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Texte 1/5 : Belle, innocente et rêveuse, Maïmouna Tall, jeune fille villageoise, part
découvrir les merveilles de la grande ville à l’appel de sa sœur aînée Rihanna et du mari de
celle-ci, Bounama.
Alors que tout semblait la disposer à un mariage arrangé mais confortable avec un
riche homme d’affaire de la cité dakaroise, Maïmouna fait une rencontre inattendue.
Et le cinéma devint pour elle une distraction passionnée.
Ce soir-là, en sortant de Rilato1, elles furent obligées de se garer pour
laisser s’écouler la foule en effervescence. L’attention de Maïmouna fut tout à
coup attirée par une silhouette mince et noire, celle d’un jeune homme en
complet du soir qui lui tournait le dos et avançait avec lenteur, les avant-bras
levés. Ce fut, dans le cœur de la jeune fille, un choc léger qui passa comme un
éclair.
Dans la rue, elle revit le jeune homme. Debout, le veston déboutonné,
les mains aux hanches, le buste rejeté en arrière, debout pour les attendre et
les voir passer. Maïmouna, malgré elle, regarda de son côté et leurs yeux se
rencontrèrent. Mais presqu’aussitôt, elle relevait la tête et reprenait son allure
altière en direction du taxi.
Au coucher, elle essaya en vain de chasser l’image, et le sommeil ne
l’en délivra que très tard… Désormais Maïmouna connut le tourment de
l’amour. Le souvenir du jeune homme l’obsédait. Elle avait, sans savoir
pourquoi, des envies folles de voler vers lui, de se confondre avec lui. La nature
extérieure s’emplissait d’une poésie étrange.
Les choses semblaient animées d’une singulière bonne volonté.
Maïmouna sentait quelque part dans sa poitrine comme un ramollissement
d’où naissaient de tendres émotions. Elle aurait voulu parler de tout, de
n’importe quoi, en un langage coloré, ailé, divin. Mais il lui manquait la
permission de le faire et les mots pour libérer ses pensées mélancoliques.
Elle mettait donc toute son âme éprise dans la mélopée courte et
suave ; la mélopée nègre faite de soupirs langoureux dont il est difficile de dire
s’ils sont de bonheur ou de tristesse. Elle psalmodiait des airs de sa
composition en tâchant de dérober leur vrai sens à son entourage. Un
répertoire de morceaux classiques auxquels sa mère au cœur tendre l’avait
familiarisée de bonne heure, fleuris de thèmes anciens mais toujours
d’actualité, nourrissait ses élans d’amour.
Mais les filles noires ne confiaient les secrets de leur cœur à personne,
pas même à leurs sœurs aînées, pas même à leurs mamans inquiètes et
prévenantes. Le soir mit dans la tête de Maïmouna amoureuse un baume sans
pareille. Elle s’endormit avec un doux secret en son cœur. Elle aimait le jeune
homme au complet noir, elle rêva d’intimité et d’épousailles.
ABDOULAYE SADJI, MAÏMOUNA (1958) / Chapitre IX : PP.102-103
Note : 1. Salle de projection cinématographique
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Texte 2/5 : Amoureuse d’Ebinto, un jeune homme de son âge qu’elle croyait
l’homme de sa vie, Monique est contrainte d’abandonner les études après une grossesse.
Mais à peine sortie de l’adolescence, la jeune fille est poussée dans une vie d’adulte
à laquelle elle n’était pas préparée. Dans son désespoir, elle adresse un ultime courrier à son
mari.
« Ebinto chéri,
« Je vais remonter très loin dans le passé. Mon Dieu, comment ne pas
me rappeler ces doux souvenirs, seuls beaux ornements de ma vie ? Je rêvais à
notre vie future. Je crois j’avais rêvé d’une vie simple où l’argent n’aurait
aucune importance et où seul, l’amour profond de deux êtres sincères
dominerait toutes les difficultés auxquelles tout ménage est en butte. « Près de
toi, j’avais espéré la compréhension, une affection que mon père, veuf aigri,
n’avait jamais pu me donner. J’avais cru au bonheur. J’avais une totale
confiance en l’avenir et mes désillusions n’allaient être que plus amères.
« J’en arrive maintenant aux souvenirs les plus récents et les plus
cruels, ceux de notre vie commune. Ah, le mariage ! Il m’avait surprise, mais
j’étais arrivée à en avoir une certaine idée. Il m’apparaissait comme un pacte
dans lequel chacun des deux conjoints s’engage à comprendre l’autre en
toutes circonstances à lui pardonner si possible ; un pacte où la vérité doit
subjuguer les discussions mesquines, où l’amour seul doit triompher. « Notre
union à nous deux devait être quelque chose de bien particulier. Elle
m’apparaissait comme un salut pour nous, une nécessité primordiale pour
gagner notre pari avec la vie. L’heure n’était pas au découragement mais à la
lutte la plus difficile, la plus âpre.
« Mais très tôt l’atmosphère de notre foyer m’a montré qu’il n’y avait
pas de bonheur possible malgré ma bonne volonté. Je te sentais malheureux,
comme humilié devant cette vie que tu étais si sûr de dominer. Et puis toi le
garçon équilibré que j’avais cru connaître, toi l’homme merveilleux,
l’incarnation de mon idéal, tu as fini par te montrer vulgaire et cynique à mon
égard. Tu m’as même fait comprendre que je n’avais droit qu’à ton mépris.
Comment mon Ebinto pouvait-il se métamorphoser ainsi ?
« Tu sais, je pars et je mourrai bien vite maintenant. Je n’ose pas penser
à ce qui se passera quand je serai morte. Il ne se passera sans doute rien. Je
m’effacerai comme si je n’avais pas existé, n’ayant occupé aucune place dans
le cœur de personne. Je m’engloutirai dans le néant avec mes désirs inassouvis
et tes injustes reproches. J’espère que tu ne me regretteras pas. Ne me
regrette pas ; ne me plains pas ; cela n’en vaut vraiment pas la peine. »
AMADOU KONE, LES FRASQUES D’EBINTO (1980) / CEDA-Chapitre I, 3e
PARTIE
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Texte 3/5 : Etudiante en maîtrise d’anglais, remplie de rêves et d’aventure,
craque pour un jeune et bel homme d’affaires italien, Paolo, qu’elle rencontre sur le web.
Celui-ci lui promet le mariage et la poursuite de ses études en Europe.
Après avoir accompli les formalités du mariage traditionnel, les voilà partis pour la
France. Mais ils doivent d’abord faire un tour à Rome où Paolo a quelques affaires à mettre en
ordre. Par un matin d’automne, l’avion atterrit à l’aéroport Léonard de Vinci de Rome.
Paolo me tend un manteau mais il n’est plus l’homme que j’ai connu il y
a quelques jours à Abidjan. D’ailleurs, depuis l’avion, il a cessé d’être
affectueux. Plusieurs fois, il a repoussé ma main, me tournant presque le dos
pour m’empêcher de poser la tête sur son épaule. Plus d’une fois, il m’a parlé
sèchement et son regard m’a semblé désormais de feu.
J’ai senti comme une flamme vive descendre le long de ma gorge, me
brûler la poitrine, répandre dans mes ventrailles des braises ardentes.
Comment est-ce possible ? Un homme qui vient de demander ma main, avec
qui j’ai fait la cérémonie traditionnelle de mariage, qui va m’épouser dans
quelques jours à Paris, comment peut-il se métamorphoser seulement en
quelques heures ?
Il n’y a pas longtemps, juste avant que nous prenions la route pour
l’aéroport, nous étions encore en fête, nous dansions encore le zoblazo (1), il
était même la curiosité du quartier parce qu’il dansait tellement bien,
balançant le mouchoir blanc sur sa tête.
Paolo peut-il m’avoir trompée ? Son humeur m’effraie. Enfin ! Les Blancs
sont d’humeur si changeante ! Le regard de Paolo redevient dur. Il me fixe
droit dans les yeux et pendant qu’il porte la tasse à ses lèvres, il me dit, me
tendant la main :
-Tes papiers !
Le ton est ferme, comme celui d’un policier. Je suis comme électrisée. Je
ne lui pose pas de question, c’est un ordre qui ne peut admettre de question ou
d’explication. Il a la main tendue et il me regarde, les yeux rouges, la
moustache noire, ténébreuse. J’ouvre mon sac à main, prend mon passeport,
mon certificat d’hébergement et les lui tends. Il les regarde, exactement
comme la femme de l’aéroport, lève les yeux sur moi, puis me dit :
-Et ta carte nationale d’identité.
Depuis que nous avons quitté l’aéroport, Paolo ne m’avait plus adressé
un seul mot : sa mission terminée. Nous sommes arrivés dans un appartement.
Une dame entre, me sourit, me serre la main et demande mon prénom à Paolo.
Quand il le lui dit, elle s’exclame :
-Ah ! uno bello nome (2)
Ils échangent quelques mots puis s’éclipsent. Apparaît une fille noire,
grande et belle, aux cheveux longs lui tombant dans le dos.
-Je m’appelle Naty, je suis Congolaise, me dit-elle en tendant la main.
Puis elle me regarde longuement, une larme glisse sur sa joue mais elle
me sourit comme une impuissante qui subit son sort sans trop se plaindre, puis
reprend :
-Bienvenue dans l’enfer du sexe !
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MAURICE BANDAMA, LE PARADIS FRANÇAIS (2008) / EDITIONS CEDA-NEI
1. rythme musical ivoirien valorisé par le chanteur Meiway ;
2. de l’italien : un joli nom
Texte 4/5 : Fleury, est une brillante élève en classe de terminale. Amoureuse de
son professeur de philosophie, Khigaly, elle use de tous les stratagèmes pour le séduire. Ce
dernier, d’abord indifférent mais pas insensible, finit par succomber aux charmes de la jeune
fille. Mais très vite, il se ressaisit au grand désespoir de son amante, qui nous fait revivre la
scène de la rupture.
_Comprends-moi, m’a-t-il dit ; et je regrette amèrement. Nous ne
pouvons plus continuer de nous voir. Je suis un éducateur et toi mon élève. Je
n’ai pas le droit d’avoir des rapports intimes avec toi.
J’avais senti toute la maison vaciller autour de moi. Ce qu’il me disait à
cet instant-là, et qui me parvenait comme un écho lointain, était pour moi
quelque chose d’inimaginable.
_Mais je vous aime monsieur et c’est pour cela que je n’ai pas résisté la
dernière fois…
_Tu n’as pas résisté à mes avances parce que je suis ton professeur.
_Mais non, Monsieur ! Je me suis donnée à vous sans réserve parce que
vous êtes l’amour de ma vie, dis-je, la voix déjà entrecoupée de sanglots.
J’avais trouvé malsaine cette façon de se réfugier derrière le prétexte
fallacieux du trafic d’influence pour fuir ses responsabilités sentimentales.
_Tu ne comprends pas Fleury. Tu as de l’admiration pour moi parce que
je suis un passionné de la philo comme toi. [De plus], un enseignant n’a pas le
droit de « connaître » intimement son élève. C’est une loi votée par
l’Assemblée Nationale de notre pays qui le dit. Je risque d’être exclu de la
fonction publique.
_A quel moment cette loi a-t-elle été votée ? Hier ou avant-hier ?
_Mais… balbutia-t-il, il y a de cela des décennies !
_Ah bon ! Alors pourquoi m’avez-vous attirée dans votre lit tout en
sachant que cette loi existait ?
_Je n’ai pas pu résister. Tu es si belle que…
_Vous dites que vous n’avez pas pu résister, ce jour-là, n’est-ce pas ?
C’est actuellement ce qui se passe en moi. Je ne peux pas résister à cette
envie de vous aimer et de vouloir vivre avec vous tout le reste de ma vie. Alors,
vous ne pouvez pas me demander de faire une chose que vous n’avez pas
réussi à faire.
Devant son silence, je continuai, impétueuse :
_Vous êtes un intellectuel, que pensez-vous de cette fameuse loi ? Je
suis certes une élève, mais je suis une femme. J’ai 19 ans et je peux aimer un
homme. Il se trouve que cet homme-là est mon professeur. Quelle faute ai-je
commise ? Vous êtes certes un enseignant, mais vous demeurez un homme. Et
en tant qu’homme vous pouvez aimer une jeune fille qu’elle soit commerçante,
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fonctionnaire ou élève. Un professeur qui aime son élève et qui veut faire d’elle
son épouse de façon officielle peut-il être frappé par cette loi ?
_Tes arguments sont pertinents, mais…
_Le ministre de l’enseignement supérieur n’a-t-il pas avoué sur les
antennes que son épouse fut son élève par le passé ? Qu’a fait la loi ?
ETTY MACAIRE, POUR LE BONHEUR DES MIENS (2015) / EDIT. VALESSE
Chap.5
Texte 5/5 : Mireille Ozoua, élève en terminale, est amoureuse de son professeur,
qui ne le sait pas, au point qu’elle ne peut plus étudier correctement.
Elle se confie à sa marraine qui veut l’aider à sortir de ses illusions.
J’ai combattu en vain cet amour que je juge gênant et illogique. Enfin,
j’y ai compris que je devais passer par là pour être Mireille Ozoua. Il eut des
nuits d’insomnie, des jours de monologue rien que pour nier cette évidence,
combattre cette réalité. Après des mois d’effort, je me retrouve encore au point
de départ.
Que dois-je faire contre les vagues impétueuses de cet amour ? On dit
aussi que celui qui est assis danse à merveille tous les pas de danse que celui
qui est debout. La critique est aisée mais l’art de réaliser la chose selon la
critique est toujours difficile.
En théorie, tout est splendide, tout est merveilleux, tout est facile.
Savoir une chose et la réaliser comme on la sait, est une gageure intenable. En
ce qui me concerne, je suis en face de trois exigences. La mort, la lutte pour la
victoire et enfin, l’oubli.
J’ai déjà essayé l’oubli. Il m’a été inéluctable, impossible. Pour que je
sorte de cette tragique affaire, il y a deux voies. Ou je meure ou je l’ai comme
ami. La mort sera le dernier recours. Pour l’instant, j’ai choisi de me battre pour
l’offrir à mon cœur qui le désire ardemment.
Je ne sais pas mais, j’ai foi. J’ai foi qu’il sera un jour mien.
Ce qui peut me convenir de tout acte que vous poserez, c’est de
m’aider à oublier l’oubli. Que faut-il faire pour accéder à ce qui paraît
inaccessible, pour lutter ce qui est inéluctable.
Être lycéenne ne me prive pas de mes droits de femme. Je suis conçue
comme une vraie femme. Ce n’est pas moi qui l’ai voulu. C’est Dieu. Je dois
donc subir mon destin de femme. Je le mérite. Rien ne m’empêche d’avoir le
sentiment d’aimer un homme.
GOLI BI IRIE MATHURIN, LA LYCEENNE (2014) / EDITITIONS MATRICE :
PP.52-53
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