Mémoire PAN Zhilu M1
Mémoire PAN Zhilu M1
Zhilu PAN
1
SOMMAIRE
INTRODUCTION
CONCLUSION
2
LISTE D’ABRÉVIATIONS
3
INTRODUCTION
En France, l'extrême droite est historiquement « une tendance politiquement dure » mais
aussi « un concept mou »1. On pourrait certes classifier certaines idéologies dans le cadre
d'extrême-droite, mais cela n'empêche pas que ces idéologies se différencient voire se
contredisent l'une à l'autre à propos de diverses problématiques. On pourrait dire que les
idées considérées comme d'extrême-droite existent en tant que réponses négatives à des
changements et à de nouvelles tendances sociales, ceux qui se méfient le plus des
changements et/ou prônent le plus la réincarnation du passé, sont ceux que l'on classifie à
l'extrême-droite. S’il est encore possible d'écrire une histoire générale ou régionale de
l'extrême droite, c'est peut-être parce qu’au contraire des idées libérales ou socialistes qui se
développent sans cesse au niveau normatif et constructif, les idées attachées à
l'extrême-droite se répètent souvent en suivant une logique identique, répondent
similairement à divers contextes historiques, malgré les variations de leurs revendications
précises.
1
Michel Winock, Histoire de l'extrême droite en France, Editions du Seuil, janvier 1993 et
novembre 1994, p7
2
Idem, p7-p16
4
« que l'exaltation du sentiment national n'a pas toujours appartenu à la doctrine
d'extrême-droite »3
Est-ce qu'il est possible de dessiner une image claire d'Israël dans la presse française
d’extrême droite ? Ce mémoire essaie d’explorer les articles qui ont évoqué l'État israélien
de nos jours, autrement dit, le gouvernement Netanyahu depuis 2009, dans Valeurs
actuelles et Égalité et Réconciliation, presses et/ou médias considérée toutes les deux
comme d’extrême droite en France, qui représentent pourtant deux propos différents
vis-à-vis de l'État israélien. A propos des postures différentes chez les presses d’extrême
droite, pourrait-on dire que l'extrême droite pourrait facilement adopter certaines idées
classiquement à gauche ? Ou alors l’hétérogénéité dans toutes ces idéologies nommées
« extrême droite » est-elle trop considérable pour qu'on continue à utiliser le concept
d'extrême-droite ? Cette question sera également abordée dans ce mémoire.
3
Ariane Chebel d'Appollonia, L'extrême-droite en France : de Maurras à Le Pen, volume 1,
Éditions Complexe, 1998, p44,
4
Rédaction E&R, A ttentats : vers une israélisation de la politique sécuritaire de la France, Egalité et
Réconciliation, 27 août 2016, lien :
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Attentats-vers-une-israelisation-de-la-politique-securitaire-de-l
a-France-41095.html
5
PARTIE 1 - L'IMAGE D'ISRAËL, MIROIR DE LA
DIVERGENCE CHEZ L’EXTRÊME DROITE
En France comme dans le monde entier, malgré l'utilisation encore courante du terme
d'extrême droite, la qualification d'extrême-droite évoque toujours beaucoup de débats.
D'abord, les mouvements qualifiée d'extrême droite refusent souvent cette appellation, ils
cherchent à se nommer différemment par spécialités idéologiques ou stratégiques, tels que
droite populaire, droite patriote, alt-right, quelquefois ils refusent aussi d'être qualifiés à
droite ou à gauche car ils prônent une « troisième voie » qui dépasse les clivages partisans
gauche/droite. Ce qui met en interrogation l'utilisation du concept d'extrême droite : qui
détient la légitimité de qualifier les clans politiques ? Il est facile de dire que les acteurs
politiques ne peuvent la détenir vu leurs partis pris et leurs convictions militantes, mais les
travaux des chercheurs en science politique possèdent-ils vraiment la justesse, si la
neutralité de valeurs est elle-même une problématique ?
6
ne peut pas être évité, mais celui-ci ne doit pas être positionné pour influencer les autres
dans le travail quotidien ; pour les hommes politiques, il faudrait saisir les exigences du
politique moderne, rester responsables du résultat de leur action5. Le lien entre la science et
le politique selon Weber, est simplement que la science inspire une réflexion rationnelle du
résultat d'une certaine conviction politique. Si l'on suit cette logique, la science politique
n'est pas quelque chose entre la science et la politique, elle est juste censée prendre la
politique comme un objet de recherche. Mais que faire quand les objets parlent, se
définissent autrement ?
5
Max Weber, Wissenschaft als Beruf und Politik als Beruf, version chinoise traduite par Feng Keli,
SDX joint publishing, mars 2005
6
Schémas annuels réalisés par La Horde et Reflex, lien :
http://lahorde.samizdat.net/wp-content/uploads/2016/12/Sch%C3%A9ma-d%C3%A9cembre-2016.
png
7
Si les groupes politiques contre l'extrême-droite peuvent être trop biaisés vu qu’ils font face
à leurs ennemis idéologiques, par la même logique, les propos des groupes qu'on appelle
l'extrême-droite ne peuvent être plus crédible. Toutefois les chercheurs ne sont pas non plus
plus justes que les autres : les chercheurs ont aussi leurs partis pris politiques, et les dogmes
de recherche leur permettent parfois de les cacher dans un langage qui paraît neutre.
Comment sortir de cette confusion ? Un moyen semble être d'examiner s’il y a toujours
des points communs chez différents groupes qualifiés à l'extrême droite mais restant en
opposition l'un à l’autre, ces groupes doivent pouvoir représenter chacun une catégorie
courante. De surcroît, pour examiner les points communs, il faudrait trouver un sujet qui
engendre assez de débats politiques au lieu du consensus chez différents groupes. En lisant
et étudiant leurs propre paroles vis-à-vis d'un sujet donné, sans être convaincu facilement
par une telle ou telle idéologie prônée, il serait encore possible pour les chercheurs de
décider s'il faudrait continuer la qualification courante ou pas. Ce mémoire n'a pas
l'ambition de donner une réponse certaine à cette question assez complexe, il veut juste se
baser sur l'analyse du texte issu des groupes qualifiés d'extrême-droite, c'est-à-dire les voies
médiatiques d'extrême droite, pour construire une perspective assez explicative. Ainsi, seuls
des groupes qui portent paroles dans la presse et le média seront mis dans le cadre de ce
mémoire.
A propos du sujet donné, le traitement des informations concernant Israël pourra être un
miroir qui reflète la divergence évidente entre les groupes qu'on appelle « l'extrême
droite ». Historiquement, l'extrême-droite française était marquée par l'antisémitisme, les
militants d'extrême-droite le revendiquaient également sans hésitation. Mais aujourd'hui, la
presse comme Valeurs Actuelles, q u’on qualifie de droite dure, libéral-conservatrice voire
7 8
réactionnaire donc d'extrême-droite (cette qualification suppose qu’une extrême-droite
7
avier Ternisien, « Une filière "Valeurs actuelles" à la tête du "Figaro" », Le Monde, 19 juillet
X
2012
8
Jérôme Lefilliâtre, « Valeurs Actuelles » : dans la rédac des ultrasréacs, Libération, 7 février 2016
8
peut être l'extrême d’une droite classique), pense qu’actuellement l'antisémitisme se situe
plutôt à gauche qu'à droite, parce que la gauche française (de classique à radicale) a une
tendance à soutenir la Palestine et condamner la colonisation de l'Etat d'Israël. Pour Valeurs
Actuelles, il s’agit juste d'un nouvel antisémitisme : être contre l'Etat d'Israël et le sionisme
égale être anti-juifs9. A contrario, d'autres groupes d'extrême-droite n'ont pas choisi la
position pro-sioniste, surtout les groupes d'extrême-droite dit anti-institutionnels actifs sur
Internet qui est pour eux une voie exploitable d’expression. Ce mémoire prendra le site
Égalité & Réconciliation pour l'objet d'analyse.
A l'origine, Valeurs actuelles n'a été qu’une revue boursière, puis est devenu un journal
d'opinion et un magazine généraliste. Aujourd'hui, ce magazine ne se revendique qu'à droite
classique, mais impliqué aussi dans les condamnations de la provocation de la haine raciale.
En août 2013, Valeurs actuelles a publié sa une du mois provocatrice titrée « Roms
l'overdose »10, en septembre, Valeurs actuelles a encore sorti son magazine avec une
couverture où est illustrée une marianne cachée en niqab, voile islamique qui couvre tout le
visage, interdit d'apparaître publiquement en France. A la une, cette édition s'attaque à la
naturalisation massive du gouvernement socialiste, de peur que « le peuple » soit
« changé » par l'islam et l'immigration. L'Union des étudiants juifs de France, le
mouvement contre le racisme Mrap et SOS racisme ont porté plainte contre Valeurs
actuelles p our son racisme à l'égard des français musulmans. Toutefois, suite à la
9
Stanville Raphaël, « Cette gauche qui n'aime pas Israël », Valeurs actuelles, no.4053, jeudi 31
juillet 2014, p8
10
Le nouvel observateur, « La une de "Valeurs actuelles" sur les Roms enflamme Twitter »,
L'Obs(site), le 21 août 2013, lien :
http://tempsreel.nouvelobs.com/les-internets/20130821.OBS3834/la-une-de-valeurs-actuelles-sur-le
s-roms-enflamme-twitter.html
9
condamnation, Valeurs actuelles n'a pas hésité à se défendre au nom de la liberté
d’expression dans son communiqué11.
11
L'Obs avec AFP, « Marianne voilée : la nouvelle une "haineuse" de "Valeurs actuelles" »,
L'Obs(site), le 26 septembre 2013, lien :
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20130926.OBS8663/marianne-voilee-la-nouvelle-une-haine
use-de-valeurs-actuelles.html
12
Alain Auffray, Dominique Albertini et Jérôme Lefilliâtre, « Entre droite et extrême droite,
"Valeurs actuelles" n'a "pas de chapelle" ». Libération, 6 octobre 2016, lien :
http://www.liberation.fr/futurs/2016/10/06/entre-droite-et-extreme-droite-valeurs-actuelles-n-a-pas-
de-chapelle_1520069
10
En somme, le magazine Valeurs actuelles représente la voix d'une droite institutionnelle
mais bien poussée à l'extrême, ses propos concernant l'immigration, l'identité, la culture et
la société sont souvent conformes à ceux des groupes clairement d’extrême-droite.
Toutefois, ce magazine refuse d’être considéré comme d'extrême-droite, ce refus lui aurait
permis d'avoir un lectorat politiquement assez diverse : droite classique, droite radicale
et/ou l'extrême-droite.
Par rapport à l’histoire de l'extrême droite française, il est possible de trouver la similarité
entre le positionnement politique de Valeurs actuelles e t le courant national-libéral, mais
aussi les différences qui apparaissent entre ce magazine et une image stéréotypée
d'extrême-droite : l’antisémitisme. De Charles Maurras à Jean-Marie Le Pen, la haine
anti-juive est toujours explicite chez l'extrême-droite française. Alors que dans les
éditoriaux de Valeurs actuelles, l'antisémitisme semble quelque chose à éviter, à combattre,
ce magazine exprime cette posture à travers les articles concernant l'État d’Israël, en
choisissant une vision pro-sioniste.
Quelques décennies avant la fondation de l'Etat d'Israël, le sionisme était déjà un enjeu
politique pour les grandes puissances. De la fondation d'Israël à nos jours, le conflit
israélo-palestinien n’a jamais quitté le centre de débat dans le monde entier. La France, elle,
s’est souvent montrée très critique des actions militaires d’Israël, soutenant volontiers
l’OLP, et participant activement aux négociations diplomatiques pour la résolution du
conflit. Par moments, des vagues de manifestations dénonçant les actions d’Israël vis-à-vis
des palestiniens parcourent le pays, et la campagne internationale Boycott
Désinvestissement et Sanctions y trouve une résonnance importante.
Depuis 2009, Benjamin Nétanyahou, appelé Bibi par ses appuis, effectue son deuxième
mandat de premier ministre israélien. Ses politiques favorables à l’accélération des colonies
11
israéliennes et ségrégationnistes à l'égard des Palestiniens sont attaquées autant par la
gauche que la droite modérée en Israël. Après les élections en 2015, le gouvernement
Nétanyahou est considéré comme le gouvernement le plus de droite voire d'extrême-droite
depuis la fondation d'Israël, et fortement critiqué à l'échelle internationale. En décembre
2016, la Résolution 2334 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui « exige de nouveau
d’Israël qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement
dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est »13, a été adoptée sans
aucune opposition. Les États-Unis présidés par Barack Obama se sont abstenus, sans avoir
utilisé le véto, pour la première fois depuis 36 ans.
En lançant la recherche dans toutes les archives de Valeurs actuelles sur Europresse, on
pourra trouver une centaine d'articles concernant l'État d'Israël de 2009 à nos jours, et en
lisant ces articles, on s'aperçoit que l'image d'Israël du gouvernement Nétanyahou dans ce
magazine s'avère plutôt positive.
En 2009, Valeurs actuelles n'a pas évité d’utiliser « Bibi », appellation partisane ou au
moins sympathisante de Benjamin Nétanyahou à l'époque14. Le 2 avril 2009, lendemain du
nouveau gouvernement israélien à l'époque, dans lequel Nétanyahou était nommé premier
ministre. Valeurs actuelles a sorti un article décrivant le gouvernement israélien de droite
avec Nétanyahou et Barak, titré directement « Bibi ratisse large »15. Bibi, sans guillemet et
dans un article plutôt informatif que d'opinion, peut être un mot étonnant pour les
non-partisans du premier ministre israélien. Concernant la réclamation d'Obama adressée à
Israël du gel total des colonies israéliennes et le refus à cette première du gouvernement
Nétanyahou en septembre 2009, Valeurs actuelles appelle encore le premier ministre
israélien Bibi sans guillemets dans le titre : « Bibi coince Obama »16, Le ton de cet article
s'avère ambigu, sans jugement exprès, mais l’avis des Israéliens sur le gel des colonies
13
Conseil de sécurité des Nations Unies, Résolution 2334 (2016), Adoptée par le Conseil de sécurité
à sa 7853e séance, le 23 décembre 2016
14
Pendant le deuxième mandat de Nétanyahou, cette appellation est au fur et à mesure banalisée,
pourtant, en 2009, « Bibi » n'était guère utilisé par les non-partisans de Nétanyahou.
15
Harel Nathalie, « Bibi ratisse large », Valeurs actuelles, no. 3775, jeudi 2 avril 2009, p39
16
Pons Frédéric, « Bibi coince Obama », Valeurs actuelles, no. 3798, jeudi 10 septembre 2009, p39
12
présenté dans l'article est sélectionné. En négligeant la voix intérieure de la gauche
israélienne, cet article aurait donné aux lecteurs une impression que la continuité de
l’implantation ou la colonisation est souhaitée par la grande majorité d’Israéliens, donc
inévitable.
Tenant cette position pro-Israël, situé à la droite dure quelquefois extrême, il y a aussi
des articles de Valeurs actuelles qui accusent « l'antisémitisme de la gauche ». Il faudrait
certes admettre qu’il y a un antisémitisme chez la gauche ou au moins certains propos tenus
par des militants à gauche pourrait provoquer un antisémitisme, mais l'auteur de cet article
n’a pas voulu poursuivre ses analyses sur ce chemin, il utilise la même logique que celle
des ultra-nationalistes israéliens : l'antisionisme égale l’antisémitisme, vu qu'aujourd'hui,
c'est la gauche qui condamne l'Etat d'Israël de la colonisation, l'antisémitisme n'est plus une
idée de droite mais plutôt de gauche. Pourtant, le déroulement de l'article n'a rien fourni
pour soutenir cette logique, il ressemble plutôt à un amalgame des deux idées. Ainsi, selon
17
Orchival François d', « Ces “fous” d'Israéliens », Valeurs actuelles, no. 3837, jeudi 10 juin 2010,
p5
13
Alain Finkielkraut cité dans l’article, « on sous-estime la haine anti-juive », « au nom de la
lutte contre l'islamophobie »18.
De surcroît, Valeurs actuelles tente parfois de comparer la situation en Israël avec celle
en Europe, une telle comparaison difficile à justifier se manifeste dans un article qui parle
de l'intifada palestinienne : « Cette "intifada des couteaux" met en première ligne des
enfants ou des adolescents palestiniens. Comme dans les banlieues d'Europe, ils sont
connectés en permanence aux réseaux sociaux et se passent en boucle les images de tirs de
soldats et de provocations des colons. »19 Même s’il est évident que la situation des jeunes
palestiniens ne peut pas être comparée avec celle des jeunes de banlieues européennes.
Concernant l'intifada des couteaux des Palestiniens, en plus de souligner son caractère
« islamiste » et « haineux », cet article aborde quelque peu les « humiliations liées à
l'occupation israélienne, provocations des colons juifs les plus extrémistes », pourtant, les
jeunes palestiniens « poussés au désespoir » n’éprouvent pas seulement « l'humiliation »
comme une sensation où seuls certains juifs extrémistes les provoquent, mais aussi la
ségrégation et la colonisation de l'Etat qui détruisent leur vie. Ce rédacteur de Valeurs
actuelles n’interroge en rien la légitimité de la colonisation israélienne, du côté israélien, il
ne remet en cause que la haine de certains extrémistes ; du côté palestinien, la révolte est
décrite simplement « haine contre haine ». Ainsi, le ton de cet article ne semble pas très
juste pour les palestiniens.
Benjamin Nétanyahou a appelé plusieurs fois les juifs français à venir en Israël en
soulignant qu’Israël est le « foyer » de tous les juifs, surtout après les attentats répétés en
France, en plus d’avoir agacé Paris, son appel a aussi connu chaque fois des répliques de
la part des juifs français, telles que « La France, sans les juifs de France, n'est plus la
France »20, « Monsieur Nétanyahou, la France est mon pays »21. Lors que les presse
18
Stanville Raphaël, « Cette gauche qui n'aime pas Israël », Valeurs actuelles, no.4053, jeudi 31
juillet 2014, p8
19
Pons Frédéric, « L'intifada des couteaux au cœur d'Israël », Valeurs actuelles, no 4117, jeudi 22
octobre 2015, p40
20
Le Monde.fr avec AFP et Reuters, « Nétanyahou aux juifs de France : “Vous avez le droit de
vivre en sécurité où vous choisirez” », Le Monde, le 11 janvier 2015, lien :
14
françaises telles que Le Monde, Libération et L'Obs parlent de cet appel de Nétanyahou,
elles ajoutent souvent en même temps la voix des juifs français. Valeurs actuelles n’a que
très peu d'articles évoquant cet appel multiplié par Nétanyahou, mais il y en a un qu'il
faudrait remarquer titré « Allers-simples en terres promises » sorti en janvier 2016, cet
article commence par citer l'appel de Nétanyahou, et finit par citer les chiffres d’un
sondage qui favorisent une impression qu’il y a plein de juifs français qui envisagent
d'émigrer en Israël. Aucune voix de juifs français contre cet appel n'a été présentée22,
malgré sa meilleure visibilité dans les autres presses. Ici, la posture de Valeurs actuelles
est plutôt douteuse. Ce magazine s’en prend à l'antisionisme « voire » l'antisémitisme de
gauche, en retirant la droite (au sens large) de l'antisémitisme. Mais il n'est pas imaginable
d’être à la fois contre l'antisémitisme et indifférent à la voix des juifs qui ne sont pas
partisans de l'idéologie sioniste ou du nationalisme israélien. Tandis qu’en dessinant
l'image d'Israël, Valeurs actuelles porte toujours cette indifférence.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/11/netanyahou-aux-juifs-vous-avez-le-droit-de-vivre
-en-securite-ou-vous-choisirez_4553946_3224.html
21
Brigitte Goldberg, “Monsieur Nétanyahou, la France est mon pays”, Huffpost les blogs, le 11
janvier 2015, lien :
http://www.huffingtonpost.fr/brigitte-goldberg/monsieur-nethanyahu-la-france-est-mon-pays_b_644
9536.html
22
Brelet Amaury, “Allers simples en terres promises”, Valeurs actuelles, no. 4131, jeudi 28 janvier
2016, p30
15
CHAPITRE 3 - EGALITÉ & RÉCONCILIATION ET LE NOUVEAU VISAGE
DE L'ANTISÉMITISME
Egalité & Réconciliation est d'abord une association politique fondé en 2007 par Alain
Soral, en tant que président, et deux anciens responsables d'un groupe d'extrême-droite
« Groupe union défense », Jildaz Mahé O'Chinal et Philippe Péninque. La stratégie de cette
association politique est le cyber-activisme : faute de militantisme du terrain, E&R dispose
d’un site qui propage ses opinions politiques dont Alain Soral est l’homme symbolique, on
pourrait donc traiter son site comme un média propagandiste d’extrême-droite.
Evidemment, le langage d’E&R n'a pas convaincu la plupart des observateurs. Les idées
dites « gauche du travail et droite des valeurs » ne sont pas une innovation, historiquement,
il y a beaucoup d'idéologies similaires dans le mouvements d'extrême-droite voire fascistes.
Par exemple, en plus de prôner les idées nationalistes et revanchardes aux Français de la
IIIème République, le boulangisme a aussi récolté une popularité chez les ouvriers en
23
Présentation de Egalité et Réconciliation, site officiel d’E&R, lien :
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Presentation-de-Egalite-et-Reconciliation-1663.html
16
promettant « le pain, la paix et la prospérité ». A travers le slogan « pour la patrie et pour
le peuple », le boulangisme pourrait signifier une récupération du socialisme au service du
nationalisme, dont bénéficient souvent les populistes, par lesquels la définition du
« peuple » est monopolisée et souvent employée pour exclure et stigmatiser une partie de la
population, les juifs étant souvent la première cible. Certains mouvements fascistes du
XXème siècle sont aussi marqués par des idéologies similaires, et le plus connu, c'est le
national-socialisme de l'Allemagne nazie. Vu les différences du contexte historique et
social, il ne faut peut-être pas mettre sur le même plan l’idéologie de l’Allemagne nazie et
celle d’une association politique française de nos jours. Pourtant, la relecture de l'histoire
peut permettre de prouver que se revendiquer « gauche du travail » ne suffit pas pour
s’échapper de la catégorie d’extrême-droite.
Pour une grande narration, E&R juge que la société actuelle est dominée par une « union
de droite sociale et gauche sociétale », autrement dit, E&R pense que le capitalisme se
renforce grâce à la mondialisation, alors que les valeurs traditionnelles telles que le
patriotisme, le paternalisme et l'attachement à la religion, sont remplacées par des valeurs
« libertaires », tels que l’anti-nationalisme, le féminisme et les mouvements LGBT+. Dans
sa stratégie, E&R essaie de séduire à la fois les catholiques qui chérissent la tradition
morale et religieuse, ainsi que les musulmans français issus des quartiers populaires et
zones défavorisées, afin de les orienter ver un nationalisme français « populaire ». Quant
aux juifs, E&R les considère comme un ensemble « élite » et dominant du système, qui ne
sont pas accueillis par l'idéologie d’E&R.
Face aux condamnations, Alain Soral, homme symbolique d'E&R n'avoue pas sa position
antisémite mais se revendique « antisioniste ».
17
religieux au nom de leur foi (qui ne sont pas pourtant majoritaires dans le courant
antisioniste des juifs). Chez les intellectuels juifs engagés (Albert Einstein, Susan Sontag,
Noam Chomsky, etc.) qui, au nom de l'humanisme et la justice commune, condamnent la
colonisation de l'Etat d’Israël, il n'y a aucune raison pour que les crimes commis envers les
juifs en Occident durant la Seconde Guerre mondiale doivent être payés par les
Palestiniens, que l’oppression envers un autre peuple soit justifiée. Il y a également des
mouvements internationalistes des juifs antisionistes, tels que le Réseau juif antisioniste
international (International Jewish anti-Zionist Network, IJAN) aux Etats-Unis24, Juifs et
Juives Révolutionnaires en France, ainsi que beaucoup d’autres organisations à gauche au
sein d'Israël. Ces juifs ne portent peut-être pas le même avis sur la sortie du conflit
israélo-palestinien, certains interrogent la légitimité de l'existence d'Israël, d’autres
revendiquent une réforme égalitaire arabo-juive, une suspension des politiques
ségrégationnistes, et plus de droits aux Palestiniens, toutefois, pour eux le sionisme est une
idéologie exclusive qui ne s'adapte ni à la conjoncture ni aux valeurs humanitaires.
D'ailleurs, les luttes des Palestiniens contre la colonisation israélienne sont soutenues par
beaucoup d’associations humanitaires internationales, telles qu’Amnesty International. Si le
terme « antisémitisme » n’avait pas été abusé par des propagandes sionistes, il aurait été
clair que de tels mouvements antisionistes n'ont rien à voir avec l'antisémitisme qui se
définit comme une haine contre les juifs véhiculée longtemps à travers l'histoire. Même
dans une perspective moins militante, il y a des juifs dans le monde entier, certes certains
d’entre eux ont un attachement spécial à Israël et cherchent à le défendre, mais il y a aussi
beaucoup de juifs habitant en Europe, en Amérique et en Asie, qui ne se sentent pas
concernés par ce qui se passe en Israël, qui leur paraît être un pays lointain. Il est douteux
de supposer que les juifs, quelle que soit leur nationalité et peu importe comment ils
s'identifient, sont naturellement liés à Israël, comme ce que suppose l’amalgame soit entre
les juifs et le sionisme, soit entre l'antisionisme et l'antisémitisme.
Mais E&R ne se met pas dans cette catégorie, au sein de ce média propagandiste la
définition du terme « sionisme » n'a jamais été claire, il semble que ce terme est plutôt
utilisé pour établir arbitrairement un rapport entre les juifs et tout ce qui est considéré
« mauvais » dans la société, selon l'idéologie d’E&R.
24
FXAVIER, “Les juifs antisionistes”, Mediapart, 24 septembre 2012
18
En lançant la recherche sur le site web d'E&R à travers le mot clé « sionisme »,
quelques publications se retrouveront sous le nom de Rédaction E&R, porte-parole de ce
groupe politique, avec des titres assez provocateurs, tels que « État des lieux de la liberté
d’expression et de la domination sioniste sur la France », publication qui commence par
citer le reportage de Libération concernant la condamnation juridique d’Alain Soral pour
l'incitation de la haine antisémitisme, puis met le délibéré au dessous « Afin de dissiper les
mensonges de Libération, le délibéré de l’audience du 21 novembre... »25 Rien de plus,
mais le titre explicite déjà le propos de E&R : la condamnation de Soral ne prouve que
l'existence de la « domination sioniste » en France, et que la liberté d'expression n'est qu'un
mensonge.
« Pas de sionisme à Noël ! », article rédigé suite à l’agression anti-juive à Créteil, pour la
dernière, le rédacteur montre sa judéophobie de façon sarcastique : « Sachant que les
crimes odieux commis contre les juifs chaque année précipitent le départ de 2 000 juifs
français vers Israël, calculez combien de meurtres seront nécessaires pour vider la
communauté juive française dans le pot israélien, selon les vœux du très démocratique et
sympathique Bibi Netanyahu. »26 De plus, selon le rédacteur, les discours des politiciens
sur la lutte contre l'antisémitisme sont « sionistes », l’attention médiatique vis-à-vis de cette
agression anti-juive est « sioniste », la gauche « bobo-libertaire » qui critique
l'antisémitisme sous le masque antisionsite est aussi sioniste que la droite libérale… En
bref, le système français est « sioniste »27. Le sionisme chez E&R semble être un signifiant
vide : on ne sait exactement ce qu'il veut dire, mais c'est aussi un panier dans lequel on peut
mettre tout ce que l'on n'aime pas.
25
État des lieux de la liberté d’expression et de la domination sioniste sur la France -
«
Alain Soral condamné à 13 000 euros dans l’affaire Haziza », Egalité & Reconciliation, le 21
novembre 2014, lien :
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Etat-des-lieux-de-la-liberte-d-expression-et-de-la-domination-s
ioniste-sur-la-France-29242.html
26
Rédaction E&R, « Pas de sionisme à Noël », Egalité & Réconciliation, le 23 décembre 2014, lien
: h ttp://www.egaliteetreconciliation.fr/Pas-de-sionisme-a-Noel-29854.html
27
Idem n.26.
19
Pour une explication plus « claire » de tous son postulat, Rédaction E&R a sorti un
article qui parlait de la « nouvelle information », dans lequel presque tous les médias
français sont critiqués voire discrédités, même les médias indépendants situés plutôt à
gauche, tels que Le Monde diplomatique e t Acrimed, Rédaction E&R se sent convoqué par
une mission sublime en dite « guerre informationnelle » car E&R croit que les médias
français subissent le pouvoir dit « pro-sioniste » et omniprésent. Malgré l'impossibilité de
confirmer l'existence de ce « pouvoir pro-sioniste », E&R utilise une logique quasiment
conspirationniste, c'est-à-dire imaginer un pouvoir « méchant » et capable de tout à
expliquer phénomènes complexes qui ne se lient pas forcément l'un à l'autre, au service
d'une propagande idéologique, voici l'extrait de cet article :
« La pièce du puzzle politique qui donne actuellement un avantage décisif à E&R dans
la guerre informationnelle – et cela a un coût – est évidemment la réalité du pouvoir
pro-sioniste. Une pièce qui manque par exemple cruellement au Monde diplomatique, ou à
Acrimed, qui ne franchissent jamais la ligne rouge. [...] Quand on fait l’hypothèse d’un «
pouvoir pro-sioniste en France », soudain, les autres pièces s’éclairent. Soudain, toute
l’énergie circule entre les pièces. Soudain, beaucoup de choses cachées deviennent
visibles… »28
S’il existait un pouvoir pro-sioniste en France, selon E&R, la cible serait les “élites
juives », qui sont, dans beaucoup de propagandes antisémites, des gens qui influencent
toutes les décisions dans la haute politique de tous les pays où existe une communauté
juive. En assimilant les juifs du monde aux « sionistes » et « pro-sionistes », E&R retrouve
une nouvelle forme du langage antisémite : quand il veut inculper les juifs, il suffit de
remplacer les termes comme « lobbys juifs », « complot juif » par « lobbys sionistes »,
« dominance pro-sioniste ». Certes, il est parfois possible de parler des lobbys pro-Israël
(mais pas vraiment « sionistes » ni sûrement « juifs ») aux Etats-Unis, allié le plus fort
d’Israël, où les « lobbys » ont un statut reconnu et où les critiques adressées à Israël
risquent plus d’être interprétées en antisémitisme (même les intellectuels juifs qui critiquent
28
Rédaction E&R, “La nouvelle information”, Egalité & Réconciliation, le 21 août 2014, lien :
http://www.egaliteetreconciliation.fr/La-nouvelle-information-27379.html
20
Israël sont parfois considérés comme des juifs « self-hating » et doivent sans cesse
expliquer la différence entre critiquer Israël et être antisémite29, Cependant, en France, ce
n'est pas le même cas, la situation défavorisée des Palestiniens connaît une sympathie forte
dans la société civile, critiquer les actions militaires et les politiques colonialistes d'Israël
n'a jamais été un tabou en France, sauf quand les critiques cherchent à inculper « la nature »
des juifs. En France, il s'agit plutôt d'un autre problème : certains antisémites récupèrent les
paroles anti-Israël pour leurs but : inciter la haine contre la communauté juive.
Quand E&R parle d’Israël, malgré son ton méprisant, il ne se penche guère sur la
situation compliquée en Moyen-Orient, ni sur les luttes locales des Palestiniens à l'égard
des colons israéliens, il n'est pas assez « internationaliste » pour mettre celles-ci ne dans sa
priorité. Ce qu’E&R entend par Israël, c'est l'incarnation d'une « domination juive
mondiale ».
29
Judith Butler, « No, it's not antisemitic », London Review of Books, Vol 25, No.16, le 21 août
2013, p19-21
21
de promouvoir l'idée d’Alain Soral, son président-fondateur pour « informer » ses lecteurs.
Ainsi, pour voir l'image d'Israël chez E&R, il faudrait se mettre aux publications d'Alain
Soral.
Que pense Alain Soral d'Israël ? Dans les énormes vidéos dont dispose le site E&R, il y
en a peu qui parlent directement de l'Etat d’Israël ou du conflit israélo-palestinien, mais à
travers ses vidéos qui évoquent des juifs, la raison pour laquelle Alain Soral ne s'intéresse
pas spécialement à Israël se trouvera : Israël, c'est le mal, mais il ne représente pas le vrai
problème, il faudrait, pour Soral, apercevoir le sionisme ou le « mal » d'Israël dans une
perspective « historique » et « mondiale ». Les juifs, selon lui, apatrides, cosmopolites et
toujours liés à la finance (la « Banque » avec un grand B), n’ont jamais cessé de chercher à
contrôler le monde entier. Se revendiquant « antisioniste », Alain Soral ne considère le
sionisme ni comme tel qu'il était en histoire, ni comme une idéologie nationaliste des
Israéliens qui leur justifie la colonisation en terres palestiniennes, mais comme quelque
chose d’omniprésent. C’est pourquoi, Alain Soral s'attaque au « sionisme » en France, dans
sa conférence et dédicace au Théâtre de la Main d'Or, le 17 avril 2016, il a sorti une phrase
hallucinante : « la France, c'est une colonie israélienne ! ».
22
PARTIE 2 - LA LOGIQUE D’EXTRÊME-DROITE DERRIÈRE
LA DIVERGENCE SUR L'IMAGE D'ISRAËL
Après avoir exploré la différence en image d'Israël dessinée par deux médias classés à
l'extrême-droite, la question se pose : que signifie cette divergence sur l'image d'Israël chez
ces deux types d'extrême-droite ?
On peut voir que la presse d'extrême-droite comme Valeurs actuelles est plutôt
pro-Israël voire pro-sioniste, comme présenté dans la première partie, Valeurs actuelles
critique même « l'antisémitisme chez la gauche ». Cette presse représente-t-elle une
extrême-droite française non-antisémite ? Si oui, d'où vient cette spécialité ? Sinon, pour
quelle raison montre-t-elle sa sympathie vis-à-vis de l’Etat d'Israël ?
Si l'on lance la recherche par le mot clé « antisémitisme » dans toutes les archives de
Valeurs actuelles, on s'aperçoit vite que pour cette presse fière d’être de droite,
l'antisémitisme n'est plus de son camp depuis longtemps, maintenant il vient soit de leurs
ennemis idéologiques, la gauche et l'extrême-gauche, soit de la communauté
arabo-musulmane, à l'égard de laquelle Valeurs actuelles n'a jamais voulu cacher sa haine.
23
En plus de l'article titré « Cette gauche qui n'aime pas Israël », résumé dans le chapitre 2
de la première partie de ce mémoire, Valeurs actuelles dispose beaucoup d'autres articles
qui s'en prennent à « l'antisémitisme de la gauche », à « l'antisémitisme des arabes », à
« l'antisémitisme des musulmans », en bref, l'antisémitisme d'autrui, des « ennemis ».
Dans le temps contemporain, cet ancien cliché antisémite n’étant pas disparu, les actions
militaires et les colonisations de l'Etat d'Israël se justifiant en instrumentalisant la mémoire
de la Shoah, au milieu militant de gauche se développe donc un courant qui suppose que
l'Etat d'Israël fait la même chose que les nazis, qu'aujourd'hui, les juifs ne sont plus les
victimes du racisme, alors que la situation des arabes de nos jours est aussi défavorisée que
celle des juifs avant la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
30
Telles que « Antisémitisme structurel à gauche », Socialisme libertaire,le 25 mai 2015,
http://www.socialisme-libertaire.fr/2015/05/antisemitisme-structurel-a-gauche.html ;
« A propos d'injonction géopolitique », Juifs et Juives Révolutionnaire, le 15 février 2016,
https://juivesetjuifsrevolutionnaires.wordpress.com/2016/02/15/a-propos-dinjonction-geopolitique/
24
« Un temps,on a pu croire que la haine antijuive était morte avec le nazisme. Et puis,
lentement, elle a relevé la tête. À la suite de la guerre des Six-Jours, Brejnev accusait Israël
d'imiter Hitler. Quarante ans plus tard, cette comparaison est devenue courante. Indice du
fait que les juifs, de nouveau, sont diabolisés ; que la judéophobie, relégitimée,
s'universalise. Comme si Auschwitz n'avait pas servi de leçon. Inquiétant phénomène, qui
oblige à s'interroger. Comment se fait-il que cette forme particulière de xénophobie
persiste depuis l'Antiquité ? Qu'aucun argumentaire, moral ou scientifique, ne l'ébranle ?
Que l'ire populaire, systématiquement, retombe sur les juifs ? »31
31
Ozer Atila, « La judéophobie, paranoïa moderne », Valeurs Actuelles, no. 3754, le 6 novembre
2008, p64
32
Idem.
25
responsabilité de la gauche et de l’extrême-gauche, s'il y en a pas, le rédacteur n'hésite pas à
en inventer :
Il semble que le rédacteur ait oublié ou choisi d’oublier le régime Vichy que personne ne
classe à gauche, oublié l’hétérogénéité dans le camp gauche avant l'Occupation (il n'y avait
évidemment pas que le PCF stalinien à l'époque), oublié la Résistance des communistes et
d'autres militants de gauche pendant l'absence de De Gaulle, comme si la réputation du PCF
après-guerre venait du néant, comme si Roosevelt n'avait jamais mené son New Deal que le
patronat américain avait considéré comme une copie du Manifeste Communiste 34.
Il faudrait aussi accepter des hypothèses ridicules pour soutenir le rédacteur : que si l'on
est socialiste dans une période de sa vie, comme Mussolini, on sera socialiste toute la vie,
33
Roucaute Yves, « Vers le retour de l’extrême-gauche fasciste ? », Valeurs actuelles, no. 4149, le
2 juin 2016, p84
34
Certes, Roosewelt n'est ni communiste ni socialiste, mais il admet qu’il faudrait adopter certaines
idées issues du socialisme pour sortir de la crise du capitalisme laisser-faire (comme la grande
dépression depuis 1929), son New Deal, qui n'a pas plu au patronat américain, a été prouvé efficace
en mise en oeuvre. L'esprit du New Deal a beaucoup influencé le liberal left-wing, classé à gauche
aux Etats-Unis.
26
impossible de se changer, qu'au XIXe siècle en France la droite monarchiste et religieuse
est moins antisémite que la gauche, qu'il a fallu à Hitler apprendre l’innovation de la gauche
française du siècle précédent pour vouloir massacrer les juifs. A savoir que chercher la
racine du nazisme dans la philosophie nietzschéenne ou dans le romantisme allemand est
déjà trop arbitraire pour les chercheurs, d'autant qu’à la fin du XIXe siècle, à travers
l’affaire Dreyfus, la gauche française commençait déjà à rejeter l'antisémitisme. Et si la
gauche française, puissante pendant le XIXe siècle et entre les deux guerres mondiales,
avait dû être responsable des crimes commis par Hitler, l'ascension du parti fasciste aurait
eu lieu en France, pas en Allemagne et Italie.
Il est facile de trouver l'absurdité de tous ces articles qui ne font que stigmatiser la gauche
par analyses anachroniques, langage confus et révisionnisme de l'histoire. Montrer la haine
anti-gauche de Valeurs actuelles paraît un peu hors-sujet, mais cela permettra de trouver
une perspective à expliquer la position pro-Israël de cette presse : Valeurs actuelles ne
souhaite pas être considéré comme « extrême-droite » ou « fasciste », il a pu trouver son
alibi, si la gauche, par ses idées anticolonialistes, ne peut pas applaudir aux actions l’Etat
d'Israël, la droite ultra-conservatrice représentée par Valeurs actuelles, a u contraire, n ’est
guère préoccupée par l’injustice du colonialisme, elle pourrait donc condamner la gauche
critiquant Israël pour être antisémite voire « fasciste », gratuitement, cela correspond à ses
multi-intérêts : se dédiaboliser, se débarrasser des histoires sombres de son clan, se
construire un correct absolu, et chasser ses ennemis idéologiques.
Être condamné pour le racisme à l'égard des musulmans français par l'UEJF, associations
juive, n’a pas empêché Valeurs actuelles de mettre les musulmans en opposition
quasi-éternelle aux juifs. Une autre idéologie apparue dans le traitement du sujet antisémite
ou antisioniste de Valeurs actuelles, c'est l'islamophobie. Parfois cette phobie s'entrecroise
avec son idéologie anti-gauche.
27
« L'origine du mal a évolué. Si, traditionnellement, l'antisémitisme a été associé en
France à une certaine extrême droite, la population arabo-musulmane apparaît
aujourd'hui surreprésentée parmi les auteurs de tels actes. Conséquence directe : malgré
des liens anciens tissés entre la gauche et les juifs, la relation s'est dégradée avec le
développement de cette nouvelle forme d'antisémitisme qu'une partie de la gauche a eu des
difficultés à condamner, de par l'origine religieuse et ethnique des auteurs… »35 Dans un
article décrivant les préoccupations des juifs français suite aux agressions antisémites,
Valeurs actuelles sous-entend qu’aujourd'hui, l'extrême-droite aurait déjà rejeté
l'antisémitisme, la nouvelle « origine du mal » vient de la communauté arabo-musulmane,
et la gauche, qui ne veut pas inciter la haine raciste par l’accentuation de l'origine des
agresseurs, serait complice de la communauté arabo-musulmane, origine ethnique et
religieuse du mal selon la rédactrice. La rédactrice interroge aussi le traitement médiatique
du conflit israélo-palestinien, en montrant le témoignage d'une juive pro-Israël qui en veut
« aux médias français qui portent une grande part de responsabilité dans la montée de
l'antisémitisme. À les entendre, tous les juifs sont des fachos et veulent tuer des enfants
palestiniens ! Ils orientent le débat en parlant, non pas de "terroristes" lors d'attentats,
mais de "résistants" ou simplement de "Palestiniens" »36 Alors qu’aux yeux des antisémites
« populaires » comme Alain Soral et Dieudonné, les médias français sont tous pro-juifs et
ne traitent jamais les Palestiniens justement. Si pour les antisémites, les médias français
sont trop pro-juifs ou pro-sionistes, comment pourrait-on juger que leur antisémitisme soit
incité par les médias français ?
35
Bindas Rachel, “Français juifs : la fin d'une promesse”, Valeurs actuelles, no. 4131, le 28 janvier
2016, p28
36
Idem.
28
l'Etat d'Israël, condamné par la communauté internationale pour la colonisation et la
ségrégation depuis longtemps, repoussé encore à droite par le gouvernement Netanyahou,
s'avère un Etat puissant, honorable et courageux qui combat fermement « le terrorisme
islamiste » pour les nationalistes identitaires français, désenchantés par la domination
imaginaire de gauche . Les juifs français, à leurs yeux sont des victimes exploitables pour
justifier leur islamophobie que des associations juives condamnent pourtant. Valeurs
actuelles ne se soucie pas de ces condamnations issues des juifs, vu que chez les juifs en
désaccord avec cette presse, il n'y a rien à récupérer.
Dans la presse Valeurs actuelles se trouveront certes beaucoup de voix de juifs, de celle
de Shlomo Sand, historien israélien à celle d’Alain Finkielkraut et Eric Zemmour,
cependant, parmi toutes ces voix des juifs, la position de Valeurs actuelles est claire :
soutenir les voix nationalistes et identitaires du camp de droite voire d'extrême-droite.
Quand Shlomo Sand, intellectuel juif de gauche, critique le nationalisme que ce soit
israélien ou français, Valeurs actuelles n'a pas hésité à le considérer comme un mauvais juif
qui se hait lui-même. Shlomo Sand critique également Alain Finkielkraut et Eric Zemmour,
« ces deux fils d'immigrés nostalgiques d'une Éducation nationale où tout le monde
ânonnait "nos ancêtres les Gaulois" ». « Ce fils de Polonais juifs et ce fils de Berbères juifs
fantasment sur la “Grande Nation” »37. En réponse à cela, un éditeur chez Valeurs
actuelles e xalte à nouveau le roman national français : « Car la France n'est pas une
identité figée et immuable et le peuple français n'a aucune base ethnique qui interdirait a
priori l'assimilation d'un individu. Le peuple français est un peuple politique que peuvent
rejoindre ceux qui acceptent de se dépouiller d'une partie de leur identité d'origine. Cette
identité française évolue ainsi avec les apports qui s'ajoutent à sa culture et se fondent en
elle. Mais cette identité peut aussi se braquer quand ces apports ne veulent plus s'ajouter à
la culture française mais se substituer à elle… »
37
Olivier Maulin, « Le déshonneur d'un intellectuel », Valeurs actuelles, no. 4148, le 26 mai 2016,
p70
29
Tout est plus clair, dans la perspective la plus « normale » de Valeurs actuelles, la France
n'a certes pas été présentée explicitement comme d'une racine gallo-romaine, blanche,
chrétienne et exclusive : elle peut accepter les individus issus d’une autre culture, à
condition que ces individus s'assimilent à la société française, s'ajoute à la culture française
avec leur culture d'origine. Mais la question se pose tout de même, si la société et culture
française n'est pas figé mais fluide, qu’y-a-t-il de plus à être « remplacé » par un tel ou tel
apport étranger ? Malgré cette incohérence logique, Valeurs actuelles a ffirme toujours son
attachement à l'ordre patriarcal, au nationalisme et à la suprématie blanche, à la base
desquels l'extrême-droite ultra-conservatrice trouve l'origine de la culture française selon
elle. Avec cette base, Valeurs actuelles s e croit représenter un patriotisme français aussi
ouvert aux « étrangers », mais à condition que ces étrangers deviennent de patriotes du pays
d'origine en patriote français.
C'est peut-être pourquoi concernant les minorités en France, Valeurs actuelles en fait une
distinction entre « les bonnes » et les « mauvaises », les « bonnes » ne doivent pas être trop
nombreuses, sinon, Valeurs actuelles va les appeler une « overdose », les bonnes doivents
aussi être des minorités ethniques silencieuses qui acceptent à s'assimiler à la société
française, non pas selon leur propre compréhension de la France, mais selon une France
fondée par la dominance blanche et bourgeoise. Les juifs ne sont acceptés que quand
certains d'entre eux peuvent effacer le stéréotype qui lie les juifs à la gauche, et devenir
aussi nationalistes que les nationalistes blancs chrétiens, comme Eric Zemmour, ou quand
certains d'autres entre eux peuvent être instrumentalisés au service de l'attaque aux
« mauvaises minorités », comme les arabes, les musulmans.
30
CHAPITRE 5 - ANTISIONISTE AU LIEU D’ANTISÉMITE ? LE MASQUE
DES CONSPIRATIONNISTES.
I - RÉVISIONNISME ET NÉGATIONNISME
Chez Alain Soral, président-fondateur d’E&R, il n’y a aucun respect des victimes du
génocide le plus épouvantable du XXe siècle, Alain Soral se dit antisioniste au lieu
d’antisémite, mais sa stratégie est très simple : mettre l’étiquette « sioniste » à n'importe
quel élément juif, même à la mémoire de la Shoah : « L’antisémitisme était, selon les
propres mots du Führer, la seule pornographie autorisée dans le troisième Reich ; ainsi
s’agissant de notre république judéomaniaque -son reflet inversé dans le miroir aux
alouettes de l’Histoire- le roi Eros est-il de retour dans les fourgons de l’empire
libéral-atlanto-sioniste ; ce despote s’inscrit en faux contre la formule d’Adorno selon
laquelle l’art serait impossible après Auschwitz, prétendant que c’est la critique de l’artiste
qu’on ne peut envisager, tant que cet artiste est fils d’une juive persécutée par les nazis. » 38
cet extrait vient d'un article titré de façon insultante : « Du culte de la Shoah comme
pornographie mémorielle ».
38
Rédaction E&R, Du culte de la Shoah comme pornographie mémorielle, Egalité &
Réconciliation, le 31 octobre 2009, lien :
https://www.egaliteetreconciliation.fr/Du-culte-de-la-Shoah-comme-pornographie-memorielle-2170
.html
31
l'équipe E&R, c'est de se faire passer avec un masque « antisioniste », instrumentaliser
d'autres tragédies du monde afin d'annoncer qu’il y a beaucoup d'autres crimes contre
l'humanité que la Shoah, la raison pour laquelle seule la Shoah attire autant d'attention, c'est
que les juifs ont contrôlé l'histoire, que le monde actuel et l'actualité du monde sont tous
manipulés par une puissance « libéral-atlanto-sioniste », « américano-sioniste » ou
« judéo-mondialiste », rhétoriques toujours variées par Alain Soral et ses alliés. Alors
qu’E&R ose prétendre convoqué pour démasquer la « vérité » caché par le « complot
sioniste” qui « domine » le monde, même s’il ne possède même pas une base journalistique.
De plus, un révisionnisme de toute l'histoire est aussi nécessaire pour l'équipe E&R, ce
dernier restant en contact avec d'autres groupes d'extrême-droite plus « classiques »,
c'est-à-dire plus religieux et traditionalistes, cherche à lier les juifs à tout le mal, dans leurs
yeux, il y a beaucoup de moments historiques qui sont en fait des « mensonges » ou
« impostures », tels que la Révolution française, considérée par eux comme un complot
franc-maçonnique39, ou le 11 septembre 2001, « il est évident que l’usage de mini-bombes
nucléaires tend à renforcer la piste israélienne »40.
39
Marion Sigaut, « Marion Sigaut sur les mensonges de la Révolution française », Egalité &
Réconciliation, le 28 décembre 2014, lien :
https://www.egaliteetreconciliation.fr/Marion-Sigaut-sur-les-mensonges-de-la-Revolution-francaise
-29924.html
40
Laurent Guyénot, « La double imposture du 11 Septembre », Egalité & Réconciliation, le 12
novembre 2014, lien :
https://www.egaliteetreconciliation.fr/La-double-imposture-du-11-Septembre-29074.html
32
Ayant exprimé qu’« il faut refaire du catholicisme la religion d’État en France »41, Alain
Soral cherche à « réconcilier » les mouvements catholiques néo-traditionalistes ou
intégristes et les mouvements islamiques par sa théorie du « complot juif mondial ». A
l'égard de cela, Haoues Seniguer, maître de conférences en science politique a donné ses
analyses. Selon Seniguer, la revendication soralienne de l'identité, la souveraineté et les
« racines chrétiennes » françaises, reste en symbiose avec l'antisémitisme conservateur.
Pour Soral, qui considère la révolution française de 1789 comme une oeuvre de la
franc-maçonnerie qui a pour objectif de détruire une France en tant que fille aînée de
l'Église, il existe une communauté cosmopolites des juifs qui fait tout effort pour mener le
monde à la mondialisation au service des « intérêts » juifs, la France se soumet à cet ordre
mondial judéo-cosmopolitique depuis 1789, ainsi, il faudrait « réconcilier » l'islam et le
catholicisme, pour combattre ce complot mondial des juifs. Seniguer résume la fin et les
moyens de Soral est ses alliés religieux : « par "une désionisation de la France", une
alliance des conservatismes religieux, en particulier du christianisme catholique
néo-traditionnaliste et un islam normatif, dans une communion pacifiée avec la France de
Jeanne-d'Arc ; l'objectif étant de mutualiser les efforts en vue de rendre à ce pays la
reliogiosité privée et publique d'antan, et, du côté "des musulmans patriotes", être acceptés
par la majorité non-musulmane. Rien d'étonnant, par conséquent, qu'Albert Ali n'hésite pas
à appeler ses coreligionnaires à voter pour le Front national. »42
Alain Soral propage de telles idées fragmentées à travers Internet, explicite sa pensée
politique par la presse. Telle que son livre « Comprendre l’Empire : demain la gouvernance
mondiale ou la révolte des nations ? », publié en 2011. Dans ce livre, Soral exprime qu’au
niveau normatif, la société idéale est censé être composée de trois secteurs fonctionnels : la
production matérielle, la production d’idéologie, la garde d'ordre (incluant le régime
41
Alain Soral, « Il faut refaire du catholicisme la religion d’État en France », Egalité &
Réconciliation, le 2 décembre 2014, lien :
https://www.egaliteetreconciliation.fr/Alain-Soral-Il-faut-refaire-du-catholicisme-la-religion-d-Etat-
en-France-29458.html
42
Haoues Seniguer, « La galaxie Alain Soral : de l'extrême droite néo-traditionaliste catholique aux
néo-Frères musulmans », Huffpost, le 22 décembre 2013, lien :
http://www.huffingtonpost.fr/haoues-seniguer/la-galaxie-alain-soral_b_4480637.html
33
politique et la défense), alors qu’en réalité, souligne Soral, les juifs, monopoles du capital
financier, se serait organisé un réseau mondial (« franc-maçonnerie »), le libéralisme, le
cosmopolitisme auraient été des oeuvres artificiels des « juifs », qui séduisent les sociétés
traditionnelles à rejeter leur « ordre naturel » : celui de famille, patrie et religion. Les juifs
auraient été, pour Soral, le souverain de cet « Empire judéo-mondial-maçonnique ». Ici
s'entrecroisent deux courants antisémites, l'un issu de la société médiévale où les juifs,
exclu de la plupart des secteurs sociaux au delà des spéculations financières, sont à la fois
exploités par les féodaux et haïs par la classe populaire ; l'autre issu de l'antisémitisme du
XIXe siècle, où les anti-révolutionnaires, les populistes et les ultra-nationalistes décrivent
les juifs comme des « parasites », des « apatrides » et l'origine de tout le « mal » des valeurs
moderne à leur avis, comme le féminisme, les droits de l'homme, l'internationalisme, etc.
Quand Alain Soral et son équipe d'E&R parlent des juifs, ils prennent en même temps
les juifs pour les synonymes des « sionistes », et le terme « sionisme » pour eux, signifie
toutes les valeurs qu'ils ne veulent pas approuver. Il est donc évident que ces prôneurs de
l'idées du « complot mondial des juifs » sont loin d'un antisionisme basé sur l'humanisme et
le rejet du nationalisme. Que ce soit critiquer Israël ou soutenir la Palestine, Alain Soral et
son E&R ne trouve pas cela essentiel, l'essentiel pour eux, c'est les juifs eux-mêmes, c'est la
judaïté. Ainsi, Alain Soral et son E&R représentent une extrême-droite conspirationniste
héritière des anciennes formes de l'antisémitisme, et non pas un groupe politique
« antisioniste ».
34
CHAPITRE 6 - LES TENDANCES COMMUNES DERRIÈRE LA
DIVERGENCE CHEZ L'EXTRÊME-DROITE
Valeurs actuelles et E&R dessinent chacun une image d'Israël contrastée par celle de
l'autre. Cependant, pour la plupart des observateurs, ces deux images contrastées vis-à-vis
d’Israël et des juifs seraient toutes deux sorties du camp d'extrême-droite. Si l'on adopte
cette qualification, pourra-t-on trouver des tendances communes de ces deux types
d’extrême-droite ? Les analyses précédentes dans ce mémoire ont déjà montré au moins un
point commun entre Valeurs actuelles et E&R : ils se penchent tous sur un nationalisme
« franco-centré », quand ils parlent d'Israël, des juifs, de l'antisémitisme ou de
l'antisionisme, ils ne font pas des enquêtes non-biaisées, mais soulignent la partie qui
favoriserait l'allusion à la situation française dans tous les « faits ».
En effet, il est possible de trouver une hostilité commune envers la « société ouverte »
autant dans Valeurs actuelles que chez Alain Soral et son E&R. « Société ouverte » est à
l'origine une idée conçue par le philosophe Henri Bergson, selon qui dans une société
ouverte, le pouvoir du gouvernement doit accepter l'interrogation de la société civile, la
liberté individuelle et le respect des droits de l'homme est la base d’une elle société. Puis,
cette idée a été acceptée et prolongée par le post-positiviste Karl Popper, qui souligne
qu'une société ouverte doit être pluraliste et multiculturelle, le pluralisme et la
multiculturalité ne sont pas que des caractères de la société ouverte, mais aussi le moteur de
l'évolution et l’amélioration de cette dernière.
Valeurs actuelles ne trouve pas qu’une telle société soit le moindrement désirable, pour
cette presse nationaliste et conservatrice, c'est tout le Gauchisme, du libéralisme social /
socialisme démocratique au communisme libertaire, qui essaie toujours de réaliser une telle
35
société par effacer l'ordre traditionnel, les frontières et les nations. Alors qu’Alain Soral et
son E&R partage la même hostilité à une société ouverte, mais pour eux, « la société
ouverte » est originaire du « complot juif », juifs, en tant que peuple apatride, chercheraient
à mettre le monde entier à leurs genoux.
Dans un éditorial commentant les actions de George Soros43, Valeurs actuelles a ffirme
son hostilité envers l'Open Society European Policy Institute, l'une des filiales du réseau
« tout puissant, mondialisant et omniprésent » des Open Society Foundations, envers son
créateur George Soros et envers la pensée « gauchiste » anti-nationaliste : « C'est le fond de
la pensée de Soros : pas de frontières , le nationalisme c'est l'ennemi [ …] le spéculateur
(Soros) se fait gauchiste, le milliardaire s'affiche subversif et arrose la planète entière
selon son bon plaisir. Après tout, il a le droit d'utiliser sa fortune comme il veut, à
condition de ne pas oublier que le concept de "société ouverte", louable en soi, peut
déboucher sur le cauchemar d'une société béante à tout vent, avec les conséquences que
l'on peut d'ores et déjà, ici et maintenant, redouter. »44
43
Bercoff André, « Mr. George et Dr. Soros », Valeurs actuelles, no. 4140, le 31 mars 2016, p32.
44
Idem.43
36
un autre courant poussé par la mondialisation : le néolibéralisme. En bref, Valeurs actuelles
se fait droitiste ultra-conservateur et identitaire, il remet en cause les idées
anti-nationalistes, cosmopolites et libertaires issus de la gauche, les considère comme une
menace à l'identité nationale et l'ordre social dont le libéralisme économique et patriotisme
font pourtant partie.
Chez une autre extrême-droite plus conspirationniste qui se dit réconcilier certaines idées
de gauche, comme Alain Soral et son E&R, la même position face au mondialisme chose
que celle de Valeurs actuelles se manifeste, cependant, la remise en cause s'avère
différente.
Autant parler de Soros, E&R vise toujours à son origine juive pour coordonner son idée
de « l'Empire mondialiste juif », plusieurs articles sur E&R sont titrés comme « Quand la
France applique avec soumission la stratégie de chaos global de Georges Soros »,
« l'empire de Georges Soros », pour cette extrême-droite antisémite, Soros serait
l'incarnation du complot mondial juif, qui se serait déguisé en émancipateur pour dominer
le monde, et les mouvements « gauchistes » des valeurs ne sont que l'oeuvre de ce complot
derrière lequel se cache une communauté juive mondiale, incluant les événements
historiques progressiste comme la Révolution française. En plus d’être l'origine d’une
« gauche des valeurs », les juifs, pour E&R, sont également celle d'une « droite du travail ».
Comme les courants national-socialistes, le président-fondateur d’E&R oppose un
capitalisme industriel et national à un capitalisme financier apatride. Ce dernier, pour Soral,
dévalorise les valeurs du travail productif et reste en symbiose avec une « gauche des
valeurs » qui prône la suppression des frontières, le rejet du nationalisme et l'interrogation à
« l'ordre naturel »- naturellement inégalitaire, pour que tout le monde soit égalisé sous le
« contrôle » épouvantable des juifs. Il s'agit d'un nouveau visage de l'antisémitisme du
XIXe siècle. Si Soral et son équipe E&R montre parfois la critique adressé au nationalisme
israélien, il faudrait peut-être souligner qu'ils n'ont rien contre le nationalisme, sauf celui
des juifs qui est pour eux la menace de tous les nationalismes du reste du monde. C'est sans
doute aussi pourquoi E&R donne ses bras ouverts à l'Islam conservateur et traditionaliste en
France, que ce soit le premier ou le dernier, quand il annonce le soutien aux Palestiniens
37
face aux colons israéliens, le motif n'est pas une vraie empathie des Palestiniens, mais une
volonté antisémite.
Il est quasiment impossible de dessiner une image claire de l'État d'Israël à travers
l'interprétation de Valeurs actuelles o u E&R, pour ce premier, Israël, surtout du
gouvernement Netanyahou, s'avère ferme et courageux autant face au « terrorisme
islamiste » qu’à un monde dégradé par un « islamo-gauchisme » qui le condamne pour la
guerre, la colonisation et la ségrégation. Alors que pour les antisémites déterminés comme
Alain Soral et son E&R, Israël est loin d'être un héros solitaire déserté par le monde entier,
comme la narration de Valeurs actuelles, mais une monstre créé par le « complot juif » qui
domine déjà le monde. La contraste entre ces deux images étant énorme, il est tout de
même évident que la conjoncture mondiale que fait face Israël ne correspond ni à la
narration de Valeurs actuelles ni à celle d’Alain Soral. Pourtant, par la sélection et
l'instrumentalisation des sujets sensibles, ils font passer leurs propres idées.
38
Alain Soral et E&R, en tant qu’héritiers de l'antisémitisme moderne doublé de
l'antijudaïsme religieux, instrumentalise également les sujets sensibles, mais dans l'autre
direction, concernant les actes de l'État d'Israël condamnés par la société internationale,
Alain Soral et E&R cherche à inculper tous les juifs du « sionisme mondial » dont fait
partie la création d'Israël, et à séduire la communauté musulmane en France en lui faisant
un geste amical. A la base de cela, Alain Soral a essayé d'instrumentaliser les mouvements
pro-Palestiniens en France, même si de nombreux de tels mouvements se sont désolidarisés
d’Alain Soral et la « réconciliation » islamo-chrétienne et antisémite qu'il prône.
39
CONCLUSION
L'image d’Israël est enfin comme un miroir qui reflète la divergence chez
40
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
LIVRES
Michel Winock, Histoire de l'extrême droite en France, Editions du Seuil, janvier 1993 et
novembre 1994, 324p
41
REVUES ET PRESSES
Brelet Amaury, « Allers simples en terres promises », Valeurs actuelles, no. 4131, jeudi 28
janvier 2016, p30
Orchival François d', « Ces “fous” d'Israéliens », Valeurs actuelles, no. 3837, jeudi 10 juin
2010, p5
Stanville Raphaël, « Cette gauche qui n'aime pas Israël », Valeurs actuelles, no.4053, jeudi
31 juillet 2014, p8
Pons Frédéric, « Bibi coince Obama », Valeurs actuelles, no. 3798, jeudi 10 septembre
2009, p39
Pons Frédéric, « L'intifada des couteaux au cœur d'Israël », Valeurs actuelles, no 4117,
jeudi 22 octobre 2015, p40
Olivier Maulin, « Le déshonneur d'un intellectuel », Valeurs actuelles, no. 4148, le 26 mai
2016, p70
Bindas Rachel, « Français juifs : la fin d'une promesse », Valeurs actuelles, no. 4131, le 28
janvier 2016, p28
Harel Nathalie, « Bibi ratisse large », Valeurs actuelles, no. 3775, jeudi 2 avril 2009, p39
Bercoff André, « Mr. George et Dr. Soros », Valeurs actuelles, no. 4140, le 31 mars 2016,
p32.
Judith Butler, « No, it's not antisemitic », London Review of Books, Vol 25, No.16, le 21
août 2013, p19-21
42
DOCUMENTS ELECTRONIQUES
L'Obs avec AFP, « Marianne voilée : la nouvelle une "haineuse" de "Valeurs actuelles" »,
L'Obs(site), le 26 septembre 2013, lien :
http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20130926.OBS8663/marianne-voilee-la-nouvelle-u
ne-haineuse-de-valeurs-actuelles.html
Le Monde.fr avec AFP et Reuters, « Nétanyahou aux juifs de France : “Vous avez le droit
de vivre en sécurité où vous choisirez” », Le Monde, le 11 janvier 2015, lien :
http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/11/netanyahou-aux-juifs-vous-avez-le-droit-
de-vivre-en-securite-ou-vous-choisirez_4553946_3224.html
« État des lieux de la liberté d’expression et de la domination sioniste sur la France -Alain
Soral condamné à 13 000 euros dans l’affaire Haziza », Egalité & Réconciliation, le 21
novembre 2014, lien :
43
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Etat-des-lieux-de-la-liberte-d-expression-et-de-la-dom
ination-sioniste-sur-la-France-29242.html
44
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE 2
LISTE D’ABRÉVIATIONS 4
INTRODUCTION 5
CONCLUSION 40
ANNEXE 41
45
BIBLIOGRAPHIE 41
LIVRES 41
REVUES ET PRESSES 42
DOCUMENTS ELECTRONIQUES 43
46