Amacoumba FALL
614
Hépatites virales
I. Introduction
1. Définition
Les hépatites virales sont une atteinte inflammatoire aigue ou chronique du
foie due à des virus à hépatotropisme dominant au nombre de 5 : A, B, C, D, E.
2. Intérêt
Les hépatites virales constituent un problème de santé publique
Le pronostic des hépatites virales peut être défavorable du fait de ses
complications : hépatite fulminante, cirrhose, CHC
Un traitement est disponible pour les hépatites chroniques virales B, C et D
La prévention repose sur la vaccination pour les hépatites virales A, B et
l’amélioration des conditions d’hygiène.
II. Signes
A. TDD : Hépatite virale aigue à VHB dans sa forme
commune chez l’adulte immunocompétent
1. Incubation
Elle est silencieuse et de durée variable : 2 à 4 mois
2. Phase de début ou phase pré-ictérique
Inconstante, elle dure 4 à 10 jours et se traduit par :
Clinique :
Syndrome grippal : fièvre, céphalées, arthralgie, myalgie, asthénie
intense
Troubles digestifs : anorexie, nausée, vomissements, douleurs
abdominales (pseudo-appendiculaires), diarrhée ou constipation
Eruption cutanée sous forme d’urticaire
Biologie :
Cytolyse présente dès ce stade
Triade de Caroli (céphalées, urticaire, arthralgies) est très évocatrice de
cette phase
3. Phase d’état ou phase ictérique
a. Clinique
2 à 6 semaines, marquée par :
Un ictère cutanéo-muqueux d’installation progressive et modérée
Page 1 sur 9
Amacoumba FALL
614
Il s’y associe de façon variable des urines foncées, des selles +/-
décolorées et parfois un prurit
On peut retrouver une hépatomégalie modérée, lisse et ferme, sans grosse
vésicule
La fièvre disparaît durant cette phase mais l’asthénie et l’anorexie
persistent
b. Biologie
Leuconeutropénie habituelle avec lymphocytose, VS accélérée et CRP
positive
Signes d’atteinte hépatique
Cytolyse hépatique intense avec transaminases (ASAT et surtout
ALAT) élevées : 10 à 100N
Cholestase avec hyperbilirubinémie à prédominance conjuguée,
élévation des PAL et GGT
TP>60%
Sérologie : marqueurs biologiques de l’hépatite aigue virale B
Détection de l’Ag HBs vers le 5e jour
Détection d’IgM anti-HBc vers le 15e jour
NB : Porteur inactif : Ag HBs (+), ALAT strictement normal, foie normal,
taux d’ADN VHB bas
c. Echographie abdominale
Systématique devant un ictère cholestatique
Peu d’intérêt pour le diagnostic d’hépatite : normale
Elimine les autres diagnostics différentiels
4. Evolution
a. Eléments de surveillance
Clinique : constantes, ictère, urines et selles, examen foie, examen
complet
Paraclinique : transaminases, marqueurs viraux, TP, échographie
abdominale, αFP
b. Modalités évolutives
Spontanément favorable : guérison spontanée en quelques semaines
avec :
Régression de l’ictère en 2-3 semaines annoncée par une crise
polyurique, l’asthénie peut persister quelques mois
On note également une disparition de l’Ag HBs avec l’apparition de
l’Ac anti-HBs
Les transaminases se normalisent en 2-4 mois
Défavorable : évolution vers des complications redoutables (formes
évolutives)
Page 2 sur 9
Amacoumba FALL
614
B. Formes cliniques
1. Formes symptomatiques
a. Formes anictériques
On a les mêmes signes cliniques et paracliniques que la forme
commune
L’asthénie physique et les arthralgies sont au premier plan
b. Formes asymptomatiques
Elles sont les plus fréquentes (80-90% des cas).Elles sont de découverte
fortuite lors de l’exploration d’une cytolyse ou lors du dépistage d’un
patient à risque.
c. Formes cholestatiques
Elles s’installent d’emblée ou après la 3e/ 4e semaine d’une forme
commune. La cholestase est marquée avec un ictère intense, un prurit
généralisé et des selles décolorées.
Il existe une élévation franche de la bilirubine, des PAL et des GGT et la
cytolyse est modérée. L’évolution est habituellement prolongée (3-4
mois) mais évolue presque toujours vers la guérison.
d. Formes pseudo-chirurgicales
Elle simule une angiocholite
Le diagnostic est habituellement facilement redressé par l’échographie
hépatique et la cinétique décroissante des transaminases
e. Formes avec manifestions extra hépatiques
Elles sont rares et sont en rapport avec l’infection virale ou le dépôt
d’immuns complexes :
Articulaires : simples arthralgies ou polyarthrite vraie
Neurologiques : polyradiculonévrite, méningite, méningo-encéphalite
Hématologiques : anémie hémolytique, purpura thrombopénique
d’origine auto-immune, aplasie médullaire (rare mais grave)
Autres : pleurésie, péricardite, glomérulonéphrite, périartérite noueuse
f. Formes graves
Elles sont les conséquences d’un déséquilibre entre la destruction
massive des hépatocytes et la régénération insuffisante.
Cette destruction massive est responsable d’une insuffisance hépatique
sévère :
Diminution >50% des facteurs de coagulation d’origine hépatique
TP effondré <50%, facteur V <50%
Il existe deux entités
Forme fulminante
Elle est définie par l’apparition d’une encéphalopathie hépatique
associée à une diminution du TP <50% survenant dans les 2
semaines après l’installation de l’ictère
Page 3 sur 9
Amacoumba FALL
614
Forme sub-fulminante
Lorsque le délai entre l’encéphalopathie et l’ictère est supérieur
à 2 semaines, on parle d’hépatite sub-fulminante.
Les signes cliniques sont représentés par une asthénie physique
intense, une encéphalopathie hépatique (inversion du rythme
nycthéméral, astérixis, syndrome confusionnel voire coma), un
syndrome hémorragique.
Le décès survient dans plus de 80% des cas en l’absence de
transplantation hépatique (la mortalité augmente avec l’âge)
2. Formes évolutives
a. Formes prolongées
Dans certains cas, l’évolution peut se prolonger au-delà de la 6e
semaine et durer 3 ou 4 mois pour finalement se faire vers une guérison.
b. Formes chroniques
Elles sont l’apanage des virus B, C et D
Clinique
Les manifestations cliniques sont pauvres : asthénie physique, sub
ictère, douleurs intermittentes de l’hypochondre droit, manifestations
extra hépatiques.
Le patient est le plus souvent asymptomatique et le diagnostic se fait
lors d’un dépistage systématique, lors d’un don de sang, lors d’un
bilan de grossesse…
Biologie
Elle montre une cytolyse modérée fluctuante inférieure à 5 fois la
normale associée à une positivité de l’Ag HBs.
Ponction biopsie hépatique :
Permet d’apprécier le degré de fibrose et d’inflammation grâce au
score de METAVIR : l’inflammation est cotée d’A0 à A3 et la fibrose
de F1 à F4.
Les marqueurs non invasifs de la fibrose : fibroscan, tests sériques
(fibrotest actitest, score APRI, Fib 4…)
3. Formes selon le terrain
a. Formes du nouveau-né
Il existe un risque élevé d’évolution vers la chronicité
b. Formes de la femme enceinte
Il n’y a pas de risque d’embryopathie ou de fœtopathie.
Au cours de la grossesse, il existe un risque de transmission materno-
fœtale :
1er trimestre : si hépatite résolutive, risques quasi-nuls du VHB
2e trimestre : si hépatite résolutive, risques VHB 25%
3e trimestre : risque de transmission à l’enfant 80% (surtout au
moment de l’accouchement)
c. Formes de l’immunodéprimé
Il existe un risque élevé d’évolution vers la chronicité
Page 4 sur 9
Amacoumba FALL
614
4. Formes étiologiques
a. L’hépatite virale A
N’évolue jamais vers la chronicité mais le risque d’hépatite
fulminante est plus important
Sérologie :
IgM anti-VHA témoin d’une infection récente
IgG anti-VHA persistant de nombreuses années et
témoignant de l’antécédent d’infectieux
b. L’hépatite virale C
Souvent asymptomatique, les signes extra-hépatiques sont
fréquents. L’évolution vers la chronicité est plus importante
que dans l’hépatite B
Sérologie
Contact avec le virus : Ac anti-VHC(+)
Infection aigue : IgM anti-VHC(+) et ARN (+)
Infection chronique : Ac anti-VHC (+) et PCR ARN VHC (+)
c. L’hépatite virale D
N’existe qu’en co-infection avec le VHB
Sérologie :
AgHBs(+)
Si co-infection aigue : IgM anti-VHD (+)
Si présence chronique : IgG anti-VHD (+)
d. L’hépatite virale E
L’évolution est en règle bénigne, entraîne souvent des
hépatites fulminantes chez la femme enceinte
Sérologie : IgM anti-VHE (+) et ARN VHE
III. Diagnostic
A. Diagnostic positif
1. Arguments épidémiologiques
Notion de contage
Zone d’endémie+++
Comportements sexuels à risque, toxicomanie intraveineuse
Transfusion sanguine
Antécédents familiaux d’hépatite virale
2. Arguments cliniques
Phase pré-ictérique
Phase ictérique
3. Arguments paracliniques
Biologie
Cytolyse, transaminases >10N
Page 5 sur 9
Amacoumba FALL
614
Sérologie
Positivité des anticorps spécifiques
Echographie hépatique
Absence de dilatation des VB intra et/ou extrahépatiques
Echostructure hépatique homogène
B. Diagnostic différentiel
1. Hépatite aigue alcoolique
Le diagnostic repose sur :
Une consommation d’alcool
Des signes d’intoxication alcoolique : pituite, hypertrophie parotidienne,
maladie de Dupuytren, dénutrition
Biologie : cytolyse prédominant pour les ASAT, augmentation des GGT,
macrocytose sur la NFS
Histologie : Souffrance hépatocytaire : stéatose, ballonisation
hépatocytaire, nécrose hépatocytaire, infiltrat de polynucléaires
neutrophiles au voisinage des hépatocytes
2. Hépatites aigues toxiques et médicamenteuses
Notion de prise de médicaments hépatotoxiques
Manifestations immuno-allergiques : rash, éruption cutanée
Biologie : hyperéosinophilie
Régression des manifestations cliniques et biologiques à l’arrêt du
médicament
3. Syndrome de Budd Chiari aigu
Obstruction des veines sus hépatiques ou de la VCI sous diaphragmatique
Clinique
La forme aigue se manifeste par une hépatomégalie douloureuse, des
douleurs abdominales.
Biologie
Montre une cytolyse aigue.
Echodoppler
Objective une obstruction des veines sus hépatiques ou de la veine cave
inférieure par un thrombus.
4. Hépatite infectieuse à virus non alphabétique
Les manifestations cliniques sont représentées par : un syndrome
grippal, une hépatomégalie, un ictère, un syndrome mononucléosidique.
Ils surviennent souvent sur un terrain immunodéprimé.
La sérologie montre une positivité des anticorps anti CMV, Ac anti herpès
virus…
C. Diagnostic étiologique
1. Virus de l’hépatite A et E
VHA : petit virus à ARN appartenant à la famille des Picornavirus
VHE : virus à ARN appartenant à la famille des Calcivirus
Page 6 sur 9
Amacoumba FALL
614
Le mode de transmission pour ces deux virus est oro-fécal par ingestion d’eau
et d’aliments souillés.
2. Virus de l’hépatite B et C
VHB (particule DANE) : virus à ADN, appartenant à la famille des
Hepadnavirus
VHC : virus à ARN appartenant à la famille des Flavivirus
Le mode de transmission pour ces deux virus peut-être :
Sexuelle(MST)
Sanguine (transfusion, toxicomanie, tatouage, actes médicaux
invasifs)
Materno-infantile
3. Virus de l’hépatite D
Virus à ARN défectif, emprunte l’enveloppe du VHB pour se développer
Transmission : sanguine et sexuelle
IV. Traitement
1. Buts
Eviter l’évolution vers la chronicité
Prévenir et traiter les complications
2. Moyens
a. Mesures hygiéno-diététiques
Repos
Arrêt de l’alcool
Arrêt des médicaments hépatotoxiques, phytothérapie
b. Moyens de réanimation
c. Moyens médicamenteux
Vitamine K
Cholestyramine
Antiviraux
Inhibiteurs nucléosidiques et nucléotidiques
-Ténofovir : 300mg /jour par voie per os
-Entecavir
-Adéfovir
-Lamivudine
Interféron alpha, interféron pégylé
La pégylation prolonge la demi-vie de l’interféron et augmente sa
concentration plasmatique.
-Mode d’action : activité antivirale et immunostimulante.
-Mode d’administration : injection sous-cutanée et hebdomadaire
-Effets secondaires
o Syndrome pseudo-grippal
o Troubles de l’humeur : syndrome dépressif, irritabilité
o Effets secondaires hématologiques : thrombopénie ;
neutropénie
Page 7 sur 9
Amacoumba FALL
614
o Dysthyroïdie (thyroïdite)
Antiviraux à action directe
-Inhibiteur de protéase NS3/4A : paritaprevir/ritonavir, grazeprevir
-Inhibiteur de NS5A : daclatasvir, ledipasvir
-Inhibiteurs de NS5B : sofosbuvir, dasabuvir
d. Moyens chirurgicaux
Transplantation hépatique
3. Indications
a. Hépatite A
Mesures hygiéno-diététiques
b. Hépatite B
Aigue : mesures hygiéno-diététiques
Formes prolongées : Ténofovir
Chronique : en fonction du stade Ténofovir
c. Hépatite C
Aigue
Mesures hygiéno-diététiques
Patient asymptomatique : traitement
Patient symptomatique : traitement si persistance virémie 3-4 mois
Chronique
Association de plusieurs de ces molécules pendant une durée de 8 à
12 semaines
d. Hépatite D
Aigue : mesures hygiéno-diététiques
Chroniques : interféron pégylé
e. Formes graves
Moyens de réanimation, transplantation hépatique
V. Prévention
1. Hépatite A
Mesures d’hygiène : lavage des mains
Vaccination par virus inactivé : Havrix®, une injection intramusculaire, rappel
à 1an
2. Hépatite B
Vaccination : injection d’AgHBs .Schéma vaccinal classique : 3 injections à
0,1 et 6 mois
Dépistage et vaccination entourage
Eviter les rapports sexuels non protégés
Page 8 sur 9
Amacoumba FALL
614
3. Hépatite C
Dépistage familial
Eviter partage brosse à dents, coupe ongles, protection sexuelle en cas de
lésion génitale
4. Hépatite D
Vaccination contre hépatite B
5. Hépatite E
Mesures d’hygiène
VI. Conclusion
Les hépatites virales constituent un problème de santé publique
VHB, VHC et VHD sont les plus redoutables de par la possibilité
d’évolution vers des formes chroniques redoutables
Les moyens diagnostiques sont bien améliorés
Le meilleur traitement reste la prévention par la lutte contre le péril fécal
et la vaccination
Bibliographie
Cours Hépatites virales UCAD 2020
Cours Internat Ibrahima DIALLO
Page 9 sur 9