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L'article examine le concept d'identité à travers les perspectives développementales de la psychologie, en se basant sur les travaux d'Erikson et de Marcia. Il aborde la formation de l'identité comme un processus dynamique influencé par les interactions sociales et les crises psychosociales tout au long de la vie. Les auteurs discutent également des controverses actuelles concernant les statuts de l'identité et leur développement, tout en soulignant l'importance de ces concepts pour les conseillers d'orientation qui travaillent avec des adolescents et des jeunes adultes.

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L'article examine le concept d'identité à travers les perspectives développementales de la psychologie, en se basant sur les travaux d'Erikson et de Marcia. Il aborde la formation de l'identité comme un processus dynamique influencé par les interactions sociales et les crises psychosociales tout au long de la vie. Les auteurs discutent également des controverses actuelles concernant les statuts de l'identité et leur développement, tout en soulignant l'importance de ces concepts pour les conseillers d'orientation qui travaillent avec des adolescents et des jeunes adultes.

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L’Orientation scolaire et professionnelle

37/3 | 2008
Identités & orientations - 1

L’identité : perspectives développementales


Identity : developmental psychology perspectives

Valérie Cohen-Scali et Jean Guichard

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/osp/1716
DOI : 10.4000/osp.1716
ISSN : 2104-3795

Éditeur
Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle (INETOP)

Édition imprimée
Date de publication : 15 septembre 2008
Pagination : 321-345
ISSN : 0249-6739

Référence électronique
Valérie Cohen-Scali et Jean Guichard, « L’identité : perspectives développementales », L'orientation
scolaire et professionnelle [En ligne], 37/3 | 2008, mis en ligne le 15 septembre 2011, consulté le 24
janvier 2025. URL : http://journals.openedition.org/osp/1716 ; DOI : https://doi.org/10.4000/osp.1716

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L’identité : perspectives développementales 1

L’identité : perspectives
développementales
Identity : developmental psychology perspectives

Valérie Cohen-Scali et Jean Guichard

Introduction
1 Autant le terme « identité » tient une place importante en sociologie ou dans le
domaine des cultural studies ou de la literacy theory, autant il apparaît rarement en
psychologie où on lui préfère souvent des termes comme « soi », « concept de soi »,
« personnalité », et ainsi de suite. Ce mot n’aurait d’ailleurs sans doute qu’une place
restreinte en psychologie du développement s’il n’y avait eu Erikson et la publication
en 1950 de Childhood and society (Enfance et société, traduction française, 1959), puis, en
1959, de Identity and the life cycle (Identité et le cycle de la vie) suivi, en 1968, de Identity :
Youth and crisis (traduit en français sous le titre Adolescence et crise. La quête de l’identité,
1972). Dans ces trois ouvrages (principalement), Erikson élabore une théorie du
développement psychosocial fondée sur des observations cliniques (de patients, mais
aussi à partir de l’étude de la biographie d’hommes célèbres tels que Martin Luther, le
Mahatma Gandhi, Georges Bernard Shaw, etc.) où le concept d’identité tient une place
centrale. Avec Erikson, ce concept a acquis ses lettres de noblesse dans le domaine de la
psychologie individuelle.
2 Aujourd’hui, dans un contexte culturel où les controverses idéologiques,
philosophiques ou scientifiques sur l’identité tiennent une place majeure – et plus de
cinquante ans après les premières publications d’Erikson – ce sont toujours ses
conceptualisations qui structurent les débats des psychologues du développement
s’intéressant à l’épigenèse de l’identité. Le présent article vise à faire le point sur les
approches, qui, dans la lignée d’Erikson, permettent de comprendre la manière dont
l’individu parvient plus ou moins facilement à construire une représentation cohérente
de lui-même, à partir de son histoire et en envisageant ce qu’il souhaite devenir. Cette
question est d’une importance majeure pour les conseillers d’orientation psychologues

L’Orientation scolaire et professionnelle, 37/3 | 2008


L’identité : perspectives développementales 2

qui s’adressent à un public majoritairement composé d’adolescents ou « d’adultes


émergeants » (Arnett, 2000). Une première partie rappelle brièvement la théorie
d’Erikson, puis présente les prolongements que lui donna Marcia (1966) dont le
retentissement ne fut pas mince. Une deuxième partie résume la controverse actuelle à
propos des statuts de l’identité de l’ego de Marcia. La question est la suivante : peut-on
considérer que, de la diffusion ou de la forclusion identitaire à l’identité accomplie (ces
termes sont définis ci-dessous, dans la partie « La psychogenèse identitaire »), il y a
bien un développement au sens où on l’entend habituellement en psychologie ? Au
contraire, ces statuts de l’identité ne constituent-ils qu’une description des processus
identitaires d’un individu donné dans un contexte donné ? Par-delà ces interrogations,
la théorie d’Erikson et le modèle de Marcia ont donné lieu à différents développements
ou extensions que présente la dernière partie de cet article.

La théorie de l’identité d’Erik Erikson et les


développements de James Marcia
Une conception dynamique et dialectique

3 Bien que centrée sur l’individu et élaborée dans le cadre de l’ego psychologie, l’approche
d’Erikson n’en néglige cependant pas les aspects sociaux. En effet, en référence à la
théorie freudienne, le développement résulterait pour Erikson, de l’interaction entre le
moi du sujet (l’ego) et son environnement social (ses offres d’identification et de
réalisation ainsi que ses exigences) à chaque stade psychogénétique.
4 Pour Erikson, l’identité est la grande affaire de l’adolescence :
La formation de l’identité commence là où cesse l’utilité de l’identification. Elle
surgit de la répudiation sélective et de l’assimilation mutuelle des identifications de
l’enfance ainsi que de leur absorption dans une nouvelle configuration qui, à son
tour, dépend du processus grâce auquel une société (souvent par l’intermédiaire de
sous-sociétés) identifie le jeune individu en le reconnaissant comme quelqu’un qui
avait à devenir ce qu’il est. (Erikson, 1972, p. 167)
5 Néanmoins, ce n’est pas que l’affaire de l’adolescence :
C’est un développement de toute une vie dont l’individu et la société à laquelle il
appartient sont en grande partie inconscients. Ses racines remontent aux premières
reconnaissances de soi : dans les tous premiers échanges de sourire du bébé, il a
quelque chose comme une prise de conscience de soi associée à une reconnaissance
mutuelle. (Erikson, 1980, p. 122)
6 Sur un axe dont l’un des pôles est la « synthèse identitaire » et l’autre la « confusion
identitaire », l’« identité » doit toujours être plus proche de la synthèse. La synthèse
identitaire est une reprise des identifications passées et présentes dans un ensemble
plus large d’idéaux relatifs à soi et déterminés par soi : elle correspond à une
inscription de son présent dans un futur anticipé. La confusion identitaire désigne une
incapacité à développer un tel ensemble cohérent d’idéaux sur lequel construire son
identité d’adulte. Néanmoins, le fonctionnement psychologique optimal semble se
situer à mi-chemin entre synthèse et confusion (certes, un peu plus du côté de la
synthèse). L’identité constitue en effet une structure hiérarchisée comprenant trois
entités en interaction : l’identité de l’ego, l’identité personnelle et l’identité de groupe.

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L’identité : perspectives développementales 3

7 L’identité de l’ego est un processus de synthèse du moi assurant un sentiment de


continuité du caractère personnel. Elle correspond à des croyances primordiales
relatives à soi, particulièrement privées, voire inconscientes, représentant parfois des
conflits intrapsychiques intériorisés depuis l’enfance :
Ce n’est qu’après avoir séparé du moi le « je » et les « soi » que nous pouvons
assigner au moi le domaine qu’il a toujours occupé [...] : le domaine d’une instance
interne cautionnant une existence cohérente en filtrant et en synthétisant, dans la
série des instants, toutes les impressions, les émotions, les souvenirs et les
impulsions qui essaient de pénétrer dans notre pensée et réclament notre activité
et qui nous mettraient en pièces s’ils n’avaient pas été triés et contrôlés par un
système de protection progressivement établi et toujours en éveil. (Erikson, 1978,
p. 232)
8 L’identité du moi renvoie précisément au sentiment, à la
conviction que le moi est capable d’intégrer un cheminement effectif vers un avenir
collectif tangible et qu’il se développe en un moi bien organisé dans le cadre d’une
réalité sociale [...]. Ce que j’ai appelé identité du moi embrasse bien plus que le
simple fait d’exister, ce serait plutôt la qualité existentielle propre à un moi donné
(the ego quality of this existence). Envisagée sous son aspect subjectif, l’identité du moi
est la perception du fait qu’il y a une similitude-avec-soi-même et une continuité
jusque dans les processus de synthèse du moi, ce qui constitue le style d’individualité
d’une personne, et que ce style coïncide avec la similitude et la continuité qui font
qu’une personne est significative pour d’autres, elles-mêmes significatives, dans la
communauté immédiate. (Erikson, 1978, pp. 48-49)
9 L’identité personnelle se situe à l’intersection de soi et du contexte. C’est l’ensemble des
buts, des valeurs et des croyances que l’individu donne à voir (par exemple, ses projets
professionnels, les mots qu’il utilise, etc.) ainsi que de tout ce qui constitue sa
particularité individuelle par rapport aux autres.
Le sentiment conscient d’avoir une identité personnelle repose sur deux
observations simultanées : la perception de la similitude-avec-soi-même
(selfsameness) et de sa propre continuité existentielle dans le temps et dans l’espace
[c’est-à-dire : son ipséité] et la perception du fait que les autres reconnaissent cette
similitude et cette continuité. (Erikson, 1978, p. 49).
10 L’identité personnelle renvoie donc au « Je » et aux différents « soi » :
Le « je » est absolument conscient (all-conscious) [...] et nous ne sommes vraiment
conscients que quand nous pouvons et voulons dire « je » [...]. Les soi sont dans
l’ensemble préconscients, ce qui signifie qu’ils peuvent devenir conscients quand le
« je » les rend tels et dans la mesure où le moi donne son agrément. (Erikson, 1978,
p. 232)
Ce que pense le « je » quand il voit ou contemple le corps, la personnalité et les
rôles auxquels il est attaché pour la vie – ignorant d’où il vient et ce qu’il
deviendra – voilà ce qui constitue les divers soi qui entrent dans la composition de
notre Soi. Entre ces divers soi, il y a des transitions constantes et souvent abruptes.
[...] En tout état de cause, cela suppose une saine personnalité pour que le « je » soit
capable de parler dans toutes ces situations de telle façon qu’à n’importe quel
moment il puisse attester l’existence d’un Soi raisonnablement cohérent. Les
antagonistes de ces « soi » sont les « autres », avec lesquels le « je » compare
continuellement les « soi » – pour le meilleur et le pire. (Erikson, 1978, p. 231)
11 C’est cette identité personnelle qui a reçu le plus d’attention de la part des
psychologues du développement. Le modèle de Marcia et la plupart des travaux des
néo-eriksonniens évoqués dans la suite de cet article, se sont attachés à l’analyse de
cette structure basée essentiellement, pour Erikson, sur les interactions sociales (sans

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L’identité : perspectives développementales 4

néanmoins faire porter leur attention sur les différents soi et la question de leur
articulation).
12 L’identité sociale constitue un sentiment de solidarité intime, profond, avec les idéaux
d’un groupe, lié à l’intégration au moi et aux sentiments de soi d’éléments caractérisant
les groupes auxquels l’individu appartient (la langue maternelle, le pays d’origine,
l’ethnie, la religion, etc.). Erikson (1978) observe :
C’est une habitude naturaliste vraiment dépassée que de parler de « l »’organisme
et de « son » environnement [...]. Les membres de la même espèce comme ceux des
autres espèces constituent toujours les uns pour les autres un Umwelt1. Bien plus, si
l’on admet le fait que l’environnement humain est social, le monde extérieur au moi
est composé des « moi » des autres qui ont un sens pour lui. Et ils ont un sens parce
que, à de nombreux niveaux de signification grossière ou subtile, mon être tout
entier perçoit en eux une hospitalité pour ma façon d’ordonner mon univers
intérieur et de les y inclure, ce qui, en retour, me rend accueillant pour leur
manière d’agencer le monde et de m’y introduire – réciprocité d’une affirmation
sur laquelle je puis donc compter pour stimuler mon être comme ils peuvent
compter sur moi pour stimuler le leur. Voilà, en tout cas, à quoi je voudrais
restreindre le terme de réciprocité (mutuality) qui est le secret de l’amour. D’autre
part, j’appellerais négation réciproque le refus de la part des autres d’occuper leur
place dans mon ordre et de prendre la mienne dans le leur. (p. 233)
13 Appartenir à un groupe suscite le sentiment que ce groupe serait différent et meilleur
que ceux auxquels on n’appartient pas. Les processus de différenciation et d’intégration
par rapport au contexte social et culturel se conjuguent pour permettre l’émergence de
cette identité. Cet aspect de l’identité, moins étudié dans le courant néo-eriksonnien,
s’apparente, comme le souligne Schwartz (Schwartz & Pantin, 2006) au modèle de
l’identité sociale de Tajfel et Turner (1979, 1986).
14 Chaque résolution de conflit psychique au cours des stades successifs de
développement est intégrée dans le développement du sujet, au cours « de synthèses et
de re-synthèses du moi ». Cette configuration « intègre progressivement des données
constitutionnelles, des besoins libidinaux idiosyncrasiques, des capacités privilégiées,
des identifications signifiantes, des défenses efficientes, des sublimations réussies et
des rôles acceptables » (Erikson, 1968, p. 50).

La psychogenèse identitaire

15 En 1956, Erikson formulait le principe épigénétique dans lequel se situaient ses


travaux : « L’identité n’est qu’un concept inscrit dans une conception plus large du
cycle de la vie humaine qui la conçoit comme un développement (unfolding) progressif
de la personnalité à travers des crises psychosociales caractéristiques d’une certaine
période » (1980, p. 128).
16 Ce développement se déroulerait sur huit étapes (Erikson 1950, 1956 ; réédition : 1980).
Les quatre premières correspondent aux « stades » de l’organisation de la libido
différenciés par Freud : oral, anal, phallique, latence. Pour chaque période, Erikson met
l’accent, d’une part, sur les interactions qui s’y développent et, d’autre part, sur les
sentiments identitaires que l’enfant y élabore. Le stade oral est celui de la formation
d’un sentiment primordial – constitutif de l’identité de l’ego – de confiance (ou, à
l’opposé, de méfiance), que peut résumer l’aphorisme : « je suis l’espoir que j’ai et que je
donne ». Au stade anal, se forme un sentiment d’autonomie (une capacité à se
représenter comme sujet d’une volonté autonome) ou de doute quant à sa capacité à

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L’identité : perspectives développementales 5

être autonome ou encore de honte d’avoir été exposé prématurément. Le stade


phallique est celui où se forgent des imaginations (pouvant être empreintes de
culpabilité) de soi dans des rôles puissants différant sensiblement selon le sexe de
l’enfant : les garçons rêvent de « le faire » et les filles de « s’en saisir ». À la période de
latence (« une étape décisive du point de vue social » souligne Erikson, 1972, p. 122) se
développe un sentiment « d’industrie » (correspondant globalement à une volonté de
créer, de travailler et d’être utile à la société) ou, au contraire, d’infériorité : l’enfant se
forge une représentation de soi, soit comme « être compétent » (« je suis ce que je peux
apprendre à faire marcher »), soit comme incapable de devenir « jamais quoi que ce soit
de bon ». Il peut aussi être amené à considérer le travail comme la seule manière de se
réaliser.
17 Les quatre périodes suivantes (adolescence, jeune adulte, adulte mature, adulte âgé)
sont fondamentalement sociales. Les éléments identitaires ainsi cristallisés sont
intégrés à l’adolescence et forment une cohérence interne propre à l’individu lui
permettant de relier subjectivement ses expériences passées et présentes à des idéaux
sociaux librement choisis. L’adolescence est ainsi le moment où l’on peut parler pour la
première fois d’identité psychosociale, celle-ci continuant à se développer au cours des
trois âges ultérieurs de la vie. La crise d’identité de l’adolescence – l’atteinte d’un
sentiment d’identité en dépit de sentiments de confusion identitaire – est normative et
structurante. L’adolescence est un moratoire psychosocial : une période où l’individu
est à la recherche d’idéaux lui permettant de trouver une cohérence interne – une
identité – autour d’un ensemble unifié de valeurs. La confiance acquise au cours des
stades précédents en son identité, en sa valeur sociale et en sa continuité, conditionne
l’accès à une « identité assumée » du moi et permet l’accomplissement de « la promesse
tangible d’une carrière ». Cette cohérence permet d’intégrer à la fois les différents
sentiments d’identité de l’ego et les cadres sociaux propres à une société donnée. Cette
intégration se manifeste par l’émergence d’une caractéristique de l’identité de l’ego – la
fidélité : « la capacité à se conformer loyalement à ses engagements librement choisis »
(Erikson, 1964, p. 124) – à laquelle s’oppose la confusion d’identité.
18 L’âge de l’adulte jeune est une phase où se construisent des relations d’intimité, de
partenariat et d’affiliation avec autrui, fondées sur la sexualité. Naît alors un sentiment
d’affiliation qui s’oppose à l’isolement (ou incapacité à s’engager dans de telles
relations intimes). La période de la maturité adulte est celle de la « génération ». Elle se
caractérise par l’émergence d’un souci de transmettre à autrui (des valeurs, des
produits, d’un style de vie, etc.) ou, à l’opposé, par une stagnation. Enfin, la vieillesse ou
le grand âge est marqué par la question du sens de l’existence : certains développent un
sentiment d’intégrité (ils perçoivent leur vie comme ayant un sens qui s’intègre dans
un ordre social plus large). Pour d’autres, le désespoir domine : la vie apparaît insensée
et le temps manque pour recommencer autre chose.
19 Plusieurs intuitions fortes chez Erikson permettent de comprendre la longévité de sa
théorie. L’une d’elles consista à décrire le développement sur toute la durée de la vie et
à remettre en cause certaines conceptions psychanalytiques ou théories de la
personnalité qui considèrent que l’essentiel du développement se déroule pendant
l’enfance et qu’ensuite l’individu ne connaîtrait plus d’évolution majeure. Par ailleurs,
Erikson a proposé une formulation nouvelle de l’articulation du développement
psychologique et des besoins idiosyncrasiques prenant en compte les caractéristiques
d’un contexte social, institutionnel et culturel donné. Enfin, Erikson a su tenir compte

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L’identité : perspectives développementales 6

du fait que, dans les sociétés occidentales, le travail – au sens large – est un facteur
déterminant dans le développement, le leitmotiv de la plus grande partie de la vie car il
contribue à la socialisation et au sentiment de participer activement au
fonctionnement de la société. Or, même si cette idée de la centralité du travail a
rencontré des détracteurs au milieu des années 1990 (par exemple, Méda, 1995 ; Rifkin,
1996), l’importance des fonctions psychologiques du travail est aujourd’hui soulignée
par différents psychologues (Clot, 1999 ; Dejours, 1996).

L’apport de James Marcia

20 La théorie d’Erikson est rapidement apparue comme insuffisamment précise. Marcia fut
le premier chercheur à conduire un programme de travaux visant à vérifier
empiriquement certains de ses aspects. Dès les années 1960, en se centrant
essentiellement sur l’identité personnelle, Marcia (1966, 1976) proposa une typologie
des statuts identitaires à partir du modèle d’Erikson. Selon Marcia (1993), deux
dimensions indépendantes concourent au développement identitaire, notamment chez
les adolescents :
• L’exploration. Elle est définie comme un comportement de résolution de problème visant à
mettre au jour de l’information à propos de soi ou de son environnement de façon à prendre
une décision concernant des choix de vie importants.
• L’engagement. Il représente l’adhésion à un ensemble spécifique de buts, de valeurs, et de
croyances.
21 À partir de ces deux dimensions, Marcia a dégagé quatre statuts identitaires
indépendants :
• La diffusion identitaire. Elle peut être associée à une absence d’exploration et d’engagement.
Les comportements sont peu adaptés, voire à risques. Il s’agit d’une sorte d’absence de
structure identitaire de base.
• La forclusion identitaire. Elle renvoie à un état d’engagement vis-à-vis de plusieurs buts sans
qu’il y ait eu d’exploration et correspond à des individus peu assurés et s’identifiant toujours
aux modèles parentaux.
• Le moratoire identitaire. Il correspond à un état d’exploration et à une absence d’engagement
de la part d’individus qui peuvent néanmoins définir plusieurs alternatives possibles lors de
choix importants.
• La réalisation identitaire. C’est le statut le plus abouti, le plus mature : celui d’une personne
qui n’est plus en quête identitaire, mais qui a défini les éléments identitaires auxquels il
adhère.
22 La théorisation de Marcia a le mérite méthodologique d’être fondée sur une
opérationnalisation précisément décrite et donc répétable. L’évaluation de la
structuration de l’identité se fait au moyen d’une entrevue semi-structurée explorant
trois domaines d’engagement : idéologique, professionnel et sexuel. Ce cadrage
méthodologique précis est sans doute l’une des raisons pour laquelle la question des
statuts identitaires décrits par Marcia a donné naissance à pas moins de 500
publications (Sneed, Schwartz & Cross, 2006) qui ont abouti, notamment, à la
formulation d’un certain nombre de critiques.
23 Une question récurrente est celle de la signification théorique de ces statuts. Pour
Kunnen et Bosma (2006), ces quatre statuts sont une extension de la description
bipolaire qu’Erikson donnait de l’issue de la crise d’identité à l’adolescence. Formulés

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L’identité : perspectives développementales 7

ainsi, ils semblent correspondre à des types identitaires plutôt qu’à des stades : ils sont
associés à des caractéristiques de personnalité et sont étudiés en rapport avec certains
domaines de la vie : choix professionnel, religion, politique, amitié, etc. L’aspect
développemental majeur de l’œuvre d’Erikson se serait-il estompé dans le modèle de
Marcia ? Cela signifie-t-il que l’idée d’une approche développementale de l’identité
n’aurait que peu de sens ? Cette question a donné lieu à un débat scientifique publié par
la revue Identity en 2003 où la thèse – développementale – de Kroger, qui coordonne le
numéro, est remise en cause par la plupart des autres contributeurs. C’est cette
« querelle » contemporaine sur l’identité qui est évoquée ci-dessous.

Une querelle sur le développement de l’identité


La position de Jane Kroger

24 Pour Kroger, la « conception des statuts de l’identité de l’ego de Marcia peut être
considérée comme un modèle “mou” de stades structuraux de développement de
l’identité de l’ego » (Kroger, 2003, p. 201). « Mou » doit être compris par opposition à
« dur », comme dans l’opposition « sciences molles » - « sciences dures ». Le paradigme
des statuts de l’identité de l’ego remplit en effet, à ses yeux, les quatre conditions
nécessaires, définies par Kohlberg, Levine, et Hewer (1983), pour être considéré comme
un tel modèle. L’une d’elles – selon laquelle les stades doivent se succéder selon une
séquence invariante et hiérarchisée et impliquer des modes de plus en plus complexes
d’auto-réflexion et de différenciation – ne va cependant pas de soi. Aussi Kroger
consacre-t-elle environ quatre pages de son article à passer en revue et à discuter les
recherches empiriques sur ce sujet.
25 Ses contradicteurs (par exemple Berzonsky, 2003, p. 236) lui objectent néanmoins que
Marcia (1976), par exemple, observa que « 57 % des individus classés dans le groupe
“identité accomplie” à la fin de l’adolescence furent catégorisés comme “identité
forclose” six ans plus tard ». L’argumentation de la réponse de Kroger est double.
Premièrement, elle relève que, si l’on observe bien de telles régressions, toutes les
recherches – quelle que soit leur méthodologie – mettent en évidence que le nombre
d’adolescents atteignant le niveau de « l’identité accomplie » s’accroît avec le temps.
Deuxièmement, elle souligne la distinction – fondamentale à ses yeux – qu’il convient
d’établir entre le contenu et la structure sous-jacente des statuts de l’identité de l’ego
de Marcia.
Structure sous-jacente fait référence aux différentes structures organisationnelles
sous-tendant chacun des statuts identitaires et déterminant l’organisation des
contenus identitaires. Les contenus identitaires désignent ici les domaines
d’engagement psychosociaux essentiels, pour un individu donné, dans la définition
de son identité. (Kroger, 2003, p. 208)
26 La structure identitaire constitue le moyen par lequel les rôles et valeurs définissant
l’identité sont organisés. Elle constitue le « filtre » par lequel chacun reçoit, retient,
manipule, évalue ses différentes expériences de vie : ce filtre permet à chacun de
donner un sens à son existence. Ces structures apparaissent successivement. Elles
forment une séquence de développement – allant d’une identité forclose à une identité
accomplie en passant par un moratoire – traduisant des manières de plus en plus
complexes et différenciées d’organiser les éléments de l’identité.

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L’identité : perspectives développementales 8

Le statut de l’identité forclose reflète une structure identitaire fondée sur


l’identification aux valeurs et aux buts d’autres personnes significatives. Celui de
l’identité accomplie reflète une structure identitaire fondée sur une « nouvelle
configuration », une structure désormais à même de choisir ou de rejeter de
manière sélective les buts et valeurs qui expriment le sens psychologique de « je ».
(Kroger, 2003, p. 209)
27 Pour Kroger, cette distinction entre contenus et structure est d’autant plus importante
que la conception des statuts de l’identité de l’ego est désormais mise en œuvre dans
l’étude des transitions à l’âge adulte. En effet, alors que « le processus de formation
identitaire à l’adolescence implique généralement des changements à la fois dans les
contenus identitaires et dans la structure identitaire sous-jacente, le développement
continué de l’identité à l’âge adulte peut correspondre ou non à des changements dans
ces deux domaines » (Kroger, 2003, p. 209). Elle rapporte ainsi l’exemple d’une jeune
femme qui – adhérant initialement à un ensemble de croyances religieuses qui la
guidaient (comme les autres membres de sa famille) dans sa vie quotidienne – les
rejette quelques années plus tard (de même que sa famille les rejette désormais). Une
analyse fine des dires de cette personne révèle que ce changement de contenus ne
correspond pas à un développement de la structure sous-jacente : « La structure sous-
jacente de son identité – une identité organisée en référence à de fortes identifications
à des personnes significatives – est restée exactement la même » (Kroger, 2003, p. 210).
À l’inverse, un étudiant rencontré à deux reprises (à deux ans d’intervalle) apparaît ne
pas avoir changé d’objectifs et de valeurs dans les domaines professionnel et spirituel.
Cependant, son argumentation s’est considérablement transformée :
Un changement majeur dans sa structure identitaire – dans ses capacités à se
rapporter à ses expériences de vie, à les mettre en perspective, à les évaluer – s’est
de toute évidence produit, alors que les contenus de ses investissements
identitaires professionnels et spirituels sont restés parfaitement similaires. (Kroger,
2003, p. 210)
28 Comme on l’a indiqué, tous les articles du numéro de la revue Identity remettent en
cause cette vue. Deux contributions – celle de Snarey et Bell, d’une part, et celle de
Kunnen et Bosma, d’autre part – discutent directement certains aspects de
l’argumentation. Elles sont synthétisées ci-dessous.

John Snarey et David Bell : les modèles d’Erikson et de Marcia ne


sont pas des modèles quasi structuraux du développement

29 Snarey et Bell (2003) s’attachent à montrer que les modélisations d’Erikson et de Marcia
ne sont pas, comme l’affirme Kroger, des modèles quasi structuraux, mais des modèles
« fonctionnels » : le développement n’y est pas conçu comme un phénomène universel,
indépendant du contexte culturel dans lequel il se produit.
30 Les différentes théories du développement individuel peuvent en effet s’ordonner sur
un continuum allant, à une extrémité, des modèles structuraux « durs » (dont Piaget et,
dans une moindre mesure, Kohlberg, seraient les représentants) aux modèles
« socioculturels » (dont celui de Neugarten serait l’exemple). Les modèles fonctionnels
se situent entre les deux. La différence fondamentale entre les modèles structuraux
« durs » et les modèles socioculturels réside dans le fait que les premiers décrivent le
développement comme une succession de structures caractérisant de manière
universelle l’espèce humaine, alors que les seconds le conçoivent uniquement en

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L’identité : perspectives développementales 9

référence à des âges de la vie culturellement définis. Les modèles en stades fonctionnels
conjuguent les deux points de vue : la séquence de stades fonctionnels évolue en
fonction de l’interaction réciproque des structures cognitives et des « âges sociaux » (à
savoir, ce qui est attendu d’un individu donné d’un âge donné dans une société
donnée). Dans cette perspective, ce qui est central dans le développement, c’est le
« fonctionnement », c’est-à-dire la manière dont un processus mental particulier
fonctionne pour la personne dans un contexte donné, plutôt que l’organisation
structurelle de ce processus ou que ses contenus culturels. La distinction établie par
Kroger entre « contenus » et « structures » (celles-ci pouvant se développer alors que
les contenus ne « bougent » pas) passe, par conséquent, « à côté » de ce qui fait la force
des modèles de Marcia et d’Erikson, à savoir : l’intégration fonctionnelle des facteurs
structuraux et culturels.

Le concept de « stade structural de développement » correspond-il à


une certaine réalité ?

31 La critique de Kunnen et Bosma à Kroger porte, elle aussi, sur la manière de concevoir
le développement. Elle est néanmoins beaucoup plus radicale.
La nature relationnelle de l’identité – le processus d’adaptation réciproque
personne – contexte – doit être centrale à tout débat relatif aux processus du
développement identitaire. Les engagements – qui constituent des liens entre les
personnes et les contextes – forment les éléments centraux de ce processus.
(Kunnen & Bosma, 2003, p. 252).
32 Or, toutes les observations montrent que ces engagements tendent à changer au cours
du temps : ils peuvent se renforcer, s’affaiblir, devenir plus rigides ou plus flexibles. De
plus, leur contenu peut changer. Par conséquent, la constellation des engagements d’un
individu peut manifester de la stabilité ou des changements multiples et divers. C’est
pourquoi
La différenciation entre identité accomplie et identité forclose ne nous donne
qu’une indication assez grossière et implicite de ce qui est en jeu ici. Nous pouvons
supposer que, dans le cas d’un développement positif, les jeunes adultes entrent
dans le monde – du travail, des relations interpersonnelles, de la pater/maternité,
etc. – avec des engagements divers (qu’ils ont plus ou moins choisis par eux-mêmes)
et plus ou moins intégrés. Après quelques années, ils peuvent se trouver de plus en
plus souvent confrontés aux limitations de leurs engagements initiaux. Leurs
conditions d’existence peuvent changer, les choses peuvent se passer différemment
que prévu, de nouveaux engagements (par exemple : des enfants) peuvent interagir
avec les précédents (par exemple : une carrière professionnelle) [...]. Le besoin
d’ajuster les divers engagements à ces exigences – nouvelles et plus complexes –
constitue une tâche nouvelle. (Kunnen et Bosma, 2003, p. 266)
33 Ainsi, un jeune – après avoir bien réfléchi à son orientation professionnelle – peut être
devenu avocat. Mais, après cinq années, il peut se rendre compte que, finalement, sa vie
professionnelle et personnelle le satisfait moins qu’il ne l’imaginait : aurait-il dû opter
pour le métier artistique qui le tentait aussi ? A-t-il fait ce choix – avocat – pour se
conformer à l’avis de ses parents ? A-t-il bien fait de suivre leur avis ? Au fond : n’a-t-il
pas toujours eu peur d’affronter ses parents ? Ce type de questionnement suggère que
« le développement identitaire peut être vu, d’abord, comme un progrès allant de la
formation de simples engagements spécifiques dans des domaines définis à un système
– de mieux en mieux organisé et intégré – d’engagements et, ensuite – à un stade

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d’ordre supérieur – comme une redéfinition de ses propres engagements en relation


avec une conscience plus aigue de soi » (Kunnen & Bosma, 2003, p. 266). Au total, notent
les auteurs, « il doit être clair maintenant qu’à nos yeux, les statuts identitaires
d’origine [tels que définis par Marcia] ne peuvent nous donner qu’une indication très
inexacte et incomplète de la complexité des processus en jeu » (Kunnen & Bosma, 2003,
pp. 266-267).
34 Mais, plus fondamentalement, peut-on penser que le concept de « stade structural de
développement » corresponde à une certaine réalité ? Pour Kunnen et Bosma, le
développement identitaire doit être conçu en référence au modèle de Fischer (1980).
Reprenant les conclusions de Fischer, Kunnen et Bosma (2003, p. 257) soulignent que les
données empiriques attestant de l’existence de tels stades sont rares. En revanche, il
leur semble que la transposition dans le domaine de l’identité du modèle du
développement des compétences (skills) de Fischer soit prometteuse. Ce qui caractérise
cette approche (pour une synthèse, voir Lehalle, 2006), c’est de comprendre les
compétences comme étant fondamentalement spécifiques à la tâche. « Le
développement est compris comme un processus par lequel l’enfant maîtrise des
compétences spécifiques, bâtit à partir d’elles d’autres compétences spécifiques et
transfert des compétences d’un domaine à un autre » (Fischer, 1980, p. 483). Le
processus de développement est dépendant de la tâche et les progressions dans les
différents domaines de tâches peuvent être nettement désynchronisées. D’une manière
générale, les compétences se développent étape par étape. En combinant et en
différenciant des compétences d’un même niveau, la personne peut former des
compétences d’un niveau immédiatement supérieur. Les niveaux spécifient des
compétences d’un degré croissant de complexité (Kunnen & Bosma, 2003, p. 258).
35 Dans cette perspective, le développement repose sur des mécanismes d’inter-
coordination, de concessions mutuelles (transiger), de centration, de substitution et de
différenciation. Quant au cycle de développement, il va de collections de choses
données empiriquement ensemble (set), à des systèmes de systèmes, en passant par
l’établissement de correspondances (mapping), puis des systèmes.
36 Dans le développement identitaire, choix, décisions ou initiatives peuvent être
considérés, affirment Kunnen et Bosma, comme des compétences.
Les tâches consistent alors à faire des choix dans des situations comme celles
qu’évoquent les deux questions suivantes : « quelle filière d’étude choisir ? » et
« que répondre à un nouveau petit ami qui vous demande de faire l’amour avec
lui ? » Les compétences requises pour faire de tels choix – qui se trouvent aux
fondements des engagements correspondants – diffèrent fortement d’un domaine à
l’autre. Vous représenter l’idée de faire l’amour avec un garçon ou bien de choisir
une filière de formation sont deux choses très différentes. Et développer des
engagements correspondant à ces choix fait appel à des mécanismes de centration
et de différenciation. Bien que les compétences requises diffèrent d’un domaine à
l’autre, certaines de leurs caractéristiques sous-jacentes sont aussi communes aux
différentes tâches. Dans les deux cas, il vous faut explorer ou investiguer des
possibilités alternatives, évaluer ce qui est important pour vous, réfléchir à ce que
vous souhaitez. Le mécanisme de « substitution » peut être utile pour traduire des
solutions d’un domaine dans l’autre. Cependant, développer des engagements dans
différents domaines séparés (tels que les études, les amis, les parents et les relations
intimes) ne suffit pas. Tôt ou tard il faut coordonner ces différents engagements.
« Que faites-vous quand vos parents critiquent votre petit ami ou bien les études
que vous avez choisies ? » Résoudre de tels problèmes nécessite d’inter-coordonner
ou de transiger. [...] À la fin, les engagements dans les différents domaines

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L’identité : perspectives développementales 11

s’intègrent : il leur faut devenir plus ou moins consistants entre eux et se soutenir
les uns les autres. (Kunnen et Bosma, 2003, p. 265)
37 Cette intégration prend la forme de principes définis par l’individu – des « méta-
engagements » – guidant ses différents engagements dans les différents domaines.
38 Dans un article plus récent, Kunnen et Bosma (2006) en viennent à conceptualiser le
développement tout au long de la vie dans les termes de la théorie des systèmes
dynamiques venue d’autres disciplines et reprise en psychologie, jusqu’ici pour des
phénomènes en temps plus courts, et d’un niveau d’intégration inférieur (par exemple,
l’apprentissage de la marche ou des changements émotionnels). Très critiques vis-à-vis
des modèles statiques qui réduisent le soi à une structure cognitive de caractéristiques
internes, ils accordent une place centrale aux processus émotionnels dans la
construction identitaire et proposent une conception relationnelle et dynamique de
l’identité qui peut ainsi rendre compte du conflit et du changement. Pour que la
stabilité du soi soit menacée, il faut qu’une discordance soit vécue, de façon
suffisamment consistante et durable dans l’émotion qui l’accompagne, entre ce à quoi
la personne tient fortement (une idée de soi, des valeurs majeures) et les données de la
réalité. Face à une telle menace, des individus différents mettent en place des modalités
de réponses différentes (assimilation, accommodation, évitement). Le conflit,
expérience cognitive et surtout émotionnelle, est ainsi posé comme le moteur du
changement.
39 L’identité est donc conçue comme un système – dont les composantes cognitives et
émotionnelles sont en interactions réciproques – enraciné dans un contexte changeant
avec lequel il est en transactions continuelles. L’identité se façonne dans ces
transactions. Elle connaît des états de stabilité, des perturbations temporaires, et
l’émergence de nouvelles stabilités, tout cela s’expliquant par des processus d’auto-
organisation du système total.
40 Cette récente conceptualisation pourrait conduire à classer l’approche de Kunnen et
Bosma avec les modèles constructivistes de l’identité. Certes, ce choix ne serait pas
choquant. Toutefois, l’insistance des auteurs sur « les différentes trajectoires du
développement de l’identité » (2006, p. 199) et leur souci de proposer un modèle
pertinent pour la vie entière justifient que leur propre évolution théorique soit
rattachée aux approches développementales.

Trois approches néo-eriksonniennes de l’identité


41 Au-delà de ces discussions autour du modèle de Marcia, de nouvelles conceptualisations
de l’identité personnelle ont vu le jour, dès 1987, dans le cadre d’un courant qualifié de
« néo-eriksonnien ». Les chercheurs de ce courant constituent un réseau de réflexion
particulièrement actif qui échange dans le cadre de la Society of Research on Identity
Formation (SRIF) notamment par l’entremise de la revue Identity : an International Journal
of Theory and Research. Schwartz s’est attaché dans plusieurs articles de cette revue à
analyser et à mettre en perspective les principaux modèles de ce courant (par exemple
Schwartz, 2001, 2005 ; Sneed, Schwartz & Cross, 2006 ; Schwartz & Pantin, 2006). Cette
synthèse regroupe les modèles en deux familles. D’une part, les « extensions » seraient
des modèles qui complèteraient la théorie du statut identitaire, sans induire une
véritable re-conceptualisation. D’autre part, les « développements » incluraient la
théorie initiale dans une composante d’un ensemble plus vaste. Deux d’entre eux – ceux

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L’identité : perspectives développementales 12

de Grotevant (1987) et de Luyckx et ses collègues (2005 & 2006) – constituent ainsi une
extension de la théorie. En un certain sens, les analyses de Berzonsky (2003 ; présentées
dans l’article de ce numéro intitulé « Les perspectives constructivistes et
constructionnistes de l’identité ») qui introduit la notion de style identitaire
complètent aussi les travaux de Marcia. Waterman a, de son côté, proposé en 1993 un
modèle du développement identitaire s’inscrivant dans une conception plus
essentialiste qui l’éloigne dans une certaine mesure des autres continuateurs d’Erikson
mais le rapproche des modèles de référence des praticiens du développement
personnel.

L’exploration comme processus intégré dans la formation


de l’identité de Harold D. Grotevant et les prolongements de Jennifer
L. Kerpelman

42 Pour Grotevant (1987), comme pour Marcia, l’exploration est « le travail » du processus
de construction identitaire. Grotevant se centre sur l’analyse de ce processus
d’exploration et distingue deux composantes. Les « habiletés » (pensée critique,
résolution de problèmes, prise de distance, etc.) seraient des compétences particulières
facilitant l’évaluation objective et critique des identités alternatives potentielles. Les
« orientations » réfèrent à la volonté ou non d’engager ses ressources psychologiques et
émotionnelles dans le processus de sortie d’exploration, à travers le choix d’une
alternative, d’un engagement.
43 Une orientation favorable avec la présence de compétences critiques favoriserait
l’exploration. Par ailleurs, cinq autres facteurs nommés « antécédents » peuvent
faciliter ou freiner l’exploration. Il s’agit de :
• La tendance à la recherche d’informations.
• La présence ou l’absence de forces en compétition.
• La satisfaction de son identité.
• Les attentes liées à l’exploration.
• La volonté d’explorer.
44 Le modèle de Grotevant (1987) a connu une extension avec « la théorie de contrôle » de
Kerpelman (2001). Cette théorie est centrée sur l’analyse des microprocessus (les
interactions interpersonnelles singulières et leurs conséquences intrapsychiques) qui
accompagnent l’exploration et le développement identitaire des adolescents. Selon
cette approche, les individus ne réagissent pas directement aux feedback externes : ils
les interprètent, les transforment en perception de soi, puis les comparent avec un
standard (c’est-à-dire des normes et des valeurs) identitaire existant, construit par
l’action au cours des interactions. Les feedbacks provenant de l’environnement familial
et social et la congruence entre cet environnement et l’identité de l’adolescent jouent
ainsi un rôle dans le processus d’exploration, en l’inhibant ou en le favorisant.
45 Kerpelman reprend le concept de moratoire d’Erikson et explique l’instabilité des sois
possibles des jeunes adultes, à la lumière de cette théorie du contrôle identitaire.
Certains individus, en fonction de leur statut, seraient plus ouverts que d’autres aux
feedbacks peu congruents avec leur identité. Il faudrait à la fois des feedbacks congruents
et incongruents pour qu’une identité se développe harmonieusement. Cette théorie
conduit à analyser les interactions successives entre l’adolescent et son environnement

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social, ainsi que les conséquences intrapsychiques de telles interactions. Elle permet de
cerner les transformations et la consolidation de l’identité.

Exploration et engagement : deux processus complexes

46 Luyckx et ses collègues (Luyckx, Goossens, Soenens, Beyers & Vansteenkiste, 2005 ;
Luyckx, Goossens, Soenens & Beyers, 2006 ; voir aussi Schwartz & Pantin, 2006)
proposent un modèle du statut identitaire basé sur quatre processus plutôt que sur
deux dans le modèle initial de Marcia. L’exploration et l’engagement sont scindés en
deux dimensions. Ainsi, les auteurs distinguent-ils « l’exploration de surface »
(correspondant au concept de Marcia) et « l’exploration en profondeur » définie comme
l’analyse des engagements déjà pris. L’engagement comprend, d’une part, l’engagement
tel que défini par Marcia et, d’autre part, « l’identification à un engagement »
renvoyant une forte allégeance aux engagements déjà effectués.
47 Ces quatre processus seraient mis en œuvre successivement dans la formation
identitaire. Ainsi, les individus doivent-ils d’abord considérer plusieurs alternatives
(exploration en surface). Ils s’engagent ensuite éventuellement dans l’une d’entre elles
(engagement). Puis, la personne continue à évaluer l’alternative sélectionnée
(exploration en profondeur). Elle pourra alors s’identifier ou non à ce choix
(identification à l’engagement). Ces quatre processus identitaires sont semblables au
modèle de l’évaluation identitaire développé par Stephen, Fraser et Marcia (1992), selon
lequel un individu qui a atteint un certain niveau d’engagement identitaire peut
reconsidérer les alternatives choisies et entrer à nouveau dans une période
d’exploration si ces alternatives ne lui paraissent plus aussi pertinentes.

Alan S. Waterman : le rôle de l’expressivité personnelle

48 Le modèle de Waterman (1993) a été élaboré à partir d’un constat : les personnes
classées dans un même statut présentent une grande variabilité dans la manière dont
les activités d’exploration et d’engagement sont mises en œuvre (Schwartz, 2001 ;
Schwartz & Pantin, 2006). Pour Waterman, certains individus sont intrinsèquement
motivés par l’exploration ou l’engagement dans une activité. Pour d’autres, la
motivation est extrinsèque. Dans le premier cas, les individus sont guidés par un sens
« d’expressivité personnelle » qui se retrouve essentiellement chez les individus à
l’identité réalisée et qui correspond au sentiment de vivre une vie en accord avec celui
qu’on est vraiment. Ceci se fonde sur l’hypothèse que fait l’auteur, de l’existence chez
chacun d’un « vrai soi », qui, lorsqu’il est découvert et actualisé, produirait un
fonctionnement psychologique optimal. Le concept d’expressivité personnelle réfère à
la philosophie eudémoniste d’Aristote selon laquelle le bonheur constitue la finalité de
la vie morale. Chaque être atteint le bonheur en vivant selon la raison qui règle la
volonté et apprend à l’homme à adopter la juste mesure. La conception du bonheur
toutefois n’est pas la même pour tous et dépend de la nature de chacun. L’expressivité
personnelle permettrait à l’individu de découvrir ce qui le satisfait profondément et le
rend heureux. C’est une étape dans la découverte de soi. Elle peut être assimilée à un
sentiment qui se manifeste lors de la pratique de certaines activités particulièrement
satisfaisantes favorisant l’actualisation et le développement de soi (par exemple

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certaines activités professionnelles qui aident à l’orientation ou certaines activités de


loisirs).
49 Les valeurs, buts et croyances qui entrent en résonance avec le « vrai soi » procurent un
sentiment d’expressivité personnelle et contribuent à la recherche identitaire. Opposée
à l’instrumentalité, l’expressivité personnelle n’apporte donc pas seulement bonheur et
joie mais aussi le sentiment de donner une direction à sa vie. Elle aide les individus à
clarifier leurs motivations, à explorer et à s’engager dans certaines voies. Pour
Waterman, l’expressivité personnelle serait la 3e dimension du développement
identitaire, avec l’exploration et l’engagement.

Conclusion : développement identitaire tout au long de


la vie, construction de soi ou récit de soi ?
50 Au terme de cette évocation, que conclure relativement à l’identité et à son
développement ? Il semble que, par-delà leurs divergences, les différents contributeurs
s’accordent pour considérer l’identité comme une articulation dynamique de différents
domaines identitaires. Ce dynamisme correspond à un développement lié à des
processus d’enrichissement (de nouveaux domaines apparaissent), de différenciations
et d’intégration. Mais ne peut-on aussi penser qu’au cours de la vie, certains domaines
deviendraient moins centraux, voire disparaîtraient (par exemple « l’identité
professionnelle » avec le passage à la retraite) ? Aucun des auteurs n’aborde
explicitement ce point.
51 Les débats portent fondamentalement sur la question de « stades » dans ce
développement. Seule Kroger considère qu’il y aurait deux grands stades structuraux
qui se succéderaient : le premier correspondant à l’identité forclose et le second à
l’identité accomplie. Pour Snarey et Bell, ces stades ne sont pas structuraux, mais
simplement fonctionnels. Aux yeux de Kunnen et Bosma, c’est la notion même de stade
qui doit être remise en cause. Certes, pour eux, il y a bien développement, mais l’idée
du développement – et du développement tout au long de la vie – est ressaisie dans le
modèle d’un système dynamique d’interactions individu-contextes. Les compétences
identitaires, d’abord fondamentalement liées au domaine de leur mise en œuvre se
transposent d’un domaine à l’autre et s’articulent pour constituer des méta-
engagements identitaires.
52 Ce poids majeur accordé aux contextes et aux activités, interactions et interlocutions
qui s’y déroulent conduit à atteindre l’extrême limite d’une référence possible à la
théorie d’Erikson en son entier. Comme on l’a vu, Erikson inscrit sa théorie dans un
paradigme épigénétique dont il définit ainsi le principe :
Tout être qui grandit le fait en vertu d’un plan fondamental dont émerge, chacune à
son moment spécifique, les diverses parties, jusqu’à ce qu’elles soient capables de
fonctionner comme un tout. [...]. C’est pourquoi l’on peut dire que la personnalité se
développe en fonction d’étapes données d’avance dans l’aptitude avec laquelle
l’organisme humain se laisse pousser en avant et prend conscience d’un large
éventail d’individus et d’institutions riches de signification, avec lesquels il entre en
contact. (Erikson, 1972, pp. 94-95)
53 Remettre en cause le concept de stade, c’est contester l’idée « d’étapes données
d’avance ». Et c’est au minimum s’inscrire dans le paradigme d’une épigenèse
probabiliste mettant l’accent sur les facteurs contextuels (voir Lerner, 1997). Certes, les

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néo-ériksonniens présentés dans cet article n’adoptent pas les principes fondamentaux
d’un « constructivisme radical » que l’on pourrait résumer par les quatre mots ou
expressions suivantes : « flexibilité » (le « développement » est flexible : il n’existe pas
une ligne préétablie de développement ; celui-ci dépend fondamentalement des
interactions et interlocutions d’individus dans une pluralité de contextes qui sont à la
fois structurés et en évolution, les individus pouvant eux-mêmes être caractérisés d’un
point de vue psychologique comme formés – notamment – par des structures en
évolution), « la discursivité » (le développement est marqué par notre compréhension
du monde qui influence nos choix qui, à leur tour, modifient le monde), « le monde est
socialement construit » (nous interagissons avec d’autres personnes dans des contextes
qui ont un certain sens pour nous, nous les analysons, les interprétons, y (co)agissons et
les construisons et transformons en conséquence), « les contextes sont par conséquent
changeants ». Néanmoins, ces néo-eriksonniens souscrivent de toute évidence à
certaines des considérations précédentes. C’est pourquoi ils semblent bien à la fois
s’inscrire dans ce que Snarey et Bell définissent comme des modèles fonctionnels du
développement tout en étant proche de modèles plus radicalement constructivistes. En
fin de compte, ce qui semble les distinguer de ces derniers, c’est qu’ils ne considèrent
pas les systèmes de signes (notamment linguistiques) comme l’élément essentiel de ce
qui constitue « notre » monde : ils se situent, pourrait-on dire en deçà du linguistic turn,
c’est-à-dire des vues selon lesquelles (pour le dire rapidement) le langage constitue la
réalité.
54 Malgré leur apparent éloignement des préoccupations professionnelles des conseillers
d’orientation, ces débats autour des travaux de Erikson et de Marcia, ainsi que les
prolongements de cette double approche, apportent pourtant à ces psychologues un
certain nombre d’éléments notables leur permettant d’orienter leurs interventions de
conseil. D’abord, ces analyses soulignent toutes que l’enjeu majeur de l’adolescence (et
de l’âge adulte émergeant ; cf. Arnett, 2000) est la construction identitaire. Elle s’ancre
dans des sentiments identitaires élaborés précédemment à l’occasion d’interactions
avec des personnes significatives dans des contextes variés. Cette construction
identitaire en constitue une synthèse et un dépassement par lesquels l’individu inscrit
son présent (et son passé ainsi repris) dans la perspective de certaines anticipations de
son futur personnel au sein de groupes et de contextes significatifs pour lui. Cependant,
cette construction identitaire est saisie comme étant beaucoup moins « monolithique »
qu’elle ne l’était dans les conceptions des années 1950 et 1960. Premièrement, elle est
vue comme susceptible d’importantes variations d’un domaine de la vie à un autre : tel
adulte émergeant peut faire preuve d’une identité structurée dans le domaine des
relations amoureuses (c’est-à-dire, être capable de ces sentiments d’intimité et
d’affiliation décrits par Erikson) alors que dans celui de ses anticipations
professionnelles son identité peut s’avérer beaucoup plus diffuse. De plus, pour certains
jeunes, un certain domaine de vie peut être investi d’une signification majeure : ils le
perçoivent alors comme étant celui où ils pourront vraiment être celui ou celle qu’ils
sont. Deuxièmement, la notion « d’identité achevée » apparaît être sérieusement
remise en cause : telle personne qui, dans un certain domaine (par exemple religieux),
apparaît, à un moment donné, avoir établi une certaine identité personnelle peut se
trouver quelques années plus tard dans un état de diffusion ou de moratoire
identitaire... Enfin, les processus en jeu dans la construction identitaire apparaissent
beaucoup plus complexes qu’une certaine combinaison d’exploration et d’engagement :
l’individu peut explorer ou non en profondeur ; il peut prendre un engagement et

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s’identifier ou non à lui. Il peut construire certaines habiletés propres (par exemple de
décision) à un domaine, qui ne soient pas opérantes dans un autre domaine. Il peut
aussi coordonner dans le cadre d’une métaréflexion des habiletés, de même ordre,
propres à des domaines différents...
55 Ainsi, les approches développementales débouchent-elles sur une conception d’un sujet
pluriel dont les processus de développement sont, eux aussi, pluriels. C’est à une
conclusion de ce type qu’aboutissait Kraus en 1998 :
L’individualisation a pour résultat d’imposer à l’individu de choisir constamment
entre des centaines de possibilités de vivre, avec tous les risques et toutes les
chances que comportent ces décisions, et de se développer non pas en s’intégrant
dans un certain milieu idéologique, professionnel ou social, mais en modulant son
appartenance à des réseaux sociaux variés. On peut, par exemple, avoir des réseaux
sociaux dans les sphères du travail, de la famille, du temps libre : différents par la
logique temporelle, par les valeurs caractéristiques, et aussi par la qualité de
relation avec les autres réseaux. La totalité de ces appartenances ne donne plus
comme avant un tableau qui serait facilement lisible par la société. Ainsi, l’identité
se construit comme un patchwork par l’insertion dans ces sphères, et non plus par
l’intermédiaire d’une cohérence sociale nourrie par des modèles de vie cohérents.
Pour développer sa « lisibilité » pour les autres et, en même temps, son sens d’une
cohérence personnelle, l’individu est obligé à un travail narratif individualisé :
développer un récit de soi compréhensible par les autres. (Kraus, 1998, 117-118)
56 Cette vue de l’identité comme un récit de soi pour soi et pour les autres renvoie à des
approches de l’identité fondamentalement différentes de celles des psychologues du
développement. Elles sont synthétisées dans les articles suivants de ce numéro.

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NOTES
* Courriel : [email protected].
** Équipe de psychologie de l’orientation, Centre de recherche sur le travail et le
développement, INETOP/CNAM (EA 4132).
*** Jean Guichard est responsable de l’Équipe de Psychologie de l’Orientation du Centre de
Recherche sur le Travail et le Développement (EA 4132). Il a publié avec Michel Huteau aux
Éditions Dunod : « L’orientation scolaire et professionnelle » (2005), « Psychologie de
l’orientation » (2006), « Orientation et insertion professionnelle : 75 concepts-clés » (2007).
1. Le terme Umwelt peut être traduit par milieu, ambiance, environnement.

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L’identité : perspectives développementales 19

RÉSUMÉS
En 1950, Erikson fut le premier à proposer une théorisation du concept d’identité dans le champ
de la psychologie du développement. Il établit alors des distinctions entre « identité du moi » (ou
ego identité), « identité personnelle » et « identité de groupe ». Ses considérations sur le
développement de l’identité tout au long de la vie, sur la multiplicité des « soi », sur les
dimensions « ego-identitaires » de groupes font de lui l’un des précurseurs des analyses actuelles.
Au milieu des années 1960, Marcia prolongea l’un des aspects des analyses de Erikson relatives à
l’adolescence (qu’Erikson définissait comme un moratoire psychosocial) en décrivant quatre
statuts identitaires : la diffusion, la forclusion, le moratoire et l’identité accomplie. Récemment,
un débat s’est instauré sur la nature de ces statuts : correspondent-ils à des stades de
développement ? Ces dernières années, un certain nombre de prolongements ont été donnés aux
travaux de Erikson et de Marcia, notamment, par Grotevant, Kerpelman, Kunnen et Bosma,
Luycks et col. (Goossens, Soenens, Beyers, & Vansteenkiste), et Waterman.

Erikson was the first researcher who built a model from the identity concept within a
developmental psychology perspective. He distinguishes “ego identity”, “personal identity” and
“social identity”. With his writings relating to life long identity development, multiplicity of the
self, and the different aspects of ego, Erikson gave birth to a main research stream. From the
middle of the 1960s, Marcia extended different aspects of Erikson’s work related to adolescence
(which is described as a psychosocial moratory by Erikson). Marcia conceived four identity
statuses: diffusion, forclusion, moratory, achieved identity. Recently, discussions took place
concerning the nature of these different statuses: can they be conceived as development stages?
From this traditional theoretical frame, numerous and rich research works appear today, which
are introduced in this article the work of Grotevant, Kerpelman, Kunnen and Bosma, Luycks
(with Goossens, Soenens, Beyers, & Vansteenkiste) and Waterman.

INDEX
Keywords : Adolescent, Development, Forclusion, Identity, Moratory
Mots-clés : Adolescent, Développement, Forclusion, Identité, Moratoire

AUTEURS
VALÉRIE COHEN-SCALI

Maître de conférences en psychologie sociale à l’université Paris Nord. Thèmes de recherche :


construction du soi professionnel des jeunes adultes, socialisation organisationnelle,
transformations identitaires des professions de l’orientation, du travail social et de la formation.
Contact : Équipe de psychologie de l’orientation, Centre de recherche sur le travail et le
développement, INETOP/CNAM (EA 4132). Courriel : [email protected].

JEAN GUICHARD

Professeur de psychologie à l’INETOP/CNAM et ancien directeur de cet institut, Jean Guichard est
responsable de l’Équipe de psychologie de l’prientation du Centre de recherche sur le travail et le

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développement (EA 4132). Il a publié avec Michel Huteau aux Éditions Dunod : « L’orientation
scolaire et professionnelle » (2005), « Psychologie de l’orientation » (2006), « Orientation et
insertion professionnelle : 75 concepts-clés » (2007).

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