UNIVERSITE DE CONSTANTINE 3
FACULTE DE MEDECINE
DEPARTEMENT DE MEDECINE
2020_2021
MODULE D’OPHTALMOLOGIE 6 EME ANNEE MEDECINE
LES TRAUMATISMES
OCULAIRES
M.BENLARIBI
Dr BENLARIBI.M
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OBJECTIFS :
Connaitre les principales lésions observées au cours des contusions oculaires.
Connaitre le pronostic des plaies perforantes du globe oculaire.
Savoir suspecter et reconnaitre un corps étranger intraoculaire.
INTRODUCTION :
Devant un traumatisme oculaire récent, (qui peut toujours exposer a des suites
médicolégales), il faut distinguer 3 situations : les contusions oculaires, les traumatismes
perforants et les corps étrangers.
Les contusions du globe ne présentent souvent pas de caractère d’urgence
thérapeutique immédiate.
Les traumatismes perforants nécessitent par contre dans tous les cas une prise en
charge en urgence afin de réaliser la suture de la ou des plaies du globe oculaire.
Les corps étrangers constituent une pathologie très fréquente. Il faut distinguer les
corps étrangers superficiels, bénins, et les corps étrangers intraoculaires, qui mettent
en jeu le pronostic visuel.
CONTUSIONS DU GLOBE OCULAIRE
A. Interrogatoire
Il permet de préciser les circonstances du traumatisme ; les agents contondants sont
d’autant plus dangereux que leur volume est petit : ainsi un ballon est freiné par le
relief orbitaire, alors qu’un bouchon de champagne peut directement atteindre le
globe oculaire.
Le patient présente des douleurs oculaires, et une baisse d’acuité visuelle,
d’importance variable.
On vérifie toujours que le traumatisme est strictement oculaire, et qu’il n’y a pas de
lésions associées (traumatisme crânien, traumatisme facial, etc…).
B. Examen
Il permet de distinguer les contusions du segment antérieur et les contusions du
segment postérieur, qui peuvent être associées.
1. Les contusions du segment antérieur
a) La cornée :
- une contusion légère entraine une simple érosion superficielle (visible après
instillation de fluorescéine) ; elle nécessite, pour éviter une kératite microbienne par
surinfection, un traitement antibiotique local par collyre et/ou pommade antibiotique a
large spectre pendant quelques jours associé à un collyre cicatrisant (par exemple,
Gentamycine collyre quatre fois par jour et Gentamycine pommade le soir au coucher
pendant cinq jours).
.
Ulcération cornéenne
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b) conjonctive : hémorragie sous- conjonctivale : elle peut être isolée, mais il faut
toujours devant une hémorragie conjonctivale penser a rechercher des signes
évoquant une plaie sclérale sous-jacente ou un corps étranger intraoculaire.
Hémorragie sous-conjonctivale traumatique étendue
c)chambre antérieure :
hyphéma ; l’hémorragie de la chambre antérieure ou hyphéma survient immédiatement
après le traumatisme : il se traduit par un niveau liquide hématique dans la chambre
antérieure ; son évolution se fait en général spontanément
vers la résorption, mais le risque est la récidive hémorragique. Un hyphéma récidivant
massif, peut être responsable d’une « infiltration hématique de la cornée » (hématocornée)
irréversible
Hyphéma : niveau liquide hématique dans la chambre antérieure (flèche).
d)iris : on peut observer :
- une iridodialyse (désinsertion à la base de l’iris),
- une rupture du sphincter de l’iris (au bord de la pupille),
- ou une mydriase post-traumatique (avec diminution du réflexe photomoteur).
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Iridodialyse.
Ruptures du sphincter irien (flèches).
e)cristallin : selon l’importance du traumatisme, et la résistance des fibres de la zonule, on
peut observer
- une subluxation du cristallin, luxation incomplète par rupture partielle de la zonule,
- une luxation complète du cristallin dans la chambre antérieure ou dans la cavité vitréenne
par rupture
totale de la zonule,
- une cataracte contusive (apparaissant plusieurs mois ou années après le traumatisme).
Subluxation du cristallin.
f)une hypertonie oculaire : peut être provoquée par des lésions traumatiques de l’angle irido-
cornéen, bien visibles en gonioscopie (examen de l’angle irido-cornéen à la lampe à fente).
2. Les contusions du segment postérieur
a) l'œdème rétinien du pôle postérieur ou « œdème de Berlin » : responsable d’une
baisse d’acuité visuelle initiale, il évolue en général spontanément vers la guérison, mais il
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peut parfois évoluer vers la constitution d’un trou maculaire avec une baisse d’acuité visuelle
sévère et définitive.
b)hémorragie intravitréenne par rupture vasculaire rétinienne traumatique : elle évolue
en général
favorablement, vers la résorption spontanée ; lorsqu’elle empêche la visualisation de la
rétine, elle
doit faire pratiquer une échographie B à la recherche d’un décollement de rétine associé.
c)déchirures rétiniennes périphériques : elles peuvent aboutir à la constitution d’un
décollement
de la rétine ; celui-ci peut survenir à distance du traumatisme, parfois plusieurs mois après,
posant un
probléme médico-légal d’imputabilité, surtout chez les sujets prédisposés comme les
myopes forts.
Un traitement prophylactique par photocoagulation au laser avant la constitution d’un
décollement de rétine peut parfois en prévenir l’apparition : d’où l’importance d’un examen
systématique de la rétine périphérique aussi précoce que possible au décours de tout
traumatisme.
d)les ruptures de la choroïde : des ruptures traumatiques de la choroïde peuvent
laisser une baisse
d’acuité visuelle séquellaire définitive lorsqu’elle siègent en regard de la macula.
Rupture de la choroïde :
- a : aspect immédiat au décours du traumatisme.
- b : aspect cicatriciel : la rupture de la choroïde, siégeant loin de la macula, n’a aucun
retentissement visuel .
3. ruptures du globe oculaire :
enfin, les traumatismes très violents peuvent provoquer une ou plusieurs ruptures du globe
oculaire au niveau des zones de moindre résistance (rupture au niveau du
limbe scléro-cornéen, rupture sclérale radiaire), révélées par une hypotonie, une hémorragie
sousconjonctivale, et une hémorragie intra-vitréenne. Le pronostic, même après suture de la
plaie, est très mauvais.
TRAUMATISMES PENETRANTS
Des plaies directes du globe oculaire peuvent être observées au cours d’accidents de la voie
publique (cause devenue rare avec les pare-brises actuels), d’accidents du travail ou
d’accidents domestiques.
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Il s’agit parfois de plaies évidentes, larges, de mauvais pronostic, se compliquant très
fréquemment
de décollement de rétine ou d’atrophie du globe oculaire avec une cécité complète définitive.
Ailleurs, il s’agit de plaies de petite taille, de meilleur pronostic :
• petites plaies cornéennes qui peuvent s’associer à des lésions de l’iris ou du
cristallin – cataracte d’apparition précoce et d’évolution rapide par plaie du cristallin,
• ou petites plaies sclérales.
Le risque est de méconnaître la plaie en absence d’un examen soigneux, notamment de
méconnaître
une plaie sclérale masquée par une hémorragie sous conjonctivale : dans certains cas, une
exploration chirurgicale peut être indiquée.
Le risque est également de méconnaître un corps étranger intraoculaire : au moindre
doute doivent
être pratiquées des radiographies à la recherche d’un corps étranger intraoculaire, leur
méconnaissance
pouvant avoir des conséquences graves
Petite plaie cornéo-sclérale (flèche).
CORPS ÉTRANGERS
Il faut bien distinguer les corps étrangers superficiels et les corps étrangers intraoculaires
(CEIO), de pronostic tout à fait différent.
A - Le diagnostic peut être évident :
1. En faveur d’un corps étranger superficiel plaident des symptômes unilatéraux :
o soit conjonctivite : démangeaisons sans baisse d’acuité visuelle, hyperhémie
conjonctivale prédominant autour ou en regard du corps étranger, larmoiement
o soit kératite superficielle : douleurs superficielles et photophobie, cercle
périkératique.
o à l’examen,
- le corps étranger est souvent visible, cornéen superficiel (c’est notamment le cas des «
grains de meule », très fréquents) ou conjonctival ; - ailleurs, il est masqué sous la paupière
supérieure : toujours penser à retourner la paupière supérieure à la recherche d’un corps
étranger sous-palpébral.
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le pronostic est favorable avec un traitement qui associe ablation à l’aide d’une aiguille à
corps étranger et pansement occlusif pendant 24 à 48 heures, associé à un traitement local
antibiotique.
Corps étranger conjonctival superficiel
2. Ailleurs, on est orienté vers un corps étranger intra-oculaire (CEIO) :
a) il existe parfois un tableau évocateur :
• circonstances de survenue
o évidentes : agression par grenaille de plomb
o ou évocatrices : projection d’un corps étranger ferrique par un marteau lors de
bricolage, ou lors du travail sur une pièce métallique - carrelet de charrue
chez l’agriculteur.
• certains signes cliniques sont également évocateurs
- porte d’entrée visible, souvent punctiforme, cornéenne ou sclérale (penser à la rechercher
par un examen clinique soigneux devant une hémorragie sous-conjonctivale),
- trajet de pénétration visible : perforation cristallinienne et/ou irienne.
- le corps étranger est parfois directement visible, sur l’iris, dans le cristallin, dans l’angle
iridocornéen, dans le vitré, ou sur la rétine.
Corps étranger intraoculaire, de situtation prérétinienne, directement visible à
l’examen du fond d’œil
B - Le diagnostic de corps étranger intra-oculaire est cependant souvent
moins évident :
- car le traumatisme initial n’a pas été remarqué par le patient,
- car aucune porte d’entrée n’est retrouvée,
- car ne sont visibles ni le trajet de pénétration ni le corps étranger.
C - Examens complémentaires :
- dans tous les cas, à la moindre suspicion de corps étranger intraoculaire, doivent être
pratiqués des radiographies de l’orbite de face, de profil, et en incidence de Blondeau ;
elles confirment la présence d’un corps étranger dans l’orbite ; elles constituent un document
médico-légal.
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- lorsque l’examen radiologique a confirmé le diagnostic de corps étranger de situation
orbitaire, doit être pratiquée une échographie B : elle permet de localiser avec précision le
corps étranger et de confirmer sa situation intraoculaire ; elle permet de plus ce visualiser
des corps étrangers non radio-opaques (CEIO non métalliques).
- la localisation peut encore être effectuée par examen tomodensitométrique, notamment
si l’on ne dispose pas d’échographie B oculaire ; l’IRM est par contre contre-indiquée en
raison du risque de mobilisation d’un corps étranger aimantable durant l’examen
TDM orbitaire objectivant un CEIO
D - Complications précoces des corps étrangers intraoculaires
Elles peuvent révéler un CEIO méconnu, mais peuvent également survenir même après le
traitement correctement conduit d’un corps étranger diagnostiqué lors du traumatisme :
- endophtalmie (infection intraoculaire) : complication très grave, pouvant aboutir à une
cécité complète.
- décollement de la rétine (DR), de pronostic moins sévère mais réservé (les résultats du
traitement chirurgical des DR secondaires à un CEIO étant moins bons que les résultats du
traitement des DR spontanés et des DR secondaires à une contusion oculaire).
- cataracte traumatique, dont le pronostic peut être favorable par un traitement chirurgical
en l’absence de lésions associées (notamment rétiniennes) ayant un retentissement visuel.
E - Nous ne ferons que mentionner les complications tardives:
- ophtalmie sympathique : uvéite auto-immune sévère de l’œil controlatéral, survenant de
quelques semaines à plusieurs années après le traumatisme initial.
- sidérose et chalcose : atteintes rétiniennes toxique très sévères survenant plusieurs
années après un CEIO méconnu, ferrique (sidérose) ou cuivrique (chalcose) : cette dernière
s’accompagne typiquement d’un anneau cornéen de Kayser-Fleisher identique à celui que
l’on observe dans la maladie de Wilson)
Signes faisant suspecter un corps étranger oculaire
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Les brûlures oculaires
Les données épidémiologiques concernant les brûlures oculaires sont relativement peu
nombreuses.
La fréquence des brûlures varie énormément selon l’environnement industriel, géographique
et socio-économique.
La fréquence des brûlures par rapport à l’ensemble de la pathologie oculaire varie ainsi de 5
à 35% de l’ensemble des urgences traumatiques ophtalmologiques selon les études.
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Agents responsables des brulures oculaires
BRÛLURES CHIMIQUES :
Physiopathologie :
A. Les acides forment des complexes avec les protéines du stroma, qui retardent et gênent
la pénétration. L’épithélium intact permet une protection modérée contre la pénétration
d’acides faibles ou dilués: les brûlures chimiques par acides usuels sont donc de gravité
modérée à moyenne ; elles peuvent être graves en milieu industriel avec l’emploi d’acides
très concentrés.
B. Les alcalins réagissent avec les acides gras (saponification), détruisant les membranes
cellulaires ce qui leur permet de pénétrer très rapidement dans les tissus sous jacents. Après
contact, ils pénètrent dans le stroma, puis en chambre antérieure. L’alcalin qui pénètre le plus
rapidement est l’ammoniaque. Toutes les brûlures par bases concentrées sont
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potentiellement graves, même en milieu domestique (produits pour déboucher les
siphons,…).
En cas de doute sur la nature acide ou basique d’un produit en cause, après le lavage (+++),
il est parfois utile d’utiliser des bandelettes de pH (utilisées habituellement pour les urines)
pour connaître le pH des larmes.
PH des principales substances chimiques
Classifications
L’objectif d’une classification est, à partir des données cliniques initiales, d’établir un
pronostic et de guider l’attitude thérapeutique. La classification la plus utilisée est celle de
Hughes modifiée par Roper-Hall. Elle compte quatre stades de gravité croissante et repose
sur l’importance de l’opacité stromale et sur l’étendue d’une éventuelle ischémie limbique.
Les brûlures de stades 1et 2 sont de bons pronostics et les brûlures de stades 3et 4 de
mauvais pronostics.
La classification de Roper-Hall est cependant trop imprécise pour le stade4 en ce qui
concerne l’atteinte du limbe. En effet, une brûlure de stade 4 de la classification de Roper-
Hall peut évoluer favorablement en présence d’une atteinte limbique inférieure à75%,en
revanche, une destruction totale du limbe est de très mauvais pronostic. L’hétérogénéité du
niveau lésionnel au sein du stade 4 expliquerait également les résultats discordants obtenus
lorsqu’une même technique chirurgicale est utilisée. Par ailleurs, l’atteinte de la conjonctive,
omise dans la classification de Roper-Hall, est aussi importante. En cas de destruction totale
du limbe, la présence de la conjonctive saine permet un recouvrement conjonctival de la
cornée, alors que l’absence totale de conjonctive saine engendre un risque majeur de
perforation cornéenne.
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Classification de Roper-HALL
Classification de Dua
Classification de Pfister et al
TRAITEMENT D’URGENCE
Le traitement d’urgence par lavage (+++) est particulièrement important en cas de brûlure
caustique. Il consiste essentiellement à laver, abondamment et longuement, l’oeil atteint, en
déplissant soigneusement les culs de sacs conjonctivaux. Ce lavage s’effectue au mieux
avec du sérum physiologique, à défaut avec de l’eau. Il doit être le plus précoce possible
après la brûlure.
Il doit permettre d’éliminer totalement le produit caustique encore présent. Il est souvent
nécessaire d’instiller une goutte d’un collyre anesthésique pour permettre l’ouverture
correcte des paupières.
La gravité de la brûlure sera ensuite évaluée selon une des classifications afin d'instaurer un
traitement adapté.
Un traitement par collyre corticoïde doit être débuté le plus précocément possible afin de
limiter la réaction inflammatoire intense, elle même source de complication.
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Traitement chirurgical :
− Traitement chirurgical précoce Débridement et excision des tissus
nécrotiques
− Plastie ténonienne
− Prévention de la formation de symblépharons
− Greffe de membrane amniotique
− Colle tissulaire
− Épithéliectomie sectorielle
FORMES PARTICULIÈRES DE BRULURES PHYSIQUES :
Brulures dues aux ultraviolets (ski, lampes à UV) : c’est la classique « ophtalmie des
neiges »,
qui apparait avec 6 à 8 heures de décalage : on observe une kératite ponctuée superficielle
(piqueté fluorescéine positif), à l’origine de douleurs, photophobie, larmoiement, et
blépharospasme. Elle guérit sans séquelle en 48 heures.
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« Coup d’arc » : donne un tableau analogue au précédent, après soudure à l’arc sans
lunettes de protection
Le phototraumatisme réalisé lors de l’observation d’une éclipse peut entraîner une
atteinte maculaire qui peut évoluer vers une lésion cicatricielle avec baisse d’acuité
visuelle définitive.
Take home message :
• Les traumatismes oculaires sont fréquents, de mécanismes variés qui peuvent
mettre en jeu le pronostic visuel.
• Il ne faut jamais négliger un traumatisme même minime.
• Il ne faut pas passer à côté d’une plaie ou d’un CEIO qui nécessite une prise en
charge chirurgicale d’urgence.
• En cas de brulures : LAVAGE
• Intérêt de la prévention
Bibliographie
Malrieu-EliaouC, Pinto.Traumatologie oculaire chez l’enfant. EMC Ophtalmologie.2012,9(1) :1-8
Article 21-700-A-15
Gicquel J.-J., Dua H. Brûlures cornéennes. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Ophtalmologie, 21-
208-A-05, 2011.
Baillif-Gostoli S., Paoli V. Plaies et corps étrangers du segment postérieur. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Ophtalmologie, 21-700-A-70, 2011.
Saleh M. Contusions oculaires à globe fermé .EMC Ophtalmologie 9(2). 1-9 Article 21-700-A-65
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