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Depot Memoire Brisset Chaudeurge

La guerre civile à Djibouti (1991-1994) a été marquée par l'émergence du Front pour la Restauration de l'Unité et la Démocratie (FRUD) en réponse à un régime autoritaire et à des tensions ethniques. Ce conflit, qui a vu l'implication de puissances étrangères, a été caractérisé par des luttes pour le pouvoir et des négociations complexes, culminant avec un accord de paix en 1994. La dynamique du conflit a révélé l'importance des relations personnelles et de la patrimonialisation des charges publiques dans la politique djiboutienne.

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La guerre civile à Djibouti (1991-1994) a été marquée par l'émergence du Front pour la Restauration de l'Unité et la Démocratie (FRUD) en réponse à un régime autoritaire et à des tensions ethniques. Ce conflit, qui a vu l'implication de puissances étrangères, a été caractérisé par des luttes pour le pouvoir et des négociations complexes, culminant avec un accord de paix en 1994. La dynamique du conflit a révélé l'importance des relations personnelles et de la patrimonialisation des charges publiques dans la politique djiboutienne.

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La guerre civile à Djibouti

(1991-1994)
Patrimonialisation et personnification des
relations de pouvoir dans la Corne de l’Afrique

Quentin Brisset
Étienne Chaudeurge

Séminaire « Histoire et Géopolitique de l’ère contemporaine »

Sous la direction de M. Nicolas Vaicbourdt

Année universitaire 2015-2016


La guerre civile djiboutienne 1991-1994

Table des matières


Introduction ...................................................................................................................................... 1
I- L’émergence de contre-pouvoirs à Djibouti : un vacillement apparent de la domination politique
présidentielle. ................................................................................................................................... 6
A- Raisons et forme de l’émergence du FRUD : entre problèmes ethniques et politiques. ......... 6
B- La rhétorique du conflit : entre invasion extérieure, rébellion armée et guerre civile. ........... 9
C- L’apogée des contre-pouvoirs : des concessions démocratiques de façade comme réponse du
gouvernement. ............................................................................................................................ 12
II- Djibouti sur la scène internationale : un regain d’intérêt stratégique. ....................................... 15
A- Porter le conflit djiboutien sur la scène internationale : une problématique centrale pour les
belligérants. ................................................................................................................................ 15
B- L’influence du conflit en Somalie et le tournant de décembre 1992 : la fin de la guerre
civile. .......................................................................................................................................... 17
C- Une situation diplomatique dégradée : les tentatives avortées de médiation française. ........ 20
III- La « patrimonialisation » des charges publiques : l’influence des protagonistes dans la
résolution du conflit........................................................................................................................ 23
A- L’importance des sentiments personnels dans les négociations : l’opposition irréductible
entre Ahmed Dini et Hassan Gouled. ......................................................................................... 23
B- La scission du FRUD et l’exploitation des intérêts personnels : diviser pour mieux régner. 25
C- La logique tribale dans la mise en place d’une dynastie présidentielle : clef d’analyse
pertinente de la politique djiboutienne ? .................................................................................... 28
Conclusion ...................................................................................................................................... 31
Bibliographie indicative ................................................................................................................. 34
Sources Primaires : ..................................................................................................................... 34
Témoignages : ........................................................................................................................ 34
Documents officiels : ............................................................................................................. 34
Magazines des forces armées : ............................................................................................... 35
Sources Secondaires : ................................................................................................................. 36
Ouvrages généraux :............................................................................................................... 36
Ouvrages spécifiques sur Djibouti : ....................................................................................... 36
Articles : ................................................................................................................................. 36
Index des noms des différents protagonistes .................................................................................. 38
Chronologie détaillée ..................................................................................................................... 39
Cartographie ................................................................................................................................... 41
Photographies ................................................................................................................................. 44
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

Introduction
Le 11 mars 1862, la France signe un traité avec le Sultan afar de Tadjourah dont
l’objet est l’achat des droits pour « les ports, rade et mouillage d’Obock situés près du Cap
Ras Bir avec la plaine qui s’étend depuis Ras Aly au sud jusqu’à Ras Doumeirah au nord »1.
Un nouveau traité est signé avec les chefs issas, le traité de Khor Ambado en 18842 avant que
le gouverneur Lagarde n’étende le territoire français dans les terres pour recouvrir tout le
golfe de Tadjourah. Les frontières sont fixées par des traités successifs avec les puissances
voisines : 1888 pour la frontière avec la colonie anglaise du Somaliland, puis 1891 pour celle
avec la colonie italienne d’Érythrée. Le 20 mai 1896, par un décret du Président de la
République française, « le territoire d’Obock ainsi que les protectorats de Tadjourah et des
pays Danakils sont réunis au protectorat de la Côte des Somalis »3. Le territoire actuel de la
République de Djibouti porte, à partir de cette date, le nom de « Côte française des Somalis et
dépendances » et devient officiellement une colonie française.

Lors des deux référendums sur l’indépendance de 1958 puis 1967, les Djiboutiens -et
plus particulièrement les éléments afars de la population- font le choix de continuer dans la
voie d’un destin commun entre la France et le nouveau « Territoire Français des Afars et des
Issas ». L’enjeu de ces référendums est avant tout commercial et militaire, compte-tenu de la
position géostratégique de Djibouti sur le détroit de Bab-el-Mandeb4. De ce fait, le territoire
est revendiqué par les trois puissances voisines, au nom de la présence d’une ethnie. La
Somalie de Siad Barré s’appuie sur des doctrines pansomalistes, tandis que l’Éthiopie met en
avant la présence historique d’Afars dans cette région du triangle afar5.

1
Traité relatif à la cession à la France du territoire d’Obock du 11 mars 1862, in Simon Imbert-Vier,
Tracer des frontières à Djibouti, des territoires et des hommes aux XIXè et XXè siècles, Karthala, 2011 [En ligne]
Disponible sur : http://djibouti.frontafrique.org/?doc4 (consulté le 14 mai 2016).
2
Ali Coubba, Le mal djiboutien. Rivalités ethniques et enjeux politiques, Paris, L’Harmattan, 1996, Chapitre
II – Héritage Colonial.
3
Bulletin officiel du ministère des colonies, Paris, 1896, n°5, p. 281 [En ligne] Disponible sur :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6266930f.item (consulté le 3 avril 2016).
4
Cette escale à la charnière entre la mer Rouge et le golfe d’Aden est, en effet, un passage obligé sur la
route du pétrole de la péninsule arabique, du détroit d’Ormuz et de l’Océan Indien.
5
Région située à cheval entre l’Éthiopie, l’Érythrée et Djibouti, elle est limitée par la vallée du grand Rift au
sud-ouest, la mer Rouge au nord et le golfe d’Aden à l’est.

1
Introduction

La République de Djibouti accède finalement à l’indépendance avec le référendum de


1977.

Le référentiel ethnique semble constituer une donnée majeure de la géopolitique


djiboutienne. Trois types de populations sont présents à Djibouti : Somali, Afar, et Arabe. La
population somali est principalement présente dans les parties sud et sud-est de Djibouti. Elle
est issue du clan Dir et principalement des sous-clans Issas (majoritaires), Gadaboursi, et
Issaq6. La population afar est présente dans le nord et le sud-ouest du pays sur les deux tiers
du territoire djiboutien. Elle est géographiquement majoritaire mais numériquement
minoritaire. La population arabe, principalement yéménite, n’est présente qu’à Djibouti-ville
et ne représente qu’une faible partie de la population (5%).
Les populations afar et somali sont également présentes respectivement en Éthiopie et
Érythrée et en Somalie.

Compte-tenu du climat et du peu de terres cultivables, l’économie du pays dépend


donc principalement des services, notamment portuaires, et des loyers tirés des bases
militaires étrangères sur son sol7. Djibouti tire donc profit de sa situation stratégique,
notamment pour les puissances occidentales. L’indépendance de l’Érythrée qui prive
l’Éthiopie d’accès à la mer, la guerre du Golfe ou le conflit en Somalie ont renforcé le
caractère stratégique de Djibouti, tant du point de vue commercial que militaire. Ainsi,
Djibouti abrite la plus grande base américaine permanente en Afrique (plus de 4 000
hommes), la plus grande base française permanente en Afrique8, des contingents allemands et
espagnols, et une présence de plus en plus importante du Japon et de la Chine9.

6
« Conflict in Somalia: Drivers and Dynamics », The World Bank, 2005, p. 56 [En ligne] Disponible sur :
http://siteresources.worldbank.org/INTSOMALIA/Resources/conflictinsomalia.pdf (consulté le 9 avril 2016).
7
« Djibouti », The World Factbook, Africa, Central Intelligence Agency, 2016 [En ligne] Disponible sur :
https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/dj.html (consulté le 29 mars 2016).
8
Les Forces françaises à Djibouti (FFDJ) appartiennent aux unités pré-positionnées qui constituent les
forces de présence et comprennent le 5ème Régiment Inter-Armes d’Outre-Mer (5ème RIAOM), la Base aérienne
188, des bâtiments et unités spécialisées de la Marine Nationale et l’hôpital de Bouffard (site internet du
Ministère de la Défense, http://www.defense.gouv.fr/ema/forces-prepositionnees/djibouti/dossier/les-forces-
francaises-stationnees-a-djibouti, consulté le 3 janvier 2016 ).
9
David Styan, « Djibouti: Changing Influence in the Horn’s Strategic Hub », Chatham House, 2013, p. 9-13
[En ligne] Disponible sur : https://www.chathamhouse.org/publications/papers/view/190835c (consulté le 16
avril 2016).

2
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

La position géographique du pays permet de comprendre l’Accord de Défense signé


au lendemain de l’indépendance et engageant la France à garantir l’intégrité territoriale de
Djibouti en cas d’attaque extérieure10. Les forces françaises stationnées à Djibouti (FFDJ),
première base étrangère implantée sur ce territoire, avaient pour but de dissuader l’Éthiopie et
la Somalie de s’emparer de la République naissante, suite à l’indépendance de 1977.
L’Accord de Défense excluait également la participation des forces françaises à des missions
de maintien de l’ordre et interdisait l’utilisation de Djibouti comme plateforme pour des
opérations françaises contre une tierce puissance des autres pays de la zone.

La guerre civile djiboutienne débute une quinzaine d’années après l’indépendance. En


août 1991, une grande partie des mouvements clandestins d’opposition fusionne pour fonder
le Front pour la Restauration de l’Unité et la Démocratie (FRUD). Suite à la déroute de
l’armée éthiopienne en Érythrée et la chute du régime de Mengistu, des milliers de soldats
démobilisés se réfugient sur le territoire djiboutien, finalement stoppés par les FFDJ lors de
l’opération GODORIA11.
Les rebelles du FRUD, ayant réussi à récupérer quelques armes abandonnées ou
vendues par d’anciens officiers de l’armée éthiopienne12, lancent leurs premières attaques en
novembre 1991 et conquièrent près des deux tiers du territoire jusqu’en février 1992.
La France déploie finalement une force d’interposition, dérogeant ainsi à l’Accord de
Défense de 1977, et se pose en médiateur d’un conflit de basse intensité qu’elle considère
comme relevant de la souveraineté de l’État djiboutien.
Les positions des belligérants sont gelées jusqu’à l’été 1993 et la contre-offensive des
Forces Armées Djiboutiennes (FAD) qui reprennent le contrôle des territoires occupés par le
FRUD.

10
Protocole provisoire fixant les conditions de stationnement des forces françaises sur le territoire de la
République de Djibouti après l'indépendance et les principes de la coopération militaire entre le gouvernement
de la République française et le gouvernement de la République de Djibouti, 27 juin 1977, publié au JO du 10
novembre 1985 [En ligne] Disponible sur : http://www.assemblee-nationale.fr/12/rapports/annexe-r1714.pdf
(annexe n°2) (consulté le 17 mai 2016).
11
Opération de l’armée française menée du 27 mai au 13 juin et visant à réguler et désarmer le flux de
soldats en déroute arrivant d’Érythrée et d’Éthiopie.
12
Alex De Waal, « Contemporary Warfare in Africa: Changing context, changing strategies », IDS Bulletin,
Vol.27, n°3, 1996 [En ligne] Disponible sur : http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1759-
5436.1996.mp27003002.x/abstract (consulté le 5 mai 2016).

3
Introduction

La guerre civile se termine officiellement le 24 décembre 1994 avec la signature d’un


accord de paix entre le gouvernement et une faction dissidente du FRUD, menée notamment
par deux jeunes dirigeants, Ali Mohamed Daoud (dit Jean-Marie) et Ougouré Kifleh
Ahmed13.

La guerre civile djiboutienne constitue un conflit de basse intensité du fait qu’il


oppose, de manière politique et militaire, un État à des acteurs non étatiques sous la forme
d’insurrection, de révoltes, d’actions violentes et de subversion14.
Le conflit revêt également une dimension idéologique. La rébellion de 1991 trouve en
effet ses racines, ou du moins sa légitimité, dans la volonté de démocratisation et dans les
frustrations ethniques engendrées par la mise en place d’un régime personnel de parti unique
par Hassan Gouled Aptidon15 au lendemain de l’indépendance de Djibouti. L’esprit de
l’Appel de la Baule de François Mitterrand est ainsi présent, tel que son ministre des Affaires
étrangères, M. Roland Dumas, l’a résumé : « le vent de liberté qui a soufflé à l’Est devra
inévitablement souffler un jour en direction du Sud »16. La guerre civile comporte ainsi une
double dimension politique et ethnique.
En plus de sa dimension locale, le conflit djiboutien s’inscrit dans une dimension
internationale en raison de la position stratégique du territoire. Les puissances étrangères,
régionales et internationales, notamment l’ancienne métropole française, ont en effet joué un
rôle dans ce conflit, de son origine à sa résolution.

Durant toute sa durée, la guerre civile djiboutienne est présentée sous une grille de
lecture ethnique. Ce conflit trouve cependant sa place dans le cadre plus global de conflits
africains aux caractéristiques particulières.
En outre, les relations personnelles ont joué un rôle important, dépassant ainsi le
simple échelon ethnique. Ahmed Dini Ahmed17, qui devient leader du FRUD un an après sa

13
Ci-après : Ougouré Kifleh.
14
« Fundamentals of Low Intensity Conflict », Global Security, 1996 [En ligne] Disponible sur :
http://www.globalsecurity.org/military/library/policy/army/fm/100-20/10020ch1.htm (consulté le 30 mars 2016).
15
Ci-après Hassan Gouled.
16
Rapport d’information du Sénat fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées sur la politique africaine de la France, Paris, 28 février 2011, p. 8
17
Ci-après : Ahmed Dini.

4
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

création, occupe une place centrale dans le conflit. Sa relation avec Hassan Gouled, ancien
compagnon de l’indépendance, mais aussi avec les autres éléments du mouvement de
rébellion, cristallise les positions.
La patrimonialisation des charges publiques et la mise en place d’un régime de parti
unique par Hassan Gouled sont également des éléments plus centraux que l’ethnie pour
étudier ce conflit.
Enfin, la lecture de cette guerre par la France peut se résumer à un conflit entre
appréhender l’échelon individuel et les intérêts personnels, tout en respectant « l’Esprit de la
Baule » et promouvoir la démocratisation comme finalité de l’intérêt général.

Le but de cet article est ainsi d’identifier les mécanismes qui ont permis la mise en place
d’une dynastie lignagère à Djibouti, malgré une apparente ouverture démocratique due à
l’émergence de contre-pouvoirs et l’intervention d’une puissance militaire étrangère.

Dans la première partie du conflit, l’émergence de contre-pouvoirs au gouvernement


oblige le Président en place à effectuer des réformes en raison de sa position de faiblesse
politique et de son isolement diplomatique (I). Néanmoins, Hassan Gouled reste maître du
pouvoir et de ces réformes en raison de la nouvelle place stratégique acquise par Djibouti
suite à l’intervention internationale en Somalie. La guerre diplomatique est donc terminée dès
décembre 1992, la France ne pouvant se permettre de perdre sa base arrière, assurant ainsi la
pérennité du régime djiboutien (II). La guerre reste alors à terminer sur les plans militaire et
politique. Si la victoire militaire est acquise à l’été 1993, la victoire politique d’Hassan
Gouled se dessine à l’été 1994, avec l’instrumentalisation des intérêts personnels des
membres du FRUD. La guerre civile a permis de renforcer la prégnance d’Hassan Gouled sur
la vie politique djiboutienne, tout en favorisant la pérennité d’un régime dynastique qui trouve
son aboutissement dans l’élection de son neveu, Ismaël Omar Guelleh18 à la présidence en
1999 (III).

18
Ci-après « IOG ».

5
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

I- L’émergence de contre-pouvoirs à
Djibouti : un vacillement apparent de la
domination politique présidentielle.

Le FRUD lance son offensive armée dans la nuit du 11 novembre 1991 et met
rapidement en déroute les Forces Armées Djiboutiennes (FAD)19, jusqu’à occuper près des
deux tiers du territoire. En position de faiblesse et face à l’émergence d’une opposition
politique, Hassan Gouled annonce, un mois plus tard, des réformes en vue de l’ouverture
démocratique du pays. Cette émergence de contre-pouvoirs dans un système de parti unique
semble donc pousser le Président Gouled à modifier les institutions et les pratiques politiques
en vigueur et donc remettre en cause sa domination politique.

A- Raisons et forme de l’émergence du FRUD : entre problèmes


ethniques et politiques.

L’accession à l’indépendance de la République de Djibouti s’est faite au prix d’un


renversement d’alliance de la puissance coloniale.
Deux conceptions politiques s’opposent alors avec, d’un côté, les partisans du
maintien sous tutelle française, majoritairement des Afars regroupés derrière Ali Aref, et de
l’autre côté, la Ligue Populaire Africaine pour l’Indépendance (LPAI) menée par Hassan
Gouled. Elle est principalement composée d’Issas ainsi qu’un petit groupe d’Afars sous
l’autorité d’Ahmed Dini20.

19
Les FAD constituent les forces de sécurité de Djibouti. Elles sont composées de l’Armée Nationale
Djiboutienne (AND) et des Forces Nationales de Sécurité (FNS).
20
Entretien avec Son Excellence M. Régis de Belenet, ambassadeur de France à Djibouti de 1992 à 1994 et
chargé de la médiation entre les belligérants, 9 février 2016.

6
L’émergence de contre-pouvoirs à Djibouti

Une fois la tutelle coloniale abrogée, une règle non-écrite semble régir la répartition du
pouvoir : le Président de la République est Issa, le Premier Ministre est Afar21. Dans cette
optique, Ahmed Dini devient Premier Ministre en juillet 1977.
Si, depuis les années 1960, la France avait confié les affaires politiques aux Afars
d’Ali Aref, l’indépendance constitue un changement d’alliance avec l’arrivée des Issas au
pouvoir22.

La prise de pouvoir des Issas au détriment de la population afar est globalement


acceptée par ces derniers. La France avait, en effet, d’abord favorisé la population issa dans
les institutions de la Côte Française des Somalis entre 1950 et 1960 pour ensuite se tourner
vers les Afars jusqu’à l’indépendance23. En décembre 1977, cinq mois seulement sa prise de
fonction, Ahmed Dini démissionne de son poste de Premier Ministre lorsqu’il s’aperçoit que
le partage du pouvoir n’est pas dans les intentions du Président de la République. La
population, et en particulier sa composante afar, fait preuve de fatalisme et considère que
l’exercice du pouvoir est cyclique24.
Profitant de leur position de force dans les institutions, les Issas favorisent leurs
éléments dans tous les aspects de la société, alors que les Afars n’en avaient pas eu la
possibilité sous la tutelle française. Ces derniers deviennent une minorité sans voix à Djibouti
et plus largement dans le triangle afar, nourrissant un certain ressentiment25.

Au début des années 1990, les institutions sont dominées par les Issas depuis une
quinzaine d’années. Selon la perception cyclique du pouvoir par les Afars, il est désormais
temps d’effectuer un changement. Cette période correspond également à l’arrivée d’une
nouvelle génération n’ayant jamais connu l’exercice du pouvoir par les Afars. Ces jeunes26,
n’ont vécu que sous le régime personnel d’Hassan Gouled.

21
Entretien avec M. Marc Fontrier, ancien officier des Troupes de Marine détaché comme officier de liaison
auprès du FRUD, maître de conférences et spécialiste de l’Afrique de l’Est, 3 mars 2016.
22
Ali Coubba, Le mal djiboutien, op.cit., Chapitre II – Héritage Colonial.
23
Id.
24
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994. Du maquis afar à la paix des braves, Paris, L’Harmattan,
2002, p.4, p. 26.
25
Berouk Mesfin, « Elections, Politics and external involvement in Djibouti », Situation Report, Institute for
Security Studies, 14 avril 2011, p. 2 [En ligne] Disponible sur : https://www.issafrica.org/publications/situation-
reports/elections-politics-and-external-involvement-in-djibouti (consulté le 21 mai 2016).
26
« Ourrou » en Afar.

7
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

En effet, le premier et seul Président de la République a mis en place un régime de


parti unique dès l’indépendance. Dès les premières lois constitutionnelles, le Président de la
République se voit confier des pouvoirs peu contrôlés. Il dispose du pouvoir d’exercer « par
voie d’ordonnances […] les pouvoirs nécessaires à l’exécution de sa mission »27.
L’ordonnance du 8 juillet 1977 fait ainsi du Président de la République à la fois le chef de
l’État et le chef du Gouvernement28. La LPAI est transformée en 1978 en Rassemblement
Populaire pour le Progrès (RPP) et devient le parti unique en 1979. Djibouti est alors dirigé
par un homme qui cumule les fonctions de chef d’État, de chef de gouvernement et de chef du
parti-État.

La mise en place d’un régime de parti unique centré sur Hassan Gouled se fait aussi
par une pression sur les Afars de Djibouti. Avec l’indépendance, des éléments afars de la
population se voient dans l’impossibilité d’accéder à la nationalité djiboutienne29, et une
partie s’exile en l’Éthiopie.

En outre, un événement important et symptomatique de l’émergence d’une


contestation afar vis-à-vis du pouvoir a lieu quelques mois après l’indépendance. Soixante-
douze gendarmes nationaux entament un mouvement de grève pour protester contre les droits
supérieurs accordés aux soldats du FLCS30, intégrés directement dans l’armée nationale.
Alors que le Président préconise des sanctions modérées, Ahmed Dini se montre intransigeant
et impose la révocation collective des grévistes, conduisant à l’exil d’hommes entraînés au
maniement des armes31. En parallèle, certains éléments afars en exil en Éthiopie ont profité
des camps d’entraînement de Mengistu pour y apprendre les bases du combat armé.

En mars 1991, l’opposition adresse une lettre à Hassan Gouled, lui demandant de
« privilégier la voie de la réconciliation en vue d’entamer une négociation avec elle »32, à

27
Gérard Conac, Christine Desouches, Jean De Gaudusson, « La constitution djiboutienne », in Les
constitutions africaines publiées en langue française, Paris, Documentation Française, 1997.
28
Id.
29
Entretien avec M. Marc Fontrier, 3 mars 2016.
30
Le Front de Libération de la Côte des Somalis (FLCS) a lutté pour l’intégration du Territoire Français des
Afars et des Issas à une « Grande Somalie », puis pour l’indépendance.
31
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p.241-242
32
Ibid., p. 175

8
L’émergence de contre-pouvoirs à Djibouti

laquelle il n’aurait pas donné suite. Face à ce ressentiment croissant d’une partie de la
population vis-à-vis du régime de parti unique d’Hassan Gouled et après une manifestation
violente à Randa, les partis d’opposition clandestins s’unissent sous un même mouvement, le
FRUD, en août 1991. Ce rassemblement comprend alors aussi bien des éléments afars que des
déçus issas.
À l’été 1991, les causes du conflit sont déjà présentes. En plus de l’entraînement reçu
dans les camps éthiopiens par certains membres du FRUD, les armes nécessaires sont
disponibles suite à la chute du gouvernement de Mengistu. Les rapports de l’opération
GODORIA font état de la saisie de plus de 12 000 armes collectives et individuelles, allant du
fusil d’assaut Kalachnikov au blindé T-55 ou T-6233.
Néanmoins, en raison de la porosité des frontières de la zone, une partie de ce flux
massif d’armes a aisément pu échapper au rigoureux désarmement effectué systématiquement
par les troupes françaises. Des armes, notamment des armes légères, ont ainsi pu transiter
jusqu’aux mains du FRUD, abandonnées ou vendues par leurs anciens propriétaires34.

B- La rhétorique du conflit : entre invasion extérieure, rébellion


armée et guerre civile.

Lors du déclenchement des hostilités, la France, ancienne métropole de tutelle, écarte


tout soutien aux deux camps et privilégie la non-intervention. La vision française rejette
l’application de l’Accord de Défense de juin 1977 car la guerre est perçue comme un conflit
interne, malgré la dimension transnationale des flux humains et matériels. Dans ce cadre, une
intervention constituerait un acte d’ingérence envers un État souverain faisant face à une crise
politique. Pour justifier cette position, Alain Vivien, secrétaire d’État français aux Affaires
étrangères, déclare le 30 janvier 1992 :
« Nous demande-t-on d’intervenir à la suite d’une invasion étrangère ? Je ne le crois pas,
car aucun État de la région n’est désigné. Nous demande-t-on de participer à des
opérations de maintien de l’ordre ? Je ne crois pas non plus, puisque les accords nous
l’interdisent. »35

33
Entretien avec le Général de Division aérienne Yvon-Pierre Coppin, ancien Commandant des Forces
françaises stationnées à Djibouti (COMFOR FFDJ) de 1991 à 1993, 3 mars 2016.
34
Alex De Waal, « Contemporary Warfare in Africa: Changing context, changing strategies », art.cit.
35
« Mission de “bons offices” de la France », La Nation, 30 janvier 1992, p. 2-3.

9
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

Dans un premier temps, la France décide donc de privilégier des missions de « bons
offices »36. Il ne s’agit donc ni d’intervenir militairement, ni d’intervenir diplomatiquement en
engageant des pourparlers ou en mettant en place une négociation entre les deux parties. Le
but de la France est donc seulement de mettre en contact les deux camps, sans proposer de
solutions au conflit.

Cependant, face à cette grille de lecture française, héritée de « l’Esprit de la Baule »37,
le gouvernement djiboutien développe une toute autre rhétorique. Suite aux attaques surprises
menées par le FRUD en novembre 1991, le ministre des Affaires étrangères djiboutien, Ali
Mahamadé Houmed, parle « d’attaques menées par des mercenaires étrangers venant de
l’Éthiopie »38. Le gouvernement djiboutien met en avant la présence d’éléments étrangers au
sein du FRUD et agite le spectre de revendications d’une « Grande Afarie » et d’une scission
du territoire.
Des éléments non-nationaux sont effectivement présents dans le mouvement de
rébellion. Toutefois, il s’agit principalement d’Afars djiboutiens ayant été privés de leur
nationalité à l’indépendance39. D’autres Djiboutiens ont préféré s’exiler plutôt que de risquer
l’emprisonnement suite à l’interdiction des partis politiques en 1979 et l’arrestation de leurs
dirigeants. Par exemple, la quasi-totalité des jeunes militants du Mouvement Populaire pour la
Libération (MPL), parti marxisant, fuit en Éthiopie. Le qualificatif « étranger » est alors
largement contestable.

Ce discours d’invasion extérieure mené par le gouvernement nie toute hétérogénéité au


sein du FRUD. Des éléments issas étaient en effet présents à la création du mouvement mais
il semble qu’ils ne participent pas aux offensives de novembre 199140. Les Issas opposés au
régime d’Hassan Gouled semblent donc privilégier une autre voie que celle de la lutte armée.

36
Id.
37
Cette grille de lecture suppose que l’instauration de la démocratie est l’évolution naturelle des régimes
politiques. Il n’y a donc pas lieu d’intervenir car la population finira par demander et obtenir la démocratisation
du pays.
38
Ali Mahamadé Houmed, les 17 et 18 novembre 1991, cité par Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-
1994, op.cit., p. 18
39
Entretien avec M. Marc Fontrier, 3 mars 2016.
40
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p.15

10
L’émergence de contre-pouvoirs à Djibouti

La composante ethnique n’est donc finalement pas dominante dans la contestation du


régime mais elle semble importante dans la conduite de la rébellion, la transformant donc de
fait en une guerre civile.

Dans l’autre camp, malgré le refus des autorités officielles de reconnaître leur présence,
des soldats somalis combattent effectivement avec les FAD. Un recrutement important de
mercenaires en provenance de Somalie a notamment été effectué après le cessez-le-feu de
février 1992. Les chefs militaires ont alors pour ordre « d’ensevelir sur place tous les hommes
tombés sur le champ de bataille »41, dans l’optique de ne pas dévoiler la présence de
combattants étrangers dans les rangs du gouvernement42.
Entre le déclenchement du conflit en 1991 et sa résolution en 1994, la rhétorique
gouvernementale a évolué. L’argument des bandes armées étrangères permettait à Hassan
Gouled de mettre en place la conscription nationale mais aussi une « contribution
patriotique » pour les années 1992 et 199343.

Le gouvernement ne change de stratégie de communication qu’à partir du moment où il


sait le FRUD vaincu au niveau politique, diplomatique et militaire. En somme, la guerre n’est
vue comme civile qu’une fois terminée, quand Hassan Gouled peut s’afficher en tant que
« Sauveur de la Nation » et artisan de la réconciliation. En février 1993 en effet, l’Assemblée
Nationale lance un appel au FRUD pour un règlement pacifique de la crise, alors qu’une
offensive généralisée (opération SIRAD) est lancée simultanément. C’est la première fois que
l’Assemblée Nationale prononce le nom de « FRUD ». Le président Gouled ne reconnaît le
caractère de guerre civile que dans son discours de l’Aïd al-Adha du 31 mai 199344, lui
permettant de se dégager de toute responsabilité dans le déclenchement du conflit et de
demander la réconciliation sous sa bannière.

41
Ibid., p. 67.
42
La volonté de masquer présence d’éléments étrangers des deux camps explique le fait qu’il n’existe pas de
bilan humain de cette guerre.
43
Loi n° 185/AN/91/2E L du 31 décembre 1991, citée dans Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994,
op.cit., p. 49.
44
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p.177.

11
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

Hassan Gouled défend l’idée d’une invasion étrangère en partie pour obtenir l’aide de
l’armée française pour lutter et repousser le FRUD. Le refus de la France, qui se contente
d’une interposition tardive, le place dans une situation extrêmement délicate puisque l’attaque
surprise du FRUD en novembre 1991 a mis en déroute les forces gouvernementales. Les deux
tiers du territoire djiboutien sont occupés par le FRUD, plaçant le pays face à un risque de
scission.

C- L’apogée des contre-pouvoirs : des concessions démocratiques de


façade comme réponse du gouvernement.

D’après Régis de Belenet, le rapport de force évolue rapidement entre le FRUD et


l’armée djiboutienne :
« En novembre, de premiers accrochages ont lieu entre l’Armée Nationale Djiboutienne
et les éléments du FRUD et, à la surprise générale en trois jours, tous les postes militaires
du nord du territoire sont pris par le FRUD ou abandonnés par l’Armée Nationale. Les
forces du FRUD vont occuper près des deux tiers du territoire pratiquement jusqu’au
début de l’été 1993. »45

Le régime d’Hassan Gouled se trouve donc au plus bas militairement avec le contrôle
par le FRUD des points névralgiques (routes, postes militaires et administratifs) et
l’encerclement de deux des plus grandes villes, Tadjourah et Obock. La situation ne se
stabilise que grâce à la mise en place de trois cessez-le-feu, déclarés unilatéralement par le
FRUD, visant à apaiser la situation pour permettre l’acheminement d’une aide humanitaire
mais aussi entamer des négociations en position de force.

La déroute militaire des forces de sécurité de Djibouti s’explique notamment par le


manque d’entraînement et les lacunes de commandement qui ont poussé les soldats de
l’armée régulière à abandonner leurs positions. Dans le maillage stratégique djiboutien, ces
postes revêtent une importance majeure car ils permettent de contrôler de grands espaces peu
habités, propices aux manœuvres de groupes armés. La maîtrise d’une position permet ainsi le

45
Régis de Belenet, Conflit de faible intensité : un cas d’école, La Révolte afar en République de Djibouti
1991-2001, Communication à l'Académie des sciences, belles lettres et arts d'Angers, 22 février 2013.

12
L’émergence de contre-pouvoirs à Djibouti

contrôle des espaces attenants jusqu’au prochain poste militaire.


Enfin, il apparaît que les zones d’occupation des deux belligérants correspondent
globalement aux zones où leur ethnie est majoritaire, la ligne de front constituant une ligne
de changement de « majorité ethnique ». Cette donnée peut expliquer la volonté du FRUD de
« geler » la ligne de front, pour contrôler un territoire dans lequel la majorité ethnique soutient
son action.

Suite à la débâcle militaire, le FRUD récupère de nombreuses armes et munitions,


mettant le gouvernement en difficulté46.
Les familles des victimes issas réclament une réaction de la part des autorités
djiboutiennes. Le 18 décembre 1991, des exécutions sommaires ont lieu dans le quartier afar
de Djibouti-ville (Arhiba)47. Le quartier est bouclé par les forces de sécurité qui tirent sur la
foule. Le bilan serait d’« une cinquantaine de cadavres afars [et] des blessés innombrables »48.
Dès les premiers tirs, un hélicoptère français est envoyé survoler la zone, mettant un terme à
ce massacre49.

Si l’opinion issa voit sa soif de vengeance satisfaite, cet événement a grandement


participé à la création d’une cristallisation ethnique du conflit en nourrissant le ressentiment
de la population afar. La France sort alors de sa position de neutralité en faisant savoir « sa
vive désapprobation »50. Si Hassan Gouled souhaite voir la France s’interposer entre les deux
parties du conflit, il lui faut désormais montrer sa bonne foi aux autorités françaises auprès
desquelles il risque de perdre toute légitimité. Le lendemain du massacre d’Arhiba, il se
déclare prêt à rendre les institutions conformes « à la démocratie, au pluralisme des
candidatures, au multipartisme »51, annonçant ainsi l’élaboration d’un projet de
Constitution52.

46
Entretien avec M. Marc Fontrier, 3 mars 2016.
47
Sans qu’aucune responsabilité politique ne soit identifiable avec certitude, il se pourrait que les hautes
autorités de l’État –notamment le chef de cabinet du président, son neveu IOG– aient orchestré cette répression
sanglante.
48
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p.47.
49
Ali Coubba, Ahmed Dini et la politique à Djibouti, Paris, L’Harmattan, 1999.
50
Communiqué cité dans Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p. 48
51
Gérard Conac, Christine Desouches, Jean De Gaudusson, « La constitution djiboutienne », in Les
constitutions africaines publiées en langue française, art.cit.
52
Son élaboration et son adoption avaient été continuellement repoussées depuis l’indépendance.

13
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

Ces concessions démocratiques ne s’avèrent en réalité n’être qu’une façade car Hassan
Gouled conserve sa place centrale dans les nouvelles institutions. La démocratie est fortement
encadrée et le Président de la République continue de cumuler sa position de chef de l’État
avec celle de chef du Gouvernement et de gouverner par ordonnances53. Néanmoins, ces
concessions factices permettent à Hassan Gouled de sauver les apparences et d’obtenir
l’interposition de la France dans le conflit.
Dans un contexte de réformes politiques, le Front Uni de l’Opposition Djiboutienne
(FUOD) est créé le 24 juin 1992. L’idée de cette unification de l’opposition politique est de
créer un interlocuteur puissant crédible face au parti unique d’Hassan Gouled, permettant
ainsi de négocier des avancées politiques et de stopper les combats. Cependant, comme le
projet de Constitution a été élaboré sans aucune consultation de l’opposition, les trois
objectifs du FUOD sont les suivants :
« Rejeter le projet de Constitution à l’élaboration duquel l’opposition n’a pas pris part
officiellement, boycotter le référendum destiné à faire entériner par le public djiboutien
un texte qui légalise les institutions et le système en place et enfin amener le
Gouvernement, par des pressions constantes, à composer avec l’opposition pour parvenir
à la démocratie. »54

Après l’adoption de la Constitution en septembre 1992, la question se pose de la


participation de l’opposition au jeu politique. Pour le FUOD, participer aux élections
équivaudrait à légitimer le régime d’Hassan Gouled et donc à le renforcer. Néanmoins, le
mouvement enregistre la défection de son chef de file, Mohamed Djama Elabeh, qui crée son
parti politique, voulant exploiter sa popularité acquise à la tête du FUOD en vue des élections
présidentielles de 1993.

L’apparente démocratisation du régime par Hassan Gouled est légitimée par le succès
du référendum du 4 septembre 1992, qui officialise la Constitution et le multipartisme limité,
faisant presque office de plébiscite pour le Président. La conditionnalité démocratique de
l’aide au développement française, paraît donc respectée. En parallèle, la détérioration de la
situation régionale, notamment en Somalie, redonne à la République de Djibouti un rôle
stratégique aux yeux de la communauté internationale.

53
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p.81-87.
54
Ibid. p. 99.

14
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

II- Djibouti sur la scène internationale : un


regain d’intérêt stratégique.

Malgré sa dimension djiboutienne, le conflit entre le FRUD et le gouvernement s’inscrit


dans une diatope à dimension régionale et internationale. Le tournant de la guerre civile est un
évènement extérieur, l’intervention de la coalition internationale en Somalie, en décembre
1992.
Cette dimension internationale est, par ailleurs, présente dès le déclenchement des
hostilités, avec les velléités d’internationalisation du conflit par les différents protagonistes.

A- Porter le conflit djiboutien sur la scène internationale : une


problématique centrale pour les belligérants.

L’internationalisation du conflit apparaît comme une priorité d’Ahmed Dini dès son
entrée dans le FRUD. Il est, en effet, appelé pour permettre au mouvement armé de franchir
un cap diplomatique, en profitant de son expérience internationale acquise notamment
lorsqu’il occupait le poste de Premier Ministre.
Dès lors, Ahmed Dini multiplie les voyages diplomatiques pour s’assurer le soutien de
ses voisins (l’Éthiopie et le Yémen notamment), des puissances internationales ainsi que des
organisations supranationales comme l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) ou l’ONU.
Le but est ainsi d’obtenir une reconnaissance internationale pour pouvoir peser dans les
négociations face au gouvernement djiboutien et réduire la marge de manœuvre d’Hassan
Gouled.
Sa tournée en Europe de mars 1994 apparaît ainsi comme une ultime tentative de
revenir dans le jeu des négociations de paix face à la faction dissidente du FRUD. Lors des
négociations de l’été 1994, il est définitivement mis hors-jeu, empêché de franchir la frontière
éthiopienne, illustrant son échec à s’attirer le soutien de ses voisins.

Les pays frontaliers de Djibouti hésitent longuement sur la conduite à tenir face à la
crise djiboutienne. En effet, la Somalie est en proie à une violente guerre civile et se retrouve
disloquée entre les différents chefs de guerre. L’Érythrée, nouvellement indépendante,

15
Le regain d’intérêt stratégique de Djibouti

cherche à construire une administration nationale pour s’émanciper de l’Éthiopie, tandis que
cette dernière se relève de la chute de Mengistu.

Les pays de la zone refusent donc tout parti pris et ne soutiennent financièrement ni le
régime d’Hassan Gouled, ni la rébellion du FRUD. Les autorités d’Érythrée et d’Éthiopie
sont, à ce moment, confrontées à la nécessité de ménager les Afars présents sur leur territoire,
dans une optique de construction ou de reconstruction nationale. Néanmoins, les deux pays ne
peuvent s’aliéner le soutien d’un pays voisin et membre de l’ONU pendant cette même
période de transition étatique. Du matériel militaire peut ainsi être livré au gouvernement
d’Hassan Gouled par des canaux non-officiels.
En outre, le gouvernement djiboutien exploite le morcellement de la Somalie et le flux
de réfugiés et de mercenaires qui en découle par des recrutements massifs pour renforcer ses
forces de sécurité.

Pour sa part, la relation du président Gouled à l’internationalisation du conflit est


conditionnée par l’intérêt qu’il peut en tirer. Lors du déclenchement des hostilités, il réclame
avec force l’intervention française.
L’interposition française (opération ISKOUTIR55) de février 1992 permet ainsi
d’arrêter la déroute des FAD face au FRUD. Suite à cette interposition, Hassan Gouled tente
de limiter la portée internationale du conflit à une relation tripartite avec la France et le
FRUD.
Il conserve ainsi une marge de manœuvre qu’il n’aurait pas eu si l’intervention s’était
déroulée dans le cadre de l’ONU ou de l’OUA. Cette marge de manœuvre lui permet
d’obtenir le retrait français, partiel en novembre 1992 puis total à l’été 199356, pour mener
une contre-offensive contre les rebelles.
Le président djiboutien ne fait appel aux organisations internationales (FMI,
observateurs internationaux) qu’une fois le FRUD écrasé militairement, ne remettant donc
plus en cause sa position dominante sur la vie politique djiboutienne.

55
L’opération ISKOUTIR s’articule autour de trois volets (militaire, diplomatique et humanitaire) : faire
respecter le cessez-le-feu, favoriser le retour à la négociation et participer au soutien alimentaire et médical de la
population. Ce dernier volet, la mise en place et le fonctionnement de plots humanitaires, s’avère être le plus
important de l’opération (L’Ancre du 5ème RIAOM, 1er avril 1992).
56
Régis de Belenet, Conflit de faible intensité : un cas d’école, La Révolte afar en République de Djibouti
1991-2001, Communication à l'Académie des sciences, belles lettres et arts d'Angers, 22 février 2013.

16
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

À partir de l’interposition française, Hassan Gouled cherche à limiter


l’internationalisation du conflit au seul niveau économique, cherchant à combler le déficit
budgétaire engendré par les hostilités. Il cherche ainsi à capter une manne internationale,
notamment des aides au développement.

À défaut d’une internationalisation du conflit, c’est plutôt la situation internationale et


régionale qui influence la résolution du conflit, en particulier l’intervention internationale en
Somalie à partir de décembre 1992.

B- L’influence du conflit en Somalie et le tournant de décembre 1992 :


la fin de la guerre civile.

Le 5 décembre 1992 constitue le tournant de la guerre civile djiboutienne. Le conseil


de sécurité de l’ONU décide du déploiement de l’UNITAF57, coalition internationale
comprenant notamment les États-Unis (opération RESTORE HOPE) et la France (opération
ORYX). La France, ayant réorganisé le dispositif ISKOUTIR, peut déployer des forces des
FFDJ, en alerte depuis le 2 décembre58. Les FFDJ constituent alors une base de proximité
pour un engagement rapide de la France en même temps que les États-Unis, permettant de
prouver ses capacités opérationnelles et d’asseoir sa position diplomatique59.
Djibouti regagne ainsi un rayonnement régional en tant que base arrière des opérations
en Somalie, utilisée notamment par la France, les États-Unis et même l’Allemagne.

L’utilisation du territoire comme base arrière pour des opérations dans un pays voisin
constitue une seconde entorse à l’Accord de Défense de 1977, après l’interposition française
dans un conflit interne. Le déploiement français est permis par le remaniement et l’allègement
du dispositif ISKOUTIR le 27 novembre 1992, avec le retrait des troupes françaises du nord

57
United Task Force (Force d’Intervention Unifiée), déployée du 5 décembre 1992 au 4 mai 1993, dont la
mission ONUSOM II prend le relais jusqu’en mars 1995.
58
Témoignage écrit du LCL Montegu, Chef de peloton (Lieutenant) du 5ème RIAOM de 1991 à 1993.
59
Les soldats français à Djibouti jouissent de surcroît d’une bonne connaissance des terrains d’opérations et
sont nourris de l’expérience des opérations GODORIA et ISKOUTIR, notamment sur les plans humanitaires et
logistiques (Témoignage écrit du LCL Montegu).

17
Le regain d’intérêt stratégique de Djibouti

du pays, exception faite des villes de Tadjourah et Obock60.

Le remaniement du dispositif apparaît comme révélateur du renouveau stratégique de


Djibouti et donc de la nouvelle place diplomatique d’Hassan Gouled. En effet, la
réorganisation du dispositif semble être une compensation offerte par les Français en échange
de la nouvelle exception à l’Accord de Défense. Le président Gouled, qui recrute
massivement des mercenaires, sent ainsi le rapport de force militaire tourner à son avantage et
demande le retrait des soldats français du nord du pays lors d’une entrevue avec François
Mitterrand61.
Le retrait français laisse le champ libre aux FAD pour mener des contre-offensives
contre les rebelles du FRUD sur une zone de front réduite au nord du pays, le maintien du
dispositif sur le reste du territoire assurant une protection contre une attaque à revers.

Le remaniement du dispositif ISKOUTIR est également symbolique d’un nouveau


rapport de force diplomatique. La stabilité du pays et, par conséquent, le maintien du
gouvernement Gouled, devient une donnée essentielle pour la France dans la résolution du
conflit, afin d’assurer la pérennité de l’utilisation de Djibouti comme base arrière. La France
peut d’autant plus assouplir sa position suite au succès du référendum de septembre 1992 et
l’adoption d’une nouvelle Constitution, qui donne des gages d’ouverture démocratique, même
si cette dernière n’est qu’apparente.

L’intervention internationale en Somalie marque également l’entrée d’un nouvel


acteur dans le jeu diplomatique. Les États-Unis utilisent l’aéroport de Djibouti pour
acheminer du matériel en Somalie. Le poids de Djibouti pour la diplomatie américaine est
ainsi illustré par la visite d’une délégation parlementaire américaine en juillet 1993, au
moment de la contre-offensive massive de l’armée djiboutienne face aux rebelles du FRUD.
La présence américaine devient plus prégnante à mesure que les opérations en Somalie
s’étalent dans le temps. Le soutien américain se matérialise par des subventions versées au
gouvernement djiboutien ainsi que la livraison de matériel militaire. Le président Gouled
comprend alors que la France ne constitue pas le seul interlocuteur pour une aide financière et
logistique et peut s’émanciper du rapport de force avec la France en faisant jouer le
60
Évacuation des villes de Assa Gueyla, Khor Angar et Daoudaouya notamment. In L’Ancre du 5ème
RIAOM, 1er janvier 1993, p. 2-3.
61
L’Ancre d’Or Bazeilles, n°271, novembre-décembre 1992, p.17.

18
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

contrepoids américain. Ainsi, « c’est avec des camions américains, le “surplus de la mission
en Somalie”, que les troupes djiboutiennes auraient obtenu “la mobilité” pour mener à bien la
dernière offensive contre le FRUD dans le nord du pays »62.

En outre, le 27 octobre 1992, la République de Djibouti est élue comme membre non-
permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, en qualité de représentant de l’Afrique63. Cette
élection, surprenante pour un pays dont les deux tiers du territoire sont occupés par une
opposition armée, marque le regain d’intérêt pour la position de Djibouti et constitue une
forme de soutien au gouvernement Gouled de la part de la communauté internationale.

Dès lors, la victoire diplomatique d’Hassan Gouled est assurée. Sa place au Conseil de
Sécurité lui assure le soutien de l’instance onusienne et éloigne ainsi la possibilité d’une
intervention dans le cadre d’une organisation internationale. Une chute du gouvernement
apparaît alors très improbable, compte-tenu de la nécessité de stabilité politique qu’implique
le nouveau rôle de base arrière joué par Djibouti dans les opérations en Somalie.

À la fin de l’année 1992, la guerre civile est terminée sur le plan diplomatique, le
gouvernement d’Hassan Gouled ne peut plus tomber. Si la grille de lecture du conflit est celle
d’une volonté de démocratisation et d’ouverture politique portée par le FRUD, la guerre se
termine dès décembre 1992. Pour le président Gouled, il faut désormais mettre un terme à la
guerre sur le terrain, par la reconquête militaire à l’été 1993 puis politique à l’été 1994.

La nouvelle donne internationale marque un tournant dans la relation entre la France et


Hassan Gouled. Le rapport de force n’est plus le même, le président Gouled pouvant compter
sur la diversification de ses soutiens internationaux et la France entrant dans une position de
dépendance stratégique vis-à-vis de la République de Djibouti. Le président djiboutien va
ainsi tout mettre en œuvre pour limiter les tentatives de médiation française, n’ayant jamais
pardonné à la France de ne lui avoir apporté qu’un soutien limité en début de conflit.

62
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p.191.
63
Procès-Verbal de la 48ème séance du 27 octobre 1992, 47ème session de l’Assemblée générale de l’ONU,
12 novembre 1992 [En ligne] Disponible sur : http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/47/PV.48
(consulté le 18 mai 2016).

19
Le regain d’intérêt stratégique de Djibouti

C- Une situation diplomatique dégradée : les tentatives avortées de


médiation française.

Les tentatives de médiation françaises débutent dès le déclenchement du conflit. Suite


à l’Appel de la Baule de 1990, la France saisi l’occasion de démocratiser un pays dans lequel
la communauté française est importante. L’ancienne métropole coloniale mène ainsi des
« missions de bons offices », notamment par l’intermédiaire d’Alain Vivien, Secrétaire d’État
aux Affaires étrangères.
Paul Dijoud, directeur des Affaires Africaines et Malgaches au ministère des Affaires
étrangères, prend ensuite le relais, avec une réelle volonté de favoriser la négociation. Il
rencontre ainsi Mohamed Adoyta Youssouf64, chef du FRUD, à Sanaa en février 1992, pour
lui proposer une résolution à l’amiable du conflit avec une entrée au gouvernement des
dirigeants du FRUD en échange de l’arrêt des combats. Après la mise en place du dispositif
ISKOUTIR, Paul Dijoud cherche à engager des négociations entre le FRUD et le
gouvernement, entretenant des contacts réguliers avec les deux parties65.

En mars 1992, la France nomme S.E. Régis de Belenet, ambassadeur de la République


de Djibouti, suite à la démission de son prédécesseur. Le médiateur français est ainsi présent
sur le territoire et plus à même de mener les négociations, tout en étant cependant responsable
devant le président Gouled. Cette nomination restaure également le lien entre les FFDJ et
l’Ambassade de France et constitue ainsi une mise en place d’un appareil diplomatique de
résolution de la crise djiboutienne66. Néanmoins, malgré la volonté du nouvel ambassadeur,
les négociations sont entravées par trois points : le dépôt des armes préalable à toute
négociation, le lieu de négociation et la question des prisonniers de guerre.

Si le lieu de rencontre semble être le seul point d’entente relative, les négociations sont
bouleversées par l’irruption d’Ahmed Dini dans les discussions en tant qu’émissaire du
FRUD. Le médiateur français doit ainsi faire face à l’intransigeance des deux parties et aux
retournements de situations, notamment sur la question des prisonniers issus des FAD

64
Ci-après Mohamed Adoyta.
65
Entretien avec Son Excellence M. Régis de Belenet, 9 février 2016.
66
Id.

20
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

(promesse de libération de la totalité puis libération de seulement la moitié des prisonniers)67.


À partir de 1993, la position du médiateur français se dégrade peu à peu, jusqu’à ne plus jouer
de rôle dans les négociations à l’été 1993.

Face à la dégradation progressive de la position française dans les négociations, Ismaël


Guédi Hared68, directeur de cabinet du chef de l’État djiboutien, organise une visite de deux
jours du conseiller aux Affaires Africaines de l’Élysée, M. Bruno Delaye. La délégation
française rencontre ainsi des responsables du FRUD à Assa Gueyla le 18 février, puis des
fidèles d’Ismaël Guédi, avant de proposer un plan au président djiboutien concernant la
libération des prisonniers et l’octroi d’une aide au développement. Le 19 février, le président
Gouled choisit de refuser cette aide, officiellement parce que le plan n’inclut pas le dépôt des
armes et qu’il ne souhaite pas d’ingérence étrangère lors des négociations. La délégation
écourte alors sa visite et rentre précipitamment en France.

Une nouvelle fois, cette réaction est symbolique du nouveau rapport de force mis en
place en décembre 1992. Le président Gouled sait que la France ne peut plus se permettre de
ne pas le soutenir et il tourne la situation à son avantage, prenant le risque de dégrader les
relations diplomatiques entre les deux pays. À ce titre, l’annulation de la visite de Michel
Roussin, ministre de la Coopération, pour protester contre la contre-offensive généralisée du 5
juillet 1993, représente le paroxysme de cette discorde diplomatique. Face à une situation
financière catastrophique, le choix d’une reprise généralisée des hostilités apparaît comme
une provocation d’Hassan Gouled, anéantissant les efforts français de reprise du dialogue.

Le choix de refuser le plan de négociations de la délégation Delaye peut également


s’expliquer par la querelle de succession au sein du parti présidentiel. En effet, le 19 février
1993, le RPP n’a pas encore désigné son candidat pour l’élection présidentielle.
L’acceptation d’un plan de négociations, orchestré par un des prétendants à l’investiture du
parti, favoriserait grandement ce dernier. Ainsi, selon Mohamed Aden, Hassan Gouled ne
cherche pas à favoriser un prétendant qui prendrait l’ascendant sur IOG, son neveu et chef de

67
D’après Mohamed Aden, l’intransigeance d’HGA sur la libération des prisonniers s’explique par le fait
que la majorité des prisonniers restants soit de la famille d’HGA (Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994,
op. cit., p.198).
68
Ci-après Ismaël Guédi.

21
Le regain d’intérêt stratégique de Djibouti

cabinet, perçu comme son successeur potentiel69. Dès le 23 février, Hassan Gouled met fin
aux luttes intestines du RPP en suspendant le renouvellement du bureau exécutif et en
annonçant sa candidature à l’élection présidentielle.
À partir de la visite de Bruno Delaye, la France apparaît désabusée face aux entraves du
président djiboutien dans les négociations.

La diplomatie française comprend également que ces négociations sont intrinsèquement


liées à l’intervention des intérêts personnels au détriment d’une paix négociée entre les deux
camps. En effet, à l’inverse de « l’Esprit de la Baule » du début des hostilités, qui développait
l’idée d’une marche vers la démocratie, la résolution du conflit djiboutien semble davantage
être liée à l’exploitation des intérêts personnels des différents protagonistes.

69
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p.162.

22
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

III- La « patrimonialisation » des charges


publiques 70 : l’influence des protagonistes
dans la résolution du conflit.

La guerre civile djiboutienne apparaît comme révélatrice de l’importance des


trajectoires individuelles dans les relations de pouvoir. Les protagonistes sont ainsi marqués
par une histoire personnelle qui influence, positivement ou négativement, la résolution du
conflit. La guerre civile a également marqué les trajectoires futures des belligérants,
notamment celles du président Gouled et de son neveu, permettant la mise en place d’une
dynastie familiale à la tête de la République de Djibouti.

A- L’importance des sentiments personnels dans les négociations :


l’opposition irréductible entre Ahmed Dini et Hassan Gouled.

L’antagonisme des deux figures principales de la vie politique djiboutienne prend ses
racines dans l’euphorie de l’indépendance. Le leader de la LPAI, Hassan Gouled, se voit
confier les pleins pouvoirs « afin d’assurer la continuité et le fonctionnement des services
publics »71 en attendant la mise en place effective des institutions étatiques.
Par excès de confiance, Ahmed Dini ne réagit pas face aux manœuvres législatives
d’Hassan Gouled, qui se fait nommer chef de l’État et chef du Gouvernement. La passivité
d’Ahmed Dini le conduit à accepter le poste de Premier Ministre, restant cantonné au rôle de
« primus inter pares »72. En décembre 1977, cinq mois après avoir pris ses fonctions et réalisé
son impuissance, Ahmed Dini démissionne de son poste gouvernemental.
70
Pour plus d’informations sur ce concept de science politique, voir : Jean-François Médard, «
Patrimonialism, Neopatrimonialism and the Study of the Post-colonial State in Sub-Saharan Africa », in Henrick
Secher Marcussen (Ed.), Improved Natural Resources Management – The Role of Formal and Informal
Networks and Institutions, Roskilde University Press, 1996, p. 76-97
71
Ibid., p.3.
72
« premier parmi les pairs » - Régis de Belenet, Conflit de faible intensité : un cas d’école, La Révolte afar
en République de Djibouti 1991-2001, Communication à l'Académie des sciences, belles lettres et arts d'Angers,
22 février 2013.

23
La patrimonialisation des charges publiques à Djibouti

Il est à nouveau pris de court en 1981, lorsqu’Hassan Gouled modifie la loi électorale
pour mettre en place le suffrage universel direct aux élections présidentielles de 1982. Le
Président court-circuite ainsi les velléités de revanche d’Ahmed Dini, qui pouvait compter sur
une Chambre des Députés dans laquelle il aurait pu obtenir une majorité.
L’expérience de ces deux évènements peut servir d’explication à l’intransigeance
d’Ahmed Dini pendant les négociations, même quand la situation est très désavantageuse
pour le FRUD. Nonobstant la position de faiblesse militaire du FRUD à l’été 1994, il prône
ainsi le prolongement de la lutte armée, dans une opposition irréductible à Hassan Gouled.

La conduite des négociations est ainsi marquée par une haine inextinguible entre les
deux anciens partisans de l’indépendance73. Les pourparlers entre le gouvernement et la
faction dissidente du FRUD sont ainsi menés à la seule condition qu’Ahmed Dini n’y prenne
pas part74.

Dès 1991, l’arrivée d’Ahmed Dini dans le mouvement rebelle constitue un tournant
dans les négociations. La figure d’Ahmed Dini est alors celle d’un rassembleur et celle du
principal opposant à Hassan Gouled, et doit permettre au FRUD de peser nationalement et
internationalement.
À compter du moment où Ahmed Dini rejoint le mouvement rebelle, les négociations
entre les deux parties tombent dans une impasse du fait de l’opposition irréductible entre les
principales figures des deux camps. La volonté de médiation française est ainsi vouée à
l’échec dès son commencement et définitivement condamnée lorsqu’Ahmed Dini prend la
tête du FRUD en août 1992.
Les négociations ne peuvent donc se mener qu’en contournant cette opposition. En
août 1993, le gouvernement approche Ougouré Kifleh, le commandant rebelle de la zone Sud-
Ouest. Ahmed Dini est peu à peu marginalisé dans une posture d’opposition radicale et
continue la lutte armée avec un petit nombre de partisans jusqu’au moment où Hassan Gouled
abandonne le pouvoir au profit de son neveu.

73
Entretien avec Son Excellence M. Régis de Belenet, 9 février 2016.
74
Régis de Belenet, Conflit de faible intensité : un cas d’école, La Révolte afar en République de Djibouti
1991-2001, Communication à l'Académie des sciences, belles lettres et arts d'Angers, 22 février 2013.

24
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

La scission du FRUD en juin 1994 illustre les différences de motivation entre les
éléments fondateurs, comme Ougouré Kifleh ou Ali Mohamed Daoud, et les éléments
rattachés plus tardivement au mouvement, comme Ahmed Dini. Ces différences
d’engagement permettent à Hassan Gouled et à IOG, qui orchestre les négociations,
d’exploiter les intérêts personnels des dirigeants rebelles.

B- La scission du FRUD et l’exploitation des intérêts personnels :


diviser pour mieux régner.

Le président du FRUD, Ahmed Dini, aveuglé par sa haine personnelle envers Hassan
Gouled ne se rend pas compte (ou ne veut pas se rendre compte) de l’inversion du rapport de
force en juillet 1993.
Après la contre-offensive des FAD, le FRUD change de stratégie militaire, passant à
une guerre de harcèlement des forces djiboutiennes qui réoccupent le terrain conquis.
Néanmoins, cette stratégie de guérilla rencontre ses limites dans les répercutions qu’elle
provoque parmi la population civile. Les « nettoyages » de l’armée sont ainsi fréquents sur
une population épuisée par la guerre, financièrement exsangue en raison du blocus et
confrontée à des problèmes climatiques (sécheresse notamment) et sanitaires. Peu à peu, les
combattants du FRUD perdent le soutien de la population civile, qui n’hésite pas à les
dénoncer afin de retrouver une paix nécessaire à leur activité pastorale.
Le FRUD n’a ainsi pas pu (ou su) mettre en place une administration sur les territoires
conquis pour permettre la reprise de l’activité économique et contrer le blocus mis en place
par le gouvernement :
« Cette victoire est une lourde charge pour la rébellion. Pour assumer les conséquences
de son action, elle ne dispose d’aucun moyen. Elle se contente alors de ce demi-succès en
occupant le terrain conquis et en espérant que les hommes au pouvoir vont lâcher
prise »75.

Une fissure s’est, en outre, créée entre la tête du mouvement, souvent à l’étranger, et la
base combattante au contact quotidien avec la population djiboutienne.
Ahmed Dini en particulier n’a jamais vraiment réussi à réduire les divisions au sein du
mouvement lorsqu’il en prend la tête en août 1992. Il souffre d’un manque de légitimité au

75
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p. 95.

25
La patrimonialisation des charges publiques à Djibouti

sein du FRUD, que ne compense pas son aura acquise par la lutte d’indépendance. Son
absence du territoire djiboutien et de la ligne de front76 ainsi que son arrivée tardive au sein du
mouvement sont des facteurs qui minent son autorité.
Ce manque d’autorité est symbolisé par l’imbroglio sur la libération des prisonniers de
guerre. Une fronde du bureau exécutif fait ainsi revenir Ahmed Dini sur sa promesse de
libération de la totalité des prisonniers pour n’en relâcher que la moitié.
Les divisions internes au FRUD s’inscrivent dans un cadre sociologique et historique
plus large, de division interne des Afars et lié à la spécificité des sociétés pastorales.
En effet, la société afar se caractérise par son attachement à l’élevage, notamment dans
le nord de Djibouti, seule activité agricole possible. Ces sociétés évoluant sur des territoires
étendus sans possibilité de communication, l’autorité de décision principale est ainsi
l’individu, voire le lignage77. La nature acéphale de ces tribus pastorales constitue un atout
lors des opérations militaires, réduisant la chaîne de commandement et donc le temps de
réaction, mais également un frein à l’obéissance à une autorité centralisée. Les combattants
sont ainsi plus réceptifs aux décisions de leur chef de guerre présent sur le terrain, à l’instar
d’Ougouré Kifleh, qu’aux directives édictées par le bureau exécutif du mouvement rebelle,
notamment Ahmed Dini.

En outre, les divisions internes au FRUD peuvent trouver une explication dans la
division historique des Afars entre une partie descendante d’Haral Mahis78, réputée noble et
plus apte à gérer les affaires de la cité (assa ’imara, « les rouges »), et le reste de la population
afar (ado ’imara, « les blancs »)79. Traditionnellement, les assa ’imara occupent le pouvoir
politique des différents sultanats et cherchent à se distinguer des ado ’imara.
Cette division intra-ethnique est présente au sein du FRUD, notamment entre Ahmed
Dini, originaire des environs d’Obock et issu d’une famille assa ‘imara, et Ougouré Kifleh,
né à Dikhil dans une famille ado ‘imara. Selon Karim Rahem, la division entre les deux
groupes est particulièrement sensible sur le territoire djiboutien :

76
Entretien avec Son Excellence M. Régis de Belenet, 9 février 2016.
77
Alex De Waal, « Contemporary Warfare in Africa: Changing context, changing strategies », art.cit.
78
Ancêtre commun mythologique de tous les Afars.
79
Karim Rahem, « Haral Mahis et les Afar, importance d'un mythe dans les positionnements sociaux et les
stratégies de pouvoir », Annales d'Ethiopie, vol. 17, 2001 [En ligne] Disponible sur :
http://www.persee.fr/doc/ethio_0066-2127_2001_num_17_1_996 (consulté le 7 avril 2016).

26
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

« Pour les jeunes hommes de Djibouti, plus politisés, le pouvoir des assa ‘imara est
responsable du retard apporté dans l’unité et la modernisation de la société afar. C’est de
la faute du sultan si cette dernière n’a pas progressé et s’est maintenue dans les ornières
du féodalisme et du tribalisme, si les jeunes Afars n’ont pas été scolarisés. L’ennemi,
c’est donc aussi Haral Mahis et ses descendants ».80

La division historique et mythologique des Afars entraîne une méfiance mutuelle entre
les membres du FRUD. Ougouré Kifleh craint ainsi qu’Ahmed Dini ne détourne les
négociations de paix au profit de son ancienne clientèle assa ‘imara, et donc au détriment des
combattants du FRUD, en majorité ado ‘imara81.

La division entre Ahmed Dini et Ougouré Kifleh trouve ainsi des racines sociologiques
et mythologiques mais également des éléments d’explication issus des trajectoires
personnelles des deux chefs rebelles.
En effet, Ougouré Kifleh participait au mouvement de grève des gendarmes nationaux
de 1977. L’intransigeance d’Ahmed Dini avait conduit à la perte de son poste de
fonctionnaire (qui lui assurait une rente financière et symbolique) et à son exil. La fronde
d’Ougouré Kifleh peut aussi être lue sous l’approche d’une revanche personnelle sur Ahmed
Dini.

La conjugaison de ces trois mécanismes de division (sociologique, mythologique et


personnelle) peut permettre d’expliquer la fronde contre Ahmed Dini. Ougouré Kifleh est
ainsi réceptif aux premiers contacts avec le gouvernement. En février 1994, il s’autoproclame
secrétaire général du FRUD puis rallie une grande partie du bureau politique dans son sillage
en juin 1994, entraînant la scission du FRUD82. En effet, suite à un Congrès extraordinaire, le
FRUD entérine le renouvellement de son bureau politique. Ahmed Dini est évincé et relégué à
un rôle de conseiller tandis qu’Ali Mohamed Daoud est élu président 83 et Ougouré Kifleh,
conforté dans son rôle de secrétaire général, est chargé de mener les négociations avec le
gouvernement.

80
Id.
81
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p. 245.
82
Ibid., p. 246.
83
D’où l’appellation de « FRUD-Daoud » pour cette faction majoritaire dissidente.

27
La patrimonialisation des charges publiques à Djibouti

Le FRUD-Daoud espère alors obtenir une résolution politique du conflit plus favorable
que la résolution militaire. Au bilan, seuls deux dirigeants du FRUD-Daoud, Ali Mohamed
Daoud et Ougouré Kifleh, sont réellement récompensés par des postes ministériels.

Pour mener ces négociations, IOG a mis en œuvre la proposition déjà effectuée par Paul
Dijoud à Mohamed Adoyta à Sanaa en 1992 : une amnistie et des postes ministériels pour les
dirigeants du FRUD, en échange du dépôt des armes. La réaction de la majeure partie du
FRUD pose la question des réelles motivations du mouvement, qui semble plus sous-tendu
par la volonté des dirigeants de s’assurer la sécurité matérielle d’un poste au gouvernement
plutôt qu’obtenir un réel rééquilibrage politique au profit des Afars.

Le FRUD-Daoud, transformé en parti politique, s’allie ensuite avec le RPP et assure un


succès total à Hassan Gouled lors des élections législatives suivantes. Le président Gouled
voit ainsi son pouvoir renforcé par le ralliement de la majeure partie du contre-pouvoir que
représentait le FRUD. Ainsi, la période de remise en cause de sa domination aboutit
finalement à sa pérennisation. Hassan Gouled laisse alors sa place en 1999 à l’autre figure du
gouvernement qui s’est illustrée lors des négociations de paix, son neveu IOG, mettant ainsi
en place une dynastie présidentielle, celle de la tribu Mamassan, issue de l’ethnie Issa.

C- La logique tribale dans la mise en place d’une dynastie


présidentielle : clef d’analyse pertinente de la politique djiboutienne ?

La guerre civile djiboutienne est ainsi marquée par la pérennisation de la charge


présidentielle pour Hassan Gouled dans le cadre d’un État d’apparence démocratique.
Durant le conflit, l’instrumentalisation de la France lui assure une victoire
diplomatique et militaire. Sur le plan militaire, l’interposition française en février 1992 sauve
le pouvoir djiboutien d’une déroute face aux rebelles du FRUD. Le président Gouled met
alors à profit ce répit dans les hostilités pour recruter massivement des mercenaires, alors que
le FRUD faillit à administrer les territoires conquis.
À partir de l’intervention française en Somalie, Hassan Gouled comprend que la
stabilité politique du pays est nécessaire à la France et exploite au mieux cette dépendance
stratégique. Il obtient ainsi la réorganisation du dispositif ISKOUTIR en novembre 1992, puis
sa suspension totale en juillet 1993 pour mener sa contre-offensive massive avec des forces

28
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

numériquement et logistiquement supérieures à celles du FRUD84. L’interposition française


ne se déroulant pas dans un cadre onusien, sa manipulation a été d’autant plus facile pour le
Président djiboutien.

Ses victoires diplomatiques et militaires sont ensuite suivies d’une victoire sur le plan
politique en instrumentalisant les concessions démocratiques. L’adoption d’une Constitution
et d’un multipartisme limité en septembre 1992 donne à l’État djiboutien une apparence
démocratique, alors que le Président continue de cumuler les fonctions de chef de l’État et de
chef du Gouvernement. L’adhésion massive de la population lors du référendum
constitutionnel, ainsi que le ralliement du FRUD suite à l’accord de paix, renforce
considérablement l’emprise d’Hassan Gouled sur la vie politique djiboutienne.
En outre, l’apparente ouverture démocratique, qui paraît se conformer à « l’Esprit de
la Baule », permet à l’État djiboutien d’éviter sa marginalisation internationale et de sécuriser
une rente internationale par les subsides d’aide au développement.

Afin d’assurer sa succession, le président Gouled a profité de la crise constituée par la


guerre civile pour renforcer la position de son neveu. Il refuse ainsi le plan de Bruno Delaye
en février 1993 afin de ne pas favoriser un concurrent d’IOG puis laisse ce dernier orchestrer
les négociations de paix avec le FRUD85. La signature d’un nouvel accord de paix en mai
2001 avec Ahmed Dini constitue le passage de flambeau entre Hassan Gouled et IOG dans la
direction de la dynastie familiale qui s’installe à Djibouti. Le nouveau président djiboutien
puise sa légitimité en se posant en garant de l’unité de la Nation –comme son oncle avant lui–
ayant permis l’arrêt de la lutte armée de la plus grande figure de l’opposition djiboutienne. Il
apparaît également aux yeux des Issas, comme celui qui a permis le retour de la paix sans
pour autant les priver de leurs privilèges et de leur domination politique.

Enfin, Hassan Gouled, puis IOG après lui, organisent le « partage du gâteau
national »86 au profit de leur clan des Mamassan. Dès 1992, Mohamed Aden évoque la

84
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p. 215.
85
Régis de Belenet, Conflit de faible intensité : un cas d’école, La Révolte afar en République de Djibouti
1991-2001, Communication à l'Académie des sciences, belles lettres et arts d'Angers, 22 février 2013.
86
Jean-François Médard, « Autoritarismes et démocratie en Afrique noire », Politique africaine, n°43 (Les
chemins de la démocratie), octobre 1991, p. 93 [En ligne] Disponible sur : http://www.politique-
africaine.com/numeros/pdf/043092.pdf (consulté le 20 mai 2016).

29
La patrimonialisation des charges publiques à Djibouti

mainmise de la tribu issa des Mamassan dans les rouages de l’État 87. Le président Guelleh a
accentué cette dynamique en nommant des membres de sa tribu aux postes clefs du régime,
notamment dans la sécurité et les forces armées. Ainsi, le chef de la Police, le Chef d’État-
Major de l’AND, le chef de la Garde Républicaine (créée en 2002) et le chef des services de
renseignements sont tous issus de la tribu des Mamassan et dépendent directement de la
Présidence88.

En plus d’une personnification de la charge présidentielle, Hassan Gouled et IOG ont


permis la patrimonialisation des charges publiques au profit de leur tribu. La confusion entre
domaine public et privé permet à la tribu Mamassan de sécuriser une rente financière et
symbolique pour se constituer un réseau de clientèle national89.
Ce réseau de clientèle national assure la domination politique de la tribu Mamassan et,
plus particulièrement, la pérennité de la dynastie d’Hassan Gouled et IOG, symbolisée par le
fait que le parti présidentiel (RPP puis Union pour la Majorité Présidentielle en 2003) n’a
jamais perdu un seul siège au Parlement depuis l’instauration du multipartisme à Djibouti.

87
Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994, op.cit., p. 90.
88
Berouk Mesfin, « Elections, Politics and external involvement in Djibouti », art.cit., infra. p.11.
89
Jean-François Médard, « Patrimonialism, Neopatrimonialism and the Study of the Post-colonial State in
Sub-Saharan Africa », op.cit.

30
La guerre civile djiboutienne 1991-1994

Conclusion

Le 11 novembre n’est pas synonyme d’armistice pour Djibouti. En 1991, le FRUD


lance sa grande offensive surprise qui lui permettra de contrôler les deux tiers du territoire
national jusqu’à l’été 1993. Cette rébellion armée trouve ses racines dans les frustrations de la
population afar suite à l’avènement d’un régime de parti unique centré sur la personne
d’Hassan Gouled et de son clan Mamassan.
La frustration afar, politique mais s’exprimant sous un angle ethnique, va se radicaliser
face au refus issa de laisser la place. Le rassemblement des mouvements d’opposition,
d’abord hétérogène puis recentré autour des Afars en novembre 1991, va trouver les outils
pour un soulèvement armé avec la chute de la junte militaire éthiopienne, récupérant des
armes grâce aux anciens soldats en déroute de Mengistu.

Après plus d’un an d’occupation des deux tiers du territoire par le FRUD et de
nombreuses tentatives de médiation par la France, c’est finalement la situation internationale
qui préserve la position de domination du président djiboutien. D’abord peu encline à soutenir
le gouvernement djiboutien, la France s’est vu rappeler l’importance de la situation
stratégique de son ancienne colonie et a fini par accepter de déployer une force
d’interposition.
Avec le conflit somalien et le début des opérations de la coalition internationale,
Djibouti est utilisé comme base arrière par les puissances occidentales et prend une dimension
de pôle de stabilité régional. La stabilité politique interne devient donc cruciale aux yeux de la
communauté internationale.
Ainsi, Hassan Gouled est en position d’inverser le rapport de force au détriment du
FRUD à l’été 1993, sur le plan militaire, puis à l’été 1994 sur le plan politique, grâce à la
signature des accords de paix avec la majeure partie du FRUD.

Les intérêts personnels tiennent également une place centrale dans ce conflit,
principalement en ce qui concerne les tentatives, réussies ou avortées, de résolution. C’est
l’omniprésence de ces relations personnelles qui ont poussé la France à abandonner toute
tentative de résolution du conflit.

31
Conclusion

La relation conflictuelle entre Ahmed Dini et Hassan Gouled, les deux anciens
compagnons de l’indépendance, a longtemps empêché toute résolution à l’amiable du conflit,
entraînant, entre autres raisons, des tensions au sein du FRUD. Le Président Gouled a su
exploiter les intérêts particuliers pour créer une dissension au sein de la rébellion armée et
signer la paix avec celle-ci.

La primauté des intérêts particuliers sur l’intérêt général se remarque également dans
la logique de clan très présente chez la famille au pouvoir. Cette logique de clan mène, de fait,
à une certaine patrimonialisation des charges publiques avec l’attribution des postes clés aux
membres de son clan Mamassan.
La rébellion armée ayant forcé la main au Président Gouled, ce dernier a fini par
s’ouvrir à l’idée du multipartisme et de la démocratie en décembre 1992. Ces réformes
politiques ont semblé contribuer à donner un cadre d’État démocratique à l’État djiboutien.
Cette apparence de démocratie (et non pas une démocratie réelle) a permis d’assurer la
pérennité du régime d’Hassan Gouled et a légitimité sa succession par son neveu IOG. Les
acteurs gouvernementaux ont ainsi su jouer avec la grille de lecture occidentale, qui
présuppose que tous les peuples aspirent à la démocratie, pour mettre en place une dynastie
présidentielle dans un cadre apparent de démocratie.

Suite à la scission au sein du FRUD et à la signature des accords de paix entre le


gouvernement et la branche dissidente de la rébellion, une partie du mouvement dirigé par
Ahmed Dini a choisi de continuer la lutte armée. Durant toute la seconde moitié des années
1990, cette lutte prendra la forme d’une guérilla marginale jusqu’en 2001 avec la signature
des accords de paix finaux. À l’image de son oncle, le nouveau Président de la République
djiboutienne peut alors se poser en unificateur et sauveur de la Nation.
La dynastie familiale des Mamassan semble bien ancrée dans le contrôle de la vie
politique djiboutienne, comme en témoignent les différents succès électoraux d’IOG,
notamment sa réélection pour un quatrième mandat en avril 2016 avec un peu plus de 80%
des suffrages exprimés.

32
ANNEXES

▪ Bibliographie indicative – p.34-37.


▪ Index des noms des protagonistes – p.38.
▪ Chronologie détaillée – p.39-40.
▪ Cartes – p.41-43.
▪ Photographies – p.44-47.

33
Bibliographie indicative

Sources Primaires :

Témoignages :

▪ Entretien avec Son Excellence M. Régis de Belenet, ambassadeur de France à Djibouti de 1992 à
1994 et chargé de la médiation entre les belligérants, 9 février 2016.

▪ Entretien avec M. Marc Fontrier, ancien officier des Troupes de Marine détaché comme officier de
liaison auprès du FRUD, maître de conférences et spécialiste de l’Afrique de l’Est, 3 mars 2016.

▪ Entretien avec le Général de Division aérienne Yvon-Pierre Coppin, ancien Commandant des Forces
françaises stationnées à Djibouti (COMFOR FFDJ) de 1991 à 1993, 3 mars 2016.

▪ Témoignage écrit du Lieutenant-Colonel Montegu, Chef de peloton (Lieutenant) du 5ème RIAOM de


1991 à 1993.

Documents officiels :

▪ Traité relatif à la cession à la France du territoire d’Obock du 11 mars 1862, dans Simon Imbert-
Vier, Tracer des frontières à Djibouti, des territoires et des hommes aux XIXe et XXè siècles, Karthala,
2011 [En ligne] Disponible sur : http://djibouti.frontafrique.org/?doc4 (consulté le 14 mai 2016).

▪ Bulletin officiel du ministère des colonies, Paris, 1896, no 5 [En ligne] Disponible sur :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6266930f.item (consulté le 3 avril 2016).

▪ Protocole provisoire fixant les conditions de stationnement des forces françaises sur le territoire de
la République de Djibouti après l'indépendance et les principes de la coopération militaire entre le
gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Djibouti, 27 juin
1977, publié au JO du 10 novembre 1985 [En ligne] Disponible sur : http://www.assemblee-
nationale.fr/12/rapports/annexe-r1714.pdf (annexe n°2) (consulté le 17 mai 2016).

▪ Loi n° 185/AN/91/2E L du 31 décembre 1991, relative à la contribution patriotique en République de


Djibouti.

▪ Procès-Verbal de la 48ème séance du 27 octobre 1992, 47ème session de l’Assemblée générale de


l’ONU, 12 novembre 1992 [En ligne] Disponible sur :
http://www.un.org/ga/search/view_doc.asp?symbol=A/47/PV.48 (consulté le 18 mai 2016).

34
▪ Accord de Paix et de Réconciliation Nationale, Journal Officiel de la République de Djibouti,
Djibouti, 26 décembre 1994 [En ligne] Disponible sur :
http://peacemaker.un.org/sites/peacemaker.un.org/files/DJ_941226_Accord%20de%20paix%20et%20
de%20reconciliation%20nationale.pdf (consulté le 15 mai 2016).

▪ Rapport d’information du Sénat fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense
et des forces armées sur la politique africaine de la France, Paris, 28 février 2011.

Magazines des forces armées :

▪ L’Ancre du 5ème RIAOM, 1er avril 1992.

▪ L’Ancre du 5ème RIAOM, 1er janvier 1993.

▪ L’Ancre d’Or Bazeilles, n°271, novembre-décembre 1992.

▪ L’Ancre d’Or Bazeilles, n°278, janvier-février 1994.

▪ FAD-infos, n°2, 27 juin 1994.

35
Sources Secondaires :

Ouvrages généraux :

▪ Jean-François Bayart, L’État en Afrique : la politique du ventre, Fayard, 2006.

▪ Tibaut Stéphène Possio, Les évolutions récentes de la coopération militaire française en Afrique,
Publibook, 2007.

▪ Stephen Smith, Antoine Glaser, Comment la France a perdu l’Afrique, Paris, Calmann-Lévy, 2005.

▪ Stephen Smith, Négrologie, Paris, Fayard-Pluriel, 2012.

Ouvrages spécifiques sur Djibouti :

▪ Mohamed Aden, Ourrou Djibouti 1991-1994. Du maquis afar à la paix des braves, Paris,
L’Harmattan, 2002.

▪ Gérard Conac, Christine Desouches, Jean De Gaudusson, « La constitution djiboutienne », in Les


constitutions africaines publiées en langue française, Paris, Documentation Française, 1997.

▪ Ali Coubba, Le mal djiboutien. Rivalités ethniques et enjeux politiques, Paris, L’Harmattan, 1996.

▪ Ali Coubba, Ahmed Dini et la politique à Djibouti, Paris, L’Harmattan, 1999.

▪ Rouyika Osman, Djibouti, De Boeck, 2014.

Articles :

▪ « Conflict in Somalia: Drivers and Dynamics », The World Bank, 2005 [En ligne] Disponible sur :
http://siteresources.worldbank.org/INTSOMALIA/Resources/conflictinsomalia.pdf (consulté le 9 avril
2016).

▪ « Djibouti », The World Factbook, Africa, Central Intelligence Agency, 2016 [En ligne] Disponible
sur : https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/geos/dj.html (consulté le 29 mars
2016).

▪ David Styan, « Djibouti: Changing Influence in the Horn’s Strategic Hub », Chatham House, 2013
[En ligne] Disponible sur :
https://www.chathamhouse.org/publications/papers/view/190835c (consulté le 16 avril 2016).

36
▪ « Fundamentals of Low Intensity Conflict », Global Security, 1996 [En ligne] Disponible sur :
http://www.globalsecurity.org/military/library/policy/army/fm/100-20/10020ch1.htm
(consulté le 30 mars 2016).

▪ Berouk Mesfin, « Elections, Politics and external involvement in Djibouti », Situation Report,
Institute for Security Studies, 14 avril 2011 [En ligne] Disponible sur :
https://www.issafrica.org/publications/situation-reports/elections-politics-and-external-involvement-
in-djibouti (consulté le 21 mai 2016).

▪ « Mission de “bons offices” de la France », La Nation, 30 janvier 1992, p. 2-3.

▪ Régis de Belenet, Conflit de faible intensité : un cas d’école, La Révolte afar en République de
Djibouti 1991-2001, Communication à l'Académie des sciences, belles lettres et arts d'Angers, 22
février 2013.

▪ Alex De Waal, « Contemporary Warfare in Africa: Changing context, changing strategies », IDS
Bulletin, Vol.27, n°3, 1996 [En ligne] Disponible sur :
http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1759-5436.1996.mp27003002.x/abstract (consulté le 5
mai 2016).

▪ Jean-François Médard, « Autoritarismes et démocratie en Afrique noire », Politique africaine, n°43


(Les chemins de la démocratie), octobre 1991, p.92-104 [En ligne] Disponible sur :
http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/043092.pdf (consulté le 20 mai 2016).

▪ Jean-François Médard, « Patrimonialism, Neopatrimonialism and the Study of the Post-colonial State
in Sub-Saharan Africa », in Henrick Secher Marcussen (Ed.), Improved Natural Resources
Management – The Role of Formal and Informal Networks and Institutions, Roskilde University
Press, 1996, p. 76-97.

▪ Karim Rahem, « Haral Mahis et les Afar, importance d'un mythe dans les positionnements sociaux et
les stratégies de pouvoir », Annales d'Ethiopie, vol. 17, 2001 [En ligne] Disponible sur :
http://www.persee.fr/doc/ethio_0066-2127_2001_num_17_1_996 (consulté le 7 avril 2016).

37
Index des noms des différents protagonistes
Ali Mohamed Daoud, dit Jean-Marie (1950 – ) : Président du FRUD, leader de la scission.

Ougouré Kifleh Ahmed (1955 – ) : Commandant rebelle du FRUD pour la zone Sud-Ouest,
puis Secrétaire Général du FRUD-Daoud.

Hassan Gouled Aptidon (1916 – 2006) : Président de la République de Djibouti de 1977 à 1999.

François Mitterrand (1916 – 1996) : Président de la République française de 1981 à 1995.

Ahmed Dini Ahmed (1932 – 2004) : Premier ministre de Djibouti en 1977 sous la présidence de son
compagnon de l’indépendance Hassan Gouled Aptidon, puis leader du FRUD à partir de 1992.

Ismaël Omar Guelleh, dit IOG (1947 – ) : Chef de cabinet d’Hassan Gouled, puis Président de la
République de Djibouti depuis 1999.

Ali Aref Bourhan (1934 – ) : Premier ministre de la Côte française des Somalis de 1960 à 1966, puis
vice-président du Conseil de gouvernement du Territoire français des Afars et des Issas de 1967 à
1976.

Régis de Belenet (1942 – ) : Ambassadeur de France à Djibouti de 1992 à 1994 et chargé de la


médiation entre les belligérants.

Yvon-Pierre Coppin (1940 – ) : Général de Division aérienne, ancien Commandant des Forces
françaises stationnées à Djibouti (COMFOR FFDJ) de 1991 à 1993.

Alain Vivien (1938 – ) : Secrétaire d’État français aux Affaires étrangères de 1991 à 1992, envoyé à
Djibouti dans le cadre des « missions bons offices » de la France.

Ali Mahamadé Houmed ( ? – 2007) : Ministre à différents postes dont celui des Affaires étrangères
djiboutiennes sous la présidence d’Hassan Gouled Aptidon, puis membre de l’opposition
parlementaire à partir de 1996.

Marc Fontrier (1950 – ) : Ancien officier des Troupes de Marine détaché comme officier de liaison
auprès du FRUD, maître de conférences et spécialiste de l’Afrique de l’Est.

Mohamed Djama Elabeh (1940 – 1996) : Ministre à différents postes sous la présidence d’Hassan
Gouled Aptidon jusqu’au début de la guerre civile, chef de file du FUOD à sa création, puis membre
de l’opposition au sein de son propre parti politique.

Paul Dijoud (1938 – ) : Directeur des Affaires africaines et malgaches au ministère des Affaires
étrangères de 1991 à 1992, il prend la suite d’Alain Vivien dans les tentatives de négociation entre le
FRUD et le gouvernement djiboutien.

Mohamed Adoyta Youssouf ( ? - ) : Premier Président du FRUD jusqu’en 1992, puis Vice-Président
du FRUD-armé.

Ismaël Guédi Hared ( ? – 2015) : Directeur de cabinet d’Hassan Gouled Aptidon, concurrent d’IOG à
la succession d’Hassan Gouled Aptidon.

Bruno Delaye (1952 – ) : Conseiller aux Affaires africaines de l’Élysée de 1992 à 1994.

Michel Roussin (1939 – ) : Ministre français de la Coopération de 1993 à 1994.

38
Chronologie détaillée
▪ 27 juin 1977 : Indépendance de la République de Djibouti.

▪ 8 juillet 1977 : le Président de la République devient aussi chef du Gouvernement.

▪ 12 juillet – 17 décembre 1977 : Ahmed Dini occupe le poste de premier ministre d’Hassan Gouled
Aptidon.

▪ 4 avril 1979 : le Rassemblement Populaire pour le Progrès (RPP) devient le seul parti autorisé.

▪ 27 mai – 13 juin 1991 : Interposition et désarmement des flux de réfugiés éthiopiens par les forces
françaises (opération GODORIA).

▪ 12 août 1991 : création du Front de Restauration de l’Unité et de la Démocratie (FRUD).

▪ 11 et 12 novembre 1991 : premières offensives du FRUD et début de la mobilisation générale par le


gouvernement.

▪ 18 décembre 1991 : massacre de civils afars dans le quartier d’Arhiba, Djibouti-ville par la police et
la gendarmerie. Le lendemain, Hassan Gouled se dit ouvert à des réformes démocratiques et à la
réinstauration du multipartisme.

▪ 25 février 1992 : interposition de l’armée française entre les deux parties. Début de l’opération
ISKOUTIR, qui dure jusqu’à l’été 1993.

▪ 28 février 1992 : le FRUD décrète un troisième cessez-le-feu unilatéral.

▪ Mars 1992 : Nomination de S.E Régis de Belenet en tant qu’ambassadeur de France à Djibouti et
médiateur du conflit.

▪ 24 juin 1992 : création du Front Uni de l’Opposition Djiboutienne (FUOD), bras politique du
FRUD.

▪ 4 septembre 1992 : Adoption de la nouvelle Constitution par référendum avec 96.84% des suffrages
exprimés.

▪ 27 octobre 1992 : La République de Djibouti est élue comme membre non-permanent du Conseil de
Sécurité de l’ONU en qualité de représentant de l’Afrique (entrée en fonction le 1er janvier 1993).

▪ 27 novembre 1992 : réorganisation du dispositif ISKOUTIR à la demande d’Hassan Gouled. Les


troupes françaises quittent les postes d’Assa Gueyla, de Khor Angar et de Daoudaouya notamment.

39
▪ 5 décembre 1992 : Intervention de la coalition internationale en Somalie sous l’égide des États-Unis
(opération RESTORE HOPE). Djibouti sert de base arrière au déploiement français en Somalie
(opération ORYX). Victoire diplomatique d’Hassan Gouled, le régime djiboutien ne peut plus tomber.

▪ 18-19 février 1993 : Visite officielle de Bruno Delaye, Conseiller de l’Élysée pour les Affaires
Africaines. Refus du plan de négociations par le président djiboutien.

▪ Février et mars 1993 : offensives des FAD dans le Sud-Ouest (opération SIRAD) et sur la zone
côtière du Nord du pays (opération DOUR-DOUR).

▪ 7 mai 1993 : victoire d’Hassan Gouled aux élections présidentielles avec 60.71% des votes mais
moins de 50% de participation. Accusation de fraudes massives par les quatre autres candidats.

▪ 5 Juillet – septembre 1993 : Fin de l’opération d’interposition française ISKOUTIR. Offensive


généralisée du gouvernement contre le FRUD (opération DAAD) et début des opérations de nettoyage
dans les territoires reconquis. Victoire militaire du gouvernement djiboutien et début de la stratégie de
guérilla du FRUD.

▪ 7 juillet 1993 : Annulation de la visite de Michel Roussin, ministre de la Coopération du


gouvernement français pour protester contre la reprise des hostilités.

▪ Août 1993 : Premiers contacts entre Ougouré Kifleh et le gouvernement djiboutien sous l’impulsion
d’Ismaël Omar Guelleh (IOG).

▪ 22 février 1992 : Ougouré Kifleh s’autoproclame secrétaire général du FRUD.

▪ Juin 1994 : Scission au sein du FRUD entre une faction majoritaire, dirigée par Ali Mohamed Daoud
(FRUD-Daoud), et une faction minoritaire qui continue la lutte armée, dirigée par Ahmed Dini (FRUD
armé ou FRUD-Dini). Ougouré Kifleh est officiellement chargé par le FRUD-Daoud de mener les
négociations de paix avec le gouvernement.

▪ 26 décembre 1994 : Signature des accords de « paix et de réconciliation nationale » entre le FRUD-
Daoud et le gouvernement djiboutien. Alliance électorale entre le FRUD-Daoud et le RPP.

▪ 9 avril 1999 : Élection d’IOG à la présidence avec plus de 74% des suffrages.

▪ 12 mai 2001 : Signature des accords de paix avec le FRUD-Dini.

40
Cartographie

Carte représentant schématiquement les évolutions militaires du conflit à partir de l’interposition française.

41
Répartition des clans somalis dans la Corne de l’Afrique.
Source : Clansystem der Somali [en ligne] disponible sur :
http://www.wikiwand.com/de/Clansystem_der_Somali

42
Situation du « Triangle afar » dans la Corne de l’Afrique
Source : Cards of triangle afar | Afar Friends [en ligne] disponible sur :
http://afarfriends.org/gallery/cards-of-triangle-afar/

43
Photographies

Photo fournie par Marc Fontrier


Soldats du FRUD en compagnie de Paul Dijoud, 1992

Photo fournie par Marc Fontrier


Soldats du FRUD en compagnie de Paul Dijoud et Marc Fontrier, 1992
44
Photo fournie par Marc Fontrier
Ougouré Kifleh Ahmed et Ali Mohamed Daoud en compagnie de Marc Fontrier, 1992

Photo fournie par le Lieutenant-Colonel Montegu


Soldats du FRUD

45
Photo fournie par le Lieutenant-Colonel Montegu
Dispositif à Ballambaley-Dikhil, Mars 1992

Photo fournie par le Lieutenant-Colonel Montegu


Volet mission humanitaire de l’opération ISKOUTIR

46
Photo fournie par le Lieutenant-Colonel Montegu
Point de ravitaillement Yoboki – Opération ISKOUTIR

Photo fournie par le Lieutenant-Colonel Montegu


Ravitaillement des populations isolées – montagne Guguimy

47

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