Les Cahiers d'Ophtalmologie déc.2019/Janv 2020;n°233:18-20.
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Dossier
Diagnostic de l’œdème maculaire :
ce qui est nécessaire, ce qui peut être utile
Marie-Bénédicte Rougier
’œdème maculaire est un signe non spécifique qui accompagne des pathologies aussi
L diverses que la rétinopathie diabétique, la DMLA, l’occlusion veineuse, l’uvéite, la
traction vitréomaculaire ou la rétinopathie pigmentaire. Il correspond à une accumulation
de liquide dans les couches rétiniennes périmaculaires et se traduit par un épaissis-
sement rétinien central, visible en OCT B-scan et quantifiable grâce au mapping. Du fait
de son potentiel cécitant lorsqu’il devient chronique, le diagnostic et le suivi d’un œdème
maculaire doivent être rapides et précis.
L’œdème maculaire (OM) se présente sous la forme de OCT : nécessaire
kystes intrarétiniens (œdème maculaire cystoïde [OMC]),
de liquide sous-rétinien (DSR) ou intrarétinien. Il résulte OCT B-scan
d’une rupture de la barrière hématorétinienne (BHR), le L’OCT est l’examen clé dans l’OM. Non invasif, il a plu-
plus souvent interne, mais parfois aussi externe. Le but sieurs fonctions.
des examens consiste d’une part à poser le diagnostic de
l’OM, mais également à relever les signes associés Diagnostiquer l’OM
permettant de faire un diagnostic étiologique, ainsi que Pour le diagnostic, c’est l’analyse du profil maculaire
les éléments engageant le pronostic visuel. Ainsi, certains sur la coupe d’OCT B-scan qui montre que l’OM peut
examens sont nécessaires, et d’autres utiles. prendre différentes formes : un simple épaississement
A
rétinien, une disparition de la fossette fovéolaire, des
cavités kystiques intrarétiniennes ou un décollement
séreux rétinien (DSR). Ces différentes formes peuvent
également s’associer sur un même OM (figure 1A).
De plus, l’OCT B-scan met en évidence des OM
minimes invisibles au fond d’œil (FO).
B C
Figure 1. A. Coupe B-scan d’un œdème maculaire diffus chez un patient diabétique ;
on identifie des kystes intramaculaires associés à du liquide intrarétinien et à un léger
décollement séreux rétinien. B. Même patient sur une coupe en OCT en face au niveau
de la plexiforme externe ; les logettes intrarétiniennes apparaissent hyporéflectives, délimitées
par les fibres de Henlé hyperréflectives. C. Coupe B-scan après 1 an de traitement anti-VEGF ;
l’interruption de la ligne ellipsoïde (flèches jaunes) va altérer le résultat fonctionnel.
CHU de Bordeaux
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Œdème maculaire
Suivre l’évolution morphologique et quantitative doit mener à la prudence vis-à-vis d’un traitement
Une fois le diagnostic d’OM posé, l’efficacité du chirurgical, car il est souvent difficile d’attribuer à une
traitement se juge principalement sur la diminution de cause ou l’autre la récidive de l’OM. Par ailleurs, des
l’épaisseur maculaire. Dans la DMLA, les données OCT cavités kystiques maculaires ne signifient pas toujours
sont capitales car c’est la présence ou l’absence de signes OMC ! En effet, certaines circonstances entraînant un
exsudatifs qui guident le rythme des injections d’anti- dysfonctionnement des cellules de Müller (toxiques, patho-
VEGF. Pour les OM diffus, on s’appuie sur la cartographie logies hérédo-dégénératives, fovéoschisis du myope)
en 3D (ou cube maculaire) qui permet de quantifier l’OM peuvent conduire à l’accumulation de liquide provenant
et de suivre son évolution. Il permet également de définir de la cavité vitréenne. Dans ces cas, il n’y a pas de rupture
le caractère focal ou diffus de l’OM. Notons que pour de la BHR, pas de diffusion à l’angiographie à la fluores-
comparer 2 examens à 2 dates différentes, il faut vérifier céine, et pas d’indication à un traitement par anti-VEGF
que les 2 cubes d’acquisition ont bien été réalisés au par exemple (figure 3).
même endroit.
OCT en face
Trouver la cause de l’OM L’OM est également parfaitement visible en OCT en
Le plus souvent, le contexte clinique est suffisant face qui permet l’examen de l’extension, de la forme et
pour attribuer une cause à l’OM. Plus rarement, l’OM est de l’évolution de l’OM (figure 1B).
découvert fortuitement et ce sont les signes associés
qui orientent vers un diagnostic (figure 2). OCT-angiographie
L’OCT-angiographie (OCT-A) n’est pas utile pour le
Évaluer les facteurs de mauvais pronostic visuel diagnostic de l’OM. De plus, il peut induire une erreur
(figure 1C) diagnostique puisque l’effet masque dû à l’OM donne une
Un OM chronique entraîne une atrophie progressive image d’hyporéflectivité pouvant passer pour une ischémie
de la rétine, débutant au niveau des couches externes. Une maculaire. En revanche, il peut mettre en évidence des
interruption de la ligne ellipsoïde permet de prévenir le anomalies à l’origine de l’OM, comme des télangiectasies
patient du risque de mauvaise récupération après le ou des anévrysmes. Il permet également de décrire une
traitement de l’OM. nouvelle sémiologie comme la présence de SSPiM
Malgré la grande facilité d’utilisation et d’interprétation (Suspended Scattering Particules in Motion) sur les coupes
de l’OCT, il existe des pièges à éviter. Dans le cas d’un OM B-scan. Il s’agit de petits points hyperréflectifs corres-
d’origine parfaitement connue (diabète, uvéite, etc.) la pondant à un signal OCT-A présents dans une zone
présence concomitante d’une traction vitréomaculaire normalement avasculaire (figure 4). Ces signaux seraient
Figure 2. Coupe B-scan chez une patiente présentant
une héméralopie. Sur le profil on retrouve quelques
kystes intramaculaires associés à une atrophie de la
rétine externe épargnant la macula, le tout conduisant
au diagnostic final de rétinopathie paranéoplasique.
Figure 3. Coupe B-scan d’un fovéoschisis du myope.
Présence de cavités kystiques intrarétiniennes
qui ne correspondent pas à un OM.
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Examens d’appoint
Il pourrait paraître scandaleux de considérer le FO
comme un examen d’appoint. Et pourtant dans l’OM,
dans la mesure où une rétinophotographie sera faite,
il n’apporte pas d’élément discriminant. Rappelons en
outre qu’un OM ne sera visible au FO que lorsqu’il est
supérieur à 350 μm. L’autofluorescence n’a plus vraiment
sa place dans cette indication, si ce n’est qu’en complé-
ment d’imagerie lorsque l’on suspecte une rétinopathie
dégénérative ou des télangiectasies maculaires.
Quant aux tests visuels (acuité et micropérimétrie), ils
montrent essentiellement que la fonction visuelle n’est
pas corrélée à l’importance de l’OM.
En conclusion, on retiendra que l’OCT B-scan est
essentiel pour le diagnostic et le suivi de l’OM. Les autres
examens sont à réaliser en fonction de l’étiologie, supposée
ou connue, de l’OM.
Figure 4. Coupes B-scan d’un OM chez une patiente diabétique.
En haut. L’image structurelle montre la présence de kystes
intrarétiniens. En bas. La même coupe en OCT-A qui montre
Références bibliographiques
la présence de SSPiM dans une des cavités (flèche jaune).
[1] Kashani AH, Green KM, Kwon J et al. Suspended scattering par-
ticles in motion: a novel feature of OCT angiography in exudative
dus à la présence de fluide hyperréflectif contenant des maculopathies. Ophthalmol Retina. 2018;2(7):694-702.
particules (lipoprotéines par exemple) mobiles, d’où la [2] Gelman SK, Freund KB, Shah VP, Sarraf D. The pearl necklace
sign: a novel spectral domain optical coherence tomography finding
détection d’un signal en OCT-A. Les SSPiM sont présents in exudative macular disease. Retina. 2014;34(10):2088-95.
dans tous les types de maculopathies exsudatives et à ce [3] Paques M, Philippakis E, Bonnet C et al. Indocyanine-green-
jour, leur signification n’est pas totalement définie [1]. guided targeted laser photocoagulation of capillary macroaneu-
Mais ils correspondent vraisemblablement aux spots rysms in macular oedema: a pilot study. Br J Ophthalmol. 2017;
hyperréflectifs déjà décrits dans les maculopathies 101(2):170-4.
exsudatives [2].
Angiographie à la fluorescéine
et ICG : utiles
L’angiographie à la fluorescéine (AF) n’est plus l’examen
de première intention dans les OM. Mais elle reste très
utile dans un grand nombre de cas. On a vu précédemment
que l’AF permettait de distinguer des OMC authentiques
des maculopathies cystoïdes non œdémateuses, ce qui a
un impact sur le traitement. Mais surtout, elle permet
dans tous les OM d’origine vasculaire ou inflammatoire Figure 5.
de faire une évaluation de l’état rétinien (présence d’isché- Coupe B-scan
mie périphérique, de vascularite, etc.) et/ou de redresser et angiographie ICG
un diagnostic. De plus, il est maintenant admis que face d’une patiente
à des OM chroniques en lien avec une rétinopathie diabétique. Le
diabétique ou une OVCR, il convient de rechercher des macroanévrysme
juxtamaculaire (flèche)
macroanévrysmes en ICG. Ils apparaissent hyperfluo-
est en partie
rescents sur les temps tardifs de l’examen et quand ils responsable de l’OM
sont accessibles, leur traitement au laser permet une chronique, mais
amélioration significative de l’OM et de l’acuité visuelle inaccessible au
(figure 5) [3]. traitement laser.
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