Vendredi-Saint : Lorsqu'un Dieu
Auteur anonyme
(d’après Fénelon)
1
Lorsqu'un Dieu daigne répandre Jésus passe et le pénètre
Tout son sang pour les pécheurs, D'un regard tendre et vainqueur ;
Quel chrétien peut se défendre Le parjure a vu son Maître :
D'y mêler au moins ses pleurs ! Le regret brise son cœur.
Puisque c'est pour nos offenses
Que ce Dieu souffre aujourd'hui, 6
Apprenons par ses souffrances Chez Pilate on le compare
A ne vivre que pour lui. Au dernier des scélérats.
Que dis-tu, peuple barbare ?
2 Tu réclames Barabbas !
Au jardin de l'agonie Quelle indigne préférence !
Assistons à ses combats ; Le coupable est pardonné,
Il se trouble, il craint, il prie, Et, malgré son innocence,
Son Cœur veut et ne veut pas. Jésus-Christ est condamné.
Il éloigne le calice,
Mais l'amour, bientôt plus fort, 7
Le soumet au sacrifice On l'attache, on le flagelle !
Et lui fait choisir la mort. Ah ! pourquoi tant de courroux ?
L'Homme-Dieu d'abord chancelle,
3 Puis succombe sous les coups.
Judas, traître et déicide, A nous seuls d'être victimes :
Vient à lui d'un air soumis ; Arrêtez, cruels bourreaux !
Il l'embrasse, et ce perfide C'est à cause de nos crimes
Le livre à ses ennemis. Que son sang coule à grands flots.
Ce forfait, Maître adorable,
Recommence, hélas ! sans fin, 8
Quand une âme vient, coupable, Sur la croix, âme fidèle,
Prendre part au doux festin ! Vois ton Maître, ton Sauveur :
O chrétien, c'est ton modèle ;
4 Près de lui forme ton cœur.
Ils le traînent au grand-prêtre Sous le poids de la souffrance,
Qui seconde leur fureur, Ah ! restons humbles et doux,
Et ne veut le reconnaître Et souffrons sans défaillance
Que pour un blasphémateur. Pour ce Dieu qui meurt pour nous !
Mais Jésus, calme et sévère,
Lui déclare qu'à son tour 9
Pour juger toute la terre Il expire et la nature
Il viendra du ciel, un jour. En lui pleure son Auteur...
Il n'est point de créature
5 Qui ne marque sa douleur...
O surcroît d'ignominie ! O Jésus, touchez mon âme :
Tout conspire à l'outrager ; Ah ! changez mon faible cœur !
Pierre même le renie, Que ma vie enfin proclame
Et le traite d'étranger. Que l'amour est mon vainqueur !
Tiré du recueil de cantiques populaires de l’abbé Joseph Besnier, maître de chapelle de la cathédrale de Nantes, 18ème édition (1949).