0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
6 vues19 pages

Le Sacerdoce Et Le Sacrifice de Jesus Christ D Apres L Epitre Aux Hebreux I Suite

L'article explore le sacerdoce et le sacrifice de Jésus-Christ selon l'épître aux Hébreux, soulignant que son sacerdoce est céleste et qu'il offre un sacrifice rédempteur par son sang. Il aborde également les controverses théologiques, notamment l'hérésie des Sociniens qui nient la valeur rédemptrice de la mort du Christ. Enfin, il établit que le sacrifice de Jésus est à la fois terrestre et céleste, reliant ainsi le ciel et la terre.

Transféré par

murhulakasole
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
0% ont trouvé ce document utile (0 vote)
6 vues19 pages

Le Sacerdoce Et Le Sacrifice de Jesus Christ D Apres L Epitre Aux Hebreux I Suite

L'article explore le sacerdoce et le sacrifice de Jésus-Christ selon l'épître aux Hébreux, soulignant que son sacerdoce est céleste et qu'il offre un sacrifice rédempteur par son sang. Il aborde également les controverses théologiques, notamment l'hérésie des Sociniens qui nient la valeur rédemptrice de la mort du Christ. Enfin, il établit que le sacrifice de Jésus est à la fois terrestre et céleste, reliant ainsi le ciel et la terre.

Transféré par

murhulakasole
Copyright
© © All Rights Reserved
Nous prenons très au sérieux les droits relatifs au contenu. Si vous pensez qu’il s’agit de votre contenu, signalez une atteinte au droit d’auteur ici.
Formats disponibles
Téléchargez aux formats PDF, TXT ou lisez en ligne sur Scribd
Vous êtes sur la page 1/ 19

66 No 7 1939

Le sacerdoce et le sacrifice de Jésus-Christ


d'après l'épître aux Hébreux (I) (suite)
Joseph BONSIRVEN

p. 769 - 786

https://www.nrt.be/fr/articles/le-sacerdoce-et-le-sacrifice-de-jesus-christ-d-apres-l-epitre-aux-
hebreux-i-suite-3658

Tous droits réservés. © Nouvelle revue théologique 2025


LE SACERDOCE ET LE SACRIFICE DE
JESUS-CHRIST
D'APRES L'EPITRE AUX HEBREUX.
(Suite}

3° Office sacerdotal de Jésus-Christ.


Le trait qui définit le sacerdoce de Jésus et qui lui donne
valeur, c'est qu'il est céleste : « s'il était sur terre il ne serait
même pas prêtre » (VIII, 4). Cette affirmation surprend, et
d'autant plus qu'elle est avancée au milieu d'un long développe-
ment sur l'effusion ,du'sang du Christ localisée sur cette terre.
Pour comprendre il faut bien saisir la dialectique typologique
de l'épître. L'action sacrée de Jésus est référée à la liturgie du
jour de l'Expiation {Lévifique, XVI) ; de celle-ci sont laissés de
côté les purifications du grand-prêtre, les immolations du taureau
et du bouc, l'envoi au désert du bouc émissaire, les encense-
ments, pour ne retenir que deux rites : l'entrée au Saint des
Saints et l'effusion du sang qui l'accompagnait ; et il n'est rien
dit des aspersions de sang que le prêtre accomplissait dans le
Sanctuaire impénétrable.
Simplification - instructive. Jésus, souverain-prêtre véritable,
entre aussi dans un sanctuaire, le sanctuaire du ciel (IX, 2,4:, 4) ;
son sacrifice à pour fin la dédicace de ce sanctuaire (IX, 23) ;
par là il devient ministre (liturge) de cette tente véritable, édi-
fiée par le Seigneur » (VIII, 2). Or c'est le temple qui spécifie
le sacerdoce : Jésus, prêtre du temple céleste, est donc prêtre
céleste. Cependant la corrélation n'est pas moins fortement mar-
quée entre sa liturgie céleste et l'effusion de son sang ; il n'est
jamais dit qu'il introduit son sang au ciel, à l'image du grand-
prêtre juif, qui portait et aspergeait dans le Saint des Saints le
770 LE SACERDOCE ET LE SACRIFICE DE JÉSUS-CHRIST

sang du taureau puis le sang du bouc immolés ; mais il est


précisé qu'il entre par son sang, par son sacrifice (IX, 12, 23-
28 ; X, 19 ; XII, 24 ; XIII, 12, 20 ; X, 12) ; et le rapport est
marqué entre la purification des péchés produite par son sang
et sa session à la droite de Dieu (I, 3 ; II, 9, 10 ; IX, 25).
Le sacerdoce de Jésus-Christ est donc essentiellement céleste,
mais, par son sacrifice, qui en est une partie intégrale, il est
également terrestre : terrestre dans sa partie méritoire, doulou-
reuse et inchoatîve ; céleste dans sa partie glorieuse, éternelle,
souverainement efficace et salvifique. Il se montre là le média-
teur unique et véritable, qui joint en sa personne le ciel et
la terre.
A cette doctrine, complexe et nuancée, s'oppose l'hérésie des
Sociniens. Interprétant étroitement certains textes de notre
épître (V, 5, 6 et IX), ils prétendaient que le Christ n'est devenu
souverain-prêtre qu'à la résurrection et qu'il n'a offert de sacri-
fice qu'une fois entré au ciel. C'était nier que la mort sur la Croix
fût un vrai sacrifice, réduire de nouveau à néant la Croix du
Christ (Gai. V, 11). Aussi bien Paul IV, dans la condamnation
de ces hérétiques (7 août 1555), flétrissait-il en particulier leur
négation de la valeur rédemptrice et propitiatoire de la mort
cruelle de Notre Seigneur Jésus-Christ.

A. Le sacrifice rédempteur.

La l'onction principale du prêtre consiste à offrir des sacrifi-


ces (V, 1 ; VIII, 3) : le Christ souverain-prêtre devait donc
offrir aussi son sacrifice (VIII, 3). Ce sacrifice est présenté
à la fois comme l'effusion de son sang (IX, 12, 14, 22, 23 ; X,
19 ; XII, 24 ; XIII, 12, 20), comme sa mort (IX, 15), son
immolation (IX, 23, 26 ; X, 12), son oblation (VII, 27 ; VIII,
3 ; IX, 14. 25, 28 ; X, 10, 12, 14). Nous trouvons donc nette-
ment affirmé le dogme catholique : le Christ a offert dans sa
passion un vrai sacrifice (1). Questions plus difficiles : qu'est-ce
qui confère à ce sacrifice sa valeur rédemptrice ? quels sont
ses effets immédiats ?

(1) Défini aux conciles d'Ephèse et de Trente ( D e n z i n g e r , § 122,


938, 950, 951). S. T h o m a s , Somme théohgique, III, Q. 48, art. 3. P.
G a l t i e r , op. laud., p. 425-430. P e t a u , De Incarn. XII, ch. 12, 11,
§ 8, sq. T h o m a s s i n , De Incarn. X, ch. 10,
D'APRÈS I/ÉPÎTKE AUX HEBREUX 771

a. Mérites rédempteurs dans la mort de Jésus.


Divers éléments sont mis en relief. Ne nous arrêtons pas à
l'effusion du sang ni à la mort : elles ne peuvent avoir valeur
si elles ne sont pas l'expression d'une attitude vraiment reli-
gieuse : elles ne sont, suivant la définition, de saint Augus-
tin ( 2 ), que le matériel, l'extérieur, le « signe visible du sacri-
fice invisible », qui, lui-même, et lui seul, est un geste humain
et moral. Ce caractère se retrouve dans la Passion du Christ ;
plusieurs fois il est rappelé qu'il s'est offert lui-même (VII, 27 ;
IX, 14 ; XII, 2) (3). Note adventice, mais importante, cette vic-
time volontaire est sainte infiniment (IX, 14 ; VII, 26-28).
Jésus-Christ, à la fois prêtre et victime, s'offre lui-même.
Ce n'est pas seulement une oblation rituelle, qui pourrait être
vide d'amour et même de tout hommage volontaire. C'est fon-
cièrement un acte d'obéissance à Dieu. Cette racine, qui supporte
tout le sacrifice rédempteur, n'est révélée qu'à la fin du long
développement sur les rites de l'Expiation et sur l'effusion du
sang, comme pour mettre en plus haut relief le signe, avant de
dévoiler ce qu'il représente. Il est constant que le « sang des
taureaux et des boucs est impuissant à enlever les péchés » (X,
4). C'est pour cela que le Fils de Dieu vient dans ce monde :
afin de substituer aux holocaustes, oblations et sacrifices, dans
lesquels Dieu ne se complaît pas, son entière soumission à la
volonté divine (X, 5-10). Cette intervention du Verbe incarné
met fin à la liturgie sanglante du temple ; elle contient aussi

(2) Civil. Dei, X, 6, P. L. 41, c. 282. Cfr S. T h o m a s , Som. îhéol.


III, q. 82, art. 4.
(3) Nombre de théologiens mettent l'essentiel du sacrifice dans l'obla-
tion, ,1e don d'une victime : M. L e p i n, L'idée du sacrifice dans la reli-
gion chrétienne, Paris, 1897 ; L'idée du sacrifice de la messe d'après les
théologiens, Paris, 1926, p. 727-740 (prouvé par la tradition et l'analyse du
sacrifice), p- 675-688 (discute les théories du P. de la Taille). M. d e l à
T a i l l e , Mysterium fidei (3e édit), Paris, 1931, p. 11 sq., 28, sq., 93, sq.,
671-693 (discute les objections) ; Bsquisse du Mystère de la Foi, Paris,
1934, p. 1-5, 57-65. E. M a s u r e , Le sacrifice du chef, Paris, 1923, p. 7-
93, 181-231. A. B a r r oi s, Le Sacrifice du Christ au Calvaire, dans Re-
vue des Sciences philosophiques et théologiques, Paris, 1925, p. 145-166. —
Les théologiens sont avant tout préoccupés d'établir une notion du sacri-
fice convenant à la Croix et à l'Eucharistie ; première source de com-
plications et de divergences, î.n outre leurs systèmes sont souvent cons-
truits o priori, sur des bases concrètes plus ou moins larges. On accor-
dera que nous renoncions à toute systématisation, pour nous contenter
de dégager les idées exprimées dans notre épître.
772 Ut BÀCE&DÔOB ET Xib BÀORIFIOX DU JÉBUB-OHilia^

deux affirmations qui paraissent se contredire et s'exclure :


d'une part l'essentiel de la religion, la seule que Dieu agrée,
consiste à faire sa volonté ; d'autre part, si les chrétiens sont
sanctifiés dans cette volonté divine amoureusement acceptée,
ils le sont aussi par l'oblation du corps de Jésus-Christ. C'est
donc que cette volonté divine, tout en abolissant les sacrifices
animaux, exigeait le sacrifice de Jésus-Christ.
Ce premier geste du Verbe incarné, la détermination de son
programme, n'est pas simplement un acte du véritable « reli-
gieux de Dieu », il est aussi, un geste sacerdotal. Bossuet le
présente ainsi :
< Nous savons que le premier acte de Jésus entrant au monde tut
de se dévouer à Dieu et de se mettre a. la place de toutes les victimes,
de quelque nature qu'elles fussent, pour accomplir sa volonté 'en toute
manière. Ce qu'il fit dans le sein de sa-Mère par la disposition de son
cœur, il le fait aujourd'hui réellement en se présentant au temple. Dès
qu'il eut commencé ce grand acte, il ne le discontinua jamais, et de-
meura dès son enfance et dès le sein de sa Mère, dans l'état de Vic-
time, abandonné aux ordres de Dieu pour souffrir et faire ce qu'il
voudrait » (*).
Ce commentaire soulève plusieurs questions et a donné sujet
à de vives controverses.
Cette première oblation ne met-elle pas dès l'Incarnation le
Christ en état de sacrifice, commençant ainsi l'immolation dont
la Croix marquera le sommet ? Divers auteurs, à la suite de
l'école oratorienne française, répondent affirmativement. Le
cardinal de Bérulle, son initiateur, écrivait : « Le Fils de Dieu
(4) Elévations sîir les Mystères, XVIII, 2 et XIII, 7, cité par L e p i n ,
op. land. p. 505- Ce sont là des idées reçues dans Fécole théologique
française du XVII6 siècle. Le card. d e B é r u l l e (Discours de l'état
et des grandeurs de Jésus, XI, 4) célèbre cette « oblation permanente de
Jésus, qui n'a Jamais cessé ni jour ni nuit... ». M. L e p i n cite un sermon
de Bourdaloue (Nativité de J.C., première partie) qui est un commentaire
très théologique de notre épître : « Là (en la crèche), comme porte le
texte sacré, son humanité lui servant de tabernacle, d'un tabernacle
vivant qui n'avait point été fait par les mains des hommes, mais qui
était l'ouvrage du Saint-Esprit, il parut, non plus avec le sang des
boucs et des taureaux, mais avec son propre sang. Dieu ne voulait plus
des autres victimes... La voilà enfin cette Hostie pure, digne de Dieu ;
la voilà qui commence à être immolée. Ainsi les Pères de l'Eglise l'ont-
ils conçu et ainsi Tertullien s'en expliquait-il, quand il nous donnait
cette excellente idée de J.C- : A partu virgineo effectus hostia : un
Sauveur aussitôt sacrifié qu'il est né, aussitôt offert à son Père qu'il
eat sorti du iciu de «a Mère ». Il cite aaint Chryaoltome dans le même
sens.
D'APRÈS L'ÉPÎTRB AUX HÉBREUX 773

'vivant en la terre porte en son corps une sorte de mort et priva-


-tiùn de la vraie vie qui doit vivifier et glorifier son corps ( s ).
M. de Condren dit encore plus nettement :
«. Dans le texte de 'l'épître aux Hébreux (X, 5-10) nous trouvons une
oblation de Jésus-Christ faite par lui-même lorsqu'il entra au monde,
et une oblation qui est sacrifice, et un sacrifice substitué en la place
des sacrifices anciens. Or cette obisition de Jésus-Christ est faite une
seule fois, et par conséquent c'est une oblation permanente, qui dure
toujours et qni nous oblige de dire que toutes les oblations, qui se re-
marquent dans les divers états de la vie du Fils de Dieu, ne sont
qu'une même oblation, et qu'il n'y a' jamais eu qu'une seule oblation
d'L corps de Jésus-Christ : oblation qui s'est faite dès le ventre de sa
très sainte Mère dès le premier moment de son Incarnation, qui s'est
réitérée et manifestée au temple, qui a été parfaite en la croix, et qui
se continue dans la Messe et qui sera éternellement dans le ciel » ( G ).
Un des derniers héritiers de cette école française écrit :
« Si la passion proprement dite tranche incontestablement sur l'en-
semble de la vie du 'Christ par une somme extraordinaire de souffran-
ces et d'expiations, il paraît certain aussi que la partie antérieure de sa vie
n'a pas été exempte d'immolation, et qu'on y trouve à tout le moins
l'humilité, le travail, la pauvreté volontaire, le dépouillement, dans une
mesure qui suffit largement à une expiation actuelle- Et n'y a-t-il pas en
vérité une équivalence d'immolation jusque dans ce libre anéantissement
du Sauveur, renonçant à là gloire et se soumettant aux conditions d'une
vie mortelle, comme parlent le cardinal de Bérulle et Thomassin, à la
suite de saint Paul » (.Phi!. II. 7) (T) ? •
Cette conception,- pleine de piété, se tient dans une ligne fa-
milière à la spiritualité catholique, ceile de l'Imitation, déclarant
que toute la vie du Christ fut croix et martyre (II, 12, § 7).
Elle semble équivoquer par endroits sur le sens du mot sacri-
fice ( 8 ). •
On doit pourtant retenir, avec les théologiens les plus rigou-
(5). Cité par L e p i n , op. îaud: p, 465- Le P. de la Taille conteste la
portée des autres textes allégués ; il reconnaît pourtant que Eérulle a
soutenu que le Christ a été en état de perpétuelle oblation, que sa vie
a été anéantissement, passion et mort (p. 701, sq.).
(6) L'idée du sacerdoce et du sacrifice de J.C; Paris, 1725, p. 125-
' (7) M. L e p i n, op. îaud. p. 742.
(8) Le P. de la Taille; op. laud. rejette cette conception du Christ,
établi en sacrifice dès l'Incarnation. Il reconnaît pourtant qu'elle a été
soutenue par Bourdaloue (plus oratoirement que dogmatiquement), Tho-
massin, Bernardin de Picquigny et surtout Condren. Il s'efforce de déga-
ger Bossuet et Bérulle (p. 699-703 et 31 note, 102, sq.). Il est clair qu'à
la base de cette conception est la notion très répandue du sacrifice moral.
Salmeron appelle ces oblations « des sacrifices intérieurs métaphori-
ques », Thomassin, lui-même, oppose au sacrifice que fut l'Incarnation
le sacrifice véritable et primordial de la Croix.
774 LE SACERDOCE ET LE SACRIFICE DE JÉ8UB-OHRIBT

reux (v.g-, P. de la Taille), que l'oblation de l'Incarnation fut


vraiment affective. Mais dans le Fils de Dieu incarné, un
sentiment même non-manifeste peut-il n'être pas effectif ?
II en résulte d'abord que cette première oblation, toujours
opérante, confère à foutes ses actions un caractère sacerdotal,
une valeur d'expiation universelle.
« II semble bien, écrit M. Lepin, qu'indépendamment de toute souf-
france ou actuelle immolation, le Christ, constitué Souverain-Prêtre,
n'ait pas cessé un seul instant de se tenir en hostie vivante d'adoration,
de réparation, de prière et d'amour. Attitude spirituelle et intérieure,
mais qui ne laisse pas de se traduire au dehors, ou plutôt qui saisit tout
son être et consacre son activité entière. C'est l'hommage de la religion
totale. A ce titre c'est la réalisation parfaite du sacrifice que l'homme
doit être lui-même à Dieu...
"Le sacrifice ainsi offert est le même que tout homme a le devoir
d'offrir : mais le Christ l'a offert avec une perfection exemplaire et
à un titre spécial. Il l'a offert, non seulement en son propre nom, mais
au nom de tous les hommes et pour tous les hommes, en qualité de
Prêtre véritable et souverain. Car il est le premier-né de toute créature
et le Fils de l'homme par excellence, le chef et le Prêtre de l'universelle
création. Ses frères en humanité ne peuvent s'offrir dignement qu'à
son imitation ; bien plus. dans une dépendance étroite à son égard,
par la fusion intime de leur oolation avec la sienne : de telle sorte
que leur sacrifice ne peut être qu'une extension et un prolongement du
sien » (9).
Ce point de vue n'est-il pas celui de notre épître quand elle
montre « le souverain-prêtre et Apôtre de notre confession
fidèle à celui qui le constitue dans sa charge » (III, 1, 5) ? Tout
son ministère dans la maison de Dieu est donc un ministère
sacerdotal. I,a religion, obéissance respectueuse, attribuée au
Fils (V, 7), était son attitude ordinaire : suite de son oblation
originelle.
Autre conséquence de cette oblation, affective et effective :
elle ne cesse de faire sentir son efficience dans la vie de Jésus
et tout spécialement en sa Passion. C'est une doctrine commune
dans l'Eglise depuis la plus haute antiquité. Elle s'exprime
delà dans cette phrase de saint Irénee : « Les Apôtres ont prê-
ché dans le monde entier que le "Fils de Dieu est venu pour
subir la passion et qu'il l'a endurée pour abolir la mort et nous
ressusciter un jour » (10).
(9) Op. îaud. p. 743, sq,
(10) Démonstration de la prédication apostolique, traduction du P.
Barthoulet : Recherches de Science religieuse, 1916, p. 390. On recon-
naît dans ce texte l'influence de l'épître aux Hébreux. -
D'APRÈS L'ÉPÎTRE AUX HÉBREUX 775

La Passion et la mort du Christ sont aussi un témoignage de


son obéissance à son Père, d'une obéissance héroïque. C'est ce
qu'enseigne notre épître en des passages d'une profondeur ver-
tigineuse. « Dans ses souffrances, est-il écrit, il apprit l'obéis-
sance » (V, 8). Ne l'avait-il pas vouée dès le premier instant
de sa vie terrestre ? Ne l'avait-il pas pratiquée tout au long
de son existence ? Comme l'explique saint Thomas, le Christ
voulut avoir de l'obéissance la connaissance expérimentale, qui
ne s'acquiert que dans l'épreuve et, en particulier, dans les
choses difficiles : or l'épreuve la plus dure est celle de la souf-
france.
Quelle souffrance ? Les tortures physiques, pour une nature
noble, sont les moins lourdes a porter. Aussi bien les souffran-
ces dont il s'agît ici sont-elles des souffrances morales : « Aux
jours de sa chair il offrit avec larmes et grand cri des deman-
des et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort »
(V, 7). Texte énigmatique et troublant, nous ouvrant un jour
éblouissant sur une lumière aveuglante. On s'accorde à recon-
naître que ces prières désolées étaient celles de l'agonie. Jésus
ne demandait pas pour lui-même d'être préservé d'une mort
qu'il avait acceptée (/o. X, 17) ; il n'implorait pas davantage
la grâce d'une résurrection personnelle dont il était assuré.
Selon les commentaires de plusieurs Pères, notre Chef, nous
récapitulant tous en- lui, prie à notre place, bien plus « nous
prions en lut, suppliant avec un grand cri et non sans pleurs
que soit réduite à néant la puissance de la mort... » ( n ). La
tête du genre humain. Jouissant d'une psychologie collective
singulière, ressent en lui-même quelle mort éternelle doivent en-
traîner le péché qu'il est devenu et qu'il a pris sur lui (2 Cor.
V, 21), ainsi que la malédiction qu'il supporte pour nous (Gaî.
III, 13). Ce n'est pas platoniquement ni pour des étrangers
qu'il supplie d'être délivré de la mort. On peut ajouter qu'il saisit
tout ce qu'a d'effroyable cette mort ignominieuse qu'il doit
accepter pour accomplir sa mission (XII, 2 ; XIII, 12, 13 ; Phil.
II, 8}, tout ce que comporte d'horreur l'assaut des pécheurs
(XII, 3), II était juste de nommer ces souffrances « une ten-
tation » (IV, 15 ; II, 17, 18), tentation encore plus rude que

(11) S. C y r i l l e d ' A l e x a n d r i e , Ad Reginas de recta fide oratio


altéra, P.G. 76, c. 1392. S. G r é g o i r e d e Naz., Orat. theol. IV, 45, 6,
P.G. 36, c. 109, 112.
776 LE B&OEBOOOB SE LE BAORIHOB 1X0 JÉ8UB-OHBIBT

celle d'Abraham (XI, 17, 18) » car elle exige un total renonce-
ment à soi-même, perdre sa vie ( J o . XII, 23-28).
Puisqu'on ces souffrances était le sommet de l'obéissance,
nous comprenons diverses affirmations de l'épître. D'une part
Dieu a voulu, il convenait qu'il voulût, « consommer par ses
souffrances le principe de notre salut » (II, 10), le conduire
par là au moment décisif et capital de sa mission rédemptrice.
De même que les prêtres lévitiques se montraient compatissants
pour leurs frères en offrant pour eux les sacrifices expiatoires
(V, 2, 3), de même Jésus, par la victoire sur sa tentation surhu-
maine, est le prêtre fidèle et miséricordieux, capable d'obtenir
le pardon pour le peuple, de secourir ceux qui passent par cette
tentation de la souffrance (II, 17, 18 ; IV, 15). De ce biais la
souffrance, animée de foi et d'amour, apparaît, non seulement
comme possédant une vertu éducative par la soumission à la
volonté d'un autre, mais aussi, ce qu'elle est toujours dans sa
forme la plus haute, un sacrifice (12). Atteignant par là au
terme de sa carrière, Jésus est « consommé comme souverain-
prêtre (II, 10 ; V, 9) et il devient pour tous ceux qui, à son
exemple, pratiquent à son endroit l'obéissance, cause de salut
éternel ».
C'est donc cette obéissance héroïque, ce triomphe sur la
tentation, qui donne valeur rédemptrice au sacrifice de Jésus, à
ï'oblation volontaire qu'il fait de sa mort et de son sang.
Il ne faut pas oublier un autre élément capital, et encore
plus déterminant : « Nos consciences sont purifiées par le sang
de Jésus-Christ, parce qu'il s'est offert sans tache à Dieu
dans une disposition d'éternité s- (IX, 14). C'est là l'intervention
de la divinité, valorisant infiniment des opérations humaines.
Le Fils de Dieu, fait homme, donne une portée éternelle à ses
actions, qui sont celles d'une personne divine (VII, 3, 24, 28 ;
X, 12). Il met en son sacrifice une note que les prêtres léviti-
ques, mortels, ne pouvaient communiquer aux leurs : il en fait
une rédemption éternelle, définitive (IX, 12 ; V, 9). Il n'a pas
besoin, comme les autres, de recourir à des oblations indéfini-

(12) Cfr Max Se h é l e r , Le sens de la souffrance (traduction fran-


çaise), Paris, 1936, p. 9-18 : c'est le sacrifice qui donne tout son sens à
la souffrance, acceptée avec amour pour l'unité dont on fait partie.
Elle est nécessaire, et d'autant plus que les civilisations sont plus élevées.
Purification par la souffrance, p.-64, sq.
D'APRÈS 1/ÉPÎTRE AUX HÉBREUX • 777

ment renouvelées ; la sienne, unique, est posée, souverainement


efficace, « une fois pour toutes » (cet hapax, caractéristique de
l'épître) (VII, 27 ; IX, 25. 26, 28 •; X, 1-10, 12). l r

b, La fécondité du sacrifice rédempteur;


Nous avons déjà entrevu que le sacerdoce de Jésus ne pro-
duit tous ses effets de' salut qu'après sa consommation, après
l'entrée au ciel du souverain-prêtre. Cependant les textes attri-
buent une efficience immédiate au sacrifice offert sur terre-
« L,e sang de Jésus-Christ, qui s'est offert immaculé à Dieu dans
un esprit d'éternité, purifie notre conscience des œuvres de
mort, nous permettant de - rendre un culte au Dieu vivant »
' (IX, 14 ; cfi- 22, 26 ; X, 18, 22 ; VIII, 12 ; II, 17 ; I, 3) :
résultat négatif de purification soutenant le résultat positif,
l'accès à Dieu (X, 19, 20 ; XII, 24) ; les deux résultats consti-
tuent la sanctification consommée (X, 10, 14, 29 ; II, 11 ; XIII,
12). Conséquence indirecte : la mort du Christ déboute de ses
droits le diable, maître de la mort. et délivre les hommes, par
la certitude de la résurrection, de la crainte de la mort, qui les
détenait dans un véritable esclavage (II, 9, 14, 15). Par là est
acquise aux hommes la rédemption éternelle (IX, 15, 12), le
salut éternel dont Jésus est le principe (II, 10 ; V, 9) ; le chris-
tianisme mérite d'être appelé « le salut », et il est une économie
de salut (II, 3). Enfin, l'effusion du sang et la mort de Jésus
inaugurent une alliance nouvelle, qui n'aura plus les défauts
de l'ancienne, mais sera le gage d'une complète intimité avec
Dieu, d'une science surnaturelle, de la définitive délivrance du
péché (VIII, 6-13 ; X, 15-18) : Jésus est le garant et le' mé-
diateur de cette alliance : sa mort-là rend irrévocable et infailli-
blement efficace (VII. 22 ; VIII. 6 ; IX, 15-16 ; XII, 23) (13).

(13) Parallèles pauliniens : les plus importants seront étudiés dans la


seconde partie. En voici quelques-uns : Rémission des péchés : Rom.
III, 23, 24 ; VI, 6, 7, 11 ; IV, 25 ; VIII, 3 ; 1 Cor. XV, 3 ; Gai. I, 4 ;
Eph. I, 7 ; Col. I. 14 ; II, 13-15, — Sanctification : .; Cor. I, 30 ; VI, 11 ;
Eph. V, 26 ; 1 Thés. V. 23 ; 2 Thés. II, 13. — Rédemption : Eph. I, 7 ;
Col. I, 14 ; Rom. III, 24 ; Tit. II, 14 ; .; Cor. I, 30. — Salut : Rom. I,
16 ; XI, 11: ; Eph. I, 13 ; Phil. III, 20 ; 2 Tim. II, 10 ; I, 10 ; Tit. III,
4. — Défaite du diable, maître de la mort : 1 Cor. XV, 26, 55, 56 ; 2 Cor.
V, 21 ; Gai. III, 13, 14 ; Rom, V, 17, 21 ; VI, 9, 16, 23 ; VIII, 2, 38. —
Alliance nouvelle : 1 Cor. XI, 25 ; 2 Cor. III, 6 14 ; Gai. IV, 24 ; Rom.
XI, 27.
778 LE SACERDOCE BT LE SACRIFICE DE JÉ8L-S-OHRI6T

B. Dans le sanctuaire céleste.

Dans l'office de la Grande -Expiation le rite significatif est


l'entrée du grand-prêtre au Saint des Saints. Pareillement l'en-
trée au ciel de Jésus-Christ couronne son office sacerdotal et
lui ouvre une activité toute surnaturelle.

a. L'exaltation du Souverain-Prêtre.
Il a été défini au concile d'Ephèse : « ce n'est pas pour ïui
que le Christ a offert son oblation, mais pour nous seuls ». En
conséquence son sacrifice ne produit ses fruits que pour ses
frères d'humanité. Pourtant « le Christ a obtenu par sa passion
la gloire de la résurrection, non pas cependant comme en vertu
du sacrifice, qui est offert dans une fin satisfactoire, mais en
raison de sa dévotion, qui l'a porté à supporter humblement en
charité la passion — ce qui n'est pas l'effet propre, immédiat
du sacrifice » (14). En effet, si sa résurrection est attribuée à
son Père (XIII, 20), si la gloire du ciel est présentée comme la
récompense qui lui était proposée (XII, 2), H semble que le
Christ est entré au ciel uniquement par la vertu de son sang,
par Foblation de son corps, la tente surnaturelle (IX, 11, 12),
en récompense de son obéissance héroïque (V, 9 ; XII, 2),
après avoir purifié les hommes (I, 3) ; ou bien il est dit simple-
ment qu'il a pénétré dans les cieux (IV, 14 ; IX, 24). Alors
seulement il est consommé comme souverain-prêtre, il peut rem-
plir en plénitude son office (V, 9, 10 ; VI, 20 ; VII, 26), être
vraiment le souverain-prêtre ayant pouvoir sur la maison de
Dieu (X, 21).
Cette exaltation était nécessaire : elle signifie que Dieu ac-
cepte et ratifie le sacrifice de son Christ (15). Elle complète
aussi le sacrifice, compris comme une action destinée à nous
réunir à Dieu, « ut sancta societate inhaereamus Deo » : de ce

(14) S. T h o m a s , Somme thêoîogique, III, q. 22, a.4 a-d secundum.


(15) Les théoriciens tiennent cette acceptation et ratification divines
comme un élément essentiel du sacrifice : M. d e l a T a i l l e , o}>- laud.
p. 136. sq. Des textes patristiques, affirmant que te Christ apparaît
prêtre à la résurrection (et à l'Ascension) il déduit la thèse ; c'est dans
sa résurrection que le Christ est devenu souverainement prêtre. On
pourrait rapprocher l'affirmation de saint Pierre (Act. II, 36) ; « Dieu a
fait (par la résurrection) Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez
crucifié-».
D'APRÈS L'ÉPITRE AUX HÉBREUX 779

point de vue le sacrifice de Jésus est simplement « le retour


du Fils unique à son Père » ( lfl ).
Cette élévation du Christ, qui marque la consommation de
son sacerdoce, n'en est pas l'inauguration, comme le voulaient
les Sociniens. Elle porte à son maximum l'efficacité de la mé-
diation sacerdotale, elle ne consomme pas le Christ dans sa
nature de Fils qu'il possède en plénitude, dès l'origine et même
dans le moment où il se montre inférieur aux Anges (II, 9) (1T).

b. La liturgie céleste.
Le Christ est appelé le ministre (liturge) du sanctuaire (cé-
leste), de la tente véritable, dressée par le Seigneur (VIII, 2) ;
il en a célébré la dédicace par son propre sacrifice (IX, 23, 24)
avant d'y entrer. Comment entendre cette liturgie ?
Il convient de noter, au préalable, que ces termes -ne doivent
pas être pris à la lettre : l'Apôtre, dégagé des conceptions gros-
sières, sachant la signification symbolique de toutes les des-
criptions imagées et imaginaires du sanctuaire céleste, le con-
çoit, au fond, à la manière d'un Condren, comme le sein de
Dieu, comme une communion toute spirituelle joignant la créa-
ture a, son Créateur. Cette idée se reflète dans l'expression qu'il
emploie le plus souvent pour décrire l'attitude du Souverain-
Prêtre dans le ciel ; il est assis à la droite de Dieu (I, 3, 13 (a) ;
VIIT, 1 ; X, 12 ; XII, 2) : ce qui signifie la Jouissance con-
substantielle de la divinité et aussi la participation a la gloire
divine (II, 9), l'inauguration d'un règne universel, divin (II, 8 ;
I, 8, 9 ; X, 12, sq.), qui ne cessera de s'élargir (cfr 1 Cor. XV,
25-27) jusqu'à la dernière manifestation glorieuse (IX, 28).
Les commentateurs n'ont pas manqué d'opposer cette session
glorieuse, qui convient au maître, aux services empressés des
prêtres, courant ou se tenant debout selon que le demandent
les fonctions qu'ils'remplissent (X, 11). Il ne faudra donc pas
presser les textes attribuant au Christ trônant dans le ciel, y
voir des offices sacerdotaux trop déterminés.
II est affirmé d'une part qu'il est « toujours vivant afin d'm-
(16) E. M e s u r e , op. land. p. 42-39, commentant cette définition de
saint Augustin (Civit. Dei, X, 6, P.L. 41, c. 283), reprise par saint Tho-
mas (III, q. 48, art. 3) et en faisant, p. 180-200, l'application à la Croix.
(17) J. L e b r e t o n . op. laud. p. 435, contre certaines interprétations
abusives de II. 9-11. 17, 18 ; V, 7-10 ; IV, 15 ; V3I, 28.
780 LB SACERDOCE ET LE SACRIFICE DE JÉSUS-CHRI6T

tercéder pour les fidèles, qui approchent Dieu par lui » (VII, 25),
et d'autre part qu'il « est entré dans le ciel afin de figurer dé-
sormais à la face de Dieu à notre bénéfice s- (IX, 24). Si nous
nous en tenons au sens ordinaire du verbe « intercéder »
{èvtV^yà.'VE^v : Rom. VIII, 27, 34 ; XI, 2), nous pouvons
croire qu'au ciel notre souverain-prêtre prie pour ses frères
d'humanité, demandant pour eux les grâces nécessaires (/o,
XIV, 16), plaidant la cause des pécheurs {1 J o . II, 1, 2). Sans
doute cette prière du Christ glorieux exclut toute attitude ser-
vile, humiliée, suppliante ; geste de condescendance, elle est
d'une autre espèce que la prière des saints. On peut la réduire
à une oraison sans paroles mais prodigieusement éloquente : le
Pils montre Fhumanité qu'il a prise pour nous et les stigmates
de ses blessures ( ls ).
Faut-il aller plus loin, tenir que le Souverain-Prêtre céleste
est toujours en état de victime, offre continuellement un véri-
table sacrifice ? Nombre d'auteurs ecclésiastiques, dont plu-
sieurs Pères de l'Eglise, professent cette thèse d'un sacrifice
céleste. Elle semble s'appuyer sur un argument invincible : au
ciel le Christ est essentiellement prêtre, or peut-on concevoir
un prêtre sans un sacrifice ? Que serait ce sacrifice ? Sacrifice
actif : « le feu divin de l'Esprit de 'Dieu consumant l'holo-
causte, dit le P. de Condren (le) ; Jésus-Christ offre à son Père
son humanité tout en lui représentant l'expiation rédemptrice,
en offrant la victime immolée ici-bas sur la croix, qui demeure
toujours à l'état de victime immolée {Apoc. V, 6), ce qui est une
oblation permanente de l'oblation sanglante (20). Sacrifice passif,
le Christ restant dans le ciel « à l'état de don, présenté jadis et
depuis ^ardé par Dieu à Jamais... sacrifice consommé... le

(18) P e t a u , Dogm.. tkeoî. De Incam. XII, ch. 8, admet cette prière


du Christ céleste et dans les termes où nous la proposons- II est com-
battu par T h o m a s s i n , Dogm. tkeoî. De Incarn. IX, ch. 6. Le P. d e
l a T a i l l e (Myst. Fîdei, elucid. XIV) nie la possibilité dans le Christ
glorieux de toute prière, même ne s'appuyant que sur les mérites de la
Rédemption.
(19) L'idée du sacerdoce.,, p. 208, sq. II s'appuie sur un texte de saint
A u g u s t i n , în psaî. 65 qui concerne le corps mystique.
(20) M. L e p i n , L'idée d» Sacrifice de la Messe, p. 745-749, 756, 698-
711 (discii^loîi des idées ftu P. de la TaiTe. 401, 449, 467, 482, 490, 515,
577, 583, 626, 630. 632, 642... (textes divers).
T h o m a s s i n sur l'immolation céleste par le feu éternel : De Incarn.
X, ch. 11-14 (abondance de textes).
D'APRÈS I/ÉPÎTRE AUX HÉBREUX 781

plus vrai, le seul vrai d'une vérité qui domine les ombres et
les figures pour leur communiquer ce qu'il pouvait y avoir de
fondé dans leurs apparences d'offrande agréée » (21).
Rien dans notre épître ne permet de justifier des thèses ou
de dirimer des controverses, qui reposent en partie sur une
notion morale du sacrifice, propre à suggérer de touchants dé-
veloppements oratoires ( 22 ), II est vrai que les chrétiens partici-
pent à l'autel qui est le Christ (XIII, 10), mais au sens eucha-
ristique. La mort acceptée, offerte et subie, l'effusion du sang
précèdent l'entrée au sanctuaire divin. Là, le Christ arrive à
la consommation de son sacerdoce, en procurant aux siens de
percevoir les fins de son sacrifice ( 23 ).

4° Le Nouveau Testament.
Au ciel notre Souverain-Prêtre est entré comme notre
avant-coureur, pour nous y préparer une place (VI, 20) : ga-
rantie de l'espérance et des promesses supérieures, qui distin-
guent la nouvelle alliance (VII, 19 ; VIII, 6) et dont Dieu
réserve l'accomplissement à l'ère chrétienne (XI, 40 ; X, 23,
36). Ce n'est pas seulement après leur mort que les fidèles ont
accès au sanctuaire céleste : il leur est déjà ouvert dans le sang
et par le corps du Prêtre-Victime (X, 20 ; VI, 19, 30). C'est
l'entrée au repos divin auquel Dieu, depuis la création, nous
prédestine (IV, 2-9). Ce symbole se réalise dans l'intimité
avec Dieu : par Jésus-Christ nous sommes introduits auprès
de Dieu (VII, 19, 25 ; IX, 8 ; X, 19) et pouvons lui rendre le
culte intérieur qu'il attend (IX, 14) ; nous sommes devenus
réellement en son Fils unique ses enfants (II, 11), constituant
sa maison (III, 6). Cette intimité comporte nécessairement une
communion avec le Christ (III, 14) et avec le Saint Esprit
(VI, 4) : ainsi se vérifie notre vocation céleste (III, 1), qui
nous unit à la Trinité d'une union étroite, aussi réelle et onto-
logique que la part prise par le Fils de Dieu à notre nature

(21) U d e l a T a i l l e , esquisse du Mystère de la Foi. p. 97-110 ;


Mysterium Fidei, p. 142-150, 153-165 (l'autel éternel), 743-747 (discus-
sion).
Le P. B o v e r (Verbum Domînî, 1921, p. 161-166) affirme une -persé-
vérance morale du sacrifice de la Croix.
(22) P. G a 11 i e r, De Incarnat, p. 430-434, qui expose et J'uge les opi-
nions des catholiques.
(23) S. T h o m a s , Somme théol. III, q. 22, a.5 distinguant entre
l'oblation et la consommation du sacrifice.
782 LE BÀOERDOOB •ET LE SACRIFICE DE JâSUS-CERIBT

humaine (II, 14, 17). Cette communion au Christ est encore


plus accusée dans la prérogative réservée aux chrétiens : man-
ger de l'autel qui est Jésus (XIII, 10). Grâce et assurance de
même ordre : le chrétien est déjà en 'possession de la patrie
céleste, du règne inébranlable, il est le citoyen de la céleste
Jérusalem, le compagnon des anges et des saints (XII, 32-24,
28 ; XIII, 14) : il goûte déjà ces biens dont il ne percevra que
plus tard la plénitude.
Il est dès maintenant établi dans un état surnaturel : il a dé-
passé le stade charnel de l'ancienne alliance pour bénéficier des
puissances de la vie indissoluble (VÏI, 16), des faveurs de l'hé-
ritage éternel (IX, 15). Ces biens comprennent : une connais-
sance directe de Dieu (VIII, 10, 11), la révélation parfaite et
totale dans le Fils (I, 2 ; III, 2-4 ; XII. 25, 26) ; l'admission
aux sacrements, le baptême qui purifie dans le sang du Christ
(X, 29 ; XII, 24). l'eucharistie, qui nourrit du Christ (XIII,
10) ; des faveurs abondantes d'illumination et de vie intérieure
(II, 4 ; VI, 4, 5 ; X, 26, 29, 32). On ne peut se maintenir dans
cet état que par la foi (III, 1, 12, 19 ; IV, 2, 14 ; VI, 1, 12 ;
X, 22, 38 ; XI, 6 ; XIII, 7) qui est une obéissance au grand-
prêtre de notre confession (III, 1 ; XII, 2), et par l'espérance,
qui est fort apparentée à la foi (III, 6 ; IV, 16 ; VI, 11, 18 ;
X, 19, 23, 36 ;XII,-1).
C'est par la persévérance, par l'assurance et la confiance,
que les chrétiens pourront voir le Seigneur, à sa dernière appa-
rition en gloire (XII, 17 ; IX, 28), entrer en possession défini-
tive de ce salut, que par son sacrifice nous a conquis notre
Souverain-Prêtre (IX, 28 ; V, 9 ; II, 18 ; VII, 25 ; I, 14) ( a4 ).
(24) Nouveaux parallèles pauliniens : Vocation : 1 Thés. II, 12 ; Gai.
I, 15 ; 1 Cor. I, 9 ; Phil. III, 14 ; 1 Tim. VI, 12 ; 1 Pet. V, 10... — Com-
munion au Christ et à l'Esprit : 1 Cor. I, 9 ; 2 Cor. XIII, 13 ; Phil. II,
I. (Parallélisme réel avec la doctrine du corps mystique)/— Manger
de l'autel : 1 Cor. IX, 13 ; X, 16-18, 21. — Part à la cité céleste : Ëph.
II, 19 ; Gai. IV, 25, 26. — Héritage céleste : Gai. III, 18 ; Bph. l, 14, 18 ;
V, 5 ; Col. III, 24 ; Rom. IV. 14 ; VIII, 17 ; Tit. 111, 7. — Connaissance
directe de Dieu : 1 Thés. IV, 9. — Purification baptismale : Eph. V, 26 ;
Tit. III, 5 ; 1 Pet. III, 21 ; I, 2. — Illuminations initiatiques : 1 Cor. II,
4-6 ; Bph. I, 18 ; III, 9 ; 2 Tim. I, 10 ; 2 Cor. XII, 4. — Charismes :
1 Cor. XII-XIV ; Rom. XII, 3-8 ; Eph. IV, 7-16. — Foi et espérance :
1 Thés. I, 3 ; V, 8 ; Gai. V, 5, 6 ; Rom. V, 1, 2, 5 ; 2 Thés. I, 3, 4 ; Col.
I, 4, 5, 23 ; Bph. I, 15-18. — Foi = obéissance : Rom. I, 5 ; XIV, 26 ;
II, 8 ; X, 16 ; Gai. III, 2, 5. — Salut : mot caractéristique du vocabulaire
paulinien.
D'APRÈS L'ÉPÎTRE AUX HÉBREUX -783

II.

SOURCES ET SIGNIFICATION DE LA THÉOLOGIE SACERDOTALE.

L'épître aux Hébreux est le seul écrit du Nouveau Testa-


ment qui présente Jésus-Christ comme prêtre. En faisant ab-
straction des lumières provenant de la révélation et de l'inspi-
ration, nous rechercherons quelles sont les sources humaines de
cette doctrine.
Petau et Thomassin ouvrent leurs chapitres sur le Sacerdoce
du Christ par des textes de Philon sur le Logos souverain-
prêtre, prenant quelques traits de Melchisédèch. Tous les deux
observent pareillement que les hérésies ou les déviations doctri-
nales en cette question sont dues à une influence excessive de
Philon. C'était indiquer les différences fondamentales qui sé-
parent la théologie des Hébreux et la philosophie de l'Alexan-
drin. Il était inévitable que les critiques désignent Philon comme
la principale source de notre théologie sacerdotale ( a5 ). Nous
ne pouvons songer ici à rapporter toutes les pièces du débat.
Qu'il nous suffise de citer le jugement d'un historien accrédité.
Après avoir analysé ou reproduit les textes de Philon, le P.
L,ebreton conclut :
« II faut convenir que la doctrine qui se dégage de tous ces textes
est fort différente de celle qui est exposée dans l'épître aux Hébreux.
Le sacerdoce du Logos a, pour Philon, un sens cosmologique ou psy-
chologique ; dans les deux cas, d'ailleurs, il est purement symbolique :
le logos divin et la raison humaine Jouent dans le monde et dans l'hom-
me un rôle analogue à celui du grand-prêtre dans le temple ; il faut
remarquer de plus que cette analogie ne porte jamais sur ce qui est
essentiel au sacerdoce, c'est-à-dire l'oblation des sacrifices, mais sur
les accessoires, c'est-à-dire les cérémonies accomplies par le grand-
prêtre ou surtout les vêtements portés _par lui ; l'interprétation de l'his-
toire de Melchisédèch ne fait pas exception : les traits par lesquels il
symbolise le logos sont, non pas les sacrifices qu'il offre ni son sacer-
doce éternel, mais 'la justice que son nom signifie, ou l'ivresse qu'il
cause dans les âmes par le vin qu'il leur donne. Au contraire, dans
l'épître aux Hébreux, le sacerdoce du Christ est une fonction sotériologi-

(25) E. M é n é g o z, L,a théologie de l'épître aux Hébreux, Paris,


1894, p, 205, sq. Il ne veut pas faire de l'auteur de l'épître un disciple
de Philon, mais il affirme que c'est dans l'enseignement de Philon
qu'il a trouvé plusieurs de ses doctrines. Bien des rapprochements sont
tout -matériels.
784 LE BÀOERDOOB.BT LE SACRinOî] DE ' JÉBL-B-CHaiflT

que ; il l'exerce, non en tant qu'empreinte du Père ou créateur du mon-


de» mais en tant qu'homme et sauveur... » ( 2G ).
A ces différences foncières il faut ajouter une différence for-
melle : la place relativement restreinte que le I^ogos, comparé
au grand-prêtre, tient chez Philon. Aussi bien actuellement
nombre d'exégètes reconnaissent-ils combien sur ce point les
deux auteurs sont loin l'un de l'autre (2Ï) ; de fortuites rencon-
tres verbales ne doivent pas faire conclure a, une parenté in-
tellectuelle.
En ce domaine, comme dans les autres, l'Apôtre découvre la
lumière dans la Révélation biblique illuminée par le message
chrétien. Il rencontre ainsi deux indications convergentes : d'une
part dans le Psautier et dans la Genèse les textes décisifs sur
Melchisédech, le souverain-prêtre et le principe du sacerdoce
divin promis au Messie ; d'autre part dans le Nouveau Testa-
ment une doctrine nettement définie sur le sacrifice que Jésus a
fait de lui-même à la Croix et sur la valeur sotériologique de son
sang et de sa glorification.
L,e théologien chrétien, attentif à lire le palimpseste des vieil-
les -Écritures dans la lumière du Christ, qui en décèle
lés lignes significatives, avait compris que le Sauveur attendu
serait prêtre, mais pas de la lignée d'Aaron. Où donc Jésus
a-t-il exercé ce sacerdoce, lui qui, dans ses passages à Jérusa-
lem, recourait aux offices des fils de L,évi ? Voici d'abord un
mot du Maître qui répond directement à la question : « Ce calice
est la nouvelle alliance en mon sang » (1 Cor. XI, 25 ; L,uç,
XXII, 20 ; Marc, XIV, 24 ; Mat., XXVI, 28). L'alliance du Si-
naï que cette phrase rappelle {Ex. XXIV, 8) exigeait un sacri-
fice : n'en est-il pas de même pour la nouvelle alliance ? N'est-
elle pas établie par la mort de Jésus, sacrifice dont il est lui-
même, et la victime, et le prêtre ? Et l'Apôtre se souvient de la
prière du Seigneur dont la tradition gardait pieusement les pro-
positions solennelles : « Je me sacrifie pour eux afin qu'ils

(26) Histoire du dogme de la Trinité, Note G, p. 622, sq: Le plus


souvent c'est à la raison qu'est comparé le logos-grand-prêtre.
(27) W i n d i s c h (Comment., p. 122) : énormes différences. H. v o n
S o d e n (Comment; p. 56) qui majore les dépendances philoniennes,
écrit que l'humanité du Fils de Dieu est le point par lequel les déve-
loppements de l'épître se distinguent spécifiquement de ceux de Philon.
M o f f a t t (Comment, p. XL,VII, sq.) souligne le côté philosophique
de la métaphore chez Philon.
D'APRES I/ÉPÎTRE AUX HÉBREUX 785

soient aussi sanctifiés en vérité » (Jo. XVII, 19) : offrande


personnelle du souverain-prêtre. Et les textes affluent, confir-
mant cette intuition capitale : « Le Christ s'est livré pour
nous, en oblation et sacrifice offert à Dieu en odeur de sua-
vité » {Ëph. V, 2 ; cfr V, 25 ; Gai, II, 20 ; I, 4 ; 1 Tim. II, 6 ;
Tif. II, 14) ; « Dieu a exposé le Christ Jésus comme propitia-
tion, par la foi, en son sang » (Rom. III, 25 ; cfr Rom. VIII,
32 ; V, 8 , 1 Jo. IV, 10 ; II, 2) ; Jésus, assimilé à l'agneau de la
Fâque, immolé pour nous {1 Cor. V, 7 ; 1 Pet. I, 19 ; Jo. XIX,
36 ; I, 29, 36 ; Apoc. V, 6-12). Toutes ces affirmations placent
la mort du Christ dans la ligne des sacrifices institués par la
•loi mosaïque : principe suprême d'analogie, continuation et con-
sommation. Du même coup prennent une valeur nouvelle, valeur
rituelle, les textes affirmant la valeur rédemptrice, soit du sang
{Bph. I, 7 ; II, 13 ; Col. I, 20 ; Rom. V, 9 ; 1 Cor. X, 16 ; XI,
27), soit de la mort sanglante du Christ {1 Cor. XV, 3 ; 2 Cor. V,
15 ; Rom. V, 8-10 ; Col. Ï, 22 ; 1 Thés. V, 10 ; 1 Tim. II, 6 ;
1 Cor. VI, 20 ; VII, 23 ; Gai. Il, 20 ; III, 13 ; Rom. VII, 4 ;
Hph. II, 16).
Cependant il est dans la sotériologie paulinienne un autre
chapitre, non moins important. Si nos péchés ont été purifiés
par la mort du Christ, nous sommes justifiés, pleinement sau-
vés, par sa résurrection {Rom. IV, 25), qui le fait devenir esprit
vivifiant {1 Cor. XV, 45), en état de communiquer aux siens les
dons spirituels. Le Fils est mis en possession de toute sa vertu
rédemptrice par sa glorification {Rom. I, 4 ; Hph. I, 19-22 ;
Col. II, 12 ; Phil. III, 10). Le chrétien a la conviction que le
Christ, avec qui il est en communion, qui se fait son prin-
cipe de vie, est le Christ glorieux : de cette tête de l'Eglise
découlent sur lui les dons surnaturels {Col. I, 18, sq. ; II, 12 ;
III, 1 ; Ëph. I, 19-23, 10 ; II, 6, 20, sq. ; IV, 8-10...). Le Sau-
veur exerce sa mission, non seulement parce qu'il s'est livré en
sacrifice expiatoire, mais surtout parce qu'il est à la droite de
Dieu( 28 ).
Comment concilier les deux points de vue ? le sanglant et
le flamboyant ? Au surplus, comment rendre acceptable à des
esprits, défiants à l'égard des conceptions mystiques, cette
action sur des êtres terrestres d'une Christ céleste ? Unification
et justification, sont fournies par la théologie sacerdotale.
(25) F. P r a t , Théologie de S. Paul (7* édit.). II, p. 215-224, 250-254.
786 LE SACERDOCE ET LE SACBmCE DE JÉSUS-CHRIST

Les Juifs voyaient dans la liturgie de la Grande Expiation


à la fois le rite expiatoire souverainement efficace et le plus
haut office de la charge pontificale. Or le rituel mosaïque exi-
geait pour la purification, non moins l'entrée au Saint des
Saints, que Fimmolation des victimes. Le sacrifice de Jésus de-
vait donc avoir comme complément nécessaire son entrée au
sanctuaire divin. Les fidèles croyaient à l'action surnaturelle
des sacrifices lévitiques et tout particulièrement des fonctions
de Kippour. Plaçant dans ce cadre institutionnel le geste sa-
cerdotal de Jésus, on dissipe les hésitations de ceux qui pou-
vaient douter de son efficacité. L'aspect Juridique vient justifier
l'aspect mystique.
En somme la théologie sacerdotale de l'épître est une ex-
pression de la sotériologie paulinienne, mais dans un autre sys-
tème de valeurs.
En outre cette transposition au mode sacerdotal comporte
de précieux avantages apologétiques et spirituels.
Le Christ, son message, sa mission, Féconomie qu'il inaugure,
se trouvent accrédités par l'ensemble de l'Ancien Testament,
par sa littérature et par ses institutions, prophéties ou figures
de l'ordre nouveau. A son tour Israël, son histoire, ses croyan-
ces, sa loi se trouvent expliqués : le sens profond de leurs lignes
obscures apparaît dans le terme vers lequel elles tendent ; les
déficits de ses destinées et de sa législation ne sont plus un
scandale, quand on comprend qu'elles n'étaient qu'un stade
préparatoire. Et du coup les rites mosaïques sont rétrospective-
ment revalorisés : ils avaient leur raison d'être comme types
annonciateurs de l'unique sacrifice et de par leur solidarité
avec ce sacrifice divin il est juste, devons-nous admettre, qu'ils
aient eu valeur religieuse et surnaturelle.
Enfin le sacerdoce chrétien, participation et expression ter-
restre du sacerdoce céleste, revêt une grandeur et une signifi-
cation singulières : il ne peut être abaissé au niveau d'une simple
institution sociale humaine, il n'est pas un rituaKsme formaliste,
vide et stérile : les gestes de ses prêtres, continuant le geste du
souverain-prêtre éternel, prennent la même féconde puissance
mystique.
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)
Ênghien. J. BONSIRVEN, S. I.

Vous aimerez peut-être aussi