0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
4 vues540 pages

Cultures Constructives Vernaculaires Et Résilience Entre

La thèse d'Annalisa Caimi explore l'importance des cultures constructives vernaculaires pour renforcer la résilience des communautés face aux aléas naturels. Elle met en lumière les pratiques et techniques développées par les bâtisseurs locaux, qui intègrent des réponses réactives aux risques dans leur processus de construction. Ce travail propose également un outil méthodologique pour ancrer les projets dans les spécificités contextuelles, reliant culture, passé et futur.

Transféré par

Nourelhouda Bhs
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
4 vues540 pages

Cultures Constructives Vernaculaires Et Résilience Entre

La thèse d'Annalisa Caimi explore l'importance des cultures constructives vernaculaires pour renforcer la résilience des communautés face aux aléas naturels. Elle met en lumière les pratiques et techniques développées par les bâtisseurs locaux, qui intègrent des réponses réactives aux risques dans leur processus de construction. Ce travail propose également un outil méthodologique pour ancrer les projets dans les spécificités contextuelles, reliant culture, passé et futur.

Transféré par

Nourelhouda Bhs
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 540

Cultures constructives vernaculaires et résilience : entre

savoir, pratique et technique : appréhender le


vernaculaire en tant que génie du lieu et génie
parasinistre
Annalisa Caimi

To cite this version:


Annalisa Caimi. Cultures constructives vernaculaires et résilience : entre savoir, pratique et technique :
appréhender le vernaculaire en tant que génie du lieu et génie parasinistre. Architectures Matérielles
[cs.AR]. Université de Grenoble, 2014. Français. �NNT : 2014GRENH011�. �tel-01148207�

HAL Id: tel-01148207


https://theses.hal.science/tel-01148207v1
Submitted on 4 May 2015

HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est


archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents
entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de
teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires
abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
THÈSE
Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE GRENOBLE


Spécialité : Architecture
Arrêté ministériel : 7 août 2006

Présentée par

Annalisa CAIMI

Thèse dirigée par Hubert GUILLAUD


codirigée par Philippe GARNIER

préparée au sein de
l’Unité de Recherche AE&CC, Laboratoire CRAterre - ENSAG
dans l'École Doctorale n°454
Science de l’Homme, du Politique et du Territoire

Cultures constructives
vernaculaires et résilience.
Entre savoir, pratique et technique :
appréhender le vernaculaire en tant que
génie du lieu et génie parasinistre

Thèse soutenue publiquement le 8 avril 2014,


devant le jury composé de :
M. Hubert GUILLAUD
Professeur HDR, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble,
Directeur de thèse
M. Philippe GARNIER
Maître-assistant, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble,
Co-directeur de thèse
Mme Mariana CORREIA
Professeur, Docteur, Escola Superior Gallaecia (Portugal), Rapporteur
Mme Isabelle MILBERT
Professeur, Docteur, Institut des Hautes Etudes Internationales et du
Développement (Suisse), Rapporteur et président du jury
M. Ferruccio FERRIGNI
Professeur, Università degli Studi Federico II (Italie), Examinateur extérieur
Mme Corinne TREHERNE
Architecte, Officer Senior, International Federation of Red Cross and Red
Crescent Societies, Personnalité extérieure
Université Joseph Fourier / Université Pierre Mendès France /
Université Stendhal / Université de Savoie / Grenoble INP
La culture venue des racines
traverse tiges, bourgeons, feuilles et eurs,
d’une cellule à l’autre comme un sang vert
et nourrit l’espace sous la pluie
de cette odeur de jardin arrosé.

Mais une culture venue d’ailleurs


renversée sur les hommes les pétrifies ;
les voici comme des poupées en sucre
que les pluies généreuses de la vie
transforment en une pâte informe et lourde.

Hassan Fathy, 1969


Dans les régions exposées à des aléas naturels, une large partie des bâtiments composant
l’environnement construit sont réalisés presque exclusivement sur la base de l’expérience et de
l’observation des bâtisseurs locaux, sans l’appui d’un architecte ou d’un ingénieur. Les communautés
installées dans ces zones ont développé, au fil du temps, une multitude de stratégies pour cohabiter
avec ces phénomènes, incluant des comportements sociaux et des approches de construction
visant à prévenir et/ou à limiter l’exposition du bâti et de ses habitants. En fait, les constructeurs ont
souvent intégré la présence et les caractéristiques locales des aléas naturels dans leurs pratiques
quotidiennes, élaborant des détails et des dispositions constructives particulières pour réduire la
vulnérabilité des artefacts et du milieu bâti.

Le concept de culture constructive embrasse la dimension sociale et technique de l’acte de


construire et du processus d’élaboration des savoirs et savoir-faire qui lui sont inhérents, reflétant
intrinsèquement la multiplicité des sociétés humaines et leur enracinement indissoluble au territoire
qu’elles habitent. Le vernaculaire en tant que caractérisation des modes de bâtir, d’habiter et de se
protéger se révèle par ce fait une source précieuse de pratiques, techniques et mesures, testées
au cours des siècles et des multiples aléas, pour la construction d’environnements bâtis durables,
accessibles et sûrs.

Ce travail de recherche explore le potentiel présenté par les cultures constructives vernaculaires
dans le renforcement de la résilience locale. Et cela à partir des pratiques - constructives et
comportementales - développées par les populations, groupes et individus habitant des contextes
géographiquement exposés à des aléas naturels. Se fondant sur une forte interaction entre la théorie
et la pratique, cette recherche entame une (re)découverte de l’ingéniosité intrinsèque à ces savoirs
par le développement de deux axes thématiques. L’un investigue les dispositions et les dispositifs
vernaculaires à caractère parasinistre ayant démontré leur efficacité à réduire la vulnérabilité de
l’environnement construit envers différents types d’aléas naturels. L’autre axe questionne les
modalités de leur identification et contribution directe au renforcement des capacités de populations
et institutions dans la gestion des crises. une analyse technique s’associe l’élaboration d’un outil
méthodologique soutenant la mise en place d’une démarche de projet s’ancrant fortement aux
spécificités contextuelles selon une logique de continuité, tant culturelle que de pratique, entre
passé et futur, entre préparation et réponse aux catastrophes.

cultures constructives vernaculaires, architecture vernaculaire, culture du risque,


aléas naturels, résilience, outils d’analyse contextuelle
In areas prone to natural hazards, many of the buildings that make up the built environment are
constructed almost exclusively through the experience and the direct observation of local builders,
without the support of any architect or engineer. In these regions, communities have developed over
time a variety of strategies to cope with natural phenomena through patterns of social behaviours
and building approaches intended to prevent and/or to reduce their exposure to local risks. Similarly,
local builders have often integrated reactive responses to natural hazards into their daily practices,
developing singular techniques, building details or devices aiming to reduce the vulnerability of the
built environment.

The concept of building culture embraces the social and technical aspects related to the construction
process and to the development of corresponding knowledge and know-how, intrinsically reflecting
the multiplicity of human societies and their indissoluble connection with the territories they inhabit.
The vernacular as characterization of ways of building, living and protecting oneself proves to be a
valuable source of practices, techniques and measures, tested over the years and during multiple
hazards, for contemporary construction of sustainable, accessible and safe built-environments.

This research explores the potential of vernacular building cultures in enhancing local resilience; and
this starting from- constructive and behavioural- practices developed by individual people and groups
living in contexts geographically exposed to natural hazards. Based on a strong interaction between
theory and action, this research undertakes a (re)discovery of vernacular knowledge through two
thematic focuses. One examines disaster resilient vernacular provisions and devices which have
demonstrated their effectiveness to reduce vulnerability of the built environment to various types
of natural hazards. The other one considers ways for their identification and direct contribution
to strengthening capacities of communities and institutions for disaster risk management. This
research combines a technical analysis with the development of a methodological tool, contributing
to set up a project approach strongly rooted into contextual specificities, linking culture and practice,
past experience and future needs, disaster response and preparedness.

disaster resilient building culture, vernacular architecture, local risk culture,


natural hazards, resilience, contextual analysis tools
Mes remerciements vont en premier lieu aux membres du laboratoire CRAterre-ENSAG qui, apportant
une perspective à la fois académique et de « terrain », ont contribué à tisser un lien entre la recherche et
l’action. En particulier, je tiens à remercier ceux qui, de près et de loin, ont soutenu mon travail et dont
les réflexions, les connaissances et l’expérience ont été une source indispensable de savoirs et d’énergie.
Merci à :
Hubert Guillaud, directeur de recherche, pour sa patience, son écoute et ses relectures
attentives ainsi qu’à Philippe Garnier, co-directeur de thèse et coordinateur du projet ReparH, pour ses
conseils et son esprit d’initiative ; soutien dont cette recherche n’aurait pu se passer ;
Olivier Moles, enseignant chercheur, pour ses suggestions avisées, sa confiance dans mon travail,
les opportunités offertes permettant d’alimenter la théorie par la pratique ainsi que pour le partage de
son approche, qui a considérablement nourri les réflexions entamées au cours de cette recherche ;
l’ensemble de l’équipe du laboratoire CRAterre-ENSAG, parmi lesquels en particulier Thierry
Joffroy pour sa disponibilité et ses recommandations. Les multiples points de vue, la complémentarité
des compétences et les échanges tout au long de ces trois ans ont été un appui précieux pour bâtir une
démarche cohérente avec l’évolution des idées et des actions ;
l’Agence Nationale Française de Recherche qui, par le financement du projet ReparH-Reconstruire
parasinistre en Haïti (anr- -hait- ), a rendu possible la réalisation de la présente thèse et la mise en
place d’un cadre de travail adapté.

Le croisement et l’échange mutuel entre la recherche et la pratique n’auraient pu avoir lieu sans les
contributions des personnes engagées dans les activités et projets sur le terrain, entre l’ici et l’ailleurs.
En Europe, merci à Alexandre Douline pour les occasions qu’il a su créer en Haïti, soutenant
simultanément ma recherche et le travail des partenaires locaux. Merci également à Christian Belinga
Nko’o, Elsa Cauderay, Laure Cornet, Florie Dejeant, Julien Hosta et Sophie Marongiu pour le temps qu’ils
m’ont dédié et leur esprit critique.
En Haïti, mèsi anpil aux membres des organisations haïtiennes Acape, Concert-Action, EPPMPH,
GID, IRATAM, Presten, Vedek et, en particulier, à M. Jean-Marie Louis, Mme Madeleine Casimir et
aux ingénieurs Jean Célin s et Lerismé St-Pierre du GADRU, pour leur intérêt dans mon travail et leur
engagement.
Au Bangladesh, dhan’yab da aux membres de Caritas Bangladesh, dont l’expérience a été une
source d’apprentissage privilégiée, et en particulier à M. Ratan Kumar Podder et M. Pintu William Gomes
(Caritas Bangladesh) ainsi qu’au Dr. Mohammad Shariful Islam et au Dr. Tahsin Reza Hossain (Bangladesh
University of Engineering and Technology) pour les échanges enrichissants et leur volonté d’expérimenter
ensemble.
Aux personnes rencontrées le long de mon cheminement - habitants, constructeurs, opérateurs de
terrain, chercheurs, responsables de projet - pour leur accueil et le partage des réflexions m’ayant permis
d’appréhender la « réalité du terrain » et de persévérer dans mes recherches.

Un grazie speciale va :
à mes proches, pour leur soutien constant dans mes choix, le grain de liberté qu’ils entretiennent et
l’attention aux « petits riens » qu’ils m’ont appris, source d’inspiration tout au long de mes explorations ;
à Chiara Sajidha Sautter et Stefano Zerbi, chers amis qui ont su avec délicatesse m’extraire de
temps à autres des méandres de mes recherches pour apporter un rayon de socialité humaine à mes
journées ;
à Milo, sans qui la joie de la découverte serait restée muette et solitaire et mes doutes et incertitudes
seraient parfois parus des obstacles insurmontables ; merci pour nos questionnements et discussions
continues, pour la tendresse de ta patience et ton soutien, entre les mots et les jours.
conclusion de l’expérience scientifique et humaine qui a été cette recherche en thèse, mes
remerciements vont également aux membres du jury qui ont accepté de lire et évaluer mon
travail ainsi que de participer au moment de son achèvement officiel. J’ai eu le privilège de
compter sur la présence et l’apport de quatre experts internationaux :

prof. Dr. Mariana Correira


(Escola Superior Gallaecia, Portugal)
prof. Dr. Isabelle Milbert
(Institut des Hautes Études Internationales et du Développement, Suisse)
prof. Ferruccio Ferrigni
(Università Federico II et Centro Universitario Europeo per i Beni Culturali, Italie)
arch. Corinne Treherne
(Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Suisse)

Leur regard critique, la complémentarité des points de vue et l’importance de leurs


connaissances dans les différents domaines touchés par ce travail, m’ont été particulièrement
précieux ; la richesse des échanges lors de la soutenance et l’intérêt qu’ils ont porté à ma
recherche ont été pour moi un honneur.
Avant-propos 16

I. Habitat et aléas naturels :


délimitation du domaine de la recherche 17

II. Architecture vernaculaire et culture constructive, catastrophes et résilience :


définition du cadre de référence 19
II.1. L’architecture, une affaire d’anonymes 19
II.1.1. Architecture vernaculaire : du construit, du culturel et du milieu 20
II.1.2. L’architecture en tant qu’expression d’une culture constructive 22
II.1.3. Le vernaculaire entre matérialité et processus 24
II.1.4. Habitat vernaculaire et cultures constructives :
définition de l’objet de la recherche 26
II.2. Réduction de la vulnérabilité et aide humanitaire 27
II.2.1. De la réaction à l’anticipation, entre institutionnalisation et technicisation 27
II.2.2. Anticiper la crise, après la crise : du produit au processus 29
II.2.3. Interventions dans le secteur de l’habitat :
limites techniques et méthodologiques 30
II.2.4. Complexité du contexte : constats et considérations 31
II.3. Cultures constructives vernaculaires et pratiques d’interventions :
questionnement du cadre problématique 33

III. Cadre de la recherche 35


III.1. Sujet et objectifs de la recherche 35
III.2. Questions de recherche et hypothèse 37
III.3. Approche méthodologique 37
III.4. Outils et critères méthodologiques 40
III.5. Présentation du plan de la thèse 44

Introduction de la partie 1 / Programmes d’habitat : composants de projet 49

1. Approches de projet : stratégies et positionnements 50


1.1. Les parties prenantes : niveaux et rôles 54
1.2. Modèles de gestion : acteurs et influences décisionnelles 55
1.3. Le système relationnel comme signification de participation 56
1.4. L’approche de projet, une question d’adaptation et implication 59

2. Produit construit : types d’interventions et temporalités de l’habitat 61


2.1. La construction permanente, entre existant et nouveau 62
2.2. Niveaux d’action : du détail constructif au territoire habité 67
2.3. Après la catastrophe : du temporaire vers le permanent 68
2.4. De l’urgence à la (re)construction : construire (dans) la continuité 71

Cultures constructives vernaculaires et résilience 9


3. Renforcement des capacités et diffusion des connaissances : démarches et outils 73
3.1. Niveaux contextuels, niveaux de capacités 74
3.2. Outils et compétences pour un renforcement des capacités 75
3.3. Activités et supports : entre construction et communication 76
3.4. Outils de communication dans la reconstruction post-séisme en Haïti 82
3.5. Du renforcement des compétences au renforcement des capacités 84

Conclusions de la partie 1 / L’habitat en zones à risques :


une approche stratégique et holistique entre urgence, réhabilitation et prévention 86

Axes d’approfondissement / Appréhender le vernaculaire situé et parasinistre 89

Introduction de la partie 2 / Vers une analyse systémique 93

4. Démarches d’analyse 94
4.1. Le diagnostic : significations et enjeux 94
4.2. Participation et interrelations des acteurs 96
4.3. Méthodologies d’analyse : principes d’approches et de participation 100
4.3.1. Éléments pour un cadre méthodologique référentiel 101
4.4. Le bâti en zones à risques : procédures d’analyse 108
4.4.1. Évaluation post-catastrophe 108
4.4.2. Analyse participative en zones à risques :
l’habitat en tant que composante d’un environnement social 109
4.4.3. Analyse du bâti en zones à risques 111
4.4.4. L’analyse du bâti en zones à risques, entre culture et construit 114

5. Analyser les cultures constructives vernaculaires en zones à risques :


entre outils et processus 115
5.1. Investigation des cultures constructives vernaculaires 115
5.2. Une démarche itérative : entre théorie et terrain 116
5.3. Principes méthodologiques 121
5.4. Entre habitat, savoirs et risques 122
5.5. Sources et ressources pour une information partagée 125
5.6. Outils pour une analyse participative 127
5.7. Étapes de mise en œuvre 147
5.8. Niveaux d’analyse 149
5.9. Mise en situation 151
5.9.1. Haïti : construction de nouvelles compétences,
de la reconstruction à la prévention 152
5.9.2. Bangladesh : cultures locales et renforcement de compétences,
de l’analyse située aux stratégies de préparation 159

6. Une méthodologie d’analyse : potentialités et synergies 165


6.1. Facteurs d’adaptation : du contexte à l’approche 165
6.2. Modalités d’appropriation :
de la prise de conscience à l’acquisition de compétences 168
6.3. Niveaux d’application : 171
entre recherche scientifique et pratique de terrain 171

Conclusion de la partie 2 / Recherche et action pour une analyse située 174

10 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Introduction de la partie 3 / Habiter le risque, une approche holistique 179

7. Savoirs de résilience 181


7.1. La résilience par l’interprétation, l’explication et la mémoire 182

8. Le bâti, entre risque et culture 185

9. Les cultures constructives du risque :


entre technique et pratique, entre temporaire et permanent 189
9.1. Mesures techniques permanentes 190
9.2. Mesures techniques temporaires 191
9.3. Mesures comportementales 192
9.4. Résilience du bâti vernaculaire : une approche pluridimensionnelle 193

10. Mesures de réduction de la vulnérabilité : échelles d’application 194


10.1. Le territoire : de la gestion à la planification 194
10.2. Le bâti : approches, systèmes et dispositifs 198
10.3. Construction vernaculaire et aléa sismique : un approfondissement structurel 200
10.3.1. Systèmes porteurs ponctuels 204
10.3.2. Systèmes porteurs continus 220
10.3.3. Typologies structurelles : une comparaison géographique 243
10.4. Dispositifs vernaculaires parasinistres : de la macro à la micro échelle 248
10.4.1. Principes d’ensemble 248
10.4.2. Réduction de la vulnérabilité envers les vents violents et cycloniques 250
10.4.3. Réduction de la vulnérabilité envers les inondations 253
10.4.4. Réduction de la vulnérabilité envers les séismes 255

11. Constats, pratiques et perspectives, pour une régénération des savoirs 260
11.1. Le vernaculaire parasinistre : entre évolution des pratiques et
dégénérescence des cultures 260
11.2. Pistes de recherche (et) action pour un changement de paradigme 264

Conclusion de la partie 3 271

De la pratique à la recherche, vers l’action 275

Conclusions connexes 281

Glossaire 287

Bibliographie 288

Liste des illustrations 319

Liste des tableaux 322

Liste des acronymes 323

Annexes 329

Cultures constructives vernaculaires et résilience 11


12 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Sommaire des annexes

A.1. Partie 1 / Projets de terrain 333

A.1.1.Bangladesh :
Fiche de contexte 335
Fiche du programme 337

A.1.2. Haïti :
Fiche de contexte 339
Fiches par projet 341
Outils de communication dans la reconstruction post-séisme 365

A.2. Partie 2 / Méthodologie d’analyse des cultures constructives locales en zones à risques 375

A.2.1. Supports d’analyse 377


A.2.2. Gestion du processus d’analyse : exemple du projet au Bangladesh 396
A.2.3. Extraits des rapports 399

A.3. Partie 3 / Fiches d’approfondissement :


systèmes porteurs vernaculaires en zone sismique 445

A.3.1. Systèmes porteurs ponctuels 447


A.3.2. Systèmes porteurs continus 497
A.3.3. Entre ponctuel et continu : synthèse des systèmes constructifs traités 528
A.3.4. Liste générale par typologie 530
A.3.5. Tableau récapitulatif par zone géographique 533

Cultures constructives vernaculaires et résilience 13


14 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Fig.1: Haïti, Jean Rabel, habitation vernaculaire

Cultures constructives vernaculaires et résilience 15


Habiter un lieu est essentiellement un compromis ou, plutôt, une recherche continue vers un
équilibre permettant d’harmoniser les exigences, les désirs et les capacités d’individus et groupes
humains aux contraintes et potentialités présentées par le contexte. La nécessité de s’abriter mais
également d’exprimer un système de valeurs et de pratiques génère un processus continu de
production, adaptation et évolution de l’habitat en accord aux besoins, aspirations et capacités de
ses constructeurs et habitants. Cette dynamique est influencée par les ressources dont ces derniers
disposent, ainsi que par leur façon de percevoir et de se rapporter aux manifestations ordinaires et
extrêmes de la nature. Si les spécificités d’un objet et d’un environnement bâti sont étroitement
liées aux caractéristiques du milieu humain et naturel auquel elles se rapportent, certaines de
leurs particularités architecturales et constructives peuvent trouver une raison d’être dans les
choix conscients effectués par leurs bâtisseurs, en relation à la présence de phénomènes naturels
exceptionnels. Les cultures constructives s’imprègnent, ainsi, d’une intelligence évoluée au fil du
temps pour pouvoir cohabiter avec les risques qui caractérisent le territoire habité.

La présente recherche interroge la relation entre la dimension vernaculaire et culturelle de l’acte de


bâtir et les phénomènes naturels majeurs. Son hypothèse repose sur le potentiel présenté par les
cultures constructives vernaculaires dans le processus de renforcement de la résilience locale; son
objectif est ainsi d’entamer une (ré)découverte des savoirs et savoir-faire qui leur sont inhérents
en tant que source d’inspiration pour une réduction de la vulnérabilité à long terme. Pour ce faire,
elle puise dans la théorie et l’expérimentation pour une analyse méthodologique et technique
des pratiques - constructives et comportementales - à caractère parasinistre, développées par les
communautés, groupes et individus habitant des contextes géographiquement exposés à des
aléas naturels. Analyser, écouter, observer, établir des relations, en dégager des propositions : ce
sont les outils structurant l’exploration des dispositions et dispositifs vernaculaires ainsi que le
questionnement des modalités de leur identification et contribution directe pour un renforcement
des capacités de populations et institutions dans la préparation, la gestion et la réponse aux crises.

Ce travail de thèse ancre le développement d’une réflexion théorique aux pratiques et réalités du
terrain, par l’établissement d’une interaction forte entre recherche scientifique et action située.
En particulier, il propose une approche méthodologique d’identification et d’analyse des cultures
constructives vernaculaires en zones à risques, expérimentée et testée en collaboration avec des
institutions locales et internationales dans le cadre de programmes de réduction de la vulnérabilité
de l’habitat, en Haïti et au Bangladesh. Cette recherche s’inscrit dans le projet ReparH – Reconstruire
parasinistre en Haïti, financé par l’Agence Nationale de Recherche suite au séisme de janvier 2010
en vue de dégager des enseignements pour l’amélioration de la réponse et de l’anticipation à des
futures crises, en Haïti comme dans d’autres régions exposées à l’impact d’aléas naturels.

16 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’habitat caractérise et répond à un des besoins primaires pour la survie de l’être humain.
Physiquement fragile, l’homme a toujours eu la nécessité de chercher ou de construire des abris pour
soi, sa progéniture, sa famille. L’homme nidifie partout et, en outre, il est capable de construire
des typologies indéfinies de nids. Ses nids correspondent à la capacité qu’il possède d’utiliser
librement son intelligence pour introduire dans l’environnement des prolongements lui permettant
de s’adapter à toute condition extérieure et de s’ajuster à toute situation (Pierotti, Ulivieri, 2001,
p. 7, trad. A. Caimi).

Le concept d’habitat englobe toutefois une signification plus vaste que celle de simple abri, entendu
comme une structure naturelle et/ou construite à fonction de protection envers les intempéries
et d’autres types de dangers. Il se rapporte directement à la notion d’habiter en tant qu’action
d’« occuper habituellement un lieu » (Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales),
associant ainsi une dimension spatiale et temporelle. Il désigne l’environnement physique mais aussi
social et culturel constituant le cadre de vie d’un groupe d’individus et comprenant l’« ensemble des
conditions d’organisation et de peuplement par l’homme du milieu o il vit » (Ibid.). Au sens large, le
terme d’habitat se réfère autant aux caractéristiques d’un territoire qu’aux modalités adoptées par
ses occupants pour s’y déplacer, l’utiliser en tant que support et ressource d’activités ainsi que pour
structurer le cadre de vie par l’articulation de ses composants naturels, construits et humains. La
notion d’habitat va donc au-delà de celle d’habitation mais elle y est étroitement corrélée car elle
recouvre l’ensemble des liens multiformes qui se nouent autour du logement dans lequel l’habitat
est simultanément un ensemble d’objets matériels, incluant leur arrangement et leurs configurations
à différentes échelles, et un ensemble de pratiques et de représentations, impliquant une gamme
d’acteurs qui va de l’individu à l’ tat en passant par tous les autres maillons de la vie sociale (Segaud,
Brun, Driant, 2002, p. vii-viii).

L’habitat et l’acte d’habiter assument par ce fait une connotation double (Turner, 1972) : celle
tangible des artefacts bâtis, de leurs particularités et de leur relation au milieu naturel ; celle
intangible de l’activité d’individus et groupes humains de construire et vivre un certain lieu. L’habitat
est ainsi concevable aussi bien comme produit que comme processus ; les deux sont directement
corrélés à la sphère socioculturelle vis-à-vis de laquelle l’habitation dépasse la dimension purement
structurelle devenant « une unité sociale d’espace » (Rapoport, 1969) : elle n’est pas simplement
l’enveloppe matérielle de la cellule qui abrite l’individu et la famille. Elle est un maillon essentiel de
la relation de l’individu à la société et au monde (Segaud, Brun, Driant, 2002, op. cit., p. vii).

Dans la forme de l’habitation, l’habitat assume un rôle particulièrement important dans la vie d’un
individu en tant que facteur de caractérisation de sa sécurité physique et économique, de sa position
sociale et en tant que correspondant symbolique. Ce qui en fait non seulement un besoin primaire
mais également un droit universel1. Cela ne se limite cependant pas au fait de pouvoir disposer
de « quatre murs et d’un toit » mais se réfère à la constitution d’un ensemble de conditions, aussi
bien physiques qu’économiques, sociales et politiques, permettant à tout homme, femme, jeune et
enfant d’obtenir et de conserver un logement s r dans une communauté o il puisse vivre en paix et
dans la dignité 2. Parmi ces conditions, le respect du milieu culturel et de l’expression de l’identité
culturelle des occupants font partie des critères minimaux, tout aussi fondamentaux que la simple

1 oute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment
pour l alimentation, l habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires (Nations
Unies, Déclaration universelle des droits de l’homme, 10 décembre 1948, art. 25 (1)).
2 Définition établie par le premier Rapporteur spécial sur le logement convenable pour le Haut Commissariat aux droits de
l’homme des Nations Unies (source : http://www.ohchr.org).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 17


fourniture et disponibilité d’un logement, la sécurité ou l’accessibilité physique et économique,
permettant de considérer un abri dans ses différentes formes et matérialités en tant que « logement
convenable » (UN-HABITAT, 2010).

Support des activités et du vivre humain ainsi qu’élément de protection matérielle et symbolique,
l’habitat constitue l’interface o s’explicitent les interactions entre l’homme et le milieu naturel.
De ce fait, il est fortement influencé par certains événements qui, par leur ampleur, récurrence
et intensité, dépassent les manifestations ordinaires de la nature. Les phénomènes qui en sont
à l’origine intègrent un potentiel destructeur pouvant déterminer un renversement des logiques
attribuées et effectives : d’élément protecteur assurant la survie, l’habitat devient élément fragile
succombant à la puissance des forces naturelles jusqu’à constituer une menace tant pour la sécurité
immédiate de ses occupants que pour leur survie dans le long terme.

Séismes, cyclones, inondations sont entre les plus perceptibles des puissants phénomènes qui
animent la surface et les profondeurs terrestres et dont la manifestation a des répercussions directes
sur l’environnement naturel et construit et les populations humaines. En raison de leurs origines
reconductibles à des facteurs d’ordre géologique, atmosphérique et/ou hydrologique, certains aléas
naturels se manifestent de manière récurrente dans des zones géographiques particulières ; leur
présence et fréquence étant essentiellement indépendantes de l’action humaine. Toutefois, d’autres
aspects contribuent à favoriser la survenance d’événements à caractère catastrophique. Des
modifications des conditions environnementales, socioéconomiques, politiques, voire physiques,
se sont produites au cours des dernières décennies, aussi bien à échelle locale que mondiale. Ces
altérations déterminent une amplification des effets de ces phénomènes, leur apparition dans des
nouvelles régions, l’émergence de nouveaux facteurs et types de risques, exacerbant la vulnérabilité
des individus habitant certaines zones géographiques et/ou appartenant à certaines franges
économiques (UNISDR, 2009a).

Les données actuelles montrent une augmentation significative3 du nombre de personnes affectées
par des catastrophes, qui sont passées de 90 millions en 1990 à plus de 255 millions en 20034 (Guha-
Sapir, Hargitt, Hoyois, 2004). Cette évolution se révèle particulièrement marquée en relation à
des événements qui, bien que d’étendue limitée, sont néanmoins responsables d’une dégradation
importante des structures et des sources de subsistance (UNISDR, 2011). Si la plupart des pertes
humaines et économiques est provoquée par des aléas d’extrême violence mais relativement rares,
l’accumulation des pertes dues à des crises de faible ampleur, fréquentes et localisées engendre des
conséquences similaires à celles de catastrophes majeures5 (UNISDR, 2013b). Affectant de manière
directe l’environnement bâti, les séismes, les inondations et les cyclones sont statistiquement les
phénomènes qui causent le nombre6 le plus élevé d’habitations endommagées et détruites7 à
échelle mondiale.

Cette recherche s’articule autour de ces deux éléments : l’habitat humain et les aléas naturels, en
interrogeant la relation qui subsiste au niveau des matérialités et des pratiques qui s’y rapportent.

3 L’analyse des événements s’étant produits au cours du XX° siècle semble en indiquer une certaine recrudescence, qui
résulte toutefois en partie d’une systématisation et amélioration des procédures de récolte de données à partir des années
1960 (Guha-Sapir, Hargitt, Hoyois, op. cit.). Une augmentation effective de certains phénomènes, en particulier de type
hydrométéorologique, est néanmoins constatable au cours des derniers trente ans (Source : Munich Re, NatCatService).
4 Une étude conduite par le Centre for Research on the Epidemiology of Disasters – CRED (Université catholique de Louvain,
Belgique) a mis en évidence une augmentation de plus de 180% du nombre de personnes affectées entre 1990 et 2003,
contre une augmentation d’environ 60% des événements rapportés dans la même période (Ibid.).
5 Les premiers sont définis comme des risques de type intensif, « associés à l’exposition de grandes concentrations de personnes et
d’activités économiques face à des événements intenses, qui peuvent entraîner des dommages impliquant une mortalité élevée et
de très nombreux dommages », et les deuxièmes des risques de type extensif « associés à l’exposition des populations dispersées à
des risques répétés ou persistants, de faible ou de moyenne intensité, souvent de nature très localisée » (UNISDR, 2009b, op. cit.).
6 Une étude récente conduit en 21 pays et États a mis en lumière une forte augmentation du nombre d’habitations
endommagées par des aléas naturels, qui a quasiment sextuplé entre 1990 et 2009 (UNISDR, 2011, op. cit.).
7 Source : système de gestion des informations sur les catastrophes DesInventar : http://www.desinventar.net

18 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les deux noyaux fondant le domaine de recherche sont abordés selon une perspective particulière :
l’habitat d’individus et groupes humains considéré du point de vue du caractère vernaculaire et
culturel associé aux pratiques de bâtir ; la manifestation des aléas naturels du point de vue de la
réponse et gestion des crises qu’ils déclanchent rapportées au domaine de l’aide humanitaire. La
caractérisation de ces deux thématiques constitue le cadre sémantique et épistémologique de
référence, duquel émane la définition de l’objet de la recherche et de son cadre théorique ainsi que
la détermination de la problématique et des questionnements qui fondent ce travail.

Dans un nombre considérable de pays, la presque totalité des bâtiments composant l’environnement
construit est, et a été, réalisée sans le support d’un architecte et/ou d’un ingénieur. De fait, une large
partie8 de la population mondiale habite et travaille dans des constructions accomplies presque
exclusivement grâce à l’expérience et à l’observation directe de leurs constructeurs. D’ailleurs,
la construction par et pour la plupart des individus a toujours été l’affaire de ma tres d’œuvre
anonymes. Ces ma tres d’œuvre étaient en réalité des véritables ma tres du bâtiment, qui concevaient
et réalisaient directement sur le chantier (Belmont, 1970, p. 24).

L’intérêt particulier qui s’est développé à partir des années 1960 à l’égard de ces architectures
découle probablement d’une fascination pour une architecture des et par les gens ordinaires
(Oliver, 2003), antithétique à celle dérivant d’un processus d’institutionnalisation et de contrôle
de la part d’une élite restreinte, autant professionnelle que sociale (Rapoport, 1969, op. cit.).
ce propos, Rudofsky (1965) mène une critique explicite envers l’histoire de l’architecture qui se
focalise uniquement sur l’architecture au service du pouvoir, l’ architecture noble et la noblesse
architecturale , donnnant lieu à une anthologie de bâtiments de, par et pour les privilégiés (trad. A.
Caimi). En opposition à cette discipline strictement tournée vers l’architecture formelle, le concept
d’ Architecture without Architects émerge ainsi pour indiquer l’architecture réalisée et habitée par
les gens ordinaires, l’architecture du peuple.

l’heure actuelle les définitions et le champ d’analyse se sont élargis à d’autres typologies
architecturales et constructives. Néanmoins, le concept proposé par Rudofsky persiste dans
l’expression, aujourd’hui largement utilisée, de non-engineered structures désignant les bâtiments
construits spontanément et informellement avec aucune intervention d’architectes et ingénieurs
qualifiés (Arya, 2000, trad. A. Caimi). L’emploi de ces termes explicite la différence, voire
l’opposition, entre ces constructions et les bâtiments dont la conception et la réalisation s’effectuent
avec l’implication et la supervision de spécialistes formés dans les universités, s’appuyant sur une
validation structurelle préalable en référence à des paramètres et notions unanimement établis et
reconnus par la communauté scientifique9.

8 titre d’exemple, on retrouve les pourcentages suivants de constructions réalisées sans l’implication d’un architecte et/ou
d’un ingénieur en relation au nombre total d’habitations recensées : en Indonésie, environ 70% (Boen, 2006) ; 98% au Népal
(Dixit, Pradhanang, Guragain, et al., 2002) ; 81% au Bangladesh (Islam, 2013) ; 85% en Inde (Arya, 2000, op. cit.) ; plus du
70% au Mexique (Alcocer, Reyes, Bitran, et al., 2002) ; 60% au Pérou (Blondet, Villa Garcia, Brzev, et al., 2011).
9 Ces constructions sont dénommées engineered structures, en référence à la définition du verbe to engineer , signifiant
to design and build something using scientific principles (Cambridge Advanced Learner’s Dictionnary). Dans les chapitres
suivants, je traduis l’expression anglophone de non-engineered structures par « architectures sans architectes/ingénieurs ».

Cultures constructives vernaculaires et résilience 19


Les architectures sans architectes/ingénieurs se caractérisent par l’utilisation de ressources
techniques et cognitives existantes localement. Les matériaux employés sont souvent ceux
disponibles gratuitement dans l’environnement naturel ou parmi les plus économiques sur le
marché local ou, parfois, ils sont manufacturés directement par les constructeurs. Pareillement, les
compétences nécessaires pour la conception et la production de ces constructions, sont celles des
bâtisseurs géographiquement et financièrement accessibles : artisans, maçons, charpentiers, voire
les habitants eux-mêmes. Précisément en référence au fort caractère local de ces architectures,
la notion de vernaculaire a émergée de l’application d’une métaphore linguistique à la théorie de
l’architecture (Oliver, 1969).

Étymologiquement, le terme « vernaculaire » dérive du latin vernaculus signifiant « indigène »


et impliquant une idée d’enracinement, d’attachement profond à une dimension physique mais
également culturelle et pratique d’un lieu ; signification qui se renforce avec l’adjectif vernaculum
désignant, depuis l’époque romaine, tout ce qui était élevé, tissé, cultivé, confectionné à la maison,
par opposition à ce que l’on se procurait par l’échange 10 (Illich, 2005, p. 151).

L’utilisation du terme « vernaculaire » en relation à la pratique architecturale englobe une multiplicité


de significations découlant de différentes recherches et théorisations développées à partir de la
moitié du XX° siècle. La particularité de la corrélation entre architecture et vernaculaire se précise
avec Oliver (2006) qui propose une définition d’architecture vernaculaire11 en tant que « science
indigène du construire », mettant en évidence le caractère scientifique des connaissances auxquelles
elle fait appel et qui relèvent d’une vraie et propre « science empirique »12.

La notion d’architecture vernaculaire couvre en fait l’ensemble des éléments et des techniques de
construction, des motifs décoratifs et des typologies qui caractérisent l’architecture ordinaire d’un
lieu et qui constituent une sorte de dialecte local13, un « langage constructif » localement partagé
(Alexander, 1979). Cet ensemble se rapporte à des facteurs qui dépassent l’objet construit et qui
se réfèrent à l’environnement social et physique dans lequel il se situe. L’architecture vernaculaire,
en effet, comprends les habitations et tous les autres bâtiments des gens ordinaires, corrélés à
leur environnement contextuel et aux ressources qu’y sont disponibles, habituellement construits -
par le propriétaire ou la communauté – utilisant des technologies traditionnelles. outes les formes
d’architecture vernaculaire sont réalisées en réponse à des besoins spécifiques, en accord avec les
valeurs, les systèmes économiques et les modes de vie des cultures qui les produisent (Oliver, 1997,
p.ii, trad. A. Caimi).

Les architectures vernaculaires possèdent, par conséquent, certaines particularités qui les
différencient radicalement d’autres types de constructions : elles constituent une architecture

10 L’application littérale de cette dernière définition à la sphère du construit présente néanmoins quelques limites, en
particulier en relation à la nature des rapports entre bâtisseurs et habitants et au processus de construction pouvant avoir
recours à une spécialisation des tâches ainsi qu’à des ressources demandant une forme de rétribution. Pour certains auteurs
(Illich, 2005, op.cit ; Frey, 2010), l’utilisation du terme « vernaculaire » selon la signification attribuée par cette définition
vise à expliciter une opposition et une critique envers les modes de production modernes, en proposant un « retour » à une
conception du travail basé sur des activités ... qui assurent et améliorent l existence, mais qui sont totalement réfractaires
à toute analyse ayant recours aux concepts définis par l économie classique (Illich, 2005, op. cit., p. 117).
11 Le terme « architecture » reste, selon Oliver, néanmoins ambigu en raison de sa dérivation du grec arkhitekton signifiant
maître constructeur (de arkhi chef, tecton constructeur) et impliquant une position de prééminence de celui qui pratique la
construction.
12 Les deux termes sont ici entendus dans leur sens étymologique : science du latin scientia signifiant connaissance, savoir
et empirique du grec « celui qui se guide sur l’expérience » (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).
13 Of course the patterns vary from place to place, from culture to culture, from age to age ... but still, in every age and every
place the structure of our world is given to it, essentially by some collection of patterns which keeps on repeating over and over
again. hese patterns are not concrete elements, like bricks or doors – they are much deeper and more uid – and yet they are
the solid substance, underneath the surface, out of which a building or a town is always made (Alexander, 1979, op. cit., p. 100).

20 Cultures constructives vernaculaires et résilience


topique, non en tant qu’ architecture relative à un lieu, mais en tant qu’ architecture qui doit son
existence et son sens au fait qu’elle est installée en un lieu (Godin, M hlethaler, 2005, p. 52).
chaque typologie architecturale et constructive correspondent une forme, une matérialité, un site,
un groupe d’individus et une culture.

Nombreux chercheurs se sont penchés sur la relation qui existe entre l’habitation humaine et la
société à laquelle elle se rapporte, avec une attention spécifique envers les facteurs déterminant
les aspects architecturaux et constructifs. Dans l’approfondissement de la corrélation entre forme
architecturale et constructive, signification fonctionnelle et symbolique et processus de réalisation
et utilisation, le rôle de la culture et de l’environnement dans lequel une communauté évolue
assument une importance centrale. Bien que les définitions terminologiques et les approches
analytiques diffèrent, deux perspectives se démarquent : l’une se concentrant sur une classification
des typologies à partir de facteurs environnementaux et culturels (Cataldi, 1986 ; Oliver, 1997,
op. cit.) ; l’autre se focalisant sur la compréhension et l’analyse du processus de création d’objets
et environnements construits (Guidoni, 1975 ; Rapoport, 1969, op. cit.). Parmi ces travaux, les
positions adoptées par trois différents auteurs font ressortir les principaux aspects caractérisant le
concept d’architecture vernaculaire.

Selon Enrico Guidoni (1975, op. cit.), l’architecture est simultanément le produit et l’instrument de
la cohésion sociale, se positionnant en tant que coordination et conditionnement spatial, et cela
avant même que comme construction. Dans tout contexte social, l’architecture assume un rôle
historiquement variable ; elle ne peut en aucune manière être isolée dans son aspect technologique
sans prendre en compte l’ensemble des facteurs qui lui sont corrélés (Ibid., p. 10, trad. A. Caimi).
L’architecture se réfère en fait à une dimension historique, sociale et culturelle, voire politique, et
elle assume le rôle d’instrument de la vie sociale, dont le fondement est l’espace physique, avec une
prédominance initiale de la relation sur la forme, la dimension, la matière, la solution technique . Par
conséquent, il est nécessaire d’entendre l’architecture de l’habitation et l’architecture du territoire
comme des pôles inséparables (Ibid.).

Sur la base d’une conception similaire, Giancarlo Cataldi considère l’architecture vernaculaire
comme étant spécifiquement fruit de l’union indissoluble entre un milieu naturel déterminé et une
culture humaine déterminée (Cataldi, 1989, p. 24). En explorant la corrélation entre la technique
et la forme, il considère les matériaux de construction en tant que principal facteur d’influence sur
le développement d’une typologie architecturale et constructive14. Le matériau constitue le degré
élémentaire d’un processus de transformation aboutissant à l’« organisme », unité structurelle
individuelle capable de s’auto-soutenir et dont la variation morphologique et technologique est
déterminée par les caractéristiques des matières premières localement disponibles (Cataldi,
1988). Le croisement de multiples facteurs (fonction d’une structure, système statique, matériaux
de construction et époque historique) donne lieu, au fil du temps, à la consolidation de formes
architecturales et de solutions techniques caractérisant précisément un environnement, en
symbiose avec la société humaine qui s’y établit (Cataldi, 1986, op. cit.).

En se focalisant sur le processus de création et de réalisation de la forme architecturale, Amos


Rapoport affirme qu’elle n’est pas simplement le résultat de forces physiques ni d’un seul facteur
causal particulier, mais elle est la conséquence de toute une série de facteurs socioculturels entendus
dans leur sens le plus large (Rapoport, 1969, op. cit., p. 47, trad. A. Caimi). Il considère en effet
qu’elle est le résultat de l’interaction entre des éléments d’ordre symbolique, constituant les

14 Il materiale da costruzione prevalente è ci che ha pi inciso e incide sugli sviluppi tecnologici della cultura edilizia. All’origine
di ogni processo costru vo locale, c’è sempre la diversa disponibilità di un determinato materiale piuttosto che un altro. Da qui
il concetto di area geo-materiale, che si differenzia da quello di area culturale perché con esso ci si vuole riferire proprio a questa
peculiarità tecnologica primordiale, sorta di impronta indelebile in ogni processo futuro (Cataldi, 1989, op. cit., p. 18).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 21


« déterminants primaires » (croyances religieuses, structure sociale, modes de vie, etc.), auxquels
s’associent des « déterminants secondaires » d’ordre physique (site, climat, matériaux, technologies,
etc.) qui agissent comme des facteurs modifiants, n’ayant aucune influence ni sur ce qui doit être
construit ni sur sa forme (Rapoport, 2003). L’environnement fournit des possibilités et des options,
sans toutefois être contraignant ; la variabilité de leur combinaison et des choix effectués par les
sociétés génère la grande variété des formes architecturales caractérisant les habitats existants
(Rapoport, 1976).

Environnement naturel et matières premières, milieu social et facteurs culturels, époque historique
et évolution temporelle : les architectures vernaculaires constituent en fait la matérialisation du
rapport d’interdépendance entre construit et non construit, entre matériel et immatériel, entre
humain et naturel, en une constante dialectique avec l’espace et le temps. Du point de vue
constructif, elles sont le langage du lieu, synthèse de la capacité d’une communauté d’harmoniser
sa propre culture et les défis posés par le milieu.

Le concept de « culture » se rapporte à un mode de vie typique d’un groupe, une manière particulière
de faire les choses ; toutefois il se réfère également à un système de symboles, significations et
schémas cognitifs transmis par des codes symboliques en relation duquel la culture constitue un
ensemble de stratégies adaptatives de survie qui se réfère au milieu écologique et à ses ressources
(Rapoport, 2007, p. 1961, trad. A. Caimi).

En association à la sphère du construit, la notion de culture embrasse aussi bien les artefacts que
les activités, les pratiques et les connaissances pour leur conception et réalisation. La mise au
point des savoir-faire techniques à la base de l’architecture vernaculaire est étroitement corrélée
au développement d’une connaissance spécifique des possibilités offertes par le milieu et du
potentiel des ressources disponibles en tant que matériaux de construction. De ce fait, l’architecture
vernaculaire est fortement marquée par l’acte même de bâtir, ses formes et spécificités étant
les résultantes directes d’une méthode expérimentale (Pierotti, Ulivieri, 2001, op. cit.) : les
connaissances relatives aux matériaux et aux savoir-faire constructifs qui leur sont inhérents étant
acquises de façon empirique par l’observation, l’expérimentation et l’ajustement continus. Elles
découlent d’innombrables expériences, dont les échecs ont été sans cesse corrigés tandis que les
réussites ont été transmises entre bâtisseurs, de génération en génération : il n’existait alors aucune
coupure entre la formation et le métier, l’un prolongeant exactement l’autre (Belmont, 1970, op.
cit., p. 108).

L’acquisition des compétences relatives à la conception et la construction vernaculaires se base


en effet sur un processus de transmission de type informel, fondé sur l’apprentissage direct de la
pratique auprès d’un maître bâtisseur (ICOMOS, 1999 ; Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005). titre
individuel, chaque constructeur reçoit de la part de ses maîtres des connaissances que, par la suite,
il améliore et retransmet à ses successeurs. titre collectif, les constructeurs effectuent une création
commune15, échelonnée dans le temps, dérivant de l’accumulation des expériences de chacun et
constituant un savoir créé et partagé au sein d’une communauté. Ces savoirs découlent d’une
« création collective » (Belmont, 1970, op. cit.) donnant lieu à un ensemble de règles non écrites, en
évolution continue, collectivement détenues et adoptées16.

15 nowledge by its very nature is a collective, cumulative enterprise. It is based on exchange within a community. It is an
expression of human creativity; both individual and collective (Shiva, 2001, p. 21).
16 Il linguaggio dell architettura ... è, quindi, essenzialmente colle vo ; anche quando viene lasciato spazio alla iniziativa
individuale e familiare, esso non ha senso se non è comprensibile da tu , se, cioè, non è inseribile, anch esso come strumento,
in un campo globale all interno del quale la cultura si riconosce (Guidoni, 1975, op. cit., p. 28).

22 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Ce système coordonné de connaissances, procédures et pratiques, propre à un endroit et à un temps
précis, se rapporte au concept de « culture constructive » qui, par l’association de la dimension
culturelle et technique du bâtir, explicite une double perspective. D’une part, l’action de construire
en tant que processus de matérialisation des spécificités culturelles d’une certaine société dans ses
artefacts construits. D’autre part, la génération d’une culture du construire en tant que processus
collectif de lente élaboration et acquisition des savoirs et savoir-faire déterminant les formes
architecturales, les techniques et dispositifs constructifs caractérisant l’environnement bâti17.

Cette culture est un phénomène collectif : des milliers de bâtiments différents sont produits par
des processus communs liés par des connaissances partagées – au regard de ce qu’il faut construire
mais aussi de comment le construire – plutôt que par des actes individuels de création. En effet la
construction est rarement un acte solitaire, isolé du monde matériel, social et esthétique qui l’entoure.
La construction d’un bâtiment est presque toujours intégrée dans un réseau reconnaissable de
relations humaines entre plusieurs participants, dont les actions et les décisions sont guidées par un
nombre relativement restreint de systèmes de règles et d’habitudes de croyances et comportements,
qui définissent la culture elle-même (Davis, 1999, p. 5, trad. A. Caimi). De fait, les institutions et les
gens se rapportant à une culture constructive sont les ultimes responsables de la forme du monde
construit. Elles agissent de manière prévisible en ce qui concerne la conception, la construction et le
financement des bâtiments ainsi que la fourniture des matériaux et la gestion des terres et du bâti. En
ce faisant, non seulement elles appliquent à des projets les connaissances contenues dans la culture
constructive, mais elles participent à la reproduction et perpétuation de cette même culture (Ibid. ,
p.107, trad. A. Caimi).

La génération et dissémination spatio-temporelle d’une culture constructive se caractérisent par un


processus d’ internalisation, socialisation et externalisation des connaissances ainsi que par leur
combinaison»1 . La création et le développement de savoirs et savoir-faire techniques sont donc
étroitement liés à un partage et transmission entre groupes, individus, lieux et temps différents.
Dans ce sens, une culture pourrait être définie comme l’ensemble des pratiques et des idées qui
parviennent à se maintenir dans le temps ou à se diffuser dans l’espace grâce à la transmission
(Morin, 2011, p. 19), qui a lieu géographiquement ainsi que chronologiquement, par contagion
ainsi que par répétition. La propagation dans une région est généralement appelée diffusion, tandis
que la transmission dans le temps au sein d’une communauté est appelée tradition 1 . Dans la
persistance et l’enrichissement des connaissances propres à une culture constructive particulière,
la tradition20 assume par conséquent un rôle particulièrement important : elle est une conservation
évolutive dans le temps d’un dépôt culturel sélectionné, par des modes particuliers de transmission
inhérents essentiellement aux voies non écrites (Lenclud, 1987). Elle assure la permanence de
certains éléments, tout en permettant leur évolution et innovation21.
Dans une culture constructive, la tradition constitue et définit une matrice de principes et savoirs,
à partir de laquelle le constructeur conçoit et bâti en réponse à des exigences et contraintes
particulière, s’appuyant sur des connaissances spécifiques aux technologies utilisées (matériaux,
techniques et procédés) et au milieu de travail (conditions géographiques, économiques, sociales)
(Oliver, 1987).

17 Le concept de « cultures constructives » a été proposé par l’équipe Dessin-Chantier de l’École Nationale Supérieure
d’Architecture de Grenoble lors d’une exposition à la Maison de l’UNESCO (Paris, 8-17 septembre 1993) et de la publication
de l’ouvrage Architecture et cultures constructives : éléments pour un pôle d’enseignement de la construction (Doat, Patrice,
Ferro, Sergio, Schneegans, Guy. Villefontaine : Edition CRATerre-ENSAG, 1993).
18 Nonaka, I.,1991. « The Knowledge Creating Company ». In Harvard Business Review, 69. p. 96-104, cité par Dekens, 2007,
p. 18, trad. A. Caimi.
19 Kroeber, Alfred Louis, 1923. Anthropology: Culture Patterns and Processes. New York : Harcourt, Brace & World, 1923. cité
par Oliver, 2006, op. cit., p. 148, trad. A. Caimi.
20 Ici entendue dans son sens étymologique, du latin traditio : transmission, enseignement ; de tradere : transmettre,
remettre (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).
21 radition is not static and immutable condition but a dynamic system which evolved by making innovative aspects so much
integral part of itself that sometimes its reading becomes difficult (Laureano, 2000).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 23


Les savoirs, les pratiques et les approches technologiques qui y sont associés se définissent par
l’étroit ancrage aux spécificités de l’environnement naturel22 ainsi qu’à l’histoire d’une population
d’habiter un certain milieu. Par ce fait, l’architecture vernaculaire peut être considérée comme
l’expression spécifique de la culture constructive d’une communauté, à un moment temporel et
spatial donné.

Grâce à l’équilibre qu’elle arrive à établir entre le milieu naturel et socioculturel dans lesquels elle
se situe, l’architecture vernaculaire est considérée par certains comme étant presque immuable
(Rudofsky, 1965, op. cit.). Cependant, le cours de l’histoire révèle l’évolution perpétuelle des
environnements construits, et donc la caractérisation de l’architecture vernaculaire en tant
qu’expression d’une dynamique sociale et spatio-temporelle co-produite par les gens ordinaires. Au
fil des siècles, d’importantes transformations et hybridations des pratiques constructives ont eu lieu,
l’intégration ou l’exclusion de certains éléments, la réutilisation des structures et l’entremêlement
des cultures se sont réfléchis dans les bâtiments laissant leur empreinte sur les artefacts construits.

D’un point de vue purement constructif, une distinction est opérable en relation à l’origine
des matériaux employés et aux techniques qui leur sont associées. D’une part, on distingue les
architectures dont la réalisation se base sur des pratiques anciennes, élaborées au cours du temps
et utilisant essentiellement des matériaux de construction naturels (terre, bois, pierre, bambou,
paille, etc.). D’autre part, dès la fin du XIX° siècle de nouvelles formes et pratiques architecturales
et constructives surgirent suite à l’apparition et à la généralisation de nouveaux matériaux (tels que
le ciment et l’acier) ; les artefacts qui en découlent intègrent des techniques d’origine récente et
emploient des matériaux naturels et/ou dérivant d’une production de type industriel (Boen, 2001).

La différenciation entre ces pratiques est marquée également par d’autres facteurs se rapportant,
en particulier, à la localisation et aux modalités d acquisition des savoirs et savoir-faire ainsi qu’à leur
élaboration et affinement (Boen, 2006, op. cit. ; Oliver, 2006, op. cit ; Jigyasu, 2008). L’évolution
relativement récente de certaines technologies constructives s’associe à l’émergence de nouveaux
modèles d’organisation des processus de production et de développement des connaissances
techniques ; facteurs qui modifièrent, parfois radicalement, les procédés de construction, la
matérialité et les formes du bâti, mais surtout le rôle et le degré de compétence de ses créateurs et
utilisateurs23.

Dans le cas de l’architecture vernaculaire, la conception et la réalisation d’un bâtiment comme


des activités liées à son cycle de vie (entretien, réparation, modification, etc.) sont étroitement
dépendantes et/ou influencées par un certain degré de spécialisation et d’expertise de ses
constructeurs. Souvent, certaines décisions sont prises et certaines tâches accomplies par des
personnes ayant des connaissances spécifiques dans la matière. Parfois ces connaissances sont
reconnues officiellement par la communauté, qui fait appel à ces spécialistes expressément en raison

22 Les connaissances indigènes désignent les connaissances uniques, traditionnelles et locales qui découlent de la situation
particulière des femmes et des hommes qui vivent dans une région particulière (Grenier, 1998, p. 1).
23 Les conditions dans lesquelles se produit le bâti deviennent doublement déterminées. Premier point : l’industrie de la
construction, en rationalisant et en optimisant ses processus, les uniformise et déplace massivement les centres de gravité de
la décision. Au terme de ce processus, le chantier n’est plus guère que formellement le lieu de production du bâti. Il n’est plus
qu’un lieu voué à l’assemblage d’éléments conçus et construits ailleurs . La division sociale du travail s’y est creusée. On y
rencontre d’un côté des techniciens hautement qualifiés aux méthodes de gestion, et de l’autre des manœuvres, littéralement
interchangeables et précarisés à l’extrême, affectés à des tâches subalternes et répétitives. La marchandise et le produit
tuent la production, et l’ouvrier du bâtiment est dépossédé de l’espace dans lequel il pouvait faire la preuve de son talent et de
sa créativité. Il est dépossédé de l’ouvrage qui pouvait faire sa fierté. Il est aliéné et repoussé dans la marge. Ces éléments
résultants de standards imposés par des fabricants, et des normes ou des cadres législatifs et réglementaires, produisent des
conséquences perverses. Si bien qu’à l’aliénation du travail sur le chantier se superpose celle de l’usager du bâtiment (Frey,
2010, op. cit., p. 29-32).

24 Cultures constructives vernaculaires et résilience


de leurs compétences, comme dans le cas des artisans bâtisseurs. D’autres fois, ces connaissances
assument une dimension moins formelle, sans néanmoins que cela signifie un niveau d’expertise
moindre ; ce qui est généralement le cas d’activités dont la fréquence est majeure et dont l’exécution
est effectuées par les habitants eux-mêmes (telle que la réfection des enduits ou le remplacement
de certaines parties de la construction).
out au long de l’histoire de l’humanité, pour ce que nous en savons, l’architecte ou ma tre
bâtisseur a été considéré comme un leader naturel non seulement parce qu’il était meilleur que
les autres dans son métier, mais aussi parce qu’il a été progressivement sélectionné comme étant
le plus expérimenté parmi l’ensemble des personnes travaillant dans la construction. Il n’était
pas uniquement le concepteur des bâtiments, mais le leader du secteur de la construction. Sa
responsabilité n’était pas limitée à des obligations théoriques envers son propre produit, mais était
directement liée à la réussite ou à l échec de ce dernier (Doxiadis, 1968, p. 84, trad. A. Caimi).
Toutefois, l’apparition d’une autre « espèce » d’architecte, celui « sortant des écoles », détermina
l’affirmation de nouvelles figures professionnelles et l’imposition d’un modèle technocratique de
production de l’environnement bâti se rapportant aux résultats de recherches conduites dans les
nouveaux centres de création et innovation des savoirs et des technologies : les universités et les
entreprises.

L’introduction de nouveaux matériaux, requerrant la connaissance et l’application de critères


découlant d’aspects sensiblement différents, voire opposés, aux pratiques traditionnelles, ont
modifié les modalités de constitution et de persistance des savoirs élaborés empiriquement par les
constructeurs vernaculaires. Avec ces changements , les artisans traditionnels se retrouvent de
plus en plus incapables d’utiliser leurs compétences , se retrouvant en même temps incapables
d’utiliser ces nouveaux matériaux ; leurs connaissances traditionnelles dégénèrent ainsi de manière
considérable et les générations successives ne sont plus en mesure d’apprendre de leurs ma tres
(Jigyasu, 2008, op. cit., p. 88, trad. A. Caimi). Les procédés de construction associés aux pratiques
anciennes ne sont donc plus appliqués et préservés dans les modes de construction courants tandis
que, simultanément, différents facteurs (urbanisation croissante, changement dans les références
socioculturelles, limitation de certaines ressources naturelles, etc.) conduisent à une généralisation
de plus en plus marquées du recours à des technologies récentes (Boen, 2001, op. cit.).
Cette modification, tant des pratiques constructives que des modes de transmission des savoirs,
détermine une précarisation de la qualité des connaissances spécifiques se répercutant sur la
qualité des constructions (Boen, Pribadi, 2009). Les nouveaux matériaux et techniques exigent le
respect de prescriptions précises pour assurer une conception et une mise en œuvre cohérentes
avec leurs caractéristiques. Toutefois, ces principes ne découlent plus d’une adaptation et d’une
transmission entre générations au sein d’une même communauté, mais ils sont définis par des
« experts externes » et diffusés par des moyens souvent incompatibles avec les modes d’acquisition et
transmission locaux24. Leur application est par conséquent directement corrélée à leur accessibilité
et compréhension par les constructeurs, s’effectuant de manière aléatoire directement sur le
chantier ou dans des centres de formation.

Même intégrant des technologies récentes, une grande majorité des constructions réalisées se
base encore actuellement sur des pratiques, modes d’apprentissage et de développement de
connaissances en partie similaires à ceux spécifiques aux pratiques « anciennes ». Le processus
technologique reste en effet fortement ancré dans le contexte : les matériaux employés sont ceux
disponibles sur place, les compétences auxquelles ont fait appel sont celles des constructeurs
locaux, les connaissances techniques sont apprises sur « le tas », améliorées et adaptées de manière
empirique. C’est dans les caractéristiques du produit qui en résulte qui se reflète la plus grande
différence, se rapportant à une qualité de conception, exécution et adaptation au milieu25.

24 Most Haitians are more oral than literate. he particular dangers of reinforced concrete arise from the mysterious
technical standards it requires. orking with it on a job site either teaches a builder that he knows nothing and cannot build
for himself, or it gives him a false sense that a rule-of-thumb understanding is good enough (Stouter, 2010a, p. 12).
25 Steel and cement are strong enough only when combined in certain magical proportions, determined by different

Cultures constructives vernaculaires et résilience 25


Les pratiques « récentes » s’inscrivent de fait dans la continuité du processus d’évolution des
modes de construire adoptés localement, s’intégrant à la culture constructive d’une communauté
en tant que composants - certes encore en élaboration - de caractérisation du bâti vernaculaire
et des connaissances et savoir-faire qui lui sont corrélés26. La distinction opérable entre pratiques
« anciennes » et pratiques « récentes » ne se rapporte pas à une vision statique, mais plutôt à
la reconnaissance du dynamisme propre aux différentes cultures constructives qui évoluent
continuellement, spatialement et temporellement, tout en restant spécifiques à un endroit précis
(Asquith, Vellinga, 2005).

Les architectures sans architectes et ingénieurs correspondent à une large partie du secteur informel
de la production architecturale, passée et actuelle. Toutefois, seulement certaines d’entre elles
présentent des particularités permettant leur connotation en tant que « vernaculaires » :
• un caractère populaire2 , car elles sont créées par et pour les gens en fonction de leur quotidien.
Elles sont le fruit de l’ingéniosité et de l’esprit inventif de leurs constructeurs qui, de par leur
nature, qu’ils soient artisans ou habitants, se situent en dehors des canons institutionnels ;
• un caractère fonctionnel, car elles constituent une réponse aux besoins pratiques, symboliques
et économiques propres aux individus habitant un certain lieu. S’exprimant dans la forme
architecturale, la fonction illustre la raison d’être d’un bâtiment qui se rapporte avant tout à des
usages et/ou des représentations ;
• un caractère contextuel, car elles se produisent en étroite relation avec leur environnement
naturel et culturel. La variété des solutions constructives vernaculaires reflète, dans sa diversité,
la multiplicité des groupes ethniques et socio-économiques, des ressources, des contraintes et
des potentialités présents dans un lieu ;
• un caractère traditionnel, car elles s’inscrivent spatialement et temporellement dans les
habitudes et les pratiques constructives apprises et évoluées, héritées et transmises au sein
d’une même communauté sur la base de méthodes d’apprentissage propres à sa culture ;
• un caractère dynamique, car elles dérivent d’une évolution et transformation continues.
Les échanges inévitables et constants entre les régions et les peuples constituent un facteur
d’enrichissement mutuel se traduisant dans un processus d’adoption et assimilation de nouveaux
savoir-faire et nouvelles matières, ainsi que d’adaptation à des nouveaux besoins et aspirations.

L’architecture vernaculaire assume de fait une connotation fortement anthropique, n’étant pas un
objet statique mais le fruit de choix cohérents d’individus et groupes, un produit à l’image d’un
milieu, tant naturel que social, distinctif d’une région déterminée et expression d’un processus
culturel : un art commun, non produit par quelques intellectuels ou spécialistes mais par l’activité
continue et spontanée de toute une communauté partageant un héritage commun, agissant en vertu
d’une expérience communautaire 2 .
Cette recherche se rapporte aux différents éléments inhérents aux cultures constructives
vernaculaires, ici abordés à partir de l’échelle des constructions se référant à la vie quotidienne et

specialists. And inferior construction looks, until a catastrophe, as if it was strong enough (Stouter, 2010b, p. 2).
26 L’apparition relativement récente de certains matériaux (tels que la tôle ondulée ou les blocs de ciment) a permis, dans
certains cas, le développement de connaissances particulières sur la base d’un processus similaire à celui caractérisant
l’élaboration des pratiques « anciennes ». Parfois, l’utilisation de ces matériaux s’inscrit dans une continuité effective des
modes de construire, assurant une meilleure durabilité mais également le maintien de principes et pratiques se rapportant
à des pratiques « anciennes » et déterminant même l’émergence de nouvelles typologies vernaculaires spécifiques à ces
matières et techniques ou, au contraire, basées sur leur hybridation avec l’existant.
27 populaire : qui concerne l’ensemble d’une collectivité, la plus grande partie d’une population (Centre National de
Ressources Textuelles et Lexicales).
28 Pietro Belluschi cité par Rudofsky, 1965, op. cit., p. 3, trad. A. Caimi.

26 Cultures constructives vernaculaires et résilience


à la culture des gens du commun. L’habitation est certainement le produit le plus complexe et le
plus significatif de la culture matérielle : ce qu’elle représente d’un côté, le microcosme individuel et
familial de l’homme, avec toutes ses habitudes, ses croyances, ses activités et ses rapports sociaux, et
de l’autre, sa capacité de structurer le milieu naturel, en le modifiant selon ses fins et sa volonté. Donc
au niveau spontané les réponses de l’habitat sont aussi nombreuses que les soi-disant défis du milieu,
c’est à dire autant que les possibilités de survie dans les différentes conditions géo-climatiques
(Cataldi, 1988, op. cit., p. 11).
Tissant un lien extrêmement étroit avec son environnement humain et naturel, l’habitation est
ici choisie en tant que point de départ d’un processus d’analyse et compréhension, s’élargissant
également à la dimension territoriale et socioculturelle.
La maison reste toujours le noyau essentiel et central o sont enregistrés les gestes, éléments,
circonstances de la vie des populations. Elle cumule en soi une telle richesse d’informations, dépassant
la stricte enceinte architecturale, qu’elle permet une lecture non seulement des formes, mais des
gestes, non seulement de ses espaces intimes, mais des paysages et des lieux qu’elle définit par sa
présence (Meda Corpus, 2011).

En différents contextes et époques une large partie de la population mondiale29 a été affectée
par des aléas naturels. Les effets de leur impact assument, dans certains cas, des proportions
particulièrement importantes, soit pour l’étendue de la zone concernée que par le nombre de
personnes touchées et/ou les dégâts occasionnés. Les catastrophes30 qui en découlent constituent
des événements d’envergure exceptionnelle nécessitant souvent l’intervention d’organismes
extérieurs pour répondre à la situation d’urgence et contribuer au redressement des communautés
sinistrées. Bien que parfois essentielle pour garantir la survie immédiate d’une population, l’action
de l’aide humanitaire, par son approche et ses objectifs, influence sur le long terme le degré de
vulnérabilité et les capacités de résilience d’une communauté.

L’histoire des interventions et des politiques liées à l’impact des aléas naturels a été marquée
par d’innombrables tentatives d’opérer, gérer et planifier de façon pragmatique l’urgence, le
redressement et le développement des pays et des collectivités affectées. Toutefois, ce n’est que
récemment que le champ d’action de l’aide humanitaire s’est élargi vers des approches indiquant la
réduction des risques comme une composante essentielle à intégrer dans tout programme d’urgence
et de développement, énonçant en outre la nécessité de passer d’une « culture de réaction » à une
« culture de prévention » (K. Annan, ancien secrétaire général des Nations Unies, IDNDR 1999).

De la conception des catastrophes en tant que phénomènes imprévisibles et inévitables, dont la


réponse a été principalement confiée à des spécialistes de l’urgence, on considéra progressivement
ces événements comme faisant partie d’un système se rapportant à une continuité temporelle.
Ce changement de perspective détermina l’émergence du concept de gestion des catastrophes
et la mise en évidence de l’importance, voire l’impératif, d’intégrer des éléments d’atténuation,
préparation et réduction des risques dans les interventions à moyen et long terme axées sur le
développement (Benson, T igg, 2007). Ce qui conduit à considérer non seulement des actions

29 Près de de la population mondiale vit dans des zones affectées au moins une fois, entre 1 0 et 2000, par un
phénomène tel que tremblement de terre, cyclone tropical, inondation ou sécheresse (UNDP, 2004).
30 Pour les définitions relatives à la terminologie spécifique associée à la notion de réduction des risques, je me rapporte
ici à l’ouvrage erminologie pour la Prévention des risques de catastrophe, publié en 2009 par la Stratégie Internationale de
Prévention des Catastrophes des Nations Unies - UNISDR. Un glossaire situé à la fin de ce document contient une explication
des principaux termes employés.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 27


postérieures à l’impact des aléas, mais également leur anticipation par des activités de préparation
aux catastrophes31, se fondant sur une approche interdisciplinaire entre secteurs ainsi qu’entre
phases d’intervention (Aysan, Davis, 1992).

Avec la Décennie Internationale pour la Prévention des Catastrophes Naturelles (1990-1999),


on reconnut la nécessité d’élaborer et mettre en œuvre des cadres stratégiques, des structures
institutionnelles ainsi que des politiques nationales et sectorielles spécifiques. Cette prise de
conscience s’officialisa avec l’adoption, par 168 pays et institutions multilatérales, du Cadre d’action
de Hyogo pour 2005-2015, déclarant la création d’une véritable « culture du risque » comme la
condition « sine qua non » pour la mise en place d’une politique efficace de prévention et gestion des
risques (rapport de la 8ème Session Ministérielle du EUR-OPA Major Hazards Agreement, Athènes,
février 2000, trad. A. Caimi).
L’intention première est d’établir un lien direct entre les différentes phases d’interventions de
l’aide humanitaire et de la coopération au développement, pour que les actions de l’un puissent
contribuer aux objectifs de l’autre, en facilitant la transition et une amélioration des conditions
structurelles, notamment par le biais de la réhabilitation. La constatation de la complexité des crises
et du chevauchement parfois inévitable entre actions à court et long terme déterminèrent en outre
l’intégration à une approche fondée sur une succession linéaire d’actions (continuum) d’une approche
de simultanéité (contiguum) tant spatiale que temporelle (Commission Européenne, 1996).

Ces transformations s’accompagnèrent d’une internationalisation et institutionnalisation de la


gestion des risques de catastrophe se rapportant à une multiplicité de domaines et impliquant
une multiplication d’acteurs de nature et statuts divers. Cette dynamique déboucha sur
l’apparition d’organismes trans- et inter- nationaux constituant des espaces déterminants dans
la production de normes, de discours, de formes de savoirs, d’outils et de pratiques (Revet, 2008,
p. 4), exerçant aujourd’hui une influence décisive sur la définition et la formulation des axes
prioritaires, la structuration des politiques nationales et locales, le financement d’organisations non
gouvernementales ainsi que les positions et les rôles des acteurs impliqués.

l’heure actuelle, l’harmonisation de ces différents phases et interventions présente néanmoins


encore des difficultés méthodologiques et opérationnelles substantielles. Les programmes d’aide
humanitaire et de coopération au développement sont de nature fondamentalement différente avec
des finalités d’action, des méthodes de travail, des objectifs et des savoir-faire considérablement
distincts (Commission Européenne, 2001). Bien que la plupart des décideurs et acteurs s’accordent
sur l’importance de cette synergie, les objets des financements alloués dans le cadre de la gestion
des catastrophes explicitent la priorité accordée par les bailleurs de fonds à la réponse d’urgence,
au détriment de la mise en œuvre de mesures de préparation, atténuation et prévention (Guha-
Sapir, Hargitt, Hoyois, op. cit., 2004). Cette divergence est amplifiée par une spécialisation et une
technicisation des logiques d’action, s’appuyant sur la revendication de compétences et savoirs
particuliers propres à chaque phase d’intervention (Revet, 2008, op. cit.). Contribuant à accroître
davantage la sectorisation aussi bien des organismes que des lignes de financement, un écart se
creuse entre approches et logiques opposant des spécialistes porteurs d’une expertise technique
et scientifique se rapportant à un système de normes et standards généralisables, et partisans
d’une démarche soutenant une prise en compte des pratiques locales et une diversification des
interventions en accord avec l’hétérogénéité des contextes et situations.

De fait, malgré les nombreuses lignes guides et recommandations, l’adoption effective d’une approche
globale de gestion des risques est aujourd’hui encore considérablement entravée par des facteurs
structurels intrinsèques à ses principaux promoteurs (bailleurs de fonds, gouvernements, institutions

31 Disaster prevention, mitigation and preparedness are better than disaster response . Disaster response alone is not
sufficient, as it yields only temporary results at a very high cost. e have followed this limited approach for too long.
Prevention contributes to lasting improvement in safety and is essential to integrated disaster management (Nations Unies,
rapport de la World Conference on Natural Disaster Reduction, Yokohama, 25-27 mai 1994, p. 17).

28 Cultures constructives vernaculaires et résilience


transnationales, ONGs, etc.) entre lesquels un décalage sémantique et de pratique subsiste. De même
une conception persiste des catastrophes en tant qu’événements requerrant la « dispensation de
soins intensifs » et la fourniture, voire l’imposition, d’une protection indispensable à des populations
encore souvent perçues comme dépourvues de ressources, initiatives et expériences face aux aléas
(Commission Européenne, 2001 ; Ibid.).

Parallèlement au développement de politiques et approches globales, les réflexions relatives à la


réduction des risques abordent en outre de manière spécifique la question de l’habitat. Egalement
dans ce secteur la dichotomie entre urgence et développement s’instaure et reste, aujourd’hui,
loin d’être réduite ; et cela bien que les constats au regard des effets à court et long terme sur la
vie de populations sinistrées aient déclanché - ici aussi - une évolution des pratiques et des principes
d’action.

En relation aux situations d’urgence, les interventions se concentrent principalement sur une réaction
rapide et efficace par le recours à une logique de rationalisation et technicisation. L’impératif est de
fournir rapidement un toit aux plusieurs centaines, voire milliers de survivants ; ce qui demande une
logistique forte, supportée par des standards minimaux de base32 permettant de gérer de manière
efficace et relativement équitable la réponse à des besoins massifs.

D’autre part, on assiste à l’émergence de disciplines spécialisées (p.e. génie parasismique) s’attaquant
à la réduction de la vulnérabilité du bâti par l’élaboration de principes, règlements et normes, à la
fois techniques et fonctionnels ; des codes à caractère préventif destinés à contrôler les aspects
régissant la conception, la construction, les matériaux, la transformation et l’usage de toute structure
nécessaire pour assurer la sécurité et le bien-être humain, y compris la résistance à l’effondrement
et aux dégâts (UNISDR, 2009b). C’est de fait ce dernier aspect qui est souvent mis en avant : la
résistance d’une structure essentiellement dépendante d’une formalisation et « scientifisation » de
l’acte de bâtir, rapportées presque exclusivement aux sciences de l’ingénieur.

Malgré la pertinence et la valeur effective de certains éléments de ces approches, la focalisation


sur des questions purement techniques et d’efficience révèle certaines limites : fournir des « toits »
et des cadres réglementaires assurant leur performance physique ne sont pas les seuls facteurs
permettant un redressement à long terme des populations affectées. L’accent n’est donc plus à
mettre sur la seule « qualité d’un produit fini », mais aussi sur la pertinence des solutions adoptées,
et ce à l’égard de multiples critères (résistance, durabilité, appropriation, continuité culturelle, etc.).
La phase de reconstruction devient alors une occasion précieuse pour mettre en œuvre des mesures
de réduction de la vulnérabilité des populations et de leur habitat. Simultanément la participation des
personnes directement intéressées est progressivement reconnue comme un facteur indispensable
pour assurer l’adaptabilité et la reproductibilité sur le long terme (Jha, Duyne Barenstein, Phelps,
et al., 2010).

Ces aspects ont donné lieu à une réorientation d’une grande partie des acteurs internationaux
vers une démarche fondée sur une implication des communautés bénéficiaires dans les processus
décisionnels et de gestion (Arshad, Rasheed, 2011), ainsi qu’à l’émergence du concept du « build
back better »33 explicitant la nécessité, également dans le domaine de l’habitat, de concevoir les
interventions de l’aide humanitaire dans une logique de prévention (Clinton, 2006).

32 Des standards minimums et universels, tels que ceux énoncés dans le manuel élaboré dans le cadre du Projet Sphère,
constituant un outil universel qui apporte une réponse humanitaire prévisible indépendamment de la situation d’intervention
(source : http://www.sphereproject.org).
33 he build back better concept encourages reconstruction that reduces vulnerability and improves living conditions,
while also promoting a more effective reconstruction process (Jha, Duyne Barenstein, Phelps, et al., 2010, op. cit., p. 225).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 29


Dans nombreux cas, ces concepts restent toutefois limités à de bonnes intentions ou à des « slogans ».
Bien qu’une implication des bénéficiaires puisse favoriser une relance et un renforcement des
dynamiques sociales, souvent les interventions des agences d’aide ne garantissent pas, à long terme,
un réel renforcement des capacités et une autonomisation de la population dans la gestion et la
prévention des risques liés à l’habitat (Davidson, Johnson, Lizarralde, et al., 2007). D’autre part, le
« mieux (re)construire » se réduit fréquemment à son aspect le plus technique (p.e. application de
normes parasinistres) se concentrant sur les structures physiques et omettant de considérer l’habitat
non seulement comme une réponse tangible à des besoins concrets mais également comme un bien
et un outil social (Rolnik, 2011).

L’urgence déclenchée par la crise, la nécessité de répondre rapidement à des besoins importants, les
contraintes de rentabilité posées par les bailleurs, les difficultés imposées par le cadre d’intervention,
souvent méconnu, et l’absence de stratégies de préparation spécifiques aux territoires concernés
poussent une grande partie des intervenants à opter pour l’adoption d’approches qui négligent
les caractéristiques du contexte et les savoirs existants localement, privilégiant le recours à des
éléments bien connus, et par ce fait considérés fiables. Du point de vue technique, cela se traduit
dans l’application de principes constructifs amplement reconnus et validés par les milieux spécialisés
et institutionnels, basés sur des technologies scientifiquement maîtrisées mais, en général,
considérablement différentes de celles employées localement. Du point de vue méthodologique,
la rationalisation et la simplification des paramètres à gérer par l’application de procédures et
indicateurs généralisés engendrent une homogénéisation des éléments en jeu : la même approche
de gestion et de mise en place du programme est appliquée à des situations parfois très différentes;
de même, le produit construit se limite à un modèle d’habitat unique, typologiquement et
constructivement identique, auxquels bénéficiaires très hétérogènes et parfois habitant des régions
géographiquement distinctes doivent s’adapter.

Ces approches ont un impact à long terme très limité, voire négatif, sur l’accès à un habitat sain et
sûr de la part des populations, mais également sur leurs pratiques constructives et leurs capacités à
gérer et faire face aux crises, allant jusqu’à déterminer un affaiblissement de leur propre résilience.
Les constructions réalisées dans le cadre de nombreux programmes post-catastrophe se basent
en effet sur des technologies qui, bien que reconnues et validées, sont dans la plupart des cas
économiquement, techniquement et physiquement inaccessibles aux bénéficiaires directs ainsi
qu’à la majorité de la population. Par conséquent, une fois les activités du projet terminées les
bénéficiaires et les autres membres de la communauté n’ont pas d’autres choix que de continuer
à construire de la même façon qu’avant la catastrophe. De plus, en introduisant des modèles
typologiques et technologiques nouveaux, un programme peut considérablement influencer les
pratiques constructives ainsi que déclencher ou amplifier certaines tendances relatives à l’imaginaire
collectif regardant l’habitat. Ce qui peut engendrer des tentatives d’imitation qui, sans la prise en
compte des règles de construction corrélées, déterminent un accroissement diffus de la vulnérabilité
(Caimi, Hofmann, 2010 ; Alvarez, Bossy, 2012).

Bien que ces programmes permettent une certaine amélioration des conditions de vie des
bénéficiaires directs, la vulnérabilité de l’environnement bâti et d’une communauté n’est pas
uniquement, et automatiquement, réduite par le fait de disposer d’un abri solide. La possibilité de
s’approprier, d’accéder et de reproduire de manière autonome les technologies proposées est un
facteur déterminant pour contribuer à une résilience sur le long terme.

L’introduction de nouveaux matériaux, compétences et techniques demande du temps et de la


pratique pour atteindre un bon niveau de maîtrise et d’exécution. En revanche, les technologies
basées sur les matériaux et les compétences disponibles localement sont plus connues et plus
susceptibles d’être mises en œuvre correctement, et présentent donc un potentiel remarquable,

30 Cultures constructives vernaculaires et résilience


spécialement en situation de reconstruction rapide. Cependant, la gamme des matériaux et
techniques existantes est rarement documentée, analysée et formalisée dans des normes. En
conséquence, les savoirs et les pratiques associés aux modes de construire locaux ne sont que
très marginalement pris en compte par les agences d’aide, qui se limitent souvent à une reprise
esthétique des caractéristiques de l’habitat existant, en négligeant le rôle structurel et fonctionnel
que certains dispositifs constructifs et spatiaux possèdent.

La question de l’habitat dépasse largement l’échelle de la construction et l’association à une période


temporelle figée. Elle se rapporte à la sphère de la vie d’individus, communautés et sociétés. De
ce fait, toute intervention qui la concerne ne peut pas se restreindre à une conception purement
technique. Il n’est pas suffisant de disposer d’un « toit » pour se redresser après une catastrophe
ou pour être en mesure de faire face aux crises futures. Les considérations suivantes découlent de
différents constats dressés lors d’analyses effectuées par moi-même ainsi que d’autres auteurs de
projets de réponse aux catastrophes. En particulier, elles se rapportent à certains facteurs qui, si
d’une part explicitent la nécessité de concevoir toute intervention en tant que partie d’un ensemble
(au niveau du contexte physique, temporel et humain), mettent également en évidence des éléments
se révélant essentiels pour favoriser une résilience à long terme, tant au niveau de l’environnement
bâti que des populations qui l’habitent.

• Typologie, morphologie et esthétique de l’habitat : entre choix individuel et intégration paysagère


La qualité de la construction ainsi que la durabilité et résistance d’une structure peuvent être
définies sur la base de critères (p.e. règlements, normes, etc.) communément partagés par des
acteurs internes et externes au contexte d’intervention. Les qualités esthétiques et fonctionnelles
se réfèrent, en revanche, à des critères sociaux, culturels, voire individuels. Si les interventions in situ
permettent de maintenir les réseaux sociaux et spatiaux (pré)existants, la réalisation de nouveaux
bâtiments demande une attention particulière et une implication directe des populations pour
éviter une « monotonie de paysage » ainsi qu’une homogénéisation d’exigences, modes d’utilisation,
représentations et utilités sociales (Labattut, Deprez, 2009).

• Des enjeux au delà du physique


La re-construction ex-novo soulève souvent la question du choix et de l’organisation d’un nouveau
site à construire, mais avant tout à habiter. Cette dernière condition comprend une multitude
de facteurs à prendre en compte parmi lesquels deux se dénotent, parfois en manière presque
contradictoire, en relation aux objectifs primaires d’une délocalisation34. Tout d’abord, l’exposition
au risque du nouveau site : parfois des projets prétendant réduire la vulnérabilité de certains
ont déplacé une partie de la population dans des zones encore plus à risque35. Par ailleurs, que
ce soit de manière provisoire ou définitive, reloger la population en dehors des centres d’activités
économiques, culturelles, voire humaines, diminue peut-être la vulnérabilité physique mais risque
d’accroître le processus de précarisation ainsi que de perte d’identité et de cohésion sociale que la
catastrophe peut avoir déclanché et/ou accentué (Jha, Duyne Barenstein, Phelps, et al., 2010, op. cit.).

34 Relocation is not only about rehousing people, but also about reviving livelihoods and rebuilding the community, the
environment, and social capital (Ibid.).
35 Dans la ville de Jean Rabel (département du Nord-Ouest, Haïti), un projet d’assainissement d’un quartier informel situé
au centre ville a été mené conjointement par la mairie et une organisation locale. Une délocalisation des habitats a été
entreprise pour offrir à la population urbaine vulnérable un habitat sain dans des zones non soumises aux risques naturels,
en accord avec le Plan d’Occupation des Sols de la ville (extrait de la demande de subvention soumise par l’organisation au
bailleur de fonds). Toutefois, les nouvelles habitations se situent sur des terrains à une heure à pied du centre ville, dans des
zones traditionnellement connues pour être inondables. De fait, les bénéficiaires de ce projet se retrouvent doublement
exposés : d’une part, à des risques naturels et, d’autre part, à une précarité économique et sociale due à l’éloignement du
centre d’activité économique (source : analyse de terrain, juin 2012).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 31


• Matériaux, compétences et relance économique
Les interventions post-catastrophe génèrent fréquemment des nouvelles possibilités d’emploi
pour les populations locales. Elles peuvent être clairement temporaires comme le travail auprès
d’organisations internationales, ou apparemment plus durables comme la création de nouvelles
filières pour répondre aux besoins de la reconstruction. Toutefois, si les technologies auxquelles ces
dernières se réfèrent font appel à des matériaux provenant de l’extérieur, elles n’en demeurent pas
moins inévitablement vouées à une durée très limitée au-delà de celle du projet qui les a mises en
place. En effet, l’utilisation de matériaux de provenance36 et caractéristiques37 considérablement
différentes de ceux habituellement employés par les gens réduit fortement les possibilités d’une
réutilisation, tant des nouvelles technologies que des compétences associées.

• La permanence du provisoire
Les expériences du passé ont mis en évidence la précarité et vulnérabilité accrues dérivant
d’une pérennisation des solutions d’urgence de relogement après une catastrophe38. Ces risques
sont désormais devenus, au moins théoriquement, une évidence supportée par de nombreuses
évaluations et reportée dans la plupart des lignes directrices de l’aide humanitaire (Bekta , 2006 ;
Kennedy, Ashmore, Babister, et al., 2007 ; Gr ne ald, 2010 ; Davis, 2012). Celles-ci soutiennent
que ces structures devraient se caractériser par une adaptabilité à des multiples options d’évolutivité
fonctionnelle et spatiale, ainsi que par une flexibilité envers différentes modalités de re-construction
(Corsellis, 2012). Mais avant tout, elles devraient se fonder sur l’utilisation, ou la possibilité de
complémentarité, avec des ressources accessibles et disponibles localement, limitant de façon
moindre les choix futurs des populations affectées, voire en favorisant la mise en place spontanée
de solutions durables, sûres et confortables selon les exigences et aspirations de leurs occupants.

En fait, la vulnérabilité et les capacités à faire face et se redresser suite à des crises ne se rapportent
pas exclusivement à des questions purement techniques, constructives ou logistiques mais également
sociales, économiques, politiques, voire historiques, dont l’analyse et prise en compte requièrent un
« processus dédié » qui devrait être prévu et incorporé dans les stratégies de reconstruction depuis
leur phase initiale ainsi que supporté par des outils méthodologiques spécifiques (UN-HABITAT, 2011).

Fig.2: Indonésie, séisme et tsunami de 2004 : les habitations ont été reconstruites mais, en 2010, les infrastructures sont
toujours en attente
36 Dans un programme de reconstruction post-tsunami en Indonésie, des blocs de béton alvéolaires ont été utilisés pour le
remplissage d’une structure en béton armé. Les occupants de ces habitations apprécient les propriétés isolantes, la légèreté
(réduisant les risques d’atteinte physique grave en cas de séisme) et la facilité d’utilisation de ce matériau. Toutefois, importé
en grande quantité depuis la capitale pendant le projet, il n’est pas disponible sur le marché local et sa fourniture à échelle
réduite comporte des coûts extrêmement élevés. Pour les extensions et nouvelles constructions, la population est ainsi
retournée à utiliser les mêmes techniques et matériaux qu’avant la catastrophe (Caimi, Hofmann, 2010, op. cit.).
37 Dans les régions rurales haïtiennes, la construction se base souvent sur l’utilisation de bois local brut, tandis que les abris
transitionnels et les nouvelles habitations reconstruites après le séisme de 2010 emploient des éléments en bois équerrés,
de dimensions uniformes et régulières. Tout en reconnaissant l’intérêt des nouveaux dispositifs constructifs améliorant le
comportement de la structure, nombreuses personnes (bénéficiaires et non) ont manifesté une certaine perplexité quant à
la possibilité de les reproduire avec le bois disponible localement. Bien que cela relève principalement d’un facteur limitant
d’ordre perceptif et cognitif, avant que technique, cette vision peut influencer à priori la reproduction et l’appropriation de
certaines propositions constructives (Source : analyses de terrain 2011-2013).
38 Au-delà de nombreux exemples plus récents, un cas particulièrement frappant est celui de Messine (Italie), o 3 336
« baracche » (structures conçues pour un relogement temporaire rapide) construites après le séisme de 1908 sont, plus
de cent ans après, encore en place et habitées par les familles des bénéficiaires originaires ou par des nouveaux occupants
(Fiumi, 2008). Cos , alla fine, per disperazione, le famiglie fanno ormai le terremotate vita natural durante, dando vita a
un’interminabile catena di sant’Antonio della miseria (Speciale, 2008).

32 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.3: Haïti: a) Camp Corail, abris temporaires suite au séisme de 2010
b) 2012, les abris temporaires s’enracinent

L’importance de briser les frontières entre les interventions à court et long terme, notamment par
une meilleure coordination des efforts de redressement et de reconstruction, sur la base d’approches
spécifiques telles que la liaison entre l’aide d’urgence, la réhabilitation et le développement , a été
constamment réitérée dans le cadre des politiques internationales de prévention des catastrophes
(UNISDR, 2013a). Cependant, depuis quelques années, les bilans des interventions conduites suite
à des événements exceptionnels (p.e. tsunami de 2004 dans l’Océan Indien) ont provoqué une
certaine tendance, de la part de bailleurs de fonds et d’organisations internationales, à se désengager
d’actions à caractère durable, telle que la reconstruction d’habitations permanentes, avec un retour
à une dynamique centrée sur la réponse d’urgence (Revet, 2008, op. cit.). Cette focalisation massive
sur des interventions à caractère provisoire entérine une logique à court terme, qui empiète sur le
processus de redressement, absorbant une grande quantité de fonds et entravant physiquement et
psychologiquement des dynamiques et des actions à long terme (Davis, 2012, op. cit.).

Néanmoins, on assiste à une reconnaissance croissante du rôle critique assumé par la compréhension
de l’interaction des facteurs naturels, physiques et comportementaux, à échelle individuelle
et collective, dans l’adaptation sur mesure des campagnes de promotion et des systèmes de
gouvernance des risques , en soulignant l’importance d’une prise en compte des connaissances
indigènes et traditionnelles comme du patrimoine culturel, aussi bien tangible qu’intangible, pour
concevoir de nouvelles politiques promouvant la socialisation de la réduction des risques, laquelle
devrait devenir « l’affaire de chacun » (UNISDR, 2013a).

Cela devient d’autant plus important si l’on considère que, dans la réponse aux besoins de
reconstruction après une catastrophe, l’impact des actions d’organismes gouvernementaux et non
se révèle en terme quantitatif souvent bien limité39. En effet, la reconstruction est en large partie40
le fait des populations elles-mêmes ; donc d’une « architecture sans architectes et ingénieurs »,
ne pouvant compter sur aucun aide extérieur et s’appuyant exclusivement sur ces propres moyens
cognitifs, techniques et économiques pour rebâtir des habitats qui, certainement, seront en futur à
nouveau soumis à l’impact des aléas naturels.

39 Suite au séisme de 2010 en Haïti, on estime que les Haïtiens ont reconstruit à eux-mêmes près de 10 fois plus de
maisons que les organismes d aide internationaux (FAU, 2012, p. 5). En milieu urbain, la reconstruction de structures
durables a été prise en charge à 90% par la population, sans aucun appui institutionnel ; de fait elle aurait rebâti des centaines
de milliers d’habitations contre le quelques dizaines de milliers fournies par l’aide international (Gr ne ald, 2014).
40 Des analyses conduites au Bangladesh suite aux cyclones Sidr et Aila (2007 et 2009) ont relevé comme environ un tiers
des habitats détruits a été reconstruit par leurs propriétaires grâce à leurs propres ressources, un autre tiers par l’aide
gouvernementale ou d’autres organismes. Le restant de la population a dû se débrouiller sans aucun support, ce qui dans une
grande majorité de cas a déterminé une non reconstruction ou une précarisation accrue, faute de moyens économiques et
de connaissances techniques pour des solutions abordables (Caritas Bangladesh, 2011).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 33


Cette recherche questionne l’ensemble de ces facteurs, en se focalisant sur la relation qui subsiste
entre l’habitat - dans sa forme construite et culturelle - d’individus et groupes humains et les
phénomènes naturels majeurs, dans la perspective d’une contribution à l’amélioration des pratiques
d’intervention d’agences d’aide. D’une part, la nécessité d’une projection sur le long terme d’objectifs
et actions reflète, au moins en partie, la reconnaissance des catastrophes en tant qu’événements
ponctuels survenant et s’inscrivant dans la continuité de la vie d’individus et communautés. D’autre
part, l’importance croissante accordée au rôle de facteurs humains et culturels révèle le potentiel
sous-jacent d’une contextualisation des interventions et des politiques visant à une réduction de la
vulnérabilité. Ces deux constats sont intrinsèquement liés et c’est justement cette corrélation que
cette recherche interroge :

Les interventions d’agents externes à une communauté et/ou à un lieu se révèlent parfois des
contributions indispensables ; dès lors, de quelles manières elles peuvent aller appuyer un processus
endogène de résilience et autodétermination, plutôt qu’alimenter l’imposition de modèles exogènes
et de logiques technocratiques ?

Les choix techniques et méthodologiques d’organismes aussi bien de coopération au développement


que d’aide humanitaire ont un impact direct, à long terme et étendu bien au-delà des seuls
bénéficiaires ; donc, quelles approches et modalités de travail peuvent consentir à améliorer le cadre
de vie et réduire la vulnérabilité, à l’échelle aussi bien individuelle que collective, par la proposition
de pistes pragmatiques et accessibles en dehors du cadre de ces programmes ?

La pertinence, faisabilité et reproductibilité des propositions techniques sont étroitement


dépendantes de leur adaptation aux caractéristiques contextuelles ; ainsi comment des
nouvelles réponses peuvent-elles s’appuyer, se nourrir et se rapporter aux ressources, pratiques
et connaissances existantes, pour donner lieu à des approches jaillissant des potentialités et des
spécificités propres à chaque contexte ?

L’habitat vernaculaire et les cultures constructives qui y sont associées reflètent et découlent d’une
corrélation particulièrement forte entre milieu naturel et humain, tendant à un équilibre entre
ressources, capacités, aspirations et besoins des populations qui l’habitent ; par conséquent, ne
devraient-elles pas constituer la première référence à saisir pour identifier quel chemin entreprendre
vers la résilience ?

Habitant des régions affectées, souvent cycliquement, par des phénomènes naturels majeurs,
certaines populations ont été historiquement confrontées à la menace que ces événements
représentent ; comment ont-elles pris en compte et intégré ces risques dans leurs pratiques et leurs
modes de vivre et de bâtir ?

34 Cultures constructives vernaculaires et résilience


La redécouverte des cultures humaines du bâtir et du penser le territoire que la modernité a
repoussées dans la marge, peut se révéler comme un réservoir tangible, à la fois pratique et
symbolique pour concevoir et mettre en oeuvre, à l’initiative des usagers eux-mêmes, les réponses
indispensables et urgentes requises par l’espace urbain et l’espace domestique 41

L’architecture, par la façon dont elle est accomplie, exerce une influence sur la vulnérabilité de
l’environnement bâti, mais également sur la capacité d’un système (communauté/société) à
absorber les effets d’un danger de manière efficace. Cette capacité repose sur le principe que, pour
chaque situation particulière, des réponses puissent être étudiées, mises en œuvre, évaluées et
si nécessaire améliorées en conséquence, de façon contextuelle. L’architecture ne peut donc pas
s’abstraire des individus et collectivités qui la génèrent et l’habitent, faute de quoi elle étoufferait
tout élan de créativité constructive et spatiale qui aurait le potentiel de générer une architecture
contemporaine saine, accessible et résiliente.

L’étude des techniques et des mesures mises en œuvre spontanément par les gens a le potentiel
de dévoiler tout un éventail de solutions constructives qui, qu’elles soient anciennes ou récemment
développées, employant des matériaux naturels ou industriels, représentent souvent l alternative
la plus viable, voire fiable, localement. La prise de conscience du potentiel des pratiques et des
connaissances vernaculaires dans la préparation, réponse et redressement aux crises constitue, à
mon avis, une piste pertinente pour que la (re)construction d’habitats et d’environnements de vie
participe au renforcement des capacités de résilience d’individus et groupes humains, ainsi qu’au
processus de leur autodétermination et autonomisation.

Cette recherche explore la relation entre les cultures constructives vernaculaires et les phénomènes
naturels caractérisant les milieux dans lesquels elles se situent. Ce travail se focalise sur les pratiques
- constructives et comportementales – développées par les populations habitant des contextes
géographiquement exposés à des aléas naturels majeurs, investiguant leur rôle potentiel en tant
que source d’information et d’inspiration technologique pour une réduction de la vulnérabilité à
long terme.

L’objectif est d’entamer une (re)découverte des savoirs vernaculaires contribuant à constituer des
nouvelles connaissances relatives à la dimension parasinistre des cultures constructives vernaculaires
ainsi qu’à favoriser une meilleure accessibilité et pertinence d’approches et d’actions, par une prise
en compte des pratiques et spécificités locales dans le renforcement des capacités des populations
et institutions face aux risques naturels.

Ce processus ne s’adresse pas uniquement à des scientifiques, des techniciens et des responsables
de projet mais également aux communautés, habitants et bâtisseurs, en soutenant simultanément
une reconnaissance par des instances et des acteurs institutionnels comme une restitution et une
valorisation de ces savoirs auprès de ceux qui en sont à l’origine et qui, par leur pratique quotidienne,
influencent et habitent le milieu construit.

41 FREY, Pierre. Learning from vernacular. ne exposition d’architecture. Dossier de presse, mai 2010.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 35


Le sujet de cette recherche se situe dans la continuité d’une réflexion que j’ai entreprise, depuis
presque dix ans, au regard des potentialités constructives des matériaux naturels ainsi que de la
relation subsistant entre le bâti et des phénomènes naturels majeurs. Plusieurs étapes de mon
parcours de formation m’ont conduit à approfondir ces thématiques et, en particulier, la corrélation
entre savoirs et savoir-faire vernaculaires, résilience et capacités locales, avec une attention
particulière envers la participation et le renforcement de connaissances et compétences de
populations et constructeurs.
J’ai entamé cette exploration avec le projet de Master en architecture42 à l’École Polytechnique
Fédérale de Lausanne (Suisse), proposant des principes pour la réalisation d’habitations résistantes
aux cyclones et inondations, en étroite liaison avec les pratiques et les ressources existantes ainsi
que par l’utilisation de matériaux très économiques et naturellement disponibles sur place, tels que
le bambou et la terre.
cette étude est suivie, entre 2006 et 2007, une recherche pratique au regard des potentialités
du bambou en tant que matériau de construction en Inde43 à laquelle était associée la réalisation
d’un bâtiment prototype, en collaboration avec les artisans d’un village de l’Orissa et l’organisation
Orissa Development Technocrat Forum. L’association entre matériaux locaux et renforcement des
compétences a été ultérieurement expérimentée lors d’un séminaire de formation d’artisans locaux
à la construction en bambou (Séminaire - atelier sur la valorisation du bambou indigène en Afrique
de l’Ouest), organisé dans le cadre des activités du Centre de Promotion des Artisans de Bafoussam
(Cameroun).
Par la suite, la formation de post-master du DSA-Architecture de terre auprès du laboratoire CRAterre-
ENSAG, le travail de diplôme44 associé ainsi que d’autres activités proposées par ce laboratoire ont
fourni des occasions précieuses pour approfondir ultérieurement certaines thématiques, dont en
particulier :
- le potentiel représenté par des approches de projets se fondant sur les cultures constructives
locales dans le cadre de programme de réduction de la vulnérabilité45;
- l’impact à moyen terme des interventions post-catastrophe et les facteurs influençant la
résilience ainsi que l’appropriation de solutions et technologies constructives par les populations
bénéficiaires46;
- la sensibilisation et diffusion de connaissances au regard d’une amélioration des pratiques
constructives locales47.

Chaque étape de ce parcours a apporté des nouveaux éléments et ouvert des perspectives,
contribuant ainsi à poser les fondements, aussi bien conceptuels que pratiques, pour l’étape
importante ultérieure d’approfondissement qui a été cette recherche en thèse.
Le projet ReparH - Reconstruire parasinistre en Haïti a, à cet égard, offert une opportunité
particulièrement intéressante dans laquelle inscrire la continuité de ces réflexions et d’une approche,
alliant recherche et action, que j’ai adoptée depuis le début de ce chemin.

42 CAIMI, Annalisa, HOFMANN, Milo, 2005. From utcha to Pucca. Proposition de reconstruction d’habitats résistant aux
calamités naturelles pour les villages de l’Orissa (Inde). Thèse de Master en Architecture. Lausanne : École Polytechnique
Fédérale de Lausanne.
43 CAIMI, Annalisa, HOFMANN, Milo, 2007. Le localisme du bambou. Entre tradition et innovation: recherche au regard du
bambou et réalisation d’une construction économique, résistante aux calamités naturelles, avec les populations de l’Orissa
(Inde). Rapport final. Recherche financée par la Fondation pour l’architecture Geisendorf (Suisse).
44 CAIMI, Annalisa, HOFMANN, Milo, 2010. Aléas naturels, reconstruction et pratiques vernaculaires. Diplôme de Spécialisation
et d’Approfondissement – Architecture de Terre. Grenoble : École Nationale Supérieure d’Architecture. 2010.
45 GARNIER, Philippe, MOLES, Olivier, CAIMI, Annalisa, et al., 2011. Aléas naturels, catastrophes et développement local.
Villefontaine : CRAterre Editions, 2011.
46 CAIMI, Annalisa, HOFMANN, Milo, 2010. Etat des lieux de la reconstruction post-tsunami (province d’Aceh, Indonésie).
Sigli : CRAterre-ENSAG, Fondation Abbé Pierre.
47 Développement d’une mallette pédagogique dans le cadre de la phase pilote du programme Réduction de la vulnérabilité
aux inondations des populations (et de leur cadre bâti) d’Afrique Centrale et de l’Ouest, conduit par la Fédération Internationale
de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge.

36 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les constats dérivant des expériences conduites précédemment à ce travail ainsi que d’une étude
de la problématique relative à la résilience des populations et de leur habitat face aux aléas naturels,
m’ont conduit à formuler l’hypothèse de recherche suivante :

la prise en compte, dans des processus de réduction de la vulnérabilité relatifs à l’habitat, des savoirs
et savoir-faire inhérents aux pratiques et cultures constructives vernaculaires contribue à renforcer
les capacités locales de résilience.

Toutefois, la résilience n’est pas uniquement déterminée par des facteurs d’ordre technique, mais
également par les connaissances, pratiques et ressources disponibles. Pareillement, les capacités
d’individus, communautés et organismes ne se rapportent pas uniquement à des questions
procédurales, mais à un ensemble d’approches, modalités, contenus et compétences dont les
spécificités et la variabilité sont directement corrélées aux particularités de chaque contexte. Ainsi,
de cette hypothèse, deux questions plus spécifiques découlent :

Quels sont les savoirs, les pratiques et les dispositions techniques développés par les bâtisseurs et
les populations pour réduire la vulnérabilité du bâti envers les aléas naturels ?

Selon quelles modalités ces savoirs et mesures pourraient-ils participer à renforcer la résilience et les
capacités à se préparer, gérer et répondre aux crises ?

Pour saisir de manière cohérente les questions fondant cette recherche, il m’est paru indispensable
qu’elle s’appuie, depuis ses débuts, sur une démarche tissant des liens entre plusieurs domaines,
échelles et niveaux d’expertise. L’approche adoptée se base ainsi sur l’établissement d’une relation
forte entre le niveau de la recherche scientifique et le niveau opérationnel, ce dernier correspondant
aux activités entreprises dans le domaine de l’habitat par des organismes intervenant dans des
contextes exposés à des aléas naturels ; ceci pour ancrer la réflexion théorique aux limites et
potentialités de la pratique de terrain. Cette liaison s’est traduite dans un processus d’allers et retours
continus entre la dimension théorique et appliquée de la recherche, se nourrissant réciproquement
tout au long de ces trois ans. Cette dynamique a été ultérieurement enrichie par un engagement
direct et proactif dans le cadre d’activités conduites par l’association CRAterre et ses partenaires,
qui a permis de formuler, vérifier et faire évoluer les hypothèses posées par la recherche apportant,
simultanément, une contribution directe au travail des acteurs impliqués dans ces programmes.
Pareillement, la prise en compte des aspects relatifs aux différentes phases d’intervention a été
effectuée par l’insertion de la réflexion dans une logique de liaison entre urgence, réhabilitation
et redressement, pour appréhender de la manière la plus complète les différents enjeux relatifs à
chacune de ces situations comme à leur interrelation.

La mise en place de cette démarche et la création d’une relation forte entre recherche et application
ont été favorisées par le double statut de laboratoire de recherche et d’association du CRAterre et,
plus particulièrement, par l’inscription de ce travail dans le projet de recherche ReparH (Reconstruire
Parasinistre en Haïti 2010-2015), soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche- ANR dans le cadre
d’un appel émis suite au séisme de janvier 2010 en Haïti. Conciliant approche scientifique et réalités
de terrain, ce projet vise à appuyer des institutions haïtiennes et internationales dans l’élaboration
et la mise en place de stratégies de réduction de la vulnérabilité de l’habitat, par la proposition
de spécifications techniques et méthodologiques afin de développer une architecture de qualité
par la promotion de solutions constructives socialement adaptées et scientifiquement pertinentes,
et contribuer à leur large diffusion et utilisation par les populations (extrait du compte-rendu

Cultures constructives vernaculaires et résilience 37


intermédiaire, janvier 2012). Ce projet est conduit en partenariat par deux laboratoires universitaires
français, le CRAterre (unité de recherche Architecture, Environnement et Cultures Constructives) de
l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble et le 3S-R de l’Université Joseph Fourier, en
collaboration avec plusieurs organismes travaillant dans la reconstruction post-séisme.

Dans ce cadre, la présente recherche s’est fondée sur une analyse des stratégies adoptées par des
acteurs de la réhabilitation post-catastrophe, en particulier en Haïti, pour entamer une réflexion
et proposer des perspectives favorisant la mise en place d’approches de prévention et de gestion
adaptées au contexte. Parallèlement, ce travail a apporté une contribution directe aux actions
d’organismes haïtiens engagés dans la réhabilitation post-séisme ainsi qu’à l’objectif du projet
ReparH de produire des documents techniques et méthodologiques qui pourront être utilisés dans
les programmes de formation (professionnelle et universitaire) et de préparation aux risques, à Haïti
et dans d’autres régions du monde soumises à des aléas naturels similaires (extrait du projet soumis
en réponse à l’Appel à projets Flash Séisme Haïti, pour une reconstruction durable, avril 2010, p. 7).
Le développement d’une méthodologie d’analyse contextuelle et son expérimentation en contexte
réel (en Haïti et au Bangladesh) en vue de futures applications contextualisées, mais également
d’activités de sensibilisation et formation sur site ont constitué des apports concrets aux actions
mises en œuvres, en participant en outre à l’élargissement de leur perspective au delà de la phase
de post-catastrophe. Le travail entrepris avec les partenaires haïtiens – y compris des organisations
travaillant dans des régions non affectées par le séisme de 2010 – ont par ce fait directement
contribué à une durabilité des démarches adoptées dans le cadre de la reconstruction, en soutenant
leur inscription dans les priorités et les pratiques de travail de ces associations, dans une logique de
réponse à la crise mais également d’anticipation et préparation à celles à venir.

Cette thèse s’inscrit dans le champ de la recherche empirique et de la recherche-action (Goyette,


Lessard-Hébert, 1987), tout en leur associant plusieurs autres approches - de type exploratoire,
descriptif, analytique, expérimental - et reposant sur des éléments qualitatifs en vue de faire
ressortir les potentiels, les enjeux et les contraintes épistémologiques des systèmes, aussi bien
organisationnels et programmatiques que cognitifs et structurels, corrélés au domaine de l’habitat
en contexte à risque.

Plus particulièrement, cette recherche s’oriente vers un processus de (re)connaissance des


pratiques constructives vernaculaires, en les considérant comme le point de départ pour élaborer,
expérimenter et mettre en œuvre des approches de réduction de la vulnérabilité aussi bien du bâti
que des populations qui l’habitent. Cette investigation s’est effectuée par le développement de
deux axes de travail, découlant de l’hypothèse et des questionnements posés et s’articulant autour
d’un noyau commun : l’identification des cultures constructives vernaculaires et de leur potentiel
de résilience. Le premier axe se focalise sur le caractère parasinistre d’architectures et cultures
constructives vernaculaires qui ont été développées par des populations habitant des territoires
affectés par des aléas naturels récurrents. Le deuxième axe interroge les modalités de prise en
compte des pratiques constructives locales dans le cadre de programmes d’habitat, conduits par
des organismes opérationnels en situation de préparation et réponses à des crises. La définition
de ces deux axes de travail a visé à appréhender d’un point de vue technique, méthodologique
et analytique, le rôle potentiel des cultures constructives vernaculaires, en prenant en compte
plusieurs aspects : les éléments effectifs que celles-ci peuvent intégrer vis-à-vis des risques naturels ;
les modalités concrètes de leur identification sur le terrain ; les aspects favorisant une cohérence
des propositions effectuées avec les spécificités du contexte ainsi qu’un renforcement des capacités
locales de résilience.

Le développement parallèle de ces différents éléments a été, d’une part, le résultat d’une volonté
explicite de permettre une définition progressive du cadre théorique ainsi qu’un enrichissement
réciproque des différents facteurs et niveaux considérés. D’autre part, cela a constitué également
une réponse pragmatique à la nécessite d’assurer un avancement de la recherche de manière

38 Cultures constructives vernaculaires et résilience


relativement indépendante des activités du terrain, dont les rythmes et les priorités peuvent se
différencier considérablement, en particulier en situation de post-urgence. Outre à demander une
flexibilité du cadre méthodologique global, cette approche a impliqué l’adoption d’une méthode
de travail spécifique aux différentes thématiques abordées, en relation à leur objet et aux possibles
synergies avec des activités de terrain.

Axe 1 : Le vernaculaire parasinistre

Le travail au regard de cet axe s’est concentré sur la spécification de la corrélation entre les notions
d’architecture vernaculaire et de culture constructive rapportées aux risques naturels. En particulier,
il approfondit le concept de « culture constructive du risque », en investiguant les formes par
lesquelles elle se manifeste dans les pratiques et les artefacts des bâtisseurs vernaculaires. L’analyse
se focalise sur la dimension constructive de cette relation, par l’identification des typologies et
des échelles d’application des mesures et dispositions qui permettent à certaines architectures
vernaculaires de faire face à l’impact des aléas naturels. La recherche considère les différents
niveaux de matérialisation de ces principes parasinistres en s’appuyant sur l’étude d’exemples
présents dans la littérature ainsi que découlant d’analyses conduites dans des contextes particuliers,
précédemment et au cours de cette recherche. Cette étude a permis d’identifier et caractériser
des approches, systèmes et dispositifs constructifs spécifiques à des pratiques et environnements
bâtis vernaculaires, en les rapportant également à des principes du génie parasinistre ainsi qu’aux
résultats de recherches scientifiques menées par d’autres chercheurs et institutions.

Axe 2 : Prise en compte des pratiques constructives vernaculaires

Le questionnement des modalités de prise en compte des pratiques et cultures constructives


vernaculaires s’est fondé sur une relation étroite avec la « réalité du terrain » ainsi qu’avec les
acteurs et les dynamiques qui y sont présents. Pour que les pratiques et modes de construire d’un
lieu puissent être pris en compte, la phase de leur identification constitue une étape préalable et
indispensable à la définition de toute action. Les constats découlant d’une étude des méthodes
et supports existants pour l’analyse du bâti vernaculaire, ainsi que les besoins précis exprimés par
plusieurs acteurs opérationnels (techniciens, opérateurs, consultants et responsables de projet)
m’ont conduit à focaliser le travail relatif à cet axe sur l’élaboration d’une méthodologie spécifique
à l’analyse des cultures constructives vernaculaires en zones à risques. Cependant, il ne s’agissait
pas uniquement d’établir des critères et des procédures, mais surtout d’en vérifier la pertinence, les
modalités de mise en œuvre et d’utilisation de la part de différents types d’acteurs, pour que cette
méthodologie puisse répondre de manière effective et cohérente à des nécessités et contraintes
réelles. Sur la base d’échanges continus entre le niveau de la conception et celui de l’application,
son développement a été effectué en lien étroit avec des situations possibles d’utilisation ainsi
qu’avec ses utilisateurs potentiels. La réflexion s’est en outre élargie aux facteurs relatifs à son
adaptation, appropriation et diffusion, en relation à différents publics, compétences et objectifs.
L’approfondissement de ces aspects s’est appuyé sur des activités de formation et sensibilisation
dans le cadre de programmes en cours sur le terrain et d’enseignement universitaire (notamment
en cycle master de la filière Architecture et Cultures Constructive de l’ENSAG).

Si une prise en compte des pratiques existantes débute par l’identification des caractéristiques
du milieu d’intervention, elle se traduit ensuite dans des éléments techniques comme dans les
spécificités et modalités de mise en œuvre d’un programme. Il m’est paru donc indispensable
d’étudier de plus près les aspects qui, au niveau organisationnel, décisionnel et opérationnel,
participent à la définition et au déroulement du processus de projet ainsi qu’à ses résultats et à son
impact sur l’amélioration des capacités locales, tant au regard de la construction que de la résilience.
Pour ce faire, j’ai procédé à une analyse de plusieurs projets d’habitat dans lesquels les
caractéristiques du contexte ont exercé, depuis le départ, une influence importante sur les approches

Cultures constructives vernaculaires et résilience 39


méthodologiques et techniques mises en œuvre. Ce travail s’est effectué à partir d’observations sur le
terrain et d’entretiens avec des représentants des populations, d’organismes locaux et internationaux
ainsi qu’avec des personnes (artisans locaux, opérateurs de terrain, consultants et responsables de
projet) possédant une expérience et/ou expertise particulières au regard des thématiques traitées.
Le choix des cas considérés a été déterminé par la possibilité d’une implication active de ma part
et d’une contribution directe de cette recherche aux objectifs et activités des partenaires ; par la
possibilité d’effectuer un suivi continu, même en dehors d’une présence constante sur le terrain ; par
une influence marquée des conditions contextuelles et une intégration des pratiques constructives
locales dans les éléments définissant le programme.

Le développement de ce deuxième axe de recherche s’est en grande partie appuyé sur des activités
conduites en relation aux contextes suivants :
- la réhabilitation post-catastrophe en Haïti, en référence aux projets menés par différents
organismes engagées dans la reconstruction suivant le séisme qui a frappé le pays en 2010 ;
- un programme triennal de préparation aux catastrophes, renforcement des capacités locales
et amélioration de l’habitat au Bangladesh, conduit conjointement par la Caritas Bangladesh, le
Département d’ingénierie de la Bangladesh University of Engineering and Technology (BUET) et
le CRAterre-ENSAG.

Les facteurs d’intérêt ayant supporté le choix de ces contextes sont les suivants :
• les deux situations constituent des phases différentes du même processus dynamique : la
reconstruction post-catastrophe et la préparation aux risques représentent deux composantes
complémentaires de la gestion des risques. Prendre en compte ces deux situations a permis de
pousser la réflexion à explorer les modalités par lesquelles la reconstruction peut poser les bases
pour une démarche à long terme de préparation et réduction des risques et comment, à son
tour, la préparation peut influer sur les stratégies de reconstruction ;
• la différence de niveaux et de rôles des acteurs impliqués : au Bangladesh, les institutions en
charge du projet sont locales, l’une provenant du milieu universitaire et l’autre étant un organisme
non gouvernemental dont le personnel possède une grande expérience dans la réponse post-
catastrophe ; en revanche en Haïti les organismes agissant sur le terrain sont des structures
internationales et locales, ces dernières avec peu ou pas d’expérience dans la construction. Ces
différents niveaux d’engagement, de compétences et d’influence ont de fait permis de considérer
un éventail relativement large d’enjeux, synergies et potentialités présentes dans les différentes
situations étudiées ;
• une implication directe en tant que réponse à une nécessité effective exprimée par des acteurs
locaux et opérationnels, se rapportant et alimentant le développement d’aspects particuliers
considérés dans la recherche.

D’un point de vue méthodologique, les programmes en cours sur le terrain ayant fait l’objet d’un
approfondissement détaillé ont été choisis sur la base de plusieurs facteurs.
Tout d’abord, la définition des deux contextes de références - Haïti et Bangladesh - se rapporte à
deux pays parmi les plus pauvres de la planète48, régulièrement affectés par des événements à
caractère catastrophique déclenchés par l’impact d’aléas naturels. Des situations qui voient dans
une large majorité de cas, l’intervention d’organismes locaux et internationaux pour compenser les
faiblesses existantes au niveau social et institutionnel ainsi que pour épauler, voire parfois même

48 Selon les statistiques établies, en relation au produit intérieur brut sur la base des taux de parité de pouvoir d’achat par
habitant (bases de données consultées en avril 2014), par des organismes comme l’International Monetary Fund (World
Economic Outlook Database), la Banque Mondiale (World Development Indicators Database) et la Central Intelligence Agency
(World Factbook),

40 Cultures constructives vernaculaires et résilience


gérer, le processus de redressement et de réhabilitation. Ces conditions s’associent toutefois à deux
cadres politiques distincts : en Haïti, un gouvernement défaillant et une organisation lacunaire
tant en termes de planification que d’opérationnalité (République d’Ha ti, 2004) ; au Bangladesh,
une démarche forte au niveau gouvernemental, axée sur la prévention et la gestion des risques
(GOB, 2010). La similarité de certaines conditions comme les divergences relatives à des aspects
de gestion et d’approche du risque, au niveau national, déterminent des variables particulièrement
intéressantes pour l’investigation des enjeux et des potentiels sous-jacents aux pratiques actuelles
et aux apports, à échelle locale et globale, d’une démarche de prise en compte des cultures
constructives vernaculaires dans des processus de renforcement des capacités de résilience.

Les contextes de référence diffèrent tant du point de vue géographique et programmatique, que des
organismes et dynamiques en place. Cette hétérogénéité, ainsi que les contraintes et les opportunités
relatives aux deux situations, ont déterminé une différenciation des approches d’étude et des
possibilités d’approfondissement. cet égard, une double démarche a été adoptée, en analysant
en profondeur quatre programmes en Haïti et un au Bangladesh. Le choix de considérer, dans le
premier cas, plusieurs exemples et, dans l’autre, un seul dérive essentiellement de la diversité des
contextes à l’étude.
Le cas haïtien se réfère à une situation dans laquelle, suite à une catastrophe récente et de
grande ampleur (séisme de 2010), plusieurs organismes interviennent simultanément en relation
à des problématiques similaires (p.e. relogement et reconstruction d’habitats). Parmi ceux-ci, la
sélection des cas approfondis s’est basée sur des programmes qui, en terme d’approche globale,
se différencient considérablement de la majorité des autres organisations actives sur place. Plus
particulièrement, les paramètres considérés se rapportent à leur proximité géographique, une
étendue limitée aux zones affectées par le séisme de 2010, ainsi qu’à une localisation en région
rurale et/ou périurbaine. Un critère ultérieur a été l’adoption d’une approche située, s’inspirant des
pratiques constructives locales pour une reconstruction non seulement permanente mais surtout
durable, en termes d’accessibilité des technologies et des modes d’organisation proposés.
En relation au Bangladesh, le choix de considérer un seul exemple dérive de la particularité
du programme en question. En fait, il ne correspond pas à une intervention temporellement et
spatialement limitée, mais il découle au contraire d’un processus d’évolution de logiques et approches
s’articulant sur différentes zones et plusieurs années49. La focalisation sur un cas spécifique dérive
également de l’étendue de ce projet, couvrant simultanément plusieurs régions, à échelle nationale,
et englobant différentes typologies d’acteurs, avec une forte synergie au niveau local entre le
domaine opérationnel et académique.

Parmi les critères fondant la définition des cas analysés dans ces deux contextes, l’existence d’un
partenariat entre le laboratoire CRAterre-ENSAG et les organisations chargées de la mise en œuvre
des activités a, en outre, assumé une rôle déterminant, notamment pour consentir une implication
directe et un suivi continu, même loin du terrain.
Dans le cas du contexte haïtien, la pluralité d’organisations travaillant simultanément sur une
problématique similaire a ouvert une double perspective. D’une part, cela a permis de profiter de la
multiplicité des démarches pour saisir les différents éléments et approches nourrissant la réflexion
autour des possibilités concrètes de prise en compte des cultures constructives locales depuis la
phase de post-urgence. D’autre part, elle a permis d’apporter un complément à ces activités en
relation à une volonté manifestée par les représentants de certaines organisations haïtiennes
d’acquérir des compétences spécifiques pour une analyse située. Mon implication a ici concerné
des activités de sensibilisation et formation de responsables et techniciens; ce qui a contribué à un
élargissement des éléments considérés au regard de la méthodologie élaborée et de sa diffusion,
notamment par la confrontation avec des contextes, des compétences et des objectifs variés.

49 Le programme considéré est en effet une étape d’un processus, commencé en 2007 avec la reconstruction après un
événement particulier (cyclone Sidr), évoluant d’une approche de réaction vers une approche de prévention.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 41


En revanche au Bangladesh, l’analyse des cultures constructives locales constitue la phase initiale à
partir de laquelle s’effectuent la conception et la mise en œuvre de propositions techniques pour la
reconstruction post-catastrophe et l’amélioration préventive du bâti. Dans ce cas, mon implication a
concerné spécifiquement le travail d’analyse, par la proposition et application d’une méthodologie
particulière ainsi que sa diffusion parmi les techniciens et responsables locaux.

L’analyse de ces programmes s’est fondée sur deux logiques distinctes, qui dérivent de l’hétérogénéité
des situations considérées. En Haïti, le contexte de post-urgence a déterminé un avancement très
rapide des projets, en particulier en relation aux activités portant sur la production d’habitats. Ce
qui a permis de dresser plusieurs constats au regard des modalités de leur déroulement et des
retombées au niveau des populations bénéficiaires et non, comme des constructeurs, techniciens
et responsable locaux. D’autre part, le projet en cours au Bangladesh s’est focalisé essentiellement
sur le processus, non seulement de développement de solutions techniques mais aussi de
renforcement des capacités et de dialogue avec les communautés. Son objectif n’étant en effet pas
la production d’un nombre élevé de constructions mais l’élaboration et la mise au point de stratégies
méthodologiques et techniques ainsi que leur diffusion et appropriation par les différents acteurs
impliqués.
Cette différence de logiques s’est répercutée sur les modalités de synthèse des informations à leur
égard : dans un cas (Haïti) sous forme de fiches par projet, détaillant les différentes composantes
ainsi qu’un bilan critique des éléments identifiés ; dans l’autre (Bangladesh), par le biais d’une
fiche synthétisant l’historique et les spécificités programmatiques de l’exemple considéré.
L’approfondissement de ces programmes n’était de toute manière pas motivé par l’intention
d’effectuer une analyse comparative, mais plutôt d’investiguer les aspects propres à chaque situation
pour en dégager des considérations et des critères alimentant une réflexion d’ensemble au regard
d’une amélioration des approches de réduction de la vulnérabilité.

Le travail relatif à ces deux contextes a été effectué tout au long de ces trois ans, incluant une
analyse des programmes en cours ainsi qu’une étude des cultures constructives vernaculaires
dans les zones d’implantation des premiers. Ces investigations ont été conduites en parallèle au
développement d’une approche méthodologique d’analyse contextuelle qui est de fait devenu
l’objet et, simultanément, l’outil de la recherche.

La collecte et le traitement des données ont été effectués sur la base d’une double démarche visant
à assurer tant la scientificité de l’approche de recherche adoptée que la fiabilité des informations
obtenues, par une immersion prolongée dans les contextes à l’étude ainsi qu’une triangulation des
sources, méthodes et perspectives (Pourtois, Desmet, 2007).
Plusieurs déplacement sur le terrain - dont deux d’une durée d’un mois chacun au Bangladesh (en
2011 et 2012) et quatre en Haïti pour une durée totale de deux mois (en 2011, 2012 et 2013) - ont
permis d’acquérir une compréhension fine par un suivi sur trois ans, évitant le piège d’une position
d’observateur extérieur et ponctuel et, par conséquent, d’une généralisation d’aspects anecdotiques.
La récolte des informations s’est basée sur plusieurs méthodes qualitatives, dont la grande majorité
fait partie de l’approche méthodologique développée au regard d’une analyse située. Elles ont
en particulier compris : l’observation directe des spécificités tangibles des contextes considérés
comme des dynamiques en place au niveau individuel, communautaire et institutionnel ; des visites
accompagnées et plusieurs rencontres avec des acteurs variés, incluant des entretiens non directifs
avec des informateurs clé et des groupes focalisés conduits sur la base d’une liste de questions
ouvertes. Ces activités ont été associées à une documentation, des éléments discutés et observés,
par le biais de photographies et notes de terrain ainsi que par des comptes rendus des entretiens et
des visites qui ont été validés auprès des participants.
Plusieurs sites ont été cycliquement visités et plusieurs acteurs rencontrés pour saisir des éventuelles
évolutions du cadre contextuel et les influences des programmes analysés, comme pour questionner
l’ensemble des points de vue et des expériences se rapportant à ces projets et, de manière plus
large, au secteur de l’habitat en zones à risques.

42 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Synthèse des éléments méthodologiques d’ordre quantitatif :
• Présence sur le terrain : 5 mois (2 au Bangladesh, 2 en Haïti, 1 en Turquie)
• Analyse de l’architecture et des cultures constructives vernaculaires :
15 régions en 3 pays (Bangladesh, Haïti, Turquie)
• Etude et suivi de 5 programmes d’habitat :
Préparation et réduction des risques : 1 au Bangladesh
Réhabilitation post-catastrophe : 4 en Haïti
• Analyse de 10 programmes relatifs au domaine de la construction :
Urgence, abris transitionnels : 3
Post-urgence, reconstruction permanente : 3
Post-urgence, reconstruction évolutive : 2
Réduction des risques, relocation : 1
Développement, amélioration de pratiques constructives : 1
• Entretiens avec :
20 experts internationaux
25 décideurs et responsables de projet (organismes locaux et
internationaux)
35 techniciens et opérateurs de terrain
x50 bénéficiaires des programmes considérés, constructeurs,
représentants des communauté et des autorités locales, etc.

La relation avec le terrain a néanmoins imposé plusieurs contraintes, en particulier vis-à-vis des
disponibilités et priorités des acteurs opérationnels, résultants dans des décalages parfois importants
entre les délais et les activités prévues et celles réellement possibles. Ce qui m’a conduit à saisir
d’autres opportunités qui ont permis d’acquérir des éléments supplémentaires et d’effectuer des
approfondissements ultérieurs :

- le suivi du travail d’analyse effectué en juin 2012 par deux étudiants du DSA-terre au regard
de différents programmes d’habitat réalisés en Haïti, dans le cadre d’un stage financé par la
Fondation Abbé Pierre ;
- la participation à la définition d’une grille d’évaluation interne au regard des programmes de
reconstruction d’habitations, conduit par quatre organisations haïtiennes avec le soutien de
l’organisation Misereor ;
- la contribution à l’élaboration d’un module de formation à l’analyse des cultures constructives
locales, s’adressant à des techniciens (ingénieurs et artisans expérimentés) d’organisations
haïtiennes, dans le cadre d’un projet conduit par UN-HABITAT en Haïti au cours de l’année 2013;
- la contribution et participation à plusieurs séminaires et conférences internationales :
- Ith International Conference on the Study and Conservation of Earthen Architectural Heritage
- erra 2012, 22-27 avril 2012, à Lima (Pérou),
- séminaire scientifique Disaster-resistant building cultures: the ways forward, 27-29 mai 2013,
à Grenoble (France),
- Second International Conference Structure and Architecture - ICSA2013, 24-26 juillet 2013, à
Guimar es (Portugal),
- International Conference on ernacular Heritage and Earthen Architecture - CIA 2013 th
A P erSus, 16-20 octobre 2013, à Vila Nova de Cerveira (Portugal).

50 Le nombre de bénéficiaires directs, constructeurs et membres des communautés rencontrés est difficilement quantifiable
avec précision, en raison de la nature propre de la méthodologie d’analyse adoptée, qui ne se focalise pas sur des échantillons
démographiques et/ou professionnels préétablis, mais cherche à instaurer un dialogue avec tout individu susceptible
d’apporter des informations et des considérations favorisant la compréhension du cadre et des contraintes contextuelles. Au
cours du travail sur le terrain, plusieurs échanges informels ont eu lieu avec des personnes rencontrées de manière imprévue
pendant des visites ou intervenant de manière ponctuelle aux rencontres communautaires. titre indicatif, lors des analyses
conduites au Bangladesh, 20 habitations par région ont été examinées de manière détaillée et pendant les entretiens avec
leurs propriétaires, plusieurs autres personnes (de 1 à 5) ont parfois participé.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 43


Ce travail de thèse s’articule en trois parties distinctes qui reflètent les niveaux, différents mais
complémentaires, auxquels la recherche s’est rapportée. Ces parties n’ont toutefois pas le même
statut : la première introduit la question des actions entreprises par des organismes de coopération
et d’aide humanitaire vis-à-vis de la problématique de l’habitat en contexte à risque, en définissant
le cadre méthodologique, opérationnel et technique dans lequel la prise en compte des cultures
constructives vernaculaires peut se produire. Elle établit le cadre de référence dans lequel s’est
situé le développement des éléments principaux sur lesquels cette recherche a porté et qui sont
approfondis de manière détaillée dans les deux autres parties : l’investigation des modalités
d’identification située des cultures constructives vernaculaires ainsi que la caractérisation de leurs
contenus et apports potentiels à une réduction de la vulnérabilité.

Chaque partie développe de manière autonome une de ces thématiques, tout en se rapportant en
début et fin de chapitre à la réflexion d’ensemble constituant le « fil rouge » de cette recherche.
En outre, en conclusion de chaque partie, je propose des pistes contribuant à une diffusion des
résultats de ce travail entre chercheurs, praticiens et acteurs locaux, pour qu’ils puissent se rendre
utiles aux groupes et individus responsables de la mise en œuvre d’activités sur le terrain ainsi qu’en
charge de la construction d’environnements bâtis plus résilients.

La première partie, Interventions en zones à risques et facteurs contextuels : approches, contenus et


in uences, examine les démarches, les activités et les outils adoptés dans le cadre de programmes
d’amélioration de l’habitat et de réduction de la vulnérabilité envers des aléas naturels, conduits
de manière préventive ou subséquente à une catastrophe. Cette analyse s’articule sur la base de
trois aspects : l’approche de projet, le produit construit et le renforcement des compétences. Pour
chacun d’entre eux, j’identifie les facteurs qui influencent et déterminent la pertinence des stratégies
méthodologiques et techniques mises en œuvre, leur appropriation de la part des constructeurs et
populations ainsi qu’un renforcement diffus et direct des capacités locales de résilience. L’analyse
débouche sur un concept qui, associant préparation, réponse et réhabilitation, peut constituer une
piste pertinente à entreprendre pour améliorer la cohérence des approches et des propositions
élaborées vis-à-vis des spécificités du contexte d’intervention, depuis les phases initiales d’un
programme.

La deuxième partie, Pratiques locales, risques et milieu : une méthodologie d’analyse contextuelle, se
focalise sur les modalités d’identification des cultures constructives vernaculaires par un processus
d’analyse située, comme étape préalable à l’élaboration de toute activité. Je procède tout d’abord à
une revue critique des méthodes et supports existants, en relation aux concepts d’analyse directe et
participative, d’habitat et architecture vernaculaire ainsi que de vulnérabilité et relation aux risques.
Par la suite, je présente la méthodologie d’analyse des cultures constructives locales développée
du point de vue du processus de son élaboration, de son approche globale, d’une caractérisation
des paramètres et supports considérés ainsi que des modalités de son application avec une
référence particulière au travail effectué sur le terrain. Cette partie se conclut avec des observations
au regard des facteurs d’adaptation, des modalités d’appropriation et des niveaux d’application,
s’accompagnant de propositions spécifiques à ces éléments en vue d’une diffusion et utilisation de
cette méthodologie dans le cadre d’initiatives relatives au bâti vernaculaire et à la résilience, dans
des contextes exposés à des aléas naturels.

44 Cultures constructives vernaculaires et résilience


La troisième partie, Cultures constructives vernaculaires et aléas naturels : éléments de résilience,
entame une investigation de la relation entre les cultures constructives vernaculaires et les aléas
naturels, en se focalisant sur la caractérisation des dimensions et échelles auxquelles elle se
rapporte. La notion de « culture du risque » est ici explorée en relation à sa dimension technique
et constructive, en identifiant les mesures qui, de l’échelle du territoire à celle du détail constructif,
ont été intégrées aux modes de concevoir et construire des bâtisseurs vernaculaires pour réduire
la vulnérabilité de l’environnement bâti envers des phénomènes naturels majeurs. Cette partie se
termine avec la proposition de pistes méthodologiques et pratiques pour favoriser la production
et la diffusion des connaissances à l’égard des savoirs et savoir-faire vernaculaires parasinistres, en
vue de contribuer à leur (re)connaissance en tant que (res)sources essentielles pour améliorer la
résilience d’environnements bâtis actuels et futurs.

En guise de conclusion finale de la thèse, des considérations sont dressées au regard des limites tant
de la recherche que des propositions effectuées, ouvrant également des perspectives en relation aux
principaux éléments traités ainsi qu’à une réflexion du rôle possible de l’architecte dans la prise en
compte des cultures constructives vernaculaires, en tant qu’observateur et acteur pluridisciplinaire
facilitateur.

Les indications des références, en bibliographie et dans le texte avec le système (nom de l’auteur, date,
page), utilisent le style « doctorant AE&CC » proposé par la responsable du centre de documentation
de l’unité de recherche AE&CC et correspondant à la norme bibliographique internationale ISO 690.
La bibliographie à la fin de ce document contient toutes les références citées, structurées en ordre
alphabétique. Dans les annexes, les références et les bibliographies relatives aux différents éléments
présentés sont directement introduites dans chaque document.

Plusieurs types d’images (schéma, graphiques, photos, croquis) illustrent les propos présentés dans
le texte. Tous les éléments dont les sources ne sont pas référencées sont de l’auteur.

Les annexes comprennent des documents élaborés au cours de cette recherche et servant de
support au développement de certains de ses parties, mais dont l’étendue ou le caractère trop
spécifique ne permet pas leur intégration dans le corps principal du manuscrit de thèse. Ils sont ainsi
regroupés à la fin, selon un principe correspondant aux chapitres auxquels ils se réfèrent.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 45


46 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Fig.4: Haïti, Port-au-Prince, après le séisme de janvier 2010

Cultures constructives vernaculaires et résilience 47


48 Cultures constructives vernaculaires et résilience
On the one hand, will we have, as we commonly do have, supralocal agencies which plan for and
provide for people’s housing needs, with the result that the people so planned for and provided for
turn into consumers or passive beneficiaries. On the other hand, if housing is treated as a verbal
entity, as a means to human ends, as an activity rather than as a manufactured and packaged
product, decision-making power must, of necessity, remain in the hands of the users themselves. I
will go beyond that to suggest that the ideal we should strive for is a model which conceives housing
as an activity in which the users – as a matter of economic, social and psychological common sense
– are the principal actors 1

Le rôle et l’apport potentiel des cultures constructives vernaculaires dans le renforcement de la


résilience locale sont abordés à partir d’un questionnement des pratiques actuelles. Les actions
entreprises en relation au domaine de l’habitat correspondent à une multitude de programmes
conduits par un nombre très important d’organismes. Certains d’entre eux adoptent, par nécessité
et/ou volonté explicite, une démarche qui situe la prise en compte du contexte existant en tant
qu’aspect fondateur, structurant le projet depuis son origine.

L’expression « prendre en compte » assume ici une signification particulière, plus marquée que
« considérer », « intégrer » ou « tenir compte ». Ces dernières indiquent l’intégration d’un ou plusieurs
aspects (p.e. certaines caractéristiques du contexte) dans un ensemble défini (le programme), ce qui
sous-entend une certaine imprécision, voir marginalité, du rôle et de l’influence des premiers envers
les deuxièmes (le programme inclut des éléments du contexte, mais ces derniers peuvent avoir
une influence secondaire sur ses objectifs et contenus). Pour « prendre en compte », on entend en
revanche un mode de concevoir et procéder qui débute avec une analyse critique du contexte, pour
définir les objectifs et modalités de travail : c’est le programme qui s’inscrit dans le contexte à travers
un processus de compréhension préalable et de construction d’un projet émergeant des spécificités
de l’existant.

En vue de saisir le potentiel des pratiques vernaculaires dans la création et le maintien


d’environnements de vie soutenables et résilients, l’identification des approches existantes
fonde la compréhension des modalités et possibilités réelles, non seulement au regard de la
dimension constructive des programmes auxquels elles se réfèrent, mais également du cadre
méthodologique et opérationnel qui les caractérise. En fait, plusieurs facteurs interviennent dans
la détermination d’une réduction effective et durable des vulnérabilités existantes. Le contenu des
activités considérées et les modalités de leur mise en œuvre influencent fortement les possibilités
d’appropriation, reproduction et évolution des solutions techniques proposées. D’autre part, la
construction d’habitats moins vulnérables est étroitement dépendante des capacités, actuelles et
futures, de populations, constructeurs et autres acteurs actifs sur le terrain.

La cohérence et l’impact sur le long terme d’activités relatives au domaine de l’habitat sont
déterminées par les spécificités et la corrélation de quatre facteurs (Fig. 5). Le premier concerne
le contexte, qui établit le cadre de référence, tandis que les trois autres constituent les principaux
aspects caractérisant les programmes conduits par des organismes (non)gouvernementaux :

51 TURNER, John F.C., 1972. « Housing as a verb ». In : Freedom to build. New York : Macmillan, op. cit., p.153.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 49


• l’approche de projet : le positionnement global fondant les contexte
priorités et les choix stratégiques ;

• le produit construit : les approches et propositions


technologiques relatives à la produit
construction ; construit
approche
de projet
• le renforcement des capacités : les activités et les supports renforcement
des capacités
favorisant une amélioration des
pratiques constructives et de la
résilience. Fig.5: Composants de projet

Dans les chapitres suivants, j’approfondis ces trois derniers aspects en référence à des activités
de préparation et réponse aux crises. Pour ce faire, je considère des initiatives récentes o les
caractéristiques contextuelles, en terme de ressources, savoir-faires, spécificités du milieu social,
construit et naturel, ont constitué des paramètres décisifs dans la définition des actions entreprises.
Cette démarche vise à saisir - néanmoins sans prétention d’exhaustivité - les facteurs d’influence du
cadre d’intervention sur les spécificités et l impact d’un programme, en explicitant les différentes
modalités de prise en compte des cultures constructives vernaculaires, en relation aux critères
considérés, choix opérés et priorités établies par les institutions à l’origine de ces activités.

Parmi les pratiques courantes des organismes opérationnels (OG et ONG d’aide humanitaire et/ou de
développement), deux approches principales sont identifiables en relation au positionnement et à
la démarche stratégique adoptés : l’une se focalise sur la fourniture d’un produit (providing) ; l’autre
soutient un processus de développement des capacités cognitives, opérationnelles et décisionnelles
de groupes et individus (enabling). Cette dernière approche remet en question la notion de
« bénéficiaire » en tant que simple destinataire des activités mises en place, s’orientant vers une
conception des acteurs locaux (populations, mais également associations, professionnels, autorités)
comme partenaires de travail à impliquer, écouter et soutenir (Gr ne ald, 2005). La participation
de différentes parties prenantes et les modalités de sa concrétisation assument un rôle déterminant,
allant bien au-delà d’une simple contribution matérielle. Dans cette logique, les actions entreprises
ne se limitent donc pas à une « distribution » de constructions résistantes, mais visent à constituer
les conditions (environnementales, sociales, politiques, économiques et techniques) pour que les
populations, les constructeurs et les organisations locales soient en mesure d’accéder et développer,
de manière autonome et durable, des mesures réduisant la vulnérabilité de l environnement bâti et
humain (UNDP, 2009).

L’approche d’un projet est, par conséquent, étroitement corrélée à son principal centre d’intérêt : la
réalisation de bâtiments et/ou le renforcement de capacités. Ces deux aspects ne sont pas exclusifs,
mais ils peuvent être considérés simultanément en tant que composantes complémentaires
d’un même projet. Toutefois, la prédominance de l’un entre eux est rapportable à l’importance
variable attribuée à plusieurs facteurs influençant le déroulement et les effets (in)directs des
actions entreprises (Projet Sph re, 2011) ; facteurs qui sont associables à trois niveaux distincts et
interreliés52 :

52 Ces facteurs représentent les aspects sur lesquels la mise en œuvre du projet agit de manière directe et tangible, dans
certains cas même quantifiable. Un quatrième niveau se rapportant à la sphère culturelle pourrait être considéré ; néanmoins
les facteurs qui lui sont associables (p. e. le renforcement de l’identité culturelle, l’adéquation aux modes de vie) se rapportent
à des aspects dont la pertinence et effectivité sont difficilement estimables par des tiers et directement corrélées au degré
d’influence des bénéficiaires et de leur communauté dans la prise de décision et la gestion du processus de projet.

50 Cultures constructives vernaculaires et résilience


• le niveau social, comprenant :
- le soutien aux dynamiques (activités, réseaux et structures) existantes et à la cohésion sociale ;
- l’appui aux partenaires locaux pour la mise en œuvre des activités envisagées mais, surtout,
dans l’acquisition et le renforcement de compétences ;
- la création de synergies et collaborations, entre la pratique de terrain et de la recherche
(p.e. support par des centres universitaires à des activités de terrain), entre acteurs locaux et
internationaux (les premiers apportant une connaissance fine du contexte, les deuxièmes un
appui technique et/ou financier ciblé) ainsi que parmi des organisations et groupes travaillant
dans le même secteur opérationnel et/ou géographique ;

• niveau environnemental, en référence aux spécificités du produit construit :


- types, production et transport des matériaux ;
- potentiel de réutilisation de matériaux et/ou de parties de la construction suite à
l’endommagement ou à la démolition de la structure ;
- mise en place d’activités complémentaires ou de collaborations avec d’autres partenaires, pour
réduire l’utilisation (p.e. recyclage des matériaux) ou assurer une durabilité (p.e. replantation)
des ressources naturelles ;

• niveau économique, concernant :


- les retombées économiques, au cours du programme et par la suite, dans la zone d’intervention ;
- la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus au-delà de la durée du programme ;
- le développement de nouvelles filières pérennes et l’amélioration de celles existantes.

La considération de ces trois niveaux influence considérablement l’impact53 à long terme d’un projet.
La concrétisation de l’approche adoptée est étroitement liée à la typologie des parties prenantes, à
leur système relationnel et au rôle spécifique de chacune d’entre elles dans les processus décisionnels
et de gestion des activités.

53 On différencie ici impact et effet. Le terme « effet » indique l’incidence de l’action sur le milieu physique et humain
environnant , conjuguant résultats de l’action et autres dynamiques ou contraintes provenant du milieu dans lequel se
déroule l’action (Graugnard, Heeren, 1999, p. 10), tandis que le terme « impact » désigne des changements durables
observables à long terme (OECD, 2002 ; Folke, 2005). En particulier, l’impact d’une action est la situation issue de
l’ensemble des changements significatifs et durables, positifs ou négatifs, prévus ou imprévus, dans la vie et l’environnement
des personnes et des groupes et pour lesquels un lien de causalité direct ou indirect peut être établi avec l’action (Graugnard,
Heeren, 1999, op. cit., p. 12).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 51


Les acteurs, leurs modes d’interaction et degrés d’implication sont, dans ce chapitre, étudiés
à partir de cinq cas qui se réfèrent à des programmes reposant sur une démarche de prise en
compte des pratiques constructives locales associée à un renforcement des compétences et des
capacités existantes (enabling). Leur analyse s’est fondée sur plusieurs critères définis au cours
de cette recherche associés à d’autres couramment employés pour l’évaluation de l’impact des
projets54. Je présente ici une synthèse de leurs principales caractéristiques des cas considérés pour
le développement de ce chapitre55.

Projet 1 :
Contexte : Haïti
Objectif : Favoriser l’accès à une habitation sécurisée, solide et adaptable aux populations des
quartiers défavorisés
Stratégie : Construction
- mise au point d’un modèle constructif parasinistre et
économique déclinable selon la fonction du bâtiment ;
- développement d’un produit financier de type crédit logement
favorisant l’accès au logement ;
- formation technique et à la gestion d’entreprise pour des micro-
entreprises locales spécialisées dans la construction ;
- création de nouvelles filières de production de matériaux de
construction à partir du recyclage des débris.

Projet 2 :
Contexte : Haïti
Objectif : Valoriser les architectures et ressources locales pour un habitat durable du point de
vue économique, culturel, social et environnemental
Stratégie : Reconstruction de nouvelles habitations
- fourniture d’un modèle d’habitation composé d’un noyau
permanent, évolutif et parasinistre dont la typologie varie selon la
zone d’intervention ;
- utilisation d’un système constructif s’inspirant des pratiques
existantes et de l’optimisation de certaines techniques basées sur
des matériaux naturels localement disponibles ;
- création de compétences relatives aux nouvelles techniques par la
formation d’artisans locaux ;
- renforcement des capacités de gestion des partenaires locaux et
de l’organisation sociale des associations paysannes.

Fig.6: a) projet 1: bâtiment démonstratif, centre de concassage, Port-au-Prince (Haïti)


b) projet 2: module évolutif d’habitat, Rivière Froide (Haïti)
c) projet 3: habitation locale réparée, Cap Rouge (Haïti)
d) projet 4: habitation pilote, Gidari (Bangladesh)
e) projet 5: panneau informatif, Port-au-Prince (Haïti)

54 Les éléments présentés découlent d’analyses détaillées effectuées sur la base d’une grille commune et présentées de
manière plus exhaustive dans les annexes (cf. annexe A.1.2).
55 Lors des analyses conduites dans le cadre de cette recherche, ces projets étaient encore en cours. Cependant, leur suivi
sur plusieurs années (2010-2013) a permis d’apprécier les premiers effets au niveau local, ainsi que les facteurs ayant conduit
à des changements et évolutions de contenu et d’approche.

52 Cultures constructives vernaculaires et résilience


1

Fig.7: Localisation des programmes : Haïti et Bangladesh

Projet 3 :
Contexte : Haïti
Objectif : Contribuer à l’amélioration des conditions de vie des familles paysannes
Stratégie : Réparation d’habitats existants
- intégration aux constructions existantes de principes techniques
améliorant la durabilité et la résistance des systèmes constructifs
locaux ;
- appui financier et technique adapté au cas par cas ;
- formation technique d’artisans locaux ;
- renforcement des compétences de l’organisation de base dans la
gestion de projet et la mise en place de processus participatifs.

Projet 4 :
Contexte : Bangladesh
Objectif : Renforcer les capacités locales et institutionnelles pour la préparation et la réponse
aux crises
Stratégie : Consolidation d’habitats existants / construction d’habitations pilotes
- analyse des pratiques constructives, des ressources et des risques
en différentes régions du pays ;
- développement de prototypes d’habitat post-urgence en
adaptation aux spécificités de chaque zone ;
- définition et mise en œuvre de principes techniques pour la
réparation et l’amélioration de durabilité et de la résistance de
l’habitat des différentes zones considérées ;
- renforcement des compétences méthodologiques, opérationnelles
et techniques des communautés et de l’organisation locale, par la
mise en place de formations et d’un processus participatif.

Projet 5 :
Contexte : Haïti
Objectif : Améliorer la qualité des projets et des actions menées par différents organismes et
contribuer au renforcement des capacités locales
Stratégie : Communication
- constitution d’un centre de compétences techniques ;
- développement de matériel informatif et didactique au regard de
bonnes pratiques pour une construction parasinistre en relation à
une technique particulière ;
- création et amélioration des compétences techniques et
pédagogiques par la formation d’artisans et de formateurs locaux ;
- appui technique et méthodologique dans le cadre de projets de
reconstruction d’habitat menés par des organismes tiers.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 53


Différentes typologies d’acteurs participent à la conception et à la mise en œuvre d’un programme.
En relation aux cas analysés, neuf catégories ont été identifiées correspondant à divers niveaux
territoriaux (Tab. 1). Quelques-uns de ces acteurs se révèlent être constamment présents, tandis
que la présence (ou absence) de certains d’autres est directement liée à l’approche adoptée et au
centre d’intérêt (construction/capacités) des activités entreprises.

NIVEAU
INTERNATIONAL BAILLEUR ORGANISATION ORGANISME DE
DE FONDS RESPONSABLE CONSULTANCE
NIVEAU AUTORITES /
NATIONAL DECIDEURS
TECHNICIENS /
OPERATEURS
NIVEAU ORGANISATION
LOCAL CONSTRUCTEURS POPULATION BÉNÉFICIAIRES
DE BASE

Tab.1: Catégoriés d’acteurs

Autorités et décideurs : membres et/ou représentants d’organismes et de départements


gouvernementaux possédant un pouvoir décisionnel sur les politiques et
les approches d’aide et de construction ;
Bailleur de fonds : institution (publique et/ou privée) finançant en totalité et/ou
partiellement un programme et/ou certaines activités ;
Organisation responsable : organisme en charge du programme, généralement assumant un rôle
d’interface entre les institutions de financement et les individus, groupes
et organisations présents dans la zone de travail ;
Organisme de consultance : organisme (ONG/OG, centre de recherche, agence) fournissant un
appui technique et/ou méthodologique (p.e. aide à la décision) pour
la définition des spécificités du programme et des caractéristiques
du produit construit ; ce rôle peut être assumé par l’organisation
responsable, mais il est souvent attribué à un organisme tiers ;
Techniciens/opérateurs : professionnels (architectes, ingénieurs) travaillant pour le secteur privé/
public ou en tant qu’agents responsables d’activités de construction pour
l’organisation responsable ;
Organisation de base : association ou groupe auto-organisé fondé sur une présence et une
structure organisationnelle locale (au niveau du village, localité ou zone),
dont les membres proviennent d’une même communauté et/ou zone
géographique ;
Constructeurs : individus et professionnels directement impliqués dans la construction ;
Population : habitants de la zone de travail ;
Bénéficiaires : individus et groupes auxquels les activités du programme s’adressent
de manière spécifique, incluant aussi bien le public cible d’activité de
formation que les (futurs) utilisateurs d’un produit construit.

54 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans les exemples considérés, trois catégories d’acteurs ont été identifiées comme récurrentes.
Celles-ci sont associables à trois fonctions distinctes :

bailleur de fonds >>> appui financier


organisme de consultance >>> appui méthodologique et/ou technique
organisation responsable >>> gestion du projet et mise en œuvre des activités

La présence constante de ces fonctions révèle l’importance qui leur est attribuée dans le processus
de projet. Leurs spécificités sont néanmoins variables en fonction du degré de contrôle assumé par
le bénéficiaire dans la définition et gestion des activités. cet égard, quatre démarches principales
sont identifiables parmi les pratiques courantes d’organismes (non)gouvernementaux. Leur
distinction s’effectue en relation à la catégorie d’acteurs en charge de la définition et de la gestion
des différentes phases d’un projet et, en particulier, des activités liées à la construction (Barakat,
2003 ; Jha, Duyne Barenstein, Phelps, et al., 2010, op. cit.) :

1_ gestion par l’agence d’aide : l’ensemble du processus est géré par l’organisme responsable ; le
degré d’implication des bénéficiaires et de la population peut être
très variable et les activités de construction être déléguées à des
entreprises privées ;

2_ gestion par la communauté : appui financier et technique fournis par l’intermédiaire


d’organisations communautaires, activement impliquées dans la
prise de décision et dans la gestion des activités ; un appui financier
et un support technique peuvent être fournis par un ou plusieurs
organismes ;

3_ gestion par le bénéficiaire avec accompagnement : les habitants gèrent le processus de


construction au niveau individuel, avec un appui financier associé
à un dispositif de support technique et réglementaire pour assurer
une construction de qualité ;

4_ gestion par le bénéficiaire : les habitants assument la gestion complète du processus de


construction sur la base d’un appui financier sans aucun support
technique.

Les cinq programmes de référence ont été analysés sur la base de six critères établis à partir des
particularités de ces démarches, prenant en compte également le rôle des différents acteurs dans la
prise de décision et la gestion des activités que leur contribution aux activités de construction (Tab.
2). Ces exemples se réfèrent à trois des quatre modèles établis et il est intéressant de noter qu’à un
même modèle correspondent de fait plusieurs modalités et degrés d’implication des bénéficiaires.

contrôle par gestion des financement de appui et suivi apport de apport de


le bénéficiaire activités la construction technique main d’oeuvre matériaux

projet 1
MODELE _1
projet 2

projet 3
MODELE _2
projet 4

MODELE _3 projet 5

Tab.2: Approches de gestion

Cultures constructives vernaculaires et résilience 55


Différentes analyses d’interventions dans le secteur de l’habitat, en particulier pour la réhabilitation
post-catastrophe (Schilderman, 2004 ; Duyne Barenstein, 2006 ; Modan, 2008), ont souligné
comment les caractéristiques du modèle de gestion influencent deux aspects découlant directement
des activités entreprises : la satisfaction des bénéficiaires et la réduction à long terme de leur
vulnérabilité. Le premier est étroitement corrélé à l’adéquation du produit construit aux nécessités
et désirs tant individuels que collectifs. En revanche le deuxième aspect est déterminé par la qualité
des matériaux et de leur mise en œuvre ainsi que par la possibilité d’introduire des améliorations
durables des pratiques courantes. De fait, si un apport financier est souvent indispensable, il n’est
cependant pas suffisant pour assurer une construction de qualité, tant du point de vue de son
adaptation aux besoins et aspirations de ses habitants que de sa durabilité et résistance structurelle.

présent, de plus en plus d’organismes reconnaissent la nécessité de mettre davantage les


bénéficiaires et les populations locales au centre du processus, tant décisionnel qu’opérationnel.
Plusieurs expériences56 ont en effet démontré le potentiel d’une telle approche, non seulement en
terme d’adaptation et pertinence des ses résultats, mais également d’efficacité tant dans l’échelle
d’application57 que sur la rapidité du processus58. L’impact des activités entreprises est directement
lié au degré de participation des bénéficiaires et de la communauté dont ils font partie, mais
également à une amélioration des pratiques existantes, pour laquelle une compréhension des
modes de construire et des spécificités contextuelles se révèle indispensable. De fait, une relation
étroite existe entre résilience, participation et prise en compte des cultures constructives locales.

Les acteurs impliqués dans un programme et le système relationnel (Tab. 4) régissant les échanges
qui se produisent sont représentatifs de l’approche adoptée et du groupe cible visé en tant que
destinataire direct des activités entreprises. Si la définition et le déroulement de ces dernières sont
directement influencés par le type et le nombre des parties prenantes ainsi que par les interrelations
subsistant entre elles, l’implication d’une multiplicité d’individus et de groupes, influençant les
processus décisionnels, peut conduire à une décentralisation et à une redistribution des rôles et
responsabilités.
De fait, le rôle spécifique à chaque catégorie d’acteur s’explicite par les modalités d’implication dans
les processus décisionnels et opérationnels du projet (Tab. 3). Plus particulièrement, l’influence que
le niveau de la « base » (les bénéficiaires et l’ensemble des populations de la zone de travail) a sur la
définition du cadre conceptuel d’un programme est révélatrice de l’importance attribuée aux acteurs
locaux par les agents externes59. L’approche d’un projet se rapporte, en effet, à la signification que
la notion de « participation » assume au sein de celui-ci (Oakley, 1991 ; Byrne, 2003 ; Groupe URD,
2010) :

- la participation comme moyen pour atteindre des objectifs prédéfinis et pour réaliser les activités
prévues de la manière la plus efficace et économique ; les résultats de ces activités sont de fait
considérés comme plus importants que l’acte de participer (projets 1 et 2) ;

56 Parmi les exemples récents, les cas de la reconstruction au Gujarat (séisme, 2001), en Inde et au Sri Lanka (séisme et
tsunami, 2004) ainsi qu’au Pakistan (séisme, 2005) sont à cet égard particulièrement représentatifs.
57 Dans la réhabilitation post-séisme au Pakistan, une approche basée sur la gestion par le « bénéficiaire avec un
accompagnement technique et financier » a été adoptée pour la reconstruction de 463 128 habitations, dont 45% employant
des techniques vernaculaires améliorées (ERRA, 2011).
58 Deux ans après le tsunami de 2004 dans l’Océan Indien, le 77% des 63 469 habitations reconstruites au Sri Lanka a été
réalisé sur la base d’une approche impliquant activement les bénéficiaires dans la définition et la gestion des activités de
reconstruction. Seulement 19% ont été réalisées selon une approche de gestion « par agence d’aide » (les 4% restant ont été
réalisées en dehors d’un programme officiel). De fait, dans ce dernier cas les constructions achevées représentent 48% du
total visé, tandis que dans le premier le 60% (Lyons, 2009).
59 La distinction entre acteurs locaux et agents externes s’effectue à des multiples niveaux : organisation internationale/
organisation locale ; organisation locale travaillant à échelle nationale/organisation de base ; etc.

56 Cultures constructives vernaculaires et résilience


- la participation comme but, supposant une implication des acteurs locaux dans l’ensemble du
cycle de projet sur la base d’un échange réciproque entre les deux groupes d’intervenants,
autour d’un objectif commun (projet 4) ;
- la participation comme outil de soutien aux dynamiques et initiatives locales par un apport en
matériaux, un appui financier et/ou un support technique (projets 3 et 5).
bénéficiaire
communauté
En fonction du rôle des acteurs locaux, la participation
population
peut donc devenir un « éléments dans les objectifs du
projet » ou la « dynamique fondamentale » sur laquelle
le projet se construit (Oakley, 1991). Cette différenciation
se reflète également dans le groupe cible visé par un
programme (Fig. 8): le bénéficiaire, la communauté, la
population au sens large. une « décentralisation » des
responsabilités correspond, de fait, un élargissement de
1 3
l’échelle d’influence des activités entreprises, passant du
niveau individuel à celui du collectif (Lankatilleke, 2010). Fig.8: Groupes cibles 2 4

projet 1 projet 2 projet 3 projet 4 projet 5

stratégie et objectifs

modalités de mise en oeuvre

types d’activités à mener

caractéristiques du
produit construit
implication complète implication partielle
Tab.3: Niveaux décisionnels

relation directe
relation indirecte

Tab.4: Relations entre les acteurs

Légende : autorités / décideurs bailleur de fonds organisation responsable organisme de consultance


techniciens / opérateurs organisation de base constructeurs population bénéficiaires

Cultures constructives vernaculaires et résilience 57


caractéristiques définition et gestion
produit construit des activités
1 2 4 3

adéquation à choix des rythmes et


une planification modalités de travail
prédéfinie 1 2 4 3

limitée à élargie à l’ensemble


certains groupes de la population
socioéconomiques 1 2 3 4

limité à la technique et
conception/ méthodologique
exécution technique 1 2 4 3 continu

modèle dispositifs
typologique techniques
1 2 4 3

choix poctuel libre choix de la


d’éléments typologie architecturale
secondaires 1 2 4 3 et constructive

unicité de solution catalogue de solutions +


et d’application multiplicité d’application
1 2 3 4

focalisation sur les environnement naturel,


artéfacts construits bâti et humain
1 2 3 4

1 2 3 4

niveau(x) cible

1 2 3 4

niveau(x) cible

Tab.5: Schémas comparatifs

Légende : autorités / décideurs bailleur de fonds organisation responsable organisme de consultance


techniciens / opérateurs organisation de base constructeurs population bénéficiaires

58 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’approche d’un projet est déterminée par un ensemble de facteurs concernant aussi bien les
caractéristiques des acteurs impliqués que les paramètres et les processus décisionnels qui le
structurent. Les spécificités de ces facteurs reconduisent au centre d’intérêt du projet (construction/
capacités) et ont une influence sur l’impact des activités entreprises. En fait, une forte corrélation
subsiste entre l’approche et les deux autres composantes d’un programme : le produit construit
et le renforcement des capacités. La relation entre ces trois éléments est ici approfondie par le
croisement des spécificités des approches propres aux cinq programmes considérés (Tab. 5).

De cette analyse deux aspects ressortent comme conditionnant de manière directe le potentiel
des actions entreprises vis-à-vis de la construction d’un environnement bâti résilient et durable :
l’adaptation des propositions constructives aux choix et modes d’habiter des bénéficiaires et des
populations ; le renforcement des capacités techniques et de gestion des acteurs impliqués. partir
des cinq cas de référence, différents éléments émergent permettant la caractérisation des critères
influençant ces deux aspects.

L’adaptation des propositions constructives aux choix et modes d’habiter des bénéficiaires et des
populations, est directement corrélée :

• au type de propositions constructives. Les modèles typologiques se basent sur une uniformisation
de certains traits récurrents dans les architectures existantes. En particulier dans le cas de
modèles d’habitations, cela restreint sensiblement les possibilités d’adaptation à la diversité des
modes d’habiter et des caractéristiques du site ; ce qui comporte une adaptation des habitants au
produit fourni plutôt que l’adaptation de celui-ci aux nécessités et aspirations de ses occupants.
De fait, plus les propositions se concentrent sur des principes et dispositifs techniques, plus les
populations pourront les intégrer aux typologies architecturales qui mieux leur conviennent (Tab.
5 : lignes 5+6) ;

• à la diversité des solutions techniques proposées ainsi que leur possible application. La
proposition d’une variété d’options correspondant à différents niveaux de technicité et de
disponibilité financière favorise leur accessibilité à un large nombre d’individus appartenant à
divers groupes sociaux et/ou économiques. Ce faisant, les nouvelles propositions s’adaptent
aux capacités de chacun, ne limitant pas les choix futurs des bénéficiaires et des populations
(Tab. 5 : lignes 3+7). En outre, considérer des principes d’amélioration technique comme des
solutions pouvant être intégrées aussi bien à la réalisation de nouvelles constructions que lors
de la consolidation/réparation de l’existant, encourage la mise en place préventive de mesures
de réduction de la vulnérabilité ;

• au niveau d’influence des bénéficiaires et des populations locales dans la définition, la gestion
et la mise en œuvre des activités. La liberté de décider les conditions et les modalités de travail
en accord aux pratiques et modes habituels, ainsi que la possibilité de choisir parmi différentes
solutions techniques favorisent une adaptation maximale du processus constructif et du produit
construit aux besoins et aspirations des bénéficiaires (Tab. 5 : lignes 5+7+6) ;

• au soutien de l’existant. Fonder les choix techniques et opérationnels sur les pratiques, ressources
et compétences existantes en y associant une consultance technique aux différentes phases de
prise de décision contribue au développement d’un large éventail d’options, tant constructives
que méthodologiques, favorisant ainsi l’accessibilité et l’adaptation aux capacités, besoins et
désirs des populations (Tab. 5 : lignes 2+4+8+3).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 59


Le renforcement des capacités techniques et de gestion est directement corrélé :

• au degré d’implication des parties prenantes au processus décisionnel. En effet, une forte
participation à la prise de décision de la part des différents acteurs permet d’accroître les
contributions et de multiplier les possibilités d’apprentissage réciproque découlant d’un échange
de connaissances et compétences (Tab. 4+ Tab. 5 : ligne 9) ;

• à la proposition de dispositifs techniques plutôt que de modèles typologiques. En effet, ces


derniers fournissent une image et une procédure d’application figées des solutions proposées,
tandis que les premiers fournissent des « outils » laissant ouvertes les possibilités et modalités
de leur mise en œuvre ; ce qui favorise davantage leur reprise et intégration dans les pratiques
courantes des constructeurs locaux (Tab. 5 : lignes 5+9) ;

• à l’importance du rôle assumé par les acteurs locaux dans les processus décisionnels et
opérationnels. En effet, plus l’implication de la « base » dans la définition et gestion des
activités est importante, plus les capacités à échelle locale sont renforcées, tant au niveau de la
construction qu’au niveau de la gestion d’activités de projet et de processus participatifs (Tab. 5 :
lignes 1+9).

60 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans la pratique architecturale ordinaire, différents critères influencent le choix du système
constructif que les populations locales mettent en œuvre pour la réalisation de leur habitat (Fig. 9).
Si certains se rapportent à une dimension socioculturelle (imaginaire collectif, statut social, groupe
d’appartenance, etc.), quatre d’entre eux exercent une influence déterminante sur la sélection
et l’adoption des technologies à employer : la disponibilité des matériaux sur le marché local ou
dans l’environnement naturel proche du site de construction ; la facilité d’accès à des compétences
spécifiques pour leur mise en œuvre ; l’accessibilité économique de matériaux et compétences en
relation aux disponibilités financières ; la durabilité et la capacité de la structure à résister à l’impact
des aléas naturels.

Dans les phases de réhabilitation post-urgence, les organismes d’aide proposent souvent
des systèmes constructifs reconnus comme structurellement efficaces (car répondant à des
réglementations et/ou à des critères scientifiquement validés), mais substantiellement différents
de ceux couramment employés par la population locale. Bien que les activités de construction
soient fréquemment associées à d’autres visant à la constitution de compétences relatives aux
nouvelles solutions techniques, plusieurs cas révèlent après quelques années un retour massif aux
technologies employées avant la catastrophe ; et cela principalement en raison d’une inadéquation
au contexte socioculturel et environnemental et/ou d’une inaccessibilité économique, technique et
matérielle des solutions proposées (Jigyasu, 2001, op. cit. ; Boen, Jigyasu, 2005 ; Caimi, Hofmann,
2010, op. cit.).

L’appropriation de nouvelles mesures de réduction de la vulnérabilité du bâti est en fait directement


dépendante des techniques auxquelles elles font appel. Si celles-ci se fondent sur l’utilisation de
matériaux et compétences facilement et localement disponibles et si leur coût, entre matière
et main d’œuvre, est équivalent à celui des technologies habituellement employées, alors les
nouvelles solutions seront prises en compte par la population comme des alternatives viables, et
donc adoptables, allant même au-delà de l’image sociale associée aux matériaux et techniques de
construction.

Fig.9: Critères d’adoption

Cultures constructives vernaculaires et résilience 61


Dans les constructions vernaculaires, l’équilibre entre ces facteurs est tout naturellement géré par
les habitants, propriétaires et constructeurs, en balançant les aspects environnementaux, sociaux,
culturels et économiques. En revanche dans le cas de programmes menés par des organismes d’aide,
la priorisation et l’optimisation de certains paramètres au détriment d’autres sont généralement le
résultat de décisions prises par des agents externes et/ou établies en relation à des contraintes
extérieures au contexte de travail.

Les interventions relatives au domaine de l’habitat se structurent couramment en relation à des


phases temporellement distinctes (avant/après la crise mais également urgence/réhabilitation),
différenciation qui se reflète dans les caractéristiques du « produit construit » ainsi que dans les
types d’activités entreprises. Dans les chapitres suivants, je considère ces éléments en les rapportant
au potentiel de contribution des cultures constructives locales. Pour chaque phase et activité, la prise
en compte de ces dernières se révèle non seulement possible mais indispensable pour assurer la
pertinence des actions entreprises et pour dépasser l’écart entre court et long terme en s’inscrivant
ainsi dans un logique de continuité d’utilisation, fonction et résilience.

Les interventions qui exercent l’influence la plus directe sur la vulnérabilité à long terme et sur la
qualité de vie des populations affectées sont celles relatives à une construction de type permanent.
Elles comprennent la réparation, la consolidation et la re-construction du bâti, effectuées aussi bien
de façon préventive que suite à l’impact d’un aléa naturel. Ces différentes approches sont étroitement
corrélées au degré d’exposition au risque et d’endommagement subi par la construction, ainsi qu’à
la pertinence de l’investissement requis et à la volonté et capacités des populations elles-mêmes60
(Corsellis, Vitale, 2010 ; Schneider, 2012). La pertinence de chaque démarche varie au cas par
cas, tant entre régions différentes que dans la même zone et selon les caractéristiques du contexte.
Son choix se révèle par conséquent stratégique : si d’une part il peut favoriser une accélération
du processus de rétablissement (Barakat, 2003), d’autre part il peut également conduire à une
aggravation ultérieure de la précarité et de la vulnérabilité, à court et long terme (Cerasoli, 2009 ;
Labattut, Deprez, 2009, op. cit.).
Pour chaque type d’action, les modalités de prise en compte des modes locaux de construire
et d’habiter influencent directement les caractéristiques du produit construit. De même, elles
déterminent le potentiel d’accessibilité financière et technique, de réplication de la part des
populations ainsi que d’intégration des nouvelles solutions technologiques dans les pratiques
constructives courantes et, en particulier, leur assimilation en tant que composantes de la culture
constructive locale.

La caractérisation suivante de ces trois activités se fonde sur les définitions présentes dans la
littérature (Barakat, 2003, op. cit. ; Corsellis, Vitale, 2010, op. cit. ; Jha, Duyne Barenstein, Phelps,
et al., 2010, op. cit.) que j’associe à des exemples dérivant de programmes analysés au cours de cette
recherche. Pour ces derniers des éléments techniques propres à la démarche de construction et des
considérations se rapportant à un niveau méthodologique sont spécifiés. En effet, si l’impact d’un
programme va bien au delà de la dimension purement technique, ses composantes méthodologiques
en sont néanmoins étroitement liées.

60 Après le séisme de 2010 en Haïti, des analyses des pratiques existantes en relation à l’habitat et aux risques ont été
conduites en liaison avec la présente recherche (cf. chap. 5.9.1). Dans certaines zones rurales, celles-ci ont mis en évidence
comme plusieurs propriétaires d’habitations endommagées, mais facilement réparables, ont préféré reconstruire une
nouvelle maison à côté de celle préexistante, dans la plupart des cas sans même en réutiliser les matériaux. Les raisons de ce
choix résident, selon les personnes interrogées (habitants, membres de la communauté, opérateurs d’organisations locales),
dans des facteurs relatifs aux croyances religieuses.

62 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cette activité repose sur une remise en état d’un bâtiment suite à un
endommagement, une dégradation ou une destruction partielle. Elle peut
comprendre des ajouts et/ou modifications pour rendre la structure conforme
aux normes et/ou à des principes assurant sa stabilité de manière durable.
Cette démarche requiert une prise en compte des spécificités de chaque
construction ainsi qu’une adaptabilité maximale des propositions techniques
aux caractéristiques de l’existant. Par conséquent, elle nécessite une expertise
particulière (de techniciens et/ou constructeurs) dans l’évaluation de la
structure et des stratégies d’intervention.

En relation aux contraintes posées par cette approche, la démarche adoptée dans le cadre d’un
projet de réparation post-séisme en Haïti61, se révèle particulièrement intéressante. Elle se fonde
sur une adaptation au cas par cas, avec des interventions techniques dimensionnées aux dommages
effectifs et aux nécessités de chaque bénéficiaire. Les propositions constructives ont été adaptées
à chaque situation particulière, en respectant le site d’implantation et les surfaces habitables
d’origine. Les matériaux employés dérivent d’une récupération des débris et des parties structurelles
des habitations préexistantes ainsi que des ressources localement disponibles (en nature ou sur
le marché). Les bâtiments ont été, partiellement ou complètement, démontés et remontés, en
intégrant des dispositifs améliorant la durabilité et le comportement structurel, sur la base de
principes nouveaux ou déjà en utilisation au niveau local, facilement intégrables aux constructions
existantes et ne requérant pas des investissements économiques importants (Figs. 10 a, b et c).

Fig.10: Cap Rouge (Haïti), exemple d’intervention sur une habitation existante (crédits: O. Moles):
a) dégâts causés par le séisme de 2010 ;
b) travaux de réparation et amélioration de la structure originaire ;
c) état à travaux terminés

Cette activité concerne la modification préventive du bâti et/ou le renforcement


de bâtiments endommagés en vue d’une amélioration de leur durabilité,
résistance et résilience. Elle peut comporter des changements importants de la
structure originaire. Complémentaire à des interventions de réparation suivant
l’impact d’un aléa, la consolidation du bâti existant nécessite néanmoins une
expertise technique supplémentaire au regard des matériaux de construction
et des typologies structurelles ainsi que des possibles effets induits sur le
bâtiment par des aléas naturels.

61 Projet conduit par l’organisation de base Vedek avec l’appui de la Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement
Alternatif (PAPDA) et le CRAterre-ENSAG, suite au séisme de 2010 en Haïti (cf. annexe A.1.2).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 63


Dans le cadre d’un programme de réduction de la vulnérabilité62 au Bangladesh, plusieurs propositions
ont été développées en accord aux spécificités des diverses zones d’intervention. Pour chaque
région des dispositifs techniques particuliers ont été identifiés, en relation aux caractéristiques
des typologies constructives, des ressources et des compétences existantes (Figs. 11 a et b). Ces
améliorations considèrent, pour un même problème (p.e. érosion du soubassement), plusieurs
options (p.e. masse d’usure, renforcement en pierres, soubassement en maçonnerie de briques)
correspondantes à différents matériaux, coûts et techniques (Figs. 12 a et b). Ces propositions
vont de solutions simples à moindre coût (p.e. recyclage de matériaux) à des investissements plus
conséquents (p.e. utilisation de matériaux produits industriellement).

Fig.11: Région de Chittagong, adaptation à la typologie constructive Fig.12: Région de Dinajpur, protection de la base des
(crédits: O. Moles) : poteaux selon techniques et coûts différents :
a) habitation sur plateforme, contreventement de la a) bâche en plastique et traitement avec
structure portante ; créosote ;
b) habitation sur soubassement, masse d’usure b) base en ciment.

Pouvant s’effectuer également dans des contextes non exposés à des aléas
naturels, cette activité comprend la construction ex-novo de nouvelles
structures et/ou le remplacement de structures gravement endommagées, sur
la base de dispositions réduisant les facteurs de risque, parmi lesquelles on
inclut une éventuelle relocalisation.

En relation à des interventions de construction, plusieurs approches existent. Ici, j’en présente deux,
l’une qui s’inspire des architectures locales pour la reconstruction post-catastrophe, l’autre qui se
fonde sur une réinterprétation des techniques constructives existantes pour suggérer des pistes
pour une meilleure soutenabilité dans le domaine de la construction.

Le premier cas se réfère à un programme de reconstruction in situ63 portant sur la réalisation de


modules d’habitations évolutifs et à coût modéré, se substituant aux habitations détruites ou
s’ajoutant à celles encore existantes (endommagées ou intactes). Selon la région de travail, la
typologie architecturale varie sur la base d’un ou deux modèles, se fondant sur un principe structurel
similaire et intégrant des nouvelles techniques valorisant les ressources disponibles, ainsi que des

62 Programme conduit par Caritas Bangladesh avec un appui technique et méthodologique de la Bangladesh University of
Engineering and Technology et du CRAterre-ENSAG (cf. annexe A.1.1).
63 Programme conduit dans le cadre de la reconstruction suivant le séisme de 2010 en Haïti par quatre organisations locales
membres de la Plateforme d’Agroécologie et Développement Durable (PADED), en partenariat avec l’organisation allemande
Misereor (cf. annexe A.1.2).

64 Cultures constructives vernaculaires et résilience


dispositions constructives améliorant la durabilité et résistance par rapport aux pratique existantes
(Figs. 13 a et b).
Le deuxième cas se rapporte à la réalisation64, dans une région non affectée par des aléas naturels
majeurs, de différentes constructions à caractère public et privé proposant une revisitation des
typologies architecturales locales et de nouvelles manières de mise en œuvre des techniques
traditionnellement employées (Figs. 14 a et b). Cette approche vise, d’une part, à suggérer des
modalités d’amélioration de la durabilité et de la performance des technologies existantes et,
d’autre part, à valoriser et promouvoir le potentiel offert par certains matériaux naturels, localement
associés à une image d’archaïsme et pauvreté.

Fig.13: Zone de Kenskoff (Haïti), reconstruction post-séisme : a) habitat existant (crédits: J. Hosta) ; b) habitation nouvelle

Fig.14: Bangladesh, réinterprétation de la construction en terre et bambou :


a) habitat existant ; b) nouvelle habitation ; c) école

Les exemples considérés permettent de dégager des éléments méthodologiques directement


corrélés à la dimension technique du projet ainsi qu’à la détermination des conditions contribuant
à une adaptation et appropriation des solutions techniques de la part des bénéficiaires directs et
d’autres membres de la population.

Le maintien des typologies architecturales et constructives existantes (par la réparation plutôt que
la construction et/ou par des propositions favorisant une évolution cohérente avec les pratiques
locales) contribue à une intégration maximale de l’intervention au contexte (Fig. 15).
Le principe de core house65 permet d’atteindre un grand nombre de bénéficiaires sur la base d’un

64 Projets réalisés au Bangladesh par l’organisation locale Dipshikha en partenariat avec l’architecte autrichienne Anna
Heringer. Ce projet n’a pas fait l’objet d’une analyse détaillée dans le cadre de cette recherche, mais son approfondissement
a été effectué lors d’une analyse de terrain en décembre 2011.
65 Construction d’un noyau habitable de base, composé d’au moins une pièce, pouvant par la suite être complété et agrandi
avec des structures complémentaires (extensions, annexes, etc.). Cette approche est considérée comme se situant à mi-
chemin entre la construction permanente et temporaire. Elle emploie en effet des technologies permettant la réalisation

Cultures constructives vernaculaires et résilience 65


principe d’équité (chacun reçoit le même type d’aide) et dans des temps relativement rapides
(rationalisation logistique, dimension réduite de la construction). Dans le cas d’interventions post-
catastrophe l’adoption de cette approche permet de fournir un espace habitable de base extensible
(Fig. 16), en cas d’habitation préexistante détruite, ou supplémentaire, en cas d’habitation
préexistante endommagée ; toutefois, sa flexibilité d’adaptation aux besoins effectifs (p.e. type
d’espace, nombre d’occupants, etc.) reste considérablement limitée.
En revanche, la définition des interventions au cas par cas contribue de manière décisive à une
adhésion des réponses aux exigences et possibilités spécifiques individuelles (p.e. variation dans
la surface construite). Ce potentiel d’adaptation croît ultérieurement lors que les propositions
constructives portent sur un large éventail de solutions techniques, plutôt que typologiques,
s’accordant à la diversité des nécessités et des capacités (techniques et financières) et applicables à
différentes typologies constructives et architecturales présentes dans la même zone.

Cette dernière approche requiert cependant une certaine souplesse du cadre de projet ainsi que
des compétences particulières des acteurs qui en sont en charge. Dans la réponse à une crise,
ces conditions peuvent déterminer une limitation de l’échelle du projet, en raison de la grande
variabilité des paramètres en jeu. Néanmoins, la multiplication de cas se fondant sur une adaptation
particularisée favorise la réponse à des besoins individuels d’un grand nombre de personnes, plutôt
que leur imposer de se conformer à un seul type de construction, répondant difficilement de manière
satisfaisante aux particularités de chacun. D’autre part, la flexibilité et les compétences nécessaires
représentent des éléments essentiels à développer dans des activités de préparation aux crises,
permettant ainsi de constituer des bases pour une réponse efficace et pertinente aux crises futures.

Si, au niveau opérationnel, cette approche demande l’établissement d’un processus de prise de
décision et de gestion clair et équitable pour assurer une conformité à des exigences effectives, la
variabilité de chaque situation particulière peut impliquer que l’aide prévue pour chaque bénéficiaire
ne soit pas totalement utilisée ; ce qui permet, dans certains cas, l’inclusion d’un plus grand nombre
de personnes qu’initialement prévu.

ces aspects s’ajoute l’importance de la mise en œuvre préventive de mesures de réduction de la


vulnérabilité du bâti permettant une amélioration de l’habitat existant ainsi qu’une diffusion de ces
pratiques parmi la population, de façon à en favoriser la réutilisation dans le cas d’une réhabilitation
post-catastrophe. Ce processus ne nécessite pas forcement d’investissements importants, mais au
contraire peut s’appuyer sur des réalisations ponctuelles et typologiquement différentes.

Fig.15: Cap Rouge (Haïti), intégration au paysage architectural : à gauche habitation réparée, à droite habitation existante
Fig.16: Zone de Kenskoff (Haïti), extension du module de base

d’une structure permanente, toutefois les dimensions de l’espace habitable ne sont généralement pas suffisantes pour un
(re)logement définitif (Corsellis, 2012).

66 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les types d’intervention considérés jusqu’à présent se rapportent essentiellement à l’échelle du
bâtiment, voire de sa structure. L’habitat ne se constitue toutefois pas par une simple multiplication
de constructions. Au contraire, il découle d’une interaction forte entre l’environnement naturel et
humain dans lequel il se situe. Les caractéristiques du site (de la parcelle jusqu’au territoire) entourant
une construction influent considérablement sur sa vulnérabilité, qui n’est de fait pas déterminée
uniquement par les caractéristiques structurelles et physiques du bâtiment.

Les interventions des agences d’aide se focalisent souvent sur des aspects extrêmement précis
et sectoriels (abris, équipements sanitaires, etc.), spécialement en situation de post-urgence.
Cependant, cette démarche risque d’exaspérer des tendances de dégradation de l’environnement
(p.e. déforestation) ou d’abandon de certaines pratiques permettant de réduire la vulnérabilité aux
aléas ainsi que d’assurer une gestion équilibrée et durable du cadre de vie.
Le niveau d’action considéré n’est toutefois pas nécessairement déterminé par la phase d’intervention
(préparation, réhabilitation, développement), mais plutôt par l’approche politique et opérationnelle
adoptée par les organismes d’aide et, relativement souvent, dictée par les bailleurs de fonds. Selon
les modalités d’intervention, les conditions du contexte et les éventuelles synergies avec d’autres
institutions, les activités concernant l’habitat se situent à différentes échelles, allant de la proposition
de solutions purement techniques et constructives jusqu’à l’intégration d’une planification et
gestion à échelle territoriale. Elles peuvent même se pousser au-delà de l’application sur le terrain,
s’inscrivant au niveau des politiques en matière de gestion de l’aide, de construction et d’éducation.

partir des cas précédemment considérés, j’ai identifié cinq différents niveaux d’action (Fig. 17):
la structure (p.e. dispositifs techniques intégrables aux structures existantes), l’habitation (p.e.
réalisation d’un nouveau noyau habitatif), l’espace de vie (p.e. habitations intégrant des équipements
sanitaires), l’environnement construit et naturel (p.e. planification communautaire du territoire), le
cadre politique (p.e. validation et certification d’un système constructif).
Pour les quatre premiers niveaux, une prise en compte des cultures constructives locales s’effectue
lors de la conception et de la mise en œuvre des activités, tandis que dans le cinquième niveau elle
s’opère en forme de plaidoyer en vue de leur reconnaissance par les instances officielles (organismes
gouvernementaux, bailleurs de fonds, etc.). La reconnaissance formelle des systèmes constructifs
vernaculaires assume en effet un rôle particulièrement important car elle permet leur inclusion dans
les normes et règlements de construction, dans les cursus d’enseignement et, lors de la réhabilitation
après une catastrophe, elle favorise le soutien financier et technique à des initiatives de particuliers
et d’organisations s’appuyant sur ces technologies66.

structure

habitation

espace de vie

environnement
construit et naturel

cadre politique

Fig.17: Niveaux d’action

66 L’exemple de la reconstruction après le séisme de 2005 au Pakistan est particulièrement significatif. Les techniques de
construction officiellement approuvées pour la reconstruction se sont révélées adaptées uniquement à des zones aisément
accessibles. Dans les régions de montagne, les gens n’avaient pas d’autres options que de reconstruire et/ou réparer d’eux même
leur maison avec les matériaux et les techniques locales, sans aucun support (financier et technique) de l’Etat. Un plaidoyer
auprès du gouvernement pakistanais a été entrepris par des organisations internationales en vue d’une reconnaissance
des systèmes constructifs vernaculaires. La validation de ces techniques a permis non seulement leur intégration parmi les
critères permettant aux propriétaires d’obtenir un financement, mais également la mise en place de formation pour assurer
un support technique spécifique, favorisant ainsi une amélioration et persistance des pratiques (Schacher, 2008b).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 67


Suite à une catastrophe, bien que le retour à une situation de (re)logement permanent représente
une priorité essentielle, le recours à des solutions temporaires se révèle souvent inévitable. La
réhabilitation et la réalisation de constructions durables nécessitent dans de nombreux cas un temps
considérable, que ce soit pour des contraintes d’ordre économique (p.e. manque de financement),
administratif (p.e. absence de titre de propriété), d’accessibilité aux sites (p.e. zones très reculées)
ou de gestion du projet (p.e. détournement de fonds).

Les populations entreprennent très rapidement des initiatives pour s’assurer un minimum de sécurité,
tandis que les interventions d’organismes (non)gouvernementaux sont limitées par les conditions
imposées par les mécanismes et politiques de gestion, tant de la crise que des ressources financières
pour y répondre. En particulier en relation à la phase d’urgence, la plupart des financements alloués
par des bailleurs internationaux sont assujettis à des échéances d’utilisation à très court terme.
Bien qu’il s’agisse de montants souvent très importants, les conditions auxquels ils sont soumis ne
permettent pas aux organismes en charge des interventions de concevoir et mettre en œuvre des
actions à long terme67.

Lors d’une catastrophe, des interventions particulières relatives à l’habitat s’interposent donc entre
le moment de l’impact de l’aléa et les activités concernant des structures permanentes. Dans la
phase d’urgence, différents types d’abris sont mis en place par la population et par des organismes
(non)gouvernementaux. De par leurs spécificités physiques, ces structures sont habituellement
conçues pour avoir une fonction provisoire et éphémère. En relation aux produits fournis par des
agences d’aide, une distinction peut être opérée entre deux types principaux d’un point de vue
de leurs propriétés et durabilité. Les abris temporaires ont l’objectif de fournir un refuge dans la
période immédiatement suivante une catastrophe ; ils se basent sur des principes et composants
simples (p.e. tentes ou bâches en plastique) favorisant une distribution et/ou une mise en œuvre
très rapide. En revanche, les abris transitionnels se caractérisent par une structure plus solide et
durable (p.e. ossature en bois clôturée par une bâche), fournissant un espace habitable couvert
destiné à accueillir la population dans l’attente d’une vérification de l’habitabilité des bâtiments, de
leur mise en sécurité ou de l’achèvement de la construction de nouvelles habitations. Ces sont donc
des structures dont l’utilisation peut varier entre quelques mois à plusieurs années.

Si les interventions relatives à une construction permanente vont directement influencer les
modes de vie et la vulnérabilité à long terme des populations concernées, celles spécifiques à une
phase transitoire ne sont pas de moindre importance, notamment vis-à-vis des possibilités qu’elles
offrent en vue d’un passage à des solutions de (re)logement plus durables. Les typologies d’abris
transitionnels habituellement fournis par les organismes d’aide se différencient selon leur fonction
potentielle une fois la construction permanente achevée. Vouées à une durabilité limitée, ces
structures peuvent présenter des potentiels intéressants, tant pendant qu’après leur utilisation,
rapportables à quatre principes applicables distinctement ou simultanément (Corsellis, Vitale,
2008, 2010, op. cit. ; Corsellis, 2012, op. cit). Leur définition s’appuie sur des cas concrets découlant
d’observations effectuées au cours et précédemment à cette recherche, faisant ressortir les
éléments, explicitement planifiés et/ou latents, favorisant une adaptabilité aux conditions sociales
et contextuelles ainsi qu’une transition vers des solutions plus à long terme.

67 Ce qui n’empêche cependant pas à certaines agences de conduire pendant plusieurs années des actions correspondantes
à un type d’intervention caractérisant généralement une phase d’urgence, telles que la fourniture d’abris transitionnels. En
Haïti, certaines organisations internationales étaient toujours en train de construire des structures éphémères deux ans et
demi après le séisme qui a déterminé leur intervention (source : analyse de terrain 2012).

68 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Abri évolutif ou « permanentisable » : pendant son utilisation, il peut être
amélioré jusqu’à devenir une structure permanente, par l’extension spatiale et
structurelle, l’entretien ou le remplacement des matériaux originaux avec des
solutions plus durables.

Certains des abris fournis suite au séisme de 2010 en Haïti, reprennent les
caractéristiques constructives et architecturales de l’habitat local tout en les
optimisant en réponse à des questions logistiques. Constituées d’éléments
préfabriqués préparés en kit et transportées sur le terrain, ces structures
intègrent des dispositifs améliorant les modes de construction ordinaires, tant
du point de vue de la durabilité que de la résistance structurelle. En outre,
elles peuvent être pérennisées selon la même logique que les constructions
vernaculaires, par l’application d’un enduit effectuable par les habitants mêmes
(Figs. 18 a, b et c).

Abri réutilisable : une fois les activités de reconstruction permanente terminées,


il est utilisé pour des fonctions autres que l’habiter.

Grâce à la durabilité des matériaux employés, les abris fournis après le tsunami
de 2004 dans la province d’Aceh (Indonésie) ont été souvent reconvertis à
d’autres usages (en particulier comme échoppes) une fois la reconstruction
permanente terminée (Fig. 19a). Dans ce cas, la modularité des composants
limite toutefois considérablement leur réutilisation pour d’autres types de
structures.

Abris revendable : la structure peut être démontée et ses matériaux revendus.

Le surdimensionnement structurel de certains abris présente un potentiel de


gain qui, bien que non intégré à la conception de la structure, est souvent saisi
par les bénéficiaires. En Haïti, certains occupants ont affirmé vouloir démanteler
et revendre des éléments composant la structure des abris qui leur ont été
fourni (Fig. 19b). La modification de la structure de manière non prévue risque
toutefois d’en affaiblir la résistance et/ou la durabilité ; de ce fait, une prise en
compte d’éventuelles altérations de la structure originaire résulte indispensable
à anticiper lors de sa conception (Schneider, 2012, op. cit).

Abri recyclable : la structure est progressivement démantelée pendant le


processus de reconstruction et ses matériaux sont réutilisés dans la construction
permanente.

Au fil des ans, les habitants apportent souvent des modifications de la structure
originaire pour en améliorer la durabilité et le confort. Ce qui a été le cas au
Bangladesh o la structure primaire de l’abri a été gardée, mais l’espace
habitable a été agrandi en clôturant la véranda et construisant une pièce à
l’arrière, les panneaux de clôture ont été substitués par des murs solides et ils
ont été utilisés pour réaliser un faux-plafond, pour réduire la chaleur causée par
la couverture de la toiture en tôle (Fig. 19c).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 69


Fig.18: Haïti: a) habitat existant ; b) abri fourni après le séisme de 2010 ; c) pérennisation de l’abri par l’application d’un enduit
en ciment

Fig.19: a) Indonésie, l’abri fourni suite au tsunami de 2004 est employé comme échoppe (droite) une fois la reconstruction
permanente achevée (gauche) ;
b) Haïti, abri post-séisme, le propriétaire envisage de vendre des parties de la structure en bois ;
c) Bangladesh, modification de l’abri fourni suite au cyclone de 2007

Les exemples présentés font émerger l’importance de situer chaque intervention dans une logique
de continuité temporelle qui, lorsqu’elle puise dans les pratiques et ressources existantes, ne peut
qu’apporter une contribution ultérieure au redressement des populations. Cette prise en compte
se révèle particulièrement pertinente non seulement pour la reconstruction permanente, mais
également dans le cas des abris transitionnels, voire même des abris temporaires. Anticiper le mode
d’évolution des structures pour qu’elles soient cohérentes avec une transition vers des solutions
permanentes, prévoir la réutilisation des matériaux mais également l’emploi de technologies dont
la modification, réparation et entretien peuvent être effectuées de manière autonome par les
habitants ainsi que permettre à des interventions et des investissements ciblant une période courte
de se révéler utiles sur le long terme, sont parmi les aspects qui mettent en évidence le potentiel et
l’importance d’une prise en compte des pratiques et cultures constructives locales depuis les phases
initiales des interventions post-catastrophe.

70 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans les pratiques courantes des organismes (non)gouvernementaux, les interventions relatives aux
abris transitionnels se basent généralement sur une optimisation permettant une rationalisation et
rapidité de distribution et de montage. En dépit des recommandations et lignes guides diffusées
au niveau international (UNDRO, 1982 ; UN-OCHA, 2006 ; Corsellis, Vitale, 2008, op. cit.), elles
s’appuient encore très souvent sur des modèles standardisés, qui répondent certes à des critères
de résistance structurelle mais qui font également appel à des matériaux importés, négligeant les
typologies architecturales et constructives locales. Malgré l’importante évolution qui a eu lieu dans
la conception de l’aide au relogement, pour de nombreuses agences l’intervention se termine avec
la conclusion de la phase de distribution d’abris transitionnels (Batchelor, 2011). La focalisation sur
ces derniers, tant au niveau opérationnel que d’affectation de ressources financières et humaines,
risque donc de s’imposer au détriment d’une construction permanente68.

Les enseignements tirés des expériences de ces dernières décennies ont conduit à des changements
dans la conception des approches d’intervention et, plus particulièrement, de la transition entre
urgence et réhabilitation. Dans la réponse à une crise, la fourniture d’abris transitionnels n’est
plus concevable en tant que phase opérationnelle distincte, basée sur la distribution de produits
préfabriqués importés depuis l’étranger, mais elle devient « une manière de procéder » (Projet
Sph re, 2011, op. cit.), l’étape d’un processus progressif débutant avec l’apport d’une aide d’urgence
initiale et s’étalant jusqu’à des solutions de (re)logement définitif.
Si dès la phase d’urgence les interventions effectuées dans le domaine des abris et dans les domaines
connexes de l’habitat doivent appuyer les stratégies d’adaptation existantes et promouvoir
l’autosuffisance et l’autogestion au sein de la population concernée (Ibid., p. 280), l’approche
adoptée, les propositions constructives élaborées ainsi que les spécifications des matériaux et le
choix des techniques à utiliser doivent dépendre également de l’aptitude technique et financière de
la population touchée par la catastrophe à entretenir et réparer les abris (Ibid., p. 301).

Au-delà de la satisfaction d’un besoin primaire et de ses caractéristiques purement techniques, le


produit construit ne se limite pas à une structure pour s’abriter, mais il se réfère et intègre d’autres
facteurs influençant tant la pertinence des solutions proposées par rapport au contexte que la
vulnérabilité de ses habitants. Par conséquent, l’intégration à la conception de la phase d’urgence
d’une future évolution vers une réhabilitation, associant la réponse à des besoins immédiats
à l’anticipation d’une transition vers des solutions d’hébergement plus durables, assume une
importance encore plus marquée.

En relation aux différents types et phases d’action, la prise en compte des cultures constructives
locales se révèle comme un facteur déterminant, présentant pour chacune d’entre elles un potentiel
de contribution considérable vers la re-constitution d’habitats résistants, résilients et répondant aux
désirs et besoins de leurs habitants.

D’une part, fonder les interventions d’urgence sur les techniques et les matériaux couramment
employés ainsi que sur les capacités des populations à ré-inventer des solutions constructives à partir
des ressources disponibles (p.e. recyclage de débris ou d’abris temporaires) favorise la proposition de
solutions pertinentes et efficientes, en terme de coût et de rapidité de la construction. D’autre part,

68 Dans la banlieue de Port-au-Prince (Haïti), une organisation internationale a entrepris un programme de distribution d’abris
transitionnels pour reloger provisoirement la population affectée par le séisme de 2010. Les activités ont été prévues sur une
période de trois ans, la même durée que la durabilité estimée des structures fournies. En fait, les premiers bénéficiaires
sont contraints de chercher rapidement d’autres solutions, tandis que les derniers ont dû en trouver par leurs moyens dans
l’attente de recevoir une structure qui demeure temporaire, tant en relation à sa durée de vie qu’à la fonction à laquelle elle
supposée répondre : offrir un abri dans l’attente d’une solution plus durable (source : analyses de terrain, février 2011).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 71


la prise en compte des pratiques constructives ordinaires dans la phase de post-urgence se révèle
essentielle pour la conception et réalisation de nouvelles propositions architecturales et techniques
s’inscrivant dans une logique d’accessibilité et de réduction de la vulnérabilité à long terme. Le recours
à des technologies localement connues et maîtrisées, basées sur des compétences déjà existantes,
ouvre aux communautés sinistrées la possibilité de poursuivre le processus de redressement et
de réhabilitation vers des solutions de relogement appropriées, de manière quasi indépendante.
Néanmoins, une diversification des solutions proposées s’avère indispensable pour répondre à la
diversité existante. Concevoir les propositions constructives en tant que « palette d’options », plutôt
que « paquets standardisés », prenant en compte les divers caractères socioculturels, possibilités
d’investissement et niveaux de technicité me paraît à ce propos une piste innovante, laissant
les populations libres de choisir celle(s) qui leur convien(nen)t le plus, en relation aux besoins et
capacités de chacun.

Identifier des dispositifs techniques permettant une amélioration substantielle des constructions
existantes mais également une réparation suite à l’impact d’un aléa naturel (Fig. 20). Elaborer des
propositions d’abris d’urgence qui, dans leur conception et matérialité, incluent une évolution
future vers des constructions permanentes capables de répondre aux exigences individuelles et aux
contraintes contextuelles. La continuité des logiques et des pratiques entre avant et après la crise,
entre existant et nouveau ne peut de fait s’abstraire d’une approche d’anticipation, dans laquelle
les cultures constructives locales fournissent le canevas pour élaborer des nouvelles stratégies et
modalités de construction d’environnements bâtis résilients.

Dans ce processus, s’appuyer sur les connaissances, capacités et ressources existantes, au niveau
local, permet de situer la conception, tant de l’approche adoptée que des spécificités techniques
relatives à la construction, dans la continuité des pratiques constructives actuelles et futures.
Pareillement, la prise en compte des spécificités de l’habitat, des groupes et individus et du contexte
dans son ensemble contribue à tisser un lien étroit entre la réponse à une situation d’urgence,
la réhabilitation suivante une crise et la mise en place préventive de mesures de réduction de la
vulnérabilité. Et ceci en les inscrivant dans le parcours d’évolution de la culture constructive d’une
communauté.

existant consolidation

(re)construction
améliorée

crise
réparation

abri transitionnel

Fig.20: Phases de gestion des crises et de prise en compte des cultures constructives locales

72 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans les régions exposées à des aléas naturels majeurs, la plupart des bâtiments composant
l’environnement construit sont réalisés, presque exclusivement, grâce à l’observation directe et à
l’expérience des artisans et populations locales (Arya, 2000). Les savoirs et les compétences des
constructeurs assument, par conséquent, un rôle particulièrement important dans la création et
le maintien de communautés moins vulnérables. Pareillement, les aspirations et les exigences des
individus influencent fortement la réalisation d’un environnement bâti plus sûr. La connaissance,
de la part d’une communauté, des risques auxquels elle est exposée et des actions qu’elle peut
entreprendre pour se préparer à l’impact des aléas naturels et pour en atténuer les conséquences,
est donc un facteur déterminant : sans cette connaissance, elle ne peut pas se mobiliser pour se
protéger.

Lors d’initiatives relatives au domaine de l’habitat, l’approche adoptée, au niveau organisationnel,


décisionnel et opérationnel, ainsi que les caractéristiques physiques du produit construit ont une
influence directe sur l’impact des activités entreprises. En revanche, l’importance attribuée au
renforcement des compétences et capacités locales influence de manière décisive la vulnérabilité
future d’une communauté.

Le concept de « compétence » se rapporte à un pouvoir pour agir en fonction d’une situation


donnée. Les compétences, savoir-faire de haut niveau, permettent d’affronter une situation singulière
et complexe, en concevant, organisant, structurant, évaluant, restituant, pour inventer des réponses
appropriées et ne pas reproduire des réponses stéréotypées (Coudel, Tonneau, Piraux, 2009, p. 4).
Alors que les « capacités » sont définissables comme les habilités organisationnelles et techniques,
les relations et les valeurs qui permettent aux pays, organisations, groupes et individus à tous les
niveaux de la société d’exercer des fonctions et de réaliser leur objectifs au fil du temps (Morgan,
1998, p. 2, trad. A. Caimi). Elles intègrent donc aussi bien des compétences et des connaissances que
des relations, des valeurs et des attitudes (Matachi, 2006). En se rapportant aux aléas naturels, le
concept de capacité se traduit dans la combinaison de toutes les forces et ressources disponibles au
sein d’une communauté, société ou organisation qui peuvent réduire le niveau de risque, ou les effets
d’une catastrophe (UNISDR, 2004, p. 16, trad. A. Caimi). De fait, la capacité n’est pas un état passif,
mais partie d’un processus continu , étroitement lié au système, environnement ou contexte dans
lequel les individus, les organisations et les sociétés agissent et interagissent (UNDP, 1998, p. 10).

Le renforcement des capacités consiste ainsi en un processus de développement de connaissances,


habiletés et expériences des individus au sein d’une communauté, d’une organisation ou
d’une société69. Dans le domaine de la construction, ce processus s’appuie sur la mise en place
d’activités d’apprentissage, d’enseignement et de communication permettant le développement,
l’enrichissement et le perfectionnement des savoirs et savoir-faire existants. Par rapport aux
capacités de résilience, il vise à déclencher une modification des comportements et des critères
décisionnels considérés70, par une prise de conscience envers les risques locaux et par l’intégration,
aux pratiques quotidiennes, de mesures de réduction de la vulnérabilité favorisant l’émergence et la
consolidation d’une «culture du risque» (T igg, 2004).

69 Selon la définition établie par l’OCDE et adoptée par différentes institutions, le renforcement des capacités est le
processus par lesquels les individus, les organisations et la collectivité dans son ensemble libèrent, créent, renforcent, adaptent
et préservent les capacités au fil des ans (OCDE/CAD, 200 , p. 14).
70 he only form of building improvement programme which has the potential to result in widespread improvements is
one which changes the building decisions made by the poor in their own construction projects, designed and paid for by
themselves (Dudley, Haaland, 1993, p. 1).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 73


De par sa définition, le renforcement des capacités ne peut s’abstraire de l’existant, en terme de
compétences, mais également de pratiques et connaissances humaines ainsi que de contraintes et
potentialités posées par le milieu socioculturel et naturel. Les chapitres suivants approfondissent les
modalités de concrétisation de ce processus qui, bien qu’indiqué par plusieurs organismes comme
étant une composante indispensable pour une réduction de la vulnérabilité à long terme, reste
encore largement à étudier et à pratiquer. En raison des limites de la littérature existante au regard de
cette thématique, les contenus des chapitres suivants puisent essentiellement dans des documents
élaborés par des organismes internationaux ainsi que dans mon expérience et des échanges directs
avec des acteurs opérationnels, parmi lesquels en particulier les membres du laboratoire CRAterre-
ENSAG.

Le renforcement des capacités se rapporte à trois différents niveaux étroitement corrélés, voire
interdépendants, caractérisant un même système contextuel (UNDP, 1998 ; Matachi, 2006) :

• le niveau individuel : constituant le premier niveau d’action pour réduire l’exposition des
individus aux aléas naturels, par la prise de connaissance et la mise en
œuvre, de la part de propriétaires et habitants, de mesures constructives
et/ou comportementales techniquement et financièrement accessibles
permettant de diminuer la vulnérabilité envers les risques locaux ;
• le niveau organisationnel : se référant à des organisations ou groupes formels et/ou informels
influençant une réduction de la vulnérabilité à échelle locale. Au-delà de la
dimension purement technique, ce niveau inclut des aspects opérationnels
relatifs à la préparation, gestion et réponse aux crises ;
• le niveau environnemental : comprenant les organismes responsables de la définition du cadre
institutionnel, sociopolitique et économique dans lequel s’inscrivent
les activités et les possibilités d’action d’individus et organisations. En
particulier, cela se réfère à la mise en place de politiques de réduction des
risques ainsi que de réglementations relatives au secteur de la construction.

Pour chacun de ces trois niveaux, une correspondance peut être établie avec différentes typologies
d’acteurs, dont les connaissances et compétences influent sur la résilience, de l’échelle de l’individu
à celle du système régissant les dynamiques et les actions au niveau contextuel (Fig. 21).

décideurs : bailleurs de fonds, autorités et collectivités, cadres et gestionnaires de projet


techniciens : architectes et ingénieurs (du secteur public/privé ou travaillant pour des
organisations), chercheurs et spécialistes du génie parasinistre

formateurs : enseignants d’instituts de formation (universitaire, professionnelle, etc.),


opérateurs de terrain, animateurs
entrepreneurs: producteurs, fournisseurs de matériaux, constructeurs
(p.e. entreprise générale)
artisans
autoconstructeurs
grand public : habitants, propriétaires, bénéficiaires de projet

Fig.21: Niveaux de renforcement des capacités

74 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’importance d’une prise de conscience de mesures de protection envers les risques existants ainsi
que l’acquisition et amélioration des compétences techniques sont, depuis longtemps, reconnues
comme un composant essentiel de tout programme de réduction de la vulnérabilité (Bethke, Good,
Thompson, 1997 ; UNISDR, 2007). Toutefois, si le concept de renforcement des capacités est devenu
une notion incontournable à intégrer aux objectifs et contenus de nombreux projets, l’attention
réelle attribuée au développement des activités qui y sont corrélées reste encore souvent marginale.
L’impact effectif de la communication et de la diffusion d’informations et connaissances est, en effet,
difficilement mesurable et leur efficacité n’est vérifiable que sur le long terme (T igg, 2004, op.
cit. ; Folke, 2005). Ce qui conduit de nombreux bailleurs de fonds et organismes, opérationnels
et académiques, à concentrer davantage leurs efforts (aussi bien économiques que techniques)
sur le produit construit, plus facilement et rapidement visible et quantifiable. Par conséquent, les
supports et les activités mises en place pour le renforcement des capacités assument fréquemment
un caractère « accessoire », malgré leur influence décisive sur la compréhensibilité, la transmission
et l’application des principes diffusés.

Pour assurer une pertinence des informations transmises et leur accessibilité effective de la part
des différents acteurs, les outils employés nécessitent de se rapporter au contexte (institutionnel,
géographique, social et construit) spécifique auquel ils se réfèrent. Cette mise en relation demande
des connaissances particulières (en relation aux risques ainsi qu’aux typologies et pratiques
constructives locales) et le développement de stratégies, activités et supports de communication
spécifiques (Schacher, 2008, op. cit.). Si la stratégie définit l’approche globale et le(s) niveau(x)
du système contextuel visé, les activités et les supports constituent les outils d’élaboration et
diffusion de connaissances et compétences. Les premières définissent le type d’action tandis que les
deuxièmes représentent les instruments effectifs, s’adressant à des publics particuliers, sur lesquels
les activités s’appuient.

Quatre activités principales sont au fondement du processus de renforcement des capacités (Fig.
22): l’information, la sensibilisation, la démonstration et la formation.

S’adressant à chacun des niveaux identifiés, ces (re)découverte


activités correspondent à différentes étapes information
caractérisant le processus de découverte, acquisition
et adoption de nouvelles solutions et compétences sensibilisation
(Dudley, Haaland, 1993). Elles s’appuient sur une
diversité de méthodes, employant des modes de démonstration
communication mono, bi et pluri directionnels, allant
d’un apprentissage passif, basé uniquement sur formation
l’écoute et/ou la visualisation, à un apprentissage actif
fondé sur l’expérience directe et la mise en application application
(Aysan, Clayton, Cory, et al., 1995).
Fig.22: Étapes du processus d’apprentissage

La complémentarité de ces quatre activités s’explicite tant en relation à un seul et même public
qu’envers des publics variés. L’acquisition de compétences particulières associées à des nouveaux
dispositifs constructifs nécessite une sensibilisation préalable au regard de leur rôle et intérêt en
relation aux aléas locaux et aux pratiques existantes. Pareillement, si une formation d’artisans à des
nouvelles solutions technologiques ne s’accompagne pas d’une sensibilisation des futurs maîtres
d’ouvrage, envers leur fonction et avantages, leur application risque d’être très réduite, surtout
lorsqu’elle implique un investissement plus important que les pratiques ordinaires. L’amélioration
des connaissances et compétences de différents acteurs permet en revanche d’établir une synergie
entre les décisions et les activités entreprises par chacun, favorisant une prise en compte diffuse
des risques et de mesures de réduction de la vulnérabilité (Mumtaz, Mughal, Stephenson, 2008).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 75


Si les quatre activités mentionnées auparavant nécessitent d’être mises en place à des niveaux
multiples et de manière simultanée, la différenciation des publics auxquels elles s’adressent demande
une adaptation du contenu, du langage, des moyens de communication et du niveau de technicité,
en relation à chaque groupe cible considéré. En conséquence, le choix, la conception et l’utilisation
de supports de communication impliquent le recours à des compétences spécifiques (graphiques,
techniques, communicatives) associées à une connaissance approfondie des interlocuteurs visés et
du contexte de référence (p.e. modes de construction, matériaux généralement employés, modes
de représentation).

En considération de l’influence que les savoirs et savoir-faire des populations, bâtisseurs, décideurs
et autres acteurs ont sur la construction d’un environnement bâti effectivement et durablement
résilient, il me paraît intéressant d’approfondir les spécificités relatives à chacune des quatre
activités identifiées, en relation aux supports utilisables ainsi qu’au public spécifique auquel ils
s’adressent. Pour ce faire, je m’intéresse essentiellement aux outils développés et mis en œuvre
par des organismes non gouvernementaux, principaux canaux de diffusion et d’introduction de
nouvelles connaissances et compétences. Les systèmes et mécanismes de diffusion traditionnels
constituent des moyens de communication également valables ; cependant leur caractéristiques,
fonctionnement et valeurs sont spécifiques à chaque milieu culturel et correspondent, souvent, à
une définition de rôles bien précise (entre maître et apprenti, entre savant et apprenant). Ce qui
rend assez difficiles et délicates leur identification et utilisation par des tiers, spécialement s’ils sont
extérieurs au contexte de travail. Néanmoins, une complémentarité entre ces deux systèmes peut
favoriser une majeure diffusion et assimilation des innovations proposées (D’Arcy, 1992 ; Dudley,
Haaland, 1993 ; Norton, Chantry, 2008).

Les contenus considérés peuvent se référer aussi bien à des pratiques locales déjà existantes, pour
en promouvoir leur reconnaissance et application, qu’à des nouvelles pratiques dérivant de la
recherche scientifique et/ou de mesures courantes dans d’autres régions et pays ayant démontré
leur efficacité et se révélant pertinentes du point de vue du contexte socioculturel, économique,
technique et naturel.

Toutes les activités ne sont pas forcement pertinentes et cohérentes avec les objectifs d’un programme
ainsi qu’avec les capacités (techniques, organisationnelles et communicatives) possédées par les
acteurs et organismes responsables. Plus particulièrement, la définition de la stratégie, des activités
et supports considérés pour le renforcement des capacités est représentative de l’importance
qui lui est attribuée dans l’approche de projet, et notamment du centre d’intérêt (construction/
capacités) spécifique au programme (cf. chap. 1.1). Par conséquent, différentes stratégies et outils de
communication peuvent être adoptés dans un même contexte selon les priorités et les compétences
des organismes qui sont présents. Et cela aussi bien dans le cadre d’initiatives de préparation que de
réhabilitation après une catastrophe.

L’approfondissement des particularités et de la versatilité de certains outils, ainsi que la mise en


évidence de la complémentarité de différentes démarches applicables simultanément dans le même
contexte, me paraissent particulièrement intéressants à effectuer en relation à des exemples situés.
La caractérisation de chacune des quatre activités considérées se fonde sur la définition d’un cadre
théorique s’appuyant sur l’examen de plusieurs supports employés par différents organismes dans
des contextes variés (Burke, 1999 ; T igg, 2004, op. cit. ; Mumtaz, Habib Mughal, Stephenson,
2008 ; Schacher, 2008, op. cit. ; Shrestha, Dixit, 2008 ; NSET, 2009 ; IFRC, 2011). Les informations
qui en découlent sont structurées sous forme de tableaux associant à chaque outil son public cible.
Leur synthèse constitue l’amorce d’un « catalogue » d’outils parmi lesquels les acteurs impliqués dans
la diffusion de connaissances pourraient choisir ceux les plus appropriés en relation au contexte, aux
objectifs, aux contenus et publics de référence.

76 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Diffusion d’informations permettant de prendre connaissance71 des principales caractéristiques des
risques locaux et de l’existence de bonnes pratiques permettant d’atténuer et se préparer à l’impact
des aléas.
Les contenus sont exposés avec des messages simples, présentés de façon permanente ou périodique
(p.e. à l’approche de la saison cyclonique) dans des endroits publics relatifs à des situations de la vie
quotidienne (p.e. rues, marchés, zones de passage, etc.).

autoconstructeurs

entrepreneurs,
grand public

fournisseurs

techniciens
formateurs

décideurs
artisans
promouvant un seul concept ou
Affiches et
structurées en série représentant des
peintures
étapes d’un même message

un seul message exposé sur des


Affichage mobile supports se déplaçant dans des zones
différentes (p.e. sur des voitures, bus)

indiquant les grands principes


techniques et comment trouver
Flyers et brochures
des informations et/ou un support
supplémentaire

illustrant les particularités des


constructions et pratiques locales, ainsi
Expositions
que des exemples construits dérivants
de leur analyse et amélioration

sous forme d’annonce « publicitaires »


Journaux
et/ou d’articles

Publications fournissant des épreuves et


scientifiques informations techniques

destinées aux enfants et/ou à un public


Bandes dessinées
illettré

diffusion d’annonces ponctuelles, de


débats ou d’explications à un large
Émissions radio
public, même dans des zones éloignées,
au niveau local et national
informant sur les grands principes
Réunions techniques et comment trouver
communautaires des informations et/ou un support
supplémentaires
centres fixes ou mobiles de conseil
Info points
technique
journées commémoratives et/ou
Événements festifs
d’information

destinés au regard de bonnes/


Jeux
mauvaises pratiques

informations et documentation
Plateforme web
technique

Tab.6: Outils d’information et publics cible prioritaire secondaire

71 Informer : faire savoir quelque chose à quelqu un, porter quelque chose à la connaissance de quelqu un (Centre National
de Ressources Textuelles et Lexicales).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 77


Diffusion de renseignements et explications succinctes favorisant une compréhension et une prise
de conscience72 au regard des risques existants, des facteurs de vulnérabilité et des actions pouvant
être entreprises, individuellement et collectivement, pour réduire l’exposition aux aléas naturels. Les
informations peuvent concerner les caractéristiques des phénomènes locaux, leurs conséquences
sur l’environnement naturel et construit ainsi que les facteurs déterminant la vulnérabilité des
constructions, des mesures structurelles pour améliorer leur comportement et les principes
régissant leur fonctionnement structurel.

autoconstructeurs

entrepreneurs,
grand public

fournisseurs

techniciens
formateurs

décideurs
artisans
supports graphiques de promotion
Calendriers des bonnes pratiques de construction
parasinistre

documentaires et séries faisant


Émission radio/TV référence à des bonnes pratiques
constructives et/ou comportementales
sketch diffusables via les média (TV,
Spots audio/visuels radio, internet) ou lors de séances
particulières
support de débats gérés par un
Fiches illustrées animateur faisant ressortir les bonnes/
mauvaises pratiques existantes
support à échelle réduite pour
Maquettes l’explication des grands principes
techniques
comportement d’un ou plusieurs
Table vibrante mobile
systèmes constructifs à échelle réduite
consultation technique fournie par des
Équipes mobiles
techniciens sur place et au cas par cas
nouvelles propositions constructives
Visites
et/ou observation de l’existant
débats et échanges d’expériences et
Séminaires
d’informations parmi différents acteurs
récits, théâtres, chansons, etc.
Représentations au regard de bonnes pratiques
techniques/comportementales

Tab.7: Outils de sensibilisation et publics cible prioritaire secondaire

Fig.23: a) Haïti, affiche sur la voie public pour la préparation à la saison cyclonique ;
b) Pakistan, jeu de serpents et échelles de sensibilisation aux inondations (crédits : UN-HABITAT Pakistan);
c) Népal, clinique mobile de consultation sur chantier pour une construction parasismique (crédits: NSET)
72 Sensibiliser : rendre sensible, réceptif, attentif à quelque chose (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).

78 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Exposition des technologies constructives par des supports montrant73 les caractéristiques
structurelles, constructives et esthétiques des principes proposés. Ces supports peuvent permettre
la mise en application des composantes pratiques des formations, fournir une validation scientifique
et normative des propositions techniques, constituer un catalogue de solutions à disposition des
décideurs, techniciens, constructeurs et du grand public.

autoconstructeurs

entrepreneurs,
grand public

fournisseurs

techniciens
formateurs

décideurs
artisans
échelle et typologie architecturale
Maisons pilotes similaires à celle des habitations
existantes et/ou à construire

échelle et typologie architecturale variées


Bâtiments démonstratifs permet de démontrer la polyvalence des
principes proposés
à échelle 1 : 1 de parties de la
construction et/ou montrant des détails
Modèles
généralement non visibles
(p.e. axonométrie éclatée)
des technologies vernaculaires et
Expérimentations
nouvelles propositions basées sur les
scientifiques
techniques et matériaux locaux

Documentation modélisation et détails des typologies


technique architecturales et constructives

au regard des principes proposés et en


Analyse
comparaison avec des solutions n’incluant
coûts-bénéfices
pas les cultures constructives locales
des systèmes constructifs intégrant
Certifications les matériaux locaux et les techniques
vernaculaires

Tab.8: Outils de démonstration et publics cile prioritaire secondaire

Fig.24: a) Bangladesh, maquettes d’habitation pour la discussion avec les communautés (crédits: Caritas Bangladesh) ;
b) Népal, démonstration sur table vibrante mobile des bonnes pratiques parasismiques (crédits: NSET) ;
c) Haïti, essai sur table vibrante pour validation scientifique, projet ReparH

73 Démontrer : montrer (à plusieurs personnes assemblées), fournir la preuve de quelque chose (Centre National de
Ressources Textuelles et Lexicales).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 79


Processus d’acquisition74 de savoirs et savoir-faire, sur la base de méthodes et de pratiques
d’enseignement, visant à améliorer les compétences techniques et pratiques existantes. Bien qu’une
distinction puisse être opérée entre la notion de formation et d’éducation75, le terme « formation »
est ici privilégié pour indiquer l’ensemble des différents types d’enseignement : professionnels
et académiques, formels et informels76, pratiques et/ou théoriques. Les activités considérées se
réfèrent essentiellement à un public adulte et concernent les trois facettes du savoir : le savoir en
tant que connaissances théoriques et techniques, compétence (savoir-faire) et attitude (savoir-être).
Les contenus peuvent comprendre une analyse de l’existant (constructions, pathologies et dégâts),
une explication et d’application de bonnes pratiques de construction parasinistre et/ou des
techniques employées pour la reconstruction.

Le caractère essentiel de cette activité est l’adoption d’une approche basée sur un effet multiplicateur
fractal : « multiplicateur » pour un élargissement et une diffusion progressifs des nouvelles
connaissances et compétences (Fig. 25) ; « fractal » pour une propagation de celles-ci à tous les
niveaux géographiques et d’action (de l’institutionnel au terrain, du chercheur à l’artisan) impliqués
dans la construction d’un environnement bâti durable et sûr (Fig. 26). En conséquence, au-delà
d’aspects purement techniques, une composante fondamentale de cette activité est la formation de
formateurs, c’est-à-dire la constitution de compétences spécifiques à la transmission, vérification et
validation des connaissances en relation à chaque niveau. Ce principe de diffusion peut s’appuyer
sur des réseaux officiels (universités, instituts de formation professionnelle, centre de construction)
ou, dans le cas d’une formation informelle, sur les mécanismes habituels de transmission des
connaissances (p.e. apprentissage direct de maître artisan à apprenti). En particulier dans ce dernier
cas, la supervision des applications basées sur les nouveaux acquis se révèle toutefois indispensable
pour assurer une ré-application cohérente des principes enseignés.

1 2 3 4

formation
supervision continue
Fig.25: Principes de formation/supervision à effet multiplicateur suivi ponctuel

1_ formation d’artisans de la part d’un formateur technique (ingénieur, opérateur de terrain, etc.)
2_ les artisans formés forment, à leur tour, d’autres artisans/apprentis, avec la supervision du formateur technique
3+4_ les artisans forment d’autres artisans avec la supervision continue des artisans-formateurs et ponctuelle du formateur
technique

74 Former : faire acquérir à quelqu un un niveau intellectuel, culturel, etc. en développant certaines connaissances, habitudes,
manières, qualités (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).
75 Le premier se réfère généralement à l’acquisition de compétences et connaissances pratiques et immédiatement
applicables s’adressant principalement à des adultes ; le deuxième se relate à un processus, sur le long terme, d’initiation et
élargissement de connaissances et compétences transversales, concernant généralement un public jeune (Bemmerlein-Lux,
Born, Xiaoling, et al., 2003 ; Roegiers, 2003).
76 Pour informelle, on entend la formation ayant lieu en dehors de cursus offerts par des instituts officiels, se déroulant
principalement au cours de chantiers ou de séances sur le terrain (« formation sur le tas »).

80 Cultures constructives vernaculaires et résilience


autoconstructeurs

entrepreneurs,
grand public

fournisseurs

techniciens
formateurs

décideurs
artisans
utilisables sur le chantier comme support
Fiches pédagogiques d’enseignement et référence pendant la
construction
graphiques : principes et étapes de
construction
Manuels
Techniques : incluant modélisations et
calculs
support à échelle réduite pour
Maquettes l’explication des principes techniques
proposés et des phases de leur exécution

à échelle 1 :1 de parties structurelles ou


Modèles
d’éléments spécifiques (p.e. assemblages)

nouvelle construction, intervention sur


l’existant (réparation, consolidation) et/ou
Chantiers formation
réalisation de modèles à échelle réelle et
de bâtiments démonstratifs

Documentation illustrations des principes techniques et


(photo)graphique des modalités de leur mise en œuvre

essais simples de compréhension des


Tests de terrain matériaux et/ou du comportement
structurel relatifs aux principes proposés
courts vidéos d’expérimentations et/
ou tests de laboratoire montrant le
Supports vidéo
fonctionnement de la structure ou de
certains dispositifs proposés
ensemble des contenus des cours et des
Mallette pédagogique supports théoriques et pratiques (kit
d’exercices)

professionnelle
Curricula de formation
académique

Tab.9: Outils de formation et publics cible prioritaire secondaire

pays

région

zone

localité
Fig.27: a) République Démocratique du Congo, muret d’apprentissage
Fig.26: Principe de diffusion fractal (crédits: O. Moles);
b) Honduras : test de reconnaissance de terres (crédits: Misereor);
c) Pakistan, modèle d’assemblage (crédits: T. Schacher)

Cultures constructives vernaculaires et résilience 81


Cette synthèse s’enrichit par une analyse spécifique effectuée en relation aux quatre programmes
de réhabilitation post-séisme en Haïti, considérés dans le cadre de cette recherche77 et se référant
explicitement à un renforcement des compétences et capacités à partir des pratiques existantes
et à une prise en compte des cultures constructives locales. Ces projets se caractérisent par le
développement de différents supports et activités en vue de l’amélioration des modes de construire
courants. Les diverses approches adoptées se complètent réciproquement, en atteignant des
publics différents, s’adaptant à une diversité de conditions contextuelles (zone urbaine/zone rurale)
et d’exigences de projet (construction/réparation) ainsi qu’en s’appuyant en partie sur les systèmes
de transmission existants (apprentissage par un maître artisan, institut de formation professionnelle,
etc.). Ce dernier aspect est particulièrement important car la prise en compte d’une culture
constructive ne se limite pas uniquement à des aspects techniques, mais elle intègre également les
modes, réseaux et mécanismes traditionnels de transmission, diffusion et apprentissage.
Les outils de communication utilisés dans ces programmes ont été synthétisés dans les deux schémas
ci-dessous, le premier mettant en évidence les activités et les destinataires considérés dans chaque
cas (Fig. 28) et le deuxième (Fig. 29) associant à chaque activité les supports et les publics visés (une
description plus détaillée de chaque support est présentée dans les annexes : A.1.2).

activités D F

destinataires bailleurs de fonds, autorités, cadres et gestionnaires de projet


ingénieurs en charge du projet
fournisseurs de matériaux, petites/moyennes entreprises de constructeurs
artisans impliqués dans le projet
grand public

activités S D F

destinataires cadres et gestionnaires de projet


ingénieurs civils et agronomes des organisations locales
opérateurs de terrain
artisans impliqués dans le projet
bénéficiaires

activités S D F
I
destinataires cadres et gestionnaires de projet
opérateurs de terrain, animateurs
fournisseurs de matériaux
artisans
autoconstructeurs
communauté locale, bénéficiaires

activités I S D F

destinataires autorités, cadres et gestionnaires de projet


architectes et ingénieurs en charge de projets de re-construction
formateurs d’instituts de formation professionnelle
produteurs et fournisseurs de matériaux, entreprises de construction
artisans
autoconstructeurs
grand public Fig.28: Activités et publics considérés par projet

77 Ces programmes ont fait l’objet d’analyses détaillées conduites au cours de cette recherche (cf. annexes : A.1.2). Dans ces
analyses, les autres composants (approche de projet, produit construit) ont été également considérés, et ils ont été présentés
dans les chapitres précédents.

82 Cultures constructives vernaculaires et résilience


ÉMISSIONS RADIO RÉUNIONS
COMMUNAUTAIRES

VISITES KIT DE SÉMINAIRES


SENSIBILISATION
I information

INFORMATION
S sensibilisation
PROJET 3 PROJET 3

EXPOSITIONS PANNEAUX PROJET 2 PROJET 3 PROJET 2 PROJET 2


D démonstration D’AFFICHAGE

SPOTS AUDIOVISUEL CALENDRIERS

Cultures constructives vernaculaires et résilience


F formation

PROJET 2 PROJET 4
SENSIBILISATION

PROJET 4 PROJET 2 PROJET 4

MOD LES VALIDATIONS

FICHES PÉDAGOGIQUES MALETTE KIT POUR ARTISANS


PÉDAGOGIQUE FORMÉS

PROJET 4 PROJET 1

DÉMONSTRATION
PROJET 2
FORMATION

Fig.29: Activités, supports et publics


PROJET 2 PROJET 3 PROJET 4 PROJET 4
B TIMENTS DÉMONSTRATIFS

MAQUETTES CHANTIERS FORMATION

PROJET 1 PROJET 2 PROJET 2 PROJET 3

83
PROJET 2 PROJET 1 PROJET 2 PROJET 3 PROJET 4
La diffusion de savoirs et savoir-faire particuliers ainsi que la création des conditions pour leur
application constituent des facteurs indispensables pour permettre un renforcement effectif des
capacités des populations pour construire un cadre bâti résilient.

D’un côté, les spécificités du bâti sont fortement dépendantes des connaissances et compétences
détenues par les propriétaires/habitants qui l’occupent et les individus/groupes en charge de sa
construction (niveau individuel). D’un autre côté, les possibilités d’amélioration, mise en œuvre et
innovation des pratiques existantes sont souvent étroitement corrélées aux décisions et priorités
établies par les responsables de la gestion politique et économique, en particulier lors d’interventions
de préparation ou réponse à des crises (niveau environnemental). Cette dynamique se heurte à
l’écart entre la quantité et l’accessibilité des compétences effectivement disponibles et la demande,
en particulier individuelle, pour la production d’objets construits. Dans nombreux pays, le nombre
de techniciens et artisans disposant de connaissances spécifiques à une construction parasinistre
est de loin suffisant à répondre aux besoins existants (Schacher, 2008, op. cit. ; Shrestha, Dixit,
2008, op. cit.). Ce manque s’accentue de manière considérable suite à une catastrophe et il est
amplifié par l’inaccessibilité aux technologies promues sur le marché et par des projets d’habitat ou
enseignées dans des centres de formation, qui se révèlent souvent économiquement inaccessibles
aux populations locales.

Une double nécessité s’explicite : la diffusion d’informations détenues par un nombre restreint de
techniciens et professionnels (« experts ») ; une prise de conscience de la part de la population comme
de la part de techniciens, décideurs et chercheurs. Ce processus ne concerne pas uniquement des
principes de construction préconisés par le génie parasinistre actuel, mais également les savoirs et
pratiques vernaculaires, la compréhension des systèmes constructifs et des mesures de la réduction
de la vulnérabilité élaborées par les populations ainsi que la vulgarisation et dissémination des
connaissances que les milieux scientifiques ont développées à leur égard.

Pour ce faire, le niveau organisationnel assume un rôle de pivot entre le niveau individuel et le
niveau environnemental. C’est en effet à ce niveau qui se situent les principaux « engrenages » de la
diffusion des connaissances et compétences : les formateurs, opérateurs techniques et animateurs
sociaux (Fig. 30). Agissant directement sur le terrain, ils jouent un rôle essentiel dans la création et
la diffusion d’une conscience et de compétences parasinistres. En fait, si les opérateurs diffusent
les compétences techniques parmi les constructeurs, entrepreneurs et fournisseurs locaux, les
animateurs éveillent l’intérêt parmi les populations et les habitants envers des pratiques constructives
et sociales de réduction de la vulnérabilité. L’implication de ces deux types d’acteurs favorise
donc l’instauration d’une dynamique bidirectionnelle et itérative : d’une part, en permettant aux
informations, améliorations et nouvelles solutions techniques de parvenir aux principaux créateurs
de l’environnement bâti; d’autre part, en mettant en exergue les priorités, besoins et caractéristiques
du contexte local, de sorte qu’ils soient intégrés dans la définition des approches, tant politiques
qu’opérationnels.

84 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Ce faisant, le processus de diffusion de connaissances et de renforcement des compétences,
essentiellement techniques, s’élargit aux capacités décisionnelles et opérationnelles d’individus,
organisations et institutions, favorisant une évolution des comportements sociaux et des pratiques
constructives, allant même au-delà du domaine de l’habitat, en les s’inscrivant comme partie
intégrante d’une démarche d’ensemble de réduction de la vulnérabilité et de ré-génération d’une
« culture de la prévention ».

appui institutionnel aux dynamiques locales


et à l’autonomie de l’habitat

AUTORITES /
DECIDEURS

développement continu de

culture du risque_culture de prévention


connaissances techniques,
lignes d’orientation, curricula

TECHNICIENS

fomation
technique
formation
technique
de base
ANIMATEURS OPERATEURS
SOCIAUX DE TERRAIN

orientation/ amélioration des


supervision compétences techniques
technique
demande (AUTO)
POPULATION
CONSTRUCTEURS
supervision

construction d’un environnement


sensibilisation
bâti sûr et durable formation

Fig.30: Échanges, sensibilisation et formation entre parties prenantes (d’après Shrestha, Dixit, 2008)

Cultures constructives vernaculaires et résilience 85


he vital difference between organizations which use people and organizations which are used by
people raises crucial issues at the policy level. If local decisions are made by central bodies, those
decisions are bound to implement more or less standardized programs and projects for particular
social groups in particular places and at particular times. But if local decisions are made by local
people, those decisions must be ordered and supported by institutionalized services which must be
open to all, in all places and at all times

Dans les régions exposées à des aléas naturels récurrents, le processus d’évolution et d’adaptation de
pratiques sociales et constructives à échelle individuelle et collective se caractérise par des phases
de crise et de réhabilitation qui, se présentant tout au long de l’histoire avec des intensités variables
et une fréquence régulière ou sporadique, sont parties intégrantes de la vie d’une communauté.
Leur développement est représentatif de la capacité de cette dernière à faire face aux défis posés
par son environnement.

Suite à l’impact d’un aléa naturel, un apport extérieur s’avère souvent indispensable pour faciliter
la réhabilitation des habitats. Toutefois, les choix stratégiques effectués par les organismes d’aide
influencent, inévitablement, les modes de vie des sinistrés et leur vulnérabilité future, contribuant à
créer des opportunités pour accroître de manière durable les capacités de résilience ou, au contraire,
augmentant la vulnérabilité physique et sociale existante.

Dès lors, il est nécessaire de repenser les projets d’habitat comme des projets de réponse à
l’urgence qui in uenceront un mieux vivre pérenne des populations locales (Moles, 2010, p. 11), en
inscrivant les interventions de réponse et réhabilitation aux crises dans la continuité de l’évolution
d’une société. Ce faisant, le développement79 assume le caractère d’un processus par lequel les
populations améliorent leurs capacités à produire ce dont elles ont besoin et à gérer leur vie politique
et sociale comme elles le souhaitent et, dans le même temps (en particulier dans des régions
soumises à des catastrophes) à réduire leurs vulnérabilités immédiates et à long terme envers des
événements qui menacent leur existence économique et sociopolitique (Anderson Woodro
1990, p.7, trad. A. Caimi) De fait, la qualité des interventions relatives aux abris, à l’habitat et
aux articles non alimentaires dépendra largement du degré de préparation. Cette préparation est
la résultante des capacités, relations et connaissances qu’ont pu développer les gouvernements, les
agences humanitaires, les organisations locales de la société civile, les communautés et les individus
pour anticiper les situations et gérer efficacement l’impact des dangers probables, imminents ou
actuels (Projet Sph re 2011, op. cit., p.284).

La préparation représente l’élément charnière entre les différentes phases de vie d’une communauté,
permettant d’anticiper la réponse d’urgence (p.e. définition de procédures opérationnelles et
conception d’abris temporaires/transitionnels) mais également de mettre en place des mesures
préventives de réduction des vulnérabilités existantes, au niveau de l’environnement naturel (p.e.
plantations), bâti (p.e. consolidation des structures) et humain (p.e. sensibilisation et formation).

78 TURNER, John F.C., 1972, op. cit., p.153.


79 Entendu comme « évolution, épanouissement », plutôt que comme typologie ou phase d’intervention liée à des
organismes tiers ou de croissance économique.

86 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’interconnexion et l’influence réciproque entre urgence, réhabilitation et préparation explicitent de
manière évidente la nécessité de concevoir ces trois « phases » en tant que composantes d’un seul
et unique processus. Si l’impératif d’une continuité des logiques et actions émerge généralement
en référence aux interventions d’organismes non gouvernementaux (Buchanan-Smith, Max ell,
1994 ; Commission Européenne, 2001, op. cit. ; Gr ne ald, 2008), elle se présente également en
relation aux connaissances et actions d’individus et communautés. Au quotidien ce sont, en effet,
ces derniers qui seront portés à se confronter aux risques existants, qui pourront assurer la mise
en œuvre de mesures de réduction de la vulnérabilité et qui permettront le développement et la
diffusion d’une vraie « culture du risque ».

Au travers leurs interventions, l’approche et rôle adoptés par les organismes non gouvernementaux
peuvent assumer un potentiel considérable dans la constitution des fondements cognitifs,
opérationnels et matériels favorisant une réduction durable de la vulnérabilité, à échelle locale,
régionale et nationale. Toute intervention influe, en fait, sur les capacités immédiates et futures
des différents acteurs impliqués et, de ce fait, elle peut contribuer à créer les conditions pour une
autodétermination et une autonomie80 d’individus, communautés et sociétés dans la création d’un
environnement de vie résilient.

Si la résilience d’une communauté est étroitement liée à sa participation au processus de projet,


cette dernière est directement corrélée à la prise en compte des spécificités contextuelles. Ces
deux facteurs sont en effet liés par une relation d’interdépendance : plus le degré de contrôle et
d’influence des populations concernées sur la décision, la gestion et la mise en place des activités est
important, plus la prise en compte des pratiques constructives et des caractéristiques du contexte
deviennent inévitables, voire indispensables. D’une part, cela implique de considérer le renforcement
de la résilience locale en tant que démarche gé(né)rée par les gens, de sorte à permettre aux
individus, communautés et sociétés d’être en mesure d’élaborer par eux-mêmes les modalités
de leur propre résilience. D’autre part, cela implique que toute intervention favorise la création
d’opportunités techniques, sociales et économiques pour que chacun ait la possibilité de choisir
parmi différentes approches et solutions celles qui culturellement, techniquement, économiquement
et personnellement lui conviennent le plus81. cet égard, les cultures constructives vernaculaires
présentent un potentiel et une pertinence particuliers en vue de favoriser une harmonisation des
nouvelles propositions avec les pratiques et ressources existantes, tout en assurant une durabilité et
une continuité de savoirs et compétences.

Développer pour chaque site des stratégies et des capacités de préparation et de réponse aux crises,
sur la base d’une synergie entre les différents acteurs impliqués, ainsi que concevoir, à partir des
ressources matérielles et cognitives existantes, des propositions techniques favorisant une évolution
(de l’habitat existant à l’habitat futur, des abris transitionnels à un habitat permanent) des pratiques
et solutions constructives vers un environnement construit et social résilient, constituent les bases
indispensables pour que les individus et communautés puissent bâtir une résilience durable et
autonome. Et cela à travers un processus de conscientisation d’individus et d’institutions à échelle
locale et internationale.

Tant pour des interventions post-catastrophe que dans la préparation et prévention des risques,
l’analyse contextuelle constitue en fait le point de départ pour toute activité en rapport à l’habitat
(Fig. 31), contribuant à :

80 Autodétermination en tant que droit, possibilité et capacité à décider. Autonomie en tant que capacité à agir et gérer.
81 As housing action depends on the actors’ will and as the dominant actors in economies of scarcity are the people
themselves, they must be free to make decisions which most concern them (Turner, 1972, p. 174).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 87


• la définition de procédures opérationnelles considérant les ressources, compétences et
expériences existantes pour améliorer et expérimenter des (nouveaux) modes d’intervention,
spécifiques à chaque situation particulière ;

• la conception de propositions constructives qui, à partir des technologies localement connues,


suggèrent une multiplicité d’options techniques et typologiques, en accord avec les divers
caractères socioculturels, les différentes possibilités d’investissement ainsi qu’aux potentialités
et contraintes existantes ;

• le renforcement des capacités à différents niveaux de la société, tant en relation au domaine de


la construction que dans la gestion, réponse et préparation aux crises, par la consolidation et
l’enrichissement des savoirs et savoir-faire et leur transmission aux générations futures.

PROCEDURES
OPERATIONNELLES consolidation
existant

CULTURES
CONCEPTION
CONSTRUCTIVES (re)construction
TECHNIQUE améliorée
LOCALES

crise réparation
RENFORCEMENT
DES CAPACITES

abri transitionnel

autorités et personnel et constructeurs, habitants et


décideurs opérateurs de producteurs, communautés
politiques terrain fournisseurs locales

Fig.31: Les cultures constructives locales comme point de départ pour


des activités dans le domaine de l’habitat en zones à risques

Dans ce processus, la mise en place d’une démarche d’analyse des spécificités contextuelles constitue
le premier pas pour l’élaboration de principes méthodologiques et constructives soutenant un
renforcement des capacités techniques, décisionnelles et opérationnelles face à l’impact des aléas
naturels et donc, de la résilience d’une population par une régénération endogène de ses propres
« capabilités »82.

82 Le concept de « capabilité » inclut potentialités et capacités, les premières donnant aux individus les moyens de faire face
aux adversités et les deuxièmes leur permettant de tirer profit de leurs propres potentialités pour résister aux chocs négatifs
et pour se redresser suite aux crises. A person’s « capability » refers to the alternative combinations of functionings that are
feasible for her to achieve. Capability is thus a kind of freedom: the substantive freedom to achieve alternative functioning
combinations (or, less formally put, the freedom to achieve various lifestyles) (Sen, 1999, p. 75).

88 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans le cadre de programmes de réduction de la vulnérabilité de l’habitat, plusieurs facteurs,
activités et enjeux influencent de manière directe les actions conduites et leur impact à long terme.
De l’analyse des initiatives entreprises par certains organismes d’aide émergent une multiplicité
d’approches qui, s’inspirant des cultures constructives vernaculaires, intègrent des interventions
ponctuelles dans une continuité de pratiques. La prise en compte des cultures constructives locales
n’est de fait pas une approche nouvelle : plusieurs expériences existent se référant à diverses
modalités de relation entre les parties prenantes, de gestion des activités et d’amélioration des
pratiques constructives. Cependant, son adoption reste encore limitée à un nombre restreint de cas.

cet égard, deux aspects émergent comme facteurs particulièrement relevants en vue d’accroître
la prise en compte des cultures constructives vernaculaires et de bénéficier davantage du potentiel
qu’elles présentent dans le renforcement de la résilience face aux aléas. Tout d’abord, cela repose
sur un approfondissement de leur compréhension : d’une part en tant que processus situé en
considérant leur dimension localisée et leur ancrage à un milieu naturel et humain particulier ;
d’autre part en tant qu’ensemble de principes, règles et dispositifs qui, par leur caractère technique
et parasinistre, constituent une référence incontournable à complément du génie parasinistre.
cet approfondissement s’associe la dissémination des connaissances existantes relatives à ce
double statut des cultures constructives, facteur indispensable pour favoriser un processus de
conscientisation s’élargissant à l’ensemble des acteurs prenant partie, de manière directe et
indirecte, individuelle et collective, par la pratique et par la recherche, à la construction d’habitats
et communautés résilients.

Ce sont ces aspects que cette recherche investigue davantage. En se structurant en deux parties
distinctes, les chapitres suivants s’articulent autour du double caractère des cultures constructives
vernaculaires.
La partie qui suit - partie 2- est directement corrélée à la sphère opérationnelle ; elle se rapporte aux
modalités d’identification des caractéristiques de l’habitat d’une communauté ou dans une région
particulière, dans un processus de compréhension de l’environnement social, culturel et naturel qui
les déterminent.
La troisième partie relèvera du domaine technique, en poussant un pas plus loin la caractérisation
de la dimension parasinistre des cultures constructives vernaculaires.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 89


90 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Fig.32: Haïti, Les Cayes, sensibilisation de techniciens locaux à l’analyse des cultures constructives locales

Cultures constructives vernaculaires et résilience 91


92 Cultures constructives vernaculaires et résilience
L’élaboration de méthodologies ne doit plus seulement s’attacher à élargir l’éventail des méthodes,
elle doit également reconna tre la dimension politique des choix méthodologiques ainsi que les
enseignements que tirent les acteurs de la recherche et de la vulgarisation de leurs expériences 3

Les constats dressés suite à de nombreuses analyses d’interventions post-catastrophe soulignent la


nécessité d’augmenter l’accessibilité technique et économique des propositions constructives et de
renforcer les capacités des populations et institutions à gérer et répondre aux crises. Et cela à partir
des caractéristiques, savoirs et ressources des communautés habitant des régions exposées à des
risques naturels (UNISDR, 2013, op. cit.). Ceci implique l’adoption d’une approche qui favorise une
amélioration des technologies connues localement et un soutien des dynamiques déjà en place,
s’appuyant sur les particularités et les potentiels propres à chaque site pour l’élaboration de principes
méthodologiques et techniques cohérents avec les spécificités d’un territoire et des populations
qui l’habitent. Ce processus ne peut débuter qu’avec une phase d’analyse du contexte permettant
une compréhension de l’existant. Saisir les pratiques culturelles, constructives et comportementales
d’une communauté ainsi que les facteurs qui influencent et façonnent son environnement bâti,
constitue en fait l’étape initiale et essentielle pour la conception et la mise en œuvre d’initiatives
d’amélioration de l’habitat et de la résilience locale.

Ces considérations conduisent inévitablement au questionnement des outils existants pour


l’investigation d’un contexte, en faisant émerger la nécessité de disposer d’un instrument qui
permette une analyse systémique des artefacts construits en les rapportant à l’univers socioculturel
et au milieu naturel dans lequel ils s’inscrivent ; les concevant donc en tant que composantes d’une
culture constructive.

En réponse au constat d’un « vide méthodologique » relatif à ce type d’approche, cette recherche
propose une méthodologie d’analyse permettant la définition d’un cadre référentiel pour l’élaboration
de démarches techniques et opérationnelles s’ancrant profondément dans les pratiques et cultures
constructives propres à un lieu. Elle constitue un outil d’investigation d’un milieu à partir de l’étude
des artefacts bâtis mais également par le dialogue avec les individus et les groupes qui les ont conçus
et réalisés, qui les entretiennent et les habitent. En particulier dans le cas de pratiques « vivantes »,
encore élaborées et mises en œuvre de nos jours, ce croisement d’expériences, de compétences et
de vécus se révèle indispensable pour comprendre la situation que l’on observe, de façon à établir
un lien étroit entre les savoirs, les pratiques, les vulnérabilités et les résiliences passées, actuelles et
futures. Selon cette approche, comprendre les caractéristiques de l’habitat et les stratégies de vie et
survie d’une population, de même que reconnaître ses savoirs et savoir-faire, constituent le véritable
point de départ pour une réduction durable de la vulnérabilité.

83 Corn all, Andrea, Guijt, Irene, Welbourn, Alice, 1999. « Processus de reconnaissance: défis méthodologiques posés à la
recherche et à la vulgarisation agricoles ». In : La reconnaissance du savoir rural : savoir des populations, recherche agricole et
vulgarisation. Paris : Editions Karthala. Coll. Économie et Développement. p. 158.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 93


Comprendre un contexte, les manières dont les populations qui l’habitent perçoivent et organisent
leur propre vie, les modes de production et de gestion de l’habitat dans un environnement donné,
fournit des informations essentielles pour identifier les problèmes, analyser les relations causales et,
ensuite, entreprendre des initiatives.

Le terme « diagnostic » appliqué au territoire désigne un processus de lecture visant à obtenir une
vision détaillée et holistique d’un milieu, en identifiant les phénomènes et les spécificités, les forces
et faiblesses ainsi que les grandes tendances qui lui sont propres. Cette analyse constitue rarement
une fin en soi, s’intégrant dans une perspective plus vaste qui suppose l’identification de pistes
d’actions en vue d’une amélioration ou de la résolution de certains aspects caractérisant la situation
existante (Monnet, Langlois, 2002). En effet, le diagnostic appliqué au milieu est l’opération qui
vise à analyser et juger des modes d’utilisation de l’espace, à un moment et à une échelle donnés, en
fonction d’objectifs de connaissance et de valorisation de cet espace (Ibid., p. 18).
Dans un processus de projet, le diagnostic représente une phase essentielle puisque c’est pendant
son déroulement que s’établit la connaissance d’une réalité, à partir de laquelle des décisions seront
prises et des initiatives proposées : il constitue une étape préalable à toute action permettant la
formulation d’activités précises et des modalités de leur mise en œuvre. L’analyse de la situation
d’une communauté doit être perçue dans sa globalité, sa complexité et son évolution. Globalité ne
veut pas dire totalité ; le diagnostic ne peut être totalement exhaustif. Mais il doit tenir compte
de l’interdépendance de ses composantes, des conséquences prévisibles et de l’incidence des
changements envisagés (Ibid.), en intégrant également les potentiels existants et les répercussions
et/ou l’évolution probable des facteurs limitants.

La conception de l’analyse d’un contexte selon une approche systémique met en évidence la
particularité de toute activité humaine pouvant être étudiée en tant que produit d’un système
complexe, composé de multiples éléments interconnectés et interdépendants les uns des autres.
L’adoption d’une telle démarche permet de saisir les différentes facettes caractérisant la complexité
de la réalité existante, en prenant également en compte d’autres aspects et domaines influant sur
l’objet d’étude (Bonnal, 2011). Toutefois, le type et les modalités d’investigation ainsi que l’éventail
des paramètres considérés et les compétences nécessaires sont essentiellement déterminés par la
finalité et les objectifs ultimes du diagnostic. Cette analyse peut, en effet, être multisectorielle ou
spécifique à un domaine (p.e. le secteur de la construction), étendue à des aspects généraux (p.e.
politiques, réglementations, etc.) ou focalisée sur un ou plusieurs facteurs caractérisant ce domaine
(p.e. état des constructions, typologies structurelles, etc.), à l’échelle globale (p.e. pays, région) ou
locale (p.e. village). Sa mise en place correspond à une multiplicité de situations, de secteurs et
perspectives d’application, qui influencent les spécificités mêmes du processus et les conditions de
son déroulement.

L’activité de diagnostic ne comporte pas forcement l’intervention de personnes externes au contexte


d’étude. Toutefois, de par son cadre (recherche scientifique, activités d’organismes d’aide, etc.),
elle voit souvent l’implication d’individus extérieurs à la communauté concernée, voire au milieu
considéré. Dans ce cas, le processus d’analyse se caractérise par une polarisation des acteurs
(Scoones, Thompson, 1999). D’une part, les agents « internes » ou locaux, comprennent des
individus, des groupes ou l’ensemble de la population qui habitent la zone étudiée et qui constituent,
dans la plupart des cas, les destinataires ultimes des actions découlant du diagnostic. D’autre part,
les agents « externes », généralement à l’origine de la mise en place de cette activité, intègrent

94 Cultures constructives vernaculaires et résilience


une grande variété de milieux professionnels, qualifications et provenances84. Le milieu d’origine
de ces derniers influence fortement la démarche structurant le cadre de travail (organisation,
fonctionnement et contraintes imposées par l’organisme d’appartenance), tandis que la relation
entre ces deux typologies d’agents détermine le déroulement et la perspective de l’analyse.

Le diagnostic représentant souvent la première phase d’interaction entre ces deux groupes,
les caractéristiques du processus d’analyse et les modalités d’interaction avec les acteurs locaux
traduisent l’approche dans laquelle les intervenants extérieurs se positionnent. Le diagnostic peut
donc être considéré comme l’opérationnalisation d’une vision plus générale d’une représentation
du monde , produite lors de l’interaction entre techniciens et populations locales au moment o
la nature de leur collaboration future est en train de se définir (Sellamna, Lavigne-Delville, 2000,
p. 8).

Cette vision s’inscrit en relation à trois principales approches, apparues successivement au cours
des dernières décennies. Elles se réfèrent à un processus qui fondamentalement se rapporte, et
est considéré initié, par des agents externes, dont la vision détermine simultanément les rôles des
différents acteurs (Chambers, Kenton, Ashley, 2004). l’origine une conception technique prévaut,
concevant le diagnostic comme une activité conduite par des spécialistes donnant lieu à des solutions
technologiques à transmettre aux populations (modèle du « transfert de technologie »). Ensuite,
une conception systémique s’affirme, s’efforçant de comprendre le fonctionnement des systèmes
locaux mais concentrant la définition des solutions dans les mains de l’intervenant externe. Enfin,
cette évolution déboucha sur une conception participative cherchant d’aller au-delà d’une approche
purement technocratique : les acteurs locaux sont censés définir eux-mêmes leurs besoins, la
recherche et le développement devant se mettre à leur service. L’émergence d’une nouvelle vision
n’implique pas nécessairement la disparition de celles précédentes ; au contraire, toutes les trois
sont encore couramment appliquées dans des projets situés en contextes différents85.

Plusieurs facteurs définissent le processus d’analyse s’influençant réciproquement (Fig. 33). Les
paramètres à prendre en compte en tant que critères d’analyse découlent de la situation à étudier, du
domaine de référence et des objectifs du diagnostic. Ces derniers influencent, et sont influencés par
la démarche d’ensemble et par les contraintes posées par le cadre institutionnel (bailleur de fonds,
organisme de recherche ou d’aide, gouvernemental et non). D’autre part, les acteurs concernés, leur
rôle et degré d’implication sont directement déterminés par le cadre contextuel (situation existante)
et conceptuel86 (vision politique, modèle culturel) dans lequel s’inscrit le travail.

84 La différenciation entre ces deux catégories est effectuée ici par l’utilisation de l’expression « acteur local » pour
indiquer tout individu, groupe ou organisation habitant dans la zone considérée (entendue en tant que territoire limité
de déroulement du diagnostic), et d’« agent externe » pour indiquer toute personnes et organisme n’appartenant pas au
contexte étudié (y compris provenant d’autres régions, provinces ou villes/villages). Le terme d’« agent » étant utilisé selon
son sens étymologique de « personne qui exerce une action », « qui est une force agissante, un principe d action » (Centre
National des Ressources Textuelles et Lexicales).
85 titre d’exemple :
Approche technique : reconstruction après cyclone, Orissa (Inde), Orissa Developement Technocrat Forum / UNDP, 2000-
2005 (Caimi, Hofmann, 2005, op. cit.) ;
Approche systémique : programme de préparation aux désastres (Bangladesh), Caritas Bangladesh, Bangladesh University
of Engineering and Technology, CRAterre-ENSAG, 2011-2014 (Caimi, 2011) ;
Approche participative : projet de réparation et reconstruction post-séisme (Haïti), Plateforme Haïtienne de Plaidoyer
pour un Développement Alternatif, Vedek, CRAterre-ENSAG, 2010-2013 (Moles, 2011, op. cit.).
86 Pour cadre conceptuel, on entend l’ensemble d’éléments constituant les points de repères théoriques qui orientent la
manière d’approcher la problématique, la démarche et la logique des différentes étapes, en déterminant la signification et
servant de référence pour l’évaluation des résultats.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 95


cadre
institutionnel
démarche

cadre
conceptuel

objectifs méthodologies

outils acteurs

critères

cadre
contextuel
Fig.33: Interconnexions entre facteurs d’influence

Certains de ces facteurs sont des variables étroitement dépendantes de la particularité de chaque
situation. Parmi eux, deux aspects caractérisent fortement le processus d’analyse, dans son
déroulement et ses résultats, indépendamment du domaine de référence dans lequel il s’inscrit.
L’un concerne le type de méthodologie adoptée ; l’autre, le rôle et l’interaction entre les acteurs
impliqués. Ces deux facteurs sont intimement liés, tant dans la définition de leurs caractéristiques
réciproques que dans les modalités de leur mise en pratique, en s’influençant mutuellement et
influençant conjointement la démarche englobant l’activité de diagnostic.

En vue de la définition du cadre référentiel dans lequel inscrire le développement d’un outil d’analyse
des cultures constructives locales en zones à risque, ces deux aspects se révèlent particulièrement
importants : si d’une part ils constituent les moyens pour appréhender les caractéristiques de
l’existant, d’autre part ils explicitent et déterminent un processus d’action et d’interrelation dont
l’analyse ne constitue qu’une étape initiale.

La notion de participation assume une telle multiplicité de formes87 qu’affirmer que toutes les
sociétés, et en particulier celles vernaculaires ou traditionnelles, sont participantes devient en fait
quasiment une « tautologie » (Rahnema, 1992). Au niveau du sens le plus large, la participation
constitue la structure de base et le tissu de la vie sociale : les gens ayant toujours participé, selon
des niveaux et degrés variables, à l’élaboration des stratégies de survie, à la constitution de leur
propre culture et à la prise de décisions au sujet de leur développement. Pouvant en ces termes
être considérées comme participatives, une série de structures et de procédures ont émergées au
fil des siècles, de manière plus ou moins spontanées, pour définir et répondre aux besoins collectifs,
résoudre les conflits, établir des plans d’action et effectuer les démarches nécessaires pour les
réaliser88.

87 Participation signifie : « action de participer à quelque chose, part prise à quelque chose », mais également « contribution
et association des citoyens au pouvoir » (Dictionnaire Larousse).
88 hether through formal or informal organisations, autocratic or participatory means, people at the grassroots level
use vernacular planning processes to define their needs and to take steps necessary to implement them (Zazueta, A. .
A Matter of Interests: Participation, Equity and Environment in Policy-Making.Undpublished Draft. Washington D.C : World
Resources Institute, cité par Bass, Dalal-Clayton, Pretty, 1995, p. 29).

96 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Bien que de nombreux individus, organismes et institutions s’accordent sur le fait que la participation
est, en principe, à la fois un droit et une nécessité pratique, sa forme, ses mécanismes et ses fonctions
nécessitent d’être précisément spécifiés. En effet, l’attribution au terme de « participation » de
significations très différentes a déterminé, au cours de l’histoire, plusieurs paradoxes ainsi que parfois
une dévaluation des formes traditionnelles et vernaculaires de pouvoir (Dalal-Clayton, Bass, 2002) :
il a été utilisé pour indiquer une justification de l’extension du contrôle de l’Etat (Rahnema, 1992, op.
cit.) ainsi qu’un renforcement des capacités et de l’autonomie locale, une légitimation de décisions
prises par des agents externes comme une délégation du pouvoir décisionnel et opérationnel loin
d’organismes extérieurs, la collecte de données par des experts ainsi qu’une analyse interactive
effectuée par les populations elles-mêmes (Pretty, 1995, op. cit.).

Dans le cadre d’activités menées par des institutions de recherche et des organismes d’aide, la notion
de participation a été conceptualisée en intégrant différents éléments se référant spécifiquement
au cadre de programmes de développement (Paul, 1987 ; World Bank, 1996 ; Stiglitz, 1998) ou
d’interventions en situation de crise (Byrne, 2003, op. cit. ; UNHCR, 2008 ; Groupe URD, 2010),
jusqu’à une dimension quasiment politique (Fals-Borda, 1992 ; Blanchet, 2001 ; Amoussou-
Guenou, 2003). Si certains définissent la participation comme un processus dans lequel les acteurs
influencent et partagent le contrôle des activités, des décisions et des ressources, pour d’autres
elle consiste dans la pleine et égale implication de tous les membres d’une communauté dans les
processus décisionnels et les actions qui affectent leur vie, à la fois dans la sphère publique que
privée.

Cette dualité dialectique entre la population locale et les intervenants extérieurs reste encore
aujourd’hui un élément central, en particulier en raison du fait que la plupart des réflexions au regard
de la participation ont été effectuées par des chercheurs et praticiens agissant en tant qu’externes au
contexte de travail. La question du rôle de l’agent externe dans le processus de participation se pose
de façon évidente, allant presque à assumer un caractère absolutiste : les extérieurs s’interrogent et
se positionnent par rapport à leur propre rôle et influence, tandis que peu de voix nous parviennent
de la part des populations directement concernées. Dès lors, la participation devient une forme
d’intervention avec des fonctions précises et dont les définitions et interprétations se focalisent
sur l’implication des bénéficiaires directs en relation à un cadre référentiel strictement lié à des
programmes menés par des organismes d’aide ou de recherche, gouvernementaux et non (Paul,
1987, op. cit.).

Les multiples significations attribuées à la notion de « participation » ainsi que les manières dont elle
est interprétée et utilisée sont synthétisables selon sept catégories. Elles reflètent les différentes
modalités d’interaction entre les intervenants extérieurs et la population, entre agents externes et
acteurs locaux, et se réfèrent à la mise en œuvre d’activités ainsi qu’à la gestion et au déroulement
de processus décisionnels et opérationnels (Tab. 10).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 97


Participation
La participation est un faux-semblant, tout simplement juste une « étiquette ».
manipulatrice

Les acteurs locaux sont informés de ce qui va se passer et de ce qui a été déjà décidé, ou de ce qui
Participation
s’est déjà produit. Il s agit d annonces unilatérales effectuées par les gestionnaires administratifs ou
passive
de projet, sans attention ni prise en compte des réactions des acteurs locaux.

Les acteurs locaux sont consultés et apportent l’information sur un sujet donné, défini par les
Participation par
agents externes. Ces derniers ne sont pas tenus de prendre en compte les opinions des premiers,
consultation
qui n’ont ni d’influence ni de pouvoir décisionnel sur l’ensemble du processus.

Les acteurs locaux fournissent des ressources nécessaires à l’exécution de l’intervention (p.e. main
d’oeuvre) en échange d’une rétribution (p.e. en argent ou en nature), sans être impliqués dans la
Participation
prise de décision ni dans le processus de projet.
par incitation
matérielle
participation

• L’application des technologies ou des pratiques montrées perd d’intérêt quand les mesures
incitatives terminent.

Les acteurs locaux apportent les matériaux, les fonds et/ou la main-d’oeuvre nécessaire à la mise
en place d’une intervention.

Participation • La participation devient un moyen d atteindre les objectifs du projet, notamment par une
fonctionnelle réduction des coûts.
• La participation peut être interactive et impliquer une prise de décision partagée ; cependant
cela tend à se produire seulement après que des décisions importantes ont été prises par des
agents externes.

Les acteurs locaux participent à une analyse conjointe, au développement de plans d action, à la
formation ou renforcement des institutions locales et ont une influence sur la prise de décision.
Participation
• La participation est considérée comme un droit.
interactive
• Étant donné que les acteurs locaux ont le contrôle sur les décisions et la gestion des ressources
disponibles, ils ont un intérêt dans le maintien des structures ou des pratiques, même à la fin
du projet.

Les acteurs locaux prennent l’initiative, en agissant indépendamment des organisations et


Auto- institutions externes. Ils peuvent y faire appel pour un soutien (matériel, méthodologique,
mobilisation / technique et/ou financier), mais gardent le contrôle sur la conception et la gestion du projet.
initiative locale
• Ces sont les agents externes qui participent au projet de la population.

Tab.10: Typologies de participation (d’après Arnstein, 1969 ; Pretty, 1995, op. cit. ; Dalal-Clayton, Bass, 2002, op. cit.)

Sur la base de cette classification, des correspondances peuvent être établies avec les rôles et les
modalités d’interaction entre acteurs locaux (population locale, bénéficiaires directes, organisations
et groupes) et agents extérieurs dans le cadre d’une activité d’analyse (Tab. 11).

98 Cultures constructives vernaculaires et résilience


DEGRÉ DE R LE DE R LE DES TYPE DE
CARACTÉRISTIQUES
PARTICIPATION L’AGENT EXTERNE ACTEURS LOCAUX PARTICIPATION

Pas d’interaction dans la récolte de données


Nul manipulation simulacre participation
(p.e. photographies aériennes).
comme
moyen
Apport Les acteurs locaux sont sollicités pour répondre recherche / d’information
information
d’informations citant des faits à des questions préétablies. planification

Les acteurs locaux sont sollicités pour donner des


idées mais dans un processus de communication
Coopération
à sens unique o les problèmes, les modalités de gestion exécution
passive
collecte d information et leur vérification sont
définis par les agents externes.
Participation
Les acteurs locaux sont sollicités pour donner symbolique
efficacité
Consultation des idées et des opinions dans un processus de contribution
rationnelle
dialogue.

Les acteurs locaux et les agents externes analysent, partenariat partenariat


Collaboration
décident et travaillent ensemble. co-égalitaire co-égalitaire

analyse,
Action Les acteurs locaux analysent leur propre situation
facilitation action,
collective et prennent l’initiative d’agir ensemble. Participation
promotion
comme
Les acteurs locaux s’unissent pour chercher d’avoir redistribution
maîtrise, des pouvoirs
Prise en main plus de contrôle sur les processus décisionnels, appui
contrôle
dans une démarche explicitement politique.

Tab.11: Degré de participation, modalités d’analyse et rôles (d’après : Holtland, 2001 ; Chambers, 2006)

Selon cette catégorisation, la participation ne se relate pas à un processus uniforme, mais plutôt
elle se traduit dans un continuum d’approches qui, dans le cadre d’une analyse de contexte, vont
de la communication d informations jusqu à la recherche de type participatif. En référence à ces
différents caractères, la relation entre la gestion de l’information (récolte, vérification, validation et
possession) et le rôle des acteurs impliqués se présente sous trois formes distinctes :
• participation comme moyen d information : flux d information unidirectionnel d’un émetteur à
un destinataire (public, agents externes) ;
• participation comme symbole : flux d information bidirectionnel entre les coordinateurs et le
public, avec un partage du contrôle sur la prise de décision ;
• participation comme redistributions des pouvoirs : prise en main du contrôle de la prise de
décision et des ressources par les acteurs directement impliqués.

Une analyse des pratiques et cultures locales qui vise à poser les bases pour une amélioration des
conditions physiques et de résilience d’une communauté, ne peut que se fonder sur une implication
élevée des acteurs locaux et, plus particulièrement, des groupes et individus qui habitent, gèrent
et planifient la zone considérée. Dans le processus d’habiter un lieu de la part de ces derniers, un
programme n’apporte qu’une contribution spatialement et temporellement limitée. De ce fait, je
considère indispensable que la finalité de la mise en place tant d’une analyse que d’un programme
ne se limite pas à l’accomplissement de ses objectifs immédiats (obtention d’information, réalisation
de constructions, etc.), mais qu’elle devienne un « outil » pour la population locale d’accroître ses
propres compétences, en premier lieu dans la gestion de processus décisionnels et opérationnels.
Par conséquent, le niveau de participation le plus réduit auquel se réfère la méthodologie d’analyse
que cette recherche propose ne peut que correspondre à celui de la « consultation », tout en
considérant les niveaux successifs (« collaboration », « action collective », « prise en main ») comme,
sans aucun doute, plus pertinents en vue d’un renforcement des capacités et d’une amélioration
effective et à long terme de la résilience d’individus et communautés.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 99


La mise en place d’un diagnostic est étroitement liée à la définition et à l’adoption d’une approche
méthodologique structurant et orientant le processus d’étude dans ces différents composants.
Les termes de « méthode » et « méthodologie » sont souvent utilisés comme synonymes et
équivalents ; cependant une différenciation profonde les distingue, en les caractérisant non tant
comme deux entités complètement disjointes, mais comme étant l’une partie de l’autre. Une
méthodologie se réfère à une démarche théorique, offrant à l’utilisateur un cadre qui lui permet
de sélectionner les moyens de conna tre, d’analyser, de classer et d’échanger des informations sur
un sujet (Corn all, Guijt, Welbourn, 1999, p. 158). Elle représente une approche qui modèle le
processus de recherche et de vulgarisation, rassemblant des méthodes et des outils spécifiques
(p.e. méthodologies d’évaluation des vulnérabilités et des capacités). En revanche, les méthodes
constituent les moyens effectifs de collecte d’information. Elles se rapportent à des procédures
investiguant des aspects particuliers (p.e. analyse des risques) par le biais d’outils d’analyse, entendus
en tant qu’instruments nécessaires à l’accomplissement d’une tâche spécifique89.

Une première différenciation entre méthodologies peut être effectuée sur la base de la typologie
des éléments recherchés, étroitement corrélée aux procédés et supports de collecte d’information
ainsi qu’aux objectifs ultimes de leur utilisation.
L’approche quantitative vise à obtenir des informations quantifiables, facilement organisables et
comparables, à partir de l’utilisation de supports rigides (p.e. questionnaires à réponse fermée),
en vue de représenter, expliquer et prédire des phénomènes (Bouchon, 2009). Une analyse
quantitative permet donc d’évaluer une situation à un moment donné, de découvrir « ce qui » se
passe, par l’examen de certains événements ou de certaines de ses caractéristiques (Oakley, 1991,
op. cit. ; Schoonmaker Freudenberger, 1999).
Les méthodologies basées sur une approche qualitative visent par contre à capturer les informations
non quantifiables, par l’emploi d’outils et procédés souples et ouverts permettant d’obtenir une
vue d’ensemble par la description détaillée des phénomènes et des dynamiques qui intéressent
le contexte étudié ainsi que par l’exploration des significations, des processus et des causes, en
identifiant les origines d’une situation particulière (IFRC, 2007b, op. cit. ; Bouchon, 2009, op. cit.).
Ces deux approches sont souvent employées conjointement sur la base d’une démarche éclectique
faisant correspondre le choix du type de méthodologie aux informations recherchées (Fetters, 1999).

Une différenciation ultérieure peut être effectuée en relation aux principes régissant le processus
décisionnel, de gestion et d’implication qui se rapportent à deux approches, dénotant aussi bien une
démarche procédurale que le mode de prise de décision et de pilotage d’un projet (Larrison, 2002).
Selon l’approche descendante, ou « top-down », la plupart des décisions concernant les problèmes
à examiner et la manière dont les informations seront utilisées sont prises par des agents externes,
représentant une figure d’autorité, professionnelle et spécialisée. La prise de décision s’effectue
par un décideur hiérarchiquement supérieur et se répercute ensuite sur les niveaux inférieurs,
qui ont comme seule fonction celle d’exécuter des consignes (Tab. 10 : participation passive, par
consultation, par incitation matérielle et fonctionnelle). Dans la phase de diagnostic, cela se traduit
par un rôle des populations et des acteurs locaux limité à la réponse à des questions établies par des
agents externes (Tab. 11 : apport d’information, coopération passive et consultation).
Le caractère de l’approche adoptée devient de plus en plus participatif au fur et à mesure que les
populations et les autres acteurs concernés, assument un rôle central et actif tant dans la collecte
des données que dans le processus décisionnel et opérationnel dans son ensemble (Tab. 11 :
collaboration).

89 Dans le cadre de la présente recherche, le terme « méthode » est employé pour indiquer un type de procédé (p.e.
entretien structuré), tandis que le termes « outil » indique le support employé (p.e. questionnaire).

100 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’approche dite ascendante, ou « bottom-up », se caractérise par un fonctionnement à partir de la
base, ou mieux à partir d’un grand nombre de personnes qui travaillent conjointement, provoquant
l’émergence d’une décision partagée qui remonte ensuite aux niveaux hiérarchiques supérieurs. Il
s’agit alors d’un pilotage démarrant des perceptions, conceptions et initiatives de l’« échelon le plus
bas » (au sens hiérarchique) ou le plus « terrain » (au sens opérationnel) qui se répercutent et sont
prises en compte par les échelons éloignés (Tab. 10 : participation interactive et auto-mobilisation/
initiative locale). C’est donc la communauté locale qui établit le programme, ses objectifs et ses
modalités de mise en œuvre, faisant partie intégrante des acteurs en charge de l’analyse ainsi que
de la gestion et utilisation des informations (Tab. 11 : action collective et prise en main).

Dans un processus d’analyse, la signification et le rôle attribués aux divers intervenants déterminent
les méthodes adoptées, les supports employés ainsi que les sources d’information consultées.
leur tour, ces trois aspects influencent le type d’informations qu’on pourra obtenir ainsi que leur
fiabilité, niveau d’approfondissement et importance en relation aux objectifs et au cadre de travail.
Une grande variété de méthodologies existe, se différenciant par l’objet d’analyse, l’étendue
géographique, le niveau de participation et le rôle des acteurs impliqués ainsi que, pour certaines,
par la période d’apparition et de majeure utilisation.

Dans la partie suivante, je considère six approches méthodologiques correspondant à divers degrés
d’implication des acteurs locaux (population au sens large, groupes et individus) dans le processus
de diagnostic d’un contexte90. Bien que pour chaque niveau nombreux exemples existent, un choix
a été effectué en considérant ceux qui, de par leur nature et modalités, se revèlent particulierement
réprésentatifs en relation à cet aspect. Ces exemples comprennent des approches allant de
l’application d’un modèle préétabli à un processus d’apprentissage (Pretty, Guijt, Thompson, et al.,
1995), de la focalisation sur l’individu à la prise en considération du groupe, de l’énumération à
la comparaison, ainsi que des outils analytiques se fondant sur une communication fermée ou un
échange ouvert et flexible, du support verbal au visuel intégrant différentes dimensions (spatiale,
temporelle, relationnelle, causale) de la situation existante (Sch nhuth, Kievelitz, 1995 ; Rietbergen-
McCracken, Narayan-Parker, 1998 ; Groupe URD, 2002, op. cit.). Pareillement, les rôles des acteurs
sont variables : de l’exclusivité des agents externes à la population locale en tant qu’acteur principal
dans la conduite de l’analyse et dans la génération de données (FAO, 1997 ; Chambers, 2007).
Cet approfondissement est effectué en relation à trois éléments - le niveau de participation, les
principes méthodologiques, les modalités de mise en œuvre - permettant la construction d’un cadre
conceptuel et épistémologique de référence pour un nouveau « outil » spécifique à l’analyse des
cultures constructives vernaculaires.

Apport d’informations Enquête Structurée

Coopération passive Évaluation Rurale Rapide

Consultation Planification des Interventions Par Objectifs

Collaboration Évaluation Rurale Participative


Action collective Développement Technologique Participatif
Prise en mains Recherche-Action Participative

Tab.12: Méthodologies considérées en relation au degré de participation des acteurs locaux

90 Au cours de cette recherche, ces différentes méthodologies ont été analysées en profondeur, sans toutefois pouvoir
procéder à leur expérimentation directe. Les éléments présentés se fondent sur une revue critique de la littérature ainsi
que sur les retours d’expériences conduites par des tiers. Pour des questions d’étendue, seuls les éléments principaux sont
présentés de manière synthétique dans la partie qui suit.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 101


Méthodologie de récolte d’informations traduisibles en des données quantifiables permettant la
définition de tendances et de modèles globaux de caractérisation et/ou de comparaison.
L’acquisition des informations s’effectue par la répétition d’une série de questions à réponse fermée
ou semi-fermée à partir d’un support synthétique et structuré, dont le contenu et l’organisation sont
définis au préalable (Tremblay, 1968). Il s’agit d’une méthodologie extractive92 applicable à grande
échelle mais qui peut se révéler inexacte et simpliste. D’une part, les résultats obtenus dépendent de
la précision et formulation des questions posées. D’autre part, la prédétermination des paramètres
et des procédures ainsi que leur non modificabilité en cours d’analyse peut conduire à ne pas
considérer l’ensemble des expériences et des connaissances d’un groupe (Mukherjee, 1993). Le
rôle des enquêteurs se réduit essentiellement à obtenir des informations préétablies sous le guide
d’un questionnaire généralement fourni et dévéloppé par d’autres personnes ; les acteurs locaux
sont les objets de l’investigation et ont un rôle d’entités passives (Lavigne-Delville, 2000, op. cit.).

Méthodologie s’adressant à des agents externes (planificateurs, chercheurs et personnel d’agences


d’aide) pour leur permettre de cerner rapidement les principales caractéristiques de la situation à
l’étude (Khon Kaen University, 1987). La production de l’information s’articule sur un processus
cumulatif et non séquentiel fondé sur un ensemble de méthodes94 visant à établir un dialogue avec les
communautés locales (Chambers, 1992 ; Mukherjee, 1993, op. cit.). L’analyse se caractérise par une
souplesse des modalités et des supports de travail à partir d’une série de techniques, variable au cas
par cas, comprenant des entretiens conçus comme des conversations semi-structurées ainsi que des
systèmes de classement et des schématisations. L’acquisition des informations repose sur des bases
de type extractif avec une prédominance des agents externes dans le processus de diagnostic et
une mobilisation de la connaissance des populations au service des techniciens (Gu ye, 2000) : ce
sont les premiers qui récoltent et possèdent l’information, la réélaborent et décident comment
l’utiliser (Cavestro, 2003). La qualité et la fiabilité des résultats sont fortement dépendantes des
compétences spécifiques à la définition et emploi des outils d’analyse, qui ne peuvent s’acquérir que
par une formation préalable et une expérience pratique (Holtland, 2001, op. cit.).

Méthodologie associant diagnostic et formulation de projet sur la base d’une concertation et d’une
construction de consensus entre les parties prenantes. Elle s’appuie sur une modélisation linéaire de
la réalité mettant en évidence les relations de cause à effet, remontant aux causes sous-jacentes et
ne délimitant pas au préalable les problématiques à traiter (Holtland, 2001, op. cit.). Le processus
d’analyse se structure en deux phases réalisées progressivement sur la base de critères prédéfinis
ainsi que d’une visualisation de la discussion par l’utilisation de cartes modifiables, déplaçables et
combinables (Lamballe, 2001 ; Commission Européenne, 2004). Seules les idées des personnes
présentes sont prises en compte et influencent la conception du projet, avec par conséquent un
risque de partialité et de simplification des paramètres considérés (Ly, 2001). Ces aspects sont
accentués par l’utilisation d’une matrice qui permet difficilement de prendre en compte toute
la complexité d’un contexte et limite la compréhension des dynamiques sociales ainsi que des
comportements et des attitudes individuelles (COTA HHC/CA, [s.d.]). En outre, des compétences
de lecture/écriture de la part des tous les participants sont indispensables pour un suivi optimal du
processus de discussion et décision.

91 Également appelée : enquête par questionnaire, enquête globale, entrevue sur échantillon (Tremblay, 1968, op. cit.).
92 Les acteurs locaux ont comme unique fonction celle de source d information tandis que les agents externes interprètent
les données et tirent les conclusions (Chambers, 1981).
93 Connue en milieu anglophone comme Rapid Rural Appraisal.
94 Rapid Rural Appraisal is a way of organizing people and time for collecting and analyzing information where time
constraints demand decisions before a local situation can be fully understood (Beebe, 1987, p. 48).
95 D’autres dénominations sont souvent utilisées pour indiquer cette approche méthodologique : Planification des Projets par
Objectifs (PPO), Objective Oriented Project Planning (OOPP), iel Orientierte Project Planung (ZOPP) (Lamballe, 2001, op. cit.).

102 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Méthodologie promouvant une implication active des populations et reconnaissant l’hétérogénéité
de leurs connaissances et savoirs (Gu ye, 2000, op. cit.). Elle vise à saisir les caractères contextuels
hétérogènes à partir de l’exclusion d’une prétention d’exhaustivité et de l’identification d’ordres
de grandeur, avec l ambition d’une analyse réalisée par les communautés elles-mêmes, les agents
externes jouant un rôle de « facilitateurs »97 (Lavigne-Delville, 2005). La récolte des informations
s’effectue à partir d’un croisement de sources, méthodes et compétences ainsi que sur la base
d’une diversité et flexibilité des techniques et des supports, sélectionnés et adaptés en relation au
contexte, géographique, social et opérationnel. La qualité et la fiabilité des résultats sont directement
dépendantes de l’attitude de l’agent externe qui doit posséder des compétences et connaissances
techniques et sociales (Olivier de Sardan, 2000) relatives à une compréhension fine des enjeux
contextuels ainsi qu’à une maîtrise des dynamiques de groupe, pour une adaptation appropriée des
outils et une gestion de l’influence des mécanismes socioculturels (Chambers, Blackburn, 1996).

Approche fondée sur un processus collaboratif de recherche en situation réelle, conduit conjointement
par les communautés et les intervenants externes et donnant lieu à des résultats géographiquement
localisés (Kaihura, 2003). Reconnaissant la capacité d’expérimentation et innovation des populations
ainsi que de l’importance que leurs connaissances assument dans la résolution de problèmes
(Bebbington, 1999), les agents externes encouragent les acteurs locaux à expérimenter, inventer
et adapter de nouvelles formes de gestion et d’application technologique (van Veldhuizen, Waters-
Bayer, Wettasinha, 2005). Ce processus voit l’implication de trois catégories d’acteurs : les membres
de la communauté, expérimentateurs chargés de la mise en œuvre des solutions identifiées ; les
chercheurs, fournissant un appui technique ; des opérateurs de terrain d’organismes d’aide,
facilitateurs de l’interaction entre les parties prenantes (Huy, 2002). Cette dynamique se base sur
une collaboration étroite avec des « experts locaux », individus porteurs de savoirs spécifiques qui
deviennent les principaux concepteurs et diffuseurs de solutions technologiques.

Méthodologie assumant une position explicitement politique visant à « capabiliser » et autonomiser


(empowerment100) les populations par une remise en cause des rapports de pouvoir existants
et une démocratisation du savoir (Archer, Nandago, 2004). Elle se base sur le concept de
« conscientisation » qui, constituant une étape du processus de prise de conscience101, se construit
sur un lien très fort entre participation, connaissance et pouvoir. Une relation de partage mutuel se
développe entre les chercheurs et les acteurs locaux, permettant la redécouverte et l’application
critiques des savoirs traditionnels ainsi que la production et la diffusion de nouvelles connaissances :
« la science des populations » (Corn all, Guijt, Welbourn, 1999, op. cit.). Le facilitateur de cet
échange se situe au sein de la communauté et, au fil du temps, devient superflu : le processus de
transformation se poursuivant sans la présence physique d’intervenants extérieurs, d’animateurs
ou de cadres (Ibid., p. 174).

96 Également connue comme Participatory Rural Appraisal.


97 Il s’agit d’une growing family of approaches, methods, a tudes and beliefs that enable people to express and analyse
the realities of their lives and conditions, to plan themselves what action to take and to monitor and evaluate the results
(Chambers dans IFAD, 2009, p. 8).
98 Egalement connu comme Développement Participatif de Technologie et, en anglais, Participatory echnology Development
99 La terminologie employée varie selon le contexte, toutefois si au niveau des principes méthodologiques il s’agit dans tous
les cas d’une recherche participative qui s’unit à l’action pour transformer la réalité (Fals-Borda, 1992, op. cit., p. 14), les
différences résident principalement dans la conception de la participation et l’importance accordée à la conscientisation
politique (Gélineau, 2001, op. cit.).
100 Au sens de « pouvoir d’agir », entendu à la fois comme une manière d’un individu d’assurer sa survie, d’exprimer son
individualité et de contribuer à la régulation collective des conditions générales d’existence (Le Bossé, 2003).
101 If the prise de conscience goes beyond the mere apprehension of a fact, and places it critically in the systems of
relationships within the totality in which it exists, it transcends itself, deepens, and becomes conscientization (Freire,
Paulo.1973. « Extension or Communication », cité par Gélineau, 2001, op. cit., p. 37).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 103


La conception du rôle des acteurs impliqués, les aspects sur lesquels une analyse se concentre,
les modalités par lesquelles elle est mise en place constituent le « noyau méthodologique » d’une
approche de diagnostic. Des méthodologies analysées, on peut dégager quatre axes de focalisation,
correspondant à autant d’objectifs (Tab. 13).

MÉTHODOLOGIES AXES DE FOCALISATION OBJECTIFS PRINCIPAUX

Enquête Structurée Les données obtenir des données exactes sur la région

Évaluation Rurale Rapide expliquer les relations de cause à effet et


parvenir à une compréhension claire des
La situation
Planification des Interventions Par problèmes et/ou opportunités présentes
Objectifs dans la région étudiée

Évaluation Rurale Participative explorer le point de vue des gens, leur


Les gens perception des problèmes et les pistes de
Développement Technologique Participatif résolution qu’ils envisagent

analyser les relations sociales et l accès de


certains groupes aux ressources afin de
Recherche-Action Participative Les relations sociales
développer des actions appropriées en vue
d’un changement social, voire politique.

Tab.13: Méthodologies analysées, focalisation et objectifs (d’après Holtland, 2001)

Chaque approche méthodologique possède des caractéristiques bien distinctes et, par conséquent,
se révèle plus appropriée à certaines situations et objectifs d’analyse. Cependant, en les comparant,
on peut relever comment la prise en compte et la compréhension des savoirs, compétences et
ressources locales sont directement proportionnelles au degré de « pouvoir d’agir » (Le Bossé, 2003)
et de décider des acteurs locaux, en particulier des populations, tout au long du processus. Non
seulement donc dans la collecte des informations, mais également dans la définition et la gestion
des activités et la prise de décision.

Toutefois, dans le processus d’analyse certaines compétences sont indispensables. Selon la démarche
adoptée, les techniques et les supports à employer demandent des connaissances techniques
spécifiques au domaine de référence, mais surtout des capacités de facilitation pour permettre un
réel échange, dialogue et participation des acteurs, outre qu’une collecte d’informations reflétant la
situation réelle et les différents points de vue des personnes concernées.

Ci après (Tab. 14), je synthétise les principaux particularités des méthodologies considérées, sur
la base de paramètres que j’ai défini en vue de faire ressortir, d’une part, les spécificités propres
à leurs modalités de mise en œuvre et, d’autre part, les potentialités qu’elles présentent tant en
relation à une intégration du diagnostic à une démarche de projet qu’à une prise en compte dans
celui-ci des savoirs et pratiques locales. Il est intéressant de noter comment ce dernier aspect
est proportionnellement dépendant de l’implication des acteurs locaux : plus le pouvoir d’agir
des acteurs locaux devient important, plus l’analyse devient partie d’un processus qui vise à un
changement endogène durable puisant dans les capabilités existantes.

104 Cultures constructives vernaculaires et résilience


++
- agences d’aide (OG et Quelques heures / (préparation et
Investigation - chercheurs Supports préétablis et
ONG), plusieurs années analyse) + +
extractive - opérateurs structurés
- universités (min 3mois) +
(récolte des données)
Communication
Extraction - chercheurs - agences d’aide (OG et +
verbale semi-
Connaissance - opérateurs ONG), 2-4 jours (collecte des + ++
structurée (entretiens
Optimisation - planificateurs - universités informations)
et conversations)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Analyse - agences d’aide (OG Matrices préétablies
- opérateurs ++
Planification et ONG) 1-7 jours Communication ++++ ++
- groupes d’intérêt (animation)
Résolution - bailleurs de fonds visuelle

Supports flexibles
- chercheurs et visuels +++
Triangulation - agences d’aide (OG
- opérateurs (représentations (connaissances
Facilitation et ONG) 3-10 jours ++ +++
- représentants graphiques, techniques et
Apprentissage - universités

degré de participation
locaux groupes de discussion, facilitation)
observation)

Recherche - agences d’aide (OG et


- chercheurs Apprentissage pratique +++
Expérimentation ONG),
- opérateurs Plusieurs années Sensibilisation (appui technique ++++ ++++
Vulgarisation - universités
- experts locaux Appui technique et facilitation)
Coopération - groupes locaux

+++
- opérateurs - universités Supports interactifs
Connaissance (animation,
- groupes - collectivités (observation,
« Capabilisation » Plusieurs années recherche, ++++ ++++
d’entraide - individus, groupes et questionnement,
Autonomisation vulgarisation,
autoconstitués organisations locaux écoute)
médiation)

Tab.14: Comparatif des méthodologies analysées : principes de mise en oeuvre Légende : + : faible ; ++ : modérée ; +++ : élevée; ++++ : déterminante

105
Suite à l’analyse des spécificités de ces différentes approches méthodologiques, je procède à une
synthèse des éléments qui assument un caractère particulièrement relevant dans et pour le processus
d’identification des spécificités propres à un contexte. Dérivant de l’ensemble des méthodologies
considérées, ceux-ci permettent la définition d’un cadre méthodologique de référence en vue de
l’élaboration d’un outil d’analyse des cultures constructives locales.

Approche méthodologique :
• production, appropriation, diffusion de savoirs par les acteurs locaux à partir de leurs propres
connaissances et expériences ;
• analyse, évaluation et mise en œuvre conjointe par les différents acteurs impliqués ;
• participation en tant qu’apprentissage réciproque ;
• interaction et collaboration directe entre tous les acteurs ;
• rapidité relative et/ou fractionnement temporel de l’analyse pour limiter l’investissement requis par
le processus de la part des différents acteurs ;
• possibilité d’interventions ponctuelles de certains acteurs au cours de l’analyse ;
• définition de modalités permettant, selon les compétences et capacités existantes, la mise en
place d’un diagnostic sans le recours à certaines catégories d’acteurs (p.e. représentants du milieu
scientifique) ;
• association directe entre récolte d’information, élaboration des données et définition des actions ;
• analyse des caractères contextuels hétérogènes et de leurs origines ;
• exclusion de la prétention d’exhaustivité ;
• triangulation de sources, techniques et compétences ;
• reconnaissance effective et réciproque du rôle et des compétences de chaque acteur.

Outils d’analyse :
• combinaison et adaptation des outils d’analyse au contexte géographique, social et opérationnel ;
• diversité et flexibilité des techniques et des supports de collecte de l’information ;
• association d’outils et méthodes quantitatifs et qualitatifs :
• structuration de l’informalité ;
• communication verbale et visuelle ;
• visualisation de la discussion et des informations et utilisation de supports graphiques et modifiables.

Rôles et acteurs :
• populations locales en tant que fins connaisseurs du contexte socioculturel et naturel ;
• « experts locaux » en tant que détenteurs de savoirs et savoir-faire technologiques ;
• facilitateur en tant qu’agent intermédiaire ancré dans le contexte (opérateur de terrain, membre de
la communauté, etc.) ;
• agent externe agissant en tant qu’appui à un processus endogène ;
• complémentarité et mise en valeur des compétences de chacun.

Compétences spécifiques :
• adéquation et sélection des supports en relation aux capacités et compétences, pour éviter
l’exclusion ou la prédominance de certains acteurs ;
• importance de l’attitude de l’agent intermédiaire (le facilitateur), nécessitant des compétences et
connaissances tant techniques que sociales ;
• formation spécifique des facilitateurs pour réduire les risques d’une application machinale et
incohérente avec les principes de l’approche et les objectifs du diagnostic.

Limites opérationnelles :
• risque d’inexactitude des informations et de partialité de points de vue et paramètres considérés dus
d’une part à l’influence du contexte et des mécanismes socioculturels et, d’autre part, aux capacités
du facilitateur en relation au processus participatifs ainsi qu’aux critères considérés ;
• calibrage de l’investissement requis en relation aux capacités et disponibilités des différents acteurs.

106 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Depuis le milieu des années 1970, les procédés d’analyse contextuelle ont été objet d’une évolution
rapide vers des méthodologies participatives. Les six approches présentées sont en effet à la base
d’une kyrielle d’autres méthodologies qui ont émergé et évolué en relation à des domaines ou
problématiques spécifiques102, tout en s’alimentant réciproquement et utilisant des techniques
et des supports similaires. Toutefois, la large vulgarisation de ces approches a conduit parfois
à une conception instrumentaliste, en les faisant devenir des outils alors que ce sont à l’origine
des processus, en se focalisant sur les techniques qui ont été réduites à des techniques « prêtes à
l’emploi » appliquées de façon presque mécanique (Monnet, Langlois, 2002, op. cit.).
Considérant le grand nombre d’approches existantes, en développer des nouvelles semblerait
« n’apporter pas grande chose » à la réflexion et à la pratique de terrain. Il paraît donc plus pertinent
de se concentrer sur une amélioration et un emploi optimal des méthodologies disponibles avec une
attention particulière à la création et au renforcement de capacités d’analyse et de communication
des acteurs qui gèrent ou animent la récolte d’informations. Ceci en vue de leur permettre d’être
en mesure d’employer et adapter la gamme d’outils déjà existants à leur propre contexte, capacités
et objectifs.

Certains critiques reprochent à quelques-unes des méthodologies ici considérées de « donner


l’illusion du participatif » (Ibid.), car elles masquent, plus ou moins habilement, des projets présentés
comme issus de la « base » mais qui ne sont finalement que des projets venant du « haut ». Si
l’implication active de la population devient un élément d’influence primordiale sur la fiabilité et
la pertinence du processus d’analyse, différents facteurs soulignent l’importance d’améliorer les
capacités de gestion des organisations intermédiaires ainsi que la collaboration entre les différentes
institutions et organismes. Et cela spécialement entre ceux disposant des capacités pour conduire
une vraie analyse participative et ceux capables d’apporter des solutions de type technique. L’intérêt
de s’appuyer sur des acteurs « intermédiaires » (organisation locale ou de base103), disposant d’une
certaine connaissance de la zone et/ou de la problématique, permet de mieux cibler le contenu et
les modalités du diagnostic ainsi que d’équilibrer la rapidité du processus de collecte d’information
et la complexité des situations. Cela crée les conditions pour une mise en perspective des démarches
entreprises (tant d’analyse qu’ensuite d’application), en favorisant leur durabilité et évolutivité, sans
les restreindre au cadre d’un projet ponctuel, limité par des contraintes financières et temporelles
imposées par l’extérieur (bailleurs de fonds, politiques inter-nationales, etc.). Ce faisant, l’analyse
d’un contexte peut favoriser une appréhension du milieu par les différents acteurs concernés, mais
surtout va s’intégrer à une démarche o la phase de diagnostic constitue uniquement une des
étapes d’un processus d’apprentissage et de renforcement des capacités locales.

Toutefois, c’est à travers des changements dans les « règles du jeu », des modifications significatives
des modes de contrôle des décisions et des flux financiers, qu’un glissement de pouvoir et un
renforcement des capabilités de certains groupes d’acteurs peuvent avoir lieu. En cela, une
démarche d’analyse qui soit participative, participante et participée pourrait contribuer à une prise
de conscience réciproque entre acteurs locaux et agents externes, entre recherche académique et
réalité de terrain, entre détenteurs de pouvoirs décisionnels, financiers et techniques et détenteurs
de connaissances et capacités spécifiques.

102 Entre autres : la gestion des ressources naturelles et des sources de subsistance ; l’alphabétisation, l’éducation et
l’autonomisation des adultes ; la santé et la nutrition ; la planification et développement urbain et rural ; l’établissement des
droits à la terre pour les communautés indigènes ; la négociation et résolution des conflits ; l’établissement et l’analyse des
politiques ; la gouvernance et la démocratie ; la réduction des risques et gestion des catastrophes.
103 Une organisation de base est un groupe auto-organisé d individus poursuivant des intérêts communs sur base bénévole ;
organisation sans but lucratif. Les organisations de base ont généralement un faible degré de formalité, mais un objectif plus
large que les groupes d entraide, les organismes communautaires ou les associations de quartier (Anheier, List, 2005).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 107


Indépendamment du domaine d’application, les méthodologies précédemment analysées
permettent de constituer un cadre référentiel relatif aux outils et aux rôles des différents acteurs
dans un processus analytique. Dans la partie suivante, j’approfondis certains aspects et modalités
concernant le diagnostic dans des contextes exposés à des aléas naturels. En particulier, je considère
des approches et facteurs, tant opérationnels que méthodologiques, qui contribuent à la définition
d’un cadre procédural spécifique à l’analyse de la corrélation entre la culture constructive d’une
communauté et les risques caractérisant le milieu qu’elle habite.

Suite à l’impact d’un aléa, aucune action significative ou systématique ne peut être mise en œuvre
avant l’évaluation de la situation. De ce fait, le diagnostic constitue l’une des phases les plus essentielles
du processus de réponse à une catastrophe. Dans ce cas, son principal objectif est d’obtenir une
compréhension détaillée de la situation existante, des acteurs impliqués, des problèmes rencontrés
par les populations directement ou indirectement affectées, ainsi que des stratégies qu’elles ont
mis en place pour répondre à la crise. Les résultats de cette analyse contribuent à la conception
des interventions à mener et doivent, par conséquent, fournir des informations sur les besoins et
les demandes à traiter, les capacités locales pouvant être soutenues ainsi que les opportunités et
contraintes qui affecteront la mise en œuvre des activités (Groupe URD, 2010, op. cit.).

Pour permettre aux professionnels de l’humanitaire de s’orienter entre les innombrables


méthodologies d’évaluation post-catastrophe, les clusters104 des Nations Unies et d’autres organismes
internationaux ont procédé à une amélioration et normalisation des outils d’analyse, établissant
des procédures et des critères uniformes (Jha, Duyne Barenstein, Phelps, et al., 2010, op. cit.).
Le processus d’analyse se base essentiellement sur un ensemble prévisible d’activités et procédés,
dont un certain nombre peut être établi même avant la crise afin d’accélérer la mise en place des
diagnostics post-catastrophe.

partir de la phase immédiatement suivante l’impact d’un aléa, les différents types d’évaluation
se structurent avant tout en relation à une échelle temporelle. Dans un premier temps ils doivent
permettre d’obtenir un aperçu global de la situation (analyse préliminaire), pour procéder le plus
rapidement possible à la définition des besoins (analyse rapide) et, ensuite, acquérir le maximum
d’information pour la définition et le ciblage des activités à mettre en œuvre (analyse détaillée). Ces
analyses se basent généralement sur des outils de type fermé ou semi-structurés et le niveau de
complexité et la spécialisation des compétences requises s’accroissent au fur et mesure du degré
d approfondissement. Si dans l’analyse immédiatement suivante la catastrophe, l’on considère que
toute personne présente sur place peut être chargée du diagnostic, pour les phases successives
des qualifications particulières sont retenues nécessaires. La composition de l’équipe conduisant
l’analyse peut dans ces cas se constituer de (IFRC, 2008 ; Corsellis, Vitale, 2010, op. cit.) :

• généralistes : personnes expérimentées mais avec aucune formation technique spécifique qui,
sur la base de lignes directrices préétablies, effectuent une analyse générale de la situation
servant de base à une intervention ciblée des spécialistes. Ce sont généralement des individus
appartenant à des organisations ou des communautés locales, disponibles et mobilisables dans
des délais très courts ;

104 Les Clusters sont des groupes d’organisations constitués en relation au différents secteurs de l’action humanitaire
(construction, santé, assainissement, etc.) et établis suite à une catastrophe pour appuyer les gouvernements, les instances
locales et les différents organismes intervenant dans la gestion de la crise et la coordination des acteurs (Scott, 2012).

108 Cultures constructives vernaculaires et résilience


• spécialistes : personnes possédant une expérience et des qualifications particulières et qui sont
en mesure de rapidement identifier et recenser les éléments relatifs à leur propre domaine de
compétence ;
• multidisciplinaire : regroupant des spécialistes de différents domaines et, éventuellement, des
généralistes.

Bien que les procédures d’évaluation incluent, parmi les généralistes, également des membres
des populations locales, l’implication des communautés affectées dans le processus de diagnostic
n’est toutefois pas toujours considérée comme indispensable (Ibid.) et l’utilisation de certains
outils dérivants des méthodologies participatives demeure considérablement limitée (Byrne, 2003,
op. cit.). Malgré les priorités et les contraintes caractérisant la phase d’urgence ne favorisent pas
l’instauration immédiate de processus participatifs (Slim, Mitchell, 1992), la mise en place d’analyses
basées sur des techniques dialogiques et participatives contribue considérablement à la pertinence
et efficacité du contenu et des modalités des réponses (Ra al, Prajapati, 2007 ; Groupe URD, 2010,
op. cit.). De fait, tant en situation de post-catastrophe que dans des activités de préparation et
réduction des risques, l’implication active des communautés, la compréhension des mécanismes et
capacités de survie d’une population ainsi que la reconnaissance des initiatives locales assument un
rôle déterminant. Elles permettent d’assurer l’adéquation des actions entreprises aux circonstances
spécifiquement locales ainsi que de les ancrer dans une perspective à long terme, tant du point
de vue des populations et des institutions les mettant en place, en favorisant une continuité entre
l’urgence, le redressement et la préparation aux futures crises.

Dans cette logique, différentes approches participatives ont été développées par des organismes
et agences d’aide pour soutenir un processus continu d’implication des populations locales dans
la préparation et la réponse aux crises (Anderson, Woodro , 1990 ; Davis, Haghebaert, Peppiatt,
2004). Elles s’inscrivent dans une démarche de gestion communautaire des risques reconnaissant
la participation directe de différents acteurs locaux comme un facteur incontournable pour le
renforcement des capacités de résilience et une réduction de la vulnérabilité sur le long terme105
(Abarquez, Murshed, 2004, op. cit. ; CordAid, 2007).

Certaines d’entre elles se réfèrent à des thématiques spécifiques, abordant de manière différente
et complémentaire l’analyse du milieu social, construit et naturel de communautés habitant des
régions exposées à des risques naturels.

Ici de suite j’en considère quatre s’appuyant sur des méthodes participatives et des supports de
communication verbale et visuelle simples106. Elles font ressortir des éléments qui me paraissent
particulièrement relevants pour la caractérisation d’un contexte et pour l’explicitation du rapport
entre les aléas naturels affectant une région et les populations qui l’habitent. Chacune de ces
approches se focalise sur des aspects particuliers qui sont, néanmoins, étroitement interdépendants
(Fig. 34). L’habitat est fortement influencé par les spécificités propres à chacun de ces facteurs.

105 Les dénominations varient à selon les organismes à la base du développement et mise en pratiques des méthodologies
reliées à ce type d’analyse. titre d’exemple : Analyse participative des risques de catastrophe, Participatory Disaster Risk
Assessment (Abarquez, Murshed, 2004, op. cit.), valuation participative des risques de désastres (Hansford, 2007, op. cit.).
106 D’autres méthodologies s’appuient sur des instruments de type analytique pour l’identification des risques et la prise de
décision, utilisant des progiciels (terme dérivant de la contraction de produit et logiciel) pour la réélaboration des informations
et s’adressant essentiellement à des planificateurs et gestionnaires de projet (p.e. méthodologie CRiSTAL, Community-based
Risk Screening Tool - Adaptation and Livelihoods).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 109


Le bâti s’insère en effet dans un ensemble contextuel o les caractéristiques physiques de
l’environnement construit se révèlent indissociables des perceptions, savoirs, pratiques et mesures
existantes, tant au niveau individuel que collectif, tant à échelle communautaire qu’institutionnelle.
De fait, les caractéristiques du produit construit deviennent les résultantes d’un processus
socioculturel directement corrélé à la résilience globale d’une communauté.

L’implication des acteurs locaux dans le processus d’analyse est un facteur favorisant tant
l’identification fiable des spécificités d’un contexte que la compréhension d’autres aspects qui
participent de manière décisive à la détermination de la vulnérabilité effective d’une communauté.
Dans une analyse contextuelle, et plus particulièrement dans l’analyse d’une culture constructive
d’une région exposée à des aléas naturels, l’association entre la compréhension technique de
l’habitat et sa dimension culturelle et sociale résulte indispensable pour saisir le rapport existant
entre les risques et la résilience d’une communauté.

• Vulnérabilités et capacités
Alors que les risques peuvent être cartographiés à l’échelle internationale, nationale ou régionale,
les vulnérabilités ainsi que les capacités des populations pour y faire face sont, de par leur nature,
localisées et spécifiques à une certaine zone. L’analyse ciblée des vulnérabilités et capacités
existantes vise à déterminer la portée et les causes de la vulnérabilité d’une communauté, à évaluer
les principaux risques auxquels elle est exposée, ses capacités actuelles et les priorités locales (IFRC,
2006, op. cit. ; van Aalst, Cannon, Burton, 2008).
Méthodologie de référence : Analyse des Vulnérabilité et Capacités - AVC

• Stratégies d’ajustement et stratégies d’adaptation


Analyse se focalisant sur les vulnérabilités et les capacités de résilience d’une communauté envers
des phénomènes se rapportant à deux échelles temporelles distinctes, tels que les aléas naturels
et les facteurs liés au changement climatique. Elle considère donc des stratégies développées non
seulement pour faire face à des crises ponctuelles, mais également en relation à des modifications
progressives et lentes du milieu naturel (Brooks, 2003 ; Smit, Wandel, 2006 ; Dazé, Ambrose,
Ehrhart, 2010 ; Somda, Faye, N’Djafa Ouaga, 2011).
Méthodologie de référence : Analyse des Vulnérabilités et Capacités d’Adaptation (AVCA)

• Connaissances, attitudes et pratiques


Analyse des savoirs, systèmes de valeurs et de croyance ainsi que des manières dont ils affectent les
pratiques courantes, communément partagées par un groupe d’individus (FAO, 1997 ; Gumucio,
2011). Elle permet d’estimer les connaissances, la perception des risques, les comportements adoptés
ainsi que de cerner d’autres facteurs affectant plus fréquemment le quotidien des populations et
pouvant être perçus comme des menaces plus importantes. Cette analyse favorise l’identification de
personnes ou groupes sociaux ayant une méconnaissance de mesures de réduction de la vulnérabilité
et l’investigation d’aspects entravant leur adoption et mise en pratique (Ventalon, Di Cecco, 2012).
Méthodologie de référence : enquête sur les Connaissances, les Attitudes et les Pratiques (CAP)

• Habitat
Analyse portant sur l’identification des risques auxquels les constructions sont exposées, des
causes de leur vulnérabilité, la définition et hiérarchisation de stratégies pour améliorer la sécurité
de l’habitat ainsi qu’à l’établissement d’un plan pour leur mise en œuvre. Complémentaire et
conséquente à l’analyse des capacités et vulnérabilités, elle ne se rapporte pas exclusivement à une
réduction des risques spécifique au domaine de la construction mais également à une amélioration
des conditions de l’habitat au sens large.
Méthodologie de référence : Participatory Approach for Safe Shelter Awareness - PASSA107

107 Méthodologie développée et formalisée par la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-
Rouge (IFRC, 2011).

110 Cultures constructives vernaculaires et résilience


attitudes pratiques

stratégies
connaissances CAP d’ajustement

PASSA AVCA

AVC stratégies
habitat d’adaptation

vulnérabilités capacités Fig.34: Méthodologies et éléments de focalisation pour


une analyse particpative en contextes à risques

L’étude technique du bâti en zone à risque relève essentiellement du domaine d’experts, faisant appel
à des compétences spécifiques ainsi qu’à une série de procédures et paramètres homogènes108.
Tant au niveau de la recherche académique qu’au niveau opérationnel, l’approche la plus diffusée se
focalise sur l’analyse des technologies de construction (techniques et matériaux) et du comportement
structurel des bâtiments. Les procédures existantes se rapportent à des aléas spécifiques109 et
concernent l’analyse de la vulnérabilité structurelle du bâti, par l’évaluation des dégâts effectifs
suivant un événement particulier (Pinto, Taucer, 2007) ou l’estimation des dommages attendus
(Cardoso, Lopes, Bento, 2005). Ces investigations font appel aussi bien à des techniques d’analyse
visuelle rapide (FEMA, 2002) établissant sur la base d’informations qualitatives une présomption de
vulnérabilité, qu’à des techniques quantitatives appliquant des modèles et des procédures analytiques
pour la modélisation de structures représentatives d’une typologie particulière (Karababa, 2007 ;
Wilcock, 2009). En relation à cette dernière approche, deux démarches sont couramment adoptées
se référant, l’une à la vulnérabilité prévue et l’autre à la vulnérabilité observée (Coburn, Spence,
2002). La première concerne l’évaluation de la performance attendue du bâti, établie sur la base de
modélisations et de spécifications de conception. La deuxième consiste dans une analyse effectuée
sur la base des dégâts ayant eu lieu lors des événements passés. Cette dernière est considérée la
plus appropriée pour des structures réalisées sans l’implication d’un architecte et/ou d’un ingénieur
(non-engineered structures) et/ou bâties avec des matériaux non homogènes, dont la résistance
effective est difficilement calculable mais, pour lesquelles, des données substantielles concernant
l’historique et les typologies de dommages peuvent exister (Abdessemed Foufa, Benouar, 2010).

Ces approches requièrent pour leur mise en œuvre une expertise spécialisée (Zacek, 2004), relevant
du domaine du génie parasinistre et employant des outils et des paramètres dont le niveau de
technicité permet rarement une utilisation par des non-spécialistes. De plus, dans l’étude de bâtiments
vernaculaires (soit relevant du patrimoine historique que correspondant à des architectures plus
récentes réalisées sans l’implication d’architectes et/ou ingénieurs), les procédures et les indicateurs
de référence découlent généralement d’une adaptation de méthodes d’évaluation de structures
conçues et réalisées avec le suivi d’un architecte et/ou ingénieur. Bien que reconnue et appliquée au
niveau mondial, cette démarche présente néanmoins certaines limites.

108 Dans la phase suivant immédiatement une catastrophe, cela se traduit par l’application de procédures d’évaluation rapide
de dommages (p.e. DaLA – Damage and Loss Assessment) auxquelles peuvent suivre des évaluations plus approfondies,
ciblant certains types d’aléas et/ou de typologies constructives.
109 Parmi les plus courantes, on peut citer : EMS98 et FEMA310 pour l’aléa sismique ; pour les inondations, les procédures
élaborées par la FEMA (agence américaine de gestion des situations d’urgence) et, pour les ouragans l’échelle Fujita.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 111


Tout d’abord, cela peut induire une non reconnaissance du fonctionnement réel de la construction
due à l’application de modèles et paramètres spécifiques à certaines typologies structurelles
prenant difficilement en compte les mécanismes régissant le comportement d’une structure
substantiellement différente110. En effet, le bâti vernaculaire non seulement ne se réfère pas, dans
sa conception et réalisation, à des critères homologués, mais il se caractérise par une hétérogénéité
tant structurelle (Langenbach, 2000) que historique (Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005, op. cit.).
En outre, dans la définition du niveau de vulnérabilité d’une construction, les matériaux et les
techniques employés jouent souvent un rôle déterminant (FEMA, 2003). titre d’exemple, dans le
cas de l’aléa sismique, les caractéristiques constructives du système porteur vertical sont considérées
comme des facteurs d’influence majeure sur les dégâts dus à un tremblement de terre (Gr nthal,
2001 ; Coburn, Spence, 2002, op. cit.). En conséquence, bien que d’autres paramètres secondaires
(structure horizontale, gestion du site, qualité de la construction, historique, etc.) soient également
pris en compte, la classification du bâti en classes de vulnérabilité est étroitement corrélée aux
technologies employées pour la structure primaire verticale. Dans les cas du bâti vernaculaire, se
composant de matériaux et principes constructifs disparates, cette démarche peut conduire à une
simplification réductrice du fonctionnement réel du bâti et, donc, à une détermination erronée de
sa vulnérabilité.

Malgré, et à cause, de la complexité de ces systèmes, le comportement des constructions


vernaculaires est rarement examiné du point de vue d’une réponse de l’ensemble structurel aux
sollicitations des aléas naturels111 (Langenbach, 2000), et prenant en compte les dispositions
constructives intégrées à la structure pour en améliorer la capacité et pour contrebalancer des
éventuelles fragilités du matériau ou du système constructif112. Pareillement, l’influence des
spécificités mécaniques de matériaux encore faiblement connus (p.e. terre, paille, roseaux, bambou)
et le rôle qu’ils assument dans la réponse de l’ensemble structurel113 sont généralement négligés
dans les études et évaluations techniques. En outre, l’extrapolation du bâtiment de son contexte
altère considérablement la compréhension de son fonctionnement effectif, en particulier dans le
cas du bâti historique. Ceci se composé en effet de constructions imbriquées les unes aux autres,
partageant des parties structurelles, dont la synergie s’est révélée parfois déterminante dans la
capacité de réponse à l’impact d’un aléa (Ramos, Louren o, 2003 ; Ferrigni, Helly, Mauro, et al.,
2005, op. cit.).
En dépit des efforts croissants pour élargir la compréhension et diffuser les connaissances relatives
aux architectures vernaculaires114, l’appréhension de ces systèmes et de leurs spécificités parasinistres
reste encore limitée. Cela est particulierement évident dans le cas d’évaluations post-catastrophes
qui ne prennent en considération que de manière extrêmement restreinte les constructions réalisées
sans ingénieurs/architectes, rarement investiguant les typologies de dégâts qui leur sont associées,
les mécanismes de rupture et les facteurs ayant influencé leur comportement (Blondet, Vargas,
Tarque, 2008 ; Langenbach, Kelley, Sparks, et al., 2010).

110 Earthquake damage has o en been looked at with little understanding of what it represents in terms of loss of structural
capacity. he standards applicable to reinforced concrete, where a small crack can indicate a significant weakness, are o en
wrongly applied to archaic systems where even large cracks may not represent the same degree of degradation or even any
loss of strength. Because of the unrecognized lateral resistance provided by archaic structural elements, historical buildings
are thus o en forced to meet a level of lateral resistance that is, in effect, higher than that required of fully code-conforming
newly constructed buildings (Langenbach, 2007, p. 23).
111 If the building is addressed as a unit, the issue can be tackled globally since the stability of stone wall structures depends
more on what might be termed the collaborative action of all the structural elements than on the specific strength of each
individual component (Ferrigni, 2005, p. 259).
112 titre d’exemple : envers les phénomènes sismiques, l’insertion d’échelles horizontales en bois dans des murs
en maçonnerie (Aytun, 1981) ; envers les inondations, l’utilisation de briques de terre cuite dans la partie des murs en
maçonnerie d’adobe exposée à l’eau (UN-HABITAT Pakistan, 2010).
113 titre d’exemple : la différence entre un mortier fragile (en terre ou terre et chaux) et un mortier rigide dans le
comportement d’une structure soumise à des sollicitations sismiques (Langenbach, 2000, op. cit.).
114 En particulier par le biais de recherches scientifiques, de plateformes web (p.e. World Housing Encyclopedia-EERI/
IAEE) et de conférences s’adressant spécifiquement aux thématiques de la construction vernaculaire (p.e. CIAV-Conférence
Internationale sur l’Architecture Vernaculaire).

112 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Si le bâti peut être analysé en se focalisant sur ses particularités constructives et matérielles, celles-ci
sont néanmoins étroitement corrélées aux spécificités du milieu naturel et humain dans lequel les
artefacts construits se situent. La vulnérabilité d’un bâtiment n’est en fait pas uniquement déterminée
par sa capacité de résistance, mais également par les comportements et les connaissances de
ses constructeurs et utilisateurs ; influence qui se rapporte aussi bien à des aspects relatifs au
processus de construction qu’à des interventions permanentes (p.e. agrandissement, réparations,
etc.) et temporaires pouvant en améliorer le comportement ou, au contraire, en déterminer un
affaiblissement.

Les procédures analytiques se concentrant sur une analyse structurelle tissent rarement des liens
entre la sphère technique et celle socioculturelle et environnementale. Néanmoins, certaines
approches, se référant essentiellement au domaine de la préservation du patrimoine, reconnaissent
la forte interrelation existante entre ces différents facteurs et adoptent une démarche qui permet
de faire ressortir la dimension culturelle et sociale de la relation d’une communauté aux risques
ainsi que l’influence de celle-ci sur l’environnement bâti115 (Ferrigni, Helly, 1990 ; Jigyasu, 2002 ;
Karababa, 2007, op. cit.).

Le bâti vernaculaire et historique se fonde sur une relation étroite avec son milieu naturel et
humain. Ses spécificités physiques et ses mécanismes de fonctionnement en dépendent fortement.
Par conséquent, sa compréhension nécessite de s’ancrer dans la culture et la pratique de ses
constructeurs et habitants ainsi que de se référer au cadre social et institutionnel dans lequel il
évolue. Pour ce faire, l’analyse du bâti en zones à risques ne peut pas se limiter à une dimension
purement technique, mais elle requiert l’adoption d’une démarche multidisciplinaire, comprenant
les différents acteurs impliqués dans la conception, réalisation et évolution tant des artefacts
construits que de l’environnement qu’ils déterminent. Dans ce processus, si des procédés normalisés
permettent de répondre avec des informations quantitatives à des paramètres (essentiellement
techniques) établis par des conventions et règlements, des éléments essentiels à la compréhension
qualitative de l’environnement géographique, social, culturel et économique, ainsi que de la crise
elle-même, ne peuvent découler que d’un dialogue avec les communautés locales.

De fait, si l’étude en profondeur des caractéristiques techniques permet de mieux saisir les principes
régissant le comportement d’une structure, des procédures normalisées ne représentent cependant
pas la seule manière de l’investiguer et le comprendre. Intégrer aux procédés existants d’évaluation
pré et post-catastrophe, des critères et des méthodes analytiques spécifiques aux cultures et
architectures vernaculaires permet d’entreprendre un processus de compréhension « directe » des
particularités et du comportement de ces structures, selon la même démarche que celle adoptée
pour des bâtiments, des techniques et des matériaux « scientifiquement normés ».

Pour être en mesure de saisir tant la particularité des matériaux, des principes constructifs et
des dispositifs parasinistres présentent dans le bâti vernaculaire, que les facteurs humains et
environnementaux influençant ses spécificités et sa résilience, ces « nouvelles » approches devraient
toutefois se fonder sur des codes avant tout méthodologiques que numériques (Pierotti, 2005) et
se positionner en conscience du fait que la construction, en particulier en référence à l’habitat, ne
se rapporte pas uniquement à un domaine spécialisé qui voit une gestion et une action de seuls
« experts technocrates ».

115 L’approche et le travail développés par les chercheurs du Centro Universitario Europeo per i Beni Culturali (CUEBC,
Ravello, Italie) se situent dans cette perspective et ils sont particulièrement représentatifs de l’adoption de cette démarche. Ils
visent en effet à réduire la vulnérabilité du bâti historique envers les phénomènes sismiques par la récupération de la culture
sismique locale, au travers d’une investigation, compréhension et réutilisation des techniques parasismiques présentes dans
les bâtiments existants, à partir d’un diagnostic allant du niveau du détail constructif à celui du territoire (Ferrigni, 1990), et
comprenant aussi bien une analyse sismo et écohistorique (Pierotti, Ulivieri, 2001, op. cit.) que structurelle (Ferrigni, Helly,
Mauro, et al., 2005, op. cit.)

Cultures constructives vernaculaires et résilience 113


Certaines méthodologies participatives permettent la prise en compte de facteurs socioculturels et
environnementaux corrélés et influençant l’exposition d’une communauté aux risques. Elles incluent
également une évaluation du bâti, tant au regard de ses caractéristiques que de sa vulnérabilité.
Pour établir un diagnostic de la situation existante, elles se basent essentiellement sur les opinions,
expériences et perceptions de la population ainsi que, de manière indirecte, de celles des agents
externes. Toutefois, bien qu’elles aient un impact considérable sur les actions entreprises par la suite,
celles-ci ne sont pas nécessairement représentatives de la réalité effective. En effet, l’imaginaire d’une
communauté, tant interne (population, autorités, etc.) qu’externe (techniciens, décideurs, bailleurs,
etc.) à un contexte, peut être influencé par différents facteurs d’ordre social et culturel qui risquent de
biaiser les informations obtenues et la représentation de la réalité qui en découle. Dans la définition
d’un habitat sûr et résistant (ou « meilleur »), les distorsions et inexactitudes, dérivant tant de la part
de la population que des opérateurs, peuvent conduire à négliger des solutions pertinentes déjà
pratiquées, mais considérées comme obsolètes et « dépassées » ; ce qui, à long terme, entraîne
des changements importants dans les pratiques constructives d’une communauté, allant même à
aggraver sa vulnérabilité.

ce propos, particulièrement représentatives sont les expressions de kutcha et pukka, dans la


langue Hindi. La première signifie « de basse qualité, inférieure, précaire », tandis que la deuxième
« de bonne qualité, solide, durable ». En relation aux constructions, le terme kutcha indique des
structures réalisées avec des matériaux organiques (terre, bambou, bois, paille, etc.), tandis que
pukka est employé pour des bâtiments utilisant des matériaux dérivés d’une production industrielle
(Ahmed, 2005 ; Rashid, 2007). En référence à la résistance ou comportement du bâti envers des aléas
naturels, l’utilisation de ces termes et, de conséquence, l’adhésion aux jugements de valeurs qui y
sont associés, peut avoir des conséquences considérables sur le choix des technologies à promouvoir,
tant au niveau du terrain qu’au niveau institutionnel.

D’une part, les méthodologies d’analyse existantes requièrent des capacités de facilitation et
animation du processus participatif. Dans la manière d’aborder la question de l’habitat, elles
nécessitent également des compétences et d’une approche particulières permettant non seulement
de considérer des aspects purement techniques, mais également d’effectuer avec la contribution des
acteurs locaux une analyse des potentiels, faiblesses et réalités effectivement existants. D’autre part,
bien qu’une analyse des facteurs inhérents aux cultures constructives locales soit parfois effectuée de
manière spontanée par le personnel des organisations et instituts travaillant sur le terrain (Schacher,
2005 ; Cornet, 2009 ; Douline, Bellin, 2010), elle s’accomplit généralement sur la base de procédures
informelles, et donc, les modalités et paramètres considérés sont souvent strictement dépendants
de la personne effectuant l’analyse. Toutefois, des constatations et expériences relatives à des projets
de reconstruction post-catastrophe (Duyne Barestein, Pittet, 2007) ont mis en évidence la nécessité
d’effectuer des évaluations spécifiques au bâti vernaculaire et, plus particulièrement, de développer
des méthodologies utilisables par les opérateurs et techniciens travaillant sur le terrain et qui, plus
que des procédures standardisées, soient des vraies et propres approches d’analyse (UN-HABITAT
Pakistan, 2010).

L’analyse du bâti vernaculaire en zone à risque, des pratiques et savoir-faire qu’y sont corrélés, présente
de fait un potentiel considérable, tant pour la préservation du patrimoine que dans l’identification
de (nouvelles) propositions de reconstruction et d’amélioration de l’existant. L’identification des
caractéristiques constructives du bâti vernaculaire et des facteurs humains et environnementaux qui
influencent ses caractéristiques et vulnérabilité, ouvre une double perspective : une investigation en
profondeur du fonctionnement et des mécanismes de rupture propres à ces constructions ; la mise
en place d’initiatives favorisant une prise en compte effective des cultures constructives locales ainsi
qu’une consolidation et un élargissement des connaissance et compétences, tant au niveau technique
qu’opérationnel et institutionnel, de spécialistes, professionnels, constructeurs et habitants.

114 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les éléments analysés jusqu’à présent définissent le cadre référentiel dans lequel s’inscrit le contenu
de ce chapitre. La partie suivante concerne une méthodologie d’analyse des cultures constructives
vernaculaires, considérant de manière intégrée les objets construits, les modes de vie et les
ressources présentes in situ. Son élaboration a constitué un des principaux axes de développement
de cette recherche ; je présente ci-après ses spécificités méthodologiques et opérationnelles ainsi
que le processus de sa définition.

Le développement d’une méthodologie se référant spécifiquement aux cultures constructives


vernaculaires vise à répondre aux limites des procédés d’investigation, constatés tant au niveau de
la pratique de terrain que de la recherche scientifique. Dans le premier cas, les procédures existantes
renvoient essentiellement à l’ordre de l’opérationnel, tandis que dans le deuxième elles nécessitent
la mise en œuvre par des spécialistes de secteurs particuliers. Dans les deux cas, des liens sont
rarement tissés entre la sphère technique, socioculturelle et environnementale influençant les
spécificités des artefacts bâtis. L’adoption de cette démarche s’est également appuyée sur des
constats et des besoins exprimés par plusieurs acteurs des milieux académiques et opérationnels116
envers la nécessité de disposer d’outils permettant une analyse du milieu d’intervention, de sorte
à favoriser la mise en oeuvre d’approches de projet fondées et adaptées aux spécificités propres à
chaque contexte.

Plusieurs facteurs déterminent les fondements conceptuels de cette méthodologie. En premier


lieu, une démarche participative impliquant activement les populations et les acteurs locaux dans la
récolte, l’analyse et la validation des informations ainsi qu’une flexibilité et adaptation de procédés
et outils aux spécificités du contexte et aux conditions de travail. Le premier aspect favorise
l’établissement d’une collaboration étroite entre les parties prenantes, pouvant aller jusqu’à une
prise en main complète du processus de la part des communautés concernées. Le deuxième aspect
favorise l’obtention de données fiables et la constitution d’une représentation la plus réaliste possible
d’un contexte/situation.
Un troisième facteur s’ajoute, influençant de manière déterminante les spécificités du cadre
méthodologique : l’utilisation et le potentiel d’appropriation par des acteurs n’étant pas forcement
des experts en matière de construction ou de risques. Ceux-ci incluent aussi bien des techniciens ou
opérateurs d’organismes, locaux et/ou externes, que des membres d’organisations et groupes à base
communautaire, sans pour autant exclure le recours à une expertise spécifique. Cette méthodologie
est en effet conçue comme un support de travail et d’appui à la prise de décision, dans une logique
de soutien à l’identification et mise en œuvre de stratégies et activités issues d’une compréhension
approfondie du contexte117.

116 Parmi lesquels les représentants des suivantes institutions (entretiens conduits entre 2010 et 2013) : CRAterre (France),
Bangladesh University of Engineering and Technology, UN-HABITAT, Caritas Bangladesh, institutions PADED (Haïti), Misereor
(Allemagne), Département de la Coopération et du Développement (Suisse).
117 La nécessité de renforcer les moyens des intervenants de terrain afin de relier le développement et la réduction des
risques de catastrophe a été reconnue comme une question prioritaire à aborder au cours des prochaines années dans les
approches stratégiques des politiques gouvernementales et humanitaires de réduction des risques de catastrophe (UNISDR,
2013, op. cit.).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 115


La méthodologie élaborée vise à établir un état des lieux des facteurs inhérents aux pratiques
constructives s’étant développées dans une région particulière, en faisant ressortir les éléments
- techniques et cognitifs - présentant un apport potentiel à une amélioration de l’habitat et à un
renforcement de la résilience. Selon une approche systémique, cette méthodologie associe à l’étude
des objets bâtis l’investigation des caractéristiques du contexte naturel et social, en prenant en
compte le processus de réalisation des habitats, les ressources disponibles et les comportements et
pratiques particuliers à caractère ordinaire et/ou spécifiques à la présence d’aléas naturels.

L’approche d’analyse considérée se positionne comme étape préalable à la définition de toute


initiative visant à une amélioration de l’habitat et à une réduction de sa vulnérabilité, dont la logique
peut également s’appliquer à des zones non affectées par des aléas naturels. Les informations qui en
découlent constituent une base de données offrant des références concrètes et situées sur lesquelles
fonder l’élaboration et la mise en œuvre de principes constructifs et opérationnels. L’objectif est
avant tout d’appréhender la situation existante, d’établir la nécessité effective d’entreprendre des
actions et, ensuite, d’identifier sur quels éléments celles-ci peuvent se fonder. En fait, la mise en place
d’activités n’est pas considérée a priori comme une conséquence systématique de ce diagnostic qui
peut, au contraire faire ressortir des problématiques prioritaires relatives à des secteurs autres que
celui de l’habitat.

L’élaboration de la présente méthodologie s’est fondée sur une approche itérative de conception,
expérimentation, vérification et adaptation continues, grâce en particulier à des applications sur
le terrain dans le cadre de programmes d’amélioration de l’habitat et de réduction des risques (en
Haïti, au Bangladesh).

La définition du cadre méthodologique, des caractéristiques des supports et de la structuration de


sa mise en place se sont basées sur des allers et retours continus entre la dimension pratique et
celle théorique, une expérience nourrissant l’autre, tant dans le même contexte qu’entre situations
différentes. Cette mise en situation a été effectuée en relation à deux contextes se différenciant
du point de vue des dynamiques et du cadre institutionnel et contextuel de référence. Dans un
cas, la recherche est allée appuyer les activités de reconstruction entreprises par des organisations
locales après le séisme de janvier 2010 en Haïti (cf. annexe A.1.2). Dans l’autre, elle s’est intégrée à
un programme de réduction des risques conduit par deux organismes locaux, l’un opérationnel et
l’autre académique, au Bangladesh (cf. annexe A.1.1).

L’interaction avec des partenaires se caractérisant par une hétérogénéité de compétences,


qualifications et expériences a permis d’approfondir certains aspects relatifs aux modalités
d’acquisition et transmission de compétences associées à la démarche proposée ainsi que
d’apporter une contribution directe au travail mené par les acteurs locaux et internationaux engagés
dans ces programmes. Dans les deux contextes, la mise en application s’est basée sur trois étapes
successives. Une première phase d’apprentissage permettant aux partenaires de se familiariser avec
la méthodologie d’analyse et de l’adapter aux spécificités du contexte. Une phase opérationnelle,
comprenant la mise en place effective de la démarche de diagnostic. Une phase de diffusion, au sein
d’un même organisme ou entre organismes différents, favorisant simultanément le renforcement
des compétences précédemment acquises et la sensibilisation de nouveaux acteurs.

116 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Le développement de ce travail s’est en outre nourri d’échanges avec des professionnels du secteur
humanitaire118 et du domaine de la préservation du patrimoine119, ainsi que d’une contribution à des
projets menés par des partenaires de CRAterre dans le contexte haïtien.
Pendant la phase initiale d’élaboration, les supports d’analyse ont été testés par des membres du
CRAterre dans le cadre d’un projet de réparation de l’habitat existant120. Ces expérimentations ont
permis d’identifier des faiblesses et des optimisations possibles de la méthodologie, en particulier
au regard de son utilisation par des spécialistes (architectes et ingénieurs).
Dans une phase successive, certains éléments de la recherche ont servi de référence à la définition
d’un module de formation à l’analyse des cultures constructives locales, s’adressant à des techniciens
(ingénieurs et artisans expérimentés) d’organisations haïtiennes121. Ce qui a permis d’intégrer à la
réflexion des éléments spécifiques à une adaptation des procédés et contenus aux compétences
d’un public cible particulier (disposant d’une formation technique de base et/ou informelle) ainsi
que des modalités de transmission et d’enseignement de la démarche d’analyse. De plus, cela a
mis en évidence la nécessité d’élaborer des supports pédagogiques adaptés à différentes publics et
intégrés à une approche d’ensemble, allant de l’analyse de l’existant jusqu’à des solutions techniques
d’amélioration de l’habitat.
La troisième contribution s’est rapportée à un travail de recherche ethnologique au regard de la
notion de culture du risque associée à la production de l’habitat122. Dans ce cas, la méthodologie
élaborée a contribué à l’intégration, dans une analyse relevant du domaine des sciences humaines
et sociales, d’éléments spécifiques relatifs à l’investigation de pratiques constructives et parasinistres
ainsi qu’aux systèmes et modes d’organisation de la production de l’habitat.

La succession de ces différentes phases et contextes d’application a permis de faire évoluer


les composants méthodologiques, en intégrant au fur et mesure des éléments découlant des
constatations effectuées tant dans la mise en œuvre de la méthodologie que lors des activités
ultérieures entreprises par les partenaires des projets. Cette évolution a concerné tous les aspects
de la méthodologie : des techniques et supports d’analyse aux pré-conditions nécessaires pour leur
mise en œuvre, des paramètres considérés aux possibilités d’application, des compétences requises
aux modalités de leur constitution et transmission, d’une utilisation dans le cadre de projets de
terrain à l’intégration dans des modules de formation et enseignement.

Ci après je présente les principales étapes du processus d’élaboration, en mettant en évidence le


contenu et les apports de chacune d’entre elles. Les éléments et contributions spécifiques à chaque
contexte de mise en situation seront présentés par la suite (chap. 5.9.1).

118 Professionnels rattachés respectivement aux organismes suivants : CRAterre, Caritas Bangladesh, Secours Catholique-
Caritas France, Caritas Luxembourg, Direction du Développement et de la Coopération Suisse, Fédération Internationale des
Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge, Groupe URD, Misereor, UN-HABITAT.
119 Centro Europeo per i Beni Culturali de Ravello (Italie).
120 Appui à l’amélioration physique des habitats endommagés par le séisme du 12 janvier 2010 à Cap Rouge (département du
Sud Est) ; partenaires de projet : association Vedek, PAPDA, CRAterre-ENSAG, Secours Catholique-Caritas France (2010-2011).
121 Projet Inscrire la reconstruction dans une perspective d’amélioration durable de l’habitat et des conditions de vie de la
population affectée par le séisme du 12 janvier 2010 dans le Sud Est ; partenaires de projet : UN-HABITAT, Agencia Espa ola de
Cooperaci n Internacional para el Desarrollo (AECID), Ministère Haïtien des Travaux Publics, Transports et Communications
(MTPTC), Direction du Développement et Coopération Suisse (DDC), CRAterre-ENSAG et École Atelier de Jacmel (2013).
122 GENIS, Léa, 2013. Pou kay la ka vin pi f . Approche ethnologique de cultures constructives parasinistres au Cap Haïtien,
Haïti. Mémoire de Master Environnement, Développement, Territoires et Sociétés. Paris : AgroParisTech Institut des Sciences
et Industries du Vivant et de l’Environnment, Muséum National d’Histoire Naturelle. 2013.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 117


Légende : concept
domaine

support

source

Fig.35: Carte des références

118 Cultures constructives vernaculaires et résilience


1. Recherches préalables : analyse documentaire au regard des caractéristiques des supports
existants, en relation à différents domaines, incluant (Fig. 35123):
- des approches d’étude de l’architecture vernaculaire et des savoirs locaux corrélés à des risques
naturels ;
- des procédures et manuels dérivant du champ des sciences sociales, de la préservation du
patrimoine et de l’ingénierie ;
- des approches et méthodes élaborées dans le cadre d’interventions d’aide humanitaire et de
coopération au développement ;
- des évaluations des risques, de la vulnérabilité et de dégâts dans les phases précédentes et
postérieures à l’impact d’un aléa naturel ; ceci en relation à plusieurs types d’aléas (séismes,
cyclones, inondations).

2. Conception et définition des caractéristiques principales de la méthodologie : détermination des


niveaux, méthodes d’analyse et interlocuteurs considérés comme sources primaires d’informations,
à partir du croisement entre les éléments découlant de la littérature, d’expériences124 effectuées de
manière indépendante à cette recherche ainsi que des retours d’un premier test effectués par des
représentants du CRAterre dans le cadre d’un projet de réparation post-séisme en Haïti.

3. Adaptation des supports : modification des outils d’analyse en vue d’une mise en application au
Bangladesh, pour les adapter aux objectifs du travail et aux spécificités du contexte.
- traduction en anglais ;
- références aux typologies constructives et aspects socioculturels et environnementaux locaux.

4. Mise en application 1 - Bangladesh (11-12.2011) : phase d’apprentissage de la méthodologie,


réajustement des supports et phase d’appropriation par les partenaires locaux.
- adaptation du contenu : introduction des paramètres contextuels ;
- intégration de nouvelles techniques participatives ;
- redéfinition des rôles des enquêteurs ;
- définition de supports spécifiques à la mise en œuvre de l’analyse et à la restitution des
informations obtenues.

5. Modification des supports : en vue d’une mise en application en Haïti, modification des outils et
des modes opératoires :
- sélection des méthodes et supports en relation aux compétences des partenaires locaux ;
- intégration d’éléments spécifiques au contexte ;
- traduction en français.

6. Mise en application 2 - Haïti (04-07.2012) : phase d’expérimentation par l’organisation GADRU,


modification des supports et phase opérationnelle :
- traduction des supports dans la langue locale (créole) ;
- caractérisation d’éléments spécifiques selon les appellations locales pour faciliter l’interaction
avec les acteurs locaux.

123 Cette carte conceptuelle synthétise graphiquement les concepts explorés et les principales références considérées,
mettant en évidence les liens qui subsistent entre les éléments traités.
124 2004 : analyse de l’architecture et des pratiques vernaculaires dans les régions de l’Orissa (Inde) exposées aux cyclones
et inondations.
2006-2007 : étude de l’utilisation du bambou dans l’architecture vernaculaire (Inde).
2010 : analyse de l’architecture vernaculaire en zone sismique (Indonésie).
2012 : étude technique de l’architecture vernaculaire en zone sismique (Turquie).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 119


7. Diffusion 1- Haïti (06.2012) : activités de sensibilisation et diffusion s’adressant aux techniciens de
quatre organisations engagées dans le programme de reconstruction PADED/Misereor.

8. Affinement de la méthodologie : apport de suivantes modifications :


- définition des niveaux d’approfondissement de l’analyse en accord aux compétences des
enquêteurs ;
- réélaboration des modes opératoires avec des supports spécifiques indiquant pour chaque
technique les objectifs, les modes de mise en place, les sources et les informations recherchées
(« mode d’emploi ») ;
- redéfinition des phases de mise en œuvre.

9. Diffusion 2 - Bangladesh (10-11.2012) : activités de formation et de diffusion d’adressant au


personnel du partenaire local impliqué dans le programme, élargissant la réflexion aux conditions
d’appropriation :
- définition des modalités de sensibilisation et formation d’opérateurs de terrain à la démarche
et principes méthodologiques : activités et contenus, mode de déroulement, supports
pédagogiques ;
- identification des facteurs favorisant/freinant la compréhension et l’acquisition de compétences ;
- définition et distribution des rôles dans un même organisme en accord aux compétences
existantes.

10. Mise en application 3 - Bangladesh (10-11.2012) : phase opérationnelle d’analyse conduite de


manière autonome par le partenaire local, suivie par une évaluation et validation apportant le
suivant complément méthodologique :
- élaboration de guides pour des activités particulières : sélection des constructions à analyser,
synthèse, restitution et vérification des informations, définition de recommandation et pistes
d’action.

11. Diffusion 3 - Haïti (02.2013) : séminaire de sensibilisation et diffusion au regard de l’approche


d’analyse et de valorisation des cultures constructives locales s’adressant aux représentants de
quatre organisations travaillant en différentes parties du pays :
- modalités, supports et activités pour la sensibilisation de cadres et décideurs (non techniciens) ;
- principes pédagogiques pour la transmission de compétences spécifiques.

12. Mise au point de la méthodologie : réélaboration et redéfinition de l’ensemble de la méthodologie


tant du point de vue de ses caractéristiques et modalités de mise en œuvre, que de sa transmission,
diffusion et appropriation par des acteurs locaux et internationaux travaillant sur le terrain.

13. Diffusion 4 - Haïti (06.2013) : intégration de la méthodologie élaborée dans une mallette
pédagogique pour la formation de techniciens et opérateurs de terrain ainsi que dans le cursus de
formation de l’École Atelier de Jacmel (Haïti) dans le cadre d’un programme conduit par UN-HABITAT
(cf. note 121).

120 Cultures constructives vernaculaires et résilience


La conception de la méthodologie élaborée dans le cadre de cette recherche se fonde sur des
principes qui s’inspirent largement des approches participatives examinées en relation au domaine
des sciences sociales et de l’aide humanitaire. Tout d’abord, elle considère qu’à partir des contraintes
et potentiels existants sur place, une population a développé des savoirs et savoir-faire qui sont
spécifiques aux conditions locales et dont l’élaboration est, et a été, fortement influencée par la
capacité d’expérimentation et d’innovation propres à leurs concepteurs. Ces connaissances revêtent
des formes multiples et complémentaires (physiques, techniques, sociales, comportementales) ;
leurs particularités et diversité sont essentielles à saisir pour obtenir une compréhension approfondie
de la situation existante.
Cette démarche se traduit dans une analyse qui, en plus de repérer les facteurs constants, explore
les éléments variables pour appréhender les différentes facettes d’une même réalité ainsi que
l’hétérogénéité des perspectives, capacités et vulnérabilités. En particulier, je considère six principes
clés régissant l’ensemble du processus méthodologique d’analyse :

• la triangulation et le croisement de compétences, sources et méthodes qui, en favorisant


l’acquisition, l’approfondissement et la vérification des informations, réduit les risques de biais
et les omissions, en particulier pour des analyses effectuées dans des délais temporels très
restreints ;

• l’itérativité du processus impliquant quatre phases successives (adaptation, mise en œuvre,


vérification et validation) qui, mises en place de manière continue tout au long de l’analyse,
permettent d’ajuster, réorienter, affiner les objectifs, les contenus ainsi que les modalités de
travail et d’interaction entre agents externes et acteurs locaux ;

• la flexibilité et l’adaptabilité, tant des thématiques abordées que des techniques employées, aux
caractéristiques du contexte et aux conditions (temps, moyens financiers, personnes impliquées
et compétences disponibles) de mise en œuvre de l’analyse, par l’absence d’un protocole
rigide et de modèles préétablis ainsi que par l’utilisation de méthodes et outils modifiables et
combinables ;

• la hiérarchisation des priorités et une « imprécision appropriée » permettant, l’une de cibler


les éléments indispensables pour ensuite les détailler au fur et mesure et/ou inclure d’autres
facteurs, l’autre d’équilibrer la quantité et exactitude des informations en relation aux objectifs
et conditions de mise en œuvre du diagnostic ;

• la facilitation des activités et des échanges constituant la composante la plus délicate car d’elle
dépendent le type, la qualité et la fiabilité des informations obtenues mais également les
caractéristiques de la relation s’instaurant entre acteurs locaux et agents externes ;

• des actions et des questions clés, les premières (observer, demander, vérifier) constituant les
fondements de toute investigation et les deuxièmes (quoi ? pourquoi ? comment ? par qui ?
quand ?) favorisant un approfondissement de l’état des faits, mais également les raisons,
mécanismes et dynamiques qui lui sont corrélés. En particulier, la combinaison de ces actions
avec ces questionnements permet de déceler des solutions et pratiques constructives, ainsi que
des mesures, comportements et connaissances, qui ne sauraient autrement pas perceptibles au
moment de l’analyse, ou qu’ils pourraient avoir été omis par les supports employés ou par les
interlocuteurs.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 121


Considérant la variété des méthodes existantes et des possibles situations d’application, la
méthodologie élaborée ne vise pas à établir un protocole et des procédés de diagnostic rigides,
mais plutôt à s’appuyer sur un variété de techniques dont le choix et l’usage sont déterminés par les
objectifs de l’analyse et les conditions de sa mise en œuvre.
Le concept de la « boîte à outils » indique une vaste gamme de possibilités (méthodologiques,
techniques et/ou opérationnelles), mais inclut également des explications précises quant à leurs
caractéristiques et modalités de mise en place. L’intention primaire n’est donc pas de fournir un
modèle à appliquer de manière systématique, voire mécanique, mais plutôt d’offrir des instruments
pour identifier les approches et les procédés appropriés en relation à une situation déterminée.
L’ensemble des méthodes considérées constitue une « boîte à outils », dont les composants sont
à combiner en relation au type d’informations recherchées ainsi qu’aux spécificités du processus
d’analyse, sans impliquer nécessairement l’emploi de tous ceux disponibles ; certaines d’entre elles
peuvent être sélectionnées tout en assurant la prise en compte d’un niveau général (à l échelle du
territoire) et détaillé (échelle des constructions), ainsi que la complémentarité de critères de type
technique avec ceux de type culturel et social.
En opposition à des procédures linéaires et généralisées, ce concept a été largement employé en
particulier dans le secteur humanitaire (D’Arcy, 1992, op. cit. ; WFP, 2001 ; IFRC, 2007b, op. cit. ;
UNHCR, [s.d.] ; ECBP, 2012). Dans le cadre d’une analyse des cultures constructives en zones à
risques, il résulte être particulièrement intéressant car il permet une adaptation souple des procédés
et des supports aux conditions de travail, en favorisant l’identification et la prise en compte de
spécificités propres au milieu considéré. Le même principe s’applique aux compétences nécessaires
et/ou disponibles, limitant les inexactitudes dues à une inadéquation des instruments employés
ainsi que l’obligation de faire appel à des compétences spécialisées, parfois difficilement accessibles.

De nombreuses procédures d’analyse du bâti en zones à risques (FEMA, 1998 ; OAS, 2001 ; UNCHS,
2001 ; Pinto, Taucer, 2007, op. cit. ; Debray, 2008 ; Corsellis, Vitale, 2010, op. cit.), restreignent
les paramètres considérés à l’échelle de la construction, de ses caractéristiques physiques,
morphologiques et esthétiques. L’environnement proche est souvent pris en compte de manière très
limitée ; encore plus rares sont les approches d’investigation corrélant l’analyse d’objets construits à
celle de leur milieu, entendu au sens de contexte géographique et socioculturel.

Si le bâti peut être étudié en tant que simple artefact, il représente néanmoins une des composantes
les plus explicites de l’interaction qu’une communauté entretient avec son environnement : les
caractéristiques d’un territoire influent sur le milieu construit d’une communauté tandis que les
aspirations, besoins, expériences et savoir-faire des individus qui l’habitent façonnent les spécificités
constructives et architecturales du bâti à partir des matériaux, moyens et capacités disponibles sur
place. Dans les régions affectées par des aléas naturels, les facteurs influençant l’environnement
de vie d’une population s’entrelacent étroitement aux stratégies de prévention, préparation et
redressement qu’elle élabore en relation aux risques localement récurrents.

L’élargissement du champ d’analyse au-delà de l’échelle du bâtiment se révèle indispensable pour


appréhender la nature et les spécificités des pratiques constructives existantes, la relation qu’elles
entretiennent avec leur environnement ainsi que les mécanismes qui régissent la création et
l’évolution de l’habitat local. La méthodologie élaborée adopte ainsi une approche concevant le bâti
comme partie intégrante et résultante d’un ensemble complexe. Elle vise à saisir les caractéristiques
du milieu construit en y associant les facteurs qui l’influencent et le modèlent125.

125 he observation of rules and building methods can only be correctly interpreted in every case, in every situation, if they
are viewed as parts of a wider behaviour pattern, as the manifestations of the a tudes of individuals and groups, recorded

122 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cette analyse se réfère à quatre axes thématiques, étroitement interconnectées entre elles, qui
représentant les principaux facteurs d’influence sur l’espace habité et les capacités locales de
résilience ainsi que sur l’abandon et/ou l’émergence de certaines solutions et connaissances :

• le milieu naturel, comprenant les caractéristiques physiques, climatiques, morphologiques et


géologiques du territoire analysé ;

• l’habitat, dans ses caractéristiques architecturales et constructives conçu en tant que réponse
aux besoins, aspirations et activités de ses occupants, mais également en tant que matérialisation
d’un ensemble de technologies et matériaux ;

• les savoirs et savoir-faire, constituant l’expérience et la connaissance développées par une


population dans le façonnement de son habitat ;

• les ressources matérielles et immatérielles, incluant les matériaux, les moyens et les capacités
disponibles pour la réalisation et l’évolution de l’environnement construit ainsi que pour la
gestion et la préparation aux crises.

De ces axes trois niveaux d’analyse découlent : le territoire, le bâti, le processus constructif. Ce
dernier se concentrant sur les modalités de production et de gestion de l’habitat, de l’échelle
d’une construction particulière jusqu’à celle de l’intégralité du milieu bâti d’une communauté.
ces aspects, un quatrième s’ajoute au regard de l’interrelation entre les aléas naturels locaux et
les stratégies développées par les constructeurs et les populations locales pour y faire face (Fig.
36). C’est le niveau de la résilience. Se distinguant des trois autres par son caractère transversal et
pluridimensionnel, il touche aussi bien la dimension technique que comportementale et cognitive,
l’échelle territoriale que constructive, prenant en compte tous les précédents paramètres d’un point
de vue de leur relation aux risques.

un diagnostic de l’existant s’associe, donc, une anticipation de l’impact de futurs aléas, en identifiant
les éléments techniques, logistiques et organisationnels sur lesquels appuyer des interventions post-
catastrophe et de réduction préventive de la vulnérabilité. Sur la base des précédentes événements,
cet élargissement du champ d’analyse inclut en particulier les ressources disponibles (matériaux
réutilisables, disponibilités sur le marché local, difficulté et temps de approvisionnement) ainsi
que les capacités locales, tant au niveau de la population que des organismes actifs sur le terrain,
dans la gestion et la réponse à l’urgence (quantification des besoins, dimensionnement du projet,
compétences existantes, synergies possibles entre organismes). Ce qui permet de prévenir des
possibles facteurs de blocage, de bâtir de synergies et partenariats et d’entreprendre à l’avance des
initiatives de préparation comprenant différents domaines et niveaux.

in space and time, at a certain period – in brief, what we refer to as a culture (Helly dans Pierotti, 2005, op. cit., p. 93).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 123


caractéristiques
biophysiques
environnement
naturel
aléas naturels

profil social
et économique

environnement institutions et
socioéconomique acteurs locaux

systèmes
organisationnels

valeurs et croyances
environnement
culturel perceptions et
répresentations

aménagement
du territoire

environnement infrastructures et
construit équipements

modèles
d’implantation

espaces et usages

configuration confort et
architecturale bioclimatisme

évolutivité
et pérennité

matériaux
et matériels

technologies
systèmes constructifs
constructives

détails et dispositifs

expériences et
compétences

pratiques et formes
connaissances d’organisation

transmission
des savoirs

intervenants et rôles

modes
activités et phasage
de production

facteurs décisionnels

coûts et
financement

ressources
matières premières
matérielles

produits
manufacturés
mesures
techniques

mesures
non techniques

Fig.36: Éléments d’analyse

124 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Le processus de collecte et de vérification des informations se fonde sur différents types de sources,
aussi bien orales qu’écrites et matérielles, pour obtenir des données tant quantitatives que qualitatives.
Parmi elles, une distinction est effectuée entre les sources primaires ou directes, fournissant des
données à l’état brut, nécessitant une analyse, interprétation et évaluation (documents originaux,
séries de données, photographies, interviews, faits observés, etc.), et les sources secondaires ou
indirectes, exprimant des informations déjà élaborées et synthétisées (publications, manuels,
rapports, cartes établies par des organismes officiels, etc.). Lors d’un diagnostic, les éléments les
plus détaillés et représentatifs de la situation existante dérivent principalement des observations
effectuées sur place et des échanges avec les acteurs locaux. Néanmoins, les sources secondaires
consentent d’établir en amont un premier aperçu du contexte, d’identifier les principaux enjeux
qui le caractérisent comme de saisir des éléments à approfondir ou à valider auprès des sources
primaires.

Si l’environnement naturel et bâti ainsi que la population locale peuvent être considérés comme
des sources primaires indispensables, certains membres de la communauté assument un rôle
particulièrement important, notamment en relation à la nature de l’information dont ils sont
détenteurs. Ici de suite, je répartis les principaux interlocuteurs considérés en relation à trois groupes
principaux :

• population locale :
- membres des communautés : hommes et femmes d’ages et milieux d’appartenance différentes
- occupants et propriétaires des maisons
- aînés

• professionnels de la construction :
- artisans
- fournisseurs de matériaux
- entrepreneurs

• organismes :
- autorités : locales, régionales, nationales
- organisations et groupes actifs dans la zone à échelle communautaire, régionale, nationale,
internationale

L’identification de ces acteurs a été effectuée en relation à leur implication directe dans des activités
relatives à la construction et/ou dans la mise en place de mesures de réduction de la vulnérabilité. Ils
se caractérisent par différents degrés d appartenance et d’interrelation avec le milieu et possèdent
des savoirs, expériences et perspectives hétérogènes, dont la prise en compte est essentielle pour
assurer l’exhaustivité et la fiabilité des informations. Elles se rapportent à trois domaines distincts: le
« contexte » , l’« habitat » et les « aléas ».

Ci après, les informations spécifiques pouvant être apportées par les différentes sources sont
synthétisées en relation à ces trois domaines (Tab. 15). Cette mise en relation a été effectuée à partir
d’exemples présents dans la littérature (Abarquez, Murshed, 2004, op. cit. ; Fontil, 2009, op. cit.)
ainsi que sur la base d’expériences effectuées dans le cadre de cette recherche et de précédentes
analyses.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 125


DOMAINES
SOURCES INFORMATIONS SPÉCIFIQUES
contexte habitat aléas

- informations générales : démographie et groupes


socioculturels ; sources de revenu ; infrastructures ;
ressources ;
- habitat : historique des établissements humains présents
Membres de la dans la zone ; évolution des zones construites et
communauté des pratiques constructives ;
- aléas : zones les plus affectées ; crises et facteurs de cause ;
impact sur la communauté et le territoire ; mesures
prises par les différents secteurs de la communauté
pour réduire leur exposition aux risques.

- habitat : processus de construction ; facteurs déterminants


le choix du site d’implantation, l’orientation, la
typologie architecturale et constructive ; moyens
Occupants et
pour réduire les coûts ; entretien ; problèmes et
propriétaires des
solutions particulières ; mode de vie ; éléments
habitations
prioritaires ;
- aléas : mesures adoptées avant, pendant et après l’impact ;
effets sur le bâti ; connaissance du risque.

- informations générales : historique de la communauté et des


événements du passé ;
- habitat : évolution des pratiques constructives et facteurs de
cause ;
Aînées
- aléas : l histoire des catastrophes ; événements les plus
destructeurs dans la mémoire vivante, causes et
effets ; évolution des phénomènes et des pratiques
pour y faire face (apparition, abandon, et raisons).

- habitat : typologies constructives ; processus de construction ;


ressources nécessaires ; problèmes récurrents et
solutions mises en œuvre et envisageables ;
Professionnels de
- aléas : dommages sur le bâti et causes ; principes de
la construction
renforcement, réparation, reconstruction ;
dispositions spécifiques ; ressources disponibles
après une catastrophe.

- informations générales : historique de la zone, problèmes


Représentants
particuliers ;
communautaires et
- aléas : mesures pour prévenir, réduire et répondre à
des autorités
l’impact des aléas naturels.

Représentants
- informations générales : secteurs, objectifs et modalités des
d’organismes et de
activités conduites ;
groupes actifs
- aléas : types d’intervention.
dans la zone

indique le degré d’importance du type


Tab.15: Types d’informateurs et nature des informations d’information détenu par une certaine source

Bien que la méthodologie élaborée ait été conçue pour des non spécialistes, l’interpellation
de différentes sources et l’étude de l’environnement naturel et bâti, requièrent néanmoins des
compétences particulières.
L’implication active d’acteurs et membres des communautés locales demande des capacités de
facilitation pour assurer une réelle participation et animer les activités. Les méthodes considérées
favorisent la consultation, souvent simultanée, de multiples interlocuteurs au cours d’une période
assez limitée. En ce faisant, la dynamique d’échange qui s’instaure permet d’identifier les facteurs
saillants, d’élargir les éléments considérés et, éventuellement, de recentrer les propos (Baribeau,
2010). Toutefois, l’interaction entre les divers acteurs, en particulier lors d’activités collectives, peut

126 Cultures constructives vernaculaires et résilience


être conditionnée par des normes et conventions sociales. De même, la qualité et l’exhaustivité
des informations obtenues risquent d’être biaisées par la domination et/ou la réduite implication
de certains participants et par leur influence réciproque, provoquant une conformité des
réponses (Ibid. ; Leclerc, Bourassa, Picard, et al., 2011). Les capacités d’animation de la personne
facilitant les échanges influencent donc considérablement la contribution de tous les participants,
l’approfondissement des informations et leur vérification et validation par des acteurs multiples. De
ce fait, le rôle de facilitateur requiert une certaine connaissance du milieu (y compris de la langue
locale) ainsi que des compétences spécifiques pour la création d’un échange fondé sur la confiance
et le respect mutuel. Par conséquent, ce rôle est de préférence à attribuer à un agent intermédiaire
(p.e. opérateur d’organismes travaillant sur place) et/ou interne à la communauté (p.e. représentant
de groupes ou d’organisations de base).

Pareillement, l’investigation des spécificités constructives d’un environnement bâti requiert des
compétences techniques pour déceler les forces et faiblesses existantes, en particulier dans le cadre
d’un contexte exposé à des aléas naturels majeurs. La mise en place de l’analyse implique donc
la participation de techniciens (ingénieurs et architectes) disposant des connaissances nécessaires
pour étudier et évaluer le cadre bâti d’un point de vue architectural et constructif.

La localisation et disponibilité de ces compétences se situent à différents niveaux, que ce soit au


sein de l’organisme réalisant le diagnostic (p.e. techniciens formés aux démarches participatives
et/ou opérateurs sociaux collaborant avec des techniciens), parmi les membres de la population
concernée (p.e. contremaîtres, artisans) ou dans le recours à des institutions ou individus tiers (p.e.
universités, centres de recherche, consultants). Toutefois, ces compétences ne sont pas nécessaires
de façon continue, car les différentes phases d’analyse et les méthodes associées permettent de
cibler pour chaque activité celles indispensables, en favorisant ainsi une répartition des rôles et
limitant l’expertise requise. En outre, le degré de technicité des outils employés et des thématiques
abordées ainsi que le niveau d’approfondissement de l’investigation s’ajustent aux compétences
disponibles, par une sélection et adaptation tant des méthodes que des supports.

La méthodologie élaborée s’appuie sur le large éventail de méthodes présentes dans nombreuses
approches participatives (Chambers, 1992, op. cit. ; Ly, 2001, op. cit. ; WFP, 2001, op. cit. ; IFRC, 2007a,
op. cit. ; UNHCR, 2008, op. cit. ; FAO, 2011, op. cit. ; IFRC, 2011, op. cit.). Parmi celles-ci, certaines
ont été identifiées comme indispensables pour obtenir un aperçu exhaustif des facteurs inhérents
au domaine de l’habitat et à la vulnérabilité envers des aléas naturels. Ces procédés correspondent
à deux modalités différentes et complémentaires de génération, récolte et élaboration des données
(Mukherjee, 1993, op. cit. ; UNHCR, 2006, op. cit.) : l’une se relatant à des opérations effectuées par
les agents externes, avec peu ou aucune implication des acteurs locaux ; l’autre se fondant sur une
participation directe des acteurs locaux.

Les méthodes considérées s’appuient sur deux modes distincts de communication, comportant une
différenciation importante des mécanismes et modalités sous-jacentes au processus communicatif
(Tab. 16) : l’un se base sur un échange d’information de type verbal, tandis que l’autre emploie
des moyens de visualisation et de représentation des informations utilisés directement par la
population .

126 (note relative au tableau 17 à p. 126) Étique : point de vue propre au chercheur et à sa culture ; émique : point de vue
s’appuyant sur les concepts et le système de pensée propres aux acteurs sociaux étudiés (Pike, 1967 ; Bromberger, 1986).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 127


COMMUNICATION VERBALE COMMUNICATION VISUELLE

initiale et
interventions de l’agent externe continues et maintenues
progressivement réduite

modalité de l’agent interne réactive créative

les moyens et modalités sont ceux de l’agent externe l’acteur local

flux d’information séquentiel cumulatif

les détails sont influencés par les catégories étiques les perceptions émiques

Tab.16: Comparaison entre modes de communication verbale et visuelle (d’après: Chambers, 1992, op. cit.)

Chacune des méthodes s’appuie, pour sa mise en œuvre, sur des supports spécifiques assurant la
récolte des informations indispensables et abordant les quatre axes thématiques selon des points
de vue et des degrés d’approfondissement complémentaires. Leurs caractéristiques et modalités
d’usage varient en relation à la méthode de référence, cependant trois principaux types de supports
ont été considérés :
• une liste de contrôle ou guide d’entretien : comprenant une série de sujets à aborder pendant
les échanges, facilitant un dialogue ouvert et fournissant les repères à partir desquels entamer
et/ou orienter le débat ;
• une grille d’observation : liste permettant de cibler les facteurs à prendre en compte, et facilitant
l’identification et la sélection d’éléments particuliers à approfondir ultérieurement ;
• matrices et questionnaires à réponses ouvertes et/ou semi fermées : spécifiques à des activités
visant la récolte d’informations particulièrement détaillées, quantitatives et/ou comparatives ; ils
permettent la collecte relativement rapide de nombreuses données et la constitution de critères
communs facilitant une synthèse et confrontation des résultats obtenus.

Le principe de flexibilité à la base de cette méthodologie permet l’utilisation et/ou élaboration


de supports supplémentaires, élargissant le champ d’analyse ou en détaillant des éléments
particulièrement significatifs en relation aux problématiques abordées.
Les supports développés dans le cadre de cette recherche incluent des indications quant aux critères
à prendre en compte et à la mise en œuvre de la méthode de référence (p.e. guide d’entretien).
Les paramètres d’analyse ainsi que les modalités d’utilisation des techniques associées requièrent
néanmoins des ajustements en fonction de la problématique à traiter, des moyens (économiques,
temporels, humains) et des compétences disponibles ainsi que des caractéristiques de la zone
considérées127. Ces modifications peuvent se baser sur une connaissance préalable et des sources
secondaires et concerner aussi bien des aspects d’ordre socioculturel (organisation sociale, ethnies
particulières, modes de vie, etc.) qu’environnemental (morphologie physique, ressources, aléas et
risques, etc.) ou technique (typologies d’habitat, systèmes constructifs, vulnérabilité, etc.).
En relation aux compétences et expériences des personnes en charge de l’analyse, le rôle de ces outils
est double : d’une part, ils encouragent les techniciens du secteur de la construction à considérer
des facteurs qui influent sur les pratiques constructives et la vulnérabilité locale (p.e. le mode de
vie, les compétences et ressources disponibles) ; d’autre part, ils fournissent aux non-spécialistes
des repères pour récolter des informations indispensables (p.e. les typologies architecturales et
constructives existantes) au regard des spécificités de l’habitat.

127 Une adaptation linguistique est également indispensable pour faciliter tant le travail des enquêteurs que leur interaction
avec les acteurs locaux. Cette adaptation inclus une traduction des outils dans la langue locale et/ou dans une langue
commune aux participants ainsi que la modification des termes employés avec l’introduction d’appellations et formulations
particulières utilisées couramment dans la zone analysée.

128 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans la partie suivante, les méthodes considérées dans le cadre de cette méthodologie sont
présentées dans le détail. Leur définition s’est inspirée des techniques existantes dans différentes
méthodologies participatives. Toutefois, à partir des principes méthodologiques de chacune, un
travail de caractérisation et d’adaptation de la démarche, des objectifs, des modalités de mise en
place a été effectué, en incluant également l’élaboration de supports spécifiques (cf. annexe A.2.1).
Tout d’abord, une synthèse relative aux méthodes considérées permet de visualiser les principales
caractéristiques en relation aux modes de communication, aux compétences nécessaires ainsi
qu’aux sources d’information auxquelles elles font appel (Tab. 17). Par la suite, chaque méthode
est présentée en relation à son propre cadre théorique s’accompagnant d’exemples explicitant le
type d’information pouvant être obtenu en relation à des éléments dérivant des analyses effectuées
au Bangladesh et en Haïti. Ces derniers ont été sélectionnés en relation à une même thématique,
celle de la « résilience », ce qui permet d’expliciter la complémentarité de ces méthodes dans la
compréhension et l’approfondissement des différentes facettes du même sujet.

MODE DE DOMAINE
COMPÉTENCES
MÉTHODES COMMUNICATION SOURCES D’APPROFONDISSEMENT
D’ANALYSE D’INFORMATION
verbal Visuel facilitation technique contexte habitat risques

Cartographie Communauté

Communauté,
Observation directe environnement
physique

Représentants,
Visite accompagnée environnement
physique
Entretiens
Communauté
communautaires
Entretiens
Occupants, aînés
individuels
Professionnels,
Entretiens avec représentants
informateurs clés (communauté,
autorités, ONG)

Occupants,
Groupe focalisé
professionnels

Environnement
Relevé technique
physique

Tab.17: Caractéristiques des principales méthodes


(d’après Chambers 1992, op. cit.; D’Arcy 1992 op. cit. ; Pretty 2000 op. cit. ; IFRC 2007b, op. cit.)

Légende : degré d’importance

faible
modérée
élevée

Cultures constructives vernaculaires et résilience 129


environnement
cartographie
naturel et construit

observation membres de
directe la communauté

occupants /
relevé technique propriétaires

visite (auto)
accompagnée constructeurs

entretiens professionnels
individuels de la construction

entretiens répresentants
communautaires locaux

fournisseurs
groupe focalisé de matériaux

entretiens organisations /
informateurs groupes locaux
clés

Fig.37: Procédés d’analyse et principales sources d’information

130 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les méthodes cartographiques se basent sur l’élaboration par un groupe de non-spécialistes de
cartes à même le sol et/ou sur papier (croquis topographique), rendant visible l’association entre
le territoire et une communauté sur la base d’un langage communément compris et reconnu
(Chambers, 2006, op. cit.). Elles fournissent une reproduction visuelle, sous forme de diagrammes,
de la disposition géographique des éléments situés à la surface d’une région, de la perception d’une
communauté de l’endroit o elle vit et de ses principales caractéristiques (Mukherjee, 1993, op. cit. ;
FAO, 1997, op. cit.). S’appuyant sur une facilitation de la part d’agents externes et/ou internes, leur
élaboration est effectuée par les membres de la communauté et conduit à la réalisation d’une ou
plusieurs cartes concernant des problématiques distinctes ou, si réalisées par des groupes différents,
illustrant la même thématique sous divers points de vue.
Ces cartes reflètent une vision d’un territoire qui diffère considérablement de celle de la cartographie
ordinaire, en intégrant des éléments que cette dernière habituellement exclut (Chapin, Lamb,
Threlkeld, 2005). Les informations contenues peuvent en effet être d’ordre tant quantitatif que
qualitatif, cibler un sujet précis ou croiser plusieurs domaines et disciplines, illustrant aussi bien des
données de type géographique que des éléments culturels et historiques.

Cette technique présente l’avantage d’être économique, indépendante de l’utilisation de technologies


particulières (informatique, imagerie satellitaire, etc.) et produisant un résultat concret à disposition
directe de la communauté : un outil lui permettant de communiquer les connaissances locales
à des agents extérieures ainsi que d’enregistrer et archiver ces informations selon des codes de
représentation et établis par les participants en accord aux système de savoir local (Ibid. ; IFAD, 2009,
op. cit.). Ces cartes constituent un support de communication accessible à un très large nombre
d’utilisateurs : leur réalisation et compréhension ne requiert en effet aucune compétence spécifique
(p.e. capacité de lire et écrire) (UNHCR, 2006, op. cit.). De plus, elles sont dynamiques car pouvant
être modifiées à tout moment par les membres de la communauté et, affichées dans un lieu public,
deviennent un moyen de transposition de la connaissance locale en connaissance partagée grâce à
la visualisation des informations qu’elles contiennent (Abarquez, Murshed, 2004, op. cit. ; NOOA,
2009).

Dans le cadre d’une analyse de l’habitat en zones à risques, cette technique répond à des objectifs
variés pouvant donner lieu à différents types de cartes, permettant d’obtenir une compréhension
commune et une vision d’ensemble de la zone et de l’organisation de l’environnement naturel et
construit :

• Carte habitat : caractérisant la région considérée par la définition de ses limites et des repères
naturels qui la dénotent, ainsi que par la représentation et l’emplacement des voies d’accès, des
habitations, infrastructures et bâtiments communautaires, ou encore de l’affectation des terres.
Des codes graphiques spécifiques (p.e. des couleurs différentes) sont utilisés pour identifier,
localiser et distinguer les différentes typologies de constructions ou pour définir leur état (Fig.
38). Cette distinction peut s’effectuer en relation aux matériaux utilisés (p.e. terre, pierre, brique),
aux techniques de mise en œuvre, au système structurel (p.e. murs massifs en bauge ou ossature
en bambou) ou encore aux typologies architecturales, en particulier quand leur différenciation
s’associe à des groupes socioculturels distincts.

• Carte ressources caractérisant les ressources naturelles disponibles sur place, notamment celles
en rapport au domaine de la construction, et indiquant le lieu de leur provenance (carrières,
plantations, sources, etc.).

• Carte risques : spécifique à des régions exposées à des aléas naturels et favorisant l’acquisition
d’importantes informations, spécialement si croisées avec la carte habitat. Tout d’abord, à
échelle de la région, cela permet d’identifier les zones les plus exposées, les types de risques qui
les affectent et les membres de la communauté qui sont les plus vulnérables (Fig. 41). Effectuée

Cultures constructives vernaculaires et résilience 131


sur une même carte ou dans des cartes spécifiques à chaque risque, la caractérisation des
aléas (localisation, direction, etc.) se complète par la représentation des causes (p.e. rupture
d’une digue) et des conséquences sur le territoire (p.e. zones inondées) et sur les constructions,
définissant le degré d’endommagement (p.e. dégradation partielle, effondrement). Sur la base des
expériences et événements passés, une analyse ultérieure peut être effectuée en représentant,
au niveau de l’habitat, les éléments qui déterminent ou contribuent à accroître son exposition
aux risques (p.e. pentes instables, site d’implantation) et ceux qui la diminuent (p.e. barrières
végétales, barrages), ainsi qu’au niveau des constructions, les typologies structurelles s’étant
démontrées comme les plus vulnérables.

Fig.39: Élaboration d’une carte de


l’habitat (Inde)

Fig.38: Cartographie : emplacement des habitats, affectation du sol et typolo- Fig.40: Utilisation de la carte
gies constructives : construction en terre avec toiture en tôle (brun) ou en lors de la visite du site
chaume (rouge) et construction en bambou avec toiture en chaume (jaune) (Bangladesh)

Les discussions se déroulant en parallèle à l’élaboration de la carte permettent de saisir la présence


de solutions de construction et d’aménagement du territoire susceptibles d’améliorer la capacité
du bâti face aux risques locaux. Parallèlement, elles consentent d’approfondir les raisons sous-
jacentes les choix relatifs aux technologies employées, la perception des différents membres de la
communauté au regard des systèmes et matériaux de construction ainsi que les connaissances et
pratiques existantes pour la gestion des risques et la réponse aux crises.
Les aléas naturels ne sont pas des phénomènes statiques, ce qui détermine une variation des
risques avec le temps. Ainsi, la réalisation de plusieurs cartes relatives à des événements particuliers
permet de constituer un historique des différents phénomènes, de l’évolution de leur impact et de
la vulnérabilité de la communauté ainsi que d’évaluer la pertinence et le fonctionnement effectif des
solutions adoptées, entre-temps, pour pallier aux problèmes constatés.

Pour faciliter la réalisation de la carte et cibler les informations recherchées, le facilitateur peut
s’appuyer sur une liste synthétisant les aspects à prendre en compte. Le processus d’élaboration
s’accompagne par des commentaires et des discussions entre les participants fournissant nombreux
renseignements et pouvant faire ressortir des éléments supplémentaires à considérer ou approfondir.
De ce fait, cette activité est une des premières à réaliser car elle fournit un support d’ « orientation »
pour des personnes extérieures ainsi que d’autres activités à conduire par la suite.

132 Cultures constructives vernaculaires et résilience


EXEMPLE
Contexte de référence : région de Mymensingh, Bangladesh

Différentes cartes élaborées suite à des inondations fournissent des informations


particulièrement utiles pour identifier les zones les plus vulnérables comme pour comprendre
la dynamique et de l’ampleur de l’impact des aléas locaux. Elles illustrent les endroits o les
berges de la rivière ont cédé, en indiquant les points d’entrée et de sortie de l’eau dans
la zone habitée ainsi que les dégâts subséquents. Des symboles ont été employés pour
représenter les bâtiments, infrastructures (étangs, pompes d’eau potable, etc.) et autres
éléments (plantation, arbres, etc.) affectés, en différenciant le niveau d’endommagement,
partiel et total. Elles permettent donc de cibler les interventions de réduction de risque en
relation à des zones de vulnérabilité réelle et d’établir une priorité des activités.

Fig.41: Carte des risques: zones et structures affectées, points de rupture des digues et flux de l’eau lors d’une
inondation passée (Mymensingh, Dinajpur)

INDICATEURS
• Phase d’analyse : initiale
• Durée : variable (de 3-4 heures à une demi-journée) selon de l’étendue de
la zone considérée
• Nombre de participants : variable (6 minimum)
• Type de participants : membres de la communauté
• Source d’information : membres de la communauté connaissant bien la zone
• Supports : liste de contrôle
• Compétences nécessaires : facilitation (1 facilitateur par groupe)

Cultures constructives vernaculaires et résilience 133


Consistant dans la capture intensive et systématique de phénomènes et de processus au sein de
leur environnement, cette méthode permet de saisir le contexte physique, géographique et social
sur la base d’un suivi attentif des faits et des pratiques des populations, sans volonté de les modifier
(Sch nhuth, Kievelitz, 1995, op. cit.). Elle peut correspondre à deux démarches, nullement
exclusives l’une de l’autre : l’observation dirigée, basée sur un examen direct des faits par la présence
sur le terrain ; l’observation participante qui consiste en une immersion dans le milieu, étudiant une
communauté par l’implication directe dans ses activités (Bouchon, 2009). Par la constatation, cette
technique permet d’identifier les différences entre les affirmations et les pratiques réelles au regard
de thématiques spécifiques, en mettant en relief les actions et les comportements. Toutefois, pour
assurer la fiabilité et l’exactitude des informations, les résultats de l’observation directe nécessitent
un croisement avec des données découlant de la mise en place d’autres méthodes et, en particulier,
de celles favorisant l’expression d’une opinion et d’une explication de la part des membres de la
communauté locale (Mukherjee, 1993, op. cit. ; Ibid.). Si utilisée en parallèle à des techniques basées
sur une interaction directe avec les gens (p.e. visite accompagnée, entretiens), l’observation peut
générer des questions sur-le-champ suscitant des commentaires directement référés aux aspects en
question (Cavestro, 2003, op. cit.). L’observation est une activité essentiellement individuelle mais
qui peut être conduite simultanément par plusieurs personnes tout au long de l’analyse.

EXEMPLE
Contexte de référence : région Rivière Froide, Haïti

Des observations conduites suite au séisme de 2010 ont


permis de constater le comportement et les principaux
facteurs de vulnérabilité de deux systèmes constructifs
caractérisant l’habitat existant. Le remplissage d’une
ossature en bois avec de la maçonnerie de pierres a
souvent subi un écroulement partial ou total en raison
du non respect des règles de l’art relatives à cette
technique ; cependant le bon ancrage au sol de la
structure a permis de préserver la toiture et éviter un
effondrement complet. En revanche, avec le système
utilisant comme remplissage des panneaux en lattes
tressées très peu de dégâts ont été observés : seul
l’enduit en terre recouvrant les panneaux a subi une
fissuration et un décollement du support. Ces constats
ont également été effectués par la population qui,
Fig.42: a) effondrement du remplissage
pour la construction de structures temporaires a
en maçonnerie ; b) décollement de
préféré l’utilisation de ce dernier système, plus rapide l’enduit et réutilisation des panneaux
mais également plus sûr que la maçonnerie. (gauche) (crédits: E.Cauderay)

INDICATEURS
• Phase d’analyse : tout au long
• Durée : continue
• Nombre de participants : 1 personne
• Type de participants : membres de l’équipe d’analyse
• Source d’information : environnement physique et social
• Support : grille d’observation
• Compétences nécessaires : technique

134 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cette activité consiste dans la visite systématique d’une zone avec l’accompagnement de membres
de la communauté qui l’habite. Elle permet d’examiner les caractéristiques physiques et sociales
d’une région, les contraintes et potentialités qu’elle présente, d’établir un contact avec ses habitants
et d’apprendre au regard des technologies et des pratiques locales (Mukherjee, 1993, op. cit. ; FAO,
1997, op. cit. ; Grenier, 1998, op. cit. ; Ibid). C’est donc une technique qui facilite la collecte de
nombreuses informations dans un court laps de temps, à la fois en observant l’environnement et en
discutant avec les accompagnateurs, les personnes rencontrées et les membres de la communauté.
Bien qu’elle ne prend en compte que la situation et les caractéristiques actuellement «observables»,
elle constitue un point d’entrée pour une analyse plus en profondeur (Schoonmaker Freudenberger,
1999, op. cit.). Le choix des accompagnateurs influence considérablement la fiabilité des informations
car selon leur compréhension, intérêt et connaissance de la zone, ils peuvent favoriser l’acquisition
de données complètes et approfondies ou, au contraire, conduire à l’obtention de renseignements
biaisés. La forme de synthèse la plus connue est celle d’un diagramme représentant la coupe
du terrain (d’o le terme anglophone de transect walk) et caractérisant la zone à selon de son
affectation ; néanmoins elle peut également consister en des annotations sur une carte, un rapport
ou d’autres types de supports. Cette méthode est à utiliser dans la phase initiale de l’analyse comme
visite de reconnaissance (Bunning, McDonagh, Rioux, 2011), mais également tout au long d’un
projet et, en particulier, à sa conclusion pour effectuer un évaluation et suivi des changements qui
ont eu lieu.

Lors d’une analyse concernant l’habitat et son exposition aux risques naturels, la visite accompagnée
est une méthode extrêmement utile pour saisir la diversité typologique du bâti existant ainsi que
pour comprendre les facteurs physiques de vulnérabilité. En plus de fournir une vision d’ensemble de
la zone (p.e. topographie, accessibilité), elle permet l’identification des principales caractéristiques
de l’habitat (organisation de l’environnement construit, modes d’implantation, types architecturaux
et constructifs, gestion et utilisation des espaces privés et communs) ainsi que d’éléments inhérents
au domaine de la construction (p.e. types, localisation et distribution des ressources) et à la
vulnérabilité envers les aléas (p.e. exposition au vent, proximité à des rivières ou ravines) (Monnet,
Langlois, 2002, op. cit. ; Abarquez, Murshed, 2004, op. cit.).

Le long du parcours, une analyse rapide des technologies constructives existantes ainsi que des
courtes visites aux constructions rencontrées permettent d’identifier une éventuelle différenciation
de l’habitat et des modes de construction récurents. L’identification des typologies constructives
et/ou architecturales est en effet un des objectifs clé de cette activité. La comparaison entre divers
types et entre variantes du même type est le cœur de la stratégie de sélection de ceux les plus
représentatifs qui, par la suite, seront étudiés de manière détaillée (p.e. avec un relevé technique
ou des entretiens individuels avec les habitants). Pour faciliter ce processus, un guide d’observation
fournit un appui à l analyse et à la discussion avec les accompagnateurs et les personnes rencontrées,
incluant des références des aspects à investiguer et à considérer pour la sélection d’exemples
représentatifs des typologies identifiées.

Fig.43: Visite accompagnée (Bangladesh): a) visite de la zone ; b) identification des typologies constructives et sélection des
habitats à analyser ; c) visite rapide et échanges avec les habitants

Cultures constructives vernaculaires et résilience 135


Dans la phase de reconnaissance initiale, des visites effectuées avec des représentants des
groupes ou autorités locales disposant d’une connaissance du contexte socioculturel, permettent
d’établir un premier contact avec les habitants, d’expliquer les objectifs et les modalités d’analyse
et d’éventuellement s’accorder pour des rencontres ultérieures ; par la suite, d’autres observation
peuvent être conduites avec l’accompagnement de personnes spécifiques qui, par leurs connaissances
et expériences, peuvent contribuer à l’approfondissement de certains sujets particuliers (p.e. des
artisans de la construction).

EXEMPLE
Contexte de référence : région de Mymensingh, Bangladesh

Les observations et les échanges directs avec les accompagnateurs et les habitants ont
permis de identifier une solution de réparation particulière et de saisir les facteurs à son
origine. Face à la recrudescence des inondations, la construction en terre massive (bauge)
a été remplacée par la réalisation de structures plus légères, pour réduire une mise en
danger du bâti et des ses occupants. L’utilisation de ces matériaux implique toutefois des
investissements économiques que certaines franges de la population ne peuvent pas se
permettre. Suite aux inondations d’août 2012, certains habitants ont utilisés des poteaux
en bambou en tant que structure porteuse de la toiture en la rendant indépendante des
murs en terre, susceptibles de s’effondrer lors des inondations. L’intérêt de cette solution
réside dans la combinaison entre l’utilisation de matériaux très économiques et localement
disponibles avec un système constructif permettant de sauvegarder les parties les plus
chères de la construction (toiture), tout en assurant une protection des habitants et leur
permettant de réparer rapidement leur maison, si endommagée.

Fig.44: a) construction en terre massive ; b) nouvelles pratiques constructives ; c) réparation d’une habitation en
terre crue suite à une inondation

INDICATEURS
• Phase d’analyse : initiale
• Durée : variable (de 2-3 heures à une demi-journée) selon de l’étendue de
la zone considérée
• Nombre de participants : entre 2 et 10 personnes
• Type de participants : membres de la communauté connaissant bien la zone
• Source d’information : accompagnateur, personnes rencontrées, environnement physique
• Support : guide d’observation
• Compétences nécessaires : facilitation + technique

136 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Basé sur l’interaction verbale, l’entretien est une méthode qui permet de saisir un phénomène ou
une situation, en l’ancrant dans le point de vue et le sens attribué par les interlocuteurs (Gauthier,
2009). C’est une technique le plus fréquemment utilisée pour la collecte de données qualitatives et
qui explore la diversité par un éventail de points de vue et d’opinions. Les entretiens semi-structurés
se basent sur des entrevues qui assument la forme de conversations souples et ouvertes autour d’un
thème prédéterminé (UNHCR, 2006, op. cit.). La spécificité des entretiens semi-structurés est en effet
la construction d’un discours in situ à partir de questions de base qui, en exhortant l’interlocuteur à
donner des exemples et des anecdotes, favorisent l’approfondissement des thématiques ciblées ainsi
que l’identification de nouveaux éléments d’investigation (Bouchon, 2009, op. cit.). Cette méthode
permet d’établir une dynamique d’apprentissage réciproque et de co-construction de sens pouvant
enclencher une réflexion et une prise de conscience de la part des interlocuteurs (Gauthier, 2009,
op. cit.). Ce processus s’appuie sur des outils qui synthétisent les éléments à aborder sous forme de
points ou de questions clés, dans une guide d’entretien ou un questionnaire non structuré, utilisés
comme un moyen de stimuler la conversation et l’échange. Les entretiens semi-structurés sont un
instrument d’investigation privilégié de faits concernant les représentation et les pratiques sociales,
favorisant l’appréhension des raisons, mécanismes et perceptions à l’origine de certaines situations,
comportements et usages (Blanchet, Gotman, 2010).

Pendant une analyse des pratiques constructives locales, l’utilisation de ce procédé est
particulièrement utile pour appréhender de manière détaillée les facteurs et les connaissances
inhérentes à la construction, incluant aussi bien des composantes techniques partiellement
décelables par l’observation du milieu bâti (systèmes et méthodes de construction, modes
d’utilisation des matériaux, etc.), que des composants de type non-technique (savoirs, savoir-faire,
facteurs décisionnels, processus de construction et d’entretien, etc.).
Cette méthode permet, en outre, d’approfondir les particularités des aléas affectant la région (types,
fréquence et intensité, effet sur l’environnement et le bâti) et les stratégies d’adaptation qui ont
été développées, tant au niveau du construit que des comportements individuels et collectifs, et
qui peuvent exprimer une prise en compte particulière des risques. En particulier, elle favorise
l’appréhension des capacités locales (p.e. modes d’organisation, mesures de préparation, réponse
et redressement, recours à une assistance externe) ainsi que des dispositions existantes et possibles
de réduction de la vulnérabilité et de protection des personnes, des biens et des habitats (p.e. zones
de refuge, dispositifs constructifs, comportements particuliers, systèmes d’alerte).

Pour l’analyse de ces facteurs, plusieurs types d’entretiens ont été considérés, se différenciant par le
nombre et le type d’interlocuteurs ainsi que par les supports employés.

Des rencontres collectives avec les membres des communautés locales ont pour objectif de
présenter le travail et les modalités d’analyse ainsi que de récolter des informations au regard de
l’environnement socioculturel et naturel propre à la zone considérée. Il s’agit de renseignements
concernant le profil socio-économique de la population (nombre d’habitants, activités principales,
taille des ménages, organisations communautaires et systèmes d’entraide), le territoire qu’elle
habite (accessibilité, infrastructures, ressources) ainsi que les caractéristiques des constructions
existantes (taux d’occupation, types et dimensions, nombre et organisation des espaces, techniques
et matériaux, problèmes principaux et entretien) et leur processus de construction (rôles et tâches,
matériaux et artisans, solutions pour réduire les coûts, etc.).
Pareillement, des précisions au regard des aléas fournissent des renseignements détaillés au regard
de l’ampleur et des conséquences de leurs impacts ainsi que des mesures adoptées collectivement
pour y faire face. Et ceci en considérant également des activités conduites par des organismes ou
groupes externes ; ce qui permet d’identifier les facteurs de faiblesse qui existent, même en dehors

Cultures constructives vernaculaires et résilience 137


du domaine de la construction, et de cibler les actions futures de sorte à favoriser la réponse à des
besoins réels et la complémentarité avec le travail d’autres institutions.
Incluant les différents thèmes à aborder, le guide d’entretien sert aux enquêteurs comme aide-
mémoire pour animer la séance et pour lancer le débat autour de sujets particuliers à développer
ensuite librement en accord aux réponses et aux éléments soulevés par les participants au rencontre.

EXEMPLE
Contexte de référence : région de Dinajpur, Bangladesh

Les premiers rencontres avec la population du village de Gidari ont fait ressortir l’existence
de deux situations divergentes, influençant considérablement la vulnérabilité et le mode de
vie d’une partie de la population, comme la conception de leurs habitations.
Certains groupes sont installés de manière permanente dans des zones protégées par des
digues et affectées par des inondations de manière occasionnelle ; en revanche d’autres,
ayant perdu leurs terres, ont été contraints de s’installer temporairement sur les digues
proches de la rivière. Pour réduire les dégâts et les pertes lors des fréquentes inondations,
les habitations de ces derniers intègrent des dispositifs constructifs qui permettent un
démontage et un déplacement rapides de la construction. Cette différence se révèle
particulièrement importante à saisir pour pouvoir élaborer des propositions techniques
viables et particulières à chacun de ces deux cas.

Fig.45: a) habitations en zone protégée; b) habitations sur la digue ; c) ancrage de la structure de toiture avec un
assemblage permettant un démontage rapide (p.e. avec un coup de marteau)

INDICATEURS
• Phase d’analyse : initiale
• Durée : 2h30
• Nombre de participants : entre 20 et 30 personnes
• Type de participants : membres de la communauté locales
• Source d’information : représentants et membres de la communauté
• Support : guide d’entretien et/ou grille de contrôle
• Compétences nécessaires : animation + technique

Fig.46: Entretiens communautaires (Haïti) : a) réunion préliminaire avec les représentants des la communauté locale ;
b) rencontre avec l’ensemble de la communauté (crédits: O. Moles)

138 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les entretiens individuels ont pour objectif d’approfondir la compréhension des facteurs liés à
l’habitat et aux risques par l’investigation des pratiques, connaissances et perceptions élaborées au
niveau individuel, par différentes catégories de personnes (d’âge, sexe et milieu social différents) et
exprimées dans les manières de construire et concevoir le milieu bâti et les aléas affectant la zone.
Ces entretiens concernent les propriétaires et les habitants des bâtiments existants pour préciser
les facteurs influençant leur construction (critères décisionnels du site d’emplacement, du système
constructif, des matériaux employés, etc.), leurs espaces (modes d’utilisation, évolutivité, confort),
leur réalisation (compétences et ressources nécessaires, durée), ainsi que leur durabilité et entretien
(problèmes récurrents, causes, solutions adoptées, fréquence et compétences nécessaires). Ces
échanges permettent, en outre, de comprendre les modalités précises dont les aléas affectent le
bâti et son environnement proche ainsi que d’identifier les facteurs critiques ou de force relatifs à
des typologies, matériaux ou systèmes constructifs particuliers.

Le support corrélé à cette méthode assume différentes formes, selon les compétences de
l’enquêteur et les objectifs de l’analyse. Il peut être constitué d’un questionnaire à réponse
fermée, favorisant la collecte de données comparables et facilitant la prise en compte d’éléments
particuliers, spécialement quand ceux-ci sortent du domaine de compétences de la personne
réalisant l’entretien. Ou il peut se limiter à une liste de contrôle permettant de cibler les différentes
questions à investiguer et des précisions à effectuer lors de la discussion avec les habitants. Ce type
de support est particulièrement approprié quand l’enquêteur possède de bonnes compétences au
regard des thématiques traitées et de la facilitation du dialogue, car il présente l’avantage de favoriser
une discussion souple et ouverte permettant d’introduire des aspects supplémentaires découlant
de l’échange avec l’interviewé. Bien que les entretiens individuels s’adressent principalement aux
occupants des constructions existantes, ils peuvent être effectués de manière moins systématique
avec des personnes rencontrées occasionnellement lors des visites accompagnées.

EXEMPLE
Contexte de référence : région de Khulna, Bangladesh

Les questionnements des habitants au regard de


solutions adoptées pour réduire la vulnérabilité de
leur propre habitation envers les cyclones ont permis
de découvrir des dispositions temporaires qui, étant
mises en place juste avant l’impact de ces phénomènes,
n’auraient pas pu être identifiées autrement. Pour
améliorer la résistance de la toiture envers les vents
violents, la charpente est ancrée avec des cordes aux
arbres avoisinants et les couvertures en tuiles et en
chaume sont recouvertes avec des filets de pêche ou Fig.47: a) haubanage de la toiture ;
des grilles en bambou, pour en empêcher l’envol. b) stabilisation d’une toiture en chaume

Fig.48: Entretiens individuels (Bangladesh) : a) avec les habitants ; b) avec les anciens ; c) avec des personnes rencontrées
pendant la visite accompagnée

Cultures constructives vernaculaires et résilience 139


EXEMPLE
Contexte de référence : région de Cap Rouge, Haïti

Lors des entretiens avec les habitants, ces derniers ont affirmé pouvoir anticiper l’imminence
d’un cyclone à partir de l’observation des changements dans l’environnement naturel. En
particulier, lors qu’un certain type d’arbre retourne ses feuilles ils savent qu’une tempête est
imminente. Ils procèdent alors à prévenir l’ensemble de la communauté, à mettre en sécurité
les biens et à faire réserve de nourriture pour être prêts à son impact. Cette connaissance
est toutefois détenue principalement par les anciens qui, à une époque o les moyens de
communication étaient moins répandus qu’aujourd’hui, ont appris par une lecture fine du
milieu de vie à identifier les signaux d’alerte envers les dangers qu’il présente.

INDICATEURS
• Phase d’analyse : intermédiaire
• Durée : entre 30 min et 1h
• Nombre de participants : 1 à 2 personnes
• Type de participants : membres de la communauté locale
• Source d’information : propriétaires, habitants, constructeurs et représentants de la
communauté
• Support : questionnaire et/ou liste de contrôle
• Compétences nécessaires : facilitation + technique

Certains individus sont considérés comme des « informateurs clés » en raison des leurs compétences,
expériences ou connaissances particulières relatives aux problématiques abordées. Ces personnes
peuvent être représentatives de catégories sociales et/ou professionnelles spécifiques et sont
détentrices d’informations permettant d’éclairer ou approfondir des questions précises (Sch nhuth,
Kievelitz, 1995, op. cit.). Dans un diagnostic concernant le bâti, les interlocuteurs privilégiés de ces
rencontres sont les professionnels de la construction (artisans, maçons, charpentiers, couvreurs,
etc.) couramment impliqués dans la réalisation de l’habitat et connaissant les différentes options
constructives existantes et mises en œuvre par la population locale.

Ces entretiens se déroulent de manière individuelle, ou en petit groupe, et ont pour objectif de
récolter des informations détaillées qui pourraient ne pas être connues par la communauté au
sens large. La présence d’artisans appartenant à différents corps de métier permet de bénéficier
simultanément de l’expertise de chacun d’entre eux ainsi que de comprendre les étapes et les
modalités de déroulement et d’organisation d’un chantier.

Les rencontres avec les professionnels locaux s’appuient sur une ou plusieurs matrices pour recenser
les matériaux utilisés en les croisant, par parties de la construction, avec les quantités, le temps et la
main d’œuvre nécessaires à la réalisation d’une maison, dont le type a été préalablement défini en
relation aux principales typologies existantes localement. L’estimation du coût d’un bâtiment et de
ses différentes parties fournit un ordre de grandeur au regard du prix total (parfois difficile à obtenir
des habitants mêmes) et, donc, des investissements que la population est disposée et/ou est en
mesure d’effectuer. ce propos, des personnes ayant récemment réalisé leur habitation peuvent
également être impliquées pour vérifier les quantitatifs et les prix les plus récents.

Les informateurs clés peuvent également inclure des représentants d’autorités ou de collectivités
disposant d’informations relatives aux aspects administratifs et politiques ainsi qu’à des

140 Cultures constructives vernaculaires et résilience


problématiques spécifiques à certains groupes ou secteurs de la population. De même, les
fournisseurs de matériaux ou d’autres services (OG et ONG) ont également une influence sur les
conditions et les pratiques locales. En conséquence, des entretiens spécifiques avec ces autres
acteurs contribuent à obtenir une vision la plus complète possible des différents facteurs, enjeux et
potentiels existants.
Des supports supplémentaires peuvent être employés. titre d’exemple, des fiches spécifiques
relatives aux fournisseurs de matériaux, aux caractéristiques des matières disponibles localement ou,
encore, au profil et compétences d’acteurs (ONG et OG, groupes communautaires et associations de
base) actifs sur place peuvent être élaborées pour compléter les données concernant les ressources
existantes.

EXEMPLE
Contexte de référence : région de Cap Rouge, Haïti

Le rencontre avec des représentant de l’organisation


de base Vedek a permis d’apprendre l’existence d’un
comité « risque de désastre » qui, depuis 2009, est
actif dans la préparation et gestion des crises au
niveau local. Ce groupe effectue des activités de
sensibilisation de la population à la préparation et
réduction de la vulnérabilité et, lors d’une crise, il est
en charge de la gestion de l’alerte et de l’évaluation
des dégâts et des relations avec les autorités pour
l’apport de l’aide nécessaire. L’identification d’un tel
acteur, ancré solidement dans la communauté locale,
constitue un facteur essentiel à prendre en compte
dans des activités visant à un renforcement des
capacités locales, outre à représenter une ressource Fig.49: Sensibilisation de la communauté
précieuse dans la relation avec la population locale. et dialogue auprès des habitants

INDICATEURS
• Phase d’analyse : conclusive
• Durée : entre 1h et 2h
• Nombre de participants : de 1 jusqu’à 3-4 personnes
• Type de participants : personnes ayant des connaissances particulières au regard de la
thématique traitée
• Source d’information : professionnels de la construction et autres informateurs clé
• Support : matrice + fiches spécifiques
• Compétences nécessaires : facilitation + technique

Fig.50: Entretiens avec informateurs clés (Bangladesh) : a) questions au regard des matériaux de construction lors d’un
rencontre pendant une visite accompagnée ; b) discussions avec un groupe d’artisans à propos des coûts et des
étapes de construction

Cultures constructives vernaculaires et résilience 141


Le groupe focalisé (en anglais focus group)128 est une méthode basée sur des conversations centrées
autour de thématiques précises, effectuées par un ou plusieurs groupes homogènes (Touré, 2010 ;
Leclerc, Bourassa, Picard, et al., 2011, op. cit.). Cette technique fait appel à un nombre restreint
de personnes, sélectionnées en raison de leurs connaissances au regard du sujet traité (Sch nhuth,
Kievelitz, 1995, op. cit. ; Rietbergen-McCracken, Narayan-Parker, 1998, , op. cit.). Ces rencontres
se caractérisent par le développement d’une conversation orientée (Neogi, 2001), encourageant
les participants à puiser dans leurs propres expériences et connaissances, favorisant ainsi la
production d’informations mais également de significations communes (Davila, Dominguez, 2010).
Par l’expression des multiples savoirs, perceptions et explications, l’échange qui se met en place
consent d’obtenir un éventail de perspectives et points de vue de personnes ayant des expériences
semblables ; ce qui se révèle particulièrement utile pour la compréhension des pratiques locales,
notamment en vue de la mise en place d’un programme visant à susciter un changement de
comportement à partir des connaissances et attitudes déjà existantes (Bouchon, 2009, op. cit.).

Dans l’analyse du domaine de l’habitat en zones à risque, cette méthode a comme objectif principal
la récolte de renseignements précis sur le secteur de la construction ainsi que sur les compétences
et ressources disponibles. De ce fait, la discussion regroupe différentes personnes qui, par leur
intérêt ou profession, sont porteuses d’informations spécifiques en relation à ces sujets et qui de
manière continue et/ou ponctuelle sont directement impliquées dans la réalisation et l’entretien
des habitations. Cela comprend aussi bien des artisans, des constructeurs et autoconstructeurs que
des personnes en charge de tâches particulières et des habitants, d’ages, sexes et milieux différents.
Les thématiques traitées concernent trois niveaux : les caractéristiques des bâtiments existants, les
ressources disponibles et les aléas naturels.
Au cours de la discussion, les différentes typologies constructives présentes localement sont
détaillées en prenant en compte leurs caractéristiques spécifiques, les modalités de leur réalisation
et entretien ainsi que les facteurs à l’origine de l’apparition ou abandon de certaines pratiques
constructives et, donc, de leur évolution.
Par rapport aux ressources locales, les éléments à approfondir concernent aussi bien les matériaux
employés ou disponibles que les compétences et savoir-faire existants.
En relation aux aléas, la discussion vise à comprendre les manières dont ils affectent le bâti et les
dispositions prises localement pour réparer les constructions (parties intéressées, type de travaux
et d’investissement économique nécessaire, fréquence, compétences nécessaires) et améliorer
leur comportement (renforcements, détails et dispositions constructives spécifiques, mesures
permanentes et temporaires, solutions mises en œuvre et envisageables).
Ces échanges s’appuient sur un guide d’entretien, composé d’une liste de sujets à aborder et/ou
de questions ouvertes, favorisant la génération d’une discussion spontanée parmi les membres du
groupe et d’orienter les débats sur la base d’un processus de questionnement séquentiel non rigide
(Neogi, 2001, op. cit.).

Fig.51: Groupes focalisés : a) rencontre avec des artisans, des propriétaires, des autoconstructeurs et des femmes responsables
de l’entretien des habitats (Bangladesh) ; b) les constructions existantes sont supports de la discussion avec des
artisans et des propriétaires, c) explication des problèmes de construction devant une habitation en chantier (Haïti)

128 selon du domaine d’application, de la langue et de l’époque historique, cette technique a été associée à des appellations
multiples (Touré, 2010, op. cit. ; Leclerc, Bourassa, Picard, et al., 2011, op. cit.) : focused interviews, entretiens de groupe,
entretiens collectifs, groupes centrés sur la discussion, entretien focalisé, etc.

142 Cultures constructives vernaculaires et résilience


EXEMPLE
Contexte de référence : région de Sylhet, Bangladesh

Les discussions réunissant les artisans locaux ainsi que quelques habitants de la zone ont
permis de comprendre les raisons d’une différence des typologies constructives existantes
et, en particulier, leur adaptation en relation à l’exposition au risque. Historiquement,
les habitations étaient réalisées entièrement en bauge. Suite à une augmentation des
inondations, les structures en terre ont été substituées par une ossature en bambou et
un remplissage léger, pour éviter l’effondrement et la mise en danger des occupants. Ce
type de construction s’avère être toutefois moins durable et moins agréable à vivre. Ainsi,
dans les zones mois fréquemment affectées une nouvelle solution constructive hybride
a été adoptée : une ossature en bambou pour préserver la toiture et des murs en terre
avec une hauteur limitée pour améliorer le confort intérieur tout en réduisant les risques
de blessure grave en cas d’effondrement. Dans les zones non affectées, la construction en
bauge continue à être utilisée.

Fig.52: a) croquis : typologies constructives selon site d’implantation ; b) demi mur endommagé par une inondation
temporairement remplacé par un panneau avec enduit ; c) structure légère en zone très exposée ; d) demi
mur en terre et structure indépendant soutenant la toiture en zone moyennement exposée ;
e) construction en terre massive en zone faiblement exposée

INDICATEURS
• Phase d’analyse : intermédiaire et conclusive
• Durée : maximum 2h
• Nombre de participants : entre 6 et 12 personnes
• Type de participants : groupes et individus impliqués dans des activités du secteur de la
construction
• Source d’information : artisans, autoconstructeurs, habitants
• Support : guide d’entretien et/ou liste de contrôle
• Compétences nécessaires : animation + technique

Cultures constructives vernaculaires et résilience 143


Dans l’analyse d’un milieu construit, l’étude détaillée de certaines constructions répond à des
objectifs multiples, prenant en compte aussi bien les aspects architecturaux que constructifs, pour
une analyse qui va de l’échelle du site à celle du détail.
Tout d’abord, cela permet de comprendre les types, l’utilisation et les caractéristiques des espaces
qui composant l’habitat local, à l’échelle de l’habitation comme de son environnement proche.
Ensuite, elle investigue les caractéristiques techniques, déterminant les pratiques corrélées à
chaque typologie constructive, évaluant sa vulnérabilité envers les aléas locaux par l’identification
des éléments critiques, des rythmes et facteurs de dégradation, de la résistance et durabilité des
matériaux et des systèmes employés (Benson, T igg, 2007, op. cit. ; Ra al, Prajapati, 2007, op.
cit.). Des informations à caractère plus général sont également recherchées, au regard de la qualité
des matériaux et de la main d’œuvre, de l’état et historique des constructions.

Ce procédé se base sur l’utilisation de fiches qui établissent des critères communs à l’analyse
des différentes constructions détaillant, avec des croquis et des annotations, les techniques, les
matériaux et les pathologies pour chaque partie de la construction ainsi qu’un dimensionnement de
l’ensemble du bâtiment et de ses éléments structurels. Ces paramètres comprennent également des
aspects spécifiques à la manière dont les aléas affectent le bâtiment et ses environs qui permettent
de déterminer, pour chaque typologie constructive, les facteurs d’affaiblissement ou d’amélioration
du comportement structurel et de la durabilité ainsi que des dispositions particulières dont la raison
peut être directement liée à des facteurs culturels ou de protection envers les phénomènes naturels
ou d’autres agents externes.

Le degré de technicité et d’approfondissement de ce type d’analyse s’accorde aux compétences


des enquêteurs et aux objectifs du travail. Les supports élaborés assurent un niveau minimum de
qualité des informations recueillies, permettant à des opérateurs ne disposant pas des qualifications
spécifiques à la construction (p.e. provenant du domaine de sciences sociales ou agraires)
d’identifier les éléments essentiels de l’habitat existant (typologies architecturales, dimensions des
espaces, matériaux employés, etc.). Par contre, si des compétences plus avancées sont disponibles,
l’investigation peut détailler des éléments spécifiques en développant des outils supplémentaires
ou en adaptant et/ou utilisant des supports corrélés à des procédures existantes (p.e. évaluation
de la vulnérabilité sismique). Cette méthode peut s’accompagner d’entretiens individuels avec les
habitants ou des artisans, permettant d’investiguer encore plus en profondeur les spécificités des
constructions analysées.

Fig.53: Relevé technique (Bangladesh) : a) compréhension de la structure ;


b et c) mensuration et caractérisation des différentes parties de la construction

144 Cultures constructives vernaculaires et résilience


EXEMPLE
Contexte de référence : zone de Grande Rivière, Haïti

L’analyse des habitations dans la zone de Grande


Rivière a permis de constater comme certains
éléments architecturaux ne répondent pas
uniquement à des nécessités fonctionnelles ou
esthétiques, mais constituent également des
dispositifs réduisant la vulnérabilité envers les aléas
affectant la région (cyclones et séismes) : des frises
décoratives ornant les pignons brisent le flux du vent
minimisant les dépressions susceptibles de décoller
la couverture ; un grenier fermé apporte une plus
grande résistance à la toiture, en réduisant le risques
d’arrachement ; la clôture de la galerie avec des
planches positionnées en croix solidarise la structure Fig.54: a) clôture de la galerie agissant
qui, même en cas d’écroulement du soubassement comme contreventement ;
b) frise décorative brise-vent (pour la
en maçonnerie, maintient une certaine cohérence et toiture et la galerie) et grenier fermé
évite l’effondrement. avec toiture à deux pentes

INDICATEURS
• Phase d’analyse : intermédiaire
• Durée : de 30min à 1h par construction
• Nombre de participants : entre 1 et 2 personnes
• Type de participants : membres de l’équipe d’analyse
• Source d’information : constructions et leur environnement proche, habitants et/ou
propriétaires
• Support : fiche technique
• Compétences nécessaires : technique

Fig.55: Analyse de l’habitat individuel (Haïti): a) dessins techniques ;


b) relevé des éléments particuliers ;
c) entretien avec les habitants

Cultures constructives vernaculaires et résilience 145


Les méthodes présentées dans la partie précédente constituent les principaux outils permettant
d’obtenir une vision approfondie d’un contexte, en relation au domaine de l’habitat et aux aléas
naturels locaux. Toutefois, l’utilisation d’autres méthodes basées sur des principes participatifs
permet de détailler davantage certains aspects, selon le temps et les ressources disponibles,
engageant parfois déjà depuis la phase de diagnostic un processus de sensibilisation et de prise de
conscience à l’égard de problématiques particulières (D’Arcy, 1992, op. cit.).
Considérées ici comme complémentaires à celles précédemment illustrées, ces méthodes se
distinguent essentiellement en relation au mode de communication auquel elles font appel ainsi
qu’au type de procédé mis en œuvre (Tab. 18). D’une part, celles basées sur une communication de
type verbal intègrent des composants de la culture locale (histoires, comptes et légendes, proverbes
et poèmes, etc.) pouvant offrir des indications tant sur des épisodes passés que sur des savoirs liés
à des stratégies de préparation et réaction aux risques (Dekens, 2007, op. cit. ; Yulianto, 2009).
D’autre part, celles basées sur la visualisation des informations par l’utilisation de diagrammes ou
matrices permettent d’investiguer les événements significatifs s’étant produits ou se produisant
dans la communauté ainsi que les changements survenus au fil du temps. Ces méthodes visent en
particulier à caractériser la nature, la fréquence et l’évolution de ces épisodes, les conséquences sur
l’habitat et l’environnement ainsi que les liens de causalité avec les comportements adoptés par la
population et les capacités dont elle dispose (Vrolijks, 1998 ; Benson, T igg, 2007, op. cit. ; IFRC,
2007b, op. cit.).
Certains outils permettent en outre de croiser l’échelle temporelle et/ou spatiale avec des
tendances, activités et disponibilités des ressources (ligne du temps, calendrier saisonnier, profil
d’activités quotidiennes, carte de mobilité), de décrire des priorités et des préférences (classement
par préférence, par paires, par matrice), d’exprimer des liens de relation, des contraintes et des
possibles solutions (arborescence de problèmes, diagramme de Venn) ou encore d’évaluer les
capacités individuelles et collectives ainsi que d’identifier les aspects de l’habitat qui, selon la
population, déterminent sa vulnérabilité (Mukherjee, 1993, op. cit. ; FAO, 1997, op. cit. ; Abarquez,
Murshed, 2004, op. cit. ; UNHCR, 2006, op. cit. ; IFRC, 2011, op. cit.).

MODE DE
COMPÉTENCES
MÉTHODES COMMUNICATION
verbal visuel facilitation technique

Cartographie

Observation directe

Visite accompagnée
principales

Entretiens communautaires

Entretiens individuels

Entretiens avec informateurs clés

Groupe focalisé

Relevé technique

Ligne du temps, calendrier saisonnier, profils d’activité

Classements et notations
complémentaires

Diagrammes (Venn, réseaux, systèmes, etc.)

Arborescence des problèmes

Matrices

Cartes à classer et pictogrammes

Supports traditionnels (comptes, légendes, etc.)

Degré de relevance : faible modéré élevé


Tab.18: Synthèse des principales méthodes d’analyse participative
(d’après : Chambers 1992, op. cit. ; D’Arcy 1992, op. cit.; Pretty 2000, op. cit.; IFRC 2007b, op. cit.)
146 Cultures constructives vernaculaires et résilience
L’approche sous-jacente à cette méthodologie d’analyse se fonde sur une combinaison de différents
procédés ainsi que sur la participation et l’implication d’acteurs locaux (groupes et membres des
communautés, organisations locales, etc.) tout au long du processus d’analyse. Bien que le type de
techniques et d’outils utilisables puisse varier, l’efficacité du processus et la fiabilité des informations
récoltées sont directement influencées par la combinaison des méthodes et les modalités de leur
mise en œuvre. Par conséquent, le séquençage structurant l’ensemble du processus joue un rôle
considérable car, selon la succession et les associations établies entre les différents procédés, il peut
conduire à une augmentation du pouvoir analytique et des dynamiques à la base de l’approche
méthodologique adoptée (Sch nhuth, Kievelitz, 1995, op. cit.).

Les étapes indispensables intègrent les méthodes présentées dans les chapitres précédents
ainsi que des activités antérieures et postérieures au travail sur le terrain. Ce dernier détermine
incontestablement le type et la qualité des informations récoltées ; toutefois la phase préalable de
définition des modalités et des outils de travail et celle conclusive de réélaboration, vérification,
validation des éléments obtenus, exercent une influence non négligeable tant sur le processus de
diagnostic que sur son produit.

La mise en place de cette méthodologie se structure en plusieurs phases intercalant différentes


procédés qui permettent l’acquisition et la vérification des informations grâce au croisement
des données provenant de sources multiples. Les critères pris en compte pour la récolte et la
réélaboration des informations déterminent le contenu du résultat final et, donc, les décisions et
les actions qui en découlent. Certaines des activités à effectuer sur le terrain (p.e. sélection des
habitations à analyser en détail, échantillonnage des interlocuteurs), ou par la suite (p.e. vérification
des informations, préparation du rapport) s’appuient par conséquent sur des supports spécifiques
fournissant des lignes guides pour la prise en compte et la synthèse des éléments essentiels (cf.
annexe A.2.1).
Dans la phase conclusive, une restitution et validation des informations par une confrontation
des points de vue entre acteurs locaux et agents externes s’avèrent indispensable pour assurer
l’exactitude des données et de la compréhension de la situation existante. Cette activité se déroule
selon différentes modalités (p.e. par des rencontres communautaires, des entretiens individuels,
etc.) utilisant des supports facilitant la communication et la discussion avec un public hétérogène et/
ou s’adressant à des interlocuteurs particuliers (p.e. autorités, artisans, habitants, etc.).
Au terme du processus d’analyse, la synthèse de l’ensemble des informations s’accompagne de la
définition de recommandations et/ou de pistes d’action constituant une base de données spécifiques
à la zone considérée à partir de laquelle il est possible d’identifier les éventuelles activités à
entreprendre.

Le principe de mise en œuvre présenté ci-après (Tab. 19) se réfère au cas d’une analyse effectuée sur
un laps de temps relativement court (minimum 3-4 jours sur le terrain) par une équipe restreinte (1-2
personnes), dans un site peu ou pas connu. Cette séquence ou certaines des activités présentées
peuvent également être mises en place sur une période plus longue ainsi que par des agents qui
connaissent la zone (p.e. opérateurs et techniciens d’organismes travaillant sur place) et/ou qui en
proviennent (p.e. organisation de base, groupes communautaires).

Les différentes étapes sont présentées sur une base chronologique, toutefois, certaines d’entre
elles peuvent s’inverser ou se dérouler de façon simultanée. Le degré d’implication de la population
locale peut également varier, toutefois un niveau minimal est indispensable, pour limiter les
mésinterprétations ou la négligence de certains facteurs et pour assurer une coopération étroite
entre acteurs locaux et agents externes. Les mêmes principes méthodologiques peuvent cependant
s’appliquer dans le cas d’une participation s’étendant à toutes les phases du processus.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 147


Pour participation on entend ici une contribution active des différentes catégories d’acteurs locaux,
considérés non seulement en tant que détenteurs d’informations, mais en tant que fins connaisseurs
de la réalité locale dont le point de vue et le savoir sont indispensables pour enrichir, compléter
et valider la compréhension des multiples facteurs et enjeux caractérisant le contexte. Les modes
considérés peuvent donc aller de la « consultation » jusqu’à la « prise en main » du processus par
les acteurs locaux.

1_ consultation des sources documentaires existantes


2_ établissement du contact avec un ou plusieurs personnes locales (membre des
autorités, groupes locaux, etc.)
3_ visite préalable de la zone sélectionnée avec l’accompagnement de la personne de
contact
4_ définition des modalités de travail (méthodes et outils, définition des rôles) et
préparation des supports (modification de ceux existants, création de nouveaux, test
sur le terrain et finalisation)

5_ entretien communautaire
6_ prise de contact avec les représentants des autorités et des communautés
locales et échange avec d’autres organismes travaillant dans la zone
7_ cartographie de la zone (environnement naturel, typologies constructives,
observation

ressources, zones à risque)


8_ visite accompagnée : identification des typologies constructives et sélection
des constructions à analyser en profondeur
9_ analyse des maisons : entretiens individuels avec les habitants et/ou
propriétaires et relevé technique
10_ entretiens avec des informateurs clés
11_ groupe focalisé avec les personnes impliquées dans la construction

12_ analyse et synthèse des informations (rapport préliminaire)


13_ restitution et discussion des résultats avec la communauté
14_ finalisation du rapport, recommandations et définition de la stratégie principale
activités représentant le niveau minimal d’implication des acteurs locaux

Tab.19: Étapes de mise en œuvre du processus d’analyse

148 Cultures constructives vernaculaires et résilience


En relation aux possibilités offertes par les différentes techniques ainsi qu’aux compétences requises
pour leur mise en œuvre, des multiples niveaux d’approfondissement d’analyse sont identifiables et
adoptables, selon des conditions et objectifs de mise en œuvre de ce processus. En particulier, je
considère ici trois niveaux distincts (Tab.20) :

• une « analyse simplifiée », pouvant être déterminée par des délais temporels très serrés et/
ou par des compétences limitées (tant en nombre qu’en qualification), permet de reconnaître
les principales problématiques, les éléments nécessitant une investigation ultérieure ainsi que
d’établir la nécessité effective d’envisager une intervention ;

• une « analyse complète », comprenant l’ensemble des principales méthodes considérées pour
identifier et caractériser les différents aspects concernant la situation existante, fournissant
une vision exhaustive à partir de laquelle des réflexions concernant d’éventuelles initiatives à
entreprendre peuvent être entamées ;

• une « analyse approfondie » s’étalant sur une longue période de temps et pouvant s’associer à
des domaines autres que celui de la construction.

Ces différents degrés peuvent également se référer à une succession temporelle d’étapes de travail
qui, au fur et à mesure, vont examiner de plus en plus en profondeur certains facteurs découlant
des précédentes phases d’analyse. Cette approche se révèle pertinente en particulier selon les
conditions et contextes de mise en œuvre du diagnostic : dans la phase immédiatement suivante
une catastrophe une « analyse simplifiée » permet d’effectuer une évaluation rapide des besoins et
de l’état des constructions ; par la suite, des investigations plus approfondies peuvent être conduites
pour identifier les activités de réhabilitation à entreprendre.

ANALYSE
MÉTHODES
SIMPLIFIÉE COMPL TE APPROFONDIE

Cartographie

Observation directe

Visite accompagnée

Entretiens communautaires

Entretiens individuels

Entretiens avec informateurs clés

Groupe focalisé

Relevé technique

Ligne du temps, calendrier saisonnier

Classements et notations

Diagrammes

Arborescence des problèmes

Matrices

Cartes à classer et pictogrammes

Supports traditionnels

Compétences techniques

Compétences de facilitation

Tab.20: Niveaux d’approfondissement du processus d’analyse et techniques associées

Cultures constructives vernaculaires et résilience 149


Fig.56: Aperçu synthétique de la méthodologie d’analyse

150 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’élaboration de cette approche méthodologique s’est appuyée sur les activités conduites par
différents partenaires du CRAterre dans le cadre de programmes d’habitat en zones à risque. Se
nourrissant d’échanges avec des organismes locaux et internationaux actifs sur le terrain, le travail
entamé a permis de répondre à un double objectif : développer et tester un ensemble de méthodes
et supports pour effectuer une analyse des pratiques de construction et de résilience dans une
région ; favoriser l’appropriation de ces outils par des acteurs locaux soutenant, déjà en cours de
recherche, la mise en œuvre d’une démarche de projet s’appuyant sur les spécificités, les potentiels
et les contraintes propres à chaque site.

Ces mises en situations ont été effectuées tout au long de ces trois dernières années, en alternant
des phases d’acquisition d’informations et de pratiques sur le terrain à l’élaboration et corrélation
de celles-ci avec un cadre et une réflexion théoriques ; processus enrichi par l’alternance du travail
entre deux contextes distincts. Cette démarche a permis notamment une étude et un suivi dans
le temps des modalités d’exécution et d’appropriation en relation à des conditions et situations
contextuelles hétérogènes, l’investigation des principes de structuration et répartition des rôles,
de facilitation du processus participatif dans la relation avec les communautés locales ainsi que les
facteurs d’appropriation et diffusion, en relation à des dynamiques distinctes.
Bangladesh
La relation avec des acteurs opérationnels s’est référée à deux situations,
la reconstruction post-catastrophe et la préparation aux futures crises,
représentant deux composantes complémentaires de la gestion des risques,
préparation reconstruction
s’interpénétrant réciproquement et ne pouvant nullement s’ignorer
l’une de l’autre. L’hétérogénéité des programmes de référence ainsi que
les contraintes et les opportunités spécifiques à chaque situation ont
déterminé une différenciation de la démarche d’étude et des possibilités Haïti
d’approfondissement, en s’accordant aux dynamiques en place. Fig.57: Contextes et phases

En Haïti, les activités se sont situées dans la continuité de l’approche fondant le programme de
reconstruction : la mise en application et la diffusion des principes méthodologiques s’intégrant
dans une démarche de création et renforcement des compétences des différentes organisations
haïtiennes. Au Bangladesh, l’analyse des cultures constructives locales s’est inscrite en tant que phase
effective du projet en cours et le travail s’est focalisé sur l’acquisition, affinement et appropriation
d’une expertise particulière de la part des différents niveaux opérationnels du partenaire local.

Une synthèse des activités et réflexions caractérisant ces deux mises en situation est présentée ci-
après. Pour permettre de saisir les apports et influences de ces deux expériences dans l’élaboration
de la méthodologie d’analyse et l’approche dans laquelle elle s’inscrit, seuls les éléments relatifs à ces
aspects sont considérés129. Pour chacune des deux situations les suivants éléments sont présentés :

- contexte de référence : problématique, programmes, partenaires et historique ;


- cadre de mise en situation : conditions et facteurs d’influence sur le travail conduit ;
- étapes de travail : déroulement et développement du processus de mise en situation ;
- matière à réflexion : considérations et constats découlant du rapport avec le terrain en
relation aux spécificités de la méthodologie élaborée, aux conditions
de sa mise en œuvre et aux possibles pistes de développement
futur ;
- éléments de synthèse : récapitulatifs des principaux éléments découlant de chaque mise en
situation.

129 Pour un approfondissement relatif aux caractéristiques des contextes et programmes de références se référer aux
respectifs dossiers dans les annexes (cf. annexes A.1).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 151


Suite au séisme qui frappa Haïti le 12 janvier 2010, quatre organisations locales130 membres de la
Plateforme d’Agroécologie et Développement Durable (PADED)131 ont entrepris un programme de
reconstruction d’habitations en zone rurale avec un soutien financier et logistique de l’organisation
allemande Misereor ainsi qu’un appui technique de l’association CRAterre (cf. annexe : A.1.2).
la suite d’une demande des partenaires haïtiens, des évaluations ont été conduites par des experts
du bailleur de fonds pour dresser un bilan de l’impact du séismes (Douline, Bellin, 2010, op. cit.).
Sur la base des constats effectués, des lignes d’intervention ont été établies au regard d’activités
qui, à partir de la réhabilitation post-catastrophe, puissent favoriser une amélioration durable des
conditions de vie de populations, tout en s’inscrivant dans l’approche de travail des organisations
de la PADED. Le programme mis en place porte sur la reconstruction d’habitations à partir d’une
valorisation des cultures constructives locales et d’un renforcement des compétences existantes.

Sur la base de l’expérience acquise pendant les premières phases de ce programme, les quatre
institutions locales ont exprimé l’intérêt d’acquérir une expertise spécifique leur permettant
d’adapter et faire évoluer les projets en cours ainsi que d’être en mesure, dans le futur, de mettre en
place cette démarche de manière indépendante. Engagés principalement dans des activités relevant
du secteur agroforestier, les membres de la PADED disposent d’une expérience assez limitée dans la
construction et dans la réponse à des catastrophes de grande ampleur. La démarche entreprise par
ces acteurs vise de fait à tirer parti des interventions post-séisme pour améliorer les connaissances et
qualifications des institutions et des populations envers des solutions constructives techniquement
et économiquement accessibles.

Le travail développé en Haïti au regard de l’analyse des cultures constructives s’inscrit dans une
approche d’appui aux acteurs locaux en relation tant aux projets en cours qu’en vue de futures
initiatives dans le domaine de l’habitat. Les activités conduites se sont adressées aux organisations
engagées dans la réhabilitation post-séisme ainsi qu’à d’autres institutions de la PADED souhaitant
comprendre et entreprendre une approche de projet se fondant sur une valorisation des cultures
constructives locales132. Cette démarche s’accompagne, en outre, de l’intention exprimée par
certaines de ces institutions de développer une méthodologie de diagnostic, planification, suivi et
évaluation, spécifique à des projets de construction.

Le travail effectué dans le cadre de cette recherche contribue à la constitution de compétences


complémentaires à celles relatives à la mise en œuvre de projet, fournissant également des éléments
de référence pour la définition d’un outil pouvant être partagé parmi les différents membres de la
PADED et adapté aux spécificités de chaque organisation. Dans ce contexte, la mise en situation
s’est donc principalement focalisée sur les modalités et mécanismes d’adaptation, appropriation et
diffusion permettant l’apprentissage par les acteurs locaux des principes et outils méthodologiques
pour un diagnostic de l’existant.

130 ConcertAction, Encadrements des Petits Paysans des Mornes et Plaines D’Haïti (EPPMPH), Groupe d’Appui au
Développement Rural (GADRU), et Prese Pran Swen Tè Nou (Presten).
131 La PADED est un réseau qui depuis 2001 fédère 26 organisations haïtiennes, avec des expériences et qualifications
différentes, travaillant avec le soutien de Misereor dans le domaine de l’agroécologie en différentes régions du pays.
132 L’élargissement à d’autres membres de la PADED a été favorisé en particulier par le Colloque sur l’Habitat rural en milieu
rural. La reconstruction par les familles paysannes, organisé par PADED et FONDABHISA, avec l’appui de Misereor et du
laboratoire CRAterre-ENSAG (17-19 mai 2012, Belot, Kenskoff) et réunissant différents acteurs de la reconstruction.

152 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les activités se sont structurée à partir d’une collaboration avec l’organisation GADRU (coordinateur
de la PADED et partenaire du projet de recherche ReparH) pour ensuite s’élargir aux autres institutions
intéressées. L’adoption de cette démarche s’est appuyée sur le potentiel représenté par le réseau
PADED, constituant un moyen efficace de dissémination et partage : travailler en manière étroite
avec un seul organisme permet de bâtir des nouvelles compétences et de valoriser celles existantes,
tandis que se relier à un système réticulaire fédérant des multiples acteurs permet, à long terme,
une mise à disposition et diffusion des nouveaux acquis aux membres de cette plateforme ainsi que
à d’autres institutions.

Deux facteurs supplémentaires ont déterminé les modalités de travail : la nécessité de poursuivre
les activités de reconstruction, pour répondre aux besoins des populations sinistrées ; la volonté
du partenaire local d’améliorer ses propres capacités dans le domaine de l’habitat à partir de
l’expérience acquise pendant la réhabilitation post-séisme. Ces deux aspects ont conduit à l’adoption
d’une démarche permettant au GADRU de gérer et mettre en place de façon indépendante les
différentes phases d’acquisition de ces nouvelles compétences, supportée par un accompagnement
ponctuel. L’apprentissage de la méthodologie s’est ainsi déroulé en parallèle au programme de
reconstruction et a directement impliqué deux ingénieurs civils en charge de sa mise en œuvre. Ces
techniciens possédaient une certaine expérience, acquise dans le cadre de la réhabilitation post-
séisme, en relation à une approche de projet basée sur les cultures constructives locales, mais ils
ne disposaient que de compétences très réduites au regard de la mise en place d’un processus
participatif de collaboration avec les populations locales.

En vue de la mise en situation ainsi que de diffusion de la méthodologie, des modifications et des
adaptations aux spécificités locales ont été apportées, à plusieurs niveaux, tant aux méthodes et
supports de collecte d’information qu’au principe de déroulement du diagnostic.

Ces ajustements ont, tout d’abord, regardé l’introduction d’éléments particuliers au contexte haïtien
effectuée sur la base d’une revue de la littérature133, des connaissances des partenaires locaux et
d’observations conduites lors des visites de terrain en différentes régions rurales du pays, pendant
les premiers déplacements sur le terrain (février 2011 et mars 2012). De même, une adaptation aux
compétences existantes ainsi qu’aux conditions de mise en situation a également été opérée en
considération de deux aspects principaux : l’expérience du personnel impliqué et les modalités de
déroulement de l’apprentissage, se faisant de manière quasi autonome par les partenaires locaux.

En outre, en vue d’une diffusion à d’autres institutions de cette plateforme, une redéfinition de la
méthodologie et des outils de diagnostic s’est révélée nécessaire pour faciliter leur utilisation de la
part d’opérateurs ne disposant pas des compétences spécifiques au domaine de la construction.
Cela a conduit à l’utilisation, dans la phase d’apprentissage, d’une version « simplifiée » de
la méthodologie ; par la suite, l’ensemble des méthodes et des outils ainsi que des paramètres
supplémentaires ont été considérés, pour favoriser un élargissement et approfondissement des
aspects pris en compte lors de futures analyses.

133 Documents se référant au contexte aussi bien avant qu’après le séisme de 2010 (Cuny, 1982, op. cit. ; Fisher, Vlach,
1987 ; Emmanuel, Thermil, Philippe-Auguste, et al., 2000 ; Berthelot, Gaumé, 2002, op. cit. ; Douline, 2002 ; IHSI, 2003 ;
Douline, Bellin, 2010, op. cit. ; Langenbach, Kelley, Sparks, et al., 2010, op. cit. ; Moles, 2010, op. cit. ; Mora, Roumagnac,
Asté, et al., 2010 ; Stouter, 2010a, 2010b, op. cit. ; Audefroy, 2011 ; Davis, 2012, op. cit. ; Ventalon, Di Cecco, 2012, op. cit.).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 153


Le travail avec le GADRU et les organisations de la PADED a été structuré en trois phases, incluant
aussi bien la formation à la méthodologie d’analyse qu’une sensibilisation à la démarche de projet :

1. phase pilote :
L’acquisition de compétences de la part des ingénieurs du GADRU s’est effectuée en deux étapes.
D’abord, un apprentissage de la méthodologie a eu lieu en relation à des zones d’implantation du
projet de reconstruction ; ce qui a permis aux techniciens de tester les différentes méthodes à fur
et à mesure de leurs déplacements sur le terrain. Ensuite, une mise en application effective a été
accomplie dans une région dans laquelle le GADRU envisage d’entamer des activités d’amélioration
de l’habitat et de réduction préventive de la vulnérabilité. L’articulation en deux moments distincts a
répondu à deux objectifs complémentaires : en un premier temps et dans des régions connues par
les deux ingénieurs, favoriser la compréhension des critères à prendre en compte et des modalités de
mise en place de l’analyse ; ensuite, dans une nouvelle zone, expérimenter l’ensemble du processus
de collecte d’informations et d’interaction avec les acteurs et communauté locales par une mise
en situation réelle. Ces activités ont été conduites de manière autonome par le GADRU avec un
accompagnement ponctuel en début, milieu et fin de la phase pilote.

2. phase de diffusion restreinte :


Un premier partage de la méthodologie et des expériences du GADRU a eu lieu entre les techniciens
(contremaîtres, ingénieurs civils et agronomes) des quatre organisations engagées dans la
reconstruction. L’objectif de cette phase a été d’identifier des méthodes pour effectuer un diagnostic
dans les nouvelles zones intéressées par les projets, en vue d’une réadaptation des stratégies
méthodologiques, techniques et opérationnelles aux caractéristiques des différents sites de travail.

3. phase de diffusion élargie :


La démarche proposée a été ensuite partagée avec d’autres membres de la PADED, lors d’un
séminaire réunissant les représentants de cinq institutions134, travaillant en différentes régions non
affectées par le séisme.
cette occasion, la sensibilisation des responsables et des techniciens (ingénieurs civils et
agronomes) s’est appuyée sur des débats, des supports graphiques135 et des expérimentations
pratiques permettant aux participants de saisir de manière concrète certains aspects du processus
d’analyse ainsi que, par des échanges directs avec les habitants et artisans locaux, les potentialités
de l’approche proposée.

Fig.58: Activités de diffusion : a) présentations et débats ; b) supports de sensibilisation ; c) visites de terrain ;


d) expérimentation de la méthodologie en contexte réel

134 Groupe d’Initiative pour un Développement Durable (GID, département des Nippes), Institut de Recherche et d’Appui
Technique en Aménagement du Milieu (IRATAM, département du Nord), ACAPE (département du Sud), Développement
Communautaire Chrétien Haïtien-Caritas du Sud (DCCH, département du Sud) et le GADRU.
135 L’exposition Haïti. Programme de reconstruction de l’habitat rural par les organisations de la PADED (2011), un calendrier
(2013) ainsi qu’un kit de sensibilisation Pwogram f masyon ak konstriksyon PADED pou kay abitan nan m n Ayiti (2012),
élaborés dans le cadre du programme PADED-Misereor.

154 Cultures constructives vernaculaires et résilience


IRATAM

phase pilote / formation


phase de diffusion restreinte
carte: Google Earth phase de diffusion élargie

DCCH GID EPPMPH

ACAPE CONCERTACTION GADRU PRESTEN

reconstruction reconstruction reconstruction

prévention

Fig.59:
a) carte : localisation des zones de travail des partenaires haïtiens et phases de diffusion
b) schéma : principe de diffusion parmi les organisations membres de la PADED

Cultures constructives vernaculaires et résilience 155


Le travail effectué en relation au contexte haïtien a contribué à plusieurs niveaux à la réflexion
concernant les spécificités de la méthodologie d’analyse, les modalités de son appropriation par des
acteurs locaux, les mécanismes et étapes pour sa diffusion en adaptation à la réalité du terrain. De
cette mise en relation les suivantes considérations se dégagent :

• Adaptation et utilisation de la méthodologie


Différents aspects influencent la mise en place d’un diagnostic ; dans ce cas trois d’entre eux ont
assumé une importance particulière.
En premier lieu, l’application dans une phase de post-urgence présente des limites considérables
pour l’acquisition de compétences, principalement en raison d’une disponibilité restreinte des
populations et du personnel opérationnel.
Deuxièmement, les compétences des acteurs locaux, en termes de qualifications mais également
de connaissances techniques, varient considérablement. Une adaptation de la méthodologie (en
particulier des méthodes et des supports) aux différentes capacités existantes est donc indispensable
pour favoriser une réelle compréhension et appropriation de la démarche et éviter ainsi une
utilisation machinale. La définition de plusieurs niveaux d’analyse, impliquant des procédés et des
compétences de plus en plus spécifiques, favorise dans ce sens une acquisition et, dans le temps,
un approfondissement des compétences ainsi qu’une évolution indépendante des supports et des
méthodes par l’acteur utilisateur.
Troisièmement, bien qu’une familiarité avec le contexte de travail puisse faciliter le contact avec
la population locale et la prise en compte de paramètres particuliers, cela risque néanmoins de
déclancher des mécanismes de distorsions des informations, en tenant pour acquis les raisons de
certaines situations ou solutions, sans que des vérifications et validations soient effectuées auprès
de la population.

• Sensibilisation préalable
Dans le processus d’apprentissage, des connaissances préalables relatives à l’approche globale et
aux modalités par lesquelles elle peut se concrétiser, influencent considérablement l’appréhension
et l’appropriation des outils de diagnostic et de la démarche de projet. Cette connaissance peut
s’appuyer aussi bien sur une expérience directe que sur des activités de sensibilisation utilisant des
supports spécifiques pour l’illustration, communication et diffusion des principes de cette approche.
Pendant le travail en Haïti, cela a été constaté en relation à différents niveaux. Dans la phase
pilote, l’implication dans des programmes de reconstruction s’inspirant des cultures constructives
locales a favorisé une compréhension des principes méthodologiques de la part des techniciens
PADED. Pareillement, lors de la phase de diffusion élargie l’utilisation de supports de sensibilisation
et les échanges avec les techniciens du GADRU ont joué un rôle déterminant pour permettre aux
participants n’ayant pas une expérience directe de l’approche proposée, de saisir les principes
et la faisabilité de la démarche présentée. Ce qui explicite l’importance d’une mise en relation
directe entre le processus d’analyse et l’approche de projet, par le biais d’outils de communication
spécifiques inscrivant le premier dans une perspective concrète et fondant le deuxième dans une
vision à long terme.

• Modalités de formation
L’acquisition de compétences se base sur plusieurs étapes qui nécessitent d’être encadrées par
une personne expérimentée ainsi qu’ajustées aux capacités et qualifications des apprenants. Les
principales phases identifiées comme structurant ce processus de transmission sont les suivantes :

156 Cultures constructives vernaculaires et résilience


- introduction : sensibilisation de responsables et techniciens à l’approche et aux principes
méthodologiques, mettant en évidence la fonction du diagnostic en tant
que phase préalable à la définition d’un projet ;

- formation spécifique : explication théorique et pratique des étapes, outils et méthodes


d’analyse, permettant aux techniciens et animateurs, futurs utilisateurs
de la méthodologie, d’acquérir des compétences spécifiques à sa mise
en œuvre et utilisation ;

- mise en application accompagnée : mise en œuvre de l’ensemble du processus d’analyse avec


une supervision ponctuelle favorisant un affinement des acquis ;

- application autonome dans le cadre d’une démarche de projet.

Une phase de formation, même assez courte, et un suivi, même réduit, se révèlent indispensables
pour assurer la compréhension des étapes à mettre en œuvre, des informations à rechercher et de
la synthèse des données recueillies. Dans le cas d’un apprentissage autonome, un suivi ponctuel est
nécessaire pour clarifier les modalités et le contenu de l’analyse dans la phase initiale et, par la suite,
pour consolider les compétences au regard de la collecte et élaboration des informations ainsi que
de la définition de recommandations.
La relation avec la pratique et l’interaction avec les populations assument également un rôle
important. Dans la phase de sensibilisation, elles permettent de rapporter les réflexions théoriques
et les concepts spécifiques à la démarche à des enjeux réels. Dans la phase de formation, des
simulations pratiques permettent de se familiariser avec la méthodologie et d’appréhender l’apport
des critères considérés à la compréhension du contexte.

• Diffusion
Le travail entamé a déclanché un processus de sensibilisation en cascade, allant de l’échelle d’une
organisation particulière à celle de la plateforme dans laquelle elle se situe.
La prise en compte du système organisationnel interne à un organisme et des modes d’organisation
et d’échange entre plusieurs institutions constitue une démarche particulièrement efficace en vue
d’une diffusion d’expériences, approches et connaissances. Cela permet d’ancrer les nouveaux acquis
aux pratiques de travail courantes et de favoriser une diffusion des éléments innovateurs, tout en
renforçant les capacités existantes. Les expériences effectuées montrent le potentiel représenté par
cette approche qui, à partir d’interventions ciblées en réponse à des situations particulières (p.e.
intervention de reconstruction post-catastrophe), permet de disséminer, via des réseaux existants,
des compétences qui seraient autrement confinées à un nombre restreint d’individus ou institutions.

• Limites de l’expérience : le post-catastrophe, entre urgence et long terme


Les principales faiblesses relatives à cette mise en situation résident, avant tout, dans les contraintes
temporelles dérivant de l’écart entre les exigences du terrain et les délais de la recherche. La
situation de post-catastrophe et l’engagement dans la reconstruction ont permis à certains acteurs
locaux de saisir l’intérêt d’une démarche basée sur la prise en comptes des modes de construire et
des ressources locales ainsi que la nécessité d’effectuer un travail d’analyse préalable à la définition
et mise en place des projets. Toutefois, les caractéristiques des organisations partenaires, de taille
relativement réduite et novices à des activités de construction, ainsi que les impératifs dictés par la
situation de post-urgence ont fortement limité la disponibilité des acteurs locaux et la mise en place
d’une suivi régulier.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 157


Le travail relatif au contexte haïtien a permis une mise en perspective des activités entamées, en les
ancrant à une réflexion au regard d’une prise en compte des cultures constructives locales dans les
pratiques de projet. Les constats qui en découlent soulignent la nécessité d’entreprendre, de façon
préalable à des possibles crises, des activités de construction et diffusion de nouvelles compétences
permettant aux acteurs opérationnels de mettre en place ce processus depuis ses phases initiales.
Le travail entrepris en collaboration avec les organisations de la PADED se situe dans cette dynamique.
Les projets suivants le séisme ont répondu à des besoins immédiats mais ils ont également soutenu
les partenaires locaux dans la mise en oeuvre d’une nouvelle approche de travail. La sensibilisation
et la formation à l’analyse des cultures constructives locales s’inscrivent dans la continuité de ces
activités, en fournissant les outils pour insérer des initiatives futures dans une logique de durabilité
et de réduction préventive de la vulnérabilité.
une démarche de sensibilisation, formation et diffusion s’accompagne la nécessité de développer
de supports pédagogiques spécifiques aux compétences et qualifications des différents publics
(techniciens spécialisés, opérateurs de terrain, contremaîtres, décideurs). La mise au point de
modules et outils ciblés ne peut que favoriser une appropriation ultérieure ainsi qu’une diffusion
inter et intra institutionnelle.

• Niveaux d’analyses adaptés aux compétences, conditions et contexte de mise en œuvre du


diagnostic

• Sensibilisation préalable à l’approche relative à la prise en compte des cultures constructives


locales

• Formation avec un suivi et une mise en pratique accompagnée

• Diffusion via les systèmes organisationnels existants

• Modules et supports pédagogiques pour la transmission inter et intra institutionnelle

• Dissémination et interpénétration d’approches et de niveaux d’action

158 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Environ 81% de la population du Bangladesh habite dans des constructions réalisées sans l’appui
d’un architecte et/ou d’un ingénieur (Islam, 2013, op. cit.). Un important nombre d’entre elles
utilise des solutions constructives ne garantissant pas une durabilité des techniques mises en œuvre
(Seraj, Ahmed, 2004) ; de plus, une grande majorité136 est détruite chaque année par les multiples
types d’aléas naturels qui affectent le pays (Gilbert, 2001 ; Mukhopadhyay, Dutta, 2008). Suite à
une catastrophe, un tiers de ces habitats est reconstruit de façon autonome par la population et
un autre tiers par des programmes d’aide gouvernementale ou d’autres organismes. Les habitants
et propriétaires du tiers restant ne sont pas en mesure de reconstruire leurs habitations, faute de
moyens économiques et de connaissances techniques pour des solutions constructives abordables
(Tipple, Speak, 2003 ; Caritas Bangladesh, 2011).

Au cours des récentes crises, en raison de la nécessité d’une réponse rapide aux besoins massifs
dans le secteur de l’habitat (GOB, 2008 ; United Nations, 2010), la plupart des agences d’aide ont
fourni des abris correspondant à des modèles standardisés, employés pour répondre à des urgences
sur tout le territoire national. Lors de ces interventions, une même organisation utilise souvent un
seul type de structure, indépendamment du contexte d’intervention. Toutefois, quand plusieurs
organisations interviennent dans la même zone, une communauté se voit attribuer différents
modèles, allant de structures provisoires à permanentes (Kabir, 2009 ; Tithi, 2010) et correspondant
à des typologies architecturales et constructives très différentes. Les technologies utilisées pour ces
types de structures sont rarement reproduites et reproductibles par la population, à cause de leur
coût élevé et de la complexité des techniques employées (Caritas Bangladesh, 2011, op. cit.). Si
d’un côté, un grand écart existe entre les besoins réels et l’offre disponible après une catastrophe,
d’un autre côté, un décalage aussi considérable existe entre les produits fournis et les capacités des
populations à les entretenir, reproduire et à s’approprier des solutions permettant d’améliorer la
durabilité et réduire la vulnérabilité aux risques de leur habitat.

l’occasion de programmes de reconstruction suite à l’impact de deux cyclones successifs (Sidr


en 2007 et Aila en 2009), l’établissement d’un partenariat entre Caritas Bangladesh, la Bangladesh
University of Engineering and Technology (BUET) et le CRAterre a permis d’entamer une réflexion
conjointe concernant une autre façon de concevoir et mettre en œuvre des projets, en créant un lien
entre urgence, reconstruction et développement. Sa concrétisation s’est développée sur la base de
différentes étapes progressives. Une première phase (2007-2009) a porté sur l’intégration de quelques
éléments relatifs aux pratiques locales dans les modèles d’abris mis en place couramment par Caritas
Bangladesh. La deuxième étape (2009-2011) a inclut une phase pilote menée simultanément dans
deux régions différentes avec le développement d’un modèle d’habitat spécifiques pour chacun
des deux contextes. Enfin, un programme triennal (2011-2014) de préparation aux risques137 a été
lancé, couvrant l’ensemble du territoire du pays. Cette troisième phase se fonde sur une analyse des
caractéristiques de l’habitat et des pratiques locales dans plusieurs régions en vue de l’élaboration
de stratégies de réduction des risques, prenant en compte aussi bien des actions préventives que
d’intervention post-catastrophe, en accord aux spécificités de chaque endroit (cf. annexe A.1.1).

Le travail effectué au Bangladesh s’est situé en réponse et en appui à l’un des objectifs clés du

136 Environ 37 609 000 personnes ont perdu leur habitation suite à l’impact d’aléas naturels entre 1980 et 2000 (Source :
EM-DAT: The OFDA/CRED International Disaster Database)
137 Projet de construction de maisons pilotes à faible coût pour les familles victimes de désastre au Bangladesh ; financé par
le Secours Catholique-Caritas France et Caritas Luxembourg.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 159


programme engagé par les partenaires de projet : le développement et l’acquisition de méthodes
et outils pour élaborer des solutions et réponses adaptées aux différents milieux et situations
d’intervention. L’analyse des spécificités et pratiques locales en tant que vraie et propre phase
du programme a été un facteur déterminant. Cette mise en relation s’est en effet fondée sur les
différentes étapes prévues par le projet, en s’intégrant pleinement aux activités conduites par les
partenaires locaux.

Les institutions et individus impliqués présentent des caractéristiques et expertises complémentaires.


Caritas Bangladesh est parmi les organismes les plus actifs au niveau national dans la réponse aux
catastrophes et dans le secteur de l’habitat économique (Tipple, Speak, 2003, op. cit.). Depuis 1972,
elle a fourni un support à 377 276 familles dans le cadre d’activités de construction, réparation
et distribution de matériaux de construction138, souvent employant des matériaux naturels et/ou
locaux et sur la base d’une approche participatif.
De manière complémentaire, BUET est l’une des meilleures universités du pays139, offrant une
expertise technique de très haut niveau. Toutefois, bien que des études concernant les constructions
vernaculaires en zone rurale aient été conduites depuis le début des années 1990 (Haq, 1994, op.
cit. ; Hodgson, Seraj, Choudhury, 1999 ; Seraj, Hodgson, Choudhury, 2000 ; Seraj, Hodgson,
Ahmed, 2000 ; Ara, Rashid, 2007), une part extrêmement faible de la recherche et de l’enseignement
est consacrée à cette thématique (Islam, 2013, op. cit.).

Cette mise en situation s’est référée à un appui méthodologique dans l’élaboration de supports
et d’une expertise spécifique ainsi que dans la diffusion et consolidation de compétences sur la
base d’un accompagnement intense associé à des phases gérées de manière autonome par Caritas
Bangladesh. Ce processus s’est articulé à partir de la structure organisationnelle de cet organisme,
incluant des responsables de projets et des opérateurs de terrain et allant du niveau national jusqu’au
niveau local. Le projet se situe en six régions différentes et comprend l’analyse dans des sites pilotes
avec un élargissement successif à des zones dans lesquelles Caritas Bangladesh mène des activités
de réduction communautaire de risques. Un suivi continu est assuré tout au long du projet par
un responsable au niveau national qui, activement impliqué dans la mise en place du programme,
représente le vecteur de diffusion de l’approche et des outils parmi le personnel de cette institution.

Le travail effectué en collaboration avec Caritas Bangladesh a été corrélé aux principales phases du
programme se rapportant à l’analyse des cultures constructives locales, assurant un accompagnement
intense et relativement long (deux fois un mois) en correspondance des différentes phases
d’expérimentation, formation et diffusion de la méthodologie élaborée jusqu’à sa mise en application
de façon opérationnelle.

1. phase pilote :
Une première expérimentation a été effectuée en trois sites pilotes, pour tester les outils et la
procédure de diagnostic ainsi que permettre au responsable national de s’approprier de l’approche
subjacente à cette analyse. Cette étape a impliqué les représentants de chaque institution engagée
dans le projet (Caritas Bangladesh, BUET et CRAterre), en intégrant également le personnel régional
de Caritas, de sorte à favoriser une première expérience de la démarche proposée.

2. phase de diffusion :
En vue de l’extension du programme à l’ensemble du pays, différentes activités ont été conduites

138 État au 30.06.2012. Source : correspondance personnelle avec Mr. Ratan Kumar Podder, responsable national du
programme Pilot LCH for disaster affected families of Bangladesh (05.06.2013).
139 Source : University Ranking by Academic Performance Research Laboratory, 2013.

160 Cultures constructives vernaculaires et résilience


pour permettre l’apprentissage et la pratique de l’approche de la part du personnel impliqué au
niveau régional.
Une session de formation des responsables et des opérateurs de terrain engagés a, tout d’abord,
permis une familiarisation avec les outils méthodologiques et les différentes étapes d’analyse.
Une phase ultérieure de partage et de consolidation des compétences a porté sur la définition d’une
stratégie de mise en place future et indépendante de cette démarche, sur la base des qualifications
et de la répartition des rôles existants (cf. annexe A.2.2).

3. phase d’application :
Par la suite, une mise en application a été effectuée de manière autonome par le personnel de
Caritas Bangladesh dans les trois régions restantes. Ce travail a été conduit par des équipes mixtes,
incluant une personne expérimentée impliquée dans la phase pilote, le responsable et un opérateur
de terrain de la zone considérée. Les résultats de ces analyses ont été vérifiés et validés lors du suivi
effectué dans le cadre de cette recherche. Sur la base de ces observations, un approfondissement
et une finalisation des analyses ont été par la suite effectués pour chacune de ces trois régions avec
un suivi du responsable national.
L’acquisition des nouvelles compétences au regard des modalités d’analyse s’étale et se renforce
au cours de la dernière phase du projet. Ce processus comprend des activités conduites par les
différentes équipes régionales : une investigation ultérieure des problèmes présents dans l’habitat
existant dans les sites pilotes, une analyse dans les différentes zones d’activité de réduction
communautaire de risques ainsi qu’une diffusion à d’autres membres de Caritas Bangladesh.

site pilote (2011)


zone d’application (2012)
projet précédent
(2009-2011)

Dinajpur

Mymensingh Sylhet
Rajshahi

Dhaka

Khulna

Barisal Chittagong

sites pilotes
zones d’application 1 :
diffusion
zones d’application 2 :
zones d’activité de
réduction des risques
à base communautaire

Fig.60: a) carte : zones analysées et phases de travail ; b) schéma : principe de diffusion et d’application

Cultures constructives vernaculaires et résilience 161


La relation entre la recherche et ce programme a été établie dès leurs étapes initiales respectives. La
première ébauche de méthodologie a, en effet, été préparée en vue de la phase pilote de ce projet.
Par la suite, le développement en parallèle de la recherche et des activités sur le terrain a contribué
à la définition des caractéristiques et des principes fondant l’approche adoptée. Plus précisément,
l’apport de cette mise en situation se situe à trois niveaux :

• Aspects méthodologiques
Des compétences de facilitation sont indispensables pour établir une relation de coopération avec
les communautés locales et sont à la base de l’utilisation de certains outils d’analyse, toutefois des
compétences techniques sont également indispensables pour conduire une évaluation pertinente
de l’habitat et des pratiques constructives locales.
Dans le cas de ce projet, les compétences de facilitation sont détenues par les opérateurs de terrain,
provenant d’une formation en sciences sociales, tandis que les compétences techniques se situent
au niveau des responsables régionaux, ayant une formation spécifique au secteur de la construction.
Cette répartition correspond à une nécessité concrète : les premiers ont une connaissance profonde
du contexte local et un caractère polyvalent, assumant le rôle d’animateurs d’activités relatives
à des domaines variés ; les deuxièmes sont responsables de plusieurs projets de construction
dans différentes partie du territoire régional. Dans le processus d’analyse, la combinaison et la
complémentarité de ces compétences favorisent l’exhaustivité des informations, en facilitant la prise
en compte d’éléments aussi bien techniques que d’ordre socioculturel. Cela contribue également
à cibler la mobilisation du personnel en correspondance de phases spécifique : certaines activités
peuvent en effet être effectuées de manière indépendante par les deux agents ; de même, certains
outils peuvent se rapporter à l’une ou l’autre compétence favorisant la récolte d’informations
complémentaires au regard d’une même problématique ainsi que leur utilisation dissociée (p.e.
pour l’analyse des maisons individuelles : séparation entre la fiche technique pour le relevé et le
guide pour l’entretien individuel).

• Diffusion et consolidation des compétences


Si la formation des opérateurs de terrain est une phase essentielle et nécessite de se fonder sur un
processus cohérent (cf. chap. 5.9.1.4), l’acquisition et transmission de compétences au sein d’un
même organisme requièrent la définition d’un système de diffusion capillaire à partir de la structure
organisationnelle de cette même institution. Ce principe favorise une dissémination aux différents
échelons de l’échelle hiérarchique et parmi plusieurs départements par des phases associant
simultanément formation, renforcement et diffusion :

- apprentissage et expérimentation par une équipe restreinte : favorise une compréhension


approfondie de l’approche par les principaux responsables des futurs
projets ainsi qu’une adaptation et modification de la démarche
méthodologique en relation aux spécificités de l’organisme directement
par ses membres ;

- formation au niveau des agents de terrain : inclut une partie théorique et une mise en pratique,
par des simulations et une expérimentation sur le terrain des différentes
étapes de travail ; ce qui favorise une compréhension des modalités et
contenus d’analyse ainsi qu’un affinement des principes relatives à une
démarche participative ;

- expérimentation indépendante par les agents de terrain dans des sites pilotes : couvre le
processus entier, de la modification des outils en relation aux spécificités
locales jusqu’à la synthèse et réélaboration des informations, avec la
supervision d’une personne expérimentée ;

162 Cultures constructives vernaculaires et résilience


- évaluation partagée : réunit l’ensemble du personnel impliqué pour effectuer un bilan des
expériences et affiner davantage les connaissances ;

- mise en œuvre effective du processus d’analyse dans le cadre d’un projet spécifique avec la
supervision initiale d’une personne expérimentée ;

- (in)formation du personnel travaillant dans des secteurs complémentaires.

Dans ce processus, différents facteurs contribuent à la diffusion et consolidation des compétences


nouvellement acquises, parmi lesquels en particulier l’implication dans les différentes étapes
d’une personne expérimentée et/ou d’opérateurs fraîchement formés, favorisant également
une valorisation des compétences précédemment acquises. Le processus de compréhension et
assimilation des principes méthodologiques se renforce ultérieurement par des activités telles que la
mise en application autonome, consécutivement à la phase de formation, ainsi que la réadaptation et
amélioration des supports effectuées par les opérateurs de terrain, en relation aux problématiques
et contextes spécifiques à leur zone de travail.

• Stratégie de projet et approche méthodologique


La réflexion conduite par les partenaires de projet s’inscrit dans une perspective à long terme
en relation à des niveaux multiples. D’une part, la réalité du terrain pousse les acteurs locaux à
adopter une démarche de préparation ainsi qu’à reconnaître la nécessité de fonder les activités
qui en découlent sur les spécificités de chaque contexte d’intervention. D’autre part, la nécessité
de développer et acquérir des nouveaux outils pour répondre de manière cohérente à ces constats
implique une évolution dans les pratiques de projet d’un organisme par l’introduction de nouvelles
compétences et modes de travail.
Fonder ce processus sur une approche de diffusion capillaire s’étalant à tous les niveaux
organisationnels et opérationnels favorise la création et/ou le renforcement des compétences
spécifiques à chaque niveau en accord avec ses propres capacités, qualifications et rôles. De plus,
cette démarche permet une dissémination fractale parmi différents domaines, secteurs et acteurs de
la même institution, facilitant l intégration d’une nouvelle approche dans les pratiques habituelles,
tirant profit des connaissances et spécificités de chacun.

niveau national niveau national

niveau régional niveau régional

niveau local niveau local

département Gestion des Catastrophes autres départements

Fig.61: Diffusion fractale inter (a) et intra (b) départements et niveaux de la même institution

Cultures constructives vernaculaires et résilience 163


L’efficacité de cette démarche, ainsi que les modalités effectives d’utilisation et intégration de
nouvelles pratiques dans la praxis d’un organisme, sont des facteurs observables sur le long terme.
Dans le cadre de cette mise en situation, ces aspects ont été seulement partialement constatables,
de par le fait que le programme de référence est encore en cours. Un facteur ultérieur relève de la
particularité du cas considéré : au-delà de la grande expérience, ce partenaire local se caractérise
par une organisation très hiérarchique, qui favorise la mise en place d’un processus d’intégration et
d’une répartition claire des nouvelles compétences outre que de diffusion capillaire.

La relation tissée entre le travail de recherche et un programme incluant l’analyse des cultures
constructives locales en tant qu’étape du processus de projet a permis de fonder le développement
de la méthodologie d’analyse sur des éléments concrets caractérisant la réalité de terrain, aspect
indispensable pour un outil qui se veut à usage de techniciens et opérateurs. En s’inscrivant
dans un programme comprenant également une phase d’élaboration de stratégies techniques et
opérationnelles, cette corrélation a aussi contribué à élargir davantage la réflexion par la prise en
compte d’aspects qui vont au-delà des spécificités propres à l’habitat, en intégrant les facteurs et
enjeux caractérisant les situations post-catastrophe.
La construction et consolidation des compétences rapporte cependant la réflexion au-delà du
niveau des organismes opérationnels et des populations locales, s’étendant au niveau des instituts
de formation des futurs professionnels, spécialistes de la construction (ingénieurs et architectes) et/
ou opérateurs humanitaires. Si cette démarche est particulièrement pertinente dans certains pays,
o les conditions géographiques et contextuelles rendent nécessaire la mise en œuvre de cette
approche, la qualification de professionnels étrangers amenés à travailler dans de telles régions joue
également une influence considérable sur l’efficacité et la pertinence des solutions et activités mises
en œuvre sur le terrain.

• Approche et outils participatifs pour la collecte, vérification et validation des informations

• Supports méthodologiques à usage de non-spécialistes et des opérateurs de terrain

• Diffusion par modèle fractal

• Répartition des rôles et compétences selon les capacités existantes

• Extensibilité du contenu d’analyse, entre présent et futur, entre constats et anticipation

164 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans le cadre de cette thèse, l’élaboration d’une méthodologie d’analyse des cultures constructives
locales a été la conséquence, et la suite logique, des constats effectués en relation aux pratiques
courantes. Un facteur central de cette réflexion a concerné les potentiels de son intégration aux
approches et actions d’institutions, groupes et professionnels dans une perspective de durabilité
des activités conduites et d’autonomisation des acteurs locaux, notamment par l’expérimentation
en contexte de Haïti et du Bangladesh. Ceci implique toutefois un changement, parfois radical, des
comportements et des pratiques de travail ; une évolution, tant de conception que de praxis, qui
ne peut que s’opérer par des étapes successives, allant de l’éveil de l’intérêt à la compréhension,
l’expérimentation et l’évaluation jusqu’à une vraie et propre prise de conscience (Dudley, Haaland,
1993, op. cit.). Cette transition a lieu si, et quand, la valeur (tant pratique que sociale et économique)
de la nouvelle approche est saisie et reconnue par les acteurs qui, à leur tours, suscitent et alimentent
ce processus, en le rapportant et en le fondant sur leurs propres besoins, ressources et capacités.

De plus en plus d’institutions (Sha , Uy, Baum oll, 2008 ; CRAterre-ENSAG, 2011 ; UNISDR, 2013,
op. cit.) reconnaissent la nécessité de prendre en compte les spécificités de l’habitat existant ainsi
que les cultures constructives locales qui y sont associées. Toutefois, l’identification de ces dernières
s’effectue généralement de façon informelle de la part de spécialistes, souvent étrangers, ou par
l’application de procédures standardisées demandant une expertise particulière pour la récolte
et l’analyse des informations. En outre, les initiatives visant à valoriser les ressources et savoirs
locaux se focalisent le plus souvent sur l’amélioration des technologies constructives à partir de
principes définis et élaborés par des intervenants extérieurs au contexte. Cependant, une fois le
projet terminé, sur place restent certes des compétences pour une meilleure pratique constructive,
mais les acteurs locaux sont-ils en mesure de reproduire et s’approprier ce processus d’inspiration,
analyse et amélioration des capacités et savoirs existants ? Cela est possible, à mon sens, si les acteurs
locaux sont parties prenantes de ce processus depuis son début et s’ils disposent de l’opportunité
de comprendre et apprendre l’intérêt d’une telle démarche ainsi que les modalités pour la mettre
en place.

partir des expériences et approfondissements effectués au cours de cette recherche, entre théorie
et pratique, les conditions et différents facteurs influençant l’appropriation et diffusion de cette
approche sont abordés, en complément de considérations effectuées lors des mises en situation.

Au cours de cette recherche, la méthodologie d’analyse des cultures constructives locales a


été expérimentée dans des contextes ruraux et périurbains ainsi qu’en relation à des activités
de réduction des risques, tant dans le prolongement d’interventions post-urgence que dans la
préparation aux catastrophes. Si les critères d’analyse et les enjeux considérés pour sa mise en
place se réfèrent essentiellement à ces situations, les principes méthodologiques ainsi que les
techniques et l’approche d’investigation se prêtent également à une application en contexte urbain
et en tant que diagnostic post-catastrophe (AQUADEV, 2001 ; Chambers, Kenton, Ashley, 2004, op.
cit. ; IFRC, 2012). Pour ce faire, une adaptation des paramètres et des modalités de conduction
du processus s’avère indispensable en relation à la diversité des conditions et contraintes tant au
niveau socioculturel qu’économique, institutionnel et même physique, que ces situations présentent
(Mitlin, Thompson, 1994, 1995).
En considération de cela, les potentialités émergeant de cette approche paraissent particulièrement
intéressantes. Dans le cadre d’une démarche de préparation, elle permet de mettre en place des
activités d’amélioration de l’existant et d’anticipation d’intervention post-catastrophe. Dans une
situation de post-urgence, elle pose les bases pour entreprendre des actions qui, tout en répondant

Cultures constructives vernaculaires et résilience 165


à des besoins immédiats, inscrivent la phase de redressement140 dans une perspective de viabilité à
long terme. En cours de projet, elle permet une réadaptation des objectifs, modalités et contenus
des interventions en relation à l’évolution des conditions contextuelles (de la post-urgence vers la
normalité) ainsi qu’à des nouvelles localisations de travail.

L’adaptation des outils d’analyse au contexte de référence, aux objectifs et conditions de mise en
œuvre est un facteur qui influence considérablement le déroulement du diagnostic, ses résultats
ainsi que les modalités d’appropriation de la part d’autres acteurs. Dans la méthodologie élaborée,
cette adaptabilité concerne trois composants principaux : le contenu, les méthodes et les supports
d’analyse.

Le contenu se réfère aux critères pris en compte pour l’investigation s’articulant sur la base de quatre
axes thématiques qui, à leur tour, se décomposent en différents niveaux et paramètres (cf. chap.
5.4). Selon le contexte et les finalités du diagnostic, de nouveaux éléments peuvent venir s’ajouter
tant pour un approfondissement ultérieur des paramètres considérés que pour l’intégration de
facteurs supplémentaires, permettant également une ouverture à d’autres disciplines et domaines
au-delà de ceux directement corrélés à la construction (Fig. 62). titre d’exemple : l’investigation
peut inclure des critères relatifs aux propriétés physiques et mécaniques des ressources existantes,
se rapportant donc au domaine des sciences des matériaux, ou elle peut explorer les pratiques et les
savoirs d’une communauté en les associant aux signifiants, perceptions et représentations, du point
de vue ethnologique.

Fig.62: Flexibilité des thématiques et paramètres considérés

Les méthodes constituent les moyens par lesquels il est possible de collecter, vérifier et valider
les informations en s’appuyant sur des supports spécifiques (cf. chap. 5.6). Ceux-ci établissent le
lien entre le contenu et les outils de diagnostic. L’adaptabilité de ces derniers se caractérise par
la flexibilité des supports conçus selon un format facilement modifiable (p.e. fichier électronique
Word), tant dans son contenu que dans sa structure. Ce principe permet la modification de termes
et critères spécifiques au contexte considéré (traduction en langue locale, références aux typologies,
aléas et autres facteurs spécifiques, etc.), l’ajout de paramètres supplémentaires et l’introduction
de nouveaux supports en relation à des facteurs particuliers (p.e. fiches pour les fournisseurs de
matériaux). Cette modificabilité favorise une appropriation et diffusion de la méthodologie d’analyse,
car facilement personnalisables et adaptables aux nécessités d’acteurs différents.

140 Entendu selon la définition attribuée par UN-ISDR : « Redressement : La restauration, l’amélioration, l’installation de
moyens de subsistance et les conditions de vie des communautés touchées par des catastrophes, y compris les efforts visant
à réduire les facteurs de risque » (UNISDR, 2009, op. cit.).

166 Cultures constructives vernaculaires et résilience


De plus, elle permet une prise en compte des spécificités locales à partir des outils employés pour
leur analyse, réduisant ainsi les risques d’inexactitude dus à une imprécision ou non correspondance
avec la réalité des paramètres considérés.

L’adaptabilité des méthodes concerne essentiellement le type et le nombre de techniques


sélectionnées, en relation à deux phases distinctes : l’acquisition de compétences relatives à la
méthodologie d’analyse et l’application de celles-ci en contexte réel. Dans le premier cas, le contenu
et la structure de la formation nécessitent de s’adapter aux caractéristiques des participants, au
cadre de référence (formation formelle, formation interne, etc.) et aux conditions de déroulement
(temps disponible, complémentarité avec d’autres formations, etc.). Dans le deuxième cas, le choix
des méthodes à employer est principalement déterminé par les compétences disponibles, les
objectifs et les conditions de mise en œuvre. La variabilité de ces facteurs détermine différents
niveaux de complexité et degrés d’approfondissement tant de la formation que du diagnostic. Dans
l’application, cette décomposition peut se référer à des types distincts d’analyse ou constituer des
étapes successives d’un même processus. Dans l’acquisition de compétences, elle correspond
à des modules de formation à part entière ou des phases progressives d’apprentissage et
approfondissement des acquis méthodologiques. Cela implique la définition d’un « niveau minimal »
de composants et compétences analytiques indispensables et prioritaires pouvant être développés
et approfondis par la suite, même de façon autonome de la part des participants (Fig. 63).

CARTOGRAPHIE

OBSERVATION OBSERVATION OBSERVATION


DIRECTE DIRECTE DIRECTE

VISITE VISITE VISITE


ACCOMPAGNÉE ACCOMPAGNÉE ACCOMPAGNÉE

ENTRETIENS ENTRETIENS
COMMUN. COMMUN.

ENTRETIENS ENTRETIENS ENTRETIENS


INDIVIDUELS INDIVIDUELS INDIVIDUELS

ENTRETIENS ENTRETIENS ENTRETIENS


INFORM.CLÉ INFORM.CLÉ INFORM.CLÉ

GROUPE GROUPE
FOCALISÉ FOCALISÉ

RELEVÉ
TECHNIQUE

DURÉE DE L’ANALYSE

1-2 jours 2-4 jours 4-7 jours


PARTICIPATION DES
ACTEURS LOCAUX

technique
COMPÉTENCES
facilitation

NÉCESSITÉ DE SUIVI

Fig.63: Niveaux de complexité d’analyse (application/formation)

Cultures constructives vernaculaires et résilience 167


L’analogie entre « formation » et « application » se reflète également dans la logique de diffusion
des pratiques et connaissances, basée sur le principe d’un cas/site pilote o le processus s’articule à
partir d’une étape initiale (d’acquisition de compétences ou de mise en place d’un diagnostic) à petite
échelle, territoriale et/ou institutionnelle, pour ensuite s’élargir en incluant d’autres organismes et/
ou régions. La construction de nouvelles compétences, spécifiques à cette approche, peut débuter
en s’appuyant sur une organisation locale pour ensuite se répandre à d’autres acteurs, sur la base
des réseaux organisationnels et relationnels existants. Cette démarche permet une diffusion à des
multiples niveaux géographiques (local, régional, national, etc.) et professionnels (opérateurs de
terrain, techniciens, ingénieurs/architectes, etc.), vis-à-vis de laquelle l’intégration d’instituts de
formation (universités, centres de formation, etc.) favorise la constitution de compétences durables
et localement enracinées, par la préparation des praticiens actuels et futurs.
Pareillement, l’adoption et la mise en œuvre d’une pratique de projet se fondant sur l’analyse des
cultures constructives locales peuvent démarrer avec une application localisée pour ensuite s’étaler
à l’échelle régionale et nationale, voir même internationale141.

Une sensibilisation et une formation se révèlent déterminantes dans la compréhension, appropriation


et diffusion de l’approche qu’y est associée. Ces deux activités répondent à des objectifs distincts :
l’une vise à permettre une prise de connaissance et de conscience envers le concept de cultures
constructives locales ainsi qu’envers l’utilité et la pertinence de leur prise en compte ; l’autre vise
à constituer des capacités opérationnelles et cognitives pour la mise en place effective de cette
approche. Toutefois, l’analyse des cultures constructives locales et, à un niveau plus large, la démarche
de projet qui y est corrélée sont fortement influencées par le cadre contextuel et institutionnel, à
son tour conditionné par différentes typologies d’acteurs se situant à des niveaux décisionnels et
opérationnels distincts. De ce fait, des initiatives visant à promouvoir cette approche de travail et à
créer des compétences pour sa mise en place nécessitent de se référer et intégrer cette multiplicité
de qualifications et de rôles (Schacher, 2008, op. cit.).

Tant la sensibilisation que la formation nécessitent ainsi de s’appuyer sur des supports et activités
s’adressant de manière spécifique à chacune de ces typologies d’acteurs (Tab. 21).

TYPE D’ACTIVITÉ
TYPOLOGIES D’ACTEURS
SENSIBILISATION FORMATION

Bailleurs de fonds X
Décideurs Autorités / collectivités X
Cadres et gestionnaires de projet X
Spécialistes du génie parasinistre X
Architectes / ingénieurs X X
Techniciens
Chercheurs X
Futurs professionnels X X
Techniques X X
Opérateurs Non techniques X X
Animateurs X

Tab.21: Ciblage des activités

141 En particulier dans le cas de réseaux fédérant plusieurs organismes travaillant dans des pays géographiquement proches
(p.e. Asian Disaster Preparedness Centre) ou couvrant plusieurs territoires allant de l’échelle mondiale à celle locale (p.e.
réseau Caritas, Fédération Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge).

168 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les activités de sensibilisation peuvent recourir à une grande multiplicité d’outils142, tant formels
qu’informels, en adaptant le contenu, le langage et le type de supports en relation à chaque public,
sur la base de modes de communication complémentaires, aussi bien visuels et graphiques qu’oraux.
En revanche, la définition du cadre et des modalités de formation demande des approfondissements
particuliers.

Tout d’abord, elle peut se structurer par unités d’enseignement in(ter)dépendantes abordant des
thématiques distinctes ainsi qu’adaptables à différents niveaux de technicité et d’expertise (Tab.
23). Ces modules peuvent être mis en place aussi bien à niveau local/national qu’international et
s’appuyer sur des structures et réseaux de formation déjà existants. Elles peuvent s’intégrer aux
cursus d’enseignement d’universités et d’instituts de formation professionnelle, de façon à permettre
la création de nouvelles compétences parmi les futurs professionnels, ou à des formations continues
et/ou internes offertes par des instituts et organismes internationaux143.
De plus, la formation à l’analyse des cultures constructives locales peut s’associer à des modules
relatifs à des principes constructifs employant des matériaux naturels et/ou locaux ainsi qu’à des
dispositifs techniques d’amélioration de la durabilité et du comportement structurel du bâti. Ce qui
favorise la compréhension de l’approche proposée et apporte des compétences et connaissances
dont la complémentarité est extrêmement précieuse pour favoriser la mise en place de démarches
de prise en compte des pratiques et ressources locales144.

Ces différentes options impliquent une distinction des acteurs concernés qui, bien que se référant au
domaine opérationnel et/ou de la construction, présentent néanmoins des différences substantielles
en terme de compétences et rôle professionnel. Parmi les techniciens et opérateurs auxquels les
formations s’adressent, la distinction suivante peut être opérée :

futurs professionnels (A) : étudiants d’école et universités d’architecture, ingénierie, préservation


du patrimoine ainsi que d’instituts professionnels (techniciens,
contremaîtres, etc.)

professionnels (B) : praticiens actifs dans le domaine privé et public

opérateurs de terrain : professionnels travaillant pour des organisations locales et internationales


ainsi que pour des organismes gouvernementaux :
_ opérateurs internationaux (C)
_ opérateurs locaux/nationaux disposant de compétences techniques (D)
_ opérateurs locaux/nationaux ne disposant pas de compétences
techniques (E)

142 Brochures, expositions, posters, calendriers, livres et articles, présentations et conférences, analyse coût-bénéfice,
études de cas tant au regard du caractère parasinistre de certaines architectures et pratiques vernaculaires que de projets et
réalisations fondés sur leur prise en compte et valorisation, etc.
143 cet égard, une première expérience a été effectuée dans le cadre du séminaire « Architecture et Cultures Constructives »
s’adressant aux étudiants de master 1 et 2 en concomitance avec le projet Organiser la reconstruction dans les contextes post
catastrophe : assurer le contiguum urgence / réhabilitation / développement pour établir une dynamique de développement
durable élaboré pour l’Université Virtuelle Environnement et Développement Durable, sur la base d’un partenariat entre
l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble, la Fédération Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge
et le Groupe URD (octobre 2013-janvier 2014).
144 Une première expérimentation de cette approche a été effectuée dans le cadre du projet de formation Inscrire la
reconstruction dans une perspective d’amélioration durable de l’habitat et des conditions de vie de la population affectée par
le séisme du 12 janvier 2010 dans le Sud Est, conduit en Haïti par CRAterre-ENSAG et UN-HABITAT (cf. chap. 5.2).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 169


ACTEURS CONCERNÉS
ACTIVITÉS DE FORMATION
A B C D E

1_ sensibilisation : cultures constructives, matériaux locaux, approche de projet x x x x x

2_ principes constructifs parasinistres en relation à différents types d’aléas

2a_ du génie parasinistre - x x

2b_ existants dans les architectures et pratiques vernaculaires x x x x -

principes et modalités de facilitation de la participation (avec


3_ techniques participatives : - x x
jeux de rôles)

méthodes, supports et paramètres pour une analyse des


4_ principes méthodologies : - - x x -
cultures constructives locales

5_ mise en pratique :
analyse de quelques exemples d’architecture proches du lieu
5a_exercise x
de formation
expérience de quelques principes méthodologiques sur le
5b_ expérimentation : - x x x
terrain en employant des méthodes et supports simplifiés

5c_ simulation : essais des différentes méthodes et supports sur le terrain x x x

implémentation du processus complet d’analyse (collecte,


5d_ mise en situation : x x
réélaboration, synthèse des informations)

éléments prioritaires et essentiels pour la définition de


6_ principes d’action : x x x
recommandations en vue de futures actions à entreprendre

Tab.22: Ciblage des modules d’enseignement par rapport aux publics de référence Légende : x indispensable / - optionnel

Pour favoriser une large diffusion des compétences ainsi que leur enracinement dans les futures
pratiques de travail, ces différentes activités nécessitent non seulement de supports pédagogiques
particuliers à chaque activité et public mais également d’outils et sessions de préparation spécifiques
aux formateurs (p.e. mallettes pédagogiques, formation de formateurs, etc.).
Bien que la mise en place des actions de sensibilisation et formation puisse être envisagée aussi bien
en amont qu’après une catastrophe, le processus de compréhension, appropriation et maîtrise de
l’approche d’analyse nécessite un certain temps et disponibilité des parties impliquées. Une situation
de post-urgence n’est donc pas particulièrement propice, bien qu’elle puisse permettre d’entamer
des activités - de construction et d’information - posant les bases pour conduire successivement
des initiatives de formation. De ce fait, constituer et renforcer des capacités avant une catastrophe
permet, non seulement d’entreprendre à l’avance des actions de préparation et prévention, mais
également de mener, déjà depuis la phase d’urgence, des interventions fondées sur les ressources
et spécificités existantes favorisant ainsi une amélioration de la résilience locale.

La démarche proposée se situe, à ce propos, dans une perspective à long terme visant à une réduction
de la vulnérabilité à partir d’un renforcement des capacités méthodologiques, opérationnelles
et techniques à des niveaux multiples : local, par l’implication active et la « capabilisation » de la
population, des organisations et des collectivités locales ; national, par la création de nouvelles
compétences et connaissances parmi les professionnels, les responsables du monde politique et
de la formation ; international, par la sensibilisation de bailleurs de fonds, spécialistes et décideurs.

170 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’investigation des cultures constructives locales est un processus qui s’intègre à des multiples
niveaux et domaines. Le développement de la méthodologie présentée s’est appuyé sur deux
situations particulières qui, bien que pour certains aspects considérablement différentes, partagent
la typologie du cadre institutionnel (relatif à des actions humanitaires en appui à des organisations
locales) ainsi qu’une utilisation de l’outil d’analyse de manière indépendante d’autres méthodologies
de diagnostic. La réflexion menée comprend toutefois également des pistes pour des applications et
complémentarités avec d’autres situations, procédures et domaines.

Tout d’abord, de par son approche et les caractéristiques de ses composants, cette méthodologie se
prête à être intégrée dans les démarches d’analyse participative et de gestion communautaire des
risques. Si certains critères sont déjà considérés dans les procédures existantes, ou font l’objet de
méthodologies spécifiques (cf. chap. 5.1), la question de l’habitat, entendu en tant que composant
d’une culture constructive, est pour l’instant encore marginalement abordée dans les pratiques
de diagnostic actuelles. De ce fait, associer la méthodologie élaborée à des processus participatifs
de réduction de la vulnérabilité apporte une perspective nouvelle et complémentaire, tant dans
la phase d’investigation du contexte que, par la suite, d’élaboration des initiatives à entreprendre.
Cette synergie est envisageable à deux niveaux : en intégrant des éléments spécifiques (paramètres,
méthodes, sources, etc.) à des procédures existantes d’analyse de l’habitat ou considérant
l’ensemble des composants méthodologiques en tant qu’outil d’approfondissement de thématiques
spécifiques, au même titre que d’autres méthodologies déjà disponibles. Cette association et
complémentarité se réfèrent aussi bien à des activités relevant du domaine de l’aide humanitaire
que de la préservation et protection du patrimoine. En effet, le bâti historique, en particulier celui
habitable et encore plus celui habité, est étroitement influencé par les actions et pratiques de ses
habitants. De ce fait, accompagner une investigation technique d’une analyse des connaissances,
perceptions et comportements contribue à l’identification des facteurs sur lesquels appuyer
la protection et amélioration de l’existant, mais également une (ré)génération des pratiques,
connaissances et savoir-faire qu’y étaient et sont associés.

L’approche et les outils relatifs à la méthodologie élaborée sont également employables en dehors
du champ de l’aide humanitaire, dans le travail des collectivités et instances locales de manière
à favoriser implication plus directe et déterminante des citoyens et acteurs dans la gestion et la
planification de l’environnement construit.

En relation à ces synergies et champs d’application, l’analyse des cultures constructives locales se
décline en une multiplicité de variantes d’une seule et même approche. Ci-après, quatre modalités
d’investigation illustrent différents niveaux d’application permis par cette méthodologie (Fig. 64).
Ces exemples se rapportent à des analyses effectuées au cours du travail de recherche en relation à
des contextes, objectifs et modalités de travail distincts. Ces éléments déterminent une variabilité
de certains paramètres donnant lieu à des produits (en terme de type d’informations ainsi que
de degrés d’approfondissement de celles-ci) différents, mais surtout à des typologies analytiques
présentant un potentiel de complémentarité réciproque (Fig. 65).

Pour des questions d’étendue, les rapports de synthèse relatifs à chacune de ces analyses n’ont
pas pu être intégrés à la suite de ce chapitre ni, dans leur intégralité, à ce document. Néanmoins,
des extraits sont présentés dans les annexes (cf. annexe A.2.3), à titre démonstratif des résultats
découlant des différents niveaux d’approfondissement et de technicité de la méthodologie élaborée.
Ces variables sont résumées ci-après en relation aux principales caractéristiques méthodologiques
de chaque exemple et à une comparaison schématique se référant aux cinq critères permettant de
mettre en évidence la polyvalence de la méthodologie élaborée.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 171


1_ Étude des typologies constructives en zone sismique
localisation : Turquie, région sismique Nord Anatolienne
objectif : étude des typologies constructives en zone à risque
sismique
modalités : analyse technique du bâti vernaculaire en zone urbaine
et rurale dans quatre régions situées le long de la faille
Nord Anatolienne
techniques d’analyse : observation, visite accompagnée, sources
secondaires
sources : objets bâtis : +++
acteurs locaux : +
documentation : ++

2_ Synth se des observations de l’habitat vernaculaire


localisation : Haïti, département de l’Ouest
objectif : identification des caractéristiques constructives de
l’habitat vernaculaire
modalités : analyse du bâti rural dans la zone de travail de
l’organisation haïtienne EPPMPH
techniques d’analyse : observation, visite accompagnée, entretiens
avec informateurs clés (habitants, constructeurs)
sources : objets bâtis : +++
acteurs locaux : ++
documentation : +

3_ Analyse des pratiques constructives locales


localisation : Haïti, départements de l’Ouest et du Nord-Ouest
objectif : identification des typologies et pratiques constructives,
des ressources et risques existants
modalités : analyse dans trois zones de travail de l’organisation
haïtienne GADRU
techniques d’analyse : observation, visite accompagnée, entretiens
(communautaires et individuels), groupes focalisés
sources : objets bâtis : ++
acteurs locaux: +++
documentation: +

4_ Analyse des cultures constructives locales


localisation : Bangladesh, régions de : Chittagong, Dinajpur, Khulna,
Mymensingh, Rajshahi, Sylhet
objectif : identification des caractéristiques de l’habitat, des
pratiques, ressources et compétences inhérentes au
domaine de la construction et des risques existants
modalités : analyse dans six zones de travail de Caritas Bangladesh
techniques d’analyse : cartographie, observation, visite accompagnée,
entretiens (communautaires, individuels, informateurs
clés), groupes focalisés, relevé technique
sources : objets bâtis : +++
acteurs locaux : +++
documentation : ++

Fig.64: Couvertures des rapports d’analyse Légende : degré d’importance + : faible ; ++ : modérée ; +++ : élevée

172 Cultures constructives vernaculaires et résilience


NIVEAUX
D’APPROFONDISSEMENT

PARTICIPATION DES
ACTEURS LOCAUX

pays région zone localité


ÉCHELLE
D’ANALYSE

objets bâti environnement construit environnement construit environnement construit,


et naturel naturel et socioculturel
PARAM TRES
CONSIDÉRÉS

techniques
COMPÉTENCES

facilitation

Fig.65: Caractérisation comparée des modalités d’analyse considérées

En se caractérisant par différents niveaux d’approfondissement, ces quatre modalités d’analyse


peuvent être conçues comme les étapes intermédiaires d’un seul processus d’investigation. Des
analyses telles qu’effectuées dans le cas 1 et 2 offrent des éléments de référence à partir desquels
il est possible d’engager une étude approfondie des typologies constructives et des particularités
parasinistres du bâti vernaculaire. Analyse qui peut se détailler ultérieurement, en intégrant les
mécanismes qui régissent le comportement structurel et le rôle propre aux différents composants
en relation aux propriétés des matériaux employées.
Les informations découlant d’analyse telles que les cas 3 et 4 élargissent l’analyse du bâti aux facteurs
qui influencent et déterminent ses caractéristiques propres, se référant non seulement au domaine
technique mais également aux spécificités du milieu humain et naturel dans lequel les artefacts
construits se situent. Ces deux cas poussent donc l’exploration au-delà du domaine de l’habitat en
identifiant, selon une approche intégrée, d’autres facteurs contextuels influençant aussi bien les
produits construits que les conditions de vie et de vulnérabilité d’une communauté.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 173


Le travail relatif à une méthodologie d’analyse se référant spécifiquement aux cultures constructives
locales en zones à risques a eu objectif d’offrir aux acteurs opérationnels un support qui combine
l’identification des spécificités techniques du bâti à celle des aspects socioculturels, économiques
et environnementaux qui lui sont inhérents. Ceci en considérant les différents types de construction
présents localement, les pratiques et les ressources qui leur sont respectivement associées
comme les facteurs de vulnérabilité/résilience en relation à des questions tant constructives que
comportementales et cognitives.

Ce processus d’analyse se fonde sur une sélection flexible de méthodes participatives qui appuient
simultanément une collecte d’information et un apprentissage, tant par les opérateurs que par
les communautés locales, favorisant la définition et la mise en œuvre concertées de propositions
techniques et méthodologiques appropriées aux particularités du contexte et à la diversité
d’exigences et de capacités existantes.

Une mise en situation réelle a visé à faire en sorte que cette méthodologie ne se limite pas à un
exercice théorique mais puisse constituer un outil directement utilisable par les acteurs engagés
sur le terrain ; une approche d’ensemble adaptable à chaque situation particulière, plutôt qu’une
procédure spécifique à un site donné.

Son expérimentation en deux contextes distincts - la reconstruction post-séisme en Haïti et la


préparation aux crises au Bangladesh - a appuyé le croisement de plusieurs paramètres, relatifs
à son contenu et aux modalités de sa mise en œuvre, et a apporté une contribution concrète à
une amélioration de la pertinence et de la durabilité des pratiques opérationnelles des partenaires
locaux, par l’introduction et la consolidation d’une prise en compte du « facteur local ».

Au niveau du terrain, des actions de formation et sensibilisation ont permis à chacune de ces
institutions d’acquérir des nouvelles compétences et de mettre en perspective les expériences
précédemment effectuées - lors de projets de réhabilitation et préparation aux crises comme
d’amélioration de l’habitat-, favorisant une autonomie dans la mise en place de cette approche ainsi
qu’une consolidation des synergies existantes (p.e. entre les organisations haïtiennes membres de
la PADED).

Au niveau de la recherche, la mise en relation entre théorie et application a permis de développer


la question de la dissémination et de l’appropriation par des acteurs très hétérogènes - en termes
de compétences, de rôles et contextes de travail -, en définissant des activités et des supports
particuliers s’adressant à des techniciens et opérateurs de terrain, à des responsables et décideurs
(p.e. en Haïti les responsables des organisations PADED non engagées dans la reconstruction post-
séisme) ainsi qu’à des futurs professionnels (p.e. dans le cadre de cours proposés à des universités
et écoles d’architecture comme l’ENSAG, en séminaire de cycle master).

174 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’approche méthodologique qui a été élaborée et expérimentée dans le cadre de cette recherche
complète et, d’une certaine manière, formalise une démarche qui à l’heure actuelle demeure
sporadiquement adoptée, à titre individuel, par certains individus et très rarement par des
institutions. Elle se positionne comme un outil d’identification et de valorisation de pratiques,
connaissances et ressources corrélées au bâti vernaculaire et à la réduction de sa vulnérabilité
envers les phénomènes naturels majeurs ; ceci à partir d’une reconnaissance des savoirs et savoir-
faire des individus qui l’habitent et selon une logique de complémentarité avec d’autres méthodes
et approches existantes.

Le travail effectué à l’égard de cette méthodologie répond directement à l’objectif du projet


de recherche ReparH de soutenir les acteurs haïtiens et internationaux, par le développement
d’outils méthodologiques appuyant des stratégies de réduction de la vulnérabilité de l’habitat
respectueuses du milieu d’intervention et des cultures et capacités des populations. En outre, les
actions de diffusion conduites en Haïti et au Bangladesh s’inscrivent dans la démarche souhaitée
par ce projet de promouvoir une logique d’anticipation des crises à venir, à travers un renforcement
des compétences dans le cadre d’activités de formation et de programmes de préparation, en Haïti
comme dans d’autres régions du monde soumises à des aléas naturels similaires.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 175


176 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Fig.66: Haïti, Grande Rivière, effets du séisme de 2010 sur l’habitat vernaculaire

Cultures constructives vernaculaires et résilience 177


178 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Si « connaître est un processus et non pas un produit », j’irai aujourd’hui plus loin :
le savoir est un processus et non pas un produit. La question importante
ne devient-elle pas alors, non pas ce qu’est le savoir, mais o est le savoir 14

Une analyse située permet de saisir les facteurs qui participent à la création et à la vulnérabilité
de l’habitat d’une communauté particulière, en contribuant à situer le bâti au sein de la culture
(constructive) qui le génère et qui assume parfois une connotation se référant explicitement aux
phénomènes qui affectent son milieu. D’autre part, l’investigation de l’influence exercée par les
aléas naturels sur l’architecture vernaculaire se rapporte directement aux spécificités et dispositifs
que celle-ci intègre et qui, déterminant ses caractéristiques physiques, découlent des pratiques et
savoirs élaborés et partagés à échelle individuelle et collective.

Le rapport entre construit et phénomènes naturels assume en fait un caractère complexe, o les
spécificités constructives et la vulnérabilité du bâti sont directement influencées par des aspects
culturels et humains. Saisir les artefacts bâtis en tant que produit d’une culture constructive ainsi
que définir un cadre référentiel intégrant la multiplicité des savoirs et des pratiques de résilience
qui lui sont associés, constituent des facteurs d’influence déterminante envers leur reconnaissance
effective au niveau opérationnel et scientifique.

Un large nombre de recherches et documents abordent ces questions en se focalisant sur l’architecture
d’une localité ou d’une région particulière, se rapportant donc à une échelle géographiquement
délimitée. Ces cas comprennent en grande partie des études des caractéristiques architecturales
et/ou constructives, sans toutefois souvent approfondir la relation possible entre certains dispositifs
spatiaux et/ou techniques et les phénomènes naturels locaux. D’autres analyses se concentrent
sur le comportement structurel de systèmes constructifs particuliers, omettant l’influence que les
perceptions et pratiques des bâtisseurs et habitants peuvent exercer sur l’environnement construit.
Relativement rares sont les ouvrages et les approches qui adoptent une perspective d’ensemble,
établissant des corrélations entre différentes recherches conduites à échelle locale. En fait, à « bien
creuser » une grande quantité d’informations existe. Elles restent toutefois éparpillées, souvent
spécifiques à des cas ponctuels, tissant rarement des liens entre la dimension technique et celle
culturelle et comportementale qui, pourtant, se révèlent particulièrement importantes dans la
détermination de la vulnérabilité effective du bâti146 ainsi que des capacités de résilience, réelles et
potentielles, d’une communauté.

La présente recherche propose une approche d’investigation effectuant une corrélation entre les
études conduites de manière située. Se rapportant à la pluralité et à la pluridimensionnalité des
dispositions vernaculaires à caractère parasinistre, cette prospection vise à spécifier les multiples
caractères et niveaux auxquels ces mesures correspondent. Il en découle la constitution d’un corpus
documentaire se référant spécifiquement à la dimension de résilience des cultures constructives
évoluant dans des régions exposées à des aléas naturels récurrents. En prenant du recul par rapport
à une échelle strictement locale, cette recherche participe à la réflexion autour du concept de
culture constructive du risque et de la définition de son cadre théorique, dans une démarche de
contribution au travail développé, au niveau régional, par une large communauté de chercheurs.

145 Barth, Britt-Mari, 1993. Le savoir en construction. Paris : Retz, 1993. Coll. Forum Éducation Culture. p. 74.
146 La vulnérabilité du bâti dépend donc non seulement de sa capacité de résistance mais aussi - ou surtout - du comportement
de la communauté qui l’ utilise (Ferrigni, 1990, op. cit., p. 19).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 179


En lumière des théorisations effectuées par certains chercheurs (Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005,
op. cit.) au regard de la corrélation entre les cultures constructives vernaculaires et des phénomènes
naturels majeurs, je me focalise sur la caractérisation des dimensions et échelles auxquelles cette
relation se rapporte. Le schéma suivant (Fig. 67) présente la structuration des chapitres composant
cette partie, mais également la démarche d’approfondissement adoptée dans le cadre de cette
recherche pour l’analyse des pratiques parasinistres inhérentes aux architectures vernaculaires. Cette
investigation démarre avec la définition du concept de culture du risque (1) pour ensuite l’associer
au domaine du construit (2). Elle se poursuit en approfondissant les caractères des différents types
de mesures de réduction de la vulnérabilité (3) et les échelles auxquelles celles-ci se rapportent (4),
allant du niveau du territoire au système constructif jusqu’à des dispositifs particuliers améliorant la
capacité d’une construction à faire face à l’impact des aléas naturels147.

3.1. MESURES TECHNIQUES


PERMANENTES

3. TYPES DE 3.2. MESURES TECHNIQUES


MESURES TEMPORAIRES

3.3. MESURES
2. CULTURES COMPORTAMENTALES
1. CULTURES
CONSTRUCTIVES
DU RISQUE
DU RISQUE

4.2.1. SYST MES PORTEURS


4.1. TERRITOIRE
PONCTUELS
4. ÉCHELLES 4.2.1. SYST MES APPROFONDISSEMENT:
D’APPLICATION CONSTRUCTIFS ALÉA SISMIQUE
4.2.1. SYST MES PORTEURS
4.2. B TI
CONTINUS
4.2.2. DISPOSITIFS
PARASINISTRES

Fig.67: Démarche d’analyse et structuration de la partie 3

147 Les stratégies développées par les populations locales sont extrêmement nombreuses et, souvent, pas systématiquement
recensées ; par conséquent les éléments présentés n’ont pas la prétention d’en constituer une synthèse exhaustive.

180 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans le monde entier, nombreuses communautés ont opéré et réagi à l’impact des aléas naturels
sur la base de savoirs élaborés et mûris localement au fil du temps, à partir d’une compréhension
approfondie du milieu de vie (UNISDR, 2008). Étroitement corrélés aux particularités d’un lieu et
à l’histoire d’une population de l’habiter, ceux-ci se caractérisent par une dimension spatiale et
temporelle spécifiquement locale. Ils varient d’une région à l’autre, entre communautés et parfois
même entre groupes et individus habitant le même lieu. Ils évoluent dans le temps, en s’adaptant
et se modifiant continuellement sous l’influence de facteurs endo/exogènes dérivant du contexte
naturel, socioculturel et économique propre à une communauté ainsi que des échanges qu’elle
entretient avec son extérieur (Smit, Wandel, 2006, op. cit.).

Ces savoirs148 constituent un système inter et pluri disciplinaire comprenant des connaissances
(constructives, écologiques, historiques, etc.) et des pratiques (individuelles, familiales et collectives,
techniques et non techniques, à court et long terme, etc.) mais également des croyances, valeurs
et représentations du monde ancrés dans la façon de vivre d’une communauté. Cet ensemble
assume parfois le caractère d’une vraie et propre stratégie de résilience comportant des mesures,
spécifiques au niveau local, permettant une diminution de l’exposition aux risques et intégrant
des éléments de préparation, gestion et redressement envers des situations de crise ponctuelle
et soudaine (p.e. impact d’un aléa naturel) ainsi que des changements lents et progressifs (p.e.
réduction des ressources disponibles) (SAARC, 2008). Il inclue en effet aussi bien des stratégies
d’ajustement, comprenant des dispositions à court terme, immédiates et orientées vers la survie,
que des stratégies d’adaptation149 visant à une sécurité sur le long terme (T igg, 2004, op. cit. ;
Dazé, Ambrose, Ehrhart, 2010).

Allant de la tentative de donner une raison d’être à certains phénomènes150 jusqu’à la construction
d’une mémoire collective et dynamique, ces stratégies de résilience composent un système de
pratiques et dispositifs assumant la connotation d’une culture du risque. Indissociable d’une
dimension sociale, celle-ci en est le « produit partagé » permettant de se confronter à l’« expérience
partagée » des risques et des crises survenant au cours de l’histoire d’une communauté (Granet-
Abisset, 2000 ; Joshi, 2008).

148 Le terme « savoir » est utilisé ici pour indiquer l’« ensemble des connaissances d une personne ou d une collectivité
acquises par l étude, par l observation, par l apprentissage et/ou par l expérience », notion assumant donc une signification
plus élargie de celle de « connaissance » se rapportant à un domaine précis (Centre Nationale de Ressources Textuelles et
Lexicales).
149 La distinction entre ces deux types de stratégies est effectuée principalement dans la littérature anglophone (coping and
adaptive strategies) ; en français seul le terme « adaptation » est dans la plupart de cas employé (Dazé, Ambrose, Ehrhart,
2010, op. cit.). Néanmoins, la différence de signification entre ces deux concepts est ici considérée comme importante à
maintenir, en raison de l’explicitation qu’elle permet au regard de la particularité et la diversité des savoirs et des pratiques
vernaculaires.
150 Le questionnement des causes de certains phénomènes, notamment de ceux particulièrement dévastateurs et soudains
tels que les séismes, s’est présenté tout au long des siècles assumant parfois la connotation d’un vrai et propre débat
philosophique (Placanica, 1985). ce propos, l’échange qui eut lieu entre Voltaire et Rousseau, suite au séisme de Lisbonne
en 1755, résulte particulièrement représentatif des aspects caractérisant l’imaginaire et le vécu des populations à différentes
époques et dérivant parfois de conceptions diamétralement opposées. Les thèses soutenues par ces deux auteurs explicitent
les controverses marquant le siècle des Lumières (Guénard, Simay, 2011) : la conception de ces événements en tant que
conséquences d’une fatalité divine (Voltaire, Poèmes sur le désastres de Lisbonne et sur la loi naturelle, 1756), à laquelle
s’oppose une vision rationnelle, expression de l’esprit moderne. Rousseau rapporte en effet à l’homme et à ses choix la
responsabilité des conséquences désastreuses dérivant de la manifestation de certains phénomènes : e ne vois pas qu’on
puisse chercher la source du mal moral ailleurs que dans l’homme libre, perfectionné, partant corrompu ; et, quant aux maux
physiques, ils sont inévitables dans tout système dont l’homme fait partie ; la plupart de nos maux physiques sont encore
notre ouvrage. Sans quitter votre sujet de Lisbonne, convenez, par exemple, que la nature n’avait point rassemblé là vingt
mille maisons de six à sept étages, et que si les habitants de cette grande ville eussent été dispersés plus également, et plus
légèrement logés, le dégât e t été beaucoup moindre, et peut-être nul (J.J. Rousseau, Lettre sur la Providence, 18 août 1756).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 181


Une culture du risque se définie par des composants matériels et immatériels, étroitement corrélés à
la nature des aléas ainsi qu’à la diversité des capacités et priorités, tant individuelles que collectives,
existantes à un certain moment historique (T igg, 2004, op. cit.). Ces composants se déterminent
et s’influencent réciproquement : les uns s’expriment dans les créations que les membres de la
société produisent, utilisent ou partagent (objets, artefacts, (infra) structures, ressources, etc.),
les autres consistent dans les abstractions et créations humaines intangibles qui in uencent le
comportement des membres de la société (croyances, valeurs, normes et modèles sociaux, systèmes
politiques, etc.) (Kulatunga, 2010, p. 306, trad. A. Caimi). Leur ensemble constitue une réponse,
contextuellement, socialement et historiquement spécifique à un site et à une communauté, envers
la nécessité d’assurer la protection de ses membres aussi bien dans le présent que dans le futur. Et
pour ce faire, la tradition au sens de la transmission d’informations et connaissances assume une
importance déterminante, tant dans le processus de développement d’une culture du risque que
dans la résilience effective d’une population (Homan, 2004).

Fig.68: Les prisonniers des décombres, peinture (extrait), Frantz Zéphirin,


peintre haïtien, janvier 2010 (source: http://www.potomitan.info)

L’élaboration de ces savoirs se fonde sur quatre aspects se rapportant à la capacité à décoder le milieu
ainsi qu’à élaborer et mettre en place des mesures ciblées de réduction de la vulnérabilité (Dekens,
2007a, op. cit.) :

• l’observation attentive et quotidienne de l’environnement et la mise en relation des changements


qui l’affectent avec les précédentes expériences ;
• l’anticipation d’un événement s’associant à la définition de mesures rapides et efficaces pour une
mise en sécurité (p.e. voie de fuite, lieu de refuge) et une gestion de la crise (p.e. compétences
et rôles particuliers) ;
• l’adaptation et l’évolution des stratégies de résilience, par un processus d’expérimentation,
ajustement, innovation et mise au point de dispositions techniques et sociales ;
• la communication dans le temps (entre générations) et l’espace (entre communautés et endroits)
par des supports oraux, graphiques et écrits, de connaissances relatives aux événements du passé
ainsi qu’aux mesures à entreprendre pour réduire l’exposition des personnes et des habitats.

182 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Nombreuses populations habitant des régions assujetties aux aléas naturels ont développé des
systèmes particuliers permettant de transmettre les apprentissages tirés des événements du passé
pour réduire l’impact de ceux à venir. Chaque communauté a élaboré ses propres outils et moyens
de communication, en adaptation aux caractéristiques sociales, culturelles et physiques de son
environnement de vie ; ce qui a donné lieu à une extraordinaire diversité de messages, supports
et contenus. Ci après, quatre exemples explicitent le rôle de certaines interprétations, associations
et explications à échelle individuelle et collective, par des canaux d’acquisition et de diffusion des
informations qui diffèrent : de l’observation à la représentation, de l’oralité à la matérialité.

Interprétation du milieu151
L’observation et la compréhension de signes prémonitoires présents dans l’environnement naturel
se rapportent aussi bien au monde végétal qu’animal.
En Haïti, pendant la saison cyclonique, les habitants de la zone de Cap Rouge savent que, quand un
certain type d’arbre « retourne en dessous dessus » ses feuilles, une forte tempête s’approche.
Au Bangladesh, les habitants des villages situés sur les berges du fleuve Jamuna surveillent
régulièrement le comportement des fourmis. Quand celles-ci grimpent jusqu’au niveau des toitures,
les gens se préparent : une inondation est imminente.
La manifestation de ces signaux a souvent lieu avec une certaine avance par rapport à l’impact
de l’aléa auquel ils se rapportent ; par conséquent, leur interprétation permet aux populations
de disposer de suffisamment de temps pour mettre en œuvre des mesures rapides de mise en
sécurité des biens et des personnes. Généralement, la constatation de ces changements enclenche
une suite d’opérations permettant la validation des observations conduites ainsi que l’activation des
procédures, au niveau individuel et collectif, pour gérer et réduire l’étendue de la possible crise.
titre d’exemple, à l’observation du comportement des fourmis s’associe celle de la couleur de l’eau
de la rivière et l’écoute de son bruit, permettant l’estimation de l’ampleur de l’inondation, à laquelle
suit la diffusion de l’alerte à l’ensemble de la communauté.

Indication d’un comportement152


Déclanchées par un puissant séisme en décembre 2004, des vagues de plusieurs mètres frappèrent
l’île indonésienne de Simeulue quelques dizaines de minutes après le début des secousses. Dans le
village de Langi, à une quarantaine de kilomètres de l’épicentre, les habitants eurent à disposition
seulement quelques minutes pour se réfugier dans les hauteurs avant qu’une vague de 10m déferle
rasant complètement le village. Cependant, sur une population d’environ 800 personnes on ne
compta aucune victime grâce à une connaissance, ancrée dans la mémoire collective, se référant à
l’expérience d’un tsunami qui ravagea l’île en 1907. Celle-ci a été transmise entre générations par la
narration des smong (mot signifiant « l’océan entrant dans les terres »), contes basés sur la succession
de trois séquences reportant des constatations factuelles (des secousses sismiques, le retrait de la
mer au-delà de la marée basse habituelle et la montée des eaux envahissant l’intérieur des terres)
fournissant des informations précises au regard du comportement à suivre lors de phénomènes
sismiques, particulièrement fréquents dans cette région. La narration se conclut souvent avec une
recommandation : « Si une secousse très forte se produit et si la mer se retire peu de temps après, il
faut se réfugier sur les collines car la mer se précipitera bientôt sur les terres ».

Explication d’un phénomène153


Le Japon est un pays frappé par des séismes particulièrement fréquents et violents, phénomènes
dont les populations locales ont parfois cherché à en expliquer les causes par le recours à des figures
mythologiques.
Dès le lendemain du tremblement de terre qui ravagea la ville d’Edo en 1855, des milliers d’images
représentant un énorme poisson-chat furent diffusées de manière anonyme. Selon les croyances de

151 Sources : analyses de terrain (Bangladesh, 12.2011 ; Haïti, 02.2011).


152 Sources : Yalciner, Perincek, Ersoy, et al., 2005 ; McAdoo, Dengler, Prasetya, et al., 2006 ; Yulianto, 2009.
153 Sources : Butel, Griolet, 1999 ; Ikeya, 2004 ; Bressan, 2012 ; Severn, 2012.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 183


l’époque, l’origine des séismes était attribuée aux mouvements de ce poisson, nommé Namazu, qui
habitait les profondeurs terrestres et qui était habituellement gardé immobilisé par le dieu Kashima,
lui pressant une pierre sur la tête (Fig. 69a). Toutefois, dès que le dieu relâchait sa surveillance,
Namazu en profitait pour provoquer des ravages dans le monde des humains. Nombreuses de ces
illustrations associent la recherche d’explication d’un événement à une critique envers certains
individus et institutions retenus tirer bénéfice de l’impact des séismes. Elles indiquent en particulier
les artisans du secteur de la construction arrivant même à en dénoncer, de façon voilée, une certaine
complicité avec Namazu (Figs.68 b et c).

Fig.69: Représentation du tremblement de terre (source: http://pinktentacle.com2011):


a) Le dieu Kashima immobilise Namazu, devant un group de petits poissons-chats représentant les
séismes du passé ;
b) un Namazu est attaqués par des paysans mais, en arrière plan, les artisans et les constructeurs
approchent pour lui venir en aide ;
c) un Namazu avec les outils pour la construction

Définition de marges de sécurité154


Le long des côtes orientales du Japon, des centaines de pierres dressées à la verticale indiquent
le niveau atteint par les tsunamis du passé. Si certaines d’entre elles datent de plusieurs siècles,
nombreuses sont celles érigées suite à un tsunami qui, en 1896, provoqua des dizaines de milliers de
victimes. Leur particularité réside dans les messages qu’y sont gravés, indiquant des comportements
à adopter pour réduire la mise en danger des populations envers des événements futurs. Ces stèles
constituent en effet des supports d’information permettant de prévenir les habitants de la zone,
pendant plusieurs générations et même plusieurs siècles.
La pierre du village d’Aneyoshi dans la préfecture d’Iwate (Figs. 70 a, b et c) fournit des précises
instructions au regard du site d’implantation des habitats. L’inscription prévient : « Les habitations
élevées sont la paix et l’harmonie de nos descendants. Rappelez-vous le désastre du grand tsunami.
Ne construisez pas de maison en dessous de ce point ». Consciente de l’importance et validité de
ces messages, la population a construit ses habitations en suivant les avertissements des ancêtres.
Lors du tsunami provoqué par un puissant séisme en mars 2011, les constructions de ce village ont
été épargnées, malgré que les eaux aient ici atteint le niveau le plus élevé qui a été enregistré.

Fig.70: Pierre du village d’Aneyoshi (Japon) (crédits: a) Ko Sasaki, b) K. Ito, c) Ajayisandra)

154 Sources : Fackler, 2011 ; Smits, 2011 ; Dias, Dutykh, O’Brien, et al., 2012.

184 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les stratégies développées par les populations et les constructeurs vernaculaires pour bénéficier de
la nature et, en même temps, se protéger de sa force destructrice ont généré des savoirs et savoir-
faire extrêmement variés. Dans les régions exposées à des aléas naturels récurrents, la confrontation
régulière avec ces phénomènes a conduit individus et communautés à expérimenter et mettre en
œuvre des dispositions pour anticiper, réduire et surmonter les conséquences potentiellement
désastreuses dérivant de leur impact sur l’habitat. Allant bien au-delà d’un niveau purement
symbolique, ces mesures intègrent également une dimension technique, assumant une connotation
tangible dans le développement d’une multitude de principes et typologies constructives à caractère
parasinistre. En effet, si une culture du risque s’ancre fortement dans le système de croyances,
valeurs et représentations propres à une communauté, elle est indissociable de l’élément qui de
plus caractérise le milieu de vie de celle-ci : ses constructions et son environnement construit.

En tant qu’ensemble des connaissances techniques évoluées et adaptées au fil du temps, l’architecture
vernaculaire de ces régions peut, par conséquent, être considérée comme la matérialisation des
efforts par lesquels des particuliers et des groupes cherchent à répondre à des besoins spécifiques,
soient-ils liés à la vie quotidienne, à des facteurs socioculturels ou à des phénomènes naturels tant
ordinaires qu’extrêmes. Les artefacts construits deviennent de ce fait l’expression d’une technologie
parasinistre purement locale.

La récurrence de certains aléas ainsi que la fréquence et l’intensité avec laquelle ils se manifestent
ont permis la naissance spontanée de vraies et propres cultures constructives du risque, étroitement
liées aux spécificités du contexte et à la mémoire que les populations acquirent du comportement du
bâti. Les cultures locales peuvent donc se caractériser par des pratiques sociales visant à réduire la
vulnérabilité des personnes et/ou par des dispositions constructives visant à réduire la vulnérabilité
de l’environnement construit. Une culture constructive du risque se définie alors comme l’ensemble
des connaissances techniques et des comportements cohérents constituant un ensemble efficace
pour réduire l’impact des risques locaux (Ferrigni, 1990, op. cit.), comprenant des mesures aussi
bien structurelles que non-structurelles155 améliorant la résilience d’une population et de son habitat
face aux aléas naturels. Leur développement est cependant directement corrélé à une fréquence et
une intensité des phénomènes telles à permettre la sédimentation d’un savoir-faire technique - qui
dans ce processus devient patrimoine commun de la communauté entière - conduisant à des formes
cohérentes de comportement (Helly, 2005, op. cit., p. 129, trad. A. Caimi), comportements qui
comprennent la totalité des pratiques, critères décisionnels et approches déterminant la manière
d’une communauté de concevoir, réaliser et améliorer son milieu bâti.

Le savoir à l’origine des techniques vernaculaires parasinistres a été acquis, et continuellement mis à
jour, de façon empirique par l’observation directe des effets des aléas naturels sur l’environnement
construit. Le développement des formes architecturales, des technologies et des dispositifs
constructifs se fonde par ce fait sur une approche de type expérimental156 : chaque événement
représente une opportunité pour tester l’efficacité des solutions et principes adoptés, en déclenchant
des progrès et des innovations dans la connaissance. Cependant, la constatation des dégâts et la

155 Elles incluent des dispositions à court et long terme et indiquent respectivement : [mesures non structurelles] toute
construction physique visant à réduire ou à éviter les impacts éventuels des aléas, ou l’application de mesures pour assurer
des structures ou systèmes résistants et résilients aux aléas ainsi que [mesures non structurelles] toute mesure qui utilise
les connaissances et la pratique visant à réduire les risques et les impacts, en particulier par le biais de politiques et de lois, par
la sensibilisation du public, la formation et l’éducation (UNISDR, 2009, p. 21, op. cit.).
156 It is possible that such forms of culture develop in resident populations through processes which we can term Darwinian
in their selection: following a calamity which has caused damage, buildings are not erected in the most affected areas so
that the memory of the event remains; situation which are generally considered dangerous are either removed or modified;
reconstruction work is carried out according to the designs which have shown to resist the event, and methods which have
proved useless are abandoned (Pierotti, 2005, p. 92, op. cit.).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 185


réparation/reconstruction des bâtiments endommagés ne sont pas suffisants pour que des acquis
découlant de l’expérimentation s’enracinent dans la culture d’une communauté157. Pour qu’une
technique puisse être validée et le savoir(-faire) corrélé s’ancrer fermement en tant que pratique
constructive courante, une même génération doit en effet être en mesure d’effectuer des constats,
élaborer des hypothèses, les mettre en œuvre et, surtout, d’en vérifier la validité (Ferrigni, Helly,
Mauro, et al., 2005, op. cit.). La notion du temps et de la mémoire entrent donc également en jeu.

La périodicité régulière (< 40 ans) d’un phénomène offre la possibilité d’analyser les dommages,
identifier des nouvelles solutions, les tester, en tirer des conclusions et les transmettre à la génération
suivante. Ce processus conduit à la constitution d’une culture du risque dite de la prévention158, qui
se fonde sur une mémoire vivante, continuellement entretenue et enrichie au fil du temps et des
événements. Cette culture génère des mesures de réduction de la vulnérabilité, tant du bâti que de
ses occupants, intégrées aux pratiques constructives et comportementales ordinaires et basées sur
les principes et dispositifs ayant prouvé leur efficacité et pertinence (Fig. 71a).
En revanche, si les phénomènes se manifestent avec une récurrence plus réduite (> 40 ans), la
mémoire des événements et de leurs effets s’atténue au fil du temps et les constructions sont
consolidées au fur et à mesure, sans le développement d’une vraie stratégie préventive de réduction
de leur vulnérabilité. Cette condition donne lieu à une culture dite de la réparation, caractérisée
par l’apparition d’éléments contrastant avec l’homogénéité architecturale et/ou constructive d’un
bâtiment : des « anomalies » 159 dérivant de modifications et améliorations ponctuelles (Fig. 71b),
apportées subséquemment à sa construction (Ferrigni, 1990, op. cit.).

Fig.71: a) Forme trapue et toiture à quatre pentes : aérodynamisme morphologique envers les vents
cycloniques (Khulna, Bangladesh) ;
b) Contrefort réduisant la largeur du passage : renforcement ponctuel envers les sollicitations
sismiques (Atrani, Italie)

Le concept associé au terme d’ « anomalie », entendu en tant qu’« élément anormale, particularité »,
pourrait être étendu également à d’autres aspects trouvant leur raison d’être dans l’importance
spécifique qu’ils assument vis-à-vis de la capacité du bâti à supporter l’impact de certains phénomènes.
L’utilisation de matériaux qui ne correspondent pas à des ressources localement disponibles, la mise
en œuvre d’une technique particulière ou l’adoption de solutions constructives demandant des
efforts considérables (tant en termes financiers que de travail ou de compétences requises) peuvent

157 For technical know-how to become « culture », and thus appreciably reduce vulnerability, the relevant knowledge must
lead to consistent modes of behaviour (Ferrigni, 2005a, op. cit., p. 302).
158 La caractérisation de ces différents types de culture du risque ainsi que la définition de l’influence de la fréquence et
intensité des événements sur leurs spécificités, font partie des travaux conduits en relation à l’aléa sismique par les chercheurs
du Centro Universitario per i Beni Culturali de Ravello (Italie), je me réfère en particulier aux ouvrages suivants : Ferrigni,
1990, op. cit. ; Ferrigni, Helly, Rideaud, 1993 ; Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005, op. cit.
159 Elements which are evidence of alterations made a er a building was originally erected, which are out of keeping with
its architectural style and which usually encroach upon living comfort and/or reduce street width (Ferrigni, 2005c, p. 236).

186 Cultures constructives vernaculaires et résilience


être considérées comme des éléments singuliers, insolites, se révélant des indicateurs de réponses
propres à des problèmes ou exigences exceptionnels. Pareillement, une attention et investissement
particuliers pour une partie spécifique de la construction peuvent être significatifs de l’importance
et de l’influence de celle-ci dans la résilience de l’ensemble du bâtiment160; aspects qui sont toutefois
plutôt représentatifs d’une culture de la prévention.

L’enracinement des connaissances et pratiques dans la culture d’une communauté ne dépend pas
uniquement de la fréquence des aléas auxquels elle est exposée. L’ampleur de ces phénomènes
ainsi que des facteurs à caractère exogène peuvent déterminer la consolidation de différents types
de savoirs, ne conduisant pas nécessairement au développement d’une culture constructive du
risque161. Ceci peut se vérifier lors de l’introduction, dans des pratiques existantes, de nouveaux
principes constructifs ou comportementaux selon un procédé d’importation et/ou d’imposition ;
situations qui se présentent souvent après l’impact d’un aléa, par le recours à des technologies non
locales (p.e. dans le cadre de projets de reconstruction) ainsi que par la promulgation de règles de
construction ou des recommandations officielles (Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005, op. cit.).

Deux exemples historiquement proches illustrent particulièrement bien l’imposition par des
autorités locales de mesures techniques référées au risque sismique.
Le premier cas concerne l’institution d’une politique préventive se rapportant aux dispositions
prises par le gouvernement portugais après le séisme de 1755. Pour la reconstruction du centre
ville de Lisbonne, un ensemble de prescriptions fut rendu obligatoire définissant la planification des
quartiers, l’architecture des nouveaux immeubles ainsi qu’un système constructif expressément mis
au point par un groupe d’ingénieurs (Fig. 72a ; cf. annexe A.3 : fiche « Gaiola Pombalino »).
Le deuxième cas se réfère à l’adoption de l’un des premiers règlements de construction parasismique
de l’histoire. Ceci se rapporte à un système constructif vernaculaire apparut en Italie centrale et
méridionale au cours du XIV° siècle, et dont la diffusion fut déterminée par la capacité, constatée
lors de différents événements, à supporter l’impact des séismes. Le caractère sismo-résistant de ce
système fut officiellement reconnu à partir de 1784, lors qu’il fut inscrit dans les instructions royales
promulguées par le gouvernement Bourbon pour la reconstruction après le séisme de 1783. Dès
lors, il a été intégré dans la normative de construction parasismique de plusieurs régions italiennes,
jusqu’aux réglementations éditées en 1909 pour la reconstruction post-séisme à Messine (Fig. 72b ;
cf. annexe A.3 : fiche « Casa baraccata – casa intelaiata »).

Fig.72: a) maquette du système gaiola pombalino (crédits: Galinhola - Wikimedia Commons) ;


b) projet pour casa baraccata à Reggio Calabria, 1913 (source: Barucci, 1990)

160 titre d’exemple, la réalisation de toiture à quatre pentes comporte un investissement décidemment plus important
qu’une toiture à deux pentes. Cependant, cette forme de toiture permet de réduire considérablement la vulnérabilité d’une
construction à l’impact du vent. Dans la région de Khulna (Bangladesh), frappée annuellement par des cyclones, les toitures
sont systématiquement réalisées avec quatre pentes, même dans le cas de structures très modestes (Source : analyses de
terrain, novembre 2012).
161 Des phénomènes particulièrement violents causant une destruction quasiment généralisée ou, à l’autre but du spectre,
d’intensité très faible, ne permettent pas d’effectuer une analyse des dommages avec une conséquente sélection des
techniques et dispositions les plus performantes. En fait, only earthquakes which follow upon one another at suitable time lags
and with « appropriate » recurrence and intensity are likely to result in a sound Local Seismic Culture (Ferrigni, 2005b, p. 207),
logique qui peut être entendue également à d’autres types d’aléas se présentant avec régularité historique (p.e. les cyclones).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 187


L’adoption et l’affirmation de nouvelles règles et pratiques de réduction de la vulnérabilité peuvent
se révéler extrêmement fragiles sur la durée, en particulier lors de leur introduction par le biais de
normes et prescriptions. Dans l’exemple portugais, les règles promulguées étaient transmises de
manière informelle entre les artisans, assumées donc comme un code de pratique. cause d’une
période de retour très longue des phénomènes sismiques, la conscience envers l’importance de
ces mesures se dilua dans le temps et, vers la fin du XIX° siècle, leur application fut complètement
abandonnée. Par ailleurs, dans le cas de la normative italienne, les constats dressés suite à plusieurs
séismes révélèrent les limites d’une « culture imposée par décret ». Dans de nombreuses situations,
le non-respect des règles de l’art et le manque d’entretien d’une culture du risque conduirent à
une dégénération des pratiques constructives qui, même si utilisant les systèmes préconisés à titre
officiel, perdirent les caractères et la fonction parasismiques qui leur été associés162.

De fait, s’ils ne sont pas assimilés et/ou reproductibles par les populations et les constructeurs, les
critères et prescriptions introduits ne deviendront pas partie intégrante de la culture constructive
locale. En revanche, l’élaboration et la constatation directe de l’efficacité de certaines mesures et
principes constructifs favorisent leur intégration dans le mode de construction particulier d’une
région, en déterminant par conséquent son architecture vernaculaire163. Si la fréquence et l’intensité
des phénomènes constituent des éléments décisifs pour le développement et l’affirmation
d’une culture constructive du risque, d’autres aspects (les matériaux employés, l’expérience des
constructeurs, les techniques en vogue à une certaine époque, des nouvelles routes commerciales,
etc.) influent également sur ses spécificités, la manière dont elle évolue et les expressions qu’elle
assume (Ferrigni, 2005c, op. cit.). Dans la caractérisation de la notion de culture constructive
du risque, deux paramètres émergent : les types de mesures mises en œuvre pour réduire la
vulnérabilité du bâti et les échelles physiques auxquelles celles-ci s’appliquent. Dans les chapitres
suivants, j’approfondie ces aspects de manière distincte, en identifiant d’abord les caractères que ces
dispositions assument (chap. 9), pour ensuite investiguer leur référence à des échelles différentes,
allant du territoire jusqu’au détail constructif (chap. 10).

Fig.73: Habitat vernaculaire parasinistre,


bas-relief, temple de Borobudur, Indonésie, VIII et IX siècles
(crédits: P. Garnier)

162 Le cas des normes et des systèmes de construction parasismiques prescrits à partir de la fin du XVIII° siècle en Italie est,
à cet égard, assez emblématique. Les constats dressés suite aux événements qui eurent lieu au cours des siècles suivants
mirent en évidence deux aspects qui marquent leur insuccès. D’une part, le stesse case baraccate , o me sulla carta
dei tecnici, in realtà vennero costruite cos male che durante il terremoto calabro-siculo del 1 4 crollarono per la maggior
parte. Dalla relazione sull’inchiesta fatta per questo terremoto leggiamo: Le case baraccate fecero in massima ca va prova;
ma ci deriva essenzialmente da vizio di costruzione e dai materiali troppo pesanti (Laner, Barbisan, 1986, p. 59). D’autre
part, pare che la lezione del terremoto in una regione come la Sicilia, non venga neanche lontanamente recepita. Anche se il
dopo Messina è stato caratterizzato da numerosissime proposte per costruzioni antisismiche, molte di queste sono rimaste o
timido esperimento o utopistiche idee. Anzi, come purtroppo spesso accade in simili situazioni, tu si improvvisarono esperti
mescolandosi fra i pochi tecnici preparati (Ibid., p. 74).
163 Specialmente nelle aree dove esistono culture sismiche locali, la disposizione dei materiali che costituiscono l’edificato
(blocchi di pietra, mattoni, trabeazioni, legamenti e simili) è tutt’altro che casuale e obbedisce spesso a una precisa
disciplina, che la tradizione trasforma in regola d’arte (Pierotti, Ulivieri, 2001, p. 29, op. cit.).

188 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les communautés habitant des régions exposées à des aléas naturels récurrents ont presque
systématiquement élaboré des règles empiriques prenant en considération les risques intrinsèques
au contexte, en y association des dispositions visant à limiter leurs effets sur le bâti et à préserver
la vie de ses occupants. Ces mesures varient d’aléa à aléa, de région en région, voire même entre
individus de la même communauté. Elles se déclinent à des niveaux multiples, s’inscrivant parfois
dans une dimension qui va au-delà de celle strictement technique, se rapportant à l’ordre de la
pratique et du comportement (Dekens, 2007b ; UNISDR, 2008). Elles comprennent en effet non
seulement des solutions constructives, mais également des vraies et propres stratégies d’atténuation,
touchant plusieurs domaines (construction, gestion des ressources, planification du territoire, etc.)
et échelles (individuelle et collective, communautaire et institutionnelle).

Généralement, les mesures de réduction de la vulnérabilité sont différenciées selon leur caractère
« structurel » ou « non-structurel » (UNISDR, 2009, op. cit. ). Toutefois, l’investigation entreprise
au cours de cette recherche a déterminé l’identification d’une multiplicité d’expressions et de
modalités d’intégration des risques locaux dans les pratiques constructives vernaculaires, mettent
en particulier en évidence la relation étroite pouvant subsister entre la résilience du bâti et les
comportements adoptés par ses constructeurs et habitants. Les constats effectués m’ont conduit
à proposer un principe de différenciation qui soit directement référé aux pratiques parasinistres
inhérentes à l’architecture vernaculaire. Cette distinction s’articule sur la base de trois différents
caractères relatifs aux modes de bâtir et de contraster les conséquences potentielles de l’impact
des phénomènes naturels : des mesures techniques de type permanent, des mesures techniques
de type temporaire ainsi que des mesures comportementales. Ces trois dimensions exercent une
influence directe sur la conception et les spécificités du bâti ainsi que sur sa vulnérabilité effective
(Fig. 74). Elles ne sont pas exclusives ni nécessairement présentes de façon constante ou simultanée,
toutefois elles sont généralement adoptées de manière diffuse par la plupart ou l’ensemble des
membres d’une communauté. Dans la partie suivante, je définis164 ces trois types de mesures
se rapportant aux approches et principes relatifs à la dimension « construite » d’une culture du
risque, aux modalités donc par lesquelles elle se traduit dans les caractéristiques des artefacts et de
l’environnement bâti d’une communauté.

fréquence + intensité

croyances + valeurs
+ représentations

économiques + techniques
+ matérielles

Fig.74: Facteurs d’influence et caractères des stratégies vernaculaires de réduction de la vulnérabilité

164 Leurs particularités sont présentées sur la base d’exemples identifiés lors d’analyses de terrain conduites au Bangladesh
(entre 2011 et 2012) et en Haïti (entre 2011 et 2013), en parallèle au développement d’une méthodologie d’analyse des
cultures constructives locales (cf. partie 2).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 189


Les dispositions caractérisant les spécificités structurelles et constructives d’un bâtiment ainsi
qu’influençant, de la manière la plus marquée, sa capacité effective à faire face à l’impact des aléas
naturels sont celles relevant de la sphère technique et correspondant au type permanent. Intégrées
à une construction depuis sa réalisation, elles se déclinent en des systèmes, détails et dispositifs
particuliers qui, calibrés à la fréquence et intensité avec lesquelles les phénomènes naturels se
manifestent, réduisent de manière ciblée la vulnérabilité de parties spécifiques du bâtiment165.
Certaines architectures vernaculaires de la région de Mymensingh (Bangladesh) présentent une
solution minimaliste mais très efficace réduisant les risques d’envol des toitures sous l’action de
vents violents. Dans les constructions réalisées avec la technique de la bauge, les poutres sablières
sont ancrées par des cordes de part et d’autre du mur à des pièces en bambou qui traversent toute
son épaisseur, empêchant ainsi l’arrachement de la charpente (Fig. 75a).

Dans les régions affectées par différents types d’aléas, plusieurs mesures de type permanent peuvent
être intégrées à une même construction, en relation à chaque phénomène particulier.
Dans la région de Khulna (Bangladesh), la fréquence annuelle des cyclones a conduit les constructeurs
à ligaturer les tuiles de couverture à la structure de la toiture, pour en prévenir l’envol. des
intervalles réguliers, des cordes relient des bambous disposés en parallèle aux liteaux au-dessus des
tuiles, en créant une continuité de connexion avec la charpente du toit (Fig. 75b). Les constructions
vernaculaires de cette région présentent également l’utilisation d’une masse d’usure en tant
que dispositif de protection du soubassement en terre envers les inondations, particulièrement
récurrentes (Fig. 75c). Le soubassement se caractérise par une forme en double marche se rapportant
spécifiquement aux caractéristiques locales des inondations : la hauteur de la marche supérieure est
calibrée au niveau des phénomènes exceptionnels, tandis que celle inférieure correspond au niveau
des inondations saisonnières, en limitant ainsi les réparations à une zone réduite.

Un seul dispositif permet parfois d’améliorer le comportement de la structure envers des aléas
multiples. Dans les habitations vernaculaires des zones rurales d’Haïti, exposées aussi bien à des
cyclones qu’à des tremblements de terre, la faible hauteur sous toiture limite la prise au vent et,
baissant le centre de gravité du bâtiment, favorise également une bonne résistance aux séismes. En
outre, la stabilité de la structure envers les sollicitations imposées par ces deux types de phénomènes
est améliorée davantage par des contreventements horizontaux positionnés aux quatre angles de la
poutre sablière solidarisant l’ossature en bois.

De plus, certains éléments architecturaux ne répondent pas uniquement à des nécessités


fonctionnelles ou esthétiques, mais assurent également un rôle structurel.
Dans certaines constructions rurales haïtiennes, un système de clôture de la galerie employant des
planches en bois, positionnées en croix entre les poteaux, permet une solidarisation de la structure
qui, même en cas d’écroulement du soubassement, maintient une certaine cohérence et évite
l’effondrement (Fig. 75d).

Fig.75: Bangladesh: a) ancrage de la poutre sablière ; b) stabilisation des tuiles par ligature ; c) masse d’usure en double
marche ; d) Haïti : clôture de la galerie agissant comme un système de contreventement

165 Plusieurs exemples de dispositions correspondant à ce type de mesure sont analysés de manière approfondie dans le
chap. 10 : « Echelles d’application ».

190 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les mesures techniques visant à réduire la vulnérabilité du bâti assument, parfois, un caractère
ponctuel et temporaire, déterminé par une durabilité limitée des solutions mises en œuvre et/ou
par leur utilisation sur une période restreinte. Les dispositions correspondantes à ce type de mesures
peuvent être mises en place juste avant l’impact d’un aléa prévisible (p.e. cyclones, inondations)
et retirées par la suite, ou être réalisées avec des matériaux et des dispositifs qui se détériorent
facilement mais assurant un remplacement rapide et demandant peu d’efforts économiques et
techniques.

Bien que contribuant à en réduire la vulnérabilité, ces mesures n’influencent généralement pas les
caractéristiques de la structure principale. Il s’agit en effet de mesures supplémentaires, souvent
en réponse à des problèmes et/ou faiblesses particulières qui demanderaient des investissements
trop importants pour des solutions de type permanent. Leur particularité réside dans la simplicité
de mise en œuvre et l’utilisation de matériaux très facilement, voire gratuitement, disponibles et/ou
couramment employés, même pour des activités autres que la construction. En fait, elles constituent
des solutions « à portée d’habitant », ne nécessitant pas de compétences particulières et pouvant
être mises en place et/ou substituées directement par les occupants mêmes.

Il est intéressant de noter comment, en relation à un problème spécifique le même type de solution
ait parfois été adopté dans des endroits bien différents, tout en adaptant les modalités de sa mise
en œuvre aux caractéristiques du bâti.
Dans certaines régions du Bangladesh, une disposition similaire est employée pour réduire la
vulnérabilité de la toiture au vent. Dans le district de Kanaighat (région de Sylhet), les habitations
ont généralement des toitures à deux pentes ; un système utilisant des bambous disposés en dessus
de la couverture en tôle et reliés avec des cordes à des piquets enfoncés dans le sol empêche son
arrachement lors des tempêtes qui affectent fréquemment la zone (Fig. 76a). En revanche, dans le
district d’Assassuni (région de Khulna) les toitures ont une forme à quatre pentes. Cette morphologie
de toiture permet une certaine limitation des effets du vent sur le bâtiment, néanmoins des dispositifs
supplémentaires sont mis en place pour en réduire ultérieurement la vulnérabilité aux cyclones
annuels. Aux angles du bâtiment, les poutres sablières son connectées avec des cordes à des piquets
enfoncés dans le sol (Fig. 76b), ou à des arbres en proximité, assurant ainsi une consolidation de
la charpente. Des filets de pêche et des grilles en bambou fixées à la structure primaire stabilisent
en outre la couverture. Le premier système étant assez souple est utilisé pour les toitures en tuiles
(Fig. 76c) tandis que le deuxième, plus rigide, est employé pour des couvertures en feuilles de
palmier (Fig. 76d). Ces solutions sont mises en place juste avant l’impact d’un cyclone et utilisent les
matériaux localement disponibles, y compris en recyclant des objets ne pouvant plus être employés
pour leur fin d’origine (p.e. filet de pêche irréparable).

Fig.76: Bangladesh : a) systèmes d’haubanage des toitures à (a) deux pentes et (b) quatre pentes ; stabilisation de la
couverture avec (c) des filets de pêche et (d) des grilles en bambou

Cultures constructives vernaculaires et résilience 191


La conception d’une construction, de sa morphologie et de ses particularités techniques, peut se
révéler directement liée au comportement adopté par ses habitants, lors d’événements particuliers.
Si la fréquence avec laquelle un certain phénomène se manifeste influence considérablement les
solutions constructives mises en œuvre, son ampleur et les moyens dont disposent ses constructeurs
et occupants pour en faire face, peuvent déterminer les caractéristiques physiques d’un bâtiment.
D’une part, l’étendue et/ou la puissance de l’aléa peut situer littéralement hors de portée toute
tentative de solution suffisamment résistante. D’autre part, les ressources disponibles peuvent
ne pas consentir la mise en place de techniques ou dispositifs particuliers166. Contraints à trouver
un équilibre entre ces limites et la nécessité d’assurer une certaine protection des personnes et
des biens, les populations développent parfois des solutions comportementales conditionnant les
typologies architecturales, le choix des techniques et des matériaux de construction, et même les
détails et les assemblages employés pour leur mise en œuvre.

L’exemple des communautés habitant dans la région de Dinajpur (Bangladesh) illustre particulièrement
bien ce concept167. Dans le district de Gaibandha, les villages situés le long des berges de la rivière
Yamuna sont affectés par des inondations annuelles relativement modérées (niveau de l’eau :
environ 40cm) et, tous les 2-3 ans, par des crues importantes (l’eau pouvant atteindre presque 2m).
Dans le premier cas, les populations locales ont été en mesure de mettre en œuvre des solutions
abordables pour protéger leur habitat. Par contre, toute tentative de construire des structures
capables de faire face à l’impact des phénomènes de grande ampleur s’avère quasiment impossible.
Une approche antithétique a donc été adoptée : à une construction résistante l’on privilégie une
construction temporairement déplaçable. Lors d’inondations exceptionnelles les habitations
sont démontées et transportées, à pieds ou par bateau, en un lieu sûr (digue ou intérieur des
terres) et leurs composants sont utilisés pour réaliser des abris temporaires. Une fois la situation
retournée à la normale, elles sont remontées à l’emplacement d’origine. Ces constructions sont de
fait conçues pour être rapidement et facilement démantelées et déplacées par les habitants eux-
mêmes (Fig. 77). Cette pratique a directement influencé la typologie architecturale et structurelle
de l’habitat, mais également le choix des matériaux (bambou, tôles, panneaux de roseaux, poteaux
en béton à section réduite, etc.) qui sont particulièrement légers et permettent la subdivision de
l’ensemble du bâtiment en parties aisément maniables, sans impliquer un démantèlement complet.
Pareillement, les système de connexion entre les différents éléments de la construction utilise des
assemblages réalisés de manière à être rapidement ouverts et réutilisés, tout en assurant une
certaine résistance envers l’impact de vents violents qui affectent la zone : cordes en bambou, fils
de fer, barres d’armature des poteaux en béton pliées à crochet dans lequel les poutres sablières
peuvent être (des)encastrées avec un coup de marteau.

Fig.77: Bangladesh, région de Dinajpur, district de Gaibandha : construction déplaçable en matériaux légers
(source photo b: www.sos-arsenic.net)

166 La vulnérabilité effective du bâti peut en outre être accentuée par d’autres facteurs relatifs à conditions particulières de
ses utilisateurs et propriétaires (p.e. site particulièrement exposé, précarité économique, etc.).
167 Bien que l’exemple présenté se réfère à un aléa prévisible, il n’est pas exclut que les comportements adoptés lors de
phénomènes soudains (tels que les séismes) puissent également déterminer des spécificités particulières du bâti.

192 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Les cultures constructives du risque intègrent une multiplicité de stratégies et dispositions
visant à réduire, de manière préventive, la vulnérabilité de l’environnement construit envers des
phénomènes naturels exceptionnels et récurrents. D’un point de vue technique, les mesures mises
en œuvre par les bâtisseurs vernaculaires se rapportent à deux caractères particuliers : des mesures
de type permanent intégrées durablement à la structure, et des mesures de type temporaire en
raison de leur nature éphémère. Toutefois, si les dispositions techniques influencent la capacité
effective d’une construction à faire face à l’impact des aléas naturels, celles découlant des pratiques
et comportements adoptés par ses habitants déterminent aussi bien la vulnérabilité que les
caractéristiques physiques du bâti (Fig. 78).

mesures mesures
permanentes temporaires

Fig.78: Caractères et spectre d’influence des mesures de réduction


de la vulnérabilité se rapportant à une culture constructive du risque

En relation à ces trois caractères les suivantes considérations peuvent être effectuées :
• dans un même bâtiment, plusieurs dispositifs de type permanent peuvent être mis en place en
association à des dispositions temporaires et/ou comportementales. L’ensemble de ces mesures
constitue souvent un système extrêmement efficace de réduction de la vulnérabilité, tant du bâti
que des ses occupants ;
• les dispositions à caractère temporaire, outre à constituer des dispositifs simples à mettre en
œuvre, représentent également des solutions particulièrement économiques permettant, à ceux
qui n’ont pas les moyens d’adopter des solutions plus performantes, de réduire au moins en
partie la vulnérabilité de leur habitat ;
• les mesures de type comportemental peuvent avoir une influence non négligeable sur les
caractéristiques architecturales et constructives du bâti. Elles sont en fait particulièrement
représentatives des éléments considérés par la population comme prioritaires à sauvegarder
ainsi que des solutions qu’elle retient viables, face à des phénomènes dont l’ampleur ne consent
pas d’adopter des systèmes plus résistants et, au même temps, financièrement accessibles.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 193


La vulnérabilité d’une construction est directement influencée par des facteurs se rapportant
à des échelles multiples : le territoire, l’ensemble construit, la structure d’un bâtiment jusqu’aux
caractéristiques de certains de ses détails. En vue de saisir les modalités de concrétisation des pratiques
de résilience intrinsèquement liées aux architectures vernaculaires et, plus particulièrement, les
approches et dispositifs directement corrélés à la manifestation de phénomènes naturels majeurs,
je considère l’ensemble des niveaux dans lesquels ceux-ci s’inscrivent. Dans ce chapitre, je présente
différentes mesures identifiées en relation à des cas dérivants de la littérature existante ainsi que
d’analyses conduites sur le terrain, précédemment et au cours de cette recherche. Selon un principe
de « zoom in », cette prospection démarre à l’échelle du territoire (chap. 10.1) pour ensuite plonger
dans celle du bâtiment, approfondissant les systèmes structurels (chap. 10.2) ainsi que les dispositifs
et principes régissant le comportement des constructions vernaculaires et leur capacité de résilience
envers des sollicitations exceptionnelles (chap. 10.3).

Selon la nature des aléas, la prise en compte de l’échelle territoriale dans le développement de
mesures de réduction de la vulnérabilité influence en manière considérable l’exposition effective
des populations et du bâti. Outre que par la proximité et la disponibilité stratégiques de ressources
naturelles garantissant la survie, le choix du site d’implantation d’un village ou d’une ville a souvent
été déterminé par des critères tels que la sécurité et la protection envers d’autres groupes humains
et des phénomènes naturels, climatiques, géologiques et atmosphériques.

Les communautés qui habitent dans des zones exposées à des aléas naturels développent
inévitablement certaines « règles de pratique » en matière de gestion territoriale qui tiennent en
compte les risques spécifiques au niveau local (Ferrigni, 2005c, op. cit., p. 190, trad. A. Caimi). Ces
règles se rapportent essentiellement à deux aspects : l’interprétation du territoire et la mise en place
de dispositions réduisant les effets potentiels des phénomènes locaux. D’une part, la capacité des
populations à déchiffrer les signaux présents dans l’environnement naturel, permettant notamment
d’identifier les sites particulièrement exposés (p.e. couloirs d’avalanche, zones inondables, etc.), est
à l’origine de la sélection des endroits les plus propices pour une installation durable de l’habitat168.
cet égard, les constructeurs vernaculaires ont parfois fait preuve d’une connaissance et une
compréhension remarquables envers des caractéristiques difficilement décelables (p.e. la nature
du sol) influençant de manière décisive les effets de certains aléas, dont la manifestation se révèle
rarement détectable à l’avance (p.e. les séismes)169. Cependant, certains phénomènes très localisés
(p.e. glissements de terrain) et/ou affectant de façon récurrente les mêmes zones (p.e. avalanches ou
inondations) conditionnent le choix du site d’implantation, mais n’influencent pas nécessairement
les techniques constructives employées pour le bâti ; la collocation dans un site protégé et/ou la
mise en place de mesures d’aménagement peuvent, dans ces cas, s’avérer suffisantes.

168 he founders of a city paid careful attention to the characteristics of the site. herever a community settles, it can
always be assumed to act in a long-term perspective since it simply cannot afford to risk investing the huge resources required
to lay out streets and build houses, temples or harbours in a place which in the end proves unsuitable and must be abandoned.
he ecohistorical analysis of how settlements were founded and gradually turned into towns, shows that sites were chosen
according to rigorous criteria: they had to be stable, easily protected and not far from strategic natural features (Ferrigni,
2005a, op. cit., p. 99).
169 ce propos, les constructions datant de l’époque minoenne à Crète révèlent une particulière adaptation au site
d’implantation. Elles se situent en correspondance de sols solides, particulièrement favorables en relation à la sismicité
locale, et elles reposent sur des fondations dont le type et la profondeur s’adaptent aux différents niveaux du substrat rocheux
(Poursoulis, Dalongeville, Helly, 2000).

194 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.79: Bangladesh : a) protection envers les vents cycloniques : barrière végétale ; réduction de l’érosion des berges lors des
inondations : b) grille de protection, c) plantation de vétiver pour la stabilisation de la digue

D’autre part, l’expérience acquise au fil du temps et des événements a conduit à l’élaboration de
dispositions spécifiques pour réduire les conséquences potentielles découlant de l’impact des aléas
sur le territoire. Les mesures d’atténuation mises en œuvre peuvent comprendre la création de
structures de protection170 des zones habitées ainsi que des modalités particulières de gestion des
ressources naturelles171 (UNISDR, 2008, op. cit. ). Parfois, ces différentes approches s’associent,
en intégrant également une prise en compte des risques étendue à l’organisation et principe
d’implantation du bâti172.

Les mesures de réduction de la vulnérabilité à échelle territoriale constituent, de fait, des dispositions
de type préventif collectivement connues et pratiquées, souvent en rapport étroit avec les activités
quotidiennes et les sources de subsistance de la communauté. Ici de suite, je présente deux exemples
particulièrement explicites d’une prise en considération multi-échelle des aléas locaux (cf. exemple
1 : Japon), assumant dans certains cas le caractère d’une vraie et propre politique délibérée de
gestion du risque (cf. exemple 2 : Grèce).

170 Dans le district de Chitral au Pakistan, des murs de protection en maçonnerie de pierres avec des renforcements en bois
étaient réalisés pour protéger les zones habitées des crues éclairs affectant régulièrement les vallées de montagne (Dekens,
2007, op. cit.).
171 Dans la région de Mymensingh au Bangladesh, les populations tirent profit des caractéristiques propres à un type
particulier de plante pour atténuer leur exposition aux inondations et aux glissements de terrain. Le long des digues, des
berges des rivières et des terrains en pente, le vétiver est en effet régulièrement planté pour stabiliser le sol et pour réduire
l’effet d’érosion de l’eau, grâce à ses racines longues de plusieurs mètres (Source : analyses de terrain, novembre 2012).
172 Dans les régions exposées à des phénomènes cycloniques ou à des vents violents, les habitations sont souvent protégées
par de la végétation qui, entourant complètement les constructions ou se situant transversalement à la principale direction
du vent, constitue une barrière coupe-vent naturelle. Les essences plantées correspondent généralement à des types bien
particuliers, garantissant l’apport de nourriture (p.e. arbres fruitiers) et se caractérisant par une certaine souplesse (p.e.
bananiers, bambous, etc.), de manière à réduire le risque d’endommagement dérivant de la chute de parties ou de la plante
entière sur les habitations. En outre, les habitats sont disposés de manière à couper le flux du vent, en réduisant ainsi sa force
et son impact sur les constructions.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 195


Se situant à la jonction entre trois rivières, la préfecture de Gifu est particulièrement exposée aux
inondations, qui ont lieu avec une récurrence annuelle. Les mesures de réduction de la vulnérabilité
mises en place par les populations comprennent trois principaux types de dispositifs se rapportant
chacun à une fonction particulière et s’appliquant à des niveaux différents.

• Prévention des inondations


La réalisation de digues circulaires (connues avec le nom de waju) protégeant les zones habitées
et cultivées (Fig.80a), est une pratique dont les origines remontent au XIV° siècles. Initialement,
ces structures étaient construites pour assurer une protection envers le courant direct du fleuve ;
elles avaient alors une forme en U ou en V tournées en sens opposé au cours de la rivière (Fig.
80b). Par la suite, des remblais supplémentaires furent réalisés pour éviter le phénomène de reflux
dans les zones inférieures, en déterminant ainsi une configuration en anneau fermé (Fig. 80c).
Suite aux dispositions entreprises par le gouvernement local pendant le XVIII° siècle, la fréquence
des inondations diminua considérablement et, avec elle, l’importance de ces ouvrages qui furent
partiellement détruits pour accroître l’exploitation des terres.

• Contrôle de l’érosion
Pour limiter la dégradation des berges et des digues, des structures (appelées hijiri-ushi) en bois
stabilisées avec des pierres étaient mises en œuvre le long des rivières pour réduire la force du
courant et les effets d’érosion (Fig. 80d). Cette mesure est encore employée aujourd’hui, avec
seulement une modification dans le type de matériau employé (le bois a été substitué avec le béton)
pour en augmenter la durabilité.

• Réduction des dommages


Des constructions surélevées (mizuya) étaient couramment utilisées en tant qu’espace de stockage
pour protéger les biens lors des inondations. Suite à une crue particulièrement élevée, en 1896, des
modifications furent apportées, telles que un doublage de l’hauteur du soubassement ainsi que des
aménagements particuliers (incluant même une embarcation de sauvetage), en les transformant
en des vrais et propres refuges d’urgence équipés pour abriter les habitants pendant une longue
période (Fig. 80e).

Fig.80: a) digue circulaire waju (source: Sha , Takeuchi, 2007) ;


b et c) : évolution de la forme des digues waju (source: Hirunsalee, Janmaimool, Yusuke, et al. 2009)
d) : structures hijiri-ushi mises en place le long des berges des rivières (source: http://www.panoramio.com) ;
e) : surélévation des habitats (source: www.city.ogaki.lg.jp.e.ab.hp.transer.com)

173 Sources : Hirunsalee, Janmaimool, Yusuke, et al., 2009 ; Karan, 2010 ; Sha , Takeuchi, 2007 ; Takeuchi, Kameda, Sha ,
et al., 2007 ; Takeuchi, Sha , 2008.

196 Cultures constructives vernaculaires et résilience


La civilisation Minoenne (3000 BC -1050 av. J.-C.) habitant l’île de Crète a été, pendant des siècles,
confrontée à la sismicité modérée mais récurrente de la région. La prise en compte de ce risque s’est
traduite dans la mise au point de techniques et dispositifs parasismiques s’appliquant à l’organisation
spatiale interne des bâtiments jusqu’à l échelle de la planification urbaine ; et cela tant pour la
conception et réalisation de nouvelles structures que pour la réhabilitation de l’existant. Ces mesures
se rapportent à l’application de principes dérivant d’une évolution typologique d’une morphologie
« agglutinée », caractérisée par des bâtiments adossés suite à l’accolement successif d’habitations
(Fig. 81a), vers une morphologie « délimitée », définie par des constructions individualisées séparées
les unes des autres (Fig. 81b).

partir de 1750 av. J.-C. cette dernière typologie s’impose, s’optimisant en un plan symétrique
déterminant une structuration des bâtiments par association de blocs distincts. Les espaces
intérieurs sont divisés en unités indépendantes : les zones de distribution entre les différents blocs
assument le rôle de joints de séparation, conférant à chaque unité un comportement dynamique
autonome ; ce qui permet de réduire les dommages potentiels en cas de sollicitations sismiques.
Ce principe de déconnexion a été appliqué de l’échelle des habitations jusqu’à la structuration
de l’espace urbain avec une individualisation et désolidarisation des îlots (Fig. 81c). Ces mesures,
dont la mise en œuvre perdura tout au long de la civilisation Minoenne, explicitent une volonté de
gestion du risque assumant une connotation quasiment politique, étendue à plusieurs localités et
ensembles construits.

Fig.81: a) évolution du plan agglutinée de Myrtos Fournou Korifi (source: Whitela , 1983);
Plan découpé en blocs dynamiques : b) palais de Mallia (source: Poursoulis, Dalongeville, Helly, 2000),
c) ville de Kato Zakros (source: Poursoulis, 2011)

174 Sources : Whitela , 1983 ; Driessen, 1987 ; Poursoulis, Dalongeville, Helly, 2000, op. cit. ; Poursoulis, 2005, 2011.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 197


La capacité du bâti vernaculaire à faire face à l’impact des aléas locaux se rapporte à la combinaison de
plusieurs facteurs, parmi lesquels les caractéristiques architecturales et structurelles, les technologies
(matériaux et techniques) utilisées ainsi que les dispositions et détails constructifs mis en œuvre. Les
spécificités de ces éléments, associées aux propriétés inhérentes aux matériaux employés et à leur
usage particulier, influent considérablement sur le comportement et sur les modalités de réaction
d’une structure sous l’impact d’un certain type de phénomène. l’échelle du bâtiment, les cultures
constructives du risque se distinguent par l’adoption d’une multiplicité de stratégies se rapportant
à la conception et à la matérialité des artefacts construits. Leur caractérisation est directement
influencée par les ressources disponibles, la nature et les spécificités locales des aléas naturels
ainsi que par la perception et interprétation qu’une communauté développe à l’égard de certains
phénomènes et de sa propre capacité à en faire face. En effet, le choix de certaines solutions peut ne
pas être dicté uniquement par les risques existants, mais également par des facteurs d’ordre naturel
(p.e. disponibilité de certains matériaux), économique (p.e. accessibilité à certaines matières ou
compétences) et socioculturel (p.e. échanges avec d’autres populations) ainsi que par le caractère
et la fonction spécifique à l’ouvrage (p.e. habitation, bâtiment religieux, structure défensive, etc.).

Face à l’impact des aléas naturels, deux principales approches caractérisent les architectures
vernaculaires (Ferrigni, 2005b, op. cit.). L’une, dite de la rigidité, se traduit dans des structures
massives, dont la résistance dérive de spécificités constructives les rendant capables de contrecarrer
les sollicitations particulières provoquées par les différents phénomènes (sollicitations sismiques,
charges aérodynamiques, poussée de l’eau, etc.). L’autre approche, dite de la flexibilité, vise à
protéger un bâtiment par une souplesse et déformation de sa structure.
Les pagodes chinoises (X°- XIII° siècles) et japonaises (XIV° siècle) constituent un exemple d’application
de ce dernier principe en relation à l’aléa sismique. Dans les deux cas, des connexions particulières
favorisent le déplacement des masses et le mouvement de certaines parties structurelles ; toutefois
cela s’effectue selon deux logiques différentes. Dans le premier cas (Fig. 82a), chaque étage constitue
une structure rigide se déplaçant indépendamment les uns des autres (Ferrigni, 2005b, op. cit. ;
Zhiping, 2010). Dans le deuxième cas (Fig. 82b), la toiture et les différents niveaux sont suspendus
à un pilier central, dont suivent les oscillations grâce à un système de leviers et de compensateurs
(Nakahara, Hisatoku, Nagase, et al., 2000).

Fig.82: Approche de la flexibilité:


a) Pagode Sakyamuni temple de Fugong, Chine (sources: Gisling- Wikimedia Commons ; dessin adapté de Shiping 1991);
b) Pagode du temple de H ry -ji, Japon (sources: photo: www.artlex.com ; dessin adapté de http://www.univie.ac.at)
198 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Au sein de certaines sociétés, une troisième approche s’est développée en se basant sur la
considération que les artefacts humains sont inévitablement détruits par l’action des aléas naturels
et que, par conséquent, toute tentative de construire des structures capables de supporter leur
impact est inutile. Une constatation effectuée par le compositeur Teiji Itoh, suite au séisme de Kyoto
en 1830, explicite cette attitude : Les tremblements de terre sont des catastrophes imprévisibles
qui doivent être ma trisée par l esprit humain, non par la structure des bâtiments (Tobriner, 1998,
trad. A. Caimi). La conscience de l’impossibilité de s’opposer à l’impact des phénomènes, parfois
imprévisibles et extrêmement puissants, a amené à l’élaboration d’une architecture acceptant une
certaine fragilité des bâtiments, en les considérant voués à l’effondrement175. La particularité de cette
approche réside, non seulement dans l’acceptation d’un écroulement partiel ou total, mais surtout
dans la capacité des constructeurs à concevoir et réaliser des structures en prévoyant des points
de faiblesse, voire de rupture, ainsi que des assemblages qui consentent un « démantèlement » de
la construction sous les sollicitations induites par des phénomènes particulièrement violents176. Ce
principe vise à éviter une destruction de la structure par la fracture des éléments qui la composent,
de manière à faciliter une reconstruction rapide et économique à partir de leur réutilisation. Les
architectures qui en découlent peuvent être considérées comme basée sur une approche de
« rupture maîtrisée », se focalisant sur le développement de stratégies mettant prioritairement
l’accent sur des principes ne relevant pas uniquement du domaine technique177.

Ces différentes approches se concrétisent par l’adoption de systèmes constructifs particuliers et


la mise en oeuvre de détails spécifiques qui, par leur caractéristiques et association, contribuent
à réduire la vulnérabilité de l’ensemble structurel. En se focalisant sur ces aspects, les suivants
chapitres s’organisent en deux parties distinctes : l’une se rapportant aux caractéristiques du système
structurel en se concentrant sur le cas de l’aléa sismique (chap. 10.3), l’autre synthétisant différents
principes à échelle du dispositif améliorant le comportement d’une construction envers différents
types de phénomènes (chap. 10.4).

Fig.83: Habitat vernaculaire, île de Nias (Indonésie) : avant et après un séisme de M 8.7 en mars 2005,
la substructure s’est effondrée mais l’espace d’habitation est resté intact (crédits: B. Wolff)

175 Une démarche similaire est associable à l’œuvre de manutention pérenne caractérisant certaines architectures
vernaculaires japonaises. Ce pays est affecté par des phénomènes sismiques extrêmement fréquents. La sollicitation presque
quotidienne à laquelle les bâtiments sont soumis engendre une dégradation progressive, par un endommagement et une
déformation légers mais continus. En absence de mesures de prévention efficaces, une stratégie de réparation périodique a
été adoptée, en ciblant les éléments structurels, les délais d’intervention et l’ampleur des travaux. Les parties susceptibles
d être facilement endommagées (p.e. couverture en tuiles, murs en torchis) sont réparées régulièrement tandis que, environ
tous les 200 ans, l’ensemble de la structure est renforcé et/ou si nécessaire partiellement démonté et remonté. Des importants
travaux de réparation sont entrepris chaque 300-400 ans, en incluant le démantèlement complet, le remplacement de
certains éléments et le remontage du bâtiment entier (Ito, 2007).
176 Un exemple de cette approche est identifiable dans les constructions vernaculaires de l’île de Nias (Indonésie) conçues
de manière à pouvoir s’effondrer tout en assurant une certaine protection de leurs occupants et une réparation rapide (cf.
annexe A.3 : fiche « Nias »).
177 L’impossibilité, technique et souvent économique, de réaliser des constructions résistantes aux phénomènes sismiques
donna lieu, entre le XVIII° et le XIX° siècle en Italie, à une pratique qui associe l’acceptation d’une destruction de certaines
parties du bâtiment à des mesures de type comportemental. Elle consistait dans la création d’une pièce interne à l’habitation,
dont la structure était expressément renforcée pour lui apporter une rigidité et résistance plus élevée que le reste du
bâtiment. Appelée « chambre de sécurité », elle constituait un refuge sûr en cas de secousses sismiques, per cui senza
ricorrere alla dispendiosissima costruzione della casa baraccata, si ha almeno una camera dove nelle epoche di terremoto si
raduna la famiglia e vi rimane con maggiore tranquillità di restando altrove (Pesso, Luigi. 1895. Sul consolidamento delle
fabbriche in Calabria contro i danni dei terremoti , cité par Ruggieri, 2005, p. 4).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 199


Vis-à-vis de certains types d’aléas naturels (tels que cyclones et inondations), la gestion et les
mesures mises en œuvre au niveau du territoire et de l’environnement proche exercent une
influence considérable sur la vulnérabilité d’un bâtiment. Bien que des aspects caractérisant le site
d’implantation (p.e. proximité à des ravines, type de sol, etc.) puissent également jouer un rôle
non négligeable, dans le cas du phénomène sismique les spécificités propres au bâti assument un
caractère particulièrement important par rapport à la capacité effective du système à en supporter
l’impact. Sur la base de ces considérations, je focalise l’analyse des pratiques vernaculaires
parasinistres par rapport au niveau structurel en relation à ce dernier type de phénomène.

Dans les cas des phénomènes sismiques, les efforts auxquels une structure est soumise, de manière
ponctuelle et soudaine, sont considérablement différents de ceux ordinaires et permanents : les uns
correspondant à des sollicitations dynamiques et multidirectionnelles, les autres ayant un caractère
statique et unidirectionnel.

Les approches constructives précédemment identifiées (notamment celles de la rigidité et de la


flexibilité) se réfèrent à la conception de la forme architecturale et de la configuration structurelle,
mais également aux caractéristiques des techniques et des matériaux employés (Sinha, Brzev,
Kharel, 2004, op. cit.). Leur transposition dans la matérialité du bâti est déterminée par les matières
premières disponibles et utilisables pour la construction ainsi que, souvent, par les spécificités locales
des phénomènes (Gutierrez, 2004). La capacité d’un système envers des sollicitations externes
est de fait fortement corrélée à ses propriétés intrinsèques qui, selon le mode de réalisation et de
mise en œuvre, peuvent en influencer le comportement sur la base de deux principes distincts :
l’absorption ou la minimisation de l’énergie.

Dans l’approche de la rigidité, l’énergie produite par un séisme est métabolisée par une augmentation
temporaire des tensions inhérentes à chaque éléments structurel (Ferrigni, 2005b, op. cit. ,
p. 200, trad. A. Caimi) ; selon donc une logique de stockage ou d’absorption de l’énergie à travers
une augmentation de la capacité d’amortissement des sollicitations imposées par le tremblement
de terre et/ou de la résistance du bâtiment par un renforcement ou un surdimensionnement
structurels178 (Zacek, 1996). Bien que ce principe ait été parfois intégré à des ouvrages depuis leur
construction (généralement pour des bâtiments de relevance sociale ou culturelle particulière), son
application est particulièrement répandue en relation à des interventions de réparation179. Cette
approche englobe également d’autres mesures techniques qui, incorporées de manière préventive
au bâti, permettent d’augmenter les effets de frottement entre les éléments structuraux, accroissant
ainsi la capacité de la construction à dissiper l’énergie induite par un séisme.

Dans l’approche de la flexibilité, cette énergie est en revanche métabolisée par la déformation
élastique et/ou plastique, des différentes parties de la construction ainsi que de la structure dans

178 Dans une logique de surdimensionnement, la structure doit non seulement intégrer des dispositifs calibrés à l’intensité
des séismes qui se produisent de manière ordinaire, mais elle doit aussi prévoir une marge de sécurité permettant de
pallier l’imprévisibilité de phénomènes exceptionnels. Cette démarche présente certains inconvénients : d’une part, dans
son imprévisibilité un séisme peut simplement être trop puissant pour que son impact puisse être contrebalancé par des
dispositions constructives ; d’autre part, les efforts (financiers et matériels) nécessaires pour obtenir une structure capable
de résister à des telles sollicitations en font souvent un objectif économiquement inabordable et techniquement infaisable.
179 Ces techniques ont donné lieu à des dispositions particulières (p.e. arcs de contraste, contreforts, corps de bâtiments
adossés à des structures existantes) que les chercheurs du Centro Universitario Europeo per i Beni Culturali (Ravello, Italie)
ont défini en tant que « anomalies » (cf. chap. 8).

200 Cultures constructives vernaculaires et résilience


son ensemble, selon donc un principe de minimisation et dissipation des sollicitations180 (Ferrigni,
2005b, op. cit. ; Lestuzzi, Badoux, 2008).

La dissipation de l’énergie induite par un séisme se produit grâce à la mise en œuvre de dispositifs
très différents contribuant de manière particulièrement favorable à la réponse d’un bâtiment et
associables à deux principaux mécanismes (Zacek, 1996, op. cit.) : l’amortissement et la ductilité.
Le premier se réfère aux déformations subies par les matériaux (frottement interne) ainsi qu’au
frottement se produisant aux interfaces entre différents matériaux et éléments structurels, ou en
correspondance de fissures qui se créent sous l’effet des sollicitations (frottement externe). D’autre
part, s’appliquant aussi bien au niveau du matériau que de la structure, la ductilité désigne la
capacité à subir des déformations irréversibles ou plastiques, sans une perte significative de capacité
portante. Elle permet donc de prévenir une rupture brutale et soudaine (Zacek, 2004, op. cit.), tout
en favorisant la dissipation d’une quantité importante d’énergie, avec une conséquente réduction
des sollicitations (Lestuzzi, 2008).

La capacité d’absorption et la ductilité d’une structure ne dépendent pas uniquement de celles de


ses éléments, mais également du système constructif, de l’organisation de ses composants et de la
nature et du nombre de leurs liaisons. En fait, une construction peut faire preuve d’un comportement
ductile même si certaines de ses parties ou matériaux présentent un caractère fragile et une
capacité réduite de déformation181 (Langenbach, 2009, op. cit.). De plus, l’intégration intentionnelle
de zones de déformation (rotules plastiques), voire même de « rupture » (élément fusible), permet
d’augmenter considérablement la dissipation d’énergie tout en répondant à d’autres contraintes,
telles que une réutilisation des matériaux et une réparation rapide.

Dans le bâti vernaculaire, les approches de la rigidité et de la flexibilité se rapportent à deux


principes structurels distincts. L’un se caractérise par une résistance par massivité et/ou redondance,
déterminant l’absorption d’une quantité considérable d’énergie par la masse structurelle. L’autre se
base sur une résistance par déformabilité et friction o , en revanche, l’énergie dissipée constitue la
portion la plus importante (Ferrigni, 2009, op. cit.). Au niveau structurel, ces principes correspondent
à deux typologies particulières associables, dans le premier cas, à des systèmes porteurs continus
basés sur des matériaux et des techniques généralement considérés comme fragiles (p.e. maçonnerie
en briques de terre crue) et, dans le deuxième cas, à des systèmes porteurs ponctuels utilisant des
matériaux flexibles (p.e. ossature en bois).

Ces deux principes ont souvent été mis en place de manière simultanée ou en relation à la fonction
et l’importance assumée par différents types de bâtiments182, ou dans une même structure, en
réponse à des contraintes pratiques (disponibilité et durabilité de matériaux, facilité de mise en
œuvre, usage etc.) et/ou à l’intégration explicite d’un composant de gestion et réduction de l’impact
d’un séisme sur la construction (p.e. cf. annexe A.3 : fiches « Nias » et « Lefkada »).

180 L’efficacité de cette approche dépend presque exclusivement du seuil de rupture choisi. Par conséquent, elle implique
une connaissance très précise des caractéristiques des aléas locaux, de la récurrence et intensité de leur impact, ainsi qu’une
utilisation astucieuse des ressources naturellement disponibles tirant le meilleur profit de leurs propriétés spécifiques
(Ferrigni, 2005b, op. cit.).
181 titre d’exemple, certaines constructions vernaculaires du Cachemire (Pakistan et Inde) associent des composants au
comportement fragile à un système à caractère ductile. Sous les sollicitations sismiques, la maçonnerie constituant les murs
ou des panneaux de remplissage est soumise à des déplacements et à une fissuration, défaillances qui sont compensées par
des éléments en bois (sous forme d’éléments insérés à une maçonnerie porteuse ou de cadre d’ossature) qui agissent comme
des confinements et renforcements assurant la résistance et la stabilité du bâtiment (Langenbach, 2009, op. cit.).
182 titre d’exemple, les temples des communautés précolombiennes se constituaient de constructions massives en
maçonnerie de pierre, capables d’absorber les efforts horizontaux d’un séisme grâce à des techniques particulières
d’imbrication et d’ancrages des blocs. En revanche, les habitations étaient construites avec des matériaux plus légers, mis
en œuvre avec un système à ossature flexible (p.e. technique de la quincha) capable d’absorber les sollicitations sismiques à
travers la déformation élastique de ses assemblages (Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005, op. cit.).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 201


Tout en se caractérisant par des détails et des dispositifs spécifiquement locaux, les architectures
vernaculaires de différentes régions sismiques présentent parfois des analogies surprenantes,
tant du point de vue constructif que des mécanismes leur permettant de faire face à l’impact
de ces phénomènes (Langenbach, 2009, op. cit.). Toutefois, l’origine exacte de ces similarités se
révèle souvent particulièrement incertaine à établir, en raison de la multiplicité d’aspects, aussi
bien endogènes qu’exogènes, ayant potentiellement contribué à leur constitution. Certaines
correspondances peuvent avoir été déterminées par la présence et les caractéristiques des
phénomènes sismiques; mais ces derniers sont difficilement considérables comme le seul facteur
déterminant ces similitudes (Copani, 2007). Les particularités morphologiques, géologiques et
climatiques d’un site, la disponibilité de matériaux et de compétences pour la construction ainsi
que les échanges culturels qui ont eu lieu au cours de l’histoire sont susceptibles d’avoir exercé une
influence autant, sinon plus, marquée. En effet, les déplacements d’artisans spécialisés (telles que
les gildes voyageant entre plusieurs régions de l’Empire Ottomane), les pratiques imposées par les
envahisseurs d’un territoire ou encore les adaptations de systèmes « importés » (p.e. par des colons)
ont donné lieu, à différentes époques, à des hybridations entre techniques locales et étrangères.
Cependant, il est parfois encore plus difficile d’attribuer l’existence d’autant de similitudes au seul
échange culturel (Kizis, 1977 ; Langenbach, 2009, op. cit.).

La constatation de l’existence de types structurels et constructifs particuliers et clairement


définissables m’a conduit à entreprendre un travail de caractérisation des typologies rencontrées au
cours de cette recherche. Les raisons de ce choix se relient également à la démarche adoptée visant
à tisser des liens entre des études situées. L’objectif de cette partie n’est pas d’effectuer un examen
approfondi de l’architecture spécifique à une zone particulière, mais plutôt de procéder à une analyse
des systèmes structurels caractérisant les architectures de plusieurs régions historiquement affectées
par des tremblements de terre. Cet approfondissement porte sur une catégorisation typologique,
procédant à l’identification des particularités constructives et des principaux mécanismes régissant
le comportement de ces différents types structurels sous les sollicitations induites par des séismes.
Dans cette analyse, je considère uniquement les spécificités du système porteur primaire vertical,
bien que plusieurs facteurs (site, qualité des matériaux et de la main d’œuvre, morphologie
et composants architecturaux, etc.) ainsi que les caractéristiques d’autres parties du bâtiment
(fondations, planchers, toiture, etc.) puissent également exercer une influence sur la réponse d’une
construction à des sollicitations sismiques.

Ce travail se fonde essentiellement sur une investigation de cas identifiés dans la littérature ainsi
que des analyses de terrain conduites précédemment et au cours de cette recherche. Leur sélection
a par conséquent été en grande partie déterminée par des facteurs d’accessibilité, physique et
linguistique, aux informations à leur égard. De ce fait, il ne s’agit pas d’une revue exhaustive des
exemples vernaculaires parasinistres existants et des études effectives conduites jusqu’à présent ; elle
constitue plutôt une première tentative d’identification et classification des variantes structurelles
et de leurs spécificités183.

La définition des paramètres de classification adoptés se rapporte aux spécificités des différents
cas identifiés et, en particulier, aux éléments présentant un potentiel de contribution à la réponse
aux sollicitations sismiques. Les cas analysés ont été divisés en deux catégories primaires : l’une se
rapportant à des systèmes constructifs ponctuels correspondant essentiellement à des structures
à ossature ; l’autre incluant des exemples basés sur l’utilisation d’un système porteur continu, dans
lequel s’inscrivent les constructions murales massives, en maçonnerie et monolithiques184.

183 Dans cette logique, l’identification de plusieurs exemples correspondant à la même typologie permet de fonder sa prise
en considération en tant que type constructif , évitant ainsi le piège d’une généralisation d’un cas isolé .
184 Dans le cas de systèmes mixtes, les techniques identifiées ont été reparties selon le système porteur spécifique auxquels
elles correspondent.

202 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Pour chaque catégorie, la suivante approche d’étude a été adoptée : à partir de l’identification des
régions sismiques au niveau mondial, j’ai procédé à une recherche documentaire en relation aux
zones présentant une sismicité élevée, s’élargissant ensuite à celles à sismicité modérée et faible.
Les cas considérés ont été reportés sur plusieurs cartes, permettant une visualisation graphique
de leur localisation, et ils ont été répertoriés dans des supports récapitulatifs organisés par zone
géographique (cf. annexe A.3).

Pour chacun de ces deux systèmes, j’ai effectué un approfondissement spécifique de cas
constructivement représentatifs des typologies identifiées, et dont l’efficacité a été empiriquement
et/ou scientifiquement validée. Pour ce faire, j’ai défini les suivants critères permettant d’attester
leur capacité effective :
- une présence dans l’architecture vernaculaire d’une région identifiée comme sismiquement active et
assujettie à des phénomènes majeurs récurrents ;
- des témoignages dans des sources historiques (littérature, chroniques, peintures, etc.) attestant
la capacité d’un certain type de construction en relation à des phénomènes particuliers ;
- des événements spécifiques auxquels les constructions réalisées selon les systèmes considérés
ont survécu (informations dérivées de sources historiques ou de rapports techniques d’évaluation
post-séisme) ;
- des validations scientifiques effectuées par des centres de recherche et des universités ;
- l’intégration dans des normes de construction (codes de construction, lignes guides, etc.), en
raison du caractère parasismique du système de référence.

Pour chaque cas, une fiche synthétique a été élaborée sur la base de la trame suivante :

Titre
Caractérisation du système structurel
Localisation géographique : Carte des régions de diffusion
Sismicité locale : indication de la récurrence et intensité sur la base de trois classes
(élevée, modérée, faible)
Cartes (source : USGS):
- accélération maximale du sol
- densité de séismes par année avec magnitude égale ou supérieure
à M 5.0
1. Contexte : description du cadre historique et/ou socioculturel de
développement du système analysé
2. Principes constructifs : caractérisation des parties de la construction (fondations,
soubassement ; structure primaire et secondaire ; remplissage ;
enveloppe ; toiture ; finitions ; connexions)
3. Particularités constructives : exceptions, éléments typologiques particuliers, etc.
4. Spécificité parasinistres : facteurs et dispositifs améliorant la capacité du bâti face aux séismes
et à d’autres éventuels aléas naturels
5. Critères de vérification : indication des éléments permettant de considéré le cas analysé en
tant que système parasismique
6. Observations : remarques éventuelles relatives au type de construction considéré
7. Références : sources des informations

Pour chaque fiche le nombre de pages est limité à cinq. L’objectif n’étant pas d’effectuer une
description particulièrement minutieuses, mais d’extrapoler les principes essentiels permettant une
compréhension du système traité, tant du point de vue constructif que des aspects influençant son
comportement.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 203


Les systèmes porteurs de type ponctuel correspondent à des structures basées sur l’utilisation
d’une charpente185 et associables à deux principales approches (Kizis, 1977) : l’une utilisant des
éléments épais restant en place grâce à leur propre masse186 ; l’autre employant des éléments légers
assemblés de manière à composer une ossature, dont la stabilité et la cohérence dépendent moins
du poids individuels de chaque pièce que de leur liaison mutuelle. Les constructions assimilables à
cette dernière approche se caractérisent par l’utilisation de matériaux (tels que le bois ou le bambou)
conférant une certaine flexibilité à la structure porteuse (Sinha, Brzev, Kharel, 2004, op. cit. ;
Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005, op. cit.), dont le comportement sous les sollicitations sismiques
est influencé également par d’autres dispositifs (système de contreventement, assemblages, etc.) et
composants (p.e. remplissage) de la construction187 (Langenbach, 2003).
Les systèmes porteurs de type ponctuel sont particulièrement diffus dans des régions se caractérisant
par des séismes de fréquence et intensité de modérées à élevées (p.e. Indonésie, Turquie), ainsi que
dans celles affectées également par des phénomènes cycloniques (p.e. Japon, Caraïbes). Toutefois,
le degré de complexité de la trame structurelle, les modalités de subdivision de la structure
primaire et de mise en œuvre de matériaux, les caractéristiques du système de stabilisation et
contreventement188, les types d’assemblages jusqu’à la conception globale de la structure peuvent
varier considérablement, se traduisant dans des détails et des dispositifs spécifiquement locaux.

Fig.84: Types d’ossature : a) stabilité par poids propre, temple Foguang, Chine (source: http://humanscribbles.blogspot.ch) ;
b) stabilité par liaison, ossature en bambou, Indonésie (source: Langlais, )

L’emploi d’une ossature en tant que structure porteuse est largement diffus en plusieurs régions
du monde, même dans des zones très faiblement ou non sismiques, tant en Europe (o , associé à
un remplissage, il est connu comme « half-timbered », « colombage », « fachwerk ») qu’en Asie et
Amérique. Dans ces cas, les structures se caractérisent généralement par une maille plutôt dense
composée par des éléments structurels relativement lourds, tandis que dans de nombreuses régions
modérément ou fortement sismiques (p.e. Europe sud orientale, Moyen-Orient), ceux-ci sont en
comparaison plutôt légers et plus espacés (Ibid.).

185 Les constructions utilisant une structure ponctuelle en maçonnerie (piliers, murs trumeaux) sont considérées dans le
chapitre « Système porteur continu » ; leurs caractéristiques, constructives et structurelles, se rapprochent, en effet, à celles
des ces systèmes.
186 Reported to have survived as many as 40 earthquakes , la structure de la Pagode Sakyamuni du Fogong Temple (Chine)
se caractérise par a system timber framing braced with layers of brackets, all notched and mortised together without the use
of any nails or bolts, which has proven to be very resistant to earthquakes because of its exibility and redundancy, and also
the friction damping from the cribbage-like system of timber layers (Langenbach, 2010a, p. 7-8).
187 he main structural system in the [Turkish] houses was a timber skeleton like a box system where all the elements
were integrated for the stability of the system. he primary and secondary uprights between the oors, horizontal elements,
oor beams and diagonals, constituted panels and boxes. his system of continuous panels and boxes responds well under
the stress of earthquakes (Kuban, Do an, 1995. he urkish hayat house. Istanbul : Ziraat Bankasi, 1995. p. 238, cité par
Tobriner, 2000, p. 3).
188 Dispositifs visant, dans le premier cas, à pallier à des phénomènes d’instabilité propres à certains éléments structurels, et
dans le deuxième à augmenter la capacité de la structure à résister à des sollicitations à caractère horizontal et externes à la
structure (séismes, vents, etc.). Dans la pratique, ces systèmes coïncident souvent dans un même dispositif (Battistini, 2010).

204 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’utilisation de ce principe est historiquement très ancienne. Remontant à environ 2000 ans, un des
premiers exemples connus se situe dans la ville romaine d’Herculanum (Italie), qui s’est préservée à
travers les siècles grâce à son ensevelissement sous des coulées volcaniques causées par l’éruption
du Vésuve en 79 av. J.-C. (Dobbins, Foss, 2007). Un bâtiment particulièrement bien conservé est la
casa a graticcio prenant son nom de la technique employée pour sa construction, l’opus craticium189,
développée à partir du I° siècle av. J-C (van Krimpen-Winckel, 2009). Le système « a graticcio » se
constitue de parois composées par une charpente continue et modulaire de poteaux et poutres
en bois, dont les vides étaient remplis d’opus caementicium, un mélange de composition variable,
contenant paille, terre, sable, pierres, morceaux de tuiles et de briques liés par un mortier de chaux
(Fig. 85). La mise à point de cette technique a été très probablement influencée par la récurrence des
phénomènes sismiques locaux. Nombreux indices indiquent en effet son utilisation pour plusieurs
cas de reconstruction et réparation post-séisme en zone urbaine ; parmi eux, la casa a graticcio
représenterait un exemple des interventions réalisées après le tremblement de terre de 62 av. J-C.
(Papaccio, 1993).

Fig.85: Herculanum (Italie), casa a graticcio : a) vue d’ensemble (crédits: R. Ulrich) ; b) structure de l’étage (crédits: P. Finkle);
c) composants structurels (source: van Krimpen-Winckel, 2009)

De l’Italie (casa baraccata) au Pakistan (dhajji dewari), en passant par la Grèce (tsatmas) et la
Turquie (hımış), les constructions vernaculaires utilisant un système à ossature avec différents types
de remplissage ont démontré leur capacité à résister aux sollicitations sismiques, lors de multiples
événements ; et cela souvent de manière plus remarquable que les constructions utilisant des
techniques plus récentes190 (Kalevras, 1981 ; G lhan, G ney, 2000).

En Haïti, les constructions utilisant un système en ossature en bois correspondent à deux typologies
architecturales distinctes : l’une, relativement modeste, caractérisant les habitations des zones
rurales (Fig. 86a); l’autre se rapportant aux architectures coloniales connues sous le nom de maisons
gingerbread présentes dans les grandes villes du pays, dont le style dérive d’une adaptation de
l’architecture française au contexte local (Figs. 86 b et c). Lors du séisme qui frappa le pays le 12

189 Une technique similaire est décrite par Vitruve dans l’ouvrage De Architectura (livre II), utilisant le terme de « cracticii » pour
indiquer un type particulier de construction employant une structure en bois avec un remplissage léger. Les interprétations
de ce terme varient selon les traducteurs : certains utilisent l’expression de « colombage », d’autres de « wattle and daub ».
Toutefois, les observations effectuées par Vitruve (en particulier ses critiques au regard du risque d’incendie et une tendance
à un gonflement et retrait du remplissage) ne correspondant pas aux caractéristiques du système découvert à Herculanum ;
ce qui conduit à penser qu’il se référait plutôt à la technique du torchis. Par conséquent, les exemples d’Herculanum ne
peuvent être que de loin liés à ce que Vitruve a décrit (Langenbach, 2003, op. cit.).
190 Lors du séisme de 1894 à Istanbul, D. Eginitis, directeur de l’Observatoire d’Athènes en charge d’étudier les effets sur
le bâti, observa : he timber-framed buildings have resisted the earthquake amazingly. hile some old timber structures
of a mediocre quality were still standing, some well built, nice and new masonry buildings, even the ones joined with steel,
were destroyed. It is clearly apparent that the timber buildings have resisted the earthquake better; on the contrary, the
masonry ones have rarely withstood (G han, 2007, p. 843). Pareillement, lors d’une évaluation des dommages causés par
le tremblement de terre de 1963 à Skopje, l’ingénieur N.-N. Ambraseys, rapporta que old adobe construction, particularly
those with timber bracing, resisted the shock with some damage, but behaved far better than the modern brick or the hybrid
reinforced concrete with brick infill construction (Langenbach, 1990, op. cit., p. 5).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 205


janvier 2010, ces deux types de constructions ont montré un degré d’endommagement relativement
limité, en particulier si comparé à celui des structures en béton et en maçonnerie de blocs de ciment
(Fisher, Vlach, 1987 ; Langenbach, Kelley, Sparks, et al., 2010, op. cit.).

Fig.86: Haïti, effets du séisme de janvier 2010 : a) habitat rural (crédits: A. Douline) ; maisons gingerbread (Port-au-Prince) :
b) chute de portions de remplissage de l’ossature (crédits: S. Kelley), c) bâtiment faiblement endommagé derrière les
reste d’un structure en béton armé (crédits: R. Langenbach)

Dans les régions sismiques de l’Amérique centrale et méridionale, les constructions vernaculaires
emploient des techniques similaires entre elles, basées sur l’utilisation d’une structure en
bambou associée à un mélange de terre mis en place comme remplissage confiné par des lattes
(bahareque)191 ou appliqué sur un support entre les poteaux (quincha). Au Pérou, la technique
de quincha déjà employée par des sociétés très anciennes, comme témoignent les découvertes
archéologiques effectuées dans le site de Caral datant de 5 000 ans, a été l’objet d’une des premières
réglementations de construction parasismique d’Amérique. En début du XVIII° siècle son utilisation
pour la construction de murs de grande hauteur était prescrite par une règle officielle qui, suite au
séisme du 1746, devint une vraie et propre norme visant à améliorer la sécurité des bâtiments (Saleme,
Navarro, 2002). De manière similaire, dans la région colombienne de Manizales, le bahareque se
développa en tant que véritable technique de construction parasismique, donnant lieu à un système
particulier appelé « estilo tremblorero » en raison de son caractère sismo-résistant (Mogoll n Sebá,
2002). Au cours d’événements, ces techniques ont fait preuve d’une capacité effective à dissiper
l’énergie dérivant des sollicitations causées par des tremblements de terre (Langenbach, 1989) et
elles sont inscrites, parfois depuis plusieurs décennies, dans les codes de construction parasismique
de plusieurs pays d’Amérique centrale et méridionale192.

Couramment utilisé par les bâtisseurs vernaculaires, le système porteur ponctuel basé sur un
principe d’ossature a été objet, dans des époques et pays différents (p.e. Portugal 1755, Italie 1783,
Philippines 1880), de règlements de construction et même de brevets expressément référés à un
type de construction à caractère parasismique193 (Masciari-Genoese, 1915 ; Laner, Barbisan, 1986,
op. cit.). Ces systèmes révèlent une capacité remarquable à supporter les sollicitations induites par
un tremblement de terre, grâce à des multiples chemins de descente des charges, qui fournissent un
niveau de sécurité supplémentaire assurant, en cas de défaillance d’un élément, une compensation
par ceux adjacents (Dogang n, Tuluk, Livao lu, et al., 2006 ; Karababa, 2007, op. cit.). Ce qui
présente plusieurs avantages, tels que la possibilité d’effectuer de manière aisée des réparations

191 Au Nicaragua, une technique similaire, le taquezal, utilise différents types de mélange : en terre, en gravats liés par un
mortier de terre, briques en terre crue maçonnées avec un mortier terre (Penalba, 1981 ; Quintallet, Samin, 2012, op. cit.).
192 Cette normalisation se base dans certains cas sur des modifications considérables des techniques originaires, tels que le
remplacement du remplissage en terre avec un remplissage en ciment (AIS, 2001).
193 Il est intéressant de noter comme l idée d’une construction parasismique employant une ossature en bois est parfois
étroitement liée à l expérience acquise dans la construction navale. Une analogie fut souvent établie entre le comportement
des bâtiments lors d’un séisme et le comportement des bateaux, capables de faire face aux sollicitations dynamiques et
multidirectionnelles transmises par la mer. Tel a été le cas pour la conception du système Gaiola Pombalino, employé pour
la reconstruction de la ville de Lisbonne suite au tremblement de terre du 1755 (cf. annexe A.3 : fiche d’approfondissement).

206 Cultures constructives vernaculaires et résilience


ponctuelles, d’exposer leurs occupants à un danger moindre194 ainsi que de permettre la préservation
des parties structurelles principales, même en cas d’écroulement ou rupture partielle.
Le principe sur lequel reposent ces systèmes est l’absence d’éléments rigides, attirant et/ou assimilant
les sollicitations engendrées par le séisme : plutôt qu’essayer de les contrecarrer avec des matériaux
et des connexions rigides, ces structures répondent en se balançant avec elles. Tant les matériaux
utilisés, pouvant se fléchir considérablement avant de se briser195, que les connexions entre les
divers composants favorisant une certaine dissipation d’énergie, contribuent au comportement
dynamique du bâtiment (Cardoso, Lopes, Bento, 2004). Toutefois, il ne s’agit pas d’une réponse
de type élastique mais plastique (Langenbach, 2002, op. cit.), s’effectuant par des déformations et
une fissuration progressives, dérivant de l’interaction entre les éléments qui composent la structure
primaire et des éventuels systèmes de clôture de l’espace (parement, remplissage, etc.). L’effet
d’amortissement des sollicitations qui s’accomplit par plusieurs déplacements réduits, distribués de
manière diffuse dans l’ensemble structurel196, confère à ces structures un comportement ductile197.
cet égard, l’utilisation de matériaux disparates permet de bénéficier de leurs propriétés spécifiques
(p.e. flexibilité du bois), ainsi que des avantages dérivant de leur combinaison et qui présentent
des potentialités qu’ils seraient incapables de fournir individuellement. De fait, c’est le système
en soi, plutôt que les matériaux ou les éléments individuels qui le composent, qui détermine le
comportement d’un bâtiment198 (Langenbach, 2003, op. cit.). Ce dernier est néanmoins aussi
influencé par l’état des composants structurels qui, de par leur nature (bois, bambou), sont
particulièrement vulnérables à une dégradation causée par l’humidité et les insectes. Dans plusieurs
cas, ces facteurs se sont révélés être la vraie cause sous-jacente à l’effondrement de bâtiments lors
d’événements sismiques199.

Fig.87: Effets des séismes : a) Turquie 1999, construction vernaculaire faiblement endommagée à côté d’un bâtiment en béton
armé effondré (source: Dogang n, Tuluk, Livao lu, et al.) ; b) El Salvador 2001, détachement des enduits (crédits: A.
Douline); c) Pakistan 2005, chute d’une portion de remplissage (crédits: T. Schacher)

194 If the timber framed buildings does collapse, large survival voids are created. Also the building has less concentrated,
rushing weight. Brick will cause many injures but less squashed bodies than concrete blocks (Dogang n, Tuluk, Livao lu,
et al., 2006, p. 988).
195 Dans un ouvrage du 1784, M. Sarcone décrit le comportement d’une construction de type baraccato lors du séisme
de 1783, en Calabre (cf. annexe A.3 : fiche d’approfondissement), en soulignant le caractère ductile de l’ossature en bois,
qui s’effondra seulement après nombreuses secousses. Bien que les assemblages aient cédé causant l’écroulement de la
structure, le bâtiment répondit parfaitement à la fonction d’abri parasismique pour laquelle il avait été employé, vu qu’avant
son effondrement, il donna des nombreux signes de déformation et de rupture imminente (Ruggieri, 2005, op. cit.).
196 Suite au séisme de 1967 au Cachemire, des recherches développées par le professeur Anand Arya montrèrent comme le
comportement de bâtiments survécus relativement intacts et réalisés avec la technique du dhajji dewari (ossature bois avec
remplissage en maçonnerie), soit étroitement corrélé à un amortissement par friction interne à la maçonnerie. Ceci peut se révéler
considérablement plus élevé que dans des structures employant des technologies plus récentes, grâce au fait que les constructions
vernaculaires présentent une quantité de plans de fissuration beaucoup plus importante (Langenbach, 2000, op. cit.).
197 Capacité (d’un matériau, d’un élément ou d’une structure) de subir des déformations plastiques (irréversibles) sans perte
significative de résistance avant de se rompre (Zacek, 2004, op. cit.).
198 his characteristic – the ability of the disparate materials, each of relatively low strength, to work together as a single
system to resist catastrophic damage from the overwhelming forces of earthquakes – is what makes these buildings so
important (Langenbach, 2000, op. cit., p. 6).
199 Ce qui a été constaté, par exemple, lors d’évaluations post-séisme en Haïti pour les maisons gingerbread employant
une charpente en bois (Langenbach, Kelley, Sparks, et al., 2010, op. cit.), ou au Salvador lors du séisme de 1986 pour des
constructions en bahareque (L pez, Bommer, Méndez, 2004).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 207


Dans plusieurs régions, l’utilisation de systèmes porteurs ponctuels est souvent associée à celle de
systèmes continus. Dans certains cas, les bâtiments se caractérisent par des étages inférieurs en
maçonnerie tandis que les étages supérieurs emploient une structure à ossature dont la légèreté
de la trame et des matériaux augmente souvent avec le nombre d’étages (p.e. remplissage en
briques et ensuite parement en bois sous toiture), ce qui permet de baisser le centre de gravité de
la construction (Langenbach, 2000, op. cit. ; Dogan, 2010). Outre à une question de praticité (mise
en œuvre, éléments en porte-à-faux, etc.), la combinaison de ces deux systèmes se révèle souvent
complémentaire dans la réponse à des sollicitations sismiques.

Dans plusieurs zones rurales et urbaines de Turquie (p.e. provinces de Kastamonu, Karabük et Bursa),
les constructions se composent dans un grande nombre de cas d’un système porteur mixte associant
l’utilisation d’une maçonnerie pour les étages inférieurs, à une ossature avec remplissage pour les
niveaux supérieurs200 (Fig. 88a). Généralement, la base en maçonnerie suit la forme de la parcelle
tandis qu’aux étages une géométrie plus régulière est obtenue par l’utilisation de baies et volumes
en saillie (Fig. 88b). Outre aux propriétés spécifiques à chacun des systèmes employés, des aspects
particuliers améliorent le comportement de ces constructions sous des sollicitations sismiques.
D’une part, les volumes en saillie renforcent le bâtiment : les solives, qui s’étendent au-delà des
murs au-dessous, gardent ceux-ci fermement en place grâce au poids de surcharge qui apporte
une force de compression fournissant à la maçonnerie une résistance supplémentaire envers les
forces latérales (Langenbach, 2000, op. cit.). D’autre part, la structure est réalisée de façon que
chaque étage constitue une unité autonome très rigide qui peut glisser de façon indépendante des
autres niveaux, ce qui contribue à une dissipation de l’énergie exercée par le séisme (Ferrigni, Helly,
Mauro, et al., 2005, op. cit.).

Fig.88: Turquie : a) association à une maçonnerie porteuse (Narl ca) ; volumes en saillie (Safranbolu) ; c) indépendance des
structures des étages (Kastamonu)

200 Cette association entre système porteur en ossature et maçonnerie aussi bien en pierre qu’en briques de terre crue est
présente également dans l’architecture vernaculaire de nombreuses autres régions sismiques, en particulier de certains pays
entourant le Bassin Méditerranéen (Albanie, Bulgarie, Grèce, Macédoine) et le long de la chaîne Himalayenne (Afghanistan,
Inde, Pakistan) (cf. annexe : A.3).

208 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Parfois, de par sa composition et le type de liaisons entre ses composants, une charpente constitue
une vraie et propre cage tridimensionnelle. Un cas particulièrement représentatif est celui des
constructions en rondins (connues également comme « blockbau » ou « log construction »). Ce
système a été largement employé dans plusieurs régions sismiques de la Russie (Klyachko, Benin,
Bogdanova, 2002) ainsi que dans celle chinoise du Yunnan (Renping, Zhenyu, 2006) et dans le
Cachemire Indien (Fig. 89a, Desai, Desai, 2007). Ce type de construction se base sur une structure
quasi massive, mais parfois les éléments sont verticalement espacés constituant une sorte de
trame dont les vides sont remplis avec des matériaux différents. Ce qui est le cas des architectures
vernaculaires de la région du Gilân (Iran), o la partie d’habitation se compose d’une superposition
de rondins grossièrement équerrés assemblés par des entailles laissant un espacement entre les
éléments rempli avec un mélange de terre (Fig. 89b, cf. annexe A.3 : fiche d’approfondissement).
Ces structures constituent une sorte de boîte agissant comme un ensemble continu qui se déforme
plastiquement sous les sollicitations sismiques (Hirai, Meng, Sa ata, et al., 2008).

Dans certains cas, la structure porteuse évolue en une structure hybride : le système primaire
(p.e. ossature) et secondaire (p.e. remplissage) assument des rôles presque équivalents et
complémentaires, se révélant tous les deux indispensables pour la stabilité de la structure ; et
ceci non seulement sous les sollicitations sismique mais également pour une reprise des charges
statiques.
Une typologie constructive présente dans la région afghane de l’Indu Kush, se compose d’un
empilement de poutres horizontales en bois, alternées à des rangées de maçonnerie en pierre et
stabilisées des deux côtés du mur par des clés verticales en bois (Fig. 89c). Il s’agit d’une structure
mixte, qui profite simultanément des capacités de résistance à la traction du bois et de celles
de résistance à la compression de la maçonnerie en pierre. Bien qu’elle présente un manque de
contreventement, la liaison des éléments horizontaux par des clés et des agrafes, ainsi que leur
entrecroisement aux angles, permettent pendant les séismes un mouvement sans une perte de
cohérence structurelle (cf. annexe A.3 : fiche « Nuristan »).

Fig.89: Cages en ossature :


a) structure en rondins, Cachemire pakistanais (source: Desai, Desai, 2007) ;
b) habitation en construction avec structure en rondins espacés, Iran (crédits: M. Grodwhol) ;
c) empilement de poutres horizontales avec maçonnerie, Afghanistan (source: Edelberg, Jones, 1979)

Cultures constructives vernaculaires et résilience 209


Ci après, je propose une catégorisation typologique relative aux systèmes porteurs ponctuels
(Fig. 90). Elle se rapporte aux différentes modalités de clôture de la structure primaire qui ont été
identifiées en relation à des exemples d’architecture vernaculaire de plusieurs régions exposées à
des tremblements de terre. Les cas considérés vont de systèmes extrêmement simples (p.e. des
poteaux enfoncés dans le sol reliés au sommet par une poutre sablière) à des systèmes complexes
(p.e. structure en cage tridimensionnelle), employant le bois et/ou le bambou pour la structure
porteuse. Bien que présentées comme des catégories distinctes, plusieurs d’entre elles peuvent
caractériser un même bâtiment, tant en relation à l’utilisation de matériaux différents que de
principes structurels mis en œuvre.

Une première distinction est effectuée entre les constructions o la charpente est laissée vide et
celles o , en revanche, les espaces parmi les éléments qui la composent sont remplis selon différents
procédés. Dans le premier cas (« vidé »), la charpente porteuse n’est souvent pas apparente, tant
pour des questions pratiques (p.e. clôture de l’espace de vie) que structurelles (p.e. dans le cas
qu’aucun système de contreventement soit employé). Dans le deuxième cas (« avec remplissage »),
l’espace entre les éléments structurels est rempli avec des matériaux et selon des techniques
variables. Ces deux catégories se déclinent à leur tour en différentes sous-catégories, selon le type
de matériaux employés et/ou les modalités de leur mise en œuvre.

vidé avec remplissage

enveloppé avec parement en éléménts en maçonnerie en vrac

rigide souple panneaux planches rondins pierres briques avec support confiné

crues cuites terre pierre

Fig.90: Système porteur ponctuel, catégorisation typologique

Dans la partie suivante, je présente de manière synthétique ces différentes catégories, avec
la référence d’exemples situés. Huit entre les systèmes constructifs identifiés ont été détaillés
sous forme de fiches d’approfondissement, en développant les spécificités constructives et les
particularités parasismiques (cf. annexes A.3 : fiches d’approfondissement). La carte ci-après illustre
la localisation de l’ensemble des systèmes identifiés avec l’indication de ceux ayant fait objet d’un
approfondissement (Fig. 91).

210 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Gaiola Pombalina le de Le as Gilân Nuristan le de Nias
remplissage en maçonnerie remplissage en maçonnerie remplissage en vrac remplissage en maçonnerie remplissage en éléments

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.91: Cartographie de cas identifiés de systèmes porteurs ponctuel
architecture vernaculaire
sources historiques

211
aléa naturel spécifique
clissage palmiste tiwoch séismes casa baraccata casa intelaiata himis bagdadi
remplissage en éléments et en vrac structure vidée avec parement remplissage en maçonnerie
étude/validation scientifique structure vidée enveloppée remplissage en maçonnerie remplissage en maçonnerie remplissage en éléments
cyclones normes
Carte mondiale des aléas naturels, Münich Re, 2009
La structure primaire est laissée vide et elle est libre de se déformer sous les sollicitations sismiques,
seul des éventuels dispositifs de contreventement ou d’autres parties structurelles (p.e. structure
des planchers et de la toiture) en influencent le comportement. Toutefois, la nécessité de clôturer
l’espace, généralement pour des questions d’habitabilité, a conduit au développement de deux
systèmes dont la distinction s’effectue essentiellement en relation aux dispositions constructives
adoptées.

Ce système voit l’application d’un principe d’enveloppe basé sur la mise en œuvre de dispositifs de
cloison indépendants de la structure porteuse principale. Cette dernière est entourée à l’extérieur, et
parfois à l’intérieur, par des éléments autoporteurs, généralement en maçonnerie. Ceux-ci peuvent
être complètement déconnectés de la charpente ou lui être reliés par des ancrages, assurant la
stabilité de la structure secondaire (en particulier lors que celles-ci s’élève sur plusieurs étages).
Le système d’enveloppe participe à la stabilité de la structure primaire évitant des déformations
importantes, spécialement en cas d’absence ou insuffisance de contreventement.

Deux exemples permettent d’expliciter ce principe : les constructions de type « baraccato » utilisé
jusqu’au début du XIX° siècle dans certaines régions de l’Italie méridionale et un système constructif
vernaculaire constituant une portion importante de l’habitat de l’État du Maharastra (Inde).
Les constructions « baraccate » se caractérisent par une ossature en bois, subdivisée en deux parties
sur l’hauteur d’un étage et contreventée avec des éléments en croix (Figs. 92). Sur le côté extérieur,
un mur en maçonnerie de pierre est juxtaposé à la structure primaire, en la cachant complètement
à la vue (cf. annexe A.3 : fiche d’approfondissement).
Le système appelé « khan », particulièrement diffus dans la région de Marathwada (Maharastra,
Inde) pour les constructions à un étage, se compose d’une charpente en bois non contreventée
constituée de poteaux positionnés en retrait par rapport au périmètre du bâtiment, portant la
toiture, plate et relativement lourde. Un mur épais en maçonnerie de pierres liées par un mortier de
terre entoure l’espace de vie (Figs. 93). Bien qu’aucun élément de stabilisation ne soit employé, le
poids de la toiture maintien stable la structure en bois201 (Revi, Kishore, 1994 ; Arya, 1998, op. cit. ;
Brzev, Greene, Sinha, 2002).

Fig.92: Italie, Casa baraccata :


a) ossature réalisée après le séisme de 1908 à Messine et Reggio Calabria (source: Barbisan, 1997) ;
b) structure enveloppée, Reggio Calabria (crédits: E. Plateroti);
c) bâtiment achevé, Filadelfia (crédits: S. Tobriner)

201 Lors d’un séisme de M 6.4 qui frappa la région en 1994, les murs en maçonnerie subirent des importants dégâts. Dans
nombreux cas, la structure en bois resta cependant stable, maintenant en place la toiture et préservant la vie de ses occupants
(Arya, 1998, op. cit.) ; comportement qui permit de réduire considérablement le nombre de victimes (Revi, Kishore, 1994, op.
cit.). Un principe similaire a été adopté sur l’île grecque de Lefkada o , au rez-de-chaussée, un mur périmétral en maçonnerie
clôture des poteaux en bois portant la structure des étages supérieurs (Figs. 94 a et b). En cas de séisme, la maçonnerie peut
s’effondrer sans compromettre la stabilité de la structure supérieure (cf. annexe A.3. fiche d’approfondissement).

212 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.93: Système khan, Maharastra (Inde) : a) bâtiment originaire ; b) schéma structurel ; c) après le séisme de septembre 1993
(sources: a et b) Brzev, Greene, Sinha, 2002 ; c) Revi, Kishore, 1994)

Un principe similaire est présent dans l’architecture vernaculaire de la région de Kabalo (République
Démocratique du Congo), affectée par des séismes d’intensité de moyenne à forte. Dans ce cas, il
s’agit d’un système qu’on pourrait définir à « enveloppe inversée » : la structure portant la toiture est
déconnectée et positionnée à l’extérieur des murs en maçonnerie de briques en terre crue clôturant
l’espace habitable ; ce qui assure sa sauvegarde même en cas d’écroulement des parois, permettant
ainsi une réparation et une réoccupation rapide de la construction 202 (Fig. 94c, Moles, Hosta, 2009).

Dans le cas de systèmes à « enveloppe », le comportement d’une construction sous des sollicitations
sismiques repose donc essentiellement sur la capacité propre à sa structure primaire à en faire face,
envers laquelle les caractéristiques des matériaux ainsi que les éventuels dispositifs (assemblages,
contreventements, raidisseurs, etc.) mis en place assument une importance considérable. Ce
système présente l’avantage de favoriser une préservation et une réhabilitation presque immédiate
de la structure, qui se maintient intacte et/ou qui contribue à la préservation d’autres parties de la
construction.

Fig.94: Grèce, île de Lefkada : a) vue extérieure (source: Karababa, 2007), b) fonctionnement lors de séismes (source: Ferrigni,
Helly, Mauro, et al., 2005) ; c) République Démocratique du Congo, habitat vernaculaire avec système à enveloppe
inversée (crédits: O. Moles)

Le deuxième système relatif à des structures vidées voit l’utilisation d’éléments de revêtement
appliqués directement sur la structure primaire, par unités individuelles ou par panneaux (Fig. 95).
Les matériaux utilisés se caractérisent par une relative légèreté et flexibilité, permettant un certain
mouvement de la structure porteuse. Toutefois, on effectue ici une distinction entre des matériaux
relativement rigides, comme le bois (p.e. bardage sous forme de planches) et ceux qui en comparaison
se révèlent plutôt souples, tels que le bambou (sous forme de lattes aplaties ou tressées) et des
éléments réalisés avec de roseaux ou d’autres types de plantes ou herbes. La souplesse des matériaux
et du système de fixation (ligatures, clous, etc.) peut favoriser une contribution du parement à la
stabilité de la structure (Zámolyi, Zámolyi, 2005 ; Langenbach, 2010b, op. cit.).

202 Employé pour des bâtiments d’un seul étage, ce système se révèle également pertinent face aux inondations qui affectent
régulièrement cette zone du pays.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 213


Dans les zones rurales d’Haïti, la technique du palmiste était autrefois très répandue, utilisant des
planches clouées à l’extérieur d’une charpente constituée de poteaux en bois (Fig. 95c, cf. annexe
A.3 : fiche d’approfondissement). Outre à permettre une facilité de réalisation et d’extension de la
construction, les planches en bois apportent un certain contreventement, et donc cohérence et
solidité, à la structure. Lors du séisme de 2010, les constructions employant ce système ont fonctionné
comme une sorte de boîte souple pouvant subir des déformations sans s’effondrer, même dans le
cas de bâtiments abandonnés depuis longtemps ou présentant un état de dégradation avancé.

Fig.95: Parement souple : a) panneaux en roseaux (Dinajpur, Bangladesh), b) panneaux en lattes de bambou tressées
(Nagaland, Inde) ; Bardage en planches : c) bardage extérieur (zones rurales, Haïti, crédits: E. Cauderay) ; d) bardage
intérieur, chute du remplissage suite au séisme de 2010 (zones urbaines, Haïti, source: Langenbach, Kelley, Sparks, et
al., 2010) ; e) double bardage avec cavité (Istanbul, Turquie)

Les éléments de parement peuvent être mis en place sur le côté extérieur, laissant la structure
visible à l’intérieur, ou sur les deux faces créant une cavité interne. Dans ce cas, ils servent souvent
de support à un enduit et l’espace entre la structure constitue un vide d’isolation, améliorant le
confort du bâtiment. Ce système peut également être associé à un remplissage avec des matériaux
en vrac ou en maçonnerie. Dans le premier cas, le parement assume la fonction de coffrage perdu;
tandis que dans le deuxième cas, le parement est employé uniquement sur la face extérieure du
mur, avec essentiellement une fonction de protection de la structure.

En cas d’effondrement, les occupants sont exposés à un danger moindre en raison de l’utilisation
d’éléments relativement légers qui résultent être facilement réutilisables. Lors qu’un remplissage
est mis en œuvre entre les éléments structurels, le parement peut, en outre, constituer un système
de protection supplémentaire. Pendant le séisme de 2010 en Haïti, le revêtement en planches de
bois caractérisant les constructions de type gingerbread a empêché l’écroulement vers l’intérieur
du remplissage en maçonnerie, protégeant ainsi les occupants de la chute des débris (Langenbach,
Kelley, Sparks, et al., 2010, op. cit.).

Dans la région de Sylhet (Bangladesh), les tremblements de terre associés à des inondations de plus
en plus fréquentes ont déterminé l’émergence d’une typologie constructive particulière aux zones
les plus exposées. Le mode de construction courant est en effet évolué passant d’une structure
porteuse massive, réalisée avec la technique de la bauge, à une ossature clôturée, dans sa partie
supérieure, par un parement en panneaux légers et, dans sa partie inférieure, par un mur en terre
déconnecté de la structure primaire (Fig. 96b). Ce système se révèle capable de mieux supporter
l’impact des aléas locaux admettant un endommagement de certaines parties de la construction
sans que cela engendre l’effondrement complet du bâtiment, permettant en outre une réparation
rapide ainsi qu’une mise en danger réduite de ses occupants (source : analyses de terrain, 2012).

Fig.96: Structure avec parement en zone sismique : a) bambous tressés avec structure en bambou (Nagaland, Inde) ;
b) panneaux végétaux avec enduit (Bangladesh) ; b) bardage en planches (Bartın, Turquie)

214 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans ce cas, le comportement de l’ensemble structurel est influencé par le type et les caractéristiques
du remplissage, dont le rôle s’est souvent révélé déterminant dans la réponse de la construction à
des sollicitations violentes et soudaines. Le remplissage participe tant à maintenir une cohérence
structurelle qu’à dissiper les sollicitations induites par un séisme (Vieux-Champagne, 2013). Trois
sous-catégories peuvent être identifiées selon l’utilisation d’éléments, d’une maçonnerie ou de
matériaux en vrac.

Ce type de remplissage se base sur la mise en œuvre de pièces coupées sur mesure entre les
composants de la structure primaire et secondaire. Les matériaux employés assurent une certaine
rigidité, tout en restant relativement légers. Ils sont utilisés sous forme de pièces pré-coupées
laissées à l’état brut (rondins) ou équerrées et polies (planches) et/ou assemblées en panneaux
(lattes ou branches tressées et/ou clouées sur un cadre), dont les dimensions sont calibrées en
relation à leur localisation. Surtout dans le premier cas, les pièces peuvent être orientées en plusieurs
directions (horizontale, verticale ou diagonale) et elles ne sont généralement pas connectées entre
elles. La fixation avec la charpente est effectuée à sec, par ligature et/ou par encastrement simple
(pression) ou au moyen d’assemblages particuliers (languette et rainure, encoches, etc.) réalisés
sur la structure porteuses et/ou sur les éléments de remplissage. Le remplissage permet ainsi la
constitution d’une structure continue en boîte, dans laquelle il assume la fonction d’élément
raidisseur et de contreventement.

Situées dans une zone fortement sismique, les constructions vernaculaires de l’île de Nias se
caractérisent par un espace habitable définit par une structure indépendante et semi-rigide
surélevée. Elle se compose de planches en bois glissées verticalement dans des rainures effectuées
dans les poutres du plancher et de toiture, ou horizontalement dans des montants secondaires (Fig.
97a). Lors de deux séismes de magnitude particulièrement élevée (M 9.1 en 2004 et M 8.7 en 2005),
ces structures ont montré une excellente capacité à rester intacte, même en cas de défaillance
de la substructure en pilotis (cf. annexe A.3 : fiche d’approfondissement). Ce principe caractérise
les constructions vernaculaires de nombreuses régions indonésiennes exposées à des phénomènes
particulièrement fréquents et violents, comme les habitations de la province d’Aceh, celles des
populations Karo Batak et Toba Batak (Sumatera Barat) ainsi que de celles Toraja de l’île Sulawesi.

Fig.97: Indonésie, remplissage en planches : a) île Nias (crédits: Nata’alui Duha) ; b) Karo Batak, Berastagi ;
c) Toba Batak, Danau Toba

Les autres deux types de remplissage en éléments présentent également des particularités
spécifiques. L’utilisation de panneaux se base sur des composants très légers qui, même en cas
d’effondrement, ne représentent pas un danger pour les occupants et dont les matériaux et les
modalités de mise en œuvre peuvent contribuer à un certain amortissement des sollicitations (p.e.
le tressage des lattes). Ce type de remplissage est souvent associé à la pose d’un enduit qui, selon
son épaisseur, peut aller coïncider avec la catégorie du remplissage « en vrac ».

Cultures constructives vernaculaires et résilience 215


Bien que nécessitant une quantité considérable de matériau, l’emploi d’unités individuelles
directement encastrées dans la structure (p.e. rondins) présente l’avantage, lors de sollicitations
sismiques, de permettre des déplacements différés des diverses pièces. En outre, l’emboîtement
individuel avec le cadre structurel admet un délitement d’un ou plusieurs éléments sans que cela
entraîne le videment du remplissage. En Turquie, ce système caractérise les architectures de la
province de Bartın (Figs. 98 b et c) et de la ville de Niksar (province de Tokat). Des rondins équerrés
sont encastrés entre l’ossature porteuse, en occupant tout son épaisseur et en s’adaptant à la
dimension et position des ouvertures. Derrière l’enduit de nombreuses constructions à l’apparence
en maçonnerie se cachent, de fait, des façades entièrement en bois dont la structure primaire
est identifiable uniquement grâce aux chapiteaux surmontant les montants verticaux ainsi qu’aux
dispositifs de contreventement (équerres arrondies, diagonales).

Etant donné qu’elles se basent sur un principe d’assemblage par encastrement, les constructions en
rondins sont inclues dans cette catégorie, bien que dans ce cas la structure primaire coïncide avec
les éléments de remplissage.

Fig.98: a) remplissage en panneaux (kay klissage, Haïti) ; b et c) dizeme, remplissage en rondins (Bartın, Turquie)

Ce système se base sur la mise en œuvre d’unités (pierres, briques en terre crue ou en terre cuite)
maçonnées entre les éléments de la structure primaire et secondaire. Généralement en bois, celle-
ci est souvent subdivisée par des éléments (diagonales, entretoises, contreventements en croix,
etc.) qui, dans la plupart des cas, contribuent à la stabilité du système et qui, en le répartissant en
panneaux de taille réduite, limitent la propagation de fissures à travers la maçonnerie (Vintzileou,
Touliatos, 2005).

Les matériaux utilisés pour le remplissage, leur disposition, ainsi que la fréquence et les modalités de
répartition de la structure primaire, influencent considérablement le comportement des parties et
de l’ensemble de la construction. Sous l’impact d’un séisme, ces structures montrent généralement
une réponse de type plastique203 car elles répondent aux sollicitations par des déplacements des
éléments structuraux, des panneaux de remplissage et des unités maçonnées (Dikmen, 2010).
L’utilisation d’un mortier de nature plus fragile (terre, terre et chaux) que les unités qu’il relie (p.e.
briques ou pierres) permet un mouvement de ces dernières sous les sollicitations sismiques qui se
répartissent ainsi dans la structure et déterminent une déformation des panneaux de remplissage.

203 hen unreinforced masonry begins to crack, in terms of engineering analysis, it is usually described as having failed,
even if collapse does not occur. he internal elastic strength of the wall drops, and in repeated cycles, the wall undergoes
plastic deformations through movement along the mortar joints (in-plane), or in bending (out-of-plane). he most important
attribute of so mortar is that, when the mortar strengths are below that of the masonry units, when the wall does crack, it
does so along the mortar joints, resulting in greater overall stability (Langenbach, 1989, op. cit., p. 17).

216 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Grâce à la fragilité du mortier, des glissements se produisent à l’interface entre les éléments
d’ossature ainsi qu’en correspondance des joints entre les unités maçonnées, sans en causer
une fissuration (Vintzileou, Zagkotsis, Repapis, et al., 2007). La friction entre les composants du
remplissage et entre le remplissage et la structure constitue un important mécanisme de dissipation
d’énergie contribuant à équilibrer l’incompatibilité entre la rigidité des panneaux en maçonnerie
et la flexibilité de l’ossature (G lkan, Langenbach, 2004) et réduire les sollicitations de l’ensemble
structurel ainsi que l’endommagement d’autre éléments204.

L’absence de liaisons mécaniques entre les éléments structurels et la maçonnerie peut, pendant
un séisme, causer la chute de petites sections de remplissage (Langenbach, 2000, op. cit.).
Cependant, la défaillance de certains panneaux n’entraîne généralement pas une perte de stabilité
de la structure dans son ensemble. En effet, la subdivision de chaque travée avec une progression
d’éléments diagonaux, verticaux et horizontaux contribue à maintenir les murs en place, même en
cas d’effondrement de certains panneaux de remplissage (Tobriner, 2000, op. cit.).

Fig.99: Variantes de remplissage et de répartition de la structure primaire (hımış, Turquie) :


a et b) briques en terre crue ; b et c) briques en terre cuite ; c et d) pierres

Dans le Cachemire pakistanais, l’ossature en bois est subdivisée par un complexe système de
contreventements, réalisé avec des planchettes disposées selon une géométrie variable entre
les montants verticaux de la structure porteuse205. Le remplissage en maçonnerie se divise en
plusieurs panneaux de taille réduite, ce qui limite la propagation de fissures pouvant conduire à un
effondrement sur une grande hauteur (Fig. 100). Lors d’un séisme de M 8.7 qui a eu lieu en 2005, les
dommages subis par de nombreux bâtiments employant cette technique se limitèrent au délitement
de quelques panneaux de maçonnerie, ne compromettant pas la stabilité de la structure et facilitant
une réparation rapide (Langenbach, 2009, op. cit.).

204 Dans les constructions vernaculaires avec une ossature en bois et remplissage, the precompression stress provided by
the load bearing weight of the wall, combined with the weak and nonbrittle behavior of the mortar, enables the stresses to
be spread throughout the wall rather than being concentrated along the diagonal. Instead of one large tension crack, with
crushing failure at the comers, the so ness and give of the mortar encourages a more wide-spread, small-scale cracking
across the mortar joints of the whole panel. his also allows the building to dissipate energy, and thus perform in a ductile
rather than a brittle manner (Ibid., p. 16).
205 Cette répartition s’effectue avec des motifs très aléatoires résultant probablement de l’utilisation de chutes de bois,
disponibles avec des longueurs différentes, comme suggère l’appellation de cette technique, dhajji dewari qui, en persan,
signifie « patchwork » tissus fabriqués à partir de la récupération de restes de tissu (Langenbach, 2009, op. cit.).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 217


Fig.100: Cachemire pakistanais, dhajji dewari : a) structure vide ; b, c et d) variante de remplissage ; e) dégâts suite au séisme
de 2005 (crédits: a, b et e) T. Schacher ; source: c et d) Hi yilmaz, Bothara, Stephenson, 2011)

L’amortissement des sollicitations engendré par le glissement et une dégradation du remplissage


affectent et modifient la fréquence de vibration propre au bâtiment, réduisant sa tendance à
entrer en résonance avec le séisme (Dogang n, Tuluk, Livao lu, et al., 2006). De fait il contribue à
protéger la structure envers un endommagement extrême, évitant une défaillance majeure ou un
effondrement soudain (Langenbach, 2000, op. cit.).

Les observations conduites suite à deux séismes, en 1999 et 2000, en Turquie mettent en évidence
le comportement particulier des structures en hımış, constituées par une ossature en bois avec
un remplissage en maçonnerie (cf. annexe A.3 : fiche d’approfondissement). Le premier séisme a
eu lieu avec une intensité de M 7.6 et causa énormément de dégâts. La plupart des constructions
vernaculaires resta cependant intacte, présentant néanmoins des signes du travail206 de la structure
sous l’effet des sollicitations (p.e. fissuration des enduits, des chutes de petites sections de
remplissage) (G lhan, G ney, 2000, op. cit.). Le deuxième séisme fut d’intensité plus modérée (M
6.1) et provoqua un niveau d’endommagement similaire à celui causé par le premier séisme. Cette
correspondance dérive de la capacité des constructions vernaculaires à absorber des secousses
violentes avec une progression très faible des dommages subis (Langenbach, 2007, op. cit.), grâce
à une dissipation pouvant s’effectuer sur une longue période sans engendrer une dégradation
structurelle rapide207 (Langenbach, 2000, op. cit.).

Fig.101: Turquie : construction en hımış ayant survécu au séisme de Kocaeli de 1999, en revanche le bâtiment voisin en béton
armé s’est complètement effondré (crédits: R. Langenbach)

206 o use the term working to describe the behavior of the masonry infill when it sheds its stucco surface during an
earthquake is in contrast to describing it as cracking, deteriorating or failing. he use of the term working describes the
behavior as a positive one, emphasizing that it could continue safely over time. he use of the term failure focuses on the
notion that the masonry is breaking and is progressing towards collapse (Langenbach, 1999, op. cit., p. 13-14).
207 Les constructions vernaculaires assument un comportement considérablement différent de celles en béton armé.
En comparant ces deux types de constructions, on constata que ces derniers montrent une progression très rapide d’un
endommagement marginal à la destruction : celles qui semblent être des fissures mineures constituent le début de dégâts
qui, en cas de séisme puissant, conduisent rapidement à l’effondrement du bâtiment entier. Alors que les constructions
vernaculaires montrent un niveau similaire de dégâts dans des séismes d’intensité aussi bien modérée qu’élevée ; et cela
en dépit du fait que l’endommagement commence à se produire avec des secousses beaucoup plus faibles que pour les
structures en béton armé. Ce qui en fait leur caractéristique de protection la plus importante (Langenbach, 2003, op. cit.).

218 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Ce système se base sur la mise en œuvre d’un mélange à un état visqueux-plastique appliqué, empilé
ou coulé. Selon la technique employée, une distinction peut être effectuée entre le remplissage
étalé sur un support positionné entre les espaces de la structure, et le remplissage constituant une
masse compacte directement mise en place entre les éléments structurels.
Le premier cas (« avec support ») correspond à une technique de garnissage d’une structure
secondaire, espacée (p.e. treillis, lattes de bois ou bambou) ou compacte (p.e. panneaux, tressage
de branches ou lattes), avec une épaisse couche de mortier de terre et/ou de chaux, parfois
stabilisée avec du sable et des fibres (Fig. 102a). Le support est constitué de panneaux préfabriqués
ou d’éléments directement intégrés par encastrement à la structure, réalisés à partir de branches
ou lattes (éclisses, lattis, gaulettes) tressées ou disposées de manière horizontale, diagonale ou en
treillis et dont l’espacement permet l’accrochage du mortier. Dans la plupart des cas, le remplissage
est ensuite recouvert par un enduit. Lors des sollicitations sismiques, le mortier et le support, en
particulier lors qu’il s’agit de lattes tressées directement entre la structure, travaillent ensemble
comme un matériau composite (González, Gutiérrez, 2005).
Dans les zones rurales d’Haïti, la technique du klissage utilise des panneaux en lattes de palmier
tressées horizontalement, insérés entre les éléments verticaux de l’ossature en bois. Bien que parfois
soient laissés apparents (« remplissage par éléments »), ces panneaux sont souvent recouverts sur
leurs deux faces par une épaisse couche de un mortier de terre ou de terre chaux. Les structures
ainsi réalisées résultent particulièrement légères et présentent un degré réduit de mise en danger
de ses occupants, grâce à l’absence de gros blocs pouvant s’écrouler sous l’action des sollicitations
sismiques (Fig. 102e). Suite au tremblement de terre de 2010, de par la rapidité de son exécution et
la constatation de son bon comportement, le klissage a été réutilisé spontanément par la population
pour la réalisation d’abris d urgence et la réparation de habitations endommagées.

Dans des autres cas (« confiné »), le remplissage se constitue d’un mélange homogène (p.e. terre)
ou d’un amalgame de différents matériaux (p.e. terre, pierres de dimensions variables, morceaux de
briques) confinés par des lattes, des baguettes ou des éléments horizontaux espacés et fixés sur les
côtés extérieurs de l’ossature (Figs. 102 b, c et d).
Lors que le mélange intègre des matériaux disparates, ceux-ci peuvent être agglomérés à sec ou
être liés par un mortier fragile (p.e. terre, terre et chaux) ; ils ne composent pas une vraie et propre
maçonnerie, mais plutôt une sorte de béton cyclopéen pouvant être mis en œuvre avec un coffrage
temporaire ou perdu, réalisé avec des matériaux légers (p.e. planches de bois, canisses, lattes de
bambou, etc.).
Lors d’évaluations conduites suite à différents séismes (p.e. Nicaragua 1931, Salvador 1986, Colombie
1999), une désagrégation de l’enduit des bâtiments employant ce type de structure a été constatée
(Langenbach, 2000, op. cit.). Ce phénomène n’est toutefois pas synonyme d’un endommagement
structurel, mais au contraire il montre la répartition des sollicitations de manière uniforme à travers
le mur, grâce à des déplacements réduits de la matière qui reste renfermée entre la structure. Outre
à limiter la chute de gros éléments, le confinement constitue une liaison supplémentaire entre
les composants structurels contribuant à la résistance envers des sollicitations latérales, tout en
garantissant une certaine élasticité (G han, 2007, op. cit.).

Fig.102: a) torchis (Turquie) ; b) remplissage en terre confiné (Guatemala, crédits: M. Mas Gomes) ; c) taquezal avec gravat
(Nicaragua, source: Quintallet, Samin, 2012) ; d) bağdadi (Turquie) ; e) effet du séisme de 2010 sur un panneau en
clissage avec mortier de terre chaux (Haïti)

Cultures constructives vernaculaires et résilience 219


Les systèmes porteurs continus se réfèrent aux structures correspondant à une logique de reprise de
charge par des éléments massifs (p.e. murs linéaires) ou présentant des caractéristiques similaires
(p.e. piliers, murs trumeaux). Ce principe structurel est associable à des constructions basées sur
l’utilisation de matériaux mis en œuvre en tant que masse uniforme et compacte ou en unités de
taille variable. Le premier cas se rapporte principalement à l’emploi de la matière terre associée à
des techniques constituant des éléments constructifs homogènes dans leur masse. Le deuxième se
rapporte à l’utilisation de plusieurs types de matériaux employés selon le principe de la maçonnerie,
o les différentes unités peuvent être reliées entre elles par un liant et/ou par d’autres dispositifs
particuliers.

De par la nature des matériaux utilisés et les modalités de leur mise en œuvre, les structures
correspondantes à un système porteur continu se caractérisent généralement par une bonne
résistance à des charges en compression, mais une faible capacité à supporter des sollicitations en
cisaillement et en traction. Les efforts induits par un séisme peuvent, par conséquent, provoquer une
désolidarisation de certaines parties structurelles et un endommagement entraînant l’effondrement
du bâtiment entier (Korkmaz, Korkmaz, Donduren, 2010).

Fig.103: Cachemire pakistanais, après le séisme de 2005 : deux constructions réalisées avec des matériaux et des techniques
similaires mais n’intégrant pas les mêmes dispositifs : a) complètement effondrée (crédits: O. Moles), b) quasiment
intacte (crédits: T. Schacher)

L’application de règles de l’art spécifiques à la technique utilisée constitue un facteur essentiel


pour améliorer le comportement d’une structure (Bothara, Brzev, 2011). Pour la construction
en maçonnerie de pierre, par exemple, l’utilisation de pièces en boutisse ou de dispositions
particulières (p.e. harpage, alternance de pierres en boutisse et panneresse) réduisent les risque
d’une désolidarisation entre murs opposés et d’une séparation des deux faces du mur, en particulier
lors qu’il se compose de deux parois de parement avec un remplissage. Les bâtisseurs vernaculaires
ont en outre élaborés plusieurs solutions astucieuses permettant de dépasser certaines limites
des matières et/ou des techniques employées. Ceci en utilisant un seul et unique matériau (en lui
conférant par exemple des formes particulières) ou en le combinant à des matériaux hétérogènes,
de manière à compenser ses carences et/ou amplifier certains mécanismes, améliorant ainsi la
capacité de l’ensemble structurel à faire face à l’impact des séismes208.

208 Les caractéristiques de certains composants peuvent apporter une contribution considérable au comportement d’une
structure, notamment en relation au principe du frottement réduisant le niveau d’endommagement potentiel. Egalement
pour ces systèmes l’utilisation d’un mortier de type fragile, à base de terre et/ou de chaux, contribue à assure une stabilité
de l’ensemble structure et cela non seulement envers des sollicitations sismiques (Langenbach, 1989, op. cit.). he use of
lime-sand mortar ... furnishes a plastic cushion that allows bricks or stones some movement relative to each other. he entire
structural system depends upon some exibility in the masonry components of a building. A cushion of so mortar furnishes
sufficient exibility to compensate for uneven settlement of foundations, walls, piers and arches: gradual adjustment over a
period of months or years is possible (Harley McKee, 1980. Masonry. Washington: National Trust/Columbia University Series,
p. 61, cité par Ibid., p. 16).

220 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’intégration systématique de matériaux hétéroclites à une
structure homogène est une pratique qui a été adoptée
depuis l’antiquité. Les premiers témoignages écrits dont l’on
dispose sont les descriptions, faite par Julius César d’une
technique employée par les Celtes pour la constructions
des murs de fortification (Hughes, 2000), tandis que les
premières traces identifiables dans le bâti remontent à
plusieurs milliers d’années et se situent en différentes
régions du monde. Des exemples d’intégration d’éléments
en bois à des structures en maçonnerie ont été mis à jour
dans le Nouveau Palais de Cnossos en Grèce (1450 av. J.-C.),
en Egypte dans le Temple d’Aton Little d’Akhenaton (1350
av. J.-C.) et au Pakistan dans le Mohenjo Daro (3500 av. J.-C.)
(Hughes, 2000 ; Langenbach, 2003, op. cit.). Déjà pendant
le II° millénaire av. J.-C. un système de renforcement de
la maçonnerie en briques de terre crue avec des cadres
bois était utilisé dans la Syrie septentrionale, partie la
plus exposée du pays aux phénomènes sismiques (Laner,
Barbisan, 1986, op. cit.). Fig.104: Étapes de construction des
murs avec armatures en bois,
(Rondelet 1832)
L’hypothèse que l’intégration de certains matériaux à des
ouvrages en maçonnerie ait été effectuée expressément
pour améliorer leur comportement aux sollicitations
sismiques, est renforcée par le fait que ce principe a été
appliqué également dans des régions o l’accès à ces
matières était considérablement difficile. En est un exemple
l’utilisation du bois dans des régions désertiques de l’Iran et
de l’Egypte o il pourrait avoir été importé spécifiquement
en tant que matériau permettant de résoudre un problème
exceptionnel : améliorer la capacité des murs à résister aux Fig.105: Murs des villes galliques
secousses sismiques (Hughes, 2000, op. cit.). (d’après Julius César, 1575)

Ci après, je propose une catégorisation typologique relative aux systèmes porteurs continus.
Elle se réfère aux caractéristiques et dispositifs identifiés dans plusieurs exemples d’architecture
vernaculaire de différentes régions exposées à des phénomènes sismiques. Les cas considérés
incluent des systèmes basés sur un principe de maçonnerie ainsi que sur des techniques donnant
lieu à des structures dont la composition est comparable à une masse homogène. La présence d’une
de ces catégories n’est pas exclusive envers d’autres techniques et systèmes ; plusieurs d’entre elles
peuvent être simultanément présentes dans le même ouvrage comme, souvent, être associées à un
système porteur de type ponctuel.
Une première distinction est effectuée entre deux principales typologies. L’une (« homogène ») se
rapporte à des structures présentant des dispositifs mis en place, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur
du mur, pour améliorer le comportement du bâti à partir de l’utilisation d’un seul matériau. L’autre
(« avec insertions ») inclut des constructions qui intègrent, de manière ponctuelle ou continue,
des éléments composés de matériaux différents de ceux composants la masse murale, et dont les
caractéristiques physiques et de mise en œuvre contribuent à la réponse de l’ensemble structurel
sous des sollicitations sismiques.
Ces deux catégories se déclinent à leur tour en différentes sous-catégories, selon le type de
dispositions et les variantes de mise en œuvre qu’elles présentent (Fig. 106).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 221


homogène avec insertions

avec dispositif interne avec renfort intégrées dans la masse

avec ancrage avec bourrage ponctuel continu entre bâtiments horizontales horizontales et linéraire en treillis
verticales

par imbriquement par connexion espacées rapprochées en colonne à portique en gabion

en feuilles en couches en plaques en tirants à échelle en rondins

Fig.106: Système porteur continu, catégorisation typologique

L’explication de ces différentes catégories présentées dans la partie suivantes est accompagnée
d’exemples situés, parmi lesquels cinq systèmes constructifs ont été détaillés dans des fiches,
développant les spécificités constructives et les particularités parasismiques (cf. annexes A.3 : fiches
d’approfondissement). La carte ci-après illustre la localisation de l’ensemble des systèmes identifiés
avec l’indication de ceux ayant fait objet d’un approfondissement (Fig. 107).
En relation aux systèmes porteurs continus, une quantité d’informations considérablement plus
réduite que pour les systèmes ponctuels a pu être acquise, en particulier en référence au rôle et
influence spécifiques de certains dispositifs sur le comportement structurel lors de sollicitations
sismiques. Ce fait est peut-être en partie déterminé par la difficulté de calculer et modéliser ce
type de structures, à cause de la complexité et de la variabilité des matériaux, des interactions
entre les composants et des formes de construction209. La classification présentée ici de suite se
réfère, par conséquent, à des techniques et dispositifs relevés dans l’architecture vernaculaire de
régions sismiques, plutôt qu’à des typologies dont les spécificités ont été scientifiquement validées.
Toutefois, un certain nombre de données empiriques dérivantes d’observations effectuées suite
à des événements particuliers, de preuves historiques ainsi que d’expérimentations conduites à
échelle réelle (p.e. sur table vibrante), supporte leur prise en compte dans cette analyse et permet
également d’en dégager des principes référés à leur caractère parasismique ; néanmoins, le
comportement effectif de plusieurs des cas considérés reste souvent encore à établir.

209 cet égard, les limites des outils scientifiques actuels dans l’étude des mécanismes caractérisant ces structures ont été
explicitées par l’architecte Randolph Langenbach en référence à un des systèmes considérés dans les chapitres suivants: as
the bhatar system relies on structural stability and energy dissipation rather than strength characteristics, standard calculation
techniques appropriate for dyamic analysis if engineered structures have limited validity when applied to bhatar construction
(Langenbach, 2009, op. cit., p. 50).

222 Cultures constructives vernaculaires et résilience


architecture vernaculaire
sources historiques
aléa naturel spécifique
séismes
étude/validation scientifique
cyclones normes cator and cribbage koti banal / kath khuni
habitations tours
insertions horizontales à échelle insertions en colonne insertions à échelle rapprochées

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.107: Cartographie de cas identifiés de systèmes porteurs continu
223
région d’Aurès Casbah d’Algér hatıl hatıl hatıl hatıl
double strate de rondins insertions en rondins insertions en feuilles insertions en plaques insertions à échelle insertions verticales et horizontales

Carte mondiale des aléas naturels, Münich Re, 2009


Pour la réalisation aussi bien d’habitations que de bâtiments à caractère religieux, communautaire
et même défensif, les constructeurs ont parfois fait recours à un seul type de matériau (souvent de
la pierre) ou une même technique (p.e. maçonnerie en pierre) pour la réalisation de l’ensemble de
la structure porteuse verticale. En relation à cette approche, j’ai identifié deux principales types de
dispositions : la mise en place de dispositifs internes au mur basés sur un traitement particulier des
unités maçonnés ou de leur mise en œuvre (« avec dispositif interne »); l’ajout d’éléments massifs
de stabilisation, adossés à l’extérieur du bâtiment (« avec renfort»).

Bien que certaines règles de l’art contribuent à réduire la vulnérabilité d’un ouvrage, les constructions
s’enrichissent souvent de dispositifs particuliers améliorant leur résistance aux efforts de torsions et
cisaillement induits par des sollicitations horizontales. cet égard, trois principes ont été identifiés
en relation à des cas basés sur des systèmes en maçonnerie, essentiellement en pierre210. Les
techniques qui en découlent favorisent un amortissement de l’énergie par une augmentation du
frottement interne (Ferrigni, 2005c, op. cit.), dérivant de l’utilisation d’ancrages particuliers entre
les blocs et/ou de la constitution de zones d’amortissement.

La réalisation de rangées très régulières et serrées permet d’amplifier la friction entre les éléments
du mur211 grâce à la régularité des leurs surfaces (Ferrigni, 2005b, op. cit.). Mais les constructeurs
ont également mis en œuvre des dispositifs permettant la concaténation des unités maçonnées par
un taillage particulièrement soigné ou par l’utilisation de pièces spécifiques assurant une connexion
et une certaine cohérence entre les éléments. Dans le premier cas (« par imbriquement »), l’ancrage
se fait directement par les blocs composant le mur, dont la surface est travaillée de manière à créer
des décrochements212 (Figs. 108). Des exemples très anciens ont été identifiés dans des bâtiments de
la vallée des temples en Egypte. Plusieurs structures présentent en effet des blocs avec des entailles
en correspondance des angles, permettant l’encastrement entre pierres contigu s ; ce qui pourrait
être considéré comme une mesure préventive envers les phénomènes sismiques (NIKER, 2010).

Fig.108: Imbriquement et ancrage de blocs en pierre, trois cas archéologiques : a) Egypte, vallée des temples (source: NIKER
2010) ; b) Cambodge, temple de Beng Mealea (crédits: E. Samin) ; c) Cuzco, architecture Inca (crédits: F. Bandarini)

210 Bien que ces principes soient parfois présents dans des bâtiments très connus et/ou historiquement anciens (p.e. la ville
Inca de Cusco au Pérou), très peu d’informations ont été repérées au cours de cette recherche au regard de leurs influences
sur le comportement du bâti sous des sollicitations sismiques.
211 hatever technique was used, anti-seismic effectiveness depended on how even each surface was: the smoother the
surface, the larger the area of contact and the greater the friction, so that the wall would be able to dissipate more energy
without breaking (Ferrigni, 2005b, op. cit., p. 258).
212 Un autre système permettant l’emboîtement des unités de maçonnerie se rapporte à l’utilisation d’éléments taillés
en forme polygonale et maçonnés à sec. Un exemple d’application de ce principe est visible dans des architectures des
civilisations précolombiennes et de la Grèce mycénienne, o ce principe était également employé en tant que technique de
réparation (Medley, Zekkos, 2007). Sa particularité est la constitution d’un vrai et propre réseau d’arcs internes à la maçonnerie
garantissant une certaine stabilité de l’ensemble, même lors de l’écroulement de parties de l’ouvrage (Ramis, 2008).

224 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Nombreuses vestiges de l’architecture Inca, en particulier dans la ville de Cuzco et dans les sites
de Machu Picchu et Ollantaytambo (Pérou), se caractérisent par plusieurs dispositifs qui, tout
en employant un seul matériau de construction, permettent de contraster efficacement les
sollicitations sismiques. Les pierres sont maçonnées à sec en rangées irrégulières et des entailles
en crochet permettant l’encastrement entre composants de la même rangée ainsi qu’entre rangées
superposées. Ce système d’ancrage est appliqué quasiment de manière tridimensionnelle : chaque
unité est taillée selon une forme complexe, avec des encoches favorisant l’emboîtement des pièces
de manière à limiter des déplacements verticaux et hors plan (Ferrigni, 2005c, op. cit. ; Schacher,
2005, op. cit.).

Dans d’autres cas (« par connexion »), les éléments de maçonnerie


sont connectés entre eux par des pièces de liaison réalisées avec des
matériaux relativement souples tels que le bois ou des métaux doux213, et
insérées dans des rainures dans les blocs en pierre (NIKER, 2010 op. cit.).
Ce principe a été adopté pour des murs et des colonnes de nombreux
bâtiments grecs d’époque classique (parmi lesquels le Parthénon). Des
agrafes et des chevilles en bois et en métal étaient en effet utilisées,
notamment pour les parties particulièrement vulnérables tels que les
angles et les sections supérieures des murs (Stiros, 1995).

Fig.109: (gauche) a) Grèce, montage des blocs constituant le Parthénon (source: Stiros,
1995) ; b) Egypte, connexion entre blocs de la même rangée (source: NIKER 2010)

Fig.110: Bourrage : a) en joints fins, Kadibükü (Turquie) ; b) en piles, Délos (Grèce,


source: Wikipedia) ; c) étendu, Chypre (source: Meda Corpus, )

Parfois, l’augmentation de la friction dans la maçonnerie est obtenue par l’insertion d’éléments de
taille réduite (cailloux, morceaux de tuiles, etc.) entre des blocs plus grands, constituant ainsi des
zones d’amortissement internes à la masse murale (Figs. 110). Ce principe (« bourrage ») donne lieu
à plusieurs variantes selon les dimensions et la disposition des éléments. Dans le centre historique
de San Giuliano di Puglia, en Italie, la maçonnerie se compose de pierres de taille entrecoupées par
des pierres de proportions plus réduites constituant des vrais et propres « joints » entre les blocs.
Les constructions ainsi réalisées présentent généralement un bon comportement, comme il a été
constaté suite au séisme de M 5.9 qui frappa la région du Molise en 2002 (Decanini, De Sortis,
Goretti, et al., 2004). La mise en place d’un dispositif similaire est aussi observable dans les vestiges
archéologiques de Délos (Grèce) o , en revanche, les grands blocs de forme irrégulière sont intercalés
à des piles de pierres plates de taille réduite, composant des rangées relativement régulières (Fig.
110b). L’espacement entre les blocs de grandes dimensions peut être même assez important,
comme dans certaines constructions de l’île de Chypre, dans lesquelles les unités principales sont
parfois quasiment « noyées » entre les pierres plus petites, engendrant une disposition irrégulière
sans des rangées vraiment perceptibles (Fig. 110c, Meda Corpus, 2011).

213 he role of lead mantling iron clamps and dowels was not simply to protect them from corrosion, but to permit a plastic
deformation a er a certain stress level and prevent a brittle failure of the marble elements (Stiros, 1995, p. 732).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 225


L’énergie relâchée par un séisme pourrait, au niveau structurel, être contrecarrée par une masse
équivalente (Ferrigni, 2005c, op. cit.). Selon cette logique, des dispositifs parfois mis en œuvre entre
plusieurs bâtiments tirent profit de l’ensemble de leur masse pour contrebalancer les forces latérales.
Ce principe a été appliqué soit en groupant plusieurs immeubles, constituant des îlots compacts qui
répondent aux sollicitations de manière unitaire, qu’ajoutant des éléments structurels de liaison,
notamment lors de séparation entre différents blocs construits (p.e. lors d’un passage ou d’une
rue). Ce dernier cas se rapporte à la mise en place d’arcs de contraste connectant des bâtiments aux
niveaux des planchers (Fig. 111a), et devenant parfois des voûtes soutenant des vraies et propres
pièces d’habitations. Présent dans les constructions vernaculaires de plusieurs pays entourant la
Méditerranée, ce dispositif offre l’avantage de contraster les sollicitations horizontales, empêchant
en particulier le renversement des façades (Ferrigni, 2005a, op. cit.).

l’échelle du bâtiment, des renforts ponctuels ont souvent été mis en œuvre pour améliorer le
comportement du bâti existant, apportant solidité et cohérence à l’ouvrage (Fig. 111b). Ils sont
reconnaissables par exemples dans les contreforts, les loggias et les escaliers adossées aux façades
caractérisant l’architecture de nombreuses régions d’Italie (Pierotti, Ulivieri, 2001, op. cit. ;
Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005, op. cit.). Ces renforcements peuvent également assumer un
caractère continu, en se prolongeant tout le long d’un bâtiment (Fig. 111c); disposition parfois
difficilement décelable, sinon dans les embrasures des ouvertures qui ne sont pas à la verticale (Fig.
111d, Ferrigni, 1990, op. cit.).

Fig.111: Renforts (Italie): a) entre bâtiments (Atrani) ; b) contrefort ponctuel à l’angle du bâtiment et réduisant la largeur du
passage (Atrani) ; c) contrefort continu (Bonefro, crédits: R. Langenbach) ; d) embrasure des ouvertures en biais (Atrani)

La nécessité de renforcer des structures envers les sollicitations typiques des phénomènes sismiques
a, parfois, donné lieu à des styles architecturaux très particuliers. Ce qui a été le cas pour certains
bâtiments coloniaux aux Philippines qui montrent l’adaptation de typologies architecturales et
constructives étrangères aux phénomènes sismiques locaux, sacrifiant l’élégance des formes au profit
de matériaux et techniques plus appropriés (Bankoff, 2007). Les interventions de reconstruction
et réparation, faisant suite à plusieurs séismes au cours du XVII° siècle, s’accompagnèrent de
l’apparition d’un nouveau style connu comme « earthquake baroque »214 caractérisé par une large
utilisation de contreforts (Fig. 112b, Rantucci, 1994). Cette évolution produit des bâtiments trapus,
assumant parfois une forme quasiment pyramidale (p.e. église San Agustin dans la région de Ilocos
Norte215, Fig. 112a), et utilisant des éléments architecturaux pour renforcer les points potentiels
faibles des édifices, comme dans l’église de Santo Tomas de Villanueva à Miag-ao (région d’Iloilo), o
des massifs clochers sont positionnés aux angles de la façade principale apportant un renforcement
supplémentaire216 (Fig. 112c).

214 Des bâtiments, en particuliers des églises, associés à ce style sont également présents dans des régions de l’Amérique
Latine (p.e. Guatemala) qui, comme les Philippines, ont été simultanément concernées à certaines époques historiques par
des phénomènes sismiques et une colonisation européenne s’inspirant du style baroque qui y était en vogue (Legarda, 1960).
215 Suite au séisme de M 7.7 (Source : USGS) qui frappa la région de Luzon en juillet 1990, bien qu’aucune évaluation
spécifique a été conduite, on constata que cette église ne présentait aucun dommage structurel évident (UNESCO, 1993).
216 Ce processus d’adaptation des modes de construction aux conditions et phénomènes locaux continua dans les siècles

226 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.112: Earthquake Baroque, Philippines : église de église San Agustin, a) façade trapue et b) renforts ponctuels latéraux; c)
église de Santo Tomas de Villanueva, clochers d’angle
(sources : a et b) architecturalmoleskine.blogspot.com ; c) skyscrapercity.com)

Les éléments de renforts caractérisant l’architecture vernaculaire sont, dans la plupart de cas,
le résultat d’interventions visant à remédier à des dégâts survenus suite à un séisme et, dans ce
sens, ils se réfèrent essentiellement à une culture de la réparation (cf. chap. 8). Cependant, le style
« baroque earthquake » pourrait être considéré comme correspondant à une « culture de la massivité
préventive », étant donné que les renforts sont en effet directement intégrés aux bâtiments depuis
leur conception.

Fig.113: Renforcements postérieurs à la construction


d’origine (Atrani, Italie) : a) contrefort ponctuel et
doublement de la façade avec (b) juxtaposition de
piliers à la structure préexistante encore visible

suivants, alimenté par la succession de phénomènes sismiques, portant à la substitution de la maçonnerie de pierre avec des
systèmes flexibles en bois, s’inspirant des modes de constructions vernaculaires couramment employés par les populations
indigènes (Bankoff, 2007, op. cit.).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 227


Les constructeurs ont dans certains cas adopté des dispositions techniques basées sur l’insertion
de matériaux différents de ceux employés pour la structure porteuse primaire. L’application de
ce principe dérive probablement de plusieurs facteurs217 et réponde à des fonctions multiples218.
Cependant en relation aux informations dont j’ai pu disposer, il est intéressant de noter comme il soit
identifiable uniquement dans l’architecture vernaculaire située dans des zones sismiques.
Selon les spécificités de la technique employée, deux typologies distinctes sont identifiables : des
éléments d’épaisseur variable insérés dans une structure en maçonnerie de pierres ou de briques
(« intégrées ») ; des éléments d’épaisseur relativement mince, noyés dans une structure massive et
homogène (« dans la masse »), souvent réalisée avec le matériau terre.

L’intégration d’éléments à une structure en maçonnerie correspond à plusieurs variantes, selon leur
disposition dans le mur et l’influence qu’ils peuvent exercer sur le comportement de l’ensemble
structurel. Ces éléments sont généralement en bois et la structure porteuse en maçonnerie en
pierre sèche, ou en pierres ou briques (crues et cuites) liées par un mortier219.
Dans certaines régions, ce principe est mis en place dans une maçonnerie réalisée toujours avec
le même type de matériaux, tandis que dans d’autres cas son application se base sur l’emploi de
matériaux différents220 ; ce qui rapporte à la question des ressources accessibles localement. En effet,
d’une part le développement d’un certain système peut avoir été la conséquence des matériaux
disponibles, les constructeurs ne disposant pas d’autres solutions pour renforcer un certain type
d’ouvrage ; d’autre part, la réalisation d’une même disposition avec des techniques différentes ainsi
que la sélection et association de matériaux particuliers, pourraient expressément constituer une
réponses à des problèmes spécifiques221.

Fig.114: Basilique de Agios Nikolaos (Thessaloniki, Grèce) : a) déambulatoire avec insertions adossé au corps principal en
maçonnerie simple, b) façade principale, c) détail des insertions horizontales en bois
(crédits a et b: Buchh ndler ; source c: a3-3gymthes.blogspot.com)

217 Certains types d’insertions ont aussi très probablement une fonction de facilitation de la mise en œuvre de la maçonnerie;
en particulier en considération du mortier habituellement employé (un mélange de terre et/ou chaux), dont le séchage s’effectue
par un processus relativement lent. Les éléments positionnés à des intervalles réguliers travaillent en tant que liaison structurelle
le long et à travers le mur (Hughes, 2000, op. cit.), évitant l affaissement des parties basses de l’ouvrage ; ce qui permet d’avancer
en hauteur sans attendre le durcissement du mortier, en accélérant ainsi le temps d’exécution (Sumanov, 2003).
218 Certaines insertions permettent de contrebalancer les effets découlant de tassements différentiels sur des sols instables;
les angles ou certaines parties du bâtiment peuvent ainsi se trouver en porte-à-faux sans que la capacité portante de
l’ensemble soit compromise (Hughes, 2000, op. cit.). Toutefois, ce principe a été appliqué également dans le cas de sols
stables, ce qui renforce l’hypothèse d’une utilisation corrélée à une amélioration du comportement structurel envers des
sollicitations de type sismique (Langenbach, 2009, op. cit.).
219 Le type de structure qui en découle a été défini par l’architecte Randolph Langenbach avec l’expression « timber-laced
masonry », qu’on pourrait traduire comme maçonnerie lacée en bois (Ibid.).
220 titre d’exemple : dans le Cachemire pakistanais la mise en place d’éléments horizontaux en bois (technique du bhatar)
est effectuée uniquement avec une maçonnerie de pierre (Ibid.), tandis qu’en Turquie le même principe (hatıl) est appliqué
avec une maçonnerie aussi bien de pierre que de briques en terre crue (source : analyses de terrain).
221 La basilique d’époque Byzantine d’Agios Nikolaos à Thessaloniki (Grèce) représente un cas intéressant. Le corps principal
est entouré sur trois côtés par un déambulatoire réalisé, dans une période successive, également en maçonnerie de pierre
mais avec l’ajout d’insertions horizontales en bois. La nouvelle structure, outre à fournir une réponse à des exigences
fonctionnelles, pourrait également constituer une amélioration de celle originaire avec un système ayant démontré son
potentiel parasismique. Des informations plus précises n’ont cependant pas été trouvées au cours de cette recherche.

228 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’intégration d’éléments en bois dans des ouvrages en maçonnerie est une pratique qui permet
de bénéficier de propriétés élastiques et de résistance à la traction de ce matériau (Hughes, 2000,
op. cit.). Ces insertions apportent ductilité à la maçonnerie améliorant, grâce notamment à la
complémentarité avec un mortier fragile222, la capacité de l’ensemble structurel à supporter des
sollicitations sismiques. Elles agissent comme un système de répartition des charges et de contrôle
de la propagation des fissures diagonales, en délimitant la zone endommagée, et fournissent
monolithisme au système porteur, en prévenant une désolidarisation du système porteur et
augmentant sa résistance à la flexion et au cisaillement (Aytun, 1981, op. cit.).
L’efficacité de ce système est toutefois étroitement corrélée à la dégradation du bois et à une perte
de cohérence des assemblages. Une désolidarisation des connexions entre poutres perpendiculaires
peut déterminer une fragilité aux angles du bâtiment, avec leur possible écartement. Pareillement,
une dissociation des liaisons entre éléments longitudinaux, effectuées pour assurer une continuité
linéaire, peut conduire à des fissurations et endommagements importants, notamment sous des
sollicitations en hors plan (Caimi, Hofmann, 2013).

En relation à la modalité d’intégration de ces insertions dans une structure en maçonnerie,


j’ai identifié deux principaux cas : l’un se rapportant à des éléments disposés uniquement de
manière horizontale («horizontales»), l’autre associant des éléments horizontaux et verticaux
(«horizontales et verticales»). Dans chacun de ces deux cas, la maçonnerie garde son rôle structurel
primaire ; toutefois, selon leur disposition, les caractéristiques et le rôle des insertions peuvent être
sensiblement différents.

La mise en place d’éléments en bois disposés de manière horizontale est parmi le type d’insertion
le plus répandu. Cette pratique est relevable dans nombreux pays allant du Bassin Méditerranéen
jusqu’à la chaîne Himalayenne (cf. carte des typologies) et, en particulier, elle caractérise les
bâtiments ordinaires et des édifices majeurs (p.e. temples, palais) des territoires ayant fait partie de
l’Empire Ottoman.

Selon l’endroit, cette disposition assume des caractéristiques spécifiquement locales, tant en
relation à sa dénomination223 qu’aux variations qu’elle présente dans les matériaux employés,
les modalités de mise en œuvre, le nombre et les caractéristiques des éléments ainsi que leur
espacement et système d’assemblage. Une première distinction peut être opérée en relation à leur
disposition dans le mur. Je considère ici trois typologies : les deux premières se caractérisent par une
orientation bidirectionnelle des éléments, tandis que la troisième typologie intègre une dimension
quasi tridimensionnelle. Dans le premier cas, les insertions sont relativement écartées, avec un
espacement pouvant aller de l’hauteur d’un étage à quelques dizaines de centimètre (« espacées »).
Dans le deuxième, elles sont disposées de manière très rapprochée, voire pratiquement superposée,
constituant une trame presque continue sur le plan horizontal et vertical. Dans le troisième cas, des
éléments horizontaux faisant le pourtour du bâtiment sont associés à d’autres, de longueur plus
réduite, situés en correspondance des angles et des jonctions entre murs perpendiculaires (« en
colonne »).

222 ith timber-laced masonry, it is important to understand that the mortar is not designed to hold the bricks together –
but rather to hold them apart. It is the timbers that tie them all together. he benefits of energy dissipation are gained from
the non-destructive friction and cracking that can take place in a masonry wall that is surrounded and thus confined by the
timber bands (Ibid., p. 43).
223 Il est intéressant de noter comme, souvent, l’appellation locale attribuée à un certain système constructif se révèle
indépendante des matériaux utilisés, faisant plutôt référence à un principe de construction (p.e. le terme cachemiri taq,
indiquant une construction modulaire) ou à l’utilisation d’un certain type d’insertions (p.e. le terme turque hatıl, indiquant
des bandes horizontales réalisées avec des matériaux différents de la masse murale).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 229


Insertions espacées
Cette typologie se rapporte à l’utilisation d’insertions simples, constituées d’un seul élément intégré
généralement au centre du mur, ainsi que d’insertions doubles ou même multiples, se caractérisant
par l’introduction de plusieurs éléments disposés sur les deux faces du mur ou le traversant
complètement. En relation aux exemples identifiés, les suivants paramètres varient : matériaux,
disposition et fonction.

• Insertions en tirant
Dans le cas d’insertions simples, des éléments en bois et en métal ont été souvent employés sous
forme de tirants noyés dans la masse du mur. Dans la ville de L’Aquila (Italie), frappée en avril 2009
par un séisme de M 6.3, les dommages subis par l’église de Santa Maria del Suffragio ont mis en
lumière des poutres en bois intégrées, à différents niveaux, dans la maçonnerie de la coupole, et
dont la dégradation a été probablement un des facteurs déterminant l’effondrement de certaines
parties de l’ouvrage (Figs. 115 a et b, Lagomarsino, 2012). Ces tirants assurent généralement la
connexion entre murs différents et ont probablement aussi la fonction de réduire les mécanismes
de torsion hors plan des parties centrales des façades, notamment en absence de murs de refend et
en présence d’ouvertures. Leur apport à la stabilité du bâtiment dérive également de la friction qui
se produit entre la maçonnerie et toute la longueur d’élément en bois (Ibid.).

Fig.115: Insertions en tirant en bois : église de Santa Maria del Suffragio après le séisme de 2009, L’Aquila (Italie) : a) vue
de la coupole (source: focus.de) et b) détail des insertions (source: Lagomarsino, 2012) ; c) tirants en bois dans
maçonnerie en pierre brute hourdée, Tunisie (source: Meda Corpus, )

Ce type de dispositif est présent dans les architectures de plusieurs pays224, utilisant parfois des barres
métalliques à la place des poutres en bois225. Bien que n’évitant pas complètement l’endommagement
de la structure, ces insertions peuvent avoir une influence décisive dans la limitation des dégâts,
empêchant parfois un effondrement généralisé. Suite au séisme qui frappa Haïti en janvier 2010,
des évaluations des dommages subis par les constructions de type gingerbread (cf. chap. 10.4.1) ont
permis de constater le rôle joué par ce dispositif226. Les bâtiments se caractérisant par une structure

224 titre d’exemple, l’utilisation de tirants intégrés à la maçonnerie a été relevée en Grèce (Touliatos, 2003), Tunisie
(Meda Corpus, 2011), Turquie (analyses de terrain 2012) ainsi que dans les architectures de plusieurs régions d’Italie comme
le Molise (Decanini, De Sortis, Goretti, et al., 2004, op. cit.), la Toscane (Pierotti, Ulivieri, 2001, op. cit.) et Les Abruzzes
(D’Ayala, Paganoni, 2011 ; Poursoulis, 2012).
225 Dans la région de L’Aquila (Italie), les tirants métalliques correspondent essentiellement à des interventions de réparation
ou de renforcement, tandis que les tirants en bois sont intégrés à la structure depuis sa construction (Lagomarsino, 2012, op.
cit.) ; l’emploi du bois étant historiquement plus ancien (Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005, op. cit.). L’utilisation de tirants
métalliques a été également observée pour les arcs des portiques internes du caravansérail Cinci Han de la ville de Safranbolu
(Turquie) en association à des doubles poutres en bois insérées dans la maçonnerie de pierre (Fig. 116a ; source : analyse de
terrain 2012).
226 hile the damage to some of the bearing-wall masonry buildings was severe, few of the houses built with masonry
actually collapsed . he more usual damage in load bearing masonry buildings tends to be at the top of the structure
where the accelerations are the greatest because of the resonance of the structure and where the overburden loads that
pre-compress the masonry, which gives it strength, are the least. In the Gingerbread Houses, the damage was most o en
concentrated in the ground oor, with far less damage in the upper story. A critically important protective feature of many
bearing-wall masonry Gingerbreads is the iron chains . As noted by several team members, the role of these lateral metal
ties in preventing even more severe damage is without question; the masonry buildings performed best when horizontal iron
tie rods were present at the tops of the exterior walls (Langenbach, Kelley, Sparks, et al., 2010, op. cit., p. 49-50).

230 Cultures constructives vernaculaires et résilience


en maçonnerie avec des tirants en fer ancrés par des plaques métalliques, au niveau des planchers
des étages et de la toiture, à l’extérieur des murs opposés. Lors du tremblement de terre, ce système
a, d’une part, limité la séparation des murs perpendiculaires évitant ainsi un écroulement complet et,
d’autre part, fourni une solidarisation entre les piliers qui, vidés de la maçonnerie, ont très violement
oscillés (Figs. 116 a et b, Langenbach, Kelley, Sparks, et al., 2010, op. cit.).

Fig.116: Insertions en tirant métalliques : maisons gingerbread, Port-au-Prince (Haïti, source: Langenbach, Kelley, Sparks,
et al., 2010), (a) plaques d’ancrage et (b) dégâts sans effondrement complet lors du séisme de 2010 ; c) association
entre tirants métalliques et insertions horizontales en bois dans le caravansérail Cinci Han, Safranbolu (Turquie)

• Insertions multiples et à échelle


Dans plusieurs pays, l’intégration d’éléments horizontaux s’effectue cependant avec un nombre
d’insertions plus élevé et/ou un espacement plus réduit, subdivisant la masse murale en sections
relativement disjointes. Dans la plupart des cas, cette répartition d’effectue sur la base d’un principe
similaire : des éléments en bois, disposés avec un espacement vertical régulier dans une maçonnerie
en pierre ou briques de terre crue. Les caractéristiques et le mode d’utilisation de ces insertions
varient toutefois considérablement.

titre d’exemple, dans plusieurs régions de Turquie227 leur utilisation se limite à certaines parties de
la construction (Figs. 117 a et b), comme les soubassements et les étages inférieurs (p.e. province
de Bursa) en association à d’autres techniques (p.e. ossature avec remplissage). Cependant, ce
principe a parfois été adopté pour réaliser l’ensemble du bâtiment, comme dans la ville d’Erzurum
o il constitue la seule typologie constructive présente dans l’architecture vernaculaire existante
aujourd’hui (Fig. 117c). En complément, des éléments horizontaux ont été parfois intégrés de manière
ponctuelle pour renforcer des zones de fragilité (p.e. en proximité d’angles et d’ouvertures) ainsi que
pour solidariser deux murs perpendiculaires (Fig. 118d). L’épaisseur et les caractéristiques de ces
éléments varient entre zones géographiques distinctes mais également entre localités relativement
proches. Dans la ville de Safranbolu, certains bâtiments historiques se caractérisent par l’utilisation
de lames en bois d’une épaisseur très fine (entre 2 et 5mm), qui se plient et s’adaptent aux éléments
en maçonnerie, tandis que dans d’autres cas les insertions ont été réalisées avec des planches de
l’épaisseur de quelques centimètres (entre 1 et 4cm) qui, en une seule ou plusieurs pièces, traversent
complètement l’épaisseur du mur (Figs. 118 a, b et c ; cf. annexe A.3 : fiche d’approfondissement).

Fig.117: Utilisation des insertions horizontales (Turquie) : (a) en soubassement (Narl ca) ; b) pour les étages inférieurs (S l z);
c) pour la totalité du bâtiment (Erzurum)

227 Ces informations dérivent d’analyses de terrain conduites au cours de cette recherche (août 2012) en différentes régions
de la Turquie le long de la faille Nord Anatolienne.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 231


Fig.118: Types d’insertions horizontales (Safranbolu, Turquie): a) en fines lames en bois, b) en planches traversantes, c) en
doubles poutres tout le long du mur ou (d) comme renforcement ponctuel

Comportement et reconnaissance
La majorité des cas identifiés se rapporte à un principe d’insertion correspondant à un système « à
échelle » : deux poutres à section carrée ou rectangulaire disposées sur les deux faces des murs en
maçonnerie et connectées par des pièces de taille réduite, positionnées transversalement à des
intervalles réguliers. Ces pièces sont généralement placées en dessus des éléments longitudinaux,
la connexion se faisant par des clous métalliques et/ou des assemblages à mi-bois228. Chaque
composant de ces « échelles » a une influence directe sur la stabilité de l’ensemble de la masse
murale, tant dans le plan qu’en hors plan : les pièces transversales fonctionnent comme des pierres
traversantes reliant les deux faces du mur et solidarisent les poutres longitudinales qui, à leur tour,
lient les murs perpendiculaires entre eux améliorant leur résistance au cisaillement et limitant un
écroulement complet229 (Bothara, Hi yilmaz, 2008). Ces insertions amortissent les sollicitations
verticales et horizontales et agissent en tant que chaînage contribuant à maintenir la configuration
du plan des murs, même si un certain degré de déplacement latéral devait se produire (Duggan,
1999). Le rôle parasismique des insertions horizontales « à échelle » a été officiellement reconnu et
intégré dans les codes de construction turques230 et indiens et, suite au séisme de 2006 au Pakistan,
il fut intégré parmi les systèmes constructifs officiellement admis pour la reconstruction par les
autorités locales (Schacher, 2008, op. cit.).

Fig.119: Insertions à échelle : a) connexions entre poutres et avec traverse (Cumal k z k, Turquie) ; b) connexion entre poutre
et traverse (Çaml yamaç K yü, Turquie) ; c) superposition aux angles du bâtiment (Narl ca, Turquie), d) aussi bien
vers l’intérieur que l’extérieur (Cachemire Pakistanais, fort de Besham, 1750 ap. J.-C., crédits d : T. Schacher)

228 Des cas avec des traverses encastrées dans le même plan que les poutres ont également été identifiés (cf. annexe A.3 :
fiche d’approfondissement « Koti banal - Kath-khuni »).
229 Suite au séisme de M 7.6, en 2005 au Pakistan, on constata une limitation du niveau d’endommagement dérivant d’un
système constructif local (appelé bhatar) intégrant à une maçonnerie de pierre des éléments horizontaux en bois selon le principe
« à échelle » : the wall is trying to delaminate, but the timber through-stones are holding the wall together. he Batars have
effectively stopped the proliferation of localised failure into a global collapse mode (Bothara, Hi yilmaz, 2008, op. cit., p. 225).
230 Malgré la reconnaissance de son rôle structurel, ce principe est souvent repris dans les constructions récentes
uniquement en termes esthétiques, en appliquant des profils en bois sur la face extérieurs de murs en maçonnerie. Les
insertions horizontales perdent ainsi leur caractère parasismique devenant une simple décoration (source : analyses de
terrain 2012). En outre, le système considéré dans ce code se réfère uniquement au cas d’insertions « à échelle ». Au cours de
cette recherche, aucune référence a pu être identifiée au regard du rôle structurel des autres types d’insertions (p.e. planches
et lames en bois), bien que leur utilisation ait été constatée dans plusieurs bâtiments faisant objet d’ouvrages spécifiques au
regard de l’architecture vernaculaire turque ainsi que, dans certains cas (p.e. ville de Safranbolu), classés comme patrimoine
historique (p.e. par l’UNESCO en tant que patrimoine mondial).

232 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.120: Insertions en échelle (Turquie) assurant la stabilité du mur (a) et des étages supérieurs (b) en cas de défaillance
localisée aux angles ou dans le plan du mur (c) ; d) le mur théodosien présente des traces d’insertions horizontales
selon le même principe mais avec triple poutre (Istanbul)

Insertions continues dans une structure en piliers


L’insertion d’éléments horizontaux ne s’effectue pas uniquement dans le cas de constructions
employant des murs en maçonnerie continus. Certaines architectures de la ville de Srinagar (Jammu
et Cachemire, Inde) se caractérisent par un système constructif modulaire, le taq, se composant de
piliers porteurs associés à des baies ou à des murs plus fins en remplissage (Figs. 121). Les éléments
porteurs et non porteurs sont connectés par des poutres horizontales en bois, encastrées dans la
maçonnerie au niveau des planchers et des linteaux, tout le long des faces extérieures et intérieures
des murs231. Ce système présente des caractéristiques presque contradictoires par rapport aux codes
actuels et aux pratiques communément acceptées pour la construction en zone sismique, telles
que l’absence de liaisons entre les murs de remplissage et les piliers ainsi que le faible lien entre les
rangées de maçonnerie (Langenbach, 1989 op. cit.). Toutefois, la capacité de ces structures s’est
révélée effective lors de plusieurs événements232. Suite à un séisme en 1967, les ingénieurs N. Gosain
et A. S. Arya considèrent la présence des insertions horizontales empêchant une désolidarisation des
piliers et apportant ductilité à une structure autrement très fragile233, de même qu’un amortissement
des sollicitations se produisant par la fissuration et le déplacement de la maçonnerie le long des
joints en mortier, parmi les facteurs déterminants ayant permis à des bâtiments de plusieurs étages
de demeurer relativement intacts (Langenbach, 1990 op. cit.).

Fig.121: Système taq, Srinagar (Inde, crédits: R. Langenbach) : a) modularité ; b) les poutres horizontales en bois solidarisent
le mur composé de matériaux disparates ; c) bâtiment ayant survécu au séisme de 1885, en dépit de l’important
tassement du sol la structure ne s’est pas effondrée ; d) construction partiellement endommagée, les insertions en
permettent un étayage ponctuel grâce à leur fonction de laçage de la maçonnerie

231 Dans la ville de Srinagar la maçonnerie est réalisée en briques cuites avec un mortier à base de terre et/ou de chaux.
Cette typologie constructive est présente également dans des zones rurales de certaines vallées d’Uri et de Baramullah (dans
la partie occidentale du Cachemire Indien) mais, dans ce cas, elle voit l’utilisation d’une maçonnerie de pierre pour les piliers,
et de briques en terre cuite pour le remplissage (Shah, Tayyibji, 2008).
232 Lors du séisme de 1885 qui frappa cette région, Arthur Neve qui fut témoin de l’événement nota : very many of the
houses are out of the perpendicular, and others, semiruinous. But the general construction in the city of Srinagar is suitable for
an earthquake country; wood is freely used, and well jointed; clay is employed instead of mortar, and gives a somewhat elastic
bonding to the bricks […]. If well built in this style the whole house, even if three or four stories high, sways together, whereas
more heavy rigid buildings would split and fall […] Prior to this earthquake, another British traveler to the ashmir, Frederick
Drew noted that these houses were locally recognized for their aseismic attributes, these mixed modes of construction are
said to be better as against earthquakes […] than more solid masonry, which would crack (Langenbach, 1990, op. cit., p. 3-4).
233 An increase in ductility augments the energy absorbing capacity of the structure, thereby increasing its chances of
survival during the course of an earthquake shock (Gosain et Arya dans Langenbach, 1990, op. cit., p. 4).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 233


• Insertions en rondins
L’utilisation d’éléments équerrés et/ou correspondant à une système « à échelle » est parmi les types
d’insertions les plus répandues ; toutefois d’autres modes de mise en œuvre ont été également
identifiés.
Les bâtiments composant la Casbah d’Alger se caractérisent par une subdivision de la maçonnerie
en briques avec l’intégration d’éléments permettant un vrai et propre roulement de parties de la
construction (Figs. 122 a, b et c, cf. fiche d’approfondissement). Cette disposition a été appliquée
à différents composants structurels par l’introduction de rondins dans les murs, s’entrecroisant en
correspondance aux angles234 (Abdessemed Foufa, Benouar, 2006), ainsi que dans des colonnes
et à la base des arcs les déconnectant de la partie murale en dessus (Foufa, 2007). Dans d’autres
zones urbaines et rurales d’Algérie, ce principe a été appliqué selon des modalités différentes. Dans
la région d’Arès, cette séparation est effectuée disposant, dans une maçonnerie en pierre et/ou
en briques, des rondins longitudinaux superposés à des branches orientées orthogonalement et
couvrant toute l’épaisseur de la masse murale (Fig. 122d, Meda Corpus, 2011, op. cit.).

Un principe similaire est présent en Syrie o des rondins sont posés longitudinalement dans
l’épaisseur du mur en maçonnerie en briques en terre crue et sont reliés entre eux par des traverses
à section ronde235 (Meda Corpus, 2011, op. cit.). Il est intéressant de noter sa diffusion dans la région
de la ville de Damas ainsi dans le nord dans les alentours d’Alep, zones situées en correspondance
des limites des plaques tectoniques Arabique, Africaine et Eurasienne.

Fig.122: Insertions en rondins (Algérie) : a) traversant l’épaisseur du mur ; b) à la base des arcs et (c) en tête de colonne ; d)
variante de la région d’Arès
(sources : a) Abdessemed Foufa, Benouar, 2008 ; b et c) Foufa, 2007 ; d) Meda Corpus, )

• Insertions avec matériaux hétéroclites


L’intégration d’éléments horizontaux ne s’effectue pas uniquement avec du bois. Une technique
apparue en époque Romaine (à partir du I° siècle) voit l’introduction de rangées de larges et plates
briques en terre cuite dans des ouvrages en maçonnerie de moellons (Fig. 123a). Cette disposition
renforce la cohésion de l’ensemble de l’ouvrage en y apportant une liaison transversale et limitant
la fissuration (Kizis, 1977, op. cit. ; Bothara, Brzev, 2011, op. cit.). Un exemple de cette technique
est présent dans certaines parties du mur Théodosien situé dans la partie la plus ancienne de la ville
d’Istanbul (Turquie). Pendant la restauration en époque récente d’une section de cet ouvrage, les
rangées de briques traversant originairement toute l’épaisseur de la muraille ont été reproduites avec

234 En relation au système d’assemblage aux angles, particulièrement efficace en absence de tout élément vertical, Carette
(1850) écrivit les anciennes maisons mauresques [présentent] une précaution excellente prise par les constructeurs pour
consolider les angles. Elle consiste à placer horizontalement, de 0 en 0 cm de hauteur, des pièces de bois d environ 02
mètres de longueur. Ces pièces, noyées dans la maçonnerie, se prolongeaient alternativement suivant chacun des deux murs
et venaient se croiser dans l angle. ai vu des maisons sapées à la base et à moitié démolies se soutenir encore grâce à cet
artifice de construction (Abdessemed Foufa, Benouar, 2006, op. cit. p. 58)
235 Une autre variante de ce principe était employée sur l’île de Crète, à l’age de Bronze : des branches étaient utilisées pour
constituer des grilles horizontales intégrées, à des intervalles réguliers, à une maçonnerie de moellons avec mortier en terre
(Tsakanika-Theohari, 2009).

234 Cultures constructives vernaculaires et résilience


un parement appliqué de manière superficielle en tant, donc, que simple élément décoratif. Lors du
séisme de Marmara d’août 1999, les portions du mur datant de plus de 1600 ans, o ces bandes sont
demeurées dans leur état original, ont subi un endommagement très limité ou quasiment nul tandis
que la partie reconstruite s’est effondrée (Langenbach, 2003, op. cit.).

D’autres types de matériaux ont également été employés. Un cas particulier est celui d’un exemple
situé dans la ville de Khiva en Ouzbékistan (frontière avec le Turkménistan), o un lit de roseaux
aplatis et tressés a été inséré dans la partie inférieure des murs en maçonnerie en briques de terre
crue, en les désolidarisant complètement des fondations236 (Fig. 123b). L’élément d’insertion a ici
probablement une fonction très différente des cas cités précédemment, en se rapportant plutôt à
un principe d’isolation sismique237 (cf. chap. 10.5).

Une technique similaire a été décrite par Hérodote au regard du mode de construction utilisé
par les Babyloniens, système qui est encore visible aujourd’hui dans certains vestiges tels que la
ziggourat de Dur-Kurigalzu (1400 av. J.-C.) dans l’Irak actuel. Des nattes en roseaux étaient disposées,
toutes les cinq rangées, dans une maçonnerie en briques de terre crue de manière à traverser
complètement l’épaisseur de l’ouvrage238, soit-il un simple mur ou des structures monumentales
de taille exceptionnelle (Fig. 123c). Ce système favorise une distribution homogène des charges
(Ruggieri, 2005, op. cit.) ainsi qu’une limitation des déplacements horizontaux et de la fissuration
verticale (Sauvage, 2011).

Fig.123: a) bandes en briques cuites entre rangées en maçonnerie de pierres (mur théodosien, Istanbul) ;
nattes en roseaux dans maçonnerie en briques de terre crue : b) Turkménistan (crédits: D. Gandreau) et (c) ziggourat
Dur-Kurigalzu en Irak (crédits: T. J. Tritten)

• Catégories supplémentaires
Le principe d’insérer des éléments horizontaux espacés dans une masse murale s’effectue de fait
selon multiples façons. Outre aux principales typologies jusqu’ici présentées (« en tirants », « à
échelle », « en rondins »), je considère également trois catégories supplémentaires, bien qu’en
relation à la documentation accédée leur présence et diffusion paraissent moins répandues. Elles
se réfèrent à des insertions de type traversant, qui occupent donc complètement l’épaisseur de
l’ouvrage en les subdivisant en portions physiquement déconnectées. Leur différenciation se
rapporte essentiellement aux caractéristiques des éléments intégrés : des planches ou éléments
rigides en une seule pièce ou assemblées (« en plaques ») ; des nattes ou panneaux superposés,
réalisés avec des matériaux tressés (« en couche ») ; des lames d’épaisseur particulièrement réduit
(« en feuilles »).

236 Source : David Gandreau, archéologue, laboratoire CRAterre-ENSAG (communication personnelle).


237 En outre, il se peut que le lit de roseaux assume également une fonction de barrière capillaire limitant les remontées
d’humidité dans le mur en maçonnerie de briques en terre crue (Sauvage, 2011).
238 Dans la ziggourat de Dur-Kurigalzu (actuelle Aqar Quf) la struttura dei mattoni di fango è interrotta ogni ricorsi da uno strato
di stuoie di canne di notevole profondità. L’intera struttura era inoltre legata assieme da cavi multipli di robuste canne intrecciate
che correvano direttamente da una facciata all’altra, alternativamente nelle due direzioni perpendicolari (Latina, Corrado, 1989.
erremoti e costruzioni. Progetto e tecnologia della resistenza sismica. Firenze : Alinea, 1989. cité par Ruggieri, 2005, op. cit., p. 141).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 235


Insertions rapprochées
Une variante du système à insertions horizontales en bois selon le principe de l’« échelle » voit la
disposition très rapprochée des ces éléments qui sont, dans certains cas, quasiment superposés.

Dans certaines vallées du Nord de l’Inde (Etats de l’Uttarkhand et de l’Himachal Pradesh),


l’architecture vernaculaire se caractérise par des constructions réalisées avec un système de doubles
poutres parallèles en bois, disposées horizontalement et alternées à une maçonnerie en pierres
plates, maçonnées à sec ou avec un mortier de terre239 (cf. annexe A.3 : fiche d’approfondissement).
Dans la partie inférieure des murs, les poutres reposent directement les unes sur les autres,
tandis que dans la partie supérieure, elles sont intercalées à des rangées de maçonnerie. Sous des
sollicitations sismiques, les doubles poutres horizontales, connectées entre elles, agissent comme
un cadre à comportement homogène contreventé par la maçonnerie, fournissant une rigidité à
l’ensemble et une capacité à résister aux déformations identiques dans les deux directions ; principe
valable spécialement dans les parties inférieures des murs o ces poutres constituent un système
tridimensionnel et les pierres ne portent aucune charge (Rautela, Joshi, 2008b). Lors de l’érection
du bâtiment, la partie en bois est réalisée en premier et ensuite remplie avec la maçonnerie, ce qui
permet une pré-compression de l’ensemble structurel240 (Rautela, Joshi, 2008a).

Les constructions basées sur ce système montrent une grande ductilité, ce qui permet d’absorber
une importante quantité d’énergie avant leur effondrement ; si poussés à la limite de leur capacité,
les murs et les planchers tendent à céder graduellement tout en continuant à porter des charges
élevées (Rautela, Joshi, 2008b, op. cit.).

Fig.124: Construction kath-khuni / koti banal (Inde) : a) principe structurel (source : Rautela, Joshi, Singh, et al., 2008) ; b)
superposition aux angles ; c) traverse de connexion entre les poutres (crédits b et c: J. Thakkar)

Fig.125: Variantes de construction kath-khuni / koti banal : a) avec clés verticales de stabilisation (source : hrishichandanpurkar.
blogspot.ch) ; avec dernier étage en porte-à-faux en b) ossature bois (source: Rautela, Joshi, Singh, et al., 2008) et
(c) en maçonnerie avec insertions (crédits: T. Schacher)

239 Les appellations du système employées varient à échelle régionale : koti banal (Rautela, Joshi, 2008a, op. cit.), kath
khuni (Thakkar, 2008), chaukhat (Agra al, Shah, 2001) ou sumer (Saklani, Nautiyal, Nautiyal, 1999). Toutefois, bien
qu’en intégrant des variantes typologiques locales, les architectures réalisées avec ce système constructif présentent des
caractéristiques très similaires.
240 Ce principe est accentué par la mise en œuvre des pierres avec des côtés légèrement inclinées vers l’intérieur : chaque
mouvement du sol serre l’ensemble encore plus étroitement (Thakkar, Morrison, 2008).

236 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Insertions en colonnes
Cette troisième typologie se caractérise par des éléments en bois intégrés horizontalement aux
murs selon deux principes, desquels dérive le terme de cator and cribbage couramment utilisé pour
indiquer cette technique (cf. annexe A.3 : fiche d’approfondissement).

Des poutres horizontales en bois (cators), positionnées sur les deux côtés des murs et assemblées
aux angles, relient l’ensemble du bâtiment et connectent entre elles des colonnes creuses
constituées par l’empilement (cribbage) de courts éléments en bois, superposés à deux à deux
et orientés en direction opposée, en correspondance des angles du bâtiment et des intersections
entre murs orthogonaux (Fig. 126a, Kontogiannis, 2010). Cette structure forme une sorte de cage
dont la section est remplie avec un maçonnerie de pierre, donnant lieu à un système mixte o les
charges verticales sont transférées au sol simultanément par la maçonnerie et par la structure en
bois (Hughes, 2000, op. cit.). Chaque composant joue un rôle particulier dans la réponse à des
sollicitations horizontales, en tirant profit des propriétés complémentaires des matériaux utilisés
(Fig. 126b). La structure en bois agit comme un chaînage tridimensionnel, fournissant ductilité et
un confinement du remplissage, qui est ainsi capable de supporter des importantes sollicitations
en hors plan (Hughes, 2007). Ce confinement est souvent renforcé dans les parties inférieures du
bâtiment, améliorant la capacité des colonnes envers des efforts pouvant provoquer une importante
déformation au cisaillement241 (Fig. 126c). Le remplissage est mis en place après la construction de la
structure en bois et il ne porte initialement aucune charge verticale. Avec le temps, les éléments en
bois se déforment sous les charges permanentes déterminant une pré-compression du remplissage.
Ce mécanisme résulte être le principal responsable de la stabilité des panneaux de remplissage
envers des déplacements en hors plan242, auquel s’associe la dissipation de l’énergie par la friction
interne à la maçonnerie et entre celle-ci et la structure en bois (Kontogiannis, 2010, op. cit.).

Ce type d’insertion correspond à une pratique constructive diffuse dans les régions de l’Himalaya : sa
présence a été constatée au Pakistan, dans le nord de l’Inde, au Népal et au Tibet (Ferrigni, 2005c,
op. cit.). Elle a été employée aussi bien pour des habitations que pour des constructions à caractère
défensif, datant de plusieurs centaines d’années comme le Baltit Fort (nord du Pakistan, XV° siècle)
et le Shigar Fort (Baltistan, XVII° siècle), voire des milliers d’années comme la tour Altit, dans la vallée
pakistanaise d’Hunza (Hughes, 2000, op. cit.). Une technique similaire a également été identifiée
en Syrie, dans la région de Damas, en association à une maçonnerie en briques de terre crue. Des
rondins en bois sont intégrés horizontalement aux murs et, en correspondance des angles des
bâtiments, un renforcement est réalisé par l’augmentation de leur fréquence et une superposition
orthogonale (Meda Corpus, 2011, op. cit.).

Fig.126: Construction cator and cribbage (Pakistan) : a) fort Baltit (crédits: T. Schacher) ; b) fort Shigar avec socle en insertions
espacées (source: ismaili.net) ; c) fort Altit, tour Shikari datant d’environ 1100 ans présentant un socle avec
renforcement du confinement par rapprochement des insertions (crédits: Plhiggs - Wikimedia Commons)

241 Il est intéressant de noter comme ce principe de renforcement du confinement à la base des colonnes est présent
également dans l’Eurocode 8 pour la construction en béton armé (Kontogiannis, 2010, op. cit.).
242 Les façades du Baltit fort (vallée de Hunza, Pakistan) présentaient, avant leur restauration, un déplacement du mur de 1.5m en
hors plan; les insertions horizontales en bois ont de fait permis d’éviter l’écroulement du bâtiment entier (Hughes, 2007, op. cit.).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 237


Les constructions correspondantes à cette typologie se rapportent à la mise en place, selon une
trame régulière, de montants verticaux disposés sur les deux faces de la maçonnerie, aux angles
du bâtiment ainsi que tout le long des murs. Ces éléments sont parfois connectés par des poutres
longitudinales au niveau des planchers ou de la toiture et, plus rarement, au niveau de leur base. Bien
que dans certains cas ils présentent une épaisseur relativement importante (Tsakanika-Theohari,
2009, op. cit.), ces montants ne constituent généralement pas la structure porteuse primaire, mais
plutôt un système complémentaire de laçage et confinement de la maçonnerie243.

Cette typologie correspond à une hybridation, tant au niveau constructif que structurel, entre
le système à ossature et à maçonnerie. Selon les modalités et les caractéristiques des éléments
intégrés, les insertions peuvent assumer une configuration à « portique » ou constituer un ensemble
continu tridimensionnel associable à une morphologie en « gabion », selon un principe pouvant
être considéré proche à la maçonnerie chaînée244. La partie murale assume en effet tant le rôle
de porteur des charges verticales et que de contreventement de la structure en bois, tandis que
cette dernière assure le confinement et la stabilisation de la maçonnerie245 ainsi que, en cas de son
effondrement, la stabilité des parties supérieures du bâtiment (Touliatos, 2003, op. cit.).

Fig.127: Insertions horizontales et verticale (Turquie) : a et b) en portique ; c et d) en gabion

Un des exemples les plus anciens se situe en Grèce avec un système utilisé pendant l’époque
minoenne (Age de Bronze, période néo-palatiale), dont les traces sont visibles dans l’Akrotiri à Thera
(Santorin, 1500 av. J.-C.) ainsi que dans le palais de Cnossos et une villa d’Aghia Triada à Crète. Ces
édifices montrent la mise en place d’un renforcement de la maçonnerie en pierre par un système
« à portique » encastré dans le mur et assemblé de manière à résister à des fortes sollicitations en
traction. Il se compose de montants en bois disposés verticalement, par pairs d’une part et l’autre
du mur et connectés par une double lisse haute ainsi que par des éléments intermédiaires au niveau
des linteaux (Fig. 128, Touliatos, 1996 ; Tsakanika-Theohari, 2009, op. cit.).

243 Bien que cette typologie soit présente en différents pays, aussi bien dans des vestiges archéologiques particulièrement
anciennes (Crète, age de Bronze) que dans des architectures encore habitées aujourd’hui, très peu d’informations ont été
trouvées à son égard. D’autres auteurs ont également constaté comme elle n’a visiblement pas été étudiée de manière
systématique (Ibid.).
244 La maçonnerie confinée est une technique de construction adoptée en nombreuses régions sismiques. Sa mise en œuvre
s’effectue en réalisant, d’abord, les panneaux maçonnés et, dans un deuxième temps, les colonnes et poutres en béton armé.
La maçonnerie constitue la structure porteuse primaire et supporte les sollicitations sismiques, tandis que les éléments de
confinement (colonnes et poutres) assurent son maintien en évitant sa complète désagrégation (Brzev, 2007 ; Schacher,
2009, op. cit.).
245 Des recherches conduites au Portugal ont montré l’efficacité d’un système en cadre en bois pour le renforcement
du bâti historique en maçonnerie (Ar de, Mendes, Silva, et al., 2008). Le système étudié se constitue d’une structure
tridimensionnelle composée de montants verticaux et horizontaux connectés entourant le mur en maçonnerie. La capacité
de dissipation de l’énergie propre à une maçonnerie en pierre avec un mortier fragile est considérablement amplifiée lors que
la désagrégation de la maçonnerie est évitée, grâce à l’introduction du confinement en bois qui accroît, en outre, la capacité
de déformation latérale. Bien que le système considéré dans ces recherches concerne un cadre appliqué à l’extérieur du mur,
des analogies avec les systèmes présents dans l’architecture vernaculaire pourraient subsister (mais elles restent à vérifier).
Le système s’étant montré le plus efficace se compose d’éléments disposés orthogonalement ; ce qui est le cas de certains
systèmes identifiés (p.e. en Grèce).

238 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.128: a) structure en gabion, Akrotiri, Santorin (Grèce, source: Touliatos, 1996) ;
structure en portique, villa Aghia Triada (Crète, époque minoenne, source: Tsakanika-Theohari, 2009) : b) schéma de
la structure en bois, c) traces dans la structure en maçonnerie

En raison de leur localisation (angles du bâtiment, ouvertures, etc.), de la régularité de leur trame ainsi
que leurs dimensions, les montants verticaux constituent souvent une structure complémentaire
capable de porter, au moins temporairement, la charge de la toiture ou des étages supérieurs, en
cas de défaillance du mur en maçonnerie. La mise en place d’insertions horizontales ne se révèle pas
systématique et, quand elle a lieu, peut s’effectuer de différentes manières.

Dans certaines régions de Turquie, ce principe a été appliqué avec une épaisseur variable des éléments
horizontaux. Dans la région de Safranbolu, ils se constituent de minces planches déconnectées des
montants verticaux. En revanche dans la ville de Bursa et les villages de Cumal k z k, Narl ca et S l z,
les épaisseurs sont quasiment équivalents et les éléments horizontaux sont connectés entre eux par
des pièces transversales en bois et aux montants verticaux par des clous métalliques.

Fig.129: Variantes (Turquie) : a) insertion ponctuelle (Safranbolu) ; b) insertions horizontales fines et déconnectées de celles
verticales (Çerçen) ; c) insertions avec épaisseur équivalent (Bursa) ; d) insertions diagonales (Narl ca)

Ce type d’insertion est souvent employé en association à d’autres techniques (ossature bois et/ou
maçonnerie avec insertions horizontales) et/ou uniquement pour certaines parties du bâtiment (p.e.
pour les étages inférieurs associés à une ossature pour les niveaux supérieurs ou pour les portions
de mur en dessus de parties en saillie). Il est également utilisé dans une logique d’allègement
progressif du mur, comme dans certaines constructions de la province de Bursa se composant
d’un soubassement en maçonnerie de pierre avec insertions horizontales, surmonté d’un niveau
en maçonnerie de briques en terre crue avec insertions horizontales et verticales, auquel sont
superposés plusieurs étages en ossature bois avec remplissage en briques de terre crue246.

Fig.130: Turquie : a) insertions verticales en portique et horizontales à échelle (Tav anc l); b) en cas d’écroulement partiel ou
total de la maçonnerie les insertions verticales peuvent reprendre les charges des étages (Tav anc l) ; c) utilisation
ponctuelle en dessous des parties en saillies (Safranbolu) ; d) allégement structurel en vertical (Narl ca)
246 Source : analyses de terrain, 2012.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 239


Cette typologie se rapporte à des constructions basées sur des techniques, souvent associables à
l’utilisation du matériau terre, donnant lieu à des murs porteurs qui assument le caractère d’une
masse homogène. Certaines de ces architectures vernaculaires présentent un type particulier
d’insertion composé d’éléments noyés à l’intérieur de la masse murale et généralement réalisés avec
des matériaux végétaux (p.e. bambou, roseaux, etc.). Deux principales typologies sont identifiables:
des éléments disposés horizontalement à des intervalles réguliers (« linéaires ») ou positionnés de
manière verticale constituant une grille placée au centre du mur (« en treillis »).

Les provinces chinoises du Fujian, Jiangxi et Guangdong se caractérisent par la présence de


constructions très anciennes (origine estimée entre le XI° et le XIII° siècle), connues sous le nom de
« tulou ». Elles se basent sur un plan circulaire, carré, rectangulaire et parfois triangulaire, délimité
par un épais mur en terre damée (technique du pisé) dont l’hauteur peut atteindre plusieurs dizaines
de mètres (Hanmin, 1991). Le mur en pisé se constitue de blocs d’une hauteur d’environ 40cm,
composés de quatre ou cinq couches de terre damée ; des minces rondins en bois et des lattes
de bambou à section rectangulaire sont intégrés horizontalement à l’épaisseur du mur, selon deux
modalités247 : des éléments continus connectés entre eux et mis en place à chaque banchées ; des
éléments intégrés tous les 10-13cm dans le plan vertical et distancés d’environ 20cm sur le plan
horizontal248 (Hanmin, 2010). Ces insertions agissent comme des vraies et propres barres d’armature,
selon le même principe que celles couramment utilisées pour la construction en béton armé. Elles
présentent en effet une bonne résistance en traction, améliorant le comportement du mur lors de
sollicitations horizontales en compensant la faible résistance à la traction propre au matériau terre249
(Liang, Stanisla ski, Hota, 2011). Leur utilisation permet en outre de réduire considérablement les
déformations horizontales induites par des sollicitations sismiques (Stanisla ski, 2011) ainsi que la
fissuration de la masse du mur (Zhang, Luo, Liao, 2011) et, lors qu’ils se croisent et sont reliés entre
eux, d’assurer une solidarisation des angles250 (Liu, Miao, Ye, et al., 2006).

Fig.131: Chine, tulou : a) vue (source: Hanmin, 2010); b) insertions visibles suite à l’érosion du mur (source: Liang, Hota,
2009) ; c) insertions en bambou (crédits: M. Chamodot - B. Cloquet)

247 Certains bâtiments présentent, visibles en façade, des éléments en bois intégrés horizontalement aux murs en pisé et
courrant de façon continue tout le long du bâtiment. Ces insertions se présentent avec un espacement variable : dans le
village de Tanjiao (région de Nanjing) elles sont situées en correspondance des planchers des étages, tandis que dans la ville
de Longyan, notamment dans le bâtiment dénommé Schanchenglou, ces éléments sont disposés avec une fréquence plus
élevée correspondant à plusieurs éléments horizontaux sur l’hauteur d’un étage (Hanmin, 1991, op. cit.).
248 Ce type d’insertions est également utilisé en forme de L et disposés à une distance de trois banchées, pour renforcer les
angles des bâtiments à plan carré ou rectangulaire (Ibid.).
249 Le principe caractérisant ces constructions pourrait être rapporté à celui de la terre armé, technique utilisée pour la
réalisation d’ouvrages routiers et se basant sur l’association entre le matériau terre et des armatures linéaires, capables de
supporter des importants efforts en traction et apportant de la cohésion au matériau (Schlosser, 1969). C est le frottement
entre la terre et les armatures qui intervient en tant que phénomène essentiel dans la terre armée : la terre transmet aux
armatures par frottement les efforts qui se développent dans la masse, les armatures se mettent alors en traction et tout
se passe comme si la terre possédait, dans les directions o sont placées les armatures, une cohésion dont la valeur est
directement proportionnelle à la résistance à la traction des armatures (Schlosser, 1973, p. 80).
250 La capacité de ces structures à faire face à des sollicitations latérales est néanmoins le résultat de multiples facteurs, tels
que la masse et le volume des murs en pisé qui garantissent une stabilité envers des sollicitations hors plan et qui permettent
une certaine dissipation de l’énergie, le fruit des murs et la structure intérieure en bois des étages qui apportent une certaine
rigidité à l’ensemble, en contrebalançant l’élevée ductilité du matériau terre (Hanmin, 2010, op. cit. ; Stanisla ski, 2011, op. cit.).

240 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.132: Insertions en bois (source: Hanmin, 2010) : a et b) insertions espacées (Nanjing) ; c) insertions internes rapprochées
visibles suite à l’érosion du mur ; d) insertions multiples avec (e) renforcement aux angles (bâtiment Schanchenglou)

Le principe d’une armature interne aux murs voit parfois l’utilisation d’éléments disposés
verticalement ou constituant une sorte de grillage noyé dans la masse (« en treillis »).
Dans le site de Joya de Céren (Salvador), des fouilles archéologiques ont mis au jour les vestiges de
plusieurs constructions préhistoriques (environ 600 av. J.-C.) qui se composent de colonnes en terre
massive et des murs réalisés avec un système nommé, dans la littérature, « bajareque » (McKee,
1999 ; Bro n, Sheets, 2000), et qui paraît similaire à la typologie en ossature avec remplissage
en vrac sur support (cf. chap. 10.4.1). Le principe adopté pour les constructions de Joya de Ceren
présente toutefois certaines différences par rapport au système trouvable encore aujourd’hui dans
l’architecture vernaculaire de plusieurs pays d’Amérique Centrale. Les colonnes situées aux angles
des bâtiments sont structurellement déconnectées des murs réalisés selon le principe de garnissage
d’un support. Toutefois la masse en terre paraît plus épaisse et les éléments intégrés espacés et
souples. Ce sont de fait des murs autoporteurs armés par des insertions constituant une grille,
parfois double, noyée dans la masse du mur (Sheets, 2002).
Estimé sur la base de la forte sismicité du site archéologique (Bro n, Sheets, 2000, op. cit.), le
caractère sismo-résistant à la base de cette technique a été une source d’inspiration pour la
proposition d’une nouvelle technique constructive, le « bahareque céren » qui se réfère à un système
proche d’une typologie « confinée » : le matériau terre assume un rôle porteur et il est confiné par
une double grille, réalisée avec des éléments souples (p.e. cannes), retenant la masse murale et
conférant une certaine cohérence à la structure251 (Carazas Aedo, Rivero Olmos, 2003).

Fig.133: Joya de Céren, site archéologique : a) vestige d’une habitation (source: UNESCO) ; b) détail du principe constructif
(source: arqueoruta.blogspot.com) ; c) construction en bahareque céren réalisée suite au séisme de 2001 au
Salvador (crédits: W. Carazas-Aedo)

251 Après le séisme qui eu lieu en 2001 au Salvador, des prototypes de ce système constructif ont été réalisés dans le cadre
d’un programme de reconstruction d’habitat conduit par les organisation FUNDASAL et Misereor (FUNDASAL, 2001).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 241


Carte mondiale des aléas naturels ©MunichRe 2009

systèmes porteurs ponctuels


systèmes porteurs continus
Légende

242 Fig.134: Localisation des cas identifiés selon système porteur Cultures constructives vernaculaires et résilience
En conclusion de cet approfondissement relatif aux principaux systèmes constructifs caractérisant
l’architecture vernaculaire en zone sismique, certaines observations peuvent être effectuées à
partir de l’ensemble des cas identifiés. Pour ce faire je me base sur un croisement entre des cartes
permettant une visualisation graphique de la distribution géographique des catégories typologiques
considérées. Ces supports ont été élaborés à partir d’une carte mondiale des aléas naturels indiquant
les zones sismiques, sur la base d’une évaluation probabiliste de l’intensité maximale (échelle Mercalli
Modifiée) pour une période de retour de 475 ans (Lestuzzi, 2008). Elle intègre également les zones
exposées à des phénomènes cycloniques ainsi que leurs principales trajectoires ; ce qui permet
d’élargir les considérations faites au potentiel caractère parasinistre, outre que parasismique, des
cas considérés252. Deux types de carte ont été élaborés253 : l’un, ci-contre, présente la localisation des
deux systèmes porteurs analysés ; l’autre est spécifique à chaque système et situe les cas identifiés
en les distinguant en relation aux typologies qui leur sont associées (Figs. 45 et 46). Les observations
relatives à ces cartes sont en outre supportées par une liste d’exemples classés par typologie (cf.
annexe A.3.4 : liste récapitulative) ainsi que par un tableau considérant leurs caractéristiques et
matériaux (cf. annexe A.3.5 : tableau récapitulatif). Étant donné que ces considérations se fondent
essentiellement sur les exemples repérés au cours de cette recherche, elles n’ont pas la prétention
d’exhaustivité ni d’établir des conclusions généralisables. Du travail et des observations conduites, il
me paraît néanmoins intéressant d’en dégager quelques questionnements et constatations, pouvant
constituer un point de départ pour des investigations ultérieures.

Tout d’abord, en relation à la distribution des deux systèmes porteurs (Fig. 44), on peut constater
comme ils sont tous les deux présents de manière relativement homogène en différentes zones
géographiques. Cependant, dans les régions affectées par des phénomènes de type cyclonique
(p.e. Amérique Centrale, Japon) les exemples identifiés se caractérisent majoritairement par des
systèmes de type ponctuel. Cette typologie structurelle est, en outre, largement répandue dans les
zones présentant une sismicité particulièrement élevée, telles que certaines régions situées le long
de la chaîne Himalayenne, autour du bassin méditerranéen ainsi que le long des côtes orientales
et occidentales de l’Océan Pacifique ; de fait en correspondance des celles considérées comme les
majeures zones sismiques à échelle mondiale : la ceinture du feu et la ceinture Alpino-Himalayenne254.
En correspondance de cette dernière zone, la présence de systèmes porteurs ponctuels est, dans
plusieurs cas (p.e. Bulgarie, Grèce, Turquie), concomitante avec celle de système porteurs continus.
Des structures à ossature sont en effet souvent associées à une maçonnerie porteuse, caractérisant
les étages inférieurs et/ou certains types de bâtiments (p.e. à caractère religieux ou communautaire).

La comparaison détaillée entre la localisation géographique et les spécificités des systèmes présents
dans l’architecture vernaculaire de différentes régions soulève plusieurs questionnements au regard
des facteurs à l’origine de certaines coïncidences relatives à la distribution spatiale et aux similitudes
de certains exemples. Parfois, des constats au regard de caractéristiques similaires des phénomènes
sismiques (fréquence, intensité) pourraient être dressés, néanmoins l’influence des spécificités
climatiques et géomorphologiques, se rapportant également aux ressources naturelles disponibles,
ainsi que les échanges culturels émergent comme des aspects potentiellement décisifs.

252 Le choix de prendre en compte, au niveau cartographique, également des aléas de type cyclonique se rapporte à leur
présence et récurrence historique qui sont déterminées par des facteurs d’ordre géographique et atmosphérique. Elles sont
donc relativement non influençables par l’action humaine et, à ce titre, comparables aux phénomènes sismiques (bien que
ces deux types de phénomènes présentent des différences substantielles dont, en outre, la prévisibilité de leur impact).
253 Les cas identifiés sont indiqués avec des points-repères qui correspondent à leur localisation exacte. Toutefois, lorsqu’un
ou plusieurs systèmes et/ou typologies sont présents de manière diffuse dans un pays, un seul repère par type structurel ou
catégorie typologique a été utilisé pour des questions de lisibilité des cartes ; cela concerne en particulier les suivants pays :
Bangladesh, Bulgarie, Grèce, Haïti, Italie, Macédoine, Portugal, République Dominicaine, Turquie.
254 La zone dénommée ceinture du feu couvre les régions autour de l’Océan Pacifique o se produisent environ le 90% des
séismes à échelle mondiale ; elle comprend les côtes occidentales de l’Amérique méridionale, centrale et septentrionale, le
Japon, les Philippines, l’Indonésie et la Nouvelle Guinée, les îles du Pacifique sud occidental jusqu’à la Nouvelle Zélande. Avec
environ 5-6% des séismes, la ceinture Alpino-Himalayenne constitue la deuxième région plus sismique au monde, s’étendant
du nord de l’Inde jusqu’au bassin méditerranéen, en passant par l’Iran et la Turquie (Source : USGS).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 243


244
Fig.135: Système porteur ponctuel : localisation par typologie
Carte mondiale des aléas naturels ©MunichRe 2009

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Légende

vidé enveloppé avec remplissage en éléments

avec parement en maçonnerie


en vrac
avec support
confiné
• Les systèmes porteurs ponctuels caractérisent l’architecture vernaculaire de plusieurs régions
associant phénomènes sismiques et cycloniques. Parmi ces cas, un nombre considérablement
réduit présente un remplissage en maçonnerie. Cela est peut-être dû à un comportement plutôt
rigide de ce type de remplissage qui peut être affecté par une fissuration importante dérivante
des mouvements de la structure porteuse sous les poussées latérales, tant des vents que des
séismes, avec un conséquent risque d’éclatement accru par une éventuelle désolidarisation entre
le panneau de remplissage et la structure. Les typologies les plus répandues correspondent à des
systèmes de clôture relativement légers et, en particulier dans les zones à sismicité élevée (p.e.
Amérique Centrale, Japon), à un remplissage en vrac qui n’entrave pas des éventuels mouvements
de la structure et dont l’endommagement ne constitue pas une menace importante pour la
préservation de la structure et la sécurité de ses occupants.
• La typologie constructive correspondant à un système porteur vide enveloppé caractérise
deux situations distinctes. L’utilisation d’une maçonnerie de pierre est identifiable dans les
zones à sismicité modérée mais récurrente. L’enveloppe se constitue d’une structure porteuse
complémentaire reprenant, en situation normale, les charges des étages et/ou de toiture mais
admettant un effondrement sous des sollicitations sismiques (p.e. île de Lefkada en Grèce,
Etat du Maharastra en Inde, Turquie). D’autre part, l’utilisation du matériau terre sous forme
de maçonnerie de briques ou de blocs a été identifiée dans des zones o les séismes ont une
récurrence moins fréquente (égale ou supérieure à 30 ans), en relation à des cas o l’enveloppe
se constitue d’une structure autoportante autonome (p.e. République Démocratique du Congo).
• L’application d’un principe de parement caractérise essentiellement les zones à sismicité élevée,
avec donc des tremblements de terre fréquents et violents (p.e. Colombie, Indonésie, Turquie)
ainsi que certaines régions (p.e. Bangladesh, Haïti, Philippines) exposées à des phénomènes
cycloniques récurrents. En relation à ces derniers cas, on peut constater comme l’utilisation de
matériaux souples (lattes en bois ou bambou, panneaux en canisse ou roseaux) soit privilégiée.
La relative légèreté et flexibilité de ces systèmes de clôture peut contribuer, notamment si en
planches en bois, à assurer une certaine cohérence structurelle sous des sollicitations sismiques.
Toutefois, un parement avec des éléments relativement rigides offre une certaine résistance aux
poussées du vent, s’exposant à un arrachement par la pression différentielle s’exerçant sur les
parois et pouvant engendrer le détachement de certaines parties, structurelles ou de clôture. En
revanche, la perméabilité de système en panneaux en lattes et/ou tressés réduit les risques d’une
rupture brutale sous les charges aérodynamiques et, en cas d’endommagement, ces éléments
sont généralement plus économiques et plus rapides à remettre en place.
• Les observations relatives aux constructions correspondantes à la typologie avec remplissage en
éléments rejoignent celles effectuées précédemment pour le parement. Les cas s’y rapportant
se situent en effet essentiellement dans des zones à sismicité élevée et l’utilisation d’éléments
relativement rigides, tels que planches et rondins, principalement dans des zones non
cycloniques. En effet, si en relation à des sollicitations sismiques l’encastrement de ces éléments
dans la structure peut contribuer à en assurer une certaine cohérence (le remplissage agissant
comme un contreventement), sous l’impact de vents violents la relative rigidité de ce type de
remplissage risque d’entraîner l’éclatement des éléments.
• La construction en rondins (typologie « remplissage en éléments ») est présente essentiellement
dans des régions des zones tempérées à sismicité élevée (p.e. Sibérie et Russie nord orientale).
• Les systèmes porteurs avec remplissage en maçonnerie sont présents dans les zones à
sismicité de modérée (p.e. Balkans, Italie centrale, Portugal) à élevée (p.e. Amérique centrale,
Pérou, Turquie). Cette typologie est largement répandue dans les régions entourant les rives
septentrionales du bassin méditerranéen, o les matériaux et les modalités de mise en œuvre
utilisés sont, en outre, très similaires.
• Les systèmes avec remplissage en vrac sont parmi ceux les plus répandus avec une distinction
entre remplissage avec support présent dans un large nombre de pays en différentes zones du
monde, et remplissage confiné présent principalement dans des régions à climat doux et, en
particulier, en Amérique centrale.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 245


246
Fig.136: Système porteur continu : localisation par typologie
Carte mondiale des aléas naturels ©MunichRe 2009

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Légende

homogène avec dispositif interne avec insertions intégrées


horizontales
avec renfort
horizontales et verticales
dans la masse
• Les cas relatifs à la typologie de système porteur avec dispositif interne se rapportent à des exemples
d’architecture historiquement très anciens et géographiquement dispersés (p.e. Cambodge,
Egypte, Pérou). D’une part, ce dernier aspect supporte l’hypothèse d’un développement de
ces solutions de manière indépendante, donc non déterminé par des facteurs rapportables à
des échanges culturels entre les constructeurs de ces régions. D’autre part, la nécessité d’une
spécialisation particulière tant pour la conception que pour la réalisation a été probablement à la
base d’une application de ce principe circonscrite essentiellement à des bâtiments majeurs ainsi
que d’une diffusion géographique et d’une persistance historique limitées.

• En relation aux systèmes porteurs continus avec renforts, tant ponctuels que continus, il
est intéressant de noter comme les cas identifiés se situent majoritairement dans les pays à
sismicité modérée et fréquence de faible à modérée (conditions donc favorables à l’émergence
d’une culture de la réparation), entourant le bassin méditerranéen (p.e. Maroc, Italie centrale,
Portugal). En effet, les exemples répertoriés dans d’autres régions (Philippines et Guatemala)
relèvent essentiellement d’exemples pouvant être rapportés à des pratiques importées au cours
des colonisations européennes.

• Bien que les types de matériaux et les modalités d’insertions varient, la typologie structurelle
du système porteur continu avec des insertions horizontales résulte être largement répandue.
Dans les zones à sismicité élevée, le principe d’insertions intra étages d’éléments horizontaux en
bois dans une structure en maçonnerie se révèle être le plus diffus, en particulier dans la bande
géographique allant de l’Algérie jusqu’à la chaîne himalayenne et correspondant à la ceinture
Alpino-Himalayenne. Historiquement, cette zone corresponde à une région d’intenses échanges
culturels, occupations et déplacements de populations et constructeurs, facteurs qui, en
association à une disponibilité de ressources parfois très similaires, ont probablement influencé
le développement et la diffusion de techniques analogues.

• La mise en place d’un principe d’insertion avec d’autre matériaux est rapportables aux situations
suivantes : avec des végétaux, elle est présente principalement dans des régions relativement
arides à sismicité modérée (p.e. Irak, Ouzbékistan) ; en revanche les insertions en briques ou
en tirants dans une maçonnerie de pierre se rapportent en particulier à des cas situés autour
du bassin méditerranéen ou ayant connus une influence de pratiques européennes (p.e.
constructions gingerbread en Haïti), dans des zones o les phénomènes sismiques se manifestent
avec une récurrence de faible à modérée.

• Le nombre de cas identifiés en relation aux autres typologies d’insertions (horizontales


rapprochées et en colonne, horizontales et verticales ainsi que dans la masse) a été assez restreint.
Leur identification dans des régions géographiquement distinctes laisse néanmoins supposer
une présence plus étendue, mais dont les limitations actuelles sont aussi probablement une
conséquence d’une prise en compte restreinte dans les analyses des architectures vernaculaires
existantes. En revanche, pour la typologie relative à des insertions dans la masse, le nombre
d’exemples réduits peut être déterminé par une difficulté d’identification de ces insertions,
possible essentiellement lors d’un endommagement de la structure, ainsi que par l’évolution
des techniques et modes de construction vers des solutions techniquement plus pertinentes en
terme de rapidité et facilité de réalisation, de coûts et probablement d’adéquation aux ressources
et aux risques locaux.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 247


La capacité d’une construction à supporter des sollicitations exceptionnelles, telles que celles
produites par certains aléas naturels, est influencée par des mesures mises en place à l’échelle du
site et par les caractéristiques du système constructif, mais également par des dispositifs particuliers
explicitement mis en œuvre par ses constructeurs et/ou dérivant des propriétés intrinsèques aux
matériaux utilisés.

Les éléments contenus dans ce chapitre découlent des exemples analysés au cours de cette recherche;
ils concernent des principes que j’ai extrapolés en raison de l’intérêt particulier qu’ils présentent
en tant que dispositions spécifiques contribuant à une réduction de la vulnérabilité de parties ou
de l’ensemble structurel envers différents types d’aléas naturels. Un seul de ces dispositifs n’est
cependant généralement pas suffisant pour assurer une mise en sécurité totale d’une construction;
c’est en effet l’ensemble de plusieurs mesures appliquées simultanément, de la macro (territoire,
système constructif) à la micro (détail) échelle, qui détermine et/ou améliore la résilience effective
d’un bâtiment.

La partie suivante se structure en quatre sections, la première présentant des principes à échelle
de l’ensemble structurel et les trois suivantes se référant à des mesures ciblées à certaines parties
constructives et directement corrélables à trois types particuliers d’aléas naturels (cyclones,
inondations et séismes), qui sont statistiquement ceux qui plus affectent l’environnement bâti.
Pour chacun des principes extrapolés, je présente une définition synthétique du dispositif identifié
accompagné par un schéma explicatif ainsi qu’un ou plusieurs exemples représentatifs des modalités
et variantes de sa concrétisation

Parmi les exemples analysés, certains aspects soulignent la complexité des paramètres pris en
compte par les constructeurs vernaculaires, indépendamment du type d’aléas et des systèmes et
matériaux de construction mis en œuvre.


Certains éléments architecturaux répondant à des nécessités fonctionnelles et/ou esthétiques
assument également un rôle structurel.

Exemple : dans certaines habitations des zones rurales d’Haïti,


la clôture de la galerie est réalisée avec des planches en bois
disposées en croix entre les poteaux, qui reposent sur un
soubassement en maçonnerie de pierre. Ces éléments agissent
en tant que contreventement, assurant une certaine cohérence
structurelle et évitant un effondrement de la superstructure,
même en cas d’écroulement du soubassement (Fig. 137a, analyse
de terrain 2012).


Dans une construction, des dispositifs distincts peuvent être intégrés en réponse à la présence
d’aléas différents. Inversement, un seul de ces dispositifs améliore parfois le comportement de la
structure envers l’impact de plusieurs phénomènes.

248 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Exemple : la faible hauteur sous toiture des habitations rurales
haïtiennes limite la prise au vent et, déplaçant le barycentre de la
construction vers le bas, favorise une bonne résistance aux séismes.
En outre, des contreventements horizontaux aux quatre angles de
la poutre sablière (Fig. 137b) solidarisent l’ossature en bois envers
des sollicitations induites aussi bien par des vents violents que par
des tremblements de terre (analyse de terrain 2012).


La capacité d’une structure à faire face à l’impact de phénomènes naturels particulièrement violents,
est influencée également par l’état de conservation de ses composants. L’association entre durabilité
et résistance donne lieu parfois à des dispositifs limitant aussi bien la dégradation de l’ouvrage que
la vulnérabilité du bâti et de ses occupants.

Exemple : dans certaines habitations rurales haïtiennes, les parties


des murs hors contact avec l’eau sont réalisées avec des matériaux
rapidement dégradables mais économiques, tandis qu’un demi mur
en maçonnerie de pierre, plus durable mais demandant des efforts
économiques et techniques importants, protège les parties les plus
exposées (Fif. 137c). Ce principe présente également l’avantage de
réduire la mise en danger des occupants en cas d’effondrement
partiel (analyse de terrain 2012).


Dans certains cas, l’impossibilité de réaliser des constructions suffisamment résistantes a donné
lieu à des systèmes constructifs prenant en compte l’éventualité d’un effondrement partiel ou total.
L’application de ce principe se traduit dans la réalisation d’éléments « sacrificiels » et/ou d’une
dissociation entre parties structurelles permettant la sauvegarde de celles plus importantes (p.e. en
raison de leur coût élevé) et favorisant une réparation rapide ainsi qu’une réutilisation des matériaux.

Exemples : l’architecture vernaculaire de l’île de Lefkada (Grèce) se


base sur un système structurel double : des murs en maçonnerie
aux étages inférieurs et des poteaux en bois portant les étages
supérieurs en ossature légère (Fig. 137d). En cas d’effondrement
des murs en maçonnerie sous des sollicitations sismiques, la
stabilité des niveaux supérieurs n’est pas compromise grâce à
l’indépendance des deux systèmes et les pierres peuvent être
réutilisées pour la reconstruction (Karababa, 2007, op. cit.).

Un principe similaire est présent dans les habitations traditionnelles


de la région de Kabalo (République Démocratique du Congo),
affectée par des séismes et des inondations. La toiture est portée par
des poteaux indépendants des murs en terre, dont l’écroulement
n’engendre pas un effondrement complet, préservant ainsi le toit
(Fig. 137e, Moles, Hosta, 2009, op. cit.).

Fig.137: Principes d’ensemble : a) système de clôture/contreventement de la galerie, Haïti ; b) contreventement des poutres
sablières, Haïti ; c) simultanéité de techniques, Haïti ; d) système structurel double, Grèce (source: Vintzileou,
Touliatos, 2005) ; e) indépendance structurelle, République Démocratique du Congo (crédits: O. Moles)

Cultures constructives vernaculaires et résilience 249


Dans les régions affectées par des aléas cycloniques ou des vents particulièrement violents, les
constructions vernaculaires présentent différentes types de dispositions permettant de réduire la
vulnérabilité de l’ensemble structurel ou de certaines de ses parties. Ces dispositifs correspondent
à des mesures techniques de type aussi bien permanent que temporaire (cf. chap. 9), s’intégrant
au bâti de manière préventive et définitive et/ou ponctuelle et provisoire. Au-delà du respect de
critères de base (site d’implantation, forme régulière, toiture à quatre pentes, pente et débords de
toiture etc.) permettant de réduire la vulnérabilité d’un bâtiment et largement présents dans le bâti
vernaculaire de ces régions, certains dispositifs s’appliquant tant à l’échelle du détail qu’à celle de
l’ensemble construit correspondent à des principes préconisés par le génie paracyclonique actuel
(Development Workshop, 2003 ; Bhandari, Krishna, Kumar, 2005 ; Agar al, 2007 ; Barré, de la
Foye, Moreau, 2011).

Fig.138: Phénomènes cycloniques : a) vents violents et pluies torrentielles ;


effets du cyclone Aila, 2009 (source: Associated Press) :
b) envol de la toiture (Orissa, Inde) ; c) effondrement de la structure porteuse (Bangladesh)


Principe : bâtiment de forme trapue, avec hauteur totale très
réduite et limite inférieur de la toiture très bas ;
Rôle : réduction des charges aérodynamiques, en particulier
lors de sites très exposés sans éléments de protection
(p.e. plaines, absence ou insuffisance de barrières
végétales et/ou construites, etc.) ;
Référence : Bangladesh, région de Khulna (analyses de terrain 2012).


Principe : encastrement des entraits de la charpente de toiture
dans la masse des murs ;
Rôle : fixation de la structure de toiture pour en réduire la
vulnérabilité aux forces de soulèvement, en particulier
lors de débords de toiture importants ; l’ancrage est
assuré par la masse de la portion supérieure du mur ;
Référence : Bangladesh, région de Rajshahi
(analyses de terrain 2011).

250 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Principe : ancrage d’éléments structurels reliés avec des cordes à
des pièces horizontales intégrées transversalement à un
système structurel massif ;
Rôle : stabilisation de la poutre sablière ou d’autres éléments
de la charpente de toiture ;
Référence : Bangladesh, régions de Mymensingh et Sylhet (analyses
de terrain 2012).

Principe : pièces disposées en dessus de la couverture et


transversalement à la pente de toiture, ligaturées à la
charpente au moyen de cordes passant par des trous
percés dans les tuiles, à des intervalles réguliers ;
Rôle : stabilisation de la couverture limitant le déplacement
des éléments et réduisant le risque d’envol sous les
efforts de portance, de traînée et de dérive ;
Référence : Bangladesh, région de Khulna (analyses de terrain 2012).

Principe : haubanage par ancrage au sol (p.e. piquets) ou à d’autres


éléments stables (p.e. arbres) ;
Rôle : consolidation de la charpente et/ou des parties
structurelles susceptibles d’envol, au moyen de cordes
liées à la structure et/ou de pièces de stabilisation
positionnées en dessus de la couverture ; système
pouvant être mis en place et/ou consolidé avant
l’impact d’un cyclone ;
Référence : Bangladesh, régions de Khulna et Sylhet
(analyses de terrain 2012).

Principe : application d’éléments sur une couverture en pièces


détachables (p.e. en tuiles ou chaume) ;
Rôle : stabilisation par la superposition d’éléments continu
ou ponctuels, rigides (p.e. grille) ou souples (p.e. filet)
selon le matériau de couverture ; parfois réalisé avec
des plantes grimpantes ou des éléments disposés de
manière ponctuelle transversalement à la pente de
toiture ;
Référence : Bangladesh, région de Khulna (analyses de terrain 2012).


Principe : déconnexion ou doublage de la structure entre le corps
principal et des parties secondaires (p.e. véranda) ;
Rôle : parties secondaires assumant le rôle d’éléments fusibles
dont l’arrachement ne compromet pas la structure
principale, limitant des dommages potentiels à la
structure primaire ;
Référence : Haïti, zone de Grande Rivière (analyses de terrain 2012).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 251



Principe : planches de rive dentelées dépassant la ligne basse
du pan de toiture d’environ 20-30cm tout autour du
bâtiment ;
Rôle : dispositifs brisant le flux du vent et favorisant une
minimisation des dépressions susceptibles de décoller
la couverture par la génération de tourbillons et la
réduction des forces locales d’arrachement ;
Référence : Haïti, zones rurales dans les départements de l’Ouest et
du Sud-Est (analyses de terrain 2012).


Principe : planches perforées mises en place entre la partie
supérieure du mur et la toiture ;
Rôle : homogénéisation de la porosité de la structure
permettant un équilibrage de la pression entre intérieur
et extérieur réduisant les sollicitations susceptibles
d’arracher la couverture ;
Référence : Haïti, zones rurales dans les départements de l’Ouest et
du Sud-Est (analyses de terrain 2012).

Principe : structure ouverte avec toiture portée par des éléments


continus et/ou ponctuels indépendants d’un noyau
intérieur fermé ;
Rôle : minimisation des différences de pression par la
perméabilité de la construction n’obstruent pas le flux
du vent, tout en assurant une protection ;
Référence : Bangladesh, région de Khulna (analyses de terrain 2012).

Principe : soupape de dépressurisation dans une toiture à quatre


pentes ;
Rôle : compensation de la différence de pression entre intérieur
et extérieur et réduction de la pression interne par la
création d’une liaison entre le volume interne et la partie
supérieure de la toiture o le niveau dépressionnaire est
le plus élevé, limitant le potentiel arrachement de la
toiture ;
Référence : Bangladesh, région de Dinajpur
(analyses de terrain 2011).

Fig.139: Principes de réduction de la vulnérabilité envers les vents violents et cycloniques

252 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Envers des phénomènes de crue, les bâtisseurs vernaculaires ont souvent mis en place des
dispositifs de protection et amélioration de la résistance des bâtiments par une mise hors eau de
la construction, un renforcement de ses parties inférieures ainsi qu’une limitation des dommages
potentiels (BMTPC, 1998 ; Ahmed, 2005). L’efficacité de ces dispositifs se rapporte essentiellement
à des phénomènes dont l’ampleur reste relativement limitée et permet de mettre en œuvre des
solutions techniquement et financièrement accessibles.

Fig.140: Inondations : a et b) Pakistan 2010 (crédits : K. Tanveer)


Principe : masse d’usure en terre à la base des murs ;
Rôle : préservation de la stabilité de la structure primaire
par l’application d’une masse sacrificielle pouvant être
endommagée sans que la solidité globale du bâtiment
soit compromise, limitant en outre l’étendue des
réparations ;
Référence : Bangladesh, région de Khulna (analyses de terrain 2012).


Principe : revêtement extérieur ou réalisation de certaines parties
de l’ouvrage avec des matériaux résistants jusqu’en
dessus du niveau atteint par l’eau ;
Rôle : protection envers l’érosion et la désagrégation par
saturation de la base des murs réalisés avec des
matériaux (p.e. terre) vulnérables à l’eau stagnante et
avec forte courante ;
Référence : Pakistan, districts du Balochistan et Sindh
(UN-HABITAT Pakistan, 2010, op. cit.).


Principe : réalisation d’une double plateforme constituant deux
niveaux superposés ;
Rôle : mise hors de l’eau de la construction et constitution d’une
protection ultérieure envers le phénomène d’érosion et
de saturation du sol et de la base des murs ; hauteur
des plateformes souvent déterminée par les niveaux des
inondations fréquents et/ou exceptionnelles ;
Référence : Népal, région de Terai (Dekens, 2007, op. cit.) ; Inde, Etat
de l’Orissa (Caimi, Hofmann, 2005, op. cit.) ; Bangladesh,
région de Khulna (analyse de terrain 2012).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 253



Principe : déconnexion entre l’ossature portante la toiture et les
éléments muraux de clôture ;
Rôle : préservation de certaines parties de la construction et
réduction du risque d’effondrement complet ; en cas
d’écroulement des murs, la dissociation structurelle
permet de maintenir en place les autres éléments
constructifs (p.e. toiture) ;
Référence : Bangladesh, régions de Sylhet (analyses de terrain
2012) ; République Démocratique du Congo, région de
Kabalo (Moles, Hosta, 2009, op. cit.).


Principe : rehaussement fixe ou barrière mobile mise en place
devant les ouvertures ;
Rôle : protection envers la pénétration de l’eau à l’intérieur du
bâtiment ; système efficace envers des inondations de
faible ampleur et/ou en association à un soubassement
surélevant l’ensemble de la structure ;
Référence : Haïti, département du Nord Ouest
(analyses de terrain, 2012).

Fig.141: Principes de réduction de la vulnérabilité envers les inondations

254 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans les régions affectées par des phénomènes sismiques récurrents, les dispositifs présents dans
l’architecture vernaculaire sont étroitement liés, voire dérivés, des caractéristiques du système
structurel et/ou des matériaux de construction employés. En relation aux exemples analysés, j’ai
extrapolé les principes prédominants qui s’avèrent être les plus répandus. Ils sont présentés sur la base
de la distinction suivante : en premier, les dispositifs favorisant une dissipation de l’énergie induite
par un séisme et, ensuite, les dispositions améliorant la cohérence structurelle d’un bâtiment. Les
mécanismes liés à ces deux principes sont identifiables dans des constructions basées aussi bien sur
des systèmes porteurs continus que ponctuels. La plupart des principes régissant le comportement
sous l’action sismique tire profit de l’interaction entre les différents composants structurels ainsi que
de l’aptitude des différents matériaux à travailler ensemble comme un système unique. Si considérés
singulièrement, certains matériaux et techniques présentent un comportement fragile et non
ductile. Toutefois, leur intégration dans un système constitué de l’ensemble des éléments structurels
a démontré, dans plusieurs cas, comme une rupture fragile ne conduit pas systématiquement à un
effondrement (Langenbach, 1989, op. cit.). La capacité de nombreuses architectures vernaculaires
à supporter des sollicitations sismiques est, de fait, le résultat de l’interaction entre les différents
éléments constituant la structure ainsi que de la complémentarité entre les caractéristiques des
matériaux utilisés, la manière de les mettre en œuvre et leur utilisation pour des parties spécifiques.
Leur résilience envers les phénomènes sismiques ne se détermine souvent pas uniquement par leur
résistance et solidité, mais surtout par leur capacité à supporter des déformations inélastiques sans
s’effondrer (Langenbach, 2000 op. cit.).

Fig.142: Phénomènes sismiques : Haïti, effets du séisme de 2010 sur l’habitat rural
(crédits : a) J. Hosta ; b) E. Cauderay ; c) A. Douline)

La dissipation de l’énergie induite dans une structure par des secousses sismiques constitue
un facteur particulièrement favorable, notamment dans la réduction des sollicitations et du
potentiel d’endommagement. Dans les constructions vernaculaires, elle peut se produire à des
échelles structurelles très différentes ainsi que par des dispositifs extrêmement variés. Le suivant
schéma synthétise les différents systèmes identifiés dont la mise en œuvre contribue à améliorer
considérablement la capacité de réponse d’un bâtiment (Fig. 143).

déconnexion par élément fusible

sol / structure entre parties structurelles fragilité subdivision


localisée interne

continue ponctuelle entre dans la masse entre composants


niveaux structurels

par couche par grille simple articulée par par


glissement roulement

dissipation dissipation par glissement


par matériau à l’interface
Fig.143: Principes de dissipation de l’énergie

Cultures constructives vernaculaires et résilience 255


Principe : introduction de dispositifs d’appui dont la rigidité est considérablement plus faible que les
éléments structurels qu’ils séparent et/ou qui ne présentent pas de système d’ancrage ;
Rôle réduction des sollicitations horizontales par une dissociation de l’ensemble structurel et/
ou de certaines de ses parties permettant des déplacements indépendants (Lestuzzi,
Badoux, 2008, op. cit.).


Ce type de disposition correspond au principe nommé par le génie parasismique actuel comme
« isolation sismique ». Les dispositifs qu’y se réfèrent séparent la superstructure du sol, en lui
permettant de se déplacer d’un seul bloc par des mouvements qui atténuent les sollicitations
internes, en réduisant de manière drastiques les dommages que ceux-ci peuvent engendrer.

Déconnexion continue
Principe spécifique à des systèmes porteurs continus (murs massifs ou en maçonnerie) et consistant
dans la mise en place d’un dispositif de séparation entre les fondations et le sol ou entre le
soubassement et la superstructure. Deux approches ont été identifiées :

- isolation par couche : séparation par un strate homogène de matériaux mis en place sous
les murs porteurs ou sous l’ensemble du bâtiment, amortissant les
sollicitations induites par les séismes :

Dissipation par le matériau :


a
a : lits de sable entre le sol et la structure ;
Références : Arménie (Laner, Barbisan, 1986, op. cit.) ;
Iran (Naderzadeh, 2009).

b
Dissipation par des glissements à l’interface :
b : superposition de pierres avec des surfaces plates et lisses
Référence : Iran (Ibid.) ; Pérou (Schacher, 2005, op. cit.);
c : intégration de nattes en végétaux tressés
Référence : Ouzbékistan (Gandreau, 2012, communication
c personnelle).

- isolation par grille : déconnexion par superposition de plusieurs éléments horizontaux


en bois disposés orthogonalement sur toute l’épaisseur du mur255 :
- entre le soubassement et la base du mur
Référence : Iran, Masouleh (Naderzadeh, 2009, op. cit.) ;
d : entre le sol et les fondations
Référence : Grèce, île de Lefkada (Demosthenous, Makarios,
d 2006).

255 L’intégration d’éléments en bois dans la maçonnerie en proximité de la base des murs est une pratique particulièrement
anciennes, dont on retrouve des témoignages même dans l’Ancien Testament en référence aux dispositions prescrites par le
roi Cyrus pour la construction de la maison de Dieu (actuelle mosquée al-Aqs) à Jérusalem : ue la maison soit rebâtie et
qu elle ait des solides fondements. Elle aura soixante coudées de hauteur, soixante coudées de largeur, trois rangées de pierres
de taille et une rangée de bois neuf (Livre d’Esdras, chap. 6, versets 3-4 ; cité par Naderzadeh, 2009). Jérusalem se situe par
ailleurs dans une région modérément sismique.

256 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Déconnexion ponctuelle
Principe spécifique aux systèmes porteurs de type ponctuel et effectuant une séparation en
correspondance des points d’appui de la structure primaire, en dessus du niveau du sol. Deux
approches ont été identifiées :

- isolation simple : les poteaux reposent sur une base ponctuelle souvent en pierre
e : sans connexion et avec dispositif augmentant le frottement entre
les fondations et la superstructure (p.e. natte) ;
Référence : Indonésie, régions de Nias, Aceh, Sumatera Utara
(analyses de terrain, 2010) ;
f : avec connexion par tenon et mortaise entre la base du poteau
et/ou une entaille dans la pierre de fondation
e f Références : Taiwan (Tsai, 2009) ; Nicaragua (Quintallet,
Samin, 2012, op. cit.) ; Grèce (Porphyrios, 1971) ;

- isolation articulée : superposition de plusieurs niveaux de rondins orthogonaux


g : en colonne
Référence : Iran, région du Gilân (Naderzadeh, 2009, op. cit.) ;
h : en poutres
g Référence : Indonésie, île Sulawesi (Kaudern, 1925).


Ce principe se base sur une dissociation entre les éléments de la structure principale favorisant
des mouvements mono ou pluri directionnels indépendants, contribuant à réduire les sollicitations
internes.

Déconnexion entre niveaux


Subdivision de l’ensemble du bâtiment en parties structurellement autonomes par une séparation
qui s’effectue par niveaux horizontaux superposés

i : cage rigide superposée à un bloc massif


Référence : Anatolie (Ferrigni, 2005, op. cit.) ;
l : superposition de cages rigide
Référence : Chine, Japon (Shiping, 1991, op. cit.).
i l

Déconnexion dans la masse


La séparation a lieu à l’intérieur de la masse murale de systèmes porteurs continus, par l’intégration
d’éléments traversant complètement l’épaisseur et divisant l’hauteur du mur en portions dissociées.

m : dissipation par glissement : insertion d’une ou plusieurs pièces


plates relativement lisses (p.e. planches en bois)
Référence : Turquie (analyses de terrain, 2012) ;
n : dissipation par roulement : insertion d’une ou plusieurs couches
de rondins
m n Référence : Algérie (Abdessemed Foufa, Benouar, 2006, op. cit.).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 257


Déconnexion entre composants structurels

Utilisation d’assemblages souples (par tenon et mortaise,


encastrement, cheville et/ou sécurisés avec des cales) garantissant
un mouvement des éléments avant leur rupture.
Référence : Chine, Japon (Shiping, 1991 op. cit.) ; Indonésie,
régions de Nias, Aceh, Sumatera Utara (analyses de
terrain 2010).

Principe : création et multiplication de points ou composants structurellement faibles consentant


une dégradation progressive non fragile ;
Rôle : relaxation des contraintes par une augmentation du frottement interne et une
déformation plastique limitant le risque d’une rupture déterminée par l’accumulation
des efforts et favorisant l’absorption d’une quantité importante d’énergie (Zacek, 1996).


L’utilisation d’un mortier de type fragile constituant des points faibles répartis de manière homogène
dans la structure favorisant256 :

- une répartition des contraintes par une fissuration incrémentale et


progressive ainsi qu’une déformation depuis le début des secousses
et sous des sollicitations relativement réduites257 (Langenbach,
2000 op. cit.) ;

- la production de glissements à l’interface entre les parties de la


construction (p.e. entre cadre et panneaux de remplissage, entre
unités maçonnées), réduisant l’incompatibilité entre éléments
flexibles et rigides ainsi que favorisant une amortissement élevé
pendant plusieurs cycles, avant que la dégradation structurelle
n’atteigne un niveau important de destruction (G lkan, Langenbach,
2004, op. cit.).


La répartition de la structure en des sections de taille relativement réduite, par l’introduction
d’éléments horizontaux dans une maçonnerie258 ou la division de panneaux de remplissage entre des
cadres d’ossature, contribue à limiter la création et propagation de fissures verticales et diagonales,
ainsi qu’à délimiter des portions endommagées en réduisant un potentiel effondrement total

256 Un fonctionnement similaire caractérise également certains types de remplissage (p.e. en vrac).
257 he behavior of these buildings relies on a disorganized combination of materials being stressed in tension, compression,
shear and bending all at once. If the earthquake forces were to become focused on one element in this interlocking puzzle, that
element would be shattered. However, because of the role of the so mortar and the internal damping it provides, this does
not happen (Langenbach, 2000, op. cit.,p. 14)
258 Un principe analogue est identifiable dans une technique caractérisant certaines architectures vernaculaires du nord
du Sultanat d’Oman, seule zone relativement sismique du pays (Qamaruddin, Al-Harthy, 2000). Dans une structure en
maçonnerie (pierres ou briques en terre crue), une répartition en couches horizontales est effectuée tous les 40cm par une
strate de mortier de chaux ; division qui, en cas d’endommagement d’une partie du mur, limite la propagation de dégâts aux
couches adjacentes (Walls, 2004). Son rôle effectif en relation à des sollicitations sismiques reste cependant à vérifier.

258 Cultures constructives vernaculaires et résilience


(Hughes, 2000)259. En outre, la multiplication des plans de glissements internes et du frottement
entre les composants de la structure permet la dissipation d’une quantité plus importante d’énergie
que dans une masse continue260.

Confinement
Principe : laçage d’éléments en maçonnerie par une structure à
ossature et/ou par des insertions horizontales et/ou
verticales en bois intégrées dans sa masse261 ;
Rôle : chaînage de l’ensemble de la construction (p.e. insertions
horizontales dans une structure en maçonnerie) ou de
portions structurelles (p.e. panneaux de remplissage),
apportant ductilité et favorisant une résistance envers
des mouvements verticaux du sol ainsi qu’assurant
une stabilité des parties en dessus d’une portion
endommagée
Références : Turquie (Aytun, 1981, op. cit.) ; Inde, État du Jammu et
Cachemire (Langenbach, 2002, op. cit.)

Dispositifs d’ancrage
Principe : connexions entre unités ou parties d’une structure en
maçonnerie par système de crochets, rangées irrégulières
et/ou pièces en agrafes ;
Rôle : augmentation de la friction entre les éléments sans perte
de cohésion et amélioration de la capacité de résistance
à des sollicitations en hors plan ;
Référence : Pérou, Macchu Pichu (Schacher, 2005, op. cit.) ; Egypte
(NIKER, 2010 op. cit.) ; Italie (Decanini, De Sortis,
Goretti, et al., 2004, op. cit.).

Solidarisation souple
Principe : clés verticales et/ou horizontales connectant deux faces
d’un mur et/ou des murs perpendiculaires
Rôle : solidarisation de parties et/ou de l’ensemble structurel
envers des déplacements dans le plan et en hors plan ;
Référence : Afghanistan, région du Nuristan (Edelberg, 1984) ; Inde,
Etats de l’Uttarkhand et Himachal Pradesh (Rautela,
Joshi, Singh, et al., 2008, op. cit.).

Fig.144: Principes de réduction de la vulnérabilité envers les séismes


259 Schéma adapté de Schacher, Basic raining on Dhajji construction, 2006.
260 Un exemple de ce principe est la technique du dhajji dewari (Cachemire) basée sur une structure en ossature subdivisée
en une multiplicité de panneaux de taille réduite remplis par une maçonnerie de pierres avec un mortier de terre. Ce type
de structure a montré une capacité particulièrement élevée à faire face aux phénomènes sismiques, grâce à l’amortissement
par friction interne qui may be in the order of twenty percent, compared to four percent in uncracked modern masonry (brick
with Portland cement mortar) and six to seven percent a er the masonry has cracked , en raison du fait que there are many
more planes of cracking in the Dhajji-Dewari compared to the modern masonry (Arya dans Langenbach, 1989, op. cit., p. 10).
261 Schéma adapté de Schacher, Tom. Bhatar construction. imber reinforced masonry. An introduction to Apprenticeship
center practical training, 2007.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 259


Since knowledge is power, power to people also implies widening and deepening the knowledge
base, and all, in breaking the monopoly of knowledge and ownership of knowledge as knowledge
is power. his in turn means change in the concept of scientific knowledge and what it consists of 2 2

Dans un monde en devenir, o les prérogatives et les ressources de hier ne correspondent souvent
plus aux exigences actuelles, et peut-être encore moins à celles futures, o l’influence de facteurs et
acteurs exogènes devient de plus en plus marquée et inévitable en imposant des modèles sociaux,
économiques, techniques, parfois même culturels, qui conditionnent et bouleversent dans l’espace
de quelques décennies les modes d’habiter et de construire, le déclin du vernaculaire en tant que
processus de construction de savoirs et savoir-faire fortement contextualisés paraît, à un premier
abord, inéluctable. Néanmoins, le questionnement des aspects permettant à cette dynamique de
persister, et à son tour d’évoluer, laisse entrevoir des formes et modalités nouvelles se caractérisant
par une pluralité d’acteurs et de modes de construction de nouveaux savoirs à partir d’une synergie
de connaissances, compétences et expériences.

Dans les parties suivantes, je dresse tout d’abord un constat des conditions et limites actuelles,
en explorant ensuite des pistes pour que la construction de savoirs et milieux construits puisse
continuer à bénéficier de l’ingéniosité intrinsèque aux cultures et architectures vernaculaires, tout
en profitant des nouvelles connaissances scientifiques et outils technologiques.

Dans des contextes exposés à des aléas naturels récurrents, les cultures constructives intègrent
souvent des dispositions pratiques et/ou techniques faisant partie d’une conscience collective du
risque, adaptée et évoluée en relation aux spécificités contextuelles. Ces stratégies se rapportent
aussi bien à une dimension constructive que cognitive et comportementale, impliquant une
transdisciplinarité de domaines et une multiplicité de niveaux qui leur confèrent le caractère d’une
vraie et propre « culture constructive du risque ».

En tant que matérialisation de cette culture, les architectures vernaculaires de ces régions
témoignent de dispositifs très efficaces, développés par les bâtisseurs anciens et contemporains. Ces
dispositions démontrent une maîtrise et une connaissance approfondies des spécificités propres aux
aléas locaux, du comportement structurel des constructions, des propriétés des matériaux mis en
œuvre ainsi qu’une capacité de conception allant du plus petit détail jusqu’à l’échelle du territoire.
Que ce soit pour des choix explicites ou en conséquence des contraintes que le milieu de vie
impose, nombreuses communautés ont adopté vis-à-vis des risques locaux une approche préventive
privilégiant une capacité de « rebondissement », plutôt qu’une recherche de sûreté maximale.
Nombreux des exemples analysés présentent en effet des dispositions qui, envers différents types
d’aléas, visent avant tout à éviter une rupture soudaine et brutale de la construction, à en favoriser
une réparation rapide, une réutilisation des matériaux ou encore une sauvegarde de ses parties les
plus importantes263 ; opposant donc une logique de « résilience » à celle de « résistance ».

262 JIGYASU, Rohit, 2002. Reducing Disaster ulnerability through Local nowledge and Capacity. he Case of Earthquake
prone Rural Communities in India and Nepal. PhD Thesis. Trondheim : Norwegian University of Science and Technology.
2002. p. 323.
263 La logique présente dans de nombreuses architectures vernaculaires trouve une correspondance dans certains
principes du génie parasinistre, et en particulier parasismique, préconisant la protection des vies humaines par un possible

260 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Démarche qui se heurte à la notion d’une construction « de plus en plus solide » souvent promue
dans la pratique normative et opérationnelle actuelle et qui, paradoxalement, génère dans plusieurs
cas des nouveaux facteurs et conditions de vulnérabilité264.

Fig.145: Bangladesh, différentes stratégies de protection envers les phénomènes cycloniques : résistance du bâti (gauche),
résilience du milieu (droite)

Les pratiques constructives sont sujettes à une évolution continue qui a parfois lieu dans des
laps de temps particulièrement courts, sous l’influence de l’apparition de nouveaux matériaux, la
diffusion de nouveaux modèles socio-économiques, l’adoption de nouvelles références culturelles,
l’émergence de nouvelles priorités ainsi que l’introduction de nouvelles technologies265. Au cours
de ce processus, la modification des formes et solutions constructives « anciennes » n’implique pas
forcément une réduction effective de la vulnérabilité ; au contraire, ces changements contribuent
souvent à augmenter les pertes potentielles en termes de coûts matériels et de vies humaines
(Norton, Chantry, 2002).

La vulnérabilité des constructions basées sur des techniques anciennes résulte inversement
proportionnelle au développement d’une culture du risque ainsi que de dispositifs constructifs
et pratiques affinés et assimilés par une communauté, en relation aux spécificités du lieu qu’elle
habite. En revanche, la vulnérabilité des structures se basant sur des technologies plus récentes
dépend essentiellement de l’habileté de leurs constructeurs à élaborer et mettre en œuvre des
solutions conformément aux contraintes qui leur sont spécifiques. Les technologies associées à
certains nouveaux matériaux nécessitent le respect et l’exécution de règles spécifiques pour garantir
un comportement adéquat sous l’action des aléas. Elles impliquent d’autres savoir-faire que ceux
traditionnellement utilisés, des connaissances difficilement déductibles d’une expérimentation
empirique et qu’il est rarement possible de puiser dans l’expérience consolidée des maîtres
constructeurs. Des connaissances dont l’accès est directement dépendant de sources d’information
bien particulières (documentation, centre de formation, etc.) souvent hors de portée pour une
grande partie des bâtisseurs266. Aux aspects techniques267 s’ajoutent les facteurs « technologiques »,

endommagement, l’anticipation des modes de rupture, et l’élaboration de solutions techniques fondées sur des critères
économiquement justifiés et techniquement cohérents (Gr nthal, 2001, p. 3, op. cit.).
264 cet égard, on peut citer le cas d’Haïti, o la récurrence des phénomènes cycloniques a contribué à orienter la pratique
architecturale vers une construction « solide », privilégiant une maçonnerie en blocs de ciment et des structures en béton
armé. Lors du séisme de 2010, ces structures se sont révélées particulièrement meurtrières, au contraire des constructions
vernaculaires en ossature bois, plus susceptibles de subir des dégâts mineurs mais dont l’écroulement a exposé les occupants
à une mise en danger moindre (analyses de terrain 2011-2013).
265 Les interventions de reconstruction en situation de post-catastrophe ont un impact considérable sur ce processus, déterminant
parfois un changement rapide et massif du paysage construit ainsi qu’une dégénérescence des pratiques constructives.
266 et these people who are truly in charge of building , the contractors, the masons, the private builders, they don’t
know about earthquake resistant building techniques. hey can’t know, because current knowledge is written down in the
difficult language of engineers (Schacher, unpublished, p. 3).
267 Le respect des règles n’est pas déterminé uniquement par leur connaissance : l’insuffisance des moyens financiers
peut conduire à économiser sur la main d’œuvre et la qualité des matériaux, auxquels s’ajoute la négligence ou, parfois,
l’impossibilité d’assurer une mise en œuvre appropriée (p.e. cure du béton).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 261


relatifs à la conception d’une construction ainsi qu’au processus de sa réalisation268. L’introduction de
nouveaux procédés et la combinaison de différents matériaux, sans une conséquente harmonisation
structurelle, constructive et cognitive, peuvent en effet conduire à un affaiblissement de l’intégrité
du bâti et à une modification de son comportement sous des sollicitations induites par des aléas
naturels (Boen, Pribadi, 2009, op. cit.).
Parallèlement, l’abandon des technologies anciennes détermine une perte ou une dégénération des
savoir-faire qu’y étaient associés. Même lors du recours à des matériaux disponibles localement et
auparavant couramment employés, les constructions se révèlent souvent autant vulnérables à cause
d’une disparition des connaissances constructives ou d’un manque de main d’œuvre qualifiée269
(Boen, Jigyasu, 2005, op. cit.).

L’environnement construit contemporain se compose de fait de bâtiments réalisés par des habitants
et/ou des artisans en grande partie dépourvus de toute connaissance au regard de principes, actuels
mais souvent aussi anciens, de construction parasinistre et/ou des moyens pour les appliquer (Dixit,
Pradhanang, Guragain, et al., 2002, op. cit.) ; ce qui détermine une détérioration progressive de la
qualité du bâti, résultant en une fragilité accrue lors de l’impact, même relativement faible, d’un aléa
(Boen, Pribadi, 2009, op. cit.). La vulnérabilité des constructions basées sur les pratiques récentes
est donc inversement proportionnelle à la capacité à conserver et faire évoluer le savoir constructif
des anciens ainsi qu’à accéder aux connaissances techniques développées récemment.

Fig.146: Haïti, architecture sans architecte et ingénieurs :


a) Port-au-Prince, quartier Jalousie ; b) Jacmel, localité de Cap Rouge

268 Nombreux bâtiments ne sont pas achevés en une seule fois, mais par phases progressives, en adaptation temporelle et
spatiale avec les disponibilités et nécessités de leurs occupants. Souvent, les modifications et nouvelles extensions s’effectuent
de manière incohérente avec l’existant (ajout d’étages, connexions inadéquates entre la partie nouvelle et existante, etc.) et
des éléments structurellement importants (p.e. les fers d’armature) sont laissés exposés à une détérioration, compromettant
la stabilité et la durabilité d’une construction bien avant son achèvement. Cette pratique est toutefois peu répandue
en relation à la construction basée sur des pratiques anciennes, o chaque étape constitue un ensemble fini, au moins
temporairement, laissant rarement des parties exposées à une possible dégradation.
269 titre d’exemple, on peut citer un programme de réhabilitation de bâtiments historiques entrepris par une municipalité
turque selon une démarche de réutilisation des pratiques vernaculaires parasismiques. Le manque de connaissances
« vivantes » et de main d’œuvre compétente au regard des techniques localement existantes a engendré la mise en œuvre
de solutions constructives et/ou de matériaux (p.e. mortier en ciment) pouvant compromettre la logique de fonctionnement
propre à la structure originaire (source : analyses de terrain, 2012).

262 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Bien que testés par le temps et par l’impact de multiples aléas, la validité des dispositions
parasinistres vernaculaires est souvent marginalement admise par les institutions officielles et par
la communauté scientifique internationale270. cause d’un manque de reconnaissance à l’égard des
spécificités et potentialités propres à ces pratiques, le recours à des technologies scientifiquement
reconnues, mais demandant un degré de qualification élevé, est généralement privilégié en dépit de
solutions simples, mais efficaces, pouvant découler des exemples vernaculaires.

Dans un grand nombre de cas, les connaissances du génie parasinistre officiel ont toutefois un
impact très limité sur la réalité construite : leur principaux détenteurs (ingénieurs, architectes, etc.)
ne sont pas impliqués dans le processus de conception et réalisation de la plupart des bâtiments
composant l’environnement construit, et les principes qu’il préconise n’atteignent que très rarement
leurs « vrais » bâtisseurs 271(entrepreneurs, artisans, autoconstructeurs, etc.).
En même temps, les dispositifs parasinistres inhérents aux pratiques vernaculaires sont souvent
ignorés par les praticiens, les chercheurs et les décideurs en raison d’un manque de preuves
scientifiques et de la difficulté à en obtenir (Langenbach, 2009, op. cit.) ; contrainte qui découle
également d’un intérêt limité272 porté par les centres de recherche et d’enseignement à la
compréhension et diffusion de ces savoirs273.

Quand appliqué, le cadre normatif se révèle, en outre, considérablement limitant et ambigu : d’une
part en restreignant les options applicables et susceptibles de bénéficier d’un support technique et/
ou financier, tant au niveau public que privé ; d’autre part ne proposant souvent que des solutions
non accessibles ou non réalistes par rapport à la situation effective des populations et constructeurs,
négligeant de fait les facteurs « locaux » et sociaux. En particulier dans le cas du bâti historique
non-monumental, la conformité aux codes de construction parfois impose des interventions et
admet des modifications dont la légitimité au regard d’une cohérence constructive, structurelle et
historique se révèle pour le moins questionnable274, voire contradictoire, déterminant dans certains
cas même une augmentation de la vulnérabilité effective de l’ouvrage (Ferrigni, Helly, Mauro, et
al., 2005, op. cit.).

De fait, en dépit des nombreuses lignes guides et recommandations concernant la conception


parasinistre des constructions sans architectes/ingénieurs en différents pays, un grand écart existe
entre les principes préconisés par les disciplines scientifiques et les instances officielles, et la réalité
et pratique effectives de la construction courante.

270 Et cela bien que des programmes (p.e. LINKS-Local and Indigenous Systems promu par l’UNESCO) et des organismes (p.e.
CIAV-International Committee of Vernacular Architecture, ICOMOS-International Council of Monuments and Sites) à statut
international, spécifiquement focalisés sur l’architecture vernaculaire et le patrimoine historique, existent depuis plusieurs
dizaines d’années.
271 he engineers follow what they learned in their professional education/training. Most of them are direct import from
developed countries and do not re ect conditions of construction site of developing countries. he workers conduct construction
works as they learn from their experience of construction works or advice from master builders or senior colleagues, who
have little opportunity to learn engineering . he owners and customers of non-engineered houses are mostly low
income people. hey can not afford to pay for technical services by professional experts like structure engineers, architects,
or examiners. herefore experts have rarely opportunities to get to know actual situation of non-engineered constructions
(Narafu, Imai, Matsuzaki, et al., 2008, p. 2-3).
272 Most of the engineers think non-engineered houses are out of their responsibility. Some say engineers do not have
knowledge on non-engineered structures because there is no engineering knowledge on those structures as their name non-
engineered’ shows (Ibid., p. 1).
273 On peut citer le cas du Bangladesh o , selon des récentes estimations, environ 81% des bâtiments est réalisé sans l’appui
d’un architecte et/ou d’un ingénieur mais seulement 1% de la recherche effectuée dans les universités du pays porte sur la
construction en milieu rural o la majorité de ces architectures se situent (Islam, 2013, op. cit.).
274 Ces codes n’incluent souvent pas des éléments spécifiques au bâti ancien et à sa réhabilitation et/ou consolidation,
mais ils peuvent exiger que les constructions historiques répondent aux mêmes critères que celles récentes allant jusqu’à
dénaturer la nature de l’ouvrage et sa valeur patrimoniale, en imposant par exemple le remplacement d’une structure
ancienne avec une nouvelle, supporting heritage components as non-structural elements, rather than making the use of the
existing materials by tying them together to make the system perform effectively (Cardona, 2005, p. 104).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 263


L’investigation et la catégorisation des pratiques parasinistres corrélées aux architectures vernaculaires
dérivent de l’adoption d’une approche systémique qui, par une démarche de documentation
et analyse, permet de faire ressortir les multiples caractères et matérialisations intrinsèques aux
cultures du risque rapportées au domaine de la construction. Par ce travail, d’autres considérations
émergent au regard des évolutions et limites des pratiques et recherches actuelles. La réflexion qui
en découle vise à contribuer au franchissement des barrières physiques et disciplinaires constatées
ainsi qu’à bénéficier de l’apport réciproque latent inhérent au niveau de la pratique ordinaire, de la
recherche et de l’action.
Les parties qui suivent présentent des pistes de travail qui supportent une reconnaissance et
régénération des pratiques constructives- et parasinistres- vernaculaires en relation à deux aspects :
leur substance (le « contenu »), par la proposition d’un outil qui permette une plus ample diffusion
des informations entre chercheurs, praticiens et constructeurs ; les modes d’interaction et de
construction des savoirs (le « processus »), par un questionnement des types et potentialités des
interrelations pouvant subsister entre ces différents acteurs.

Le concept d’une base de données rassemblant les résultats de recherches et analyses de terrain
n’est pas nouveau. Sous forme imprimée ou plus récemment informatique, des outils de référence
ont été développés depuis quelques dizaines d’année par des instituts et centres de recherche en
réponse aux constats et besoins exprimés aussi bien dans le milieu opérationnel que scientifique
(Touliatos, 1996, op. cit. ; Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005, op. cit.). Certains de ces supports
adoptent une approche particulièrement vaste, englobant une grande variété de domaines liés aux
pratiques et connaissances vernaculaires275, tandis que d’autres restreignent le champ aux artefacts
construits en les rapportant à une dimension géographique, culturelle et/ou matérielle276. Parmi ces
derniers, certains se réfèrent spécifiquement à la problématique des risques naturels, en proposant
des bases de données à échelle locale277, nationale et transnationale278, voire mondiale279, relatives
toutefois essentiellement à des phénomènes de type sismique et avec des références variables
à un niveau opérationnel. Cependant aucune, parmi les sources et les plateformes consultées280
considère de manière systémique et systématique les cultures constructives du risque.

275 La « Traditional Knowledge World Bank », plateforme web développée par le centre de recherche sur les connaissances
traditionnelles et locales IPOGEA (Italie) en collaboration avec l’UNESCO, employant un système iconographique particulier
(System of Traditional Techniques and Innovative use - SITTI) pour enregistrer et identifier les techniques traditionnelles
relatives à plusieurs domaines (p. e. : agriculture, gestion de l’eau, etc.) (source : http://www.tkwb.org).
276 En format imprimé, on peut citer l’Encyclopedia of ernacular Architecture of the orld de Paul Oliver (1997) ainsi que
la cartographie qui lui a succédé (Vellinga, Oliver, Bridge, 2007) et, en format numérique, les fiches thématiques du projet
MedaCorpus présentant les typologies architecturales et constructives de plusieurs pays entourant la Méditerranée (source :
http://www.meda-corpus.net). Dans les deux cas la relation avec les risques naturels n’est pas approfondie.
277 Telle que la constitution d’une base de données des particularités constructives rapportables à une culture sismique
locale pour la zone de la Garfagnana et Lunigiana (Italie) en vue de l’identification de modalités d’intervention appropriées
pour une réhabilitation du bâti existant (Pierotti, Ulivieri, 2001, op. cit.).
278 titre d’exemple : le programme d’Atlas des Cultures Sismiques Locales conduit par le Centre Universitario Europeo per i Beni
Culturali (Italie) proposant des études de cas dans la région du basin méditerranéen et des activités promouvant une réduction de
la vulnérabilité du bâti historique par le renouvellement des cultures sismiques locales (Ferrigni, Helly, Rideaud, 1993).
279 Promue par l’Earthquake Engineering Research Institute et l’International Association for Earthquake Engineering, la
« World Housing Encyclopedia » est une plateforme web réunissant des ressources documentaires relatives à la construction
en zone sismique et des rapports au regard de différents exemples de constructions, vernaculaires et non, avec une
focalisation sur les aspects techniques (source : http://www.world-housing.net).
280 En outre, j’ai également consulté des plateformes relatives à des initiatives de réduction de la vulnérabilité référées tant à
des pratiques vernaculaires qu’initiées par des organismes opérationnels et de recherche (p.e. Disaster Reduction Hyperbase,
NIKER-New Integrated Knowledge based approaches to the protection of cultural heritage from Earthquake-induced Risk).

264 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Dans une mise en perspective du travail présenté dans les précédents chapitres, j’illustre ici
une proposition pour la constitution d’un « atlas » des pratiques vernaculaires de réduction de
la vulnérabilité du bâti281. La connotation cartographique induite par le terme « atlas » se réfère
expressément à une dimension géographique ; toutefois plus qu’un ensemble de cartes, cet
atlas vise à constituer une base dynamique de données relatives aux dispositions techniques
et comportementales permettant de prévenir et/ou réduire l’impact des aléas naturels sur
l’environnement et les artefacts construits.

Ce recueil se veut une source d’inspiration et d’information fournissant des éléments de référence
pour élaborer des propositions techniques, opérationnelles et normatives respectant le bâti
existant et les spécificités contextuelles, ainsi que pour favoriser une reconnaissance scientifique
et institutionnelle des « intelligences » parasinistres corrélées aux architectures vernaculaires.
L’objectif de ce catalogue est triple : apporter des informations relatives à des endroits précis
pour des interventions et/ou des activités spécifiques à une région ; fournir des bases pour le
développement de recherches ultérieures, portant sur des niveaux géographiquement localisés
que sur des thématiques transversales (p.e. en relation à une typologie constructive) ; offrir une
documentation et des supports de sensibilisation et diffusion. De par ce fait, il s’adresse à un large
public, comprenant aussi bien des spécialistes, chercheurs, techniciens et opérateurs de terrain,
que des responsables en charge des prises de décision au niveau politique, économique et opératif
(autorités, cadres, bailleurs de fonds, etc.).

Cet atlas recueille de manière structurée et géoréférencée des informations au regard de systèmes,
dispositifs et pratiques vernaculaires relatives à des régions et types d’aléas naturels différents,
intégrant donc aussi bien des aspects de type technique - temporaire et permanent - que
comportemental. Pour ce faire, la littérature existante et les analyses effectuées dans le cadre de
projets situés, d’évaluations post-catastrophe et d’initiatives de réhabilitation et préservation du
patrimoine constituent des sources primaires, permettant l’acquisition d’informations ainsi que le
développement d’une expertise particulière aux milieux vernaculaires et à leur résilience.
En relation aux différentes typologies constructives et cas traités, des supports de sensibilisation
(publications, affiches, expositions, etc.), formation (manuels, outils pédagogiques, etc.) et
démonstration (expérimentation, vidéos, etc.) ainsi que des documents techniques pourraient
être développés promouvant les « bonnes pratiques » vernaculaires et les résultats des recherches
scientifiques, mais également offrant des informations concrètes pour leur réutilisation et application.

Le caractère dynamique proposé pour ce recueil se rapporte tant au niveau de son contenu que de
son fonctionnement ; je me réfère en particulier à un format de type plateforme web interactive,
à laquelle s’associent des publications thématiques, permettant l’accès à un large public à échelle
internationale. Ce format permet d’enrichir de manière évolutive la base de données, par l’ajout de
nouveaux cas d’étude et des approfondissements de ceux existants, ainsi que de mettre en évidence
des éventuelles analogies entre les exemples traités.

En suggérant des pistes pour contrebalancer les limites des outils actuels282, cette proposition
n’implique cependant pas forcement la création d’une nouvelle plateforme, mais envisage un
développement progressif se situant dans une démarche de complémentarité, tant des contenus
que des formats proposés, avec les supports existants.

281 Cette proposition se relie au projet scientifique « Atlas des cultures locales du risque », conduit en relation à la thématique
« Gestion des risques et reconstruction » auprès du laboratoire CRAterre-ENSAG pendant la période 2011-2014, et visant
à « documenter et analyser l’histoire des cultures locales du risque dans les régions exposées aux aléas de catastrophes
naturelles (séismes, inondations, cyclones) » (Guillaud, Rollet, 2009, p. 24).
282 Parmi lesquelles : la focalisation sur un seul type d’aléa ou une échelle très localisée, l’amalgame entre techniques
vernaculaires et récentes, une présentation et organisation ne favorisant pas une compréhension ni une accessibilité claire
aux informations, la prise en considération d’aspects uniquement techniques.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 265


Outre à fournir des éléments descriptifs au regard de techniques et pratiques vernaculaires, cet outils
de récolte et diffusion d’informations constitue une source d’identification de zones géographiques,
solutions constructives et questions encore à explorer, favorisant ainsi le développement de
recherches ciblées, comblant les lacunes existantes mais également adoptant des nouvelles
approches d’investigation et de pratique283.

Le travail présenté, en relation à une classification typologique et à l’approfondissement de cas


particuliers (fiches d’approfondissement), pourrait de fait constituer une première étape pour la
constitution de cet ensemble (Fig. 147).

APPROFONDISSEMENTS EFFECTUÉS DANS CETTE RECHERCHE

IDENTIFICATION / APPROFONDISSEMENT DE NOUVEAUX CAS

APPROFONDISSEMENT DES ASPECTS TECHNIQUES


ET PARASINISTRES

DÉVELOPPEMENT D’OUTILS DE COMMUNICATION

Fig.147: Possibilités d’évolution des supports élaborés dans le cadre de cette recherche

283 titre d’exemple :


- des recherches par typologie constructive à échelle transnationale ;
- des analyses des possibles corrélations entre les caractéristiques structurelles des constructions vernaculaires de
régions présentant des analogies d’un point de vue constructif et/ou des caractéristiques phénomènes naturels ;
- la synthèse d’informations dérivant de différentes évaluations post-catastrophe ainsi que la mise au point d’outils
spécifiques à ce type d’analyse axés sur le bâti et les pratiques vernaculaires.

266 Cultures constructives vernaculaires et résilience


La compréhension des particularités constructives et parasinistres du bâti vernaculaire, l’investigation
des facteurs réduisant sa vulnérabilité sous l’action des aléas et l’élaboration de propositions
techniques pour en améliorer le comportement et durabilité, constituent des contributions
essentielles à la pratique architecturale et constructive contemporaine et future.

l’heure actuelle, la diffusion d’un nombre considérable de recherches reste cependant confinée
à la communauté scientifique ou, quand les résultats de ces études atteignent le terrain, ils se
révèlent souvent en décalage avec les conditions et possibilités (techniques, financières, matérielles,
etc.) qu’y existent. D’autre part, nombreux organismes travaillant dans le domaine de l’habitat ont
plutôt tendance à reproduire des technologies scientifiquement et/ou institutionnellement validées
(mais pas forcement contextuellement appropriées) qu’à proposer des pistes d’amélioration et de
réutilisation des modes de construction courants dans le contexte d’intervention.

En relation à ces dynamiques, une structuration des acteurs impliqués dans le secteur de la
construction peut être effectuée en relation à trois niveaux distincts, se rapportant aux rôles
spécifiques que ceux-ci assument :

- niveau de la « pratique » : comprenant les groupes et individus qui constituent les bâtisseurs
effectifs de l’environnement et des artefacts construits (habitants,
artisans, entrepreneurs, producteurs de matériaux, etc.) ;
- niveau de l’ « action » : incluant les professionnels et les décideurs qui, de par leur présence
et activité sur le terrain, présentent un potentiel d’influence sur
les pratiques courantes (p.e. techniciens, instances et collectivités,
organisations locales, nationales et internationales, etc.) ;
- niveau de la « recherche » : se rapportant aux milieux académiques mais également aux
institutions et chercheurs indépendants qui, par des recherches
fondamentales et appliquées, développent des connaissances
scientifiques et technologiques.

Pour que les objets et les résultats des travaux conduits dans les centres de recherches représentent
des alternatives effectives et viables pouvant s’intégrer aux politiques et pratiques constructives
courantes, une relation étroite entre la « recherche » et la « pratique » se révèle déterminante.
Dans l’instauration et le maintien de cet échange, le niveau de l’« action » présente un potentiel
substantiel pour favoriser une prise en compte des capacités et besoins effectifs, une vérification
directe de la faisabilité des propositions ainsi que leur application et diffusion. Deux approches,
se distinguant par la modalité d’interaction entre les niveaux et acteurs impliqués, me paraissent
présenter un intérêt particulier envers l’établissement d’une synergie entre pratique, recherche et
action284.

284 Les éléments présentés dérivent des expériences effectuées au cours de cette recherche se réfèrent aux deux projets
dans lesquels j’ai été directement impliquée pendant ces trois ans: le projet de recherche ReparH visant à apporter un appui à
des organismes opérationnels actifs dans la réhabilitation suivant le séisme de 2010 en Haïti, et un programme de préparation
aux catastrophes au Bangladesh, auquel participent aussi bien des organismes opérationnels que de recherche.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 267


D’une part, la mise en relation entre « recherche » (R) et « pratique »
(P) peut s’opérer par l’intermédiaire du niveau de l’« action » (A) :
l’interaction entre les deux premiers niveaux s’effectue de manière
indirecte et/ou ponctuelle. Ces sont les acteurs opérationnels qui
communiquent aux chercheurs les contraintes et potentialités du
cadre contextuel, et qui transmettent aux constructeurs et habitants
les résultats des recherches par des initiatives, des programmes et/ou
des cadres réglementaires particuliers285 (Fig. 148a).
Cette approche se révèle efficace lors que la recherche se concentre
sur des facteurs relativement hors contexte, dont les résultats
présentent une flexibilité d’application à des conditions variées et
sont donc réadaptables par les acteurs opérationnels en fonction de
la situation d’intervention. La structure relationnelle qui en découle
favorise la diffusion et la multiplication d’applications en relation à des
situations contextuelles différentes (Fig. 148b) tout en admettant une
certaine indépendance dans les modalités et priorités de travail des
trois niveaux impliqués. Fig.148: Approche par intermédiaire

D’autre part, les trois niveaux peuvent interagir de manière directe et


continue par l’instauration d’une relation égalitaire entre chercheurs,
opérateurs et populations locales (Fig. 149a). Les paramètres et le
contenu de la recherche ainsi que les modalités d’application de ses
résultats se déterminent sur la base d’un échange dialogique entre
les différents acteurs et d’une prise de décision commune286. En ce
faisant, les chercheurs sont directement confrontés aux conditions
du contexte de référence et peuvent être impliqués dans la diffusion
des connaissances découlant de la recherche scientifique (p.e. par des
formations aux constructeurs).
Avec cette approche, la recherche se met véritablement « au service »
des populations et des acteurs opérationnels, en s’adaptant au rythmes
et priorités du terrain et intégrant des éléments spécifiquement locaux.
Ce mode d’interaction donne lieu à une pluralité de propositions
étroitement corrélées aux particularités de chaque contexte de travail
(Fig. 149b) : pour chaque situation des propositions spécifiques sont
élaborées à partir des savoirs et compétences de chaque acteur
impliqué, favorisant une diversification des réponses et un partage
des apprentissages découlant de chaque collaboration. Fig.149: Approche par relation directe

Le rapprochement entre pratique, recherche et d’action ainsi qu’une synergie entre les différents
acteurs (communautés locales, universités, organismes de terrain, mais également bailleurs de fond,
autorités et collectivités, etc.) exercent une influence considérable sur les contenus des travaux
entrepris par les milieux académiques, la pertinence des propositions effectuées par les organismes
opérationnels comme sur leur accessibilité et appropriation par les constructeurs et habitants.

285 Cette approche est à la base du projet ReparH, qui inclut deux recherches en thèse (celle-ci et une autre développée
auprès du laboratoire 3SR-UJF) qui, par le développement d’éléments particuliers (des outils méthodologiques et une étude
technique), ont directement contribué au travail de plusieurs organisations, tant locales qu’internationales, conduisant des
activités relatives à la construction (p.e. réparation et reconstruction post-séisme, construction nouvelle, amélioration du bâti
existant, etc.) en différentes régions d’Haïti.
286 Le programme de préparation aux catastrophes, au Bangladesh, se base sur cette approche. Pour chaque zone de
travail, la mise au point de propositions techniques s’effectue par un processus itératif de définition, discussion et validation,
impliquant l’ensemble des acteurs concernés (populations locales, organisme opérationnel et laboratoire de recherche).

268 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cela contribue à enraciner tant les études scientifiques que les
approches opérationnelles et politiques dans les conditions
et dynamiques contextuelles. Ce qui favorise l’élaboration
de propositions techniquement et scientifiquement validées
en phase avec les capacités effectives ainsi qu’une prise en
compte de l’ensemble des facteurs influençant l’habitat et la
résilience, incluant donc aussi bien des aspects techniques
et comportementaux qu’une reconsidération des limites et
des niveaux de risque acceptables en accord aux pratiques et
disponibilités locales. Et en même temps, cet échange favorise propositions techniques et
diffusion des connaissances
une diffusion de connaissances scientifiques et vernaculaires,
définition des besoins,
permettant aux différents acteurs de directement bénéficier contraintes et potentialités
des résultats des recherches et des expériences conduites
localement et dans d’autres contextes (Fig. 150). Fig.150: Échanges et influences

Ces interrelations présentent le potentiel de déclancher un processus d’ajustement, mutation,


voire un renversement des priorités, des pratiques et des visions courantes. Un changement vers
l’expérimentation et l’adoption d’approches de conception du bâti et des rapports entre les acteurs
dans lesquelles les critères de qualité, de pertinence et sécurité, sont le résultat d’une réadaptation
et prise en compte réciproque de facteurs aussi bien techniques que culturels, scientifiques
qu’empiriques, d’efficacité et résistance que de faisabilité et résilience.
Dans une logique de (ré)génération des cultures constructives locales associées à une réduction de
la vulnérabilité du bâti, la synergie entre pratique, recherche et action révèle donc une importance
déterminante, en faisant ressortir le rôle de la dimension culturelle et comportementale, souvent
négligée en faveur d’une approche purement technocratique.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 269


270 Cultures constructives vernaculaires et résilience
La présence de stratégies parasinistres intégrées à toutes les échelles de l’environnement bâti
- du détail constructif à la morphologie du bâtiment, de l’habitation à la ville et à la gestion du
territoire – et du milieu humain - de l’organisation sociale aux histoires mythologiques jusqu’à
des politiques explicites - dévoile l’importance de la notion de réduction de la vulnérabilité dans
le processus d’évolution de la culture et des pratiques constructives des populations habitant des
régions exposées à des aléas naturels majeurs.

L’investigation conduite a porté sur l’analyse d’une multiplicité de cas, en vue d’approfondir la notion
de « culture du risque » en association à la dimension vernaculaire du bâtir. Cette exploration a visé
à mettre en évidence la corrélation entre la dimension culturelle et constructive de cette prise en
compte du facteur « risque ». L’approfondissement des différents niveaux que cette interrelation
intègre, la considération des techniques mais également des pratiques liées à une résilience dans
l’habitat, la définition d’un principe de classification des typologies constructives, apportent une
perspective systémique complémentaire à la vision située des recherches développées à échelle
locale et régionale.

Ainsi, ce travail contribue à la définition d’un cadre référentiel théorique par la proposition d’une
approche situant les cultures constructives vernaculaires du risque en tant que systèmes complexes,
articulés et interreliés au contexte physique et social qui les génère, et dont les composants se
constituent rarement d’éléments fragmentés, dissociés, uniquement techniques ou structurels.
Cette recherche participe à élargir l’appréhension de ce système et à saisir les particularités des ses
différentes composantes. Toutefois, elle participe également à une prise de connaissance – et de
conscience – du caractère et du potentiel parasinistre précieusement enclos par les architectures et
les environnements bâtis vernaculaires ; ceci à travers une dissection et une mise en corrélation de
leurs caractéristiques avec les principes du génie parasismique actuel et des constatations effectives
pouvant être effectuées en relation aux événements du passé.

D’autre part, cette reconnaissance repose sur une appréhension des savoirs existants et sur leur
alimentation persistante par la pratique des bâtisseurs ordinaires, par l’étude scientifique et par
l’influence exercée par des institutions opérationnelles. ces aspects se réfèrent les propositions
effectuées dans les chapitres précédents : des pistes méthodologiques et pratiques pour favoriser
une plus ample synergie de savoirs, constituant simultanément un tremplin pour davantage
investiguer l’« intelligence » parasinistre vernaculaire et un socle solide sur lequel bâtir des actions
et des propositions techniques apprenant du vernaculaire au même titre que de la science formelle.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 271


272 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Fig.151: Haïti, Laborde, milieu vernaculaire

Cultures constructives vernaculaires et résilience 273


And in the end, the most valuable lessons may be found in something so obvious, simple, and low-
tech that it has been easy to overlook. It is so easy in our time of powerful images and superficial
cinematic effects to believe that the cultural value of indigenous national styles of architecture
lies only in their visual image. However, it is not enough to preserve isolated examples of historic
vernacular buildings solely as if they are animals in a pe ng zoo, or, worse, to paste cute details
borrowed from such architectural traditions onto the facades of buildings constructed using non-
traditional technologies.

here is more to the traditional buildings than their veneer. nderstanding their structural
characteristics is, in so many ways, like coming to know someone in person, not just from a re ection
in a mirror.

In the final analysis, an understanding of premodern building technologies can provide an opportunity
to step back for a moment to evaluate where we are now, based, not just from a narrow view from the
commonly accepted standards of our time, but in comparison with all time. In so doing, we may be
able to discern the loss along with the gain, and thus re-capture some of the quality of inventiveness
that is manifest in the traditional buildings of so many national cultures. Only then, perhaps, will it be
possible, once again, to create new buildings that re ect the identities of their local cultures, rather
than add to the detached and ahistorical uniformity that so o en characterizes the modern buildings
that are now so o en interchangeable the world over. 2

287 Langenbach Randolph, 2002. « Survivors in the Midst of Devastation. A Comparative Assessment of Traditional Timber
and Masonry Construction in Seismic Areas ». In : th .S. National Conference on Earthquake Engineering ( NCEE).
Boston : Earthquake Engineering Research Institute, 21 juillet 2002. p.10.

274 Cultures constructives vernaculaires et résilience


La présente recherche a entamé une investigation du potentiel apport des cultures constructives
vernaculaires en vue d’un renforcement de la résilience locale, par le domaine de l’habitat. Ceci,
allant au-delà d’aspects purement techniques par l’adoption d’une approche s’élargissant à une
prise en compte des pratiques - tant constructives que comportementales - développées par les
populations habitant des régions géographiquement exposées à des aléas naturels.
Les propositions développées au regard d’une méthodologie pour une analyse spécifique des
cultures constructives vernaculaires ainsi que pour dresser un atlas des pratiques vernaculaires
parasinistres se rapportent directement aux trois niveaux qui revêtent un rôle direct et décisif dans
la création d’un cadre bâti résilient. La théorie et la pratique s’entremêlent ici en tant qu’objet de
cette recherche et en tant que cadre de son développement dans l’action. C’est précisément dans
cet entremêlement que, à mon avis, résident des pistes pertinentes et innovantes pour concevoir,
mettre en œuvre et gérer des initiatives de réduction de la vulnérabilité d’habitats et communautés.

Le rapprochement entre différents milieux et niveaux de recherche et d’action, la coopération


entre acteurs hétérogènes et la synergie entre disciplines et cultures variées peuvent, dans ce sens,
permettre de bénéficier de la complémentarité des savoirs et compétences spécifiques à chacun,
donnant lieu à un processus cohérent d’enrichissement réciproque ; et ce à plusieurs échelles et de
plusieurs manières.
D’une part, la prise en compte des spécificités des contextes dans les interventions d’agences d’aide
permet aux populations de bâtir, entretenir, réparer et agrandir toute construction de manière
durable et autonome, ainsi que de contribuer à la constitution d’un cadre institutionnel et de
pratique favorisant le renforcement des capacités des individus, communautés et institutions à (se)
préparer et gérer des crises futures.
D’autre part, l’établissement d’une collaboration étroite entre différents organismes et structures
institutionnelles ouvre plusieurs perspectives dans lesquelles la recherche et la formation contribuent
de manière directe aux actions des acteurs opérationnels et des populations locales. Ceci en
encourageant l’étude de techniques et savoirs vernaculaires, leur intégration dans l’enseignement
professionnel et universitaire, ainsi que leur utilisation pour l’élaboration de règles et de supports
techniques pour le bâti existant et nouveau.

Par son lien avec des activités en cours sur le terrain, cette thèse s’est tout naturellement rapportée
au questionnement des modalités et possibilités concrètes selon lesquelles ces échanges et
coopérations pourraient avoir lieu. Les expériences particulières du projet ReparH et du programme
de réduction des risques au Bangladesh ouvrent des voies sur lesquelles il est particulièrement
intéressant de s’engager davantage. Elles suggèrent des modes de coopération transnationale
et transdisciplinaire, s’éloignant des logiques de paternalisme et d’assistanat des « populations
démunies », vers des approches o la pratique, la recherche et l’action se fusionnent, à part et titres
égales.

Néanmoins, plusieurs questions se posent quant à l’implication des cultures constructives


vernaculaires dans la pratique architecturale contemporaine.
Comment les particularités et le comportement du bâti vernaculaire peuvent-ils être saisis et
revisités, même lorsque les techniques qui les caractérisent ne sont plus employées et dès lors que
la transmission des savoirs corrélés n’est plus assurée entre générations ?
De quelles manières les connaissances parasinistres associées aux pratiques constructives
empiriques peuvent-elles s’affirmer et être diffusées simultanément - et complémentairement - aux
connaissances scientifiques ?
Et par ailleurs, quel rôle peut jouer la coopération internationale dans l’interaction entre les
pratiques architecturales ordinaires et les savoirs vernaculaires parasinistres, afin que ces derniers
puissent continuer à s’inscrire dans un processus de réduction de la vulnérabilité qui s’adapte au
degré effectif de risque et - simultanément - aux différents enjeux contextuels ?

Cultures constructives vernaculaires et résilience 275


Vis-à-vis de ces questions, deux pistes me paraissent présenter un intérêt réel.

L’une, approfondie et expérimentée au cours de cette recherche, porte sur l’analyse en tant
qu’instrument de compréhension et de fondement d’actions. L’autre, en partie amorcée dans certains
chapitres de cette thèse, se rapporte à la communication comme instrument de construction et
composant à part entière d’un projet. Ces deux pistes se détachent d’une focalisation étroite sur
les spécifications techniques du produit construit, dont le développement demeure important, sans
pour autant constituer le seul facteur de résilience et de pertinence.

Cette recherche apporte une contribution à la définition des fondements théoriques de la première
piste ; il s’agit de poursuivre dans son développement en tant que démarche de projet, envers lequel
les expériences conduites au cours de ces trois ans attestent d’une faisabilité et d’opportunités
réelles.

Quant à la deuxième piste, cette recherche propose une réflexion critique au regard de la
communication en tant qu’échange entre parties prenantes et mode de gestion - participation,
implication, pouvoir d’action et de décision - dans le cadre d’activités d’organisations d’aide ;
parallèlement elle esquisse des éléments de référence au regard de la communication en tant que
moyen de constitution de compétences, diffusion de connaissances et renforcement de capacités.
D’un point de vue théorique, cette piste reste encore à explorer ; cependant au niveau opérationnel,
plusieurs expériences existent, indiquant un potentiel effectif d’apport à une amélioration des
pratiques constructives et de résilience.

276 Cultures constructives vernaculaires et résilience


L’association de l’identification des particularités constructives du bâti vernaculaire à celle de son
milieu naturel et humain devient indispensable si l’on veut saisir pleinement les spécificités des
contextes sur lesquelles fonder des initiatives de réduction de la vulnérabilité.
La variété des solutions développées par différentes populations explicite la nécessité d’intégrer cette
diversité dans la conception et la mise en place de propositions constructives et méthodologiques.
Intégrée aux activités d’un programme depuis son début, l’analyse des cultures constructives locales
fournit les informations essentielles pour proposer une gamme d’options adaptées aux divers
caractères socioculturels, aux possibilités d’investissement ainsi qu’aux potentialités, contraintes et
stratégies parasinistres présentes localement. D’autre part, cette phase peut également contribuer à
renforcer les capacités des acteurs locaux et internationaux dans la gestion des crises future.

Comprendre les pratiques constructives et de résilience développées par les différents individus,
communautés et sociétés et, en même temps, reconnaître les connaissances et l’expertise
existantes peuvent de fait devenir un véritable point de départ pour renforcer la résilience, à des
multiples niveaux et à long terme, tout en s’inscrivant dans une continuité culturelle, constructive et
temporelle des pratiques et des approches.

É
PROCÉDURES
OPERATIONNELLES consolidation
existant

MÉTHODOLOGIE
ET OUTILS POUR CONCEPTION
TECHNIQUE (re)construction
UNE ANALYSE améliorée
CONTEXTUELLE
crise réparation
RENFORCEMENT
DES CAPACITÉS

abri transitionnel

autorités et personnel et constructeurs, habitants et


décideurs opérateurs de producteurs, communautés
politiques terrain fournisseurs locales

Fig.152: L’analyse comme point de départ

Les aspects culturels et comportementaux sont particulièrement importants à considérer lorsqu’on


se réfère à des initiatives visant directement à un changement de pratiques. La prise en compte
d’aspects purement techniques peut, par contre, s’avérer appropriée en vue d’une compréhension
fine des dispositifs et typologies constructives ainsi que d’une étude détaillée des mécanismes
régissant le comportement structurel du bâti sous l’action des aléas naturels. Cette investigation se
révèle particulièrement pertinente lors qu’elle associe plusieurs approches analytiques (p.e. essais
dynamiques, modélisations numériques) à une observation directe des effets de ces phénomènes
sur le milieu construit ; ceci pour identifier les facteurs susceptibles d’en augmenter ou réduire la
vulnérabilité et pour saisir l’influence des variables typologiques.
Cette compréhension ouvre des pistes pour une application des techniques et systèmes vernaculaires
en relation à une grande variété de situations, parmi lesquelles on relève la réhabilitation du
patrimoine, la construction nouvelle, la reconstruction post-catastrophe et la consolidation
préventive du bâti existant.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 277


L’analyse ne suffit cependant pas en elle-même à favoriser la régénération des modes de bâtir
les milieux et les projets. Si des nouvelles pistes ont été amorcées depuis déjà quelques temps
(contiguum entre phases de projet, constitution d’une culture du risque, valorisation des
connaissances indigènes, etc.), l’une d’entre elles mérite, à mon avis, une attention particulière. Il
s’agit de la communication en tant que stratégie de projet, moyen de renforcement des compétences
et de construction de capacités. Je me réfère ici au concept de communication dans son sens
originaire de « mise en commun, échange de propos, action de faire part » ; un processus de partage
réciproque, de dialogue et de construction commune du sens qui va donc bien au-delà d’un transfert
de technologies et/ou de savoirs.

Dans le cadre de programmes de construction, la réalisation d’habitations est fréquemment couplée


à des activités de formation. Toutefois, telles que généralement conduites, elles ne sont en soi
souvent pas suffisantes pour que les améliorations et nouvelles propositions s’enracinent dans
les pratiques courantes. Cette limite peut dériver d’une inadéquation des options considérées et/
ou d’une focalisation sur des objectifs essentiellement quantitatifs, mais elle est également une
conséquence de la faible importance accordée aux modes de transmission, aux caractéristiques
des supports et à leur adaptation - en termes de contenu, langage et niveaux de technicité - aux
différents publics auxquels ils s’adressent. Ces aspects assument en revanche une influence décisive
sur la compréhensibilité et l’application future, en dehors du cadre d’un programme. En effet, s’il
est nécessaire que des compétences soient disponibles, il est autant nécessaire que les principes
proposés soient saisis par les constructeurs et les maîtres d’ouvrage ainsi que soutenus et reconnus
par les instances locales.

Un des facteurs critiques pour favoriser une réduction de la vulnérabilité à long terme de
l’environnement bâti est donc non seulement celui de la compréhension du contexte, mais
également celui de la communication entre individus, groupes collectivités et institutions participant
à sa construction. Communication qui fonde le processus d’acquisition et renforcement de savoirs et
savoir-faire, d’analyse contextuelle et d’identification des pistes à entreprendre. Elle ne se limite pas
à des échanges entre « promoteurs » et « bénéficiaires » d’un projet mais à un engagement, voire
une participation de ses différents acteurs, car pour qu’il puisse avoir un impact effectif et durable,
un projet doit être compris, partagé et soutenu par une communauté entière, spécialement lors
qu’il implique un changement des comportements d’un ensemble d’individus.

Si dans le processus de projet, la communication se réfère aux modalités et supports de relation et


d’échange entre les parties prenantes, au niveau plus large elle se rapporte à un partage et mise en
réseaux entre le niveau de la pratique, de la recherche et de l’action. Une communication donc en
tant que trait d’union entre savoirs et entre acteurs. De nouvelles approches, modes d’interaction,
compétences et outils particuliers aux types d’informations, situations et interlocuteurs nécessitent
d’être développés, s’adressant de manière particularisée aux :

décideurs : pour qu’ils prennent davantage en considération des approches situées et intégrées,
favorisant des conditions pour un rapport égalitaire effectif entre les parties
prenantes ainsi qu’un rapprochement avec le milieu de la recherche et la réalité du
terrain ;
chercheurs : pour que les connaissances qui existent soient développées et approfondies par une
mise en situation réelle, en (se) nourrissant de manière directe et dynamique (de)
celle-ci ;
professionnels : pour qu’ils soient en mesure de saisir les spécificités du contexte dans lequel ils
sont portés à travailler et proposer des approches constructives et méthodologiques
cohérentes ;

278 Cultures constructives vernaculaires et résilience


futurs professionnels : pour qu’à terme du cursus d’étude ils aient appris non seulement à concevoir
de nouvelles « œuvres » architecturales mais également à apprendre et à s’inspirer de
l’existant pour bâtir des environnements résilients, pas forcément et exclusivement
d’un point de vue physique ;
constructeurs : pour qu’ils disposent des connaissances et compétences pour bâtir de manière
cohérente avec les technologies utilisées, ainsi que pour concevoir et proposer des
solutions architecturales et constructives équilibrées face aux capacités et désirs des
maîtres d’ouvrages et aux risques existants ;
populations, habitants, propriétaires :
pour qu’ils aient la possibilité de choisir la solution architecturale et technologique
qui leur convient le mieux, cela en connaissance de cause des avantages et limites
des différentes options constructives.

La vulgarisation et diffusion de connaissances relatives aux pratiques vernaculaires constituent, à


mon avis, des pistes indispensables à entreprendre, dans lesquelles les différents acteurs de l’aide
humanitaire et de la coopération au développement, de même que les instituts de recherche et les
organes gouvernementaux devraient investir davantage. Et cela non seulement en référence à des
aspects techniques mais à un processus de co-conception/production/gestion/opération favorisant
la construction d’habitats résilients par le respect des diversités culturelles et individuelles et une
régénération des « capabilités » des communautés qui l’habitent.

IDENTIFICATION
É
PROCÉDURES
OPERATIONNELLES consolidation
existant

CULTURES
CONCEPTION
CONSTRUCTIVES (re)construction
TECHNIQUE améliorée
LOCALES

crise réparation
RENFORCEMENT
DES CAPACITÉS

RECHERCHE
abri transitionnel

habitants et
communautés
locales

personnel et constructeurs, évolutif réutilisable revendable recyclable


opérateurs de producteurs,
terrain fournisseurs

autorités et
décideurs
politiques

Fig.153: Communication comme outil et lien entre acteurs et niveaux

Cultures constructives vernaculaires et résilience 279


280 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Il est donc possible de créer une tradition et de la maintenir par des règles strictes ; cela, dans une
certaine mesure, permet des succès. Mais est-il souhaitable de soutenir une telle tradition en rejetant
toute autre possibilité Doit-on lui attribuer le droit exclusif de traiter la connaissance, avec pour
conséquence que tout résultat obtenu par d’autres méthodes est éliminé sans appel 2

Les questionnements posés au début de cette recherche s’associant à ceux surgit pendant son
déroulement, m’ont conduit à explorer plusieurs thématiques qui à leur tour ont suscité des
questions, ouvert de nouvelles perspectives et fourni l’inspiration pour la proposition de pistes
futures.

D’une analyse des pratiques actuelles des organisations d’aide s’explicite la nécessité d’assumer,
de manière cohérente et concrète, une approche d’anticipation et préparation. Cela en prenant en
compte l’ensemble des paramètres qui conditionnent et favorisent un processus de résilience diffuse
et à long terme. Pour ce faire, le contexte naturel, humain et construit dans lequel l’intervention se
situe ne peut pas être ignoré. Il en constitue au contraire le point de départ.

Le potentiel représenté par une prise en compte des caractéristiques contextuelles et, en
particulier, des pratiques et cultures constructives vernaculaires est bien réel. Et il est également
reconnu par plusieurs acteurs, aussi bien au niveau opérationnel que décisionnel et scientifique. Sa
concrétisation se révèle néanmoins extrêmement dépendante de la sensibilité, expérience et intérêt
individuels de techniciens et opérateurs de terrain pour la définition des approches techniques et
méthodologiques, et de ceux de décideurs, autorités et bailleurs de fonds pour la délimitation du
cadre stratégique et opérationnel.

Des savoirs et mesures de résilience effectifs et efficaces existent parmi les cultures constructives des
populations habitant des régions affectées par des aléas naturels récurrents. Dans leur ensemble,
celles-ci révèlent une approche holistique, multi-échelle et pluridisciplinaire qui n’a rien à envier au
génie parasinistre actuel.

La question s’est posée alors de comment faire en sorte que le potentiel latent de connaissances
présentes dans les documents éparpillés dans les méandres des réseaux informatiques et empilés
au fond d’un tiroir, ou dans les modes de bâtir et de gérer les crises développés par une certaine
communauté, puisse se rendre manifeste et utile à d’autres constructeurs, praticiens et théoriciens.
Les pistes esquissées en conclusion des principales parties de ce document suggèrent, à cet égard,
des propositions concrètes.

Le développement d’une méthodologie d’analyse contextuelle spécifique aux cultures constructives


vernaculaires se rapporte à un outil à usage de ceux - les opérateurs de terrain, les techniciens et
les responsables de projet - qui sont directement en charge de l’identification et de la définition
des stratégies au niveau opérationnel et constructif, dans le cadre de programmes d’habitat. Notre
réflexion est toutefois poussée plus avant en considérant les façons dont on peut construire des
nouvelles compétences et nouvelles sensibilités non seulement entre « acteurs du terrain » mais
également entre futurs professionnels, formateurs et décideurs et cela aussi bien internationalement
que localement.

288 Feyerabend, Paul, 1979. Contre la méthode. Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance. Paris : Editions du Seuil,
1979. p. 16.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 281


Les échanges qui ont eu lieu et les expériences conduites au cours de ces trois ans ont mis en évidence
l’existence d’un intérêt réel de la part de ces acteurs envers les outils et l’approche proposée.
cet égard, la relation directe avec des programmes en cours a été indispensable pour une mise
en perspective du processus d’analyse dans une vraie démarche de projet. En Haïti, les nouvelles
compétences acquises ont déjà été utilisées de façon autonome par l’association locale GADRU, pour
préparer de futures activités d’amélioration de l’habitat. Au Bangladesh, les premières constructions
conçues sur la base des analyses de terrain ont été réalisées et le processus d’appropriation des
outils méthodologiques s’est désormais élargi à plusieurs secteurs de Caritas Bangladesh, avec
des réorientations qui se sont produites dans les axes prioritaires des organismes impliqués.
Parallèlement, cette thématique commence à être intégrée dans l’enseignement universitaire parmi
les questions importantes à aborder en relation au domaine de l’habitat, dans une perspective plus
large que les interventions d’agences d’aide en contextes à risque.

Le lien avec la dimension pratique et pédagogique a permis également de faire ressortir les éléments
qui restent à développer. Une étape ultérieure d’affinement de ces outils méthodologiques s’avère
nécessaire en vue de la définition des paramètres favorisant une adaptation à différents contextes
et niveaux de compétences. L’expérimentation dans d’autres situations géographiques et de projets
serait à ce propos très favorable. Il est en outre à mon avis important que cette évolution inclue
une application à des situations de post-catastrophe en appui à des interventions de réponse à
la crise, concernant aussi bien des structures temporaires/transitionnelles qu’une réhabilitation
et construction permanente. Cette réélaboration se réfère également à une formalisation des
procédures et supports méthodologiques pour le travail sur le terrain ainsi qu’au développement
d’outils de sensibilisation et de formation facilement diffusables s’adressant aux différents acteurs
impliqués dans des programmes de réduction de la vulnérabilité.

D’autre part, l’analyse détaillée des cultures constructive du risque est avant tout une exploration des
aspects qui, de manière directe et tangible, améliorent la résilience du bâti vernaculaire et qui, une
fois identifiés et compris, constituent des principes et mesures efficaces et économiques favorisant
la définition de pistes constructives et architecturales appropriées aux modes de vie contemporains,
en dialogue avec les aspirations, les capacités techniques et économiques de chacun. Ainsi, je ne peux
que m’associer aux chercheurs et praticiens qui, depuis désormais plusieurs années, expriment le
besoin pressant de développer des recherches, des cadres normatifs, des approches stratégiques
prenant en compte cette richesse qui est en train de se perdre mais qui, simultanément, se révèle
de plus en plus indispensable. Certes, cela n’est pas facile, lors qu’on se rapproche d’aspects qui,
pour leur nature intrinsèque, échappent aux logiques marchandes et aux intérêts des organes
économiques, politiques et gestionnaires détenant la barre des orientations prioritaires dans
lesquelles investir ressources financières, matérielles et humaines. Néanmoins, en dessous de cette
« croûte homogénéisante », de plus en plus d’initiatives surgissent et prennent de l’ampleur, aux
quatre coins de la planète.

Par la mise en relation de la théorie et de la pratique, cette recherche en thèse visait à expérimenter
des modalités pour rapprocher la recherche scientifique, les interventions opérationnelles et la
pratique quotidienne de bâtir, ainsi que pour relier les différentes phases caractérisant des contextes
à risques. Au regard de l’hypothèse et des questions de départ, ses apports reposent en particulier
sur le développement d’une méthodologie d’analyse contextuelle qui se réfère spécifiquement aux
cultures constructives vernaculaires, ainsi qu’à l’approfondissement de leur caractère parasinistre.

Le premier aspect se relate au domaine de la gestion des risques, en proposant une approche qui,
en se référant de manière spécifique et située aux caractéristiques et conditions locales, considère
simultanément la préparation et la réponse aux crises favorisant l’établissement d’une continuité
de logiques et de pratiques entre urgence, réhabilitation et développement. L’ensemble de cette
démarche a été expérimenté dans le cadre d’un programme de préparation aux catastrophes au

282 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Bangladesh, au cours duquel le cycle d’analyse, élaboration et mise en œuvre des activités a été
effectué à plusieurs reprises et dans des régions différentes. Le processus découlant de la mise
en place de cette approche a contribué non seulement à améliorer l’adaptation des réponses au
contexte d’intervention, mais également à renforcer les capacités décisionnelles et opérationnelles
des différents acteurs impliqués : décideurs, responsables et techniciens d’organismes d’aide,
chercheurs et scientifiques du milieu académique ainsi que constructeurs et population locale.

Lors du travail avec les partenaires des projets situés en Haïti et au Bangladesh, plusieurs modalités
d’application et diffusion de cette approche ont été expérimentées, en relation à trois principaux
niveaux: institutionnel, par une diffusion capillaire au sein d’un même organisme ainsi que, via
des réseaux existants, entre des organisations différentes ; territorial, à partir de sites pilotes
s’étendant ensuite à d’autres zones à risque, voire à l’ensemble d’une région ou des sites de travail
d’une organisation ; temporel, entre situations simultanées et temporellement successives. En ce
faisant, certaines activités et éléments développés par cette recherche ont directement contribué à
élargir l’apport des interventions des partenaires opérationnels, au-delà de leurs limites spatiales et
temporelles. Comme dans le cas du contexte haïtien o les activités de reconstruction ont constitué
une occasion pour certaines organisations locales de s’approprier l’approche proposée, ainsi que
pour la diffuser à d’autres zones et institutions non affectées par le séisme de 2010.

Outre un niveau pratique et opérationnel, les apports de cette recherche se réfèrent également à la
constitution de nouvelles connaissances, relatives en particulier à une reconnaissance de la dimension
parasinistre des cultures constructives vernaculaires. L’application in situ de l’approche d’analyse
élaborée a conduit à l’identification de plusieurs dispositions vernaculaires réduisant la vulnérabilité
envers différents aléas naturels. Ces investigations ont a permis d’approfondir la caractérisation des
types de mesures existantes et les échelles de leur application, ouvrant des nouvelles perspectives
pour une prise en compte des cultures constructives vernaculaires associant pratique et technique,
savoirs et savoir-faire, solutions permanentes et éphémères. En outre, les particularités parasinistres
détectées sur le terrain, associées à un croisement de plusieurs études localisées réalisées par
d’autres chercheurs, ont apporté une contribution directe au projet scientifique du laboratoire
CRAterre-ENSAG relatif à la constitution d’un atlas des cultures constructives du risque, projet qui
vise à documenter et analyser les différentes mesures de résilience élaborées par les populations et
les bâtisseurs vernaculaires.

Dans une mise en perspective du travail effectué dans le cadre de cette recherche, l’ensemble des
éléments découlant de l’investigation conduite au regard du caractère parasinistre du vernaculaire
assume de fait un potentiel double. D’une part, il constitue une source de solutions et stratégies, aussi
bien pratiques que constructives, qui présentent un potentiel effectif pour améliorer l’adaptation et
la pertinence des interventions en contexte à risque. D’autre part, il constitue un point de départ
pour développer des nouvelles connaissances relatives à des principes et mécanismes techniques,
comme pour élaborer des supports permettant leur reconnaissance et utilisation, tant au niveau
institutionnel que de la pratique quotidienne.

Via le projet ReparH et ses partenaires, ces aspects ont été mis en pratique sur le terrain et dans la
recherche, par l’expérimentation de différentes modalités supportant une valorisation des cultures
constructives vernaculaires à travers leur identification, étude, amélioration et diffusion. Vis-à-vis
de la problématique de l’habitat en contexte à risque et du renforcement des capacités locales de
résilience, elles constituent des pistes à explorer et développer davantage, dans une démarche
d’évolutivité - et non de remplacement - des pratiques et connaissances existantes. Et cela en
associant à des applications situées l’identification de nouveaux instruments de compréhension
comme le développement d’activités et outils favorisant une accessibilité des résultants de la
recherche aux différents acteurs impliqués dans la construction de milieux plus résilients. Non
seulement, de ce fait, envers des techniciens et responsables d’organismes opérationnels mais aussi
vers les communautés et les bâtisseurs, de manière à soutenir davantage leur reconnaissance et (re)
génération ainsi que la diffusion de connaissances locales et d’approches situées.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 283


284 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Dans l’univers de la théorie et de la pratique architecturales, il fut un temps o le vernaculaire était
découvert avec fascination dans sa dimension humaine, sociale et culturelle. Par la suite, au moins
dans certains pays, il a été assujetti à un effet de « mode » utilisant vainement un terme, insolite dans
le vocabulaire des architectes, pour se distinguer de tendances plus généralistes liées à la notion
de développement durable. On le redécouvre depuis sous une approche technique, s’ensablant
cependant dans les limites technologiques d’instruments et procédures spécialisées, mais incapables
de saisir la complexité se cachant derrière des matériaux et des techniques qui, pour certains,
sont quasiment à la limite du dérisoire. la différence de la pierre et du bois, matériaux dont la
« noblesse » a été reconnue de manière relativement continue au fil des siècles, la terre, le bambou,
la paille, le roseau et une multitude d’autres matières restent encore aux marges, incompréhensibles
par le biais des outils cognitifs et analytiques dont on dispose et, pour cela, souvent « à ne pas
comprendre ». Pourtant, on reste ébahi devant la capacité des architectes anonymes - dans le sens
originaire de « maître bâtisseur » - de concevoir et réaliser des structures non seulement complexes
mais capables de faire face à l’impact de phénomènes naturels soudains et violents ; et cela par des
méthodes et procédés purement empiriques.

Il est peut-être temps d’adopter une approche pragmatique, alliant la dimension culturelle à celle
technique, associant la création de nouveaux savoirs et savoir-faire à la régénération de ceux
ayant démontré leur pertinence, au développement des connaissances dans les laboratoires et
sur le terrain, à leur compréhension, partage et (ré)utilisation, pour (ré)inventer des outils et des
approches qui nous permettent de bénéficier du « génie vernaculaire », en tant que genius loci et
génie parasinistre.

Une approche phénoménologique du construire résilient dans lequel l’architecte, en tant que
figure professionnelle actuelle, n’est pas le protagoniste omniscient du processus de création de
l’environnement construit, dans lequel d’ailleurs il n’est souvent même pas impliqué. Son rôle est de
fait à repenser, ou même, à réinventer, en le resituant en relation à la création de milieux bâtis en
tant que pratique collective composée d’actions individuelles, o la construction du sens s’effectue
par une participation de l’ensemble des acteurs.

Dans l’interaction entre la production architecturale ordinaire et les connaissances vernaculaires


parasinistres, l’architecte peut, à mon sens, assumer un rôle essentiel afin de soutenir un
renforcement de la résilience en parallèle à la création et la transformation des environnements
bâtis. Cela non seulement par l’apport d’un savoir technique mais en appuyant et développant, par
son savoir-faire et son savoir-être, le rapport étroit que les pratiques vernaculaires et les artefacts
qui en découlent entretiennent avec le milieu naturel et humain. En ce faisant, l’architecte se place
en tant que figure de pivot entre le niveau de la recherche et de la pratique soutenant l’émergence
de constructions, projets et savoirs, auxquels il contribue de manière directe et engagée.
Il devient ainsi le « facilitateur » qui suscite, par un processus de maïeutique, la (re)connaissance et la
(ré)génération des pratiques constructives (et) parasinistres vernaculaires auxquelles il apporte, au
même titre que les habitants et les constructeurs, ses savoirs, expériences et compétences favorisant
l’expérimentation et l’évolution de (nouveaux) modes de construire et d’habiter, contribuant ainsi à
bâtir une culture (constructive) du risque.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 285


286 Cultures constructives vernaculaires et résilience
Phénomène naturel qui peut causer des pertes La restauration, l’amélioration, l’installation de
de vies humaines, des dommages aux biens, la moyens de subsistance et les conditions de vie des
perte de moyens de subsistance et de services, des communautés touchées par des catastrophes, y
perturbations socio-économiques, ou des dommages compris les efforts visant à réduire les facteurs de
à l’environnement. risque.

Technique de construction employant le matériau Concept et pratique de la réduction des risques


terre, sans ou avec l’ajout de fibres. Des boules ou de catastrophe grâce à des efforts pour analyser et
paquets d’un mélange à l’état plastique sont mis en gérer leurs causes, notamment par une réduction
œuvre manuellement par empilement donnant lieu de l’exposition aux risques, qui permet de réduire la
à des structures porteuses monolithique et massive. vulnérabilité des personnes et des biens, la gestion
rationnelle des terres et de l’environnement et
l’amélioration de la préparation aux événements
En créole haïtien : artisan, ouvrier effectuant des indésirables.
activités manuelles qui nécessitent un savoir-faire
particulier
Capacité d’un système, une communauté ou une
société exposée aux risques de résister, d’absorber,
Rupture grave du fonctionnement d’une communauté d’accueillir et de corriger les effets d’un danger, en
ou d’une société impliquant d’importants impacts temps opportun et de manière efficace », capacité
et pertes humaines, matérielles, économiques déterminée par les possibilités d’une collectivité de
ou environnementales que la communauté ou la disposer des ressources nécessaires et d’être capable
société affectée ne peut surmonter avec ses seules de s’organiser elle-même avant et pendant les
ressources. périodes de besoin.

Processus de recours systématique aux directives, Combinaison de la probabilité d’un événement et de


compétences opérationnelles, capacités et ses conséquences négatives.
organisation administratives pour mettre en oeuvre
les politiques, stratégies et capacités de réponse
appropriées en vue d’atténuer l’impact des aléas Potentiel de la catastrophe, en termes de vies
naturels et risques de catastrophes environnementales humaines, des états de santé, des moyens de
et technologiques qui leur sont liées. subsistance, des biens et services, qui pourraient se
produire au sein d’une communauté ou une société,
dans le futur.
La réduction ou la limitation de l’impact négatif des
aléas et des catastrophes.
Technique de garnissage d’un support avec un mortier
en terre fibrée. Plusieurs variantes de types de
Technique de construction en terre crue. Le matériau supports et de structures existent selon les ressources
est mis en place à l’état brut, sans ou avec très peu et les pratiques constructives.
de transformation. Il est coulé entre des coffrages et
ensuite comprimé à l’aide d’un outil manuel (pisoir)
ou pneumatique (fouloir).
Les caractéristiques et les circonstances d’une
communauté ou d’un système qui le rendent
Ensemble d’activités permettant d’éviter susceptible de subir les effets d’un danger », pouvant
complètement l’impact négatif des aléas, et de sensiblement varier dans le temps ainsi qu’au sein
minimiser les catastrophes environnementales, d’un même groupe d’individus.
technologiques et biologiques qui leur sont associées.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 287


ABARQUEZ, I., MURSHED, Z. 2004. Field Practitioners’ Handbook. Pathumthani : Asian Disaster
Preparedness Center, 2004.

ABDESSEMED FOUFA, A., BENOUAR, D., 2006. « Les techniques constructives sismo résistantes dans
la Casbah d’Alger ». In : ies de illes. mai 2006. n° 5, p. 57-61.

ABDESSEMED FOUFA, A., BENOUAR, D., 2010. « Investigation of the 1716 Algiers (Algeria) Earthquake
from Historical Sources: Effect, Damages, and Vulnerability ». In : International ournal of
Architectural Heritage. 2010. Vol. 4, n° 3, p. 270-293.

AGARWAL, A., 2007. Cyclone resistant building architecture. New Delhi : National Disaster
Management Authority, United Nations Development Programme, 2007.

AGRAWAL, D.P., SHAH, M., 2001. Earthquake Resistant Structures of Himalayas [en ligne].
[s.l.] : Infinity Foundation. Disponible sur : < http://www.infinityfoundation.com/mandala/t_
es/t_es_agraw_quake_frameset.htm > (consulté le 29 août 2011).

AHMED, K. I. 2005. Handbook on Design and Construction of Housing for Flood-Prone Rural Areas of
Bangladesh. Dhaka : Asian Disaster Preparedness Center, 2005.

AIS (dir.), 2001. Manual de construccion sismo resistente de viviendas en bahareque encementado
[en ligne]. [s.l.] : Asociaci n Colombiana de Ingenier a S smica, Fondo para la Reconstrucci n
del Eje Cafetero, 2001. Disponible sur : < http://issuu.com/arquitectomujica/docs/manual_
bahareque > (consulté le 3 septembre 2013).

ALCOCER, S.M., REYES, C.J., BITRAN, D., et al., 2002. « An Assessment of the Seismic Vulnerability
of Housing in Mexico ». In : .S. National Congress on Earthquake Engineering.
Oakland : Earthquake Engineering Research Institute, 2002.

ALEXANDER, C., 1979. he imeless ay of Building. New York : Oxford University Press, 1979.

ALVAREZ, N., BOSSY, V., 2012. Etat des lieux des projets financés par la Fondation Abbé Pierre en Haïti.
Rapport de stage DSA. Haïti : CRAterre-ENSAG, Fondation Abbé Pierre. 2012.

AMOUSSOU-GUENOU, R., 2003. « Legal Frameworks for Stakeholders Participation using ICT ».
In : Regional orkshop on «Increasing Stakeholders Participation using Information
Communications echnology. Bangkok : [s.n.], 19 juillet 2003.

ANDERSON, M.B., WOODROW, P.J., 1990. Disaster and development workshops. A manual for
training in Capacities ulnerabilities Analysis. Cambridge : Gradutate School of Education,
Harvard University, 1990. Coll. International Relief/Development Project.

ANHEIER, H., LIST, R., 2005. Dictionary of Civil Society. Londres: Routledge, 2005.

AQUADEV (dir.), 2001. Les Méthodes Participatives de diagnostic et de planification des actions de
développement. Actes du séminaire international de Niamey (Niger). Niamey : AQUADEV,
DGCI, 2001.

ARA, D.R., RASHID, M., 2007. « The Thin Line Between Tradition And Modernity: The Poetics Of
Vernacular Dwellings Of Chittagong Hill Tracts ». In : Protibesh. juillet 2007. Vol. 11, n° 2,
p. 5-15.

ARCHER, D., NANDAGO, M.G., 2004. « Participation, literacy and empowerment: the continuing
evolution of Reflect ». In : Participatory learning and action. Critical re ections, future
directions. International Institute for Environment and Development. Londres : [s.n.]. Coll.
PLA Notes, 50.

288 Cultures constructives vernaculaires et résilience


AR DE, A., MENDES, P., SILVA, B., et al., 2008. « Experimental assessment of a seismic
strengthening solution for stone masonry walls using a wooden structure ». In : 14th
orld Conference on Earthquake Engineering [en ligne]. Beijing : International Association
for Earthquake Engineering, 2008. Disponible sur : < http://www.iitk.ac.in/nicee/wcee/
article/14_12-01-0119.pdf > (consulté le 24 septembre 2013).

ARNSTEIN, S.R., 1969. « A ladder of citizen participation ». In : ournal of the American Institute of
Planners. 1969. Vol. 35, n° 4, p. 216-224.

ARSHAD, S., RASHEED, S., 2011. « Urban housing reconstruction and land management ». In :
Recovering and Reducing Risks a er Natural Disasters [en ligne]. Genève : Global Pla orm for
Disaster Risk Reduction, 2011. p. 18-42. Disponible sur : < https://www.gfdrr.org/sites/gfdrr.
org/files/publication/WRC_ProceedingsMedRes150.pdf > (consulté le 6 décembre 2013).

ARYA, A.S., 1998. « Seismic retrofitting of stone houses in Marathwara area, India ». In : Eleventh
orld Conference on Earthquake Engineering. Acapulco : Elsevier Science, 1998. paper n.
1726.

ARYA, A.S., 2000. « Non-engineered construction in developing countries. An approach toward


earthquake risk reduction ». In : 12th orld Conference on Earthquake Engineering
[en ligne]. Auckland : [s.n.], 30 février 2000. paper 2824. Disponible sur : < www.iitk.ac.in/
nicee/wcee/article/2824.pdf > (consulté le 28 juillet 2011).

ASQUITH, L., VELLINGA, M. (dir.), 2005. ernacular Architecture in the 21st Century: heory, Education
and Practice. Oxon : Taylor & Francis, 2005.

AUDEFROY, J.F., 2011. « Haiti: post-earthquake lessons learned from traditional construction ». In :
Environment rbanization. octobre 2011. Vol. 23, n° 2, p. 447-462.

AYSAN, Y., CLAYTON, A. CORY, A., et al., 1995. Developing building for safety programmes :
guidelines for organizing safe building improvement programmes in disaster-prone areas.
Londres : Intermediate Technology Publications, 1995.

AYSAN, Y., DAVIS, I. (dir.), 1992. Disasters and the Small Dwelling Perspectives for the N IDNDR.
Londres : James & James, 1992.

AYTUN, A., 1981. « Earthen Buildings in Seismic Areas of Turkey ». In : International orkshop
Earthen Buildings in Seismic Areas. Albuquerque : Intertect, University of New Mexico, 24
mai 1981. p. 345-371.

BANKOFF, G., 2007. « Fire and Quake in the Construction of Old Manila ». In : he Medieval History
ournal. 10 janvier 2007. Vol. 10, n° 1-2, p. 411-427.

BARAKAT, S., 2003. Housing reconstruction a er con ict and disaster. Londres : Overseas Development
Institute (ODI), décembre 2003. Coll. Humanitarian Practice Network Paper, 43.

BARIBEAU, C., 2010. « L’entretien de groupe : considérations théoriques et méthodologiques ». In :


Recherches qualitatives. 2010. Vol. 29, n° 1, p. 28-49.

BARRÉ, C., DE LA FOYE, A., MOREAU, S., 2011. Conception paracyclonique. l’usage des architectes et
ingénieurs. Villefontaine : Les Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau, 2011.

BASS, S., DALAL-CLAYTON, B., PRETTY, J.N., 1995. Participation in strategies for sustainable
development. Londres : Environmental Planning Group International Institute for
Environment and Development, mai 1995. Coll. Environmental Planning Issues, 7.

BATCHELOR, V., 2011. arpaulins, transitional shelters or permanent houses: how does the shelter
assistance provided affect the recovery of communities a er disaster [en ligne]. Master of
Arts Degree in Development and Emergency Practice. Oxford : Centre for Development and

Cultures constructives vernaculaires et résilience 289


Emergency Practice, School of the Built Environment, Oxford Brookes University. 2011.

BATTISTINI, L., 2010. Strutture in legno in zona sismica. Thèse de spécialisation. Bologna : Alma
Mater Studiorum, Università di Bologna, faculté d’ingénierie, département d’ingenierie
civile, environnementale et des matériaux. 2010.

BEBBINGTON, I., 1999. « Elaboration de moyens de subsistance ruraux ». In : La reconnaissance


du savoir rural : savoir des populations, recherche agricole et vulgarisation. Paris : Karthala.
Coll. Économie et développement. p. 145-152.

BEEBE, J., 1987. « Rapid Appraisal: the Evolution of the Concept and the Definition of Issues ». In :
Proceedings of the 1 International Conference on Rapid Rural Appraisal. Khon Kaen : Rural
Systems Research and Farming Systvins Research Projects. p. 47-69.

BEKTA , E., 2006. « A Post-Disaster Dilemma: Temporary Settlements in Düzce Cuty, Turkey ». In :
I-REC 200 International Conference [en ligne]. Florence : [s.n.], 2006. Disponible sur : <
http://www.grif.umontreal.ca/pages/BEKTAS_Esra.pdf > (consulté le 8 mai 2012).

BELMONT, J., 1970. L’architecture, création collective. Paris : les Editions Ouvrières, 1970.

BEMMERLEIN-LUX, F., BORN, M., XIAOLING, M., et al., 2003. Manual on Capacity Building and
raining Management for Local Initiatives. A practical guide for training project managers.
Beijing : Development of Institutions for Sustainable China, 2003. Coll. Sustainable
Development, D.I.S.C. Series 2.

BENSON, C., TWIGG, J., 2007. Outils d’intégration de la réduction des risques de catastrophes.
Notes d’orientation à l’intention des organisations de développement. Genève : Fédération
Internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, ProVention Consortium,
janvier 2007.

BERTHELOT, J., GAUMÉ, M., 2002. az antiyé jan moun ka rété. L’habitat populaire aux Antilles.
Goyave : Editions perspectives créoles, 2002.

BETHKE, L. GOOD, J., THOMPSON, P., 1997. Building Capacities for Risk Reduction [en ligne].
[s.l.] : Disaster Management Training Programme, 1997. Disponible sur : < http://iaemeuropa.
terapad.com/resources/8959/assets/documents/UN%20DMTP%20-%20Building%20
Capabilities%20for%20Risk%20Reduction.pdf > (consulté le 4 mai 2012).

BHANDARI, N.M., KRISHNA, Prem, KUMAR, Krishen, 2005. ind Storms, Damage and Guidelines
for Mitigative Measures. B-Wind Codes. Kanpur : Department of Civil Engineering, Indian
Institute of Technology. Coll. IITK-GSDMA project on Building Codes.

BIRKMANN, J. (dir.), 2006. Measuring ulnerability to Natural Hazards: owards Disaster Resilient
Societies. New Delhi : United Nations University Press, 2006.

BLANCHET, A., GOTMAN, A., 2010. L’entretien. Paris : Armand Colin, 2010. Coll. L’enquête et ses
méthodes, 128.

BLANCHET, K., 2001. « Le développement participatif, entre souhaits et réalité ». In : Revue


internationale des sciences sociales. 1 décembre 2001. Vol. n° 170, n° 4, p. 697-702.

BLONDET, M., VARGAS, J., TARQUE, N., 2008. « Observed Behaviour of Earthen Structures during
the Pisco (Peru) Earthquake of August 15, 2007 ». In : he 14th Conference on Earthquake
Engineering [en ligne]. Beijing : [s.n.], 2008. Disponible sur : < http://www.iitk.ac.in/nicee/
wcee/article/14_01-1031.PDF > (consulté le 23 avril 2013).

BLONDET, M., VILLA GARCIA, G., BRZEV, S., et al., 2011. Earthquake-resistant Construction of Adobe
Buildings: A utorial. Oakland : Earthquake Engineering Research Institute, avril 2011.

BMTPC, 1998. Improving Flood Resistance of Housing - Guidelines. New Delhi : Building Material &
Technology Promotion Council, 1998.

290 Cultures constructives vernaculaires et résilience


BOEN, T., 2006. « Observed reconstruction of houses in Aceh seven months after the great Sumatra
earthquake and Indian Ocean tsunami of December 2004 ». In : Earthquake spectra. 2006.
Vol. 22, p. S803-S818.

BOEN, T., 2001. « Earthquake resistance design of non-engineered buildings in Indonesia ». In :


E AP orkshop. Kamakura : [s.n.], 2001.

BOEN, T. JIGYASU, R., 2005. Cultural Considerations for Post-disaster Reconstruction: Post- sunami
Challenges. [s.l.] : Disaster Reduction Hyperbase – Asia. 2005.

BOEN, T., PRIBADI, K.S., 2009. Engineering the Non Engineered Houses for Better Earthquake
Resistance in Indonesia [en ligne]. [s.l.] : Disaster reduction Hyperbase – Asia. Disponible
sur : < http://drh.bosai.go.jp/database/item/6cc5597e09050a9b482d9f257c5f256ec28f
6e50 > (consulté le 3 avril 2011).

BONNAL, J., 2011. Historique de la participation et du développement rural [en ligne]. [s.l.] : Groupe
de travail informel sur les approches et méthodes participatives, FAO. Disponible
sur : < http://www.fao.org/Participation/french_website/content/history_fr.html >
(consulté le 2 mars 2013).

BOTHARA, J., BRZEV, S., 2011. A tutorial : improving the seismic performance of stone masonry buildings.
Oakland : Earthquake Engineering Research Institute. 2011.

BOTHARA, J.K., HIÇYILMAZ, K., 2008. « General observations of building behaviour during the 8th
October 2005 Pakistan earthquake ». In : Bulletin of the New ealand Society for Earthquake
Engineering. 2008. Vol. 41, n° 4, p. 209-233.

BOUCHON, M., 2009. Collecte de données. Méthodologie qualitative. [s.l.] : Médecins du Monde,
mars 2009.

BRESSAN, D., 2012. « Namazu the Earthshaker ». In : History of Geology, Scientific American Blog
Network [en ligne]. 10 mars 2012. Disponible sur : < http://blogs.scientificamerican.com/
history-of-geology/2012/03/10/namazu-the-earthshaker/ > (consulté le 17 août 2013).

BROMBERGER, C., 1986. « Les savoirs des autres ». In : errain. 1 mars 1986. n° 6, p. 3-5.

BROOKS, N., 2003. ulnerability, risk and adaptation: A conceptual framework. Norwich : Tyndall
Centre for Climate Change Research, novembre 2003. Coll. Working Paper, 38.

BROWN, L., SHEETS, P., 2000. « Distinguishing Domestic from Ceremonial Structures in Southern
Mesoamerica: Suggestions from Cerén, El Salvador ». In : Mayeb. 2000. n° 13, p. 11-21.

BRZEV, S., 2007. Earthquake-Resistant Confined Masonry Construction. Kanpur : National Information
Center of Earthquake Engineering, 2007.

BRZEV, S., GREENE, M., SINHA, R., 2002. 18 : Rubble stone masonry walls with timber frame and
timber roof. Housing Report, World Housing Encyclopedia. [s.l.] : Earthquake Engineering
Research Institute et International Association for Earthquake Engineering.

BUCHANAN-SMITH, M., FABBRI, P., 2005. Linking, relief, rehabilitation and development in the
tsunami response - A review of the debate. Londres : Tsunami Evaluation Coalition, 2005.

BUCHANAN-SMITH, M., MAXWELL, S., 1994. « Linking Relief and Development: An Introduction and
Overview ». In : IDS Bulletin. 1994. Vol. 25, n° 4, p. 2–16.

BUNNING, S., MCDONAGH, J., RIOUX, J., 2011. Manual for local level assessment of land degradation
and sustainable land management. Part 2. Field methodology and tools. Rome : Food
and Agriculture Organization of the United Nations - FAO, 2011. Coll. Land degradation
assessment in dry lands.

BURKE, Adam, 1999. Communication Development. A pratical guide [en ligne]. Department for

Cultures constructives vernaculaires et résilience 291


International Development. Londres : [s.n.], mars 1999. Coll. Social Development Division.
Disponible sur : < http://www.sswm.info/sites/default/files/reference_attachments/
BURKE%201999%20Communications%20&%20Development%20A%20practical%20guide.
pdf > (consulté le 22 mai 2012).

BUTEL, J.-M., GRIOLET, P., 1999. « Histoires de poissons-chats les images du grand séisme de 1855
à Edo ». In : Ebisu. 1999. Vol. 21, n° 1, p. 17-33.

BYRNE, C. (dir.), 2003. Manuel du praticien. La Participation des Populations affectées par les
crises dans l’Action Humanitaire. Londres : Active Learning Network for Accountability and
Performance in Humanitarian Action-ALNAP, Overseas Development Institute, 2003.

CAIMI, A., 2011. Construction of Pilot Low Cost Houses (LCH) Project for the Disaster Affected Families
of Bangladesh. Survey of Local Building Practices. Rapport de mission. Dhaka : CRAterre-
ENSAG and Caritas Bangladesh. 2011

CAIMI, A., HOFMANN, M., 2005. From utcha to Pucca. Proposition de reconstruction d’habitats
résistant aux calamités naturelles pour les villages de l’Orissa (Inde). Master en Architecture.
Lausanne : École Polytechnique Fédérale de Lausanne. mai 2005.

CAIMI, A., HOFMANN, M., 2010. tat des lieux de la reconstruction post-tsunami (province d’Aceh,
Indonesie). Sigli : CRAterre-ENSAG, Fondation Abbé Pierre.

CAIMI, A., HOFMANN, M. 2013. « Learning from vernacular building practices: A starting point for risk
mitigation ». In : ernacular Heritage and Earthen Architecture: Contributions for Sustainable
Development. Londres : CRC Press / Taylor & Francis Group, 2013. p. 703-709.

CARAZAS AEDO, W., RIVERO OLMOS, A., 2003. attle and daub. Anti-seismic construction handbook.
Villefontaine : CRAterre Editions, 2003.

CARDONA, O.D., 2005. « The seismic proof efficiency of traditional building construction ». In :
Ancient Buildings and Earthquakes. he Local Seismic Culture approach: principles, methods,
potentialities. Bari : Edipuglia. p. 103-110.

CARDOSO, R., LOPES, M., BENTO, R., 2004. « Earthquake resistant structures of Portuguese
old Pombalino buildings ». In : 13th orld Conference on Earthquake Engineering.
Vancouver : [s.n.], 2004.

CARDOSO, R., LOPES, M., BENTO, R., 2005. « Seismic evaluation of old masonry buildings. Part I:
Method description and application to a case-study ». In : Engineering Structures. 2005.
Vol. 27, n° 14, p. 2024-2035.

CARITAS BANGLADESH, 2011. Project Proposal on Construction of Pilot Low Cost Houses (LCH)
Project for the Disaster Affected Families of Bangladesh. Dhaka : Disaster Management and
Development Department, Caritas Bangladesh.

CASANOVAS, X. (dir.), 2007. Méthode RehabiMed: architecture traditionnelle Méditerranéenne.


Barcelona : RehabiMed, 2007.

CATALDI, G. (dir.), 1986. All’origine dell’abitare : (catalogo della) mostra itinerante; Firenze, 1
ottobre-1 novembre 1 . Firenze : Alinea, 1986. Coll. Studi e documenti di architettura,
13.
CATALDI, G. (dir.), 1988. Le Ragioni dell’Abitare: Mostra Itinerante (1 -1 ; Prato). Firenze : Alinea,
1988. Coll. Studi e documenti di architettura, 15.

CATALDI, G. (dir.), 1989. Attualità del primitivo e del tradizionale in architettura. Firenze : Alinea,
1989. Coll. Quaderni di studio sulle tipologie e sulla architettura delle origini.

CAVESTRO, L., 2003. P.R.A. - Participatory Rural Appraisal Concepts, Methodologies and echniques.

292 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Padova : Università degli Studi di Padova, Facoltà di Agraria, Dipartimento Territorio e Sistemi
Agro-forestali, Master in Cooperazione allo Sviluppo nelle Aree Rurali. Octobre 2003.

CERASOLI, D., 2009. « De L’Aquila non resta che il nome. Racconto di un terremoto ». In : Meridiana.
2009. n° 65/66, p. 35-58.

CHAMBERS, R., 1979. « Rural development tourism: poverty unperceived ». In : Rapid Rural Appraisal
[en ligne]. Brighton : Institute of Development Studies, 4 décembre 1979. Disponible
sur : < http://opendocs.ids.ac.uk/opendocs/bitstream/handle/123456789/867/rc301.
pdf?sequence 1 > (consulté le 7 mars 2013).

CHAMBERS, R., 1981. « Rapid rural appraisal: rationale and repertoire ». In : Public Administration
and Development. 1981. Vol. 1, p. 95-106.

CHAMBERS, R., 1992. Rural Appraisal: Rapid, Relaxed and Participatory. Brighton : Institute of
Development Studies, décembre 1992. Coll. IDS Discussion Paper, 311.

CHAMBERS, R., 2006. « Participatory Mapping and Geographic Information Systems: Whose Map?
Who is Empowered and Who Disempowered? Who Gains and Who Loses? » In : he Electronic
ournal of Information Systems in Developing Countries. 5 juin 2006. Vol. 25, n° 2, p. 1-11.

CHAMBERS, R., 2007. From PRA to PLA and Pluralism: Practice and heory. Brighton : Institute of
Development Studies, juillet 2007. Coll. Working Paper, 286.

CHAMBERS, R., BLACKBURN, J., 1996. « The power of participation: PRA and policy ». In : Institute
Of Development Studies, IDS Policy Briefing [en ligne]. août 1996. n° 7. Disponible sur :
< http://www.ids.ac.uk/idspublication/the-power-of-participation-pra-and-policy >
(consulté le 12 décembre 2012).

CHAMBERS, R., KENTON, N., ASHLEY, H. (dir.), 2004. Participatory learning and action. Critical
re ections, future directions. Londres : International Institute for Environment and
Development, octobre 2004. Coll. PLA Notes, 50.

CHAPIN, M., LAMB, Z., THRELKELD, B., 2005. « Mapping Indigenous Lands ». In : Annual Review of
Anthropology. 2005. Vol. 34, n° 1, p. 619-638.

CLINTON, W.J., 2006. ey Propositions for Building Back Better [en ligne]. New York : United
Nations, 2006. Disponible sur : < http://www.reliefweb. int/rw/RWFiles2006.nsf/
FilesByRWDocUnidFilename/ TKAE-6WW9H3-Full%20Report. pdf/$File/Full%20Report.pdf.
(consulté le 17 septembre 2012).

COBURN, A., SPENCE, R., 2002. Earthquake Protection. Chichester : John Wiley, 2002.

COMMISSION EUROPÉENNE, 1996. Le lien entre l’aide d’urgence, la rehabilitation et le développement


(LRRD). Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen.
[s.l.] : Commission des Communautés Européennes.

COMMISSION EUROPÉENNE, 2001. Liens entre l’aide d’urgence, la réhabilitation et le développement


- valuation. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Européen.
[s.l.] : Commission des Communautés Européennes.

COMMISSION EUROPÉENNE, 2004. Méthodes de l’Aide. Lignes directrices. Gestion du Cycle de Projet.
Bruxelles : Commission Européenne - Office de coopération EuropeAid, mars 2004.

COPANI, P., 2007. « Timber-Frame Buildings in Scandinavia: High Deformation Prevent the System from
Collapse ». In : From Material to Structure - Mechanical Behaviour and Failures of the imber
Structures. Firenze, Venezia, Vicenza : ICOMOS IWC- XVI International Symposium, 2007.

CORDAID (dir.), 2007. Building Resilient Communities. A raining Manual on Community-Managed

Cultures constructives vernaculaires et résilience 293


Disaster Risk Reduction. Cavite : International Institute of Rural Reconstruction et Catholic
Organization for Relief and Development Aid, 2007.

CORNET, L., 2009. L’habitat face aux inondations en Côte d’Ivoire. Bin-Houyé, région des 1
Montagnes. Grenoble : CRAterre-ENSAG, Fédération Internationale des Sociétés de la Croix
Rouge et du Croissant Rouge.

CORNET, L., 2009. Réduction de la vulnérabilité aux inondations des populations (et de leur cadre bâti)
d’Afrique de l’Ouest et Centrale. Fiches d’enquête. Grenoble : CRAterre-ENSAG, Fédération
Internationale des Sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge.

CORNWALL, A., GUIJT, I., WELBOURN, A., 1999. « Processus de reconnaissance: défis méthodologiques
posés à la recherche et à la vulgarisation agricoles ». In : La reconnaissance du savoir rural :
savoir des populations, recherche agricole et vulgarisation. Paris : Editions Karthala. Coll.
Économie et développement. p. 157-186.

CORSELLIS, T. (dir.), 2012. ransitional shelter guidelines. Genève : Shelter Centre, International
Organization for Migration, mai 2012.

CORSELLIS, T., VITALE, A., 2008. ransitional settlement and reconstruction a er natural disasters.
[s.l.] : Shelter Centre, Department for International Development, United Nations Office for
the Coordination of Humanitarian Affairs, 2008.

CORSELLIS, T., VITALE, A. (dir.), 2010. Shelter a er disaster. Strategies for transitional settlement and
reconstruction. [s.l.] : United Nations, Department for International Development-DFID,
Shelter Center, 2010.

COTA HHC/CA, [s.d.]. Fiche Planification de Projet par Objectifs. Etude GCP 2003-200 [en ligne].
[s.l.] : Centre de Marseille pour l’intégration en Méditerranée. Disponible sur : < http://
guidesdv.6te.net/documents/1%20Methode%20PPO.pdf > (consulté le 2 avril 2013).

COUDEL, E., TONNEAU, J.-P., PIRAUX, M., 2009. « Renforcement des compétences des acteurs ruraux
et impact sur les dynamiques territoriales au Nordeste ». In : 3èmes journées de recherches
en sciences sociales. Montpellier : INRA, SFER, CIRAD, 2009.

CRATERRE-ENSAG, 2011. « Valoriser les cultures constructives locales pour une meilleure réponse
des programmes d’habitat ». In : CRATERRE-ENSAG, Séminaire scientifique du « DSA - erre
Cultures constructives locales et amélioration de l’Habitat » [en ligne]. Isle d’Abeau : CRAterre,
2011. Disponible sur : < http://craterre.org/diffusion:ouvrages-telechargeables/view/id/
d0fadd9f1fe47474241b6074a45d26cb >

CUNY, F.C., 1982. Improvement of rural housing in Haiti to withstand hurricanes. Dallas : Intertect,
OXFAM Regional Office for the Caribbean, Haitian PVO Disaster Preparedness Commmittee.

DALAL-CLAYTON, B., BASS, S., 2002. Sustainable Development Strategies: A Resource Book.
Paris : Organisation for Economic Co-operation and Development, United Nations
Development Programme, 2002.

D’ARCY, D.C., 1992. La bo te à outils de la communauté. Diagnostic, suivi et évaluation participatifs


en foresterie communautaire: concept, méthodes et outils. Rome : Organisation des Nations
Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, 1992. Coll. Foresterie communautaire: Manuel de
terrain, 2.

D’AYALA, D., PAGANONI, S., 2011. « Assessment and analysis of damage in L’Aquila historic city centre
after 6th April 2009 ». In : Bulletin of Earthquake Engineering. février 2011. Vol. 8, n° 1,
p. 81-104.

DAVIDSON, C.H., JOHNSON, C., LIZARRALDE, G., et al., 2007. « Truths and myths about community
participation in post-disaster housing projects ». In : Habitat International. 2007. n° 31,
p. 100-115.

294 Cultures constructives vernaculaires et résilience


DAVILA, A., DOMINGUEZ, M., 2010. « Formats des groupes et types de discussion dans la recherche
sociale qualitative ». In : Recherches qualitatives. 2010. Vol. 1, n° 29, p. 50-68.

DAVIS, A.S.C., 2001. L’évaluation rurale participative [en ligne]. [s.l.] : World Bank. Disponible sur : <
http://www4.worldbank.org/afr/ssatp/Resources/HTML/rural_transport/knowledge_base/
French/Module%205%5C5_6a%20PRA%20-%20French.pdf > (consulté le 10 janvier 2013).

DAVIS, H., 1999. he culture of building. New York : Oxford University Press, 1999.

DAVIS, I., 2012. hat is the ision for Sheltering and Housing in Haiti Summary Observations of
Reconstruction Progress following the Haiti Earthquake of anuary 12th 2010 [en ligne].
Haïti : UN-HABITAT. Disponible sur : < http://onuhabitat.org > (consulté le 16 avril 2012).

DAVIS, I., HAGHEBAERT, B., PEPPIATT, D., 2004. « Social Vulnerability & Capacity Analysis (VCA): An
Overview ». In : orking in partnership to build safer communities and reduce the impacts of
disasters in developing countries. Genève : ProVention Consortium, 25 mai 2004.

DAZÉ, A., AMBROSE, K., EHRHART, C., 2010. Analyse de la ulnérabilité et de la Capacité d’adaptation
au Changement climatique. Manuel [en ligne]. [s.l.] : CARE International, 2010. Disponible
sur : < http://www.careclimatechange.org/files/adaptation/CARE_CVCA_Handbook-2009-
French.pdf > (consulté le 15 février 2013).

DEBRAY, B., 2008. Assessing the ulnerability of Local Communities to Disasters: An Interactive Guide
and Methodology. Paris : United Nations Environment Programme, Institut National de
l’Environnement industriel et des risques, 2008.

DECANINI, L., DE SORTIS, A., GORETTI, A., et al., 2004. « Performance of masonry buildings during
the 2002 Molise, Italy, earthquake ». In : Earthquake Spectra. 2004. Vol. 20, p. S191.

DECANINI, L., DE SORTIS, A., GORETTI, A., et al., 2004. « Performance of Masonry Buildings During
the 2002 Molise, Italy, Earthquake ». In : Earthquake Spectra. juillet 2004. Vol. 20, n° S1,
p. S191–S220.

DEKENS, J., 2007a. Herders of Chitral: he Lost Messengers Local nowledge on Disaster
Preparedness in Chitral District, Pakistan. Kathmandu : International Centre for Integrated
Mountain Development, European Commission Humanitarian Aid, avril 2007.

DEKENS, J., 2007b. he Snake and the River Don’t Run Straight. Local nowledge on Disaster
Preparedness in the Eastern erai of Nepal [en ligne]. Kathmandu : International Centre for
Integrated Mountain Development, European Commission Humanitarian Aid, avril 2007.
Disponible sur : < http://lib.icimod.org/record/7778 > (consulté le 3 mai 2011).

DEKENS, J., 2007c. Local nowledge for Disaster Preparedness. A literature review.
Kathmandu : International Centre for Integrated Mountain Development, European
Commission Humanitarian Aid, juin 2007.

DEMOSTHENOUS, M., MAKARIOS, T., 2006. « Seismic response of traditional buildings of Lefkas
Island, Greece ». In : Engineering Structures. 2006. Vol. 28, n° 2, p. 264-278.

DESAI, R., DESAI, R., 2007. Manual for Restoration and Retrofi ng of Rural Structures in ashmir.
How to Reduce ulnerability of Existing Structures in Earthquake Affected Areas of ammu
and ashmir. New Delhi : UNESCO, 2007.

DEVELOPMENT WORKSHOP, 2003. Manual for cyclone resistant construction. [s.l.] : Development
Workshop.

DIAS, F., DUTYKH, D., O’BRIEN, L., et al., 2012. « On the modelling of tsunami generation and tsunami
inundation ». In : eprint ar iv:120 .1 [en ligne]. septembre 2012. Disponible sur : <
http://arxiv.org/abs/1209.1888 > (consulté le 16 août 2013).

Cultures constructives vernaculaires et résilience 295


DIKMEN, N., 2010. « An Investigation on Traditional Timber-framed Buildings in Çankiri Province of
Turkey ». In : rakya niveritesi ournal of Science. 2010. Vol. 11, n° 1, p. 15-27.

DIXIT, A.M., PRADHANANG, S.B., GURAGAIN, R., et al., 2002. « Promoting Safer Building Construction:
Experiences of KVERMP ». In : Regional workshop on best practices in disaster mitigation
[en ligne]. Bali : Asian Disaster Preparedness Center, 24 septembre 2002. p. 236-250.
Disponible sur : < http://www.adpc.net/v2007/IKM/ONLINE%20DOCUMENTS/Default-
DOCUMENTS.asp > (consulté le 2 mars 2010).

DOBBINS, J.J., FOSS, P.W. (dir.), 2007. he orld of Pompeii. New York : Routledge, 2007.

DOGAN, M., 2010. « Seismic Analysis of Traditional Buildings: Bagdadi and Himis ». In : Anadolu
niversity ournal of Science and echnology. Applied Sciences and Engineering. 2010.
Vol. 11, n° 1, p. 35-45.

DOGANG N, A., TULUK, . ., LIVAO LU, R., et al., 2006. « Traditional wooden buildings and their
damages during earthquakes in Turkey ». In : Engineering Failure Analysis. septembre 2006.
Vol. 13, n° 6, p. 981-996.

DOULINE, A., 2002. 151 : Haïti. isite du département du Nord Est avec les partenaires du GADR
pour évaluer l’intérêt de construire avec les matériaux locaux. Rapport de mission.
Haïti : Misereor.

DOULINE, A., BELLIN, J.-P., 2010. Analyses de l’habitat et des infrastructures des partenaires de
Misereor affectés par le tremblement de terre du 12 janvier 2010. Rapport de mission du 15
février au 3 mars 2010. Haïti : Misereor.

DOXIADIS, C.A., 1968. Architecture in ransition. Londres : Hutchinson, 1968.

DRIESSEN, J.M., 1987. « Earthquake-Resistant Construction and the Wrath of the Earth-Shaker ».
In : ournal of the Society of Architectural Historians. 1 juin 1987. Vol. 46, n° 2, p. 171-178.

DUDLEY, E., HAALAND, A., 1993. Communicating building for safety : guidelines for methods
of communicating technical information to local builders and householders.
Londres : Intermediate Technology, 1993.

DUGGAN, T.M.P., 1999. « The hatil and the lessons of history ». In : H rriyet Daily News [en ligne].
25 août 1999. Disponible sur : < http://www.turkishdailynews.com/old_editions/08_25_99/
feature.htm f1 > (consulté le 19 août 2007).

DUYNE BARENSTEIN, J., 2006. « Housing reconstruction in post-earthquake Gujarat. A comparative


analysis ». In : Humanitarian Practice Network Paper. mars 2006. n° 54.

DUYNE BARENSTEIN, J., 2008. « From Gujarat to Tamil Nadu: Owner-driven vs. contractor-driven housing
reconstruction in India ». In : 4th International i-Rec Conference 200 Building resilience:
achieving effective post-disaster reconstruction. Rotterdam : In-house Publishing, 2008.

DUYNE BARESTEIN, J., PITTET, D., 2007. Post-disaster housing reconstruction. Current trends
and sustainable alternatives for tsunami-affected communities in coastal amil Nadu.
Canobbio : University of Applied Sciences of Southern Switzerland.

ECBP, 2012. Participatory Disaster Risk Assessment. raining pack and assessment tools
[en ligne]. [s.l.] : Emergency Capacity Building Project, 2012. Disponible sur : < http://
www.disasterriskreduction.net/fileadmin/user_upload/drought/docs/Participatory%20
Disaster%20Risk%20Reduction%20Assessment%20Tool%20and%20Training%20Pack..pdf >
(consulté le 6 mars 2013).

ECLAC, 2003. Handbook for Estimating the Socio-economic and Environmental Effects of Disasters.
[s.l.] : United Nations, Economic Commission for Latin America and the Caribbean (ECLAC)
and International Bank for Reconstruction and Development (The World Bank), 2003.

296 Cultures constructives vernaculaires et résilience


EDELBERG, L., 1984. Nuristani buildings. Aarhus : Jysk ark ologisk selskab, 1984.

EMMANUEL, E., THERMIL, K., PHILIPPE-AUGUSTE, J.R., et al., 2000. Analyse de la situation de l’habitat
en Haïti. Port-au-Prince : Éditions du LAQUE, Presses de l’Université Quisqueya, 2000.

ERRA, 2011. 200 Pakistan Earthquake Housing Reconstruction. [s.l.] : Earthquake Reconstruction
and Rehabilitation Authority, 2011

FACKLER, M., 2011. « Tsunami Warnings, Written in Stone ». In : he New ork imes. 20 avril 2011.

FALS-BORDA, O. (dir.), 1992. « Evolution and Convergence in Participatory Action-Research ». In :


FALS-BORDA, O. (dir.), A orld of Communities: Participatory Research Perspectives. North
York : Captus Press. p. 14-19.

FAO, 1997. Guide d’application de la composante relative à l’analyse des contraintes [en ligne]. FAO.
Rome : [s.n.], 1997. Disponible sur : < http://www.fao.org/docrep/W8016F/W8016F00.htm
> (consulté le 10 janvier 2013).

FAO. 2011. La Formulation Participative des Projets [en ligne]. [s.l.] : Groupe de travail informel sur les
approches et méthodes participatives. Disponible sur : < http://www.fao.org/Participation/
francais/default.htm > (consulté le 14 février 2013).

FAU, 2012. Reconstruction maisons neuves et réhabilitation de maisons endommagées par le séisme
du 12 janvier 2010. Proposition de projet. Port-au-Prince : Fondation Architecte de l’Urgence.

FEMA, 1998. FEMA 310. Handbook for Seismic Evaluation of Buildings: A Prestandard.
Washington: Federal Emergency Management Agency, 1998.

FEMA, 2002. FEMA 1 4. Rapid isual Screening of Buildings for Potential Seismic Hazards. A Handbook.
Washington : National Earthquake Hazards Reduction Program, Applied Technology Council,
Federal Emergency Management Agency, 2002.

FEMA, 2003. Multi-hazard Loss Estimation Methodology. Flood Model. HA S MH MR1. echnical
Manual. Jessup : Federal Emergency Management Agency, 2003.

FERRIGNI, F. (dir.), 1990. San Lorenzello. la recherche des « anomalies » qui protègent. Ravello : Centre
Universitaire pour les Biens Culturels CUEBC, Conseil de l’Europe, 1990. Coll. Réseaux PACT.

FERRIGNI, F., 2005a. « Choice of site, urban structure and its evolution ». In : Ancient Buildings
and Earthquakes. he Local Seismic Culture approach: principles, methods, potentialities.
Bari : Edipuglia. p. 99-102.

FERRIGNI, F., 2005b. « What can be done for ancient buildings exposed to seismic risk? A possible
new approach ». In : Ancient Buildings and Earthquakes. The Local Seismic Culture approach:
principles, methods, potentialities. Bari : Edipuglia. p. 189-198.

FERRIGNI, F., 2005c. « The Local Seismic Culture ». In : Ancient Buildings and Earthquakes. he Local
Seismic Culture approach: principles, methods, potentialities. Bari : Edipuglia. p. 199-213.

FERRIGNI, F., 2005d. « The recovery of the Local Seismic Culture as preventive action ». In : Ancient
Buildings and Earthquakes. he Local Seismic Culture approach: principles, methods,
potentialities. Bari : Edipuglia. p. 215-239.

FERRIGNI, F., 2005e. « The Local Seismic Culture approach and other disciplines ». In : Ancient
Buildings and Earthquakes. he Local Seismic Culture approach: principles, methods,
potentialities. Bari : Edipuglia. p. 251-279.

FERRIGNI, F., 2005f. « Synthesis and perspectives ». In : Ancient Buildings and Earthquakes. he Local
Seismic Culture approach: principles, methods, potentialities. Bari : Edipuglia. p. 293-331.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 297


FERRIGNI, F., 2009. « Introduction aux cultures sismiques locales ». In : cours DSA-terre, module
Architecture située. Grenoble. 2009.

FERRIGNI, F., HELLY, B., MAURO, A., et al., 2005. Ancient Buildings and Earthquakes. he Local Seismic
Culture approach: principles, methods, potentialities. Bari : Edipuglia, 2005.

FERRIGNI, F., HELLY, B. (dir.), 1990. Protection du patrimoine bâti dans les zones à risques sismique :
analyses et interventions. Rixensart : PACT 28 Belgique, 1990. Coll. Actes du cours postgradué
européen, Ravello, 7-18 décembre 1987.

FERRIGNI, F., HELLY, B., RIDEAUD, A., 1993. Atlas of Local Seismic Cultures: how to reduce the
vulnerability of the built environment by re-discovering nad re-evaluating local seismic
culture. Ravello : Centro Universitario Europeo per i Beni Culturali, 1993.

FETTERS, T., 1999. « Explorer différentes possibilités: utiliser des enquêtes quantitatives pour
compléter les résultats de l’APA ». In : Accepter la participation dans le développement.
Atlanta : CARE.

FISHER, A.H., VLACH, J., 1987. « The Popular Architecture of Haiti ». In : MIMAR: Architecture in
Development. mars 1987. n° 23, p. 12-19.

FIUMI, C., 2008. « Messina, cent’anni nelle baracche ». In : Corriere della Sera [en ligne]. 15 avril
2008. Disponible sur : < http://www.corriere.it/cronache/08_aprile_15/magazine_
messina_cento_anni_di_baracche_5a181f44-0af0-11dd-98e1-00144f486ba6.shtml >
(consulté le 9 octobre 2012).

FOLKE, S., 2005. « Impact - concept et méthodes : applications aux actions des ONG ». In : Echo du
CO A. juin 2005. n° 107, p. 3-8.

FONTIL, N., 2009. Projet de développement communautaire en Haïti : Méthodologie d’analyse des
besoins locaux. Master en Développement. Alexandrie : Université Senghor. 26 mars 2009.

FOUFA, A., 2007. « Récupération des Techniques Constructives Traditionnelles Sismo-Résistantes


pour un Entretien du Bâti Ancien ». In : 1ère Conférence régionale Euro-méditerranéenne.
Architecture raditionnelle méditerranéenne Présent et Futur. Barcelone : Rehabimed, 12
juillet 2007. p. 535-537.

FREY, P., 2010. Learning from ernacular Pour une nouvelle architecture vernaculaire. Arles : Actes
sud, 2010.

FUNDASAL (dir.), 2001. Sistemas sismo resistente de construcci n de vivienda utilizando la tierra. San
Salvador : Fundaci n Salvadore a de Desarrollo y Vivienda M nima, FUNDASAL, 2001.

FURUICHI, T., KOIZUMI, T., ENDOH, M., KAWASAKI, H. (dir.), 2010. raditional Bhutanese Houses.
Survey and Research Report. Tokyo : Art Design Publishing, 2010.

GAUTHIER, B. (dir.), 2009. Recherche sociale: De la problématique à la collecte des données.


Québec : Presses de l’Université du Québec, 2009.

GÉLINEAU, L., 2001. Fondements pour une « théorie ancrée » de la conscientisation dans le cadre de
la recherche-action participative et de l’éducation dans une perspective mondiale [en ligne].
Thèse de doctorat. Montréal : Université de Montréal. 2001. Disponible sur : < https://
papyrus.bib.umontreal.ca/jspui/handle/1866/6736 > (consulté le 18 mars 2013).

GILBERT, R., 2001. Doing More for hose Made Homeless by Natural Disasters. Washington : The
World Bank, 2001. Coll. Disaster Risk Management Working Paper, 1.

GOB, 2008. Cyclone Sidr in Bangladesh. Damage, Loss and Needs Assessment For Disaster Recovery
and Reconstruction. Dhaka : Government of Bangladesh.

298 Cultures constructives vernaculaires et résilience


GOB, 2010. National Plan for Disaster Management 2010-201 [en ligne]. Dhaka : Government
of the People’s Republic of Bangladesh, Disaster Management Bureau, Disaster
Management and Relief Division, Ministry of Food and Disaster Management. Disponible
sur : < http://www.preventionweb.net/english/professional/policies/v.php?id 16676 >
(consulté le 17 avril 2012)

GODIN, C., M HLETHALER, L., 2005. Edifier. L’architecture et le lieu. Lagrasse : Editions Verdier, 2005.
Coll. Art et Architecture.

GONZ LEZ, G., GUTIÉRREZ, J., 2005. « Structural performance of bamboo bahareque walls under
cyclic load ». In : ournal of Bamboo and Rattan. 2005. Vol. 4, n° 4, p. 353-368.

GOYETTE, G., LESSARD-HÉBERT, M., 1987. La Recherche-Action: ses fonctions, ses fondements et son
instrumentation. Québec : Presses de l’Université du Québec, 1987.

GRANET-ABISSET, A.-M., 2000. « La connaissance des risques naturels: quand les sciences
redécouvrent l’histoire ». In : Histoire et mémoire des risques naturels. Grenoble : CNRS -
Maison des Sciences de l’Homme - Alpes. Coll. Histoire Economique Sociale et Politique.

GRAUGNARD, G., HEEREN, N., 1999. L’évaluation de l’impact. Guide méthodoogique. Paris : CIEDEL,
juin 1999.

GRENIER, L., 1998. Connaissances indigènes et recherche un guide à l’intention des chercheurs.
Ottawa : Centre de recherches pour le développement international, 1998.

GROUPE URD, 2002. La méthode d’analyse rapide et de planification participative (MARP).


Plaisians : Groupe Urgence Réhabilitation Développement.

GROUPE URD, 2010. Manuel de la participation à l’usage des acteurs humanitaires. Plaisians : Groupe
Urgence Réhabilitation Développement, 2010.

GRUBER, P., 2007. Adaptation and Earthquake Resistance of raditional Nias Architecture.
Wien : Institute for Comparative Research in Architecture- Institute for History and Research
of Building.

GR NEWALD, F. (dir.), 2005. Bénéficiaires ou partenaires. uels rôles pour les populations dans
l’action humanitaire Paris : Editions Karthala, 2005.

GR NEWALD, F., 2008. « Eclairage de la quinzaine : le lien entre l’urgence, la réhabilitation et le


développement ». In : oom de Rosa. mars 2008. n° 8.

GR NEWALD, F., 2010. « Les enseignements de la catastrophe ». In : Humanitaire. Enjeux, pratiques,


débats. 19 décembre 2010. n° 27, p. 66-77.

GR NEWALD, F., 2014. « Du Sichan à port-au-prince, gérer les catastrophes - Haïti, une aide
humanitaire sous le feu des critiques ». In : Culturesmonde. France Culture. 10 janvier 2014.

GR NTHAL, G. (dir.), 2001. L’Echelle Macrosismique Européenne. European Macroseismic Scale


1 (EMS- ). Luxembourg : European Seismological Commission Subcommission on
Engineering Seismology Working Group Macroseismic Scales, 2001. Coll. Cahiers du Centre
Européen de Géodynamique et de Séismologie, 19.

G ÇHAN, N. ., 2007. « Observations on earthquake resistance of traditional timber-framed houses


in Turkey ». In : Building and Environment. Févier 2007. Vol. 42, n° 2, p. 840-851.

GU YE, B., 2000. « La méthode active de recherche et de planification participatives (MARP) : acquis,
limites et défis actuels ». In : Les enquêtes participative en débat. Ambitions, pratiques et
enjeux. Paris : Editions Karthala. p. 65-90.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 299


GUÉNARD, F., SIMAY, P., 2011. « Du risque à la catastrophe. propos d’un nouveau paradigme ». In :
La ie des idées [en ligne]. 23 mai 2011. Disponible sur : < http://www.laviedesidees.fr/Du-
risque-a-la-catastrophe.html > (consulté le 21 novembre 2011).

GUHA-SAPIR, D., HARGITT, D., HOYOIS, P., 2004. hirty ears of Natural Disasters 1 4-2003: he
Numbers. Bruxelles : Centre for Research on the Epidemiology of Disasters / Presses
Universitaires de Louvain, 2004.

GUIDONI, E., 1975. Architettura primitiva. Milano : Electa, 1975. Coll. Storia universale dell’architettura,
14. 1975.

GUILLAUD, H., ROLLET, P., 2009. Projet scientifique 2011-2014. nité de recherche Architecture,
Environnement et Cultures Constructives. Grenoble : École Nationale Supérieure
d’Architecture de Grenoble. 2009.

G LHAN, D., G NEY, I. ., 2000. « The Behaviour of Traditional Building Systems Against Earthquake
and its Comparison to Reinforced Concrete Systems : Experiences of Marmara Earthquake,
Damage Assessment Studies in Kocaeli and Sakarya ». In : Earthquake-Safe: Lessons to Be
Learned From raditional Construction [en ligne]. Istanbul : ICOMOS International Wood
Committee, 16 novembre 2000. Disponible sur : < www.icomos.org/iiwc/seismic/Gulhan.
pdf > (consulté le 7 août 2011).

G LKAN, P., LANGENBACH, R., 2004. « The Earthquake Resistance of Traditional Timber and Masonry
Dwellings in Turkey ». In : 13th orld Conference on Earthquake Engineering [en ligne].
Vancouver : [s.n.], 6.08 2004. Disponible sur : < http://www.conservationtech.com/RL’s%20
resume&%20pub’s/RL-publications/1-EQ-const2.htm > (consulté le 10 mars 2011).

GUMUCIO, S., 2011. Collecte des données. Méthode quantitative: l’exemple des enquêtes CAP.
[s.l.] : Médecins du Monde, janvier 2011.

GUTIERREZ, J., 2004. « Notes on the Seismic Adequacy of Vernacular Buildings ». In : 13th orld
Conference on Earthquake Engineering [en ligne]. Vancouver : [s.n.], 6.08 2004. Disponible sur :
< www.curee.org/.../docs/13WCEE-GUTIERREZ-5011.pdf > (consulté le 9 octobre 2011).

HAMDOUNI, M., PANDOLFO, S., GARNIER, P., et al., 2005. Programme d’élaboration d’un cadre
normatif pour les matériaux locaux de construction en zones parasismiques pour le Maroc.
Premier bilan de la phase préliminaire d’enquête à Ouarzazate et agora dans le cadre du
protocole défini lors du séminaire de Rabat de septembre 200 . Rabat : CRAterre-ENSAG.
2005.

HANMIN, H., 1991. raditional Chinese ernacular Dwelling: Rammed-earth Collective Dwelling in
Fujian. [s.l.] : China Architecture Building Press, 1991.

HANMIN, H., 2010. Fujian ulou : A treasure of Chinese raditional Civilian Residence. Beijing : SDX
Joint Publishing Company, 2010.

HANSFORD, B., 2007. Réduire les risques de catastrophe dans nos communautés. Teddington : Tearfund,
2007. Coll. Resourcing Organisations with Opportunities for Transformation and Sharing -
ROOTS, 9. 2007.

HAQ, B., 2007. Battling the storm. Study on cyclone resistant housing Community Based Disaster
Preparedness Programme. Dhaka : Bangladesh Red Crescent Society, German Red Cross.
2007.

HAQ, S., 1994. « Architecture within the folk tradition: a representation from Bangladesh ». In :
raditional Dwellings and Settlements Review. Printemps 1994. Vol. 5, n° 2, p. 61-71.

HELLY, B., 2005. « Case Studies ». In : Ancient Buildings and Earthquakes. he Local Seismic Culture
approach: principles, methods, potentialities. Bari : Edipuglia. p. 129-169.

300 Cultures constructives vernaculaires et résilience


HIÇYILMAZ, K., BOTHARA, J.K., STEPHENSON, M., 2011. 146 : Dhajji Dewari. imber Building with
Masonry/Stone Infill. Pakistan, India [en ligne]. Housing Report, World Housing Encyclopedia.
[s.l.] : Earthquake Engineering Research Institute et International Association for
Earthquake Engineering. Disponible sur : < http://www.world-housing.net/whereport1view.
php?id 100164 >

HIRAI, T., MENG, Q., SAWATA, K., et al., 2008. « Some Aspects of Frictional Resistance in Timber
Construction ». In : Proceedings of the 10th orld Conference on imber Engineering.
Miyazaki : [s.n.], 2008.

HIRUNSALEE, S., JANMAIMOOL, P., YUSUKE, T., et al., 2009. « An Influence of Social Network on
Knowledge Transferring in Flood Mitigation and Preparedness: A case study of Waju Area,
Ogaki City, Gifu Prefecture ». In : Disaster Mitigation of Cultural Heritage and Historic Cities.
Juin 2009. Vol. 3, p. 275-282.

HODGSON, R.L.P., SERAJ, S.M., CHOUDHURY, J.R. (dir.), 1999. Implementing Hazard-resistant
Housing. Proceedings of the First International Housing Hazards orkshop to Explore
Practical Building for Safety Solutions. Dhaka/Bangladesh / 3- December 1 . Dhaka &
Exeter : Bangladesh University of Engineering and Technology, University of Exeter, 1999.

HOLTLAND, G., 2001. Les méthodologies d’analyse et de planification du développement


régional [en ligne]. 2001. [s.l.] : FAO. Disponible sur : < www.fao.org/Participation >
(consulté le 4 mars 2013).

HOMAN, J., 2004. « Seismic cultures: Myth or reality? » In : Second International Conference on
Post-Disaster Reconstruction: Planning for Reconstruction. Coventry : i-Rec information &
research for reconstruction- Coventry University, 22 avril 2004. p. 22–23.

HUGHES, R., 2000. « Cator and Cribbage Construction of Northern Pakistan ». In : Earthquake-
Safe: Lessons to Be Learned From raditional Construction [en ligne]. Istanbul : ICOMOS
International Wood Committee, novembre 2000. Disponible sur : < http://www.icomos.org/
iiwc/seismic/Hughes-C.pdf > (consulté le 27 septembre 2013).

HUGHES, R., 2007. « Vernacular Architecture and Construction Techniques in the Karakoram ». In :
arakoram: Hidden reasures in the Northern Areas of Pakistan [en ligne]. Torino : Umberto
Allemandi & Co. p. 99-132. Disponible sur : < http://archnet.org/library/documents/one-
document.jsp?document_id 9767 > (consulté le 5 février 2012).

HUGHES, R., LUBKOWSKI, Z.A., [s.d.]. he survey of earthquake damaged non-engineered structures.
A field guide by EEFI . London : Earthquake Engineering Field Investigation Team (EEFIT),
The Institution of Structural Engineers.

HUY, B. (dir.), 2002. Handbook of Participatory echnology Development (P D). Hanoi : ETSP –
Extension and Training Support Project for Forestry and Agriculture in the Uplands, Helvetas
Vietnam, septembre 2002. Coll. Social Forestry Training.

ICOMOS, 1999. Charter on the Built vernacular Heritage. [s.l.] : International Council on Monuments
and Sites.

IDNDR, 1999. IFFN n.21 : IDNDR Programme Forum, Geneva, uly 1 . A Safer orld in the 21st
Century: Disaster and Risk Reduction. Genève : International Decade for Natural Hazard
Reduction. septembre 1999.

IFAD, 2009. Good practices in participatory mapping. Rome : International Fund for Agricultural
Development, avril 2009.

IFRC, 2007a. L’évaluation de la vulnérabilité et des capacités. Enseignements et recommandations.


Genève : International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies, 2007.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 301


IFRC, 2007. CA toolbox. Genève : International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies,
2007.

IFRC, 2008. Lignes directrices pour l’évaluation dans les situations d’urgence. Genève : International
Federation of Red Cross and Red Crescent Societies, 2008.

IFRC, 2011. PASSA. Participatory Approach for Safe Shelter Awareness. Genève : International
Federation of Red Cross and Red Crescent Societies, 2011.

IFRC, 2011. Public awareness and public education for disaster risk reduction: a guide.
Genève : International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies, 2011.

IFRC, 2012. Shelter technical brief. Red Cross Red Crescent Societies. Haiti earthquake operation - 24
months. Genève : International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies, 2012.

IHSI, 2003. Enquête sur les conditions de vie en Haïti. Port-au-Prince : Institut Haïtien de Statistique
et d’Informatique (IHSI), Ministère de l’Economie et des Finances, République d’Haïti, 2003.

IKEYA, M., 2004. Earthquakes and Animals: From Folk Legends to Science. New Jersey : World
Scientific, 2004.

ILLICH, I., 2005. « Le travail fantôme ». In : Oeuvres complètes. Paris : Fayard. p. 93-223.

ISLAM, M.S., 2013. « Development of Disaster Resistant Housing in Bangladesh Considering Social
and Cultural Issues ». In : séminaire scientifique « Disaster Resistant Building Cultures: the
ways forward ». Grenoble : [s.n.], 2013.

ITO, N., 2007. « A Historical Review of the Techniques in Japanese Buildings for Resisting Various
Loads, Focusing on Seismic Attacks ». In : From Material to Structure: Mechanical Behaviour
and Failure of the imber Structures [en ligne]. Firenze, Venezia, Vicenza : ICOMOS
International Wood Committee, 2007. Disponible sur : < http://www.icomos.org/iiwc/16/
ito.pdf > (consulté le 2 octobre 2012).

JHA, A.K., DUYNE BARENSTEIN, J., PHELPS, P.M., et al., 2010. Safer homes, stronger communities. A
handbook for reconstruction a er natural disasters. Washington : Global Facility for Disaster
Reduction and Recovery, the International Bank for Reconstruction and Development, the
World Bank, 2010.

JIGYASU, R., 2001. « From Marathwada to Gujarat – Emerging challenges in post- earthquake
rehabilitation for sustainable eco-development in South Asia ». In : Improving post-disaster
reconstruction in developing countries [en ligne]. Firenze : i– Rec information & research for
reconstruction, IF Research Group, Université de Montreal, 2001. Disponible sur : < http://
www.grif.umontreal.ca/pages/i-rec%20papers/rohit.PDF > (consulté le 15 juillet 2012).

JIGYASU, R., 2002. Reducing Disaster ulnerability through Local nowledge and Capacity. he Case of
Earthquake prone Rural Communities in India and Nepal. PhD Thesis. Trondheim : Faculty of
Architecture and Fine Art, Department of Town and Regional Planning, Norwegian University
of Science and Technology. juillet 2002.

JIGYASU, R., 2008. « Structural Adaptation in Souht Asia: learning lessons from tradition ». In :
Hazards and the Built Environment. Attaining Built-in Resilience. Londres : Routledge Taylor
& Francis. p. 74-95.

JOSHI, P.C., 2008. « Role of Culture in Disasters ». In : Global E-Conference on Culture and Risk:
Socio-Cultural Se ngs that In uence Risk from Natural Hazards Participants’ Contributions
A Compilation. [s.l.] : ICIMOD, Montain Forum, octobre 2008. p. 10-12.

KABIR, R., 2009. Post-Cyclone Sidr Family Shelter Construction in Bangladesh. Documentation of
Plans and Processes. Dhaka : Shelter Working Group.

302 Cultures constructives vernaculaires et résilience


KAIHURA, F., 2003. « Participatory technology development and dissemination: a methodology to
capture the farmers’ perspectives ». In : Agricultural Biodiversity in Smallholder Farms of
East Africa. Tokyo : United Nations University Press. p. 159-170.

KALEVRAS, V.C., 1981. « Design, construction, behavior and repair problems of rural structures in
Greece ». In : Conference proceeding International orkshop Earthen Buildings in Seismic
Areas. New Mexico : The National Science Foundation, Appropriate Technology International,
Office of Foreign Disaster Assistance, 1981.

KARABABA, F.S., 2007. Local Seismic Construction Practices as a Means to ulnerability Reduction
and Sustainable Development. A case study in Le ada Island, Greece. PhD thesis.
Cambridge : University of Cambridge, Department of Engineering. 2007.

KARAN, P., 2010. apan in the 21st Century: Environment, Economy, and Society. [s.l.] : University
Press of Kentucky, 12 septembre 2010.

KAUDERN, W., 1925. Ethnographical studies in Celebes: results of the author’s expedition to Celebes
1 1 -1 20. 1, 1,. G teborg : Pehrson, 1925.

KENNEDY, J., ASHMORE, J., BABISTER, E., et al., 2007. « Post-tsunami transitional settlement and
shelter field experience from Aceh and Sri Lanka - Humanitarian Practice Network ». In :
Humanitarian Exchange Magazine. mars 2007. n° 37, p. 28-31.

KHON KAEN UNIVERSITY, 1987. Proceedings of the 1 International Conference on Rapid Rural
Appraisal. Khon Kaen : Rural Systems Research and Farming Systems Research Projects, 1987.

KIZIS, Y., 1977. raditional houses of Pelion (a conservative approach). Diploma in Conservation of
Historic Buildings. York : University of York, Institute of Advanced Architectural Studies. 1977.

KLYACHKO, M., BENIN, A., BOGDANOVA, J., 2002. 56 : imber log building. Russian Federation
[en ligne]. [s.l.] : World Housing Encyclopedia. Disponible sur : < http://www.world-housing.
net/WHEReports/wh100022.pdf>

KONTOGIANNIS, P., 2010. Numerical Evaluation of the « Cator and Cribbage » echnique [en ligne].
MSc in Earthquake Engineering with Disaster Management. Londres : Department of Civil,
Environmental and geomatic Engineering, University College London. 30 août 2010.

KORKMAZ, H.H., KORKMAZ, S.Z., DONDUREN, M.S., 2010. « Earthquake hazard and damage on
traditional rural structures in Turkey ». In : Natural Hazards and Earth System Sciences. 2010.
n° 10, p. 605-622.

KULATUNGA, U., 2010. « Impact of Culture towards Disaster Risk Reduction ». In : International
ournal of Strategic Property Management. 2010. Vol. 14, n° 4, p. 304-313.

LABATTUT, E., DEPREZ, S., 2009. « Reconstruction post-tsunami en Aceh: des maisons multipliées
plutôt qu’une planification raisonnée ». In : Humanitaires en mouvement. septembre 2009.
n° 3, p. 13-17.

LAGOMARSINO, S., 2012. « Damage assessment of churches after L’Aquila earthquake (2009) ». In :
Bulletin of Earthquake Engineering. 1 février 2012. Vol. 10, n° 1, p. 73-92.

LAMBALLE, Patrice, 2001. 24 : La planification des interventions par objectifs, un parcours semé
d’emb ches. Coopérer aujourd’hui. Nogent sur Marne : Groupe de recherche et d’échanges
technologiques-GRET. Coll. Les documents de travail de la Direction scientifique.

LANER, F., BARBISAN, U., 1986. I secoli bui del terremoto. Milano : Franco Angeli Libri, 1986. Coll.
Ricerche di Tecnologia dell’Architettura. 1986.

LANKATILLEKE, L., 2010. « The people’s process: The viability of an international approach ».

Cultures constructives vernaculaires et résilience 303


In : Building Back Better.Delivering people-centred housing reconstruction at scale.
Rugby : Practical Action, London South Bank University, International Federation of Red
Cross and Red Crescent Societies.

LANGENBACH, R., 1989. « Bricks, Mortar and Earthquekes, Historic Preservation vs. Earthquake
Safety ». In : he ournal of the Association for Preservation echnology. 1989. Vol. XXI,
n° 3&4, p. 30-43.

LANGENBACH, R., 1990. « of Taq and Dhajji-Dewari : the earthquake resistant mud and brick
architecture of Kashmir ». In : ADOBE 0, International Conference on Earthen Architecture
Proceedings. Las Cruces, New Mexico : Institute Getty Conservation, novembre 1990, p.
92-98.

LANGENBACH, R., 1999. « Survivors in the midst of devastation: traditional timber and masonry
construction in seismic areas ». In : th S National Conference on Earthquake Engineering
[en ligne]. Boston, Massachusetts. juillet. 1999. Disponible sur : < http://www.bcin.ca/
Interface/openbcin.cgi?submit submit&Chinkey 209500 > (consulté le 5 novembre 2012).

LANGENBACH, R., 2000. « Intuition from the Past: What Can We Learn From Traditional Construction ».
In : Earthquake-Safe: Lessons to Be Learned From raditional Construction [en ligne].
Istanbul : ICOMOS International Wood Committee, 15 novembre 2000. Disponible sur : <
http://www.icomos.org/iiwc/istanbul2000.htm > (consulté le 2 mars 2011).

LANGENBACH, R., 2002. « Survivors amongs the ruins : Traditional houses in earthquakes in Turkey
and India ». In : AP Bulletin, Association for Preservation echnology. 2002. Vol. XXXIII,
n° 2&3, p. 47-55.

LANGENBACH, R., 2002. « Survivors in the Midst of Devastation. A Comparative Assessment of


Traditional Timber and Masonry Construction in Seismic Areas ». In : th .S. National
Conference on Earthquake Engineering [en ligne]. Boston : Earthquake Engineering Research
Institute, 21 juillet 2002. Disponible sur : < http://www.conservationtech.com/rl’s%20
resume&%20pub’s/RL-publications/1-EQ-const2.htm > (consulté le 9 mars 2011).

LANGENBACH, R., 2003. « Survivors amongs the rubble : Traditional timber-laced masonry buildings
that survived the great 1999 earthquakes in Turkey and the 2001 earthquake in India, while
modern buildings fell ». In : Proceedings of the International Congress on Construction
History. Madrid : Paperback, 2003.

LANGENBACH, R., 2007a. « From Opus Craticium to the Chicago Frame : Earthquake-Resistant
Traditional Construction ». In : International ournal of Architectural Heritage. 2007. Vol. 1,
n° 1, p. 29–59.

LANGENBACH, R., 2007b. « Preventing pancake collapses : lessons from earthquake-resistant


traditional construction for modern buildings of reinforced concrete ». In : International
Conference on Forensic Engineering Failure Diagnosis and Problem Solving. Mumbai : [s.n.],
6 décembre 2007.

LANGENBACH, R., 2009. Don’t ear It Down Preserving he Earthquake Resistant ernacular
Architecture Of ashmir. New Delhi : UNESCO, juin 2009.

LANGENBACH, R., 2010a. « Better than steel ? The use of timber for large and tall buildings from
ancient times until the present ». In : Structure and Architecture. Guimar es : [s.n.], 21 juillet
2010.

LANGENBACH, R., 2010b. « Rescuing the Baby from the Bathwater: Traditional Masonry as
Earthquake-Resistant Construction ». In : th International masonry Conference [en ligne].
Dresden : Technische Universit t Dresden, International Masonry Society, juillet 2010.
Disponible sur : < http://www.conservationtech.com/rl%27s%20resume&%20pub%27s/
RL-publications/Eq-pubs/2010-8IMC-Keynote/8IMC_Keynote-Langenbach.pdf >
(consulté le 3 octobre 2012).

304 Cultures constructives vernaculaires et résilience


LANGENBACH, R., KELLEY, S., SPARKS, P., et al., 2010. Preserving Haiti’s Gingerbread Houses. 2010
Earthquake Mission Report [en ligne]. New York : World Monuments Fund, ICOMOS.
Disponible sur : < www.wmf.org/sites/default/.../WMF%20Haiti%20Mission%20Report.pdf
> (consulté le 8 janvier 2011).

LARRISON, C.R., 2002. A Comparison of op-Down and Bottom- p Community Development


Interventions in Rural Mexico: Practical and heoretical Implications for Community
Development Programs. Ohio State University. College of Social Work. Lewiston : Edwin
Mellen Press, 2002. 148 p. Coll. Mexican Studies, 3.

LAVIGNE-DELVILLE, P., 2000. « L’illusion de tout découvrir au village: critique de l’empiricisme


dans les MARP ». In : Les enquêtes participative en débat. Ambitions, pratiques et enjeux.
Paris : Editions Karthala. p. 393-417.

LAVIGNE-DELVILLE, P., 2005. « Les diagnostics participatifs dans le cadre des projets de développement
rural dans les pays en développement : postulats, pratiques et effets sociaux des PRA/Marp ».
In : Cultures et pratiques participatives : une perspective comparative. Paris : Laboratoire
d’Anthropologie des Institutions et des Organisations Sociales et Association Française de
Sciences Politiques, 2005.

LAVIGNE-DELVILLE, P., SELLAMNA, N.-E., MATHIEU, M., 2000. Les enquêtes participatives en débat:
ambition, pratiques et enjeux. Paris : Editions Karthala, 2000.

LAUREANO, P., 2000. « A new role for traditional knowledge: the creating of a technological
paradigm for saving natural resources ». In : raditional knowledge: learning from
experience. Berkeley : International Association for the Study of Traditional Environments.
Coll. Traditional Dwellings and Settlements Working Paper Series. p. 83-103.

LE BOSSÉ, Y., 2003. « De l’ habilitation au pouvoir d’agir : vers une appréhension plus circonscrite
de la notion d’empowerment ». In : Nouvelles pratiques sociales. 2003. Vol. 16, n° 2, p. 30.

LECLERC, C., BOURASSA, B., PICARD, F., et al., 2011. « Du groupe focalisé à la recherche collaborative :
avantages, défis et stratégies ». In : Recherches qualitatives. février 2011. Vol. 29, n° 3.

LEGARDA, B., 1960. « Colonial Churches of Ilocos ». In : Philippine Studies. 1960. Vol. 8, n° 1, p. 121-
158.

LENCLUD, G., 1987. « La tradition n’est plus ce qu’elle était...: Sur les notions de tradition et de
société traditionnelle en ethnologie ». In : errain. 1 octobre 1987. n° 9, p. 110-123.

LESTUZZI, P., 2008. Séismes et Construction. léments pour non-spécialistes. Lausanne : Presses
Polytechniques et Universitaires Romandes, 2008.

LESTUZZI, P., BADOUX, M., 2008. Génie Parasismique. Conception et dimensionnement des Bâtiments.
Lausanne : Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, 2008. Coll. Génie civil.

LEWIS, J., 2001. « Continuum or Contiguum? Development for survival and vulnerability reduction ».
In : Fi h European Sociological Association Conference. isions and Divisions: Challenges
to European Sociology [en ligne]. Helsinki : [s.n.], 2001. Disponible sur : < http://www.
dscrn.org/cms/uploads/esa2001/lewies%20-%20continuum%20or%20contiguum.pdf >
(consulté le 3 décembre 2012).

LEWIS, J., KELMAN, I., 2010. « Places, people and perpetuity: Community capacities in ecologies of
catastrophe ». In : ACME. 2010. Vol. 9, p. 191-220.

LIANG, R., STANISLAWSKI, D., HOTA, G., 2011. « Structural responses of Hakka rammed earth buildings
under earthquae loads ». In : International orkshop on Rammed Earth Materials and
Sustainable Structures Hakka ulou Forum 2011: Structures of Sustainability, International
Symposium on Innovation Sustainability of Structures in Civil Engineering. Xiamen : [s.n.],
2011.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 305


LINDAHL, C., 1996. Developmental Relief An Issues Paper and an Annotated Bibliography on Linking
Relief and Development. Stockholm : Swedish International Development Cooperation
Agency, Department for Evaluation and Internal Audit, 1996. Coll. Sida Studies in Evaluation
96/3.

LIU, B., MIAO, S., YE, L., et al., 2006. « Dammage of village buildings in recent Yunnan earthquakes ».
In : 4th International Conference on Earthquake Engineering [en ligne]. Taipei : [s.n.], 2006.
Disponible sur : < conf.ncree.org.tw/proceedings/i0951012/data/pdf%5C4ICEE-0266.pd >
(consulté le 16 septembre 2012).

L PEZ, M., BOMMER, J., MÉNDEZ, P., 2004. « The seismic performance of bahareque dwellings in El
Salvador ». In : 13th orld Conference on Earthquake Engineering. Vancouver : [s.n.], 2004.

LY, E.H., 2001. « Introduction aux Méthodes Participatives ». In : Actes du séminaire international de
Niamey (Niger). Niamey : AQUADEV, DGCI, juin 2001. p. 18-26.

LYONS, M., 2009. « Building Back Better: The Large-Scale Impact of Small-Scale Approaches to
Reconstruction ». In : orld Development. 2009. Vol. 37, n° 2, p. 385–398.

MASCIARI-GENOESE, F., 1915. rattato Di Construzioni Antisismiche Preceduto Da n Corso Di


Sismologia. Milano : Hoepli, 1915.

MASKREY, A., 1989. Disaster mitigation : a community based approach. Oxford : Oxfam, 1989. Coll.
Development Guidelines, 3.

MATACHI, A., 2006. Capacity Building Framework. Addis Ababa : UNESCO - International Institute for
Capacity Building in Africa, United Nations Economic Commission for Africa, 2006.

MCADOO, B.G., DENGLER, L., PRASETYA, G., et al., 2006. « Smong: How an oral history saved
thousands on Indonesia’s Simeulue Island during the December 2004 and March 2005
tsunamis ». In : Earthquake Spectra. juin 2006. Vol. 22, n° S3, p. 661-669.

MCKEE, B.R., 1999. « Household archeology and cultural formation processes: Examples from the
Céren site, El Salvador ». In : he Archaeology of Household Activities. Oxon : Routledge.
p. 30-42.

MEDA CORPUS, 2011. Architecture raditionnelle Méditerranéenne. Union Européenne : Euromed


Heritage, Commission Européenne, 2011. Coll. projet CORPUS.

MEDLEY, E., ZEKKOS, D., 2007. « Seismic performance of rock block structures with observations from
the October 2006 Hawaii earthquake ». In : 4th International Conference on Earthquake
Geotechnical Engineering [en ligne]. Thessaloniki : [s.n.], 2007. Disponible sur : < http://www.
bimrocks.geoengineer.org/files/MedleyZekkos2007.pdf > (consulté le 20 septembre 2013).

MITLIN, D., THOMPSON, J. (dir.), 1994. RRA Notes 21: Special Issue on Participatory ools and
Methods in rban Areas. Londres : International Institute for Environment and Development,
novembre 1994. Coll. Participatory Learning and Action 21.

MITLIN, D., THOMPSON, J., 1995. « Participatory approaches in urban areas: strengthening civil
society or reinforcing the status quo? » In : Environment and rbanization. avril 1995. Vol. 7,
n° 1, p. 231-250.

MODAN, A., 2008. Critical evaluation of the community participation in the context of post-disaster
reconstruction. Master Thesis. Oxford : International Architectural Regeneration and
Development, Oxford Brookes University. septembre 2008.

MOGOLL N SEB , J., 2002. « Bahareque: a local seismic culture of the Colombian Coffee region ».
In : Proceedings of the International orkshop on the Role of Bamboo in Disaster Avoidance.
Quayaquil : International Network for Bamboo and Rattan, 2002.

306 Cultures constructives vernaculaires et résilience


MOLES, O. 2010. Reconstruction post séisme 2010. Etat des Lieux des différentes orientations
d’intervention de partenaires Haïtiens. Mission du 21 juin au 1er juillet 2010. Rapport de
mission. Haïti : CRAterre-ENSAG, Secours Catholique-Caritas France.

MOLES, O., 2011. Reconstruction post séisme 2010. Projet de reconstruction de 100 maisons et 20
citernes à Cap Rouge. Suivi et Formation. Mission du au 22 Octobre 2011. Rapport de
mission. Haïti : CRAterre-ENSAG, Secours Catholique-Caritas France.

MOLES, O., HOSTA, J., 2009. Sensibilisation aux systèmes constructifs adaptés à la région de abalo,
République Démocratique du Congo. Grenoble : CRAterre-ENSAG.

MOLES, O., ISLAM, M.S., HOSSAIN, T.R., et al., 2013. « Improvement of vernacular housing in disaster
prone areas in Bangladesh: a six year experience ». In : ernacular Heritage and Earthen
Architecture: Contributions for Sustainable Development. Londres : CRC Press / Taylor &
Francis Group, octobre 2013. p. 683-688.

MONNET, S., LANGLOIS, M., 2002. Les diagnostics participatifs en milieu rural. L’exemple du projet
Shepacc aux Philippines. Lyon : Handicap International, janvier 2002. Coll. Collection
Développement rural.

MORA, S., ROUMAGNAC, A., ASTÉ, J.-P., et al., 2010. Analysis of Multiple Natural Hazards in Haiti
(NA HA ). Port-au-Prince : Government of Haiti, World Bank, Inter-American Development
Bank, United Nations System.

MORGAN, P., 1998. Capacity and capacity development - Some strategies [en ligne]. [s.l.] : CIDA.
Disponible sur : < http://portals.wi.wur.nl/files/docs/spicad/14.%20capacity%20
and%20capacity%20development_some%20strategies%20%28sida%29.pdf >
(consulté le 1 août 2013).

MORIN, O., 2011. Comment les traditions naissent et meurent. La transmission culturelle. Paris : Odile
Jacob, 2011.

MUKHERJEE, N., 1993. Participatory Rural Appraisal. Methodology and Applications. New
Delhi : Concept Publishing Company, 1993. Coll. Studies in rural participation.

MUKHOPADHYAY, P., DUTTA, S.C., 2008. A reconnaissance based vulnerability and damage survey
report at the hulna and Barisal Division of Bangladesh. Effects of the cyclone Sidr of 1 th
november, 200 . Howra : Bengal Engineering and Science University.

MUMTAZ, H., MUGHAL, H.S., STEPHENSON, M., 2008. « The Challenges of Reconstruction after the
October 2005 Kashmir Earthquake ». In : 200 N SEE Conference [en ligne]. Wairakei : New
Zeland Society for Earthquake Engineering, 2008. Disponible sur : < http://www.nzsee.org.
nz/db/2008/Contents.htm > (consulté le 17 juillet 2013).

NADERZADEH, A., 2009. « Application of seismic base isolation technology in Iran ». In : Menshin
ournal. février 2009. n° 63, p. 40-47.

NADERZADEH, A., 2009. « Historical Aspects of Seismic Base Isolation Application ». In : International
Symposium on Seismic Response Controlled Buildings for Sustainable Society [en ligne].
Tokyo. 2009. Disponible sur : < http://www.cibw114.net/symposium2009/pdf/OS09_
Ahmad_Naderzadeh.pdf > (consulté le 16 février 2013).

NAKAHARA, K., HISATOKU, T., NAGASE, T., et al., 2000. « Earthquake response of ancient five-story
pagoda structure of Horyu-Ji temple in Japan ». In : 12th orld Conference on Earthquake
Engineering [en ligne]. Auckland : [s.n.], 2000. Disponible sur : < http://www.iitk.ac.in/nicee/
wcee/article/1229.pdf > (consulté le 2 octobre 2011).

NARAFU, T., IMAI, H., MATSUZAKI, S., et al., 2008. « Basic study for bridge between engineering and
construction pracice of non-engineered houses ». In : 14th orld Conference on Earthquake

Cultures constructives vernaculaires et résilience 307


Engineering [en ligne]. Beijing : International Association for Earthquake Engineering,
2008. Disponible sur : < http://www.iitk.ac.in/nicee/wcee/article/14_S18-003.PDF >
(consulté le 30 octobre 2013).

NEOGI, M.H., 2001. Focus Group Discussion (FGD). In raining. Needs Assessment and Evaluation
( heory and Practices). Dhaka : A. H. Development Publishing House, 2001.

NIKER, 2010. Inventory of earthquake-induced failure mechanisms related to construction types,


structural elements, and materials [en ligne]. Annex 2 – Contributions of Partners.
[s.l.] : NIKER-New integrated knowledge based approaches to the protection of cultural
heritage from earthquake-induced risk. Disponible sur : < http://www.niker.eu >
(consulté le 20 septembre 2013).

NOOA (dir.), 2009. Stakeholder Engagement Strategies for Participatory Mapping [en ligne].
Charleston : NOAA Coastal Services Center, 2009. Coll. Social Science Tools for Coastal
Programs. Disponible sur : < http://www.csc.noaa.gov/digitalcoast/publications/
participatory-mapping > (consulté le 11 janvier 2013).

NORTON, J., CHANTRY, G., 2002. « More to lose: Establishing community capacity to reduce
vulnerability to economic loss caused by storm damage to houses in Central Vietnam ». In :
Regional workshop on best practices in disaster mitigation. Bali (Indonesia) : Suresh, V., 24
septembre 2002. p. 251-261.

NORTON, J., CHANTRY, G., 2008. « Vaccinate your home against the storm - reducing vulnerability in
Vietnam ». In : Open House International. juin 2008. Vol. 33, n° 2, p. 26-31.

NSET, 2009. SaferSociety. NSE ’s decade-long efforts to make communities earthquake-safe and
Annual Report 200 . Rapport annuel. Kathmandu : National Society for Earthquake
Technology - Nepal.

OAKLEY, P., 1991. Projects with people: the practice of participation in rural development.
Genève : International Labour Office, 1991.

OAS, 2001. Structural ulnerability Assessment for St. itts and Nevis. Post-Georges Disaster
Mitigation Project in Antigua Barbuda and St. itts Nevis. Washington, DC : Organization
of American States Unit of Sustainable Development and Environment.

OECD, 2002. Glossaire des principaux termes relatifs à l’évaluation et la gestion axée sur les résultats.
Paris : Organisation for Economic Co-operation and Development (OECD).

OCDE/CAD, 2006. Relever le défi posé par le renforcement des capacités. Evoluer vers de bonnes
pratiques. Paris : Organisation de Coopération et de Développement Economiques, 2006.
Coll. Lignes directrices et ouvrages de référence du CAD.

OLIVER, P. (dir.), 1969. Shelter and Society. Londres : Barrie & Rockliff: the Cresset Press, 1969.

OLIVER, P., 1987. Dwellings. he House across the orld. Oxford : Phaidon, 1987.

OLIVER, P. (dir.), 1997. Encyclopedia of ernacular Architecture of the orld. Cambridge : Cambridge
University Press, 1997.

OLIVER, P., 2003. Dwellings: he ernacular House orld ide. Londres : Phaidon Press, 2003.

OLIVER, P., 2006. Built to meet needs: cultural issues in vernacular architecture. Amsterdam,
Londres : Architectural Press, Elsiever, 2006.

OLIVER-SMITH, A., 1996. « Anthropological research on hazards and disasters ». In : Annual Review
of Anthropology. 1996. Vol. 25, p. 303-328.

OLIVIER DE SARDAN, J.-P., 2000. « Rendre compte des points de vue des acteurs : principes

308 Cultures constructives vernaculaires et résilience


méthodologiques de l’enquête de terrain en sciences sociales ». In : Les enquêtes
participatives en débat: ambitions, pratiques, enjeux. Paris : Editions Karthala.

PAPACCIO, V., 1993. « Il telaio ligneo (opus craticium) ercolanese: considerazioni e ricerche sui requisiti
antisismici ». In : Ercolano 1 3 -1 , 2 0 anni di ricerca archeologica. Rome : L’Erma di
Bretschneider, 1993. p. 609-616.

PAUL, S., 1987. Community Participation in Development Projects. he orld Bank Experience.
Washington : The World Bank, 1987. Coll. World Bank Discussion Papers, 6.

PENALBA, C.U., 1981. « A review of the seismic behaviour of earthen housing in Nicaragua ». In :
Proceedings of International orkshop. Albuquerque : The National Science Foundation;
Appropriate Technology International (ATI); Office of Foreign Disaster Assistance (OFDA),
1981. p. 311-334.

PICHARD, P., 1984. Après un séisme: mesures d’urgence, évaluation des dommages. Paris : UNESCO,
1984. Coll. Etudes et documents sur le patrimoine culture, 6.

PIEROTTI, P., 2005. « Land-use planning and building policies ». In : Ancient Buildings and Earthquakes.
he Local Seismic Culture approach: principles, methods, potentialities. Bari : Edipuglia.
p. 91-113.

PIEROTTI, P., ULIVIERI, D., 2001. Culture sismiche locali. Garfagnana e Lunigiana. Pisa : Edizioni Plus-
Università di Pisa, 2001.

PIKE, K.L., 1967. Language in relation to a unified theory of the structure of human behavior.
[s.l.] : Mouton, juin 1967.

PINTO, A.V., TAUCER, F. (dir.), 2007. Field manual for post-earthquake damage and safety assessment and
short term countermeasures (AeDES). European Communities : European Commission Joint
Research Centre Institute for the Protection and Security of the Citizen, 2007.

PLACANICA, A., 1985. Il filosofo e la catastrofe: un terremoto del Settecento. Torino : Einaudi, 1985.

PORPHYRIOS, D.T.G., 1971. « Traditional Earthquake-Resistant Construction on a Greek Island ». In :


ournal of the Society of Architectural Historians. 1 mars 1971. Vol. 30, n° 1, p. 31-39.

POURSOULIS, G., 2005. « Geological factors part in the Minoan society vulnerability process (Crete-
Greece) ». In : Environnemental dynamics and History in Mediterranean areas. Paris : Elsevier,
avril 2005.

POURSOULIS, G., 2011. « L’évolution d’une culture sismique locale : de l’habitat à la ville (Crète à l’Age
de Bronze) ». In : Aléas naturels, catastrophes et développement local. Villefontaine : CRAterre
Editions.

POURSOULIS, G., 2012. « Le séisme de L’Aquila : aspects patrimoniaux et archéosismicité ». In :


Archéosismicité et tsunamis en Méditerranée. Approches croisées. Perpignan : Groupe APS.

POURSOULIS, G., DALONGEVILLE, R., HELLY, B., 2000. « Destruction des édifices minoens et
sismicité récurrente en Crète (Grèce) / Recurrent seismicity and the destruction of Minoan
constructions in Crete (Greece) ». In : Géomorphologie : relief, processus, environnement.
2000. Vol. 6, n° 4, p. 253–265.

POURTOIS, J.-P., DESMET, H., 2007. Epistémologie et instrumentation en sciences humaines.


Wavre : Editions Mardaga, 2007. Coll. PSY-Théories, débats, synthèses. 2007.

PRETTY, J.N., 1995. « Participatory learning for sustainable agriculture ». In : orld Development.
août 1995. Vol. 23, n° 8, p. 1247-1263.

PRETTY, J.N., 2000. « Des systèmes de recherche altérnatifs pour une agriculture durable ». In : Les enquêtes

Cultures constructives vernaculaires et résilience 309


participative en débat. Ambitions, pratiques et enjeux. Paris : Editions Karthala. p. 29-54.

PRETTY, J.N., CHAMBERS, R., 1993. owards a Learning Paradigm: New Professionalism and
Institutions for Agriculture. Londres : Institute of Development Studies, 1993. Coll. IDS
Discussion Paper, 334.

PRETTY, J.N., GUIJT, I., THOMPSON, J., et al., 1995. A rainer’s Guide for Participatory Learning and
Action. Londres : International Institute for Environment and Development, 1995. Coll. IIED
Participatory Methodology Series.

PROJET SPH RE, 2011. La Charte humanitaire et les standards minimums de l’intervention
humanitaire. Rugby : Practical Action Publishing, Schumacher Centre for Technology and
Development, 2011.

QAMARUDDIN, M., AL-HARTHY, A., 2000. « Earthquake hazars potential in Oman ». In : 12th orld
Conference on Earthquake Engineering [en ligne]. Auckland : [s.n.], 2000. Disponible sur : <
http://www.iitk.ac.in/nicee/wcee/article/1943.pdf > (consulté le 10 octobre 2011).

QUINTALLET, N., SAMIN, E., 2012. De l’expérience d’une étude de faisabilité à l’appropriation
d’une démarche. valuation de la pertinence de l’utilisation de matériaux et de savoirfaire
locaux dans le cadre du projet d’amélioration de l’habitat et des conditions de vie mené
par la collaboration Casa de la Mujer – Fondation Abbé Pierre – Habitat Cité (Granada /
Nicaragua). Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement – Architecture de Terre.
Grenoble : laboratoire CRAterre, École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble.
2012.

RAHNEMA, M., 1992. « Participation ». In : he Development Dictionary. A Guide to nowledge as


Power. Zed Books. Londres : [s.n.]. p. 116-131.

RAMIS, M., 2008. « Adaptative intelligence. Dry stone walls of Mallorca ». In : Stonexus. 2008.
Vol. VIII, p. 55-60.

RAMOS, L.F., LOURENÇO, Pa.B., 2003. « Seismic Analysis of the Old Town Buildings in Baixa Pombalina
- Lisbon, Portugal ». In : th North American Masonry Conference [en ligne]. Clemson, South
Carolina (USA) : [s.n.], 1 juin 2003. p. 932-941. Disponible sur : < www.civil.uminho.pt/
masonry/Publications/.../2003_Ramos_Lourenco.pdf > (consulté le 2 février 2011).

RANTUCCI, G., 1994. Geological Disasters in the Philippines: he uly 1 0 Earthquake and the une
1 1 Eruption of Mount Pinatubo : Description, Effects and Lessons Learned. Roma : DIANE
Publishing, 1994.

RAPOPORT, A., 1969. House Form and Culture. Englewood Cliffs : Prentice-Hall, 1969.

RAPOPORT, A., 1976. he mutual interaction of people and their built environment : a cross-cultural
perspective. The Hague : Mouton, 1976.

RAPOPORT, A., 2003. Culture, architecture et design. Gollion : Infolio Editions, 2003.

RAPOPORT, A., 2007. « Culture and the urban order ». In : he city in cultural context. Oxon : Routledge.
p. 1960-1975.

RASHID, R., 2007. « Traditional House of Bangladesh: Typology of house according to materials and
location ». In : irtual Conference on Sustainable Architectural Design and rban Planning.
[s.l.] : AsiaSustainabilityNet.upc.edu, 2007.

RAUTELA, P., JOSHI, G.C., 2008a. « Earthquake-safe Koti Banal architecture of Uttarakhand, India ».
In : Current Science. 25 août 2008. Vol. 95, n° 4, p. 475-481.

RAUTELA, P., JOSHI, G.C., 2008b. « Earthquake-safe Koti Banal architecture of Uttarakhand, India ».
In : Current Science. 25 août 2008. Vol. 95, n° 4, p. 475-481.

310 Cultures constructives vernaculaires et résilience


RAUTELA, P., JOSHI, G.C., SINGH, Y., et al., 2008. 150 : imber-reinforced Stone Masonry ( oti
Banal Architecture) of ttarakhand and Himachal Pradesh, Northern India [en ligne].
World Housing Encyclopedia. [s.l.] : Earthquake Engineering Research Institute (EERI) et
International Association for Earthquake Engineering (IAEE). Coll. housing report. Disponible
sur : < http://world-housing.net/whesearch1list.php?cmb_COUNTRY INDIA&con asia >
(consulté le 25 août 2011).

RAWAL, V., PRAJAPATI, D., 2007. Assessing Damage a er Disasters. a Participatory Framework and
oolkit. Ahmedabad : UNNATI-Organisation for development Education, 2007.

REDLAC, 2006. Methodology for Rapid Humanitarian Assessment. Panama : RedLAC, décembre 2006.

RENPING, W., ZHENYU, C., 2006. « An ecological assessment of the vernacular architecture and of
its embodied energy in Yunnan, China ». In : Building and Environment. mai 2006. Vol. 41,
n° 5, p. 687-697.

RÉPUBLIQUE D’HA TI, 2004. Rapport National sur la Prévention des catastrophes, préparé dans le
cadre de la Conférence Mondiale sur la Prévention des Catastrophes, obe-Hyogo, apon,
anvier 200 [en ligne]. Port-au-Prince : Ministère de l’Intérieur, Direction de la Protection
Civile. Disponible sur : < http://www.unisdr.org/2005/mdgs-drr/national-reports/Haiti-
report.pdf > (consulté le 17 avril 2014)

REVET, Sandrine, 2008. « Les organisations internationales et la gestion des risques et des
catastrophes « naturels » ». In : Les tudes du CERI [en ligne]. septembre 2008. n° 157.
Disponible sur : < http://www.sciencespo.fr/ceri/sites/sciencespo.fr.ceri/files/etude157.pdf
> (consulté le 1 décembre 2012).

REVI, A., KISHORE, K., 1994. « Post-Earthquake Reconstruction in Marathwada ». In :


Architecture Design. avril 1994. p. 17-24.

RIETBERGEN-MCCRACKEN, J., NARAYAN-PARKER, D., 1998. Participation and Social Assessment:


ools and echniques. [s.l.] : World Bank Publications, 1998.

ROEGIERS, X., 2003. Analyser une action d’éducation ou de formation: analyser les programmes, les
plans et les projets d’éducation ou de formation pour mieux les élaborer, les réaliser et les
évaluer. De Boeck Supérieur Université, 2003.

ROLNIK, R., 2011. A/66/270 : Rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations nies sur le droit à un
logement convenable. [s.l.] : Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.

RUDOFSKY, B., 1965. Architecture ithout Architects. A Short Introduction to Non-Pedigreed


Architecture. New York : Doubleday, 1965.

RUGGIERI, N., 2005. « La casa antisismica ». In : International Conference on the Conservation of Historic
ooden Structures. Firenze : Collegio degli Ingegneri della Toscana, février 2005. p. 141-146.

SAARC, 2008. Indigenous nowledge for Disaster Risk Reduction in South Asia. New Delhi : SAARC,
Disaster Management Centre, novembre 2008.

SAKLANI, P.M., NAUTIYAL, V., NAUTIYAL, KP, 1999. « Sumer, Earthquake Resistant Structures in the
Yamuna Valley, Garhwal Himalaya, India ». In : South Asian Studies. 1999. Vol. 15, p. 55–65.

SALEME, H., NAVARRO, A.T., 2002. « Seismic Security and Bamboo: past, present and future ». In :
Proceedings of the International orkshop on the Role of Bamboo in Disaster Avoidance.
Quayaquil : International Network for Bamboo and Rattan, 2002.

SAUVAGE, M., 2011. « Construction work in Mesopotamia in the time of the third dynasty of Ur
(end of the third millennium BC): Archaeological and Textual Evidence ». In : errAsia 2011.
Mokpo : Department of Architecture of Mokpo National University, 2011. p. 40-50.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 311


SCHACHER, T., unpublished. nowledge Centre Seismic Building Culture. From non-engineered...to
pre-engineered structures.

SCHACHER, T., 2005. « Earthquake resistant construction methods of the Inca ». In : Sismo Adobe
200 , Arquitectura, Construccion y Convervacion de Edificaciones de ierra en Areas
Sismicas. présentation de colloque. Lima. Mai 2005.

SCHACHER, T., 2005. Observations on the situation in the agan alley, Pakistan hit by the
October 200 earthquake. [s.l.] : Swiss Agency for Development and Cooperation – Swiss
Humanitarian Aid Unit.

SCHACHER, T., 2008a. « Good Engineering without Appropriate Communication doesn’t lead to
Seismic Risk Reduction: some thoughts about appropriate knowledge transfer tools ». In :
14th orld Conference on Earthquake Engineering. Beijing (Chine) : International Association
for Earthquake Engineering, 12 octobre 2008.

SCHACHER, T., 2008b. « Timber reinforced stone masonry in Northen Pakistan in the contexte of the
post-earthquake reconstruction efforts ». In : Azores 200 - International Seminar on Seismic
Risk and Rehabilitation of Stone Masonry Housing. Horta : [s.n.], 2008.

SCHACHER, T., 2009. Confined masonry for one and two storey buildings in low-tech environmens. A
guidebook for technicians and artisans. Kanpur : National Information Centre of Earthquake
Engineering, 2009.

SCHILDERMAN, T., 2004. « Adapting traditional shelter for disaster mitigation and reconstruction:
experiences with community-based approaches ». In : Building Research Information.
2004. Vol. 32, n° 5, p. 414-426.

SCHLOSSER, F., 1969. « La terre armée ». In : Bulletin Liaison laboratoire Routiers des Ponts et
Chaussée. Novembre 1969. n° 41, p. 101-144.

SCHLOSSER, F., 1973. « La terre armée. Recherches et réalisations ». In : Bulletin Liaison laboratoire
des Ponts et Chaussées. Décembre 1973. n° 62, p. 79-92.

SCHNEIDER, C., 2012. Sustainable Reconstruction in rban Areas. A Handbook. Genève : Skat – Swiss
Resource Centre and Consultancies for Development International Federation of Red Cross
and Red Crescent Societies, 2012.

SCH NHUTH, M., KIEVELITZ, U., 1995. Participatory Learning Approaches. Rapid Rural Appraisal,
Participatory Appraisal. An introductory guide [en ligne]. Deutsche Gesellschaft für
Technische Zusammenarbeit - GTZ GmbH. [s.l.] : [s.n.], 1995. Disponible sur : < http://www.
uni-trier.de/index.php?id 43854 > (consulté le 18 janvier 2013).

SCHOONMAKER FREUDENBERGER, K., 1999. valuation Rurale Rapide (RRA). n manuel destiné aux
partenaires et aux travailleurs extérieurs de CRS. Baltimore : Catholique Relief Service, 1999.

SCOONES, I., THOMPSON, J. (dir.), 1999. La reconnaissance du savoir rural : savoir des populations,
recherche agricole et vulgarisation. Paris : Editions Karthala, 1999. Coll. Économie et
développement.

SCOTT, N., 2012. L’approche Cluster [en ligne]. [s.l.] : Section du soutien à la coordination humanitaire
OCHA. Disponible sur : < http://ochanet.unocha.org/p/Documents/OCHA%20on%20
Message_Cluster%20Approach_vFR.pdf > (consulté le 5 avril 2013).

SEGAUD, M., BRUN, J., DRIANT, J.-C., 2002. Dictionnaire de l’habitat et du logement. Paris : Armand
Colin, 2002.

SELLAMNA, N.-E., LAVIGNE-DELVILLE, P., 2000. « Introduction ». In : Les enquêtes participatives en


débat: Ambition, pratiques et enjeux. Paris : Editions Karthala. p. 5-16. 2000.

312 Cultures constructives vernaculaires et résilience


SEN, A., 1999. Development as Freedom. Oxford : Oxford University Press, 1999.

SERAJ, S.M., HODGSON, R.L.P., AHMED, K. I. (dir.), 2000. illage Infrastructure to Cope with the
Environment. Proceedings of the hird Housing and Hazards and the Rural Community
Conference. Dhaka & Exeter : Bangladesh University of Engineering and Technology,
University of Exeter, novembre 2000.

SERAJ, S.M., HODGSON, R.L.P., CHOUDHURY, J.R. (dir.), 2000. Affordable illage Building
echnologies: from research to realisation. Proceedings of the Second Dhaka Housing
Hazards International Seminar, Dhaka/Bangladesh, th to th February 1 . Dhaka &
Exeter : Bangladesh University of Engineering and Technology, University of Exeter, 2000.

SEVERN, R.T., 2012. « Understanding earthquakes: from myth to science ». In : Bulletin of Earthquake
Engineering. 1 avril 2012. Vol. 10, n° 2, p. 351-366.

SHAW, R., TAKEUCHI, Y., 2007. « Indigenous skills in disaster reduction. Application to flood mitigation
in Japan ». In : ech Monitor. décembre 2007. Vol. Special Feature : Natural Disaster
Management Technologies, p. 20-26.

SHAW, R., UY, N., BAUMWOLL, J., 2008. Indigenous nowledge for Disaster Risk Reduction: Good
Practices and Lessons Learned from Experiences in the Asia-Pacific Region. United Nations
International Strategy for Disaster Reduction. Bangkok : [s.n.], 2008.

SHAH, V.R., TAYYIBJI, R., 2008. « The Kashmir House its Seismic Adequacy and the Question
of Social Sustainability ». In : he 14th orld Conference on Earthquake Engineering.
Beijing : International Association for Earthquake Engineering, 2008.

SHEETS, P. (dir.), 2002. Before the olcano Erupted: he Ancient Cerén illage in Central America.
Austin : University of Texas Press, 2002.

SHIPING, H., 1991. « The Earthquake-Resistant Properties of Chinese Traditional Architecture ». In :


Earthquake Spectra. août 1991. Vol. 7, n° 3, p. 355-389.

SHIVA, V., 2001. Protect Or Plunder nderstanding Intellectual Property Rights. New Delhi : Zed
Books, 2001.

SHRESTHA, S.N., DIXIT, A.M., 2008. « A hierarchical system for training and awareness raising at
grass roots level: Experiences of NSET from earthquake-resistant housing reconstruction
in Pakistan ». In : 14th orld Conference on Earthquake Engineering. Beijing : International
Association for Earthquake Engineering, 2008.

SIGNORELLI, A., 2005. « Catastrophes naturelles et réponses culturelles ». In : errain. 22 avril 2005.
n° 19, p. 147-158.

SINHA, R., BRZEV, S., KHAREL, G., 2004. « Indigenous Earthquake-Resistant-Technologies.


An Overview ». In : 13th orld Conference on Earthquake Engineering [en ligne].
Vancouver : [s.n.], 2004. Disponible sur : < www.iitk.ac.in/nicee/wcee/article/13_5053.pdf >
(consulté le 21 novembre 2011).

SLIM, H., MITCHELL, G.R., 1992. « The application of RAP and RRA techniques in emergency relief
programmes ». In : Rapid Assessment Procedures - ualitative Methodologies for Planning
and Evaluation of Health Related Programmes [en ligne]. Boston : [s.n.], 1992. Disponible
sur : < http://archive.unu.edu/unupress/food2/UIN08E/UIN08E0R.HTM 19.%20the%20
application%20of%20rap%20and%20rra%20techniques%20in%20emergency%20relief%20
programmes > (consulté le 6 mars 2013).

SMIT, B., WANDEL, J., 2006. « Adaptation, adaptive capacity and vulnerability ». In : Global
Environmental Change. août 2006. Vol. 16, n° 3, p. 282-292.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 313


SMITS, G. 2011. « Building on Fault Lines ». In : sunami. apan’s Post-Fukushima Future.
Washington : Foreign Policy. p. 67-89.

SOMDA, J., FAYE, A., N’DJAFA OUAGA, H., 2011. rousse à outils - Planification et suivi-évaluation
des capacités d’adaptation au changement climatique. Manuel et Guide d’utilisation.
[en ligne]. Niamey : Centre Régional AGRHYMET, 2011. 88 p. Disponible sur : < http://
cmsdata.iucn.org/downloads/top_secac_agrhymet_edition_francaise_combine_1.pdf >
(consulté le 8 février 2013).

SPECIALE, A., 2008. « Cent’anni di baracche e solitudine ». In : Apulia II [en ligne]. Juin 2008.
Disponible sur : < http://www.bpp.it/Apulia/html/archivio/2008/II/art/R08II136.htm >
(consulté le 9 juillet 2011).

STANISLAWSKI, D., 2011. Structural Responses and Finite Element Modeling of Hakka ulou Rammed
Earth Structures. Master of Science in Civil Engineering. Morgantown : College of Engineering
and Minerla Resources, West Virginia University. 2011.

STIGLITZ, J.E., 1998. « Towards a new paradigm for development ». In : th Raul Prebisch Lecture
[en ligne]. conférence. Genève. Octobre 1998. Disponible sur : < http://unctad.org/en/
Docs/prebisch9th.en.pdf > (consulté le 28 mars 2013).

STIROS, S.C., 1995. « Archaeological evidence of antiseismic constructions in antiquity ». In : Annali


di Geofisica. Décembre 1995. Vol. 38, n° 5-6, p. 725-736.

STOUTER, P., 2010a. Haitian isdom for Aid Buildings [en ligne]. [s.l.] : Disponible sur : < haiti-
patrimoine.org/?p 271 > (consulté le 1 décembre 2010).

STOUTER, P., 2010b. Self-Help Housing for Haiti. Recreating the ernacular with Safer Materials
[en ligne]. [s.l.] : Disponible sur : < http://www.earthbagstructures.com/PDFs/Self-
helpHousingforHaiti.pdf > (consulté le 6 octobre 2010).

SUMANOV, L., 2003. « Transfer of knowledge for saving human lives living tradition: Use of
traditional horizontal timber belts as anti-seismic elements ». In : 14th ICOMOS General
Assembly and International Symposium: Place, memory, meaning: preserving intangible
values in monuments and sites’ [en ligne]. Victoria Falls, Zimbabwe : [s.n.], 2003. p. 1-11.
Disponible sur : < http://www.international.icomos.org/victoriafalls2003/papers/B3-3%20
-%20Sumanov%20%2B%20photos.pdf > (consulté le 28 avril 2013).

TAKEUCHI, Y., KAMEDA, H., SHAW, R., et al., 2007. « Experiences from Japan on Flood Disasters ».
In : Idea orkshop on Indigenous echnology For the Contents Development of Disaster
Reduction Hyperbase (DRH) [en ligne]. Delhi. 2007. Disponible sur : < http://drh.edm.
bosai.go.jp/Project/Phase2/2Events/4_Delhi/070219_3_DRH%28Takeuchi%29.pdf >
(consulté le 6 décembre 2012).

TAKEUCHI, Y., SHAW, R., 2008. « Traditional Flood Disaster Reduction Measures in Japan ». In :
Indigenous nowledge for Disaster Risk Reduction: Good Practices and Lessons Learned from
Experiences in the Asia-Pacific Region. Bangkok : United Nation International Strategy for
Disaster Reduction. p. 23-26.

THAKKAR, J., 2008. M tr : ways of measuring vernacular built forms of Himachal Pradesh.
Ahmedabad India : SID Research Cell School of Interior Design CEPT University, 2008.

THAKKAR, J., MORRISON, S., 2008. Matra. ays of Measuring ernacular Built Forms of Himachal
Pradesh. Ahmedabad : SID research Cell, School of Interior Design, faculty of Design, CEPT
University, 2008.

TIPPLE, G., SPEAK, S., 2003. R7590 : he Nature and Extent of Homelessness in Developing Countries.
project report. Newcastle : CARDO, University of Newcastle upon Tyne, DFID.

314 Cultures constructives vernaculaires et résilience


TITHI, N.K., 2010. Revisiting Sharankhola. A review of post-Sidr housing projects in Bangladesh.
Master of Arts. Oxford : Center for development and Emergency Practices, Oxford Brookes
University. 2010.

TOBRINER, S., 1998. Response of raditional ooden apanese Construction [en ligne].
Berkeley : University of California at Berkeley National Institute Service for Earthquake
Engineering. Disponible sur : < http://nisee.berkeley.edu/kobe/tobriner.html >
(consulté le 19 août 2012).

TOBRINER, S., 2000. « Wooden architecture and earthquakes in Istanbul: A Reconnaissance Report
and Commentary on the performance of wooden structures in the Turkish earthquakes of
17 August and 12 November 1999 ». In : « raditional knowledge: learning from experience.
Berkeley : IASTE, International Association for the Study of Traditional Environments. Coll.
Traditional Dwellings and Settlements Working Paper Series. p. 16-63.

TOULIATOS, P., 1996. « Prevencion de desastres sismicos en la historia de las estructuras en


Grecia ». In : MANSILLA, E. (dir.), Desastres: Modelo para armar. Coleccion de piezas de un
rompecabezas social [en ligne]. Lima : Red de Estudios Sociales en Prevencion de Desastres
en América Latina (La Red). p. 277-297. Disponible sur : < www.solucionespracticas.org.pe/
publicacionessp/descarga.php?id MTUz > (consulté le 11 août 2011).

TOULIATOS, P., 2003. « The box framed entity and function of the structures: The importance of
wood’s role ». In : Proceedings of International Seminar Restoration of Historic Buildings in
Seismic Areas: the Case of Settlements in the Aegean [en ligne]. Athènes : European Centre
on Prevention and Forecasting of Earthquakes, 2003. p. 98-115.

TOURÉ, E.H., 2010. « Réflexion épistémologique sur l’usage des focus groups : fondements scientifiques
et problèmes de scientificité ». In : Recherches qualitatives. 2010. Vol. 29, n° 1, p. 5-27.

TREMBLAY, M.-A., 1968. Initiation à la recherche dans les sciences humaines. Montréal : McGraw-Hill
Editeurs, 1968.

TSAI, P.-H., 2009. Seismic Evaluation of raditional imber Structures in aiwan [en ligne]. PhD Thesis.
Bath : Department of Architecture and Civil Engineering, University of Bath. 2009. Disponible
sur : < http://opus.bath.ac.uk/20408/ > (consulté le 28 juillet 2011).

TSAKANIKA-THEOHARI, E., 2009. « The constructional analysis of timber load bearing systems as a
tool for interpreting Aegean Bronze Age architecture ». In : Proceedings of the Symposium
Bronze Age Architectural raditions in the Eastern Mediterranean: Diffusion and Diversity’.
Weilheim : Verein zur Forderung der Aufarbeitung der Hellenischen Geschichte, 2009.
p. 127-139.

TURNER, J.F.C., 1972. « Housing as a verb ». In : Freedom to build. New York : Macmillan.

TWIGG, J., 2004. Disaster Risk Reduction. Mitigation and preparedness in development and
emergency programming [en ligne]. London : Humanitarian Practice Network, Overseas
Development Institute, mars 2004. Coll. Good Practice Review, 9. Disponible sur : < http://
www.odihpn.org/hpn-resources/good-practice-reviews/disaster-risk-reduction-mitigation-
and-preparedness-in-aid-programming > (consulté le 22 mai 2012).

UNCHS. 2001. Assessment of vulnerability to ood impact and damages. [s.l.] : Disaster Management
Programme, United Nations Centre for Human Settlements (Habitat).

UNDP, 2004. Reducing disaster risk. A challenge for development. A global report. New York : United
Nations Development Programme, Bureau for Crisis Prevention and Recovery.

UNDP, 2009. Développement des capacités: un guide du PN D. New York : Programme des Nations
Unies pour le Développement, 2009.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 315


UNDP, 2010. Cyclone Aila. oint N multi-sectoral assessment response framework. New
York : United Nations.UNDP, 1998. Capacity Assessment and Development in a Systems and
Strategic Management Context. [s.l.] : Programme des Nations Unies pour le Développement,
1998. Coll. Technical Advisory Paper, 3.

UNDRO, 1982. Shelter a er disaster. Guidelines for Assistance. Genève : Office of the United Nation
Disaster Relief Co-ordinator, United Nations, 1982.

UNEP, 2008. Environmental Needs Assessment in Post-Disaster Situations. A Practical Guide for
Implementation. Nairobi : United Nations Environment Programme, 2008.

UNESCO, 1993. 677 : orld Heritage List: Baroque churches of the Philippines [en ligne]. Advisory
Body Evaluation. [s.l.] : UNESCO. Disponible sur : < http://whc.unesco.org/archive/advisory_
body_evaluation/677bis.pdf > (consulté le 19 septembre 2012).

UN-HABITAT, 2010. Le droit à un logement convenable [en ligne]. Fiche d’information. Genève : Haut-
Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. Disponible sur : < http://www.
ohchr.org/Documents/Publications/FS21_rev_1_Housing_fr.pdf >

UN-HABITAT, 2011. Housing A er Disaster Guide. he ERRA experience in Pakistan. Support for
Programatic and echnical Decisions. Islamabad : UN-HABITAT Pakistan, 2011.

UN-HABITAT PAKISTAN, 2010. Monsoon Flood 2010 Pakistan. Rapid echnical Assessment of Damage
and Needs for Reconstruction in Housing Sector [en ligne]. Islamabad : United Nations
Human Settlements Programme, National Disaster Management Authority. Disponible sur :
< www.unhabitat.org.pk >

UNHCR, 2006. he NHCR ool for Participatory Assessment in Operations. Genève : Office of the
United Nations High Commissioner for Refugees, 2006.

UNHCR, 2008. A Community-based Approach in NHCR Operations. Genève : Office of the United
Nations High Commissioner for Refugees, 2008.

UNISDR, 2004. Living with risk: a global review of disaster reduction initiatives [en ligne].
Genève : United Nations International Strategy for Disaster Reduction, 2004. Disponible
sur : < http://www.unisdr.org/we/inform/publications/657 > (consulté le 15 mai 2012).

UNISDR, 2007. Hyogo Framework for Action 200 -201 : Building the Resilience of Nations and
Communities to Disasters. Extract from the final report of the orld Conference on Disaster
Reduction. Genève : United Nations Office for Disaster Risk Reduction, 2007.

UNISDR, 2008. Indigenous nowledge for Disaster Risk Reduction: Good Practices and Lessons
Learned from experiences in the Asia-pacific Region. Bangkok : United Nations International
Strategy for Disaster Reduction, 2008.
UNISDR, 2009a. Global Assessment Report on Disaster Risk Reduction. Genève : United Nations
International Strategy for Disaster Reduction.

UNISDR, 2009b. erminologie pour la prévention des risques de catastrophes. Genève : United
Nations International Strategy for Disaster Reduction, 2009.

UNISDR, 2011. Global Assessment Report on Disaster Risk Reduction. Genève : United Nations
International Strategy for Disaster Reduction.

UNISDR, 2013a. Consultations sur le Cadre d’action post-201 pour la réduction des risques de
catastrophe (CAH2). Rapport de synthèse. Genève : United Nations Office for Disaster Risk
Reduction.

UNISDR, 2013b. From Shared Risk to Shared alue : he Business Case for Disaster Risk Reduction.
Global Assessment Report on Disaster Risk Reduction. Genève : United Nations Office for
Disaster Risk Reduction.

316 Cultures constructives vernaculaires et résilience


UN-OCHA, 2006. Exploring key changes and developments in postdisaster settlement, shelter and
housing, 1 2 - 200 . Genève : United Nations Office for the Coordination of Humanitarian
Affairs, 2006.

UN-OCHA, 2009. Assessment and classification of emergencies (ACE) project. Mapping of key
emergency need assessment and analysis initiatives. [s.l.] : United Nations Office for the
Coordination of Humanitarian Affairs, International Federation of Red Cross and Red
Crescent Societies, février 2009.

VAN AALST, M.K., CANNON, T. BURTON, I., 2008. « Community level adaptation to climate change:
The potential role of participatory community risk assessment ». In : Global Environmental
Change. février 2008. Vol. 18, n° 1, p. 165-179.

VAN KRIMPEN-WINCKEL, L.M., 2009. Ordinatio et dispositio : design and meaning in Pompeian
private architecture. PhD thesis. Leiden : Faculty of Archaeology, Leiden University. Février
2009.

VAN VELDHUIZEN, L., WATERS-BAYER, A., WETTASINHA, C., 2005. « Participatory Technology
Development Where There is No Researcher ». In : Participatory Research and Development
for Sustainable Agriculture and Natural Resource Management. A Sourcebook. Laguna,
Ottawa : International Development Research Centre, International Potato Center-Users’
Perspectives with Agricultural Research and Development. p. 165-171.

VELLINGA, M., OLIVER, P., BRIDGE, A., 2007. Atlas of ernacular Architecture of the world.
Londres : Routledge, 2007.

VENTALON, M., DI CECCO, M., 2012. Rapport final d’enquête sur les connaissances, a tudes
et pratiques : phase 1 [en ligne]. rapport final phase 1: novembre 2011-janvier 2012.
Haïti : Welthungerhilfe. Disponible sur : < http://www.preventionweb.net/files/25148_2514
8enquetecappremierephasehaitiwe.pdf > (consulté le 11 janvier 2013).

VIEUX-CHAMPAGNE, Florent, 2013. Analyse de la vulnérabilité sismique des structures à ossature en


bois avec remplissage. PhD thesis. Grenoble : Université de Grenoble. 2013.

VINTZILEOU, E., TOULIATOS, P., 2005. « Seismic behaviour of the historical structural system of the
island of Lefkada, Greece ». In : S REMAH 200 , Ninth International Conference on Structural
Studies, Repairs and Maintenance of Heritage Architecture. Malta : WIT Transaction on the
Built Environment, juin 2005.

VINTZILEOU, E., ZAGKOTSIS, A., REPAPIS, C., et al., 2007. « Seismic behaviour of the historical
structural system of the island of Lefkada, Greece ». In : Construction and Building Materials.
janvier 2007. Vol. 21, n° 1, p. 225-236.

VROLIJKS, L., 1998. Guidelines for community vulnerability analysis: an approach for Pacific Island
countries. Suva : South Pacific Disaster Reduction Programme, United Nations Department
for Humanitarian Affairs et United Nations Department for Economic and Social Affairs, 1998.

WALLS, A.G., 2004. « Arabian mud brick technology: some thoughts after the Bam earthquake ». In :
Construction History Society Newsletter. 2004. Vol. 1, n° 69, p. 11-20.

WFP, 2001. Participatory techniques and tools. A FP guide. Rome : Strategy and Policy Division,
Word Food Programme, 2001.

WHITELAW, T.M., 1983. « The settlement at Fournou Korifi, Myrtos and aspects of Early Minoan
social organization ». In : Minoan society : proceedings of the Cambridge Colloquium, 1981.
Bristol : Bristol Classical Press, 1983. p. 323-345.

WHO (dir.), 2008. A guide to developing nowledge, A tude and Practice Surveys. [s.l.] : World
Health Organization,, 2008. Coll. Advocacy, communication and social mobilization for TB
control.

Cultures constructives vernaculaires et résilience 317


WILCOCK, T., 2009. Seismic Analysis of a Dhajji Dewari building. 3D Dynamic Analysis of a Dhajji
Dewari House. Dubai : Arup Gulf.

WISNER, B., BLAIKIE, P., CANNON, T., et al., 2004. At Risk: natural hazards, people’s vulnerability and
disasters. New York : Routledge, 2004.

WORLD BANK (dir.), 1996. he orld Bank Participation Sourcebook. Washington : World Bank
Publications, 1996. Coll. Environmental Sustainable Development Publications.

YALCINER, A.C., PERINCEK, D., ERSOY, S., et al., 2005. December 2 , 2004 Indian Ocean tsunami
field survey, anuary 21–31, 200 , north of Sumatra Island [en ligne]. UNESCO IOC Report.
[s.l.] : Disponible sur : < http://yalciner.ce.metu.edu.tr/sumatra/survey/yalciner-et-al-2005.
pdf > (consulté le 16 août 2013).

YULIANTO, E., 2009. Surviving a tsunami: lessons from Aceh and Southern ava, Indonesia
[en ligne]. Jakarta : UNESCO, 2009. Disponible sur : < http://unesdoc.unesco.org/
images/0018/001831/183133e.pdf > (consulté le 19 avril 2013).

ZACEK, M., 1996. Construire Parasismique. Risque Sismique, Conception Parasismique des Bâtiments,
Réglementation. Marseille : Editions Parenthèses, 1996.

ZACEK, M., 2004a. Conception parasismique. Niveau avant-projet. Villefontaine : Les Grands Ateliers
de l’Isle d’Abeau, 2004. Coll. Conception Parasismique.

ZACEK, M., 2004b. ulnérabilité et renforcement. Villefontaine : Les Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau,
2004. Coll. Conception Parasismique.

Z MOLYI, F.G., Z MOLYI, A., 2005. « Documenting traditional Architecture and settlement structure
in Eastern Indonesia - A Base for determining indigenous livelihood system sustainability
and durability of traditional housing structure in the case of natural catastrophes ». In :
CIPA Symposium [en ligne]. Torino : The International Committee for Documentation
of Cultural Heritage, 2005. Disponible sur : < http://cipa.icomos.org/index.php?id 62 >
(consulté le 21 novembre 2011).

ZHANG, P.C., LUO, K., LIAO, W.B., 2011. « Study on The Material and The Structure of Earth Building
in Fujian ». In : Advanced Materials Research. octobre 2011. Vol. 368-373, p. 3567-3570.

ZHIPING, Z., 2010. « Traditional Chinese Buildings and Their Performance in Earthquake ». In :
Earthquake-safe: Lessons to be Learned from traditional construction Proceedings of the
International Conference on the Seismic Performance of raditional Buildings [en ligne].
Istanbul : ICOMOS International Wood Committee, 2010. Disponible sur : < http://www.
icomos.org/iiwc/seismic/Zhiping.pdf > (consulté le 1 octobre 2012).

318 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.1: Haïti, Jean Rabel, habitation vernaculaire, crédits: A. Caimi ..................................................................................... 15
Fig.2: Indonésie, séisme et tsunami de 2004, crédits: A. Caimi. .........................................................................................32
Fig.3: Haïti: abris temporaires, crédits: A. Caimi .................................................................................................................45
Fig.5: Schéma : composants de projet.................................................................................................................................48
Fig.6: Projets de référénce, crédits: A. Caimi.......................................................................................................................50
Fig.7: Localisation des programmes : Haïti et Bangladesh ..................................................................................................51
Fig.8: Schéma : groupes cibles ............................................................................................................................................. 55
Fig.9: Schéma : critères d’adoption ..................................................................................................................................... 59
Fig.10: Cap Rouge (Haïti), crédits: O. Moles ..........................................................................................................................61
Fig.11: Région de Chittagong, crédits: O. Moles....................................................................................................................62
Fig.12: Région de Dinajpur, protection de la base des poteaux selon techniques et coûts différents, crédits: A. Caimi ... 62
Fig.13: Zone de Kenskoff (Haïti), reconstruction post-séisme : a) crédits: J. Hosta; b) crédits: A. Caimi ............................. 63
Fig.14: Bangladesh, réinterprétation de la construction en terre et bambou, crédits: A. Caimi ......................................... 63
Fig.15: Cap Rouge (Haïti), intégration au paysage architectural, crédits: A. Caimi ............................................................... 64
Fig.16: Zone de Kenskoff (Haïti), extension du module de base, crédits: A. Caimi ............................................................... 64
Fig.17: Schéma : niveaux d’action .......................................................................................................................................... 65
Fig.18: Haïti: crédits: A. Caimi ................................................................................................................................................ 68
Fig.19: a) Indonésie, abris: crédits: A. Caimi..........................................................................................................................68
Fig.20: Schéma : phases de gestion des crises et de prise en compte des cultures constructives locales .......................... 70
Fig.21: Schéma : niveaux de renforcement des capacités ....................................................................................................72
Fig.22: Schéma : étapes du processus d’apprentissage ........................................................................................................73
Fig.23: Crédits: a) A. Caimi ; b) UN-HABITAT Pakistan ; c) NSET ............................................................................................76
Fig.24: a) crédits: Caritas Bangladesh ; b) crédits : NSET ; c) crédits: A. Caimi ..................................................................... 77
Fig.25: Schéma : principes de formation/supervision à effet multiplicateur ........................................................................ 78
Fig.26: Schéma : principe de diffusion fractal .......................................................................................................................79
Fig.27: Crédits: a) O. Moles ; b) Misereor ; c) T. Schacher.....................................................................................................79
Fig.28: Schéma : activités et publics considérés par projet ..................................................................................................80
Fig.29: Schéma : activités, supports et publics .....................................................................................................................81
Fig.30: Schéma : échanges, sensibilisation et formation entre parties prenantes ............................................................... 83
Fig.31: Schéma : les cultures constructives locales comme point de départ pour des activités dans le domaine
de l’habitat en zones à risques................................................................................................................................... 86
Fig.32: Haïti, Les Cayes, sensibilisation de techniciens locaux à l’analyse des cultures constructives locales,
crédits: A. Caimi..........................................................................................................................................................89
Fig.33: Schéma : interconnexions entre facteurs d’influence ...............................................................................................94
Fig.34: Schéma : méthodologies et éléments de focalisation pour une analyse participative en contextes à risques ....... 109
Fig.35: Carte des références .................................................................................................................................................. 116
Fig.36: Schéma : éléments d’analyse ..................................................................................................................................... 122
Fig.37: Schéma : procédés d’analyse et principales sources d’information.......................................................................... 128
Fig.38: Cartographie : emplacement des habitats, utilisation des terres et typologies constructives ................................ 130
Fig.39: Élaboration d’une carte de l’habitat (Inde), crédits: A. Caimi ................................................................................... 130
Fig.40: Utilisation de la carte lors de la visite du site (Bangladesh), crédits: A. Caimi .......................................................... 130
Fig.41: Exemple cartographie : carte des risques, crédits: A. Caimi ..................................................................................... 131
Fig.42: Crédits: a) A. Caimi ; b) E. Cauderay...........................................................................................................................132
Fig.43: Visite accompagnée (Bangladesh), crédits: A. Caimi .................................................................................................133
Fig.44: Exemple : visite accompagnée, crédits: A. Caimi.......................................................................................................134
Fig.45: Exemple : entretiens communautaires, crédits: A. Caimi..........................................................................................136
Fig.46: Entretiens communautaires (Haïti), crédits : a) crédits: A. Caimi ; b) O. Moles........................................................ 136
Fig.47: Exemple : entretiens individuels, crédits: A. Caimi ....................................................................................................137
Fig.48: Entretiens individuels (Bangladesh), crédits: A. Caimi ..............................................................................................137
Fig.49: Exemple : entretiens avec des informateurs clés, crédits: A. Caimi .......................................................................... 139
Fig.50: Entretiens avec informateurs clés (Bangladesh), crédits: A. Caimi ........................................................................... 139
Fig.51: Groupes focalisés, crédits: A. Caimi ...........................................................................................................................140
Fig.52: Exemple: groupe focalisé, crédits: A. Caimi ...............................................................................................................141
Fig.53: Relevé technique (Bangladesh), crédits: A. Caimi ....................................................................................................142
Fig.54: Exemple : relevé technique, crédits: A. Caimi ...........................................................................................................143
Fig.55: Analyse de l’habitat individuel (Haïti), crédits: A. Caimi ............................................................................................143
Fig.56: Schéma : aperçu synthétique de la méthodologie d’analyse .................................................................................... 148
Fig.57: Schéma : contextes et phases .................................................................................................................................... 149
Fig.58: Activités de diffusion (Haïti), crédits: A. Caimi...........................................................................................................152

Cultures constructives vernaculaires et résilience 319


Fig.59: Haïti : a) carte : localisation des zones de travail des partenaires haïtiens et phases de diffusion ;
b) schéma : principe de diffusion parmi les organisations membres de la PADED ................................................... 153
Fig.60: Bangladesh: a) carte : zones analysées et phases de travail ; b) schéma : principe de diffusion et d’application .. 159
Fig.61: Schéma : diffusion fractale inter et intra départements et niveaux de la même institution.................................... 161
Fig.62: Schéma : flexibilité des thématiques et paramètres considérés ............................................................................... 164
Fig.63: Schéma : niveaux de complexité d’analyse (application/formation)......................................................................... 165
Fig.64: Schéma : couvertures des rapports d’analyse ...........................................................................................................170
Fig.65: Schéma : caractérisation comparée des modalités d’analyse considérées............................................................... 171
Fig.66: Haïti, Grande Rivière, effets du séisme de 2010 sur l’habitat vernaculaire, crédits: A. Caimi .................................. 175
Fig.67: Schéma : démarche d’analyse et structuration de la partie 3 ................................................................................... 178
Fig.68: Les prisonniers des décombres, source : http://www.potomitan.info ..................................................................... 180
Fig.69: Représentation du tremblement de terre :
source : http://pinktentacle.com2011/04/namazu-e-earthquake-ca ish-prints ..................................................... 182
Fig.70: Pierre du village d’Aneyoshi (Japon), sources : a) Ko Sasaki, 2011 ; b) K. Ito : http://www.megalithic.co.uk ;
c) Ajayisandra, http://coastalcare.org/2012/10/japan-tsunami-gives-lessons-on-disaster-management .............. 182
Fig.71: a) Bangladesh et b) Italie, crédits: A. Caimi ..............................................................................................................184
Fig.72: a) crédits : Galinhola - Wikimedia Commons ; b) source : ACRC, Urb, 10-7-2 dans Barucci, 1990 .......................... 185
Fig.73: Habitat vernaculaire parasinistre, crédits: P. Garnier ................................................................................................186
Fig.74: Schéma : facteurs d’influence et caractères des stratégies vernaculaires de réduction de la vulnérabilité ............ 187
Fig.75: Bangladesh : mesures techniques permanentes, crédits: A. Caimi .......................................................................... 188
Fig.76: Bangladesh : mesures techniques temporaires, crédits: A. Caimi ............................................................................ 189
Fig.77: Bangladesh : mesures comportementales, crédits: a et c) A. Caimi; b) source : www.sos-arsenic.net ................... 190
Fig.78: Schéma : caractères et spectre d’influence des mesures de réduction de la vulnérabilité se rapportant à
une culture constructive du risque ............................................................................................................................191
Fig.79: Bangladesh : échelle territoriale, crédits: A. Caimi....................................................................................................193
Fig.80: Exemple 1, sources: a) Sha , Takeuchi, 2007 ; b et c) Hirunsalee, Janmaimool, Yusuke, et al. 2009 ;
d) http://www.panoramio.com/photo/49502134 ; e) www.city.ogaki.lg.jp.e.ab.hp.transer.com ........................... 194
Fig.81: Exemple 2, sources: a) Whitela , 1983 ; b) Poursoulis, Dalongeville, Helly, 2000 ; c) Poursoulis, 2011 .......... 195
Fig.82: a) Pagode Sakyamuni temple de Fugong : photo, Gisling - Wikimedia Commons ; dessin adapté de Shiping 1991
b) Pagode du temple de H ry -ji : photo: www.artlex.com ; dessin adapté de http://www.univie.ac.at ............... 196
Fig.83: Habitat vernaculaire (Indonésie), crédits: B. Wolff....................................................................................................197
Fig.84: Types d’ossature, sources : a) http://humanscribbles.blogspot.ch ;
b) Langalais Géry. 2002. Maisons de Bambou. Paris: Editions Hazan ...................................................................... 202
Fig.85: Herculanum (Italie), sources : a) crédits Roger Ulrich, http://www.flickr.com/photos/roger_ulrich/5476483963 ;
b) http://finkle.org/westmed.htm ; c) van Krimpen-Winckel, 2009 ........................................................................ 203
Fig.86: Haïti, crédits : a) A. Douline ; b) crédits : S. Kelley ; c) R. Langenbach ...................................................................... 204
Fig.87: Effets des séismes, sources : a) Dogang n, Tuluk, Livao lu, et al., 2006 ; b) A. Douline ; c) T. Schacher ............. 205
Fig.88: Turquie, crédits: A. Caimi ........................................................................................................................................... 206
Fig.89: Cages en ossature, sources : a) Desai, Desai, 2007 ; b) M. Grodwhol ; c) Edelberg, Jones, 1979 ........................... 207
Fig.90: Schéma : système porteur ponctuel, catégorisation typologique ............................................................................ 208
Fig.91: Cartographie de cas identifiés de systèmes porteurs ponctuel ................................................................................ 209
Fig.92: Italie, sources : a) Barbisan, 1997 ; b) E. Plateroti dans Barucci, 1990 ; c) Tobriner, 1997 ................................... 210
Fig.93: Maharastra (Inde), sources : a et b) Brzev, Greene, Sinha, 2002 ; c) Revi, Kishore, 1994....................................... 211
Fig.94: Grèce, sources : a) Karababa, 2007 ; b) Ferrigni, Helly, Mauro, et al., 2005 ; c) O. Moles .................................... 211
Fig.95: Parement souple, crédits : a et b) crédits: A. Caimi ; c) E. Cauderay ;
d) source: Langenbach, Kelley, Sparks, et al., 2010 .................................................................................................212
Fig.96: Structure avec parement en zone sismique, crédits: A. Caimi .................................................................................. 212
Fig.97: Indonésie, sources crédits: a) Nata’alui Duha ; b et c) A. Caimi ................................................................................ 213
Fig.98: Remplissage en éléments, crédits: A. Caimi ..............................................................................................................214
Fig.99: Variantes de remplissage et de répartition de la structure primaire (Turquie), crédits: A. Caimi ............................ 215
Fig.100: Cachemire pakistanais, sources : a, b et e) T. Schacher ; c et d) Hi yilmaz, Bothara, Stephenson, 2011 ............... 216
Fig.101: Turquie, crédits: R. Langenbach .................................................................................................................................216
Fig.102: Crédits : a et d) A. Caimi, b) M. Mas Gomes ; source: c) Quintallet, Samin, 2012 ................................................... 217
Fig.103: Cachemire pakistanais, crédits : a) O. Moles ; b) T. Schacher .................................................................................... 218
Fig.104: Étapes de construction des murs avec armatures en bois, source: G. A. Rondelet 1832 dans Barucci, 1990 ........ 219
Fig.105: Murs des villes galliques, source: Barucci, 1990 .......................................................................................................219
Fig.106: Schéma : système porteur continu, catégorisation typologique ............................................................................... 220
Fig.107: Cartographie de cas identifiés de systèmes porteurs continu ................................................................................... 221
Fig.108: Imbriquement et ancrage de blocs en pierre, sources: a) NIKER 2010 ; b) E. Samin ; c) F. Bandarini, UNESCO ...... 222
Fig.109: Sources : a) Stiros, 1995 ; b) NIKER 2010 ..................................................................................................................223
Fig.110: Bourrage, crédits: a) A. Caimi ; sources : b) Wikipedia ; c) Meda Corpus, ....................................................... 223

320 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fig.111: Renforts, crédits: a, b et d) A. Caimi ; c) R. Langenbach ............................................................................................224
Fig.112: Earthquake Baroque, sources : a et b) architecturalmoleskine.blogspot.com ; c) skyscrapercity.com .................... 225
Fig.113: Renforcements postérieurs à la construction d’origine (Atrani, Italie), crédits: A. Caimi.......................................... 225
Fig.114: Basilique de Agios Nikolaos, sources : a et b) Buchh ndler, Wikipedia ; c) a3-3gymthes.blogspot.com.................. 226
Fig.115: Insertions en tirant en bois, sources : a) focus.de ; b) Lagomarsino, 2012 ; c) Meda Corpus, ...................... 228
Fig.116: Insertions en tirant métalliques, source : a et b) Langenbach, Kelley, Sparks, et al., 2010 ; c) crédits: A. Caimi.... 229
Fig.117: Utilisation des insertions horizontales (Turquie), crédits: A. Caimi ........................................................................... 229
Fig.118: Types d’insertions horizontales (Turquie), crédits: A. Caimi ...................................................................................... 230
Fig.119: Insertions à échelle, crédits : a, b et c) A. Caimi ; d) T. Schacher ............................................................................... 230
Fig.120: Insertions en échelle (Turquie), crédits: A. Caimi.......................................................................................................231
Fig.121: Système taq, crédits: R. Langenbach ..........................................................................................................................231
Fig.122: Insertions en rondins (Algérie), sources : a) Abdessemed Foufa, Benouar, 2008 ; b et c) Foufa, 2007 ;
d) Meda Corpus, ............................................................................................................................................... 232
Fig.123: Insertions en matériaux hétéroclites, crédits : a) A. Caimi ; b) D. Gandreau ; c)T. J. Tritten ..................................... 233
Fig.124: Construction kath-khuni / koti banal, sources : a) Rautela, Joshi, Singh, et al., 2008 ; b et c) J. Thakkar .............. 234
Fig.125: Variantes de construction, sources : a) http://hrishichandanpurkar.blogspot.ch ;
b) Rautela, Joshi, Singh, et al., 2008 ; c) T. Schacher...............................................................................................234
Fig.126: Construction cator and cribbage, crédits : a) T. Schacher ; b) ismaili.net ; c) Plhiggs - Wikimedia Commons ......... 235
Fig.127: Insertions horizontales et verticale (Turquie), crédits: A. Caimi ................................................................................ 236
Fig.128: Sources: a) Touliatos, 1996 ; b et c) Tsakanika-Theohari, 2009 .............................................................................. 237
Fig.129: Variantes (Turquie), crédits: A. Caimi .........................................................................................................................237
Fig.130: Insertions horizontales et verticales (Turquie), crédits: A. Caimi .............................................................................. 237
Fig.131: Chine, sources : a) Hanmin, 2010; b) Liang, Hota, 2009 ; c) M. Chamodot - B. Cloquet .......................................... 238
Fig.132: Insertions en bois, sources : Hanmin, 2010; .............................................................................................................239
Fig.133: Joya de Céren, site archéologique : a) UNESCO ; b) arqueoruta.blogspot.com ; c) W. Carazas-Aedo ..................... 239
Fig.134: Localisation des cas identifiés selon système porteur ...............................................................................................240
Fig.135: Système porteur ponctuel : localisation par typologie..............................................................................................242
Fig.136: Système porteur continu : localisation par typologie ................................................................................................244
Fig.137: Principes d’ensemble, sources : a, b et c) A. Caimi ; d) Vintzileou, Touliatos, 2005 ; e) O. Moles. ....................... 247
Fig.138: Phénomènes cycloniques : crédits a : A. Caimi ; source b et c : Associated Press.................................................... 248
Fig.139: Principes de réduction de la vulnérabilité envers les vents violents et cycloniques, crédits: A. Caimi .................... 250
Fig.140: Inondations, crédits : K. Tanveer ................................................................................................................................251
Fig.141: Principes de réduction de la vulnérabilité envers les inondations, crédits: A. Caimi................................................ 252
Fig.142: Phénomènes sismiques, crédits : a) J. Hosta ; b) E. Cauderay ; c) A. Douline ........................................................... 253
Fig.143: Schéma : principes de dissipation de l’énergie ..........................................................................................................253
Fig.144: Principes de réduction de la vulnérabilité envers les séismes, crédits: A. Caimi ...................................................... 257
Fig.145: Bangladesh, différentes stratégies de protection envers les phénomènes cycloniques, crédits: A. Caimi .............. 259
Fig.146: Haïti, architecture sans architecte et ingénieurs, crédits: A. Caimi........................................................................... 260
Fig.147: Schéma: possibilités d’évolution des supports élaborés dans le cadre de cette recherche ..................................... 264
Fig.148: Schéma : approche par intermédiaire .......................................................................................................................266
Fig.149: Schéma : approche par relation directe ....................................................................................................................266
Fig.150: Schéma : échanges et influences ..............................................................................................................................267
Fig.151: Haïti, Laborde, milieu vernaculaire, crédits: A. Caimi ................................................................................................271
Fig.152: Schéma : l’analyse comme point de départ ...............................................................................................................275
Fig.153: Schéma : communication comme outil et lien entre acteurs et niveaux.................................................................. 277

Cultures constructives vernaculaires et résilience 321


Tab.1: Catégoriés d’acteurs 52
Tab.2: Approches de gestion 53
Tab.3: Niveaux décisionnels 55
Tab.4: Relations entre les acteurs 55
Tab.5: Schémas comparatifs 56
Tab.6: Outils d’information et publics cible 75
Tab.7: Outils de sensibilisation et publics cible 76
Tab.8: Outils de démonstration et publics cile 77
Tab.9: Outils de formation et publics cible 79
Tab.10: Typologies de participation (d’après Arnstein, 1969 ; Pretty, 1995. ; Dalal-Clayton, Bass, 2002) 96
Tab.11: Degré de participation, modalités d’analyse et rôles (d’après : Holtland, 2001 ; Chambers, 2006) 97
Tab.12: Méthodologies considérées en relation au degré de participation des acteurs locaux 99
Tab.13: Méthodologies analysées, focalisation et objectifs (d’après Holtland, 2001) 102
Tab.14: Comparatif des méthodologies analysées : principes de mise en oeuvre 103
Tab.15: Types d’informateurs et nature des informations 124
Tab.16: Comparaison entre modes de communication verbale et visuelle (d’après: Chambers, 1992) 126
Tab.17: Caractéristiques des principales méthodes (d’après Chambers 1992 ; D’Arcy 1992 ;
Pretty 2000 ; IFRC 2007b) 127
Tab.18: Synthèse des principales méthodes d’analyse participative 144
(d’après : Chambers 1992 ; D’Arcy 1992 ; Pretty 2000 ; IFRC 2007b) 144
Tab.19: Étapes de mise en œuvre du processus d’analyse 146
Tab.20: Niveaux d’approfondissement du processus d’analyse et techniques associées 147
Tab.21: Ciblage des activités 166
Tab.22: Ciblage des modules d’enseignement par rapport aux publics de référence 168

322 Cultures constructives vernaculaires et résilience


BUET Bangladesh University of Engineering and Technology
CB Caritas Bangladesh
CCR Centre Compétences Reconstruction
CONCERT-ACTION Concertation et Action pour le Développement
CUEBC Centro Universitario Europeo per i Beni Culturali
DDC Direction du Développement et de la Coopération Suisse
ENSAG École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble
EPFL École Polytechnique Fédérale de Lausanne
EPPMPH Encadrement des Petits Paysans des Mornes et des Plaines D’Haïti
EERI Earthquake Engineering Research Institute
GADRU Groupe d’ Appui au Développement Rural
GID Groupe d’Initiative pour un développement Durable
IFRC International Federation of Red Cross and Red Crescent Societies
IRATAM institut de Recherche et d’Appui technique en Aménagement du Milieu
OG organisation gouvernementale
ONG organisation non gouvernementale
PADED Plateforme d’Agroécologie et de Développement Durable
PAPDA Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif
PRESTEN Enfants Nécessiteux d’Haïti - Prese Pran Swen Tè Nou
SCCF Secours Catholique – Caritas France
UN United Nations
UN – HABITAT United Nations Human Settlements Programme
UN – ISDR United Nations International Strategy for Disaster Reduction
UN-OCHA United Nations Office for Coordination of Humanitairan Affairs
UNESCO United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization
URD Urgence Réhabilitation Développement
USGS United States Geological Survey
VEDEK Vive Espoir pour le Développement de Cap Rouge

Cultures constructives vernaculaires et résilience 323


324 Cultures constructives vernaculaires et résilience
architecte EPFL, DSA-terre

mail: annalisa.caimi gmail.com


Née le 24.11.1980 à Busto Arsizio (Italie)

2010-2014 Thèse de doctorat


laboratoire CRAterre, Unité de recherche Architecture, Environnement et Cultures Constructives
École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - ENSAG (France)
recherche financée par l’Agence Nationale de Recherche (France)
projet ReparH-Reconstruire parasinistre en Haïti

2008-2010 Diplôme de Spécialisation et d’Approfondissement DSA-Architecture de Terre


laboratoire CRAterre, chaire UNESCO
École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - ENSAG (France)
2005 Master of Arts en Architecture, École Polytechnique Fédérale de Lausanne - EPFL (Suisse)
recherche co-financée par Ingénieurs du Monde (Suisse)
2002-2005 Section d’Architecture, École Polytechnique Fédérale de Lausanne - EPFL (Suisse)
1999-2002 Académie d’Architecture, Mendrisio (Suisse)

2014 unité d’enseignement Master ENAC Learning from Vernacular La terre crue
École Polytechnique Fédérale de Lausanne - EPFL (Suisse)
2013 séminaire Master Architecture et Cultures Constructives Le rôle de l’architecte dans les métiers de
l’aide internationale , Université virtuelle Environnement et Développement Durable
École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - ENSAG (France)
séminaire Master Initiation à la recherche
École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - ENSAG (France)
unité d’enseignement Master ENAC Learning from Vernacular La terre crue
École Polytechnique Fédérale de Lausanne - EPFL (Suisse)
2010-2014 membre du projet de recherche ReparH-Reconstruire parasinistre en Haïti,
financé par l’Agence Nationale de Recherche-ANR (France)
2012 chargée de cours
unité d’enseignement Master ENAC Learning from Vernacular La terre crue
École Polytechnique Fédérale de Lausanne - EPFL (Suisse)
supervision de stage dans le cadre de la formation DSA-terre, laboratoire CRAterre-ENSAG
État des lieux de projets de reconstruction en Haïti
travail mandaté par la Fondation Abbé Pierre (France)
séminaire Master Prévention et gestion des situations à risque ,
École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble - ENSAG (France)
2010 unité d’enseignement Master ENAC Learning from Vernacular L’eau
École Polytechnique Fédérale de Lausanne - EPFL (Suisse)
2007 Pillo Mody College of Architecture, Cuttack (Inde)
2006-2007 Le localisme du bambou : recherche autour de l’utilisation du bambou en tant que matériau de
construction dans les pratiques vernaculaires et institutionnelles,
recherche financée par la Geisendorf Stiftung (Suisse)

Cultures constructives vernaculaires et résilience 325


2012-2013 Haïti : sensibilisation et formation à l’analyse des cultures constructives vernaculaires de techniciens
et opérateurs de terrain de 8 organisations locales
CRAterre-ENSAG en partenariat avec Misereor (Allemagne), GADRU (Haïti) et le réseau PADED
(Haïti), dans le cadre du projet de recherche ReparH-ANR
2011-2014 Bangladesh: programme triennale de préparation aux catastrophes
Caritas Bangladesh, Bangladesh University of Engineering and Technology et laboratoire CRAterre-
ENSAG; programme financé par le Secours Catholique/Caritas France et Caritas Luxembourg
2010 Indonésie: évaluation de programmes de reconstruction 5 ans après le tsunami travail mandaté par
la Fondation Abbé Pierre (France); stage au laboratoire CRAterre-ENSAG
2009 Développement d’outils de sensibilisation pour le grand public et les constructeurs locaux
programme Reducing housing vulnerability to climate hazards by relying on local building know-
how en Afrique Centrale et de l’Ouest, conduit par la Fédération Internationale des Sociétés de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge; stage au laboratoire CRAterre-ENSAG
2007-2008 Suisse: 2b architectes à Lausanne, chef de projet
2006-2007 Inde: formation d’artisans et construction d’un bâtiment démonstratif en bambou, à bas prix et
résistant aux cyclones (État de l’Orissa); projet financé par la Geisendorf Stiftung
2006 Cameroun: formation d’artisans et construction d’un dispensaire en bambou et terre crue dans
le cadre du Séminaire-atelier sur la valorisation du bambou indigène en Afrique de l’Ouest
Association des Amis du Centre Médical de Banock (ASSAMBA-Suisse) et Centre pour la promotion
des artisans de Bafoussam (CEPAB-Cameroun)
2005-2006 Suisse: Mestelan-Gachet architectes à Lausanne, chef de projet

Caimi, A. et al. 2014. From local building practices to vulnerability reduction: building resilience through
existing resources, knowledge and know-how. Poster scientifique. 2014 Tech4Dev 3rd International
Conference on Technologies for Development, organisée par EPFL - CODEV, Lausanne (Suisse).
Caimi, A. et al. 2013. Savoirs traditionnels et connaissances scientifiques pour une réduction de la vulnérabilité
de l’habitat rural face aux aléas naturels en Haïti . In: Field Actions Science Reports. Special Issue 9:
Haïti: Innovations locales, clés pour un développement durable et inclusif. factsreports.revues.org
Caimi, A. Hofmann, M. 2013. Learning from vernacular building practices: a starting point for risk mitigation .
In: ernacular Heritage and Earthen Architecture: Contributions for Sustainable Development.
Londres: CRC Press/Taylor & Francis Group. p. 703-709.
Caimi, A. et al. 2013. Traditional and scientific knowledge for a sustainable vulnerability reduction of rural
housing in Haiti . In: Structures and Architecture: Concepts, Applications and Challenges. Londres:
CRC Press/Taylor & Francis Group. p. 1807-1815.

Caimi, A. 2013. Exploring disaster-resilient local building practices as starting point for vulnerability reduction
strategies . Séminaire scientifique Disaster Resistant Building Cultures: the ways forward, 27-28
mai, Grenoble (France).
Caimi, A. Moles, O. 2012. Disaster Risk Reduction Through Local Knowledge And Capacities Enhancement.
Local resources and multilevel cooperation: towards long-term prevention strategies , In: Ith
International Conference on the Study and Conservation of Earthen Architectural Heritage- erra
2012. Lima: ICOMOS.
Caimi, A. 2012. nowledge dissemination and capacity building. Communication tools in reconstruction programs
in Haiti. Poster scientifique, International workshop Towards a new global effort for Sustainable
Housing, organisé par UNHABITAT, CRAterre-ENSAG et Les Grands Ateliers, Villefontaine (France).
Caimi, A. 2011. ernacular architectures and natural hazards: framed structures. Poster scientifique, Festival
Grains d’Isère, organisé par CRAterre-ENSAG et Les Grands Ateliers, Villefontaine (France).
Garnier, P. Moles, O. Caimi, A. Gandreau, D. Hofmann, M. 2011. Aléas naturels, catastrophes et développement
local. Villefontaine: CRAterre Editions.
Caimi, A. Hofmann, M. 2007. Vernacular, a convivial process . Colloquium, organisé par le Centre Architecture
Anthropologie et Territoire et les Archives de la Construction Moderne -EPFL, Rossinière (Suisse).

326 Cultures constructives vernaculaires et résilience


Entre savoir, pratique et technique : appréhender le vernaculaire
en tant que génie du lieu et génie parasinistre

thèse de doctorat
Université de Grenoble

préparée au sein de l’Unité de Recherche AE&CC, laboratoire CRAterre - ENSAG


École Doctorale n°454, Sciences de l’Homme, du Politique et du Territoire

soutenue publiquement le
8 avril 2014
Cultures constructives vernaculaires et résilience
A.1.1.Bangladesh :
 Fiche de contexte 335
 Fiche du programme 337

A.1.2. Haïti :
 Fiche de contexte 339
 Fiches par projet 341
 Outils de communication dans la reconstruction post-séisme 365

A.2.1. Supports d’analyse 377


A.2.2. Gestion du processus d’analyse : exemple du projet au Bangladesh 396
A.2.3. Extraits des rapports 399

A.3.1. Systèmes porteurs ponctuels 447


A.3.2. Systèmes porteurs continus 497
A.3.3. Entre ponctuel et continu : synthèse des systèmes constructifs traités 528
A.3.4. Liste générale par typologie 530
A.3.5. Tableau récapitulatif par zone géographique 533

Sauf mention, toutes les figures et tableaux sont de l’auteur

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
A.1.1.Bangladesh :

 Fiche de contexte
 Fiche du programme : analyse détaillée de quatre programmes de reconstruction post-séisme
- Entrepreneurs du Monde
- Misereor / PADED
- Secours Catholique - Caritas France / PAPDA
- DDC - Centre Compétences Reconstruction

A.1.2. Haïti :
 Fiche de contexte
 Fiches par projet
 Outils de communication dans la reconstruction post-séisme :
- information
- sensibilisation
- démonstration
- formation

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
Surface:totale: 147 570 km²
dont 70% à un niveau inférieur à 1m en
dessus du niveau de la mer
Terre : 130 168 km²
Eau: 13 830 km²

Population 149 772 364 (Census 2011)


31.5% en dessous du seuil de pauvreté
(<2 US$/jour)
28.4% habitant en zone urbaine
45% ayant comme source de revenu l’agriculture
Densité : 1 015 habitants/km²

Réligions : Musulmans 89.5%, Hindous 9.6%, autre 0.9%

Principaux aléas naturels :


inondations, cyclones, raz de marée, glissements de terrain,
tornades, érosion des berges, sécheresse, séismes

Sources : CIA Factbook, The World Bank, Bangladesh Bureau of Statistic

Exposition aux risques entre 1980 et 2010

APERÇU GÉNÉRAL
événements : 234
personnes tuées : 191 836
moyenne des personnes tuées : 6188/an
personnes affectées : 323 480 264
moyenne des personnes affectées : 10 434 847/an

PAR ALÉA MAJEUR


Cyclones Nombre 108
Personnes affectées504 428
Inondations Nombre 68
Personnes affectées3 539 094
Séismes Nombre 7 Zones affectées
Personnes affectées2732 Géographie Source: Wikipedia par les inondations Source: BWDB

Sources : Preventionweb, EM-DAT, Bangladesh Disaster Management Bureau

Source: SPARSO Source: GSB

Zones affectées par les cyclones Classification des zones sismiques


Cultures constructives vernaculaires et résilience
Cultures constructives vernaculaires et résilience
Différents types d’aléas détruisent régulièrement un important nombre et CRAterre au regard de modalités possibles pour
d’habitats. Un tiers de ceux-ci est reconstruit de façon autonome par la améliorer la conception et la mise en œuvre de
population et un autre tiers grâce à l’aide gouvernementale ou d’autres projets d’habitats économiques sur la base d’une
organismes. Le tiers restant n’est pas reconstruit, faute de moyens liaison forte entre réponse d’urgence, reconstruction
économiques et de connaissances techniques des leurs propriétaires pour et développement.
des solutions constructives abordables.
Lors des récentes catastrophes, en raison de la nécessité d’une réponse Depuis, cette réflexion s’est concrétisée en plusieurs
rapide à des besoins massifs de relogement, la plupart des agences d’aide phases de travail. En premier lieu des éléments des
ont fourni des abris basé sur un modèle unique, généralement à un coût pratiques locales ont été intégrés aux modèles d’abris
considérablement plus élevé que la maison préexistante et souvent ignorant couramment adoptés par Caritas Bangladesh. Ensuite
des connaissances locales efficaces. En outre, les habitations reconstruites une phase pilote a été conduite simultanément en
dans la même zone par différents organismes correspondent à des modèles deux zones différentes portant sur l’élaboration d’un
très divers et dont les technologies sont très rarement reproduite et modèle architectural et d’une stratégie de réponse
reproductibles par la population, à cause du coût élevé et de la complexité d’urgence spécifique à chacune de deux situations.
des techniques employées. Ce différents facteurs engendrent, à long terme, Une troisième phase a fait suivi par un programme
une dégradation des conditions de vie et des capacités locales de résilience. triennal couvrant l’ensemble du territoire du pays en
vue de développer pour chaque région des capacités
Entre 2007 et 2009, le pays a été touché par deux cyclones particulièrement et des solutions particulières pour une amélioration
violents (Sidr et Aila). Pendant les programmes de reconstruction qui suivirent de l’habitat existant, une réduction de la vulnérabilité
(2007-2010), une réflexion a été entamée par BUET, Caritas Bangladesh et une préparation aux catastrophes.

Evolution des abris fournis par Caritas Bangladesh


et intégration progressive des spécificités du contexte

Titre
Projet de construction d’habitations pilotes à faible coût pour les familles affectées par des
catastrophes au Bangladesh

Objectif général
Renforcer les capacités locales à faire face aux risques par une amélioration des pratiques
constructives locales et par l’implication directe des communautés dans la définition de
propositions techniques adaptées aux ressources et risques locaux ainsi qu’adoptables par la
population dans une logique de réduction des risques et de préparation envers des futures
crises. ©Moles

2007-2009_ réponse au cyclone Sidr


Objectifs spécifiques
- Renforcement des capacités des communautés et du personnel CB dans la réduction des
risques et la préparation à des futures crises
- Construction d’une nouvelle habitation pour 84 familles en 6 régions
- Implication des communautés locales dans toutes les étapes du projet
- Echanges entre savoir technique académique et savoir local/traditionnel
- Partage des connaissances parmi les membres de CB et d’autres institutions

Résultats attendus
- Partage de connaissances et savoir-faire entre l’équipe CB et les communautés en vue de la
©Moles
construction des modèles d’habitat économique
- Renforcement des capacités techniques de CB par l’appui techniques et méthodologiques des 2009-2010_ réponse au cyclone Aila et habitat local (à droite)
partenaires impliqués
- Dans 6 régions différentes, construction de 84 habitations pilotes adaptées aux aléas locaux et
formation des bâtisseurs locaux (bénéficiaires et artisans) aux principes techniques employées
- Intégration des connaissances et de l’expertise acquises pendant le projet dans les pratiques et
les stratégies de CB et des communautés locales pour la préparation et la réponse aux crises

Activités
- Analyse des pratiques constructives, ressources et risques en 6 régions du pays
- Conception de modèles d’habitats économiques référés aux caractéristiques du contexte local
- Echanges entre institutions académiques et communautés locales
- Organisation de séminaires régionaux et nationaux

Partenaires
- Caritas Bangladesh (CB): gestion et mise en œuvre du projet
- Département d’ingénierie civile, Bangladesh University of Engineering and Technology
(BUET): support technique
- International Centre for Earth Construction – CRAterre: support technique et méthodologique
- Secours Catholique / Caritas France : bailleur de fonds
- Caritas Luxembourg: bailleur de fonds
©Moles
Durée du projet
2011-2014_ habitat local (à gauche) et construction pilote (droite)_
programme de préparation
régions de Dinajpur (haut) et Chittagong (bas)
Cultures constructives vernaculaires et résilience
Cultures constructives vernaculaires et résilience
Surface:totale : 27 750 km²
dont 60% présentant une
pente supérieure à 20%
Terre : 27 560 km²
Eau: 190 km²

Population : 9 893 934 (2013 est.)


78% (2013 est.) en dessous du seuil de pauvreté
(<2 US$/jour)
54% en état de pauvreté extrême
(<1 US$/jour)
52% habitant en zone urbaine
Densité : 364 habitant/km²
Logements : 59.6% se trouvant en zone rurale (2003)
81% des taudis/ajoupas (habitations
traditionnelles) en zone rurale

Principaux aléas naturels :


cyclones, inondations, glissements de terrain, séismes,
sécheresse, tsunami

Sources : CIA Factbook, Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique, Programme des


Nations Unies pour le Développement, The World Bank

Séisme du 12 janvier 2010

DÉTAILS DU SÉISME
Magnitude : 7.0
Profondeur : 13 km
Localisation de l’épicentre : 25 km
sud-ouest de Port-au-Prince
Source : United State Geological Survey (USGS)

BILAN DU SÉISME (estimations)


Personnes affectées : 3 700 000
Personnes tuées : 222 570
Habitations endommagées : 208 164
Habitations détruites : 105 369
Pertes dans
secteur public : 30%
secteur privé : 70% Source : USAID

secteur du logement : 40% du total

Sources : EM-DAT ; Rencoret, Stoddard, Haver et al., 2010 ;


Gouvernement de la Republique d’Haïti, 2010 ; Dara, 2012

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
Au cours de cette recherche plusieurs programmes en cous sur le terrain ont été analysés.
Ceux-ci se situent en réponse à un même événement, le séisme de 2010 en Haïti, et adoptent
un positionnement similaire se référant à une prise en compte des pratiques constructives
existantes pour proposer des améliorations cohérentes avec les ressources et les dynamiques
déjà présentes sur place. Toutefois, dans les quatre projets considérés cette démarche se
traduit en des approches, des priorités et des modalités différentes découlant des spécificités
du contexte de travail ainsi que des caractéristiques et rôles des parties prenantes. L’analyse
présentée ci-après vise à saisir ces différences ainsi qu’à identifier les facteurs et enjeux relatifs
à chacune de ces situations. Ce travail s’est basé sur une grille d’analyse établie en relation aux
principaux composants des projets. Les éléments qui en découlent sont présentés de manière
synthétique associant la description des caractéristiques principales à des schémas explicatifs.
En dernier, une synthèse graphique met en évidence les aspects privilégiés dans l’ensemble du
projet. L’ensemble des éléments résultats de cette analyse n’a pas pu être intégrés ici pour des
questions d’étendue; toutefois, les principales considérations à leur égard fondent la réflexion
menée dans le corps principal de ce document dans la partie 1 Pratiques locales, risques et
milieu : une méthodologie d’analyse contextuelle.

GRILLE D’ANALYSE

Contexte
- zones d’intervention (milieu urbain/rural/périurbain, accessibilité)
- typologies constructives existantes
- typologies architecturales existantes
- bonnes pratiques
- processus constructif

Programme
- vision globale
- objectifs
- stratégie
- partenaires (acteurs et rôles)
- besoins constatés
- localisation des programmes
- durée
- sélection des bénéficiaires (nombre, critères)

Construction
- type de bâtiment (logements, bâtiment public)
- techniques constructives
- coûts
- réalisation : qui les construit, durée du chantier
- apport du bénéficiaire
- apport du programme

Renforcement des compétences


- activités
- objectif
- support
- public cible
- méthode (contenu, déroulement)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
Cultures constructives vernaculaires et résilience
gingerbread
3
Fiche / analyse de projet

-
-
Contexte

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fiche / analyse de projet 3

Programme

population
constructeurs
partenaire local
consultance technique / méthodologique
bailleur de fonds
relation directe
relation indirecte

Cultures constructives vernaculaires et résilience


3
Fiche / analyse de projet

-
-
Construction

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fiche / analyse de projet 3
Fiche / analyse de projet 3
Renforcement des compétences

Cultures constructives vernaculaires et résilience


population
constructeurs
partenaire local
consultance technique / méthodologique
bailleur de fonds
formation
supervision
chantier formation

phase 1

chantier formation

phase 2

bâtiments
démonstratifs

phase 3

phase 4
SYNTHESE DU PROJET

renforcement
des compétences
Sources

Rencontres avec :
- Florie Dejeant, Chargée de développement Habitat. Le 29 mars 2012 et
20 juin 2012 à Port-au-Prince.
- Franck Renaudin (Directeur et Responsable partenariats entreprises) et
construction
Guillaume Mellot (Coordinateur programmes post-urgence Haïti). Le 09
février 2010 et 13 février 2010 à Port-au-Prince.

Visites de terrain :
DEMARCHE DE PROJET 09 février 2010, 13 février 2010, 29 mars 2012, 20 juin 2012
Habitat, Carrefour Feuille ©EdM atelier, Camp Corail ©EdM

dy
na replicabilité
m se
ie iqu n
io ns
om es at ib
i
on loc rm lis
éc fo at

arc
ale
s in io

hi
n

ût
co
typ tectu
olo ral
gie e

env
tion

iro
cipa
x

nne
act
rés
iau

ist

parti
a
tér
fo n

nc
io

imp mental
r t

e
ma
m ra
at
io st
n on
d ém
réduction
des risques confort

RENFORCEMENT
PROGRAMME CONSTRUCTION
DES COMPETENCES

gare du sud, Port-au-Prince


réduction des
risques
es
td ré
en ces sist
em en an
rc ét ce
n fo mp
re co

confort

replicabilité
ls
ts ne
en ion
a é m i t
éc ccè él ad
on ss d’ x tr
om ibil
iq ité p r ise rau
ue re ectu
t
c hi
matériaux ar
APERÇU D’ENSEMBLE locaux

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
1
Fiche / analyse de projet

Contexte

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fiche / analyse de projet 1

Programme

animateur
social

Cultures constructives vernaculaires et résilience


population
constructeurs
partenaire local
consultance technique / méthodologique
bailleur de fonds
relation directe
relation indirecte
Fiche / analyse de projet 1

Construction

-
-

-
-
-
-
-

-
-

population
constructeurs
partenaire local
consultance technique / méthodologique
bailleur de fonds
relation directe
relation indirecte kombit

chantier formation

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fiche / analyse de projet 1

Renforcement des compétences

population
constructeurs
partenaire local
consultance technique / méthodologique
bailleur de fonds
formation
supervision
chantier formation

Cultures constructives vernaculaires et résilience


phase 1

chantier formation

phase 2

phase 3
SYNTHESE DU PROJET Sources

ALVAREZ, Nuria, BOSSY, Vincent, 2012. Etat des lieux des projets financés par la Fondation Abbé Pierre en Haïti. Haïti : CRAterre-ENSAG, Fondation
Abbé Pierre.

renforcement BELINGA NKO’O, Christian, 2011. Programme de reconstruction de l’habitat rural Par les organisations de la PADED Plateforme Agroécologique et
des compétences Développement Durable. ENH-PRESTEN. Rapport de mission. Haïti : Misereor.

CAUDERAY, Elsa, 2012a. Programme de reconstruction PADED Appui à CONCERT-ACTION 8e section de Petit-Goâve, Haïti. Rapport de mission. Port-
au-Prince : Misereor.

CAUDERAY, Elsa, 2012b. Visite de GADRU Mahotière, Haïti du 27.12 au 30.12.2011. Notes de mission. Haïti : Misereor.

construction DOULINE, Alexandre, 2002. Visite du département du Nord Est avec les partenaires du GADRU pour évaluer l’intérêt de construire avec les maté-
riaux locaux. Rapport de mission. Haïti : Misereor.

DOULINE, Alexandre, 2010. Programme de reconstruction de l’habitat rural par les organisations de la PADED Plateforme Agroécologique et
Développement Durable. Mission de conciliation et d’aide au montage financier des programmes de reconstruction. Rapport de mission. Haïti :
DEMARCHE DE PROJET Misereor.

DOULINE, Alexandre, 2011. Programme de reconstruction de l’habitat rural Par les organisations de la PADED Plateforme Agroécologique et Déve-
Rivière froide, zone EPPMPH loppement Durable. Séminaire d’évaluation des compétences des boss et contremaîtres. Préparation du démarrage des projets de Concert-Action
et GADRU. Rapport de mission. Haïti : Misereor.
dy
na replicabilité DOULINE, Alexandre, BELLIN, Jean-Paul, 2010a. Analyses de l’habitat et des infrastructures des partenaires de Misereor affectés par le tremblement
m se
ie iqu n de terre du 12 janvier 2010. Rapport de mission. Haïti : Misereor.
m es io ns
no at ib
i
o loc rm lis
éc fo at

arc
ale
s in io DOULINE, Alexandre, BELLIN, Jean-Paul, 2010b. Programme de reconstruction de l’habitat rural par les organisations de la PADED Plateforme

hi
n

ût
Agroécologique et Développement Durable. Actualisation des listes de matériaux pour la reconstruction évolutive à partir d’une surface habitable

co
typ tectu
de 22 m2. Dossier technique. Haïti : Misereor.

olo ral
gie e
DOULINE, Alexandre, CAUDERAY, Elsa, HOSTA, Julien, 2010. Programme de reconstruction de l’habitat rural par les organisations de la PADED Plate-
forme Agroécologique et Développement Durable. Démarrage de la 1ère phase opérationnelle pour 400 familles Agro-écologiques accompagnées
par EPPMPH et PRESTEN. Rapport de mission. Haïti : Misereor.

env
tion

iron
cipa
DOULINE, Alexandre, MARONGIU, Sophie, 2011. Programme de reconstruction de l’habitat rural par les organisations de la PADED Plateforme

ne
act
rés
iau
Agroécologique et Développement Durable. Analyse de la 1ère phase opérationnelle pour EPPMPH et PRESTEN Montage du projet financier pour

ist

parti
a
tér
fo n Concert-Action et GADRU. Rapport de mission. Haïti : Misereor.

nc

imp mental
r tio

e
ma
m ra
at
io st
n on Visites de terrain : 2011, 4-15 février / 2012, 26 mars-7 avril / 2012, 3-24 juin
m
réduction dé
des risques confort Principaux entretiens :
- Sophie Marongiu (consultante Misereor), Sœur LEON des PSST, Marie Antonyne JUSTE, Boss Tony, Boss Jean Charles et M. Lemiel de l’association
EPPMPH. Le 5 et 6 avril 2011 à Rivière Froide.
RENFORCEMENT - Alexandre Douline, consultant Misereor et coordonnateur de projet en Haïti. Le 13 mars 2012 à Lausanne.
PROGRAMME CONSTRUCTION - Antony Eyma, directeur de Concert-Action. Le 28 mars 2012 à Port-au-Prince.
DES COMPETENCES
- Elsa Cauderay et Julien Hosta, consultants Misereor en Haïti. Le 24 mars 2012 à Lausanne.
- Jean Celines et Lerismé Saint Pierre, ingénieurs de terrain pour l’association GADRU. Le 2 avril 2012 à Port-au-Prince.
- Jean Marie Toussaint, Auldyng Charles, Albert Alexandre, Jean Désima Sainte, Angélinor Saint Fort de l’association Presten. Le 28 mars 2012 à
Port-au-Prince.
- Jean-Marie Louis directeur du GADRU et Madeleine Casimir. Le 27 mars 2012 à Port-au-Prince.
- Laure Cornet, consultante Misereor en Haïti. Le 22 mars 2012 à Grenoble.
- Marie Line Daphned et Josué Daphinis, ingénieurs de terrain pour le projet de Concert-Action. Le 30 mars 2012 à Port-au-Prince.
- Soeur Léon, directrice de EPPMPH et Antonyne Juste. Le 3 avril 2012 à Rivière Froide.
- Sophie Marongiu, consultante Misereor en Haïti. Le 3 et 4 avril 2012 à Port-au-Prince.
réduction des
risques
es
td ré
en ces sist
em en an
rc ét ce
n fo mp
Cajou, zone EPPMPH
re co

confort

replicabilité
ls
ts ne
en ion
a é m i t
éc ccè él ad
on ss d’ x tr
om ibil ir se rau
iq ité p
ue re ectu
hit
arc
matériaux
APERÇU D’ENSEMBLE locaux

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
2
Fiche / analyse de projet

-
-
-
-
-
-
-
-
-
-

-
-
Contexte

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fiche / analyse de projet 2

Programme

Cultures constructives vernaculaires et résilience


animateur
social
groupements Comité Risques et
par zone membres VEDEK Désastres

population
constructeurs
partenaire local
consultance technique / méthodologique
bailleur de fonds
relation directe
relation indirecte
Fiche / analyse de projet 2

Construction

-
-
-
-

population
-
constructeurs
-
- partenaire local
- consultance technique / méthodologique
- bailleur de fonds
relation directe
relation indirecte

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Fiche / analyse de projet 2

Renforcement des compétences

population
constructeurs
partenaire local
consultance technique / méthodologique
bailleur de fonds
formation
supervision
chantier formation

Cultures constructives vernaculaires et résilience


phase 1

chantier formation

phase 2

phase 3
SYNTHESE DU PROJET

Sources

Moles, O., 2011a. Projet de reconstruction de 100 maisons et 20 citernes Visite de terrain : 2011, 4-15 février
à Cap Rouge Suivi et Formation. Rapport de mission. CRAterre-ENSAG.
Entretiens avec :
construction Moles, O., 2010b. Reconstruction post séisme 2010. Etat des Lieux des - Eloi Bonal, chargé de projet pour le SCCF en Haïti. Le 27 mars 2012 à
différentes orientations d’intervention de partenaires Haïtiens. Rapport Port-au-Prince.
de mission.Haïti: SCCF et CRAterre-ENSAG. - les membres du VEDEK. Le 8 février 2011 à Cap Rouge.
- Blandine Salla et Jonathan Fort, chargés du projet pour le SCCF en
Moles, O. & Vieux-Champagne, F., 2010. Reconstruction post séisme Haïti. Le 7-8 février 2011 à Cap Rouge.
2010. Mise en place de la phase pilote du projet de reconstruction de
100 maisons à Cap Rouge avec VEDEK et PAPDA. Rapport de mission.
Haïti: SCCF et CRAterre-ENSAG.
renforcement
des compétences
Moles, O., 2011. Reconstruction post séisme 2010. Projet de
reconstruction de 100 maisons et 20 citernes à Cap Rouge. Suivi et
©Moles Formation. Rapport de mission. Haïti: SCCF et CRAterre-ENSAG.
DEMARCHE DE PROJET

dy
na replicabilité
m se
ie iqu n
m es io ns
no at ib
i
o r m lis

a
loc
éc

r
fo at

c
ale
s in io

hi
n

ût
co
typ tectu
olo ral
gie e

env
tion

iron
cipa
x

ne
act
rés
iau

ist

parti
a
tér
fo n

nc
io

imp mental
r t

e
ma
m ra
at
io st
n on
m
réduction dé
des risques confort

RENFORCEMENT
PROGRAMME CONSTRUCTION
DES COMPETENCES

réduction des
risques Cap Rouge, habitation réhabilitée (gauche) et habitation non concernée par le projet (droite)
es
td ré
en es sis
e
c t
m enc ta
or pé nc
nf m e
re co

confort

replicabilité
ls
ts ne
en ion
a é m i t
éc ccè él ad
on ss d’ x tr
om ibil
iq ité p r ise rau
ue re ectu
t
hi
arc
matériaux

Cultures constructives vernaculaires et résilience


APERÇU D’ENSEMBLE locaux
© Roux-Fouillet

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Contexte Programme

population
constructeurs
partenaire local
consultance technique / méthodologique
bailleur de fonds
relation directe

Cultures constructives vernaculaires et résilience


relation indirecte
Construction Renforcement des compétences


-
-
-

Cultures constructives vernaculaires et résilience


-
-
-

Petit-Gôave, chantier formation sur projet EPER Petit-Gôave, centre de formation INFP support de formation
SYNTHESE DU PROJET

construction

phase 1

renforcement
des compétences

DEMARCHE DE PROJET

Petit-Gôave, chantier formation sur projet EPER

phase 2 dy
na replicabilité
m se
e iqu n
mi es io ns
no at ib
o rm ilis
a
loc
éc
r

fo at
c

ale
s in io
hi

ût
co
typ tectu
olo ral
gie e

population
constructeurs

env
tion

iron
partenaire local

cipa
x

ne
act
rés
iau

ist

parti
a
consultance technique / méthodologique
tér

fo n

nc

imp mental
tio
e
ma

rm ra
bailleur de fonds at
io st
n on
m
formation réduction dé
des risques confort
supervision
chantier formation RENFORCEMENT
PROGRAMME CONSTRUCTION
DES COMPETENCES

réduction des
risques
es
td ré
en ces sis
m n ta
ce te n
or pé ce
nf m
re co

Sources

DIRECTION DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA COOPÉRATION, 2010.


Haïti: Centre de Compétences Reconstruction [en ligne]. Bureau de
la Coopération suisse en Haïti.
confort

DIRECTION DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA COOPÉRATION, 2011.


replicabilité

Centre de compétences pour la reconstruction en Haïti [en ligne].


mars 2011.

Travail sur le terrain :


- visite du Centre de Compétence Reconstruction, Port-au-Prince :
mars 2012, juin 2012 ls
ts ne
- visite du Centre de Formation et des chantiers formation en appui en ion
au programme de l’organisation EPER à Petit Goave, avec arch. a ém it
Guillaume Roux-Fouillet (CCR) et arch. Laurent Demarta (CCR) :
éc ccè él ad
on ss d’ x tr
4-5 avril 2012 om ibil ir se rau
- iq ité p
ue re ectu
Entretiens avec: it
- Tom Schacher, architecte responsable CCR. Le 31 mars 2012 à Port- h
arc
au-Prince. matériaux
- Guillaume Roux-Fouillet et Nadia Carlevaro, architectes CCR. Le 5 APERÇU D’ENSEMBLE locaux

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Affiche d’information ©CCR-DDC février 2012 à Port-au-Prince.
Chacun des quatre programmes de reconstruction post-séisme qui ont été analysés au cours de
cette recherche présente un volet d’activité se rapportant au renforcement des compétences
dans la construction. Ici de suite, les particularités des supports élaborés et/ou utilisés dans
le cadre de ces programmes sont présentées en relation à l’activité spécifique à laquelle ils se
réfèrent et avec l’indication du public auxquels ils s’adressent.

grand public : habitants, propriétaires, bénéficiaires de projet

autoconstructeurs

artisans

entrepreneurs: producteurs, fournisseurs de matériaux, constructeurs (p.e. entreprise générale)

formateurs : enseignants d’instituts de formation (universitaire, professionnelle, etc.),


opérateurs de terrain, animateurs

techniciens : architectes et ingénieurs (du secteur public/privé ou travaillant pour des


organisations), chercheurs et spécialistes du génie parasinistre

décideurs : bailleurs de fonds, autorités et collectivités, cadres et gestionnaires de projet

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
I

Depuis le début du projet, plusieurs rencontres mise en place du projet, la présentation des
ont eu lieu : au niveau de l’ensemble de la principes constructifs proposés ainsi que, par
zone de travail en réunissant les représentants la suite, la sélection des bénéficiaires sur base
des différentes communautés ; au niveau de participative.
chaque localité en rassemblant la population
locale. Ces assemblées ont concerné
©UNESCO
l’explication du contenu et des modalités de

L’organisation de base en charge du projet de la vulnérabilité. Pendant le projet de


inclut un comité Risques et Désastres, chargé réhabilitation post-séisme, des annonces et
de la préparation et gestion des crises. émissions particulières ont permis de diffuser
Lors des cyclones, ce comité utilise la radio des informations relatives à des bonnes
communautaire pour alerter la population, pratiques de construction parasinistre, ainsi
lui donner des indications au regard des que de donner des renseignements relatifs des
©Moles
précautions à prendre ainsi que pour la activités en cours.
sensibiliser à des mesures de réduction

Différents panneaux sont employés pour Cet outil est utilisable dans le cadre de
l’explication des activités de reconstruction, formations, séminaires et événements
des caractéristiques architecturales et particuliers, comme support de promotion de
constructives des habitations proposées ainsi principes techniques mais également d’une
que des éléments contextuels (pratiques approche de travail.
sociales, typologies constructives et
architecturales, etc.) fondant la démarche
d’ensemble du projet.

Différents formats d’affiches ont été exposés Chaque thème s’articule sur plusieurs
dans des zones très fréquentées (marchés, panneaux, disposés à des endroits différents,
carrefours, arrêts des transports publics, etc.) mais proches entre eux, et remplacés avec
de la ville de Port-au-Prince. Ces panneaux une fréquence périodique. Ces affiches
se structurent sur la base de cinq thèmes présentent un seul message très ciblé au
correspondant à des étapes, ou principes regard des caractéristiques des matériaux ou
essentiels, de la construction selon la technique des modalités de leur mise en œuvre.
de la maçonnerie chaînée.

grand public autoconstructeurs artisans entrepreneurs formateurs techniciens décideurs

Cultures constructives vernaculaires et résilience


S

Des visites et échanges ont été organisés entre d’expériences et de connaissances au regard
différents professionnels : des principes et techniques mis en œuvre ;
- entre artisans engagés dans le projet en - entre décideurs et techniciens de différentes
zones différentes, pour comprendre le type organisations locales et d’organismes
de structure sur lequel ils seront portés à internationaux pour des échanges et
travailler ; explications de l’approche adoptée.
- entre artisans impliqués dans des
©CRAterre
programmes différents, pour un partage

Différents types de visites ont été organisés En outre, des techniciens et cadres d’organismes
pour les participants au projet et des locaux, nationaux et internationaux travaillant
représentants d’autres institutions. Avant dans le secteur de la construction et de la
le début du chantier, chaque bénéficiaire formation, ont visité les sites du projet et
effectue une visite d’un bâtiment présentant rencontré les membres de l’organisation de
les améliorations techniques proposées, avec base pour saisir les caractéristiques de la
l’accompagnement de l’artisan choisi et de démarche mises en place.
l’animateur de l’organisation de base en charge
du projet.

Échanges inter et intra institutionnels regroupant synergies d’approches et des collaborations


professionnels et décideurs, à échelle opérationnelles ainsi que pour identifier des
locale, régionale, nationale, internationale. priorités d’action envers la problématique de
Deux ans après le séisme, un séminaire a l’habitat en milieu rural.
réuni des acteurs de terrain et du monde
académique, tant locaux qu’internationaux,
©CRAterre
pour partager les expériences au regard de
différents projets de reconstruction, établir des

Des sketches humoristiques focalisés sur des Ces vidéos ont été réalisés en collaboration avec
thématiques précises (p.e. mélange du mortier) des comédiens locaux, et ils sont conçus pour
vulgarisent des principes simples relatifs à la être diffusés via les médias conventionnels ou
technique de la maçonnerie chaînée, pour en complément de séance de sensibilisation et
améliorer la qualité de la mise en œuvre et la formation.
résistance de la structure.

Différents supports visuels ont été élaborés faiblesses des architectures locales ainsi que
en relation au contenu du programme, avec les améliorations proposées par le projet de
des formats permettant leur utilisation dans reconstruction. En outre, différents exemples
des situations variées (projection vidéo et/ou d’architectures vernaculaires et d’architectes
fiches plastifiées à afficher). Les différentes renommés, en différentes parties du monde,
thématiques abordées concernent les visent à mettre en valeur le potentiel et
©Douline
pratiques et les matériaux couramment les différentes possibilités d’utilisation des
employés pour la construction, les forces et les matériaux naturels locaux.

grand public autoconstructeurs artisans entrepreneurs formateurs techniciens décideurs

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Almanach annuel publié par le réseau des par ces organisations, et une démarche
organisations locales impliquées dans le d’amélioration de l’habitat s’inspirant des
programme de reconstruction. Associant pratiques constructives et sociales, valorisant
un calendrier et des photographies, il vise à le savoir et la culture paysanne.
promouvoir l’approche adoptée et à mettre en
évidence la complémentarité entre les activités
d’agroécologie, couramment développées

Développement de plusieurs calendriers (trois Cet outil constitue également un aide-


ans) pour la diffusion d’informations sur la mémoire pour les constructeurs ayant suivi
construction de bâtiments de taille réduite une formation spécifique ainsi qu’un support
avec la technique de la maçonnerie chaînée. de promotion de la technique considérée.
Le contenu est basé sur un guide de bonnes
pratiques publié par les Ministère Haïtien des
Travaux Publics, Transports et Communications
et concerne des principes essentiels présentés
de manière visuelle.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


D

constructions à usage privé et/ou public situées dans des endroits fréquentés, servant aussi bien
comme support de formation que de sensibilisation.

Différents bâtiments à caractère public ont Cette diversification typologique (un ou deux
été réalisés en milieu urbain et périurbain étages, toiture à quatre ou deux pentes, etc.) à
(gare routière, centre d’exposition, pépinière partir d’un système modulaire vise à répondre
d’entreprises, etc.). Ces constructions se à des contraintes pratiques dictées par le
basent sur un même système constructif, contexte, ainsi qu’à montrer les possibilités
en le déclinant architecturalement et permises par les principes adoptés.
esthétiquement selon la fonction à accueillir.

Deux types de bâtiments ont été réalisés,


employant différentes techniques basées sur les
matériaux naturels et une réinterprétation des
typologies locales :

- des maisons modèles dans chaque zone


de travail de l’organisation locale. Elles
présentent, tant du point de vue architectural
que constructif, les nouvelles habitations à
reconstruire ;

- un bâtiment accueillant les bureaux d’une


organisation locale engagée dans le programme.
Cette construction se situe en proximité des
zones d’intervention mais également proche
d’un site de tourisme local. Elle permet de
montrer la versatilité des techniques employées
pour la reconstruction des habitations ainsi que
leur possible utilisation pour la réalisation de
structures de taille moyenne.

Construction d’une structure dont la taille


correspond à celle d’une petite habitation
en zone rurale. Différentes dispositifs et
techniques constructives sont montrés,
en laissant apparentes certaines parties
structurelles pour faciliter la compréhension
des principes proposés.

©Moles

Support relatif à une technique constructive Ces supports ont été réalisés lors des
spécifique rendant visibles des dispositifs et formations d’artisans, ce qui a permis de mettre
principes pour une construction de qualité, en pratique les enseignements théoriques.
ciblés en relation aux « mauvaises » pratiques Toutefois ils nécessitent d’être accompagnés
courantes. Ces outils comprennent des murets d’une explication pour assurer une bonne
démonstratifs et une axonométrie éclatée à compréhension des informations présentées.
échelle réelle, laissant apparents des détails
autrement cachés.

grand public autoconstructeurs artisans entrepreneurs formateurs techniciens décideurs

Cultures constructives vernaculaires et résilience


expérimentations attestant la validité des principes constructifs proposés et/ou certifications
d’organismes institutionnels permettant leur reconnaissance officielle, tant dans la cadre des
normes de construction qu’en vue de subvention pour la (re)construction.

Modélisations et essais scientifiques d’un


système constructif particulier (ossature bois
et remplissage en maçonnerie de pierre avec
mortier terre) employé pour la reconstruction.

Obtention d’une certification de la part du


Ministère des Travaux Publics, Transport et
Communications reconnaissant officiellement
et admettant pour la re-construction, un
système constructif s’inspirant des typologies
constructives vernaculaires et employant des
matériaux locaux, tant naturels que dérivant
d’un recyclage de débris de bâtiments
endommagés par le séisme.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


F

supports de synthèse par thématique à afficher sur le lieu de formation (salle de cours, chantier
formation, …) et à accompagner par une explication de la part d’un formateur.

Fiches techniques illustrant les différents détails Ces supports sont utilisables sur le chantier
et étapes relatives aux typologies constructives comme « manuel d’instruction » se référant
considérées pour la re-construction. spécifiquement aux techniques sélectionnées.
Elles définissent les dimensionnements des
différents éléments structurels, en fournissant
des indications spécifiques au regard des
critères à respecter pour la construction.

Supports graphiques concernant sept thèmes Les contenus se réfèrent essentiellement


distincts (site géographique, aléas locaux, aux constructions et conditions existantes,
gestion es risques au niveau de l’implantation, en proposant différents principes pour
forces et faiblesses de l’habitat existant, l’amélioration des pratiques locales.
matériaux locaux) et utilisables aussi bien
sur les chantiers que pour des formations
théoriques.

Ensemble d’outils graphico-techniques pour synthèse des cours théoriques. Dans le


l’enseignement spécifique à une technique deuxième cas, les présentations à effectuer
particulière et couvrant les différentes étapes pendant la formation sont accompagnées par
de construction. Ils comprennent des manuels des supports indiquant les contenus du cours
et supports pour les apprenants et pour les et les éléments à considérer pour la vérification
formateurs. Dans le premier cas, ils incluent un et la validation des acquis.
manuel utilisable comme source d’informations
techniques et aide-mémoire ainsi qu’une

Ensemble de documents (manuel techniques,


calendriers et réduction d’affiches
d’information) en format de poche, qui
sont distribués aux participants comme
aide-mémoire et guide de référence pour
les applications pratiques d’une technique
particulière (maçonnerie chaînée).

Modèles des habitations à échelle réduite,


pour l’explication du système constructif,
du comportement structurel ou des étapes
de réalisation. Ils ont été réalisés par les
techniciens responsables des formations des
artisans et ils sont utilisés pour expliquer,
aux bénéficiaires et artisans, les spécificités
©Cornet
techniques des nouvelles constructions.

grand public autoconstructeurs artisans entrepreneurs formateurs techniciens décideurs


Cultures constructives vernaculaires et résilience
mise en pratique des technologies proposées avec le suivi d’un formateur/superviseur, en
s’appuyant sur l’intervention sur des structures démonstratives (bâtiments, modèles) ou en tant
que partie effective d’un programme (p.e. habitation pour des bénéficiaires).

Formation d’une équipe sélectionnée d’un technicien ainsi que des cours théoriques
d’artisans au système technique proposé avec des sessions différées à selon du domaine
et aux principes de gestion d’entreprise. spécifique de travail des artisans (charpente,
Conduite par des consultants, elle a compris maçonnerie, etc.).
des sessions pratiques, incluant la réalisation
de plusieurs bâtiments sous la supervision

Formation sur les chantiers des nouvelles


habitations. Formation initiale fournie par un
consultant comprenant des cours théoriques
effectués sur le site de construction et un suivi
de la mise en pratique. Ensuite, les formations
et le suivi sont effectués par les techniciens
locaux en charge du projet.

©Cauderay-Hosta

Deux formations dispensées par un consultant


sur des chantiers de réparation d’une habitation
existante et de construction nouvelle. Par la
suite, l’animateur de l’organisation de base
et différents artisans (charpentiers, maçons,
couvreurs, etc.) préalablement formés ont
assurés l’explication des principes techniques
et la formation d’autres artisans impliqués
©Moles dans les activités de construction.

Mise en pratique des principes techniques


sur des chantiers d’habitations prévus dans
le cadre de programmes menés par d’autres
institutions. Un suivi constant est assuré par des
formateurs locaux ayant suivi une formation
théorique préalable et un suivi ponctuel est
effectué par des consultants étrangers.

grand public autoconstructeurs artisans entrepreneurs formateurs techniciens décideurs

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
A.2.1. Supports d’analyse
 fiche descriptive synthétique
 check-list for community meeting
 check-list for mapping
 individual housing survey (technical and detailed questionnaires)
 check-list for meeting with local artisans
 check-list for focus group discussion
 guidelines for housing selection during transect walk
 guidelines for report preparation
 suggestion for design strategy

A.2.2. Gestion du processus d’analyse : exemple du projet au Bangladesh

A.2.3. Extraits des rapports


 Turquie : étude des typologies constructives en zone à risque sismique
 Haïti : identification des caractéristiques constructives de l’habitat vernaculaire
 Haïti : identification des typologies constructives, des ressources et des risques
 Bangladesh : analyse des cultures constructives vernaculaires

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
Au cours de cette recherche, différents types et variantes d’outils ont été développés en relation
aux contextes de mise en situations ainsi qu’au fil de l’affinement de la méthodologie d’analyse.
Les supports ci après représentent la version la plus complète, outre que la plus largement
compréhensible (d’autres versions étant en bengali et créole), mise au point et utilisée dans
sa totalité dans le cadre du programme Construction of Pilot Low Cost Houses (LCH) Project
for the Disaster Affected Families of Bangladesh au Bangladesh. Dans le contexte haïtien, une
version plus réduite a été employée à partir d’une sélection de certaines méthodes.

L’ensemble de ces outils constitue de fait une sorte de « kit » à usage des techniciens et des
opérateurs de terrain, en leur offrant les repères pour la mise en œuvre de l’analyse ainsi que
pour la récolte des informations.
Ce « kit » vient en support aux activités sur le terrain ainsi qu’à une phase préalable de
sensibilisation et/ou formation de ces utilisateurs. D’autres critères, supports et méthodes
peuvent venir s’ajouter selon les objectifs et le contexte de l’analyse ; de même, en relation à
ces facteurs une adaptation au niveau des paramètres considérés s’avère indispensable.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
to asses the different types of construction existing in the area
to understand how natural hazards affect the area and the houses
to learn about the local coping and adaptive strategies to face natural hazards and ordinary problems
to identify which resources (materials and skills) are generally used and are locally available for housing construction

1- Preliminary work: data collection from secondary sources, adaptation of analysis tools and rapport building with local
communities and authorities.
2- Community meeting: meeting with inhabitants of the selected area: introduction of the survey team; explanation about the
purpose of the analysis and the way of its implementation as well as about the overall project; data
collection about the area and its social, economic and natural environment.
3- Door to door visit: collection of information about households and preliminary identification of existing building
typologies.
4- Mapping: development of one or more maps about built and natural environment, resources and risk
5- Transect walk: identification of the building typologies and the houses to be surveyed.
6- Individual housing survey: technical and detailed survey of selected houses and interviews with house owner and/or inhabitants.
7- Meeting with local artisans: data collection on building materials costs, availability, required quantity and provenance.
8- Focus Group Discussion: meeting with local artisans and people from the local community involved in construction: data
collection on housing, building process, available resources, existing skills and know-how.
9- Report and design strategy: analysis of the collected information and definition of preliminary criteria for project orientation.
10- Validation: meeting with local community: discussion and verification of survey findings and project orientation.

minimum 3 days (according to area characteristics and site localisation)


minimum 2 persons

 Community meeting : check-list


 Mapping : check-list
 Individual housing survey: technical and detailed questionnaires
 Meeting with local artisans: check-list
 Focus Group Discussion: check-list
 Guidelines for: Housing selection
Report preparation
Design strategy

Cultures constructives vernaculaires et résilience


 Analysis stage : initial
 Time required : 2h30
 Number of participants: 20-30 persons
 Type of participant: members of community (various ages and ethnical/cultural/economical backgrounds)
 Equipment : check list, writing pad, pen
 Team members: 2 (1 facilitator + 1 observer)

1- Introduction: presentation of the programme, explanation of objectives, request of participation, duration of the meeting

2- General information about the area:


description of location (topography, climate, min seasons, etc.)
accessibility (distance from main town, types of roads, access according to season)
socio-economic profile
infrastructures/facilities (health centre, water sources, schools, embankment, cyclone shelters, etc.)
occupation (type of activities, general and for construction, source of income and livelihood)
activities in the house

3- Main features of local housing:


Settlement pattern (housing distribution, particular groups, use of land, etc.)
Land ownership
Plot (type of vegetation, drainage, soil stabilization, etc.)
House pattern (to be defined according to local patterns: main types and most common, types no more in use)
Architectural typologies (main dimensions, shape, number of rooms, orientation, space arrangement, veranda, balconies,
annex buildings, etc.)
Building typologies (plinth, drainage, main structure, posts, fences, roof and covering, openings, ceiling, new
techniques)
Building materials (type and provenance)
Problems in the house (land, spaces, materials, transport, artisans, etc.)
Maintenance (construction part, frequency, cost, who is in charge)
Extension of living space (which part, where, when, by whom)
Comfort (climate, privacy, security)

4- Construction process:
Season for construction
Transport of materials
Preparation of materials (production, treatment, transformation process, etc.)
Construction steps
Duration of construction
Ways to reduce costs
Who do what for the construction
Decision criteria for construction (about choice of site, materials, space arrangement)
Relation with artisans (type of contract, follow up)

5- Natural hazards:
Main features: (types, frequency, season, after how much time situation go back to normality, ordinary and
exceptional disasters, more exposed part of the area, access to the area)
Damages to buildings (types, which part is the most affected, repairing/reconstruction)
Collective measure for vulnerability reduction (arrangement to reduce risk, what people do before, during and after a disaster,
main difficulties)
Individual measure for disaster reduction (particular arrangements to improve resistance of the house)
Situation after a disaster (materials available in the area and on local market, recycling from destructed house, shortage)

6- Additional information:
Other GO/NGO working in the area (types of activity, aid in disaster situation)
Local and community-based organisation

Cultures constructives vernaculaires et résilience


 Analysis stage : initial
 Time required : 3h-4h (according to the extent of the area)
 Number of participants: variable (minimum 6 persons)
 Type of participant: members of community with a good knowledge about the area
 Equipment : check list, paper sheets, markers, pencils, rubbers, camera
 Team members: 2 (1 facilitator + 1 observer)

For general map


area boundaries
access (main et secondary roads, foot paths, bridges, etc.)
infrastructures/facilities (health centre, temple, schools, embankment, cyclone shelter, etc.)
land use and resources (water sources, plantations, quarries, etc.)
settlement and housing location
housing types (according to criteria jointly established on the basis of findings from community meeting and
new discussions)
risk and vulnerable areas (current affected areas, damaged building and infrastructure, flow of water, direction of wind,
protection measures at settlement level, etc.)

 One or more maps could be done according to thematic focus (resources, housing types, risks, etc.) or by portion of the area.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Individual housing survey is based on a technical assessment as well as on an interview with house owner and/or inhabitant. These
two parts can be done in the same time or one after the other. Time required depends on people availability and complexity of the
construction. The tools for this analysis steps are two and can be used separately to complete the information already acquired. The
technical questionnaire is for construction assessment and detailed questionnaire for interview; however both will require some
participation from the house owner. After having completed the survey of some houses, detailed survey could also be done without
technical part to get some more information about construction process, coping strategies and disaster impact on housing.

 Analysis stage : intermediate


 Time required : 1h-2h (0h30-1h00 for interview + 0h30-1h00 for technical assessment)

 Number of participants: 1-2 persons


 Type of participant: team members
 Equipment : questionnaire, writing pad, pen, meter, camera
 Team members: 1-2

 Number of participants: 1-2 persons


 Type of participant: house owner, inhabitants, builders
 Equipment : questionnaire, writing pad, pen
 Team members: 1

Cultures constructives vernaculaires et résilience


o o o o
o o o o
o o o
o o o o
o
o o

o o
o o
o o
o

o o
o o
o o
o o
o o

o o
o o
o o
o o

Cultures constructives vernaculaires et résilience


o
o o
o
o
o o
o
o o

o
o
o o
o
o o

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
Cultures constructives vernaculaires et résilience
o
o
o
o
o

o
o
o
o
o
o

o
o
o
o
o

Cultures constructives vernaculaires et résilience


o
o
o
o

o
o
o
o o
o
o

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
Cultures constructives vernaculaires et résilience
 Analysis stage : final
 Time required : 1h-2h
 Number of participants: 3-4 persons
 Type of participant: artisans (mason, carpenter, etc.) involved in house construction in the area
 Equipment : check list, writing pad, pen
 Team members: 2 (1 facilitator + 1 observer)

1- Introduction: introduction of team member, presentation of the programme, explanation of objectives, request of
participation, duration of the meeting

2- Housing technical features


Houses types and dimensions
Building parts (plinth, drainage, main structure, posts, fences, roof and covering, openings, ceiling, new
techniques)
Building materials (type and provenance)
costs of different house parts
(it can be good to choice one or more types of existing houses and to ask to the artisans
time, materials and cost for each part)
2- Construction process:
Season for construction and why
Materials (transport, production, treatment, transformation process, etc.)
Construction steps
Duration of construction
Decision maker in house construction process
Maintenance (construction part, frequency, cost, who is in charge)
Precautions to improve durability
Way to reduce costs
Problems for construction

3- Skills for construction:


Number and types of artisans available in the village
Daily salary / contract basis
Contract with owner
Artisans groups
Exchange among artisans
Follow up of the construction

4- Natural hazards:
Damages to houses (types, which part is the most affected and reasons)
Improvements to reduce house vulnerability

Cultures constructives vernaculaires et résilience


 Analysis stage : intermediary and final
 Time required : 2h
 Number of participants: 6 - 12 persons
 Type of participant: community members involved in construction and maintenance activities (artisans, owner builders,
inhabitants, people in charge of particular task – as maintenance -material suppliers, etc.)
 Equipment : check list, writing pad, pen
 Team members: 2 (1 facilitator + 1 observer)

1- Introduction: explanation of objectives, request of participation, duration of the meeting

2- Main features of local housing:


Land ownership
Building materials (type and provenance)
Problems for construction
Maintenance (construction part, frequency, cost, who is in charge)
Extension of living space (which part, where, when, by whom)
Costs

3- Construction process:
Season for construction
Transport of materials
Preparation of materials (production, treatment, transformation process, etc.)
Construction steps
Ways to reduce costs
Who do what for the construction
People in charge of particular tasks
Decision criteria for construction (about choice of site, materials, space arrangement)
Relation with artisans (type of contract, follow up)

4- Natural hazards:
Damages to buildings (types, which part is the most affected and reasons, repairing/reconstruction,)
Individual measure for disaster reduction (particular arrangements to improve resistance of the house)
Situation after a disaster (materials available in the area and on local market, recycling from destructed house,
shortage)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


to get an overall overview of the area
to identify the more exposed parts
to identify the construction types existing in the area
to select houses for individual survey

 Analysis stage : initial


 Time required : from 2-3h to half-a-day (according to the extent of the area)
 Number of participants: 2-10 persons
 Type of participant: members of community with a good knowledge about the area
 Equipment : writing pad, pen, camera, map
 Team members: minimum 1 (better if the entire team)

1. A map of the area should be done previously with the help of the community.
This map should show:
- location of houses
- differentiation of houses on the basis of construction types
- areas more exposed to local risks (e.g. floods)

2. The whole area should be visited

3. Main types of construction should be identified according to materials and/or structural system employed for the construction
(e.g. mud house, bamboo posts; )

4. Selection should include 2-3 houses for each identified type according to:
- different sizes of the same type of construction
> this will allow to understand how the house evolve, which are the most important parts and how people extend their
house
- houses of different economic level (poor, medium and rich people)
> this will allow to identify different types of solutions and in which are the priority parts of the construction and in which
parts people invest more

5. During transect walk, short visit to different houses corresponding to the identified types will allow to complete data collected
with the individual survey

to visit different parts of the village, not only the one more exposed to risk
all the types of construction should be considered
the selected houses should be well representative of the construction type (e.g. for space size, construction)
during transect walk, look for particular constructive solutions (e.g. special connexions)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


General information
a. population (total number of inhabitants, family size, religion or other social subdivision)
b. infrastructure (education, health)
c. main activities (types, annual/seasonal)
d. complementary information (community-base organisations or other GO/NGO working in the area : types of
activities, if no more working, why)
Site
a. morphology (hills, plain, proximity of river, streams, lake, etc.)
b. access (in normal and disaster situation, with which type of vehicle, distance/time)
c. location of houses/villages and use of land nearby

Main risks
a. natural hazards (according to local population as well as national risk maps)
for each type, specify:
- frequency of normal and exceptional disasters
- duration
- when do they generally happen?
- after how much time the situation return at normal?
- damages to houses : types according to building types, most affected parts, repairing needed
- damages to environment: types, arrangement to reduce risks
b. coping strategies
for each type of disaster, specify:
- how people know that a disaster is coming?
- what people do before, during and after a disaster?
- is there any thing that people do to improve house resistance?

Housing typologies (for each type)


a. main types of houses existing in the area (which are the difference)
b. for each type: shape and size, orientation, space arrangement, particular elements
c. additional buildings (which are and where are they placed)
d. extensions (which direction, which function)
e. comfort (climate, privacy, security)

Housing structure
a. foundations/plinth (materials and techniques, shape and dimensions, main problems and causes, existing solutions,
particular arrangement to improve durability and resistance)
b. main structure (materials, techniques and dimensions of load-bearing structure and secondary structure,
main problems and causes, existing solutions, particular arrangement to improve durability
and resistance)
c. roof (shape, materials and techniques for the structure, covering materials, main problems and
causes, existing solutions, is there any particular arrangement that improve durability and
resistance)
d. fences (materials and techniques, types, main problems and causes, existing solutions, particular
arrangement to improve durability and resistance, comfort inside the house according to type
of fence)
e. joints (types of connections and materials used, bonding, special cutting, main problems and causes,
existing solutions)
Cultures constructives vernaculaires et résilience
f. openings (number, shape, size, position)
not only doors and windows should be considered but also other types of solutions allowing
for ventilation and light (e.g. bamboo grid)
g. special provisions (according to survey findings: inside and nearby the house, for which purpose, where)

Building process
a. which are the criteria to choose : house position, house materials, artisans
b. construction season and why
c. duration of construction
d. construction steps
e. who do what
f. ways to reduce construction cost

Maintenance
a. average lifespan of each construction type
b. average lifespan of the materials according to the construction part for which they are used
c. parts that need maintenance (main problems and reasons)
d. what has to be done
e. who do it
f. frequency

Building materials
for each material used specify: types, dimensions, availability (in which season), provenance, solutions to improve
durability (e.g. treatment), availability after a disaster (quantity, cost after a disaster)

Skills for construction


a. number and types of artisans available in the area
b. provenance of artisans
c. who do what for house construction

Construction costs
a. materials and labour costs
b. most expensive part of the house
c. average costs of existing houses

• Technical proposals should refer to different types of solutions for the different parts of the construction according to different
costs.
• Design strategy should try to solve the identified problems by suggesting new solution or integrating good local practices.
• For each part of the construction think about which are the existing problems and which are the solutions implemented by
population to overcome them:
- if these solutions work well, they should be integrated into the design strategy
- if they don’t solve the problem or they are too costly, suggest different types of possible solutions on the basis of: good
solutions found in other regions, basic engineering principles keeping them the most simple and the less expensive as possible.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Le schéma suivant synthétise la stratégie de gestion du Ci-dessous l’explication des fonctions et des rôles existants
processus d’analyse contextuelle permettant, selon la au sein de Caritas Bangladesh ayant servi de référence pour
structure organisationnelle interne à Caritas Bangladesh, le schéma de synthèse :
de mettre en œuvre de manière autonome une analyse de
l’habitat et des cultures constructives. Il a été élaboré suite à • Niveau national :
un séminaire («Lessons Leartn on LCH Program», novembre - coordinateur du programme au niveau national (national
2012) réunissant le personnel du Disaster Management programme coordinator - NPC)
Department de Caritas Bangladesh impliqué au niveau
national et régional dans le programme Construction of • Niveau régional :
Pilot Low Cost Houses (LCH) Project for the Disaster Affected - directeur régional (regional director - RD)
Families of Bangladesh. Ce rencontre a eu comme objectifs - responsable du programme (programme officer - PO):
d’effectuer un bilan des expériences d’analyse conduites généralement avec une formation de type sciences
dans le cadre de ce programme, d’affiner et consolider sociales et en charge au niveau régional de plusieurs
les connaissances au regard des contenus et des étapes programmes
de ce processus ainsi que de définir de manière concertée - agent de terrain (field officer - FO) : généralement avec
une répartition des tâches s’harmonisant aux modalités une formation technique (p.e. ingénieur civil) et principal
de travail et aux responsabilités courantes au sein de cet responsable pour la mise en œuvre du projet
organisme.
• Niveau local :
Le principe ici proposé est adaptable à d’autres acteurs et - superviseur local (local supervisor - LO) : provenant de
structures organisationnelles, en vue d’établir un lien fort la zone du projet et engagé temporairement dans le
entre la phase d’analyse et celle de mise en œuvre des programme.
activités, par la définition d’une répartition complémentaire
et diffuse des tâches entre les niveaux décisionnels et
opérationnels existants. Cette démarche voit l’implication
à des degrés différents de l’ensemble du personnel engagé
dans un projet, en faisant en sorte que le rôle attribué à
chacun permette de bénéficier des compétences qui lui Les principales étapes d’analyse sont présentées avec
sont spécifiques ainsi que de gérer en manière efficace la l’indication des objectifs, du type d’information à rechercher
collecte, la réélaboration et la validation des informations ainsi que des niveaux en charge de conduire les activités et
fondant la définition d’initiatives et projets à entreprendre de les superviser.
dans une zone donnée.

Schéma extrait de :
CAIMI, Annalisa, 2012. Construction of Pilot Low Cost Houses (LCH) Project for the Disaster Affected families of Bangladesh.
Rapport de mission. Dhaka : CRAterre-ENSAG.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


survey step objectives information needed who do what

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
Au cours des trois ans de thèse, différentes analyses ont porté sur l’identification des typologies et pratiques
été conduites en utilisant certains ou la totalité des outils constructives, des ressources et risques existants dans
de la méthodologie qui a été élaborée ; et cela en relation chaque site considéré ; et ceci par des observations, des
à des contextes, objectifs et modalités de travail distincts. visites accompagnées, des entretiens communautaires
Dans cette partie, des extraits des rapports de synthèse des et individuels ainsi que des groupes focalisés. Ce travail
informations recueillies sont présentés à partir des quatre avec le GADRU a été effectué dans le cadre du projet de
modalités différentes d’investigation. recherche ReparH avec l’objectif de soutenir une durabilité
des approches mises en œuvre lors de la reconstruction
post-séisme ainsi que leur appropriation par les partenaires
Le premier exemple concerne une étude des typologies haïtiens.
constructives en zone à risque sismique, effectuée en
Turquie en août 2012. Ce travail a porté sur une analyse Le quatrième exemple se réfère à des analyses conduites
technique du bâti vernaculaire urbain et rural dans quatre dans le cadre du programme de préparation aux
régions situées le long de la faille Nord Anatolienne. Les crises mené conjointement par la Caritas Bangladesh,
principales méthodes employées sont l’observation, des le département d’ingénierie civile de la Bangladesh
visites accompagnées et l’analyse de sources secondaires. University of Engineering and Technology (BUET) et le
laboratoire CRAterre. Ces analyses ont été effectuées en
Le deuxième exemple se réfère à l’identification des six zones du pays avec l’objectif d’identifier, pour chacune
caractéristiques constructives de l’habitat vernaculaire d’entre elles, les caractéristiques de l’habitat, les pratiques,
dans les zones rurales du département de l’Ouest en Haïti. les ressources et les compétences inhérentes au domaine
Cette analyse a été conduite en plusieurs étapes, lors de de la construction ainsi que les risques existants. Ce travail
visites du projet de reconstruction post-séisme conduit par a été conduit en collaboration avec des représentants
l’organisation haïtienne EPPMPH (membre de la PADED), des deux institutions locales et représente la modalité
au cours de quatre missions sur le terrain effectuées d’investigation la plus complète, utilisant l’ensemble
entre févier 2011 et juin 2012. Les informations ont été des outils de la méthodologie élaborée. Les méthodes
collectées au fur et mesure sur la base d’observations, de employées ont été les suivantes : cartographie, observation,
visites accompagnées et d’entretiens avec les habitants et visite accompagnée, entretien (communautaires,
les constructeurs. individuels, avec informateurs clés), groupe focalisé et
relevé technique.
Le troisième exemple se rapporte à des analyses
effectuées en 2012 par les techniciens de l’organisation
haïtienne GADRU, membre de la PADED et engagée dans
la reconstruction post-séisme. Elles ont été conduites dans La variabilité et l’hétérogénéité du cadre et des modalités
le département de l’Ouest et du Nord-Ouest d’Haïti dans de travail entre ces analyses donnent lieu à différents types
le cadre du processus d’apprentissage de la méthodologie de produits ainsi qu’à des niveaux distincts de technicité de
élaborée. Elles ont de fait permis simultanément une la méthodologie élaborée. Les extraits présentés sont dans
familiarisation du personnel de cette institution avec leur forme originale, néanmoins dans le cas du rapport des
l’approche et les outils d’analyse, ainsi qu’une amélioration analyses conduites par le GADRU et de celles au Bangladesh
de la connaissance des caractéristiques de l’habitat la mise en page a été légèrement modifiée en intégrant sur
dans les zones de travail du GADRU. Ces analyses ont une seule page deux pages du document d’origine.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
ÉTUDE DES TYPOLOGIES CONSTRUCTIVES EN ZONE SISMIQUE

Le bâti vernaculaire le long de la faille Nord Anatoliènne, Turquie

Annalisa Caimi

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / 2/14

Ce document constitue un extrait du rapport


synthétisant les résultats d’analyses conduites en
août 2012. À titre démonstratif, seul une partie du
contenu de ce rapport est présentée, en référence
à une des quatre zones considérées. Selon les
informations récoltées et les opportunités s’étant
présentées au cours du travail, les éléments
obtenus varient d’une régions à l’autre, tout en
se focalisant sur des aspects essentiellement
techniques.
Le choix des endroits à considérer s’est effectué
sur la base de la sismicité locale et d’événements
récents. Pour chaque zone, plusieurs sites ont
été analysés, mais leur étendue ne couvre pas
l’ensemble de la région considérée. De ce fait, les
informations présentées n’ont pas la prétention de
décrire de manière exhaustive les caractéristiques
constructives de chaque région, néanmoins elles
permettent de saisir la diversité et, parfois, les
similitudes existantes parmi le bâti vernaculaire de
régions géographiquement distinctes partageant
une exposition au risque sismique.

MÉTHODOLOGIE DE TRAVAIL
Ce travail concerne une étude des typologies constructives
présentes dans le bâti vernaculaire de quatre régions situées le
long de la faille Nord Anatolienne, dans la partie septentrionale
de la Turquie.
Les informations présentées se basent sur une recherche
documentaire et, en plus grande partie, sur les résultats
d’une analyse de terrain effectuée en août 2012 (durée : 3.5
semaines). Cette étude s’est focalisée sur les caractéristiques
techniques des artefacts construits, aussi bien en zone urbaine
que rurale. Les investigations ont pris en compte essentiellement
des aspects constructifs : matériaux, systèmes et détails,
pathologies et dispositifs particuliers.
Trois typologies constructives ont été identifiées, bien que leur
présence et spécificités varient d’une région à l’autre ainsi que
dans la même région :
• ossature en bois avec remplissage en torchis, maçonnerie
en pierres et en briques (en terre crue et cuite), mélange
de pierres et mortier de terre, rondins en bois, bardage en
planches de bois ;
• maçonnerie porteuse en pierre ou en brique (en terre crue
et cuite) avec insertions horizontales en bois de forme,
épaisseur et fréquence variables ;
• maçonnerie porteuse en pierre ou en brique (en terre crue et
cuite) avec insertions horizontales et verticales.
Des observations ont été conduites au regard des pathologies
présentes dans le bâti existant ainsi que de l’évolution et des
modifications des techniques, en particulier en association
à l’utilisation des matériaux récents. Ces observations ont
été enrichies avec des informations découlant d’échanges
avec les habitants et des représentants d’organismes et
autorités locales. Ces rencontres ont permis d’investiguer le
comportement du bâti vernaculaire lors des séismes passés, des
éventuels dispositifs particuliers mis en place pour réduire sa
vulnérabilité ainsi que les démarches de gestion du patrimoine,
en lien notamment avec des initiatives de revalorisation des
connaissances et savoir-faire techniques et de revitalisation des
quartiers historiques.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / 3/14

région région région région


occidentale septentrionale centrale orientale

région centrale endroits visités: Sivas, Tokat, Niksar

région septentrionale endroits visités: Amasra, Bagcilar, Bartın, Çerçen, Kastamonu,


Kadıbükü Köyü, Konarı Köyü, Safranbolu, Üçbölük, Yörük Köyü

région occidentale endroits visités: Bursa, Cumalıkızık Köyü, Değirmendere, Gölcük,


Izmit, Narlica Köyü, Saraylı Köyü, Sölöz, Tavşancıl

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale 4/14

REGION ORIENTALE

Yusufeli

Ormanağzı

Çamlıyamaç Köyü

Derekapı

Tortum

Erzurum

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale 5/14

SYNTHESE

Erzurum_fin XIX siècle source: Houshamadyan

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale / ERZURUM 6/14

ERZURUM

Typologie archiTecTurale

- constructions compactes à un ou deux étages


avec cour intérieure
- premier étage en saillie sur la façade principale
- ouvertures :
- au rez-de-chaussée en nombre limité et de taille
réduite
- à l’étage, assez grandes en rangée régulière
- toiture : plate, à une pente, 2 pentes ou 4 pentes
- age des constructions : environ 150 ans

SySTème conSTrucTif

Maçonnerie porteuse avec chaînages horizontaux

Composition du mur (environ 60cm d’épaisseur) :


- faces régulières et remplissage en pierres non
taillées mélangées avec un épais mortier de terre
- faces régulières et remplissage avec des pierres
taillées de taille plus réduite, avec mortier terre
- maçonnerie massive en pierre de taille et mortier
de terre

Planchers :
- poutres rectangulaires ou circulaires
- création de projections avec une extension des
poutres en dehors du plan de façade
- planches en bois clouées aux solives

Toiture et plafonds :
- structure en bois
- revêtement en terre damée (20-50cm) sur un lit
de branches de saule et de roseaux

Finitions :
- Enduit :
extérieurs : aucun ou badigeon de chaux
intérieurs : mortier de terre,
- Sol : terre battue, planches en bois

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale / ERZURUM 7/14

Chaînages en bois massif (hatıllar)


- section rectangulaire : 5-15x10-30cm
- espacement vertical : entre 60 et 150 cm
- traverses dans l’épaisseur du mur reliant les deux
poutres horizontales (intervalle : 40-180cm)
- disposition des ouvertures entre les chaînages

angles / maçonnerie en pierres de taille ; joint en biais murs intérieurs en maçonnerie porteuse avec chaînages
connectant des poutres perpendiculaires du chaînage horizontaux en bois
extérieur ; traverses reliant les poutres horizontales

joint de prolungation des poutres de chaînage coupe en biais de connexion pièce de connexion entre deux poutres
entre poutres de chaînages de chaînage en correspondance de
perpendiculaires l’ouverture de la porte

faible espacement entre deux corps bâti différents

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale / ERZURUM 8/14

DiSpoSiTifS parTiculierS

angles / maçonnerie appareillé en angle biseauté avec angles / élément de contreventement intérieur en bois en
élément en biais de connexion entre chaînages extérieurs correspondance des chaînages horizontaux
perpendiculaires (rez-de-chaussée, façades sur rue)

Éléments verticaux de liaison entre chaînages /


parfois des éléments en bois relient différents
chaînages horizontaux entre eux.
Positionnement :
- double : intérieur et extérieur en
correspondance des ouvertures
- simple : sur le côté intérieur du mur avec
un remplissage en briques cuites ente les
poteaux, ensuite recouverts par l’enduit

défaillance aux angles / maintien en cas d’effondrement /


mauvaise connexion entre chaînages horizontaux les chaînages horizontaux empêchent l’écroulement
engendrant une perte de cohérence de la maçonnerie en de la partie supérieure en maçonnerie, évitant ainsi un
pierres et un effondrement des angles du bâtiment effondrement complet du mur et facilitant la réparation de
la partie endommagée

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale / ERZURUM 9/14

maçonnerie en briques
cuites /
La maçonnerie en briques
cuites est parfois employée
pour les étages supérieurs.

Les briques sont


appareillées en panneresse
et liées avec un mortier en
terre.

Les chaînages en bois


sont également utilisés et
les angles sont renforcés
avec des pierres de taille
disposées en harpage.

renforcements / parfois la toiture est ancrée aux renforcement / cheminées subdivision de la maçonnerie
chaînages inférieurs par des éléments verticaux en en briques cuites avec courts sous les ouvertures par des
bois chaînages horizontaux en éléments verticaux en bois
bois entre les chaînages

obServaTionS
Ces constructions sont présentes seulement dans le
quartier historique (datant d’environ 600 ans) de la
ville, qui en est la partie la plus dégradée. Un grand
nombre de maisons a été démoli pour laisser place
à des tours de logements en béton armé. La plupart
des constructions sont abandonnées et presque en
ruine ; celles encore habitées sont dans un état
très détérioré. Seulement quelques constructions
ont été restaurées par la Mairie et seront gardées
comme témoignage de l’architecture traditionnelle
locale. Les autres, surtout privées, seront au fur et
à mesure démolies.

Modifications :
- surélévation des combles avec maçonnerie en
blocs de ciment et une toiture en tôle à une pente
- ajout d’un étage en maçonnerie de briques cuites
ou blocs de ciment
- agrandissement des ouvertures avec interruption
des chaînages.

La fonction parasismique des hatıllar est bien


connue par les habitants mais ils ne sont pas repris
dans les constructions ou modifications récentes à
cause du coût élevé du bois.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale / VILLAGES 10/11

TORTUM remplissage /
mortier en terre entre lattis en bois

Éléments de cloison avec structure secondaire en bois et remplissage

remplissage /
mélange de pierres avec mortier
en terre entre branches écorcées

DEREKAPI

structure légère à l’étage /


ossature en bois avec lattis cloués et remplissage
en mortier en terre

dissociation structure mur-toiture /


les poteaux indépendants assurent le maintien
de la structure de toiture même en cas
d’effondrement du mur en maçonnerie

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale / VILLAGES 11/14

ÇAMLIYAMAÇ KÖYÜ

rez-de-chaussée en maçonnerie avec chaînages en bois,


étage en maçonnerie en pierre avec planches horizontales
en bois et angles renforcés par des poteaux et diagonales

chaînage constitué
par deux poutres
parallèles réliées
par des traverses.
En cas de défaillance
de la maçonnerie en
dessous il empêche
l’effondrement de
l’étage

connexion traverse-
poutre de chaînage

lattis cloués
remplis avec du
mortier en terre
et/ou chaux

rez-de-chaussée
en maçonnerie de
pierres
ètages légers en
ossature bois et
remplissage

lattis avec
remplissage
en pierres et
structure de la galerie / mortier de terre
assemblages avec entailles arrondies

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale / VILLAGES 12/14

YUSUFELI

assemblages / rez-de-chaussée en maçonnerie en pierre avec mortier en


entailles à mi-bois de connexion entre chaînages terre et chaînages horizontaux en bois
perpendiculiers et entre chaînages et traverses étage léger avec ossature en bois et remplissage en
maçonnerie de briques en terre crue

mur trumeau avec chaînage horizontal en bois

étages inférieurs en maçonnerie en pierre avec


chaînages en bois / étages supérieurs légers

assemblages / connexions entre chaînages perpendiculaires


avec prolongements améliorant la résistance à la traction maçonnerie en pierre sèche avec chaînage horizontal

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale / VILLAGES 13/14

OMANAGZI

charpente / tête de poteau avec élément de répartition


des charges et assemblage à mi-bois de prolungation
des poutres

structure primaire en maçonnerie en pierre avec mortier charpente / assemblage à mi-bois avec coupe en biais
en terre et charpente en bois permettant un meilleur liaison des poutres de chaînage

poutres horizontales en bois intégrées à la maçonnerie traverses de connexion entre poutres horizontales avec
en corréspondance des ouvertures, sans continuité sur le prolongement consolidant l’ancrage entre les éléments
pourtour du bâtiment

extension légère avec ossature bois, lattis cloués et maçonnerie en pierre avec rejointement en mortier en
remplissage en terre terre fibrée

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / région orientale 14/14

Références

COBURN, Andrew, SPENCE, Robin, BAYÜLKE, Nejat, et al., 1988. « Reducing Earthquake losses in Eastern
Turkey ». In : Proceedings. Tokyo-Kyoto : International Association for Earthquake Enginnering. p. 631-636.

KARPUZ, Haşim, 2005a. About Erzurum Houses. Selçuk University, Faculty of Applied Sciences & Literature.

KARPUZ, Haşim, 2005b. Wooden Houses of Anatolia: The Use of Timber Material in the Houses of Erzurum
and Konya. Selçuk University, Faculty of Applied Sciences & Literature.

SPENCE, Robin, COBURN, Andrew, 1987. Reducing earthquake losses in rural areas : A case study of Eastern
Turkey. Cambridge :The Martin Centre for Architectural and Urban Studies, University of Cambridge.

TURGUT, Hilal, YEŞIL, Pervin, ATABEYOĞLU, Ömer, et al., 2011. « Evaluation of the Current State of
Historical City Center of Erzurum and Production of Related Maps ». In : Artvin Çoruh Üniversitesi Orman
Fakültesi Dergisi. Vol. 11, n° 2, p. 30-42.

www.kultur.gov.tr
www.houshamadyan.org
www.erzurum-information.com
www.emsc-csem.org

Photo aerienne : GoogleEarth


Carte de la sismicité: European-Mediterranean Seismological Centre

Toute photographie a été prise par l’auteur

Cultures constructives vernaculaires et résilience


CRAterre

SYNTHÈSE DES OBSERVATIONS DE L’HABITAT VERNACULAIRE


Haïti_département du Sud-Est

Annalisa Caimi

Les informations suivantes découlent de visites effectuées avec les informations contenues dans les rapports des consultants
pendant 4 missions en Haïti, dans les zones de Grande Rivière, Misereor. Il ne s’agit donc pas de résultats découlant de la mise
Rivière Froide, Angibeau et Cajou, entre février 2011 et juin 2012. en place d’une analyse approfondie effectuée sur la base de la
méthodologie développée dans le cadre de la thèse.
Bien que ces visites n’aient pas eu comme objectif une analyse Le travail d’EPPMPH et le projet de reconstruction ne se limitent
en profondeur des cultures constructives locales (mais plutôt pas uniquement aux zones visitées. Pour cela les informations
une visite du programme de reconstruction post-séisme mené présentées ici de suite ne sont pas exhaustives par rapport aux
par l’organisation haïtiennes EPPMPH), certaines observations caractéristiques des constructions, aux pratiques et ressources
ont pu être effectuées au regard des caractéristiques des disponibles, mais elles permettent d’avoir un aperçu au regard
constructions locales. Ces données ont ensuite été complétées des pratiques constructives existantes.

© Google Earth

Sauf mention particulière, toutes les photos ont été prises par Annalisa Caimi. Les informations
dérivent en grande partie des observations effectuées par l’auteur lors de visite de terrain.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


PRATIQUES CONSTRUCTIVES LOCALES DANS LA ZONE DE TRAVAIL DE L’ORGANISATION
ENCADREMENTS DES PETITS PAYSANS DES MORNES ET PLAINES D’HAÏTI - EPPMPH

1. CONTEXTE

© Google Earth © Google Earth

2. HABITAT LOCAL

© Google Earth

Implantation

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Organisation de la parcelle

Typologies architecturales

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Typologies constructives

Cultures constructives vernaculaires et résilience


palmiste

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
tiwoch

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Pratiques parasinistres

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
Cultures constructives vernaculaires et résilience
Analyse des pratiques constructives locales
zones rurales de Procy, Bongars et Mahotière (Haïti)

Célinès Jean et St-Pierre Lerismé (GADRU)


mai - juillet 2012

© Caimi

Cultures constructives vernaculaires et résilience


NOTE D’INTRODUCTON
Les informations présentées dans cet extrait dérivent collectifs ainsi que des groupes focalisés, portant sur
d’une analyse de l’habitat effectuée par deux ingénieurs les caractéristiques de l’habitat local et les principaux
de l’organisation haïtienne GADRU, entre mai et juillet facteurs (pratiques, savoir-faire, ressources, etc.)
2012. influençant le processus de construction. Les outils
d’analyse (fiches d’analyse technique et détaillée, listes
Ce travail se situe dans une mise en perspective de questions, etc.) ont été traduits en créole pour faciliter
des expériences effectuées par le GADRU et trois les échanges et les données ont été collectées à partir
autres associations haïtiennes, membres de la PADED de la consultation de sources documentaires (rapports
(Plateforme d’Agroécologie et de Développement existants, diagnostics préalables, etc.), d’observations
Durable), dans le cadre de la réhabilitation suivant sur le terrain et d’échanges avec les représentants des
le séisme de 2010. Ces organisations sont engagées collectivités locales et la population (pour chaque zone
dans un programme, supporté techniquement et environ une cinquantaine de personnes correspondantes
financièrement par l’organisation allemande Misereor, à des profils très variés).
pour la reconstruction d’habitats selon une approche de
valorisation des cultures constructives et des ressources La partie qui suit a été extraite du rapport de synthèse
locales. En vue d’initiatives futures d’amélioration des élaboré par les deux ingénieurs. Les éléments présentés
conditions de vie et de réduction de la vulnérabilité des sont identiques à ceux reportés dans ce document, sauf
populations rurales, le GADRU a décidé d’acquérir des quelques ajustements au niveau de certaines expressions
compétences spécifiques à une analyse contextuelle créoles qui ont été rendues plus compréhensibles à
pour être en mesure de développer des approches et des des personnes ne connaissant pas cette langue. Des
solutions constructives cohérentes aux différentes zones illustrations d’un rapport effectué par un consultant
de travail. de Misereor, lors d’un précédant diagnostic, ont été
également intégrées en considération du fait que ce
En 2012, deux techniciens de cette organisation ont document a largement servi de référence au travail des
entrepris un apprentissage des outils méthodologiques techniciens et que les observantions qu’il contient ont été
élaborés dans le cadre de cette recherche en thèse. Ce conduites en collaboration avec le GADRU en relation à
processus s’est effectué de manière quasi autonome, des objectifs similaires.
avec un accompagnement ponctuel avant et après une
phase pilote d’expérimentation de la méthodologie La mise en place de ce travail au regard d’une analyse
comprenant des analyses dans trois différentes zones située de l’habitat local découle d’une collaboration entre
d’Haïti. Le travail conduit par les deux ingénieurs s’est le GADRU et le laboratoire CRAterre-ENSAG établie dans
basé sur quatre méthodes principales : des observations, le cadre du projet de recherche ReparH – Reconstruire
des visites accompagnées, des entretiens individuels et Parasinistre en Haïti.

Localisation des zones analysées

département: Nord-Ouest
zone : Mahotiere
localités: Kisa, Vye joupa, Nan Baie, Palmiste,
Chapino, Michel, Tante , Jaco

© Cauderay

département: Ouest département: Ouest


zone : Procy zone : Bongars
localités: Clémenceau, Chauffard, Guiotte, Barre, localités: Platon, La Hate, Soufrance, Bolosse,
Platon fete, Lespere, Bandaou, Macon Plezi

© Caimi © Caimi

Cultures constructives vernaculaires et résilience


1. Présentation de Procy

La 7ème section communale de Procy est une entité rurale La température oscille entre les 12 et 14°C au cours
de la commune de Carrefour située dans le département de l’année. Les différences ne résident pas seulement
de l’Ouest. La section de Procy est à 16 km de la commune au niveau du climat, mais aussi dans les modes de
de Kenscoff, pour arriver en voiture il faut environ une productions agricoles et la typologie de l’habitat. La
heure de temps. Elle est délimitée au Nord par la section plupart des localités de la zone ne sont accessibles qu’à
de l’Etang du Jonc, au sud par la section Berly, à l’Est par pied : de Belot à Clémenceau et Chauffard on peut arriver
La section Bongars et à l’Ouest par la section Laval. Sa en voiture 4x4 tandis qu’aux autres hameaux on y accède
superficie est estimée à 15,23km². Elle a une population uniquement à pied pour y accéder. La localité la plus
de plus de 4.000 habitants qui se répartissent dans 15 reculée est Bandaou.
hameaux et 22 localités. Le relief de Procy est caractérisé
par une étendue échelonnée qui s’étale entre Belot (à
1800 m d’altitude), Clémenceau (1600 m), Platon Fétè
(1350 m) et Lespère Bandaou (1200 m).

© Hosta

2. Construction à Procy

2.1. Typologies d’habitat


L’habitat est très dispersé et réparti entre les terres Ce compromis entre la masse (une hauteur stable
cultivées. Les fortes pentes obligent les habitants à créer sans chaînage) au sol et l’ossature (réduite au niveau
des terrasses pour les constructions et la cour et des supérieur) en partie haute semble une réponse aux
sillons profonds suivant les courbes de niveau pour les risques sismiques et cycloniques.
cultures. Presque toutes les maisons sont réalisées avec
des matériaux disponibles localement. Les rares maisons construites en blocs de ciment,
Elles n’ont pas de galerie et ni de barrière, pour clôturer poteaux voire chaînage en béton de ciment se situent
la cour on utilise deux bois croises devant l’entrée. dans les zones les plus proches de la piste. La qualité
De manière générale, les habitations ont les suivantes du sable (incompatible avec le ciment), les « économies
caractéristiques : » faites sur les armatures métalliques, et les erreurs de
- un soubassement à mi-hauteur du mur en maçonnerie construction ont eu des conséquences graves (souvent
de pierre ; irréparables) sur les maisons construites en bétons.
- la structure se compose de poteaux en bois enfoncés Les habitations sont orientées vers le nord pour se
dans le sol pour une profondeur de 50 cm ; protéger du vent et de la pluie qui, en période cyclonique,
- la maçonnerie ne connaît pas d’appareillage ; proviennent du sud et sud-est. Elles sont généralement
- les toitures à quatre (4) pentes sont en tôle ; entourés par des arbres et aucune source d’eau n’est
- la clôture de la structure est réalisée avec des présente en proximité, ni aucun système de drainage
panneaux en clissage avec enduit ou en pierres. n’est utilisé.
- la structure des maisons en bois n’est pas ancrée dans
le sol. Trois typologies principales ont été identifiées dans
- les proportions entre la base massive et le haut des murs l’habitat analysé.
en remplissage (pierre ou clissage), sont intéressantes
et l’architecture résultante -littéralement- ancrée dans
le paysage remarquable.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


TYPOLOGIE 1
Les habitations ont une surface d’environ 24m² et elles se composent
de deux grandes pièces, l’une utilisée comme chambre à coucher, l’autre
comme salon. Des bâtiments annexes complètent l’équipement de la
parcelle : une petite cuisine en clissage sans enduit, une toilette en tôle
pour faire les besoins physiologiques. Il n’y a pas de source d’eau ni de
drainage.
La structure est en poteaux en bois avec un demi mur en pierre et la partie
supérieure en clissage avec enduit en ciment d’une épaisseur de 10 cm.
La toiture est à quatre pentes et les ouvertures sont placées aux angles
du bâtiment.
Un détail à caractère paracyclonique est constitué par un morceau de
planche chantourné placé au-dessus des fenêtres et des portes pour la
ventilation des pièces.
Les habitations correspondantes à cette typologie ont une durée de vie
moyenne d’environ 46 ans. Une maison analysée a été construite en 1967.

TYPOLOGIE 2
Les habitations ont une surface de 38.5m² et se composent
de deux grandes pièces et deux petites pièces : 2 utilisée
comme chambres à coucher, une comme dépôt et l’autre
comme salon. En outre, sur la parcelle on retrouve une
petite cuisine en clissage sans enduit et une toilette.
La structure est en poteaux en bois avec un demi mur
en pierre et la partie supérieure en clissage avec enduit
en ciment d’une épaisseur de 10 cm. La toiture est à
quatre pentes et les ouvertures sont placées aux angles
du bâtiment. La toiture est à deux pentes avec un
débordement vers la gauche.
Ces constructions ont une durée de vie moyenne de 42
ans. Le cas analysé a été construit en 1971.

© Hosta

Cultures constructives vernaculaires et résilience


TYPOLOGIE 3
Les habitations correspondantes à cette typologie ont
une surface de 18m² et se composent de deux pièces
: l’une située à l’avant de la maison est utilisée comme
salon et l’autre à l’arrière comme a fonction de chambre
à coucher. Une petite cuisine en paille et une toilette
précaire complètent l’équipement de la parcelle.
La toiture est à deux pentes, la structure porteuse en
poteaux en bois clôturés avec des panneaux en clissage
avec un enduit en terre de l’épaisseur environ 10cm ; les
fenêtres sont placées dans les angles.
La durée de vie de ce type de construction est en moyenne
de 28 ans. Toutefois le cas analysé a été construit en
1985.

2.2. L’organisation des parcelles construites


Sur une parcelle habitée, on retrouve régulièrement,
implantés autours d’une cour :
- 1 maison par noyau familial (par exemple 2 générations
= 2 maisons)
- 1 cuisine : construction légère ventilée (bardage,
clissage simple, tôles non jointives. Foyer 3 pierres,
les femmes cuisinant près du sol sur un petite chaise,
cuisson au bois (souvent vert) produisant beaucoup de
fumée (non canalisée).
- 1 dépôt (parfois seulement) : construction légère en
bois avec bardage ou clissage et toiture à 1 seul pan.

La cuisine et le dépôt sont toujours détachés de la maison,


elles sont généralement en tôle.

Très peu de maisons sont équipées de toilettes. Quand


c’est le cas c’est un trou profond avec un siège maçonné
ou un trou positionnés sur un glacis de ciment, sous un
abri rudimentaire placé à bonne distance de la maison.

Il n’y a pas de citernes, l’eau de pluie est récoltée de


la toiture (tôle pliée, bambou, etc.) et stockée dans de
grands tonneaux en plastiques (drum).

Les animaux sont autours de la maison, les poules installées


dans des maisons-panier suspendues (ou dans la maison),
les cochons attachés un peu plus loin.

Organisation de la parcelle © Hosta

Cultures constructives vernaculaires et résilience


3. Les principes de construction

3.1. Processus de construction


Il faut compter plusieurs années (3 à 5 ans) pour qu’une La construction d’une extension est un fait exceptionnel
famille réussisse à construire une maison. Avant de (le cas pour 1 des 50 maisons visitées). Les habitants
réaliser une habitation en roche, on construit une petite n’ont pas l’habitude d’agrandir leur maison mais plutôt
maison en clissage sans enduit. Certaines familles d’en faire une nouvelle, le concept d’agrandir ne rentre
commencent à habiter une maison qu’une fois celle-ci pas dans leurs coutumes. L’ancienne maison est utilisée
terminée. comme dépôt. Les personnes interviewées ont affirmé ne
pas vouloir l’agrandir ni démolir, parce que elle est pour
Dans le passé les toitures étaient en paille : en raison les grands parents.
de leur dégradation et endommagement, elles ont été
remplacées par des couvertures en tôle. Autrefois tous
les murs étaient en clissage, bien que sur place l’on 3.2. Savoir faire
dispose de beaucoup pierres. • Contreventement dans certaine maison
• Panneaux en clissage, en pierre et mortier
La construction commence par une structure en bois, • Toiture à quatre pentes
plantée dans le sol, clôturée par des panneaux en clissage.
Puis la base des murs est maçonnée avec des pierres En général en saison sèche (avril-mai) les paysans ne
autours des poteaux, jusqu’à la moitié de la hauteur des travaillent presque pas, en raison du manque d’eau ;
murs (ce muret est ici appelé demi mur), sur une hauteur ils s’adonnent de préférence à l’agriculture en saison
allant d’1m à 1.4m. Le haut des murs est en clissage, pluvieuse. Dès le début de la période sèche, ils commencent
sur une épaisseur d’environ 10cm. Certaines maisons à rassembler les matériaux pour la construction et puis
présentent des murs complètement en maçonnerie de passent à la préparation des sites. La construction se fait
pierre, qui n’ont pas résisté au séisme (le seul cas de par étape suivant les moyens de chacun.
blessure relevé est dû à l’effondrement d’un mur pendant
la fuite des habitants lors du séisme).

3.3. Etapes principales 3.6. Coût de la construction


1- On fait appelle à un artisan présent dans la zone, même Les habitants interrogés ne se rappellent pas de la
si pas très qualifié. Les accords entre propriétaire et somme investie dans pour la construction de leur maison,
artisan se font a par entente verbale. étant donné qu’elle s’est effectuée par étapes s’étalant
2- L’implantation de la structure avec les gros madriers sur plusieurs années. Toutefois, selon les réponses
qu’on appelle poteaux est réalisée en premier ; des personnes interviewées dans le passé une maison
ensuite on réalise une ceinture haute pour préparer s’évaluait entre 20 et 50 mille gourdes.
la base de la toiture qui va être couverte en tôle.
3- Des trous d’une profondeur de 20cm sont réalisés pour Budget pour une maison 40m2 :
les poteaux qu’on stabilise avec un soubassement Les parties les plus coûteuses de cette maison sont:
en pierres maçonnées avec du sable de mauvaise 1. Toiture : 50 tôles @ 75gdes =3750gdes
qualité et du ciment. L’autre demi mur qu’on appelle 2. Ossature en bois :
panneaux se fait en clissage très serres et il est enduit 80 sacs ciment @ 100gdes =8000gdes
avec un mortier en ciment. 3. Forme de kombite (ronn) :
4- Un macadam ciré est coulé et les fenêtre et les portes 8ronn (25pers@25gdes) =5000gdes
en planche sont fabriquées et mises en place par un 4. M.O pour les artisans :
charpentier. Maçons et Charpentes = 25000 gdes

Total = 41750 gourdes

3.4. Durée de vie des maisons


Les maisons visites sont construites vers les années 50 a
60, c’est-à-dire elles ont entre 62 à 52 ans 3.7. Financement
Les propriétaires réalisent leurs maisons en les finançant
par leurs propres fonds ou ils se font aider par des parents.
Selon leur dire, la toiture, la structure en ossature et la
3.5. Régime foncier main d’oeuvre sont les éléments les plus coûteuses. Pour
La majorité des terres que possèdent les paysans sont pouvoir réduire les coûts de construction, les paysans
des terres d’héritage et la quantité ne dépasse pas 5 s’organisent souvent en kombite qu’on appelle (ronn).
centièmes.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


3.8. Ressources naturelles disponibles
Pierres : très abondantes sur les localités visitées, avec Le bois dans la construction
des carrières potentielles : les ravines. Toutes les maisons comptent des éléments en bois, alors
Sable : il est très difficile de trouver du sable propre (on que c’est une ressource de plus en plus rare et chère
trouve des terres sableuses tout au mieux). La pour les habitants de la zone. Le bois utilisé est local mais
mauvaise qualité des blocs de béton de ciment, est souvent attaqué par les termites (« pou de bwa »)
ou autres poteaux/poutres en béton est en bonne parce que pas traité. La protection traditionnelle consiste
partie due à la qualité des sables utilisés. couper à la bonne lune les arbres et à délarder le bois
Terres : celles testées sont appropriées pour la préparation (des poteaux par exemple) à la machette ce qui fermerait
des mortiers de pose de la maçonnerie et des la surface du bois (alors que la découpe à la scie ouvre les
enduits. fibres en surface).
Bambou : variétés à identifier (peut être Olyra latifolia
et/ou Bambusa vulgaris) mais celui existant Essences les plus courantes :
présent un bon diamètre et une bonne épaisseur Structure (bois dur) : kanpèch (Hæmatoxylum
des parois et il est disponible en quantité sur la campechianum L), rijol, cedre, fresne, pini menuiseries,
zone. Des connaissances locales sur la coupe et manguier
le séchage traditionnel du bambou existent, bien Clissage : palmiste, sucrin ou bambou (plus rarement)
qu’il soit utilisé principalement pour les travaux pour le lattis, café ou sucrin pour les buttées.
agricoles (tuteurs pour la culture de l’igname) ou
pour des petites constructions (tonnelles devant
les maisons, clôtures, etc.).
Palmiste (bois de palmier) : disponible sur les hameaux
visités, utilisé couramment pour le clissage voire
pour le bardage (surtout de cuisines ou dépôts).
Toutefois, pas tout le monde en possède et il doit
parfois être acheté.
Aiguilles de pins ou pit (Agave rigida Mill) : présents sur
les zones visitées ou à distance accessible, en
bonne quantité Les groupes socio-professionnels à Procy sur les 50
interviewés : 50 Cultivateurs et éleveurs d’animaux,
On trouve également certaines graminées couramment 3 Scieurs de bois, 6 Charpentiers, 37 Boss maçon, 28
utilisées : vètivè (Vetiveria zizanioides), zèb guiné Revendeurs
(Panicum maximum Jacq.), etc.

4. Aléas naturels et risque locaux 5. Considérations de synthèse

Les déformations observées sur les maisons montrent Points forts


que l’eau de pluie et le vent enlèvent les enduits des - Toiture en quatre pentes.
panneaux clissés, les poteaux ancrés dans la terre et - Ouverture en dessus des fenêtres et des portes.
pris dans la maçonnerie de pierre empêchent le bon - Débordement dans les toitures
appareillage des pierres créant des faiblesses dans la - Panneaux maçonnés
maçonnerie ; et cela en particulier dans les parties les - Contreventement dans certaine maison.
plus sollicitées en cas de séisme. Les fenêtres placées
dans les angles créent une faiblesse dans la structure, Points faibles
de plus les poteaux sont attaqués systématiquement par - Poteaux implantés directement dans le sol
les termites, et pourrissent à cause de l’humidité du sol. - Fenêtres placées dans les angles
La dégradation des poteaux est également due à la quasi - Pierres posées verticalement
absence de fondations ou à leur mise à nu par les eaux de
ruissellement qui creusent la base des maisons.

Manque d’eau potable, mais également manque d’eau pour


les travaux domestiques et agricoles. Il faut compter 2 à 3
heures de marche quotidienne pour l’approvisionnement
de base d’une famille dans une grande partie de la zone.
Ce problème risque d’être un facteur limitant pour la
construction (surtout pour la préparation des mortiers).
Le stockage de l’eau n’est pas non plus facile en période
de pluie, faute de gouttière et de réservoir.

Les risques majeurs sont évidemment les tremblements


de terre et les cyclones. La zone est touchée chaque
année par des tempêtes tropicales,

le dernier gros cyclone remontant à 6 ans. Le séisme du


12 janvier a causé de nombreux dégâts, mais assez peu
de blessées. Plusieurs maisons ont été reconstruites en
tôle (parois et toiture) ou en clissage (non enduit).

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
CRAterre International Centre for Earth Construction

Report on field visit


Construction of Pilot Low Cost Houses (LCH) Project for the
Disaster Affected Families of Bangladesh

Annalisa Caimi
January 2012

CRAterre project reference n° BDG006

Cultures constructives vernaculaires et résilience


NOTE D’INTRODUCTION
Les éléments présentés ici de suite font partie d’un rapport zone, elles comprennent la réalisation de 4 prototypes
concernant l’analyse des cultures constructives locales en montrant des améliorations pouvant être intégrées de
trois différentes régions du Bangladesh. manière préventive aux habitats existants ainsi que des
principes pour la reconstruction post-catastrophe.
Ces analyses ont été conduites dans le cadre du
programme Construction of Pilot Low Cost Houses (LCH) L’extrait est dans le format et la langue (anglais) originals
Project for the Disaster Affected Families of Bangladesh du rapport.
(2011-2014) mené conjointement par Caritas Bangladesh, Aux éléments découlant des analyses, certaines
le département d’ingénierie de la Bangladesh University particularités des propositions techniques qui en sont
of Engineering and Technology et le CRAterre-ENSAG. découlée sont présentées en conclusion. Pour des
Il prévoit l’élaboration de propositions techniques et informations plus approfondies au regard du projet et de
méthodologiques pour la préparation et la réponse aux son historique, du processus d’analyse et de formation
crises, différenciées et spécifiques aux caractéristiques de du personnel de Caritas Bangladesh ainsi que des autres
chaque région de travail (cf. annexe 1.1). régions analysées se référer aux documents suivants :

Les analyses effectuées ont visé à établir un état des lieux CAIMI, Annalisa, 2011. Construction of Pilot Low Cost
des caractéristiques, forces et faiblesses de l’habitat local Houses (LCH) Project for the Disaster Affected Families of
ainsi que des divers facteurs (ressources, compétences, Bangladesh. Survey of Local Building Practices. Dhaka :
risques, etc.) influençant les pratiques et les solutions CRAterre-ENSAG.
constructives adoptées par la population. Elles ont été
réalisées en six régions différentes sur la base de la CAIMI, Annalisa, 2012. Construction of Pilot Low Cost
méthodologie élaborée dans le cadre de cette recherche Houses (LCH) Project for the Disaster Affected families
de thèse. of Bangladesh. Rapport de mission. Dhaka : CRAterre-
La première année de projet, ce travail a concerné ENSAG.
trois régions (Chittagong, Rajshahi, Dinajpur) et a vu
l’implication des représentants de chaque organisme CARITAS BANGLADESH, 2011. Project Proposal on
partenaire du programme ; cela en vue d’une appropriation Construction of Pilot Low Cost Houses (LCH) Project for
de l’approche méthodologique de la part des acteurs the Disaster Affected Families of Bangladesh. Dhaka :
locaux ainsi qu’une adaptation des outils d’analyse au Disaster Management and Development Department,
contexte et compétences existantes. L’extrait ci-dessous Caritas Bangladesh.
présente certains des résultats de cette première phase. À
partir de la deuxième année de projet, les analyses ont été MOLES, Olivier, 2013. Construction of pilot Low Cost Houses
conduites dans trois autres régions (Mymensingh, Sylhet, (LCH) Project for the Disaster Families of Bangladesh.
Khulna) de manière autonome par le personnel de Caritas Rapport de mission. Grenoble : CRAterre-ENSAG.
Bangladesh. Simultanément, des propositions techniques
ont été effectuées pour les régions de la première année à Sauf mention particulière, toute photo a été prise par A.
travers un processus fortement participatif ; pour chaque Caimi.

Zones analysées et phasage

Dinajpur_Gaibandha Sylhet_Kanaighat
Mymensingh_Dhobaura
Rajshahi_Porsha

Khulna_Assassuni Chittagong_Bandarban

Barisal_Kuakata

phase pilote (2009-2010)


2011-2012 2012-2013

Cultures constructives vernaculaires et résilience


diversité de l’habitat
analysé dans les
différentes régions

Dinajpur Mymensingh

Rajshahi Sylhet

Khulna Barisal Chittagong

region 3
Dinajpur Division_Gaibandha District

Cultures constructives vernaculaires et résilience


context

SOCIO-ECONOMIC
PROFILE

Population
The local community is
divided between people living
in the countryside (settled
people) and those installed
on the old embankment
(displaced every 5-7 years)

Main activities
agriculture labours, farmers
or daily labours

Gaibandha District ©Wikipedia

LOCAL RISKS
Floods River banks erosion
- annual floods: during rainy season, - every 5 years the embankment is
water level: house plinth destroyed
- regular floods: water level: 70-90cm, - continuous change of river path: the
every 2-3 years existing embankment is perpendicular
- extraordinary floods: water level 40- to the current river path
50cm, but sometimes upto
1.70m (1998, 2007) Strong winds
- sometimes with strong current - seasonal: months of April-May
(overflow or breaking of - cyclones: every 3 years
the embankment) - tornados: rare, once every 30 years
Gaibandha - local knowledge for flood prediction: (last time in 2007)
- observation of the river after some
days of rain Earthquakes
- behaviour of animals - medium risk
- ants come out from the ground - not reported by the population
and go up
- twhen kukua birds sing louder,
Gaibandha and the surveyed area
©GoogleEarth flood will comes shortly Cold waves

site

Upazila Sadar
Union Gidari
Ward 6

zone rural
morphology
flat land on the banks of
Jamuna river

access
45min by car from Gaibandha,
unpaved road

settlement implantation
site
- area protected by the
embankment (South Gidari)
- on top and on the sides of
the old embankment (Thakur
Vita)
facilities
2 primary schools
1 maternity clinic

protection from local risks ©GoogleEarth

- floods: none or homesteads


on a raised mound
- river banks erosion: none Thakur Vita
South Gidari
- strong winds: trees around
the house

households 178
enlarged families
family sizes:
- small: 3-4 p
- medium: 5-6 p
- large: 7-8 p

Cultures constructives vernaculaires et résilience


housing typologies

In the area protected by the embankment,


the land is property of the people who live
on it. Habitats comprise houses of various
members of the same family and are
sometimes separated by agricultural land.
People living on the embankment don’t
own any land (government ownership). The
houses are very close, leaving little free
space.

The house is generally southwest facing


for more light and air, but sometimes the
orientation changes depending on the
particular situation of the house.
For exemple, a house that is directly
exposed to the wind coming from the river,
will be oriented with the short side oriented
perpendicular to wind direction.

Housing typology is the same for both


groups: rectangular plan with the entrance
placed on the longest side. Usually the
house consists of only one piece (80% of the
houses), very few have 2 rooms (20%).

The kitchen is placed outside, in front of the


house and sometimes it is sheltered by a
bamboo and palm leaves structure.
Inside the house, a platform occupies one of
the short sides; it is used to store the crops
and as shelter during floods.

Animals are kept inside the house, in the


same room as the people or in a separate
room accessible from the inside and outside
the home.

No house has a veranda.

housing typologies

House in protected area (countryside)


Dimensions: 8.5x6m
Room height: 2.4m

Houses on the embankement


Dimensions: 5x3m
Room height: 1.8m

Cultures constructives vernaculaires et résilience


construction features

FOUNDATIONS/PLINTH

- no foundation
- the compressed earth plinth is built after the setting of the posts
- plinth height: 0-20cm for houses on the embankment, 20-50cm
for the houses on the countryside
- any drainage is done around the house

The plinth has a convex shape to Water level for


facilitate the setting of the mud regular floods
mixture creating a sacrificial mass (every 2-3 years)

Degradation caused by water erosion, Sometimes empty bags are used as


insects, and lack of maintenance protection against erosion

construction features

LOAD BEARING STRUCTURE

- bamboo or wooden posts directly driven into the ground


- structural grid:
bamboo posts: 50cm
wooden posts: 80-120cm
- no bracing is used
- damage at the base of the posts due to insects
- in case of flood with strong current, posts damaged by insects at
the bottom part may break, causing partial or total collapse of the Mixed structure: concrete posts for the main structure and bamboo and/or wooden
house posts for the secondary structure

Joints
- often any type of bonding is done to connect structural members
- when a connection system is used: bamboo or jute ropes, iron wire
or nails
- to extend beams length sometimes metal plates are used
- on the top of RCC posts metal rods are provided as hooks to fix the
wall plate
- bonding with jute ropes allows for quick disassembly and
reassembly of the house On the top of bamboo posts a special carving is used for better fixing of the beam.
Special carvings are also done for bamboo beams and wooden posts connection.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


construction features

ROOF

- 4 slopes roof (improved wind and rain protection)


- sometimes 1 or 2 slopes roof is done, but there is water penetration
problems from the gable
- bamboo and/or wooden structure
- CGI sheets (fixed with screws) and rarely thatch (rice) covering
- eaves: 45cm

4 slopes roof: in the corner wooden rafters are used to improve wind resistance,
others rafters are in bamboo (reduction of the overall cost)

4 slopes roof: ridge piece with pointed shape to break the wind flow

construction features

FENCES

Two types of fences:


- CGI sheets:
- fences nailed to the posts and to a secondary inner wooden
structure
- very bad thermal insulation capacity
- jute sticks fences:
- fences tied to the bamboo primary structure and to bamboo
horizontal stiffeners
- double fences at bottom part of the outer side of the fences
(improved rain protection and repairing cost reduction)
- good thermal insulation Due to the limited length of the CGI sheets, jute sticks or A CGI sheet or plastic
bamboo woven fences are placed on the top of the wall piece placed between
- sometimes plastic sheets are used on the inner side of the the nail and the CGI
(40cm) to get a greater height and to improve ventilation
fence (water penetration protection) of rooms sheet fence prevents
rusting
Other types of fences:
- instead of jute sticks fences, Kasia/Bati (kind of grass) is
sometimes used
- bamboo fences are rarely used; when it happens they are
used mainly for the upper part of the wall

During floods all types of fences are damaged, except CGI sheets.

A gap (2.5-5cm) is left between the mud plinth and the fences to protect them
from humidity and insects

Cultures constructives vernaculaires et résilience


construction features

OUVERTURES
OPENINGS CEILING

For houses on the embankment, any window is generally provided. Generally no ceiling is provided. When provided, ceiling is made with
People have to shift periodically so that they don’t invest in openings. woven bamboo fences horizontally placed on the top of the posts.

On the countryside, houses have generally 1 or 2 windows per room. The interior and exterior space under the roof is used for storage
Usually they are cut in the CGI sheet or jute stick fences and of materials.
sometimes they have a wooden frame.

Under the door frame there is a gap, sometimes some bricks support
the frame.

coping strategies

- People living on the embankment are cyclically forced to move due


to river banks erosion and floods. When their house is threatened,
people dismantle the house by parts and displace it, by foot or by
boat, in a safer place (inland).

- In every house there is a bamboo platform (machan) elevated


at 70-90cm from the ground, with walls (and sometimes ceiling)
made with woven bamboo fences and a small window.
- All the furniture is raised with some bricks at a level slightly higher
than the annual flood level.

- During floods:
If the family has no animals, people stay in the house and when
the water begins to enter inside the house, they move on the
embankment. They borrow CGI sheets from other people or they
used materials from the dismanteled house to build a temporary
shelter where they live for 2-3 months.
If the family has animals, people stay in the machan keeping the
lights on and without sleeping for fear of snakes. When the water
reaches the platform, they make rafts with banana trunks and they
install the animals on that.

- After tornadoes, the materials of the destroyed houses are reused.

©Nypost.com

Cultures constructives vernaculaires et résilience


building process

Construction season: November - March (dry season)

Time required to build a house:


7-8 days if all materials have been collected

Main problems in the construction:


- small size of the plot
- poor quality of materials
- materials and labour costs

Artisans are chosen on acquaintance, proximity, low rate and


quality of work criteria.
They work mainly on contract basis and the overall labour
cost is fixed in relation to the size of the house.
They don’t do a follow up of the constructions, but if there
is any problem within a years from construction, they will
repair it out of cost.

Sometimes to reduce costs, the owner and his family are


involved in the construction as unskilled labor.

The most expensive parts of the house are fences, windows


and doors.

maintenance

Mud plinth: every 5-7 days, task done by women

Bamboo structure:
- posts have to be changed every 2 years for damages due to insects in the
lower part in contact with the ground
- beams are not affected by insects and may have a lifespan superior to 10
years
- the damaged part of the posts is cut down and the rest of the post is reused
for other smaller constructions (kitchen)
- the new posts are cut by an artisan and installed by the owner repacking
the mud of the plinth
- Katla (RCC base) under wooden post increase timber lifespan of about 10
times, but it is generally not used due to its cost
- alternative solution to RCC base: PVC pipe filled with cement (solution seen
by a villager in the Dhaka district, but not reproduced in the village)

Fences:
- jute stick fences: to be changed every year
- bamboo woven fences:
lifespan: from 2 years (if in contact with water) to 7 years (if not in contact
with water)
more costly than CGI sheet due to the amount of work required for the
manufacture.

The damaged parts (posts and fences) are changed before the rainy season
to prevent them from breaking during floods.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


building materials

Bamboo Wood
2 species: Species and treatment:
Makhla: dia 4cm - Eucalyptus and shishu: soaking in the
wall thickness 0.6-1cm water (10-30 days) and drying in the
used for fences sun (5-8 days)
Borak: dia 8cm - Neem and mango tree: no treatement
wall thickness 1.5cm
used for main structure RCC pillars
Treatement: - produced by an artisan of the village
- cutting when bamboo is mature - posts and metal rods dimensions:
(3 years old) 10x10cm – 8mm
- soaking in the water (10 days) 13x13cm – 10mm
- drying in the sun (15 days) - set 60 cm into the ground

Provenance of construction materials


Bamboo: countryside houses have private plantation.
Preservation
People living on the embankment purchase it on the local
- Sometimes crude oil is
market or from other villagers
applied on wooden elements
Wood: local market (Kamarjani)
(protection from insects)
Jute: village
CGI sheet: sub-district market (Dariapur)
- Bitumen is used on the
RCC pillars: village
bottom part of CGI sheet
fences to improve resistance
Materials are generally purchased in the dry season and transported by
to rust and humidity
cycle-rickshaw, cart, van or boat.
degradation

skills for construction

Mud plinth: generally made by the house Cost of materials


owner with the help of some labours (family Bamboo:
members, relatives or other persons). Borak : 200-250 BDT
Makhla: 100-150 BDT
Jute sticks or bamboo woven fences: usually Eucalyptus: 400-450 BDT
made by a group of specialized artisans, but Jute sticks: 12-15 BDT per bundles
sometimes by the house owner himself. Kasia/Bati: 2.00-2.50 per bundles
RCC pillars (3m): 80 BDT per hand
Roof and main structure:built by a carpenter.
Artisans and labour cost
All carpenters, masons and fences artisans - carpenters : 22 persons 300 BDT/day
acquire their skills by working with a more - masons: 6 person 300-350 BDT/day
experienced artisan. No training center is - fence artisans: 12 persons in the Ward 200BDT/day
available nearby the village. - RCC artisan: 1 person 300 BDT/day Costs of existing houses

Cultures constructives vernaculaires et résilience


first elements for pilot houses design

ELEMENTS TO CONSIDER

Architectural typology
2 pilot house types according to local machan (to be built by the house
situation: owner)
Dimensions: 7.2x3m
Type 1: for settled people (countryside) (according to avarage existing size) possible machan main room secondary
extension room

Type 2: 1 for people who live on the Main room:


embankment and have periodically 4.8x3m
to move Secondary room: 2.4x3m
Cost Room height:
Size: 2 rooms with enough space for a 2.4m : 40000-60000 BDT per house
Budget possible
extension

Construction features
Foundations/plinth Roof Openings
- mud plinth: height 45-60cm (according to - 4 slopes roof - one entrance door and one inside door to
plot situation) - wooden rafters at the corners and connect rooms
- RCC base for bamboo posts with metal plate intermediary bamboo rafters - 1 window per room, in front of the door to
for connexion inside the bamboo post to - wooden purlings allow crossed ventilation
prevent rust - covering: CGI sheets and ridge piece with
- drainage around the house pointed shape to break the wind Ceiling
- bamboo woven fences horizontally placed
Load bearing structure Fences (storage space and thermal insulation)
Type 1 : - jute sticks, Kasia/Bati or Makhla bamboo
- RCC pillars at the corners and secondary fences Other
bamboo posts with bracing - fences divided into 2 parts to reduce - Treatment:
maintenance cost Bamboo: borax and boric acid (to be verified
Type 2 : - gap between plinth and fence to reduce in relation to local availability of
- bamboo posts fence damages materials)
- connections allowing for quick dismantling/ Jute sticks and kasia/bati (solution to be
reassembly and reuse of the construction found)
elements
- bracing

first results after one year

Implemented LCH models

4 houses have been built (2 for settled people/countryside + 2 for


displaced people/riverside), including one room with machan (platform),
latrine and improved woven. Expected lifespan is about 20-30 years
and cost between 77’000 BDT (riverside) and 90’000 BDT (countryside)
including materials, labour and facilities.

Before to start the construction some activities have been implemented to


come to a consensus with the community on programme implementation,
technical aspects and beneficiaries selection as well as to enhance the
support from the community and to improve local artisans’ know-how, countryside/house model riverside/house model
including the creation of project committee and training of local artisans.

Firstly, one house for each model has been built and after feedbacks from
community and artisans and modification of the technical features, the
second house of each model has been constructed.

Improvements of existing building practices

• plinth:
- 2 to 4 steps to protect from erosion and allow for easier repair 1 - inside: RCC posts and secondary bamboo posts
- smooth slope of the plinth steps to improve water evacuation 2 - inside: machan built by the house owner
3 - 3 parts fence with open bamboo for corner protection
4 - three-dimensional corner bracing (upper element covered by ceiling)
• foundations: different types have been tested
- polyethylene sheet up to 1’ from plinth level
- RCC round base for bamboo posts: connexion is done using metal
straps or metal pipe inside the bamboo

• structure: Y bracing in the corners

• roof: extended eaves to protect from rain

• fences divided in 3 parts to reduce maintenance costs and treatement


on the rain exposed side:
1 - mud plinth with steps against water erosion
- thin CGI fences on timber secondary structure for the lower part 2 - gap between plinth and fence
- thick bamboo mat on bamboo secondary structure for the middle part 3 & 4 - different types of posts and base protection: RCC posts, bamboo posts: coal tar,
- thin bamboo mat on bamboo secondary structure for upper part RCC base, polyethylene sheet

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
A.3.1. Systèmes porteurs ponctuels
 Indonésie : île de Nias
 Haïti : klissage, palmiste, tiwoch
 Turquie : hımış, bağdadi
 Italie : casa baraccata – casa intelaiata
 Portugal : Gaiola Pombalino
 Grèce : île de Lefkafa
 Afghanistan : Nuristan
 Iran : Gilân

A.3.2. Systèmes porteurs continus


 Turquie : hatıl
 Algérie : casbah
 Grèce : habitations tours
 Inde : kothi banal – kath khuni
 Pakistan : cator and cribbage

A.3.3. Entre ponctuel et continu : synthèse des systèmes constructifs traités

A.3.4. Liste générale par typologie

A.3.5. Tableau récapitulatif par zone géographique

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Lors de du travail relatif à une classification typologique
des systèmes constructifs présents dans les architectures
vernaculaires existantes en plusieurs zones sismique, des
approfondissements de certains cas ont été effectués. Ceux-
ci se réfèrent à des exemples qui, par leurs caractéristiques
constructives, sont particulièrement représentatifs des
typologies identifiées et ils sont présentés à travers des
fiches synthétisant les informations recueillies à leur égard.

Les éléments inclus dans cette partie comprennent une


récapitulation par zone géographique et par typologie
de l’ensemble des cas ayant supporté la définition des
différentes catégories typologiques ainsi que le 13 fiches
d’approfondissements relatives aux systèmes porteurs
ponctuels et continus.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


klissage, palmiste, tiwch hımış, bağdadi casa baraccata –
casa intelaiata

Gaiola Pombalino

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
NIAS
Typologie Structure tripartite et surélevée avec contreventements diagonaux

Pays Indonésie

Localisation géographique
île de Nias

Sismicité
récurrence : élevée
intensité : élevée

©USGS ©USGS ©Koji Sato


©Google Earth

1. Contexte

L’île de Nias se situe dans une région hautement sismique, en par rapport à la route principale. Ces constructions se caractérisent
correspondance d’une zone de subduction formée par la collision de par un plan à forme ovale, soutenu par une structure orthogonale
deux plaques tectoniques. Ces mouvements géologiques causent composée de plusieurs rangées de poteaux verticaux et des
des séismes particulièrement puissants (M majeure à 8), avec une contreventements diagonaux disposés en croix. La façade est
période de retour allant de 100 à 200 ans, auxquels s’accompagnent continue, sans une hiérarchisation effective, et elle est réalisée avec
des fréquents phénomènes intermédiaires de magnitude plus des cloisons en bois à mi-hauteur avec une ouverture dans la partie
réduite (BEETHAM, SINCLAIR, 2008). Une caractéristique des supérieure longeant tout le périmètre de l’habitation. La toiture a
séismes de subduction est la génération de tsunami, balayant les une forme « à chapeau » avec des ouvertures en rabat ; la structure
côtes et inondant le littoral avec des vagues violentes ; facteur qui interne est entièrement dégagé et l’espace est utilisé comme zone
a probablement déterminé l’implantation des habitats à l’intérieur habitable ou de stockage (GRUBER, HERBIG, 2005a).
des terres, loin de la mer (AMIRROL, 2010). Habitée depuis presque
1500 ans (GRUBER, HERBIG, 2005b), l’île se caractérise par une Dans la région centrale, les hameaux se caractérisent par plusieurs
subdivision en trois régions (nord, centre et sud), déterminée par les habitations individuelles, orientées vers la place du village. Elles se
caractéristiques topographiques du territoire. L’isolement politique et basent sur un plan rectangulaire, avec une substructure composée de
géographique a conduit à la constitution de trois zones culturelles poteaux verticaux et de contreventements disposés en V. La toiture a
distinctes et indépendantes, s’étant développées à partir d’une racine une forme à double pente fortement inclinée au sommet se terminant
commune (VIARO, 1980). avec une forme circulaire. La partie d’habitation est clôturée à mi-
hauteur par des panneaux obliques ; l’accès se fait par un côté
Cette distinction se reflète également dans l’habitat, au niveau avec un escalier externe. Parfois deux ou plusieurs habitations
tant du mode d’implantation et d’organisation des habitations que sont adossées, selon un principe de certaine continuité spatiale et
de leurs spécificités architecturales et constructives. Datant parfois structurelle (GRUBER, HERBIG, 2005a, 2005b).
de plusieurs siècles (BOEN, 2006), ces architectures vernaculaires
partagent des caractéristiques structurelles particulières dérivant de Dans la région méridionale, les hameaux se situent au sommet des
la capacité de leurs bâtisseurs à concevoir et réaliser des structures collines et ils se composent de plusieurs centaines d’habitations
capables de faire face à l’impact des puissants séismes. Pareillement, disposées en rangées le long de la route principale. Elles se basent
certains aspects typologiques et techniques sont similaires aux sur plan rectangulaire orienté avec le côté le plus court parallèle
constructions des trois régions, comme par la surélévation d’un à l’espace public d’une part, et privé de l’autre. Les façades sont
volume d’habitation reposant sur une plateforme supportée par obliques avec des ouvertures, tandis que les façades latérales sont
une complexe substructure en pilotis. Dans la description de leurs droites, souvent aveugles et portant la structure de la toiture. La
particularités, la référence à une région particulière sera spécifiée substructure se caractérise par des poteaux verticaux et deux
lors qu’une différenciation existe entre l’habitat des différentes zones. contreventements diagonaux en V, disposés en façade avec fonction
structurelle et décorative. La toiture est à double pente, fortement
Dans la région septentrionale, les habitats s’organisent en hameaux inclinée et parallèle à la façade principale. L’accès se fait en dessous,
de 6 à 12 habitations, indépendantes et orientées longitudinalement par une trappe dans le plancher (AMIRROL, 2010).

Illustrations

©Gruber, 2005
Région septentrionale : habitation
©Koji Sato
Région méridionale : village

©Koji Sato source: flickr ©Koji Sato


Région centrale : habitation Région méridionale : habitation Région septentrionale : village

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Indonésie / structure tripartite et surélevée avec contreventements diagonaux 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Aucune excavation n’est effectuée.
La structure repose sur des pierres plates positionnées à même le sol.

Structure primaire
Substructure : surélévation avec pilotis (hauteur environ 3m)
Nord : - poteaux verticaux en bois disposés en rangées orthogonales
et sur le pourtour
- contreventements diagonaux en croix, disposés
orthogonalement sous la partie centrale de la plateforme
Centre : - poteaux verticaux
- contreventements diagonaux en V au centre de la plateforme
Sud : - poteaux verticaux disposés en 4 rangées dans la largeur du
bâtiment et 5 dans sa longueur
- contreventements diagonaux en V sur les façades principales
avec, dans le sens de la profondeur, deux rangées de ©Koji Sato

poteaux diagonaux constituant un W Région septentrionale

Espace habité :
Ossature en bois massif
dimensions des poteaux : diamètre : 20-25cm
longueur : 1.6-2.1 m
espacement : 1.0-1.5 m

Plancher: plateforme constituée d’une grille de poutres et solives en


bois recouverte avec des planches en bois (épaisseur 3cm)

Structure secondaire
Poteaux intermédiaires en bois

Remplissage
Planches en bois, insérées dans des fentes réalisées dans l’ossature
primaire et secondaire
- hauteur des parois externes : 1.6m
©Koji Sato
Région centrale
Enveloppe
---

Toiture
Charpente composée d’éléments horizontaux et verticaux en bois
Chevrons en bois et/ou en bambou
Couverture : superposition horizontale et verticale de panneaux de
feuilles de palmier pliées, cousues et renforcées avec des
lattes en bambou

Finitions
---

Connexions
Couverture : ligatures avec des cordes en rotin et en fibres de noix
de coco
Entre planches de cloisons, structure primaire/secondaire et plancher:
assemblages à rainure et languette
©Wolff
Structure primaire : encoches
Région méridionale

Nias, région septentrionale

Nias, région méridionale dessins: Modigliani, Un viaggio a Nias, 1980 Nias, région méridionale: structure de la charpente ©Bouleau et al., 1992

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Indonésie / structure tripartite et surélevée avec contreventements diagonaux 3/5

3. Particularites constructives

L’ensemble de la structure se caractérise par une division verticale en


trois niveaux, chacun avec son propre système structurel et répondant
à une fonction différente : substructure, espace habité, toiture.
Toutes ces parties se définissent par une structure tridimensionnelle
très stable. Aucun élément ne relie toutes les trois zones : quatre
piliers connectent la substructure avec le niveau de vie et deux piliers
connectent le plancher à la poutre faîtière toit. Le nombre d’éléments
de liaison semble être réduit au strict minimum (GRUBER, 2007).
Cette répartition correspond, en outre, aux différentes phases de
construction (VIARO, 1980).

Le détachement du terrain des poteaux en bois permet une


protection de l’humidité et une autonomie de la structure par
rapport au mouvement du sol (GRUBER, HERBIG, 2005a). En outre, ©Gruber, 2005
la surélévation de l’espace habité permet une circulation d’air en Région septentrionale : habitat isolé
dessous, favorisant une ventilation intérieure et l’assèchement du
bois (VIARO, 1980).

L’intégration des contreventements dans le système constructif


primaire est de mineure qualité que le reste de la structure, ce
qui pourrait indiquer leur développement postérieur, peut-être en
adaptation aux conditions de sol instable et aux fréquents séismes
(GRUBER, 2007).

Les toits à forte pente sont construits avec un ensemble de chevrons


inclinés, supportés par éléments horizontaux et verticaux ; le même
principe se décline à différents niveaux jusqu’à atteindre la poutre
faîtière. Tout en restant légère, la structure peut atteindre le 6m
d’hauteur (20m depuis le niveau du sol) (GRUBER, HERBIG, 2005b).
©Koji Sato
Sa géométrie et dimensions assurent un écoulement rapide de l’eau Région méridionale : intérieur
de pluie (essentiels dans une région caractérisée par environ 250
jours de pluie/an), évitant ainsi des infiltrations et une stagnation
pouvant provoquer une détérioration de la couverture (GRUBER,
2007).

En outre, l’absence de cheminée conduit à une circulation de la fumée


dans le volume du toit, en prévenant l’apparition de parasites dans
le bois et la couverture (VIARO, 1980). Surtout dans les maisons du dissociation de la structure porteuse: région méridionale, centrale et septentrionale ©Gruber, 2007
Sud, la structure du toit comprend des poutres horizontales qui ne
sont pas nécessaires pour maintenir la couverture ou en définir la
géométrie ; leur utilisation est probablement liée à leur poids : une
« surcharge » supplémentaire permet de régler le positionnement du
centre de gravité de la construction (GRUBER, 2007).

À l’intérieur, la subdivision spatiale et fonctionnelle de la zone habitée


est déterminée par une différenciation de niveaux du plancher et
des cloisons de séparation. La forme d’ensemble de l’habitation
résulte d’un compromis entre des contraintes structurelles (longueur
maximale des poutres, stabilité et transmission des charges) et la
profondeur maximale de l’habitation.

Différents types de bois sont utilisés selon le type d’élément et sa


position dans la construction. ©Koji Sato

Région centrale : implantation

Région méridionale ©Viaro, 1980 Région septentrionale ©Viaro, 1980

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Indonésie / structure tripartite et surélevée avec contreventements diagonaux 4/5

4. Spécificités parasinistres

Malgré les différences existantes au niveau architectural et


constructif, les architectures des trois régions présentent les suivantes
caractéristiques se rapportant à leur résistance aux séismes :

• l’isolation de la structure du sol, grâce à une surélévation par


des pilotis reposants sur des dalles en pierre. Ce principe réduit les
sollicitations transmises à la structure, qui peut se déplacer librement
sans provoquer une défaillance de la substructure. Ce dispositif agit
comme une isolation sismique, où le glissement des poteaux réduit
considérablement les sollicitations internes à la structure (GRUBER,
HERBIG, 2005a ; PUDJISURYADI, LUMANTARNA, LASE, 2007).
Des mouvements et glissements minimaux des contreventements
diagonaux sur les pierres de fondation se produisent fréquemment,
ils semblent de fait reprendre la majorité des sollicitations sismiques
(GRUBER, 2007).

• la tripartition structurelle en niveaux horizontaux distincts. Chaque


niveau est séparé des autres et dispose de sa propre structure et
système de contreventement (GRUBER, 2007 ; PUDJISURYADI,
LUMANTARNA, LASE, 2007 ; AMIRROL, 2010) : ©Wolff

- la substructure constitue une structure très rigide fournissant une


résistance envers des sollicitations verticales et horizontales ;
- l’étage d’habitation agit comme une « boîte » solide, rigidifiée par les
parois et le plancher, demeurant intacte même en cas d’effondrement
de la substructure ;
- le toit est une structure légère et ouverte, une sorte de « chapeau »
qui peut subir des déplacements importants (environ 50cm au niveau
du faîtage) sous l’action du vent et des sollicitations sismiques,
sans néanmoins constituer un danger pour les habitants en cas
d’effondrement ;
Lors d’un séisme, cette séparation structurelle constitue un facteur
déterminant dans le comportement structurel du bâtiment car elle
permet des mouvements considérables et indépendants des différentes
parties. De fait, l’ensemble de la structure combine deux concepts
propres à la conception parasismique: la flexibilité pour absorber
l’énergie des sollicitations sismiques et la rigidité pour protéger les
occupants (GRUBER, 2007).
©Wolff
Région méridionale: avant et après le séisme de mars 2005; la boîte d’habitation reste intacte
• des contreventements diagonaux orientés en deux directions, à
l’intérieur ou à l’extérieur d’une grille de poteaux verticaux. Ces
éléments peuvent absorber la pression des forces extérieures, mais
seulement une quantité limitée de la tension qu’elles engendrent, car
ils ne sont pas ancrés dans le sol. Les pièces de raccordement ne sont
pas conçues pour reprendre les forces transmises, ce qui peut conduire
à un basculement des niveaux supérieurs. D’un point de vue structurel,
les connexions du contreventement sont rigides en comparaison à la
construction dans son ensemble. En outre, l’espace triangulaire entre les
éléments diagonaux est parfois expressément remplis avec des grosses
pierres : le poids améliore le fonctionnement des contreventements
car la compression dérivant du poids supplémentaire contrebalance le
mouvement latéral dû aux sollicitation sismiques (IBID.).
©Nata’alui Duha
• l’utilisation du bois et de matériaux légers (bambous, feuilles Effondrement de la substructure lors du séisme de mars 2005:
de palmier) disposant d’une bonne capacité d’amortissement des les poteaux empilés sur le côté sont réutilisables pour élever à nouveau la boîte d’habitation

sollicitations sismiques qui empêche un effondrement complet et la


chute d’éléments lourds. En cas d’endommagement, les éléments
structurels peuvent être réutilisés et les occupants sont exposés à des
risques réduits (GRUBER, HERBIG, 2005a) ;

• des assemblages souples et sans clous (par tenon et mortaise,


encastrement et chevilles), sécurisés avec des cales, garantissant un
mouvement considérable des éléments, avant leur rupture. Si tous
les éléments restent intacts, les joints peuvent être facilement fixés
à nouveau et la structure peut être ramenée dans sa position initiale.
Un démontage et une reconstruction des maisons est donc possible
(VIARO, 1980 ; GRUBER, HERBIG, 2005a ; GRUBER, 2007).

©Nata’alui Duha ©Koji Sato ©Nata’alui Duha


Contreventements diagonaux sur fondation en pierre Remplissage du contreventement avec des pierres Étayage après le séisme de mars 2005

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Indonésie / structure tripartite et surélevée avec contreventements diagonaux 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques fortes ou, en cas de défaillance, de protéger la vie de leurs occupants.
--- Si, même lors de mouvements importants de la substructure, presque
aucun dommage n’a été constaté, l’effondrement partiel de certaines
Séismes habitations n’a en aucun cas provoqué des victimes (AYDAN, MIWA,
2004, 26 décembre M 9.1 avec tsunami KODAMA, ET AL., 2005 ; BOEN, 2006 ; GRUBER, 2007 ; BEETHAM,
2005, 28 mars M 8.7 avec tsunami SINCLAIR, 2008). En outre, des tests et modélisations ont permis
2010, 7 avril M 7.2 de confirmer la réduction des sollicitations internes à la structure
dérivant d’une absence d’ancrage des poteaux au sol, et donc le
Normes constructives rôle d’isolation sismique joué par le type de fondation utilisé. Sur
--- la base des résultats obtenus, la structure s’est démontrée être
très stable : même les modélisation relatives à un séisme avec une
Validations scientifiques période de retour de 500 ans ont montré comme les contraintes dans
Des analyses de terrain, conduites suites aux séismes de décembre tous les éléments de l’ossature restent encore en dessus des celles
2004 et mars 2005, ont permis de constater la capacité de ces structurellement admissibles (PUDJISURYADI, LUMANTARNA, LASE,
structures à supporter l’impact de sollicitations considérablement 2007).

6. Observations

Un complexe système de drainage des eaux de pluie protége les Lors des évaluations post-séisme, on constata comme les
pierres de fondation et évite l’érosion du sol pouvant compromettre effondrements partiel et/ou totaux avaient essentiellement été causés
la stabilité structurelle (GRUBER, 2007). par une détérioration des éléments en bois et par des changements
apportés à la structure originaire (étages supplémentaires, extension
L’architecture vernaculaire de l’île de Nias présente des éléments de la toiture) conduisant à une fragilisation et mise en danger de
communs aux constructions d’autres régions fortement sismiques l’intégrité structurelle. L’entretien de ces constructions résulte très
d’Indonésie, telles que les habitations Rumo Aceh (province d’Aceh), difficile en raison d’un manque de bois de qualité et des investissements
Karo batak et Toba Batak (Sumatera Barat) : importants qu’elles demandent. À ces facteurs s’ajoute une perte de
- détachement de la structure du sol par des appuis en pierre ; connaissances et compétences spécifiques à leur construction. Ces
- volume réparti verticalement en trois sections indépendantes ; structures ne sont à présent plus réalisées (BOEN, 2006).
- toiture avec un volume imposant mais une structure légère ;
- connexions sans clous et facilement fixables grâce à l’utilisant des L’espace commun entre les habitations est utilisé pour installer des
cales abris temporaires en cas de catastrophe.

Évolution: 1990 -2011 Modification de la structure de toiture

©Koji Sato ©Koji Sato ©Wolff

7. Référence
AMIRROL, Hafiz, 2010. Structural Genius of Indigenous Nias House Architecture GRUBER, Petra, HERBIG, Ulrike, 2005a. « Research of environmental adaptation
[en ligne]. Institut Teknologi Bandung. of traditional building constructions and techniques in Nias ». In : CIPA 2005 XX
International Symposium [en ligne]. Torino.
AYDAN, Ömer, MIWA, Shigeru, KODAMA, Hiroyuki, et al., 2005. « The
Characteristics of M8.7 Nias Earthquake of March 28, 2005 and Induced Tsunami GRUBER, Petra, HERBIG, Ulrike, 2005b. Settlements and Housing on Nias Island:
and Structural Damages ». In : Journal of The School of Marine Science and Adaptation and Development. Vienna : Institute for Comparative Research in
Technology. Vol. 3, n° 2, p. 67-83. Architecture.

BEETHAM, Dick, SINCLAIR, Bill, 2008. « Uplift and Damage from the MW8.7 Nias LEHNER, Erich, 2007. The position of Nias within Southeast Asian building
Earthquake of 28 March 2005 ». In : 4th International i-REC Conference Building traditions [en ligne]. Nias Island Research Network.
resilience achieving effective post-disaster reconstruction. Christchurch.
LUMANTARNA, B., PUDJISURYADI, P., 2012. « Learning from Local Wisdom:
BOEN, Teddy, 2006. « Structural Damage in the March 2005 Nias-Simeulue Friction Damper in Traditional Building ». In : Civil Engineering Dimension. Vol.
Earthquake ». In : Earthquake Spectra. Vol. 22, n° S3, p. 419-434. 14, n° 3, p. 190-195.

BOULEAU, Christophe, CHILLARI, Salvatore, RUZICKA, David, 1992. Omo Sebua. PUDJISURYADI, P., LUMANTARNA, B., LASE, Y., 2007. «Base isolation in
Maison du chef à Bawomatalou, île de Nias, Indonésie. Ecole Polytechnique traditional building. Lessons learned from Nias March 28, 2005 earthquake».
Fédérale de Lausanne, Département d’Architecture. In : 1st International Conference of European Asian Civil Engineering Forum.
Jakarta.
DELLENBACH, Sophie, GRANDJEAN, Blaise, PITTET, Thierry, 1982. Maison
à Lololakha, Nias, indonésie. Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, VIARO, Alain M., 1980. Urbanisme et architecture traditionnels du Sud de l’ïle de
Département d’Architecture. Nias. UNESCO. Coll. Etablissements humains et environnement socio-culturel, 21.

GRUBER, Petra, 2007. Adaptation and Earthquake Resistance of Traditional Nias VIARO, Alain M., 1984. « Nias: habitat et mégalithisme ». In : Archipel. Vol. 27,
Architecture. Vienna: Institute for Comparative Research in Architecture. n° 1, p. 109-148.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
KLISSAGE / PALMISTE / TIWOCH
Typologie Structure ponctuelle avec remplissage ou bardage

Pays Haïti

Localisation géographique
départements de l’Ouest et du
Sud-Est
Sismicité
récurrence : faible
intensité : modérée

©Google Earth ©USGS ©USGS

1. Contexte

Dans les zones rurales et périurbaines du Sud d’Haïti, l’habitat se différentes techniques, en relation aux matériaux disponibles
regroupe par localité. Il est souvent difficilement accessible, parfois localement : le bois de palmier caractérisant les technique du klissage
uniquement après plusieurs heures de marche à pieds. L’implantation et palmiste, l’une correspondant à la technique du torchis, l’autre
des habitations se fait de manière dispersée, sur les flancs des du bardage d’une structure porteuse ; les pierres, utilisées dans
collines qui caractérisent la plupart du pays. Protégé par la végétation la technique des tiwoch (en créole « petites roches »). Toutefois,
et d’une forme très compacte, l’habitat s’organise autour d’une cour dans les zones proches d’agglomérations urbaines le ciment est plus
accueillant une maison principale ainsi que plusieurs bâtiments largement utilisé pour la construction en maçonnerie de blocs de
annexes (cuisines, dépôts, abris pour les animaux). ciment, comme mortier ainsi que pour les enduits.

Appelées localement kay, les habitations se composent généralement Différents types d’aléas affectent le pays, parmi lesquels les plus
d’une ou deux pièces en enfilade avec une galerie le long de la importants sont les cyclones et les séismes : le premier ont lieu avec une
façade principale, parfois s’étendant également sur le côté le plus fréquence annuelle, tandis que les deuxième sont considérablement
dégagé. Les fenêtres sont positionnées en hauteur et aux angles plus rares et avec une période de retour d’environ 200 ans pour des
mais uniquement pour la pièce située à l’avant ; plusieurs portes phénomènes d’intensité élevée (dans la partie septentrionale du pays
d’accès sont présentes, dont au moins une donnant sur l’arrière ou les séismes ont une fréquence considérablement plus élevée) (MORA,
le côté de la maison. Pour chaque communauté, certains modèles et ROUMAGNAC, ASTE, ET AL., 2010).
styles prédominent, même si réalisés avec des matériaux différents
et, dans la même zone, les bâtiments peuvent être identiques dans L’habitat vernaculaire présente différents dispositifs améliorant son
la forme, jusqu’aux détails des portes et fenêtres. Les typologies comportement envers l’impact de ces aléas. Ceux-ci permettent aux
architecturales sont très similaires, toutefois selon les caractéristiques structures de survivre à des phénomènes assez puissants, même
du site d’implantation deux principaux types sont identifiables : l’un, dans le cas de constructions très anciennes et abandonnées depuis
typique des terrain en pente, est basé sur une morphologie allongée plusieurs années. Les constats effectués après le tremblement de
se développant en profondeur ; l’autre, généralement réalisé sur des terre de 2010 ont mit en évidence une meilleure sécurité sismique
terrain plat ou en faible pente, correspond à une morphologie étalée pour le bâti vernaculaire que pour les constructions en blocs de
se développant sur la largeur. ciment ou en béton : bien que ayant subi des endommagements
localisés dus aux sollicitations sismiques et souvent associés à une
Du point de vue constructif les habitations employant une structure détérioration structurelle antécédente, les bâtiments traditionnels
à ossature sont les plus répandues. Elles se basent sur une trame n’ont pas tué. En outre, les dégâts ont souvent affecté uniquement
régulière de poteaux en bois enfoncés directement dans le sol et les éléments secondaires, sans compromettre la structure primaire et
constituant le squelette du bâtiment. Les murs sont réalisés selon les parties les plus coûteuses, en facilitant ainsi la réparation.

Illustrations

©Cauderay

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Haïti / Structure ponctuelle avec remplissage ou bardage 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Aucun type de fondation est employé : les poteaux sont enfoncés
directement dans le sol à une profondeur d’environ 1m.
Parfois les bâtiments reposent sur un soubassement (hauteur 30-
40cm) constituant un socle continu sous l’ensemble de la construction.

Structure primaire
Charpente en bois : poteaux reliés par une poutre sablière
- trame structurelle : 80-120cm
- durée de vie des poteaux : variable de 10 à 40 ans
(selon qualité, protection à l’humidité, présence de termites)

technique du klissage
Structure secondaire
---

Remplissage
Klissage : lattes de bois de palmier tressées horizontalement en
panneaux insérés entre les éléments verticaux de la
structure en bois
- variante : garnissage des deux côtés du panneau avec
un mortier composé exclusivement de terre ou de terre
chaux
Tiwoch : pierres maçonnées entre les poteaux et sur leur côtés
extérieurs, avec un mortier de terre (tuf), terre et ciment
ou sable de tuf et ciment, constituant des murs d’une faible
épaisseur allant de 10 à 30cm
©Cauderay
- variante : remplissage confiné par des lattes clouées à technique du palmiste
des intervalles réguliers sur les deux côtés ou à l’intérieur
de la structure en poteaux

Enveloppe
Palmiste : planches en bois cloués horizontalement sur les côtés
extérieurs de la structure

Toiture
Toitures généralement à 2 pentes mais, dans les constructions les
plus anciennes, souvent à 4 pentes.
Charpente (fermes, chevrons et liteaux) en bois avec une couverture
le plus souvent en tôle ondulée, rarement en chaume ou écorces de
palmier.

Finitions technique du tiwoch


Klissage : enduit avec un mortier de terre ou terre et chaux avec
badigeon à la chaux
Palmiste : aucune
Tiwoch : aucune ou enduit à la chaux ou en ciment

Dans tous les cas, une peinture de plusieurs couleurs est souvent
employée.

Connexions
©Douline
Assemblages par tenon et mortaise et/ou clous technique du tiwoch : technique du klissage avec enduit :
dommages causés par le séisme de 2010 abri réalisé après le séisme de 2010

technique du tklissage technique du klissage


avec enduit sur les deux faces du mur avec enduit uniquement à l’intérieur

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Haïti / Structure ponctuelle avec remplissage ou bardage 3/5

3. Particularites constructives

Les murs se subdivisent en panneaux (espacement entre les


poteaux), constituant l’unité de mesure pour le dimensionnement de
la construction (p.e. 4 x 3 panneaux).

Structure porteuse :
- les éléments en bois sont rarement équerrés ; ils sont le plus souvent
laissés avec une forme ronde pour ne pas réduire ultérieurement
l’épaisseur déjà très faible du bois disponible ;
- le pourrissement de la base des poteaux à cause de l’humidité peut
déterminer une perte de stabilité ou l’inclinaison de l’ensemble de la
construction, avec un risque d’effondrement en cas de sollicitations
extérieures (cyclones ou séismes). Pour pallier à ce problème,
lorsque la base des poteaux est pourrie, on renforce l’épaisseur des
murs aux angles de la construction afin d’empêcher le basculement
et la déformation de la structure.
- si des bois droits ne sont pas utilisés, les éléments de remplissage
se gonflent et penchent vers l’extérieur. Des murs non verticaux
Renforcement aux angles du bâtiment
se détériorent rapidement ; après seulement quelques années ils
commencent à se déformer et, par la suite, ils se détachent de
l’ossature et ils s’effondrent (CUNY, 1982).

Kay klissage :
- flexibilité d’utilisation des lattes, qui sont modulables, démontables
et interchangeables ;
- le mortier ne contient pas de fibres et ne traverse pas le tressage
des lattes, qui sont très serrées ; ce qui compromet la durabilité du
garnissage ; ©Douline

- les lattes se font à partir des troncs de palmier royal, bois devenu Écroulement de la face externe du mur lors du séisme de 2010

très rare ;
- associées à une image de pauvreté et ancienneté, les constructions
en clissage sont généralement perçues comme transitoires. En
outre la pénurie de bois et l’association avec une image de pauvreté
ont déterminé un abandon progressif de cette technique, avec une
conséquente perte des compétences associées ;
- une variante plus ancienne de cette technique se base sur l’utilisation
de roseaux, branches ou bambou qui sont tissés directement entre
les poteaux et laissés apparents ou garnis d’un mortier en terre (kay
ajoupa) (CUNY, 1982).

Kay palmiste :
- facilité de réalisation et d’extension de la structure ainsi que Assemblage par tenon et mortaise Contreventement de la poutre sablière
recyclabilité des planches de bardage ;
- ce type de construction était une fois très répandu in Haïti, mais
la déforestation et les coûts élevés du bois ont déterminé son
inaccessibilité économique.

Kay tiwoch :
- technique caractérisant la plupart des habitations rurales, elle
est encore aujourd’hui employée pour la réalisation de nouvelles
constructions ;
- cette technique est souvent utilisée pour les murs extérieurs en
association au clissage pour les cloisons intérieures ;
- parfois le remplissage s’étend sur le côté extérieur de la structure,
qui reste noyée à l’intérieur du mur ;
Contreventement de la structure de toiture Planches perforées en dessous de la toiture
- dans certaines zones, les constructions se caractérisent par
l’application de plusieurs techniques pour la réalisation des murs,
ainsi que par l’utilisation de matériaux plus légers dans leurs parties
supérieures. Jusqu’à une hauteur d’environ 1m, l’ossature en bois
est enveloppée par une maçonnerie de pierres, tandis que dans la
partie supérieure des panneaux en clissage ou un remplissage fin
en maçonnerie sont mis en oeuvre entre les poteaux. Ce principe
présente un double avantage. D’une part, en cas d’effondrement
partiel des murs, les occupants ne sont pas exposés à des chutes
dangereuses de pierres. D’autre part, l’utilisation de matériaux
durables, mais demandant des efforts économiques et techniques
importants, se limite aux parties les plus exposées, tandis que les
matériaux plus économiques mais plus rapidement dégradables,
sont employés pour les parties hors contact avec l’eau.
- à selon de la zone, il y a une grande disponibilité de pierres dans les
champs, sans nécessité d’extraction.

Mur à technique mixte: allégement structurel

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Haïti / Structure ponctuelle avec remplissage ou bardage 4/5

4. Principes parasinistres

Structure porteuse:
- charpente souple et flexible, admettant un certain degré de
déformation grâce notamment aux assemblages utilisés ;
- sous l’effet de sollicitations extérieures, les poteaux maintiennent la
toiture en place, malgré un éventuel écroulement du remplissage.
La partie la plus coûteuse de la construction est préservée et la
réparation est faisable avec des investissements limités;
- dans les habitations les plus anciennes différents types de
contreventements sont utilisés : des contreventements horizontaux
aux quatre angles de la poutre sablière solidarisent la structure,
tandis qu’au niveau de la toiture, des contreventements diagonaux
ente la poutre faîtière et les ponçons des fermes assurent la stabilité
de la charpente. Les constructions plus récentes ne présentent
souvent pas de contreventement.
- des assemblages par tenon et mortaise permettent au bâtiment
de subir des légères déformations, tout en gardant une cohésion
structurelle.
©Douline
Kay klissage : Séisme de 2010: endommagement d’une kay tiwoch
- structure légère présentant un degré réduit de mise en danger de ses
occupant, grâce au tressage qui évite l’écroulement de gros blocs ;
- lors du séisme du 2010, la plupart de ces constructions ont bien
résisté aux secousses, les dégâts se limitant généralement à la
fissuration et au décollement des enduits, ce qui pourrait avoir
permis une partiale dissipation des sollicitations dues au séisme ;

Kay palmiste :
- les planches en bois apportent un certain contreventement, et donc
cohérence et solidité, à la structure ;
- du fait du type de matériaux de construction utilisé et du mode de
rupture sous lors de l’impact des aléas (cyclones / séismes), cette
technique est l’une des moins dangereuses. Même en cas de rupture Séisme de 2010 : écroulement du remplissage en tiwoch et découlement de l’enduit du klissage

de certaines parties ou d’effondrement total, les occupants sont


exposés à un danger relativement réduit en raison du faible poids
de la structure ;
- lors des cyclones, ces constructions ont tendance à être gravement
endommagées à cause de la pression différentielle poussant les
murs jusqu’à que des planches se détachent, en particulier en
correspondance des angles (CUNY, 1982).

Kay tiwoch :
- en cas de séisme, ce type de construction présente un potentiel
d’endommagement important :
- les pierres du remplissage ne sont pas appareillées, des grandes Déconnexion de la galerie
©Cauderay
Instabilité de la structure
pierres plates sont souvent maçonnées verticalement et il n’y a pas
de liaison entre les deux faces du mur ;
- l’utilisation d’un mortier fortement stabilisé détermine un
comportement monolithique du mur, avec un risque d’effondrement
par basculement du panneau entier ; effet qui est amplifié par
l’absence de liaisons entre le remplissage et la structure porteuse ;
- lors du séisme de 2010, le confinement du remplissage a
considérablement réduit la mise en danger des occupants : au lieu
de s’effondrer en un seul bloc, le remplissage s’est effrité sur lui-
même ou il s’est s’écroulé vers l’extérieur ;
- la réduction progressive de l’épaisseur des murs et l’utilisation
de matériaux plus légers pour la partie supérieure permettent de
protéger les occupants en cas d’effondrement partiel des parois et
de réduire le poids du mur en baissant le centre de gravité de la
construction.

Envers l’impact des cyclones, plusieurs dispositifs réduisant la


vulnérabilité du bâti correspondent à des principes préconisés par le
génie paracyclonique actuel (BARRÉ, DE LA FOYE, MOREAU, 2011): Clôture et contreventement de la galerie
Séisme de 2010: endommagement d’une kay tiwoch
- la faible hauteur sous toiture limite la prise du vent mais, en
déplaçant le centre de gravité vers le bas, favorise également une
bonne résistance aux séismes ;
- la désolidarisation entre la toiture du corps principal d’habitation et
celle de la galerie répond au principe de déconnexion structurelle
entre structure primaire et secondaire, ce qui permet de préserver la
toiture principale, même en cas d’arrachement de la couverture de
la galerie ;
- la toiture à faible pente (environ 30°) et à 4 pans ainsi que des
débords réduits diminuent la prise du vent.
- entre la partie supérieure des murs et la toiture ainsi qu’au-dessus
des ouvertures, des planches en bois décorées avec des perforations
permettent à l’air de traverser la maison contribuant à rééquilibrer la
différence de pression entre intérieur et extérieur, réduisant ainsi les
risques d’envol de la toiture. ©Moles

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Haïti / Structure ponctuelle avec remplissage ou bardage 5/5

4. Principes parasinistres (suite)

Certains éléments architecturaux ne répondent pas uniquement à des sont employés à partir du niveau supérieur du soubassement, en
nécessités fonctionnelles ou esthétiques, mais assument également solidarisant la structure qui, même en cas d’écroulement du mur en
une fonction structurelle : dessous, maintient une certaine cohérence et évite l’effondrement.
- outre à fournir un endroit permettant la mise en sécurité des biens, Toutefois, ces éléments sont utilisés essentiellement pour la galerie.
le grenier fermé situé sous la toiture apporte une majeure résistance Rarement ils sont intégrés à la structure du corps d’habitation, mais
à l’ensemble du toit, en particulier dans le cas d’une couverture à uniquement dans la partie supérieure des constructions utilisant
deux pentes qui autrement risquerait d’être affectée par l’impact de pour les murs des techniques mixtes.
forts vents ; - les frises décoratives ornant les pignons permettent de générer des
- parfois, la galerie est clôturée avec des planches en bois positionnées tourbillons, brisant le flux du vent et minimisant les dépressions
en croix entre les poteaux. Ces derniers reposent sur un soubassement susceptibles de décoller la couverture (BARRE, DE LA FOYE, MOREAU,
en maçonnerie, sans atteindre le niveau du sol. Les contreventements 2011).

5. Critères de vérification

Sources historiques
---

Séismes
2010, 12 janvier M 7.0

Normes constructives
---

Validations scientifiques
---

Architectures gingebread après le séisme de 2010, Port-au-Prince


6. Observations

À cause du manque de bois dérivant d’une déforestation massive, bon comportement, la technique du klissage a été utilisée par
les constructeurs ont été obligés d’utiliser des arbres de diamètre la population pour la réalisation d’abris d‘urgence ou pour des
et longueur réduits avec le résultat que les éléments structuraux réparations temporaires des maisons ;
importants ont subis une réduction de leurs dimensions pouvant - la technique du palmiste a été employée pour la réparation
entraîner un affaiblissement structurel (CUNY, 1982). provisoire de parties endommagées de constructions réalisées avec
d’autres techniques.
Les esclaves ne possédaient pas de terres, mais disposent de droits
sur leurs maisons. Celles-ci étaient construites de manière à être Dans les principales villes du pays, des architectures connues sous le
facilement démontées et déplacées (STOUTER, 2010a). Quand les nom de gingerbread constituent un mélange entre les architectures
colonisateurs ont été renversés en 1804, de nombreux esclaves ont locales et celles européennes, avec la reprise des technologies
quitté les plantations et se sont installés sur des parcelles dans les utilisées par les premières et une adaptation des typologies des
collines; ce qui est probablement à l’origine du mode d’implantation dernières aux conditions locales (climat, aléas naturels, matériaux,
des habitats actuels. etc.). Leur réalisation se réfère à une période historique bien précise
(du 1881 au 1925) et se rapporte à deux types de structure porteuse:
Les habitations traditionnelles se basent sur un principe spatial murs de maçonnerie de briques ou pierres ; ossature (charpente
modulaire facilitant l’extension et l’ajout de nouvelles pièces, selon entretoisée ou à colombage) avec un remplissage en maçonnerie et/
un développement progressif. L’agrandissement des habitations a lieu ou avec un bardage en planches de bois. Généralement plusieurs
en accord à la typologie architecturale : à l’arrière pour la typologie systèmes sont employés dans le même bâtiment, déterminant des
allongée, sur les côtés pour la typologie étalée. Dans les deux cas, typologies hybrides. Lors du séisme de 2010, les dispositifs utilisés
la création de nouvelles pièces s’effectue tout d’abord en clôturant (contreventement, type d’assemblages, etc.), notamment dans les
certaines parties de la galerie, en particulier quand celle-ci occupe constructions en ossature, ont permis d’éviter leur effondrement
les façades latérales. En zone urbaine, les extensions s’effectuent en complet (LANGENBACH, KELLEY, SPARKS, ET AL., 2010). Bien que
ajoutant un étage supplémentaire. le style gingerbread soit normalement associé à une architecture
des classes aisées, en milieu urbain des technologies similaires,
Suite au séisme de 2010 : mais moins élaborées, ont été également employées pour des
- grâce à la rapidité de son exécution et à la constatation de son constructions plus ordinaires.

7. Référence

AUDEFROY, Joel F., 2011. « Haiti: post-earthquake lessons learned from


traditional construction ». In : Environment & Urbanization. Vol. 23, n° 2, p. LANGENBACH, Randolph, KELLEY, Stephen, SPARKS, Patrick, et al., 2010.
447-462. Preserving Haiti’s Gingerbread Houses. 2010 Earthquake Mission Report. New
York : World Monuments Fund, ICOMOS.
BARRÉ, Christian, DE LA FOYE, Alexandre, MOREAU, Sophie, 2011. Conception
paracyclonique. À l’usage des architectes et ingénieurs. Villefontaine : Les MOLES, Olivier, VIEUX-CHAMPAGNE, Florent, 2010. Reconstruction post séisme
Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau. 2010. Mise en place de la phase pilote du projet de reconstruction de 100
maisons à Cap Rouge avec VEDEK et PAPDA. Haïti : SCCF et CRAterre-ENSAG.
BERTHELOT, Jack, GAUMÉ, Martine, 2002. Kaz antiyé jan moun ka rété. L’habitat
populaire aux Antilles. Goyave : Editions perspectives créoles. MORA, Sergio, ROUMAGNAC, Alix, ASTÉ, Jean-Pierre, et al., 2010. Analysis of
Multiple Natural Hazards in Haiti (NATHAT). Port-au-Prince : Government of
CAIMI, Annalisa, GUILLAUD, Hubert, MOLES, Olivier, et al., 2013. « Traditional Haiti, World Bank, Inter-American Development Bank, United Nations System.
and scientific knowledge for a sustainable vulnerability reduction of rural
housing in Haiti ». In : Structures and Architecture: Concepts, Applications and OLIVER, Paul (dir.), 1997. « Carribbean ». In : Encyclopedia of Vernacular
Challenges. Guimarães : CRC Press / Taylor & Francis. p. 1807-1815. Architecture of the World. Cambridge : Cambridge University Press. p. 1699-1715.

CUNY, Frederick C., 1982. Improvement of rural housing in Haiti to withstand STOUTER, Patti, 2010a. Haitian Wisdom for Aid Buildings [en ligne].
hurricanes. Dallas : Intertect, OXFAM Regional Office for the Caribbean, Haitian
PVO Disaster Preparedness Commmittee. Analyses de terrain effectuées au cours de la recherche en thèse en février 2011
ainsi que mars et juillet 2012 dans les localités de :
DOULINE, Alexandre, BELLIN, Jean-Paul, 2010. Programme de reconstruction de - Cap Rouge (Jacmel)
l’habitat rural par les organisations de PADED. Haïti : Ageh-Misereor. - Angibeau, Cajou, Grande Rivière et Rivière Froide (Carrefour)
- Belo, Procy, Bongars (Kenskoff)
FISHER, Anthony Hart, VLACH, John, 1987. « The Popular Architecture of Haiti ».
In : MIMAR: Architecture in Development. n° 23, p. 12-19. Sauf mention particulière, toute photo a été prise par A. Caimi.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
HIMIŞ / BAĞDADI
Typologie Trame structurelle avec remplissage en éléments, en maçonnerie ou en vrac

Pays Turquie

Localisation géographique
régions de Marmara, mer Noire, Anatolie centrale,
égéenne et méditerranéenne
Sismicité
récurrence : élevée
intensité : élevée

©Google Earth ©USGS ©USGS

1. Contexte

Dans les régions centrale, occidentale et septentrionale de l’Anatolie, de la maçonnerie ou d’autres matériaux se révèle être plus courante
la construction à ossature bois est apparue entre la période médiévale (GÜLKAN, LANGENBACH, 2004).
et en début de celle Ottomane, mais elle s’est répandue en particulier
après la deuxième moitié du XVI siècle, pour des bâtiments de deux Les techniques constructives qui en découlent varient à selon du
et trois étages (GÜÇHAN, 2007). type de remplissage et de la présence de contreventement (DOGAN,
2010). Deux techniques principales peuvent être identifiées : le hımış,
Une augmentation de son utilisation pourrait être liée à l’observation ossature en bois avec un remplissage en maçonnerie et le bağdadi,
des conséquences du séisme du 1509 (GÜÇHAN, 2007) suite auquel, caractérisé par l’application de lattes en bois ou de roseaux sur les
à Istanbul, la construction à ossature en bois fut rendue obligatoire faces extérieures de la structure primaire confinant un remplissage
par un édit impérial (GÜLKAN, LANGENBACH, 2004). La capacité des léger (CERASI, 1998). D’autres techniques ont également été
structures en bois à faire face à des sollicitations sismiques était en développées, mais elles sont généralement moins utilisées : celle du
effet largement reconnue entre le XVII et le XIX siècle (DOGANGÜN, dizeme, employant des rondins encastrés entre les montants de la
TULUK, LIVAOĞLU, ET AL., 2006) et elle est probablement à l’origine structure, et celle du torchis, consistant dans le garnissage de lattes
de sa grande diffusion (TOBRINER, 2000). Cependant, la vulnérabilité ou branches tressées entre les éléments structurels avec un mortier
au feu de ce type de constructions conduit à l’obligation, établie avec de terre fibrée.
la réglementation publiée au début du XIX siècle par le gouvernement
Ottoman, de bâtir en employant un principe de maçonnerie. Les constructions à ossature bois furent bâties de manière courante
Successivement, à cause de graves partes en vies humaines et des jusqu’aux années 1960 ; ensuite on privilégia le béton et d’autres
dommages très importants subis par les bâtiments en maçonnerie, matériaux, spécialement en milieu urbain. Cependant, deux séismes
lors des séismes, la réglementation consentit à nouveau l’utilisation qui frappèrent la Turquie en 1999 reportèrent l’attention des experts,
du bois dans la construction (DISKAYA, 2007). de la population et des décideurs, sur la capacité non seulement du
système constructif à ossature bois, mais surtout des constructions
Selon la disponibilité et la présence de ce matériau, les méthodes traditionnelles, à faire face au risque sismique existant dans le pays.
de construction employées changent de région en région (ER En effet, on constata qu’un grand nombre de bâtiments anciens
AKAN, 2004). L’architecture traditionnelle d’Istanbul comprenait survécurent intacts tandis qu’énormément de structures en béton
historiquement des nombreuses habitations réalisées complètement armé avaient subi un degré d’endommagement très élevé et causé
en bois, avec une ossature recouverte à l’extérieur par un bardage des pertes humaines et matérielles considérables (GÜLHAN, GÜNEY,
en planches (DIKMEN, 2010). Avant la diffusion des scieries, les 2000).
charpentes en bois étaient souvent remplies avec une maçonnerie en
pierres ou en briques de terre cuite ou crue, tant pour la réalisation Après les séismes de 1999, la technique de construction employant
des murs intérieurs qu’extérieurs. En outre, en dehors d’Istanbul, l’ossature bois a été réintroduite en Turquie comme alternative pour
l’utilisation du bois était moins répandue et une combinaison avec la construction.

Illustrations

Safranbolu Çarşı Safranbolu Bağlar Sölöz

Tokat Kastamonu Bartın Cumalıkızık Köyü

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / Trame structurelle avec remplissage en éléments, en maçonnerie ou en vrac 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Semelle continue en maçonnerie de grosses pierres liées par un
mortier de terre ou chaux. Des poutres en bois sont parfois intégrées
à la partie supérieure de la maçonnerie, servant d’appui pour la
construction et l’ancrage de l’ossature en bois.
- profondeur d’excavation : 50-150 cm
- épaisseur : 50-90 cm
- hauteur du soubassement : 50-100cm

Structure primaire
Ossature en bois composées de :
- poteaux principaux : section carrée (10x10cm) ou rectangulaire
(15x20cm) avec espacement variable
- montants secondaires : section : 5x10cm;
espacement : 20-90cm
- lisses : section carrée (10x10/15x15cm) ou rectangulaire (10x15cm)
- contreventement :
primaire : reliant la lisse basse et la lisse haute
inclination : 45° ou 60°
secondaire : non continu
- planchers :
au rez-de-chaussée : les solives reposent sur des poutres
en bois intégrées aux murs à 20cm du sol
aux étages : plancher à double épaisseur, rempli avec de la
terre ou du sable
espacement des solives : 30-100cm
épaisseur du plancher : 30cm
- essence de bois : chêne, châtaigner, frêne, cèdre, pin jaune
- hauteur des étages : 3.50-4.50m

Structure secondaire
Cloisons : montants verticaux disposés avec un espacement de 30-
40cm sans remplissage
- épaisseur du mur : 17cm
Cumalıkızık Köyü: structure mixte avec rez-de-chaussée en maçonnerie étages en torchis et hımış
Remplissage
Hımış : remplissage dans le plan de l’ossature
• briques en terre crue :
- épaisseur du mur : 15-20cm
- espacement : poteaux principaux : 100-150cm
montants secondaires : 60-70cm
- dimensions des briques variables selon de la région (p.e. 30x30x10cm)
• pierres: de type calcaire ou schiste
- dimensions des pierres : 10-15cm
- mortier : terre et/ou chaux
- ossature : espacement des montants : 20-25cm
- épaisseur du mur : 20cm Sarayli Köyü : remplissage en dizeme (rondins)

• briques cuites : disposées horizontalement, verticalement et


en diagonale; des éléments horizontaux relient les poteaux, les
montants et les contreventements diagonaux
- employées à partir du XVI siècle
- épaisseur du mur : 15-20cm
- espacement : poteaux principaux : 200cm
montants secondaires :80-90cm

Bağdadi :
ossature recouverte par un lattis en bois ou des roseaux cloués
horizontalement à la structure ; l’espace à l’intérieur de l’ossature est
laissé vide ou remplis avec un mélange léger d’écorces d’arbre, petites
pierres et mortier de terre ou terre-chaux (DIKMEN, 2010)
- lattis en bois : largeur 2-4cm; épaisseur 1-2cm; espacement 2-3cm
Narlıca : structure en hımış (briques en terre crue)

Dizeme :
remplissage en rondins en bois, grossièrement équerrés, coupés sur
mesure et fixés par encastrement entre les éléments structurels

Torchis :
remplissage avec un tressage de branches ou des lattes irrégulières en
bois garni avec un mortier de terre fibrée

Enveloppe
Bardage en planches de bois, dans ce cas l’ossature est laissée vide.

Toiture
À 2 ou 4 pente avec structure en bois
Couverture en tuiles de terre cuite. Değirmendere : remplissage en torchis

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / Trame structurelle avec remplissage en éléments, en maçonnerie ou en vrac 3/5

2. Principes constructifs (suite)

Finitions
Hımış : - briques : remplissage laissé apparent ; si un enduit
est utilisé il est souvent appliqué uniquement sur le
remplissage
- pierres : remplissage laissé apparent ou enduit des deux
côtés du mur
Bağdadi : murs intérieurs et extérieurs enduits avec un mortier de
chaux sur lattis en bois ou recouverts avec un bardage
en bois
Dizeme : rondins enduits ou apparents vers l’extérieur
Torchis : enduits avec un mortier en terre

Connexions
Chevilles, entailles, clous métallique (droit ou en U) : éléments
verticaux, horizontaux, diagonaux
Tenon et mortaise aux angles
Kadıbükü Köyü : structure en hımış (pierres)

3. Particularites constructives

La subdivision de l’ossature (ERUZUN, 2006):


- en cellules : pierres avec un mortier de chaux ou terre
- aucun éléments métalliques est employé pour les assemblages
- les structures peuvent être assemblées et démantelées ;
- en losange : pierres avec un mortier de chaux ou de terre
- la forme est déterminée par la mise en place des éléments
diagonaux avec l’utilisation de connexions métalliques
- çakatura : contreventements diagonaux en correspondance des
poteaux principaux et montants verticaux peu espacés.

Les montants et les poteaux ont parfois un large chapiteau permettant


de mieux repartir les charges (ÖZTANK, 2008). Une couche de sable
de 40-80mm est étalée sous les fondations en maçonnerie (DOGAN,
2010).

La technique de l’hımış et celle du bağdadi sont souvent associées à


une construction avec hatıllar (cf. fiche Turquie - maçonnerie) pour Gölcük : structure en maçonnerie et hımış (briques en terre cuite);
elle n’a pas subis des dégâts lors du séismes de Kocaeli de 1999
des structures de plusieurs étages (ÇELEBIOGLU, LIMONCU, 2007).
Généralement, la base en maçonnerie suit la forme de la parcelle
tandis qu’aux étages une forme plus régulière est obtenue par
l’utilisation de baies et volumes en saillie en ossature (DIKMEN, 2010;
GÜÇHAN, 2007) portés par des éléments superposés, des appuis
ponctuels diagonaux ou en porte-à-faux (MATSUSHITA, 2004).

4. Principes parasinistres

L’ossature des constructions vernaculaires présente une différence


substantielle par rapport aux systèmes à poutres horizontales ou
actuellement employés. En effet, “la continuité n’était pas obtenue
par les éléments, de façon linéaire, mais c’était comme une boîte où
tous les éléments contribuent à la stabilité du système. Les montants
primaires et secondaires entre les étages, les éléments horizontaux,
les poutres du plancher et les contreventements diagonaux composent Bartın : immeuble d’habitation en dizeme (rondins)
des panneaux et des boîtes” (Kuban 1995 dans TOBRINER, 2000,
trad. A. Caimi).

La structure est organisée de façon que chaque étage constitue une


unité autonome très rigide qui peut glisser de façon indépendante des
autres niveaux ; ce qui permet une dissipation de l’énergie exercée
par le séisme de la part de la structure de son ensemble. En outre,
elle compose une structure redondante dans laquelle les multiples
chemins de descente des charges fournissent un niveau de sécurité
supplémentaire ; en cas de défaillance d’un élément, la stabilité
est compensé par les éléments adjacents (DOGANGÜN, TULUK,
LIVAOĞLU, ET AL., 2006).

Dans la construction bağdadi, les lattes fournissent un support


additionnel continu contribuant à augmenter la capacité du bâtiment
envers les sollicitations latérales dues aux séismes ; ils peuvent en
effet travailler pendant plusieurs cycles sans perdre leur intégrité
(DOGAN, 2010). Elles constituent une liaison supplémentaire entre
les composants de l’ossature, tout en garantissant une certaine
Narlıca : structure mixte avec rez-de-chaussée en maçonnerie
élasticité (GÜÇHAN, 2007). en pierre avec hatıllar en bois et étage en hımış (briques en terre crue)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / Trame structurelle avec remplissage en éléments, en maçonnerie ou en vrac 4/5

5. Critères de vérification

Sources historiques en mesure de résister de manière adéquate […] aux sollicitations


o Séisme du 10 juillet 1688, Izmir (Symrna) : le frère Tarillon indique sismiques” (TOBRINER, 2000, p. 9 ; trad. A. Caimi).
un emploi de la maçonnerie limité uniquement aux fondations et
aux parties inférieures des murs, tandis que les étages supérieurs o Séisme du 1970 à Gediz: Uzsoy et Celebi « 28 Mart 1970 Gediz
étaient réalisés employant une ossature en bois et un remplissage (Kütahya) depremi ve yapilarda meydana getirdigi hasarlar » (ODTÜ,
en briques. “Une technique ayant démontré sa résistance dans le 1970) : lors que le remplissage est réalisé en pierre ou briques de
séisme qui suivit” (TOBRINER, 2000). terre crue ou cuite, un desserrement du remplissage a été observé.
Dans ce cas, les éléments porteurs en bois se sont parfois déformés,
o Séisme du 1766 à Istanbul : une source inconnue rapporte que, suite mais l’ossature est restée intacte. En cas de remplissage en lattis
à la constatation de légers dégâts au palace Topkapi, des bâtiments (bağdadi) aucun dégât ou des dégâts très légers ont été observés
en ossature bois furent construits pour la sécurité du Sultan et de sa (GÜÇHAN, 2007).
famille (IBID.).
o Séisme du 17 août 1999, Izmit :
o Séisme d’Istanbul, 1894 : D. Eginitis, directeur de l’Observatoire - une étude conduite sur les constructions à ossature à Izmit,
d’Athènes, responsable d’étudier le séisme observa : “Les Adapazarı, Gölcük et Değirmendere par des experts de la Middle
construction à ossature bois ont résisté de manière étonnante au East Technical University révèle qu’elles ont été affectées de façon
tremblement de terre. Alors que des anciens bâtiments de qualité minime: même les bâtiments présentant des mauvaises conditions
médiocre était encore débout, d’autres construits et récents, en structurelles sont restés intacts et seul rarement elles présentaient
maçonnerie et même certains avec renforcement en acier bien, ont une fissuration ou un détachement de l’enduit (GÜÇHAN, 2007) ;
été détruits. Il apparaît clairement que les structures en bois ont - rapport d’évaluation du Ministère des Travaux Publics et des
mieux résisté au séisme ; en revanche, ceux en maçonnerie ont Etablissements, Direction Générale des Affaires de Catastrophe,
rarement survécu” (dans GÜÇHAN, 2007 ; trad. A. Caimi). Banque des Provinces et Direction Générale des Autoroutes, effectué
10 jours après le séisme à Kocaeli, Sakarya, Bursa, Istanbul, Bolu,
o M. H. Boduroğlu dans “Rural buildings in Turkey that have suffered Eskisehir, Yalova (GÜLHAN, GÜNEY, 2000).
damages in recent earthquakes and their main causes,” Bulletin of the - Reportage du journaliste R. Fisk, « Nelle fosse comuni di cemento e
International Institute of Seismology and Earthquake Engineering, acciaio » (19.08.1999, The Indipendent) : “Les Ottomans obligeaient
23, 1989 : concernant une évaluation des dommages causés par à construire uniquement en bois pour éviter la dévastation qui se
60 séismes entre 1925 et 1984 à des bâtiments ruraux en Turquie, produit avec les bâtiments modernes lors d’un séisme ; à Izmit j’ai
observa que : “Les techniques traditionnelles de construction découvert que les rares bâtiments en bois survécus pendant les
utilisées pour les bâtiments à ossature en bois ont été très efficaces. siècles étaient encore débout, intacts” (FISK, 2007, p. 174, trad. A.
Contrairement aux bâtiments en maçonnerie de pierre, ils sont Caimi).

Séismes
1688, 17 août, Anatolie, M 8.0 1999, 17 août, Izmit
1766, Istanbul, M 6.5 (Marmara-Kocaeli) M 7.6
1894, 10 juillet, Istanbul, VIII-IX 1999, 12 novembre, Düzce M 7.2
1944, 01 février, Gerede, M 7.4 2000, 06 juin, Orta M. 6.1
1949, 17 août, Erzurum, M 6.8 (Source : USGS)
1951, 13 août, Kursunlu, M 6.7
1953, 18 mars, Yenice-Gonen
M 7.3
1967, 22 juillet, Mudurnu, M 7.3 Normes constructives
1970, 28 mars, Gediz, M 6.9 ---

Validations scientifiques
Des essais expérimentaux et des modélisations ont montré que : - l’utilisation d’un mortier fragile favorise le glissement le long des
- les structures en hımış et bağdadi présentent un comportement joints au lieu d’une fissuration dans les blocs de maçonnerie. Ce
ductile meilleur que celles en béton armé ; grâce à une faible principe permet une dissipation d’énergie et une réduction de
résistance dérivante des caractéristiques du matériau terre, la l’incompatibilité entre la rigidité des panneaux en maçonnerie et la
structure démontre une majeure capacité de déplacement et des flexibilité de l’ossature en bois (GÜLKAN, LANGENBACH, 2004) ;
valeurs de sollicitations potentiels plus élevées (DOGAN, 2010) ; - bien que la maçonnerie et le mortier soient fragiles, le système se
- en cas de remplissage en briques positionnées de façon inclinée, les comporte de manière ductile (IBID.) ;
déplacements et les sollicitations augmentent dans les composants - l’insuffisance ou le manque de liaisons mécaniques entre les
solides en comparaison à un remplissage disposé de façon éléments en bois et la maçonnerie peut déterminer la chute de
horizontale ou verticale ; et cela en raison d’une surface de contact petites sections de remplissage. Cependant, la défaillance de
réduite avec les éléments en bois (DOGAN, 2010) ; certains panneaux ne détermine pas une perte de stabilité de
- les structures en bağdadi présentent un comportement plus ductile la structure dans son ensemble, ni sa destruction progressive.
que celles en hımış, car elles possèdent une majeure capacité La subdivision de chaque travée avec des éléments diagonaux,
envers des forces de cisaillement et axiales (DOGAN, 2010). verticaux et horizontaux contribue à maintenir la structure en place
(TOBRINER, 2000); les montants très rapprochés préviennent la
Nombreuses évaluations effectuées suite à des séismes ont permis de propagation de fissures diagonales à l’intérieur des panneaux de
constater les suivants éléments : remplissage et, en cas de défaillance ou d’effet d’étage souple, les
- ces structures montrent un comportement de type plastique dégâts aux étages supérieurs restent limités (LANGENBACH, 2000);
car elles répondent aux sollicitations à travers une fissuration - si la déformation de la structure et les glissements du remplissage
incrémentale qui se distribue dans le mur par l’interaction des commencent en début des secousses, ces constructions sont
éléments structuraux en bois avec le remplissage en maçonnerie capables de maintenir la stabilité pendant plusieurs cycles avant
(DIKMEN, 2010) ; d’atteindre un niveau élevé de destruction (GÜLKAN, LANGENBACH,
- étant donné le manque de liaisons mécaniques entre les éléments 2004). Un endommagement similaire lors de séismes très violents
en bois et la maçonnerie de remplissage, la structure répond aux et plus modérés, montre la caractéristique de protection la plus
sollicitations par des glissements se produisant à l’interface entre importante de ces constructions : leur capacité à dissiper l’énergie
le remplissage et les éléments en bois. Ce « travail » le long des sur une longue période sans subir une dégradation structurelle
joints permet de dissiper une quantité considérable d’énergie et rapide et à supporter une intensité et une durée des sollicitations
se manifeste par une fissuration de l’enduit (DOGANGÜN, TULUK, croissantes, sans que l’endommagement ne progresse très au-delà
LIVAOĞLU, ET AL., 2006) ; des dégâts subis lors de séismes plus modérés (LANGENBACH,
- le glissement du remplissage et la conséquente dissipation d’énergie 2002). Ces bâtiments sont en effet capables de supporter des
affectent la fréquence de vibration de la structure, en réduisant sa grandes sollicitations en raison de l’absorption d’énergie fournie par
capacité à entrer en résonance avec le séisme (DOGANGÜN, TULUK, la ductilité du système (LANGENBACH, 2000).
LIVAOĞLU, ET AL., 2006) ;

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / Trame structurelle avec remplissage en éléments, en maçonnerie ou en vrac 5/5

6. Observations

Si les bâtiments en ossature bois s’effondrent, des grands vides


se créent permettant la survie des occupants. En outre, ils se
caractérisent par un poids écrasant moins concentré que des
structures en maçonnerie ; de fait, la chute de briques peut provoquer
de nombreux blessés mais moins d’écrasés que les structures en
béton armé (DOGANGÜN, TULUK, LIVAOĞLU, ET AL., 2006).

Bien que utilisés pour d’autres éléments architecturaux (p.e.


ouvertures), le refus d’utiliser des assemblages élaborés pour les
connexions des éléments structurels est probablement l’expression
d’un choix conscient pour contraster les effets des séismes (GÜÇHAN,
2007).

En milieu urbain les bâtiments vernaculaires sont de plus en plus


sujets à un abandon et à une démolition massive, en particulier dans
les régions orientales à cause d’une spéculation immobilière accrue.
En revanche, dans les zones rurales, nombreux bâtiments sont encore
habités. Des constructions neuves sont toutefois extrêmement rares.

Les municipalités de nombreuses régions (p.e. Kocaeli, Bursa,


Safranbolu) mènent des projets de réhabilitation du bâti existants
selon des approches parfois divergents. Dans certains cas, des
bâtiments témoins sont restaurés, recourrant parfois à des
technologies récentes. La reconstitution se fait essentiellement à
un niveau formel et esthétique, ces quelques bâtiments constituent
des attraits touristiques à fonction de musée ; les autres sont livrés
aux exigences et capacités financières de leurs propriétaires. D’autre
part, il y a parfois une vraie volonté de revaloriser les techniques
vernaculaires, et cela aussi en raison de leurs caractéristiques
parasismiques. Dans ces cas, des restaurations sont effectuées avec
les technologies traditionnelles et s’inscrivent dans la quotidienneté
de la population locale (habitations, mosquée, etc.).

Safranbolu Çarşı : immeuble à tour avec étages inférieurs


en maçonnerie en pierre et étages supérieurs en hımış (pierres)
7. Référence

ÇELEBIOGLU, Banu, LIMONCU, Sevgül, 2007. « Strengthening of Historic GÜLHAN, Demet, GÜNEY, Inci Özy’rük, 2000. « The Behaviour of Traditional
Buildings in Post-Disaster Cases ». In : Third International Conference « Post Building Systems Against Earthquake and its Comparison to Reinforced Concrete
Disaster Reconstruction: Meeting Stakeholder Interests ». Firenze : Firenze Systems : Experiences of Marmara Earthquake, Damage Assessment Studies
University Press. p. 383-392. in Kocaeli and Sakarya ». In : Earthquake-safe: Lessons to be learned from
Traditional Construction. Istanbul : ICOMOS International Wood Committee.
CERASI, Maurice, 1998. « The Formation of Ottoman House Types: A Comparative
Study in Interaction with Neighboring Cultures ». In : Muqarnas : An Annual GÜLKAN, Polat, LANGENBACH, Randolph, 2004. « The Earthquake Resistance
on the Visual Culture of the Islamic World. Koninklijke Brill NV. Leiden: Gülru of Traditional Timber and Masonry Dwellings in Turkey ». In : 13th World
Necipoglu. p. 116-156. Conference on Earthquake Engineering. Vancouver.

DIKMEN, Neşe, 2010. « An Investigation on Traditional Timber-framed Buildings ISIK, Bilge, 2006. « Seismic Rehabilitation Study in Turkey for Existing Earthen
in Çankiri Province of Turkey ». In : Trakya Üniveritesi Journal of Science. Vol. Construction ». In : Getty Seismic Adobe Project 2006. Los Angeles : Getty
11, n° 1, p. 15-27. Conservation Institute. p. 93-100.

DISKAYA, Hülya, 2007. « Damage Assessment of 19th Century Traditional LANGENBACH, Randolph, 2000. « Intuition from the Past: What Can We
Timber Framed Structures in Istanbul ». In : From Material to Structure: Learn From Traditional Construction ». In : Earthquake-Safe: Lessons to Be
Mechanical Behaviour and Failure of the Timber Structures. Firenze, Venezia, Learned From Traditional Construction. Istanbul : ICOMOS International Wood
Vicenza : ICOMOS International Wood Committee. Committee.

DOGAN, Mizam, 2010. « Seismic Analysis of Traditional Buildings: Bagdadi and LANGENBACH, Randolph, 2002. « Survivors in the Midst of Devastation. A
Himis ». In : Anadolu University Journal of Science and Technology. Applied Comparative Assessment of Traditional Timber and Masonry Construction in
Science and Engineering. Vol. 11, n° 1, p. 35-45. Seismic Areas ». In : 7th U.S. National Conference on Earthquake Engineering.
Boston : Earthquake Engineering Research Institute.
DOGANGÜN, Adem, TULUK, Ö. İskender, LIVAOĞLU, Ramazan, et al., 2006.
«Traditional woooden buildings and their damages during earthquakes in MATSUSHITA, Satsuki, 2004. Comparative Study of the Structure of Traditional
Turkey». In : Engineering Failure Analysis. Vol. 13, n° 6, p. 981-996. Timber Housing in Turkey and Japan. Master Thesis. Graduate School of Natural
and Applied Sciences of Middle East Technical University.
ER AKAN, Asli, 2004. Some observations on the seismic behaviour of traditional
timber structures in Turkey. Master Thesis. Graduate School of Natural and MEDA CORPUS, 2011. Architecture Traditionnelle Méditerranéenne: Ossature
Applied Sciences of Middle East Technical University. porteuse avec remplissage (Turquie) [en ligne]. Projet CORPUS, programme
Euromed Heritage.
ERUZUN, Cengiz, 2006. « Significance of Wood in Formation of Traditional Turkish
Architecture and Eastern Balck Sea Example. Wood in Traditional Settlements ÖZTANK, Nimet, 2008. « Traditional Timber Turkish Houses and Structural
». In : Mimar Sinan Fine Arts University, Faculty of Architecture, Urban Planning Details». In : 10th World Conference on Timber Engineering [en ligne]. Miyazaki.
Department, Istanbul.
TOBRINER, Stephen, 2000. «Wooden architecture and earthquakes in Istanbul:
FISK, Robert, 2007. « Anatolia. 5 agosto 1999. “The Indipendent” ». In : A Reconnaissance Report and Commentary on the performance of wooden
Catastrofi. I disastri naturali raccontati dai grandi reporter. Roma : Minimum structures in the Turkish earthquakes of 17 August and 12 November 1999». In:
Fax. Coll. Pulitzer. p. 163-187. ”Traditional” knowledge: learning from experience. Berkeley: Marchand Trevor
et al. Coll. Traditional Dwellings and Settlements Working Paper Series. p. 16-63.
GÜÇHAN, N. Şahin, 2007. « Observations on earthquake resistance of traditional
timber-framed houses in Turkey ». In : Building and Environment. Vol. 42, n° Etude de terrain, du 13.08 au 07.09.2012, villes et régions visitées : Niksar,
2, p. 840-851. Sivas, Tokat, Safranbolu, Bartın, Bursa, Izmit, Istanbul. Photos de A. Caimi.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
CASA BARACCATA - CASA INTELAIATA
Typologie Structure à ossature évidée et enveloppée ou avec remplissage léger

Pays Italie

Localisation géographique
Abruzzes, Calabre, Lazio, Sicile

Sismicité
récurrence : faible
intensité : modérée

©Google Earth ©USGS ©USGS Projet pour habitation, Reggio Calabria (dans Barucci 1990)

1. Contexte

Le système constructif baraccato apparut au XIV siècle en Italie Le système constructif de la casa intelaiata s’apparente à celui
centrale et méridionale et prend son nom d’un type de structure de la baraccata, tant pour ses régions d’origine que son principe
employé pour des abris d’urgence, les « baracche », souvent réalisés structurel. Dans la littérature, il ressort une certaine confusion quant
en bois Les premiers exemples dont on a connaissance remontent au à leur différenciation ; ce qui dérive en partie des nombreux projets
1300, à Rieti, lors que de nombreuses secousses sismiques affectèrent élaborés par des constructeurs et architectes de l’époque ainsi que
la région pendant une longue période et la population se réfugia dans des variations et évolutions locales (MASCIARI-GENOESE, 1915 ;
des cabanes en bois. Au 1600, la construction des « baracche » avec BARUCCI, 1990 ; BIANCO, ESPOSITO, TUZZA, 2009 ; VIVENZIO,
ossature en bois était assez répandue en Calabre et, spécialement 1783). “Le système baraccato […] consistait originairement en une
après le séisme du 1638, plusieurs chroniques se référèrent à cette ossature en bois composée d’une charpente dite à la beneventana,
technique comme à un principe pour une construction résistante aux constituée de nombreux poteaux en bois, croisés et boulonnés avec
séismes, constatant la capacité de ces structures à supporter l’impact autant de traverses ou sablières, dont les vides résultants étaient
de ces phénomènes. Tel est le cas du palais du Comte de Nocera, remplis avec un matériau léger ; ou encore mieux, avec un tissage
qui résista aux secousses pendant plus que deux siècles et dont en osier ou canisses, fixé à l’ossature par des fines lattes de chêne,
Giovanni Vivenzio en déclara la résistance lors du séisme du 1638, au et recouvert par un crépi bien lissé. Cependant, l’ossature du vrai
contraire du reste du village qui fut complètement détruit (MASCIARI- type baraccato était constituée par des robustes montants en bois
GENOESE, 1915). À partir du XVI siècle, le système baraccato se espacés d’environ 1,20m, croisés avec des poutres horizontales et
diffusa à d’autres régions de la péninsule, comme à L’Aquila pour celles en croix de Saint André et ensuite entièrement enveloppée par
la réalisation de « baracche » après le séisme de 1703 (RUGGIERI, la maçonnerie” (MASCIARI-GENOESE, 1915, p. 275 ; trad. A. Caimi).
2005).
La différence principale entre baraccata et intelaiata paraît être
Ce type de construction représentait une nette amélioration par la modalité de réalisation de l’ossature en bois et le type de
rapport aux constructions en pierre, étant faciles à construire, remplissage. Les deux termes qui les indiquent sont à leur origine
beaucoup plus légers et, donc, moins dangereux en cas assez vagues se référant l’un à une quelconque structure, l’autre à
d’effondrement (TOBRINER, 1997). Toutefois, ce n’est qu’avec la l’utilisation d’un squelette structurel (en italien, cadre : telaio d’où
reconstruction après le séisme du 1783, en Calabre, qu’on retrouve «intelaiata»: à ossature). Cependant, sur la base de la littérature
une définition claire de la typologie structurelle de la casa baraccata. existante (MASCIARI-GENOESE, 1915 ; BARUCCI, 1990 ; BIANCO,
Suite à cet événement, les Bourbons, qui gouvernaient la Sicile et ESPOSITO, TUZZA, 2009), on utilisera le terme baraccata pour
l’Italie méridionale, établirent une commission spéciale pour l’étude une structure à ossature en bois évidée et enveloppée par des
des dommages et du comportement du bâti dans les zones affectées, murs en maçonnerie, et intelaiata pour une structure à ossature
en vue de la définition d’une stratégie de reconstruction. En 1784, bois apparente avec remplissage léger. Le système intelaiato a été
des normes de construction parasismique furent émises en donnant historiquement moins considéré à cause de la structure en bois
des indications pour la conception et la réalisation d’habitations et visible qui résultait plus vulnérable aux agents atmosphériques et
de villes, selon le système constructif baraccato (TOBRINER, 1997). aux insectes et qui ne correspondait pas à l’image recherchée d’un
Les instructions royales éditées en 1786 prescrivaient, en effet, certain statut social (TOBRINER, 1997). Ces deux systèmes furent
l’utilisation de “structures en maçonnerie avec une ossature en bois, employés jusqu’au 1915, année à partir de laquelle l’utilisation du
conçues non en tant que des constructions provisoires destinées aux bois fut progressivement remplacée par celle d’éléments métalliques
pauvres, mais pour survivre à des nouveaux événements sismiques” ou en béton. Si de nombreux bâtiments baraccati du XVIII et XIX
(dans NIGLIO, 2011; trad. A. Caimi). Les instructions royales établies siècle ont été détruits, ceux qui encore existent sont très difficilement
par les Bourbons furent un des premiers règlements de construction identifiables en raison de l’enveloppe en maçonnerie qui, à un premier
parasismique de l’histoire (BARUCCI, 1990). abord, fausse la lecture du système structurel.

Illustrations

© Tobriner 1997

Maquette de structure baraccata


(M. Baratta 1908 dans Barucci 1990) Bâtiment baraccato en construction, Monteleone (dans Barucci 1990) Bâtiment avec le système baraccato, Filadelfia, province de Vibo Valentia

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Italie / structure à ossature évidée et enveloppée ou avec remplissage léger 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Aucune fondation n’était employée en cas de sol rocheux ou des
fondations en pieux réalisées enfonçant les montants structurels
verticaux directement dans le sol.
Radier ou soubassement en maçonnerie de pierre
- épaisseur : 1,20m ; hauteur : 0,6m

Structure primaire
Ossature en bois avec une trame d’environ 1,20m :
- montants en bois en correspondance des angles, des murs
transversaux et des ouvertures
- sablières au niveau du sol, du plancher et/ou de la toiture ainsi que
des appuis des fenêtres
- poutres et montants carrés (10x10cm)
Projet pour une casa baraccata, Reggio Calabria, 1913: coupes
- contreventement en croix de Saint André (ACRC, Urb, 10-7-2 dans Barucci 1990)

- bois : châtaigner ou chêne, fumés

Structure secondaire
Montants verticaux non porteurs faiblement espacés, de façon à
empêcher le passage d’une personne en cas d’endommagement du
remplissage (MASCIARI-GENOESE, 1915).

Cloisons et planchers en bois recouverts par des canisses (revêtement


léger).

Remplissage
Casa baraccata : aucun

Casa intelaiata : osier, canisses, maçonnerie en briques ou pierres


de la même épaisseur que l’ossature avec mortier composé
d’un mélange à base de terre, paille, sable

Enveloppe
Casa baraccata :
à l’extérieur : maçonnerie en briques, petites pierres et mortier à la
chaux
à l’intérieur : parement en canisses fixé à l’ossature

Casa intelaiata : aucune

Toiture
Charpente en bois reliant les montants de l’ossature
Couverture en tuiles romaines

Finitions
- Enduit avec mortier de terre, plâtre ou chaux hydraulique
- Casa intelaiata : revêtement intérieur en planche de bois

Connexions Types de remplissages : moellons avec enduit en Casa Baraccata, détails


Clous, vis et boulons plâtre, briques (dans Masciari-Genoese 1915) (ACRC, Urb, 4, 10-7-2 dans Barucci 1990)

Casa Intelaiata Casa Baraccata

©Gioffré ©Plateroti

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Italie / structure à ossature évidée et enveloppée ou avec remplissage léger 3/5

3. Particularites constructives

Les montants verticaux sont enfoncés directement dans le sol ou liés


à un cadre horizontal rigide, posé au niveau du soubassement.

Les bâtiments réalisés avec ces deux systèmes constructifs


correspondent à différentes typologies architecturales et présentent
une grande variété des détails mis en oeuvre. Outre aux solutions
élaborées par les bâtisseurs, divers ingénieurs ont développé des
projets et des principes techniques, ayant souvent fait l’objet d’un
brevet. Entre les versions les plus connues on retrouve celles projetées
par Vivenzio, dont les différences avec le système couramment
employé sont présentées ci-dessous.

Structure primaire
4 montants dans les angles et de 2 en correspondance de chaque
mur transversal et des ouvertures. Ils composent deux cadres, l’un
à l’intérieur de l’autre, solidarisés par des éléments transversaux en
bois avec des assemblages à queue d’arondes et des chevilles (en
bois) et contreventés par des croix de Saint André.

Remplissage:
Briques et/ou pierres de taille maçonnées avec un mortier à la chaux
et liées entre elles avec des pinces métalliques ou avec de l’opus
incertum.
- utilisation de branches et de morceaux de bois pour la répartition
interne de l’ossature ;
- entre l’ossature principale et la maçonnerie : des clous seulement
partiellement enfoncés permettent l’accrochage du mortier.

Élévation de l’ossature porteuse (dans Masciari-Genoese 1915)

La casa antisismica, version Vivenzio (dans Barucci 1990)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Italie / structure à ossature évidée et enveloppée ou avec remplissage léger 4/5

4. Principes parasinistres

Dans un ouvrage de 1784, M. Sarcone décrit le comportement d’une


construction de type baraccato lors du séisme de 1783, en Calabre.
Son récit souligne le caractère ductile de l’ossature en bois, qui
s’effondra seulement après nombreuses secousses à cause d’une
perte d’efficacité des joints. Bien que les assemblages aient cédé sous
les multiples sollicitations, en causant l’effondrement de la structure,
le bâtiment répondit parfaitement à la fonction d’abri parasismique
pour laquelle il était employé, vu qu’avant son effondrement, il donna
des nombreux signes de déformation et de rupture imminente. En
effet, l’utilisation du bois profite du caractère élastique du matériau,
pouvant se fléchir considérablement avent de se briser, et de par
sa légèreté intrinsèque, il oppose aux sollicitations sismiques une
masse réduite, bénéficiant à la résistance du bâti envers des forces
dynamiques (TOBRINER, 1997 ; RUGGIERI, 2005).

L’ossature connecte intimement toutes les parties de la structure et les source: proloco reggio calabria.it

différents éléments reliés les uns aux autres composent un système San Salvatore, casa intelaiata réalisée avant le séisme de 1908
structurel homogène et continu qui, en cas de séisme, assume un
comportement unitaire (TOBRINER, 1997) et dont les éléments
peuvent osciller à l’unisson comme s’ils étaient une masse unique
(Milizia dans RUGGIERI, 2005). La construction baraccata et celle
intelaiata se basent sur un système structurel conçu pour répondre
aux sollicitations sismiques et statiques dans les trois directions, dont
les assemblages, réalisés avec des encoches, des éléments en bois
ou des clous métalliques, assurent une ductilité élevée (RUGGIERI,
2005). En outre, la disposition des murs intérieurs, reliant les murs
extérieurs entre eux, contribue à solidariser et relier l’ensemble
structurel (TOBRINER, 1997).

L’ossature est stabilisée par différents systèmes de raidissement


(BARUCCI, 1990 ; TOBRINER, 1997) :
- des connections rigides entre les composants structurels ;
- des éléments diagonaux et de contreventement ; ©Bianco-Esposito-Tuzza 2009

- un remplissage ou revêtement de la structure de telle nature à Casa intelaiata


admettre une certaine déformation sans comporter un niveau
d’endommagement structurel élevé.

Dans la proposition de Vivenzio comme dans la réglementation établie


par les Bourbons, on constate l’adoption d’une forme symétrique
bi-axiale, tant en plan qu’en élévation, permettant une distribution
régulière des éléments et des masses ainsi qu’offrant une rigidité au
séisme égale dans les deux directions (RUGGIERI, 2005). En outre,
les bâtiments sont généralement d’hauteur réduite et proportionnelle
à la largeur et/ou longueur, de façon que le centre de gravité reste
toujours intérieur à la construction (Milizia, Principi di architettura
civile, 1781 dans LANER, BARBISAN, 1986).

Dans le système intelaiato, on retrouve l’utilisation de matériaux


légers pour le remplissage en maçonnerie ainsi que des liaisons entre
l’ossature et le remplissage pour en empêcher l’effondrement sous
l’effet des secousse sismiques (Regolamento edilizio per i Comuni
dell’isola d’Ischia danneggiati dal terremoto del 28 luglio 1883).
©Bianco-Esposito-Tuzza 2009

Cloison intérieure

©Bianco-Esposito-Tuzza 2009

Consolidation de bâtiments en Calabre contre les dégâts dus aux tremblements de terre (dans Barucci 1990) Détail d’assemblage: structure du plancher - contreventement

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Italie / structure à ossature évidée et enveloppée ou avec remplissage léger 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques règles fondamentales (BARUCCI, 1990, p. 174) : “si tende ad


Vivenzio dans Istoria e teoria de’ tremuoti in generale ed in eliminare d’un colpo il concetto fondamentale della casa antisismica,
particolare di quelli della Calabria, e di Messina del MDCCLXXXIII, quello cioè dell’intelaiatura di per sé stante, che modestamente ma
1783 : “In Filogaso l’antico Palazzo del Conte di Nocera […] che era utilmente realizzavano già certe case baraccate”.
stato costrutto nel passato secolo di legno, e rivestito solamente di
fabbrica, si rimase in tutto l’interiore illeso, nel mentre che il resto del Séismes
Paese fu uguagliato al suolo”. 1638, 27-28 mars, Calabre, trois épisodes : M 6.8 – 6.6 – 6.6
1703, février, Abruzzes, L’Aquila, M 6.7
M. Sarconi dans Istoria de’ fenomeni del tremoto avvenuto nelle 1783, février-mars, Calabre et Sicile, M 6.6
Calabrie nell’anno 1783 (BARUCCI, 1990, p. 14) : (verso la fine del 1908, décembre, Reggio Calabria et Messine, M 7.2
XVIII secolo) “in Mileto di costa al tempio della Chiesa abbadiale vi era (Source : Catalogo parametrico dei terremoti italiani 1691-1899, Istituto Nazionale di
un’ampia e bella casa, formata per servire di ricovero nei terremoti. Geofisica e Vulcanologia)
Questa si mantenne salda e, senza danno, sostenne l’impeto delle
orrende scosse del di 5 febbraio [di questa casa]. I muri erano formati Normes constructives
con industria tale che l’interno viscere era tutto di legni”. 1784 Instructions Royales, Royaume des Deux-Siciles
1859 Regolamento edilizio da osservarsi per le fabbriche nel Comune
Rapport de la Commission gouvernementale chargée d’étudier et di Norcia (Ombrie)
proposer des normes constructives obligatoires pour les Communes 1884 Regolamento edilizio per i Comuni dell’isola d’Ischia danneggiati
touchés par le tremblement de terre du 1908 (BARUCCI, 1990, p. 38): dal terremoto del 28 luglio 1883 (Campanie)
“Le case baraccate antiche, con ossature in legnami disposte in senso 1887 Normes (Ligurie)
verticale, orizzontale e diagonale, tra di loro collegate e racchiuse 1906 Norme per le costruzioni, ricostruzioni e riparazioni degli edifici
entro le murature perimetrali e traversali, benché presentino lesioni privati, pubblici e di uso pubblico nella regione calabrese e nei
e scompaginamenti delle masse murali, pure sono rimaste in piedi”. comuni della provincia di Messina danneggiati dal terremoto
(Sicile)
Ing. Luigi Pesso, Sul consolidamento delle fabbriche nelle Calabrie 1909 Norme tecniche ed igieniche obbligatorie per le riparazioni,
contro i danni dei terremoti, dans L’ingegneria civile e le arti ricostruzioni e nuove costruzioni degli edifici pubblici e privati
industriali, III, fasc.9, 1876 (BARUCCI, 1990, p. 34) : “L’esperienza nei Comuni colpiti dal terremoto del 28 dicembre 1908 o da
ha dimostrato che una solida armatura di legno ben collegata in altri anteriori.
tutti i sensi, e rivestita poi di muratura accuratamente fatta con
bene adatto materiale, risponde alla condizione desiderata di una Validations scientifiques
sufficiente sicurezza in tutti i casi”. Tests expérimentaux conduits par le CNR-IVALSA et l’Università di
Calabria sur une réproduction d’une paroi du Palazzo Vescovile de
À une première version des Normes de construction pour les régions Mileto en maçonnerie renforcée par un cadre en bois (type intelaiato)
sismiques, datant d’avril 1909, suivi une mise à jour en 1912. À propos ont montré l’élevé degré de ductilité de ce type de structure assurée
du débat concernant la révision de ces normes, dans un numéro de par le remplissage (Source: CNR: A costruire case antisismiche ce lo
la revue « Il cemento » on critiquait la volonté d’atténuer certaines insegnano… i Borboni, 09.2013).

6. Observations

Bien qu’excellentes dans les documents des ingénieurs, nombreuses événement sismique […] réduit à néant les connaissances et ramène
constructions avec le système intelaiato furent, en réalité, si mal les populations sinistrées en un état de profond sous développement
réalisées que pendant le séisme calabrosicilien de 1894 furent en [voire d’ignorance]” (LANER, BARBISAN, 1986, p. 56 ; trad. A. Caimi).
grande partie détruites. Dans le rapport de l’enquête menée suite à
ce tremblement de terre, on peut lire: “Les maisons baraccate [de par En outre, dans le sud d’Italie, région à haute sismicité “le séisme
sa description l’auteur se réfère en réalité au système intelaiato, sic!] qui eut lieu à Reggio Calabria et Messine en décembre 1908 […]
ne montrèrent pour la plupart pas une bonne capacité ; mais cela causa un énorme nombre de victimes, déterminant ainsi l’insuccès
dérive essentiellement de défauts de construction et de matériaux des techniques constructives, bien que localement la mémoire
trop lourds. Le système requiert que le matériau de remplissage soit sismique était toujours présente et bien qu’il ne manquait pas une
de nature à accompagner les mouvements de l’ossature pendant une connaissance de règles et préceptes pour atténuer les conséquences
secousse. Par ce fait, il doit être léger et renfermé à l’intérieur de la désastreuses des séismes. Des lois bien efficaces, comme celles des
structure” (LANER, BARBISAN, 1986, p. 56 ; trad. A. Caimi). Bourbons du 1700 o celles du 1905 […] introduisaient le concept de
construction à ossature en béton armé et affirmaient la validité du
Pareillement, il fut constaté qu’en Ombrie : “même si après le système en maçonnerie avec ossature en bois” (BARBISAN, 1997, p.
séisme de Norcia en 1859 une première ébauche de réglementation 116 ; trad. A. Caimi).
pour la construction parasismique fut éditée […], chaque nouveau

7. Référence

BARBISAN, Umberto, 1997. « Il terremoto e le tecniche costruttive a Reggio Un Corso Di Sismologia. Milano : Hoepli.
Calabria e Messina nel 1908 ». In : Costruire in Laterizio. n° 56, p. 116-121.
NIGLIO, Olimpia, 2011. « La casa baraccata. Prototipi di architettura antisismica in
BARUCCI, Clementina, 1990. La casa antisismica: prototipi e brevetti. Materiali per epoca borbonica ». In : Bioarchitettura. n° 69, p. 46-49.
una storia delle tecniche e del cantiere. Roma : Gangemi Editore.
RUGGIERI, Nicola, 2005. « La casa antisismica ». In : International Conference on
BIANCO, Alessia, ESPOSITO, Annamaria, TUZZA, Serena, 2009. « Indagini the Conservation of Historic Wooden Structures. Firenze : Collegio degli Ingegneri
non distruttive come strumento investigativo per la conoscenza delle tecniche della Toscana. p. 141-146.
costruttive dell’edilizia storica del ’900 : il caso-studio di Reggio Calabria ». In :
Journal of non destructive testing [en ligne]. TOBRINER, Stephen, 1997. « La casa baraccata : un sistema antisismico nella
Calabria del XVIII secolo ». In : Costruire in Laterizio. n° 56, p. 110-115.
LANER, Franco, BARBISAN, Umberto, 1986. I secoli bui del terremoto. Milano :
Franco Angeli Libri. Coll. Ricerche di Tecnologia dell’Architettura. VIVENZIO, Giovanni, 1783. Istoria e teoria de’ tremuoti in generale: ed in
particolare di quelli della Calabria e di Messina del MDCCLXXXXIII. Napoli :
MASCIARI-GENOESE, F., 1915. Trattato Di Construzioni Antisismiche Preceduto Da Stamperia Reale.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
GAIOLA POMBALINO
Typologie Structure contreventée tridimensionnellement avec enveloppe en maçonnerie

Pays Portugal

Localisation géographique
ville de Lisbonne
régions de : Ribatejo, Alentejo,
Algarve
Sismicité
récurrence : faible
intensité : modérée

©Google Earth ©USGS ©USGS ©Langenbach

1. Contexte

Le système constructif gaiola pombalino doit son nom à un événement une ossature en bois constituant une sorte de cage tridimensionnelle
qui toucha le Portugal vers la moitié du XVIII siècle. Le 1er novembre (d’où le terme gaiola signifiant cage), enveloppée vers l’extérieur
du 1755 un tremblement de terre de magnitude 8.7 frappa la par une maçonnerie en pierre non porteuse. Ce principe en
partie méridionale du pays. Il fut ressenti dans une vaste région, cage tridimensionnellement contreventée n’était pourtant pas
comprenant la Suisse, la Finlande et la Suède ; le tsunami provoqué une invention nouvelle. Il était, en réalité, déjà employé avant le
arriva jusqu’aux côtes de l’Angleterre, des Pays-Bas et même du séisme et la structure tridimensionnelle en bois est probablement
Brésil (FERAH, 2009). La ville de Lisbonne fut gravement touchée par une amélioration des constructions qui lui survécurent (MEIRELES,
le séisme ainsi que par le tsunami et le vaste incendie qui suivirent et BENTO, 2010).
qui détruirent en particulier les districts de Baixa et Chiado.
Le choix et les spécificités de ce système furent déterminés aussi par
La réponse d’urgence et le processus de reconstruction furent gérés d’autres aspects, se référant à une solution astucieuse permettant
par le Marquis de Pombal, Premier Ministre du roi, qui délégua à un certain degré de préfabrication et, par conséquent, adaptée
un groupe d’ingénieurs le développement d’une solution structurelle à une reconstruction à grande échelle. En effet, l’expérience civile
garantissant une résistance sismique ainsi que de dispositifs visant à et militaire portugaise avait appris que la régularité géométrique
empêcher la propagation des incendies (CARDOSO, LOPES, BENTO, facilitait la construction en série, accélérant le processus de
2004a). Sur la base du savoir-faire de l’époque et de la connaissance construction. Une autre disposition de ce genre a été l’organisation
empirique dérivée de l’observation des bâtiments survécus au séisme, des étapes de construction: la gaiola et toute la structure en bois
un système constructif particulier fut mis au point et rendu obligatoire étaient les premières parties à être réalisées ; le remplissage en
pour la reconstruction urbaine : celui-ci connus de nos jours avec maçonnerie étant mis en œuvre par la suite, au même moment que la
l’appellation de gaiola pombalino (MEIRELES, BENTO, 2010). construction des murs extérieurs. Cette séquentialité permettait aux
différents artisans d’effectuer le travail rapidement, sans se gêner
La nécessité d’une reconstruction rapide et la peur d’un nouveau réciproquement (CARDOSO, LOPES, BENTO, 2004a).
séisme, conduirent au renforcement de la réglementation pour les
nouvelles constructions, introduisant des dispositions parasismiques L’utilisation du système à gaiola fut imposée pour toute nouvelle
ainsi que des prescriptions concernant l’aménagement urbain et construction. Bien qu’à l’époque des règles de construction n’étaient
l’architecture des façades et des plans des nouveaux bâtiments. pas éditées dans des documents officiels, ces dispositions devaient
Les districts de Baixa et Chiado furent rasés et reconstruits, en être strictement appliquées, peine la démolition du bâtiment par
organisant orthogonalement les constructions groupées en blocs ordre du roi.
réguliers. Les unités constructives (quarteirão) se basent sur deux
typologies d’îlots, avec disposition du plan et dimensions différentes L’importance du système gaiola pombalino réside dans le fait qu’il
ainsi qu’une largeur des rues définie par la hauteur des immeubles de a été délibérément sélectionné et amélioré pour une construction
manière à éviter un effet « domino ». parasismique à appliquer à une importante zone urbaine
La géométrie des immeubles en gaiola pombalino est également (KUSUMASTUTI, PRIBADI, RILDOVA, 2008) ainsi que dans la
très régulière, avec une forme rectangulaire et une configuration traduction de ce principe en une procédure systématique employée
symétrique. Ils sont réalisés avec, au rez-de-chaussée, un système en réponse à la nécessité d’une reconstruction rapide et à grande
porteur continu en maçonnerie en pierre et, aux étages supérieurs, échelle (FERAH, 2009).

Illustrations

©Langenbach

Gravure du séisme du 1755, par J.T.Kozak

source:web ©Langenbach ©Langenbach ©Langenbach


Vue intérieure Immeuble en rénovation : vues de l’intérieur Détail

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Portugal / structure contreventée tridimensionnellement avec enveloppe en maçonnerie 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Semelle filante en maçonnerie s’appuyant sur une grille double et
croisée de rondins assez fins en bois, reposant à leur tour sur deux
rangées parallèles de pieux en bois

Dimensions des pieux : dia 15-25 cm


longueur < 1.5m

Structure primaire
Trame structurelle : entre 2.88 et 3.70 m

Rez-de-chaussée :
murs et piliers en maçonnerie de pierre reliés par un système
d’arcs et de voûtes en berceau ou à croisière en maçonnerie
de briques
- mortier en chaux hydraulique
- remplissage des voûtes avec des débris recyclés pour
niveler la surface de l’étage
- épaisseurs :
murs porteurs : 90-120 m se réduisant progressivement
vers le haut
murs secondaires : 50-70 cm
Structure en gaiola ©Paula-Coias 2006
Étages : Système gaiola : murs porteurs (frontals) composés d’une
ossature en bois avec des éléments verticaux (prumos) et
horizontaux (travessanhos), contreventée par des éléments
diagonaux en croix.
- épaisseur des murs : 18-25 cm
- espèce de bois : chêne, châtaigner et pin

Plancher :planches en bois disposées transversalement et fixées sur


des solives en bois

Structure secondaire
Cloisons (tabiques): panneaux non porteurs composés de lattes en
bois clouées à des montants verticaux et diagonaux en bois
- épaisseur des murs intérieurs : 10-15 cm

Remplissage
Maçonnerie : briques en terre crue ou cuite, tuiles, moellons et débris
Mortier : chaux hydraulique, sable (dia 0.5-2mm)
Système de fondations : coupe ©Santos Assemblages : axonométries ©Cardoso

Enveloppe
Parement extérieur : murs en maçonnerie de pierres calcaires
liées avec un mortier de chaux à faible résistance, reliés
transversalement par des murs secondaires au rez-de-
chaussée
- épaisseur des murs : diminuant progressivement vers le haut
Rez-de-chaussée : 100-120 cm
Premier étage : 80-100 cm Assemblages : détails ©Ferah

Dernière étage : 50-80 cm

Toiture
Fermes en bois et couverture de tuiles en céramiques

Finitions
Plafonds : parement en planches superposées (saia e camisa) ou
avec un enduit sur lattis
Enduit sur lattis : plâtre, chaux

Connexions
Encoches, clous, bandes métalliques
Connexions :
- poutres – solives : renforcée par des bandes métalliques ©Langenbach ©Cardoso-Lopes-Bento-D’Ayala
- gaiola - murs extérieurs : parfois par des ancrages métalliques Lattis recouvrant la structure Rez-de-chaussée, structure en pilliers et voûtes

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Portugal / structure contreventée tridimensionnellement avec enveloppe en maçonnerie 3/5

3. Particularites constructives

Fondations :
- système adapté au sol alluvial présent sous le centre ville de
Lisbonne ;
- plutôt que transférer les charges vers une couche de sol plus
résistant se trouvant assez en profondeur (environ 15m), l’utilisation
de pieux vise à résister aux tassements pendant la construction
(Cardoso, et. al., 2005 dans FERAH, 2009) ;
- le bois était protégé de la détérioration par l’absence de lumière et
d’air ; les pieux se situant au niveau de la nappe phréatique.

Cloisons :
Ce type de parois présente une grande élasticité et une bonne
résistance aux sollicitations verticales (CORREIA, 2002).

Dimensions : bâtiments : longueur 8-16m


largeur 10-12 m
hauteurs des étages : rez-de-chaussée : 4.5m
étages : 3.5-4m

Principes garantissant la sécurité à l’échelle urbaine et du bâti :


Séismes :
- orientation des îlots perpendiculairement au fleuve, correspondant à
celle qui paru être la principale direction des mouvements sismiques
- symétrie et régularité des îlots et des bâtiments ;
- îlots constituant des blocs à comportement unitaire ;
©Salgado-Lourenço
- imposition de la même hauteur pour des bâtiments contigus ;
Lisbonne, quartier Baixa: vue aérienne
- deux accès par pièces fournissant des multiples voies de fuite ;
- cages d’escalier entourées par des murs porteurs du type gaiola,
assurant une voie de fuite sécurisées.

Incendies :
- murs mitoyens en maçonnerie plus hauts que les niveaux des
toitures empêchant la propagation des incendies entre bâtiments
contigus ;
- réalisation des rez-de-chaussée en maçonnerie, pour empêcher une
diffusion aux étages supérieurs d’habitation d’éventuels incendies
dérivant des activités commerciales.

Plan pour la reconstruction de Lisbonne, par E.dos Santos

Ilot dans la Baixa (dans Ferah 2009)

Axonométrie de la structure d’un


Axonométrie d’un immeuble gaiola pombalino ©Mascarenhas immeuble gaiola pombalino ©Paula-Coias

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Portugal / structure contreventée tridimensionnellement avec enveloppe en maçonnerie 4/5

4. Principes parasinistres

La structure à gaiola a été conçue de telle sorte que, lors d’un séisme,
elle peut rester intacte, même si la maçonnerie est en ruine. Elle
constitue un élément structurel de grande force, avec une bonne
capacité à supporter des charges verticales et une excellente
performance envers les sollicitations horizontales. Cette capacité de
résister à l’action sismique est le résultat de la façon d’organiser le
système des connexions entre les différents éléments, c’est-à-dire la
précision et les détails constructifs (NESDE 2005).

L’inclusion d’une structure du type gaiola assure une résistance


aux forces horizontales et une capacité de dissipation d’énergie
suffisante pour prévenir des dégâts structurels importants. En cas
de renversement des murs extérieurs en maçonnerie, le système
gaiola permet en effet d’éviter l’effondrement entier du bâtiment,
en sauvegardant la structure principale et protégeant ses occupants
(CARDOSO, LOPES, BENTO, 2004a).

La fissuration entre les joints de la maçonnerie et le décollement


de l’enduit recouvrant les éléments en bois de la gaiola permettent
une certaine dissipation et amortissement de l’énergie sismique
(CARDOSO, LOPES, BENTO, 2004a).

Les murs porteurs entourant la cage d’escalier augmentent la stabilité


de la structure envers les sollicitations à la torsion (IBID.).

En cas de séisme, les arcs et les voûtes s’adaptent aux déplacements


horizontaux (CORREIA, 2002).

Les types de connexion employés fournissent un comportement ductile


à l’ensemble structurel ainsi qu’une certaine dissipation d’énergie.
Les connexions entre l’ossature en bois et les murs en maçonnerie
sont réalisées avec des ancrages métalliques. En cas d’absence de
ces éléments, les forces sont transmises uniquement par friction
(CARDOSO, LOPES, BENTO, ET AL., 2003). Les connexions entre les
murs extérieurs en maçonnerie et la structure en bois préviennent
des déplacements horizontaux hors plan excessifs (FERAH, 2009).

Les planchers travaillent comme des diaphragmes flexibles.


Essais expérimentaux de la capacité sismique (dans Langenbach 2008)

Typologies d’ossature ©Cardoso

©Paula-Coias

Fondations de Structure en bois ©Paula-Coias


bâtiment
gaiola pombalino
©Lourenço Costa Neves 2008

Modélisation de la structure par étages ©Paula-Coias

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Portugal / structure contreventée tridimensionnellement avec enveloppe en maçonnerie 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques Validations scientifiques


Benavente (Ribatejo) : “Palácio do Infantado” (XVII siècle) Tests de laboratoire ont démontré que :
Les façades sont composées par deux murs : un extérieur en pierre • l’inclusion d’une structure contreventée en bois constitue une
de taille et un autre, intérieur, avec une structure similaire à celle du disposition efficace envers les sollicitations sismiques, étant donné
système gaiola pombalino. Cependant, jusqu’à présent, il n’y a pas que (CARDOSO, LOPES, BENTO, 2004a) :
de preuves attestant la composition de la structure originaire ni des - la présence de la gaiola augmente la rigidité globale du bâtiment
interventions de restructuration suivantes le séisme du 1755. Les envers les sollicitations sismiques : la fréquence propre d’un bâtiment
données confirment seulement que le palais a survécu au séisme du avec gaiola est en effet majeure que celle obtenue dans un model
1909 (CORREIA, 2002). sans cette structure ;
Écuries avec une structure du type gaiola pombalino, remplissage en - la présence de gaiola prévient les modes de vibration locale des murs
briques de terre crue et cuite (datant du XX siècle) avec un mortier à en maçonnerie : les déplacements hors plan des façades et des murs
la chaux (IBID.). entre des immeubles contigus n’ont pas lieu de façon indépendante
du reste de la structure ;
Alcácer do Sal et Ermidas (Alentejo) - les déplacements locaux sont réduits du 70% par rapport à un cas
Dans certaines habitations, des murs en gaiola pombalino sont sans gaiola ;
présents se caractérisant par un remplissage en briques de terre cuite - la structure en bois améliore la résistance du bâtiment envers
avec un mortier de terre et chaux (IBID.). des sollicitations horizontales mais également le comportement
dynamique du bâtiment ;
Séismes - la gaiola a une fonction de contreventement global étant donné que
1909, 23 avril, Benavente (Ribatejo), M 6.3 les déplacements en hors plan des murs en maçonnerie connectés
1969, 3 avril, Océan Atlantique, M 7.8 perpendiculairement à des murs gaiola sont réduits.
• l’organisation en blocs unitaires des immeubles du centre ville de
Normes constructives Lisbonne améliore le comportement sismique des bâtiments (RAMOS,
1755, Reconstruction post-séisme LOURENÇO, 2003).

6. Observations

La gaiola se compose par plusieurs éléments reliés de façon à À cause d’une période de retour très longue des séismes affectant la
établir une solidarité presque parfaite entre les différents éléments région, la conscience envers le risque sismique se dilua dans le temps
structuraux, similaire aux meilleures solutions actuelles obtenues avec et la pratique constructive de la gaiola fut complètement abandonnée
le béton armé (NESDE 2005). dans les années 1880, laissant place d’abord au gaiolero et ensuite
au béton armé (FERAH, 2009). Les bâtiments en gaiolero, réalisés
La conception d’un système constructif parasismique à ossature est entre 1870 et 1930, présentent cependant des problèmes structurels
étroitement liée à l’expérience acquise dans la construction navale, très importants en relation aux séismes, déterminés par les suivants
qui inspira les ingénieurs militaires impliqués dans le processus de aspects (CORREIA, 2002) :
reconstruction. Une analogie fut établie entre le comportement des - un manque de connexion entre les éléments structuraux du système
bâtiments lors d’un séisme et celui des navires, capables de faire - l’utilisation de bois de mauvaise qualité
face aux sollicitations dynamiques exercées par la mer. L’excellente - le remplacement du système de connexion entre les éléments en bois
performance de ces derniers était essentiellement due à l’utilisation par des clous et des joints de basse qualité
d’une structure tridimensionnelle en bois ainsi qu’à des connexions - une mauvaise qualité de mise en œuvre de la maçonnerie.
permettant un comportement de la structure comme un ensemble
articulé (Pinho 2000 dans CORREIA, 2002). Pareillement, les bâtiments en gaiola encore existants sont affectés par
de nombreux problèmes :
Le système constructif employé pour la reconstruction était basé sur - des étériorations causant des déformations et une diminution
des règles établies par une commission d’architectes et d’ingénieurs; significative de la section des éléments structuraux ;
il peut dont être considéré comme une construction d’ingénierie au - des modifications des espaces en liaison avec leur affectation et à
sens d’engineered-structure. Sa mise en œuvre était effectuée par une amélioration du confort déterminant un affaiblissement et une
des artisans sous la supervision d’un contremaître. Bien qu’aucun perte de cohérence de l’ensemble structurel, tant au niveau d’un seul
document officiel n’ait été retrouvé, les prescriptions imposées par bâtiment que des îlots.
le Marquis de Pombal étaient pratiquées et transmises entre les - l’introduction de nouveaux matériaux avec un comportement
charpentiers et les maçons, assumées donc comme un code de bonne mécanique considérablement différent engendrant des changements
pratique (CARDOSO, LOPES, BENTO, ET AL., 2003). incontrôlés du système structurel originaire avec une possible
perte de résistance et de capacité à dissiper l’énergie associée aux
L’utilisation de matériaux très coûteux et de main d’œuvre experte, sollicitations sismiques (PAULA, COIAS, 2006).
dans un région caractérisée par la rareté de ressources comme - des méthodes intrusives de réhabilitation employant des technologies
l’Alentejo, pourrait se justifier dans l’intérêt de la population envers le basées sur une utilisation intensive du ciment, du béton armé et de
caractère parasismique de cette technique (CORREIA, 2002). l’acier.
7. Référence

CARDOSO, Rafaela, 2003. Vulnerabilidade Sísmica de Estruturas Antigas de of school building in Indonesia ». In : 14th World Conference on Earhquake
Alvenaria – Aplicação a um Edifício Pombalino. Thèse de maîtrise en Génie des Engineering [en ligne]. Beijing.
Structures. Lisbonne : Instituto Superior Técnico.
LANGENBACH, Randolph, 2008. « Parades Pombalinas and the “invention” of
CARDOSO, Rafaela, LOPES, Mario, BENTO, Rita, et al., 2003. Historic, braced earthquake-resistant construction ». In : International Seminar on Seismic Risk
frame timber buildings with masonry infill (’Pombalino’ buildings) [en ligne]. and Rehabilitation [en ligne]. Azores.
Housing Report. World Housing Encyclopedia.
LOURENÇO COSTA NEVES, Sílvia Margarida, 2008. Análise Sísmica de um Edifício
CARDOSO, Rafaela, LOPES, Mario, BENTO, Rita, 2004a. « Earthquake resistant da Baixa Pombalina. Thèse de Master en Ingénierie Civile. Lisbonne : Istituto
structures of Portuguese old “Pombalino” buildings ». In : 13th World Conference Superior Tecnico, Universidade Tecnica de Lisboa.
on Earthquake Engineering. Vancouver.
MEIRELES, Helena A., BENTO, Rita, 2010. « Cyclic behaviour of Pombalino
CARDOSO, Rafaela, LOPES, Mario, BENTO, Rita, 2004b. « Seismic assessment of “frontal” walls ». In : 14th European Conference on Earthquake Engineering.
“Pombalino” buildings ». In : 13th World Conference on Earthquake Engineering. Ohrid.
Vancouver.
NESDE. « Departamento de Estruturas, Nucleo de Engenharia Sismica e Dinamica
CORREIA, Mariana, 2002. « Preliminary Report of the local seismic culture in de Estruturas (NESDE) Lisbonne ».
Portugal ». In : Taversism Project - Atlas of Local Seismic Cultures. Ravello:
Centro Universitario Europeo per i Beni Culturali. Coll. European Research Project. PAULA, Raquel, COIAS, Victor, 2006. « Rehabilitation of Lisbon’s old “seismic
resistant” timber framed buildings using innovative techniques ». In :
FERAH, Füsun Ece, 2009. 1755 Lisbon Earthquake and Protection of Cultural International Workshop on Earthquake Engineering on Timber Structures [en
Heritage from Future Earthquakes / With a Comparative Study about Earthquakes ligne]. Coimbra.
and Risk Preparedness in Instanbul. Thèse of Advanced Masters in Structural
Analysis of Monuments and Historical Constructions. University of Minho. RAMOS, Luis F., LOURENÇO, Paulo B., 2003. « Seismic Analysis of the Old Town
Buildings in “Baixa Pombalina” - Lisbon, Portugal ». In : 9th North American
KUSUMASTUTI, Diana, PRIBADI, Krishna Suryanto, RILDOVA, 2008. « Reducing Masonry Conference [en ligne]. Clemson, South Carolina (USA).
earthquake vulnerability of non-engineered buildings: case study of retrofitting

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
LEFKADA
Typologie Double système porteur en maçonnerie et ossature

Pays Grèce

Localisation géographique
île de Lefkada (Leucade)

Sismicité
récurrence : élevée
intensité : modérée

©Google Earth ©USGS ©USGS ©Vintzileou-Touliatos

1. Contexte

Historiquement affectée par des phénomènes sismiques, l’île de colonisèrent l’île. Certaines analogies sont en effet décelables entre
Lefkada se caractérise l’utilisation d’un principe structurel particulier, les architectures de Lefkada et celles turques (occupation de l’île
datant d’avant 1800 et employé pour le rez-de-chaussée de bâtiments entre XV-XVI siècle) et vénitiennes (système de fondations similaire).
de deux et trois étages (PORPHYRIOS, 1971). Il consiste en un double Toutefois, la construction employant un double système maçonnerie-
système porteur, composé de murs périmétraux en maçonnerie de ossature est diffuse uniquement sur l’île de Lefkada, ce qui en fait une
pierre associés à une ossature en bois. spécificité constructive de cette région (KARABABA, 2007).
Pendant la colonisation britannique, ce principe structurel fut largement
En temps normal, les étages sont portés par les murs en maçonnerie. promu spécialement pour la reconstruction suivante le séisme de
Lors d’un séisme, des parties de ces murs peuvent s’écrouler 1825, qui vit son application systématique dans la réalisation de
laissant intacte la structure supérieure, supportée temporairement nombreux bâtiments témoins à caractère public (KARABABA, 2007).
par un système à poteaux-poutres, appelé localement pontelarisma En 1827, les autorités britanniques imposèrent par la promulgation
(TOULIATOS, 1996). Cette appellation dérive probablement du terme d’un code de construction une réglementation fondée sur la mise en
italien «ponte» ou «ponteggio», signifiant échafaudage. En effet, en œuvre de ce système (VINTZILEOU, TOULIATOS, 2005).
cas d’effondrement de la maçonnerie, il offre un support temporaire
des étages supérieurs. De plus, il présente par une grande flexibilité Ce type de construction fut réalisé jusqu’en début des années 1940.
d’application post-séisme à des structures existantes, en vue de leur Par la suite, l’introduction du béton et sa grande utilisation dans la
consolidation (KARABABA, 2007). reconstruction après le séisme de 1948 déterminèrent une graduelle
Ce principe structurel permet non seulement de sauvegarder une altération des pratiques constructives. Bien qu’il y ait eu une perte
partie importante de la structure et de protéger ses habitants, de connaissances tant de la part des constructeurs que des maîtres
mais également de consentir une réparation rapide sans que ses d’ouvrage au regard des spécificités et de la fonction du double
occupants soient obligés de la quitter pendant la période des travaux système, ce principe constructif était encore largement mis en œuvre
(KARAKOSTAS, LEKIDIS, MAKARIOS, ET AL., 2005). après les années 1950 ainsi que, bien qu’en mesure plus limitée,
jusqu’en 2005. Le recours systématique à ces pratiques constructives
L’élaboration de ce principe constructif fut, très probablement, parasismiques a été effectuée principalement dans la ville de Lefkada;
influencée par les caractéristiques de la sismicité locale et toutefois ce système a été employé également dans d’autres parties
les connaissances techniques des différentes populations qui de l’île, bien qu’en mesure plus limitée (KARABABA, 2007).

Illustrations

©lefkadaslowguide.gr ©Makarios-Demostenous ©Porphyrios

©Karababa

©Makarios-Demostenous

Ancienne mairie de la ville de Lefkas réalisée avec le double système porteur Système porteur à ossature bois

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Grèce / double système porteur en maçonnerie et ossature 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Semelle continue, en maçonnerie de pierre et mortier en chaux et
pouzzolane avec une sous-fondation composée d’une double ou
triple grille de rondins couvrant toute la surface du plan, remplie et
recouverte par un mortier composé de sable fin, moellons et poudre
de pouzzolane.
Profondeurs : - semelle : en dessus du niveau de l’eau (environ 70cm)
- grille : environs 60 – 100 cm

Structure primaire
Rez-de-chaussée : double système porteur
hauteur d’étage : 2.5 - 3.2m

Murs porteurs en maçonnerie de pierre avec deux parements et


remplissage en tout-venant : Axonométrie du principe structurelle:
massivité au rez-de-chaussée, légèreté à l’étage ©Vintzileou-Touliatos
- parement extérieur en pierres grossièrement taillées avec des
pierres de taille pour les angles, les appuis de fenêtres et les
cadres d’ouverture ;
- parement intérieur en moellons disposés irrégulièrement et
recouverts par un enduit ;
- remplissage avec un mélange de petites pierres, tuiles cassées
et un mortier de sable fin, poudre de pouzzolane et gravier ;
- épaisseur : 50 – 120 cm.

Poteaux-poutres en bois divisant l’espace en deux travées et longeant


le périmètre intérieur des murs en maçonnerie :
Les poteaux sont positionnés sur des pierres taillées en tronc
de pyramide, distribuant les charges de la superstructure sur
une zone plus ample, évitant ainsi l’affaissement du sol de type
alluvial ; travée : 2 - 3m

Étages : ossature en bois (tsatmas) contreventée par des éléments


horizontaux et diagonaux à 45° s’appuyant sur la lisse basse.
Les poteaux aux angles sont renforcés par des équerres en bois
et dotés de longs chapiteaux (60-80cm).
Ossature connectée aux murs en maçonnerie du rez-de-
chaussée par des poutres en bois intégrées à la maçonnerie au
sommet des murs.
- poteaux et poutres : bois : cyprès, pin ©Makarios-Demostenous

- section : 12-22cm; distance entre les montants : 1-2m Ossature en bois à l’étage

Équerres : une seule pièce de bois d’olivier (branches ou racines)


- 10x18x100cm de longueur dans chaque direction
Plancher : structure en bois composée de solives (20x20cm)
s’appuyant sur les lisses supérieures du rez-de-chaussée à une
distance de 40-50cm

Structure secondaire
Cloisons : montants verticaux en bois cloués au plafond et au plancher
avec un espacement horizontal de 50cm
- roseaux ou lattis cloués des deux côtés des montants

Remplissage
Tsatmas : briques en terre crue ou pierres poreuses bloquées dans le
cadre avec des cales en bois
épaisseur : 10-15cm
mortier : chaux, terre stabilisée, terre
Cloisons : paille

Enveloppe
---

Toiture
Fermes en bois avec une pente de 25-30° et couverture en tuiles de
terre cuites (20x16x45cm) fixées avec du mortier.

Finitions ©Makarios-Demostenous
Murs extérieurs et intérieur : enduit en mortier de sable et chaux avec Ossature en bois à l’étage
finition en badigeon de chaux
Revêtement extérieur : planches en bois ou, plus récemment,
panneaux en tôle
Sols : dallage en pierres ou en terre damée stabilisée à la chaux
(épaisseur 6-8cm)

Connexions
Assemblages par tenon et mortaise et en queue d’aronde
Cadres des ouvertures et maçonnerie : clous et tiges métalliques
Solives et poutres périmètrales : tenons et mortaise et/ou clous
Poteaux (tsatmas) et équerres / équerres - lisses (basse et haute) :
assemblages en queue d’aronde + clous carrés (longueur 15cm)
Poteaux et chapiteaux : tenon et mortaise
Poteaux et lisses (basses et hautes) : tenon et mortaise ©Vintzileou-Touliatos ©Vintzileou-Touliatos ©Makarios-Demostenous
Entretoise et tsatmas : encastrement Equerres de raidissement de l’ossature en bois

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Grèce / double système porteur en maçonnerie et ossature 3/5

3. Particularites constructives

Matériaux (PORPHYRIOS, 1971 ; VINTZILEOU, TOULIATOS, 2005 ;


KARABABA, 2007):
- les pierres proviennent des zones montagneuses de l’île et elles
sont de composition sédimentaire ou calcaire. Parfois, un type
particulier de grès extrait des gisements sous-marins était utilisé.
Les blocs obtenus présentent une propriété naturelle permettant
une grande adhérence entre pierres similaires assurant la stabilité
sans l’utilisation d’un mortier ;
- la pouzzolane a été employée dans les bâtiments construits jusqu’à
la fin du 19ème siècle. Par la suite elle a été substituée avec un
mortier à base de chaux stabilisé avec de la paille ou, pour des
constructions plus économiques, un mortier de terre ;
- tous les éléments en bois étaient d’abord immergés dans la boue
pendant 7 semaines pour en améliorer la durabilité. Ensuite ils
étaient traités à la créosote pour les protéger des insectes et de
l’humidité. Pour les mêmes raisons, les sections des poutres sont
recouvertes par des feuilles de plomb.
Détail connexion entre entraits et lisses hautes ©Porphyrios
Fondations (PORPHYRIOS, 1971 ; DEMOSTHENOUS, MAKARIOS, 2006):
- la grille composées de rondins disposés horizontalement permet
d’éviter des tassements différentiels du sol dus à une nappe
phréatique superficielle et à la nature du sol alluvial ;
- l’utilisation d’un mortier composé d’un mélange de chaux et
pouzzolane augmente la résistance des fondations et empêche les
remontées d’humidité.

Poteaux (PORPHYRIOS, 1971 ; KARABABA, 2007):


- les longs chapiteaux augmentent la rigidité de la poutre sablière, en
évitant son affaissement et permettant une répartition des charges
sur une plus grande surface ;
- au rez-de-chaussée, ils sont posés sur une socle en pierre pour
éviter le contact direct avec le sol et pour protéger le bois des
remontées d’humidité et des insectes ; les poteaux sont dans
certains cas ancrés au sol ;
- les équerres ont la fonction de rigidifier les joints entre les éléments
verticaux et horizontaux, elles participent à maintenir l’intégrité
géométrique de la structure en évitant le renversement aux angles.

Toiture :
- la structure n’est pas clouée aux poteaux, ni les entraits aux lisses
hautes ; ces derniers sont fixés à la sablière au moyen d’un entaille.
- la différente orientation des fermes apporte rigidité à la structure.

Finitions : sur le tsatmas, l’enduit extérieur est souvent présent


uniquement en correspondance du remplissage pour faciliter une
ventilation des éléments en bois.

Pour un bâtiment à usage d’habitation de 2-3 étages, les dimensions


les plus répandues sont de 4-5m par 7-15m avec une hauteur d’étage
de 2.8-3m (DEMOSTHENOUS, MAKARIOS, 2006).

Distribution des charges :


le rez-de-chaussée présente une masse de 5-6 fois supérieure à
celle des étages supérieurs, ce qui permet un abaissement du centre
de gravité du bâtiment. Les charges des étages supérieurs sont Axonométrie du double système porteur ©Vintzileou-Touliatos
distribuées de façon uniforme sur les murs extérieurs en maçonnerie,
elles ne sont donc pas concentrées dans le centre géométrique
du plan. Les cloisons ont un poids négligeable et n’ont aucun rôle
structurel (KARAKOSTAS, LEKIDIS, MAKARIOS, ET AL., 2005).

Rôle porteur variable à selon de la séquence de construction :


si l’ossature en bois (y compris les éléments au rez-de-chaussée)
est érigée en premier, la maçonnerie de pierre est essentiellement
Mur externe en maçonnerie de pierre
(épaisseur 50cm)
employée pour clôturer l’espace, portant seulement une petite portion
des charges propres de la structure. Dans ce cas, la construction du
mur en maçonnerie est moins méticuleuse et son rôle est seulement
secondaire.
Cependant dans la plupart des cas, le mur en maçonnerie de pierres
est érigé en premier, constituant la structure porteuse principale et
supportant les solives des étages supérieurs. L’ossature en bois est
réalisée par la suite, à l’intérieur, et porte seulement une portion
réduite des charges propres. En cas de défaillance ou d’effondrement
de la maçonnerie, elle est capable de porter des charges additionnelles,
seulement temporairement, jusqu’à la réparation des dégâts. Dans
ce cas, le principal élément de raidissement est la maçonnerie du grille en rondinds de bois
niveau inférieur ; le système secondaire ne participe pas à la réponse
sismique du bâtiment, mais il peut porter les charges verticales, semelle filante en maçonnerie de pierres

même en cas de enlèvement complet de la maçonnerie en pierre niveau de la


nappe phréatique
(épaisseur 150-200cm)

(KARABABA, 2007).
Système de fondation avec semelle filante et grilles en rondins (adapté de Makarious & Demosthenous, 2006)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Grèce / double système porteur en maçonnerie et ossature 4/5

4. Principes parasinistres

Le système de sous-fondations avec la grille en bois ressemble à un


ancien système d’isolation sismique, mais sont comportement effectif
reste encore à étudier (DEMOSTHENOUS, MAKARIOS, 2006).

En cas de séisme, le mélange utilisé pour le remplissage et le


recouvrement de la grille des sous-fondations permet à l’ensemble
de la construction de se déplacer comme une seule entité, en évitant
des éventuels tassements différentiels (KARABABA, 2007).

L’utilisation d’une ossature en bois permet, d’une part, d’assurer un


comportement flexible à la structure des étages (TOULIATOS, 1996)
en lui garantissant un poids réduit (DEMOSTHENOUS, MAKARIOS,
2006) et, d’autre part de disposer au rez-de-chaussée d’un système
secondaire, capable de porteur les charges verticales après des
importants dégâts de la maçonnerie (KARAKOSTAS, LEKIDIS,
MAKARIOS, ET AL., 2005).

Au rez-de-chaussée, en cas d’affaiblissement des murs en maçonnerie


à cause des sollicitations sismiques (p.e. fissuration étendue et/ ©Makarios-Demostenous

ou effondrement partial), l’ossature en bois s’active pour porter les Effets du séisme du 14 août 2003 : détachement de l’enduit à l’étage supérieur
charges des étages supérieurs (KARAKOSTAS, LEKIDIS, MAKARIOS,
ET AL., 2005). Après un séisme, la maçonnerie peut être reconstruite
ou réparée, sans affacter la stabilité du bâtiment, qui sera à nouveau
en mesure de faire face à l’impact d’un nouveau séisme (VINTZILEOU,
TOULIATOS, 2005).

Les assemblages par tenon et mortaise ainsi que l’utilisation de cales


en bois assurent la création des joints ductiles, capables de dissiper
l’énergie par des petites déformations, prévenant un déplacement
excessif ou une rupture des composants structurels (KARABABA,
2007).

L’ossature se caractérise par une grande rigidité dans le plan, grâce


à la disposition rapprochée des éléments horizontaux, diagonaux et
verticaux ainsi que par leurs connexions. Les étages supérieurs se
comportent comme une boîte rigide, limitant les mouvements entre
les différents niveaux et prévenant ainsi des dommages importants
(VINTZILEOU, TOULIATOS, 2005).
©Makarios-Demostenous

Effets du séisme du 14 août 2003 : effondrement du remplissage en maçonnerie en hors plan


L’indépendance des murs en pierre du système secondaire poteaux-
poutres permet d’éviter la transmission des déformations et des
possibles écroulements de la maçonnerie à la structure en bois
(TOULIATOS, 1996). Un vide de 5-10cm est généralement laissé
entre ces deux structures, ce qui permet des mouvements et des
déformations indépendants des deux systèmes, en évitant ainsi
le martèlement pendant un séisme (KARABABA, 2007). Plus
particulièrement, la disposition de l’ossature sur le côté intérieur du
mur favorise, en cas d’effondrement, un écroulement vers l’extérieur;
ce qui permet de protéger les occupants et la structure porteuse des
étages supérieurs (PORPHYRIOS, 1971).

©Makarios-Demostenous

Effets du séisme du 14 août 2003 : détachement de l’enduit et fissuration de la maçonnerie au rez-de-chaussée

©Makarios-Demostenous

Rôle du système porteur secondaire en cas de séisme ©Vintzileou-Touliatos Effets du séisme du 14 août 2003 : écroulement du remplissage en maçonnerie aux agles des cadres en bois

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Grèce / double système porteur en maçonnerie et ossature 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques Validations scientifiques


1613 : écrits du prêtre Nicolaos Zampelios au regard du bon Tests de laboratoire ont démontré une vulnérabilité du système
comportement des constructions employant une ossature bois remarquablement réduite vis-à-vis des sollicitations sismiques, grâce
pendant le séisme du 12 octobre (M 6.4) ; aux particularités suivantes :
1806 : témoignage du voyageur britannique Leake attestant - une « réserve » de résistance déterminée par le surdimensionnement
l’utilisation du système porteur double et son application des éléments en bois (VINTZILEOU, ZAGKOTSIS, REPAPIS, ET AL.,
expressément en relation aux séismes ; 2007) ;
1914 : première reconnaissance par la communauté scientifique des - le rôle du remplissage qui, grâce au mouvement entre les briques
caractéristiques parasismiques des pratiques constructives ainsi qu’au frottement à l’interface du bois et de la maçonnerie,
locales. constitue un important dispositif de dissipation d’énergie (IBID.).
En outre, la subdivision en panneaux de taille réduite assure un
Séismes comportement satisfaisant dans le plan et hors plan, ce qui limite
1825, 19 janvier M 6.5 l’étendue d’une éventuelle fissuration ou l’effondrement de la
1938, 13 mars M 5.8 maçonnerie (VINTZILEOU, TOULIATOS, 2005) ;
1948, 22 avril M 6.5 - l’action diaphragmatique des planchers et du toit, qui permet une
1953, 12 août M 7.1 réduction des déplacements horizontaux du bâtiment dans son
2003, 14 août M 6.2 ensemble (IBID.) ;
- un comportement des étages similaire à celui d’une boîte rigide, grâce
Normes constructives à la rigidité de l’ossature assurée par les connexions ainsi que par les
1827, Code de Construction établi par les colons britanniques pour la planchers et le toit, ce qui permet à la maçonnerie d’être soumise à
reconstruction post-séisme. des déformations dans le plan et hors plan plus réduites pendant un
séisme (VINTZILEOU, ZAGKOTSIS, REPAPIS, ET AL., 2007) ;
- un comportement quasi-élastique du bâtiment (KARAKOSTAS,
LEKIDIS, MAKARIOS, ET AL., 2005).

6. Observations

Les changements d’affectation des bâtiments, spécialement la Les dégâts observés après le séisme du 2003 ont été les suivants :
transformation des rez-de-chaussée en espaces commerciaux, a - fissuration diagonale dans la maçonnerie en pierre des étages
conduit à la démolition des murs en maçonnerie qui ont été remplacés inférieurs, généralement dans les pans de mur situés entre les
par des façades vitrées déterminant une réduction critique de la ouvertures (KARABABA, 2007) ;
rigidité structurelle (KARABABA, 2008). - déplacement horizontal excessif de l’ensemble du bâtiment, dans
des constructions qui présentaient une démolition partielle de la
Entre 1444 et 2003, 25 séismes de magnitude majeure ou égale maçonnerie en pierre (VINTZILEOU, ZAGKOTSIS, REPAPIS, ET AL.,
à 6.0 se sont produits avec une récurrence d’environ 22 ans. Des 2007) ;
séismes de magnitude majeure à 5.0 ont eu historiquement lieu - déplacement horizontal permanent des poteaux du rez-de-
avec une récurrence de maximum 10 ans. Ces particularités de la chaussée, à cause d’une dégradation du bois des poutres servant
sismicité locale, avec une intensité assez importante pour causer des de support aux étages supérieurs (IBID.).
dégâts mais pas suffisante pour causer une dévastation complète
(destruction partielle ou modérée), ont permis la constitution d’une
mémoire relative à ces phénomènes, vivante et continuellement
alimentée par des nouveaux événements (IBID.).

7. Référence

DEMOSTHENOUS, Milton, MAKARIOS, Triantafyllos, 2006. « Seismic response TOULIATOS, Panos, 1996. « Prevencion de desastres sismicos en la historia
of traditional buildings of Lefkas Island, Greece ». In : Engineering Structures. de las estructuras en Grecia ». In : Desastres: Modelo para armar. Coleccion
Vol. 28, n° 2, p. 264-278.. de piezas de un rompecabezas social. Lima : Red de Estudios Sociales en
Prevencion de Desastres en América Latina (La Red).
KARABABA, Faye S., 2007. Local Seismic Construction Practices as a Means to
Vulnerability Reduction and Sustainable Development. A case study in Lefkada VINTZILEOU, Elisavet, TOULIATOS, Panos, 2005. « Seismic behaviour of the
Island, Greece. Thèse de doctorat. Cambridge : University of Cambridge. historical structural system of the island of Lefkada, Greece ». In : STREMAH
2005, Ninth International Conference on Structural Studies, Repairs and
KARABABA, Faye S., 2008. « Local seismic construction practices as a means Maintenance of Heritage Architecture. Malta : WIT Transaction on the Built
to vulnerability reduction and sustainable development ». In : 14th World Environment.
Conference on Earhquake Engineering [en ligne]. Beijing.
VINTZILEOU, Elisavet, ZAGKOTSIS, A., REPAPIS, C., et al., 2007. « Seismic
KARAKOSTAS, Christos, LEKIDIS, Vassilios, MAKARIOS, Triantafyllos, et al., behaviour of the historical structural system of the island of Lefkada, Greece ».
2005. « Seismic response of structures and infrastructure facilities during the In : Construction and Building Materials. Vol. 21, n° 1, p. 225-236.
Lefkada, Greece earthquake of 14/8/2003 ». In : Engineering Structures. Vol.
27, n° 2, p. 213-227.

PORPHYRIOS, Demetrius Thomas Georgia, 1971. « Traditional Earthquake-


Resistant Construction on a Greek Island ». In : Journal of the Society of
Architectural Historians. Vol. 30, n° 1, p. 31-39.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
NURISTAN
Typologie Empilement de poutres horizontales agrafées avec remplissage en maçonnerie

Pays Afghanistan

Localisation géographique
région de l’Hindu Kush et vallées
de Parun, Waigal, Bashgal, Titin

Sismicité
récurrence : modérée
intensité : élevée

©Google Earth ©USGS ©USGS © Edelberg&Jones, 1979

1. Contexte

Situés parfois à des altitudes supérieures à 3000m, les villages des stabilisateurs à clé verticale fixés avec des agrafes. Il s’agit d’une
vallées du Nuristan, dans le nord-est de l’Afghanistan, se caractérisent structure mixte, qui profite des capacités de résistance à la traction
par des constructions accolées les unes aux autres, souvent quasiment du bois et de celles de résistance à la compression de la maçonnerie
superposées, pour faire face aux contraintes dictées par le climat très en pierre.
rigide et le site d’implantation. Pour préserver les terres cultivables
dans les fonds des vallées, les habitations sont généralement bâties Ce système constructif est appliqué également pour la réalisation
sur les flancs très abrupts des montagnes et leurs toits constituent d’autres types d’ouvrages : bâtiments religieux, structures à caractère
souvent les seuls espaces extérieurs plats. défensif, ponts, murs de soutènement et système de stabilisation
des berges des rivières pour empêcher l’érosion lors de crues et
Les habitats s’articulent sur deux ou trois niveaux basés sur un inondations, ainsi que pour la création de routes le long des falaises.
plan compact, carré ou rectangulaire, avec une hauteur des étages Presque chaque village possède des tours de surveillance pouvant
d’environ 2-2.5m. Souvent plusieurs corps d’habitation sont adossés atteindre 4-5 étages d’hauteur. Elles se caractérisent par un corps
ou superposés, construits simultanément ou successivement, en principal en maçonnerie de pierre avec un chaînage en bois ou des
allant à constituer un seul grand bâtiment accueillant différents poutres en bois insérées horizontalement, auquel sont superposés un
ménages appartenant à la même famille. ou plusieurs étages, légèrement en saillie, construits avec le système
La construction se base sur l’utilisation d’une structure composée de plus léger des poutres horizontales agrafées. Ce même principe est
poutres horizontales en bois alternées à des rangées de maçonnerie parfois utilisé pour les étages inférieurs des habitations, en particulier
en pierre, stabilisée des deux côtés du mur par des éléments quand celles-ci se situent dans la partie inférieure du village.

Illustrations

© Edelberg&Jones, 1979
Densité des habitats

© Edelberg&Jones, 1979 © Edelberg&Jones, 1979

Implantation des habitats Habitat individuel : superposition des espaces et des fonctions

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Afghanistan /empilement de poutres horizontales agrafées avec remplissage en maçonnerie 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Terrassement d’une zone minimale.
Si la construction est posée directement sur la couche rocheuse
existante, aucune fondation est réalisée ; en cas contraire, elle
constitue une assise solide formée de murs en maçonnerie de pierre,
dont le vide est rempli avec un mélange de terre et de pierres
concassées.

Structure primaire
Étage inférieur :
maçonnerie de pierres avec ou sans chaînage en bois
- pierres plates maçonnées avec un mortier terre
- souvent les murs des fondations s’élèvent jusqu’à créer un
socle d’un ou plusieurs étages

Étages supérieurs :
superposition de poutres horizontales en bois, stabilisées sur
chaque côté du mur par des clés en bois, constituées par des
éléments verticaux insérés dans des agrafes © Edelberg, 1984

Préparation de l’assise du bâtiment


- poutres : espacement vertical : environ 25 cm
chevauchement aux angles
- agrafes : 3 ou plus sur la hauteur d’un étage
elles sont insérées horizontalement dans le mur
et à leurs extrémités, dotées de trous et en saillie
par rapport au profil du mur, sont glissés des clés
en bois
- clés : éléments en bois positionnés verticalement le
long du mur et parfois aux angles
espacement horizontal : environ 1.5m

- bois : cèdre
- épaisseurs des murs :
maçonnerie (à tous les étages) : 13-20cm
total (y compris clés et agrafes) : 30-35 cm

- Planchers : structure en bois reposant sur les murs extérieurs et


soutenue par 4 ou 8 poteaux intérieurs, parfois continus sur
la hauteur de plusieurs étages
© Edelberg, 1984
Structure secondaire Structure en poutres horizontales agrafées

Véranda :poteaux en bois posés dans une encoche entaillée dans une
poutre et soutenant une poutre encastrée dans une entaille

Remplissage
Maçonnerie en pierres plates avec mortier terre

Enveloppe
---
©Makarios-Demostenous
Toiture
Structure : poutres en bois reposant sur les murs extérieurs et sur les
poteaux intérieurs
Solives en bois recouvertes avec des planches en bois
Couverture : en couches superposées, dans l’ordre vers l’extérieur:
gravillons, copeaux de bois ou feuilles de chêne séchées,
pierre de schiste pulvérisée, terre damée (30-40cm) © Edelberg&Jones, 1979
Avant-toit : planches en bois ou poutres en saillie disposées Structure en poutres remplie avec de la maçonnerie en pierre
horizontalement sur les solives du toit

- protection des bords de toiture : superposition de pierres plates,


rondins en bois ou planches fixées par des agrafes et des
clés en bois
- gargouilles en bois pour l’évacuation de l’eau

Finitions
Enduits :
à l’intérieur : mortier de terre
à l’extérieur : aucun ou parfois uniquement pour la pièce de
vie avec un mortier ou un badigeon de terre
Fenêtres : petites ouvertures intégrées entre les poutres horizontales
avec battant ou élément coulissant
- dimensions déterminées par l’espacement des madriers

Connexions © Jones, 1974


Assemblages à mi-bois et par tenon et mortaise Application d’un badigeon de terre

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Afghanistan /empilement de poutres horizontales agrafées avec remplissage en maçonnerie 3/5

3. Particularites constructives

Une fois l’assise du bâtiment terminée, la structure en poutres


superposées est mise en place en premier. Les madriers sont disposés
horizontalement, entrecroisés aux angles et en correspondance de
l’intersection de murs perpendiculaires. L’espacement entre les
éléments horizontaux est obtenu en insérant temporairement des
pierres pendant la construction.

Le remplissage en maçonnerie est mis en place une fois la structure


verticale en bois terminée. Les pierres situées aux angles et
soutenant les poutres sont souvent de taille plus importantes que
celles utilisées pour le remplissage. Ce principe permet une certaine
rapidité d’exécution (1 pièce d’environ 20 m² en 18 jours).

Les poteaux intérieurs soutenant la dalle de toiture sont en une seule


pièce traversant deux étages et allant à s’ancrer dans la couche
rocheuse sur laquelle la construction est posée.

La toiture doit répondre aux contraintes climatiques d’habitats situés à


des altitudes très élevées, comprenant un fort ensoleillement pendant
la journée et des périodes d’enneigement. La grande épaisseur de
la couverture en terre permet une isolation et régulation thermique
entre intérieur et extérieur, limitant les surchauffes.
Après chaque pluie, le passage régulier des personnes sur les toits
favoriser un récompactage de la terre et un remplissage des fissures.
Pendant l’hiver, la neige est rapidement enlevée pour éviter les
infiltrations.

La proportion de bois employé est déterminée par sa disponibilité


locale ; ce qui détermine plusieurs variantes allant de constructions
réalisées presque exclusivement avec des poutres superposées
jusqu’à des constructions construites principalement en maçonnerie
en pierre avec des poutres en bois intégrées aux murs avec des
espacements variables. Souvent, ces différents systèmes sont
employés dans le même bâtiment : la maçonnerie en pierre avec
chaînages en bois pour les étages inférieurs et la structure en poutres
superposées pour les pièces de vie. Parfois, les poutres horizontales
ne sont pas espacées, donnant lieu à une construction de type en
rondins empilés.
© Edelberg&Jones, 1979

Stabilisation temporaire des poutres part l’insertion de grosses pierres

© Edelberg, 1984
Structure de toiture : superposition de couches de couverture, solives en saillie
Murs : agrafes et croisement des poutrses structurelles

© Hallet&Samizay, 1980 © Edelberg, 1984


Ouvertures entre les poutres horizontales Habitation en construction : le remplissage dans la partie supérieure n’a pas encore été complété

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Afghanistan /empilement de poutres horizontales agrafées avec remplissage en maçonnerie 4/5

4. Principes parasinistres

Bien qu’elles présentent un manque de contreventement, les


constructions réalisées avec ces techniques ont résisté à de nombreux
séismes. La réalisation des murs avec des poutres horizontales liées
par des clés et des agrafes en bois, ainsi que leur entrecroisement
aux angles permettent probablement un mouvement de la structure
pendant les séismes, sans une perte de cohérence structurelle
(EDELBERG, 1984).

Les poteaux insérés dans les agrafes sont légèrement plus courts que
la hauteur de l’étage. Ils ne sont donc pas porteurs mais travaillent
comme des clés permettant une stabilisation du mur et une réduction
des mouvements hors plan : ils constituent une sorte de chaînage
verticale permettant à la structure de fonctionner comme une boîte
creuse (EDELBERG, 1984). Les poutres horizontales sont parfois
reliées aux angles par le même système : des poteaux-clés sont
glissés dans des trous en correspondance des parties en saillies des
poutres, en allant à augmenter la cohérence de la structure envers
des mouvements horizontaux.

Les systèmes de connexion par tenon et mortaise et employant


des entailles et des encoches permet un certain mouvement de la
structure en limitant les risques d’effondrement.

© Hallet&Samizay, 1980
Clé et agrafe reliant verticalement la structure en poutres superposés

Coupe et élévation du mur avec le système à clés et agrafes ©Wutt, 1981

© Hallet&Samizay, 1980 © Edelberg, 1984

Agrafe et clé de stabilisation de la structure de toiture à l’angle du bâtiment Clés de stabilisation à l’angle du bâtiment conférant unité à l’empilement des poutres

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Afghanistan /empilement de poutres horizontales agrafées avec remplissage en maçonnerie 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques Normes constructives


Mentions dans (Edelberg 1984). ---

Séismes Validations scientifiques


--- ---

6. Observations

Ces architectures se situant dans des zones d’accès très difficile, tant
du point de vue géographique que, plus récemment, sécuritaire, les
informations disponibles sont très limitées et relèvent essentiellement
d’études ethnologiques menées dans les années 1980.
Pendant ces travaux, on constata comme dans les villages, parfois
situés à des altitudes supérieures à 3000m, nombreuses maisons
dataient d’avant 1896, année de l’invasion de l’Armée Afghane
(EDELBERG, 1984).

7. Référence

EDELBERG, Lennart, 1984. Nuristani buildings. Aarhus : Jysk arkæologisk


selskab.

EDELBERG, Lennart, JONES, Schuyler, 1979. Nuristan. Graz : Akademisch


Druck.

HALLET, Stanley I., SAMIZAY, Rafi, 1980. Traditional Architecture of Afghanistan.


New York : Garland.

HARDEN, Bernd, TEVAERAI, Deodaat, VALENTA, François, 1987. Analyse


d’architecture vernaculaire : Maison triple, Keshtagrom, Nuristan, Afghanistan.
Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Département d’Architecture. © Edelberg&Jones, 1979

Tour d’observation fortifiée : étage en empilement de poutres agrafées


HUGHES, Richard, 2007. « Vernacular Architecture and Construction Techniques sur corps en maçonnerie porteuse avec insertions horizontales en bois
in the Karakoram ». In : Karakoram: Hidden Treasures in the Northern Areas of
Pakistan. Turin : Umberto Allemandi & Co. p. 99-132.

JETTMAR, Karl (dir.), 1974. Cultures of the Hindukush. Selected papers from
the Hindu-Kush Cultural Conference held at Moesgaard 1970. Wiesbaden :
Franz Steiner Verlag.

JONES, Schuyler, 1974. Men of influence in Nuristan a study of social control


and dispute settlement in Waigal Valley, Afganistan. London : Seminar Press,
1974. Coll. Seminar studies in anthropology, 3.

KUHN, Felix, WAGNER, Christian, 1980. Analyse d’architecture vernaculaire :


maison à Pashki, Afghanistan. Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne,
Département d’Architecture.

LOUDE, Jean-Yves, 1980. Kalash. Les derniers « infidèles » de l’Hindu-Kush.


Paris : Berger-Levrault. Coll. Espace des hommes.

REDARD, Georges, 1974. Afghanistan. Zurich : Editions Silva.

WUTT, Karl, 1981. Pashai. Landschaft, Menschen, Architektur. Graz :


Akademisch Druck.

© Jettmar, 1974 © Edelberg&Jones, 1979

Utilisation du système d’agrafes avec clés verticales pour la stabilisation de routes Clés et agrafes pour la stabilisation des berges des rivières et des structures de toiture des habitats

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
GILÂN
Typologie Superposition de rondins roulants

Pays Iran

Localisation géographique
région du Gilân

Sismicité
récurrence : modérée
intensité : élevée

©Google Earth ©USGS ©USGS ©Rainer

1. Contexte

Dans la pleine du fleuve Sefidroud, les constructions vernaculaires jusqu’à la charpente du toit, en passant par les murs et les planchers
sont réalisées totalement en bois, depuis les fondations jusqu’au toit, du rez-de-chaussée et des étages, avec un usage minimal de clous
en intégrant des dispositifs spécifiques en relation aux particularités et d’autres systèmes d’assemblage. Les principaux composants de
de ces territoires (KARBALAEE, 2011). la construction sont entièrement en matières végétales et le bois est
Cette région se caractérise son exposition à phénomènes sismiques utilisé sous une forme très proche de celle naturelle (MIRYOUSSEFI,
ainsi que par un climat particulièrement humide avec une pluviométrie 2010).
et une hygrométrie exceptionnelles, cette dernière oscillant entre 70
et 90% au fil de l’année et des heures de la journée (BROMBERGER, Des galeries périphériques entourent un noyau central : une tour de
1983). Les conditions climatiques et pédologiques posent des deux étages constituée par un empilement de rondins entrecroisés
contraintes considérables du point de vue architectural et constructif selon le système du « blockbau », appelé localement zagmeh. Le
: des sols saturés d’eau, des précipitations pluviales et des vents volume est divisé par un mur de refend qui définit deux pièces par
violents, un taux d’humidité très élevé, le froid hivernal, la chaleur niveau, chacune ouvrant directement sur la galerie de la façade
estivale, la prolifération des insectes et des parasites ainsi que, à la principale (GRODWOHL, 2005).
fonte des neiges, des inondations (BROMBERGER, 1983).
La particularité de ces architectures se situe dans l’utilisation d’un
Pour répondre à ces contraintes, les habitations locales présentent principe similaire tant pour les fondations que pour la structure
une surélévation du sol, une toiture à quatre pentes, la présence d’une primaire : la superposition d’éléments grossièrement équerrés
ou plusieurs galeries sur la façade ainsi que l’utilisation du bois pour capables de dissiper l’énergie induite par les séismes grâce à la
l’ensemble de la structure porteuse. Celle-ci s’étend de la fondation friction entre les différents éléments.

Illustrations

©treakearth.com

©Rainer ©Rainer

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Iran / Superposition de rondins roulants 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Plateforme surélevée en terre damée : hauteur 40-60cm
Tranchées ponctuelles comblées avec des couches alternées de terre
damée, cendre et charbons de bois ; profondeur 1-2m
Surélévation ponctuelle en rondins de bois empilés
perpendiculairement, en au moins 2 strates, chacun avec un nombre
d’éléments et des caractéristiques particulières :
- première strate, entre 4 et 8 à profil circulaire
- deuxième strate entre 3 et 4
- troisième strate à profile trapézoïdal
- quatrième strate : 1 rondin à profile trapézoïdal

Structure primaire
Système zagmeh : rondins grossièrement équerrés superposés et
assemblés aux extrémités, constituant une boîte continue.
Un écart est souvent laissé entre les éléments horizontaux
et une clé verticale en bois relie ponctuellement l’ensemble
des rondins sur la hauteur d’un étage. ©Grodwhol
Surélévation par empilement de rondins
Parfois, une ossature en bois (système zegâll) est employée,
en particulier lors de construction d’un seul étage.
- épaisseur des murs : 30-40cm

Planchers : plateforme surélevée à 1.8-2.0m du sol avec une


structure composée de 4 poutres principales s’appuyant sur
les fondations, solives et un revêtement en terre damée
sur une trame de branches ; le même type de structure est
utilisé pour les étages supérieurs ;
- le bois est utilisé sous forme de rondins non équerrés
- espacement des solives entre 70 et 120cm
- épaisseur total : 50cm

Structure secondaire
---

Remplissage
Système zagmeh : remplissage des espacements entre les rondins
avec un mortier de terre fibrée e stabilisée ;

Système zegâll : garnissage avec un mortier de terre d’un support


©Grodwhol ©Grodwhol
constitué de branches disposées diagonalement. Système en zagmeh : entrecroisement des rondins Système en zagmeh :
composant des parois perpendiculares stabilisation par clés verticales
Enveloppe
---

Toiture
Toiture à quatre pente, fortement inclinée (environ 40°), avec
débordements latéraux descendant jusqu’au niveau de la galerie.
- charpente en bois sans utilisation de fermes
- couverture en jonc ou paille de riz sur liteaux en bois

Finitions ©Grodwhol
Façade principale et intérieur : enduit avec un mortier de terre en
plusieurs couches (de base et de finition) avec badigeon de
terre colorée ou à la chaux ;
Façades latérales : enduit grossier avec un mortier de terre.

Connexions
Utilisation de pièce avec des formes particulières (p.e. extrémités
fourchues).
Assemblage par encoches, entailles et tenon et mortaise.
Ligature avec des cordes végétales en aubier ou en paille de riz. ©Grodwhol ©Grodwhol

Rare utilisation de clous. Système en zagmeh : stabilisation par clés Système en zagmeh : boîte continue surélévée
verticales et cales en correspondance des ouvertures et remplissage avec un mortier en terre fibrée

©Grodwhol ©Grodwhol

Élévation ©Bromberger 1983 Coupe de la structure ©Rainer Remplissage et pose d’un enduit de base en terre Clé verticale à l’angle du bâtiment

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Iran / Superposition de rondins roulants 3/5

3. Particularites constructives

Le nombre de poutres de la plateforme dépend des dimensions de la


maison, mais il est toujours pair (4 au minimum et 12 au maximum).
Les rondins utilisés pour les fondations sont assemblés uniquement
par superposition (MIRYOUSSEFI, 2010). En correspondance des piles
de rondins surélevant la plateforme, des tranchées sont creusées
dans le sol et le remplissage avec des cendres et du charbon de bois
empêche les remontées d’humidité dans les rondins (GRODWOHL,
2007).

Le vide entre le sol et le plancher permet une bonne aération et une


protection des remontées d’humidité à laquelle contribue l’important
épaisseur du plancher de la plateforme (MIRYOUSSEFI, 2010). La
surélévation du plancher connaît plusieurs variantes selon la forme et
l’importance du bâtiment : les maisons organisées selon un schème
fortement vertical (hauteur plus grande que la longueur, toit à quatre
pans égaux) reposent sur des piles composées de quatre ou cinq
séries d’éléments; les maisons à schème horizontal (longueur plus
grande que la hauteur, toit à croupes) reposent sur des piles moins
élevées (BROMBERGER, 1983).

Le noyau central est relié par des solives dont une extrémité est
jointe aux poteaux de la galerie constituant un système solidaire qui
reprend l’ensemble des charges. La charpente de la toiture est capable
de supporter des charges temporaires et permanentes ainsi que les
forces de flexion, grâce à un système à étais verticaux, horizontaux ©Rainer

et obliques agissant comme un ensemble unique (MIRYOUSSEFI,


2010). Lorsque les rondins sont traversés par une ouverture, ils sont
maintenus par deux raidisseurs verticaux, un de chaque côté du mur,
solidarisés par des cordes (GRODWOHL, 2005).

La terre utilisée pour le remplissage est stabilisée avec des la paille


de riz. Du sel et parfois de la chaux, sont ajoutés au mélange
pour empêcher la croissance de mousses à cause de l’humidité
(BROMBERGER, 1983). Le remplissage des vides entre les poutres
horizontales est effectué au fur et mesure de l’élévation des murs.
Les deux matériaux (bois et terre) participent de manière solidaire à
la construction (GRODWOHL, 2007).

Les matériaux de construction sont prélevés de l’environnement


proche du chantier et ils ne sont pas soumis à une transformation
particulière. Pour les éléments porteurs (poutrelles et rondins
formant les fondations, poutres et poteaux soutenant la charpente
des murs et du toit, chandelles verticales sur lesquelles repose la
faîtière), des bois durs et résistants sont employés : le marier, le
caroubier, le chêne, l’orme de Sibérie. Pour les éléments portés ou qui
reçoivent une faible charge (traverses, chevrons, liteaux, etc.) des
bois plus légers, d’une résistance moindre à la compression et faciles
à travailler sont privilégiés : le peuplier, l’aulne, le charme ou encore ©Miryoussefi
le faux lotier. C’est parfois à une dizaine d’essences différentes que
l’on recourt pour la construction d’une maison.

Les habitations vernaculaires caractéristiques du Gilân se réfèrent à


un principe de non évolutivité. Par leur structure, elles forment un
ensemble fini auquel des nouvelles pièces ou extensions ne peuvent
être successivement ajoutées, sinon en démontant certaines parties
du bâtiment.

D’une morphologie souvent très complexe, ces architectures sont


l’œuvre de spécialistes, les menuisiers charpentiers, qui dirigent
les travaux de construction ; les tâches annexes (préparation des
matériaux, remplissage et crépissage) et l’entretien courant sont par
contre effectuées par les habitants. La durée de la construction varie
entre une dizaine de jours pour une maison d’une seule pièce jusqu’à
deux à trois mois pour une grande demeure à deux étages.

Les éléments en bois (rondins, charpente, fondations) durent


plusieurs siècles, tandis que les toitures et les enduits demandent
des travaux de réfection réguliers, dus en particulier aux conditions
climatiques de la région : couverture en joncs tous les 5-6 ans, en
paille de riz tous les 2-3 ans tandis que les enduits sont refait chaque
année (BROMBERGER, 1983).

©Grodwhol

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Iran / Superposition de rondins roulants 4/5

4. Principes parasinistres

Le principe utilisé pour les fondations correspond à celui de l’isolation


sismique (connu également dans le génie parasismique actuel) qui
permet une dissipation considérable de l’énergie induite par un séisme
grâce au roulement des rondins et à un mouvement du bâtiment
dans son ensemble. Cette technique a démontré son efficacité lors du
séisme de Manjil en1990, pendant lequel certaines constructions ont
été soumises à des déplacements allant jusqu’à 20cm, sans subir aucun
dommage ; et cela grâce au fait qu’elles reposent essentiellement sur
un système d’amortissement par frottement et elles ne presentent
aucun mécanisme qui les conduit à retourner à leur position initiale.
L’application de ce principe remonte à plusieurs centaines d’année et
présente nombreux avantages (protection des remontées d’humidité,
ventilation, etc.) parmi lesquels un comportement efficace en relation
à la sismicité locale (NADERZADEH, 2009).

La répartition complexe des charges et le type d’assemblage


utilisé permettent à ces constructions, d’une hauteur moyenne de
20 mètres, de résister remarquablement aux secousses sismiques
(MIRYOUSSEFI, 2010). La partie d’habitation constitue en effet une
sorte de boîte agissant comme un ensemble continu qui se déformer
plastiquement sous les sollicitations sismiques.

Détail des fondations ©Brazin Bromberger Détails des fondations en piles de rondins ©Grodwhol

Coupe transversale ©Grodwhol ©Von Grafe

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Iran / Superposition de rondins roulants 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques Normes constructives


--- ---

Séismes Validations scientifiques


1990, 20 juin M 7.4 ---

©Grodwhol

6. Observations

La durée de vie des bâtiments vernaculaires est relativement courte;


les maisons rurales qui ont plus d’un siècle font en effet figure
d’exception. La faible longévité de ces architectures se rapporte
essentiellement à un changement des modes de construire : dans
les zones rurales, la construction traditionnelle est abandonnée au
profit d’une construction en béton et blocs de ciment. Toutefois,
historiquement d’autres aspects ont influencé une pratique de «
construction nouvelle » plutôt que de rénovation ; en effet, “d’après
la croyance populaire, construire allonge la vie de l’homme et il vaut
mieux donc quitter une ancienne demeure surchargée d’influences
malignes” (Masse 1928 dans BROMBERGER, 1983).

Suite au séisme de 1990, la capacité de ces constructions à faire face


aux phénomènes sismiques a initié un processus de reconnaissance
de leur valeur, tant culturelle que technique. Dans cette démarche
un projet d’écomusée a été initié et dans son cadre une maison
entière a été complètement démontée et remontée en employant les
techniques de construction originaires (GRODWOHL, 2005).

7. Référence

ARBABIAN, H., 2002. « Architectural issues in earthquake rehabilitation of the


Iranian cultural heritage ». In : Hazard and Modern Heritage. Rhodes : CICOP
Italia.

BAZIN, Marcel, BROMBERGER, Christian, 1982. Gilân et Âzarbâyjân oriental:


cartes et documents ethnographiques. Paris : Éditions Recherche sur les
civilisations.

BROMBERGER, Christian, 1983. Habitat, Architecture et Société rurale dans


la Plaine du Gilân (Iran septentrional). Paris : UNESCO. Coll. Etablissements
humains et environnement socio-culturel, 36.

GRODWOHL, Marc, 2005. « Le démontage d’une ensorcelante maison au


chapeau pointu en Iran (2004) ». [en ligne]. http://www.marc-grodwohl.com

GRODWOHL, Marc, 2007. « Aperçu de la construction en terre crue au Guilan


(Iran) ». [en ligne]. http://www.marc-grodwohl.com

KARBALAEE, Fereshteh, 2011. « Human and Architectural Settlements: A Case


Study of Gilan, Iran ». In : The Asian Conference on Arts and Humanities Official
Conference Proceedings 2011. Osaka : The International Academic Forum. p.
381-389.

MIRYOUSSEFI, Pouyâ, 2010. « Typologie de l’habitat rural dans la plaine


orientale du Guilân ». In : La revue de Teheran. n° 58.

NADERZADEH, Ahmad, 2009. « Application of seismic base isolation technology


in Iran ». In : Menshin Journal. n° 63, p. 40-47.

RAINER, Roland, 1977. Anonymes Bauen im Iran. Graz : National Iranian Steel
Corporation. Phases de montage de la structure en bois ©Grodwhol

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
hatıl kothi banal - kath khuni cator and cribbage

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
HATIL
Typologie Maçonnerie porteuse avec insertions horizontales en bois

Pays Turquie

Localisation géographique
régions de l’Anatolie Centrale et Orientale, de la Mer
Noire, de Marmara et Egéenne
Sismicité
récurrence : élevée
intensité : élevée

©Google Earth ©USGS ©USGS

1. Contexte

Le terme hatıl (au pluriel hatıllar) indique des bandes horizontales l’ensemble du bâtiment ou uniquement de certaines de ses parties.
réalisées avec des matériaux complètement différents par rapport Il est en outre souvent associé à des techniques basées sur un
à la masse murale, en la subdivisant en sections superposées. Dans système structurel en ossature avec différents types de remplissage:
plusieurs régions sismiques de la Turquie, cette répartition a été maçonnerie (hımış), en vrac (bağdadi), en rondins (dizeme) ou en
effectuée avec des éléments en bois disposés dans le mur entre deux torchis.
rangées de maçonnerie. Ces insertions ont été réalisées avec des
planches, des poutres ou même des lames d’épaisseur très réduite. L’application d’un principe d’insertion d’éléments horizontaux en bois
Parmi ces différents types, celui le plus répandu se base sur la mise dans un ouvrage en maçonnerie est présente en plusieurs zones
en place, longitudinalement au mur, de deux poutres parallèles sismiques du monde. En particulier elle caractérise l’architecture
connectées entre elles par des pièces transversales, constituant une vernaculaire et des bâtiments majeurs des régions ayant fait partie de
sorte d’échelle (DISKAYA, 2007). Ces éléments se superposent aux l’Empire Ottoman. Bien que certaines caractéristiques des systèmes
angles du bâtiment ainsi qu’aux intersections des murs orthogonaux, employés peuvent varier entre pays, et même entre localités, des
dans la plupart des cas liant l’ensemble structurel de manière continue similitudes très marquées sont identifiables entre le système en
(LANGENBACH, 2002). échelle spécifique aux constructions turques et ceux présents dans le
Selon la région, ce principe a été appliqué, avec une maçonnerie aussi bâti vernaculaire de l’Albanie, la Bulgarie, la Grèce, la Macédoine et
bien en pierres qu’en briques de terre crue, pour la réalisation de du Cachemire pakistanais.

Illustrations

Erzurum, centre historique Erzurum, centre historique

Erzurum, centre historique Bursa, village de Sölöz

Bursa, Madrasa Haraççioğlu Bursa, village de Narlıca


Safranbolu, caravansérail Cinci Han

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / maçonnerie porteuse avec insertions horizontales en bois 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Semelle continue en maçonnerie de pierres liées par un mortier de Bursa, village de Narlıca
terre ou de chaux.
Des poutres en bois sont positionnées à la base du mur sur ses deux
côtés.
- profondeur d’excavation: 50-150 cm
- épaisseur : 50-90 cm
- hauteur du soubassement : 50-100 cm

Structure primaire
Maçonnerie : à sec ou avec mortier de terre parfois stabilisé à la
chaux
unités maçonnées : moellons, pierre de taille,
briques en terre crue et
cuite
épaisseur du mur : Safranbolu, insertions en lames
en pierre : 60-90cm (au rez-de-chaussée équivalent
à 1 ½ celui de l’étage)
en briques en terre crue : 1 ½ longueur d’une
briques

Insertions bois : épaisseur : lames : de 1.5 à 5mm


planches : de 1 à 4cm
poutres : de 5 à 8cm
parfois à section ronde (dugmeli) :
dia 6-12cm
espacement vertical : de 50 à 150cm
espacement des traverses : entre 50 et 80cm
bois : peuplier ou saoule

Planchers :
Rez-de-chaussée : terre battue ou, parfois, des solives reposent sur
les poutres en bois intégrées aux murs à 20cm du
sol ;
Étages : plancher double (planches en bois appliquées sur
les faces supérieures et inférieures des solives)
rempli avec de la terre ou du sable ;
espacement des solives : 30-100cm
épaisseur du plancher : 30cm
Kastamonu, insertions en planches

Structure secondaire
---

Remplissage
---

Enveloppe
---

Toiture
Plate ou en pente à 2 ou 4 pans
Charpente en bois avec couverture en tuile de terre cuite ou, si toiture
plate, dalle en terre damée

Finitions
À l’extérieur : généralement aucune, ou enduit en terre, terre
chaux ou chaux parfois avec un badigeon à la chaux Narlıca, insertions en poutres (à échelle)
A l’intérieur : enduits en terre, terre chaux ou chaux Erzurum Sölöz

Connexions
Assemblages entre insertions horizontales :
- poutres : aux angles : entailles à mi-bois et/ou clous métalliques
raccordement dans la longueur : entailles à mi-bois,
coupe en sifflet avec ancrage et/ou clous métalliques
avec les traverses : entailles à mi-bois et/ou clous
métalliques
- planches : aux angles, dans la longueur et avec traverses : clous
métalliques
- lames : aucune connexion, uniquement par juxtaposition

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / maçonnerie porteuse avec insertions horizontales en bois 3/5

3. Particularites constructives

Dans le cas d’insertions en poutres, les traverses sont quasiment


toujours positionnées en dessus des éléments longitudinaux. Aux
extrémités, elles présentent parfois des décrochements ou elles
dépassent de quelques centimètres l’épaisseur du mur (dans ce cas,
connexion par assemblage à mi-bois) ; ce qui améliore la résistance
envers des sollicitations en traction assurant ultérieurement la
solidarité entre les deux poutres (LANGENBACH, 2009).

Dans le cas d’insertions en lames et en planches, leur disposition à


l’intérieur de la maçonnerie est parfois irrégulière et discontinue.

Des planches supplémentaires rapprochées ont été parfois intégrées


de manière ponctuelle pour renforcer des zones de fragilité (p.e. en
proximité d’angles et d’ouvertures) ainsi que pour solidariser deux
murs perpendiculaires.

Dans certains cas, les insertions horizontales s’associent à des


insertions verticales constituées par des montants disposés par
pairs de part et d’autre du mur. Ceux-ci ne sont généralement pas
porteurs et constituent un système supplémentaire de confinement
de la maçonnerie (TOULIATOS, 2003), capable également d’assumer, Safranbolu Narlıca

au moins temporairement, la charge de la toiture ou des étages


supérieurs en cas de défaillance du mur.

Le principe des insertions horizontales est appliqué à des constructions


de dimensions et importance extrêmement variées : de l’habitation
au caravansérail jusqu’au mur de soutènement, et même pour des
éléments secondaires comme des cheminées.

Dans plusieurs régions, l’utilisation d’insertions à échelle se limite


à certaines parties de la construction, comme le soubassement
(p.e. province de Bursa) et les étages inférieurs (p.e. région de
Safranbolu) en association à d’autres techniques (p.e. ossature
avec remplissage). Toutefois, ce principe a été parfois adopté
pour l’ensemble du bâtiment, comme dans la ville d’Erzurum où il
constitue la seule typologie constructive présente dans l’architecture
vernaculaire encore existante aujourd’hui.
Bursa, insertions horizontales et montants verticaux
Narlıca Narlıca

Kastamonu

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / maçonnerie porteuse avec insertions horizontales en bois 4/5

4. Principes parasinistres

Le rôle de certains composants des structures avec des insertions


horizontales en bois a été décrit en référence à différents exemples
situés mêmes en pays autres que la Turquie (LANGENBACH, 2009 ;
HUGHES, 2000a). Ici de suite, seuls les éléments directement référés
au cas de l’hatıl sont reportées.
Les murs porteurs en maçonnerie de pierre présentent souvent des
morceaux de tuiles ou de briques intégrés au mortier. La combinaison
de ces matériaux fonctionne comme un excellent amortisseur des
sollicitations induites par un séisme, en augmentant la dissipation
d’énergie grâce à leur différente résistance et à la multiplication de
plans de frottement interne à la maçonnerie. Ce principe est renforcé
par les hatıllar qui divisent le mur en différentes portions relativement
disjointes (DUGGAN, 1997).

Les hatıllar assument les fonctions suivantes (DUGGAN, 1999) :


- ils constituent des amortisseurs de sollicitations verticales et
horizontales ;
- ils fournissent un plan de glissement intérieur aux murs prévenant
des résistances à la friction dans la superstructure ; ce qui minimise
les sollicitations en traction et compression générées par le séisme;
- ils constituent des chaînages horizontaux liant l’ensemble du
bâtiment à différents niveaux ;
- ils contribuent à maintenir la configuration du plan des murs,
même si un certain degré de déplacement devait se produire.

Le principe de l’hatıl réalisé sous forme d’échelle, composée par des


poutres parallèles connectées aux angles du bâtiment, a été intégré
au code de construction turc en considération des aspects suivants
(AYTUN, 1981):
- il fonctionne comme un système de répartition des charges, tant à
l’échelle du mur que du bâtiment ;
- il prévient la propagation des fissures diagonales à des sections
murales très importantes, en délimitant la zone endommagée ;
- il apporte, en particulier à la maçonnerie en brique de terre crue,
une résistance au cisaillement perpendiculaire à la direction du
chaînage et améliore la capacité du mur à supporter des tassements Çamlıyamaç Köyü

différentiels ou des ruptures du sol avec un mouvement vertical ;


- il augmente la résistance du mur à la flexion, grâce à la rigidité des
poutres en direction perpendiculaire au plan du mur ;
- les poutres connectent aux angles deux ou plusieurs murs,
fournissant monolithisme au système porteur et en prévenant sa
désolidarisation ;
- les traverses connectant les deux poutres préviennent la
délamination du mur en maçonnerie, lui permettant de travailler
sur toute son épaisseur.

Les insertions en bois apportent ductilité au mur en maçonnerie,


augmentant considérablement sa capacité de résistance aux séismes
(AYTUN, 1981). Suite à un séisme qu’en 1970 frappa la région de
Gediz, le professeur Alkut Aytun constata l’efficacité de ce système,
particulièrement bien représentée par une photo qu’il pris d’un
bâtiment enjambant une rupture du sol causée par le tremblement
de terre. De fait, le mur du rez-de-chaussée subit une déformation
considérable, laissant les niveaux supérieurs pratiquement intacts.
En dépit d’un déplacement vertical du sol d’environ 50cm, les
hatıllar permirent de garder une cohérence structurelle, en assurant
le maintien des portions en maçonnerie et évitant l’effondrement
complet (LANGENBACH, 2009)
Tokat Erzurum
Les éléments horizontaux en bois, en particulier sous forme
de poutres et de planches, contribuent à réduire l’ampleur des
défaillances structurelles pouvant se produire aux angles du bâtiment
(DOGANGÜN, TULUK, LIVAOGLU, ET AL., 2006).

Les planchers fonctionnent comme des diaphragmes flexibles (ISIK,


2006).

Yörük Köy Çamlıyamaç Köyü Tavşancıl Narlıca

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Turquie / maçonnerie porteuse avec insertions horizontales en bois 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques Validations scientifiques


Iki Kapali Han à Antalaya résista aux séisme de 1743 et de 1911 Des tests sur table vibrante effectués par le Département
(DUGGAN, 1999). d’Architecture de la Cambridge University sur deux modèles en
Analyses de terrain suite au séisme du 30.10.1983 dans la région maçonnerie de pierre, l’un avec insertions en bois et l’autre en béton,
d’Erzurum (HUGHES, 2000b). ont montré que (HUGHES, 2000b) :
- les deux types d’insertions ont un comportement d’ensemble
Séismes (*Source : USGS) similaire, impliquant la création de fissures de longueur réduite
1743 dérivant du disloquement de la maçonnerie ;
1911, M 6.1 - ces insertions empêchent le renversement du mur ;
1970, 28 mars, Gediz, M 6.9 * - dans le cas de l’hatıl réalisé en bois les défaillances se produisent
1983, 30 octobre, Erzurum, M 6.9 * dans la maçonnerie et les poutres maintiennent stables les parties
1999, 17 août, Izmit (Marmara-Kocaeli), M 7.6 * supérieures du mur. En revanche, dans le cas de l’hatıl en béton,
1999, 12 novembre, Düzce, M 7.2 * les défaillances ont lieu dans l’insertion; le bois de fait confère un
comportement plus ductile.
Normes constructives
Code de construction TS 2515

6. Observations

L’efficacité de ce système est étroitement corrélée à la dégradation ont été effectués en relation au système d’hatıl à échelle (double
du bois et à une perte de cohérence des assemblages. En effet, poutres), le fonctionnement des autres types d’insertions (planches,
une désolidarisation poutres perpendiculaires peut engendrer une lames et bandes en briques cuites) paraît être jusqu’à présent
fragilisation de la maçonnerie conduisant à un possible écartement quasiment inexploré. Dans certains cas (planches et lames) le
de murs orthogonaux ainsi qu’à une fissuration continue de la masse caractère et la présence de ces éléments ne sont pas considérés dans
murale. les descriptions des architectures et typologies existantes.

Un principe similaire a été mis en oeuvre utilisant différents types Malgré la reconnaissance de son rôle structurel, ce principe est
de maçonnerie, comme dans le cas du mur Théodosien dans la ville souvent repris dans des constructions récentes uniquement en
d’Istanbul, où des rangées de maçonnerie en briques cuites sont termes esthétiques : des profils en bois sont appliqués sur la face
intégrées à une maçonnerie en pierre (LANGENBACH, 2007). extérieurs de murs en maçonnerie ; les insertions deviennent ainsi
juste une décoration perdant leur caractère parasismique (DUGGAN,
Très peu d’informations existent au regard du rôle spécifique des 1997).
insertions horizontales. Si certaines hypothèses et tests scientifiques

Istanbul Cumalıkızık Köyü Cumalıkızık Köyü Bursa

7. Référence
AYTUN, Alkut, 1981. « Earthen Buildings in Seismic Areas of Turkey ». In : Construction ». In : Getty Seismic Adobe Project 2006. Los Angeles : Getty
International Workshop Earthen Buildings in Seismic Areas. Albuquerque : Conservation Institute. p. 93-100.
INTERTECT and the University of New Mexico. p. 345-371.
LANGENBACH, Randolph, 2002. « Survivors in the Midst of Devastation. A
ÇELEBIOGLU, Banu, LIMONCU, Sevgül, 2007. « Strengthening of Historic Comparative Assessment of Traditional Timber and Masonry Construction in
Buildings in Post-Disaster Cases ». In : Third International Conference « Post Seismic Areas ». In : 7th U.S. National Conference on Earthquake Engineering
Disaster Reconstruction: Meeting Stakeholder Interests ». Firenze : Firenze (7NCEE). Boston : Earthquake Engineering Research Institute.
University Press. p. 383-392.
LANGENBACH, Randolph, 2007. « From “Opus Craticium” to the “Chicago
COBANCAOGLU, Tulay, TUZTASI, Ugur, 2005. « A material that has witnessed Frame”: Earthquake-Resistant Traditional Construction ». In : International
the past in Anatolia: adobe ». In : Structural analysis of historical constructions: Journal of Architectural Heritage. n° 1, p. 29-59.
possibilities of numerical and experimental techniques. Padova : Taylor &
Francis Group. p. 231-238. LANGENBACH, Randolph, 2009. Don’t Tear It Down! Preserving The Earthquake
Resistant Vernacular Architecture Of Kashmir. New Delhi : UNESCO.
DISKAYA, Hülya, 2007. « Historical development of traditional earthquake-
resistant construction techniques in Anatolia ». In : Structural Analysis of MEDA CORPUS, 2011. Architecture Traditionnelle Méditerranéenne: Mur
Historical Constructions. Possibilities of numerical and experimental techniques. en pierre sèche (Turquie) [en ligne]. Projet CORPUS, programme Euromed
New Delhi : Macmillan. p. 167-174. Heritage.

DOGANGÜN, Adem, TULUK, Ö. İskender, LIVAOĞLU, Ramazan, et al., 2006. TOULIATOS, Panos, 2003. « The box framed entity and function of the structures:
«Traditional wooden buildings and their damages during earthquakes in The importance of wood’s role ». In : Proceedings of International Seminar
Turkey». In : Engineering Failure Analysis. Vol. 13, n° 6, p. 981-996. Restoration of Historic Buildings in Seismic Areas: the Case of Settlements
in the Aegean. Athènes : European Centre on Prevention and Forecasting of
DUGGAN, T.M.P., 1997. « Fakery and folly in Kaleici? » In : Hürriyet Daily News Earthquakes. p. 98-115.
[en ligne]. 10 septembre 1997.

DUGGAN, T.M.P., 1999. « The hatil and the lessons of history ». In : Hürriyet
Daily News [en ligne]. 25 août 1999. Etude de terrain (du 13.08 au 07.09.2012)
Villes et régions visitées :
HUGHES, Richard, 2000a. « Cator and Cribbage Construction of Northern - Erzurum - Yörük Köyü - Gölcük
Pakistan ». In : Earthquake-Safe: Lessons to Be Learned From Traditional - Sivas - Bartın - Bursa
Construction [en ligne]. Istanbul : ICOMOS International Wood Committee. - Tokat - Izmit - Cumalıkızık Köyü
- Niksar - Tavşancıl - Narlıca
HUGHES, Richard, 2000b. « “Hatil” Construction In Turkey ». In : Earthquake- -Kastamonu - Sarayli Köyü - Sölöz
Safe: Lessons to Be Learned From Traditional Construction [en ligne]. Istanbul -Safranbolu - Degirmendere - Istanbul
: ICOMOS International Wood Committee.
ISIK, Bilge, 2006. « Seismic Rehabilitation Study in Turkey for Existing Earthen
Toutes les photos ont été prises par l’auteur

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
CASBAH
Typologie Maçonnerie avec dispositifs de roulement par insertion de rondins horizontaux

Pays Algérie

Localisation géographique
Casbah d’Alger, ville de Miliana
et région d’Aurès

Sismicité
récurrence : modérée
intensité : modérée

©Google Earth ©USGS ©USGS ©Abdessemen Foufa-Benouar 2008

1. Contexte

L’Algérie est sujette à des séismes réguliers d’une intensité de modérée étaient basées sur l’utilisation d’une structure rigide composée de
à faible. Toutefois, ce n’est qu’à partir du XVIII siècle qui se sont murs porteurs en maçonnerie et d’une structure flexible, constituée
généralisées la prescription et l’application de principes constructifs par un système en arcades de forme ogivale ou brisée (ABDESSEMED
visant expressément à améliorer le comportement du bâti envers ces FOUFA, BENOUAR, 2006a). Les modifications des pratiques
phénomènes (ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR, 2010). constructives concernèrent deux aspects particuliers : la réalisation
d’un chaînage reliant l’ensemble du bâtiment par l’insertion d’éléments
En 1716 un puissant séisme frappa la région d’Alger provocant des horizontaux en bois dans les murs en maçonnerie ; l’intégration de
dommages considérables. Suite à cet événement, le Dey (gouverneur) rondins dans les murs et en correspondance des arcades, dispositif
imposa des dispositions particulières pour la reconstruction et la visant à une réduction des efforts de cisaillement selon le principe de
réparation des bâtiments. Les mesures prescrites se basaient sur l’isolation sismique.
les pratiques constructives appliquées en différentes régions de
l’Empire Ottomane et répondaient aux dommages constatés. Ceux-ci Ces mesures ont été appliquées dans les immeubles de la Casbah
avaient été principalement déterminés par une intégrité structurelle d’Alger, composées de bâtiments d’environ trois étages, imbriqués les
insuffisante en raison, d’une part, d’un manque de connexion uns sur les autres, comme à des bâtiments plus nobles (Palais du Dey,
entre les murs porteurs ayant conduit à leur séparation sous les Dar Aziza et palais des Raïs). Elles furent introduites également dans
sollicitations en hors plan et, d’autre part, d’une désagrégation des d’autres villes, comme Dellys et Miliana, après la destruction de cette
murs, conséquence d’une fissuration diagonale. Ces facteurs furent à dernière par un séisme en 1724 (ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR,
l’origine de l’effondrement partiel ou total de la plupart des bâtiments. 2010). Par la suite, l’efficacité de ces mesures a été prouvée lors de
nombreux séismes qui ont frappé la région, dont le dernier a eu lieu
Précédemment, les constructions, en particulier en zone urbaine, en mai 2003.

Illustrations

source: web source: flickr

Algér, palais du Dey Algér, Casbah

source: web ©Godeau ©Godeau ©Marjanovic

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Algérie / maçonnerie avec dispositifs de roulement par insertion de rondins horizontaux 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Généralement, aucune fondation n’est réalisée ; si existantes, elles
sont en maçonnerie de pierre avec un mortier de terre
- dimensions : entre 30-120cm

Structure primaire
Murs porteurs en maçonnerie selon type de maçonnerie :
- rangées de maçonnerie en briques cuites avec mortier de terre ou
de chaux, alternées à des rondins en bois : Maçonnerie en briques avec insertions
horizontales en bois ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008
Maçonnerie en opus mixtum avec pierres
et briques cuites ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008
- insertion de 3 rondins orientés de façons parallèle au mur
avec un espacement vertical de 80-150cm
- subdivision horizontale du mur en 3 ou 4 parties selon
sa hauteur
- bois : thuya, genévrier, cèdre, pin d’Alep, abricotier,
palmier
- maçonnerie en pierre de taille et mortier à base de terre et chaux
avec des insertions horizontales à double orientation
- double rangée de grosses pierres disposées de champ,
entre lesquelles de la menue pierraille est intercalée ;
- division du mur en plusieurs sections (espacement
Détail du plancher: superposition des solives Détail du plancher: encastrement
1m) par des branches de dimensions réduites posées ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008 des rondins sur toute la largeur du mur
transversalement au mur à intervalles réguliers (30- ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008

40cm) auxquels sont superposés des rondins de


dimensions plus grandes parallèles à la direction du mur
- dimensions : épaisseurs: murs extérieurs: 40-60cm
murs intérieurs : 20cm
mortier : 3cm
rondins non équerrés en bois : dia 10-12cm, longueur
2.5-3m
branches : dia 5cm, longueur 50cm ou selon épaisseur
du mur
briques cuites : 20-29 x 11-13 x 3-5cm
- pierre : calcaire, grès
- mortier : terre argileuse avec ajout de fibres (paille), cendres ou
huile végétal, chaux ©Abdessemed Foufa-Benouar 2010 ©Abdessemed Foufa 2009

Système arc – colonne : système d’arcades à deux niveaux de forme


ogivale ou brisée en maçonnerie de briques cuites (détail spécifique
à la ville d’Alger)
base de l’arc sur colonne :
- simple : superposition de trois rondins à deux rangées de briques
- double à l’intersection de deux arcades : superposition
perpendiculaire de deux rangées de trois rondins en bois à une
rangée de briques

Planchers :
- structure : superposition de deux rangées de poutres en bois
insérées dans toute la largeur des murs porteurs créant
une différence de niveau
- entre les rondins : voligeage en bois
- revêtement : différentes strates de pierres et de terre, mortier et
carrelage

Structure secondaire
Encorbellements : extension en profondeur des pièces des étages
supérieurs
- structure de poutres en bois débordant du mur et ancrées
aux murs intérieurs

Remplissage Enveloppe
--- ---

Toiture
Toiture terrasse avec couverture en terre (épaisseur 40-70cm),
rarement avec un revêtement de briques posées à plat ou avec une
couverture en tuiles (ville de Dellys).

Finitions
Aucune (maçonnerie en pierre taillée) ou enduits en mortier de terre
avec des stabilisants naturels (bouse de vache) ou de chaux pour
l’intérieur (épaisseur : 30-35mm) ; badigeon de chaux

Connexions
(pas d’informations)

3. Particularites constructives

(pas d’informations) Modelisation: chaînage des murs porteurs ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Algérie / maçonnerie avec dispositifs de roulement par insertion de rondins horizontaux 3/5

4. Principes parasinistres

Murs porteurs en maçonnerie :


- Les éléments en bois intégrés à la maçonnerie améliorent
considérablement la capacité du bâtiment face à des sollicitations
sismiques. Lors de plusieurs événements, les murs ainsi construits
ont montré une fissuration très limitée et quasiment aucun
effondrement ne s’est produit. La superposition régulière de
matériaux de nature différente, rigide (maçonnerie) et flexible
(bois), permet en effet une absorption des charges horizontales
engendrées par des sollicitations sismiques (ABDESSEMED FOUFA,
BENOUAR, 2006a).
Par l’introduction des poutres en bois, le mur est subdivisé
horizontalement en sections disjointes. Ce fractionnement favorise
la répartition des sollicitations horizontales à l’interface entre
matériaux différents, ce qui évite des déformations importantes
et permet une réduction de la fissuration diagonale (ABDESSEMED
FOUFA, BENOUAR, 2008). En outre, cette disposition favorise
l’absorption des forces de cisaillement par les mouvements de Modelisation: système d’arcades ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008
glissement et ou de roulement qui se produisent entre matériaux
hétérogènes (ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR, 2006a).
- Les différentes parties de la structure sont liées entre elles pour
éviter leur désolidarisation sous l’action des secousses. Les murs
orthogonaux, tant extérieurs qu’intérieurs, sont connectés entre eux
par le croisement alterné des rondins aux intersections. Les arcades
sont reliées aux murs porteurs avec des arcs de décharge situés
dans les angles. Des poutres en bois raccordent les façades des
galeries à celles des murs porteurs. En absence de tout élément
vertical, ce système de chaînage des angles constitue une technique
efficace empêchant l’écartement des murs (IBID.).

Système arc-colonne :
- la disposition de rondins à la base de chaque arc et leur orientation
perpendiculaire par rapport à l’arcade favorisent une reprise des
efforts horizontaux en garantissant, grâce à un mouvement de
glissement, une bonne résistante au cisaillement (FOUFA, 2007) ;
- des dispositifs d’amortissement des sollicitations horizontales sont
également intégrés dans la maçonnerie en briques : dans les piliers Colonne avec rondins Rondins à l’intersection de deux arcades
soutenant les voûtes, une rangée de 4 à 5 rondins est insérée à un ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008 ©Abdessemed Foufa-Benouar 2010

intervalle régulier de 80 - 100 cm et 3 ou 5 rondins sont introduits à


l’intersection entre deux arcades (ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR,
2010) ;
- la prolongation des arcades jusqu’aux murs porteurs permet un
contreventement, et donc une stabilisation, de ces derniers (FOUFA,
2007).

Planchers :
- les planchers des étages supérieurs reposent sur des poutres qui
dépassent les mur de plusieurs dizaines de centimètres ; ce qui évite
leur effondrement si des déplacements différés se produisent dans
les murs (ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR, 2008) ;
- la structure composée par la superposition de deux rangées de
poutres en bois insérées dans toute la largeur des murs porteurs
facilite l’absorption des efforts horizontaux par un mouvement de
glissement ou de roulement en diminuant ainsi le risque de rupture
(ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR, 2006a).

Encorbellement :
- les projections des étages supérieurs sont supportées par des
poutres en bois disposées diagonalement, formant une équerre
avec le mur et prévenant ou réduisant des oscillations importantes
de la partie en saillie, qui risquent d’en provoquer l’effondrement
(ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR, 2008). Ce jambage minimise la
fréquence oscillatoire de l’encorbellement, en diminuant ainsi les
risques de rupture (ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR, 2006a) ;
- les rondins de thuya et les poutres de cèdres sont dans un état de
constante flexion dynamique (FOUFA, 2007).

©Abdessemed Foufa-Benouar 2008

Disposition des rondins horizontaux dans les Comportement des murs porteurs sous Mur avec insertions horizontales en bois
murs en maçonnerie ©Abdessemed Foufa 2009 sollicitation sismique ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008 ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Algérie / maçonnerie avec dispositifs de roulement par insertion de rondins horizontaux 4/5

4. Principes parasinistres

Îlots :
La structure urbaine d’Alger se caractérise par une organisation selon
un réseau irrégulier de rues étroites, rarement rectilignes. Les blocs
qui en résultent sont de dimensions différentes et incluent un nombre
variable de bâtiments de dimensions disparates. La séparation des
blocs par des voies de communication les entourant sur tous les
côtés favorise, pendant un séisme, un comportement dynamique et
autonome de chaque îlot. Les routes et les passages jouent ainsi le
rôle de joint de séparation entre les blocs bâtis.
À ce propos, Peysonnel et Desfontaines (Voyages dans les régences de
Tunis et d’Alger. Tome I, 1838) ont écrit par rapport à la ville d’Alger:
“Certaines personnes croient que c’est à cause des tremblements de
terre que les rues sont étroites, mais ceux qui connaissent les Turcs,
et qui ont été dans les villes de la Turquie, savent que [la bas] des rues
très étroites sont couramment construites”. Il est de fait probable que,
pour la construction en milieu urbain, cette disposition corresponde
à une disposition dérivante de la Turquie, pays hautement sismique,
en vue de réduire les dommages et d’empêcher les structures de
©Abdessemed Foufa-Benouar 2008 ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008
s’effondrer (ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR, 2006b p 2).

Parcelles et habitations :
Les parcelles qui constituent les îlots sont entièrement construits et
les habitations sont mitoyennes, se chevauchant et se penchant les
unes contre les autres, en constituant une unité compacte, homogène,
avec des façades linéaires sur tout le périmètre et à l’intérieur du
bloc. Les immeubles situés sur le périmètre de l’îlot jouent un rôle de
contreventement en soutenant ceux dans les parties centrales, ce qui
favorise la stabilité de l’ensemble (ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR,
2006b).

Sabats :
Nombreuses rues sont couvertes par des galeries au-dessus desquelles
les immeubles s’étendent en créant des passages couverts appelés
«sabats», qui constituent des éléments de coupures dans la continuité
linéaire des façades. Ces éléments, réalisés horizontalement avec
l’introduction de rondins en bois ou avec des voûtes en pierres ou
en briques, se comportent comme des renforts qui jouent un rôle
déterminant dans le contreventement des blocs entre eux (IBID.).

Arcs de décharge
Les constructions des médinas présentent un certain nombre d’arcs
de décharge en pierre ou en briques, dont la souplesse et l’élasticité
permettre le transfert des sollicitations horizontales vers le sol. Les ©Godeau

constructions ne se comportent donc pas comme des éléments isolés,


mais comme un bloc compact et dynamique.
Un dispositif supplémentaire accentue ce principe. Les mesures
préventives établies suite au séisme de 1716 inclurent également
des poutres connectant les immeubles d’un même îlot, fonctionnant
comme un contreventement (ABDESSEMED FOUFA, BENOUAR,
2006b). Selon Bianchi, Secrétaire-interprète du Roi, dans la «
Relation de l’arrivée dans la rade d’Alger du vaisseau de S.M. La
Provence sous les ordres de M. le Compte de la Bretonnière et détails
de l’insulte faite au pavillon du Roi de France par les algériens, le
3 Août 1829» in Revue Africaine n° 21, pp 414-415, 1877 : “Dans
nombreuses rues, les maisons se soutiennent les unes avec les autres
au moyen de poutres disposées transversalement ; ces mesures de
précaution datent de l’année 1717, quand Alger connut, pendant neuf
mois en continu, des secousses du séisme de 1716, si violentes que
la quasi-totalité des habitants quittèrent la ville et campèrent dans les
campagnes environnantes”.

Îlots dynamiques
©Abdessemed Foufa-Benouar 2010

©Godeau

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Algérie / maçonnerie avec dispositifs de roulement par insertion de rondins horizontaux 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques
“Ces pièces [en bois], noyées dans la maçonnerie, se prolongeaient
alternativement suivant chacun des deux murs et venaient se croiser
dans l’angle. J’ai vu des maisons sapées à la base et à moitié démolies
se soutenir encore grâce à cet artifice de construction” (Carette dans
Algérie. L’univers ou histoire et description de tous les peuples de
leurs religions, mœurs, coutumes, 1850).

Séismes (*Source : USGS)


1365, 02 janvier, Alger, VIII-X
1673, 10 mars, Alger
1716, 03 février, Matidja, intensité VII (MSK)
1722, 30 novembre, Alger
1756, 17 mars, VIII
1802, VIII
1807, (pas d’informations)
1842, (pas d’informations)
1850, (pas d’informations)
1867, (pas d’informations)
1980, 10 octobre, El Asnam, M 7.7 *
2003, 21 mai, Boumerdes, M 6.8 *

Normes constructives
---

Validations scientifiques
--- ©Abdessemed Foufa-Benouar 2008

©Meda Corpus

Coupe, Poteau avec chapiteau courbe


mur de la région d’Arès © Meda Corpus ©Marjanovic
6. Observations

Dans la région d’Aurès, le principe de roulement est mis en œuvre de pour relier les unités maçonnées est, dans cette région, à base d’une
manière légèrement différente. Le mur en maçonnerie se compose terre particulièrement adhérente, ce qui pourrait contribuer à la
d’une double rangée de grosses pierres de taille, intercalées à solidarisation des portions de mur, favorisant ainsi un comportement
des intervalles réguliers d’environ 1m à des couches hétérogènes. et un glissement unitaire lors de sollicitations horizontales. En outre,
Celles-ci se constituent d’une double strate d’éléments en bois : des les poteaux portant la toiture se caractérisent par une sorte de
branches de dimensions réduites disposées transversalement au chapiteau soutenant deux poutres parallèles et assumant souvent
mur, en dessus posés longitudinalement chaînent les murs (MEDA une forme courbe, ce qui permet des mouvements horizontaux tout
CORPUS, 2011a). Il est intéressant de noter comme le mortier utilisé en limitant les déplacements.

7. Référence
ABDESSEMED FOUFA, Amina, 2009. « Rediscovery and Revival of Traditional Fez) ». In : International Conference on Heritage Cities. The Contribution of
Traditional Earthquake Constructive Techniques in the Algerian and Maghreb Heritage to Sustainable Development. Luxor.
old nuclei of Algiers, Dellys, Cherchell (Algeria), Fez (Morocco) and Tunis
(Tunisia)». In : Disaster Reduction Hyperbase International Workshop. Tokyo. ABDESSEMED FOUFA, Amina, BENOUAR, Djillali, 2008. Rediscovery and
Revival of Traditional Earthquake-Resistant Techniques in Algeria: The Casbah
ABDESSEMED FOUFA, Amina A., BENOUAR, Djillali, 2010. « Investigation of the of Algiers (Algeria). [en ligne]. Disaster Reduction Hyperbase.
1716 Algiers (Algeria) Earthquake from Historical Sources: Effect, Damages,
and Vulnerability ». In : International Journal of Architectural Heritage. Vol. 4, ABDESSEMED FOUFA, Amina, BENOUAR, Djillali, 2010. « Atlas of Traditional
n° 3, p. 270-293. Earthquake-Resistant Techniques in Algeria: The Casbah of Algiers (Algeria) ».
In : International Disaster and Risk Conference, Global Risk Forum GRF. Davos.
ABDESSEMED FOUFA, Amina A., HAYET, Bendjedia, 2010. « Seismic Vulnerability
of the Dey’s Palace (Algiers, Algeria) ». In : Advanced Materials Research. Vol. FOUFA, Amina, 2007. «Récupération des Techniques Constructives
133-134, p. 789-794. Traditionnelles Sismo- Résistantes pour un Entretien du Bâti Ancien». In :
1ère Conférence régionale Euro-méditerranéenne. Architecture Traditionnelle
ABDESSEMED FOUFA, Amina, BENOUAR, Djillali, 2005. « Atlas of Earthquake- méditerranéenne Présent et Futur. Barcelone : Rehabimed. p. 535-537.
Resistant Traditional Techniques in Algeria: The Case of the Casbah of Algiers.
Contribution for a catalogue of earthquake-resistant traditional techniques MEDA CORPUS, 2011a. Architecture Traditionnelle Méditerranéenne: A02 Mur
in Northern Africa: the case of Casbah of Algiers (Algeria) ». In : European en pierre taillée équarrie (Algérie) [en ligne]. Projet CORPUS, programme
Earthquake Engineering Journal. Vol. 2, p. 2-29. Euromed Heritage.

ABDESSEMED FOUFA, Amina, BENOUAR, Djillali, 2006a. « Les techniques MEDA CORPUS, 2011b. Architecture Traditionnelle Méditerranéenne: Maison de
constructives sismo résistantes dans la Casbah d’Alger ». In : Vies de Villes. la médina d’Alger [en ligne]. Projet CORPUS, programme Euromed Heritage.
n° 5, p. 57-61.
NADJIBA, D., CHABBI-CHEMROUK, N., 2011. « The Role of Traditional Know-
ABDESSEMED FOUFA, Amina, BENOUAR, Djillali, 2006b. « The seismic how in Sustaining Urban Environments: the Casbah of Algiers in Algeria ». In :
behaviour in urban structure in the Medinas of the Maghreb (Algiers, Tunis and Procedia Engineering. Vol. 21, p. 1132-1135.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
HABITATIONS TOURS
Typologie Superposition de systèmes porteurs mixtes en maçonnerie et ossature

Pays Grèce

Localisation géographique
régions d’Ampelakia (Athènes),
Kastoria (nord-ouest), Mont
Pélion, Thessaloniki, Vyzitsa
Sismicité
récurrence : élevée
intensité: modérée

©Google Earth ©USGS ©USGS ©Kizis

1. Contexte

Dans nombreuses régions de la Grèce, l’architecture vernaculaire protéger des attaques et des fréquents conflits qui accompagnèrent
présente des caractéristiques constructives similaires à celles d’autres l’établissement de la domination Ottomane, donna lieu à une typologie
pays avoisinants (tels que la Bulgarie, la Macédoine et la Turquie). architecturale à caractère domestique défensif (SAKARELLOU-TOUSI,
Leurs principaux créateurs ont été les maçons et les charpentiers LAU, 2009). À ces aspects s’ajoute la constitution de corporations
grecs, toutefois leurs spécificités techniques dérivent d’un mélange d’artisans organisés en guildes, dont l’origine remonte à l’époque
de multiples facteurs, parmi lesquels très probablement les Byzantine, se déplaçant dans la région allant des Balkans et la Turquie.
phénomènes sismiques caractérisant la péninsule grecque. Bien que Ces groupes eurent une influence considérable sur l’introduction et
les séismes présentent une période assez courte (M <6 chaque 0.4 la diffusion de nouvelles techniques et ainsi que sur l’amélioration
ans et M<7 chaque 3 ans) (KALEVRAS, 1981), les caractéristiques de de celles existantes ; processus qui donna lieu à un style, tant
ces architectures s’ancrent dans des pratiques s’étant développées architectural que constructif, dont les principes sont communs à
essentiellement pendant le XVIII- XIX siècles et dont la constitution plusieurs régions mais qui se décline de fait en une multiplicité de
et affirmation dérivent également de transformations socio- variantes locales (KIZIS, 1977).
économiques qui ont eu lieu dans l’Empire Ottomane à partir de la
fin du XVI siècle. Les architectures qui en découlent se caractérisent par une
morphologie à tour associant deux système constructifs distincts :
L’architecture de certaines régions, comme celle du Mont Pélion, une maçonnerie en pierre avec des insertions horizontales aux étages
ne s’est pas développée comme un phénomène culturel autonome, inférieurs et une ossature en bois dans la partie supérieure ; cette
mais plutôt comme la conséquence de mouvements des populations dernière présente également des projections et des baies élargissant
qui, avec l’arrivée des Turcs, se déplacèrent dans des régions l’espace habitable et assumant un rôle fonctionnel du point de vue
montagneuses fondant des nouveaux villages. La nécessité de se constructif (protection des murs, stabilisation de la maçonnerie, etc.).

Illustrations

source: web

©Kizis

©Koutou source: web ©Kizis

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Grèce / superposition de systèmes porteurs mixtes en maçonnerie et ossature 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Aucune ou semelle filante en maçonnerie de pierre à faible profondeur
(environ 40cm).

Structure primaire
Rez-de-chaussée et étages inférieurs : maçonnerie de pierre avec
insertions horizontales en bois
- maçonnerie: murs en pierres liées par un mortier composé de terre
et/ou chaux ou de chaux et pouzzolane :
- faces extérieures : pierres de taille ou moellons
(calcaire, schiste)
- remplissage en tout-venant : pierres de taille réduites
et/ou briques
- épaisseur du mur : 70-90cm
- insertions bois : deux ou trois poutres insérées longitudinalement
sur les deux faces du mur et connectées par des
traverses
- espacement vertical : 1-1.5m à partir de 20-30cm
du niveau du sol
- bois : châtaigner, chêne, arbousier
- dimensions :
poutres : section carrée 10x10 cm ; longueur 4-6m
pièces transversales : section carrée 6x6cm;
longueur 70-100 cm

Étages supérieurs : système à ossature avec remplissage (tsatmas)


- espacement des poteaux : environ 1m

Structure secondaire
Parfois une structure interne en poteaux en bois porte les planchers

Remplissage
- torchis sur baguette de chêne intégrées à la structure primaire ou
sur branches de noisetier tressées (épaisseur 1-2.5cm,
espacement : 20-30cm)
- pour des panneaux étroits, lattis recouvert d’enduit avec remplissage
en vrac : mortier terre, chaux, sable et fibres
- petites ardoises, blocs de terre avec mortier terre, briques, Habitation de Verria: axonométrie
baguettes en bois ©Moutsopoulos

Enveloppe
---

Toiture
Toiture à 4 pans avec pente d’environ 40-50%
Poutres clouées aux chaînages avec parfois assemblage à mi-bois
- section des poutres : 18x18cm
- épaisseur des chevrons proportionnels à leur longueur
(10x10/20x20cm)
- liteaux cloués à distance de 1-1.2m avec une réduction d’épaisseur
vers le sommet du toit
- plafond avec des planches en bois clouées aux poutres horizontales
et voligeage au-dessus des chevrons
- couverture : ardoises posées sur un mortier en terre étalé sur le
voligeage

Finitions
Couches de base : enduit en terre avec fibres et stabilisants
organiques (bouse de vache) ©Kizis

épaisseur : 2.5-3.5cm
Couche de finition : mélange de chaux, sables fins, poils de chèvres
ou lin, et parfois plâtre
épaisseur : 3-5mm
stabilisant organiques : huile d’olive, œufs, lait, cire pour
augmenter les qualités adhésives) ;
Plafonds : planches en bois (30-50x5-20mm) disposées à une distance
de 10cm comme support pour un enduit (épaisseur : 10mm
première couche et 6mm couche de finition)

Connexions
Insertions horizontales :
- aux angles et pour la connexions avec des pièces transversales :
clous et/ou assemblages à mi-bois
- raccordements : assemblages à mi-bois, en sifflet parfois avec
entaille résistant à la traction et/ou avec pièce en bois clouée

Ossature : clous ou assemblages par tenon et mortaise ©Moutsopoulos

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Grèce / superposition de systèmes porteurs mixtes en maçonnerie et ossature 3/5

3. Particularites constructives

Maçonnerie :
- harpage des pierres aux angles ;
- le mortier est progressivement lavé sur le côté extérieur du mur
donnant une apparence de maçonnerie sèche ; cela risque parfois
de provoquer une perte de cohésion du mortier.

Insertions horizontales en bois :


- pour diminuer la dégradation du bois, des essences particulières
(châtaigner ou chêne) sont utilisées pour les éléments en façade
et d’arbousier, plus résistant au pourrissement, pour les pièces
transversales ;
- parfois, si les insertions horizontales ont un espacement vertical
relativement important, les rangées de maçonnerie présentent
une double ou triple insertion de planches uniquement en
correspondance des angles, pour en augmenter la résistance ;
- dans certains cas une seule poutre en bois est mise en place
au centre ou sur la face interne du mur ; dans d’autres cas, les
insertions couvrent l’épaisseur entière du mur (VINTZILEOU,
2008);
- les jambages supportant les projections des étages supérieurs sont
fixés aux poutres insérées sur la face extérieur des murs.

Ossature :
- les poutres sont généralement surdimensionnées ;
- les éléments sont assemblés en constituant une ossature dont
l’équilibre final dépend moins du poids individuel de chaque pièce
et plus de leur liaison mutuelle ;
- les joints restent élastiques permettant à l’ossature de résister aux
sollicitations horizontales et diagonales (séismes, tassements du
sol).
©Kizis

La structure à ossature en bois et celle en maçonnerie sont liées


verticalement et horizontalement, travaillant ainsi conjointement.

Typologies architecturales
©Kizis

©Kizis
Habitation de Pélion ©Kizis

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Grèce / superposition de systèmes porteurs mixtes en maçonnerie et ossature 4/5

4. Principes parasinistres

Les insertions en bois permettent :


- de contraster le tassement différentiels du sol et les sollicitations
sismiques ;
- une répartition homogène des charges au sol et une compensation
en cas de défaillance de certaines parties de la maçonnerie ;
- de prévenir des déformations accidentelles du mur pendant sa
construction.

Des observations conduites suite au séisme de 1955 ont permis de


constater les suivants types de dommages :
- une fissuration en diagonale dans la maçonnerie causée par le
dépassement de la capacité de résistance du mur au cisaillement ;
- une séparation des murs extérieurs avec ceux perpendiculaires à
cause de connexions insuffisantes entre les éléments en bois.

Insertions horizontales : disposition et connexions


©Kizis
Insertions horizontales : disposition dans le mur ©Vintzileou

©Moutsopoulos ©Moutsopoulos

5. Critères de vérification

Sources historiques
--- ©Kizis

Séismes (*Source : USGS)


1955, 21 avril, Volos (Magnissia), M 6.0
1978, 20 juin Thessaloniki (Volvi) M 6.6 *
1980, 12 juin, Volos (Magnissia), M 5.4
1981, 24 février, Athènes (Alkyonides) M 6.8 *

Normes constructives
---

Validations scientifiques
Des essais expérimentaux et des modélisations effectuées à la
National Technical University d’Athènes ont permis de constater que
les insertions en bois (VINTZILEOU, 2008) :
- apportent une augmentation de l’ordre de 10-20% de la résistance
de la maçonnerie à la compression ;
- assument la fonction de renforcement et de confinement,
admettant une fissuration importante de la maçonnerie sans qu’une
désintégration se produise ; ce qui est témoigné notamment par
une amélioration de la capacité de résistance à une déformation
verticale. En effet, la présence d’insertions horizontales en bois
retarde la formation de fissures diagonales et détermine une
réduction significative de la profondeur des fissures transversales et
verticales sur les deux faces du mur ;
De fait, elles offrent des marges de sécurité sensiblement plus
importantes que la maçonnerie ordinaire, en particulier en
considération de la capacité de déformation avant la rupture et de la
résistance au cisaillement.

(pour des informations supplémentaires au regard des systèmes à


ossature et en maçonnerie avec insertions voire également les fiches
spécifiques : hımış- bağdadi et hatıl) ©Kizis

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Grèce / superposition de systèmes porteurs mixtes en maçonnerie et ossature 5/5

6. Observations

L’insertion d’éléments horizontaux en bois dans une structure


porteuse en maçonnerie est largement répandue en toute la
Grèce (VINTZILEOU, 2008), avec néanmoins des variations liées
essentiellement à la typologie architecturale propre à chaque région
(AKERMANN, JUVANEC, 2011).
Dans les plaines, l’utilisation d’une maçonnerie en briques de terre crue
est considérablement plus répandue, caractérisant parfois l’ensemble
du bâtiment (région de Thessalie, préfecture de Karditsa) et donnant
lieu à des morphologies architecturales compactes et massives. Dans
les zones intermédiaires, une logique d’allégement structurel est
appliquée : les étages inférieurs sont réalisés avec une maçonnerie
de pierre et les étages supérieurs en maçonnerie de briques en terre
crue ou en torchis. Ce principe est d’ailleurs largement diffus dans
les zones du pays les plus assujetties à des phénomènes sismiques
(régions de Macédoine, Thessalie et de la Grèce centrale).

Certaines modifications effectuées au cours des siècles passées


ainsi que la dégradation des éléments en bois ont conduit à des
affaiblissements structurels assez importants. À titre d’exemple,
des agrandissements des ouvertures engendrent un découpage des
insertions horizontales en bois avec une conséquente fragilisation
des murs, en particulier aux angles, causant la fissuration ou la ©Diamantopoulou
désolidarisation de murs orthogonaux lors des sollicitations sismiques
(KIZIS, 1977).

©Moutsopoulos

7. Référence
©Mecca
AKERMANN, Kristina, JUVANEC, Borut, 2011. Terra Europae: earthen
architecture in the European Union. Pisa : ETS. Coll. Progetti saperi sentieri.

DIAMANTOPOULOU, Anastasia Diam, 1987. Ambelakia. Athènes : Melissa


Publishing House. Coll. Greek Traditional Architecture.

DOUDOUMIS, I.N., DELIGIANNIDOU, J., KELESI, A., 2005. « Analytical Modeling


of Masonry-infilled Timber Truss-works ». In : 5th GRACM International
Congress on Computational Mechanics [en ligne]. Limassol : Greek Association
of Computational Mechanisms, University of Cyprus.

HATZITRIFON, Nikolaos K., 2004. « Bearing capability of historical timber


framed walls, infilled or lattice covered ». In : Proceedings of the 2nd National
Congress on Appropriate Interventions for the Safeguarding of Monuments and
Historical Buildings. Thessaloniki.

KALEVRAS, Vladimir C., 1981. « Design, construction, behavior and repair


problems of rural structures in Greece ». In : Conference proceeding
International Workshop Earthen Buildings in Seismic Areas. New Mexico :
The National Science Foundation; Appropriate Technology International (ATI);
Office of Foreign Disaster Assistance (OFDA).
©Kizis

KIZIS, Yannis, 1977. Traditional houses of Pelion (a conservative approach).


Diploma in Conservation of Historic Buildings. York : University of York, Institute
of Advanced Architectural Studies.

KIZIS, Yannis, 1979. « Timber framed houses of Pelion, Greece ». In :


Vernacular Architecture. Vol. 10, p. 10.03-10.09.

KIZIS, Yannis, 1986. Pilioritiki Ikodomia. Domestic architecture in Pelion from


the 17th to the 19th century. PhD Thesis. Athènes : University of Athens.

KIZIS, Yannis, 1992. Thrace. Athènes : Melissa Publishing House. Coll. Greek
Traditional Architecture.

SAKARELLOU-TOUSI, Natalia, LAU, Benson, 2009. « The Vernacular Dwellings


of Mount Pelion in Greece: A migratory living pattern ». In : Architecture Energy
and the Occupant’s Perspective. Quebec : Les Presses de l’Université Laval.

VINTZILEOU, Elizabeth, 2008. « Effect of Timber Ties on the Behavior of Historic


Masonry ». In : Journal of Structural Engineering. Vol. 134, n° 6, p. 961-972. ©Kizis

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
KOTI BANAL / KATH-KHUNI
Typologie Système porteur hybride en maçonnerie de pierres et cadres en bois

Pays Inde

Localisation géographique
nord de l’Etat de l’Uttarakhand:
vallées des rivières Yamunâ, Bhagirathi et Tons,
région de Rajgarhi, district de Uttarkashi
Sud de l’Etat de l’Himachal Pradesh :
vallée de la rivière Sutlej

Sismicité

récurrence : élevée
©Google Earth intensité: élevée ©USGS ©USGS ©Thakkar

1. Contexte

Le nom de ce système constructif varie selon les zones : en de pierres, donnant lieu à une structure porteuse hybride. En effet,
Uttarakhand il est appelé sumer ou koti banal, du nom d’un village elle présente un double mécanisme de répartition des charges : les
situé dans la vallée de la rivière Yamunâ, tandis qu’en Himachal murs en maçonnerie portent les charges verticales, tandis que les
Pradesh il est connu comme kath-khuni. Bien qu’en intégrant des poutres interconnectées reprennent celles horizontales (RAUTELA,
variantes typologiques locales, les bâtiments réalisés avec ce système JOSHI, 2007).
présentent des caractéristiques très similaires. Le style architectural
qui lui est associé témoigne de procédures de construction Des investigations par radiocarbone (C14) ont permis d’estimer que
particulières, dérivantes d’une compréhension des effets des séismes cette technique est employée dans ces régions depuis environs 1000
sur le bâti ainsi que de la capacité de ses constructeurs à élaborer de ans. Cependant, en raison de son caractère privilégiant des aspects
solutions pour les réduire (RAUTELA, JOSHI, SINGH, ET AL., 2008). strictement fonctionnels au confort des habitants, des modifications
du principe structurel originaire ont été apportées depuis déjà 700
Les bâtiments s’élèvent sur plusieurs niveaux et ils sont couronnés, ans (IBID.).
en correspondance des deux derniers étages, par une véranda
faisant, en porte-à-faux, le pourtour de l’édifice. Ils possèdent Ces anciennes constructions présentent différents dispositifs
essentiellement une fonction d’habitation unifamiliale mais, dans qui correspondent à certains principes préconisés par le génie
le passé, ils assumaient parfois le caractère de vraies et propres parasismique actuel (RAUTELA, JOSHI, SINGH, ET AL., 2008). À l’état
forteresses permettant une protection envers des attaques extérieurs, actuel, elles ne montrent aucun signe de dégâts rapportables à des
même pendant plusieurs semaines. phénomènes sismiques, bien qu’elles se situent dans une région où,
Leur construction se base sur l’utilisation d’un système de doubles au cours des siècles passés, plusieurs tremblements de terre se sont
poutres horizontales rapprochées et intégrées dans une maçonnerie produits (RAUTELA, JOSHI, 2008).

Illustrations

©Thakkar ©Thakkar ©Thakkar

©Thakkar ©Thakkar

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Inde / système porteur hybride en maçonnerie de pierres et cadres en bois 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
Les fondations se composent d’une tranchée excavée à une profondeur
d’environ 60-90cm (RAUTELA, JOSHI, 2007) et remplie avec des
moellons, parfois liés par un mortier de terre (SAKLANI, NAUTIYAL,
NAUTIYAL, 1999). En dessus des fondations, une plateforme en
maçonnerie en pierre sèche et remplie avec des gravats constitue le
socle du bâtiment.
Hauteur de la plateforme : 1.8 - 4m du sol

Structure primaire
Dimensions :
Hauteurs : - bâtiment : 7-12m, mais pouvant atteindre 17m
©Rautela et al 2008 ©Rautela et al 2008
- étages : 2.20-2.50m Plateforme de soubassement
Plan : longueur et profondeur : 4-8m avec une proportion
entre 1.1-1.4

Murs : système de doubles poutres en bois parallèles, disposées


horizontalement et alternées avec une maçonnerie en pierres
plates maçonnées à sec, avec un mélange à base de lentilles
ou un mortier à base de chaux et/ou terre (RAUTELA, JOSHI,
SINGH, ET AL., 2008).
Des doubles poutres en bois relient le milieu de murs
opposés dans les deux directions, et se croisent au centre
du bâtiment, divisant la structure en quatre parties.
Dans la partie inférieure des murs extérieurs et dans les
murs intérieurs, les poutres ont une section rectangulaire
et reposent directement les unes sur les autres (insertions
rapprochées).
Dans la partie supérieure des murs extérieurs, les poutres
ont une section carrée et sont alternées à des cours de
maçonnerie en pierres plates.
- épaisseur du mur : 45-70cm
- densité moyenne d’un mur porteur: entre 40% et 45%

Planchers : planches en bois (épaisseur 20-22mm) reposant sur des


solives soutenues par des poutres ou des murs.
La portée moyenne correspond à la moitié de la largeur du
bâtiment

Structure secondaire
Deux derniers étages : ossature en bois avec parement en planches
essence : cèdre

Remplissage
---

Enveloppe
--- ©Thakkar
Superstructure

Toiture
À 2 ou 4 pans avec structure et liteaux en bois
Couverture en tuiles d’ardoise

Finitions
À l’extérieur : aucune
À l’intérieur : parfois, badigeon et/ou enduit de terre ou de chaux

Connexions
Assemblages par tenon et mortaise, chevilles et clous ©Rautela et al 2008 ©Rautela et al 2008
Clés de cisaillement
Assemblages

©Thakkar ©Thakkar ©Thakkar ©Thakkar

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Inde / système porteur hybride en maçonnerie de pierres et cadres en bois 3/5

3. Particularites constructives

La construction a lieu sur des terrains aux caractéristiques variées


(plat, en pente, accidenté), mais généralement en correspondance
d’une crête solide ou d’un sol rocheux. En cas d’affleurement rocheux
en surface, la plateforme de maçonnerie en pierre sèche est érigée
sans aucune excavation préalable (RAUTELA, JOSHI, SINGH, ET AL.,
2008).

Dans la partie basse des murs, les poutres en bois sont


interconnectées horizontalement et verticalement, constituant un
chaînage tridimensionnel très solide ; en revanche dans les parties
supérieures les poutres ont principalement fonction de renforcement
et ne sont pas reliées verticalement entre elles (IBID.). Aux angles,
les poutres perpendiculaires sont connectées par des clous et des
chevilles en bois, ce qui confère continuité au chaînage horizontal
constituant une seule et unique pièce à comportement homogène
(AGRAWAL, SHAH, 2001). En outre, plus la construction monte en
hauteur, plus les assises en pierres ont une épaisseur réduite, jusqu’à
disparaître complètement, substituées par une empilement successif
de seuls cadres en bois qui complète la structure de la toiture du
bâtiment (THAKKAR, MORRISON, 2008).

Les poutres les plus basses sont intégrées à la plateforme de base


(RAUTELA, JOSHI, SINGH, ET AL., 2008).

Les bâtiments sont généralement isolés mais, dans les villages, ils
peuvent être proches les uns des autres, à une distance non inférieure
à 2-4m. Parfois, deux bâtiments rapprochés accueillant deux unités
de la même famille sont reliés entre eux au niveau des vérandas des
derniers étages, tout en restant indépendants au niveau structurel.
De manière similaire, dans certaines régions l’agrandissement
d’une maison se fait en ajoutant d’autres corps structurellement
indépendants mais reliés par des terrasses et des escaliers en bois ©Rautela et al 2008
(THAKKAR, MORRISON, 2008).

Le processus de construction a lieu en une seule phase et,


généralement, le bâtiment est conçu depuis le départ dans ses
dimensions finales. Deux procédés distincts correspondent aux deux
différentes parties constructives : dans la partie inférieure des murs,
les pierres sont utilisées uniquement comme remplissage entre les
poutres, la construction de la structure en bois se déroule donc en
premier ; dans les parties supérieures, la structure en bois et la
maçonnerie sont mises en place de manière alternée et assument,
de fait, toutes les deux un rôle structurel (RAUTELA, JOSHI, SINGH,
ET AL., 2008).

L’essence de cèdre a été employée pour les insertions et les parties


en bois, en garantissant une très bonne qualité et résistance. Dans
de nombreux cas, les poutres exposées aux intempéries sont encore
intactes après plus de 700 ans, sans qu’aucun type d’entretien
particulier ait été effectué (IBID.).

Les ouvertures sont de taille réduite et sont entourées par des


éléments en bois massif, fixés aux doubles poutres ; ce qui permet
de compenser une éventuelle fragilisation structurelle dérivant d’une
interruption de la continuité de la maçonnerie et des insertions
horizontales. Généralement aucune ouverture n’est présente au rez-
de-chaussée, mise à part pour l’unique porte d’entrée (IBID.). ©Rautela et al 2008

©Thakkar ©Thakkar ©Thakkar

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Inde / système porteur hybride en maçonnerie de pierres et cadres en bois 4/5

4. Principes parasinistres

La plateforme surélevée et les poutres en bois au niveau du socle


limitent les effets vibratoires impartis par le séisme à la superstructure.
La massivité du socle contribue à garder le centre de gravité du
bâtiment et le centre des masses proches entre eux et près du sol
(RAUTELA, JOSHI, 2007). Ce dernier aspect est également accentué
par des proportions variables de pierre et bois. Les parties inférieures
du bâtiment sont composées d’une plus grande masse en pierre et
présentent une majeure stabilité, tandis que les parties supérieures
deviennent de plus en plus légères grâce à une augmentation des
éléments en bois et une réduction des portions en maçonnerie ; ce
qui favorise également une incrémentation de flexibilité structurelle
dans la partie supérieure (THAKKAR, MORRISON, 2008).
Remplissage de l’espace entre les poutres Disposition des poutres horizontales à l’échelle
avec des cailloux de petite taille ©Thakkar du bâtiment (adapté de Saklani et al. 1999)
Les pierres entre les poutres sont maçonnées principalement à
sec, ce qui fournit une certaine liberté de mouvement latéral,
sans que cela provoque des dégâts (RAUTELA, JOSHI, SINGH, ET
AL., 2008). En particulier, le type d’empilement des pierres adopté
pour les fondations et la plateforme permet aux murs de s’adapter
à des éventuels mouvements sans que la capacité structurelle soit
compromise : grâce aux pierres coupées et mises en œuvre avec des
côtés légèrement inclinées vers l’intérieur, chaque mouvement du sol
serre l’ensemble encore plus étroitement (IBID.).

L’emploi de poutres horizontales se rapproche du concept des bandes


sismiques (chaînages) employées dans les constructions récentes
en maçonnerie (IBID.. Le système de doubles poutres horizontales
connectées par tenon et mortaise agit comme un cadre contreventé
par la maçonnerie, fournissant une rigidité et une capacité à résister
aux déformations identiques dans les deux directions. Ce principe
est valable spécialement dans les parties inférieures des murs où
les poutres constituent un système tridimensionnel et les pierres ne source:web

portent aucune charge (RAUTELA, JOSHI, 2008). Temple - château de Joginis à Chaini

Architecture Garhwali, village de Kharsali

Les déplacements en hors plan des murs parallèles aux solives sont
restreints par l’intégration d’une poutre de la même longueur que
le bâtiment présentant deux trous aux extrémités dans lesquels est
insérés un élément vertical (clé de cisaillement) de la longueur de
plusieurs étages (RAUTELA, JOSHI, SINGH, ET AL., 2008).

Les assemblages employés agissent comme des connexions semi-


rigides, augmentant la capacité de résistance de l’ensemble et
permettant des déplacements minimaux aux angles (RAUTELA,
JOSHI, 2007).

Si poussés à la limite de leur capacité, les murs et les planchers


tendent à céder graduellement tout en continuant à porter des
charges élevées et absorbant une élevée quantité d’énergie avant
l’effondrement (RAUTELA, JOSHI, 2008).

Les planchers et la structure de la toiture constituent des diaphragmes


flexibles portés par des éléments rigides en maçonnerie résistants
dans les deux directions, selon une logique similaire aux principes
préconisés dans les règles FEMA 310 (RAUTELA, JOSHI, 2008).

Caractéristiques constructives qui améliorent le comportement du


bâtiment vis-à-vis de sollicitations sismiques :
- la configuration du bâtiment (forme régulière tant dans le plan qu’en
élévation) et une distribution uniforme et symétrique des masses,
minimisant les effets de torsion et la concentration des sollicitations
(RAUTELA, JOSHI, SINGH, ET AL., 2008) ; © Hrishi

- les connexions entre les murs, les planchers et la toiture : les murs Architecture Garhwali, village de Kharsali: détail
extérieurs sont connectés à chaque niveau diaphragmatique par des
ancrages permettant de contraster les sollicitations en hors plan
(IBID.).
- Cadres en bois : les assemblages par tenon et mortaise réduisent les
forces de cisaillement et fournissent une grande résistance envers
les forces d’inertie ;
- Toiture : bien que la couverture soit réalisée avec des matériaux
lourds, les tuiles gardent une certaines souplesse grâce à la fixation
à la charpente en un seul point ; ce qui favorise la dissipation
d’énergie et une adaptation aux charges de la neige (THAKKAR,
MORRISON, 2008) ;
- l’utilisation du bois comme matériau structurel à comportement
élasto-plastique apportant flexibilité au système et favorisant une
dissipation de l’énergie (RAUTELA, JOSHI, 2007).
source: web

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Inde / système porteur hybride en maçonnerie de pierres et cadres en bois 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques
Middlemiss indique le bon comportement des ces constructions
situées près de l’épicentre du séisme du 1905 (Rautela et al. 2008):
Middlemiss, C.S. (1910) Preliminary account of the Kangra earthquake
of 4th April 1905, Mem.Geol. Soc. India, 32, 258-294, Geol. Surv.
India, Calcutta
Middlemiss, C.S. (1910) The Kangra earthquake of 4 April 2005,
Mem. Geol. Surv. India 38, 405.

Séismes (* Source : USGS)


1720, Kumaun, M > 8
1803, Garhwal, Mw 8.09
1897, 12 juin, Plateau de Shillong, M 8.3 *
1905, 04 avril, Kangra-Kulu, M 7.5 *
1934, 15 janvier, Bihar-Népal, M 8.1 *
1950, 15 août, Assam-Tibet, M 8.6 *
1991, 20 octobre, Garhwal, M 6.8 *
1999, 29 mars, Chamoli (région de Garhwal), M 6.6

Normes constructives
---

Validations scientifiques
Des analyses scientifiques ont montré que ce type de structures
présente un schéma complet de répartition de charges induites
par des sollicitations sismiques. Les sollicitations horizontales sont
transmises par les murs transversaux aux murs perpendiculaires par
les diaphragmes horizontaux, qui distribuent les efforts aux éléments
verticaux qui à leur tour transmettent les sollicitations aux fondations
(RAUTELA, JOSHI, 2007).

6. Observations

Au fil du temps, ces bâtiments ont été progressivement abandonnés à


cause d’une dégradation du niveau de vie des habitants, de la rareté
du bois (SHANKAR, 2006), du manque d’artisans compétents et de
la difficulté à assurer un entretien régulier (RAUTELA, JOSHI, 2007).
Néanmoins, les dommages subis suite à des séismes récents ont été
quasiment nuls (SAKLANI, NAUTIYAL, NAUTIYAL, 1999).

Privilégiant l’aspect fonctionnel, ces bâtiments ne répondent


généralement pas à des critères de confort ; ce qui a conduit à
des modifications et altérations des principes constructifs qui ont,
dans nombreux cas, déterminé un affaiblissement structurel. En
particulier, on peut constater un passage graduel d’une trame serrée
de poutres en bois à un espacement vertical variable (10-100cm) et
une utilisation des insertions horizontales uniquement en tant que
chaînages (RAUTELA, JOSHI, 2007). D’autre part, dans ces régions
on peut constater l’utilisation de systèmes proches à l’insertion
d’éléments en colonne (principe du cator and cribbage) ainsi que
d’agrafes verticales permettant d’accroître l’intégrité des sections
en maçonnerie, selon un principe similaire à celui présent dans
l’architecture vernaculaire du Nuristan (Afghanistan).

Ce système constructif a été également employé pour la réalisation


de palais, de temples et de structures militaires. Bien qu’aujourd’hui
le niveau économique de leurs habitants se situe entre pauvreté et
classe moyenne, quand elles ont été construites, les propriétaires
appartenaient à une classe sociale élevée (IBID.). source:web

Temple - château de Joginis à Chaini

7. Référence

AGRAWAL, D.P., SHAH, Manikant, 2001. Earthquake Resistant Structures of SAKLANI, Pradeep M., NAUTIYAL, Vinod, NAUTIYAL, K.P., 1999. «Sumer,
Himalayas [en ligne]. Infinity Foundation. Earthquake Resistant Structures in the Yamuna Valley, Garhwal Himalaya,
India». In : South Asian Studies. Vol. 15, n° 1, p. 55-65.
RAUTELA, Piyoosh, JOSHI, Girish Chandra, 2007. Earthquake safety elements
in traditional Koti Banal architecture of Uttarakhand, India. Dehradun : Disaster SHANKAR, Pratyush, 2006. « Understanding change in Himalayan vernacular
Mitigation and Management Centre, Department of Disaster Management, houses ». In : 3rd International Seminar on Vernacular Settlements [en ligne].
Government of Uttarakhand. Surabaya : Montain Forum.

RAUTELA, Piyoosh, JOSHI, Girish Chandra, 2008. « Earthquake-safe Koti Banal THAKKAR, Jay, MORRISON, Skye, 2008. Matra. Ways of Measuring Vernacular
architecture of Uttarakhand, India ». In : Current Science. Vol. 95, n° 4, p. Built Forms of Himachal Pradesh. Ahmedabad : SID research Cell, School of
475-481. Interior Design, faculty of Design, CEPT University.

RAUTELA, Piyoosh, JOSHI, Girish Chandra, SINGH, Yogendra, et al., 2008. THAKKAR, Jay, MORRISON, Skye, 2009. « An Analysis of Kath-Khuni
Timber-reinforced Stone Masonry (Koti Banal Architecture) of Uttarakhand and Architecture as a Sustainable Humane Habitat in Himachal Pradesh ». In :
Himachal Pradesh, Northern India [en ligne]. Housing Report, World Housing International Conference on Humane Habitat (ICHH). Mumbai : International
Encyclopedia. Association for Humane Habitats.

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Cultures constructives vernaculaires et résilience
CATOR and CRIBBAGE
Typologie Structure en cage tridimensionnelle continue en bois et maçonnerie

Pays Pakistan

Localisation géographique
Cachemire : du Nuristan au
Baltistan (Vallée de Hunza);

Sismicité
récurrence : modérée
intensité : élevée

©Google Earth ©USGS ©USGS © Schacher


Projet pour habitation, Reggio Calabria: élévation de le structure porteuse (ACRC, Urb, cart. 6, 10-7-2 dans Barucci 1990)

1. Contexte

La technique caractérisant les architectures des vallées du nord du bois (cators) positionnées sur les côtés intérieurs et extérieurs
Pakistan a une origine très ancienne, se situant probablement au de murs en maçonnerie en pierres (KONTOGIANNIS, 2010). Les
Ladakh (HUGHES, 2007b). Elle a été employée dans des constructions éléments composant ces colonnes sont connectés entre eux par
datant de plusieurs centaines d’années comme le Baltit Fort (Pakistan des assemblages, permettant à l’empilement de bouger de manière
du Nord, XV siècle) et le Shigar Fort (Baltistan, XVII siècle), voire des unitaire comme une colonne vertébrale. Le vide entre les éléments en
milliers d’années comme dans le cas de la tour Altit (HUGHES, 2000). bois est rempli avec une maçonnerie.
Apparue probablement à une époque préislamique, elle a été utilisée
essentiellement pour des ouvrages à caractère défensif (HUGHES, Pendant la campagne militaire du 1891, l’armée britannique constata
2007b) et en partie pour des bâtiments à usage civil tels que des les avantages de ce type de construction qui est capable de résister à
habitations, des mosquées et des tours de guet (pouvant atteindre des sollicitations dynamiques, telles que l’impact de boules de canons
5-6 étages de hauteur). ou de phénomènes sismiques (HUGHES, 2000).

L’appellation de cette technique, cator and cribbage, dérive du Ce système constructif ressemble, selon certains chercheurs
principe structurel employé, constitué par une cage creuse en bois. (HUGHES, 2007b), à une ancienne version du béton armé, où le
En correspondance des angles du bâtiment et au croisement de bois est employé pour sa capacité de résistance à la traction et à la
murs perpendiculaires, des colonnes sont réalisées par l’empilement flexion et la pierre pour sa résistance à la compression. Le principe
(cribbage) de pièces en bois à section carrée, superposées à structurel du cribbage peut être mis en relation avec la technique du
deux à deux et orientées en direction opposée. Ces empilements «cogs», employée dans les mines de charbon du XIX siècle, qui paraît
constituent des sortes de colonnes creuses hautes de un à plusieurs avoir été largement utilisée à Londres pendant l’époque romaine et
étages, connectées entre elles par des poutres horizontales en médiévale pour la construction des quais (HUGHES, 2000).

Illustrations

© Franzen
Baltistan, temple de Mir Aref Baltisan

source: web

village de Machlu
Khaplu, mosquée

Bâtiment baraccato en construction, Monteleone


source:
Bâtiment web
avec le système baraccato, Filadelfia, province de Vibo Valentia © Tobriner 1997 © Hughes
(Relazione della Commissione incaricata di studiare..., 1909; , dans 2007
Barucci 1990)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Pakistan / structure en cage tridimensionnelle continue en bois et maçonnerie 2/5

2. Principes constructifs

Fondations / soubassement
En cas de substrat rocheux superficiel, aucune fondation n’est réalisée
Semelle continue en maçonnerie de pierres avec mortier de terre :
- profondeur : 30-75 cm
- épaisseur correspondant à celui de la superstructure
Aucune liaison n’est effectuée entre la structure en bois et les
fondations.

Structure primaire
Cage en bois constituée d’un empilement vertical de poutres avec un
système de colonnes creuses :
- colonnes (cribbage) : superpositions de courtes pièces en
bois orientées de façon perpendiculaire et connectées par des
assemblages avec tourillons
- poutres horizontales (cators) en bois disposées dans les côtés
intérieurs et extérieurs du mur :
- des traverses en bois les connectent entre elles à des
intervalles d’environ 1m, selon un principe d’échelle
- section 5x12cm
- espacement vertical : 30-130cm
- bois : pin, noyer, abricot, genièvre
Mosquée à Ganish: élévation © Hughes 2007b

Maçonnerie : pierre ou briques de terre crue (à partir de la fin du


19ème siècle) liées par un mortier de terre
- l’intérieur du mur est progressivement rempli avec des
gravats, des éclats de pierre dérivant de la coupe et le mortier
restant
- pierres employées : granit, gneiss, ardoise, marbre, basalte
- terre : terre silteuse, généralement riche en quartz et mica

Plancher : solives et planches en bois

Structure secondaire
Système en poteaux - poutres en bois pour des loggias, des vérandas
et des avant-toits
élément structurel à caractère parasismique:
Remplissage structure de couverture © Hughes 1986
---

Enveloppe
---

Toiture
Toiture plate avec poutres et planches en bois
Couverture : terre damée avec enduit en chaux et/ou terre

Finitions
Parfois, enduit en terre et/ou terre chaux et badigeon de chaux élément structurel à caractère parasismique:
structure portante verticale © Hughes 1986

Connexions
- si le bois est d’une longueur inférieure à celle du mur, deux ou plus
pièces sont assemblées avec des connexions sans clous résistantes
à la traction ;
- aux angles et aux intersections des murs, les cators et les cribbages
sont connectés entre eux par des assemblages à mi-bois et avec
tourillons, de façon à constituer un chaînage continu de l’ensemble
du bâtiment.

©Schacher ©Schacher

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Pakistan / structure en cage tridimensionnelle continue en bois et maçonnerie 3/5

3. Particularites constructives

Les cators dans la maçonnerie présentent les avantages suivants


(HUGHES, 2000, 2007b):
- l’élévation de murs sur des terrains instables et accidentés ainsi
qu’une bonne résistance aux tassements différentiels du sol car
les angles, ou certaines parties du bâtiment, peuvent se trouver
en porte-à-faux sans que la capacité portante du bâtiment soit
compromise : avant leur restauration, les façades du Baltit fort
présentaient un décalage en hors plan de 1.5m, leur écroulement a
été empêché par les éléments horizontaux en bois.
- une construction très rapide des murs, même sans mortier, car le
bois travaille en tant que liaison structurelle le long et au travers
du mur ;
- une réduction de l’épaisseur de la maçonnerie, ce qui permet
d’équilibrer l’élancement des murs (Baltit Fort : épaisseur des murs
40cm, hauteur 10m) ;
- une réparation rapide d’une défaillance localisée ;
- une liaison structurelle aisée entre des nouveaux et des anciens
murs (extensions dans le temps) ;
- le démantèlement de la structure et la réutilisation des éléments
en bois ;
- une réalisation plus aisée de murs droits.

En outre (HUGHES, 2000):


- le principe d’empilement permet de monter l’ossature plus
rapidement que la maçonnerie, il n’y a donc pas la nécessité
d’alterner le travail du maçon avec celui des charpentiers ;
- les joints aux angles et les longues poutres en bois fournissent une
résistance en traction et flexion envers les mouvements en hors du
plan.

Le remplissage en pierre est mis en place après la construction de la


structure en bois. Il ne porte initialement aucune charge verticale ;
avec le temps, l’ossature se déforme sous les charges permanentes
déterminant une mise en compression de la maçonnerie. Ce
mécanisme est le principal responsable de la stabilité du remplissage
pendant des sollicitations sismiques (KONTOGIANNIS, 2010).

Les fenêtres sont de taille réduite, ce qui permet de limiter des


affaiblissements de la structure (HUGHES, 2007b). La dimension des
pierres du remplissage diminue vers le haut du mur, pour en faciliter
le transport et alléger la structure.

Lors de la construction, une vérification des capacités de balancement


de la structure était effectuée en la soumettant à des sollicitations
fictives : des animaux de trait y étaient attachés pour provoquer des
efforts en plusieurs directions (IBID.). ©Otte
Khaplu Fort
Baltit Fort

©Helky

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Pakistan / structure en cage tridimensionnelle continue en bois et maçonnerie 4/5

4. Principes parasinistres

La structure en bois agit comme un chaînage tridimensionnel grâce


aux excellentes propriétés élastiques et de résistance à la traction
du bois qui apportent une certaine ductilité à l’ensemble (HUGHES,
2007b).

Les poutres horizontales (cators) :


- limitent la création et la propagation de fissures verticales et
diagonales, délimitant ainsi les portions de maçonnerie sujettes à
effondrement (HUGHES, 2000) ;
- compensent les mouvements en hors plan (sollicitations sismiques
ou tassements différentiels du sol) (HUGHES, 2000) ;
- absorbent les sollicitations à la traction provoquées par des
secousses sismiques (KONTOGIANNIS, 2010) ;
- sont connectées entre elles par des assemblages résistant à des
efforts en traction ;
- leur assemblage aux angles fournit un comportement
diaphragmatique à la structure (IBID.).

Les colonnes par empilement (cribbages) :


- contrastent les efforts de cisaillement et de torsion aux angles et
entre les ouvertures (HUGHES, 2000) ;
- se caractérisent par un comportement complexe, adoptant les
propriétés mécaniques tant du bois que de la maçonnerie. La
résistance à compression est fournie par le composant maçonnerie
tandis que le bois fournit une résistance en traction ;
- la structure tridimensionnelle en bois fournit un confinement
continu de la maçonnerie, qui résiste ainsi à des importantes
sollicitations en hors plan. Ce confinement est souvent renforcé
dans les parties inférieures du bâtiment. En cas de fortes secousses,
cela permet aux colonnes de mieux supporter des sollicitations à
compression pouvant provoquer une grande déformation du cadre
et une majeure déformation au cisaillement du remplissage ; ce qui
pourrait engendrer une rupture à la base des colonnes. Ce principe
de renforcement du confinement à la base des colonnes se retrouve
également dans l’Eurocode 8 pour la construction en béton armé
(KONTOGIANNIS, 2010) ;
- constituent une ossature structurelle articulée dans laquelle les
colonnes reprennent les charges de manière différenciée entre
le premier et le deuxième étage jusqu’aux fondations ; a chaque
étage les murs travaillent et se déforment de façon indépendante
(HUGHES, 2007b).

Maçonnerie :
- la fissuration du mortier et le glissement des blocs de maçonnerie le
long des joints augmentent le niveau d’amortissement de l’énergie
et contribuent à sa dissipation par le frottement entre le matériau
du remplissage et les joints entre les unités maçonnées et l’ossature
bois ;
- la réduction de l’épaisseur du mur permet une réduction de la
masse de la structure et donc une réduction des forces d’inertie que
le système doit supporter (KONTOGIANNIS, 2010). © Schacher

Principe de construction © Hughes 2000

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Pakistan / structure en cage tridimensionnelle continue en bois et maçonnerie 5/5

5. Critères de vérification

Sources historiques
---

Séismes
1981, Nord-ouest du Cachemire, M 6.3 (Natural Environment Research Council)
2005, 8 octobre, Jammu et Cachemire, M 7.6 (U.S.G.S.)

Normes constructives
---

Validations scientifiques
Tests de laboratoire ont démontré une résistance au cisaillement
supérieure à celle demandée dans le code de construction
parasismique pakistanais (KONTOGIANNIS, 2010).

6. Observations

Bien que l’utilisation de ce système constructif ait été documentée


essentiellement en référence aux régions septentrionales du Pakistan,
sa diffusion dépasse de fait les frontières politiques actuelles. En
effet, elle est également présente dans certaines zones du nord de
l’Inde (Cachemire, Etats de l’Uttarkhand et de l’Himachal Pradesh) et
dans le Nuristan (Afghanistan). © Schacher source: Wikipedia

Hunza Fort Baltit Fort

source : web
source: web

Baltit Fort Shigar Fort

7. Référence

FERRIGNI, Ferruccio, HELLY, Bruno, MAURO, Armando, et al., 2005. Ancient


Buildings and Earthquakes. The Local Seismic Culture approach: principles,
methods, potentialities. Bari : Edipuglia.

HUGHES, Richard, 2000. « Cator and Cribbage Construction of Northern


Pakistan». In : Earthquake-Safe: Lessons to Be Learned From Traditional
Construction [en ligne]. Istanbul : ICOMOS International Wood Committee.

HUGHES, Richard, 2007a. « The Restoration of Baltit Fort ». In : Karakoram:


Hidden Treasures in the Northern Areas of Pakistan. Turin : Umberto Allemandi
& Co. p. 185-214.

HUGHES, Richard, 2007b. « Vernacular Architecture and Construction


Techniques in the Karakoram ». In : Karakoram: Hidden Treasures in the
Northern Areas of Pakistan. Turin : Umberto Allemandi & Co. p. 99-132.

HUGHES, Richard, LEFORT, Didier, 1986. « The Baltit Fort ». In : MIMAR 20:
Architecture in Development. p. 10-19.

KLIMBURG, Max, 2007. « Traditional Art and Architecture in Baltisan ». In


: Karakoram: Hidden Treasures in the Northern Areas of Pakistan. Torino :
Umberto Allemandi & Co. p. 149-164.

KONTOGIANNIS, Paraskevas, 2010. Numerical Evaluation of the « Cator


and Cribbage » Technique. MSc in Earthquake Engineering with Disaster
Management. Londres : Department of Civil, University College London.

LANGENBACH, Randolph, 2009. Don’t Tear It Down! Preserving The Earthquake


Resistant Vernacular Architecture Of Kashmir. New Delhi : UNESCO. © Hughes 2007a

Cultures constructives vernaculaires et résilience


boîte sur poteaux contreventés boîte sur poteaux et murs
(Indonésie) indépendants (Grèce)

ossature (Haïti) ossature contreventée (Italie) ossature contreventée avec boîte contreventée sur socle avec
socle massif (Portugal) insertions horizontales (Turquie)

maçonnerie avec insertions


horizontales (Turquie)

maçonnerie avec rondins


horizontaux insérés (Algérie)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


boîte légère sur socle massif en maçonnerie et
insertions horizontales (Grèce)

boîte légère sur socle en maçonnerie avec maçonnerie avec insertions horizontales boîte en rondins superposés avec maçonnerie et poutres en bois agrafées
insertions horizontales espacées (Inde) en colonne (Pakistan) remplissage souple (Iran) (Afghanistan)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


• Pierres :
Albanie (source : arch. Milo Hofmann)
Afghanistan : région du Nuristan (Edelberg, 1984)
Chypre : (Meda Corpus, 2011b)
Grèce : tsatmas, île de Lefkada (Karababa, 2007)
Chine : provinces de : Shanxi et Yunnan (Meyer, 2005 ; Liu, Haïti : tiwoch (analyses de terrain 2012)
Miao, Ye, et al., 2006) Inde : Cachemire (Langenbach, 1990)
Grèce : île de Lefkada (rez-de-chaussée) (Karababa, 2007) Italie : Opus Craticium ; casa intelaiata ; maso (région des
Inde : khan (Maharastra) (Brzev, Greene, Sinha, 2002) Dolomites) (Ceccotti, Faccio, Nart, et al., 2006)
Italie : casa baraccata (Barucci, 1990) Pakistan : dhajji-dewari (Langenbach, 2009a)
Népal : région de Kali Gandaki (Dixit, Parajuli, Guragain, Portugal : gaiola pombalino (Ferah, 2009)
2004) Turquie : hımış (analyses de terrain 2012)
Portugal : gaiola pombalino (Ferah, 2009)
République Démocratique du Congo : • Briques en terre crue :
enveloppe inversé (Moles, Hosta, 2009) Bulgarie (source : Alain Briatte-Mantchev)
Turquie : (Aytun, 1981) Chypre : (Meda Corpus, 2011b)
Grèce : tsatmas (Meda Corpus, 2011c)
Macédoine : (source : arch. Milo Hofmann)
• Matériaux relativement rigides (p.e. planches en bois clouées à la Nicaragua : (Quintallet, Samin, 2012)
structure) Portugal : (Ferah, 2009)
Cuba (Sánchez, De Julián, Ordoñez, 2010) Pérou : (Papanikolaou, Taucer, 2004)
Haïti : en zone rurale (palmiste) et urbaine (analyses de Turquie : hımış (analyses de terrain 2012)
terrain 2012)
Inde : Nagaland, Assam (analyses de terrain 2006) • Briques en terre cuite
Indonésie : province d’Aceh (analyses de terrain 2010) Inde : Ahmedabad (Modan, 2000)
République Dominicaine (Durán Núñez, 2009) Macédoine (source : arch. Milo Hofmann)
Turquie : ville d’Istanbul ; province de Bartın (analyses de Pakistan : dhajji-dewari (Langenbach, 2009a)
terrain 2012) Turquie : hımış (analyses de terrain 2012)

• Matériaux souples (lattes de bois ou bambous, panneaux de


roseaux, canisses, etc.) • Avec support :
Bangladesh : panneaux en baguettes de jute (région de Sylhet) Bulgarie : (source : Alain Briatte-Mantchev)
(analyses de terrain 2012) Corée : (Ryu, Kim, Jeon, 2004)
Colombie : esterilla (bambou aplatis) (Gutiérrez, 2000) Chypre : (Meda Corpus, 2011b)
Italie : casa baraccata (face intérieure et cloisons internes) Haïti : clissage (analyses de terrain 2012)
(Barucci, 1990) Inde : Assam (ikra) (Kaushik, Babu, 2009)
Philippines : lattes et/ou panneaux tressés en bambou (Scott, Italie : maso (région des Dolomites) (Ceccotti, Faccio,
1962) Nart, et al., 2006)
Iran : région de Gilân (Bromberger, 1983)
Japon : (Fujita, Kondo, Koshihara, et al., 2004 ;
Matsushita, 2004)
Macédoine : (source : Milo Hofmann)
Pérou : quincha (Carbajal, Ruiz, Schexnayder, 2005)
• République Dominicaine : (Durán Núñez, 2009)
Haïti : clissage (zone rurale) (analyses de terrain 2012) Salvador : bahareque (Lang, Merlos, Holliday, et al., 2007)
Martinique (Berthelot, Gaumé, 2002) Taiwan : (Tsai, 2009)
Turquie : (analyses de terrain 2012)
• Planches : Venezuela : (Papanikolaou, Taucer, 2004)
Indonésie : Karo et Toba Batak ; îles : Nias, Sulawesi (analyses
de terrain 2010 ; Julistiono, Arifin, 2005) • Confiné :
Pakistan : vallée Leepa (Mughal, Ahmed, Khilji, et al., [s.d.]) Cuba : cuje (Sánchez, De Julián, Ordoñez, 2010)
Colombie : bahareque (Papanikolaou, Taucer, 2004)
• Rondins : Guatemala : (Mas Gomes, 2010)
Chine : région du Yunnan (Renping, Zhenyu, 2006) Honduras : bahareque (Salinas, 2002)
Inde : Jammu et Cachemire (Langenbach, 2008) Haïti : zone urbaine et rurale
Turquie : dizième (analyses de terrain 2012) Italie : casa intelaiata
Russie : région de : Sibérie, région du lac Baikal et orientale Nicaragua : taquezal
(Klyachko, Benin, Bogdanova, 2002) Salvador : bahareque (Lang, Merlos, Holliday, et al., 2007)
Turquie : bağdadi (analyses de terrain 2012)
Cultures constructives vernaculaires et résilience
Multiples (doubles, traversantes)
Grèce : Péloponnèse ; Crète (age de bronze) (Tsakanika-
Theohari, 2009)
Inde : taq (région du Cachemire) (Langenbach, 2009b)
• Avec ancrages : Iraq : nattes de roseaux (Sauvage, 2011)
- Par imbriquement: Népal : newari (Toffin, Barré, Jest, 1981 ; D’Ayala,
Cambodge : temple de Beng Mealea, XII siècle Bajracharya, 2003)
(arch. Etienne Samin, communication personnelle) Ouzbékistan : Samarkand : éléments en bois ; Khiva : nattes
Egypte : vallée des temples (NIKER, 2010) de roseaux (arch. D. Gandreau, communication
Grèce : époque Mycénienne blocs polygonaux (Medley, personnelle)
Zekkos, 2007) - Intra étages
Pérou : Cuzco, Machu Picchu, Ollantaytambo (UNESCO, Bois
1982 ; Schacher, 2005) Albanie : (arch. M. Hofmann, communication personnelle)
Algérie : Casbah d’Alger ; région d’Aurès (rondins)
- Par connexion : (Abdessemed Foufa, Benouar, 2006 ; Meda
Egypte : (NIKER, 2010) Corpus, 2011i).
Grèce : cheville métalliques ou bois, époque classique Armenia : Gyumri (Mkrtchyan, 2000)
(Stiros, 1995) Bulgarie : (Source : arch. A. Briatte-Mantchev, communication
Pérou : (Pratt, 2010) personnelle)
Turquie : (Duggan, 1997) Chine : région du Fujian (Hanmin, 1991)
Grèce : (Kizis, 1977 ; Touliatos, 1996) et depuis l’age de
- Avec bourrage :
Bronze à Crète des branches étaient disposées
Chypre : (Meda Corpus, 2011e)
à des intervalles réguliers constituant des grilles
Grèce : Délos
horizontales intégrées à la maçonnerie de moellons
Italie : (Decanini, De Sortis, Goretti, et al., 2004)
avec mortier en terre (Tsakanika-Theohari, 2009)
Turquie : Kadibükü (analyses de terrain 2012)
Inde : pol (Ahmedabad) (Modan, 2000)
Iran : (Kakouei, Kakouei, Suberamanian, et al., 2012)
- Ponctuel : Macédoine : (Sumanov, 2003 ; Caimi, Hofmann, 2013)
Guatemala : (Legarda, 1960) Maroc : région septentrionale (Meda Corpus, 2011h) ; Fez
Italie : (Pierotti, Ulivieri, 2001 ; Ferrigni, Helly, Mauro, (rondins) (Abdessemed Foufa, 2009)
et al., 2005) Népal : (Langenbach, 2009b)
Maroc : (NIKER, 2010) Nicaragua (Quintallet, Samin, 2012)
Philippines : (Bankoff, 2007) Pakistan : Cachemire (bhatar)
Portugal : (Correia, 2002) Syrie : régions de Damas et Alep (Meda Corpus, 2011i)
Turquie : (analyses de terrain 2012) Tunisie : Tunis (rondins dans maçonnerie) (Abdessemed
Foufa, 2009)
- Continu : Turquie : hatıl (analyses de terrain 2012)
Italie: (Decanini, De Sortis, Goretti, et al., 2004)
Maroc : (NIKER, 2010) Briques cuites dans maçonnerie en pierre
Algérie : (Meda Corpus, 2011g)
- Entre bâtiments : Egypte : (Meda Corpus, 2011a)
Italie : (Pierotti, Ulivieri, 2001 ; Ferrigni, Helly, Mauro, Grèce : Mila (Meda Corpus, 2011d)
et al., 2005) Italie : (Bothara, Brzev, 2011)
Maroc : (NIKER, 2010) Maroc : région septentrionale (Meda Corpus, 2011h)
Syrie : (Weber, 2012)
Turquie : hatıl (analyses de terrain 2012)

• Rapprochées
Inde : Etats de l’Uttarkhand et de l’Himachal Pradesh
(koti banal,kath khuni, sumer), et du Gujarat
(Langenbach, 2009a)
• Espacées Turquie : hatıl (analyses de terrain 2012)
- Inter étages
Simples (au centre du mur) • En colonne
Grèce : tirant en bois (Touliatos, 2003) Inde : Etat de l’Uttarkhand (koti banal/kath khuni) et de
Haïti : gingerbread : tirant métallique (Langenbach, l’Himachal Pradesh (thathara) (Rahul, Sood, Singh,
Kelley, Sparks, et al., 2010) et al., 2013)
Italie : régions du Molise (Decanini, De Sortis, Goretti, et Népal : (Saklani, Nautiyal, Nautiyal, 1999)
al., 2004) et de l’Abruzzo (tirant métallique et en Pakistan : cator and cribbage (Hughes, 2000)
bois) (Lagomarsino, 2012) Syrie : région de Damas (Meda Corpus, 2011i)
Tunisie : (Meda Corpus, 2011f) Tibet : (Ferrigni, 2005)
Turquie : (analyses de terrain 2012 et Arun, 2013)
Cultures constructives vernaculaires et résilience
Grèce : île de Santorin ; Crète (Touliatos, 1996 ; Tsakanika-
Theohari, 2009)
Inde : Jammu & Cachemire (Langenbach, 2007)
Népal : région de Solukhumbu (Dixit, Parajuli, Guragain,
2004)
Turquie provinces de Bursa ; Kocaeli ; Karabük ; Kastamonu ;
Erzurum (analyses de terrain 2012)

Bangladesh : régions de Rajshahi et Sylhet (analyses de terrain,


2011 et 2012)
Chine : province du Fujian (Hanmin, 2010)

Salvador Joya de Ceren (Sheets, 2002)

Cultures constructives vernaculaires et résilience


TABLEAUX RECAPITULATIF DES PRINCIPAUX SYSTEMES VERNACULAIRES PARASISMIQUES IDENTIFIES

Cultures constructives vernaculaires et résilience


TABLEAU RECAPITULATIF / APPROFONDISSEMENT ALEA SISMIQUE

1. Système porteur ponctuel : 2. Système porteur continu :


1.1. Vidé
1.1.1. Enveloppé 2.1. Homogène
1.1.2. Avec parement 2.1.1. Avec dispositif interne
2.1.2. Avec renfort
1.2. Avec remplissage :
1.2.1. En éléments Avec insertions :
1.2.2. Maçonnerie Intégrées
1.2.3. En vrac 2.2.1.1. Horizontales (H)
2.2.1.2. Horizontales et verticales (H+V)
Dans la masse
2.2.2.1. Linéaires
2.2.2.2. En treillis
Matériaux de la
Localisation Système porteur ponctuel Système porteur continu Référence principale
structure primaire

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Matériaux de la
Localisation Système porteur ponctuel Système porteur continu Référence principale
structure primaire

Cultures constructives vernaculaires et résilience


esterilla
bahareque

cuje
Gingerbread

palmiste

clissage
tiwoch

taquezal

quincha

bahareque
Matériaux de la
Localisation Système porteur ponctuel Système porteur continu Référence principale
structure primaire

ikra

khan
kath-khuni
koti banal
pol
dhajji dewari
taq

newari

Cator and
cribbage
dhajji dewari

bhatar

Cultures constructives vernaculaires et résilience


Matériaux de la
Localisation Système porteur ponctuel Système porteur continu Référence principale
structure primaire

Cultures constructives vernaculaires et résilience


tsatsmas

Casa baraccata
Casa intelaiata
maso
Opus craticium

Gaiola Pombalino
Matériaux de la
Localisation Système porteur ponctuel Système porteur continu Référence principale
structure primaire

dizième
hımış
bağdadi
hatıl

Cultures constructives vernaculaires et résilience

Vous aimerez peut-être aussi