Endocardite Infectieuse : EI
Pr Rachida Amri
Mai 2025
OBJECTIFS PEDAGOGIQUES de l’ EI
1 - Définir l’EI
2 – Reconnaitre les terrains et situations à risque
3 – Citer les germes responsables des EI
4 – Savoir évoquer et poser le diagnostic de l’EI
(arguments cliniques, biologiques et para-cliniques)
5 – Enumérer les principales complications
6 – Connaitre les principes du TTT de l’EI (ATB et
indications de chirurgie), et les principes de gestion
globale pluridisciplinaire en «Heart team»+++
Introduction
• EI est une affection rare mais grave responsable
d’une morbi-mortalité importante+++ :
Mortalité globale d’environ 20%
• Dégâts locaux cardiaques +++
• Complications emboliques 🡪 atteinte de
multiples organes+++
Endocarde++
-Valvaire
-Pariétal
1 - Définition de l’Endocardite Infectieuse
Décrite par Sir William Osler en 1855
L’ EI est une Infection secondaire à la greffe++ et à la
multiplication++ d’un agent infectieux++ sur l’endocarde++
Valvulaire (rarement sur l’endocarde pariétal)
ou sur du matériel prothétique intracardiaque
au cours d’une bactériémie++
La fixation de l’agent infectieux (bactérie ou levure) est
favorisée par des lésions de l’endocarde valvulaire ou
pariétal préexistantes++
2 - Situations et Terrains à risque
ions à risque+++ : « Portes d’entrée »
Bactériémie++
Terrains à risque +++ :
« Cardiopathies à risque »
Lésions endocarde préexistantes++
Porte d’entrée
(Situations à risque)
Bactériémie+++
Cardiopathie à risque = cible
(Terrain à risque)
Greffe et multiplication agent infectieux+++
Lésions élémentaires de l’Endocardite Infectieuse
(végétations, abcès, perforation valvaire, rupture
Cordages, désinsertion prothèse …..)
Portes d’entrée
Dentaires : caries, abcès, soins dentaires
ORL : foyer infectieux, chirurgie Streptocoque
Staphylocoque
Cutanées : plaies infectées, dermatoses, tatouages, piercing…
Urinaires : infection, chirurgie prostate…
Génitales : infection, intervention Entérocoques et BGN
Iatrogènes : KT (dialyse), chirurgie…
Streptocoque D
Digestives : tumeurs, diverticulose, chirurgie digestive…,
(Streptocoque Bovis)
Trois Cardiopathies à Haut risque+++ :
1 - Prothèses Valvaires - TAVI - Clip - PM DAI
2 - Cardiopathies Congénitales Cyanogènes
natives ou réparées avec matériel
prothétique ou shunts résiduels...
3 - Antécédents d’Endocardite Infectieuse
Cardiopathies à risque modéré :
- Valvulopathies : IM, IA, RA
- Prolapsus valvulaire mitral avec
fuite et/ou épaississement valvulaire
-Bicuspidie aortique
-Cardiopathies congénitales non
cyanogènes
Végétation+++ :
- Lésions locales
- Risque Embolie
Adhésion et
multiplication
EI sur Cardiopathie à risque
« lésions préexistantes »
EI sur cœur sain
EI cœur gauche
- sur valve native
- sur prothèse
EI cœur droit
-EI sur valve native (SP, IT..)
-EI sur CIV
-EI sur prothèse
-EI sur sondes de pacemaker
- EI sur cœur sain
(Toxicomanie / germes très virulents
Terrain : Immunodépression (HIV…)
VSD = Ventricular septal defect = CIV
Conséquences
physiopathologiques
Dégâts locaux cardiaque Dégats à distance :
Maladie locale +++ Maladie générale+++
Végétations
Délabrement : perforation Emboles artériels :
valvaire, rupture cordages... - Métastases septiques
Fuites valvaires -Anévrysmes mycotiques
Extension infection aux tissus voisins :
-Abcès péri-aortiques
-Lésion tissu conduction.. Complexes immuns circulants
Insuffisance Cardiaque
Troubles de Conduction : BAV..
3 - Germes responsables d’EI
CV de virulence +++
Streptocoques et Entérocoques
Streptocoques oraux non groupables :
Porte entrée : bucco dentaire
S viridans….
Streptocoque du groupe D :
Porte entrée digestive (cancer, polype, diverticulose..)
S bovis..
Entérocoques :
Porte entrée : digestive ou urinaire
E faecalis
Staphylocoques
Staphylocoque aureus+++ :
Porte entrée : cutanée
EI sur valve native (destruction valvulaire+++, abcès)
EI du cœur droit du toxicomane
Staphylocoque à coagulase négative+++ :
Porte d’entrée : iatrogène…
EI sur prothèse, sur Pace Maker
Germe non identifié
EI à Hémocultures négatives
1 - Traitement Antibiotique préalable+++
2 - Germes à developpement intra cellulaire +++ :
Coxiella burnetti (fièvre Q)
Bartonella
3 - HACEK (germes à croissance lente) :
Haemophilus
Actinobacillus
Cardiobacterium
Eikenella
Kingella
4 - Agents fungiques :
Aspergillus
4 – Diagnostic de l’EI
Bon sens clinique+++
Arguments cliniques, biologiques et para-cliniques
Coopération cardiologue, infectiologue,
bactériologiste,
réanimateur et chirurgien cardiaque +++
« Heart Team » ++++
Signes cliniques de l’ EI
Formes aigues
Formes subaigües (Osler)++
1 - Manifestations générales : liées à l’infection
2 – Manifestations cardiaques (locales) : liées aux
dégâts cardiaques causés par le germe
3 - Manifestations extracardiaques : liées aux
-Emboles septiques
-Dépôts des complexes immuns circulants
1 - Manifestations générales
Fièvre : « tout patient Porteur d’une lésion cardiaque à
Risque présentant une fièvre inexpliquée doit etre
Considéré comme suspect d’EI »
AEG
Splénomégalie++
2 – Manifestations cardiaques
Apparition ou modification d’un souffle cardiaque
Association souffle - fièvre ++
Insuffisance cardiaque ++ (fébrile)
Troubles conductifs dans un contexte de fièvre++
3 - Manifestations extracardiaques
Sines neurologiques :
AVCI fébrile+++ , abcès cérébraux, méningites
Anévrysmes mycotiques, hémorragie cérébrale
Signes rhumatologiques :
Arthralgies, arthrites, spondilodiscites++
Signes abdominaux :
Infarctus splénique, Abcès splénique (SMG++)
Signes ophtalmologiques :
FO : Taches de Roth (hémorragies et exsudats)
Signes respiratoires : « EI du cœur droit »
Pneumopathies
Embolie pulmonaire fébrile++
Signes rénaux :
Protéinurie, hématurie, insuffisance rénale,
par atteinte glomérulaire, souvent d’origine immunologique++
3 - Manifestations extracardiaques
Signes cutanés :
Purpura pétéchial (cutané, conjonctival)
Faux panaris d’Osler :
Nodosités rougeâtres douloureuses
Siège : pulpe des doigts ou orteils
Fugaces
Placards érythémateux de Janeway :
Placards érythémateux indurés
Siège : plante des pieds ou paume des mains
EI = maladie générale+++
EI du cœur droit
• Toxicomanes IV, souvent sur un terrain immunodéprimé (HIV..)
• EI sur sondes de pace maker
• EI sur Cardiopathie congénitale (sténose pulmonaire, CIV…)
• Signes cliniques : symptômes respiratoires et fièvre++
• Tableau d’infection bronchique traînante
• Extériorisation du boitier de pacemaker dans les EI sur sondes
de
Pacemaker
• Risque d’embolie pulmonaire++ d’origine septique
• Staphylocoque aureus / majorité des cas
Fréquemment , les symptômes d’appel sont trompeurs++
A connaitre pour éviter le retard diagnostic ++
-Fièvre absente ou masquée par une antibiothérapie préalable inadaptée
-Complication embolique révélatrice, notamment cérébrale
-Spondylodiscite révélatrice
-Dysfonction de prothèse valvulaire
Dans tous les cas : devant toute suspicion clinique, il faudrait pratiquer des
examens complémentaires pour assoir le diagnostic.
Examens
Para-cliniques
❑ 1- Examen biologiques d’orientation
❑ 2- Les hémocultures ++++
❑ 3- L’échocardiographie ++++
1 – les examens biologiques d’orientation
hyperleucocytose inconstante
NFS :
anémie normo chrome normocytaire
VS et CRP : augmentées
Hypergammaglobulinémie poly clonale
Manifestations biologiques immunologiques : complément sérique,
présence de facteur rhumatoïde, complexes immuns circulants,
particulièrement dans les formes subaigüe
Hématurie microscopique, protéinurie
Germes virulents+++
CV virulence connu+++
2 - les Hémocultures
▪ Objectifs :
⇨ Isoler le germe en cause et
confirmer le diagnostic de septicémie
⇨ Identifier le germe
⇨ Tester la sensibilité du germe aux ATB :
Antibiogramme (guider choix du TTT ATB)
⇨ Suivi sous traitement (négativation hémocultures)
2 - les Hémocultures
3 à 4 hémocultures pratiquées à 30 mn ou une heure d’intervalle :
prélever 8 à 10 ml++ dans des conditions d’asepsie++ pour éviter
d’isoler des germes de contamination
Hémocultures pratiquées en cas de frissons ou de pics fébriles ou sans
(car bactériémie constante)
Pratiquées avant toute antibiothérapie
En cas de traitement antibiotique préalable : une fenêtre thérapeutique
doit être pratiquée avant les hémocultures, ou faire hémocultures sur
milieux adsorbant les ATB
Dans 5 à 20 % des cas : les hémocultures restent négatives (souvent
antibiothérapie préalable, profil de certains germes)
2 - les Hémocultures
Dans les cas d’endocardite à hémoculture négative ++ :
Hémocultures sur milieux spéciaux (germes à croissance lente HACEK)
Sérologies (germes intra cellulaires : sérologie de la fièvre Q coxiella
burnetii)
Recherche du germe au niveau d’une porte d’entrée suspectée ou d’un
foyer secondaire (emboles)
Culture de la valve prélevée, ou d’un matériel prothétique (sondes de
pace maker) …
3 – Echocardiographie : ETT – ETO++
Lésions élémentaires de l’EI
Végétation : Masse mobile appendue aux structures
cardiaques, taille, mobilité, évolution
sous TTT
Perforation valvaire
Rupture cordages mitraux
Capotage sigmoïde aortique
Abcès : fistulisé vers une cavité ou non
Désinsertion de prothèse
Evaluation de l’importance des dégâts cardiaques : quantification
Végétation sur valve mitrale Végétation sur valve aortique
ETO ETO
Abcès de l’anneau aortique ETO
Autres examens : Nouvelles techniques d’Imagerie++
A - Scanner multi-barrettes TAP ++ :
- Evaluation des extension : Lésions péri-valvulaires
- Localisations secondaires : cerveau,
rate poumon…
-Anévrysmes mycotiques notamment cérébraux :
complément IRM ++++
Autres examens : Nouvelles techniques d’Imagerie++
B- Imagerie nucléaire : PET/CT , SPECT/CT
Examen sensible : bonne VPN (valeur prédictive négative)
Actuellement validé pour les prothèses++, dispositifs
implantables..
Diagnostic EI
Ensemble d’arguments cliniques, biologiques et para-cliniques +++
Critères Diagnostiques de DUKE modifiés
5 - Evolution – Complications
Progression des lésions au niveau cardiaque :
Abcès annulaire
Extension de l’infection à d’autres valves
Aggravation des fuites avec mauvaise tolérance hémodynamique
Insuffisance cardiaque qui apparait parfois brutalement suite à une
déchirure de l’appareil valvulaire ou sous valvulaire, ou qui évolue d’autres
fois plus progressivement
Les troubles de conduction : BAV, surtout dans les EI aortiques, par extension
de l’infection au septum inter ventriculaire et atteinte du faisceau de HIS
5 - Evolution – Complications
Les phénomènes emboliques :
cerveau, poumon, coronaires, artères périphériques, rate
et autres viscères
Anévrysmes mycotiques :
Aorte proximale
Artères cérébrales+++
Artères viscérales
Artères (poplité…)
Risque de rupture+++
Complications rénales++
Complications rénales +++
Mécanismes multiples
• 1 - Infarctus rénal embolique
• 2 - Glomérulonéphrite immunologique
• 3 - Insuffisance cardiaque : baisse du débit de filtration
• glomérulaire 🡪 Insuffisance rénale
• 4 – Néphro toxicité de certains Antibiotiques utilisés dans l’EI
• 5 – Injection produit de contraste / Angioscanner dans le cadre du
bilan d’extension de l’EI
🡪 un suivi biologique régulier de la fonction rénale +++
6 - TRAITEMENT
« Heart Team »
Principes du TTT :
- Eradiquer l’infection
- Maintenir une hémodynamique correcte : TTT IC, gerrer
troubles conductifs
- Prévenir et traiter les complications
Deux volets :
- TTT médical pour tous
- TTT chirurgical si HMD et/ou infection non contrôlées, et/ou
végétations mençantes avec risque embolique+++
TTT préventif+++
EI sur Pace Maker :
- Extraction complète du système
- Ré implantation différée après stérilsation sous TTT ATB +++
TTT MEDICAL
1 - TTT Antibiotique+++ : Adapté au germe (ATB gramme)+++
Valve native ou prothèse
Existence d’une allergie
Etat de la fonction rénale
TTT ATB bactéricide +++:
Association : B-lactamine +
aminoside Toujours en IV, à fortes
doses
Longue durée : minimum 2 semaines jusqu’à 6 semaines
Possibilté relai voie orale
2 - TTT de l’insuffisance cardiaque+++
TRAITEMENT CHIRURGICAL
Hémodynamique non contrôlée :
Insuffisance cardiaque sur fuite valvulaire aigue++
Risque évlution vers choc cardiogénique++
Infection non contrôlée++
Abcès, fistule
Fièvre persistante
Champignons et germes multi résistants
Risque évolution vers choc septique++
Risque Embolique++ :
Végétations longues menaçantes (>10 mm) chez patient ayant déjà
fait au moins un épisode embolique
Risque d’accidents emboliques +++
SURVEILLANCE TRAITEMENT
Efficacité :
Apyrexie
Négativité des hémocultures
Régression du syndrome inflammatoire biologique
Tolérance :
Dosage sanguin des ATB
Surveillance de la fonction
rénale+++ Surveillance du capital
veineux+++
Surveillance cardiaque +++ :
Auscultation biquotidienne
Echocardiographie
régulière
TRAITEMENT PREVENTIF
Antibio prophylaxie chez tout patient à haut risque devant subir un geste
à risque :
Soins dentaires +++ :
Amoxicilline : Adulte :
2g
Enfant : 50 mg/kg
1 heure avant les soins dentaires par voie orale
en l’absence d’allergie
Diffusion de la carte de prévention chez tout cardiaque à risque
Hygiène cutanée (désinfection de toute plaie cutanée)
Hygiène bucco dentaire (lavage des dents biquotidien, consultation
dentiste biannuelle)
DC Différentiel / Imagerie ETT
Endocardite non infectieuse :
Endocardite de Libman Sacks : auto immune
Lupus érythémateux systémique
Syndrome des anticors antiphospholipides
Végétation stérile (embols possibles)
TTT spécifique de la cause+++
Endocardite marastique :
Contexte ++ état cachectique...
Cancers adénocarcinomes pancréas poumon
Maladie systémique sévère
Maladie auto immunes (lupus, syndrome anticors antiphospholipides..)
Végétation stérile (embols possibles)
TTT spécifique de la cause++
Conclusion
Affection à multiples facettes, dont la présentation évolue au fil du
temps, garde une mortalité et une morbidité non négligeables
Recommandations : Coopération cardiologue, infectiologue,
bactériologiste, réanimateur et chirurgien cardiaque +++ : véritable
consensus : « Heart Team » pour prise en charge optimale++
Surveillance à distance et prévention des récidives : éducation
patient +++