REPUBLIQUE GABONAISE
Union -travail - justice
UNIVERSITE INTERNATIONALE DE LIBREVILLE
SAVOIR ETRE – SAVOIR FAIRE
FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES
DIRECTION D’ETUDES ET DE RECHERCHE
Option : Droit Administratif
LA NATIONALISATION DES ENTREPRISES PRIVEES
Par :
BESSANZE-MOUBELE Aude-Dominique-Celena
IKOSSET BUCANDU Laurris Dorckys
NTSAME ZOGO Alaska
SOSSA SIMAWANGO Sarah Eunice Princesse
TSINGA TSINGA Tsidel Junior
Année académique 2024 -2025
1
Sommaire
INTRODUCTION
I- LES MODES DE NATIONALISATION ................................................... 4
A- La nationalisation par expropriation et rachat négocié des entreprises privées .................
B- La nationalisation temporaire des entreprises privées ........................................................
II- LES CONSEQUENCES JURIDIQUES DE LA NATIONALISATION ..............
A- Le conflit potentiel entre le droit national et le droit international ....................................
B- La modification des relations contractuelles et l’impact sur les droits des actionnaires ....
2
INTRODUCTION
Dans un contexte africain marqué par des dynamiques de réappropriation des leviers de
développement économique, le Gabon, riche en ressources naturelles mais confronté à des défis
structurels, s’inscrit de plus en plus dans une logique de contrôle stratégique de son économie.
Le monde, marqué par des crises multiples et où la souveraineté économique devient un enjeu
majeur, chaque État cherche à s’affranchir d’une dépendance parfois jugée excessive à l’égard
d’acteurs économiques étrangers. C’est dans cet état d’esprit que la nationalisation réapparaît
comme un outil stratégique de premier plan.
Par nationalisation, on entend le transfert, au profit de l’État, de la propriété ou du contrôle
d’une entreprise appartenant auparavant au secteur privé. Ce transfert peut se faire de
différentes manières : par rachat, par décision unilatérale, ou encore à travers une prise de
participation majoritaire. Il ne s’agit pas d’un acte isolé ou improvisé, mais d’un choix politique
qui s’appuie sur des considérations économiques, sociales ou encore symboliques. À la
différence de l’expropriation, qui porte sur des biens individuels, la nationalisation vise souvent
une entreprise ou un secteur jugé stratégique pour la nation.
Au Gabon, ce sujet prend un relief particulier. L’économie du pays est dominée par des secteurs
tels que le pétrole, les mines, le bois ou les télécommunications, historiquement contrôlés en
grande partie par des multinationales. Face à ce constat, l’État gabonais tente, depuis quelques
années, de rééquilibrer les rapports de force en reprenant la main sur certaines entreprises clés.
Mais cette volonté politique ne saurait s’affranchir du droit. En effet, nationaliser suppose de
respecter un ensemble de règles, qu’elles soient nationales (constitution, lois, réglementation),
régionales (notamment le droit OHADA) ou internationales (protection des investissements,
traités bilatéraux). L’intérêt de cette question semble alors évident, il s’agit de comprendre
comment un État peut défendre ses intérêts économiques tout en respectant le cadre juridique
dans lequel il évolue. Plus encore, elle nous oblige à réfléchir aux conséquences de ces choix
sur la sécurité juridique des investisseurs, la confiance des partenaires économiques, et le
fonctionnement de l’État de droit.
Dès lors, une question centrale se pose, celle de savoir quels sont les modes de nationalisation
que l’État gabonais peut légalement mobiliser, et quelles sont les conséquences juridiques de
ces opérations ?
3
Pour y répondre, nous nous intéresserons d’abord aux formes de nationalisation prévues ou
permises par le droit gabonais et aux procédures qui les encadrent (I), avant d’analyser les effets
juridiques que ces nationalisations entraînent, aussi bien au plan national qu’international (II).
I- LES MODES DE NATIONALISATION
Nous traiterons des différentes formes de nationalisation à savoir la nationalisation par
expropriation et rachat négocié (A) puis la nationalisation temporaire (B).
A- La nationalisation par expropriation et rachat négocié des entreprises privées
La nationalisation par expropriation et par rachat négocié sont deux méthodes distinctes
utilisées par un État pour reprendre le contrôle d’entreprises, de ressources ou d’infrastructures
stratégiques.
Tout d’abord, La nationalisation par expropriation, elle consiste à transférer la propriété d’une
entreprise privée à l’État sans accord préalable avec les propriétaires, souvent par une décision
unilatérale. Cela peut être motivé par des raisons économiques, politiques ou stratégiques. Cette
méthode de nationalisation revêt certaines caractéristiques dont :
-la décision souveraine de l’État : L’État impose le transfert de propriété, souvent via une loi
ou un décret.
-l’indemnisation variable : L’État peut proposer une compensation financière, mais celle-ci
est souvent contestée par les entreprises concernées.
- la motivation politique et économique: la sécurisation des ressources naturelles, lutte contre
des abus du secteur privé, volonté de renforcer l’économie nationale1. A titre d’illustration nous
avons, le gouvernement gabonais qui a mis fin en 2018 au contrat de concession de la Société
d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG), filiale de la multinationale française Veolia, reprenant
ainsi le contrôle de la distribution d’eau et d’électricité après vingt ans de privatisation2. Ensuite,
La nationalisation par rachat négocié. Dans ce cas, l’État négocie avec les propriétaires privés
pour acquérir leurs actifs à un prix convenu, évitant ainsi une rupture brutale et des conflits
juridiques. Les caractéristiques de cette méthode de nationalisation sont:
1
Wikipédia, l’encyclopédie libre.
2
,Jérome Duval, Chassée u Gabon, « Veolia saisit une nouvelle fois l’arbitrage international », revue
observatoire des multinationales , publié le 16 /04/2018
4
-un accord entre l’État et l’entreprise : Les négociations portent sur le prix, les conditions de
transfert et les compensations éventuelles.
-le respect du droit international : Ce type de nationalisation est mieux accepté par les
investisseurs étrangers.
-l’Indemnisation plus juste : Contrairement à l’expropriation, les parties s’entendent
généralement sur un prix de rachat3
Les avantages de ce mode d’expropriation est qu’il y a moins de conflits et de sanctions
internationales contrairement à l’expropriation et il préserve la confiance des investisseurs en
garantissant une transition plus douce. Comme exemple nous avons le Gabon qui en 2024 a
acquis les actifs de la compagnie pétrolière britannique Tullow Oil pour 181 milliards de FCFA,
renforçant ainsi la nationalisation de son secteur pétrolier. Et à cette même année, l’État
gabonais a nationalisé la société pétrolière Assala Energy, marquant sa volonté de réaffirmer sa
souveraineté dans le secteur pétrolier.
La nationalisation par expropriation et par rachat négocié représente deux stratégies distinctes
utilisées par les États pour reprendre le contrôle de secteurs stratégiques. Dans le contexte
africain, ces nationalisations doivent être envisagées avec prudence afin d’éviter les erreurs du
passé, où certaines expropriations ont conduit à des crises économiques (ex. Zimbabwe) tandis
que des rachats mal négociés ont parfois bénéficié davantage aux élites qu’à la population. Une
approche équilibrée, fondée sur des négociations transparentes, une indemnisation équitable et
une gestion efficace des actifs nationalisés, semble être la clé pour garantir le succès de ces
politiques et favoriser un développement économique durable.
Quel autre mode de nationalisation existe-t-il ?
B- La nationalisation temporaire des entreprises privées
Nationaliser temporairement des entreprises exige des actions préalables. Il doit donc avoir octroi de
prêts bonifiés, plans d'étalement des créances, mise à contribution des partenaires publics et
institutionnels, pour ne citer que cela. Notons aussi que nationalisation ne signifie pas étatisation bien
au contraire. Il s’agira, plutôt, de prises de participations par montée au capital, prise de contrôle,
conversion de créances en actions4. Nationaliser temporairement est une action utilisée en dernier
3
Afriquexxi.info
4
Samuel-Frédéric Servière, «Nationalisations : en ultime recours uniquement », revue fondation IFRAP publié
le 30 mars 2020.
5
ressort lorsque l'ensemble des autres moyens ne sont plus efficaces et avec des règles et un contrôle
très importants, notamment pour prévoir les conditions de sortie de l'Etat.
Quelles sont les conséquences de la nationalisation des entreprises privées ?
II- LES CONSÉQUENCES JURIDIQUES DE LA NATIONALISATION
La nationalisation entraine le conflit potentiel entre le droit national et le droit international (A)
ainsi que la modification des relations contractuelles et l’impact sur les droits des actionnaires
(B).
A- Le conflit potentiel entre le droit national et le droit international
La nationalisation des entreprises est une prérogative souveraine des États leur permettant de
s’approprier des biens privés pour des raisons d’intérêt général. Toutefois, cette mesure peut
entrer en contradiction avec les engagements internationaux de l’État nationalisateur, en
particulier ceux pris dans le cadre des traités bilatéraux d’investissement (TBI) ou de la
Convention de Washington de 1965, instaurant le Centre International pour le Règlement
des Différends relatifs aux Investissements (CIRDI)5. Dès lors, un conflit peut émerger entre
le droit interne justifiant la nationalisation et le droit international protégeant les investisseurs
étrangers.
D’abord, le principe de souveraineté des États leur confère le droit de nationaliser des
entreprises situées sur leur territoire, y compris celles détenues par des investisseurs étrangers.
Ce principe est reconnu par le droit international et a été affirmé par la Résolution 1803 (XVII)
de l’Assemblée générale des Nations Unies de 1962, qui dispose que « le droit des peuples
et des nations à la souveraineté permanente sur leurs richesses et ressources naturelles
doit être exercé dans l’intérêt du développement national et du bien-être du peuple du
pays intéressé »6. Toutefois, le droit international impose des limites aux États procédant à une
nationalisation. Trois conditions doivent être respectées pour qu’une nationalisation soit jugée
licite. En ce sens, elle doit poursuivre un objectif d’intérêt général, s’accompagner d’une
indemnisation juste et adéquate et, ne doit pas être arbitraire ou encore se soumettre à une
5
Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d’autres
États (Convention de Washington), 18 mars 1965, art. 1
6
Résolution 1803 (XVII) de l’Assemblée générale des Nations Unies, 14 décembre 1962
6
procédure régulière. Le non-respect de ces conditions taxe l’expropriation d’illégale et permet,
la saisine du CIRDI par les entreprises étrangères contestant la décision des États
nationalisateurs.
Le CIRDI, institué par la Convention de Washington en 1965, est l’instance compétente pour
arbitrer les différends entre investisseurs étrangers et États7. Lorsqu’une nationalisation viole
un TBI ou un accord d’investissement, l’investisseur peut saisir le CIRDI, qui applique le droit
international pour statuer sur la légalité de la mesure et, si nécessaire, ordonner une
indemnisation. Ainsi, lorsqu’en 2018, le Gabon a réquisitionné les infrastructures et le
personnel de la Société d’Énergie et d’Eau du Gabon (SEEG), filiale de Veolia, en invoquant
des manquements contractuels8. Veolia a contesté cette décision et saisi le CIRDI, estimant
qu’il s’agissait d’une expropriation illégale violant les engagements du Gabon en matière de
protection des investissements9. Le différend s’est soldé par un accord, l’État rachetant les parts
de Veolia pour 45 millions d’euros10.
En sus, lorsqu’un État procède à une nationalisation en contradiction avec un TBI ou un accord
d’investissement, un conflit de normes se pose. Le droit interne permet généralement aux États
de nationaliser sans nécessiter l’aval d’une juridiction internationale. À l’inverse, le droit
international impose des garanties aux investisseurs étrangers, créant un affrontement entre
souveraineté étatique et engagement international. A cet égard, certains États contestent la
primauté du droit international et refusent d’exécuter les sentences du CIRDI. A titre illustratif,
l’Algérie et le Venezuela ont ainsi rejeté des décisions arbitrales condamnant leurs
nationalisations, affirmant que leur Constitution primait sur les traités internationaux11. Cette
situation pose un problème majeur : le CIRDI n’ayant pas de force contraignante directe, son
efficacité dépend de la bonne volonté des États à respecter ses décisions. Dès lors, se pose la
nécessité de renforcer les mécanismes contraignants de cette instance afin de garantir le respect
de ses jugements.
En outre, l’incertitude sur l’exécution des sentences et la remise en cause du droit international
créent une insécurité juridique dissuasive pour les investisseurs. Elles modifient également les
7
Convention de Washington du 18 mars 1965, article 25 et suivants
8
Connaissance des énergies, le Gabon rompt son contrat avec une filiale de Veolia, 19 février 2018
9
Communiqué de presse de Veolia, 8 mars 2018
10
Jeune Afrique, Accord en vue entre le Gabon et Veolia, 14 Janvier 2019
11
Affaire SGS c. Paraguay, CIRDI, Affaire ARB/07/29, Sentence du 10 février 2012
7
relations contractuelles, soulevant la question des droits des actionnaires et de leur
indemnisation.
Traitons maintenant la modification des relations contractuelles et l’impact sur les droits
des actionnaires.
B- La modification des relations contractuelles et l’impact sur les droits des
actionnaires
La nationalisation, en tant que transfert de la propriété privée vers l'État, entraîne des
conséquences juridiques majeures, particulièrement en ce qui concerne son impact sur les
relations contractuelles et l'atteinte aux droits des actionnaires. S’agissant de l’impact sur les
relations contractuelles, elle peut avoir des répercussions significatives sur la réputation
internationale de l’Etat hôte. Une nationalisation perçue comme injuste ou discriminatoire peut
entacher l’image de l’Etat sur la scène internationale, compromettant sa crédibilité et sa capacité
à attirer des investisseurs étrangers. Les investisseurs potentiels peuvent être dissuadés de faire
des affaires dans un environnement ou les droits de propriété ne sont pas pleinement respectés.
De plus, les litiges et les tensions résultant de celle-ci peuvent affecter les relations
diplomatiques de l’Etat hôte avec d’autres Etats. Les litiges en cours et les différends non
résolus peuvent entraver la coopération économique et politique, créer des obstacles à la
construction des relations internationales positives et durables.12. Lorsqu’un gouvernement
procède à la nationalisation d’une entreprise, les contrats en cours peuvent être révisés,
suspendus ou résiliés en vertu du principe de continuité du service public ou pour motif d’intérêt
général, ce qui peut bouleverser la sécurité juridique des partenaires contractuels. La
nationalisation entraine souvent une rupture ou une révision unilatérale des contrats en cours
entre l’Etat et les entreprises privées, notamment les contrats d’investissement, de concession
ou d’exploitation. Cela peut se traduire par la fin prématurée d’un contrat sans compensation
adéquate ; la modification unilatérale des conditions (revenus, durée, fiscalité, etc.). En outre,
la nationalisation peut engendrer un conflit avec les principes du droit international.13 En effet,
ces ruptures peuvent contrevenir à des normes internationales de protection des investissements
telles que : le respect des contrats (principe de pacta sunt servanda) ; le traitement juste et
équitable.
12
, HUGO SPRING-Regain, Enjeux et risques des nationalisations des entreprises étrangères p-8
, HUGO SPRING-Regain, Enjeux et risques des nationalisations des entreprises étrangères p-8
13
Idem ;
8
En ce qui concerne les droits des actionnaires, la violation potentielle des Traités Bilatéraux
d’Investissement (TBI) reste un impact de la nationalisation. En effet, la nationalisation sans
compensation rapide, adéquate et effective viole souvent les obligations de l’Etat en vertu du
TBI. Cela peut donner lieu à des recours devant les tribunaux arbitraux internationaux par
exemple le Centre International pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements
(CIRDI). De plus, les actionnaires qui perdent leur propriété au profit de l'État, voient leurs
droits patrimoniaux affectés, notamment en matière de dividendes et de plus-value. Le droit
international impose toutefois une indemnisation « prompte, adéquate et effective » (principe
établi par la jurisprudence internationale, notamment dans Texaco Overseas Petroleum Co. v.
Libya, 1977),la sentence de 1977 affirme le respect des contrats d’Etat comme source
d’obligations internationales, et limite la capacité des Etats à modifier unilatéralement leurs
engagements vis-à-vis des investisseurs étrangers ; bien que l’évaluation de cette indemnisation
donne souvent lieu à des contentieux. En France, la jurisprudence du Conseil constitutionnel
(décision n°86-207 DC du 26 juin 1986) rappelle que toute nationalisation doit respecter les
principes de valeur constitutionnelle, notamment le droit de propriété (article 17 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789). Ainsi, la nationalisation, si elle est
juridiquement encadrée, n’en demeure pas moins un processus lourd de conséquences sur le
plan contractuel et patrimonial, nécessitant un équilibre constant entre l’intérêt général et la
protection des droits privés.
9
Bibliographie
Articles
HUGO SPRING-Regain, « Enjeux et risques des nationalisations des entreprises étrangères », revue
HAL Open science, publié le 09 juin 2024.
Samuel-Frédéric Servière, «Nationalisations : en ultime recours uniquement », revue
fondation IFRAP publié le 30 mars 2020.
Convention de Washington du 18 mars 1965, article 25 et suivants.
Connaissance des énergies, « le Gabon rompt son contrat avec une filiale de Veolia », publié le 19
février 2018.
Communiqué de presse de Veolia, 8 mars 2018.
Jeune Afrique, « Accord en vue entre le Gabon et Veolia », 14 Janvier 2019.
Affaire SGS c. Paraguay, CIRDI, Affaire ARB/07/29, Sentence du 10 février 2012.
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