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Kinhin, la méditation marchée
© Isshô Fujita – Meditation Pathways
Isshô Fujita est né le 18 avril 1954 dans la ville de Niihama, dans la
préfecture d’Ehima au Japon. Touché par la pratique de la méditation
dans la tradition de Kôdô Sawaki rôshi et de Kôshô Uchiyama rôshi, il
arrêta ses études universitaires pour entrer au temple d’Antaiji où il fut
ordonné comme bonze zen à l’âge de 29 ans. Il est aujourd’hui installé aux
États-Unis où il dirige le Valley Zendo à Charlemont dans le
Massachusetts. C’est là qu’il habite avec son épouse, Naomi, et leurs deux
filles prénommées Saki et Masumi. Dans ce texte descriptif, Isshô Fujita
explique quelques-uns des aspects du kinhin, la méditation marchée.
Traduit de l’anglais et reproduit avec l’aimable autorisation de Meditation
Pathways.
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Document numérique du 1er décembre 2007
Isshô Fujita
Kinhin, la méditation marchée
Dans la tradition sôtô, on fait kinhin entre les moments d’assise
comme l’a enseigné Dôgen et comme lui-même l’avait appris de son
maître chinois, Nyojô. Le Hôkyôki mentionne que “souvent, Nyojô
allait et venait entre les parties orientale et occidentale de la salle
nommée Daikômyôzô pour l’expliquer à Dôgen.” On pratique
toujours kinhin comme une continuation de la méditation assise.
C’est une façon de vivifier l’esprit et le corps sans interrompre le
calme de la méditation assise. On s’assoit cinquante minutes puis on
fait kinhin une dizaine de minutes. On s’assoit, on marche, on
s’assoit. Ceux qui le pratiquent pensent que le Bouddha marchait de
cette manière. Dans certaines Écritures, il est mentionné que le
Bouddha marchait lentement, l’esprit recueilli, dans les bois après
s’être assis. Ce qu’on cultive dans l’assise, on l’applique dans la
marche, par le mouvement. La méditation assise se continue mais
sous une autre forme. Parfois, on parle du zazen en marche. On peut
également l’appliquer à des pratiques plus complexes comme la
cuisine, le balayage ou le nettoyage. Quoi qu’on fasse, on le fait avec
l’esprit du zazen. “Juste” (shikan) est un mot essentiel, comme dans
shikantaza, “juste s’asseoir”, kinhin n’est que “juste marcher”. Unifié
dans l’action, on marche juste pour le fait de marcher, sans se
préoccuper d’un objet en particulier. La marche inclut beaucoup
d’éléments comme la sensation des pieds sur le sol ou l’orientation
dans l’espace – la conscience posturale. On ne peut toujours rester
assis. C’est un sas entre la tranquillité de l’assise, et le mouvement
habituel qui permet de faire émerger la méditation dans la vie
quotidienne. Kinhin est entre la marche et la station debout. On
marche lentement, très lentement, au rythme de la respiration – de
l’inspiration et de l’expiration. On écoute la respiration et on se meut
à son rythme en respirant naturellement.
Nyojô enseigna avec compassion : “Quand vous vous levez pour
marcher, vous devez pratiquer la méthode d’une respiration par
demi-pas. On entend par là que lorsque vous déplacez votre
pied, celui-ci ne dépasse pas la moitié d’un demi-pas, le temps
d’une respiration.” (Hôkyôki)
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Nyojô dit : “Lorsque vous vous levez pour marcher, ne marchez
pas en rond mais en ligne droite. Lorsque vous voulez tourner
après vingt ou trente pas, tournez par la droite et non par la
gauche. Et quand vous bougez les pieds, déplacez d’abord le
pied droit, puis le pied gauche.” (Hôkyôki)
La position des mains a la même importance que dans l’assise. On
doit rester attentif de telle façon que l’on puisse maintenir cette
posture. La main gauche est refermée en un poing souple avec la
main droite qui la recouvre. Dans l’assise, la main gauche repose sur
la droite, mais en se relevant on les retourne en les appuyant
doucement contre la poitrine. Certains laissent un petit espace, mais
les mains doivent rester près du corps. Il n’est pas nécessaire de
modifier la relation entre la main droite et la main gauche. Comme
dans l’assise, les pouces se pressent très doucement. La position des
yeux est identique à celle de la méditation assise, les yeux sont à
moitié ouverts, le regard baissé devant soi, à quarante-cinq degrés.
Une posture droite est essentielle dans l’assise comme dans la
marche. Les yeux sont dans le même plan que les épaules, et le nez
dans le même plan que le nombril. C’est la partie inférieure du corps
qui avance lentement.
Comme dans l’assise, il n’y a pas d’obstacle à la marche. On se lance
et l’on n’est lié ni par le corps ni par un quelconque ordre du jour.
On marche avec l’espace, le sol, la pièce et le monde entier. En
marchant, on découvre cela naturellement. Ce n’est pas le résultat
d’un effort mais un produit naturel du juste-marcher. Ce n’est donc
pas quelque chose qu’on essaye de faire ou de fabriquer, c’est un don
du dharma. Pour que cela fasse sens, il faut que ce soit un don
venant de la pratique et non l’essai d’une fabrication. Pour Dôgen,
lorsque quelqu’un s’assoit, tout le monde s’assoit, lorsqu’un
quelqu’un fait kinhin, tout le monde fait kinhin.
En se levant du coussin, on s’incline deux fois, on tourne par la
droite et on se retrouve l’épaule droite dirigée vers le centre de la
pièce, à la perpendiculaire de la position qu’on avait face au mur. On
prend la position des mains, on respire deux fois puis on commence
une respiration, avec un pied, car la respiration est lente. Si l’on est
tranquille debout, la respiration est relâchée et lente. On respire et
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l’on bouge comme si l’air emplissait la plante des pieds. Le corps est
vide comme le bambou. On marche lentement avec grâce et dignité.
On lève le pied légèrement, on pose le talon en premier puis on
appuie jusqu’aux orteils au fur et au mesure que l’on expire. Le pied
appuie graduellement sur le sol pour s’ancrer fermement dans le sol.
Pendant un bref instant, on reste tranquillement sans bouger car
l’expiration se poursuit un moment. Au début de l’inspiration, on
bouge l’autre pied. Au son de la cloche on ramène les deux pieds l’un
à côté de l’autre et on s’incline. On revient à son coussin, on s’incline
deux fois et on s’assoit. Ce qu’on appelle le gasshô.
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