1 Compréhension de la santé mentale
1.1 Définition
La santé mentale est une partie cruciale de la santé en général. C’est pour cela qu’il y
est fait allusion dans la définition de la santé par l’OMS en 1984. « La santé est
l’ensemble des ressources sociales, personnelles et physiques permettant à l’individu
de réaliser ses aspirations et de satisfaire ses besoins ». Cela signifie que la santé a
plusieurs dimensions dont :
● Santé sociale : relations interpersonnelles
● Santé économique : situation financière, logement... •
● Santé mentale : fonctions cognitives
● Santé émotionnelle : gestion des émotions
● Santé spirituelle : « sens de la vie »
● Santé physique : intégrité́ biologique
Malgré cette grande diversité dans la santé et l’importance du bien-être
psychologique et moral dans la définition officielle, beaucoup continuent à ne voir
dans la santé que la santé du corps physique. En négligeant les cinq autres
dimensions, on débouche sur une compréhension limitée de la santé et on perd alors
les moyens réels de la prévention et de la guérison durables et à grande échelle. En
réalité, les autres dimensions ne sont pas moins importantes et ont toutes les moyens
d’influencer la santé physique. Par exemple, une mauvaise santé émotionnelle peut
conduire au suicide. Une mauvaise santé économique peut entraîner une mauvaise
santé émotionnelle qui entraîne une mauvaise santé du corps. En l’absence d’une
compréhension intégrée de la santé avec toutes ses dimensions, on observe une
négligence de la santé mentale qui est reléguée au second plan loin derrière la santé
physique. Cette approche ne repose sur aucune base ni scientifique, ni économique,
ni pratique. Une approche pragmatique proposerait la prévention dans la santé
mentale pour réduire les maladies du corps et les coûts de prise en charge associés.
Par ailleurs, la santé mentale est différente de ce que l’on appelle la maladie
mentale. Il s’agit plus du bien-être psychologique et moral. Ce n’est pas parce
qu’une personne ne présente aucun symptôme connu de troubles mentaux que cette
personne est en bonne santé mentale. La santé mentale dépasse donc le seul cadre
psychiatrique. En fonction des réalités socioculturelles, des normes et des pratiques
culturelles notamment dans l’expression des émotions et des états émotionnels, les
difficultés psychologiques peuvent être cachées pendant un certain temps. Elles
peuvent aussi se manifester d’une manière que l’environnement n’associe pas
toujours à la santé mentale et au bien-être.
La santé mentale c’est quoi ?
La santé mentale ne peut donc se concevoir comme une réalité isolée et
indépendante. Elle fait partie intégrante de la santé et du bien-être de l’individu,
de sa famille ou de sa communauté. La qualité de la famille, des parents, des amis,
des enseignants, des collègues influe sur notre santé mentale. Une personne qui
évolue dans un cadre où elle se sent aimée et respectée présente toutes les chances
d’avoir une bonne santé mentale. En revanche, une personne qui évolue dans un
environnement adverse et parfois toxique sur le plan psychologique présente de
grands risques de troubles psychologiques et moraux. Quand on considère le
développement des enfants, on comprend encore mieux cette dépendance vis-à-vis
de l’environnement immédiat. Par exemple, pour beaucoup de parents, un bébé ne
ressent pas d’émotions. Ces parents se montrent malheureusement négligents avec
les bébés pendant les premières années de la vie pendant lesquelles le bébé construit
une représentation du monde pour savoir si celui-ci est sécure et si lui le bébé est
important pour son entourage.
La bonne santé mentale n’est pas l’absence de problèmes psychologiques ou moraux
mais l’existence et la disponibilité de capacités et de ressources psychologiques
suffisantes en qualité et en quantité pour prendre en charge ses problèmes
psychologiques. Sous ce rapport, l’ensemble des phénomènes mentaux tels que la
pensée, les sentiments, les émotions, la spiritualité, la méditation, la
contemplation, la mémoire, la conscience doivent trouver un équilibre en relation
avec le corps, l’environnement physique et l’environnement social.
L’analyse de ce qui précède révèle au moins trois dimensions dans la santé mentale :
● Une santé mentale positive liée à l’épanouissement de la personne ;
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● Une détresse psychologique en conséquence d’expériences éprouvantes,
d’événements traumatisants ;
● Les troubles psychiatriques liés à la maladie mentale.
Une santé mentale épanouie n’est pas une situation fixe. C’est un état dynamique
qui résulte de la mobilisation des ressources intrinsèques (personnalité, vision de la
vie, spiritualité, etc.) et extrinsèques (qualité des relations, qualité des amis, etc.)
pour prévenir la souffrance psychologique ou développer une résilience nécessaire
pour traverser des épreuves difficiles de la condition humaine. En 2001, l’OMS définit
la santé mentale positive comme : « un état de bien-être dans lequel la personne peut
se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et
fructueux et contribuer à la vie de sa communauté ».
Il y a des questions importantes qu’il faut se poser pour comprendre comment cet
état de bien-être varie d’une personne à une autre. Ces questions peuvent
s’organiser autour de deux parties de la santé à savoir la prévention et la prise en
charge. En particulier, comment construire des fondations solides chez la personne
pour prévenir la détresse psychologique et morale ? Quel est le poids de la famille ?
de la communauté ? de l’école et de la société ? Comment surviennent la souffrance
et la détresse psychologiques et morales ? Quels sont les facteurs de risques ? Quels
sont les facteurs d’aggravation ? Enfin quels sont les différents ressorts qui aident à
recouvrer d’une situation de stress émotionnel aigu ? Des orientations pratiques
seront données à la fin du module sur la prévention.
1.2 Les fondations multiformes de la santé mentale
suivant l’approche cycle de vie
1.2.1 Pendant la petite enfance
Bien que dans le quotidien, les parents ne s’imaginent pas qu’un bébé puisse souffrir
psychologiquement, les découvertes scientifiques fournissent des arguments
robustes sur la place des émotions dans le développement harmonieux des bébés et
des jeunes enfants. On pourrait dire que les bébés se développent comme ils se
sentent. Dans ce cas, la problématique de la santé mentale doit aussi interroger
cette période cruciale de la vie humaine. Les données scientifiques indiquent que
les premières expériences émotionnelles ont un effet durable sur le développement
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de notre personnalité et que les aspects liés à la sécurité émotionnelle représentent
un pourcentage élevé de l’activité cérébrale entre 0 et 5 ans. Pour comprendre cela,
imaginons que vous atterrissiez pour la première fois dans un pays dont vous ne
connaissez ni la langue, ni la culture, ni les us ni les coutumes. Votre première
préoccupation sera de savoir comment trouver votre place dans cette nouvelle
société qui vous accueille. Votre priorité dans cette société ne sera pas de savoir
combien font 2+2. Ainsi le sentiment de sécurité émotionnelle reste pendant
longtemps l’enjeu le plus important du développement bien avant les aspects
cognitifs ou moteurs. Même la nutrition est régulée en interaction avec la dimension
psychoaffective car le bébé se nourrit comme il se sent. On peut dire qu’il ne tète
pas que le lait maternel. Il tète surtout la sécurité émotionnelle. Il se sent important
pour quelqu’un qui lui donne du lait, de l’attention, de l’affection et de l’amour.
Cela est vrai même chez l’adulte. On ne s’alimente pas toujours de la même manière
selon que l’on est stressé et selon qu’on est joyeux. Quant à la santé du corps du
bébé, elle est directement liée aux émotions. Nous pouvons voir que tout est
connecté à l’émotionnel (voir Figure 2).
Figure 1: Schéma simplifié d’intégration entre les émotions et les différentes dimensions de la personnalité (extrait de Giroux
I., 2023 en préparation)
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Les besoins émotionnels sont donc présents dès le début et tout au long de la vie.
Voilà pourquoi pour mieux y répondre à l’âge adulte, il est important de les
comprendre pendant la petite enfance et de les prendre en charge de manière
optimale. Le tableau suivant présente les aptitudes émotionnelles et comment elles
évoluent entre la naissance et l’âge de 5 ans.
Tableau 1: Évolution des aptitudes émotionnelles entre 1 mois et 5 ans d’âge (résumé adapté de helpmegrow1)
Âges Comportements Âges Comportements
Nouveau- ● Montre ses sentiments en 12 ● Imite des sons ou des actions pour
né pleurant. mois attirer l'attention de ses parents.
● Se calme en réponse à votre ● Pleure lorsque le parent s'en va et est
toucher. timide en présence d'étrangers.
Un mois ● Montre de l'intérêt en regardant 18 ● S'intéresse aux autres enfants.
votre visage. mois ● Montre des sentiments (peur,
● Se calme en réponse au toucher. affection, etc.)
Deux mois ● Commence à sourire au parent. 24 ● Se montre de plus en plus autonome.
● Suit ses parents du regard. mois
Trois mois ● Se calme à la voix ou au toucher 36 ● Se sépare facilement de ses parents.
familier. mois
Quatre ● Montre son excitation en agitant 48 ● Négocie des solutions aux conflits.
mois les bras et les jambes. mois ● Préfère jouer avec d'autres enfants
● Se calme et cesse de pleurer plutôt que de jouer seul.
lorsqu'il est réconforté ● Aime faire de nouvelles choses.
Six mois ● Aime jouer avec les autres, en 60 ● Veut faire plaisir à ses amis.
particulier avec la famille mois ● Veut être comme ses amis.
● Aime se regarder dans un miroir. ● Accepte plus facilement les règles.
● Réagit aux émotions des autres et ● Montre une indépendance croissante.
semble souvent heureux. ● Recherche de nouvelles expériences.
Neuf mois ● S'accroche aux adultes familiers.
● Pleure lorsque ses parents partent et est timide en présence d'étrangers.
On voit donc que le nouveau-né présente des émotions et que ce qui change au cours
du développement, c’est uniquement la forme que prend l’expression des émotions.
Si le nouveau-né pleure pour s’exprimer, c’est parce que le langage parlé et le
langage du corps n’est pas encore disponible à cet âge. Cela signifie que si ces formes
étaient disponibles, le bébé les utiliserait très probablement.
A mesure que le bébé se développe, il explore l’environnement immédiat, renforce
et diversifie ses expressions émotionnelles. Ainsi, à un mois, le bébé s’intéresse au
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https://helpmegrowmn.org/HMG/DevelopMilestone/SocialEmotionalMilestones/index.html
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visage et adapte ses émotions au toucher d’une tierce personne. Il continue à
développer le maximum d’aptitudes psychologiques rien qu’avec le développement
de la vision. Ainsi à partir de 3 mois, il sourit aux personnes qui s’occupent de lui en
même temps qu’il apprend à les suivre du regard.
Il faut noter qu’il suit du regard ce qui l’intéresse visuellement mais aussi
auditivement. Il apprend à reconnaître les voix et à les identifier, à les suivre, à les
exploiter pour pouvoir réaliser des prédictions sur comment le monde est organisé.
Par exemple, il apprend même la proximité relative de la personne qui parle, rien
qu’avec les informations auditives.
Il est important de marquer ici une pause pour se rendre compte de la complexité
qui apparaît très précocement chez le nourrisson. Avant même qu’il ne parle
clairement, le bébé traite déjà la complexité. Il apprend à utiliser simultanément
les informations visuelles, sonores et celles issues de son propre corps. Cet accès à
la complexité donne lieu au renforcement de la coordination multisensorielles
(motrice, visuelle, sonore, kinesthésique, etc.). Dès que les bases du traitement de
la complexité sont
construites, les
apprentissages vont
s’accélérer hors de
tout contrôle du
bébé ou de la
famille. Voilà
pourquoi votre bébé
ne cesse de vous
étonner. Un joli
proverbe Wolof
raconte que « lu yëngu, lu ko yëngal a ko ëpp doole ». Cela signifie que ce qui fait
bouger est plus puissant que ce qui bouge ou encore ce qui meut est plus puissant
que ce qui est mu. Un exemple concret se trouve dans la relation entre les vagues
et l’écume de la mer qu’elles transportent et déposent sur la plage (voir image ci-
dessus). Dans le cas du bébé, ce qui meut à l’intérieur et qui est à l’origine de toutes
ces étonnantes performances et de tous ces comportements surprenants, est
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invisible. C’est la complexité du développement. Elle se renforce en ampleur et en
impact. La vitesse globale à laquelle le bébé grandit est inestimable sur une
dimension et non mesurable sur l’ensemble des dimensions. Cela signifie que si on
considère uniquement les émotions, on ne peut pas appréhender ni correctement ni
entièrement tout le développement émotionnel du bébé. Ce que l’on ignore sera
toujours bien plus important que ce l’on connaît et que l’on peut appréhender.
En relation avec cette complexité et la réalité qu’elle crée, il faudra
systématiquement mettre en relation ce que le bébé exprime comme émotions avec
les autres aspects de son développement comme la motricité ou le langage.
A partir de 4 mois, on voit que le bébé agite ses bras ou ses jambes pour montrer sa
frustration, son excitation ou ses besoins émotionnels en général. Vers le sixième
mois, le bébé réagit aux émotions des autres, rend le sourire ou les émotions qu’on
lui exprime.
Jusqu’à l’âge de 6 mois où le bébé est idéalement nourri exclusivement au sein, il
est important de ne pas oublier que le bébé ne tète pas seulement pour le lait. Il
tète aussi pour la sécurité émotionnelle et apprend à se sentir aimé, valorisé et en
sécurité. Cela est déterminant pour ses attitudes plus tard et notamment à
l’adolescence et à l’âge adulte quand il cherchera à trouver sa place dans la société.
Les mamans et les parents en général doivent donc porter une attention particulière
vu que le bébé s’alimente comme il se sent. Pour qu’il grandisse bien et soit fort et
résistant aux maladies du corps et de l’esprit, il faut que les parents s’occupent de
renforcer son esprit avec l’amour, l’affection et la sécurité émotionnelle. Par
exemple, les parents peuvent jouer avec le bébé pendant qu’il tète en lui chantant
des berceuses, en lui racontant des histoires, en lui murmurant qu’il sera une
personne magnifique qui réalisera de grandes choses dans sa vie, en communiquant
leur optimisme de la vie à l’enfant pour lui montrer que la vie est belle et qu’elle
vaut mille fois la peine d’être vécue.
Les comportements négligents sont donc à bannir. Par exemple, donner le sein et
n’avoir aucune communication avec le bébé, en étant tout le temps sur son
téléphone portable, sont des comportements et des attitudes néfastes au
développement émotionnel du bébé.
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A l’âge de neuf mois, avec le développement cognitif, le bébé comprend déjà
beaucoup comment son environnement est organisé. Il commence dans certains cas
à dire des mots clairs et à utiliser de plus en plus le langage oral pour exprimer des
émotions. Cependant les anciennes formes d’expression ne disparaissent pas pour
autant. Le bébé pleure quand ses parents sortent sans lui. Pleurer pour exprimer des
émotions reste une forme présente tout au long de la vie puisque les adultes pleurent
aussi de joie ou de tristesse.
Avec le développement de la marche et de la motricité de manière générale, le bébé
commence à s’intéresser aux autres enfants. Vers 18 mois il présente des sentiments
comme la peur, l’affection, etc. Vers l’âge de 24 mois, le bébé se montre de plus en
plus autonome pour être propre sur lui, manger, jouer, rester seul entre autres. Vers
l’âge de 36 mois, beaucoup de bébés arrivent à se séparer facilement de leurs
parents ; cela témoigne d’une certaine autonomie sur le plan émotionnel. Il est
intéressant de voir tout ce qui est corrélé avec cette nouvelle aptitude émotionnelle
du bébé : acquisition de la propreté, langage, marche volontaire, différentes
aptitudes motrices fines, création de nouvelles relations sans trop de difficulté,
meilleures interactions avec les étrangers, réduction de l’anxiété.
Autour de 48 mois, le jeune enfant a généralement accès à la théorie de l’esprit avec
plus ou moins de finesse. Il sait ce que l’autre pense ou pourrait penser et dans
différentes conditions ou situations. Il combine alors ses aptitudes langagières et
celles liées à son raisonnement logico-mathématique déjà très développées à cet
âge et parvient à proposer des solutions aux conflits même si la perspective est
souvent tournée uniquement vers ses intérêts égoïstes. Il montre de plus en plus une
préférence à aller jouer avec d’autres enfants plutôt que de jouer seul.
Vers l’âge de 60 mois, le jeune enfant est bien développé sur le plan intellectuel. Il
surprend de plus en plus son entourage pas seulement par les nouveaux mots mais
surtout par son raisonnement. Il devient expert, gère mieux ses émotions et ses
frustrations, accepte de différer ce qui n’est pas accessible tout de suite pour
différentes raisons. Il cherche à renforcer ses relations amicales, s’identifie plus à
certains de ses amis à qui il cherche à faire plaisir. Certains jeunes enfants font
preuve de plus de capacité à trouver des compromis et à accepter des règles.
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Également, à cet âge, certains enfants présentent une plus grande indépendance
socio-émotionnelle qu’ils revendiquent d’ailleurs. Ils veulent montrer aux parents
qu’ils peuvent faire les choses par eux-mêmes, ne veulent pas être aidés. Même sur
le plan émotionnel, ils manipulent la relation émotionnelle et peuvent prendre leur
distance tout en maintenant le lien (même si cette aptitude peut être présente dès
l’âge de trois ans). Par exemple, l’enfant joue à celui qu’il aime le plus entre ses
parents ou les membres de la famille. Enfin, à cet âge, le jeune enfant bien équipé
sur le plan cognitif et psychoaffectif a besoin de nouvelles expériences et est
généralement ouvert à apprendre. Ce besoin naturel est lié à son bon développement
comme une plante qui a développé de bonnes racines présente des besoins plus
importants en eau, en nutriments essentiels, en lumière et en espace pour poursuivre
sa croissance. Ce processus se poursuit tout au long de la vie de manière quasi-
identique, à l’exception des grands bouleversements liés à l’adolescence.
1.2.2 Entre 6 et 11 ans
Les compétences présentées plus haut pour les plus jeunes enfants vont continuer à
gagner en expertise et en efficacité au cours du développement normal. Si aucune
adversité disproportionnée ou aucun choc n’altèrent le processus normal enclenché,
alors l’enfant présente des gains qualitatifs. Sur le plan psychomoteur par exemple,
l’enfant devient plus rapide, plus dégourdi, plus autonome. Il est plus fort
physiquement et cela influe à différents degrés les rapports qu’il peut avoir avec son
environnement, ses amis, son école ou sa famille.
Le niveau de maitrise de la langue change significativement et le vocabulaire qui
existait sans être exprimé est utilisé dans un raisonnement logico-mathématique plus
fluide et plus complexe. Si l’enfant est à l’école et apprend dans sa langue, il peut
facilement dominer son sujet et faire preuve d’une relative autonomie sur le plan
intellectuel. Ceci n’est pas toujours sans relation avec la conscience qu’il a de son
corps et de soi.
Sur le plan émotionnel, l’enfant reste fragile et vulnérable et a toujours besoin d’un
environnement protecteur et bienveillant. Il a certes une meilleure compréhension
de la logique entre les événements et ses émotions et peut même l’expliciter si on
le questionne de manière appropriée. Cette logique existe très tôt en réalité. La
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disponibilité d’un vocabulaire plus dense et d’exemples, d’expériences plus
nombreuses facilite chez l’enfant sa verbalisation. C’est plus en réalité une question
d’expérience et d’environnement propice que ce n’est une question d’âge.
Les talents artistiques sont déjà bien prononcés pendant cette période. Ce que
l’école aura tendance à renforcer risque de dominer ce qui est activement ou
passivement réprimée par l’école, la famille ou la société. Les opérations
mathématiques formelles, les résolutions de problèmes selon le modèle dominant à
l’école sont privilégiées sur les compétences socio-émotionnelles ou artistiques. Le
dessin, la peinture, la musique, la dance sont généralement dévalorisés ; ce qui prive
l’école de la variété qui y embellit la vie et le pays des ressources humaines dont
elle a besoin dans le cadre de la stratégie globale de développement du capital
humain.
1.2.3 A l’adolescence
Les recherches sur le capital humain montrent
l’importance de l’adolescence et de sa prise en charge dans
le cycle de vie et la préparation des futurs parents. On parle
de l’approche cycle de vie pour faire un lien cohérent entre
les différentes étapes marquantes de la vie : la grossesse,
la petite enfance, l’adolescence, l’âge adulte et la vieillesse.
Ces différentes phases sont des maillons essentiels car
chacune d’elles a un impact potentiel structurant sur
toutes les autres. Par exemple, si la période de la petite est ratée, cela coûtera beaucoup trop
cher à la communauté pour corriger la trajectoire des personnes concernées. Les
répercussions sont importantes non seulement pour les contemporains mais aussi pour les
générations qui viennent.
Dans la conscience collective, l’adolescence constitue un moment sensible tout comme la
naissance. C’est pour cette raison que l’on parle de l’adolescence comme d’une seconde
naissance. Dans l’approche cycle de vie, plusieurs disciplines et plusieurs secteurs de l’État
vont s’intéresser et s’impliquer pour comprendre, accompagner et tirer profit de cette
période. Parmi les secteurs, la santé, l’éducation, la nutrition, la protection, la protection
sociale, la formation, la justice, interviennent pour accompagner les familles et soutenir les
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adolescents. Par exemple, la santé s’intéresse à la reproduction chez les adolescents et les
adolescentes. Cela est également vrai pour ce qui est de la nutrition des adolescentes. Le
secteur de l’éducation et de la formation renforce les capacités des adolescents en ayant à
l’esprit le lien avec l’employabilité, le chômage, le développement économique et social et la
sécurité.
1.3 Essentiels de la relation émotion-santé mentale
(i) Les émotions jouent un rôle critique tout au long de la vie. Elles
fonctionnent comme un couteau à
double tranchant. D’une part, elles
fonctionnent comme un moteur de
notre développement et de notre
épanouissement psychologique et
moral. D’autre part, les émotions
peuvent jouer un rôle négatif et
fonctionner comme un frein
lorsqu’elles sont négatives. Elles peuvent dans ces cas provoquer des
dommages sur le corps et même entrainer la mort spirituelle ou la mort
physique par suicide.
(ii) Les parents doivent avoir les bonnes informations sur le développement
émotionnel et cognitif des enfants. Ces informations leur permettront de
connaître à différentes étapes de la vie comment les enfants sont
susceptibles de se comporter et surtout comment les parents peuvent
interagir avec eux de manière appropriée. La qualité de ces interactions
va fortement influencer l’état psychologique et moral des enfants et des
adolescents et prévenir les problèmes de santé mentale.
(iii) Il y a une continuité entre ce qui se passe entre les premières années de
la vie sur le plan émotionnel et notre personnalité en tant qu’adolescente
ou adulte.
(iv) L’adolescence constitue une période difficile sur tous les plans (santé,
hygiène du corps, hygiène sexuelle, hygiène menstruelle, nutrition,
émotions, attitude, comportements, mesure et perception des risques
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multiples et multiformes). Les parents et les enseignants doivent se
montrer plus proches des ados et agir de manière compréhensive et
préventive.
(v) Les enfants ont besoin de coaching et d’encadrement bienveillants pour
développer la confiance en soi et pour développer des attitudes simples et
efficaces pour relever les défis et les adversités de la vie qui s’imposent à
eux à différents âges.
(vi) Le développement émotionnel à travers les âges est marqué par une
complexité grandissante des aptitudes à percevoir des émotions diverses,
à les traiter et à manifester des réponses sous différentes formes selon
notre niveau de développement physique, intellectuel, émotionnel et
selon la culture et les pratiques communautaires.
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