Lemaresquier Soline Memoire
Lemaresquier Soline Memoire
élèves
Soline Lemaresquier
Master MEEF
2e année
Mémoire
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Remerciements
Je remercie mes élèves qui m’ont poussé à explorer ce sujet qu’est la consigne, me permettant
de réaliser à quel point ce sujet est important pour la réussite scolaire des élèves.
Je remercie ma PEMF Pascale Cheney pour son aide précieuse durant cette année
d’alternance pour les apports didactiques et pédagogiques qu’elle m’a apportée mais
également pour son soutien et sa présence tout au long de l’année, en classe comme pour le
master. Je remercie également mes collègues qui m’ont soutenue au quotidien, que ce soit
avec mes élèves mais aussi pour le Master, notamment pour ce mémoire.
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Table des matières
Remerciements……………………………………………………………..…………………. 2
Introduction……………………………………………………………..…………………….. 4
2. Méthodologie.………………………………………………………………………….. 13
3.3 Une explicitation suffisante et préparée en amont de consignes permet aux élèves de
surmonter les obstacles potentiels qu’elles pourraient engendrer………………….……...23
3.4 Il est nécessaire de faire des liens entre la vie quotidienne et les apprentissages afin
de permettre aux élèves de comprendre le travail attendu.………………………………..25
Conclusion…………………………………………………………………………………… 28
Références bibliographiques………………………………………………………………… 32
Annexes……………………………………………………………………………………… 34
Résumés……………………………………………………………………………………... 42
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Introduction
Lors de mes stages et APP (Atelier de Pratique Encadrée) en première année de Master
MEEF, j’ai effectué des séances devant des élèves dans différentes disciplines. Tout au long
de l’année, j’ai pu faire évoluer mes fiches de préparation grâce à ces expériences et aux
retours de mes formateurs, notamment concernant la consigne. En effet, je n’écrivais pas mes
consignes à l’avance sur mes fiches de préparation et je me suis plusieurs fois retrouvée en
difficulté, car j’avais du mal à expliquer le travail attendu de façon claire et concise. J’ai pris
conscience que si je n’arrivais pas à rendre l’objectif de la consigne clair pour moi, cela ne
pouvait pas non plus être compréhensible pour les élèves. En n’écrivant pas les consignes, je
n’anticipais également pas les difficultés potentielles qu’elles pouvaient générer et par
conséquent, les malentendus éventuels.
Suite à ces premières expériences, j’ai commencé à m’interroger sur l’importance de la
consigne durant les séances dont j’avais la responsabilité : en effet, si les élèves ne
comprennent pas le travail attendu par l’enseignant, ils ne peuvent l’effectuer correctement.
De plus, selon moi, il existe un lien entre l’objectif de ma séance et une consigne comprise :
en comprenant le travail demandé, les élèves comprennent ainsi ce qu’ils doivent faire
(entraînement, recherches…) et peuvent donc s’améliorer sur la notion travaillée. S’ils ne
comprennent pas la consigne, il y a plusieurs possibilités : ils peuvent réussir à effectuer la
tâche sans saisir les notions qu’elle implique ; ils ne peuvent faire le travail et ainsi sont en
échec dans le travail. Si les élèves ne comprennent pas les consignes, ils ne peuvent acquérir
les notions travaillées en classe, et prennent du retard dans leur parcours scolaire, ce qui peut
amener à des difficultés scolaires plus ou moins importantes. À cela s’ajoute potentiellement
un déterminisme scolaire : le fait de ne pas se croire capable de réussir à l’école, et ainsi, de
ne plus essayer.
Ainsi, j’ai commencé à essayer de rédiger des consignes les plus explicites possibles : j’écris
l’entièreté des consignes de façon à pouvoir les lire telles quelles aux élèves, avec différentes
étapes : d’abord, j’énonce la consigne en elle-même, ensuite, je demande à la classe s’il y a
des questions sur celle-ci. Enfin, je demande à un ou deux élèves de reformuler la consigne
avec leurs mots pour essayer de dissiper au maximum les confusions possibles. Néanmoins,
même en suivant cette démarche, je dois régulièrement répéter la consigne individuellement à
certains élèves. Selon le dictionnaire Larousse en ligne1, l’explicitation est « l’action de rendre
1
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/explicitation/32269 (consulté le 26 février 2024)
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explicite ». Toujours selon ce dictionnaire, l’adjectif explicite2 signifie « 1. Qui est énoncé
complètement et ne peut prêter à aucune contestation. » ou encore « 2. Qui s'exprime
complètement et clairement sans laisser place à l'ambiguïté.»
Ceci m’a amenée à m’interroger sur le lien entre consigne et réussite scolaire à l’école. En
effet, lors de ma première année de master, ma revue de question portait sur l’impact du cadre
privé sur la scolarité de l’élève et notamment sur l’inégalité des chances et ses différents
facteurs. Si j’ai décidé de choisir ce sujet cette année, c’est parce que j’estime que c’est en
continuité avec ma revue de question de l’année dernière.
La fiche Eduscol (Travailler la Compréhension de Consignes, 2016) offre une définition de la
consigne scolaire selon Zakhartchouk (1999, p.18) : « toute injonction donnée à des élèves à
l’école pour effectuer telle ou telle tâche ».
Néanmoins, la fiche Eduscol apporte une définition complémentaire :
« Plus qu’une simple instruction, la consigne est porteuse d’informations qui permettent à l’élève de se
représenter les finalités de la tâche, le résultat, d’anticiper et de planifier la suite des actions à accomplir, de
prendre en compte les conditions de réalisation. »
Étant actuellement en alternance en cycle 3, dans une classe de 24 CM2 en école REP
(Réseau d’Éducation Prioritaire), ma méthodologie porte sur des analyses concernant la
réussite ou l’échec de compréhension de consignes de mes élèves.
Nous nous demanderons dans quelle mesure les consignes influent sur la réussite scolaire des
élèves, et comment l’on peut expliciter leur compréhension afin de favoriser les
apprentissages.
Ainsi, j’ai pu formuler deux hypothèses : la première hypothèse serait qu’une explicitation
suffisante et préparée en amont de consignes permettrait aux élèves de surmonter les obstacles
potentiels qu’elles pourraient engendrer. J’ai expérimenté cette hypothèse lors d’une séquence
de littérature portant sur un roman policier intitulé Derrière les volets. Ma seconde et dernière
hypothèse porte sur la nécessité de faire des liens entre la vie quotidienne et les apprentissages
afin de permettre aux élèves de comprendre le travail attendu.
Dans une première partie, nous nous interrogerons sur la consigne d’un point de vue
historique et didactique mais également sur le lien entre la consigne et les malentendus
socio-cognitifs.
La seconde partie de ce mémoire portera sur la méthodologie utilisée pour récolter des
données sur la notion de consigne et son lien avec la réussite scolaire, afin de pouvoir
répondre à mes deux hypothèses.
2
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/explicite/32270 (consulté le 26 février 2024)
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Enfin, dans une troisième partie, nous répondrons aux deux hypothèses notamment grâce aux
données récoltées.
Dans cette première partie, nous allons nous concentrer sur la consigne et en particulier la
consigne scolaire, sur sa définition, mais aussi son rôle. Nous verrons également dans quelle
mesure elle peut être à l’origine de malentendus sociocognitifs, et s’il y a des moyens pour
surmonter ces malentendus.
3
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/consigne/18392 (consulté le 26 février 2024)
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depuis les années 80-90. En effet, les travaux et recherches sur le rôle de la consigne dans le
cadre de la réussite scolaire se développent notamment dans les années 2000. Zerbato-Poudou
(2001) publie un écrit didactique sur l’importance de la consigne à l’école maternelle au début
des années 2000. Elle mentionne le fait que la consigne est « principalement concernée dans
cette construction du sens » (p.1).
Ainsi, ces deux types de consignes peuvent avoir des avantages et des inconvénients :
Zakhartchouk (1999) insiste sur l’équilibre nécessaire entre une consigne fermée permettant la
réussite des élèves tout en leur laissant une part d’autonomie indispensable pour progresser.
En effet, si les élèves ont déjà toutes les informations en leur possession, il n’y a plus de
recherches de leur part, l’enseignant effectuant le travail à leur place.
Toujours selon la fiche Éduscol, il existe également les consignes simples et les consignes
complexes : les consignes simples sont des consignes uniques et les consignes complexes
comportent plusieurs consignes, plusieurs attentes. Néanmoins, cela ne veut pas dire que la
tâche attendue est simple. À l’inverse, les consignes complexes « invitent à réaliser plusieurs
7
actions, pas nécessairement complexes, mais elles peuvent être source d’oublis ou de
confusion. » (Eduscol, Travailler la Compréhension de Consignes, 2016) et sont donc à
privilégier en milieu de séquence, et également à expliciter en amont.
Zakhartchouk (1999) distingue ainsi deux types de consignes : les consignes sociales et les
consignes cognitives. Les consignes sociales s'apparentent aux règles et à la gestion de classe,
et les consignes cognitives à tout ce qui est lié purement au travail effectué en classe.
De plus, au sein même de ces consignes, Zakhartchouk (1999) distingue différents types de
consignes en lien avec des objectifs bien précis :
➔ Les consignes-buts, qui identifient le travail final à réaliser, la tâche à compléter.
➔ Les consignes-procédures, qui guident l’apprenant quant au cheminement possible ou
obligatoire pour parvenir au résultat.
➔ Les consignes de guidage, qui mettent en évidence certains aspects de la tâche, la
balisent.
➔ Les consignes-critères, qui décrivent le produit attendu par l’enseignant.
Ces différents types de consignes sont utilisés quotidiennement, en fonction des objectifs
auxquels veulent parvenir les enseignants.
Ainsi, la consigne serait une tâche à accomplir par l’élève, et donnée par l’enseignant. Il
existe différents types de consignes qui sont utilisés à différents desseins. Les enseignants
alternent entre consignes ouvertes, permettant à l’élève d’acquérir une certaine autonomie, et
consignes fermées, nécessaires pour également guider l’élève à accomplir cette tâche. Les
consignes simples et complexes sont également utilisées. Néanmoins, les consignes
complexes sont à utiliser avec modération à l’école primaire et avec une part importante
d’explicitation en amont, car cela peut créer des obstacles à la compréhension des élèves.
Les consignes sont des indications pour réaliser une tâche. Cependant, il peut arriver
qu’un élève réalise cette tâche en ayant, selon lui, respecté la consigne, mais pas selon
l’enseignant. Cela s’appelle un malentendu sociocognitif. Un malentendu, selon le
dictionnaire Larousse en ligne, est « le fait de se méprendre sur quelque chose, en particulier
sur le sens d'une parole, d'un mot. »4
4
Malentendu, Larousse en ligne (consulté le 26 février 2024)
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Selon Muller Mirza (2014, p. 166), les malentendus sociocognitifs peuvent désigner le fait
que « les différents acteurs de l’interaction, parfois sans le savoir, ne partagent pas la même
compréhension de la situation, et que cela a des implications sur la mobilisation des
ressources sociocognitives » (Muller Mirza, 2014, p.166).
Bautier (2013) souligne que les malentendus sociocognitifs à l’école peuvent se traduire, par
exemple, par le fait que des élèves effectuent les tâches qu’on leur demande en comprenant la
forme et non le fond de l’activité réalisée. Bonnéry (2007) a pu observer ces malentendus
sociocognitifs en classe et il mentionne notamment un élève en classe de sixième qui n’a pas
compris l’enjeu de la réalisation d’une carte, pensant qu’il suffisait de colorier correctement la
carte. Bautier (2013, p.153) indique en mentionnant cette situation que « le malentendu
cognitif mais aussi social et relationnel est ainsi installé dès le premier mois de la 6e. »
Selon Bautier et Rayou (2013), les consignes peuvent être mal interprétées dues aux
malentendus socio-cognitifs. La notion de malentendu socio-cognitif selon Bautier (2013,
p.102) permet « de considérer les difficultés et différences d’apprentissage comme des
constructions conjointes de l’enseignant et de l’élève », c’est-à-dire de « mettre au premier
plan la situation que l’enseignant met en place ou plutôt croit mettre en place, (...) et ce que
l’élève en interprète. » Ainsi, ces chercheurs indiquent que les malentendus sociocognitifs
pourraient entraver la compréhension de consignes et pourraient mener à des difficultés
scolaires.
Bautier (2013) indique que certains exercices ou consignes peuvent favoriser l'apparition de
malentendus sociocognitifs, notamment des situations trop ouvertes, ce qui rejoint l’avis de
Zakhartchouk (2000).
« La théorie du malentendu linguistique postule que la réussite de la classe dominante peut être attribuée à la
maîtrise des instruments d'expression symboliques en usage dans la société et entérinée à l'école. Les couches
défavorisées, au contraire, souffrent d'un décalage linguistique, n'étant qu'un aspect particulier des inégalités
culturelles. »5
5
https://fr.wikipedia.org/wiki/Basil_Bernstein (consulté le 26 février 2024)
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Ainsi, comme le souligne Bautier, il existe un malentendu provenant de notre environnement
social qui influe sur nos compétences cognitives et qui peut ne pas être perçu : un enseignant
partage des consignes qui lui semblent explicites, or cela peut ne pas être le cas pour les
élèves. Cela se perpétue sur la durée. Néanmoins, selon Bautier (2013), les travaux de
Bernstein sont à prendre avec précaution, car ses recherches portent sur des situations du XXe
siècle, les situations ayant pu évoluer depuis. Ainsi, nous pouvons comprendre grâce à ces
travaux de recherches qu’au-delà de créer d’éventuelles difficultés scolaires, ces malentendus
sociocognitifs provenant des consignes peuvent creuser les inégalités socio-scolaires.
Le questionnement sur les malentendus socio-cognitifs n’est pas récent : en effet, cela
remonte aux années 1960 et 1970 (Bautier, 2013, p.104). Néanmoins, Bautier (2013, p.105)
souligne que les malentendus sont considérés aujourd’hui comme « un obstacle aux
apprentissages et développements cognitifs d’une partie des élèves ». Elle distingue plusieurs
raisons :
« les élèves étant confrontés à des tâches et des situations trop ouvertes, à des milieux didactiques trop flous et
trop larges, pour le traitement desquels les plus démunis d’entre eux ne peuvent mobiliser que leurs expériences
premières du monde, sans pouvoir disposer ou faire usage d’aides ou de critères leur permettant de redéfinir les
tâches de manière pertinente ».
Ces situations, aussi appelées par Bernstein des situations à faible cadrage, sont donc des
situations dans lesquelles les consignes données ne sont pas assez précises et permettent ainsi
aux élèves de se diriger potentiellement vers une mauvaise direction ou de ne pas produire de
travail. C’est une situation à laquelle j’ai déjà été confrontée durant cette année d’alternance :
quand les élèves n’ont pas assez d’éléments pour pouvoir travailler, certains ne produisent
rien. Ainsi, l’interprétation des élèves est à prendre en compte car elle peut être très différente
selon les individus.
L’École d’aujourd’hui, toujours selon Bautier (2013), ne veut plus uniquement transmettre des
connaissances mais également former l’élève à devenir un adulte autonome, un futur citoyen :
auparavant, la co-éducation (le partenariat école-famille) était beaucoup moins présent
qu’aujourd’hui, car cela est devenu une priorité. Selon Bautier (2013, p.107), aujourd’hui
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« les élèves y sont censés mettre en relation des savoirs scolaires et des expériences et ainsi
construire des compétences de traitement cognitif ». Elle indique que « le sujet que l’École
souhaite former aujourd’hui n’est plus un sujet porteur d’une culture patrimoniale, des savoirs
à valeur universelle et raisonnée mais celui de la société globalisée, celui de la société du
document et de l’information, qui doit manifester des compétences diverses ».
Ainsi, certains élèves ne sont pas dotés d’une « socialisation scolaire » (Bautier, 2013) et ces
différences ne sont pas forcément prises en compte. Bautier (2013, p.181) indique que « les
pratiques scolaires ne sont pas pensées comme pouvant participer des difficultés, gêner, voire
empêcher les apprentissages qu’elles sont justement censées permettre. » Elle informe que «
la socialisation scolaire est la capacité à faire le lien entre la vie ordinaire et les enseignements
». Ainsi, ces élèves qui ne sont pas dotés de cette socialisation « s’enferment dans les seuls
récits de leur vécu et de leurs sentiments personnels. » (2013, p.181-188). Zerbato-Poudou
(2001) indique notamment que si la consigne « est principalement concernée dans cette
construction du sens », elle n’est pas suffisante : en effet, elle mentionne également « le
moment d’évaluation » et le « guidage d’action » (p.1). Les trois notions sont
complémentaires pour permettre le bon déroulement des apprentissages des élèves.
Les difficultés scolaires peuvent ainsi survenir dès l’école primaire. En effet, les
niveaux sont inégaux à partir de la petite école, car les élèves ne partent pas avec les mêmes
compétences cognitives, culturelles, ne viennent pas du même environnement. Il est donc
nécessaire qu’à l’école les enseignants donnent des consignes les plus claires et complètes
possibles afin d'éviter tout flou potentiel et de mauvaises interprétations, ces écarts pouvant
devenir par la suite des inégalités sociales et scolaires.
Une idée souvent évoquée pour éviter les malentendus sociocognitifs est le recours à
l’explicitation. Néanmoins, selon Rayou et Bautier (2009, p.186), cette explicitation « ne
pouvait aujourd’hui suffire à lever tous « les malentendus » sociocognitifs et socioculturels
que l’école, dans ses pratiques, contribue à construire ». Ainsi, l’explicitation ne suffirait pas à
surmonter les malentendus sociocognitifs, il serait également nécessaire de « problématiser »
pour que l’élève identifie la nature de l’activité, mais surtout, de différencier langage scolaire
et langage du quotidien :
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« il est sans doute nécessaire que l’enseignant nomme les activités, les objets dans une langue scolaire, celle de
la généricité des notions, celle des disciplines et non celle de la vie quotidienne qui, certes dans un premier temps
facilite les échanges avec les élèves, mais produit, simultanément, des effets d’incompréhension sur le sens des
situations ou des savoirs. » (Rayou & Bautier, 2009, p.186)
Pour Muller Mirza (2014, p.165, citée sur Edutechwiki) cette situation de malentendus
sociocognitifs « démontre qu’il est nécessaire de revenir aux racines de la situation du
malentendu, c’est-à-dire, en observant comment chaque interlocuteur a construit son
interprétation. Pour cela, il faut prendre de la distance et aller au-delà de ce qui est visible,
donc de ce qui est dit ou fait. »
Ainsi, une possibilité mise en avant afin de remédier aux malentendus sociocognitifs serait de
prendre du recul sur la situation, notamment de la part de l’enseignant, et de prendre en
compte le fait que, si pour lui cette situation est évidente, cela peut ne pas être le cas pour son
élève. Muller Mirza mentionne notamment la notion d’intersubjectivité. L’intersubjectivité,
selon le site l’Internaute est le « caractère des échanges entre deux individus où chacun
s'exprime à partir de son propre point de vue »6. Notion philosophique développée par Kant et
mentionnée sur le site Wikipédia, « c'est l'idée que les hommes sont des sujets pensants
capables de prendre en considération la pensée d'autrui dans leur jugement propre »
(Wikipédia, Kant, 1790). Ainsi, les malentendus sociocognitifs seraient à l’origine un
problème de communication entre deux individus.
6
https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/intersubjectif/ (consulté le 26 février 2024)
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quel moment le malentendu s’est créé entre l’enseignant et l’élève afin de remédier à cette
situation.
II. Méthodologie.
Afin de traiter ce sujet, un plan de recherches a été établi. Tout d’abord, j’ai réalisé un
questionnaire (cf Annexe n°6, p.39-41) à destination d’enseignants du premier degré, de la
maternelle au CM2. Ce questionnaire, comportant sept questions en lien avec la consigne,
porte sur la préparation en amont de celle-ci, ainsi que son lien possible avec la réussite
scolaire. J’ai décidé de faire ce questionnaire afin d’interroger des professeurs sur leur rapport
à la consigne : la rédigent-ils en amont ? S’interrogent-ils sur la clarté de celle-ci ? Ont-ils
déjà pensé qu’une consigne mal comprise entrave les apprentissages et donc la réussite
scolaire ?
J’ai pu récolter treize témoignages en quatre mois, de la petite section au CM2. Les
participants ont répondu à toutes les questions, sauf l’un d’entre eux qui n’a pas répondu à
une question. Les questions proposées étaient des réponses libres, afin qu’ils puissent exposer
en quelques lignes leur fonctionnement et leur avis.
Parmi les 13 participants, trois enseignent en école REP.
Dans mon processus de récolte de données, j’ai également proposé un questionnaire à mes
élèves (Annexe n°5, p.38). Je n’ai pas imposé aux élèves de répondre aux questions de ce
questionnaire. Je leur ai présenté comme un moyen de me permettre de travailler sur mes
futures consignes afin de pouvoir faciliter la compréhension de celles-ci. Il est nécessaire de
rappeler que pour les élèves ce n’est pas évident de répondre à des questions portant sur de la
métacognition et des procédures, de prendre du recul sur la pratique de leur enseignant, car ils
sont habitués à répondre à des questions de type disciplinaire. De plus, je leur ai dit qu’ils
pouvaient répondre aux questions pour lesquelles ils avaient matière à répondre et qu’ils
n’étaient pas obligés de tout compléter. Ceci explique que parmi ceux qui ont répondu, tous
n’ont pas rempli l’intégralité du questionnaire.
Enfin, pour illustrer mes deux hypothèses, j’ai eu recours à deux séances de littérature
réalisées par moi-même en troisième et quatrième périodes, ainsi que les questionnaires que
j’ai distribués aux élèves pour travailler sur les chapitres du roman Derrière les volets par
Éléonore Cannone (Annexes n°1, 2, 3 et 4 p.34-37).
13
Corpus de documents Analyses Mode de récupération des
données
14
enseignants (p.39-41) plusieurs reprises à des
alternants en M2 MEEF 1er
degré, mais également à des
collègues enseignant dans le
premier degré.
Les données que j’ai pu récolter afin de répondre à mes hypothèses seront analysées dans
cette troisième partie, et pourront me permettre de les affirmer ou de les infirmer. Dans une
première partie, j’analyserai les résultats des deux questionnaires que j’ai proposés, tout en les
mettant en lien avec mes deux hypothèses. Dans une seconde partie, je répondrai à ma
première hypothèse. Enfin, dans une troisième partie, je répondrai à ma seconde et dernière
hypothèse.
Le questionnaire proposé à mes élèves portant sur leur conception de la consigne a été
complété par 14 élèves sur 24, n’étant pas obligatoire. De plus, deux de mes élèves
bénéficient du dispositif ULIS et ne sont pas en capacité de répondre à ce questionnaire écrit.
Pour la première question (« Qu’est-ce-qu’une consigne selon toi ? »), deux élèves sur 14
n’ont pas répondu à cette question. Parmi ces 12 réponses, 11 élèves définissent la consigne
comme étant une tâche à effectuer, nécessaire pour accomplir un exercice ( « pour expliquer
un exercice », « une consigne c’est une phrase ou deux qui explique ce que l’on doit faire » ou
encore « j’ai besoin de la consigne pour savoir ce qu’il faut faire dans un exercice ») ce qui
correspond à la définition donnée par Zakhartchouk (2000). La réponse d’un élève (« un ordre
pour moi ») fait écho à la définition observée dans la première partie sur les sites des
dictionnaires en ligne : en effet, l’ordre est un terme connoté négativement. Ainsi, la réponse
de cet élève laisse penser que la consigne est vue comme une contrainte, une action qu’il doit
réaliser contre son gré.
Concernant la deuxième question (« Est-ce-qu’il t’arrive de ne pas comprendre des consignes
? Tu peux donner un exemple si tu le souhaites »), trois élèves sur 14 n’ont pas répondu à
15
cette question. Les réponses à cette question sont assez mitigées : quatre élèves indiquent que
cela peut effectivement leur arriver pour différentes raisons (« Des fois oui des fois non »,
« Rarement »). L’un d’entre eux mentionne notamment l’utilisation ou non de son intelligence
(« oui car parfois c’est un peu dur ou je me sers pas trop de mon intelligence »). Nous
pouvons penser que cela veut dire que l’élève peut avoir du mal à se concentrer sur la tâche à
réaliser. L’un d’entre eux a indiqué qu’il ne savait pas pourquoi (« oui mais je ne sais pas
pourquoi ») : cela peut faire écho à l’analyse de Bautier (2013) concernant la difficulté qu’ont
les élèves à tisser des liens entre enseignement et vie réelle, menant à des malentendus
socio-cognitifs. Certains réussissent à cibler les disciplines dans lesquelles ils peuvent avoir
des difficultés à comprendre les consignes, notamment un élève en histoire (« ça m’arrive en
histoire »). Un élève souligne que grâce à la ré-explicitation, l’obstacle créé par la consigne
peut être surmonté (« oui des fois je ne comprends pas bien le sens d’une consigne mais après
quand on me réexplique je comprends »). Enfin, un élève indique « non ça ne m’arrive pas »,
disant ainsi que la compréhension de consignes ne lui pose jamais de difficultés. Ainsi, cela
peut laisser supposer que les malentendus sociocognitifs se font rares, et qu’il saisit les
implicites de l’enseignant, mais également que l’explicitation faite par l’enseignant lui permet
de comprendre ce qui est attendu.
Pour la troisième question (« Si tu ne comprends pas une consigne, est-ce que tu demandes à
ton maître ou ta maîtresse de te réexpliquer ? »), deux élèves sur 14 n’ont pas répondu à cette
question. Parmi les réponses, ce qui ressort le plus est le fait que le questionnement au maître
ou à la maîtresse n’est pas systématique (« Des fois oui pas toujours », « oui je le dis à ma
maîtresse »). Cela peut laisser penser que certains élèves ne sollicitent par leur enseignant
malgré le fait qu’ils puissent avoir besoin d’aide. Cela m’amène à formuler plusieurs
hypothèses : il peut arriver que des élèves ne demandent pas d’aide par honte de s’exposer
ainsi devant leurs camarades, pouvant avoir peur d’être moqués. Ainsi, il est nécessaire
d’avoir un bon climat de classe afin que chaque élève puisse formuler ses demandes sans
crainte d’être jugé ou de ne pas être écouté. Il peut également arriver que des élèves ne
demandent pas d’aide car ils n’ont pas envie de travailler : en ne sollicitant pas l’enseignant,
celui-ci va potentiellement se concentrer sur les élèves qui en demandent. Différentes raisons
sont évoquées par les élèves : un élève notamment mentionne le fait qu’il ne demande pas de
réexplication car cela lui suffit de relire la dite consigne (« non, je la relis plusieurs fois »).
Ainsi, pour certains élèves, la relecture en autonomie semble leur suffir pour surmonter
l’obstacle qui leur faisait face. Néanmoins, cela ne peut pas convenir à tous les élèves : en
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effet, si une aide extérieure est nécessaire, mais que l’élève ne sollicite pas l’adulte pour lui
venir en aide, alors le risque est que l’élève passe à côté de l’objectif visé par l’enseignant.
Un élève mentionne « oui pour mieux comprendre mais parfois je ne le fais pas parce que j’ai
pas envie qu’on me gronde ». Ainsi, l’un des motifs pourrait être la peur : l’élève ne se
sentirait pas suffisamment en confiance avec son enseignant pour oser demander à nouveau,
de peur de se faire réprimander. Or, un sentiment de sécurité est nécessaire pour que les élèves
puissent travailler dans de bonnes conditions et s’ouvrir aux apprentissages. Parent et
Saint-Louis (2020) indiquent en citant Diaz-Vicario et Sallan (2017) « qu’un besoin de
sécurité non comblé empêcherait un élève d’être pleinement impliqué dans son apprentissage
».
Pour la quatrième question (« est-ce-que tu trouves que c’est plus difficile de comprendre une
consigne orale plutôt qu’une consigne écrite ? »), les 14 élèves ont répondu. La moitié des
élèves (7/14) trouve qu’une consigne orale est plus difficile à comprendre qu’une consigne
écrite, et 50% pensent l’inverse.
J’essaie d’utiliser ces deux types de questions le plus souvent possible. J’ai pu remarquer que
les consignes entièrement orales nécessitent d’être répétées entre cinq et dix fois avec mes
élèves. Je demande également à un ou deux élèves de répéter la consigne avec leurs propres
mots. Souvent, il m’arrive de faire un mélange entre question orale et écrite : je vais donner la
consigne à l’oral, mais je vais donner des indications à l’écrit au tableau pour qu’ils puissent
se concentrer sur l’essentiel et ne pas être surchargés par la quantité d’informations données.
Par exemple, je leur demande de sortir leur manuel pour répondre à des questions en
littérature, et j’indique les numéros de pages et de questions attendues au tableau, cela
m’évitant ainsi de répéter trop de fois ces informations. Je ne fais pas cela en début de
séquence, car les élèves ne sont pas encore familiers du matériel utilisé. Enfin, les consignes
entièrement écrites ne le sont jamais totalement : par exemple, pour le questionnaire distribué
en littérature, nous avons lu les questions ensemble après une première lecture silencieuse, et
nous avons explicité les mots ensemble ainsi que les difficultés potentielles des questions.
Néanmoins, je n’avais pas répondu à toutes leurs questions car il était important qu’ils
conservent une part d’autonomie dans ce travail.
Ainsi, les deux types de consignes sont nécessaires, apportant pour chacune des obstacles
potentiels que les élèves doivent surmonter, avec l’aide de l’enseignant.
Pour l’ultime question, (« est-ce-que ça t’aide quand un élève réexplique la consigne après ton
maître ou ta maîtresse ? »), 13 élèves sur 14 y ont répondu.
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Pour cette question, je souhaitais savoir si, du point de vue des élèves, la ré-explicitation par
leurs camarades avait une utilité. Certains ont dit que cela ne les aidait pas (6/14) : on peut
imaginer que c'est parce qu'ils avaient déjà compris, ou alors que la ré-explicitation n'était pas
satisfaisante. Dans ce cas-là, l’étayage réalisé est utile pour d’autres élèves mais il est
important de se rendre compte si ces élèves ont compris ou non. Certains élèves sont
ambivalents (« ça dépend si j’ai compris la consigne »). Cela peut indiquer qu’ils n’ont pas
compris l’intérêt de la répétition par un camarade : il serait donc pertinent pour l’enseignant
de rappeler que si nous les interrogeons, c’est pour aider les autres élèves à comprendre
également. Pour certains élèves (3/14), comme ils l'ont souligné, cela peut les aider. Enfin, un
élève a indiqué que la ré-explicitation par un camarade l'aidait (« des fois oui car entre enfants
on se comprend »), potentiellement parce que l'emploi des mots utilisés lui permet de mieux
comprendre la tâche attendue. Dans ce cas-là, cela peut être dû à un problème de
compréhension de la langue et des implicites ou bien un problème de formulation de la
consigne.
En conclusion, ce questionnaire destiné aux élèves m’a permis d’avoir leur ressenti sur la
consigne, notion à laquelle ils sont confrontés quotidiennement. Ceci me permettra de penser
mes consignes différemment, en essayant de m’adapter à leurs besoins. De plus, les réponses
qu’ils ont apportées correspondent aux éléments de recherches mentionnés lors des deux
parties précédentes, sur le rapport à la consigne et la création potentielle de malentendus
sociocognitifs.
18
Niveau de classe Nombre de répondants ayant ce niveau de
classe.
PS 2
MS 1
GS 1
CP 2
CE1 2
CE2 3
CM1 1
CM2 1
CM1/CM2 1
La deuxième question était axée sur l’enseignement en école REP/REP + ou non. Dix
enseignants sur 13 ont indiqué travailler en école non REP, trois enseignants ont indiqué
travailler en école REP. Ainsi, une minorité d’enseignants ayant répondu au questionnaire
enseignent en école REP (Réseau d’Éducation Prioritaire).
La troisième question portait sur la définition de la consigne. 12 participants ont répondu sur
13. Je leur ai demandé de définir la consigne avec leurs propres mots.
Les réponses correspondent aux définitions mentionnées dans la première partie : certains la
qualifient de « message à destination des élèves », d’autres « d’outil ». Les participants sont
unanimes pour dire que la consigne est l’annonce du travail attendu, le contenu de ce travail
mais aussi la forme et le matériel requis pour le réaliser. Elle est d’ailleurs nécessaire selon
deux enseignants : « Elément nécessaire pour que l'élève sache ce qu'il doit faire et ce qui est
attendu » ; « C'est l'ensemble des éléments essentiels à la réalisation d'une activité. »
Néanmoins, les réponses de deux enseignants peuvent faire écho aux définitions évoquées
dans la première partie de ce mémoire, sur la consigne étant vue comme quelque chose de
négatif : « Des règles dans le cadre d’une tâche à réaliser » ; « Premier « obstacle » à passer ».
Ainsi, pour certains enseignants, la consigne peut être vue comme un obstacle potentiel
nécessaire à présenter et expliciter. Ces réponses permettent de rendre compte que peu
19
importe la situation des élèves, école REP ou non, les enseignants, d’après ce questionnaire,
prennent en compte la consigne comme élément clé pour permettre les apprentissages.
Pour la quatrième question, intitulée « Pensez-vous à inclure vos consignes dans vos
préparations de séances et de séquences ? Si c'est le cas, comment? », les participants ont été
unanimes (13/13) : 100% d’entre eux ont indiqué inclure leurs consignes dans leurs
préparations. Néanmoins, deux d’entre eux ont précisé ne pas le faire de manière systématique
: l’un des deux estime que cela n’est pas toujours pertinent « seulement s’il s’agit de notions
précises » ; l’autre souhaite que cela le devienne « J'essaye de le faire mais ce n'est pas encore
systématique. Je les inscris en italique, tel que je pense les formuler lors de la séance ».
Certains les personnalisent afin de bien les repérer (« Je les note d’une certaine couleur pour
m’y référer pendant ma séance. Toutes mes consignes sont écrites de la même couleur« ; « en
mettant en couleur/soulignant les éléments les plus importants » ; « toujours, en vert » ; « en
mettant en couleur/soulignant les éléments les plus importants. »).
Six participants (6/13) indiquent les écrire de façon à pouvoir les lire telles quelles (« je note
mot pour mot ce que je vais dire » ; « en les écrivant comme je vais les énoncer » ; « Je les
inscris en italique, tel que je pense les formuler lors de la séance. »).
L’un d’entre eux fait même une comparaison au métier d’acteur (« comme un texte à
apprendre pour un acteur. »), faisant référence au fait que les enseignants préparent leurs
cours comme un acteur apprend son texte.
De plus, un enseignant participant a également indiqué essayer de proposer des consignes
courtes et explicites (« J’essaye de faire une phrase courte avec des mots simples et directifs
pour mes élèves. »), ce qui peut faire écho aux propos de Zakhartchouk (1999) et Bautier
(2013) concernant l’importance d’être le plus concis possible afin de ne pas perdre les élèves.
Ainsi, parmi ce faible taux de représentation des enseignants en poste cette année, un petit
nombre ne prépare pas systématiquement les consignes qu’ils vont donner aux élèves. Or, une
consigne qui n’est pas préparée à l’avance peut, si elle est énoncée sur le moment, entraîner
des problèmes de compréhension suite à une formulation maladroite ou imprécise. Ces
imprécisions peuvent contribuer à la naissance de malentendus sociocognitifs et, s’ils se
répètent, à des difficultés scolaires.
La cinquième question, qui portait sur la possibilité de reformuler des consignes provenant de
sources extérieures (manuels, internet…), a également eu des réponses unanimes. Les 13
enseignants, qui ont tous répondu, ont indiqué que cela leur arrivait de reformuler des
consignes.
20
Reformuler, selon le Larousse en ligne7, est l’action de « formuler de nouveau et d'une
manière plus correcte ». Ainsi, la reformulation de consignes scolaires est dans l’objectif de
modifier ces consignes afin de permettre au plus grand nombre d’élèves de la comprendre.
Les enseignants, ici, mentionnent la différenciation : la différenciation pédagogique, selon un
article d’Éduscol éducation (2016), « consiste à mettre en œuvre un ensemble diversifié de
moyens et de procédures d’enseignement et d’apprentissage pour permettre à des élèves
d’aptitudes et de besoins différents d’atteindre par des voies différentes des objectifs
communs. ». Ainsi, la raison invoquée par ces enseignants peut être en lien avec la
différenciation pédagogique : « je la reformule pour que tous mes élèves puissent la
comprendre et arriver à faire l’exercice demandé. » ; « Oui, car selon les élèves, les consignes
de certains manuels ne sont pas forcément explicites ou la formulation n'est pas adaptée. » ; «
Oui souvent pour les adapter à mes élèves » ; « Oui pour m’adapter à mes élèves ». Cela
sous-entendrait donc que les ressources mises à disposition ne correspondent pas initialement
à certains élèves et pourraient créer de potentielles difficultés.
Une autre raison a été mise en avant par les participants à ce questionnaire : le fait que les
consignes soient incomplètes (« oui des fois car elles ne sont pas assez précises (prise en
compte du matériel, si la tâche est individuelle/en binômes etc) ».
La modification de consignes serait donc nécessaire dans un processus de différenciation,
pour que cela soit compris par le plus grand nombre d’élèves, mais aussi pour des raisons
pratiques (modalités de travail, matériel requis…).
La sixième question, intitulée « Que faites-vous lorsque des élèves ne comprennent pas une
partie ou la totalité d'une consigne ? », est également axée sur la reformulation, les 13
participants l’ayant indiqué dans leur réponse.
La reformulation est effectuée par eux-mêmes (« Je reformule une première fois. » ; « j’essaie
d’identifier la source d’incompréhension et reformule le plus possible.» ; « je la répète avec
d'autres mots » ; « Je réexplique avec d’autres mots (synonyme) et en donnant un exemple
pour illustrer mes propos »), en utilisant notamment des exemples pour illustrer leur propos.
Dix enseignants sur 13 ont également indiqué faire reformuler par un ou plusieurs élèves,
avant ou après leur propre reformulation (« La faire reformuler par un autre élève, cette
reformulation peut débloquer l'incompréhension des élèves qui ne comprennent pas. » ; « Je
demande d'abord à un élève d'expliquer ce qu'il faut faire, puis je complète, en essayant de ne
pas me répéter » ; « Si l'élève ne comprend toujours pas, je m'appuie sur l'un de ces camarades
7
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/reformuler/67517 (consulté le 26 février 2024)
21
qui semble avoir compris pour qu'il reformule avec ses propres mots. » ; « si ce n’est toujours
pas compris, je m’appuie sur un élève ayant compris qui reformulera »....). Ainsi, la
reformulation par l’élève est mise en avant comme le montrent ces réponses : cela fait écho à
la réponse de l’un de mes élèves évoquée plus tôt (« des fois oui car entre enfants on se
comprend »). En effet, les élèves peuvent formuler la consigne autrement que l’enseignant,
qui peut aider l’élève à mieux comprendre ce qui est attendu de lui. L’un des enseignants va
plus en détail en mentionnant le fait qu’il « demande à un élève d’expliciter sa stratégie ». Il
peut arriver que l’enseignant ne pense pas à toutes les éventualités possibles et que la stratégie
mentionnée par cet élève aide ainsi ceux en difficulté.
Enfin, un enseignant indique « éviter les doubles consignes » : comme évoqué auparavant
d’après Zakhartchouk (1999) et Éduscol (2016), les doubles consignes, aussi appelées
consignes complexes, qui consistent en plusieurs consignes au sein d’une même consigne,
peuvent potentiellement poser problème aux élèves. Ceux-ci peuvent oublier une partie de la
consigne, et cela peut également les rendre confus. Elles peuvent donc être un obstacle
potentiel si elles ne sont pas présentées en amont par l’enseignant.
L’ultime question, « Pensez-vous que la compréhension des consignes peut avoir un impact
sur la réussite scolaire des élèves ? Pourquoi ? », a été complétée par les 13 participants. J’ai
choisi de terminer ce questionnaire par la possibilité du lien entre consigne et réussite scolaire
des élèves, questionnement au cœur de mon sujet de mémoire. Tous les participants ont une
pensée commune : ils estiment qu’un lien existe entre consigne et réussite scolaire des élèves.
Pour eux, la consigne scolaire est une porte d’entrée dans les apprentissages. La seconde
réponse (« Un élève qui ne comprend pas une consigne peut passer à côté d'une activité qu'il
aurait su faire s'il comprenait ce qu'on attend de lui. Cela crée des inégalités entre les élèves
ayant plus de vocabulaire ou des facilités à faire des inférences et ceux qui ont des difficultés
dans ces domaines. Cela peut avoir un impact dans l'ensemble des enseignements ») reprend
la théorie apportée par Bautier et Rochex (2013). En effet, l’enseignant mentionne les
disparités entre élèves provenant de leurs antécédents culturels, familiaux, qui sont propres à
chaque élève et qui, s’ils ne sont pas pris en compte par l’enseignant, peuvent créer ces dites
inégalités suite à ces malentendus sociocognitifs. Un autre enseignant mentionne également
l’évaluation (« Pour évaluer des élèves il faut s’assurer qu’ils aient bien tous compris la
consigne et la tâche à effectuer. ») : de nombreux débats ont lieu sur l’utilité d’une évaluation
objective. Aujourd’hui, la notation à l’école primaire est faite par compétences, et non plus
par notes chiffrées, afin de permettre une évaluation différenciée.
22
Ainsi, ce questionnaire complété par des enseignants de la petite section au CM2 m’a apporté
des éléments en lien avec mes deux hypothèses évoquées plus haut. En effet, les définitions de
la consigne apportées par les enseignants correspondent à ce qui est préconisé par le
document Éduscol (2016), mais également par Zakhartchouk (2000). L’importance de la
préparation en amont de la consigne ainsi que des obstacles qu’elle pourrait créer sont
soulignés par les enseignants qui ont répondu au questionnaire, même si cela n’est pas
forcément réalisé de la même façon par tous. La reformulation et la ré-explicitation sont
particulièrement mises en avant, correspondant aux solutions proposées par Bautier (2013) et
Muller Mirza (2014). Enfin, les enseignants interrogés affirment tous qu’un lien existe entre la
consigne et la réussite scolaire, soulignant son rôle dans les apprentissages.
3.3 Une explicitation suffisante et préparée en amont de consignes permet aux élèves de
surmonter les obstacles potentiels qu’elles pourraient engendrer.
23
grammaire au même moment, et sur l’implicite. Par exemple, les élèves devaient indiquer à
qui le pronom « elle » renvoyait : les questions étaient progressives, l’une d’entre elles a pu
poser problème malgré les explicitations faites auparavant, suite à une difficulté que je n’avais
pas prise en compte : le référent du pronom était indiqué à la page précédente, et les élèves
n’ont pas pensé à revenir en arrière. Ainsi, j’aurai dû, lors de la présentation de ces questions,
dire aux élèves que les questions pouvaient parfois concerner des pages précédentes.
Les questions posées à l’oral avant les questions écrites permettaient de surmonter certaines
difficultés pour les élèves qui auraient été bloqués pour répondre aux questions écrites. C’est
pour cela que je me suis assurée au préalable qu’ils aient bien compris les évènements se
déroulant lors de ce chapitre.
Durant la septième séance, j’ai proposé un autre questionnaire écrit aux élèves (Annexe n°4,
p.37), qui, contrairement au questionnaire de la deuxième séance, était plus court. Je
souhaitais qu’ils prennent le temps de répondre aux questions. Je n’ai pas posé de question
ouverte. J’ai proposé des questions simples et une question complexe. La première question
demande l’identité d’un personnage d’après son pronom et dans un deuxième temps, demande
de citer la phrase. Quelques élèves n’avaient pas cité la phrase car ils n’avaient pas vu la
deuxième partie de la question, malgré le fait que je l’avais soulignée lors de la lecture orale
des questions en classe entière. Un élève a même justifié son absence de citation car il
estimait avoir déjà répondu à la question et qu’il n’avait pas besoin de le prouver, ce qui peut
souligner les implicites de l’école car certains élèves ne comprennent pas les attentes
implicites des enseignants.
Malgré les différentes étapes d’explicitation du questionnaire : une première lecture
silencieuse et individuelle, une deuxième lecture en classe entière par les élèves, une
explicitation des mots pouvant poser difficulté (j’interroge les élèves : « quels outils peut-on
utiliser pour comprendre le sens de ce mot ? »), ainsi qu’une demande de ré-explicitation par
les élèves de ces questions et du travail attendu, des élèves avaient encore des questions. Pour
la dernière question, si la plupart ont réécrit l’extrait demandé sans poser de question,
plusieurs élèves m’ont demandé ce qu’ils devaient faire alors que nous avions travaillé la
réécriture de la première à la troisième personne en expression écrite à plusieurs reprises
durant les jours précédents, en classe entière et en demi-groupe. Soit ils n’ont pas compris
l’intitulé de la consigne, malgré ma volonté de la rendre la plus explicite possible, soit ils
n’ont pas fait le lien avec les séances d’expression écrite faites auparavant. Cela m’a donc fait
m’interroger sur l’explicitation des objectifs de ces séances : ai-je été suffisamment
24
transparente avec les élèves sur l’objectif derrière l’activité de réécriture ? Comment
pourrais-je dissiper ce malentendu ?
Ainsi, ma première hypothèse portant sur le fait qu’une explicitation ainsi qu’une préparation
en amont étaient suffisantes pour surmonter les malentendus sociocognitifs que les consignes
proposées pourraient engendrer s’est révélée insuffisante. En effet, j’ai pu remarquer que la
préparation à la maison des chapitres que nous relisions par la suite en classe a permis de
passer des obstacles de vocabulaire pour certains élèves, mais pas pour tous. De plus, malgré
une présentation des consignes par moi-même, ainsi qu’une explicitation notamment par les
élèves, j’ai pu constater en me déplaçant dans les rangs que certains élèves ne réussissaient
pas à comprendre le sens des questions que j’avais préparé, ou encore avaient compris autre
chose que ce que j’attendais. Pourtant, une reformulation par les élèves avait été effectuée à
ma demande : il est possible que certains élèves n’aient pas écouté à ce moment-là ou bien
n’aient pas compris que la reformulation pouvait leur être utile pour leur propre travail. Cela
peut faire ainsi écho aux réponses du questionnaire que je leur ai proposé et notamment la
question sur la reformulation par leurs camarades, question à laquelle quasiment la moitié des
élèves (6/14) avait répondu qu’ils n’en comprenaient pas l’intérêt. Ainsi, et comme l’avait
souligné Bautier (2013), certains malentendus sociocognitifs peuvent persister malgré une
volonté d'explicitation. Également, il y a un risque de tomber dans la sur-explicitation : si
nous donnons trop d’indices aux élèves, alors il n’y a plus de recherche de leur part
(Zakhartchouk, 2000). J’ai donc, individuellement ou lors de la correction en classe entière,
démêlé les malentendus avec l’appui des élèves qui avaient compris ce qui était attendu,
reprenant la méthode évoquée par Muller Mirza (2014).
3.4 Il est nécessaire de faire des liens entre la vie quotidienne et les apprentissages afin de
permettre aux élèves de comprendre le travail attendu.
Pour ma seconde hypothèse, qui portait sur la nécessité de faire des liens entre la vie
quotidienne et les apprentissages afin de permettre aux élèves de comprendre le travail
attendu, je me suis appuyée sur des séquences d’enseignement que j’ai pu réaliser avec mes
élèves, et notamment une séquence en grandeurs et mesures portant sur la mesure de durées.
Alors que nous corrigions un exercice qui portait sur la conversion de durées, un élève m’a
posé la question « à quoi ça sert de faire ça ? ». Aussitôt, plusieurs élèves ont commenté son
intervention : certains élèves ont indiqué qu’il était essentiel de savoir se repérer dans le temps
(« parce qu’on n’a pas toujours de téléphone sur nous pour nous donner l’heure »). Un autre
25
élève a ajouté que connaître les équivalences de durées permettait de se repérer plus
rapidement. Ainsi, ces interventions m’ont permises de me rendre compte que je n’avais pas
assez explicité l’objectif de cet apprentissage pour les élèves. J’ai pu assister à des
questionnements similaires lors d’une séance de conversion, sur un exercice portant sur une
conversion d’argent. Cela peut faire écho à mes comptes-rendus de visite qui soulignent
l’importance d’expliciter aux élèves l’objectif de la séance et des consignes données, et qui
sont étroitement liés. Il est nécessaire de donner du sens aux apprentissages, et le lien avec le
quotidien en fait partie. Cela leur permet non seulement d’entrer dans les apprentissages, mais
également de les comprendre.
Durant un cours de mathématiques à l’INSPÉ de Paris par Mme Servat (figure 3), portant sur
l’enseignement des grandeurs et mesures à l’école, nous avons pu faire une lecture
approfondie des programmes sur ce thème. Pour l’enseignement des grandeurs et ce, quel que
soit le cycle, quatre étapes sont nécessaires. Tout d’abord, la comparaison directe : celle-ci
permet de comparer l’objet avec des supports du quotidien, permettant de faire des liens pour
faciliter les apprentissages. Bautier (2013) avait mentionnée que « la socialisation scolaire est
la capacité à faire le lien entre la vie ordinaire et les enseignements » (p.181-188) : ainsi, le
fait de faire des comparaisons directes avec des objets du quotidien est bénéfique pour les
élèves, et est préconisé par les programmes d’enseignement. La seconde étape, appelée «
comparaison indirecte », poursuit l’enseignement dans le même sens, comparant cette fois
l’objet à l’aide d’un objet intermédiaire. La comparaison se poursuit par l’utilisation d’un
étalon, en troisième étape, qui permet de mesurer une unité, pour enfin atteindre l’ultime
étape, l’utilisation d’une procédure numérique.
Figure 3. Extrait du diaporama réalisé par Mme Servat intitulé « CM Grandeurs et mesures ».
26
Ainsi, les programmes scolaires soulignent également l’importance de faire des liens entre
enseignements et quotidiens. Néanmoins, il peut arriver que certains élèves aient du mal à
passer ces différentes étapes. C’est ce que mentionnait Bautier (2013), comme évoqué plus
haut : « (les élèves) s’enferment dans les seuls récits de leur vécu et de leurs sentiments
personnels » (2013, p.181-188). C’est cette étape, qui peut être difficile à passer, qui permet
aux élèves de dépasser ces difficultés et éviter les malentendus sociocognitifs.
Enfin, j’ai pu interroger les élèves sur leur rapport à la consigne lors d’un questionnaire
distribué en classe analysé plus haut (Annexe n°5 p.38). Certaines réponses à ce questionnaire
viennent confirmer cette seconde hypothèse : en effet, lors de la dernière question, portant sur
la ré-explicitation de la consigne par un camarade, l’un d’entre a mentionné que cela pouvait
l’aider car « (...) entre enfants on se comprend ». Cette information indique donc que la
ré-explicitation avec un vocabulaire d’élève qui peut être quotidien ou contenir des références
à leur quotidien permet à l’élève de faire des liens avec celui-ci et ainsi de comprendre la
consigne, qu’il n’aurait pas comprise autrement.
De plus, le questionnaire proposé aux enseignants analysé plus haut reprend également cette
notion essentielle de lien entre la vie quotidienne et les enseignements : lors de la sixième
question (« Que faites-vous lorsque des élèves ne comprennent pas une partie ou la totalité
d'une consigne ? »), si la réponse unanime est tout d’abord la ré-explicitation, celle-ci est
illustrée par des exemples (« (...) en donnant un exemple pour illustrer mes propos »). Ces
exemples peuvent être tirés du quotidien pour permettre à l’élève de faire des liens. Enfin,
plusieurs enseignants ajoutent également s’appuyer sur des élèves ayant saisi la notion pour
l’expliciter à leurs camarades, pour les raisons évoquées plus haut : « je m'appuie sur l'un de
ces camarades qui semble avoir compris pour qu'il reformule avec ses propres mots ». Cette
notion de « reformuler avec ses propres mots » revient chez la majorité des enseignants,
véritable outil pour dépasser les difficultés qu’engendreraient les consignes.
Nous pourrions illustrer cela par le langage : en effet, la langue de l’enseignante peut être plus
facilement comprise par la traduction de l’élève qui a le même langage que son camarade.
Ainsi, cet élève qui a le rôle d’interprète, permet à l’élève en difficultés de compréhension de
passer cette barrière de la langue qui pourrait être créée involontairement par l’enseignant et
ainsi d’accéder aux apprentissages.
En conclusion, mon hypothèse portant sur la nécessité de faire des liens entre la vie
quotidienne et les apprentissages se révèle vraie : appuyée par Bautier (2013) comme
potentielle raison au développement de malentendus sociocognitifs et à l’échec scolaire, j’ai
pu me rendre compte avec mes élèves que les liens avec le quotidien pouvaient leur permettre
27
de comprendre des notions trop abstraites. Préconisée notamment par les programmes en
grandeurs et mesures du cycle 1 au cycle 3 par Éduscol (2023), cette transition entre vie
quotidienne et apprentissages peut se révéler nécessaire. Cela est également souligné par mes
élèves dans le questionnaire que j’ai pu leur proposer, mais aussi par les enseignants ayant
rempli le questionnaire sur la consigne et leur rapport à celle-ci.
Conclusion
Pour conclure, la consigne scolaire est, au-delà d’une tâche attendue par l’enseignant que
l’élève doit réaliser, une étape essentielle dans les enseignements des apprentissages au
quotidien. En effet, selon la fiche Éduscol portant sur le travail de compréhension de
consignes (2016, p.2), la consigne permet également « d’aider l’élève dans la conduite de son
apprentissage, de le guider pour le faire progresser plus rapidement, d’impliquer l’élève et de
stimuler son attention. »
Néanmoins, les malentendus sociocognitifs sont présents dans de nombreuses situations de
communication, et notamment à l’école, pouvant créer des obstacles à la compréhension de
ces consignes scolaires. En effet, les consignes peuvent être interprétées de manière différente
par l’élève que ce qui est attendu par l’enseignant qui les délivrent. Ainsi, l’élève produit
quelque chose en pensant que c’est ce qui est attendu, et peut potentiellement échouer à
acquérir les apprentissages nécessaires. Dans certaines situations, les élèves peuvent être
incapables de produire quoi que ce soit s’ils n’ont pas suffisamment d’outils pour le faire.
Ainsi, c’est à l’enseignant de produire des consignes adaptées à ses élèves, ce qui est rendu
possible car il connaît le niveau de ses élèves et les obstacles auxquels ils peuvent
possiblement faire face, qui peuvent être différents d’un individu à l’autre. L’une des solutions
possibles pour empêcher ces malentendus sociocognitifs de se créer est d’expliciter au
maximum les attendus pour réaliser ces consignes, afin de réduire l’implicite qu’elles
comportent. Cela peut notamment passer par de la différenciation pédagogique : des supports
préparés en amont pour certains élèves, afin de ne pas créer de surcharge cognitive, par
exemple. En effet, certains élèves pourraient penser que le travail attendu est la conception du
support et non du contenu. En évitant cette étape, l’un des obstacles à la compréhension peut
être évité. Ainsi, l’enseignant doit anticiper au maximum les difficultés potentielles
qu’engendreraient les consignes scolaires. Néanmoins, comme l’ont souligné Bautier et
Rochex (2013), les malentendus sociocognitifs seront toujours un risque, dû au fait que
chaque individu est différent. Nous ne pouvons penser qu’il est impossible, si une consigne
28
est explicitée par l’enseignant, qu’elle ne soit pas comprise par l’ensemble des élèves. Ces
malentendus sociocognitifs peuvent perdurer malgré une anticipation de la part des
enseignants : il est possible qu’ils n’aient pas songé à toutes les possibilités, ou encore qu’il y
ait un problème d’attention chez certains élèves, par exemple, nécessitant un étayage
particulier. Ainsi, ma première hypothèse, qui portait sur le fait que l’explicitation permettait
de surmonter les malentendus sociocognitifs, s’est révélée partiellement fausse. De plus, les
élèves ont besoin de lire plusieurs fois la consigne afin de bien comprendre ce que l’on attend
d’eux. Il peut arriver que certains élèves se précipitent et passent à côté des attendus : ainsi, il
est nécessaire de leur demander de bien lire la consigne plusieurs fois, notamment en passant
par la ré-explicitation par un autre élève. Cette ré-explicitation peut permettre de révéler des
confusions qui n’auraient pas été décelées. Bautier (2013, p.105) dégage deux raisons à ces
malentendus sociocognitifs : les consignes trop ouvertes, qui, si elles ne sont pas
suffisamment anticipées, peuvent être sources de malentendus sociocognitifs, et l’absence de
« socialisation scolaire », c’est-à-dire la capacité à faire des liens entre le quotidien et les
enseignements. Ces liens entre quotidien et enseignements constituaient ma seconde
hypothèse : comme Bautier (2013) l’indique, la capacité à faire des liens entre leur quotidien
et les enseignements à l’école permettent aux élèves de s’approprier les notions étudiées, de
les comprendre. J’indiquais qu’il est nécessaire de lier les apprentissages à l’extérieur pour
faciliter les apprentissages, mais qu’il pouvait arriver que certains élèves aient justement du
mal à faire ces liens, dûs aux malentendus sociocognitifs notamment. Ces liens avaient
également été soutenus dans le questionnaire destiné aux enseignants (cf Annexe 6 p.39-41)
ainsi que par certains de mes élèves dans le questionnaire portant sur la consigne que je leur
avais remis (cf Annexe 5 p.38). Ainsi, cette seconde hypothèse s’était révélée véridique,
soutenue également par les programmes d’enseignement (figure 3).
J’avais également envisagé une hypothèse portant sur le fait qu’une consigne ouverte peut être
plus compliquée à comprendre qu’une consigne fermée par les élèves, mais je n’ai pas pu
récolter assez de données pour pouvoir l’exploiter. A posteriori, il aurait été intéressant d'avoir
posé cette question aux enseignants afin de pouvoir analyser cette piste. Néanmoins, grâce
aux recherches observées durant la première partie de ce mémoire, notamment avec Bautier
(2013) et Zakhartchouk (2000) aux pages 6 et 9, nous pouvons nuancer cette affirmation : en
effet, les consignes ouvertes, qui laissent un certain libre-arbitre aux élèves, peuvent
potentiellement être plus difficiles que les consignes fermées, car elles ne guident pas l’élève.
Cette absence de guidage peut provoquer des malentendus sociocognitifs car l’élève peut
interpréter cette consigne différemment de ce qui est attendu, et ne pas réaliser le travail
29
demandé. C’est d’ailleurs un des facteurs majeurs de malentendus sociocognitifs selon
Bautier (2013, p.105). Cependant, comme l’a souligné Zakhartchouk (2000), ces consignes
ouvertes, comme les consignes fermées, sont nécessaires : elles participent au développement
de l’autonomie de l’élève, et le poussent à réfléchir. S’il n’y avait que des consignes fermées,
l’autonomie de l’élève en serait grandement impactée : il est nécessaire qu’il y ait un juste
équilibre entre consignes ouvertes et consignes fermées. Afin de diminuer au maximum le
risque de malentendus sociocognitifs, et comme ces consignes ouvertes doivent être
proposées aux élèves, l’enseignant doit anticiper tous les obstacles qu’amèneraient ces
consignes, et expliciter ce que l’on peut attendre, sans pour autant donner la réponse. Comme
indiqué en conclusion de la partie théorique, il est impossible d’empêcher totalement les
malentendus sociocognitifs, chaque individu ayant des compétences cognitives et des vécus
différents. Néanmoins, il est possible de les prévenir en les anticipant, et de les résoudre par la
communication entre l’enseignant et l’élève, comme l’a indiqué Muller Mirza (2014). Ainsi,
cette hypothèse est partiellement vraie, car, malgré une anticipation et une préparation par
l’enseignant nécessaires, le risque de malentendus sociocognitifs est plus élevé que pour des
consignes fermées. Il est important de souligner que le risque zéro n’existe pas, y compris
pour les consignes fermées.
30
support (manuel d’exercices, fiche d’exercices….). En effet, je pense que la compréhension et
la mémorisation de ce qui est demandé passe par la lecture, même si c’est explicité à l’oral à
plusieurs reprises, par l’enseignant et les élèves. De plus, je demande systématiquement à un
ou deux élèves de reformuler ce qui est attendu, mais je demande également au reste de la
classe s’ils sont d’accord avec les explications données : parfois, il arrive que l’élève qui
reformulé comprend autre chose que ce qui était demandé, et, cela me permet, avec l’appui
des élèves, de réexpliciter et ainsi dissiper les malentendus sociocognitifs qui auraient pu se
former. Je pense également m’appuyer plus régulièrement sur des affichages réalisés en classe
avec les élèves et accessibles ensuite s’ils ont besoin de les relire.
Enfin, le questionnaire distribué aux élèves m’a permis de recueillir leur ressenti : je pense
proposer ça régulièrement, car j’estime que cela pourrait être une bonne idée de leur
demander, à chaque période par exemple, s’ils ont pu être en difficultés dans certaines
matières par rapport à une consigne, un exercice…. Je pense qu’il est important de
constamment réfléchir aux supports utilisés, à leur pertinence, mais également à leur
explicitation, afin d’améliorer la qualité de mes enseignements, notamment grâce aux retours
des élèves. Plus largement, cela m’a permis de m’interroger sur ma communication avec
autrui et sur la nécessité d’expliciter mes pensées afin d’être comprise par autrui.
31
Références bibliographiques
Bautier, E., et Rochex, J.-Y. (1997). Apprendre : des malentendus qui font la différence. In
J.-P. Terrail (Ed.). La scolarisation de la France (pp. 105-122). Paris : La Dispute.
Bautier, É. & Rayou, P. (2013). Introduction. Des inégalités aux malentendus. Dans : , É.
32
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/malentendu/48873#:~:text=%EE%A0%
AC%20malentendu&text=Fait%20de%20se%20m%C3%A9prendre%20sur,mot%20
%3A%20Faire%20cesser%20un%20malentendu
Muller Mirza, N. (2014). La « rencontre entre les esprits », une condition pour apprendre ? In
C. Moro, N. Muller Mirza et P. Roman (Eds.), L’intersubjectivité en questions. Agrégat ou
nouveau concept fondateur pour la psychologie ? (pp. 161-183). Lausanne : Éditions
Antipodes.
33
Annexes
34
Annexe n°1 : fiche séquence de littérature portant sur le roman Derrière les volets étudié en
périodes 3 et 4.
35
Annexe n°2 : fiche de préparation de la deuxième séance de littérature portant sur le roman
Derrière les volets.
36
Annexe n°3 : questionnaire réalisé par moi-même et proposé lors de la deuxième séance de
littérature portant sur le roman Derrière les volets ainsi que la correction de ce questionnaire.
Annexe n°4 : questionnaire proposé aux élèves dans la continuité de la séquence de littérature
portant sur le roman Derrière les volets lors de la septième séance.
37
Annexe n°5 : questionnaire vierge proposé aux élèves de ma classe de CM2 afin d’avoir leur
ressenti sur la notion de consigne. Questionnaire anonyme et non-obligatoire.
38
39
40
Annexe n°6 : formulaire anonyme proposé aux enseignants et alternants comportant des
questions sur la consigne.
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Résumé
La consigne scolaire est une étape essentielle pour les apprentissages des élèves. Au-delà
d’une tâche attendue, celle-ci permet également de guider l’élève dans les apprentissages et
de progresser. Néanmoins, comme dans toute situation de communication, la compréhension
de consignes scolaires peut être soumise à des obstacles : les malentendus sociocognitifs.
Ces malentendus sociocognitifs se produisent lorsque les consignes sont interprétées
différemment par les élèves et les tâches réalisées ne sont pas ce qui était attendu par
l’enseignant. Ceci peut créer des difficultés scolaires chez certains élèves, qui passeraient à
côté des apprentissages. Certaines solutions possibles pour ces malentendus sociocognitifs
sont l’explicitation et l’anticipation. Malgré tout, les malentendus sociocognitifs peuvent
subsister et il est alors nécessaire de la part de l’enseignant de les dénouer afin de permettre à
l’élève de surmonter cet obstacle. Les expériences menées ont permis de rendre compte de
l’importance des liens entre le quotidien des élèves et les apprentissages dans la
compréhension de consignes, mais également de l’équilibre nécessaire entre consigne ouverte
et fermée pour développer les apprentissages et permettre l’autonomie des élèves.
Abstract
School instructions are a crucial step for a student's learning. They are a task, but they also
guide the student in their learning and their progression. However, the understanding of
school instructions can meet obstacles : sociocognitive misunderstandings.
These sociocognitive misunderstandings can happen when the student understands something
else than what the teacher had expected. This can create school difficulties because the
students don’t do what they have to do to learn the notion. Some possible solutions for these
sociocognitive misunderstandings are clarification and anticipation. If these sociocognitive
misunderstandings persist, the teacher has to find a way to help the students to overcome this
obstacle. The experiments highlighted the importance of the connections between student’s
lives and their learning in understanding school instructions, as well as the balance between
open instructions and guided instructions which enables student autonomy.
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