FRACTURES RECENTES DES PLATEAUX TIBIAUX
INTRODUCTION
Les fractures des plateaux tibiaux restent un problème fréquent de traumatologie. Leur traitement
doit assurer la restauration de la qualité fonctionnelle du genou et le respect de l’équilibre statique
du membre inférieur.
Si l’approche de ces fractures articulaires reste guidée en France depuis 1960 par les travaux de
Duparc et Ficat, leur diagnostic et leurs classifications bénéficient grandement de la pratique accrue
du scanner et leur traitement chirurgical, pour les formes peu déplacées, du développement des
techniques d’abord mini-invasives.
GENERALITES
Rappels anatomiques et biomécanique
L’extrémité supérieure du tibia est étalée transversalement et déjetée en arrière sagittalement.
Le grand axe longitudinal de l’extrémité supérieure du tibia est incliné vers l’arrière et fait avec
l’axe diaphysaire un angle d’inclinaison dia-épiphysaire de 10 à 25°.
Cette obliquité postérieure crée un porte-à-faux d’autant plus grand que l’angle est important.
De plus, le plateau tibial est incliné vers l’arrière et de haut en bas selon un angle d’inclinaison qui
varie de 0 à 15°. Plus l’angle d’inclinaison est grand, plus il majore le porte-à-faux postérieur.
Le plateau tibial correspond à la face supérieure des deux tubérosités articulaires du tibia.
On distingue une zone centrale avec insertion des ménisques et des ligaments croisés ; une zone
d’appui (ou cavités glénoïdes) directement en contact avec les condyles fémoraux et une zone
périphérique correspondant à la surface des cavités glénoïdes ne répondant aux condyles fémoraux
que par l’intermédiaire des ménisques.
Dans le plan frontal, il existe un valgus fémoro-tibial physiologique de 2 à 6° qui peut expliquer
en partie la fréquence des lésions du plateau externe.
Sur le plan architectural, l’extrémité supérieure du tibia est constituée de plusieurs systèmes
trabéculaires entremêlés pour pallier la fragilité d’un système en porte-à-faux.
La disposition de ces travées peut expliquer la direction des traits fracturaires pour la majorité des
traumatismes.
En cas de fracture, le réseau vasculaire médullaire est interrompu et seul le réseau périosté assure
la vascularisation.
Physiopathologie et mécanisme fracturaire
Trois types de mécanisme élémentaire bien décrits par Duparc et Ficat :
ü Compression axiale : le plus souvent d’une chute sur les pieds. Elle entraîne une fracture-
séparation des deux tubérosités
ü Compression en valgus ou varus forcé : choc latéral direct survenant sur un genou
verrouillé, pieds bloqués au sol. Ce traumatisme provoque une fracture unitubérositaire du
plateau externe
ü Traumatismes sagittaux : L’hyperextension forcée associée à l’intégrité des coques en
arrière engendre une compression axiale antérieure avec tassement correspondant des
tubérosités
Mais dans tous les cas, ces divers mécanismes sont souvent intriqués à des degrés variables.
Classification
Gérard-Marchant a isolé suivant la déformation les trois grands types de lésions : Séparation,
Enfoncement, et mixte (séparation/enfoncement).
La classification de Duparc et Ficat reste à ce jour la plus utilisée en France. Elle permet de
différencier trois grands groupes de fractures.
Il y a aussi la classification de SCHATZKER, avec ses 6 types
FRACTURES UNITUBÉROSITAIRES (60 %) : 90 % sur le versant latéral. Il existe une
portion métaphysoépiphysaire en continuité sur laquelle peut s’effectuer la réduction et s’appuyer
l’ostéosynthèse.
FRACTURES SPINOTUBÉROSITAIRES : Elles sont assimilées à des fractures
unitubérositaires dont le trait débute sur un plateau et se termine sur la métaphyse controlatérale,
isolant ainsi un plateau et le massif des épines du reste de l’os.
FRACTURES BITUBÉROSITAIRES : Trois types ont pu être différenciés :
– fractures bitubérositaires simples (grade I) qui présentent des traits-séparation du
massif des épines vers les corticales métaphysaires médiale et latérale. Fractures en T, Y ou V.
– fractures bitubérositaires complexes associant un trait métaphysaire transversal et un
trait-séparation épiphysaire avec enfoncement de l’un des deux plateaux (le plus souvent latéral).
Il existe une perte de l’horizontalité des plateaux et l’axe diaphysaire n’est plus perpendiculaire à
l’axe des plateaux ;
– fractures bitubérositaires comminutives : il existe une comminution et un enfoncement
des deux plateaux associé à une fracture sous-tubérositaire complexe.
DIAGNOSTIC
CLINIQUE
ü Douleur au genou et impotence fonctionnelle du membre inférieur
ü Genou augmenté de volume,
ü Parfois déformation
ü Il importe avant tout de rechercher une lésion vasculonerveuse associée (atteinte du
sciatique poplité externe [SPE], de l’artère poplitée), et de bien évaluer l’état cutané. Si les
fractures ouvertes sont rares (0,5 à 4 %) [32] l’existence de contusions, voire de
décollements cutanés, est beaucoup plus fréquente, pouvant faire différer le traitement
chirurgical ou orthopédique, notamment chez le sujet âgé.
EXAMENS RADIOLOGIQUES
-Radiographies standards
Radiographies de face, de profil ainsi que des clichés de trois quart : permettent le plus souvent de
préciser le type fracturaire et l’importance d’un éventuel enfoncement.
Néanmoins, il faut rester très prudent sur la conduite à tenir après de simples radiographies car l’on
a souvent tendance à sous-estimer l’importance des lésions.
-Examen tomodensitométrique
Doit permettre :
– d’apprécier de façon indiscutable le type anatomique de la fracture ;
– de localiser et quantifier l’importance du ou des enfoncements et ainsi prévoir la nécessité ou non
d’une greffe osseuse ou d’un substitut osseux de comblement ;
– d’évaluer l’importance de la comminution ;
– de confirmer ou non le respect des zones d’insertion des ligaments croisés.
En cas de doute sur une atteinte vasculaire associée, le recours à un échodoppler et même un bilan
artériographique est indispensable.
TRAITEMENT
PRINCIPES
Le choix du traitement doit prendre en compte plusieurs éléments que sont l’âge du patient, l’aspect
et le pronostic cutanés, le type radiologique de la fracture et l’état articulaire antérieur.
Il repose sur quatre principes :
• précocité de la thérapeutique à cause du vieillissement rapide des fractures articulaires ;
• perfection de la réduction restituant au mieux le profil articulaire ;
• solidité et efficacité de la contention ;
• précocité de la rééducation.
• Prevention et/ou traitement des complications
MÉTHODES
q Traitement non chirurgical
Traitement fonctionnel
Décrit par Sarmiento : mise en place d’une orthèse ou d’un plâtre articulé. Cette méthode doit être
réservée aux fractures stables et non ou peu déplacées. L’indication de cette technique est
aujourd’hui réduite et elle est essentiellement utilisée en relais d’un traitement par
traction/mobilisation ou même d’un traitement chirurgical afin de débuter la mobilisation tout en
conservant une contention.
Traitement par traction/mobilisation
Cette technique a été proposée par De Mourgues. Elle consiste à exercer une traction par
l’intermédiaire d’une broche transcalcanéenne ou transtibiale basse.
Il s’agit néanmoins d’une technique très astreignante avec une surveillance clinique et radiologique
rapprochée.
La progression de la récupération doit alterner travail actif et passif et l’appui est retardé à la fin du
troisième mois.
Immobilisation plâtrée
Le plâtre cruropédieux, pendant les 6 à 8 semaines et expose à une raideur importante. Il n’est plus
que très rarement employé dans des cas de fractures non déplacées
q Traitement chirurgical
Traitement à foyer ouvert.
La reconstruction des surfaces articulaires nécessite souvent un geste de relèvement des fragments
et une greffe de soutien sous-jacente.
o Ostéosynthèse par Plaque vissée
o Ostéosynthèse par Vissage
Traitement a foyer fermé (percutané)
Réduction et vissage
Cyphoplastie (relèvement par ballonnet et remplissage par du ciment biologique.
Fixation externe
Le fixateur fémorotibial pontant l’articulation du genou, (et donc facteur d’ankylose),
Rééducation
Il s’agit d’une étape fondamentale en vue de
La récupération de bonnes amplitudes articulaires,
Renforcement musculaire
Proprioception
INDICATIONS
Les indications varient selon le type de fracture, l’état cutané en regard, le terrain mais aussi (voire
surtout), selon les écoles et l’expérience de chacun. Néanmoins, selon le type de fracture on peut
essayer de dégager quelques grands axes thérapeutiques.
¦ Plâtre cruropédieux : Nous le réservons aux fractures sans aucun déplacement.
¦ Traction/mobilisation : les fractures comminutives unitubérositaires (type I de Duparc ou type
III de Schatzker) ou bitubérositaires (types II et III de Duparc ou type IV et V de Schatzker) ; chez
qui l’état cutané est souvent précaire et où l’on peut douter de la qualité et de la stabilité de
l’ostéosynhèse.
¦ Ostéosynthèse percutanée ou par mini-abord (contrôle arthroscopique) : fractures peu ou pas
déplacées afin de favoriser une rééducation précoce. Nous préconisons ce type de synthèse dans
les fractures-séparation et ou -enfoncement (fractures unitubérositaires types II et III de Duparc et
types I, II et III de Schatzker) [7, 22, 23, 46].
¦ Ostéosynthèse à foyer ouvert : fractures bitubérositaires déplacées et/ou comminutives (type III
de Duparc ou types IV et V de Schatzker), fractures associant une atteinte tubérositaire et
métaphysaire (fractures bitubérositaires type II de Duparc et type VI de Schatzker), la synthèse à
foyer ouvert par plaque vissée permet de ponter le foyer métaphysaire.
Complications
PRÉCOCES ET SECONDAIRES
– Problèmes de cicatrisation
– Infection précoce (ostéite voire ostéoarthrite)
– Complications thromboemboliques
– Deplacement secondaire
– Demontage du materiels
TARDIVES
– Infection tardive
– Raideur articulaire
– Cal vicieux
– Arthrose