sur le compte sont restitués au constituant.

En cas de défaillance du débiteur et huit jours après que le constituant en ait été dûment averti, le
créancier peut se faire remettre les fonds cédés dans la limité du montant des créances garanties demeurant
impayées.

Toute clause contraire au présent article est réputée non écrite ».

158
A- Le paiement de la créance garantie

462 – Nécessité d’un paiement complet – A l’échéance de la créance garantie, l’obligation à


la charge du constituant est de payer la créance garantie. C’est uniquement en cas de paiement
qu’il pourra se libérer des chaînes de sa dette. Toutefois, le législateur exige « un paiement
complet de la créance garantie ». C’est uniquement lorsque le paiement est complet que le
constituant est libéré. C’est ici l’affirmation du principe de l’indivisibilité de la sûreté : la
sûreté garantit l’entièreté, la totalité de la créance garantie.

463 – Restitution des fonds grevés au constituant – Lorsque la créance garantie a été
intégralement payé, « les fonds inscrits sur le compte sont restitués au constituant ». Pour ce
faire, le compte contenant les fonds sera débloqué et le constituant pourra recouvrer lesdits
fonds. Une fois cela dit, la question suivante se pose : les parties pourraient-elles prévoir
qu’en cas de paiement partiel de la créance garantie une partie proportionnelle des fonds
inscrits sur le compte bloqué soit restituée au constituant ? A l’inverse de certains273, nous
pensons que la réponse négative s’impose en raison du caractère d’ordre public de l’article 91
AUS qui dispose, in fine, que : « Toute clause contraire au présent article est réputée non
écrite ».

B – La défaillance du constituant

464 – Nécessité d’une mise en demeure du constituant – En cas de défaillance du


constituant, le créancier va passer à la réalisation de sa sûreté. Mais avant, il doit faire
constater cette défaillance. En effet, l’art. 91 AUS alinéa 2 exige que « le constituant ait été
dûment averti » de cette situation. En pratique, l’avertissement sera une mise en demeure de
payer adressée au constituant par le créancier.

465 – Attribution en propriété des fonds cédés – Dans le délai de huit jours après la mise en
demeure, le créancier « peut se faire remettre les fonds cédés dans la limite du montant des
créances garanties demeurant impayées » (art. 91 al. 2 AUS). A ce moment-là, le créancier
devient définitivement propriétaire des fonds cédés dans la limite de la créance garantie.

273
Cf. CROCQ (P) et alii, op. cit., n° 256, p. 196. Ces auteurs exposent que : « Cependant, il nous semble qu’il
faut tenir compte de la raison d’être de l’affirmation de ce caractère d’ordre public qui est ici seulement
d’empêcher que la mise en œuvre de la sûreté puisse se traduire par une spoliation injuste du débiteur ou un
enrichissement injustifié du créancier. En conséquence, ce caractère d’ordre public ne saurait remettre en
cause la validité d’une clause dont la finalité est seulement de faire en sorte que la sûreté ne devienne pas
excessive par rapport au montant restant dû de la créance garantie ».

159
TITRE II

LES NANTISSEMENTS

Définition – Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 125 AUS : « Le nantissement est
l’affectation d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels,
présents ou futurs, en garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures, à condition
que celles-ci soient déterminées ou déterminables ».

L’article 126 AUS cite les biens incorporels pouvant être nantis. Selon cet article :
« Peuvent notamment être nantis :

- les créances ;

- le compte bancaire ;

- les droits d’associés, les valeurs mobilières et le compte de titres financiers ;

- le fonds de commerce ;

- les droits de propriété intellectuelle ».

Plan – Nous étudierons successivement : le nantissement du fonds de commerce (chapitre 1),


le nantissement de créance (chapitre 2), le nantissement d’un compte bancaire (chapitre 3), le
nantissement des droits d’associés, des valeurs mobilières et du compte de titres financiers
(chapitre 4) et le nantissement des droits de propriété intellectuelle (chapitre 5).

160
CHAPITRE 1

LE NANTISSEMENT DU FONDS DE COMMERCE

Aux termes de l’article 135 de l’AUDCG : « le fonds de commerce est constitué par
un ensemble de moyens qui permettent au commerçant d’attirer et de conserver une
clientèle ».

Il constitue un bien, plus précisément, un bien incorporel et à ce titre, le propriétaire


peut s’en servir pour se procurer du crédit. Le fonds de commerce peut également servir de
garantie à un emprunt : dans ce cas, il sera nanti.

Selon les dispositions de l’al. 1er de l’article 162 AUS : « le nantissement du fonds de
commerce est la convention par laquelle le constituant affecte en garantie d’une obligation,
les éléments incorporels constitutifs du fonds de commerce à savoir la clientèle et l’enseigne
ou le nom commercial ».

Plan – Il importe, d’analyser, d’une part, les conditions de constitution du


nantissement du fonds de commerce (section 1) et, d’autre part, les effets du nantissement du
fonds de commerce (section 2).

SECTION 1 – Les conditions de constitution du nantissement du fonds de commerce

Les conditions de constitution du nantissement du fonds de commerce se dédoublent :


il s’agit des conditions de fond (§1) et des conditions de forme et de publicité (§2).

§1 – Les conditions de fond

Les conditions de fond concernent l’assiette du nantissement (A) ainsi que la créance
garantie et le fonds nanti (B).

A – L’assiette du nantissement

L’article 162 de l’AUS permet de classer en trois catégories les différents éléments du
fonds de commerce pouvant faire l’objet d’un nantissement.

Une distinction peut être faite entre les éléments qui doivent nécessairement figurer
dans le nantissement (éléments obligatoires), ceux qui peuvent y être inclus (éléments
facultatifs) et ceux qui doivent en être exclus (éléments exclus).

1 – Les éléments obligatoires

L’al. 1er de l’article 162 en énumère 3 : la clientèle, l’enseigne et le nom commercial.


Cette énumération des éléments obligatoires faite par l’acte uniforme sur les sûretés est en
accord avec l’art. 135 de l’acte uniforme sur le droit commercial général dont l’art. 136
dispose que : « Le fonds de commerce comprend nécessairement la clientèle et l’enseigne ou
la clientèle et le nom commercial, sans préjudice du cumul de la clientèle avec l’enseigne et le
nom commercial ».
161
a- La clientèle

La clientèle a toujours été considérée comme l’élément essentiel du fonds de


commerce. En témoigne la définition du fonds de commerce livrée par l’art. 136 AUDCG :
« Le fonds de commerce est constitué par un ensemble de moyens qui permettent au
commerçant d’attirer et de conserver une clientèle ».

La clientèle peut être définie comme la valeur que représente l’espoir de maintenir le
chiffre d’affaires réalisé au cours de la période précédente. Elle peut aussi être appréhendée
comme l’ensemble des relations d’affaires habituelles ou occasionnelles qui existent ou
peuvent exister entre le public et le fonds de commerce.

b- L’enseigne

L’enseigne est le signe extérieur qui permet d’individualiser le fonds de commerce.


Elle consiste en un nom de personne ou de fantaisie ou en un emblème qui permet de rallier la
clientèle.

c- Le nom commercial

Le nom commercial est l’appellation sous laquelle un commerçant exerce son activité.
Ou encore le nom commercial est la dénomination sous laquelle est connu et exploité un
établissement industriel, artisanal ou agricole.

2 – Les éléments facultatifs

L’assiette du nantissement du fonds de commerce peut être étendue par les parties. Les
éléments facultatifs ne rentrent dans l’assiette du fonds de commerce que si les parties les
prévoient expressément.

Ces éléments facultatifs sont prévus par l’al. 2 de l’art. 162 AUS qui dispose que :
« Le nantissement peut aussi porter sur les autres éléments incorporels du fonds de commerce
tels que le droit au bail commercial, les licences d’exploitation, les brevets d’invention,
marques de fabrique et de commerce, dessins et modèles et autres droits de la propriété
intellectuelle. Il peut également être étendu au matériel professionnel ».

Cette énumération contient des biens incorporels et des biens corporels.

a- Les biens incorporels

L’AUS cite le droit au bail commercial, les licences d’exploitation, les brevets
d’invention, les marques de fabrique et de commerce, les dessins et modèles… La liste n’est
pas exhaustive puisqu’il est dit dans l’art. 162 précité : « et autres droits de la propriété
intellectuelle ».

Le droit au bail commercial englobe non seulement le droit d’occuper les locaux dans
lesquels le fonds est exploité mais aussi le droit au renouvellement du bail et, éventuellement,
l’indemnité qui pourrait être accordée en cas de refus de renouvellement du bail.
162
En ce qui concerne la licence d’exploitation, il s’agit d’une autorisation administrative
d’exploitation d’une valeur. La valeur peut être un brevet d’invention, une marque de
fabrique, un dessin ou modèle industriel, etc.

Les brevets d’invention sont des titres conférant à leur auteur, sous des conditions et
pour un temps déterminé, le droit d’exploiter une invention nouvelle impliquant une activité
inventive et susceptible d’application industrielle.

Les marques de fabrique et de commerce désignent tout signe visible utilisé pour
distinguer les produits ou services d’une entreprise quelconque.

Les dessins et modèles – Le dessin peut être défini comme un assemblage de lignes
et/ou de couleurs sur une surface plane. A l’opposé du dessin, le modèle est une forme
plastique de relief.

Les modèles d’utilité : ce sont les instruments de travail ou des objets destinés à être
utilisés ou des parties de ces instruments ou objets pour autant qu’ils sont utiles au travail et à
l’usage auquel ils sont destinés. Ces éléments doivent résulter d’une configuration nouvelle,
d’un arrangement ou d’un dispositif nouveau et être susceptibles d’une application
industrielle.

Les appellations d’origine : il s’agit de dénominations géographiques d’un pays, d’une


région ou d’un lieu déterminé servant à désigner un produit qui en est originaire et dont les
qualités caractéristiques sont dues exclusivement ou essentiellement au milieu géographique.
Ce peut également être des dénominations qui, sans être celles d’un pays, d’une région ou
d’un lieu déterminé, se réfèrent à une aire géographique déterminée aux fins de certains
produits (cf. art. 1er, Annexe VI, accord de Bangui du 2 mars 1977).

b- Les biens corporels

Il s’agit du matériel professionnel. Bien que sa nature corporelle incite à l’exclure du


fonds de commerce, bien meuble incorporel, l’alinéa 2 de l’art. 162 de l’AUS prévoit que le
matériel professionnel peut être compris dans le nantissement du fonds de commerce.
Cependant le matériel professionnel ne peut être compris dans ce nantissement que s’il n’a
pas fait l’objet d’un nantissement distinct.

c- Condition de l’extension de l’assiette du fonds de commerce aux éléments


facultatifs

La condition d’extension de l’assiette du fonds de commerce aux éléments facultatifs


est prévue par l’al. 3 de l’art. 162 AUS qui dispose que : « Cette extension du nantissement
doit faire l’objet d’une clause spéciale désignant les éléments engagés et d’une mention
particulière au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier. Cette clause n’a d’effet que si la
publicité prévue par l’art. 160 du présent acte uniforme a été satisfaite ».

3 – Les éléments exclus

163
L’al. 4 de l’art. 162 AUS énumère les éléments exclus du nantissement du fonds de
commerce. Selon cette disposition : « Le nantissement ne peut porter sur les droits réels
immobiliers conférés ou constatés par des baux ou des conventions soumises à inscription au
registre de la publicité immobilière ».

Ainsi, en raison de leur nature immobilière, tous les éléments immobiliers du fonds de
commerce sont exclus du nantissement de celui-ci.

Par ailleurs, même si l’acte uniforme ne les cite pas, on peut penser que la nature
corporelle des stocks et marchandises empêche le constituant d’incorporer de tels biens dans
un nantissement de fonds de commerce. Ces biens feront l’objet d’un gage.

164
165
166
167
TITRE III

LES PRIVILEGES

168
TITRE IV :

L’HYPOTHEQUE

L’hypothèque est une sûreté réelle qui permet l’affectation d’un immeuble déterminé
au paiement d’une dette conformément à la définition prévue par l’art. 190 AUS qui dispose
que : « l’hypothèque est l’affectation d’un immeuble déterminé ou déterminable
appartenant au constituant en garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures à
condition qu’elles soient déterminées ou déterminables ».

Le recours à une telle sûreté suppose que le débiteur ne soit pas dépossédé du bien.
Quant au créancier, bénéficiaire de l’hypothèque, il demeure protégé par la possibilité de faire
vendre le bien ou de demander en justice à en devenir propriétaire. L’hypothèque dispose
donc d’un effet psychologique important en raison notamment de la menace d’expulsion
pesant sur le débiteur. C’est sans doute cette dernière caractéristique qui explique le maintien
de l’hypothèque face à d’autres sûretés. Son formalisme, mais également son coût et les délais
qu’elle impose font d’elle une sûreté délicate à mettre en œuvre. Toutefois, la réforme des
sûretés lui a apporté certaines innovations à même d’en faire une sûreté de plus en plus prisée.

Il y a lieu d’étudier les dispositions communes à toutes les hypothèques (section 1),
celles des différentes catégories de cette sûreté (section 2) et celle de son régime (section 3).

SECTION I : LES DISPOSITIONS COMMUNES

Que l’hypothèque soit d’origine conventionnelle, légale ou judiciaire (art. 190 al. 2
AUS), le recours à cette sûreté suppose la présence d’une créance principale. Ainsi, « sauf
disposition contraire, les règles applicables aux hypothèques conventionnelles s’appliquent
également aux hypothèques forcées » (art. 191 AUS). Ces règles communes concernent à la
fois les biens concernés (§1) que le caractère indivisible de la sûreté (§2).

§ 1 - Les biens concernés

Le recours à une hypothèque suppose qu’un immeuble soit apporté en garantie d’une
créance (A), bien qui nécessairement doit être disponible et immatriculé (B).

A – Les immeubles

La nature immobilière du bien s’impose pour tout recours à l’hypothèque. L’art. 191
AUS en effet présente l’hypothèque comme la sûreté qui consiste en « l’affectation d’un
immeuble déterminé ou déterminable », à la garantie d’une dette.

L’assiette de l’hypothèque comprend donc non seulement les immeubles par nature
(ex : fonds de terre et les bâtiments, art. 518 cciv) mais aussi les immeubles par destination
(art. 524 cciv) et les immeubles par l’objet auquel ils s’appliquent (art. 526 cciv). En ce qui
169
concerne les immeubles par destination, l’hypothèque ne peut être envisagée indépendamment
du fonds auquel ils sont attachés.

En somme, aux termes de l’al. 2 de l’art. 192 AUS : « Peuvent faire l’objet d’une
hypothèque :

1°) les fonds bâtis ou non bâtis et leurs améliorations ou constructions survenues, à
l’exclusion des meubles qui en constituent l’accessoire ;

2°) les droits réels immobiliers régulièrement inscrits selon les règles de l’Etat partie ».

Toutefois, l’on admet exceptionnellement la prise d’une hypothèque sur certains biens
meubles (aéronefs, navires et bâtiments de mer) qui sont soumis à des législations
particulières (art. 4 al. 4 AUS).

B – Les immeubles disponibles et immatriculés

Il est nécessaire que les droits qui affectent le bien hypothéqué soient disponibles
quelle que soit l’origine de la sûreté. Autrement dit, il est nécessaire que l’immeuble soit dans
le commerce juridique. Tel n’est pas le cas de celui sur qui pèse une clause d’inaliénabilité. A
l’inverse, dès lors que l’immeuble est disponible, aliénable et saisissable, un contrat
d’hypothèque portant sur celui-ci peut être conclu. Encore faut-il que l’immeuble soit
immatriculé. L’immatriculation est une procédure consistant à enregistrer un immeuble dans
le livre foncier afin d’établir un titre destiné à prouver les droits fonciers et à en déterminer les
titulaires.

En ce qui concerne les immeubles du domaine public, ils ne peuvent pas en principe
faire l’objet d’une hypothèque. Toutefois, l’art. 203 al. 2, 3° AUS réserve la possibilité de
constituer exceptionnellement une hypothèque sur le domaine public.

§ 2 – L’indivisibilité de l’hypothèque

Selon les termes de l’art. 193 AUS : « L’hypothèque est indivisible par nature et
subsiste totalement sur les immeubles affectés jusqu’à complet paiement et malgré la
survenance d’une succession ».

Cette disposition reprend la maxime « hypotheca est tota in toto et tota in qualibet
parte » formulée par Dumoulin : chaque portion de l’immeuble doit répondre de la totalité de
la dette. Une telle indivisibilité étant de la nature de l’hypothèque, le créancier ne peut y
renoncer ni expressément (Req. 29 juill. 1858, DP 1859.1.125) ni tacitement (Req. 11 avr.
1902, DP 1903.1.465). Ainsi, lorsque l’hypothèque affecte un immeuble, chaque portion de
celui-ci a vocation à répondre de la totalité de la dette, ce qui permet au créancier de ne pas
avoir à diviser les recours en cas de vente partielle du bien. En cas de partage, le créancier
peut poursuivre pour le tout l’héritier qui a reçu dans son lot une partie de l’immeuble.
Corrélativement, la division de la dette garantie n’entraîne nullement celle de l’hypothèque, le
créancier conservant l’intégralité de la sûreté réelle pour obtenir le paiement de la fraction due

170
par le débiteur. De même, en cas de division de la créance, chaque créancier hypothécaire
dispose de la possibilité de saisir l’ensemble de l’immeuble hypothéqué.

SECTION 2 : LES DIFFERENTES CATEGORIES D’HYPOTHEQUES

Selon l’art. 190 al. 2, l’hypothèque peut être « légale, conventionnelle ou judiciaire ».
Trois modes de constitution doivent donc être distingués selon leur fréquence d’utilisation par
la pratique : l’hypothèque conventionnelle (§1), légale (§2) et judiciaire (§3).

§1 – L’hypothèque conventionnelle

Les hypothèques d’origine conventionnelle sont les plus souvent utilisées, notamment
lorsqu’un établissement de crédit prête une somme d’argent et demande au débiteur de
garantir le remboursement de ce prêt par une hypothèque sur un immeuble.

L’hypothèque conventionnelle nécessite la réunion de conditions de fond (A) et de


forme (B).

A – Les conditions de fond

Les conditions de fond sont relatives aux biens (1), aux parties (2) et aux créances
concernées (3).

1 – Les biens concernés

a- Le principe de spécialité de l’assiette

Au nom du principe de spécialité, l’hypothèque ne doit concerner qu’un bien au


préalable déterminé. C’est à ce titre que l’art. 192 AUS dispose que : « sauf disposition
contraire, seuls les immeubles présents et immatriculés peuvent faire l’objet d’une
hypothèque ». Autrement dit, la règle de la spécialité de l’assiette signifie que l’immeuble
grevé doit être désigné de façon précise par l’acte de constitution. Ainsi, le titre constitutif de
la créance doit indiquer d’une manière précise la situation et la contenance de l’immeuble sur
lequel est consentie l’hypothèque, ainsi que sa désignation cadastrale. L’objectif poursuivi est
d’assurer la protection du débiteur, en limitant les droits du créancier expressément précisés.

Cette assiette de l’hypothèque s’étend nécessairement aux accessoires matériels et


juridiques de l’immeuble et concerne notamment les éventuelles servitudes, ainsi que les
loyers. De même, les fruits et récoltes sont grevés par l’hypothèque comme faisant partie
intégrante du fonds (art. 520 cciv). De telles informations, relatives au bien grevé, devront
être apportées lors de l’inscription de l’hypothèque afin d’assurer une parfaite information aux
tiers.

b. L’hypothèque des biens à venir

En principe, l’hypothèque ne peut porter que sur des immeubles présents dont le
constituant est déjà titulaire. Ainsi, l’al. 1er de l’art. 203 AUS interdit-il l’hypothèque des
biens à venir en disposant que : « l’hypothèque conventionnelle ne peut être consentie que
171
par celui qui est titulaire du droit réel immobilier régulièrement inscrit et capable d’en
disposer ».

Règle absolue sous l’empire de l’AUS de 1998, l’interdiction de l’hypothèque de biens


futurs admet trois catégories d’atténuations prévues par l’al. 2 de l’art. 203 AUS.

Tout d’abord, l’art. 203 al. 2, 1°) autorise le propriétaire à consentir que chacun des
immeubles qu’il pourra acquérir soit affecté en complément de l’hypothèque initiale. Ce cas
suppose que le constituant « ne possède pas d’immeubles présents et libres ou n’en possède
pas en quantité suffisante pour la sûreté de la créance » lors de la constitution de
l’hypothèque.

Ensuite, le 2°) du même article énonce qu’en cas de perte de l’immeuble hypothéqué
ou de perte de valeur de cet immeuble, notamment par dégradation matérielle, la sûreté
conclue ne pouvant plus garantir suffisamment la créance, le créancier peut, ou solliciter le
remboursement de sa créance, ou obtenir du constituant, une hypothèque supplémentaire qui
peut alors porter sur les biens futurs ou à venir de ce dernier.

Enfin, l’art. 203 al.2, 3°) prévoit que « celui qui possède un droit réel lui permettant
de construire à son profit sur le fonds d’autrui, sur le domaine public ou sur le domaine
national peut hypothéquer les bâtiments et ouvrages dont la construction est commencée ou
simplement projetée ; en cas de destruction de ceux-ci, l’hypothèque est reportée de plein
droit sur les nouvelles constructions édifiées au même emplacement ».

L’ensemble de ces restrictions revient à tempérer fortement la portée de l’interdiction


de principe de l’hypothèque des biens à venir.

2. Les parties au contrat

Les parties au contrat sont le créancier hypothécaire et le constituant.

Le constituant est la personne, physique ou morale, qui confère l’hypothèque au


créancier. Le constituant peut être le débiteur du créancier ou un tiers.

Conformément à l’exigence formulée à l’art. 203 al. 1er, le constituant doit être doté de
la capacité d’aliéner un immeuble, l’hypothèque étant un acte de disposition en ce qu’elle peut
conduire à la vente de l’immeuble. En conséquence, un mineur ou un majeur incapable ne
peut conclure seul un contrat d’hypothèque.

En ce qui concerne le pouvoir de conclure un contrat d’hypothèque, si les époux sont


mariés sous le régime de la communauté, le consentement des deux est requis pour pouvoir
hypothéquer un immeuble de la communauté conformément aux dispositions de l’art. 81
nouveau de la loi ivoirienne sur le mariage sous peine d’annulation de l’acte par le conjoint
dont le consentement n’a pas été obtenu. L’action en nullité est ouverte au conjoint pendant
les deux années qui suivent le jour où il a eu connaissance de cet acte (art. 81 nouveau al. 2 loi
ivoirienne s0ur le mariage).

172
Le constituant doit ensuite être titulaire d’un droit réel qui peut être le droit de
propriété mais aussi d’autres droits réels immobiliers : le droit d’usufruit détaché de la pleine
propriété, le droit de superficie, la nue-propriété ou l’emphytéose. Toutefois, certains droits
réels ne peuvent être hypothéqués en raison de leur caractère incessible. Il en est ainsi du droit
d’usage (art. 631 cciv) ou du droit d’habitation (art. 634 cciv).

Le constituant doit, ensuite, être propriétaire de l’immeuble hypothéqué. Il s’ensuit


que l’hypothèque de la chose d’autrui est nulle par application de l’adage, « nul ne peut
transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même ». La jurisprudence frappe
l’hypothèque de la chose d’autrui de nullité absolue pour défaut d’objet (Cass. Civ. 24 mai
1892, D.P. 1892, 1, 327).

Par ailleurs, l’hypothèque est soumise aux modalités qui affectent le droit de propriété
de sorte qu’elle est conditionnelle si la propriété l’est aussi. Cela résulte de l’art. 194 AUS
dispose en son alinéa 1er que « ceux qui n’ont sur l’immeuble qu’un droit soumis à
condition, résolution, ou rescision régulièrement publiées ne peuvent consentir qu’une
hypothèque soumise aux mêmes conditions, résolutions ou rescisions ».

Une autre difficulté est relative à l’hypothèque d’un bien indivis. Deux hypothèses
sont envisageables. Ou bien l’hypothèque porte sur la totalité de l’immeuble indivis : il s’agit
alors de l’hypothèque d’un immeuble indivis stricto sensu. Ou bien, l’hypothèque porte sur
une portion d’un immeuble indivis appartenant à un co-indivisaire : c’est l’hypothèque d’une
quote-part d’un immeuble indivis.

Première hypothèse : hypothèque d’un bien indivis

Si cette hypothèque est consentie par tous les co-indivisaires, elle est valablement
constituée et « conserve son effet quel que soit le résultat du partage » (art. 194 al. 2 AUS).
Dans cette hypothèse, si un seul des co-indivisaires a la qualité de débiteur, les autres auront
la qualité de cautions réelles, en raison de l’affectation d’un bien à la garantie de la dette d’un
tiers.

A l’inverse, si l’hypothèque n’a été consentie que par un seul co-indivisaire, le


créancier ne pourra pas poursuivre la réalisation de son hypothèque avant le partage. Lors du
partage, l’hypothèque ne conservera son effet « que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a
consentie est alloti de l’immeuble indivis ou, lorsque l’immeuble est licité à un tiers, si cet
individu est alloti du prix de licitation ». Ainsi, lors du partage, le créancier pourra exercer
son droit sur la part de son débiteur, droit qui se reporte sur le prix obtenu par le débiteur du
fait du partage.

Deuxième hypothèque : hypothèque d’une quote-part d’un bien indivis

Si l’hypothèque est consentie par un seul co-indivisaire sur sa quote-part des droits
indivis sur l’immeuble, l’al. 3 de l’art. 194 AUS indique que cette hypothèque « ne conserve
son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consentie est, lors du partage, alloti du
ou de ces immeubles indivis ». Ce texte précise que dans le cas de l’attribution du bien au
173
constituant, l’hypothèque portera alors sur l’ensemble des droits obtenus dans le cadre du
partage « sans être limitée à la quote-part qui appartenait à l’indivisaire qui l’a consentie ;
lorsque l’immeuble est licité à un tiers, elle le conserve également si cet indivisaire est alloti
du prix de la licitation ».

3. Les créances concernées

a- Le principe de spécialité de la créance

Aux termes de l’art. 204 AUS, « L’hypothèque conventionnelle doit être consentie
pour une somme déterminée ou au moins déterminable en principal et portée à la
connaissance des tiers par l’inscription de l’acte. Le débiteur aura droit, s’il y a lieu, par la
suite, de requérir la réduction de cette somme en se conformant aux règles de la publicité
foncière prévues à cet effet ».

Il ressort de cette disposition le principe de la spécialité de la créance au nom duquel le


contrat d’hypothèque doit préciser la somme pour laquelle la sûreté était consentie et indiquer
le montant de la créance qui doit être déterminé ou déterminable. Dans cette dernière
hypothèse, l’acte constitutif doit contenir une estimation de cette créance, en stipulant un
plafond. Cette exigence est justifiée par la nécessité de protéger les intérêts des constituants.
Ainsi, au jour de la conclusion du contrat, les parties doivent indiquer dans l’acte la cause de
la créance garantie. Autrement dit, elles précisent le contrat principal qui a justifié le recours à
l’hypothèque qui en est l’accessoire, par exemple la conclusion préalable d’un contrat de prêt
immobilier. Le contrat d’hypothèque mentionne donc non seulement la créance garantie mais
aussi « une somme déterminée » représentant le capital immobilier affecté en garantie de la
dette.

La réforme du 15 mai 2011 n’a pas supprimé le principe de la spécialité de la créance


mais a admis des tempéraments en prévoyant la possibilité d’hypothéquer un bien pour
garantir des créances futures.

b- L’hypothèque d’un bien pour garantir des créances futures

En définissant l’hypothèque, l’art. 190 AUS précise que cette sûreté peut être
constituée « en garantie d’une ou plusieurs créances, présentes ou futures à condition
qu’elles soient déterminées ou déterminables ».

Ce texte consacre la faculté de conclure une hypothèque pour garantir une créance
future, en particulier le solde d’un compte courant.

B. Les conditions de forme

L’hypothèque est un acte potentiellement grave : elle affecte la valeur de l’immeuble


et présente le risque, pour le débiteur, d’une perte de la propriété du bien s’il ne paye pas la
totalité de la dette à l’échéance convenue. C’est pourquoi est imposé un régime protecteur du
constituant afin d’attirer son attention lors de la conclusion d’une telle sûreté, en imposant la

174
nécessité d’un acte authentique (1) et d’une inscription (2). Les parties peuvent toutefois avoir
recours à la formule de la promesse d’hypothèque (3).

1. L’acte authentique obligatoire

L’al. 1er de l’art. 205 prévoit que l’hypothèque conventionnelle peut être consentie soit
par acte authentique établi par le notaire territorialement compétent ou l’autorité
administrative ou judiciaire habilitée à faire de tels actes, soit par acte sous seing privé dressé
suivant un modèle agréé par la conservation de la propriété foncière. Cependant, en droit
ivoirien, le décret n° 64-164 du 16 avril 1964 portant interdiction des actes sous seing privé en
matière immobilière impose la forme notariée en son article premier qui dispose que :
« L’hypothèque conventionnelle est consentie par acte authentique. La transmission et la
mainlevée de l’hypothèque ainsi que la cession de l’hypothèque forcée de la femme mariée
ou la renonciation par cette dernière à cette même hypothèque ont lieu dans la même
forme ».

L’acte constitutif est conservé en minute chez le notaire, les parties pouvant toujours
se procurer une copie exécutoire à ordre, facilitant la transmission de l’hypothèque. En ce qui
concerne le contenu de l’acte, au nom du principe de spécialité, certaines mentions doivent
impérativement apparaître dans le contrat d’hypothèque : l’acte doit contenir des précisions
relatives à la nature et à la situation du ou des immeubles grevés, ainsi que des précisions
permettant de déterminer la créance garantie. De plus, la loi encadre strictement les modalités
du recours à une procuration : si le constituant ne peut être présent, il pourra conclure un
contrat de mandat de constituer hypothèque, mandat nécessairement exprès selon l’art. 1988
du code civil. Cette procuration devra être passée devant un notaire selon l’al. 2 de l’art. 205
AUS : « la procuration donnée à un tiers pour constituer une hypothèque en la forme notariée
doit être établie en la même forme ».

Enfin, la convention d’hypothèque, dès lors qu’elle porte sur un immeuble situé en
Côte d’Ivoire, doit nécessairement être conclue devant un notaire ivoirien. C’est le principe de
la lex rei sitae qui veut que l’hypothèque soit conclue selon la loi nationale du lieu de
situation de l’immeuble (art. 205 al. 1er).

En toutes hypothèses, les différentes exigences relevant du formalisme hypothécaire


impliquent la présence d’un notaire, ce dernier exerçant un rôle important car il bénéficie du
monopole lors de la rédaction de l’acte. De manière corrélative, il est tenu de respecter une
obligation de conseil et sa responsabilité peut être engagée à plusieurs titres, en particulier en
cas d’oubli de mentions obligatoires.

2. L’inscription obligatoire

La constitution de l’hypothèque est un acte formaliste que parfait l’inscription


hypothécaire. Pour être opposable aux tiers, l’hypothèque doit être inscrite selon l’art. 206
AUS qui dispose que : « tant que l’inscription n’est pas faite, l’acte d’hypothèque est

175
inopposable aux tiers et constitue, entre les parties, une promesse synallagmatique qui les
oblige à procéder à la publicité ».

L’inscription est faite au livre foncier conformément aux règles de la publicité foncière
prévues à cet effet. Elle peut, exceptionnellement, être différée lorsqu’elle est affectée à la
garantie d’un prêt à court terme. En effet, l’AUS a adopté l’hypothèque différée en son art.
207. L’hypothèque différée est une hypothèque conventionnelle dont la publication est
retardée pendant un délai maximal de quatre-vingt-dix (90) jours sans que le créancier perde
le rang qu’il a acquis.

3. La promesse d’hypothèque

Les établissements de crédit ont cherché à contourner les formalités requises par la loi,
singulièrement les frais engendrés par l’exigence d’une forme notariée de l’acte. Pour cela, ils
ont eu recours à la promesse d’hypothèque conclue sous la forme d’actes sous seing privé. La
promesse d’hypothèque ne confère aucun droit réel au créancier et ne crée qu’une obligation
de faire à la charge du débiteur : celle de passer l’acte notarié constitutif. La promesse ainsi
constituée facilitera la situation juridique du créancier lorsqu’il cherchera à obtenir une
hypothèque judiciaire conservatoire.

Dans une telle hypothèse, l’efficacité de la garantie demeure toutefois limitée pour le
créancier pour deux raisons. D’une part, le non-respect de la promesse ne peut donner lieu à
une exécution forcée, mais uniquement à une condamnation à verser des dommages et
intérêts. D’autre part, si un contrat d’hypothèque est conclu sous la forme authentique après la
promesse, le rang conféré sera celui fixé lors de l’inscription, sans que soit reconnue une
rétroactivité au jour de la créance.

§ 2 – L’hypothèque forcée légale

L’hypothèque légale est un type d’hypothèques forcées. Aux termes de l’al. 1er de
l’art. 209 AUS, « L’hypothèque forcée est celle qui est conférée, sans le consentement du
débiteur, soit par la loi, soit par une décision de justice ».

L’hypothèque légale ou forcée légale est celle qui est conférée par la loi à certains
créanciers. L’AUS a prévu, aux articles 210 à 212, le recours à cette catégorie de sûreté dont
il convient de présenter les principales caractéristiques (A) avant de relever la mise en œuvre
de ces hypothèques (B).

A – Présentation de l’hypothèque légale

Diverses hypothèques sont accordées à certaines catégories de créanciers par


application de textes spécifiques et portent sur des immeubles. Il s’agit de sûretés d’origine
légale pour lesquelles l’efficacité demeure soumise au respect de formalités de publicité.
Conformément au principe de spécialité, le créancier titulaire de l’hypothèque doit l’inscrire
sur un immeuble déterminé et pour une créance également déterminée. L’inscription est
essentielle car elle va déterminer la date de prise d’effet de l’hypothèque. En outre, il faut
176
préciser que si le débiteur considère que les inscriptions excèdent notablement la valeur de la
créance, il peut demander au juge de les réduire.

B – Mise en œuvre de l’hypothèque légale

Les articles 210 à 212 AUS prévoient une liste d’hypothèques légales :

- art. 210 AUS: l’hypothèque légale de la masse des créanciers dont le débiteur est dans une
procédure collective ;

- art. 211 AUS : l’hypothèque légale du vendeur, de l’échangiste ou du copartageant d’un


immeuble vendu et l’hypothèque légale du fournisseur de deniers pour l’acquisition d’un
immeuble vendu, échangé ou partagé ;

- art. 212 AUS : l’hypothèque légale des architectes, entrepreneurs et autres personnes
employées pour faire des travaux sur un immeuble et l’hypothèque légale de celui qui fournit
les deniers à ces derniers.

§ 3 – L’hypothèque forcée judiciaire

Un créancier peut se prémunir contre une menace d’insolvabilité de son débiteur en


demandant au juge, par anticipation, que les biens de ce débiteur soient affectés d’une
hypothèque d’origine judiciaire conformément à l’al. 1er de l’art. 213 AUS qui dispose que :
« pour sûreté de sa créance, en dehors des cas prévus par les articles 210 à 212 du présent
acte uniforme, le créancier peut être autorisé à prendre inscription provisoire d’hypothèque
sur les immeubles de son débiteur en vertu d’une décision de la juridiction compétente du
domicile du débiteur ou du ressort dans lequel sont situés les immeubles à saisir ».

A – Les conditions de l’hypothèque judiciaire

Le recours à une hypothèque judiciaire conservatoire suppose que le créancier dispose


d’une créance paraissant « fondée en son principe » et dont le recouvrement est susceptible
d’être menacé. Dès lors que le créancier ne bénéficie pas de garanties suffisantes, il existe un
risque d’être impayé, notamment si d’autres créanciers ont pris des garanties sur l’immeuble
du débiteur. Dans de telles circonstances, une hypothèque judiciaire peut être demandée après
une saisine du juge compétent. Il appartient au créancier de fournir au juge tous les documents
démontrant les risques d’insolvabilité du débiteur, en particulier le montant des sommes
restant dues et les mises en demeures restées infructueuses.

B – Les effets de l’hypothèque judiciaire

Dans un premier temps, l’hypothèque judiciaire conservatoire permet une inscription


provisoire qui prend rang à la date où elle est prise (art. 213 al. 1er). La décision rendue
indique la somme pour laquelle l’hypothèque est autorisée. Le créancier doit notifier la
décision ordonnant l’hypothèque judiciaire en délivrant l’assignation en vue de l’instance en
validité ou de l’instance au fond. Il doit également notifier l’inscription dans la quinzaine de

177
cette formalité (art.217 AUS). L’inscription provisoire ne confère qu’un droit éventuel et doit
être corroborée par une inscription complémentaire.

Dans un second temps, une inscription définitive s’impose pour garantir la pleine
efficacité de la sûreté. Elle est destinée à consolider le droit du créancier, dès lors que la
créance est devenue liquide, certaine et exigible après que le créancier a obtenu une décision
de justice qui condamne définitivement le débiteur.

SECTION 3 : LE REGIME DE L’HYPOTHEQUE

Quatre catégories de règles doivent être précisées : la publicité (§1), les effets de
l’hypothèque (§2), la transmission de l’hypothèque (§3) et son extinction (§4).

§ 1 – La publicité de l’hypothèque

L’hypothèque doit faire l’objet d’une inscription pour être opposable aux tiers. Il
convient de préciser les conditions (A) et les effets (B) de cette inscription.

A – Les conditions de l’inscription

1 – Les formalités relatives à l’inscription

L’inscription est requise par l’art. 206 AUS et est faite au livre foncier. Il appartient au
créancier hypothécaire, ou généralement son notaire, d’accomplir cette formalité.

En ce qui concerne le contenu de l’inscription, le principe de spécialité s’impose à


nouveau à un double niveau : d’abord, à l’égard des créances garanties, l’inscription ne peut
avoir lieu que pour une somme déterminée, ce qui impose que soient mentionnés non
seulement le principal, mais aussi les accessoires de la dette ; ensuite, à l’égard de l’assiette de
la sûreté, l’inscription ne peut porter que sur des immeubles déterminés.

2 – La prise d’effets de l’inscription hypothécaire

L’intérêt du créancier est d’inscrire le plus rapidement possible l’hypothèque car c’est
cette inscription qui va déterminer le rang hypothécaire conformément à l’al. 2 de l’art. 195
AUS selon lequel : « L’hypothèque régulièrement publiée prend rang du jour de
l’inscription ».

Par ailleurs, l’art. 196 AUS dispose que : « L’inscription a une durée déterminée et
conserve le droit du créancier jusqu’à une date devant être fixée par la convention ou la
décision de justice dans la limite de trente ans au jour de la formalité, sauf disposition
contraire d’une loi nationale. Son effet cesse si elle n’est pas renouvelée, avant l’expiration
de ce délai, pour une durée déterminée.

Il en va de même lorsque l’hypothèque a été constituée pour une durée


indéterminée ».

B – Les effets de l’inscription


178
En matière d’hypothèque, la publicité assure l’opposabilité de l’inscription (1)
susceptible toutefois d’être altérée (2).

1. L’opposabilité de l’inscription

La principale incidence de l’inscription de l’hypothèque est de la rendre opposable aux


tiers (art. 206 AUS). De plus, en cas de concurrence entre différents créanciers, les formalités
d’inscription permettent de déterminer le rang du créancier hypothécaire par rapport aux
autres créanciers éventuellement inscrits. Selon l’art. 225 AUS : le créancier hypothécaire
vient en 3e position après les créanciers des frais de justice et ceux de salaires
superprivilégiés.

L’opposabilité de l’inscription peut être altérée.

2 – L’altération de l’opposabilité

Trois causes différentes d’altération peuvent être relevées : la radiation, la réduction et


la péremption.

La radiation : elle correspond à la suppression de l’inscription hypothécaire et est prévue par


l’art. 202 AUS. Elle peut d’abord être volontaire dans le cas où le créancier accepte de donner
mainlevée de l’hypothèque car il a été au préalable payé ou quand il a consenti une remise de
dette au débiteur. La radiation peut également être judiciaire. Il en est ainsi lorsque le juge
estime que l’inscription hypothécaire n’est plus justifiée, à la suite par exemple du paiement
effectué par le débiteur.

La réduction de l’hypothèque : elle peut être sollicitée lorsque l’inscription hypothécaire est
considérée comme excessive. Assimilable à une mainlevée partielle, elle est volontaire quand
le créancier l’accepte. La conclusion d’un acte authentique s’impose alors. La réduction peut
également être judiciaire.

La péremption : elle est une cause d’altération de l’inscription hypothécaire liée à


l’écoulement du temps. L’art. 196 AUS prévoit que l’inscription a une durée précisée par les
parties mais dans une limite de trente ans. Si le créancier souhaite que l’hypothèque ne soit
pas affectée par une éventuelle péremption, il dispose de la faculté de renouveler l’inscription
hypothécaire avant le terme prévu.

§ 2 – Les effets de l’hypothèque

Il faut distinguer les effets avant la réalisation de l’hypothèque (A) des effets lors de la
réalisation (B).

A – Les effets avant la réalisation de l’hypothèque

Ces effets concernent le constituant (1) et le créancier hypothécaire (2).

1 – Les effets pour le constituant

179
a- Les droits du constituant

Le propriétaire conserve la possession de l’immeuble. Il peut toujours l’habiter,


conclure différents contrats d’hypothèque, afin de garantir plusieurs crédits dont le montant ne
doit pas atteindre la valeur totale du bien ou enfin continuer l’exploitation de l’immeuble en le
louant.

b- Les obligations du constituant

S’il conserve les attributs du droit de propriété, le propriétaire, par son comportement,
ne doit pas affecter la valeur de l’immeuble, sous peine d’une déchéance du terme fixé (art
222 AUS). Tel peut être le cas d’une destruction de l’immeuble hypothéqué par exemple si
elle diminue la valeur de l’immeuble.

2 – Les effets à l’égard du créancier

Corrélativement, le créancier bénéficie de divers droits, notamment un droit de suite et


un droit de préférence (art. 197 AUS). De même, si le propriétaire hypothèque à nouveau
l’immeuble, le créancier bénéficiera d’un rang prioritaire par rapport aux créanciers
ultérieurement inscrits, conformément au droit de préférence. La classification entre les
créanciers est déterminée en fonction de la date d’inscription.

B – Les effets lors de la réalisation de l’hypothèque

1 – Les effets à l’égard du créancier

Si le créancier peut mettre en œuvre, par principe, une saisie immobilière en imposant
la vente de l’immeuble (a), il a aussi la possibilité de bénéficier d’une attribution du bien (b).

a- La vente de l’immeuble

Après la défaillance du débiteur, dès lors que la dette est exigible, le créancier peut
saisir l’immeuble en respectant les formes de la saisie immobilière : il doit adresser un
commandement de payer au débiteur en le publiant au livre foncier. Dès lors, l’immeuble
devient indisponible, le débiteur ne pouvant ni le louer ni le vendre, et doit être vendu à la
barre du tribunal (art. 198 AUS).

Les formes de la saisie immobilière doivent être respectées.

b – L’attribution du bien

- Attribution judiciaire : le principe d’une attribution judiciaire du bien en pleine propriété


est prévu par l’acte uniforme (art. 198 al. 1er AUS). Toutefois, cette faculté n’est possible que
lorsque l’immeuble ne constitue pas « la résidence principale du constituant » (art. 198 al.
2).

- Attribution conventionnelle : le nouvel acte uniforme innove grandement en admettant une


attribution conventionnelle de l’immeuble hypothéqué. L’hypothèse est prévue par l’art. 198
180
AUS. Les conditions de cette attribution conventionnelle sont les suivantes : 1- le constituant
doit être une personne morale ou une personne physique dûment immatriculée au Registre du
Commerce et du Crédit Mobilier ; 2 – l’immeuble hypothéqué ne doit pas être à usage
d’habitation.

Une fois ces conditions remplies et « à l’issue d’un délai de trente jours suivant une
mise en demeure de payer par acte extra-judiciaire demeurée sans effet, le créancier pourra
faire constater le transfert de propriété dans un acte établi selon les formes requises par
chaque Etat partie en matière de transfert d’immeuble » (art. 199 al. 2 AUS).

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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

OUVRAGES

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LEGISLATION :

ARTICLES DE DOCTRINE :

JURISPRUDENCE :

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TABLE DES MATIERES

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