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Hybridité Ling Et Culturelle

Cet article explore l'hybridité linguistique et culturelle dans les écritures migrantes au Québec, mettant en avant le métissage linguistique comme reflet de mémoires et d'identités en transformation. Il examine comment les écrivains migrants agissent comme passeurs de cultures, contribuant à une nouvelle esthétique littéraire qui reflète la diversité et la complexité de l'identité québécoise contemporaine. L'étude souligne l'importance de la confrontation des langues et des imaginaires dans la construction d'une littérature qui interroge les notions d'appartenance et d'identité.

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Hybridité Ling Et Culturelle

Cet article explore l'hybridité linguistique et culturelle dans les écritures migrantes au Québec, mettant en avant le métissage linguistique comme reflet de mémoires et d'identités en transformation. Il examine comment les écrivains migrants agissent comme passeurs de cultures, contribuant à une nouvelle esthétique littéraire qui reflète la diversité et la complexité de l'identité québécoise contemporaine. L'étude souligne l'importance de la confrontation des langues et des imaginaires dans la construction d'une littérature qui interroge les notions d'appartenance et d'identité.

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Hybridité linguistique et culturelle dans les écritures

migrantes au Québec: L’identité de la traversée

Carmen Mata Barreiro

Nouvelles Études Francophones, Volume 27, Numéro 1, Printemps


2012, pp. 66-84 (Article)

Published by University of Nebraska Press


DOI: https://doi.org/10.1353/nef.2012.0012

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https://muse.jhu.edu/article/484036

[137.122.8.73] Project MUSE (2025-05-16 00:38 GMT) University of Ottawa


Hybridité linguistique et culturelle dans
les écritures migrantes au Québec
L’identité de la traversée
Carmen Mata Barreiro

Cet article étudie les configurations et les traits distinctifs de l’hybridité linguistique et
culturelle dans les écritures migrantes au Québec. Dans la première partie, il se focalise
sur le métissage linguistique comme réceptacle de mémoires et moteur de sensations et
comme traduction de l’éclatement de l’identité. Dans la deuxième partie, il aborde l’hy-
bridité culturelle des écritures migrantes associée au territoire spatial et symbolique, au
discours de l’“itinérance identitaire” (Ouellet 2002), de “l’enracinerrance” (Robin 2004),
de la (re)naissance. La dernière partie est consacrée à l’étude des écrivains migrants
comme passeurs de langues, des “ouvreurs de mots” (Ollivier 1999), comme passeurs de
mémoires (mémoires de la “migrance,” de l’esclavage, de la guerre et de la répression),
comme bâtisseurs d’hybridité et “écrivains de frontière” (Ollivier 2001).

E n ce vingt et unième siècle, nous sommes témoins de la visibilité grandissante


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du métissage dans le paysage littéraire: “la nouvelle écriture métisse [. . .]


consolide sa conquête globale,” (Montes 12, ma traduction)1 soulignait Javier
Montes dans le supplément littéraire du journal espagnol El País, le 9 juillet 2011.
Nous sommes parallèlement témoins et acteurs de l’évolution de la recherche
concernant l’immigration et la création culturelle et littéraire qui y est associée,
où les notions de mobilité, de métissage et d’hybridité apportent une dimension
heuristique.
Au Québec, des historiens tels que Paul-andré Linteau soulignent que “[l]a
diversité des groupes ethnoculturels atteint un niveau inconnu jusque-là et
la part des minorités visibles s’accroît nettement” (40). Dans le domaine des
sciences sociales, des chercheurs tels que Michèle Vatz Laaroussi étudient ac-
tuellement une forme de mondialisation des courants migratoires qui, dépas-
sant la perspective des migrations bipolaires du vingtième siècle, détermine de
nouveaux types de mobilité des migrants et amène à définir les territoires de

1. “la nueva escritura mestiza [. . .] afianza su conquista global” (Montes 12).


Barreiro: Hybridité linguistique et culturelle 67

l’immigration, les territoires locaux et les territoires symboliques. Ces nouveaux


types de mobilité interpellent et font interagir différentes disciplines comme les
sciences politiques, la géographie humaine, les études culturelles et les études
littéraires.
Dominique Bourque et Nellie Hogikyan, dans l’introduction de leur livre
Femmes et exils. Formes et figures (2010), soulignent, dans leur analyse des nou-
veaux paradigmes de l’exil, que, de nos jours, “la notion de l’exil est étudiée soit
dans un contexte de pluralité, soit dans un paysage d’hybridité culturelle et de
métissage” (15). Alexis Nouss considère que le métissage apporte un “éclairage
nouveau” (23) en ce qui concerne la question de l’exil, et, dans l’ouvrage Le Mé-
tissage, François Laplantine et Nouss revendiquent “la pensée métisse comme
pensée de la transformation” (70). D’après eux, la pensée du métissage est “une
pensée de la tension, [. . .] une pensée résolument temporelle” (71), et c’est cette
“dimension temporelle qui distingue le métissage d’autres formes de mélange,
telles le mixte et l’hybride, qui peuvent être saisies statiquement” (102). Mais, du
point de vue sémantique, l’idée de changement ou de processus de croisement
inhérente au concept de “métissage” est présente dans le substantif “hybrida-
tion,” comme en témoigne la définition que propose le dictionnaire: “croisement
naturel ou artificiel entre deux variétés, deux races d’une même espèce ou entre
deux espèces” (Robert, Rey-Debove et Rey 1110).
Le Québec est devenu “le lieu de la théorisation de l’écriture ‘migrante’”
(Bourque et Hogikyan 24), et, contrairement à la France, où, d’après Jean-Marc
Moura, la théorie postcoloniale a du mal à s’acclimater dans la recherche univer-
sitaire (1),2 au Québec, la théorisation de l’écriture migrante s’avère perméable
aux théories postcoloniales, aux théories qui approfondissent l’hybridité3 dont
celles apportées par des chercheurs et écrivains venus d’ailleurs comme Régine
Robin et Joël Des Rosiers. Dans le bilan sur l’écriture migrante au Québec, expo-
sé dans l’appel à communication concernant le colloque “1985–2005. Vingt an-
nées d’écriture migrante au Québec. État des lieux et perspectives,” Marc Arino
et Marie-Lyne Piccione mettaient en relief l’“hybridité” comme trait essentiel de
son esthétique:

2. Jean-Marc Moura soulignait, dans la première édition de son livre Littératures francophones et
théorie postcoloniale (1999): “Ni la francophonie littéraire ni la théorie postcoloniale ne sont des
notions claires en France, l’une parce qu’elle a été engagée dans trop de débats idéologiques, la
seconde en raison d’une origine anglo-saxonne assez récente qui ne lui a pas encore permis de
s’acclimater dans notre recherche universitaire” (1). Dans son édition de 2007, il explicite: “Dans
l’université française (à l’exception de certains départements d’études anglophones), la pers-
pective postcoloniale s’est heurtée à plusieurs types de difficultés, et d’abord à un soupçon assez
général envers la ‘theory’ américaine” (4).
3. Hybridity, hybridization: termes consacrés par Homi K. Bhabha (“The Postcolonial Critic” 251).
68 nouvelles études francophones 27.1

Voix venue d’ailleurs, la parole immigrante, jusque-là sporadique et


aléatoire, acquit dans le Québec des années 1980 une légitimité l’auto-
risant à se prévaloir du statut de courant littéraire bien propre à revivi-
fier une littérature nationale qui s’épuisait. Tenue d’innover sous peine
d’extinction ou d’assimilation, cette “écriture migrante” s’y employa et
fonda son esthétique sur une hybridité conçue comme la forme litté-
raire de l’instabilité conceptuelle inhérente à tout phénomène migra-
toire. (Arino et Piccione 4e de couverture)

Écritures migrantes et hybridité


Juxtaposition, confrontation, rencontre inhabituelle de signes culturels et d’élé-
ments linguistiques . . . L’hybridité apparaît ainsi comme un trait caractéristique
de la littérature migrante4 en général et des “écritures migrantes” en particulier.
Nous concevons une écriture hybride comme une écriture qui traduit l’inter-
culturation propre à nos sociétés postcoloniales, qui détermine des tensions, des
interactions et des négociations. Cette écriture exprime la “mouvance intersub-
jective et interculturelle” qui comporte “la différenciation du soi individuel en de
multiples destins et en de nombreux devenir-autres” (Ouellet 40), explore la mi-
grance du soi dans l’identité narrative constitutive de l’ipséité5 (Ricœur 442–48),
et interroge les imaginaires de l’appartenance, où interviennent des tensions, des
dissonances et des interférences.
Comment se matérialise cette hybridité dans les écritures transnationales et
transculturelles nées dans un Québec contemporain qui a changé les représenta-
tions de son identité, où la perception de la France comme la seule matrice iden-
titaire fait place à la perception d’“une culture à la jonction de trois héritages:
français, britannique, étatsunien” (Lamonde 35–54), et où les débats concernant
l’avenir de l’identité québécoise laissent apparaître “une revendication métisse,
le désir d’un croisement avec des univers culturels inédits que représentent, par
exemple, les Antilles, le Brésil, le Mexique” (Harel 10)?
Quelles configurations, quels traits distinctifs pouvons-nous repérer dans
les écritures migrantes qui naissent et se développent essentiellement dans le
territoire de la ville de Montréal, ville qui, d’après l’écrivain d’origine haïtienne
Émile Ollivier, est “un lieu de cristallisation de l’étranger” (Repérages 39), que
l’écrivain italo-québécois Marco Micone définit comme “un laboratoire exem-

4. Nous utilisons ici l’expression “littérature migrante” comme une expression générique ou hype-
ronyme. Dans d’autres publications, où la perspective comparatiste l’emportait (Mata Barreiro),
nous avons analysé le choix de notions différentes dans des contextes culturels, littéraires et cri-
tiques divers.
5. Chez Ricœur, l’ipséité d’un sujet constitue l’identité comprise au sens d’un soi-même, ipse.
L’identité narrative est constitutive de l’ipséité.
Barreiro: Hybridité linguistique et culturelle 69

plaire de cohabitation” (Cazelais 25), et où les écrivains migrants contribuent à


construire la “montréalité” (Létourneau 21), sorte d’identité métropolitaine aux
enracinements pluriethniques et aux résonances cosmopolites qui s’avère être
un des traits dominants de la nouvelle québécité?
Nous allons étudier le métissage linguistique, la confrontation des langues,
comme réceptacle de mémoires et moteur de sensations, comme traduction
d’une pluralité d’identités ou d’une identité en transformation. Nous analyse-
rons aussi l’hybridité culturelle, la rencontre d’imaginaires et de représentations,
le rejet ou l’apprivoisement de l’espace culturel de la société d’accueil. Nous
aborderons l’hybridité dans le discours de la narration et de la mise en texte,
parallèlement à l’hybridité dans la construction des genres et dans la configura-
tion des thèmes. Et nous nous focaliserons sur l’apport spécifique des écrivains
migrants au Québec en tant que passeurs6 de cultures, de sensations et d’imagi-
naires, en tant que fournisseurs des clés de lecture de l’hybridité et en tant que
passeurs, acteurs ou bâtisseurs de théories.
Au cours de notre étude, nous aurons recours aux théories postcoloniales.
Et nous essaierons, parallèlement, d’approfondir la réflexion sur l’interaction
entre le creuset québécois, la qualité de la réception critique des “écritures mi-
grantes” et l’ouverture et l’accueil de la postmodernité et du postcolonialisme.

Hybridité linguistique
L’un des premiers traits que nous pouvons déceler à la lecture de la littérature
migrante au Québec est la confrontation des langues, le métissage linguistique.
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Nous découvrons la présence de la langue italienne chez Marco Micone ou An-


tonio D’Alfonso, de la langue castillane chez Gloria Escomel, Jacques Folch-
Ribas ou Mauricio Segura, du créole chez Marie-Célie Agnant ou Dany Lafer-
rière, de l’arabe chez Abla Farhoud, et du vietnamien chez Kim Thúy. Dans
le roman Ru de Kim Thúy (2009), c’est dès le paratexte que la langue vietna-
mienne fait son apparition, en interpellant le lecteur et en plaçant l’auteure en
traductrice dans le même espace du seuil ou paratexte. Le recours à une expli-
cation tirée d’une source lexicographique accueille le lecteur et lui fait partager
une approche comparative et une réflexion sur le choix du titre, tout en l’invi-
tant à participer à un dialogue de significations véhiculant des sensations et des
émotions: “En français, ru signifie ‘petit ruisseau’ et, au figuré, ‘écoulement (de

6. Nous empruntons le concept de “passeurs” à Serge Gruzinski, historien et directeur d’études


à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, et à Louise Bénat Tachot, dans le livre qu’ils
ont coordonné: Passeurs culturels. Mécanismes de métissage (2001). Les “passeurs” y sont conçus
comme des agents, moteurs ou vecteurs de métissage, qui continuent d’engendrer mélanges et
recompositions.
70 nouvelles études francophones 27.1

larmes, de sang, d’argent)’ (Le Robert historique). En vietnamien, ru signifie ‘ber-


ceuse,’ ‘bercer’” (Thúy, Ru 7).
Dans certains textes, tels que le poème “Babel” de D’Alfonso, la cohabitation
des langues traduit l’éclatement de l’identité, un “mouvement migratoire par le-
quel on s’émancipe de son origine ou de son identité première, dans une sorte de
traduction de soi dans un autre, de translation de soi en autre” (Ouellet 42), et sa
propre constitution comme sujet est réécrite à partir de ses différentes confronta-
tions avec l’altérité, dans un parcours dessiné comme une continuelle migration:
Nativo di Montréal
élevé comme Québécois
forced to learn the tongue of power
viví en México como alternativa
figlio del sole e della campagna
par les francs-parleurs aimé
finding thousands like me suffering
me casé y divorcié en tierra fría
nipote di Guglionesi
parlant politique malgré moi
steeled in the school of Old Aquinas
queriendo luchar con mis amigos latinos
Dio where shall I be demain
(trop vif) qué puedo saber yo
spero che la terra be mine. (D’Alfonso 201)

Ce texte apparaît comme un espace d’énonciation de l’identité, qui s’exprime


en quatre langues constitutives de cette identité: italien, français, anglais, espagnol.
Les quatre premiers vers traduisent, dans ces quatre langues, d’abord, l’origine et
l’insertion dans l’espace urbain de Montréal, une identité associée au sol, suivie
de l’émergence de la tension née de la hiérarchie des langues et de leur rapport au
pouvoir sociopolitique. Le quatrième vers, en espagnol, traduit la recherche d’une
issue dont le moteur est la liberté: le choix de vivre dans l’espace hispanophone du
Mexique comme “alternative” aux choix imposés par la société du Québec. Nous
retrouvons aussi cette perception de la langue espagnole comme langue d’affran-
chissement des contraintes dans l’œuvre de l’écrivain Marco Micone, particulière-
ment dans sa pièce de théâtre Addolorata, où le personnage de Lolita-Addolorata
parle quatre langues et s’identifie à l’espagnol (60–63).
Une deuxième et une troisième séries de quatre vers suivent le même ordre
que la première: italien, français, anglais et espagnol. Le lien entre la langue et
la politique réapparaît, mis en relief par le mot “francs-parleurs,” calqué sur le
substantif “francs-tireurs.” De nouveau, la langue espagnole traduit la volonté
d’agir; le rapport à la politique, exprimé en français, évoque une attitude pas-
Barreiro: Hybridité linguistique et culturelle 71

sive, “parlant politique malgré moi,” tandis que le vers en espagnol exprime la
volonté de lutter avec les amis d’Amérique latine: “queriendo luchar con mis
amigos latinos.”
L’hybridation linguistique qui, dans ces trois séries, se construit comme un
dialogue entre les vers, d’une manière rythmée et régulière, comme s’il s’agissait
d’un chœur polyphonique, se joue ensuite à l’intérieur de chaque vers, à la fin
du poème. Dans les trois derniers vers, plus courts, le rythme semble s’accélérer
et le mélange linguistique issu de cette fusion ou confusion se rapproche d’un
sabir, qui traduit l’inquiétude (“Dio where shall I be demain”) et l’espoir (“spero
che la terra be mine”) face à l’avenir.
Dans d’autres textes, la présence de langues autres que le français fait sur-
gir le paysage sonore de l’enfance, bercée par les chansons, les comptines et les
jeux. Ainsi, dans la nouvelle “Refuges” faisant partie du recueil de nouvelles Le
Silence comme le sang (1997), et dans le roman La Dot de Sara (1995) de l’écri-
vaine Marie-Célie Agnant, la langue créole véhicule un univers de sensations et
d’émotions associées au plaisir de l’enfance dans le contexte familial en Haïti.
Des mots en français et en créole s’entrelacent dans les chansons. Ils désignent
aussi des mets qui sont des fruits de la terre caraïbe et d’autres qui ont été im-
portés d’autres cultures:
[G]rand-mère [. . .] nous gratifiait d’un conte. Le roi avait cinq filles
et les prétendants devaient deviner leurs noms. Grand-mère chantait:
Cinq sœurs ho
Cinq sœurs ho
Almatala un
Almatakofi deux
Il est à moi trois
Bonbon béni quatre
SeSe lè Roi cinq.
[. . .]
[I]l faisait bon vivre à la maison où l’on organisait quelquefois des
fêtes. [. . .] Je m’empiffrais de ces petits sandwichs merveilleux que l’on
appelait bouchées [. . .]. La vie, en ce temps-là, avait la saveur et le ve-
louté d’une crème au corossol. (14–19)
Dany Laferrière évoque également l’intensité des sensations liées à la langue
créole de son enfance:
Avant d’aller à l’école, à Petit-Goâve où j’ai passé mon enfance avec ma
grand-mère, j’ai surtout parlé créole. Ma grand-mère [. . .] m’a nourri
d’histoires, de contes et de proverbes créoles [. . .]. En créole, il y a des
mots que j’aime entendre, des mots que j’aime dire, des mots qui me
72 nouvelles études francophones 27.1

sont bons dans la bouche. Des mots de plaisir, liés surtout aux fruits,
aux variétés de poissons, aux désirs secrets [. . .], aux jeux interdits.
Et aussi des mots solaires qu’on peut dire à haute voix. (Je suis fatigué
89–90)
Contrairement à cette mémoire de l’enfance véhiculée par la langue créole,
porteuse de plaisir, dans La Québécoite de Régine Robin, le yiddish, dont les ca-
ractères hébraïques sont visibles dans le texte, évoque les pogroms et la mort, la
Shoah:
Dans le fond, tu as toujours habité un langage et aucun autre ailleurs—
ces petites taches noires sur le papier que l’on lit de droite à gauche. Ces
lettres finement dessinées. [. . .] Tu as toujours habité un langage, une
phonie qui tantôt sonne germanique, tantôt tinte hébraïque, tantôt
slave aussi. [. . .] Un langage sang, mort, blessure, un langage pogrom et
peur. Un langage mémoire. [. . .] Il n’y a pas de métaphore pour signi-
fier Auschwitz [. . .] Rien qui puisse dire l’horreur et l’impossibilité de
vivre après. (139–41)
Dans ces trois textes, où s’exprime l’identité narrative constitutive de l’ipséi-
té, le sujet apparaît comme lecteur et comme scripteur de sa vie. Dans les textes
d’Agnant et de Laferrière, la langue créole, qui véhicule un patrimoine culturel
constitué de proverbes, de chansons et de contes qui ont bercé leur enfance, en-
gendre plaisir et liberté, et continue à faire naître des sensations puissantes qui
consolident leur identité.
Mais dans le texte de Robin, le sujet “a habité” un seul langage, et ce lan-
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gage apparaît comme une prison qui l’isole et l’enferme. Ce langage impose une
mémoire mortifère et nie l’avenir. Indissociable de la blessure et de la mort, il
s’avère infécond, incapable de produire des métaphores face à un toponyme
“Auschwitz,” dont le référent inflige sa violence. Face au récit de l’enfance de la
vie chez Agnant et Laferrière, ouvert au futur, l’inscription d’une mémoire trau-
matique dans le texte de Robin introduit la problématique postcoloniale de “l’in-
confort” ou “l’inconfortable” (Bhabha, Les Lieux de la culture 41–49). L’évocation
du yiddish, langue de fusion entre l’hébreu et des langues romanes, germaniques
et slaves, encadre sa voix dissonante qui glisse entre les interstices d’une culture,
nous transmet la différence et nous fait prendre conscience de l’hybridité.

le discours de l’ altérité
Un type différent d’hybridité linguistique est représenté par des pièces de Mi-
cone telles que Gens du silence (1984), où des éléments linguistiques traduisent la
construction d’un discours de l’altérité et des lectures engendrées par le regard
interculturel entre des immigrants italo-québécois et les Canadiens français ou
Québécois de la période précédant la Révolution tranquille.
Barreiro: Hybridité linguistique et culturelle 73

Les personnages de Gens du silence évoluent dans le Québec des décennies


1950, 1960 et 1980. On peut y observer la difficile lecture de l’altérité chez des
immigrants italiens de la première génération provenant du milieu rural, qui
surévaluent la culture anglophone de leurs “boss” (16) et méprisent les “Canade-
si Francesi” (24). Et on y voit aussi la façon dont ils sont perçus par certains,
comme “mafiosi” ou “spaghetti” (51). Ces mots relèvent d’un discours raciste,
dans lequel le stéréotype constitue une de ses stratégies discursives majeures, et
qui se caractérise par son lien avec le concept de “fixité” (Bhabha, Les Lieux de la
culture 121). La fixité, en tant que signe de la différence culturelle, historique ou
raciale dans le discours raciste ou colonialiste, constitue un mode de représen-
tation qui connote la rigidité et l’idée d’un ordre immuable en même temps que
le désordre et la dégénérescence. Dans la représentation des immigrants comme
“mafiosi” et “spaghetti,” la différence est soulignée, voire exacerbée, à l’aide de
l’hyperbole et de la métonymie.

les proverbes
Dans d’autres œuvres, des proverbes appartenant à des langues diverses consti-
tuent la trame du tissu narratif et discursif. Ainsi, dans Le Bonheur a la queue
glissante de Farhoud, le personnage de Dounia, femme immigrante d’origine li-
banaise, illettrée, exclue de l’univers de l’écriture par son père et marginalisée de
l’univers de la parole par son mari, se sent inintelligente et ignorante. Elle puise
ses énoncés dans une culture orale profonde et riche en sagesse. Elle répond à ses
enfants ou murmure des proverbes, dont celui qui constitue le titre du roman:
“Le bonheur a la queue glissante” (47). Ces proverbes tels que “Une main vide
est une main sale” (23), “Le chien se dresse, l’humain s’habitue” (72), ou “Si ton
ami est de miel, ne le lèche pas complètement” (76), qui proviennent surtout du
sud du Liban, sont rassemblés à la fin du roman, sous forme de “Lexique” (169–
75), en versions française et arabe.
Une expression imagée, Pays sans chapeau, qui évoque l’au-delà en Haïti, a
été choisie par Dany Laferrière comme titre d’un de ses romans. Des proverbes
haïtiens, écrits en français et en créole, tels que “Avant de grimper à un arbre,
assure-toi de pouvoir en descendre” (35), y ont comme fonction de structurer le
texte: ils sont mis en exergue à tous les chapitres du livre. L’auteur met en relief
ce choix dans le paratexte du roman en insistant sur les valeurs positives de sa
culture que ces éléments linguistiques révèlent:
Les proverbes haïtiens qui sont mis en exergue à tous les chapitres de ce
livre sont transcrits en créole plutôt étymologique que phonétique et
traduits littéralement. De cette manière, leur sens restera toujours un
peu secret. Et cela nous permettra d’apprécier non seulement la sagesse
populaire, mais aussi la fertile créativité langagière haïtienne. (8)
74 nouvelles études francophones 27.1

Les postures de Laferrière et de Farhoud par rapport aux proverbes


s’avèrent différentes dans ces textes. Si Laferrière tient à mettre en relief la “sa-
gesse populaire” et “la fertile créativité langagière” de la société haïtienne, Fa-
rhoud introduit une dimension critique dans son approche des proverbes liba-
nais. Le personnage de Dounia, lorsqu’elle fait le bilan de sa vie, marquée par la
soumission à son père et ensuite à son mari, commence à remettre en question
la culture traditionnelle de son milieu d’origine. Et elle s’attaque à certains pro-
verbes et les déconstruit. Ainsi, elle adresse une critique très sévère au patriarcat
dans sa lecture du proverbe “Laisse ton mal dans ton cœur et souffre en silence;
le mal dévoilé n’est que scandale et déshonneur” (149–50), critique qui atteint
toute la base axiologique de sa société: “Toutes les femmes étaient pétries de ces
mots et les murmuraient en silence. J’étais l’une d’elles et je le suis encore! [. . .]
L’honneur et la dignité, dont j’avais tellement entendu parler depuis mon en-
fance, n’étaient-ils que des mots vides ou des paroles d’hommes faites pour les
hommes?” (150).

Hybridité culturelle
La littérature migrante est essentiellement une littérature urbaine. La ville, dont
la métropole cosmopolite, y orchestre des rencontres: rencontres de peuples, de
cultures, de langues. Les personnages de la plupart des textes migrants québécois
évoluent dans l’espace montréalais, qui est souvent la fin de leur parcours d’im-
migration, l’aboutissement de leur chemin.
Nous repérons deux types de discours qui sont très proches. Le discours de
l’“itinérance identitaire” (Ouellet 49) où le mouvement propre à la marche trace
un semblant de chemin dans l’étendue et dans la durée. Ce chemin peut être décrit,
d’après Ouellet, par cinq caractéristiques: “la linéarité (le chemin est une ligne),
la continuité (cette ligne est idéalement ininterrompue), la vectorialité ou la di-
rectionnalité (cette ligne a un ou deux sens, une source et un but) et, enfin, la pro-
cessivité (elle est le lieu d’un passage, d’un mouvement, d’un “déroulement” . . .)”
(49). Robin propose le mot-valise “enracinerrance”; elle souligne “le passage de
l’identité assignée à celle de la traversée,” “les écritures de l’entre-deux, [. . .] de
l’interstice ou, selon la belle expression de Jean-Claude Charles,7 de l’enracin-
errance” (Cybermigrances 74).
Nous trouvons ces discours de l’“itinérance identitaire” et de l’“enraci-
nerrance” dans les œuvres d’Agnant et d’Ollivier, parmi d’autres. La route, le

7. Le mot-valise “enracinerrance” a été créé par l’écrivain Jean-Claude Charles, né en Haïti et


vivant entre New York et Paris. Il l’a utilisé pour la première fois dans son essai Le Corps noir, en
1980. Chez lui, le concept d’“enracinerrance” dit à la fois la mémoire des origines et les réalités
nouvelles de la migration, l’enracinement dans l’errance.
Barreiro: Hybridité linguistique et culturelle 75

chemin, les pas conduisent à une rencontre avec la terre de la société d’accueil,
de Montréal, du Québec. Ainsi, dans un poème sans titre faisant partie de l’an-
thologie Montréal vu par ses poètes, Agnant évoque “des villes oiseaux / celles
que mes pieds choisissent avant de les offrir à mon cœur” (Benjamin et Saint-
Éloi 12), et, après avoir exprimé la nostalgie des sensations liées à des villes haï-
tiennes, elle conclut “Me manque tout cela / mais aujourd’hui, c’est là / simple-
ment / que je veux reposer mes pieds” (13). Dans son roman La Dot de Sara, le
personnage de Marianna, grand-mère haïtienne arrivée à Montréal pour s’occu-
per de sa petite fille Sara, exprime le “déracinement” qu’elle vit et subit par des
expressions telles que: “Qu’est-ce que je fais, je me disais, à marcher sur ces trot-
toirs qui ne reconnaissent pas les hésitations de mes pas?” (81). Sa fille, Giselle,
qui tient à rester à Montréal, affirme: “Notre pays devrait être la terre où l’on se
sent le mieux. La terre qui reconnaît le bruit de nos pas” (165).
Dans son essai Repérages, Ollivier vise à “faire le point sur l’exil, le déracine-
ment, l’errance et l’enracinement” (9). Il analyse la façon dont son “propre trajet
de migrant” (21) l’a transformé et comment il a découvert que “l’identité est fra-
gile et [. . .] qu’elle est une dynamique ouverte, permanente et jamais achevée”
(22–23). Les images concernant les pieds et les pas y sont aussi présentes pour
traduire la tension entre l’errance et l’ancrage: “les pieds constamment poudrés
de la poussière de l’errance” (11), “[je] me retourne pour regarder par-dessus
mon épaule la trace de mes pas et jauger le chemin parcouru sur ce sol où j’ai été
transplanté malgré moi” (24–25).
Dans ces trois textes d’Agnant et d’Ollivier, nous remarquons, parallèlement
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à l’importance du topos de la ville, central dans l’écriture postcoloniale, des dif-


férences dans leur approche de la construction d’un moi pluriel, issu d’une né-
gociation permanente entre l’espace d’origine et l’espace d’arrivée, et dans leurs
discours de l’“itinérance identitaire” et de l’“enracinerrance.” À la communica-
tion physique, l’écoute et la reconnaissance, entre les pas et le sol, évoquées par
Agnant, s’ajoute la greffe et la “trace” chez Ollivier. Si Agnant se focalise sur le
mouvement et l’échange, Ollivier, dans son analyse de ses “Repérages,” regarde
“le chemin parcouru” dans l’espace d’accueil. Mais les deux auteurs traduisent
l’instabilité, la tension (cf. “malgré moi”), en quelque sorte, leur “identité incer-
taine” (Ollivier, Repérages 69).

mort et résurrection, naissance ou renaissance


Un autre discours qui apparaît dans les écritures migrantes est un discours de
ce qu’Ollivier appelle “mort et résurrection” (Repérages 34): un “exil transfiguré”
(Linhartova cité par Ollivier, Repérages 35), conçu comme une prise en charge
totale de son destin, une mort, mais aussi une résurrection. Une variante en est
le discours de la naissance ou de la renaissance, particulièrement associé à l’ima-
76 nouvelles études francophones 27.1

ginaire de la ville de Montréal, ville qui, d’après Robin, “est une de ces métro-
poles où se lit déjà en clair l’avenir de toutes les métropoles. L’hybridité comme
nouvelle identité, comme seule forme de mémoire collective” (L’Immense Fa-
tigue des pierres 41). Joël Des Rosiers, qui, dans Métropolis Opéra (1987), avait
montré la ville comme un lieu de diasporas et mise en scène d’une culture post-
nationale, écrit: “Le véritable lieu de naissance est celui où l’on a porté, pour la
première fois, un regard d’étranger sur soi-même” (Théories Caraïbes 75).
La problématique de la renaissance est présente également dans Les Lettres
chinoises (1993), de Ying Chen, roman épistolaire mettant en scène le parcours
migratoire de Yuan, qui écrit de Montréal à sa fiancée Sassa—qui est restée à
Shanghai. Yuan dit à Sassa qu’il se sent comme un “nouveau-né”: “Y a-t-il pour
nous, les mortels, rien de plus intéressant que de renaître?” (18). Le personnage
de Yuan réfléchit sur la “métamorphose” (164) qu’il éprouve dans l’espace urbain
montréalais et à l’intérieur de l’univers axiologique de la société québécoise. Sa
réflexion porte sur le réapprentissage à faire, sur l’apprivoisement de l’espace,
et il essaie d’approfondir le nouveau contenu sémantique du mot “liberté” (45).
Dans Ru de Kim Thúy, la narratrice évoque l’expérience de son accultura-
tion au Québec comme une “transplantation” (19), et la ville de Granby y appa-
raît comme “le ventre chaud qui nous a couvés durant notre première année au
Canada” (31). Dans À toi (2011), sorte de “conversation” ou échange épistolaire
entre les écrivains Kim Thúy et Pascal Janovjak, où convergent le récit et l’es-
sai, Kim Thúy expose sa recherche de “l’anonymat” (31), son rêve d’“être mul-
tiple donc inidentifiable” (28), et dit qu’elle avait cru qu’en donnant des noms de
villes québécoises à ses enfants, elle pourrait “brouille[r] les cartes” (28) et faire
que “plus personne ne p[uisse] identifier leur lieu originel” (28).

naim kattan: montréal, une “ville de naissance ”


C’est surtout l’écrivain Naïm Kattan qui a développé le discours de la naissance
ou renaissance associée à la ville de Montréal. Dans son essai Les Villes de nais-
sance (2000), il décrit comment il a décidé de “choisir [s]on lieu de naissance”
(71): “dès mon arrivée, j’avais décidé de faire mienne cette ville, d’y fixer mon
lieu, mon foyer, et la voilà qui, sous ma plume, ressemblait à une cité des Mille
et une Nuits, version occidentale et, plus précisément, américaine” (72). Si Mon-
tréal y est perçue et vécue comme sa ville, d’autres villes s’emboîtent, les unes
dans les autres, à la façon des poupées gigognes: “ville devenue toutes les autres,
comprenant toutes les autres [. . .] elle intègre cette multiplicité” (112). Devenu
“archéologue de [sa] mémoire” (95), l’auteur intègre dans Montréal sa ville na-
tale, Bagdad, qu’il a racontée dans plusieurs récits, particulièrement dans Adieu
Babylone (1975), et Paris, qu’il perçoit comme “ville de seconde naissance” (71).
Le discours de la (re)naissance entraîne celui de la métamorphose du sujet
Barreiro: Hybridité linguistique et culturelle 77

en harmonie avec la métamorphose de la ville. Dans le texte “Cinquante ans,”


paru dans la revue Cités (2005), à l’intérieur d’un numéro intitulé “Le Québec,
une autre Amérique. Dynamismes d’une identité,” Kattan témoigne de la double
métamorphose, celle de la ville de Montréal, qui vit l’aménagement d’un nou-
veau centre-ville et de profondes transformations du tissu résidentiel à partir
des années 1950, et celle qui le concerne personnellement, en tant qu’immigré
dans cette ville:
Cinquante ans. Ce n’est plus la même ville. En me promenant sur la rue
Sherbrooke ou le boulevard René-Lévesque (autrefois Dorchester), j’ai
le sentiment de revoir des vestiges de petites maisons bordées d’arbres,
un rappel, comme dans un ancien film. J’ai assisté à la démolition de
ces maisons, des rues entières, et, année après année, j’ai regardé les
gratte-ciel s’élever, couper l’espace, occuper l’horizon. [. . .] Si je reviens
si loin en arrière, c’est pour mesurer l’ampleur de la transformation de
la ville. [. . .] Je l’ai vue disparaître et renaître. Témoin du passage, je
nais de sa naissance perpétuelle, ville qui contient toutes celles où j’ai
vécu. (225–28)
Dans ce texte, l’écrivain non seulement se perçoit comme un témoin de la
transformation du tissu urbain de Montréal, mais il souligne comment son iti-
néraire personnel et celui de la ville sont parallèles et convergent vers l’avenir. En
exposant l’évolution de son identité, il exprime son identification avec la ville.

discours de la convergence et de la divergence,


du rapprochement et de l’éloignement
Contrairement à Kattan, dans l’œuvre de Robin, la convergence entre les per-
sonnages immigrants et la ville de Montréal n’est que partielle. La perception de
l’espace montréalais déclenche parfois un discours du rapprochement, en tant
que “lieu inabouti”: “Oui, on serait bien à Montréal parce qu’on aurait enfin
compris que ce lieu inabouti est riche de tous ses manques et de son aspect ur-
bain broc-breloque; inabouti dans son cosmopolitisme du pauvre, dans ses dé-
bris de rêves, dans ses fragments d’oublis, dans ses parkings de vies disloquées”
(L’Immense Fatigue 41).
Mais des éléments de ce même paysage urbain associés à la mémoire et à
l’Histoire peuvent déclencher chez ses personnages migrants un sentiment de
rejet capable de détruire la sensation de partager des valeurs avec les membres
de la société d’accueil, capable de faire échouer la gestation d’un “nous” inclu-
sif. Ainsi, la narratrice de La Québécoite ressent un sentiment d’“étrangeté” en
lisant, dans l’environnement graphique de Montréal, “les noms des stations de
métro”: “De l’Église, La Salle, Charlevoix, Lionel-Groulx, Atwater, Guy, Peel, Mc-
78 nouvelles études francophones 27.1

Gill, Place des Arts, Saint-Laurent, Joliette, Pie IX, Viau, L’Assomption . . . ” (53).
Et ce sentiment entraîne une réflexion sur l’impossibilité de devenir québécois:
Quelle angoisse certains après-midi—Québécité—québécitude—je suis
autre. Je n’appartiens pas à ce Nous si fréquemment utilisé ici—Nous
autres—Vous autres. Faut se parler. On est bien chez nous—une autre
Histoire—L’incontournable étrangeté. Mes aïeux ne sont pas venus du
Poitou ou de la Saintonge ni même de Paris, il y a bien longtemps. [. . .]
—Mes aïeux n’ont pas de racines paysannes. Je n’ai pas d’ancêtres cou-
reurs de bois affrontant le danger de lointains portages. Je ne sais pas
très bien marcher en raquettes, je ne connais pas la recette du ragoût de
pattes ni de la cipaille. Je n’ai jamais été catholique. Je ne m’appelle ni
Tremblay ni Gagnon. Même ma langue respire l’air d’un autre pays [. . .].
Par-dessus tout, je n’aime pas Lionel Groulx, je n’aime pas Duplessis, je
n’aime pas Henri Bourassa, je ne vibre pas devant la mise à mort du père
Brébeuf, je n’ai jamais dit le chapelet en famille à 7 heures du soir. [. . .]
Je ne suis pas d’ici. On ne devient pas québécois. (53–54)
Cette revendication d’une altérité en ayant recours à des formes négatives
qui soulignent la non-identification avec des éléments historiques et culturels
de la société québécoise, s’allie à l’utilisation de formes courtes, à un discours
éclaté, qui caractérise le style de Robin de même que le collage, le recours à un
narratif fragmenté et le refus d’ordre chronologique ou logique annoncé dès
l’incipit du roman. Le recours à des formes courtes vise à “témoigner de l’impos-
sibilité de faire lien” (Cybermigrances 53) et à “fictionnaliser l’inquiétante étran-
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geté que crée le choc culturel” (La Québécoite 207). La progression de ce texte
traduit le malaise, la dissonance par rapport à des traits qui font partie de l’iden-
tité de la société québécoise, de ses racines. Ainsi, la langue—“Nous autres” (La
Québécoite 54)—la gastronomie, le rapport à la nature, l’histoire, associée à la
colonisation française, à la société de la Nouvelle-France, et à la religion catho-
lique. Le discours de la narratrice souligne, d’une manière itérative, le sentiment
d’être étrangère à ces éléments constitutifs de la naissance du Québec, perçus
comme étranges. Et sa conclusion, la clôture de ce discours, est une affirmation
laconique concernant l’impossibilité de devenir québécois, qui ne souffre ni dis-
cussion ni objection.
Si, dans le texte de Kattan paru dans la revue Cités, le sujet adhérait à une
identité montréalaise marquée par la modernité, à partir des années 1950–1960,
et se projetait vers le futur en harmonie avec l’évolution de la ville, dans ce texte
de Robin, le sujet se focalise sur des aspects caractérisant un Québec bien anté-
rieur à celui de la Révolution tranquille, dont le Québec postmoderne s’est af-
franchi, et y oppose un discours de la différence.
Barreiro: Hybridité linguistique et culturelle 79

Les écrivains migrants, des bâtisseurs d’hybridité,


des “écrivains de frontières”
Les écrivains migrants au Québec apparaissent comme des “passeur[s],” des
“ouvreur[s] de mots,” dira Ollivier (“Et me voilà” 172) qui ajoute: “Et cela n’est
pas rien, car aujourd’hui, on sait que sans étrangers, sans immigrés, sans traduc-
tions, toute langue nationale se fige, se nombrilise et entre en léthargie” (172).
Ils nous transmettent aussi leur réflexion sur la langue, leur “surconscience
linguistique” (Gauvin, L’Écrivain francophone 6–15), “conscience de la langue
comme lieu de réflexion privilégié, comme territoire imaginaire à la fois ouvert
et contraint” (Gauvin, La Fabrique de la langue 256). Ainsi, Micone écrit dans
le paratexte de son recueil Le Figuier enchanté (1992): “Aussi longtemps que les
mots de mon enfance évoqueront un monde que les mots d’ici ne pourront sai-
sir, je resterai un immigré” (9).
L’hybridité linguistique que ces écrivains exposent dans leurs œuvres et qui
présente des variantes de ce que Moura appelle “hétérolinguisme”8 (86), éta-
blit un dialogue avec la diglossie ou superposition conflictuelle de deux langues
français/anglais, propre au Québec, dans des textes de Micone ou D’Alfonso, et
met en scène l’oralité de la langue créole dans des textes d’Agnant ou de Lafer-
rière. Certains écrivains tels que Farhoud mènent un travail sur la langue en
ayant recours au paratexte, sous forme de lexique, afin de pallier l’étrangeté des
proverbes venus d’ailleurs.
Ces écrivains sont aussi des passeurs de mémoires, les mémoires de la “mi-
grance,”9 de l’esclavage (Ollivier et Agnant), de la répression (Agnant et Kim
Thúy), de la guerre (Farhoud et Wajdi Mouawad). Ainsi, Agnant fait un tra-
vail de mémoire de la répression et de l’esclavage en Haïti et, dans le roman
Le Livre d’Emma, elle donne la parole à des femmes “guerrières,” à des femmes
marronnes, à des femmes “poto-mitan.”10 Les mémoires s’enchâssent, se trans-
mettent, se fusionnent. C’est ce que Lucie Lequin appelle “la multivoix de la mé-
moire,” qui se manifeste comme “un genre de palimpseste verbal où une voix se
superpose à une autre voix plus ancienne, mais non seulement y a-t-il superpo-
sition, il y a aussi plusieurs voix de façon simultanée” (Lequin 23).
Dans le cadre de l’étude de la poétique postcoloniale, qui se penche sur la
situation d’énonciation que s’assigne l’œuvre elle-même et dont l’ensemble des

8. Moura emprunte ce terme à Rainier Grutman, qui le définit: “La présence dans un texte
d’idiomes étrangers, sous quelque forme que ce soit, aussi bien que des variétés (sociales, régio-
nales ou chronologiques) de la langue principale” (Grutman 37).
9. “J’ai forgé le mot migrance pour indiquer que la migration est une douleur, une souffrance (la
perte des racines, d’une certaine “naturalité”) et, en même temps, une posture de distance, un
lieu de vigilance” (Ollivier, “Et me voilà” 171).
10. En créole, pilier central.
80 nouvelles études francophones 27.1

signes déchiffrables constitue ce que Dominique Maingueneau appelle “la scé-


nographie” (29), la mémoire donne à l’énonciateur un statut particulier, en tant
qu’individu et comme symbole d’une culture. Dans Le Livre d’Emma, la mémoire
que transmet le personnage d’Emma, dans l’espace transhistorique et transcultu-
rel d’un hôpital psychiatrique, est la mémoire de la traite des noirs et des infan-
ticides que certaines femmes esclaves ont commis pour libérer leurs enfants de
l’esclavage. L’énonciation de cette mémoire pose des questions éthiques et fait in-
tervenir une posture politique. Des voix dissonantes et dissidentes qui traduisent
“l’inconfortable,” comme celles qui s’expriment dans l’œuvre d’Agnant ou de
Robin, relient le traumatisme d’une histoire personnelle à la tragédie d’une com-
munauté—comme le génocide, ethnocide—et revendiquent l’expression d’une
mémoire blessée et le droit à la vérité dans le récit de l’Histoire.
La dissonance fait ainsi partie de l’énonciation propre aux écritures mi-
grantes et est constitutive de leur hybridité. Cette dissonance est soulignée
par Robin, qui, évoquant Jacques Derrida, propose une identité marrane de la
destinerrance:
[L]’écrivain serait “marrane” dans la dissonance, la non-coïncidence à
ce qu’on attend de lui. Il ne serait plus l’écrivain de l’exil ni de l’errance,
mais de la destinerrance. [. . .] Les écrivains de la migration au Québec
ou ailleurs, écrivains dont je suis, seraient alors les nouveaux nomades
de notre monde fragmenté et éclaté, avec un imaginaire de la multipli-
cité. (Cybermigrances 54–55)
Au nomadisme, à l’instabilité, Des Rosiers ajoute le concept de “mutant
culturel,” dans son essai Théories caraïbes. Poétique du déracinement: “Nous
sommes des mutants culturels” (XIII). Sa perception est partagée par Ollivier:
Nous sommes donc en face d’une nouvelle sensibilité, d’un nouveau
mode d’être traduisant une expérience inédite, particulièrement origi-
nale, de l’être humain. Sommes-nous des mutants? Je le crois ferme-
ment. [. . .] Apprends à vivre dans les zones franches des marges, des
bordures, car cette figure est en passe de devenir emblématique de la
condition humaine et de la modernité. (Repérages 38–39)
Les écritures migrantes se présentent ainsi comme des écritures hybrides
sur les plans linguistique et culturel, traduisant la métamorphose, l’éclatement
de l’identité, une “identité incertaine” associée à une écriture de frontières. Olli-
vier adopte cette dénomination d’“écrivain de frontières”: “Je préfère [. . .] par-
ler d’écrivain de frontières, en ce sens que ces écrivains, du fait d’être des mi-
grants, ont perdu petit à petit leurs certitudes face à la “pureté ethnique” pour
acquérir une “identité incertaine” forgée à partir de leur expérience migratoire”
(Repérages 69).
Barreiro: Hybridité linguistique et culturelle 81

Au Québec, ces frontières qu’évoque Ollivier s’avèrent poreuses et res-


semblent à des ponts qui rassemblent. Les frontières y deviennent ce que Bhabha
considère propre à la condition postmoderne, à savoir “l’endroit à partir duquel
quelque chose commence à être” (Les Lieux de la culture 35). Les théories postco-
loniales et la focalisation sur l’hybridité nous permettent de discerner certaines
raisons qui détermineraient que la place, l’espace et la qualité de la réception cri-
tique de la littérature migrante au Québec ne trouvent pas d’équivalent en Eu-
rope. La conscience—ou “surconscience” (Gauvin)—linguistique, la conscience
culturelle, l’hybridité des genres littéraires, l’alliage création-théorie-politique
dans des domaines aussi importants que l’écriture au féminin constituent des
éléments présents, voire fonciers dans la littérature québécoise contemporaine.
Et l’expérience de l’hybridité est particulièrement intense à Montréal, étant don-
né que son histoire est celle d’une ville clivée et que les quartiers ethniques sont
devenus multiethniques.
Ces thèmes et topoïs sont des objets de création et de réflexion dans l’œuvre
des écrivains migrants, comme nous avons montré dans notre analyse. Cette
coexistence et interaction de la création et de la réflexion dans la littérature mi-
grante québécoise, qui constitue une des manifestations de l’hybridité, la rend
apte à participer aux transformations de la société, à titre de discours structurant.
Elle acquiert ainsi une dimension “performative” (Brosseau et Cambron 544).

Ouvrages cités
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84 nouvelles études francophones 27.1

carmen mata barreiro, titulaire d’un doctorat en Philologie Française de


l’Université Complutense de Madrid, est Professeure Titulaire à l’Universidad
Autónoma de Madrid et a été Professeure Invitée à l’Université de Montréal
(1999–2000, 2000–2001 et 2001–2002). Ses recherches portent sur la littérature
et la civilisation françaises et francophones (et particulièrement sur la culture et
la littérature francophones du Canada) et sur la civilisation espagnole: identité
et altérité dans le récit de voyage et la littérature migrante, imaginaire urbain et
immigration, le travail de mémoire chez les écrivains francophones (mémoire
et guerres, mémoire et Shoah, mémoire et esclavage, mémoire et immigra-
tion), l’écriture au féminin (cf. Nicole Brossard, Louise Dupré, écrivaines mi-
grantes en France, Belgique et au Québec), et littérature de l’exil et littérature
migrante en Espagne. Elle a publié des livres en Belgique et en France, et est au-
teure de nombreux articles. Elle a participé, au Québec, aux ouvrages collectifs
Ville imaginaire/Ville identitaire: Échos de Québec (1999), Les identités urbaines:
Échos de Montréal (2003), Le français, langue de la diversité québécoise. Une ré-
flexion pluridisciplinaire (2006), Du tricoté serré au métissé serré? La culture pu-
blique commune au Québec en débats (2008), Culture québécoise et valeurs uni-
verselles (2010), ainsi qu’aux tomes 7 et 8 du Dictionnaire des œuvres littéraires
du Québec (1981–1985) et (1986–1990) (2003, 2011). Elle prépare un livre sur les
Espagnes imaginaires du Québec, qui paraîtra aux Presses de l’Université Laval,
et a coordonné un numéro de Globe. Revue Internationale d’Études Québécoises
sur “Étranger et territorialité,” vol. 10.1 (2007).

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